The Project Gutenberg eBook of L'Art du brodeur

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Title: L'Art du brodeur

Author: Charles Germain de Saint-Aubin

Release date: March 19, 2020 [eBook #61639]

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ART DU BRODEUR ***


Au lecteur

Table des matières

L’ART
DU
BRODEUR.


Par M. de Saint-Aubin, Dessinateur du Roi.


M. DCC. LXX.

L’ART
DU BRODEUR.

INTRODUCTION.


Ce seroit une partie d’histoire longue & curieuse, que celle des progrès & des variations du Luxe chez les différentes Nations; il suffit, je pense, pour l’objet présent, de rechercher l’origine de la Broderie: les Livres Saints & l’Histoire me la présentent plus ancienne que la Peinture, avec laquelle elle a plusieurs rapports. Il paroît que c’est en Asie, où la Broderie a pris naissance. Attalus, Roi de Pergame, fut un des premiers qui ajouta l’or aux étoffes.

La Broderie s’est long-temps appellée du nom des Phrygiens (Phrygies), apparemment parce qu’ils excelloient dans cet Art.

Les Grecs l’ont beaucoup cultivée; quelques-unes de leurs Loix somptuaires en font foi[a].

[a] Diodore de Sicile, nous dit que Zaleuque, Législateur des Locriens, ne permit la Broderie qu’aux femmes qui vouloient faire commerce de leurs charmes.

Des Grecs, la Broderie, comme les autres Arts, est passée aux Romains[b], & des Romains elle nous est parvenue.

[b] Denys d’Halicarnasse cite Tarquin l’ancien, comme le premier qui parut dans Rome vêtu d’une Robbe brodée d’or.

Cet Art a sans doute reçu de grands secours de la Sculpture pour les formes, & de la Peinture pour la dégradation des couleurs.

Chez les premiers Romains, la Broderie consistoit en des bandes d’étoffe découpée, dont on chamarroit la bordure des habits[c]; ensuite vint l’imitation de la feuille d’Acanthe, dont on forma des rinceaux; puis petit à petit on a cherché à imiter tous les objets que présentent l’Art & la Nature.

[c] Les premieres Broderies chez les Romains, n’étoient que des bandes d’étoffe, découpées & cordonnées, dont on chamarroit les habits; les plus modestes n’en mettoient qu’une bande, d’autres deux, trois, quatre, & jusqu’à sept, dont ces habits prenoient leurs noms, toujours tirés de la Langue Grecque; Molores, Dilores, Trilores, Tetralores, Pentalores, Exlores, Eptalores. Sous Constantin toutes les Robbes étoient Eptalores, c’est-à-dire à sept bandes, comme les falbalas de nos Dames.

Cet Art par sa magnificence & par son prix, fut long-temps réservé pour les Temples, les Rois & les Pontifes: on en enrichissoit la bordure des [p. 2] manteaux de Byssus, & de cette précieuse Pourpre dont il ne nous reste guere que la description.

Envain les Loix somptuaires dans différentes circonstances, en défendirent-elles l’usage; le luxe & l’industrie l’ont toujours étendue & fait reparoître sous mille formes différentes[d].

[d] En France, la Broderie succede aux fourrures sous Philippe le-Bel. Loi de 1315, qui défend la Broderie, excepté pour les Princes du Sang Royal. Henri II. permet seulement les bordures d’habits brodées en soie.

Louis XIII. & Louis XIV, ont rendu nombre d’Edits pour arrêter le luxe, & nommément la Broderie.

Définition de la Broderie.

Broder est l’art d’ajouter à la surface d’une étoffe déja fabriquée & finie, la représentation de tel objet qu’on le desire, à plat ou de relief; en or, argent ou nuances.

Il n’est guere de Nations qui ne brodent avec les différentes matieres que produit leur climat.

Les Chinois[e] patients & laborieux, brodent en soie plate, soie torse, & l’écorce d’arbre filée, d’une régularité qui n’a point d’égale; les différents sens dont ils conduisent leur soie, l’extrême propreté & le soin avec lequel ils travaillent, conservent tout le luisant & la fraîcheur de leurs nuances. Ils liserent souvent leur Broderie d’un papier doré & filé sur soie, qu’eux seuls savent faire. Il n’y a point de pays où l’on travaille si proprement, si abondamment, ni à si bon marché. Je ne sais si l’on peut placer au rang de leur Broderie des bouquets, vases & figures de cordonnets, artistement collés près les uns des autres, en toutes nuances sur du papier très-fin; mais j’ai l’expérience qu’on en peut tirer un bon parti, en rabattant ou attachant ces sujets sur étoffe avec une soie très-fine, après avoir arraché le superflu du papier. Ces fleurs, dont les nuances sont très-vives, sont sur-tout propres à orner des Ecrans, Tapisseries ou petits meubles; en Robes, les cordonnets sont sujets à se décoller au brouillard & à tout air humide.

[e] Voyez le Pere du Halde.

Les Chinois nous envoient encore des fleurs de mousseline en relief, gaudronnées au fer, très-bien colorées, qu’on emploie avec le même succès que les fleurs d’Italie pour les Jupes de Cour.

Les Indiens excellent à broder avec le coton filé, sur mousseline; ils emploient sur gaze, des joncs, cuirasses d’insectes, ongles & griffes d’animaux, des noyaux & fruits secs, & sur-tout des plumes d’oiseaux: ils entremêlent les couleurs sans harmonie comme sans goût; ce n’est qu’une espece de mosaïque bizarre, qui n’annonce aucune intention, & ne représente aucun objet.

Quelques femmes du Canada brodent avec leurs cheveux & autres poils d’animaux; elles représentent assez bien les ramifications des Agates herborisées [p. 3] & de plusieurs plantes: elles insinuent dans leurs ouvrages des peaux de Serpents coupées par lanieres, des morceaux de fourrure patiemment raccordés. Si leur Broderie n’est pas si éclatante que celle des Chinois, elle n’est pas moins industrieuse.

Les filles Negres du Sénégal, avant de se marier, se font broder la peau de différentes figures de fleurs & d’animaux de toutes couleurs[f].

[f] Voyez Bomarre, article Pierre à fard, & M. de Buffon, Tome 5, page 131.

Les Georgiennes & les femmes Turques, réussissent merveilleusement à broder sur la gaze la plus légere, sur le crêpe & sur les étoffes les plus déliées: elles emploient l’or filé avec une délicatesse presque inconcevable; elles représentent les objets les plus mignons sur maroquin, sans altérer les formes ni écorcher l’or le plus fin, par un procédé qui nous est absolument inconnu. Elles ornent quelquefois leurs Broderies de pieces de monnoies des différentes Nations, & les Voyageurs instruits ont souvent trouvé dans leurs vieilles nippes, des médailles précieuses & intéressantes[g].

[g] Voyez le Dictionnaire du Commerce, art. Compagnie de Gênes.

Les Saxonnes imitent assez bien les dessins des plus belles dentelles; leur Broderie en fil plat sur mousseline, est la plus délicate & la plus correcte que nous connoissions dans ce genre.

Les Broderies de Venise & de Milan, ont long-temps été célebres par leur nuance & leur propreté; leur excessive cherté en a plusieurs fois fait défendre l’usage[h].

[h] Voyez le Commissaire Lamarre, au Traité de la Police.

Les Allemands (& sur-tout à Vienne) sont à présent les seuls qui le disputent à la France, pour la légéreté & l’intelligence du coloris.

Depuis environ deux ans, les Fabriquants d’étoffes de Lyon, enrichissent leurs belles nuances de compartiments de paillettes & paillons, qu’ils font broder dans leurs Fabriques; ils marient avec beaucoup d’intelligence les chefs-d’œuvres de la navette à ceux de l’aiguille: ils viennent de faire des étoffes à six cens francs l’aune pour habits d’homme; & l’on n’est plus effrayé de ce prix excessif.

Presque toutes les matieres peuvent être employées en Broderie; l’or, les fourrures, les perles, le burgos, la marcassite taillée, les pierres précieuses, le diamant même: l’industrie & la vanité des hommes met toute la Nature à contribution; mais ces choses, toutes précieuses qu’elles sont, n’ont d’agrément qu’autant qu’elles sont bien mises en place: distribuées avec goût, leur effet augmente: de la cadence dans les formes, de justes oppositions du grand au petit, du fort au foible, du doux au coloré, sur-tout des vuides & des repos; en un mot une imitation choisie de la Nature, & les principes généraux à tous les Arts.

[p. 4] Je ne serois pas Dessinateur, que je soutiendrois (& il ne me seroit pas difficile de le prouver), que le Dessin est la base & le fondement de la Broderie. Il détermine les formes & la belle distribution; il donne de l’harmonie, regle les proportions, ajoute un nouveau mérite à l’ouvrage, par l’économie des différentes matieres, & l’opposition ou le mélange des différents procédés.

Il faut donc que le Dessinateur joigne à son talent, la connoissance des détails & des difficultés de la Broderie, pour se conformer aux possibilités de l’exécution; comme il seroit à desirer que les Ouvriers eussent au moins les premiers éléments du Dessin, pour ne pas corrompre les formes & les emmanchements, ainsi qu’il arrive trop fréquemment. Je le répete, le Dessin est l’ame de la Broderie, & c’est par le Dessin que péchent les ouvrages de la plupart des Nations dont je viens de parler.

Nous autres François, qui portons l’attention la plus réfléchie sur ce qui a quelque rapport au luxe, il est étonnant le parti que nous tirons des découvertes faites par les autres Nations, en les variant, les améliorant & les adaptant de la maniere la plus agréable à de nouveaux usages: il suffit pour s’en convaincre, de voir les chefs-d’œuvres que renferme le Garde-meuble du Roi, & le concours des Etrangers pour avoir de nos Broderies, séduits apparemment par la nouveauté des matieres, la variété des dessins & la beauté de l’exécution; ils préferent dans les occasions de magnificence, nos productions à l’éclat ou la délicatesse des leurs.

Etat des Brodeurs à Paris.

Le Corps des Brodeurs, qui n’étoit d’abord qu’une Confrairie sous l’invocation de Saint-Clair, fut réuni en Communauté en l’an 1272, par Etienne Boileau, Prévôt de Paris, sous les noms de Brodeurs, Découpeurs, Egratigneurs, Chasubliers. Leurs Statuts ont varié suivant les modes & les circonstances; les derniers sont de l’an 1719. Une particularité de ces Statuts est, qu’il n’est permis aux Brodeurs de se faire aider que par des fils ou filles de Maîtres. Cette regle imaginée pour qu’ils fussent tous employés de préférence, n’empêche plus qu’on ne se serve très-souvent d’ouvriers sans qualités, ou de ceux qui logent dans les lieux privilégiés; alors les Entrepreneurs sont obligés d’aller eux-mêmes retirer leur ouvrage quand il est fini, autrement les Jurés pourroient le saisir en route. Il est encore défendu d’employer dans un même morceau de Broderie, partie d’or ou d’argent fin, & partie d’or ou d’argent faux, il faut tout un ou tout autre. Plusieurs autres bons Réglements n’empêchent pas que de temps en temps il ne se glisse quelque fraude qu’on n’a pas su prévoir.

Il y a en outre huit Priviléges de Brodeurs, indépendants de la Communauté, & seulement du ressort de la Prévôté de l’Hôtel, avec titre de Brodeurs du Roi suivant la Cour; plus, deux Brodeurs du Roi, en charges particulieres, [p. 5] pour les Ouvrages de la Couronne. Ces Brodeurs du Roi ont droit, quand leurs entreprises sont très-pressées, de faire enlever par des Hoquetons les Ouvriers qui leur conviennent chez les Maîtres.

Préparation pour Broder.

Quand un Brodeur est appellé pour broder un meuble quelconque, il se fait donner les mesures ou patrons de ce qu’on projette, par l’Architecte, le Tapissier, le Sellier, &c; il fait faire ses dessins au simple trait ou coloriés, suivant les cas. Quand ces dessins ont été agréés, il les calque[i] au papier huilé[j], double ce papier d’un autre qu’on nomme grand-raisin, & les fait piquer ensemble. Si c’est un habit d’homme qu’il ait à broder, après avoir fait choisir à celui qui l’emploie, un bout de dessin coloré, qu’on appelle Bord, il fait faire la taille, la fait piquer en plein ou par retraites. Quand le dessin est tout piqué, même les lignes qui tracent les largeurs ou contours extérieurs des patrons, on le pose sur l’étoffe qu’on veut broder, en observant de bien faire rencontrer l’un sur l’autre les angles du dessin & ceux de l’étoffe; puis avec une poncette, on frotte toute la surface du dessin aux endroits où il est piqué, sans lui donner de secousses, pour que la plus fine poussiere en passant au travers des trous piqués, trace le dessin sur l’étoffe. Il faut observer de bien fixer le dessin avant de poncer, avec plusieurs épingles ou des poids un peu lourds, pour l’empêcher de vaciller, autrement les objets pourroient être poncés doubles; il faudroit les effacer en brossant légérement avec une vergette, ou battre par l’envers avec une baguette, au risque de ternir l’étoffe.

[i] Voyez à la fin le Vocabulaire, pour ce mot & pour tous les autres qui sont propres à cet Art.

[j] Espece de papier de Serpente préparé.

Quand le dessin est suffisamment poncé, on enleve bien légérement le papier, pour recommencer la même opération sur d’autres morceaux d’étoffe si le cas l’exige; puis avec une plume de dinde ou de corbeau, ou même un pinceau trempé dans de l’encre, du bleu d’Inde, ou du blanc de céruse préparé, on repasse sur tous les traits de la ponçure le plus exactement qu’il est possible; il faut que tous les traits soient bien lisibles sans être gros: la correction de l’ouvrage dépend en partie de cette opération. Il faut bien prendre garde de ne rien oublier: la ponçure fait souvent illusion; si elle étoit un peu brouillée ou trop chargée de charbon, il faudroit souffler légérement dessus à mesure qu’on dessine, pour en chasser le superflu: ce procédé s’appelle ordonner. Quand le morceau d’étoffe est entiérement ordonné, il faut le brosser, ou passer dessus une mie de pain rassis bien émiettée, pour emporter le reste de la ponçure qui terniroit l’étoffe ou les soies en travaillant.

Si l’étoffe est d’or en lame, de quelques couleurs qui fatiguent trop la vue, ou bariolée de nuances brunes & claires, on pourra poncer & ordonner le [p. 6] dessin sur du papier serpente verd, qu’on fixera sur l’étoffe par de petits points de soie perdus dans les fleurs; quand on travaille, ces points se trouvent cachés & recouverts par la Broderie: ce qui reste de papier sans ouvrage se trouve à peu-près découpé par le coup d’aiguille, & s’enleve facilement. Ce procédé garantit les étoffes délicates de la chaleur des mains & de la poussiere qui vole dans l’attelier.

On peut encore, quand ce sont des étoffes riches en lames, & par conséquent difficiles à recevoir l’encre, les poncer & les dessiner par l’envers, en faisant le trait plus nourri; il perce assez au travers de l’étoffe pour conduire le Brodeur, & l’on évite les éclaboussures qui arrivent trop souvent quand il faut gratter la lame de l’étoffe pour la dessiner.

Il est assez d’usage d’ordonner les fonds clairs en encre ou en bleu; cependant lorsqu’on veut broder en blanc sur blanc, sur-tout sur satin, il est bien plus propre d’ordonner en blanc, on y voit assez, & quelques traits qui restent autour des fleurs quand elles sont brodées, n’apportent aucun dommage à l’ouvrage.

Il y a des morceaux qu’il est indifférent d’ordonner sur la table avant de les tendre, comme Robes de femme, Tapis, & en général toute étoffe qui reste quarrée; mais les choses contournées, comme Housses, (voyez Pl. 7, fig. 2,) Habits d’homme, Ornements d’Eglise, &c, il est plus sûr de les tendre sur le métier après en avoir pris la taille & avant de les ordonner. Pour dessiner les gazes, canevas, marly & autres étoffes claires, il suffit de les poser sur le dessin sans le piquer; les traits paroissent au travers, & l’on peut facilement les tracer à la plume ou au pinceau.

Avant de tendre l’étoffe, il est utile d’en border les parties qui n’ont point de lisiere, avec un bon ruban de fil bien cousu, ce qui s’appelle galonner; ce ruban ou galon sert à résister à l’effort des ficelles qui doivent bander l’étoffe. Quelques Brodeurs se contentent d’un point noué d’un pouce d’ouverture en bonne ficelle, ce qui s’appelle trelisser; d’autres enfin ne mettent rien quand ils ont assez de marge pour placer leurs ficelles sans risquer d’endommager l’étoffe, ou qu’elle rompe en bandant le métier.

Tente du Métier.

Ce n’est pas une chose à négliger que la tente d’un Métier; il faut ou une grande habitude ou une grande attention pour conserver quarrément l’étoffe dans son droit fil; les Maîtres laissent trop souvent cette besogne à leurs Apprentifs; leur peu de soin ou leur mal-adresse en cousant l’étoffe à la coutisse trop lâche ou trop serrée, ou les deux côtés inégaux, dégauchit l’étoffe ou l’alonge inégalement, ce qui ne se peut guere réparer quand la Broderie est faite, qu’en lui donnant une estrapade qui la gâte & la corrompt.

[p. 7] Pour bien tendre un Métier, il faut premiérement poser les deux Ensubles, Pl. 1, fig. 1, bien parallélement d’un bout sur la Chanlatte, Pl. 2, d d, & de l’autre bout sur un Tréteau a, même Planche, en observant que les clous qui attachent la sangle à l’ensuble, soient tournés vers celui qui va coudre à l’ensuble qui est la plus près de lui, & cependant en regard avec l’autre ensuble, de façon que la sangle recouvre les clous & garantisse l’étoffe, si l’on a besoin de la rouler autour de l’ensuble après qu’elle aura été cousue. (Les Brodeurs roulent toujours l’ensuble en dessus de l’étoffe, & les Tapissiers au contraire). Ensuite on attache avec deux épingles les deux extrémités d’une même lisiere de l’étoffe qu’on veut tendre, aux deux extrémités de la sangle ou coutisse d’une ensuble; puis on coud avec de gros fil en deux bien ciré, la sangle & l’étoffe, en menant l’étoffe ferme de la main qui ne coud pas: il faut arrêter sa couture aux deux extrémités par trois ou quatre points bien lâches; ils romproient en bandant le Métier, s’ils ne l’étoient pas. Quand la premiere longueur sera cousue & les épingles ôtées, il faut arrêter de même les deux extrémités de la seconde lisiere aux deux extrémités de la sangle de la seconde ensuble, & commencer à coudre par le bout pareil à celui par où l’on a commencé; c’est là l’instant de bien faire attention que les mortaises des deux ensubles étant bien paralleles, le droit fil de l’étoffe soit bien vis-à-vis l’un de l’autre, & à une distance bien égale de la mortaise.

Ensuite, si l’étoffe a plus de largeur que la double étendue des bras de celles qui doivent broder, & qu’elle soit dessinée, on la roule de part & d’autre autour des ensubles, jusqu’à ce qu’il ne reste entr’elles que la double étendue de la main bien écartée, ce qui se nomme empan. Il faut mettre entre les roules de l’étoffe, du papier fin, des linges élimés ou du coton; c’est même ce qui convient le mieux si le fond est de velours, ou s’il y a de la Broderie de faite; car il arrive de rouler & dérouler plusieurs fois le métier dans le cours de l’ouvrage, soit pour en parcourir l’étendue, soit pour le serrer quand on en suspend la fin, soit enfin pour en montrer l’effet aux personnes qui ont commandé l’ouvrage, ou y ajouter quelques ornements. On insinue ensuite une latte, fig. 4, Pl. 1, dans chaque mortaise parallele, qu’on éloigne d’abord l’une de l’autre le plus qu’il est possible, & qu’on fixe ainsi éloignées, avec quatre clous, fig. 14, Pl. 1, que l’on fiche dans les trous de la latte les plus voisins de l’ensuble; on peut même s’aider, pour bander l’étoffe, du secours des clous à tendre, fig. 13, mais modérément; ensuite on enfile dans une très-grosse aiguille une pelotte de ficelle, dont on fait passer un bout deux fois de suite à un pouce de distance dans le galon ou le trelissage qui borde l’étoffe vis-à-vis des lattes e e, fig. 11. On amene ensuite cette ficelle embrasser la latte; on retourne faire deux points pareils, embrasser la latte, & ainsi de même jusqu’à ce qu’on ait parcouru toute la largeur de l’étoffe; on arrête ensuite le bout de ficelle qu’on coupe (pour le séparer de la pelotte) dans un trou de la latte, voisin [p. 8] du clou c ou d, fig. 11, Pl. 1; puis on reprend l’une après l’autre chaque boucle de ficelle qui embrasse la latte, en tirant à soi d’une main, & soulageant l’étoffe de l’autre, ce qui doit raccourcir chaque boucle, bander l’étoffe & la ficelle. (Il ne faut pas serrer ce premier côté aussi fort qu’on le pourroit). On arrête le dernier bout de ficelle dans un trou de la latte, voisin de l’ensuble; cette maniere d’arrêter doit se faire sans nœuds ni autour des clous, mais en embrassant la partie extérieure de la latte avec la ficelle, après l’avoir fichée dans un trou, puis tortillant cinq ou six fois le bout de ficelle autour du brin qui est bandé, & ramenant le bout lâche à soi, comme c ou d, fig. 11, Pl. 1.

