*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 30195 ***


UN SOUVERAIN HÉROÏQUE: ALBERT, ROI DES BELGES


L'histoire nous dit que le devoir d'affirmer et de maintenir le grand principe qui est, après tout, la source du progrès et de la civilisation a incombé parfois, à des moments critiques du passé, à des Etats relativement petits comme superficie et comme population, mais grands en courage et en ressources,--à Athènes et à Sparte, à la nation suisse, et non moins glorieusement, il y a trois siècles, aux Pays-Bas.

Jamais, je puis le dire, ce devoir n'a été reconnu plus clairement et plus bravement, jamais il n'a été accompli plus durement et plus héroïquement qu'au cours de ces dernières semaines par le roi des Belges et le peuple belge. Ils ont fait face sans faiblir et contre des difficultés incalculables: les horreurs de l'invasion, de la dévastation, de la spoliation et de l'outrage... Motion présentée par M. Asquith à la Chambre des communes.


Il y a eu des combats incessants autour d'Anvers au cours de la semaine dernière. Les troupes belges marchent au combat avec une ardeur indescriptible. Le roi Albert a contribué à maintenir cette ardeur parmi ses soldats; il se multiplie et se trouve toujours à l'endroit le plus dangereux.

C'est ainsi que, quand la garnison fit une nouvelle tentative pour déloger les Allemands de Malines, le roi se trouvait en péril grave. Dans son automobile, il courait tout le long de la ligne de feu, encourageant les hommes par sa présence et ses paroles. Les shrapnells éclataient autour de lui et l'un d'eux explosa à 20 mètres. Quand son aide de camp lui demanda de se retirer, le roi refusa et répondit: «Je ne veux pas que mes soldats puissent dire que leur chef se retire du danger pendant qu'il envoie les hommes faire face aux balles de l'ennemi.» Dépêche d'Ostende au New-York Herald.




LES DEUX FANTOMES

[Deco]

Chaque armée a sur elle un fantôme qui plane,

Un grand fantôme ailé, muet et diaphane;

Même alors qu'il échappe au rayon visuel

Il est là cependant, formidable,--et réel!

*

* *

Sur eux plane un fantôme aux yeux d'inquiétude,

Autour de qui la haine a fait la solitude...

Il ment s'il se prétend champion des penseurs:

Il n'est que le démon des peuples agresseurs,

Qui depuis dix mille ans incite à la curée

Les peuples éperdus doutant de leur durée!

C'est le blême éclaireur des peuples conquérants,

Qui leur suggère: «Tue!» et qui leur souffle: «Prends!»

C'est la Furie affreuse et la Bellone antique

De la horde pillarde ou du roi fanatique!

Au service à présent d'un empereur uhlan,

C'est le fantôme noir qui suivait Tamerlan!

C'est le même fantôme, entendez-vous, le même!

Claquant des dents déjà de l'énorme anathème,

Et de voir de là-haut, resserrant l'horizon,

Les peuples justiciers commencer sa prison!

Fantôme épouvanté des effroyables causes,

Des succès sans lauriers, et des retours sans roses,

C'est le même fantôme auquel un Attila

Reprochait dans ses nuits d'avoir osé cela!

*

* *

Le fantôme qui plane sur vous, invisible,

Peuples coalisés, est un Titan paisible...

Il a glissé la foi dans chaque combattant,

Et, dominant le champ de bataille, il attend!

Il est tranquille, étant la force imprescriptible,

La base et le fronton du Temple indestructible,

Le principe profond, la règle, l'Entité

Qui combat le moment avec l'Eternité!

En dépit des forfaits, des crimes de l'Histoire,

Fatalement, quand même, il va vers la victoire!

Malgré tous les retards et les répits, il faut

Qu'il ait le dernier geste avec le dernier mot!

Car ce fantôme qui vous couvre de son ombre,

Bien plus fort que la Force et plus grand que le nombre,

Près de qui tout est faible, insuffisant, étroit,

Ce fantôme qui plane sur vous, c'est le Droit!

Miguel Zamacoïs.






Le premier décoré de la guerre de 1914: le lieutenant Bruyant. A mis en fuite trente uhlans, après avoir abattu l'officier qui les commandait.

A NOS ABONNÉS

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Quelles que puissent être les alternatives de la lutte où la France, avec le monde civilisé derrière elle, est engagée, L'Illustration, confiante, comme le pays tout entier, dans le triomphe final, est résolue à ne pas interrompre sa publication.

Mais nos lecteurs ne peuvent se faire une idée de la multiplicité des rouages qu'exige la fabrication d'un journal comme L'Illustration. Les difficultés dont nous avions triomphé il y a un mois sont devenues presque insurmontables. La mobilisation générale, dépeuplant en quelques heures des ateliers qui occupaient cinq cents personnes, nous avait privés de la grande majorité du personnel d'élite qui nous apportait sa collaboration. L'appel jusqu'aux réserves de l'armée territoriale a achevé de vider nos ateliers des spécialistes dont le concours nous est absolument indispensable.

D'autre part, la suppression totale des envois hors Paris, sauf sur réquisition militaire, nous isole absolument du reste de la France.

Nous nous voyons donc dans la nécessité de suspendre pendant une semaine--- mais une semaine seulement--la publication de nos numéros, le temps de reconstituer notre personnel à Paris et d'établir à Bordeaux, devenu le siège du gouvernement et des administrations publiques, une sorte de succursale de notre maison, qui nous permettra de remédier à la précarité des communications entre Paris et la province.

Nous avons le regret de ne pouvoir y transférer les 115.000 fiches de nos abonnements. Ces fiches, gravées sur métal, font partie intégrante d'un mécanisme très compliqué, intransportable dans les conditions actuelles. Par un renversement des choses, le nombre de nos abonnés, le perfectionnement de notre machinerie sont pour la première fois un obstacle à la vie de notre trop grand journal!

Mais ceux qui nous ont fait confiance peuvent être convaincus que leurs intérêts ne seront pas lésés. Les documents, dessins, croquis, photographies, notes vécues, qui vont s'amasser, ne seront pas perdues pour nos abonnés.

Si, jusqu'au rétablissement des services postaux, nous ne pouvons rester en relations hebdomadaires avec eux, nous nous engageons à leur donner le plus tôt possible tous les numéros auxquels ils ont droit. Nous ne leur demandons qu'un délai, et le succès certain de nos armées le fera aussi bref que possible.


Le théâtre des opérations au Nord et au Nord-Est de Paris.



LA GUERRE

RÉSUMÉ DE LA SITUATION AU 2 SEPTEMBRE

ALSACE.--En l'absence de renseignements plus complets, on peut conclure du bombardement de Saint Dié, ville ouverte, effectué par les Allemands le 26, que notre ligne de défense se trouve assez nettement en arrière de la crête des Vosges, dans leur partie Nord. L'offensive a néanmoins été reprise le 27 avec succès dans la région de Saint-Dié.

LORRAINE.--Les combats sont ininterrompus dans la région entre les Vosges et Nancy: alternatives de progrès et de recul par rapport à la ligne de la Mortagne sur laquelle nous sommes établis maintenant, avec une avance de notre droite. Nous progressons sur la rive droite du Sanon.

Longwy, défendu par un seul bataillon, a capitulé le 27 août après une défense de 24 jours.

SUR LA MEUSE.--Les troupes allemandes ont franchi la Meuse entre Sedan et Mouzon. Une violente action eut lieu le 28 à l'Est de Mézières, sur la ligne Launois, Signy-l'Abbaye, Novion-Porcien. On annonce la prise d'un drapeau par nos troupes, et ce haut fait semble pouvoir être attribué à celles qui se trouvent dans le département des Ardennes. L'activité de l'ennemi se ralentit.

DANS LE NORD ET VERS PARIS.--Les armées alliées reculent lentement, en défendant le terrain pied à pied. Les quatre corps d'armée qui barrent la vallée de l'Oise à l'ennemi ont livré, le 28, une bataille qui fut un succès pour notre aile droite, dont la résistance a brisé l'offensive du 10e corps allemand et de la garde. Elle leur a infligé des pertes considérables et les a rejetés sur Guise. A notre gauche, nous n'avons pas pu empêcher les progrès vers La Fère des forces adverses.

L'armée anglaise, de son côté, après avoir soutenu un combat dans la région au Nord de Saint-Quentin, avait dû se replier. Elle se maintient en liaison avec nos troupes d'aile gauche.

Des détachements de cavalerie ennemie ont inquiété la région Lille-Valenciennes-Cambrai, mais sans être suivis par leurs troupes dont l'axe de marche est la vallée de l'Oise et l'objectif Paris.

De ce côté, nous n'avons pu arrêter leur progression. L'aile droite allemande poursuit--assez témérairement--sa course vers Paris, tandis que le gros demeure accroché par notre résistance. Le 1er septembre, un corps de cavalerie ennemie a eu, dans la forêt de Compiègne, un engagement avec les Anglais, qui lui ont pris 10 canons. Un autre corps a poussé jusqu'à la ligne Soissons-Anizy-le-Château.

L'effort de l'ennemi va se concentrer désormais contre le camp retranché de Paris. Le général Galliéni, dans une proclamation où il annonce que le gouvernement a dû quitter la capitale, se déclare prêt à le défendre «jusqu'au bout».