On va faire exactement la même opération à l’autre latte; on peut, cette fois-là, bander les ficelles tant qu’on veut; ensuite avec les clous à tendre qu’on fiche successivement dans les trous les plus voisins de la mortaise, en amenant vers soi la tête de chaque grand clou, & en appuyant la partie inférieure contre l’ensuble; on parvient, par un effort de levier, à bander l’étoffe sur sa largeur à peu-près comme un tambour; il faut proportionner l’effort à la délicatesse de l’étoffe. Des gens mal-adroits ont quelquefois crevé leur étoffe en voulant trop la tendre. Quand on la juge assez tendue, on substitue un petit clou à l’un des grands; on maintient de l’autre la résistance de l’ensuble; le petit clou en place, on en va faire autant à l’autre bout, & le Métier est tendu. Il faut bien se garder de s’aider du genouil pour pousser la latte en bandant le Métier, comme il est représenté dans la Vignette, fig. 1, Pl. 2, on s’expose à s’estropier, si le clou à tendre vient à s’échapper de la latte, ce qui est plusieurs fois arrivé aux Brodeurs: la routine l’emporte souvent sur le danger.

Quand les ensubles sont fort longues ou trop minces, & que l’on tend beaucoup l’étoffe, elles se cambrent en dedans & rendent l’étoffe lâche par le milieu; on la retend par le secours d’un garrot à vis ou à levier, qui redresse & contient les ensubles. Voyez Pl. 1, fig. 8, 9 & 11.

Quand l’étoffe est échancrée ou contournée, ou qu’elle est molle, comme draps légers, étoffes tricotées, &c, il faut d’abord tendre le Métier en toile cholette, serpilliere ou canevas, bien quarrément & peu bandée, puis appliquer l’étoffe bien étalée & fixée d’abord avec plusieurs épingles, puis cousue à petits points dans tout son pourtour; ensuite on retourne le métier pour couper par l’envers & remployer vers les bords tout ce qui se pourroit trouver sous la Broderie. On voit bien que cette toile ou canevas ne sert qu’à remplir les échancrures & conserver le Métier quarré & bien également tendu. Quand l’étoffe est foible ou point transparente, on peut laisser la toile tout en plein, cela soutient le point du Brodeur, & donne plus de consistance à l’ouvrage.

Il faut couvrir toute l’étoffe, même l’envers de ce qui est roulé autour de l’ensuble, avec des papiers, des linges ou de la serge, excepté la place où chaque Ouvriere travaille, encore faut-il qu’elle ait sous sa main un petit papier mobile, pour garantir l’étoffe du contact de la main. Plusieurs personnes peuvent [p. 9] travailler ensemble au même Métier, à proportion qu’il est plus ou moins long, toutes les gaucheres du côté d’un ensuble, la main gauche dessus & l’autre dessous, & toutes les droitieres de l’autre côté, la main droite dessus & l’autre dessous, pour avoir les unes & les autres le jour en dedans la main; plusieurs Ouvriers ne peuvent pas changer la situation de leur main en changeant de côté, & cela est fort incommode. Dans les cas pressés, il se place des Ouvriers le long de la latte, en mettant un tréteau sous chaque ensuble. Si l’on a oublié quelques bagatelles dans le milieu du Métier, ou que ce soit de la dorure dure & embarrassante, un Ouvrier se tient à terre sous le Métier, pour tirer & pousser l’aiguille à son camarade qui travaille en dessus.

Il faut que les chaises des Ouvriers soient proportionnées à leur grandeur; les Ouvrieres ne se fournissent que d’aiguilles, dés & ciseaux. Les Entrepreneurs fournissent les broches c, bobines d, pâtés e, talignons h, Pl. 1, le feu & l’eau, & toutes les matieres qu’ils veulent qu’on emploie. C’est un des métiers où les femmes gagnent les meilleures journées: on leur donne ordinairement vingt-cinq sols par jour, ou quatre francs pour l’emploi d’une once de passé; cela augmente à proportion qu’il y a plus abondamment d’ouvrage ou que les matieres sont plus fines ou plus délicates. Les hommes sont payés davantage, à proportion de leur talent ou de leur habileté. La journée doit commencer à six heures du matin & finir à huit heures du soir; la veillée par-delà, se paye double.

Distribution des Etoffes.

Si ce qu’on veut broder est en dorure, le Maître distribue aux Ouvriers plusieurs broches s, s, Pl. 1, chargées, les unes de ligneul, d’autres de fil de Bretagne, d’or, de cordon, de trait, &c; il leur donne encore du fil de Bretagne blanc ou jaune, en écheveaux coupés par un bout & nattés; une pelote de cire ou de la bougie, des pâtés, un bouriquet g, Pl. 1, des morceaux de feutre ou de serge d’Aumale: tout cela trotte sur le métier pour le service des Ouvriers.

Si la Broderie doit se faire en passé, le Maître distribue ou des bobines chargées d’or à passer, ou de cordon, ou plus communément en torches r, Pl. 1. Le Maître ploie chaque once d’or en un écheveau de la longueur que doit avoir chaque aiguillée; il donne un coup de ciseau à chaque bout de cet écheveau, puis effile avec les doigts la lame d’or qui recouvre la soie, de la longueur de deux pouces à chaque extrémité des aiguillées; il casse cette effilure & la met au déchet, ce qui donne nécessairement un gros de déchet par once. La partie de l’aiguillée qui reste en soie découverte d’or, sert d’un bout à être enfilée & arrêtée vers la tête de l’aiguille, & de l’autre bout à faire le nœud ou les points perdus dans l’étoffe en commençant à travailler. Si dans le cours de l’aiguillée, elle s’écorche en passant au travers de l’étoffe, il faut défiler son aiguille, couper la partie écorchée, la mettre au bouriquet, & renfiler le bout d’or qui [p. 10] reste, pour achever de l’employer. Le Maître enveloppe ensuite chaque écheveau dans un papier ou parchemin roulé, qu’on nomme torche, voyez fig. r, Pl. 1, plus court que les aiguillées, afin qu’on puisse les tirer à mesure qu’on en a besoin.

Si l’on doit broder en soie ou laine, le Maître délivre aux Ouvriers les soies convenables devidées sur des bobines; assez ordinairement ces bobines sont enfilées en chapelet, comme fig. x, Pl. 1.

Si le Maître donne à travailler en ville, il doit peser toutes les étoffes & les matieres qu’il donne à employer, en charger bien exactement un petit livre que chaque Ouvrier rapportera toutes les fois qu’il viendra chercher des différentes matieres & quand il rendra son morceau fini, pour servir de contrôle à sa fidélité. Toutes ces précautions ne font de la peine qu’aux coquins.

Des différentes manieres de Broder.

On brode en ronde-bosse, en bas-relief, en or nué, en passé, en passé-épargné, en guipure, en Broderie de rapport, en couchure, en gaufrure, en satiné, en paillettes, en taillure, en jais, en soie, en chenille, en laine, en tapisserie, en chaînette, en Broderie de Marseille, en nœuds & en blanc. Nous allons expliquer séparément toutes ces différentes manieres de broder, dont plusieurs se trouvent souvent réunies dans un même morceau d’ouvrage.

Comment on Brode en ronde-bosse.

On brode des figures & animaux de ronde-bosse, grandes comme nature; c’est un ouvrage fort rare & de la plus grande magnificence, qui demande beaucoup d’intelligence & de talent. Pour réussir, il faut d’abord faire modeler le sujet par un habile Sculpteur, puis le copier par parties détachées avec des morceaux de drap blanc, neufs, appliqués les uns sur les autres suivant les différentes saillies du modele; ce drap qui a dû être d’abord bien imbibé d’eau pour lui donner plus de souplesse à être modelé, prendra à l’aide de l’ébauchoir ou menne-lourd, (voyez fig. ff, Pl. 1,) & de plusieurs points de soie, toutes les formes qu’on voudra lui donner. On recouvre ensuite toutes les superficies de morceaux de cartes à jouer, bien imbibés de colle claire; il faut que chaque muscle ou chaque pli soit un peu outré; les fils d’or qui doivent recouvrir, engorgent toujours un peu les formes. On recouvre ensuite chaque partie, de morceaux de taffetas blanc ou jaune bien collés & bien étalés dans tous les creux & les recoins de chaque piece: quand tout est bien sec, on dessine sur ce taffetas le détail des parties & le sens de les coucher; puis avec de la soie bien cirée, on coud les fils d’or ou de trait les uns bien près des autres, en suivant le sens des muscles ou des draperies, & donnant aux points de soie une marche [p. 11] réguliere & alterne dans leur rencontre: chaque point de soie qu’on serre beaucoup en travaillant, se trouve caché par les fils d’or qui les avoisinent, & donnent à l’or la forme d’un travail d’osier. Cet ouvrage s’appelle du relief satiné.

Quelquefois, au lieu de faire l’enlevure en drap, on modele en carton les parties de l’objet qu’on veut exécuter; on applique ces parties sur de petits métiers tendus de toile forte; on couvre les superficies de ce carton avec des morceaux de taffetas collés; on coupe la toile sous le creux de chaque morceau qu’on veut broder; puis quand tout est bien sec, on coud les fils d’or de la même maniere que nous l’avons indiqué plus haut. Quand chaque partie est dorée & liserée, s’il en est besoin, le Brodeur colle l’envers de son ouvrage avec de la gomme pour en arrêter les points de soie. Quand ces morceaux sont bien secs, il en découpe les bords & les rejoint les uns aux autres suivant son modele, avec des points de soie perdus, ou des fils d’or couchés de façon qu’ils cachent les raccords: il doit préférer de se raccorder dans les endroits où les parties se croisent ou se recouvrent. On conçoit aisément qu’une tête, un bras, un fruit, ne peuvent se broder qu’en deux parties au moins, & souvent en cinq ou six. S’il y a dans le sujet quelques parties saillantes & qui doivent badiner, comme plumes de casques, branches de fleurs, graines ou pistils, le Brodeur les fait en lame, frisure ou paillettes, & les soutient par des fils de fer cachés dans l’intérieur de chaque piece. On ne peut donner que les moyens généraux pour les différents cas; c’est à l’Ouvrier industrieux à chercher les méthodes les plus sûres & les plus agréables, suivant que son dessin & les circonstances l’exigent. Les Caryatides de quinze pieds de haut qui sont à Versailles dans l’appartement du Roi, & les ornements qui couronnent son Trône, sont des modeles & des chef-d’œuvres au-dessus des détails que j’en pourrois faire.

De la Broderie en bas-relief.

Pour broder en bas-relief des tableaux, rinceaux d’ornement, mascarons, fruits ou fleurs, comme le caparaçon ou la housse de la Planche 7, le Brodeur, après avoir dessiné sur un petit métier les différentes parties de son objet, détachées les unes des autres comme Planche 2, commence par exprimer les plus grandes saillies, fig. 3, 3, 3, Pl. 2, avec de gros fils écrus & cirés, qu’il conduit avec une broche, & qu’il coud les uns sur les autres à plusieurs reprises, suivant le plus ou le moins de relief qu’il veut donner à ses fleurs; ensuite il recouvre ces premiers ligneuls en sens contraire, d’une surface de fils de Bretagne bien cirés & passés à l’aiguille ou couchés à points de soie. Voyez fig. 4, 4, 4, Pl. 2. Il assujétit à mesure qu’il travaille, ses fils & les modeles avec le menne-lourd, pour exprimer toutes les feintes, revers, nervures & ondulations. Quand chaque objet a toutes ses rondeurs & formes différentes bien [p. 12] sensibles & même un peu outrées, (ce qui est l’ouvrage des plus intelligents Ouvriers, & souvent d’après un modele en cire ou en plâtre), les Brodeuses couvrent le tout en sens contraire aux derniers fils, avec de l’or en broche cousu à petits points alternes, d’une soie bien cirée, (voyez Pl. 2, fig. 5, 5, 5, 5,) les points se trouvent perdus dans les fils, on ne voit plus que l’or faisant l’osier. On casse beaucoup d’aiguilles dans cette opération, à cause de la fréquente rencontre des fils qui font l’enlevure & de leur dureté. Les graines 6, nervures de feuilles 6, & revers 6, se font assez communément de clinquant guipé, ou d’or trait, pour varier les effets. Si quelque objet qui a de l’épaisseur, se termine en vive arête par le bord, on cache l’épaisseur des fils par un cordonnet de soie cousu, qu’on appelle faveur ou vernis; puis on lisere avec la milanese ou le cordon cousu dans le retors, pour exprimer plus purement les formes que les différents travaux avoient confondus, fig. 7, 7, 7, 7. Il faut bien se garder de liserer tout ce qui fait horison, comme dos de revers, horisons de fruits, rondeur de plis d’étoffe, &c; c’est une faute très-commune aux Ouvriers qui manquent de goût. La lisiere doit être faite par les meilleurs Ouvriers. Quand plusieurs objets se jouent, ou doivent dominer les uns sur les autres, on les rend plus sensibles en les brodant d’abord séparément comme fig. 7, 7, 7, 7; on les rapporte ensuite les uns sur les autres, comme fig. 8, 8, 8, 8; & chaque bout de cordon o, fig. 7, qui a liseré ces parties, & qu’on a laissé trop long en apparence, on le passe au travers de l’étoffe en raccordant; quelques points perdus & cachés suffisent pour fixer ces différents fleurons: on peut augmenter le relief des grandes parties, en cousant à la place qu’elles doivent occuper, un ou plusieurs morceaux de chapeau plus étroits que la Broderie, qui doit les recouvrir: c’est ce qu’on appelle emboutir. Voyez fig. 2, b e.

Quand on a exécuté les différents sujets d’un grand morceau, composés chacun de plusieurs petites parties, on les découpe, on les rapporte sur leur vrai fond, suivant que le dessin qu’on y a tracé l’exige, comme le Caparaçon de la Planche 7. Les queues & choses mignones, se brodent sur le fond même: on le nétoie, on le met en taille, on le colle, & l’ouvrage est fini.

De la Broderie en Or nué.

Pour faire un tableau en or nué, comme Pl. 3, fig. 1, il faut d’abord que le sujet soit dessiné de traits un peu gros, & par une main habile, sur un taffetas doublé d’une toile un peu forte. Le Brodeur commence par couvrir toute la surface de son tableau avec des brins de gros or lancés & arrêtés seulement aux deux extrémités, comme B, fig. 1: quelques Brodeurs estiment qu’il vaut mieux faire les carnations de rapport, & par conséquent éviter de lancer l’or sous ces parties; mais la premiere méthode est plus générale & plus magnifique. Les brins d’or se touchent, & l’Ouvrier n’apperçoit les contours qu’à chaque [p. 13] fois qu’il fiche son aiguille pour recouvrir l’or en embrassant deux brins à la fois, suivant les nuances d’un modele peint qu’il doit avoir devant lui; les points de soie se touchent de tous les côtés dans les endroits sombres, & cachent absolument l’or. Pour les demi-teintes, on laisse voir l’or de l’épaisseur d’une soie entre chaque point, & ainsi en dégradant les nuances, & laissant appercevoir plus d’or à proportion qu’on veut augmenter les lumieres, jusqu’à ce qu’enfin l’or ne soit plus arrêté que de loin en loin par des soies très-fines & très-claires, comme c, fig. 1. Les carnations se font toutes en soie plate du sens contraire à l’or, à points satinés très-fins, comme D, fig. 1, ce qui s’appelle point de bouture. Les cheveux & la barbe se brodent en tournant, aussi à points fendus du sens que les boucles ou les ondulations l’indiquent. Il n’y a point d’ouvrage où il faille un assortiment aussi complet de nuances de toutes les couleurs; le Brodeur doit toujours avoir une vingtaine d’aiguilles enfilées, pour moins s’impatienter, & ne pas perdre l’idée des dégradations de ton qu’il veut donner à son objet: l’or nué est sans doute l’ouvrage le plus long, & celui où il faut réunir le plus de patience à l’intelligence la mieux soutenue.

On ne voit plus guere de cette précieuse Broderie, que sur les orfrois des anciens ornements d’Eglise; la dépense en est considérable, & les Ouvriers en ont à peu de choses près, perdu l’habitude & le talent.

L’or nué bâtard est moitié moins couvert de fils d’or; les intervalles sont faits en soies nuées avant de lancer les fils d’or; on recouvre ces fils par le même procédé de l’autre or nué, en se raccordant aux nuances des intervalles, ce qui donne à peu-près le même effet, quoique moitié moins riche & moins brillant. Il est ridicule de liserer ou border les moulures d’architecture, quand il s’en trouve dans ces tableaux, ou les bords des vêtements, avec de gros cordons d’or; c’est absolument sortir du genre. Plusieurs Brodeurs de l’autre siecle sont tombés dans ce défaut par une magnificence mal entendue. C’est à peu-près comme quelques Peintres Allemands, qui, pour mieux représenter la lumiere d’une lampe, l’ont fait en relief dans leurs tableaux.

De la Broderie en Passé.

Pour la Broderie en Passé, comme Pl. 4, fig. 3, & Pl. 9, fig. 1, il faut que chaque objet n’ait tout au plus que six lignes de largeur, afin que chaque point n’ait pas trop d’étendue & soit solide; si l’objet a plus de largeur, comme le galon de la fig. 3, on le divise en plusieurs parties c, c, c, c, & on le refend de maniere qu’on puisse y revenir à plusieurs fois pour l’exécuter en totalité.

Pour que le passé soit solide, chaque point doit embrasser en dessus comme en dessous toute la largeur de la partie qu’on brode; il faut prendre chaque moulure un peu de biais pour leur conserver mieux leur forme, serrer & rapprocher imperceptiblement chaque point dans l’intérieur des contours, & les écartant [p. 14] aussi imperceptiblement à l’extérieur du contour parallele, de maniere que les points tournent petit à petit en décrivant les courbes, & restent cependant toujours à peu-près de la même longueur. Voyez d d, fig. 3. Pour les ornements d’Eglise à deux endroits[k], & les choses qui ne doivent point être doublées, l’Ouvrier, avec un peu d’attention & sans faire de nœud, sait cacher le premier & le dernier point qui arrête son aiguillée, comme e, fig. 3; il y en a même qui n’arrêtent jamais autrement; ils évitent les passages d’une fleur à l’autre, & font leur passé avec assez d’adresse pour qu’on puisse se servir indistinctement d’un ou de l’autre côté de ces vêtements; tels sont les habits de drap rouge d’un côté & bleu de l’autre, qui nous viennent d’Angleterre, & qu’on brode de cette maniere: c’est ce qu’on appelle passé à deux endroits. On a même trouvé l’art d’orner un des côtés de cette Broderie avec des paillettes & de la frisure, sans que les points paroissent de l’autre côté; ce qui se fait en fichant son aiguille en biais & la repassant de même, sans embrasser aucun fil d’or du passé, le point se trouve caché dessous. Quelques Ouvriers dressent leur métier tout debout pour pouvoir regarder à l’envers & à l’endroit, en travaillant ces petits agréments. Pour les queues de fleurs, petites palmes & dessous de compartiments, comme la partie du galon uniforme de MM. les Lieutenants Généraux, f, f, fig. 3, Pl. 4, & a, a, a, Pl. 8, fig. 1, il se fait un passé très-étroit, dont le point est plus alongé que l’autre passé; il faut les mêmes égards quand on a des courbes à décrire; ce passé s’appelle en barbiches: il est moins brillant que l’autre, & fait une variété souvent nécessaire.

[k] On brode ensemble une moire cramoisie & une moire blanche ou verte, en les appliquant l’une sur l’autre, cela donne deux Chapes ou Chasubles, avec les frais d’une seule Broderie.

On a long-temps brodé les fonds de galons & autres parties sourdes en cordon passé, ce qui faisoit très-bien jouer les différents objets, & mettoit des repos, comme Pl. 8, fig. 1 & 2; mais aujourd’hui on veut tout brillant, & le cordon est relégué aux Frangers.

Quand on a du passé à faire sur velours ou sur quelqu’étoffe brochée, il est assez d’usage de faire découper le dessin en vélin, ou tout au moins en papier, qu’on bâtit à petits points sur l’étoffe, pour soutenir le passé, lui donner de l’égalité & l’empêcher de s’enterrer; on conçoit aisément que cela dépense un peu plus d’or.

Le bâton de Maréchal de France est revêtu de velours bleu, brodé en passé de trente-six fleurs de lys d’or; il a dix-huit pouces de long. Le nom de chaque Maréchal, avec la date de sa promotion, est gravé sur la virole d’or qui termine le bâton.

Du Passé épargné.

Le passé épargné se fait avec de l’or beaucoup plus fin, en fichant l’aiguille en dessous, tout à côté du trou par où elle vient de passer; l’or n’embrasse que [p. 15] la surface extérieure de l’objet qu’il brode; il faut de même qu’à l’autre passé, prendre chaque moulure en biais, & tourner les courbes & rouleaux avec la même attention. Ce procédé dépense plus de moitié moins d’or, aussi est-il moins cher & moins solide que l’autre passé: on n’en fait guere que des jarretieres ou des sacs à ouvrage.

La plus grande difficulté de l’un & l’autre passé, est de bien conserver les formes, & que les points qui expriment les contours courbes, ne fassent point la scie ou dent de chien. Les Dames qui brodent presque toutes pour leur plaisir, & qui réussissent assez bien par les autres procédés, échouent quand elles entreprennent de broder en passé: les nuances & les paillettes leur conviennent mieux.

De la Broderie en Guipure.

Pour broder en guipure, voyez Pl. 4, fig. 1, il faut premiérement poncer & dessiner sur le vélin, le coupon K de l’objet qu’on veut exécuter; quand ce coupon doit être répété plusieurs fois, on attache l’un sur l’autre quatre ou cinq morceaux de vélin, avec de petits tenons de la même matiere, qu’on passe de part en part. On fait ainsi cinq ou six petits livrets pour un habit d’homme, sans compter les pattes, soupattes, coins & colets; ce livret étant posé sur une table de tilleul, on découpe tous les contours & refentes avec un fer tranchant u, u, Pl. 1, en laissant de temps en temps de petites brides pour contenir les objets dans leurs éloignements respectifs, voy. Pl. 4, quand on les placera sur l’étoffe. Quand tout le dessin est découpé & évuidé, on arrache les tenons, & cela donne nécessairement 4 ou 5 coupons bien exactement pareils. Quand on en a le nombre suffisant (ce que la taille indique), en observant que les objets tournés à droite, ne peuvent guere servir pour les objets tournés à gauche en retournant le vélin, à cause d’une petite rondeur que le fer lui donne sur les bords en le découpant. Si ce vélin est destiné pour Broderie en or, il a fallu le peindre en safran, & le laisser bien sécher avant de le découper: il y a du vélin de plusieurs épaisseurs. Un bon Découpeur se contente ordinairement de ce talent; il faut qu’il sache un peu dessiner.

Quand le Brodeur a tous ses coupons prêts, il ponce le dessin général sur l’étoffe, en dessine seulement les retraites ou points de rencontre de ses coupons de vélin; il dessine aussi les queues, graines, fleurs, & tout ce qui ne doit pas être exécuté en vélin; ensuite place ses coupons sur la ponçure, suivant que le dessin le lui indique, voyez Pl. 4, fig. 1, a, l, m, & il les fixera avec des points de soie fine, m, m. Il ne collera pas son vélin, comme font quelques mauvais Ouvriers; l’humidité le déformeroit & le feroit racourcir. Quand tout sera bâti & arrêté, il coupera toutes les brides avec des ciseaux, & les supprimera. Les Ouvrieres recouvrent ensuite ce vélin en travers, d’un ou de deux brins d’or, n, n, roulé sur une broche qu’elles conduisent alternativement de [p. 16] droite à gauche du vélin, en fixant l’or à chaque retour avec un point de soie cirée, le plus près du vélin qu’il est possible, sans pourtant le gêner; de façon que l’épaisseur du vélin & les retours de l’or, cachent absolument le point de soie. Si la partie que l’on guipe est trop large pour être faite d’un seul point, & qu’elle soit divisée en plusieurs refentes comme o, o, l’Ouvriere conduit son or point à point sur toute la largeur de l’objet, en exprimant chaque refente par le point de soie qui coud l’or; puis elle ramene sa broche en sens contraire, les points très-enfoncés & très-près de ceux de la rangée précédente, & ainsi jusqu’à ce que l’objet soit couvert d’or d’un bout à l’autre. On lisere la grosse guipure en cordon ou en milanese, pour dessiner & exprimer davantage les contours, sur-tout quand plusieurs compartiments se jouent les uns sur les autres, ce qui ne se fait cependant que pour les gros ouvrages, comme équipages, ornements d’Eglise, &c. On fait de la guipure sans vélin, sur fil ou sur ligneul; quand on veut faire des morceaux détachés & badinants, on les guipe sur des lames de plomb, pour empêcher que l’humidité ne les racornisse, si elles doivent être exposées à l’air. On guipe en frisure & bouillon à points enfilés & employés l’un après l’autre du même sens du passé, comme g, g, g, fig. 3, Pl. 4, ce qui donne plus de relief que le passé, fait variété, & est aussi solide. Quelquefois on guipe les tiges, petits tronçons d’arbre, & moulures de compartiments, de quatre ou cinq points de frisure, puis quatre ou cinq points de bouillon alternativement, le sombre de la frisure & le luisant du bouillon font un mélange agréable: il faut pourtant être sobre de ce procédé. Voyez fig. 7.

On guipe en trait & clinquant: cette derniere guipure differe dans son arrangement, en ce que les brins d’or filé & la frisure, doivent être bien exactement rangés à côté les uns des autres sans jamais se croiser ni se recouvrir; le clinquant, en le guipant, doit à chaque retour recouvrir le tiers ou même la moitié de sa lame. Voyez Pl. 3, fig. 4, une des grandes flammes qui font le plein du manteau de l’Ordre du Saint Esprit. On lisere quelquefois cette guipure de milanese ou de cordon. Le clinquant ne s’emploie guere à d’autres usages; il faut des dessins assortis à ce procédé, la lame étant sujette à se casser quand elle a trop de portée, ou quelle tourne trop court. Les graines, revers de feuilles & petites moulures faites en clinquant, comme s, s, Pl. 4, fig. 1, font valoir le reste de l’ouvrage, & lui donnent du mouvement & de la légéreté.

De la Broderie en Rapport.

Tout ce qui se brode par parties détachées sur de petits métiers, pour être ensuite rassemblé l’un sur l’autre, & prendre plus ou moins d’élévation, s’appelle du rapport; mais on entend communément par Broderie de rapport, les bordures d’habits d’homme, compartiments de jupes, brandebourgs & autres morceaux que les Brodeurs tiennent en magasin, prêts à être appliqués sur tel [p. 17] fond qu’on voudra. On commence, après que le dessin est ordonné sur taffetas, toile ou papier jaune, par profiler tous les contours extérieurs avec une chaînette d’or, nommée pratique, & cousue à petits points de soie, comme b, b, b, Pl. 4, fig. 5; ensuite s’il y a quelques fleurs ou compartiments qu’on veuille traiter légérement, on applique des bandes de réseau fait au boisseau, comme g, g, que l’on fixe par des points de soie dans les fleurs qui le bordent, & qui cacheront & recouvriront ces points quand elles seront brodées. Quelque fois les Ouvriers font eux-mêmes leur réseau sur la place même, par des points lancés & recroisés, qui n’entrent dans l’étoffe qu’aux endroits qui doivent être recouverts de Broderie, comme d, d; ce procédé est bien plus long, mais aussi il est plus délicat & plus exact. Ensuite on brode le passé si le dessin l’exige; on applique les fleurs de paillons p, p, p; on les guipe avec la frisure ou le bouillon, en laissant toujours déborder un peu de la pratique q, q; on fait les feuilles h, h, en paillettes comptées; les tiges i, i, en frisure guipée, toujours en laissant déborder à peu-près la moitié de la pratique. Quand le morceau est tout brodé, bien nétoyé, collé, séché, on le découpe avec des ciseaux pour ôter tout le fond qui paroît, même celui qui est sous le réseau, à moins qu’on n’ait mis sous ce réseau en commençant à travailler, un ruban d’argent ou de nuances: on peut même ajouter ce ruban après que la Broderie est découpée. Quand elle est ainsi dégagée de tout son fond, on la pese pour en savoir au juste la valeur; puis on la bâtit communément sur du papier bleu, pour la serrer en attendant qu’on la vende. Cette Broderie se vend depuis 18 jusqu’à 36 livres l’once, suivant le prix des matieres dont elle est composée. La pratique dont l’Ouvrier a d’abord profilé son ouvrage, sert à ficher le point sans gâter la Broderie, quand on veut l’appliquer sur telle ou telle étoffe. Les Lyonnois, au lieu d’une pratique, ne liserent leur Broderie en rapport, que d’un frisé en deux, ce qui est moins solide. Il se fait des Broderies de rapport en guipure, satiné, clinquant ou nuances, même en chaînette, tant on a trouvé commode de pouvoir avoir en vingt-quatre heures, ce qui ne peut se broder qu’en un mois. Les Broderies de rapport ont encore l’avantage de pouvoir être transportées successivement sur des fonds différents.

De la Broderie en Couchure.

La couchure se fait avec de gros or filé, roulé sur une broche, un, deux, & jusqu’à trois brins ensemble, qu’on coud à plat les uns bien à côté des autres, d’un même point de soie, (voyez Pl. 4, fig. 1, f, f). On en met à côté les unes des autres autant de rangées qu’il en faut pour couvrir telle ou telle surface, comme les fleurs a, e, ou la moulure f, f. La plus grande difficulté de la couchure, est de rendre les retours des rangées d’or imperceptibles comme u, u, u, si la seconde rangée d’or est plus longue que la premiere, & ainsi des [p. 18] autres. Pour exécuter en couchure un objet qui s’alonge en s’élargissant, il faut échapper un seul des trois brins d’or qui sont sur la broche; on l’arrête de quelques points de soie vers le retour, & l’on conserve ainsi le coulant du contour u, u, que les trois brins corromproient. Comme les points de soie de la couchure paroissent beaucoup, on lui donne le nom de la figure que ces points expriment par leur rencontre; ainsi on dit couchure de deux points a, a, en chevron b, b, en écaille, en losange, en serpenteau, &c. On peut varier à l’infini ces rencontres de points dont je donne ici les figures les plus en usage. Quelquefois la couchure se fait à contre-sens de plusieurs points de fil comme h, h, pour lui donner quelques ondulations & varier les luisants de l’or; d’autres fois on recouvre les points de soie f, f, avec de la frisure, ce qui s’appelle couchure à la barre. Quelque soin que l’on prenne en faisant la couchure, les formes & contours sont toujours corrompus; on leur rend leur pureté en les liserant d’un frisé en deux, comme t, t, conduit à la broche & cousu de petits points de soie. On peut diviser la trop grande largeur d’un galon ou compartiment avec du clinquant plissé cousu de soie comme g, g, ou des mosaïques de clinquant plat de différentes formes, ornées de points de frisure, comme l, l. Les queues se font ordinairement en or frisé & couché. Quelquefois on ajoute sur les retours de la couchure des ombres en soie; comme la fleur u, u, ce qui sert en même temps à cacher les retours, & faire jouer les différents objets. D’autres fois on représente en soie plate une ombre portée sur le fond de deux ou trois lignes de largeur, ce qui fait un fort bon effet sur le gros-de-Tours & sur le velours: cette ombre portée doit être de même couleur que le fond. En général, la couchure est la plus commune & la moins solide des Broderies; elle se dégauchit & s’altere facilement: on n’en fait guere que les petits ouvrages pour les Foires.

L’or frisé ne peut être que couché, il s’écorcheroit en passant au travers de l’étoffe.

On fait en couchure de deux brins, des fonds entiers de grands ronds tournés en spirale, comme fig. 2, en les commençant chacun par leur centre. Ces ronds en se mêlant les uns dans les autres, reçoivent différents rayons de lumiere dont le mélange est fort agréable, sur-tout s’ils servent de fond à de grands courants de gros objets brodés en nuances. On fait de pareils fonds en jais blancs ou jaunes.

De la Broderie en Gaufrure.

Pour broder en gaufrure, il faut, après que l’objet est dessiné sur l’étoffe, lancer tout en travers de cet objet, de gros fils bien cirés, à deux lignes les uns des autres, comme a, a, fig. 2, Pl. 3. On arrête ces fils bien droits & bien paralleles de distance en distance, avec de petits points de soie cirée, comme a, a, de maniere que les fils ne puissent plus être dérangés; ensuite en commençant par une extrémité de l’objet, comme b, b, on recouvre ces fils en sens [p. 19] contraire, avec de l’or en deux brins roulé sur une broche, qu’on coud ferme de deux en deux brins de fil, d’un bout à l’autre de l’objet, comme c, c; on revient ensuite, & l’on fait quatre rangées en suivant le même calcul, ce qui donne à chaque rencontre quatre points de soie paralleles; ensuite on continue quatre rangées d’or en rétrogradant d’un fil, chaque point de soie de chaque rangée, toujours d’un bout à l’autre, comme d, d; puis on reprend le premier calcul de quatre rangées, toujours alternativement, jusqu’à ce que la surface qu’on se propose soit absolument couverte d’or, ce qui imite assez bien l’osier. Les points de soie doivent se trouver cachés par le relief du fil; il faut, comme à la couchure, lâcher & coudre un brin d’or de la longueur d’un point aux retours, quand la forme arrondie de l’objet s’alonge en s’élargissant, comme e, e. En général, il faut, pour tout l’or que l’on coud sur les étoffes, tant en gaufrure, couchure, guipure, que satiné, bien tirer la broche, & mener l’or ferme à chaque point avant de tirer tout-à-fait le point en dessous; il faut encore avoir grand soin que les brins d’or ne se croisent jamais & soient toujours rangés bien à plat les uns auprès des autres, si ce n’est aux extrémités où cela est indifférent. On laisse ordinairement passer hors l’objet en commençant, huit à dix lignes du fil d’or; on en laisse autant en coupant l’or pour séparer la broche quand on finit comme f, f. On passe ensuite ces bouts d’or au travers de l’étoffe avec le secours d’une aiguille à passer les bouts, ou même avec celle qu’on tient. Pour rendre à la gaufrure ses formes & cacher les retours, on la lisere d’une milanese ou d’un cordon g, g, qui se coud, non pas en l’embrassant par le point de soie, comme pour la milanese; mais en fichant l’aiguille dans le retors du cordon, & donnant un petit tour de broche en dehors, puis en dedans la main, ce qui cache absolument le point. Cette lisiere doit un peu mordre sur la gaufrure. Quand les morceaux gaufrés doivent être découpés & rapportés ailleurs, on les profile de six ou huit brins de soie brune cousue à très-petits points: c’est de ce travail que sont faites les fleurs de lys des tapis de la Couronne. Il est plus solide que brillant.

De la Broderie en Satiné.

Le satiné ressemble à la gaufrure dans sa marche; il en differe en ce qu’on change la révolution des points à chaque retour; que souvent on satine l’or en un seul brin, & que les fils de l’enlevure sont très-près les uns des autres, & souvent d’épaisseur différente; pour les têtes, les gros fruits ou les grands rinceaux, le Brodeur semble oublier quelques points de soie sur les grandes saillies, pour les laisser lisses, & augmenter le luisant de l’or en cet endroit. Tous les détails du satiné sont à l’article du Bas-relief.

[p. 20] De la Broderie en Paillettes.

Pour broder en paillettes, comme Pl. 4, fig. 3 & fig. 6, il faut en avoir près de soi de différentes grandeurs, par petits tas, sur un ou deux pâtés, comme Pl. 1, fig. e, ainsi que du bouillon & de la frisure; l’Ouvrier enfile une très-fine aiguille de soie cirée (la couleur n’y fait rien); après avoir arrêté un premier point dans l’étoffe, il enfile dans cette aiguille un grain de frisure, puis une paillette, qu’il fait couler le long de son aiguillée jusques sur l’étoffe; il fiche son aiguille dans l’étoffe, la tire de l’autre main, & la ramene tout de suite en dessus, à la distance d’une demi-paillette; il en enfile une seconde, puis un grain de frisure qu’il fait couler comme la premiere fois: il fiche son aiguille dans le trou de la premiere paillette, retire l’aiguille en dessous, ce qui fait recouvrir la moitié de cette premiere paillette par la moitié de la seconde. Le second point de frisure doit paroître se rejoindre au premier, & ne faire qu’une ligne; on l’aide quelquefois avec la pointe des ciseaux, ou celle d’une grosse épingle; le Brodeur ramene son aiguille en dessus, enfile une paillette & un grain de frisure, & continue ainsi tant que l’objet l’exige, en changeant de grandeurs de paillettes, suivant les places & la forme de l’objet qu’il exécute, comme a, fig. 6, & finissant toujours comme il a commencé, par un point de frisure pour arrêter la derniere paillette; ce qui se fait en frisure peut se faire en bouillon, cela est arbitraire. Les grains de frisure ou de bouillon doivent être coupés un peu plus longs que l’espace qui est entre les deux paillettes, afin qu’en serrant le point, ils ne paroissent faire qu’un seul fil d’or qui attache & barre les paillettes. On varie l’arrangement de ces points de frisure, comme on en peut voir quelque exemple, Pl. 5, fig. 3, 4 & 5. Quelques personnes attachent d’abord leurs paillettes avec de la soie, puis la recouvrent de frisure; cette double opération assure beaucoup l’ouvrage, & le rend plus solide. Excepté la derniere paillette de chaque rangée, on ne voit dans tout le cours de l’ouvrage que la moitié de chaque paillette; elles se trouvent arrangées comme des écus quand on les compte. Les personnes qui visent à l’économie, espacent un peu plus chaque paillette en travaillant, ce qui devient considérable sur la quantité; mais l’ouvrage est moins solide, & les formes moins exactes: cette différence va quelquefois à plusieurs onces entre deux Ouvriers qui brodent chacun un morceau pareil.

On brode en paillettes à deux endroits, c’est-à-dire, que cette façon de broder n’a pas d’envers, & qu’il y a des paillettes dessous comme dessus l’étoffe. Pour opérer, il faut que le métier soit debout entre les jambes de la personne qui travaille; elle a deux aiguilles enfilées: quand la premiere aiguille que fiche la main droite, a passé par le trou d’une paillette que présente la main gauche, l’étoffe entre deux, la main gauche fiche son aiguille dans le trou de la paillette [p. 21] qui est de son côté, & tout de suite dans le trou d’une paillette que présente la main droite, l’étoffe entre deux; alors on tire les deux aiguillées en même temps, & le point de frisure de chaque côté se met à sa place comme à l’autre procédé; on continue ainsi tant que le sujet l’exige: cette Broderie est fort longue & très-rare.

Quelquefois après avoir cousu les paillettes en soie, on recouvre cette soie de trois ou quatre brins de trait, comme fig. 6, Pl. 5, ce qui laisse bien mieux briller les paillettes. D’autres fois on les attache avec de la soie rouge ou verte, pour leur donner une teinte d’avanturine; on en recouvre quelques-unes de points de soie courts & longs. Ces variations donnent moyen de faire jouer les objets qui s’avoisinent, quoique d’une même matiere.

On emploie des paillettes comptées sur de l’enlevure, pourvu que les formes soient simples.

On vient tout nouvellement de faire des paillettes colorées une à une, & de la frisure de couleur.

On emploie aussi les paillettes séparément pour former des graines de fruits ou des agréments dans les mosaïques; on en seme des fonds entiers, puis on les attache chacune de deux points d’or en croix.

Depuis qu’on a imaginé de colorier & vernir des lames d’argent, les Brodeurs en font des bouquets & des guirlandes, imitant en quelques sortes les pierres précieuses; ils ont même depuis peu de temps, trouvé l’art de nuer & dégrader le ton de ces lames, en les recouvrant plus ou moins avec des points de soie de nuances assorties. Voyez fig. 11, Pl. 5.

En 1756, on a imaginé des paillettes d’acier noir-d’eau, & des paillettes de verre noir, pour les Broderies de deuil; il ne se passe guere d’années qu’on n’invente quelques petites nouveautés que la mode adopte & réforme tour-à-tour.

On appelle paillettes percées, celles qui le sont de plusieurs trous; on en varie les formes à l’infini. Celles qui sont le plus en usage, sont dessinées Pl. 5, fig. 8, f, g, h, i, l, m, n, o, p, q, r, & l’on en trouve de toutes prêtes chez plusieurs Tireurs d’or. Celles de la figure 9, & autres à volonté, doivent être découpées suivant le dessin qu’on en fournit. On voit fig. 8, bis, & fig. 9, bis, la maniere de les attacher avec la frisure ou le bouillon.

De la Broderie en Taillure.

Nous avons dit dans l’Introduction que la Broderie en taillure étoit la premiere & la plus ancienne des Broderies: en voici les procédés.