BELGIQUE.--Les Allemands sont entrés dans Namur le dimanche 23 août, après avoir écrasé deux des forts de l'enceinte. Les troupes belges de la défense mobile et un régiment français qui les appuyait ont rejoint nos lignes. L'armée belge, abritée dans le camp retranché d'Anvers, a pris une offensive heureuse sur Malines, bientôt repris par les Allemands. Elle retient une partie des forces adverses et soulage d'autant notre résistance. D'ailleurs, les troupes allemandes, en ces deux derniers jours, ont commencé à quitter la Belgique, ramenées à pleins trains vers l'Est, afin de tenter de résister aux Russes.

RUSSIE.--Après leur défaite à Gumbinnen, les Allemands ont encore subi un échec à Neidenburg, au Sud de la ville d'Allenstein, qui a elle-même été occupée le 28 août par les Russes. Les débris des troupes ennemies sont refoulés vers Osterode, au delà d'Allenstein, tandis que les restes du 1er corps sont rejetés sur Koenigsberg. La place de Tilsitt, plus au Nord, est tombée aux mains des Russes, qui y ont fait un butin considérable. La Masovie, ou pays des Mazures, le coin le plus germanophile de la Pologne, est occupée. On peut, en résumé, considérer que la Prusse orientale est maintenant débarrassée des troupes allemandes et que les troupes russes de Pologne, n'étant plus sous la menace d'une attaque sur leur flanc droit, peuvent manoeuvrer hardiment dans la direction de Posen. Les détachements allemands qui, au début des opérations, s'étaient avancés en Pologne, ont dû se retirer, et Lodz, la grande ville industrielle, a été réoccupée par les Russes.

Les deux armées russes lancées vers la Galicie l'ont envahie, l'une par la ligne de Lublin, l'autre par Tarnopol, marchant sur Lemberg, capitale de cette province. En une bataille de sept jours, les Russes ont mis en déroute complète les forces autrichiennes. C'est une grosse victoire.

SERBIE.--La victoire des Serbes sur la Drina, complétée par la reprise de Chabatz le 24 août, momentanément occupé par les Autrichiens, a déterminé l'évacuation du Sandjak de Novi-Bazar par l'armée autrichienne. D'après les renseignements officiels de source serbe, l'ennemi avait engagé dans les combats de la Drina les 4e, 8e, 9e, 13e corps et deux brigades du 15e, soit 120 à 140.000 hommes. Les pertes dépassent 15.000 hommes hors de combat.

Les Monténégrins ont, de leur côté, remporté un succès à Grahovo, au Nord de Cattaro. Ils ont repoussé aussi le 28 un assaut général contre le mont Lovcen.

SUR MER.--Le paquebot allemand Kaiser-Wilhelm-der-Grosse, transformé en croiseur auxiliaire, a été coulé au large de Rio de Oro, au Sud du Maroc, par le croiseur anglais Highflyer.

Le croiseur allemand Magdebourg, échoué dans la baie de Finlande, a été détruit le 27 août par deux croiseurs russes.

Dans la mer du Nord, le 28, au matin, la flotte anglaise a remporté un vif succès devant Heligoland. Trois croiseurs allemands ont été coulés, le Mainz et le Koln, du même type, de 4.350 tonnes, et l'Ariadne de 2.680 tonnes, ainsi que deux contre-torpilleurs.

La flotte franco-anglaise a commencé mercredi le bombardement de Cattaro.

HORS D'EUROPE.--Le Japon a commencé les hostilités contre Kiao-Tcheou.

Le Togoland s'est rendu sans conditions aux forces anglo-françaises, ainsi que Samoa (Pacifique).


Dans un avant-poste à la frontière d'Alsace: des espions capturés vont être passés par les armes


DANS LES VOSGES.--Un détachement du 11e chasseurs alpins occupe le point dit le «Champ du Feu», au Sud de Schirmeck, et incendie la maison forestière qui était machinée en forteresse.


LES FRANCISCAINES À LA MOISSON Dessin de I. SIMONT.

L'image que voici, en d'autres temps, eût paru bien énigmatique. Que font ces femmes, vêtues de blanc, qui, la figure reposée, presque souriante sous le grand voile que la brise soulève autour de leurs épaules, travaillent aux champs? Leurs mains délicates, peu habituées à de tels travaux, manient avec une sorte de calme allégresse la faucille des moissonneurs... Car elles font la moisson. Qui sont-elles? Le large turban qui soutient leur coiffure est un peu celui de nos dames infirmières de la Croix-Rouge, et de leurs gestes, de leur aspect se dégage une sorte de majesté religieuse. Le vieux paysan les regarde; et l'on devine qu'il n'est pas là, lui, pour commander...

Il n'oserait pas... Ces femmes sont des religieuses, en effet. Et c'est dans les champs qui entourent leur maison de retraite,--aux Châtelets, près Saint-Brieuc, dans le département des Côtes-du-Nord, qu'elles ont été vues ainsi, l'autre jour, moissonnant sous le soleil d'août qui chauffait la campagne bretonne. Ces franciscaines «missionnaires de Sainte-Marie», nos soldats et nos explorateurs les ont rencontrées en Chine, aux Indes, à Madagascar, au Maroc, au Congo--apôtres et patriotes--propageant leur foi, et, avec leur foi, la pensée française... Aujourd'hui, c'est d'une façon nouvelle, et tragiquement inattendue, qu'elles se dévouent. Elles remplacent, dans leur Armorique, les jeunes hommes qui sont allés défendre la patrie. Elles travaillaient, elles priaient naguère pour «la plus grande France», pour la France qui conquiert... Elles travaillent à présent, elles prient pour la France qui se défend.




Un coin du village alsacien de Badonviller, reconquis sur les Bavarois, qui l'avaient incendié.



Convoi de blessés traversant le village de Brémesnil, qui fut également reconquis après avoir été brûlé.



Rue des Vinaigriers, à Paris, une bombe lancée par un aéroplane allemand a provoqué une explosion de gaz.



Dans le jardin d'une maison de la rue de Lozane, à Anvers, une bombe lancée par un zeppelin a causé des dégâts plus sérieux.

BOMBES ET INCENDIES



LE CONTRASTE.--Un soldat allemand blessé est descendu avec d'infinies précautions de l'automobile qui l'a amené à Ostende.


[Illustration: LES BLESSÉS GARDENT LE SOURIRE

Phot. Ed. Jacques. Pau.

Dans cette atmosphère d'ardeur et de foi où nous vivons, il est un fait qui a fortement contribué à nous affermir dans notre confiance: c'est l'état moral où nous avons vu, toujours et partout, nos blessés. Tous ont été touchés en face. Ils en sont fiers. Et si quelques-uns laissaient paraître sur leur visage une ombre d'inquiétude ou de crainte, ce seraient ceux qui redoutent de ne pouvoir être guéris assez tôt pour retourner au front. Le photographe peut se camper devant n'importe lequel des trains qui les ramènent, viser le premier groupe qui s'offre à son objectif; la formule habituelle de l'opérateur est ici superflue: ils sourient sans qu'on le leur dise.

NOTRE ADMIRABLE 75.--Une batterie changeant de position.

Dans la lutte acharnée que livre depuis un mois notre armée, elle a eu deux éléments de succès dont la valeur a été unanimement reconnue,--même de l'ennemi qui a avoué la crainte qu'ils lui inspirent: notre excellent canon de 75, le long et fin canon de campagne, et nos tirailleurs indigènes.

Voici, saisi sur le vif, méticuleusement rendu, avec ce souci d'exactitude, de vérité qui caractérise le tempérament de L. Sabattier, une batterie d'artillerie défilant au galop. Ce n'est point l'emportement fougueux qu'ont accoutumé de nous représenter, en pareil cas, les illustrateurs de l'école classique, les chevaux cabrés, pleins de feu et fumants des tableaux de bataille. C'est la réalité toute nue. Et c'est de cette allure que notre bon 75 s'en va prendre ses positions, protéger l'avance de l'infanterie, «reine des batailles», selon le vieux dicton. «Je verrai toujours, écrivait récemment un officier, sous le bombardement des dernières minutes, une batterie française s'en aller tranquillement, au petit trot, prendre position.»

Et cent autres témoignages attestent l'habileté de nos pointeurs ainsi que l'efficacité terrible de nos obus à la mélinite.

NOS CONTINGENTS D'AFRIQUE.--Les tirailleurs indigènes à la charge.

Et voici l'infanterie africaine,--celle qui impressionne le plus l'ennemi, celle qui, dans les récentes actions, a tenu un rôle prépondérant, et qui, notamment, eut cet honneur de donner, au moment suprême, dans l'une des journées les plus importantes, contre la garde impériale elle-même,--et de l'enfoncer, à la baïonnette, bien entendu.

Ce sont eux encore--«les turcos», comme persiste à les appeler le public en souvenir de leurs exploits anciens, et quelle que soit leur origine--qui, à Charleroi, dans l'épique et farouche bataille pour la possession de la ville, prise, reprise et disputée avec un acharnement infernal, dans une ruée superbe, arrêtent un moment l'ennemi supérieur en forces. Leur première sortie avait échoué: «Les turcos, dit le Times, avec leur bravoure légendaire, prirent alors une autre sortie et réussirent à atteindre la batterie allemande dont ils tuèrent tous les servants.»

Le dessin de L. Sabattier montre les braves tirailleurs dans la préparation de l'acte décisif, s'avançant, au signal de la charge, d'un irrésistible élan dans le terrain même le plus difficile, le plus accidenté.

LES NOUVEAUX APRÈS-MIDI DE LA PARISIENNE.--Confection de layettes pour les bébés des combattants.