Soit qu’on la fasse en étoffe d’or, de soie ou de laine, on ponce d’abord sans ordre & le plus rapproché qu’il est possible (sur l’étoffe qu’on veut découper), les fleurs ou compartiments dont on a besoin, comme fig. 11, Pl. 5; on les dessine avec toutes leurs nervures; on découpe ensuite toutes ces pieces avec des ciseaux, en les laissant de trois ou quatre lignes plus longues aux endroits [p. 22] qui doivent être recouverts par d’autres. On les numérote par l’envers de numéros pareils à ceux qui doivent être sur chaque partie du poncif, & qui serviront à les reconnoître quand elles seront découpées & qu’on voudra les mettre en place. Cette premiere opération s’appelle faire l’épargne. Si l’étoffe à tailler est trop mince, on lui donne de la consistance en collant du papier à l’envers avant de la dessiner; cela empêche les pieces découpées de s’effiler.

Si l’étoffe qu’on veut découper est précieuse, ou qu’on ait beaucoup de morceaux pareils, voici une autre maniere de préparer l’épargne. On pique deux papiers ensemble du dessin qu’on veut exécuter; on découpe un de ces dessins en autant de petites parties que le dessin le permet; on réunit toutes ces parties sans ordre & le plus rapprochées qu’il est possible, sur un papier blanc de la largeur de l’étoffe à découper: on trace tous ces contours en crayon bien exactement; on les pique, & l’épargne est faite.

On ponce ensuite le dessin général sur l’étoffe qu’on veut broder; on dessine légérement & un peu en dedans, les principaux contours; on dessine encore les queues, graines, &c, qui ne sont point de taillure, comme K, K, fig. 12; puis on enduit de colle ou d’empois l’envers de chaque morceau de taillure, surtout les bords; on place chaque morceau sur les contours tracés sur l’étoffe suivant les numéros du poncif; on l’étale & on l’appuie bien proprement au travers d’un papier bien sec, ayant attention que les emmanchements des compartiments interrompus r, r, r, r, se suivent bien, & ne paroissent point cassés.

Quand tout est bien sec, les Ouvriers profilent tous les contours extérieurs, en mordant un peu les points dans la taillure; puis ils liserent tous les contours, nervures, revers, &c, avec du cordon ou de la milanese, comme l, l; quelquefois on exprime les ombres par de longs points de soie ou de laine, comme m, m, ce qui s’appelle harpé ou hachebaché. Quelquefois on enleve le dessous des feuilles ou compartiments, avec des morceaux de drap ou de serge, ce qui s’appelle emboutir. Les caparaçons, tapis d’étalage, couvertures de chariots, se font ordinairement en laine, de ce genre de Broderie. Les figures de bannieres pour la campagne, se font en satin, & pour les carrosses & meubles riches, la taillure se fait de glacé ou de tissu d’or: on y mêle quelquefois des feuilles ou des moulures de guipure ou de satiné, & de petits enjolivements en paillettes.

Il se fait aussi de la taillure en peaux d’agneau d’Astracan, ou hermines teintes, puis rebordées & ornées de chenille ou de paillettes: cette invention n’est pas ancienne, & peut encore se perfectionner.

Comme il seroit presqu’impossible d’exécuter en fabrique des étoffes brochées, suivant les différentes formes des pentes, chantournés, impériales, & autres parties d’un meuble complet, on y supplée en découpant les fleurs & feuilles de ces étoffes, pour en former, en les réunissant sur un fond uni, les bordures & encadrements convenables, suivant les contours donnés par le Tapissier. Il a d’abord fallu faire un dessin, où ces fleurs & les queues qui doivent [p. 23] les emmancher, fussent tracées; on bâtit à petits points tout autour, chaque fleur, suivant la place que le dessin indique; on la profile de soie assortissante au fond ou à sa nuance; on brode à points, les queues, feuilles & autres liaisons nécessaires: on colle l’envers, & l’ouvrage est fait. Il y a beaucoup d’apprêt à cette sorte de taillure. Il y auroit beaucoup d’économie à faire brocher par la Fabrique, toutes les fleurs & feuilles pareilles, sur une même ligne & le plus rapprochées possible.

De la Broderie en Jais.

La Broderie en jais se fait en enfilant chaque grain de jais, ou d’une soie bien cirée, ou d’un laiton très-fin, qu’on emploie ensuite comme la soie passée, sur la superficie des objets, voyez Pl. 5, fig. 14, a, a, en choisissant les grains plus ou moins longs, suivant la largeur de l’objet b, b. Il faut que le dessin soit composé exprès pour ce genre de travail, qui ne peut guere exprimer les choses groupées ou fuyantes: comme le tuyau du jais est ordinairement fort étroit, quand on le coud avec de la soie, au lieu d’aiguille, on passe la soie dans la boucle que forme un crin ployé en deux; cela coule plus librement; il est vrai qu’il faut faire le trou dans l’étoffe avec une aiguille, chaque fois qu’on veut employer un grain. Il est à propos que le point de soie soit un rien plus long que le grain de jais, autrement, ou le jais casseroit, ou il couperoit la soie qui le coud. On lisere ordinairement le jais avec de la chenille, pour garantir les mains de ceux qui en veulent dans leurs habits; cette matiere égratigne facilement: elle est en général d’un mauvais usage pour les hardes.

On couvre des fonds entiers de jais jaune ou blanc, cousu en plusieurs spirales qui se confondent les unes dans les autres, & qui imitent assez bien l’or & l’argent: les fleurs & fruits brodés en chenille ressortent très-bien sur ces sortes de fonds.

On entremêle quelquefois les fleurs brodées en jais, de paillettes de verre, margueritains, & petits grains de différentes formes, comme c, c, c, fig. 14. Le meilleur jais vient de Milan; il faut qu’il soit court, bien égal de grosseur & coupé bien net: à Paris, ce sont les Émailleurs qui le font & qui le vendent.

De la Broderie en Nuances.

La Broderie nuée, soit en soie, en laine ou chenille, exige beaucoup de goût & d’intelligence; non-seulement elle exprime la forme des objets, comme celle d’or ou d’argent; il faut encore qu’elle peigne leur couleur & leur dégradation: l’Art de fondre les nuances pour faire sentir la lumiere ou la rondeur, n’est pas un art facile. Combien de gens s’applaudissent de leur ouvrage, qui n’en ont pas les premiers éléments? Non-seulement les points doivent se courber suivant les nervures ou les artérioles des feuilles, pour en exprimer le mouvement. Voyez Pl. 3, fig. 7, a, a, a. Il faut encore placer les teintes à propos, éviter les épaisseurs; elles ôtent la grace & la légéreté de l’ouvrage; il faut [p. 24] encore, & sur-tout pour les fleurs, éviter la multiplicité des nuances; les Ouvriers médiocres croyent n’en jamais mettre assez; ils n’osent à propos sauter une ou deux nuances pour heurter les effets: il faut, tant qu’on le peut, faire de grands points dans les grandes parties, la multiplicité des petits points ôte le lustre de la soie; il est encore à propos d’éviter de toucher la soie en travaillant, encore moins passer le dez dessus; que toutes les fleurs d’une même espece ne soient pas toutes du même ton, comme il arrive trop souvent, la Nature en présente de claires & de brunes, il faut l’imiter, c’est une maîtresse sûre.

On brode en soie des tableaux d’histoire de toutes grandeurs, des paysages, & quelquefois même des portraits[l]; mais ce sont des chef-d’œuvres très-rares, & ceux qui les ont faits ont toujours eu la docilité de se laisser conduire par d’habiles Peintres. La soie plate & la trême d’Alais, sont les matieres préférables pour ce genre d’ouvrage; on l’emploie à points fendus & rentrants les uns dans les autres, soit en suivant le sens des muscles, soit tout d’un sens, cela est arbitraire. Il ne faut point d’enlevure sous la Broderie en soie nuée; cela est d’aussi mauvais goût que les lumieres en relief dont quelques Allemands ont cru embellir leurs tableaux. Comme la soie plate est fort grosse quand on l’achette, on la refend facilement avec les doigts par aiguillées aussi fines qu’on le desire.

[l] On peut voir un beau portrait de Louis XIV, au Garde-meuble du Roi; les tableaux de quelques ornements d’Eglise, & sur-tout les tableaux brodés du Trône du Roi, à Versailles, représentant les Titans foudroyés, & Jupiter confié aux Corybantes. M. Rivet, habile Brodeur, qui vient de finir ces morceaux d’après les tableaux de le Brun, a bien voulu m’aider de ses lumieres pour différents articles de ce Mémoire.

Les fleurs & compartiments pour meubles ou vêtements, se brodent ordinairement avec la soie de Grenade, sur-tout si c’est en passé. Quoique les ombres ne soient dans la Nature qu’une privation de lumiere qui présente les nuances des objets plus sombres & plus éteints, il est d’usage de les exprimer, (sur-tout pour les fleurs brodées), par des teintes de plus en plus vives; on n’ose pas (même pour les choses qui sont censées plus éloignées de l’œil), hasarder les demi-teintes ni ces couleurs sales & équivoques qui donneroient tant de fraîcheur aux fleurs dominantes, & les rendroient plus vives & plus saillantes: l’habitude fait qu’on n’est point choqué de ces contre-sens, qui démentent chaque jour les meilleurs tableaux. Depuis quelque temps on préfere à la soie de Grenade, un cordonnet fin & égal, dont le grain est plus agréable; nous devons cet exemple aux Chinois, chez qui plusieurs Curieux ont fait broder des habits de la plus grande régularité. Les Marchands en tiennent des assortiments.

Un autre procédé beaucoup plus expéditif, c’est de lancer une ou plusieurs nuances d’un bout à l’autre de chaque objet, en les fondant l’une dans l’autre; & quand la surface est toute couverte de soies, on la croise d’autres soies fines assorties aux premieres nuances, & lancées à la distance de deux ou trois lignes les unes des autres, comme la rose, fig. 6, Pl. 3, ou la feuille de vigne, fig. 4, Pl. 7; puis on arrête ces dernieres soies de petits points imperceptibles, ce qui [p. 25] s’appelle râcher, comme le présente la figure. Ce procédé est bon pour les grandes parties, & les ouvrages qui ne doivent être vus que de loin. La soie en est fort luisante: les queues & nervures se font à points fendus à l’ordinaire.

Quelques Communautés Religieuses brodent sur de gros papier, des corbeilles & bouquets de fleurs en soie plate, nués à deux endroits; la levée de point ou jonction d’une feuille à l’autre, se trouve à-peu-près coupée par le coup d’aiguille répété à côté l’un de l’autre, ce qui nuit à la solidité, & fait que malgré la propreté du travail, ce genre de Broderie n’a guere d’autre usage que d’être mis sous verre ou dans des livres.

De la Broderie en Chenille.

Il y a deux manieres de broder en chenille, l’une en la cousant sur l’étoffe avec une soie cirée de la même couleur; les points se trouvent cachés par les poils de la chenille, quand on a soin de faire le point un peu de biais, du sens que la chenille est torse. Cette chenille a d’abord été roulée sur une broche qui sert à la mener ferme en la cousant, & la garantit de la froissure de la main; on coupe la chenille, quand la nuance ou l’objet sont finis, à un pouce de distance du dernier point, & ce bout qui déborde, on le passe au travers de l’étoffe tout auprès du dernier point de soie, avec une aiguille à passer les bouts. Voy. Pl. 3, fig. 5.

On peut nuer les grands objets par ce procédé, en faisant les rangées plus ou moins longues, & les continuant de la nuance suivante, selon que les ombres de l’objet l’exigent. Il est rare de coucher la chenille deux brins à la fois; cela peut pourtant arriver pour de grands compartiments d’une seule couleur.

L’autre maniere de broder en chenille, est de l’enfiler par aiguillées courtes dans une aiguille à longue tête, & la passer au travers de l’étoffe, soit en passé soit en la nuant à points courts & longs comme on fait en soie pour fondre les teintes; on ne doit pas employer la chenille double comme on fait la soie; ce procédé fond mieux les nuances, il fait plus velouté que la chenille couchée. La broderie en chenille à l’aiguille, consomme un peu plus de marchandise, tant à cause des passages qu’on fait à l’envers de l’étoffe, que parce que la chenille est sujette à s’écorcher, si l’Ouvrier n’a pas l’attention de la soulager en tirant son point.

Si la chenille s’écorche en travaillant, il faut arrêter le dernier point, défiler son aiguille, couper ce qui est écorché, & renfiler le reste s’il en vaut la peine. On ne doit pas faire de nœud au commencement de l’aiguillée, mais l’arrêter de deux ou trois petits points perdus, comme le passé d’or, voyez Pl. 4, fig. 3, b, b. Il ne faut pas non plus matelasser l’ouvrage en mettant les points trop près les uns des autres, mais seulement laisser assez peu d’espace pour qu’on n’apperçoive pas le fond de l’étoffe entre chaque point.

Quelques personnes emploient la chenille en chaînette au crochet, & elle fait un bon effet. Il s’en fait de trois grosseurs différentes: on sent bien que la plus fine [p. 26] se nue mieux, est plus longue à travailler, & plus chere en elle-même: en général, la Broderie en chenille n’est pas d’un excellent usage; elle se flétrit facilement, prend & conserve la poussiere.

De la Broderie en Laine.

On brode en laine fine d’Angleterre à points fendus & en passé, comme on fait en soie; il n’y a de différence que dans la maniere d’enfiler son aiguille: il faut ployer le bout de l’aiguillée en deux, & faire entrer la boucle que forme cette laine dans le trou de l’aiguille; il seroit très-difficile d’en venir à bout autrement à cause du ressort des poils dont la laine est formée. On brode en laine fine les armes de bandoulieres, supports de blason, ornemens d’Eglise, robes de femmes, &c. On s’en sert encore en chaînette; cette matiere a l’avantage de donner des couleurs plus vives & de plus de résistance que la soie. Il y en a de toutes les nuances.

Pour les équipages d’armées, & autres gros ouvrages, on se sert de grosse laine, ainsi que pour faire des cordons à lisérer la taillure de laine; ces équipages sont moins lourds, prennent moins d’eau, & sont d’un meilleur usage que les caparaçons en tapisserie. L’expérience l’a prouvé.

De la Broderie en Tapisserie.

Quoique la Broderie en tapisserie ne soit pas du ressort des Brodeurs, j’ai cru devoir donner une idée des procédés de ce travail.

On brode en tapisserie gros & petit point des meubles de toute espece; le dessein étant tracé à l’encre sur du canevas gros à volonté, on le fait retracer par de petits points de filoselle sur tous les contours, pour indiquer les différentes nuances. Voy. Pl. 3, fig. 2. Les fils du canevas servent à régler les points de soie ou de laine avec lesquels on brode. Le gros point se fait en embrassant quarrément deux fils du canevas, maille à maille, comme fig. 9, a, a, tout le long de l’objet, ou du fond qu’on brode; puis on reprend la même marche en sens contraire, comme b, b, ce qui recroise chaque point & bouche absolument les trous du canevas; on sent bien qu’il faut proportionner la grosseur de la laine à la grosseur du canevas. On plaque d’une ou deux couleurs pour imiter le damas, comme fig. 10, ou l’on nue en toutes nuances en se réglant par les fils.

Le petit point se prend d’angle en angle du canevas, voyez fig. 8; puis revenant en sens contraire aussi d’angle en angle pour recouvrir: il donne à peu-près le même effet, avec cette différence, que le petit point exprime mieux les formes. Le gros point se fait sur du canevas fin, & le petit point sur de gros canevas. Ce travail a dans son méchanisme quelque rapport avec la mosaïque. Quelques Marchands tiennent en magasin des fauteuils & sophas, dont les nuances [p. 27] sont faites, il ne reste que les fonds à faire pour amuser les personnes qui ne veulent pas se donner beaucoup de peine. On brode beaucoup en tapisserie dans les Communautés Religieuses: c’est un travail facile.

Quelquefois avant de broder, on applique le canevas tout dessiné sur un fond d’or ou de soie; quand les fleurs ou fruits sont brodés en la maniere susdite, & en embrassant à chaque point l’étoffe qui est dessous, on coupe la lisiere du canevas, puis on tire adroitement les fils l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il n’en reste pas un seul; l’étoffe qui étoit dessous & qui se trouve à découvert, devient le vrai fond de l’ouvrage; le canevas n’a servi qu’à régler le point.

Le marly rend le même service, & est bien plus commode; il suffit de le découper autour des objets quand la Broderie est faite, & rien ne paroît. Comme la laine a des couleurs plus vives & qui se conservent mieux que celles de la soie, on fait volontiers les nuances brunes en laine, & les claires en soie.

De la Broderie en Chaînette & au Tambour.

La Broderie en chaînette dont beaucoup de Dames s’occupent, s’est long-temps faite ou sur le doigt ou sur un métier ordinaire avec une aiguille à coudre. La ville de Vendôme étoit renommée pour ce genre de travail. Depuis à-peu-près dix ans qu’on nous a apporté de Chine un procédé aussi correct & six fois plus expéditif, on a abandonné l’autre maniere d’opérer.

Quand l’étoffe a été tendue sur un cercle d’éclisse appellé Tambour, voyez Pl. 1, fig. 7 & 8, & arrêtée avec la sangle bouclée qui l’entoure b, b, la personne qui veut broder prend l’outil, fig. 12, dont la pointe a forme un crochet ou hameçon imperceptible; la vis b arrête l’aiguille dans un manche c de buis ou d’ivoire. La Brodeuse après s’être assise, avoir pris sur ses genoux le métier ou tambour, & tourné devant elle la surface extérieure de son tambour, qui est mobile, ou sur des vis c, c, ou sur un genouil d, fiche la pointe de son outil dans l’étoffe à l’endroit que le dessin lui indique; elle acroche avec l’hameçon de son outil, une premiere boucle d’or ou de soie que lui présente la main de dessous; elle ramene cette boucle en dessus avec l’outil & l’autre main, en appuyant un peu le dos de l’outil pour ouvrir le trou de l’étoffe; elle fiche ensuite son aiguille une ligne plus loin sur le trait dessiné, sans la sortir de la premiere boucle; accroche le brin d’or que lui présente la main de dessous, le ramene en dessus, le sort de la premiere boucle en contenant l’or un peu ferme avec la main de dessous, & ainsi de suite; l’habitude fait le reste. Pour arrêter un dernier point, ou former la pointe d’une feuille, on laisse le dernier point en l’air; on en sort l’outil à vuide, & une ligne plus loin on ramene l’or de dessous; on lui fait embrasser le point qui restoit en l’air, on tire doucement en dessous, & tout est arrêté. L’or qu’on emploie doit être souple & fin; il faut de l’expérience pour ne le pas écorcher.

[p. 28] Quand la chaînette est faite d’or ou d’argent, on la fait cylindrer pour lui donner plus de luisant; l’or en s’écrasant sous le cylindre devient une espece de lame brillante: mais l’étoffe y perd quelque chose de sa fraîcheur. On lisere au tambour de petits damas, des toiles peintes, des linons brochés.

De la Broderie du Blason.

Les émaux du Blason se brodent ordinairement en cordonnet, couché du même sens que l’on exprime leur couleur sur les dessins & gravures; c’est-à-dire, que l’azur ou bleu se couche en travers de l’écusson parallélement, comme fig. 5, Pl. 7; gueule ou rouge, se couche perpendiculairement, comme fig. 6; sinople ou verd, se couche en biais de gauche à droite de l’écusson, comme fig. 7; pourpre ou cramoisi, se couche de droite à gauche, comme fig. 8; sable ou noir se lance à volonté, rabattu en petits carreaux, comme fig. 9: ces rayures sont consacrées par les principes du Blason. Les métaux qui sont ou or ou argent, se représentent par le jaune ou le blanc, pour les ouvrages communs, couché à volonté. Dans les Blasons précieux, on emploie l’or ou l’argent couché ou satiné; quelquefois même on exprime le champ d’or ou autres pieces qui composent le Blason, par des paillons découpés à volonté; si ce sont de très-petits objets, on peut les faire en frisure ou bouillon: rarement trouve-t-on métal sur métal, ou émail sur émail; cela n’est cependant pas sans exemple. Il faut être exact à suivre les émaux ou couleurs annoncées par les cachets ou dessins, plusieurs familles portant les mêmes pieces, variées seulement par les couleurs.

Il seroit à désirer que tout Brodeur eût au moins les premiers éléments du Blason.

Il est assez d’usage de séparer les quartiers qui composent le Blason, ainsi que les surtouts, par une formation ou profil noir. Les couronnes, cartouches, supports, &c, doivent être brodés de rapport, afin de pouvoir être emboutis à volonté; les coliers d’Ordres & leurs croix, demandent de l’exactitude & de la délicatesse: on peut les faire valoir par des formations de soies assorties aux objets.

Les yeux des animaux qui servent de support aux Blasons, se font souvent avec un gros grain de jais noir, rond ou ovale, percé & rattaché de quelques points de soie, ce qui exprime très-bien la prunelle.

Le cri des Armes, les devises & légendes se brodent communément sur des banderolles de laine ou d’argent couché; les lettres se font en soie ou laine noire passée. Pour bien exprimer les angles & les déliés de chaque lettre, il est à propos d’en tracer d’abord les contours par des soyes lancées d’un bout à l’autre de chaque jambage: puis recouvrir ces jambages & les soyes qui les tracent (sans les déranger) en passé pris un peu de biais. Je suppose que l’Orthographe a bien été observée par celui qui a fait le dessein.