Dès le premier jour de la mobilisation, un élan magnifique de charité et de solidarité nationale emporta Paris et la France entière. On ne songea d'abord qu'à ceux qui allaient se battre; dans tous les mondes, parfois avec un enthousiasme un peu bruyant, mais excusable, plus souvent avec une discrétion éminemment louable, nos femmes, nos filles, nos enfants, se disputèrent l'honneur de travailler pour les blessés, s'ingéniant à grouper tous les concours, à utiliser toutes les ressources, toutes les compétences pour organiser des ambulances, selon les derniers progrès de la science. Puis, on s'aperçut qu'il y avait d'autres oeuvres presque aussi urgentes à accomplir. Les futures infirmières, hier encore occupées de frivolités, préparèrent des layettes pour les bébés laissés par les combattants, tandis que d'autres se préoccupaient déjà de confectionner des vêtements d'hiver pour les marmots des travailleuses privées de ressources. A ces dernières, plusieurs ouvroirs ont offert une aide précieuse en les faisant travailler, moyennant un modique salaire, au profit d'infortunes encore plus grandes. Et quels que soient le quartier de l'ouvroir ou son niveau social, on y retrouve le même dévouement, les mêmes espoirs, la même sérénité.

L'APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN BÉTAIL VIVANT.--Un aspect nouveau de la pelouse de Longchamp.

Tous les Parisiens ont constaté qu'après une gêne fort légère pendant les premiers jours de la mobilisation, le ravitaillement de la capitale a repris son cours normal; on peut même affirmer que, si les prix de la viande se sont bien maintenus, ceux des autres denrées furent rarement aussi bas. Paris peut-il être complètement investi? Cette éventualité semble peu probable, étant donné l'état de nos armées et l'étendue du périmètre jalonné par les forts détachés. Mais, si le fait se produisait, la population parisienne serait assurée de pouvoir supporter un long siège, sans avoir à redouter des jours de disette ou de famine. La mobilisation à peine décrétée, on s'est, en effet, préoccupé de parer à tout. Les divers champs de courses ont été réquisitionnés et convertis en parcs à bestiaux. Longchamp contiendra bientôt 7.000 boeufs; l'hippodrome d'Auteuil, le Polo, la pelouse de Bagatelle, reçoivent également un fort contingent; l'enclos du Tir aux pigeons est réservé pour les moutons. Des montagnes de fourrages se dressent dans les clairières du Bois, sévèrement gardées par la troupe. Et ces opulents troupeaux assemblés devant les tribunes du pesage, pour parer aux tristesses de la guerre, donnent plutôt l'impression de richesse pacifique que l'on rencontre en tant de points des belles plaines de France.

Un des dépôts de fourrages qui se constituent au Bois de Boulogne.





La foule, à travers les grilles, s'efforce d'effleurer les pieds du pontife avec des rosaires ou des médailles.



Le cercueil est descendu dans la crypte de la Confession pour être déposé dans un caveau provisoire.

A Saint-Pierre de Rome: l'exposition du corps de Pie X dans la chapelle du Saint-Sacrement est le dernier acte des funérailles.

LE CONCLAVE

En dépit des événements tragiques qui désolent l'Europe, le conclave s'est ouvert le lundi 31 août, c'est-à-dire dans le délai traditionnel de dix jours suivant la mort du pape. Le gouvernement italien, avec un tact parfait, a garanti aux cardinaux la plus complète liberté et, suivant l'usage, des carabiniers à cheval montent la garde autour du Vatican où le Sacré-Collège se trouve emprisonné pour quelques jours.

La chapelle Sixtine aménagée pour le conclave.
--Phot. Ch. Abeniacar.

Sauf la grande entrée, dont seuls possèdent les clefs le cardinal camerlingue et le maréchal du conclave, toutes les portes ont été murées; en outre, on a masqué avec des auvents toutes les fenêtres par où s'éclairent les cellules des cardinaux et les logements de leur suite. Car les princes de l'Eglise ne sont pas seuls; avec eux sont enfermés leurs secrétaires ou conclavistes, les gardes nobles chargés du service intérieur du Palais, les prélats attachés à divers offices et tous les gens de service. Ces emmurés n'ont de communication avec le dehors que par quatre tours, utilisés pour leur faire passer leur correspondance, et, depuis le dernier conclave, leurs journaux.

Un bulletin de vote au conclave.

C'est dans la chapelle Sixtine, spécialement aménagée, que se tiennent les séances de vote, suivant un cérémonial plusieurs fois séculaire dont nous rappelons les grandes lignes. Au-dessus de l'autel, garni de draperies rouges, un baldaquin de velours violet rehaussé d'or abrite une tapisserie dite du Saint-Esprit qui se détache sur la fresque du Jugement dernier. Au pourtour de la chapelle, les cardinaux sont assis sous de petits dais, chacun ayant devant lui une table avec ce qu'il faut pour écrire et une bougie allumée pour cacheter son bulletin.