[p. 29] De la Broderie en Fourrure.

Depuis qu’on a réussi à teindre l’hermine en toutes couleurs, les Brodeurs en ont fait des compartiments & des fleurs découpées, collées & ornées de graine & lisiere de paillettes; on y mêle de la peau d’agneau d’Astracan, sur laquelle on brode des compartiments de paillettes. Quand on ne veut qu’imiter la fourrure, on lance le compartiment qu’on projette, en soie plate, assortie à la peau qu’on veut imiter; puis on fait les poils à claire-voie, en sens contraire à la soie, avec de la chenille aussi assortie. Ces nouveautés ont assez le caractere de l’hiver, & réussissent très-bien. Il se fait aussi des Broderies en plumes de geai & de perdrix, râchées de soies assorties, & bordées de paillettes; on fait encore des compartiments d’ailes de mouches cantharides & autres scarabées colorés, rabattus de fils d’or, & mille autres inventions qui éclosent de temps en temps.

De la Broderie de Marseille.

La Broderie de Marseille se fait en piquant de petits points de fil blanc, tous les contours des compartiments ou fleurs dessinées en blanc sur de la batiste ou mousseline doublée d’une autre toile plus forte & tendue sur un métier ordinaire. Quand tous les objets sont ainsi piqués, on retourne le métier, puis avec un poinçon ou la tête d’une grosse épingle, on insinue plus ou moins de coton filé entre les deux étoffes, par un petit trou fait à l’envers de chaque fleur, pour leur donner du relief. Quand on a ainsi rembouré tous les objets, en prenant bien garde de crever la batiste ou mousseline, on retourne le métier, puis on seme tous les fonds du dessin de nœuds de fil, faits à l’aiguille l’un après l’autre & très-pressés, ce qui produit un fond sablé & les fleurs lisses assez agréables, sur-tout pour des meubles de bains.

Les couvre-pieds & vêtements piqués, se font un peu différemment; après qu’on a tendu sur un métier l’étoffe qui doit servir de doublure, on la couvre en plein d’une légere couche de coton cardé; on recouvre le tout de la belle étoffe que l’on fixe bien étendue, par des points ou des épingles tout autour; on trace légérement avec de la craie, les écailles, carreaux ou mosaïques que l’on veut représenter; puis on pique tous les contours de petits points de soie ou de fil assorti à l’étoffe. Les Tapissiers se sont arrogés le droit de broder des lits suivant ce procédé, ce qui a donné matiere à quelques procès.

De la Broderie en Nœuds.

On brode des robes, des meubles, en cousant à petits points les nœuds que font les Dames en s’amusant avec leur navette, voyez Pl. 5, fig. 10. Il n’est pas besoin, comme à la Broderie en chenille, de passer les bouts chaque fois qu’on [p. 30] est obligé de couper, il suffit d’arrêter le dernier nœud de deux points de soie: il y a peu d’ouvrages aussi solides. Quand les objets sont un peu gros, on peut les nuer comme avec la soie; on recouvre quelquefois par de gros & grands points de soie, pour exprimer des masses de lumiere, ou des formations d’ombre, tout cela dépend du goût. Il y a des nœuds de différentes grosseurs; il s’en fait en laine, en fil, en soie; ceux à deux côtés, Pl. 5, fig. 15, sont très-propres à lisérer les grands compartiments.

De la Broderie en Blanc.

On brode sur mousseline en coton, fil plat, ou fil de Maline, à points piqués, en chaînette, ou en une infinité de petits jours, ou mosaïques, imitant les points de dentelle; ce qui se fait par différentes combinaisons des fils de la mousseline qu’on resserre les uns près des autres avec des points de fil très-fin comptés réguliérement. Si cette Broderie est destinée à faire des manchettes, on y fabrique une dent, ou en points noués, ou en petits œillets: quelquefois on brode deux mousselines ensemble, soit en brodant les contours du dessein qu’on met dessous, d’un cordonnet qu’on coud à petits points & qui embrasse les deux mousselines; soit en lisérant les objets d’un point noué ou d’une chaînette; puis on découpe l’une de ces deux mousselines, autour des fleurs & des feuillages. On ne dessine point la Broderie de mousseline sur l’étoffe; mais on bâtit à petits points la mousseline sur le dessein, qui doit être en papier ou parchemin jaune ou verd.

On peut avoir chez soi nombre d’Ouvrieres de cette espece sans craindre les Jurés-Brodeurs.

Tout ce qu’on brode en or se peut exécuter en argent; la différence est à peu-près du tiers pour le prix des matieres, le prix de la main-d’œuvre est le même: tout l’or que l’on emploie en Broderie n’est que de l’argent doré: le Mémoire du Tireur d’or est utile à consulter; il a beaucoup de rapport avec celui-ci.

Les odeurs fortes noircissent facilement la Broderie, sur-tout celle qui est faite en argent; on la nétoie avec de la mie de pain rassis, qu’on fait chauffer dans un poëlon bien net; on répand cette mie toute chaude sur la Broderie, on la frotte avec la paume de la main, on l’étend de façon qu’il y en ait par-tout sur l’ouvrage, on couvre le tout de plusieurs linges; quand tout est refroidi, on retourne le métier, on le bat par l’envers avec une baguette; on vergette la Broderie, puis on colle avec de la gomme ou de l’empois bien étalé sur l’envers de la Broderie.

On la nétoie encore avec du talc calciné & tamisé très-fin, ou de l’os de seche pulvérisé. Quelques personnes ont l’art de rendre à l’or noirci & très-passé, sa couleur & son éclat, sans altérer le fond de la Broderie; mais c’est un secret de pere en fils, dont une famille à Paris fait dépendre sa subsistance.

[p. 31] On rend encore à l’or blanchi sa couleur pour quelques instants, en l’exposant à la fumée de plumes ou cheveux brûlés.

Il y a quelques autres procédés dérivés de ceux-ci, qu’on peut étendre à l’infini, suivant les matériaux qu’on emploie, & le génie de ceux qui operent: j’ai tâché d’indiquer dans ce Mémoire, ceux qui sont les plus familiers.

Pour montrer la variété des goûts dans l’espace d’environ un siécle, j’ai joint à la fin de ce Mémoire, plusieurs desseins exécutés à vingt ou trente ans les uns des autres, pour des Bordures d’habits d’hommes.

Fin de l’Art du Brodeur.

[p. 32]

EXPLICATION
DE QUELQUES TERMES
PROPRES A L’ART DU BRODEUR.


A  B  C  D  E  F  G  H  J  L  M  N  O  P  R  S  T  V  


Aiguilles; il en faut de plusieurs sortes:

Aiguille de trois pouces de long, grosse à proportion, propre à enfiler la ficelle.

Aiguilles moyennes pour l’enlevure en fil.

Aiguilles à soie & à cul rond.

Aiguilles de la plus grande finesse pour employer la frisure.

Aiguilles à chenille, d’un bon pouce de long, la tête fort ouverte.

Aiguille sans pointe pour la tapisserie sur canevas.

On achette ces différentes Aiguilles à la Coupe & à l’Y grec, rue Saint-Honoré.

Aiguille a passer les bouts; c’est une grosse Aiguille enfilée deux fois d’un même fil ou cordonnet, formant une boucle dans laquelle le Brodeur fait passer chaque bout d’or ou de chenille qu’il veut faire passer au travers de l’étoffe pour l’arrêter. Voyez Pl. 3, fig. 5.

Aiguille a chaînette pour broder au Tambour, doit être très-polie, la pointe ou hameçon bien dégagé: il y a beaucoup de choix; les meilleures se prennent chez les Couteliers.

Les Brodeuses cassent beaucoup d’aiguilles. On donne pour les aiguilles quand on veut hâter les Ouvriers, ou qu’on va les voir travailler. Les bons Ouvriers enfilent leur aiguille à tâtons en dessous le métier.

Aiguillée, bout d’or ou de soie proportionné à l’étendue du bras de celui qui l’emploie; quand on l’a enfilée, il faut larder deux ou trois fois la soie avec la pointe de l’aiguille, & la faire passer tout au travers pour former vers la tête une boucle imperceptible qui l’empêche de se défiler: en commençant à travailler, il faut arrêter le bout de l’aiguillée dans l’étoffe, par deux ou trois petits points perdus; cela est plus propre que de faire un nœud. On en fait de même en finissant l’aiguillée avant de la couper en dessous; ce qui reste dans l’aiguille, se met au Bouriquet.

Argent. L’argent de Lyon est d’un meilleur usage pour passer que l’argent de Paris: on le vend 56 livres le marc.

Battre. Il est à propos de battre le métier avec une baguette avant de travailler, pour faire tomber ce qui pourroit rester de ponçure; il faut encore le battre bien fort sur l’envers de la Broderie quand elle est faite, pour faire sortir toutes les ordures & mie de pain qui ont servi à la nétoyer.

Battu, trait d’or très-fin, passé au cylindre & rendu en lame polie.

Bille, partie de la châpe qui sert à réunir les deux devants, & les fixer sur les épaules de celui qui la porte avec le secours de deux agraffes. Voyez Pl. 6, fig. 4, a.

Blanc a dessiner. Il faut broyer le blanc de céruse avec de l’eau; puis quand il est bien fin, y mettre un peu de gomme d’Arabie, un fiel de carpe ou un peu d’eau-de-vie, pour le rendre coulant; il en faut faire un bon pot à la fois, le blanc devient meilleur en vieillissant: il faut le remuer souvent avec un petit bâton. On l’emploie indistinctement au pinceau ou à la plume.

Bleu d’Inde, se prépare de même, & sert aussi pour ordonner sur les fonds.

Bobines, petit cylindre de bois blanc percé, sur lequel on dévide l’or ou la soie; il y en a de différentes longueurs & grosseurs. Les Tireurs d’or vendent l’or à passer & le cordon sur des bobines par onces séparées; la tare de la bobine & la grosseur de l’or sont marquées sur la patte de chaque bobine. Voyez Pl. 1, d, d.

Dans les grands atteliers, on enfile les bobines de soie en chapelets de différentes nuances, de peur qu’elles ne s’égarent, comme Pl. 1, fig. u.

Bords, coupons de dessin, d’environ dix pouces, lavé & marqué des différentes matieres qui doivent l’exécuter; il faut en avoir souvent de nouveaux, pour donner à choisir aux Seigneurs, qui ne veulent presque jamais du dessin qui a été exécuté pour un autre. Voyez Pl. 4, fig. 1, 3 & 5.

Boucles, se font en enfilant un point de frisure ou bouillon dans une aiguillée déja arrêtée dans l’étoffe; puis fichant son aiguille tout à côté du trou par où elle a passé, en tirant la soie en dessous, le grain de frisure forme un petit arcade qu’on nomme boucle. Voyez Pl. 5, fig. 8, bis f. On en entoure souvent les grandes paillettes, & quelquefois des compartiments entiers.

Bouillon, petite lame qui a été roulée en tire-bourre sur une longue aiguille, & qui forme un tuyau d’environ 12 pouces. On le [p. 33] coupe par grains de deux ou trois lignes de long, pour l’employer, ainsi que la frisure, en l’enfilant de soie.

Bouriquet, petite boîte de carton qui court sur le métier, dans laquelle les Ouvriers amassent les bouts d’or écorché, les nœuds, les paillettes mal faites, & tout ce qui doit aller au déchet.

Boutique. On nomme ainsi le lieu où travaillent les Ouvriers, quoique ce soit assez ordinairement une chambre haute. Il doit y avoir au haut de chaque mur, de longues fiches de fer bien scélées, comme pl. 2, fig. 9, pour accrocher les métiers quand ils embarrassent ou quand ils séchent.

Bouts: mot qui sert à exprimer les différentes grosseurs de l’or de Paris; ainsi deux bouts, trois bouts, quatre bouts, désignent le nombre de soies sur lesquelles l’or est filé. La grosseur de l’or de Lyon se désigne par une S marquée sur la patte des bobines, ainsi 2/S, 3/S, 4/S, 5/S, 6/S, 7/S. Voyez d, d, Pl. 1.

Branche, se dit de la frisure & du bouillon, dans l’état qu’on l’achete avant de la couper par petits grains. Il faut tirer chaque branche de frisure sur sa longueur, pour que la spirale en soit un peu moins serrée; si on l’alongeoit trop, chaque tour d’or laisseroit voir la soie qui l’enfile, ce qui est contraire aux Ordonnances. On coupe avec des ciseaux cinq ou six branches de frisure en même temps.

Broche, est un outil de buis, voyez pl. 1, fig. r, ayant six pouces de long, avec une patte triangulaire pour l’empêcher de rouler quand on s’en sert; c’est sur la partie évuidée de la broche qu’on dévide l’or à coucher ou la chenille; on en passe les bouts dans la fente x, en travaillant; on ne touche que la broche & jamais l’or, de peur de le flétrir; on le dépasse du bec ou de la fente, à mesure qu’on l’emploie; on en déroule quelques tours, on les repasse dans la fente, ce qui le contient & sert à le mener ferme en travaillant.

Brochette, pl. 1, fig. n, outil qui sert à tenir une bobine d’or ou de soie qu’on veut survuider sur une autre à l’aide du rouet. pl. 3, fig. 3.

Brodeur ou Bordeur, Ouvrier qui emploie l’or ou la soie sur une étoffe déja fabriquée: la Communauté des Brodeurs est sous l’invocation de Saint Clair. On nomme Grenouilles, les fausses Ouvrieres, à cause que gagnant moins que les Maîtres, elles ne boivent que de l’eau.

Brodoir, petit métier qui sert à fabriquer un petit galon sur l’épaisseur de deux étoffes brodées séparément, puis réunies. Cet outil appartient aux Boursiers; on envoie au Brodoir, chez eux, les parements d’habits d’homme, mitres, &c.

Bruslé. On brûle le déchet & les vieilles Broderies pour en extraire la soie & les corps étrangers. Si les Orfévres n’ont pas eux-mêmes brûlé l’or filé, ils ne l’achetent que comme de l’argent, n’en pouvant faire la différence qu’au creuset; ils paient l’once d’or sept livres, & l’once d’argent six livres cinq sols.

Calle, petite cheville de bois qu’on fait quelquefois entrer à force dans la mortaise extérieure du métier, pour contenir les lattes quarrément, quand elles sont beaucoup plus étroites que les mortaises.

Calquer, se fait en dessinant sur du papier huilé, tous les traits d’un dessin qui est dessous, & qu’on voit au travers. On calque sur le papier verni avec une pointe. On calque encore un dessin à pointe ou à milieu, quand après avoir dessiné une moitié un peu ferme, on ploie le papier en deux, & qu’on gratte par l’envers avec l’ongle ou quelques corps durs & polis, ce qui répete l’objet tout entier.

Canetille. On nomme ainsi dans la société, la frisure & le bouillon.

La canetille est aussi un gros trait d’or ondulé ou bouclé, puis applati au cylindre, dont on borde quelques fleurons & des Croix d’Ordres. Les Boutonniers en emploient plus que les Brodeurs.

Canevas, c’est une toile dont les fils plus ou moins gros sont toujours à une ligne de distance les uns des autres en tous sens: il s’en fait de différentes largeurs. Il faut lisser le canevas avant de le dessiner. Le canevas sert pour la tapisserie de gros & petit point. On s’en sert aussi pour remplir les vuides des morceaux échancrés quand on veut les tendre sur le métier.

Cerceaux: ce sont des anneaux de trait de cinq ou six lignes de diametre, écrasés & polis comme le clinquant: on ne s’en sert que dans les ouvrages communs.

Chanlatte: c’est une piece de bois de cinq à six pouces d’épaisseur & de toute la largeur de la Boutique, que l’on a attachée ou scélée le long du mur des fenêtres, à la même hauteur des tréteaux, & qui en tient lieu pour porter un des bouts des ensubles. Voyez pl. 2, fig. d, d, de la Vignette.

Chapelet, bobines chargées d’une nuance suivie & enfilée pour les trouver plus facilement. Voyez pl. 1, fig. u.

Chasubliers. Des Brodeurs ont embrassé cette branche de commerce, qui n’a guere de rapport à leur Art: ils taillent, doublent & montent les ornements d’Eglise. J’ai cru qu’il suffiroit de la Planche 6, pour donner une idée de l’économie avec laquelle on taille les ornements d’Eglise.

Chenille. Le paquet de chenille de quatre brins, chacun de quatre aunes, pese ordinairement un gros trois quarts: en couleurs ordinaires, comme gris, jaune, verd, bleu, [p. 34] on le vend vingt sols; en rouge & cramoisi, vingt-cinq sols. Ce sont les Rubaniers qui font & vendent la chenille. Il faut, pour être bonne, qu’elle soit bien fournie de poils & coupée bien également: on en fait de plusieurs grosseurs; celle filée sur fil est moins chere & moins bonne. On emploie la chenille ou passée à l’aiguille, ou cousue sur l’étoffe, ou en chaînette au crochet.

Clinquant. C’est un gros trait d’or passé plusieurs fois au cylindre luisant & poli. Les Tireurs d’or en tiennent de plusieurs largeurs & épaisseurs; ils en ont aussi de plissé. Le clinquant s’emploie ou cousu à plat avec de la soie, ou recouvert de bouillon, ou guipé suivant le goût.

Clous a tendre: ce sont deux chevilles de fer, de dix à douze pouces de longueur, qui servent à bander l’étoffe en chassant la latte de la mortaise jusqu’à ce que le métier soit assez tendu.

Clous: il en faut quatre d’environ trois pouces de long; ils servent à contenir les ensubles dans le plus grand éloignement possible, quand le clou à tendre a fait son office.

Coller. Quand la Broderie est finie, mise en taille, nétoyée, battue & brossée, on la colle avec de l’empois blanc, de la gomme d’Arabie, & même de la colle de Gand pour le gros ouvrage; on l’étale beaucoup par l’envers en frottant avec la paulme de la main. Cette opération rend à l’étoffe sa fermeté, & sert à arrêter les bouts d’or ou de soie qui sont en dessous. Comme souvent la Broderie se fait au poids, les Ouvriers chargent l’envers de beaucoup de gomme pour en imposer; si la Broderie est de grosse enlevure, on se sert de colle de Flandre. Il faut bien laisser sécher la colle avant de détendre le métier, autrement l’étoffe se griperoit, & feroit des grimaces. Si l’on est fort pressé, on peut avoir recours à quelques réchauds de feu pour faire sécher plus vîte, en prenant garde de les approcher trop près de l’étoffe.

Cordon. Les Tireurs d’or en tiennent de tout fait en deux brins d’or, qu’on passe à l’aiguille comme le passé; cette matiere étant plus terne que le filé, convient pour faire des fonds de compartiments ou revers de fleurs.

Les Tordeurs font des cordons de trois, six, dix, & seize brins d’or tord au rouet pour lisérer les compartiments. L’or rebours est destiné à faire les cordons. J’ai dû dire quelque part qu’on n’embrasse pas le cordon avec la soie qui le coud; mais on la fiche dans le retors, & le point se trouve caché.

Cordonnets. Les Marchands de soie en botte tiennent des cordonnets de toutes couleurs pour la chaînette & la Broderie imitant les Indes. Le bon cordonnet doit être de trême d’Alais, bien égal & point bourasseux: on le vend quatre livres l’once.

Couchure: on nomme ainsi l’or cousu à plat en deux ou trois brins à côté les uns des autres, qu’on conduit avec une broche. La rencontre des points de soie qui cousent l’or, forme à volonté des losanges, écailles, chevrons, dont la couchure emprunte ses différents noms.

Coupon: c’est l’étendue d’un bout de dessin ordinairement de sept à huit pouces, qui se raccorde par ses extrémités, & que l’on répete autant de fois qu’on en a besoin pour faire une bordure.

Coutisse: c’est une sangle de trois pouces de large, que l’on ploie en double sur sa largeur, & dont on cloue les deux lisieres ensemble le long de chaque ensuble, entre les deux mortaises paralleles; voyez pl. 1, fig. 2, a, a: c’est à la coutisse que l’on coud l’étoffe en commençant à tendre; voyez fig. 6, b, b. Quand les coutisses sont usées ou arrachées, on risque de mal tendre son métier. Le Maître doit les renouveller.

Crochet, outil pour broder au tambour, voyez pl. 1, fig. 12, composé d’une aiguille a, dont la pointe se termine en un très-petit hameçon. Cette aiguille est arrêtée par une vis b, dans un manche c, de buis ou d’ivoire. Ce manche est creux, son couvercle d est à vis, & peut contenir plusieurs aiguilles, pour en changer suivant les différents fonds, ou quand on les casse.

Cul-de-poule, lame épaisse & reployée en zigzag, dont les Boutonniers font plus d’usage que les Brodeurs. Les Allemands en emploient beaucoup dans leurs ouvrages.

Découpeurs Brodeurs, sont ceux qui découpent avec un fer les compartiments de vélin ou de papier qu’on met sous la guipure & quelquefois sous le passé. Ils travaillent sur une table de tilleul pour soulager la pointe de leur fer; ils le tiennent à pleine main, & parcourent successivement tous les traits tracés sur le vélin, en appuyant à chaque coup de fer sur le manche avec la paume de la main droite; le doigt index de la main gauche suit de près la pointe du fer, pour contenir le vélin qui releveroit chaque fois qu’on releve l’outil. Le Découpeur doit savoir un peu dessiner pour conserver les formes en traçant son dessin sur le vélin; il doit éviter de faire des hoches à chaque coup de fer, & conserver purs tous les contours.

Quand tout le dessin est évuidé, il tire avec une pince les brides qui lioient plusieurs vélins ensemble; car j’oubliois de dire qu’il en découpe quatre ou cinq en même temps. Les rognures servent à faire de la colle.

Le Brodeur découpeur, découpe aussi des lames d’or ou d’argent liées plusieurs ensemble avec des brides, de telle forme qu’on l’exige; il a fallu qu’il couvrît la premiere lame d’un papier fin sur lequel il a tracé son [p. 35] épargne. Les rognures vont au déchet, & sont considérables: elles renchérissent beaucoup ces sortes de paillons.

Il les perce ensuite tout autour avec un poinçon & un petit marteau, pour qu’on puisse les coudre. Les paillons vernis se découpent de même.

Ils découpent aussi des lames de bois, de carton & d’étain, pour garnir les ouies des guittares & tympanons.

Dégauchir. Quand le métier est mal tendu, qu’il tombe ou qu’il reçoit quelque coup considérable, la Broderie, & sur-tout la couchure, se relâche & se dérange, ce qu’on nomme dégauchir. On prévient ces accidents en calant les lattes, ou les attachant au milieu du tréteau avec une corde.

Dessin marqué. Pour les bordures d’habits d’homme & autres, dont le même coupon se répete plusieurs fois, l’Entrepreneur marque sur un coupon piqué, les matieres différentes dont il veut que chaque sujet soit traité, afin que les parties qui se brodent dans différentes maisons, se trouvent conformes quand on les réunit. Les signes de ces matieres sont de convention; assez communément un o signifie paillettes, un x le passé; les points :: le cordon; la frisure s’exprime par des hachures en biais; le bouillon se marque en crayon rouge, & ainsi des autres matieres. On donne un pareil coupon dans chaque atelier. Il est bon de veiller de temps en temps à ce qu’on s’entende bien.

Détendre. Il ne faut détendre le métier que quand la colle est bien séche. On commence par ôter le gareau, s’il y en a un; on tire les ficelles qu’on dévide tout de suite sur les doigts écartés en écheveau, pour s’en servir une autre fois; à l’aide des clous à tendre, on ôte les quatre petits clouds, on retire les cales & les lattes des mortaises; puis avec des ciseaux on coupe les fils qui cousoient l’étoffe à la coutisse; on découd le galon, on épluche tous les points: toutes ces opérations doivent se faire avec des mouvements doux, en prenant garde de chiffonner l’étoffe; ensuite on la ploie en mettant des linges ou du papier fin dedans, pour la serrer ou pour la livrer.

Si c’est de la Broderie de rapport, on découpe par l’envers avec des ciseaux, tout ce qui n’est pas compris sous la Broderie, puis on la passe à la balance pour savoir à combien elle revient.

Dez. Le dez sert à pousser l’aiguille dans l’étoffe, & garantit les doigts de l’Ouvrier; il en faut nécessairement deux pour travailler à l’enlevure: il en faut de piqués à gros & petits trous, suivant la grosseur des aiguilles dont on se sert. On fait des dez d’or, d’argent, de cuivre & d’ivoire; ceux de cuivre sont d’un usage plus commun.

Il faut bien se garder de lisser les fleurs de soie avec le dez; cette opération que font à chaque point les Ouvriers médiocres, ternit la soie & lui ôte son lustre.

Diligent, machine pour mettre également & promptement plusieurs brins d’or sur une broche sans le manier, voyez pl. 1, fig. 1; il suffit de tourner la manivelle a, après avoir serré la broche b, entre le pignon c, & un petit vérouil d, jusqu’à ce que la broche soit pleine; on coupe avec des ciseaux le fil d’or qui tient aux bobines; on lâche le vérouil, puis on passe les bouts d’or de la broche dans une fente qui est vers la tête x, fig. r, & l’or est mis plus promptement & plus ferme. Cette machine, que plusieurs Brodeurs ont adoptée dans les temps où la couchure étoit beaucoup d’usage, a été inventée en 1733, par M. de Saint-Aubin, mon pere.

Doigtier, c’est un petit aneau de cuir ou de fer-blanc, qu’on met sur la seconde phalange du petit doigt pour le garantir d’être écorché en tirant le point.

Il y a un autre doigtier dont on arme l’index de la main droite, pour conduire la grande aiguille en brodant au tambour; ce doigtier a une petite hoche dans sa partie supérieure, sur laquelle repose l’aiguille en travaillant.

Dorure. On appelle dorure, la Broderie enlevée, soit d’or, soit d’argent. Ce terme n’est guere d’usage qu’entre les gens du métier.

Doux. Poncer sur le doux, c’est frotter la poncette sur le côté du dessin par où le perçoir est entré en piquant: les erreurs qu’on fait en se trompant de côté, sont souvent de conséquence pour les choses qui font regard, comme devants d’habit, housses, bordures, &c. Il faut poncer un côté sur le doux, & l’autre sur le rude, en retournant le dessin; il faut, avant de poncer pour la seconde fois, secouer ou essuyer le dessin pour qu’il ne poële point l’étoffe.

Effiler. Il faut effiler les aiguillées d’or avant de les enfiler, environ de la longueur d’un pouce à chaque bout, pour pouvoir larder & arrêter l’or à la tête de l’aiguille, & l’arrêter dans l’étoffe en commençant à travailler. Cet effilage donne nécessairement un gros par once de déchet.

Egratigneurs Brodeurs. Il a été de mode (& l’usage & le talent en sont à peu-près perdus) qu’après avoir tracé sur satin avec une pointe un sujet quelconque, le Brodeur égratignoit l’étoffe avec un fer à découper, suivant les contours tracés. Cette espece de gravure, qui loin d’ajouter à la surface de l’étoffe, l’altéroit beaucoup, étoit du ressort des Brodeurs: ils découpoient aussi les boucles du velours bouclé, suivant les dessins qu’on leur demandoit: cette mode a fait place à d’autres.

[p. 36] Emboutir, c’est élever des fleurs ou compartiments de Broderie avec des morceaux de drap ou de feutre, qu’on coud sur l’étoffe avant d’y rapporter les morceaux de Broderie qui ont été faits séparément. On en coud quelquefois plusieurs les uns sur les autres, en en diminuant la grandeur pour varier le relief de la Broderie. Les blasons de couvertures de chariots, sont souvent emboutis de crin ou de laine.

Emporte-piece, outil de fer long de quatre pouces, & gros de six à huit lignes, terminé à un bout par une petite hotte évuidée & tranchante en son extrémité, de forme ou d’ovale, ou d’étoile ou de rosette, voyez pl. 1, fig. i, i, i. Pour s’en servir, on pose la lame d’or ou d’argent sur une table de plomb, puis avec un maillet l, dont on frappe sur le haut de l’emporte-piece en le tenant bien perpendiculaire; on taille d’un seul coup des paillettes de la forme de l’outil: elles sortent à mesure par le haut de la petite hotte k, k, k.

Enfiler. Comme chaque aiguillée de soie ou de laine, forme à son extrémité une petite houppe ou plusieurs filets imperceptibles & de différentes longueurs, voyez pl. 1, fig. s, on a quelquefois bien de la peine à les faire entrer tous ensemble dans la tête de l’aiguille; pour y réussir, ou il faut mouiller le petit bout de l’aiguillée pour en réunir les brins, ou il faut en former une boucle x, qu’on rend aiguë, soit en la pinçant avec les dents, soit en passant ferme l’aiguille dans cette boucle, comme si on vouloit la couper en son extrémité x; puis on enfile cette boucle dans la tête de l’aiguille, puis on passe l’aiguille & l’aiguillée dans cette boucle pour arrêter.

Enlevure, se fait quelquefois sur du carton modelé, & plus communément sur du fil: les bons Enleveurs sont plus chers que ceux qui couchent l’or. On enleve le dessous de la couchure par quelques points de gros fil de différents sens & de loin en loin, ou sous les extrémités des compartiments, en chevrons, barres, écailles, pour donner quelque ondulation de lumiere à l’or couché.

Ensubles ou Ensouples: ce sont deux morceaux de cœur de chêne d’égale dimension & longs à volonté, équarris ou arrondis de quatre à cinq pouces de diametre; à six pouces de chaque bout, doit être une mortaise de part en part sur les quatre faces, voyez fig. 2, pl. 1. Cette partie du métier ou ensuble, doit être plus renflée que le reste; c’est dans une de ces mortaises a, a, a, a, fig. 6, que doit entrer la latte b, b, b, b. Depuis cette mortaise jusqu’à sa parallele, doit être une sangle ou coutisse clouée de petits clous très-près les uns des autres & très-enfoncés: c’est à cette coutisse qu’on coud l’étoffe, en commençant à tendre le métier. Les Brodeurs ont par paires des ensubles de différentes longueurs. Quoique les ensubles de fer soient peu en usage, elles sont d’une bien plus grande commodité, tant à cause de leur plus grande résistance, que parce qu’étant plus mignones, les Ouvriers les embrassent mieux, & peuvent atteindre plus avant au milieu de l’étoffe. Voyez pl. 1, fig. 10, une ensuble de fer revêtue de grosse toile pour y pouvoir coudre la sangle, & fig. 11, les vis de fer tenant lieu de lattes. J’ai eu à moi un métier de cette façon, & malgré sa pesanteur je le trouvois plus commode.

Epargne. Faire l’épargne, c’est dessiner sans ordre & le plus rapproché qu’il est possible, sur du vélin, du papier ou de l’étoffe, les objets qu’on doit découper ensuite, pour les placer suivant le dessin général: on rapproche ainsi les objets pour économiser la matiere; ainsi la figure 11 de la Planche 5, est l’épargne de la figure 12, même Planche.

Etoffes. Les Ouvriers nomment ainsi les différentes matieres que leur distribuent les Entrepreneurs.

Faveurs, Vernis, Avanturines, sont plusieurs brins d’or & de soie tors ensemble au rouet, dont les Brodeurs cachent les épaisseurs de l’enlevure en vive-arête; ils couchent ces matieres à points de soie; quelquefois ils en font des fonds de compartiments & des troncs d’arbres.

Fers, outils pour découper le vélin ou les lames; voyez pl. 1, fig. t, t. Les Brodeurs en ont de différentes longueurs: ce sont des lames bien trempées, montées dans des manches de bois; quand elles sont neuves, le Découpeur les garnit de bandes de peau, crainte de se couper en travaillant; il suffit que la pointe de la lame soit découverte de trois à quatre lignes.

Ficelles. On acheve de tendre le métier avec des ficelles qu’on passe deux fois dans chaque boucle du trelissage, comme fig. 6, pl. 1; puis autour des lattes alternativement. La ficelle en pelotte est moins commode que le fil d’emballage en trois. Les ficelles s’alongent & se relâchent pendant le cours de l’ouvrage: il faut les tirer plusieurs fois.

Fond. On appelle fond, l’étoffe sur laquelle on brode, & celle sur laquelle on applique les morceaux de rapport: on dit, ordonner les fonds, délivrer les fonds.

Frison, trait bouclé & applati au cylindre, dont on orne quelquefois la Broderie: il est peu d’usage en ce pays-ci.

Frisure, est un trait d’or mat, roulé en tire-bourre sur une grande aiguille, formant un tuyau que les Brodeurs coupent par petits bouts de deux ou trois lignes; pour les employer, il faut les enfiler de soie grains à grains comme le bouillon. La frisure est un peu plus solide. Il s’en fabrique de plusieurs [p. 37] grosseurs: on en fait des graines de fleurs en boucles & en poires; on la guipe pour faire des nervures & de petits osiers fort agréables.

Galoner, c’est border les parties des étoffes qui n’ont point de lisiere & qui sont taillées juste, pour les empêcher de s’effiler & pour résister à l’effort des ficelles. On prend pour galoner de bon ruban de fil à trois ou quatre sous l’aune: il peut servir plusieurs fois.

Garde-main: c’est un papier ou un parchemin percé d’un trou grand comme un écu, pour ne laisser rien à découvert, que la place où l’Ouvrier travaille: peu de Brodeuses veulent s’en servir.

Gareau: c’est un outil composé de deux bandes de fer de six à huit lignes d’épaisseur, chacune moins longue que la largeur du métier qu’on veut redresser, voyez pl. 1, fig. 4 & 5. Ces deux bandes sont percées de trous sur une partie de leur longueur, pour pouvoir les alonger ou racourcir en changeant de place l’écrou a qui leur sert d’axe: elles sont terminées à leurs extrémités par deux pattes courbes b, b, qui doivent embrasser l’ensuble quand le gareau sera bandé comme d d, fig. 6. On ajuste ces deux bandes de deux ou trois pouces plus longues que la largeur du métier; puis par un effort de lévier qu’on fait faire à ces deux bandes, après avoir posé les pattes contre les deux ensubles, on rapproche ces bandes paralleles; on les fixe avec une boucle de fer coulante, comme e, fig. 6, ce qui nécessairement doit redresser les ensubles qui cambroient en dedans, & fait tendre le fond dans son milieu. Il est à propos, avant de bander le gareau, de mettre entre sa patte & l’ensuble, un papier ployé en plusieurs doubles, sur-tout s’il y a de l’étoffe roulée.

Il y a un autre gareau, fig. 4, composé de deux tringles qui engrainent à vis l’une dans l’autre, & qu’on fait alonger en tournant avec une main de fer ou un clou, qu’on fourre successivement dans les trous pratiqués sur les quatre faces d’un noyau adhérent à la tringle vissée: ce gareau est simple & d’un fort bon usage.

Gauchere, Brodeuse habituée à avoir la main gauche sur le métier, pour avoir le jour en dedans la main, comme pl. 2, fig. i.

Les droitieres se placent vis-à-vis de l’autre côté du métier. Il seroit à désirer que les Brodeuses s’accoutumassent à broder indifféremment des deux mains.

Guipure: sorte de Broderie qui se fait avec de l’or fin sur vélin ou sur fil, les brins d’or bien lisses & bien rangés à côté les uns des autres, & cousus de soie aux deux côtés du vélin. On guipe en clinquant sur fil, les objets les plus délicats; on guipe en frisure & bouillon à points enfilés l’un après l’autre, comme pl. 4, fig. 7. Tous ces procédés laissent tout l’or en dessus, on ne voit à l’envers que les points de soie qui l’attachent.

Hachebaché, se dit des longs points de soie que les Ouvriers font sur la taillure, pour exprimer quelques plis ou quelques ombres: on dit indistinctement harpé ou hachebaché.

Jais, verre fondu & filé en petits tubes de toutes couleurs. Les Emailleurs le vendent 4 livres l’once tout coupé par petits bouts de deux ou trois lignes. Pour l’employer en Broderie, on l’enfile de laiton ou de soie bien cirée pour le coudre sur l’étoffe.

Le jais de Milan est plus égal de grosseur & mieux coupé.

Jaseron, très-gros bouillon qu’on emploie sans le couper, pour faire de riches nervures, ou les filets de différentes bordures.

Jonc, gros trait d’or tourné en spirale, dont on borde les blasons & croix d’Ordres: il s’en fait de différentes grosseurs.

Lames, sont des feuilles d’or ou d’argent battu & poli, de trois à quatre pouces quarrés, qu’on découpe avec le fer ou l’emporte-piece de la forme qu’on veut, pour les employer ensuite en Broderie. L’usage des lames est nouveau.

On nomme aussi lame, les clinquants de différentes largeurs.

On emploie depuis quelque temps, des lames d’argent vernies de différentes couleurs; comme le brillant est fort à la mode, elles sont très-recherchées, quoique fort peu solides: on les nomme communément paillons. On les vend vingt-huit & jusqu’à trente livres l’once toutes découpées.

Lancé: on dit que les points ne sont que lancés, quand ils sont trop longs.

Lancée. On fait de la Broderie lancée en soie tout en travers de l’objet, de telle largeur qu’il soit, d’une ou plusieurs nuances, puis rabattues en sens contraire par des soies très-fines. Voyez pl. 3, fig. 6, & pl. 7, fig. 4.

Lattes, voyez pl. 1, fig. 3, bandes de chêne de six lignes d’épaisseur, de trois pouces de large, & longues à volonté: elles doivent être percées sur toute leur longueur, de trous rangés sur deux lignes alternes. La latte sert à tendre le métier en l’insinuant dans la mortaise de l’ensuble, & la fixant avec deux clous les plus distants qu’il est possible, comme fig. 6; il en faut deux pour chaque métier. Quand les lattes sont trop minces, & qu’on tend beaucoup le métier, elles sont sujettes à se cambrer ou à casser; on remédie au premier cas en les arrêtant au tréteau avec une corde; & pour le second cas, on a des lattes plus épaisses vers le milieu, comme fig. 3, bis, sur-tout pour les grands ouvrages. Quand on n’a pas de lattes aussi longues que tout le développement de l’étoffe, on peut alonger celles que l’on a avec [p. 38] d’autres petites du même diametre, en arrêtant l’une sur l’autre vers la moitié de leur longueur, avec des clous fichés dans les trous qui se rencontrent, & quelques liens de ficelle, comme f, f, fig. 6.

Ligneul: ce sont plusieurs fils écrus, cirés & dévidés sur une broche, qu’on coud à petits points de soie pour faire la premiere carcasse de l’enlevure; on en coud plusieurs les uns sur les autres, suivant qu’on veut donner à l’objet plus ou moins de relief.

Menne-lourd. On appelle ainsi de petits ébauchoirs de buis ou d’ivoire de différentes formes, comme f, f, pl. 1, dont les Brodeurs se servent pour modeler leurs fils à mesure qu’ils les emploient en Broderie.

Métier. On appelle métier, le chassis auquel on attache l’étoffe avant de la broder, de telle grandeur qu’il soit. Pl. 1, fig. 6, représente le métier tout monté, composé de deux ensubles, g g, g g, deux lattes c, c, quatre clous a, a, a, a, les ficelles h, h, & le gareau d d. Les Tourneurs vendent d’autres petits métiers tenant à des pieds mobiles, ou pour broder sur les genoux; on ne s’en sert guere que pour des ouvrages d’amusement. Ils en font de peints & vernis, armés de crochets & ressorts à vis, dorés d’or moulu.

Milanese: c’est un cordon composé de deux cordons de soie tors en sens contraire, ensuite réunis, tors & recouverts à volonté, plus ou moins riche, d’un ou de deux brins d’or ou de battu, que le Tordeur fait courir dessus, pendant qu’un petit garçon fait tourner la roue qui tord la milanese.

Les Tordeurs travaillent dans de longues allées aux environs de la porte Saint-Denis. La milanese sert à lisérer la Broderie, quand on ne veut pas employer le cordon qui est quatre fois plus cher. Il s’en fait de différentes formes & grosseurs: son nom dit assez son origine.

Nœuds. On en distingue de trois especes; 1o. les nœuds de fil ou de soie, que les Dames font en s’amusant avec la navette; ces nœuds successivement arrangés très-près les uns des autres, forment une espece de cordonnet agréable, qu’on coud avec de la soie sur la surface de l’étoffe. On les dévide par pelottes, & on les emploie à la broche.

2o. Les nœuds qu’on fait au bout de l’aiguillée, pour l’arrêter en dessous de l’étoffe. Les Brodeuses délicates évitent de faire des nœuds en travaillant; elles arrêtent leur aiguillée par deux ou trois petits points perdus dans les fleurs.

3o. Les nœuds qu’on met par ornement dans le cœur des fleurs ou aisselles des plantes, pour exprimer les graines, sont plus faciles à faire qu’à décrire. Voici à peu-près comme on s’y prend:

L’aiguillée étant arrêtée dans l’étoffe, on lui fait former une grande boucle sur l’étoffe en tournant la main; on passe l’aiguille dans cette boucle, on la fiche tout auprès du premier point; & pendant que la main de dessous tire l’aiguille, celle de dessus tient la boucle, & la fait couler à mesure qu’elle diminue, jusqu’à la partie de l’aiguillée qui touche immédiatement à la surface de l’étoffe, ce qui doit former un nœud. Pour qu’il soit plus sensible, il a fallu enfiler plusieurs brins de soie d’une ou de plusieurs couleurs dans la même aiguille; on recommence autant de fois que le sujet l’exige; quelquefois même on fait des fonds entiers sablés de nœuds.