Ce bulletin est double, de façon à pouvoir servir également pour le scrutin normal, et pour l'accession à laquelle on recourt quand l'élection traîne en longueur. Dans ce cas, chaque cardinal déclare ou bien n'accéder à personne, ou bien se rallier à un candidat différent de celui pour lequel il a voté d'abord et qui a obtenu précédemment un certain nombre de suffrages. On additionne les voix ainsi recueillies avec celles du scrutin ordinaire, et, si un cardinal en a les deux tiers, il est proclamé pape. Le nom du candidat est inscrit au milieu du bulletin, entre le nom du votant et une devise (signa) personnelle, et le papier est déposé dans un calice après avoir été plié de façon que la bande médiane reste seule visible.

LES TRAINS SANITAIRES POUR LE TRANSPORT DES BLESSÉS

En haut, l'office et la cuisine.--Au centre, l'ensemble du train.--En bas, à gauche, la chambre du médecin-major et du pharmacien-major; à droite, une des voitures pour huit blessés.
--Voir l'article à la page suivante.



DOCUMENTS et INFORMATIONS

TRAINS SANITAIRES PERMANENTS.

Les transports d'évacuation des blessés de guerre se font au moyen de trains sanitaires permanents ou improvisés, pour les grands blessés dont le transport nécessite beaucoup de soins et de ménagements, et de trains ordinaires pour les malades dont l'état moins grave permet la station assise.

Les trains sanitaires permanents, les seuls qui nous occupent aujourd'hui, sont organisés dès le temps de paix. Leur installation a fait l'objet d'études nombreuses et approfondies de la part du service de santé de l'armée, ce qui permet l'évacuation des grands blessés dans les meilleures conditions d'hygiène et de confort.

Ces trains constituent de véritables hôpitaux roulants. Chacun comprend vingt-trois wagons. Un wagon est spécialement réservé à la chirurgie (instruments, objets de pansement, appareils à fractures, etc.), à la pharmacie et à la lingerie. Seize wagons sont consacrés aux blessés, avec 8 lits par wagon, soit au total 128 blessés par train. Un wagon est réservé aux officiers, au nombre de quatre: un médecin major, médecin chef du train; un médecin aide-major, un pharmacien major, un officier d'administration affecté au train comme gestionnaire. Un autre wagon est destiné aux infirmiers (28 y compris les gradés). Trois voitures sont réservées à la cuisine, à la dépense et aux provisions; ces voitures sont particulièrement bien aménagées, rien n'a été négligé pour que la préparation des aliments puisse être aussi parfaite qu'il est possible pour des hommes blessés et malades; un cuisinier de métier, assisté de deux aides, tous trois prévus dans le personnel, sont préposés à cet office. Mieux que toutes les descriptions, nos photographies montrent quel soin a été apporté à l'installation et au bon fonctionnement de ces services importants. Le vingt-troisième wagon sert pour mettre les débarras et le combustible. Tous les wagons communiquent entre eux par des plates-formes qui permettent au personnel de circuler d'un bout à l'autre du train.

On le voit par ce court résumé, le service de santé de notre armée a assuré dans les meilleures conditions l'évacuation des blessés.

Prisonnier de marque.

Cent ans après Waterloo, le descendant direct du généralissime prussien, Leberecht von Blücher, prince de Wahlstadt, a trouvé le moyen de se faire prendre par les gendarmes anglais dans des circonstances fort peu dramatiques.

Le prince de Blücher avait acheté, voici quelque dix ans, un des îlots de l'archipel anglo-normand, Herm, entre Guernesey et Sercq. Il y avait fait construire un somptueux château. Avec une morgue bien prussienne, il ne manquait jamais une occasion d'insulter, et même d'outrager les touristes qui débarquaient sur les rivages de son île, qu'ils fussent Français ou Anglais.

Les autorités militaires de Guernesey l'avaient donc «à l'oeil». Jusqu'au dernier moment, l'héritier du vainqueur de Waterloo avait conservé l'espoir que l'Angleterre, l'ancienne alliée de la Prusse, contemplerait en spectatrice le terrible conflit que l'Allemagne voulait et préparait. Il ne se décida à boucler ses malles qu'au reçu d'un télégramme de Berlin. Mais il était trop tard.

La nuit de la déclaration de guerre, soit une heure après l'expiration du délai imposé à l'Allemagne pour l'évacuation de la Belgique, des agents de police de Guernesey débarquaient à Herm, envahissaient le château et arrêtaient le prince au saut du lit. Triste aventure pour le descendant d'un héros national!

Herm, notons-le en passant, est le seul coin d'Europe où vivent en liberté des marsupiaux. L'île appartenait précédemment à un riche Australien qui y acclimata deux couples de kangourous, dont la progéniture s'est multipliée.