Or. Tout l’or qu’on emploie en Broderie n’étant que de l’argent doré, il y a beaucoup de degrés de dorure, qui augmentent ou diminuent le prix & la solidité.

Prix en 1769.

L’or double surdoré, 96 liv. le marc.
L’or surdoré, 88  
L’or à passer, 82  
L’or pâle ou veiné, 72  
L’or verd, rouge & bleu, 82  
L’or frisé, 80  
L’or cordon, 84  
L’or de Lyon, 72  
L’or de Milan, 68  
L’or rebours, 75  

Tous les détails de ces matieres appartiennent à l’Art du Tireur d’or.

Pour faire les gros cordons, il faut prendre de l’or filé à gauche qu’on appelle rebours, pour que le trait ne casse point en le tordant à droite.

L’or de Milan n’a sa lame dorée que du côté apparent, ce qui le rend plus pâle.

L’or de Lyon est d’un titre à dix livres par marc au-dessous de l’or de Paris.

L’Or trait, est un trait fin d’argent doré, qui n’est filé sur aucune soie: il casse aisément.

Or faux, c’est du cuivre filé & doré plus ou moins: par les Ordonnances, il ne doit être filé que sur fil; il y a quelques cas où l’on déroge à l’Ordonnance. Le prix en varie depuis 10 jusqu’à 24 livres le marc. On fait en faux les mêmes matieres qu’en fin.

Ordonner, c’est dessiner sur le fond en repassant avec une plume & de l’encre sur toutes les traces de la ponçure. On ordonne sur les fonds bruns avec du blanc de céruse, du massico & autres couleurs claires & bien broyées. Il faut battre l’étoffe & la brosser quand elle est ordonnée, pour nétoyer les restes de la ponçure.

Orfroi. Les bandes & le chaperon d’une chappe, les bandes d’une tunique, la croix d’une chasuble, les bandes riches d’un parement d’autel, s’appellent orfroi; on les fait [p. 39] très-souvent d’une étoffe plus riche que le reste de l’ornement. Voyez pl. 6, fig. 1, 2, 3, 4, la distribution des orfrois brodés.

Paillettes: ce sont de petits anneaux d’or applatis au marteau poli, au centre desquels il reste un petit trou propre à passer l’aiguille pour les coudre.

Il y a des paillettes de différentes grandeurs; elles ont chacune leur nom qui sert à les distinguer. Voyez pl. 5, fig. 7.

1. La très-grande, 2. la ronde, 3. la comptée, 4. la quatrieme, 5. la troisieme, 6. la balzac, 7. la grande semence, 8. la semence, 9. & 10. la quarantaine; après cela on a les paillettes qui se font à l’emporte-piece, en ovale f, cœur g, amandes h, losange i, quarré l, treffle m, rosette n, étoile o, ronde p, belle vue q & r de la fig. 8. On vend les paillettes ordinaires de quatre-vingt dix à quatre-vingt-douze livres le marc, & les autres à proportion. Il se fait aussi des paillettes coloriées une à une, qui se vendent jusqu’à cent quatre-vingt livres le marc.

Il se fait aussi des paillettes d’acier noir d’eau, pour les Broderies de deuil. Les Émailleurs tiennent aussi des paillettes de verre noir fondu & percé à l’outil, mais trop épaisses pour être employées en paillettes comptées comme les autres: tous ces menus ornements se varient à l’infini.

Paillons, morceaux de lames d’argent vernis de différentes couleurs; il y a des Ouvriers qui ne les colorent que quand ils sont brodés en place. On les attache, ou en guipant de la frisure dans les trous qui les bordent, comme pl. 5, fig. 9, bis, ou par de petits points de bouillon de l’un à l’autre trou, ou en les recouvrant à claire-voie, de soie de la même couleur, lancée en travers comme fig. 13, ce qui les nue & fait un bon effet. On peut mettre des coups d’ombre en formation sur le fond. Pour ce dernier procédé, il ne faut pas que les paillons soient percés par les bords.

Pasté: c’est un morceau de chapeau taillé en rond, de trois ou quatre pouces de diametre, quelquefois divisé par d’autres petites bandes de chapeau, comme pl. 1, fig. e. C’est sur ce pâté que les Ouvriers mettent par petits tas, les différentes paillettes, frisure & bouillon, dont ils ont besoin pour travailler; c’est en quelque façon la palette du Brodeur. Les pâtés sont sujets à être renversés, si l’aiguillée les accroche, ou si le métier reçoit quelques secousses violentes. Il se fait des ouvrages si recherchés, qu’il faut plusieurs pâtés à un seul Ouvrier.

Perçoir, petit bâton de canne ou de bouleau, dans lequel est emmanchée une aiguille bien pointue; on s’en sert à piquer les dessins. Il faut tenir le perçoir très-perpendiculaire en piquant, pour que la ponçure puisse passer librement au travers du papier. On fait des perçoirs très-commodes avec le manche des outils à broder au tambour.

Piquer. Il faut piquer réguliérement à petits trous très-près les uns des autres, tous les contours, nervures, graines du dessin, même les traits qui en annoncent les angles & retraites, en contenant le papier tout près du perçoir avec le doigt de la main gauche. Ce papier doit être posé sur une serge ou une table garnie de drap. On pique souvent quatre ou cinq papiers ensemble; ces percés servent à faire les dessins marqués qu’on donne dans les différents atteliers. Ce sont ordinairement les enfants ou apprentifs qui piquent les dessins: il ne faut que de la patience & de la routine.

Pinces, outil d’acier qui sert à tirer l’aiguille en faisant l’enlevure épaisse & dure.

Poncette, petit sac de grosse toile, contenant de la chaux vive bien pulvérisée, quand on veut poncer en blanc sur des fonds bruns. Sur les étoffes blanches ou de couleur claire, on se sert de poncette de charbon de bois blanc, rapé & bien tamisé. Quelques-uns font leur poncette avec de la lie de vin bien brûlée: je l’estime la meilleure.

On ponce encore les petits morceaux avec un tampon de feutre roulé & trempé de temps en temps dans la ponçure qu’on a dans un vase plat. Ce procédé est plus propre, mais moins expéditif.

Point, on nomme ainsi la partie d’or ou de soie qui reste sur la surface de l’étoffe, chaque fois qu’on tire l’aiguillée en dessous; ainsi on dit, point court, point long, point alterne, point satiné, point fendu, c’est celui dans lequel rentre le second point; point passé, c’est celui qui embrasse en dessus comme en dessous la largeur de l’objet; point perdu, c’est celui qui sert à arrêter l’aiguillée en commençant & en finissant de l’employer. On appelle encore points perdus, ceux qui réunissent plusieurs pieces de rapport ensemble, parce qu’ils ne doivent point paroître.

Point, se dit aussi du rapport qu’ont entre eux les petits points de soie dont on coud l’or couché, & qui forment par leur rencontre le point satiné, point de chevron, point de losange ou d’écaille, ou point de 2, 3, 4, 5 ou 6 à côté les uns des autres; ce qu’il ne faut pas confondre quand on fait travailler plusieurs morceaux pareils dans différents atteliers.

Point, se dit encore du grain de frisure que l’Ouvrier a sur son pâté, & qu’il emploie un à un en l’enfilant: ainsi on dit hachebachure de deux, trois ou quatre points.

Pratique, est une chaînette d’or de six ou neuf brins, fabriquée au boisseau, que l’on coud par sa moitié intérieure sur les contours extérieurs de la Broderie de rapport, avant ou après l’avoir faite. Voy. pl. 4, fig 5, b, b, b. La pratique sert à recevoir le point [p. 40] d’aiguille qui coud la Broderie quand elle est faite, sur tel fond que l’on veut; elle cache l’épaisseur du fond sur lequel on a brodé le rapport, & garantit l’ouvrage du coup de ciseau qui la découpe; assez ordinairement elle engage un peu les formes & les contours.

Racher, c’est assurer & finir une Broderie lancée ou cordonnets collés, par de petits points symmétriquement arrangés.

Rapport. Il se fait des Broderies en rapport brodées sur toile, taffetas ou papier, que les Brodeurs tiennent en magasin prêtes à être appliquées sur tel fond qu’on voudra. Ordinairement ce sont des bordures d’habits d’homme, qui se vendent depuis dix-huit jusqu’à trente livres l’once, suivant les especes de paillettes qui l’enrichissent.

Rapport, est aussi la maniere de broder sur toile par parties détachées, les feuilles, fleurs ou galons d’un compartiment, ou les différentes parties d’un trophée, qu’on réunit ensuite les unes sur les autres après les avoir découpées chacune séparément; ce procédé donne un relief plus net & plus distinct à chaque objet, & coûte moins de peines à l’Ouvrier.

Rehaussé, se dit quand on exprime les lumieres ou les clairs d’un fruit ou d’une draperie brodée, par des points d’or ou d’argent mis après coup. La rehaussure fait en vieillissant l’effet contraire de ce à quoi on l’a destiné: elle noircit & fait tache.

Retraite, ce sont des croix piquées sur les angles du dessin poncif, qui indiquent les points de renseignement du dessin à l’étoffe, ou du dessin à lui-même. La retraite sert aussi de guide quand on est obligé de poncer plusieurs fois le même dessin à côté l’un de l’autre: une feuille, une graine, servent de retraite.

Il se fait des tailles d’habits ou de meubles par retraite, c’est-à-dire, qu’on ne dessine sur la taille, que les retraites du coupon, & les parties alongées ou raccourcies dans les endroits qui tournent; le coupon ponce le reste sur l’étoffe.

On ne sauroit être trop scrupuleux sur l’exacte rencontre des retraites.

Rezeau. On en emploie de différentes richesses, pour servir de fond à des compartiments; quelquefois on l’achete tout fabriqué au boisseau par les Ouvriers de Saint-Denis, ou de Villiers-le-Bel; celui que les Brodeurs font à l’aiguille est beaucoup meilleur & plus correct. On s’en sert beaucoup pour les grands habits de Cour; on en fait des mantilles: on brode dessus en soie ou en paillettes; on en recouvre quelquefois les paillons: on en emploie dans les bordures d’habits d’homme, comme pl. 4, fig 5.

Rouet a main: c’est une machine de fer dont les Brodeurs se servent pour faire des bouts de milanese ou de cordon, pour échantillonner, ou dans des momens pressés. Voy. pl. 1, fig. 7.

Rouet. Il faut au Maître Brodeur un rouet pour tracaner & dévider les soies, & les mettre en bobines. On trouve ces rouets tout faits chez les Tourneurs. Voyez pl. 3, fig. 3.

Roule, Rouler. On roule l’étoffe autour de l’ensuble, plus ou moins de tours suivant sa largeur, pour que les Ouvrieres puissent atteindre, sans trop se gêner, jusqu’au milieu de l’étoffe tendue; c’est même par le milieu du métier qu’il faut commencer les morceaux riches & la Broderie en chenille, pour ne la pas froisser: on déroule à mesure que l’ouvrage avance. Chaque tour d’ensuble s’appelle un roule, le demi-tour, un demi-roule, &c.

S, marque que l’on voit sur les bobines d’or de Lyon, & qui indique la grosseur de l’or. Voyez l’article Bouts.

Satiner, c’est coudre un ou deux brins d’or à côté les uns des autres sur enlevure, de maniere qu’on ne voie point les points de soie.

On satine en soie les plumes, cheveux, crinieres; & dans les tableaux nués, ces choses se brodent en suivant le sens des ondulations.

Soies. On emploie en Broderie de toutes sortes de soies.

La soie de Grenade de toutes couleurs; le prix en varie, suivant le plus ou le moins d’abondance: la livre de soie est de quinze onces.

La trême d’Alais ou trême de Perse, pour les belles fleurs.

L’organsin Messine noir pour le deuil; c’est une soie fine & torse.

La soie plate que les Ouvriers refendent avec les doigts en brins aussi fins qu’ils le désirent. On s’en sert pour broder les tableaux.

Le capiton, pour les fonds d’ouvrages communs, & la tapisserie.

Sorbec: c’est une soie de couleur quelconque, sur laquelle le Tordeur a fait courir un trait d’or battu. Il faut coudre le sorbec; il casseroit en le passant dans l’étoffe.

Supports, animaux & figures brodés en laine ou en soie, pour les armes de caparaçons & couvertures de mulets & chariots d’armée. Quelques Brodeurs tiennent en magasin des supports tout brodés en rapport de différentes grandeurs.

Taille. Prendre la taille, c’est poser un devant d’habit, une housse, (le morceau qu’on veut broder,) sur un papier blanc de la même grandeur, & piquer avec un perçoir tous les contours qui sont tracés sur l’étoffe, ou qu’elle indique par sa coupe. Faire la taille, c’est répéter le coupon du dessin choisi & piqué, en le ponçant & le dessinant suivant les contours; l’art est d’alonger ou raccourcir les parties du coupon sans le [p. 41] corrompre, suivant qu’il se trouve plus ou moins gêné dans les parties tournantes. Les Brodeurs font communément faire leurs tailles par les Dessinateurs; ils les piquent, & elles leur servent à poncer également les deux devants d’un habit, les deux côtés d’une housse, plusieurs pentes ou morceaux pareils, en retournant le dessin ou poncif quand il en est besoin; ce qui s’explique ainsi: poncer sur le doux & sur le rude.

La taille sert aussi à juger si l’étoffe ne s’est pas étendue ou alongée en tendant le métier ou en brodant; on présente la taille sur l’étoffe, & l’on voit si les contours se rencontrent bien juste les uns sur les autres; s’il y a quelque différence, il faut bander les lattes ou lâcher les ficelles jusqu’à ce que les contours soient bien pareils. Cette opération s’appelle mettre en taille: il faut la faire avant de coller l’ouvrage.

Tambour, est une espece de métier à pied ou à mettre sur les genoux; il ne sert guere que pour broder en chaînette. Il y en a de plusieurs formes. Voyez pl. 1, fig. 8 & 9.

Tatignon: meuble de cuivre ou de fer blanc, dans lequel l’Ouvrier a sa chandelle. Chaque Ouvrier a ses mouchettes dans son tatignon posé sur le métier, bien garni de papier. Quelques-uns y ajoutent un garde-vue.

Teste: ce sont des paillettes très-minces & un peu embouties par le Fabriquant.

Torche: Écheveau d’or ou de soie coupé par aiguillées, & renfermé dans un papier ou parchemin roulé, un peu moins long que les aiguillées, & relié d’un petit cordon. Voy. pl. 1, fig. 9. On tire les aiguillées une à une avec la pointe de l’aiguille à mesure qu’on en a besoin.

Tournettes: ce sont deux cylindres d’osier à claire-voie, mobiles sur un arbre perpendiculaire, dont l’un est fixé dans un banc, & l’autre dans une coulisse mobile, qu’on fixe à la distance convenable à l’étendue de l’écheveau de soie qu’on veut dévider, avec une vis de bois qui engraine dans le banc. Voyez pl. 2, B, de la Vignette.

Les tournettes portent la soie, & en facilitent le dévidage par leur mouvement.

Tracaner, c’est survuider l’or ou la soie d’une bobine sur une autre à l’aide d’un rouet & de la brochette.

Trait: fil d’or ou d’argent rond & très-fin, sans soie dessous; on l’emploie plus sûrement couché que passé: sa finesse le rend facile à casser. Ne pourroit-on pas, pour les ouvrages précieux en filer d’or pur?

Trelisser, c’est faire de larges points noués avec de la ficelle, le long des deux extrémités qui regardent les lattes. Ces points noués, qu’on appelle trelissage, servent à recevoir les ficelles qui doivent tendre le métier. Ce procédé supplée au galon dont on pourroit border l’étoffe pour la conserver: il est plus expéditif. Voyez pl. 1, fig. 6, i i i i.

Tréteau, espece de banc de trois pieds de haut, dont la tablette peut avoir cinq pouces de large. C’est sur cette tablette que reposent les bouts de l’ensuble opposés à la chanlatte. Voyez pl. 2, fig. c, c. La tablette doit être percée de quelques trous vers ses extrémités, pour recevoir au besoin une cheville de fer qui sert à arrêter le métier, & empêcher que les Brodeuses ne le poussent à terre en s’appuyant contre.

Velin, peau de veau préparée par un Parcheminier; on la découpe avec un fer, après l’avoir teinte en safran & l’avoir dessiné: ces découpures donnent un petit relief à la Broderie en guipure, quelquefois même au passé. La peau de vélin coûte 24 à 30 sols: on peut au besoin lui substituer le parchemin fort; mais il est moins convenable. Les rognures servent à faire de la colle.

Vernis: c’est un cordonnet d’or & de soie couleur maron, qu’on couche à petits points sur l’épaisseur des morceaux d’enlevure. Pour les Broderies communes, on se contente de noircir ses épaisseurs avec un pinceau trempé dans l’encre.

On emploie d’autre vernis en toutes couleurs; c’est un fil d’or sur lequel le Tordeur fait courir une soie fine, pour imiter l’aventurine: on peut le passer à l’aiguille.

Fin de l’Explication des Termes.

[p. 42]

EXPLICATION DES PLANCHES.


PLANCHE PREMIERE.
Elle représente les Outils du Brodeur.

Figure a, Perçoir de canne ou de bouleau.

Figure b, Perçoir à manche à vis, de bois ou d’ivoire.

Figure c, Poncettes noires ou blanches: elles sont faites de même.

Figure d d d, Bobines de différentes formes; la troisieme fait voir sur l’extérieur de la patte, la marque du poids de la bobine, & celle de la grosseur de l’or.

Figure e, Pâté chargé de petits tas de différentes paillettes & de frisure.

Figure f f, Menne-lourd ou ébauchoir de buis ou d’ivoire.

Figure g, Bouriquet de carton qui reste sur le métier, & dans lequel les Ouvriers amassent les bouts d’or écorché, les paillettes mal faites, & tout ce qui n’est bon qu’au déchet. Ce déchet appartient au Maître.

Figure h, Tatignon de cuivre qui porte la lumiere de l’Ouvrier.

Figure i i i i, Emportes-pieces d’acier, tranchantes par le bas, de différentes formes, servant à tailler les paillettes dans un morceau de lame; ces paillettes sortent d’elles-mêmes par le haut de la petite hotte k k k, à mesure que l’on frappe sur la tête de l’outil avec un maillet pour en fabriquer d’autres. Plusieurs Brodeurs font leurs paillettes eux-mêmes.

Figure l, Maillet de buis pour frapper sur l’emporte-piece quand on veut faire des paillettes.

Figure m, petit Marteau de fer pour frapper sur le poinçon qui fait les trous des grandes paillettes & paillons.

Figure n, Brochette de fer, emmanchée de bois, enfilant une Bobine prête à être dévidée.

Figure o, Hirondelle de carte, sur laquelle on dévide la soie plate & les nœuds.

Figure p p, Dés piqués de trous de différentes grosseurs.

Figure 1, Diligent composé d’une tablette q, sur laquelle est élevé un chassis r, r, r; ce chassis porte trois brochettes de fer, s, s, s, dans lesquelles on enfile les bobines chargées d’or qu’on veut mettre en broche. Ces brochettes sont contenues par un petit tourniquet t t t, qui bouche le trou par où elles ont sorti pour enfiler les bobines.

Sur le devant de la tablette q, est élevée à gauche, une roue de fer engrenant dans un pignon c, le tout porté par un chassis de fer fixé sur la tablette avec deux vis.

[p. 43] A droite de la tablette q, est un petit montant de bois u, traversé d’un vérouil de bois, garni d’une pointe de fer parallele à l’axe du pignon: c’est entre ce vérouil & le pignon, qu’on serre la broche b, sur laquelle on veut dévider l’or. Un autre petit vérouil oblique, placé dans l’épaisseur du montant u, en le poussant un peu, contient le premier & l’empêche de reculer, quand on tourne la manivelle a, pour mettre l’or en broche. La tablette q est bordée d’une petite tringle de bois pour contenir les ciseaux & le déchet.

Figure q, Torche de parchemin contenant l’or à passer.

Figure r, la Broche chargée d’un reste d’or en deux brins, dont les bouts doivent toujours être passés dans la fente de la tête x, en travaillant.

Figure s, Aiguille présentant la boucle pointue x, qu’il a fallu faire pour réussir à enfiler de la laine.

Figure t t, Fers à découper; l’un des deux est garni de bandes de peau vers le bas de sa lame, pour empêcher l’Ouvrier de se couper.

Figure u, Chapelet de plusieurs bobines chargées de soie, enfilées ainsi de peur qu’elles ne s’égarent.

Figure 2, Ensuble de bois garnie de sa sangle: il en faut deux pour chaque métier.

Figure 3, Latte de chêne, servant de traverse aux ensubles; il en faut deux: les trous i, i, i, i, servent à recevoir les clous qui arrêtent les ensubles.

Figure 3, bis, autre Latte épaisse pour les gros ouvrages.

Figure 4, Gareau de fer à levier, pour bander le milieu du métier.

Figure 4, autre Gareau de fer à vis.