L'abbé Wetterlé (en costume civil)
arrivant à Pontarlier.

L'abbé WETTERLÉ.

Parmi les nombreux Alsaciens qui, en dépit des tracasseries et des menaces allemandes, ne cessèrent d'employer tout leur énergie à maintenir l'idée française aux pays annexés, il n'en fut guère de plus écouté, de plus influent peut-être, que l'abbé Wetterlé, député d'Alsace-Lorraine au Reichstag et directeur, à Colmar, du Nouvelliste d'Alsace-Lorraine.

Tous les Français ont été heureux d'apprendre que l'abbé Wetterlé a réussi à échapper à la vindicte allemande. Il quitta Colmar le 25 juillet, et atteignit Bâle le lendemain, passant inaperçu devant les autorités prussiennes, grâce au costume civil qu'il avait échangé contre l'habit ecclésiastique, et sous lequel le représente notre gravure, à son arrivée sur le sol français, à Pontarlier.


Comment Fonctionnent Les Services De L'intendance Militaire.

La mobilisation des vivres précède, accompagne et suit la mobilisation des hommes. C'est une organisation formidable et admirable; il faut sans à-coup assurer quotidiennement la subsistance de 2 millions 1/2 de bouches. Toutes nos régions ne sont pas également riches; la production, la concentration du vivre doivent donc s'opérer selon des plans aussi précis que la formation et la concentration des troupes. Ce service est assuré par trois groupes d'officiers parfaitement distincts: les officiers d'administration, les intendants, et les contrôleurs d'armées.

Les officiers d'administration, véritables «fourmis de l'armée», qui portent au col et au képi la petite étoile d'or, amassent et entretiennent l'approvisionnement colossal où, quotidiennement, puisent les convois bien clos et bien gardés qui vont ravitailler nos armées. A chaque courrier arrivent des ordres dont l'exécution est immédiate; on expédie, le jour même, les centaines de mille de rations de pain, les innombrables caisses de conserves, les fourrages et le bétail demandés. Les officiers aux petites étoiles sont en même temps chargés des réquisitions et de la fabrication, réquisition de farine, de bétail, fabrication du pain, des conserves, etc. Depuis le début de la guerre ces réquisitions se font avec une facilité émouvante: le paysan donne tout ce qu'il a pour l'armée, il ne discute plus. On doit en théorie établir avec lui une estimation à l'amiable, mais il s'en rapporte entièrement aux officiers: «Vous savez mieux que moi, dit-il, ce que vous déciderez sera bien.» Et c'est partout ainsi.

Les intendants forment, dans l'armée, une élite intellectuelle. Leur recrutement est très sévère. Le plus grand nombre est passé par l'Ecole polytechnique ou par l'Ecole d'état-major. Certains, et non les moins appréciés, sortent du corps même des officiers d'administration. Docteurs en droit presque tous, ils sont, après un concours spécial très ardu, devenus les «fonctionnaires» galonnés d'argent, qui «décident». C'est sous leurs ordres que les officiers aux étoiles «exécutent», la décision demeurant séparée de l'exécution. En général, les intendants--commandants, colonels, généraux--sont les officiers de l'armée les plus jeunes de leurs grades. La plupart, actuellement, sont aux frontières avec tout un état-major d'officiers d'administration. Quelques-uns seulement sont demeurés dans leurs régions respectives et sur ces derniers pèsent les plus gros fardeaux et les plus lourdes responsabilités.

Au-dessus des intendants il y a les «hommes noirs», les contrôleurs de l'armée, personnages tout-puissants qui, dans cette grande agitation, continuent d'examiner avec le calme le plus parfait et la plus lucide minutie toutes les comptabilités. Parfois même, quand c'est nécessaire, ils «suppléent» les intendants...

C'est grâce à cette organisation d'élite qu'il y a partout, dans notre armée, abondance de vivres. Les hommes, depuis le front jusqu'aux dépôts les plus éloignés, sont confortablement nourris après avoir été solidement vêtus de neuf.

Balles explosives et balles dum-dum.

Une question qui a toujours soulevé dans les guerres du passé d'interminables controverses est celle des balles explosives. Ces balles avaient été jadis créées pour faire sauter les caissons de munitions d'infanterie ou d'artillerie, chargées en poudre noire, et l'armée bavaroise notamment en fit usage jusque vers 1870. On fut, par la suite, amené à employer ces balles contre les troupes, parce que l'on espérait arrêter ainsi plus facilement des assaillants déterminés en leur causant des blessures plus graves. Mais l'expérience a montré depuis longtemps que l'usage des balles explosives constituait une cruauté parfaitement inutile et, par la convention de Genève, toutes les nations civilisées se sont mises d'accord pour en interdire l'emploi en temps de guerre. Ces balles sont, du reste, devenues incapables de faire sauter les munitions chargées avec la poudre sans fumée. Aussi, à l'heure actuelle, ne se sert-on plus des balles de ce genre que pour abattre les grands fauves à courte distance (balles Pertuiset pour la chasse à l'éléphant, à l'hippopotame, au lion, etc.).