Figure 6, Métier tout tendu; g g, les ensubles; b b b, les lattes; d d, le gareau en place; a a, les clous; i i i, le trelissage; h h, les ficelles; k, l’étoffe représentant le dessin d’un léger lez de jupe, prêt à être brodé.

Figure 7, Rouet à main, composé d’une double croix de fer o o o o, formant un chassis à la roue k; & aux quatre pignons dans lesquels elle engrene, l’axe de ces pignons présente un crochet r r r: c’est à ces crochets qu’on attache les soies qu’on veut tordre; l’autre bout des soies est attaché à un clou ou anneau, dans quelque coin de la Boutique. Le Brodeur tient de la main gauche le manche de son rouet; de la droite, il fait tourner la manivelle & la roue, les pignons & la soie attachés à leur axe. Quand il juge que ses soies sont assez torses, il les détache & les réunit à un seul crochet; puis tournant à rebours, il fait un cordon gros à volonté. S’il veut le faire très-gros, il multiplie le nombre des soies de chaque crochet.

Le Brodeur ne se sert de cette machine que pour des échantillons ou choses pressées: il y a des Tordeurs en titre pour tous les cordons & milaneses.

Figure 8, Tambour à pied, garni de son taffetas a, servant d’enveloppe à l’excédent de l’étoffe b. c, petit Cylindre creux, contenant la bobine d’or. d, Genouil de cuivre pour tourner le tambour à volonté. e, Tige verticale qui [p. 44] s’emboîte dans le pied du métier, & s’éleve à volonté à l’aide de la vis f. g, petite Boîte pour serrer l’or & les ciseaux.

Figure 9, autre Tambour à mettre sur les genoux. Il est composé d’une éclisse a a, sur laquelle on étend l’étoffe que l’on tend avec la ceinture & la boucle b b. L’éclisse est arrêtée par deux vis à deux jambes verticales, qui n’empêchent point sa mobilité. Aux deux bouts de la tablette d, sont deux boîtes à coulisses pour serrer l’or, l’outil & les ciseaux; & sur la tablette est un petit axe e, pour porter la bobine d’or quand on travaille. Ces deux tambours servent à faire la chaînette au crochet.

Figure 10, Ensuble de fer garnie de sa sangle: il en faut deux pour chaque métier.

Figure 11, Tringle de fer vissée, tenant lieu de latte pour le métier de fer. On fait entrer les bouts de cette tringle dans le trou des ensubles; puis on en fait agir le pas de vis à l’aide de la petite clef h.

Figure 12, Outil pour broder au tambour. a, l’Aiguille terminée en hameçon, arrêtée par la vis b, dans le manche c, de bois, d’or ou d’ivoire. Ce manche est creux, & peut servir d’étui pour contenir plusieurs aiguilles.

Figure 13, Clou à tendre: il en faut deux.

Figure 14, Clou ou cheville pour fixer les ensubles dans l’écart que leur a donné le clou à tendre: il en faut quatre.

Planche II.

La vignette A, représente la Boutique ou Attelier d’un Brodeur.

Figure 1, un Brodeur finissant de bander le Métier avec le clou à tendre; il tient dans sa main droite le petit clou qu’il doit substituer au grand, quand le métier sera assez bandé. J’ai dit qu’il faisoit mal de pousser la latte avec son genouil.

Figure B, les Tournettes pour dévider la soie.

Figure c, le Tréteau qui porte le métier d’un bout.

Figure d d, la Chanlatte qui porte l’autre bout du métier.

Figure e, Métier qui finit d’être tendu, & sur lequel est tracé un derriere de chasuble.

Figure f, Métier accroché au mur en attendant qu’on le dessine.

Figure g, autre Métier sur lequel est tendue une veste appliquée sur canevas.

Figure h, Métier où travaillent une Droitiere l, & une Gauchere i, une main dessus & l’autre dessous.

Figure m, le Gareau qui bande le métier par le milieu.

Figure n, Maniere dont sont placés les clous à tendre, maillets, emporte-pieces, &c, dans les boucles d’un cuir cloué au mur.

Figure o, Panier plein de bobines vuides, prêtes à recevoir la soie.

Figure 2, Fleuron dessiné sur l’étoffe, prêt à recevoir les pieces de rapport expliquées à côté. a, a, a, les Traits d’encre qui dessinent le fleuron. b, [p. 45] premiere Emboutissure de chapeau, cousue de points de soie. c, autre Emboutissure plus petite, pour augmenter le relief. Figures 3, 3, 3, 3, les parties du Fleuron dessinées séparément; les traits perpendiculaires montrent les premiers fils de l’enlevure.

Figure 4, 4, 4, 4, montrent les mêmes parties du Fleuron, avec les seconds fils qui recouvrent les premiers en travers.

Figure 5, 5, 5, 5, les mêmes parties du Fleuron dont tous les fils sont couverts d’or satiné, en sens contraire aux derniers fils. Les graines a, a, sont satinées en or trait.

Figure 6, 6, 6, 6, les mêmes parties du Fleuron liserées de cordon, dont les bouts o, o, o, o, sont restés plus longs, pour être passés dans l’étoffe quand on les rapportera l’une sur l’autre.

Les revers a, a, a, a, séparés, brodés en clinquant guipé; b, b, b, b, les mêmes revers mis en place, fig. 7. On colle ces différentes parties, on les découpe, puis on les rapporte comme à la figure 8, en commençant par c, puis d, puis e, puis f.

Si ce Fleuron est destiné à faire partie d’un dessin plus considérable, on le colle, on le découpe, puis on le fixe par quelques points perdus, dans la place qui lui est destinée.

Planche III.

Figure 1, représente une partie de tableau d’or nué. A, partie du tableau qui n’est que dessinée au trait. B, partie du tableau où les fils d’or ne sont que lancés. C, partie du tableau dont les fils d’or sont recouverts plus ou moins de points de soie d’un même sens, pour exprimer les nuances & les ombres. D, partie d’une figure qui est satinée en soie nuée tout d’un sens & sans or dessous; l’autre moitié n’est que tracée.

Les cheveux se font en soie suivant les différents sens que les boucles indiquent.

Figure 2, Fleur de lys commencée à être gaufrée avec les progrès des différents travaux. a, a, a, les fils lancés à deux lignes les uns des autres, après que la fleur de lys a été dessinée. b, b, l’or cousu de deux en deux fils. c, c, les points plus courts, pour décrire exactement la forme. g, g, le cordon qui lisere la fleur de lys quand elle est tout-à-fait gaufrée. f, f, le bout du cordon qu’on passe au travers de l’étoffe en commençant & en finissant.

Figure 3, représente le rouet à dévider & à tracaner la soie: tout le monde en connoît l’usage.

Figure 4, Flamme du manteau de l’Ordre du Saint-Esprit, avec la marche du clinquant dont on la guipe.

Figure 5, maniere dont le bout de cordon est pris dans la boucle de l’aiguille à passer les bouts, quand on veut le faire passer en dessous.

[p. 46] Figure 6, représente une rose en broderie lancée tout d’un sens, de plusieurs nuances, & cariotée ou rabattue de soies fines. Les points qui sont indiqués sur la rencontre de chaque carreau e, e, e, marquent ceux qu’on doit faire pour assurer & fixer ces carreaux.

Figure 7, représente une rose nuée à points, & le sens de tourner les points de soie a, a, pour donner du mouvement & de la grace à chaque feuille.

Figure 8, représente de gros canevas, & la marche du petit point en tapisserie, d’angle en angle des fils du canevas, & se recouvrant de même.

Figure 9, canevas fin sur lequel est représenté, a, a, la premiere marche du gros point en tapisserie. b, b, représente la seconde marche, le point croise & recouvre le premier, le nourrit & cache absolument les fils & les jours du canevas.

Figure 10, autre morceau de canevas sur lequel est à-peu-près représentée une partie de compartiment plaquée en deux nuances de gros point.

Figure 11, présente un morceau de canevas, sur lequel on a fait tracer le dessin avec du filozelle, pour indiquer les nuances.

Planche IV.

Figure 1, représente une bordure d’habit brodé, partie en couchure & partie en guipure, avec les ornements qui y sont propres. a, a, le trait du dessin. b, b, Feuilles couchées en chevron. c, Couchure de deux points. d, d, Paillettes attachées d’une croix d’or. e, e, Rond couché en tournant. g, g, Clinquant plissé, dont la moulure est ornée. h, h, Fils placés d’espace en espace pour varier l’effet de la couchure qui doit les recouvrir. i, i, i, i, les queues des fleurs qui se font ordinairement en frisé couché. k, k, le raccord du coupon de Broderie. l, l, Mosaïque de clinquant plat & de boucles de frisure. m, m, représente le vélin cousu à petits points pour être recouvert en guipure. n, n, n, représente la guipure qui recouvre le vélin; & la maniere de la conduire avec la broche Q. o, o, o, représentent les refentes du vélin, & les points de soie qui attachent l’or dans ces refentes, quand l’objet est trop large pour être fait d’un seul point. p, p, Graines de fleurs faites d’un point de bouillon & d’une boucle de frisure. q, q, fond d’un galon en couchure, orné de quelques paillettes. r, r, Paillettes nommées Belle-vue, attachées par un bout de deux points de frisure; la queue de frisé attache l’autre bout. s, s, revers de clinquant guipés. t, t, le frisé dont on lisere la couchure pour lui rendre sa forme. u, u, u, montre les ombres & les formations de soie dont on peut orner la couchure.

Figure 3, représente la bordure des habits de MM. les Lieutenants Généraux, & les différentes manieres de l’exécuter. a, a, Maniere dont le dessin est tracé en blanc sur le drap bleu. b, b, Maniere d’arrêter le premier point d’or en commençant à travailler. c, c, c, Sens dont on prend le passé un peu en biais de chaque moulure, & écartant insensiblement chaque point pour tourner en d, d, [p. 47] sans faire la scie ou dent de chien. f, f, le dessous du ruban exprimé par un passé très-étroit qu’on appelle barbiche. g, g, les moulures dentelées qui se font quelquefois en frisure guipée, & le milieu du ruban h, h, h, en paillettes comptées.

Figure 5, représente une bordure d’habit en rapport. a, a, le trait du dessin. b, b, la pratique qui borde tous les contours extérieurs. d, d, les premiers fils du rézeau à l’aiguille. e, e, les seconds fils du rézeau à l’aiguille. f, f, les points sur la rencontre de chaque fil ou carreau du rézeau. g, g, le rézeau au boisseau, qu’on a cousu tout autour sous les fleurs avant de faire les paillettes. h, h, représente des feuilles de laurier, brodées en paillettes comptées; la nervure i, i, en frisure guipée; les roses q, q, en paillons attachés de frisure.

Quand tout est brodé, on ne voit plus que la moitié n, n, n, de la pratique; ce qui suffit pour recevoir le point d’aiguille qui coudra cette Broderie sur l’habit.

Figure 6, Maniere d’enfiler la paillette & la frisure, pour broder en paillettes comptées.

Figure 7, Bois exprimé par trois points de frisure & trois points de bouillon guipés alternativement.

Figure 8, la pratique.

Planche V.

Figure 1, représente le clinquant plissé.

Figure 2, le cordon à liserer les compartiments: on en fait de plusieurs grosseurs.

Figure 2, bis, représente la milanese: on en varie la grosseur.

Figure 2, A, représente un gros cordon de soie couvert d’un battu, & recouvert à claire-voie de deux autres petites milaneses.

Figure 3, Paillettes comptées, attachées chacune d’un grain de frisure formant un seul trait.

Figure 4, Paillettes comptées, attachées alternativement d’un & de deux points de frisure.

Figure 5, Paillettes comptées, armées de barbes de frisure en épi, ce qui s’appelle paillettes griffées.

Figure 6, Paillettes comptées, cousues de soie, & recouvertes de trois brins d’or trait.

Figure 7, représente les différentes paillettes à compter. 1, La très-grande. 2, La ronde. 3, La comptée. 4, La quatrieme. 5, La balzac. 6, La troisieme. 7, La grande semence. 8, La semence. 9 & 10, La quarantaine.

Figure 8, f, ovale; g, cœur; h, amande; i, losange; l, quarré; m, trefle; n, rosette; o, étoile; p, ronde; q, r, belle-vue de deux grandeurs.

Figure 9, Paillons percés, & la maniere de les border en frisure guipée.

[p. 48] Figure 10, Nœuds que font les Dames en s’amusant.

Figure 11, Epargne des morceaux qui composent la Figure 12.

Figure 13, Branche de feuilles, de paillons, recouvertes de soie de différentes nuances plus ou moins serrées.

Figure 14, a, a, Jais cousu de différentes longueurs, formant une aigrette; le nœud c, c, en margueritains & autres petits grains.

Figure 15, Nœuds à deux côtés, faits à la navette.

Planche VI.

Figure 1, représente deux lez de satin de deux aunes chaque, lesquels étant assemblés, suffisent pour faire toutes les parties d’une chasuble, étole, manipule & bourse, ainsi qu’elles sont tracées.

Figure 2, une demi-aune de satin pour le voile de calice. a, la maniere de placer la croix. b, b, le galon qui fait l’encadrement.

Figure 3, Plan d’une tunique, & la proportion des orfrois. a, le devant; b, le derriere; c, c, les manches; d, trou pour passer la tête; e, e, e, les galons; f, f, les orfrois de Broderie.

Figure 4, Plan d’une chape. f, f, f, les lez assemblés, & le sens de les mettre; g, g, les orfrois; h, le chaperon; i, frange; a, la bille; l, l, les galons.

Figure 5, Mitre d’Evêque, à laquelle est attaché le fanon m. Le fanon n, vu dans sa forme exacte. La mitre se fait ordinairement de glacé ou tissu d’or & d’argent, brodé plus ou moins riche dans le goût du dessin.

Planche VII.

Figure 1, représente un caparaçon en petit, qui a été exécuté en dorure pour le Roi de Portugal, ainsi qu’on peut en juger par le blason. Les ombres annoncent à-peu-près les reliefs & élévations qu’on peut donner aux différentes parties qui composent tout l’ensemble. Ces différentes parties ont été d’abord brodées séparément, puis réunies comme nous l’avons dit ailleurs. Les hachures du blason en indiquent les couleurs.

Figure 2, représente la moitié d’une housse de cheval, brodée dans le dernier goût en dorure & paillettes. Les lignes ponctuées a, a, montrent ce qu’il a fallu remplir en toile pour tendre le métier, ainsi que nous l’avons dit ailleurs.

Figure 3, représente les pinces d’acier dont on se sert pour tirer l’aiguille, quand on travaille à de l’enlevure très-épaisse & fort dure.

Figure 4, Feuille de vigne en soies lancées, & rabattues de différents sens.

[p. 49] Planche VIII.

La Figure premiere représente le dessin d’habit de Brevet. Pour distinguer ses principaux Courtisans, Louis XIV avoit inventé en 1664, des casaques bleues brodées sur ce dessin en or & argent. La permission de les porter étoit une grande grace pour des hommes que la vanité mene; on les demandoit comme le Collier de l’Ordre. Cet empressement a diminué; mais quoique la forme des habits ait changé, ce dessin fait encore jouir des mêmes priviléges. a, a, a, Fleurs brodées en barbiches d’or. b, b, b, Broderie en passé d’or. c, c, c, Feuilles en passé d’argent. d, d, d, Fond en passé de cordon.

La Figure 2, représente une bordure d’habit brodée en 1717, avec des enjolivements de frisure & bouillon. a, a, a, a, Feuillages brodés en passé d’or. b, b, b, Fond de cordon. c, c, c, Petits agréments de poires & de boucles en frisure & bouillon: observez qu’il n’y a pas encore de paillettes dans ces habits, les plus magnifiques du temps; elles n’étoient pas encore inventées.

Planche IX.

La Figure 1, représente une bordure d’habit faite en 1744, pour le premier Mariage de Monsieur le Dauphin: elle est toute en passé; on y voit seulement quelques paillettes a, a, a, entourées de boucles.

Figure 2, Autre bordure d’habit exécutée pour le second Mariage de Monsieur le Dauphin, en 1747. Tout y est en paillettes comptées, a, a, a, & en graines de lin, b, b, b, que peu de temps après on a nommées Belle-vue, à cause qu’elles servoient au dessin d’uniforme, pour les entrées de Belle-vue.

Figure 3, Bordure brodée en chaînette d’argent, en 1768.

Planche X.

La Figure premiere représente une bordure d’habit brodé sur fond d’or, en 1770, pour M. le Dauphin. a, a, Fleurs préparées par quelques points de fil pour donner du relief aux paillettes & paillons. b, le rézeau fait par-dessus un paillon rouge. c, c, Rosettes entourées de frisure. d, d, d, Esses de paillons rouges. e, e, e, Fond de frisure guipée. f, f, autres Fleurs de paillons sans rézeau dessus. g, g, g, des diamants attachés par leur chaton, pour exprimer des graines de fleurs. h, h, h, autres paillons recouverts en soie. On auroit pu choisir un dessin plus ingénieux.

La seconde Figure représente une autre bordure d’habit, aussi pour le Mariage de M. le Dauphin. a, a, a, montre les points de fil pour donner un peu d’élévation aux paillons. b, b, b, les paillons d’or ornés de petites graines de frisure. c, c, c, les autres parties du dessin exécutées en paillettes comptées. [p. 50] d, d, d, d, Fleurs d’Opales, montées exprès suivant le dessin, & attachées par leur chaton. Toute cette Broderie, faite sur un fond glacé bleu & argent, a parfaitement réussi.

La Figure 3 représente une autre bordure d’habit, exécutée pour le Mariage de M. le Dauphin. a, a, a, paillons bleus, attachés par les bords avec quelques points de soie. b, b, les mêmes paillons recouverts de rézeau d’argent. c, c, c, le rézeau orné de fleurettes en petits paillons lilas, & les queues en frisure guipée. d, d, d, bordure de marcassite, montée à charniere & cousue sur l’étoffe. e, e, dessous du ruban en paillons bleus, recouverts à-plomb en soie brune. Le fond de l’habit argent glacé de lilas.

Fin de l’Explication des Planches.


Extrait des Registres de l’Académie Royale des Sciences.
Du 26 Juillet 1769.

Messieurs Duhamel & Jeaurat, qui avoient été nommés pour examiner la Description de l’Art du Brodeur, présentée à l’Académie par M. de Saint-Aubin, en ayant fait leur rapport, l’Académie a jugé que tout ce qui concerne cet Art, paroissoit expliqué d’autant plus clairement dans cet Ouvrage, qu’il étoit accompagné de belles Figures que M. de Saint-Aubin a dessiné lui-même; qu’il avoit répondu à l’invitation que l’Académie a faite à ceux qui connoissent un Art à fond, de coopérer avec elle pour l’Histoire des Arts, dont elle s’occupe; & que la Description que M. de Saint-Aubin avoit donnée de l’Art du Brodeur, étoit digne de son adoption. En foi de quoi j’ai signé le présent Certificat. A Paris, le 2 Août 1769.

GRANDJEAN DE FOUCHY,
Secrétaire perpétuel de l’Académie Royale des Sciences.


DE L’IMPRIMERIE DE L. F. DELATOUR. 1770.

Planche Ire.

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Planche II.

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Planche III.

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Planche IV.

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Planche V.

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Planche VI.

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Planche VII.

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Planche VIII.

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Planche IX.

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Planche X.

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Au lecteur.

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Également, à quelques endroits la ponctuation a été corrigée.

La table des matières suivante a été ajoutée pour faciliter la lecture.

Table des matières.

INTRODUCTION 1
Définition de la Broderie 1
Etat des Brodeurs à Paris 4
Préparation pour Broder 5
Tente du Métier 6
Distribution des Etoffes 9
Des différentes manieres de Broder 10
Comment on Brode en ronde-bosse 10
De la Broderie en bas-relief 11
De la Broderie en Or nué 12
De la Broderie en Passé 13
Du Passé épargné 14
De la Broderie en Guipure 15
De la Broderie en Rapport 16
De la Broderie en Couchure 17
De la Broderie en Gaufrure 18
De la Broderie en Satiné 19
De la Broderie en Paillettes 20
De la Broderie en Taillure 21
De la Broderie en Jais 23
De la Broderie en Nuances 23
De la Broderie en Chenille 25
De la Broderie en Laine 26
De la Broderie en Tapisserie 26
De la Broderie en Chaînette & au Tambour 27
De la Broderie du Blason 28
De la Broderie en Fourrure 29
De la Broderie de Marseille 29
De la Broderie en Nœuds 29
De la Broderie en Blanc 30
EXPLICATION DE QUELQUES TERMES PROPRES A L’ART DU BRODEUR 32
EXPLICATION DES PLANCHES 42
Planche I 42
Planche II 44
Planche III 45
Planche IV 46
Planche V 47
Planche VI 48
Planche VII 48
Planche VIII 49
Planche IX 49
Planche X 49
Extrait des Registres de l’Académie Royale des Sciences 50