Elles ont d'ailleurs l'inconvénient d'exiger l'emploi d'armes à feu de très gros calibre; elles sont assez dangereuses pour le tireur qui les utilise et leur précision est plutôt aléatoire dès que la distance se rapproche d'une centaine de mètres. En fait, elles ont complètement disparu de l'armement de tous les pays qui ont seulement conservé les grenades à main.

Une cartouche à balle dum-dum.

La balle dum-dum n'a rien de commun avec la balle explosive.

Jusqu'en 1890, la seule balle employée a été la balle en plomb pur ou en plomb durci, de forme cylindro-ogivale, et sans enveloppe métallique. Cette balle, d'un calibre généralement voisin de 11 millimètres, avait une puissance vulnérante et surtout une puissance d'arrêt (stopping-power) très largement suffisantes. Son expansion dans le corps de l'homme atteint produisait d'ailleurs très souvent des effets analogues à ceux des balles explosives.

Mais à partir de 1890 environ, lorsque toutes les armées du monde eurent adopté une arme à feu de petit calibre (8 millimètres) tirant une balle de plomb durci avec enveloppe de maillechort ou d'acier, on s'aperçut que la puissance vulnérante des nouvelles balles avait singulièrement diminué. A l'heure actuelle, un blessé qui a eu le poumon, ou l'abdomen, traversé par une balle de 8 m/m (et surtout par une balle de 6 m/m-5 comme la balle italienne ou la balle japonaise) guérit très souvent avec une facilité déconcertante, d'où le nom de balle humanitaire donné à ce projectile vers 1895. En outre la puissance d'arrêt des nouvelles balles est devenue tout à fait insuffisante dans le combat rapproché contre des adversaires fanatisés; on a constaté à mainte reprise dans l'Inde, en Afrique, aux Philippines, qu'un indigène traversé par une balle conservait souvent assez de force pour venir zigouiller, avant de mourir, l'Européen qui l'avait blessé.

C'est cette constatation, faite pour la première fois par les Anglais, au Tchitral qui a amené ceux-ci à fabriquer les balles dites balles dum-dum, du nom de la fabrique hindoue où on les confectionnait.

Les premières balles dum-dum, car il existe un grand nombre de modèles différents de ces projectiles, possédaient leur enveloppe en maillechort fendue en croix à la partie avant, ce qui permettait au noyau de plomb intérieur de s'épanouir dans la blessure, comme le faisaient en 1866 ou en 1870 les balles en plomb nu de 18 m/m ou de 11 m/m alors en usage. Mais ces balles se déformant dans le canon ou dans l'air tiraient fort mal. On leur substitua bientôt des balles analogues à la balle express inventée aux Etats-Unis pour la chasse aux grands animaux.

La nouvelle balle dum-dum présentait à l'avant un trou cylindrique borgne qui avait pour effet de produire une sorte d'éclatement du projectile au moment où il rencontrait le but. Les cipayes anglais de l'Inde emportèrent en Chine pendant la campagne de 1900 des munitions de ce modèle. Cette balle ne tire pas très bien; il faut, pour lui rendre sa précision, boucher le trou qu'elle présente à l'avant soit avec de la cire, soit avec une petite capsule de cuivre mince.

Enfin, on a employé des balles de plomb de petit calibre avec enveloppe métallique interrompue à l'avant. L'armée suisse a eu longtemps des balles de ce genre et la Société française des munitions fabrique, pour les sociétés de tir, une balle analogue, dite balle de stand qui présente une très grande précision.

On a bientôt reconnu, toutefois, que, dans les guerres européennes, l'emploi des balles dum-dum était assez peu justifié et ne constituait guère qu'une cruauté inutile, comme jadis celui des balles explosives.

Par un article spécial de la convention de La Haye, toutes les puissances du monde se sont interdit l'emploi dans les guerres régulières, de toutes les balles à enveloppe fendue ou interrompue.

Il n'est pas bien certain, toutefois, que certaines puissances n'aient point continué à se servir de ces projectiles dans les opérations coloniales où l'on se bat le plus souvent à courte distance et où il est indispensable de pouvoir arrêter net l'adversaire fanatisé qui vous menace. C'est là une précaution parfaitement légitime; aussi la balle express est-elle d'un usage courant avec les revolvers ou les pistolets automatiques, armes de défense rapprochée. L'usage de cette balle est non moins légitime contre les apaches et l'on trouve un peu partout des cartouches de revolver ou de pistolet automatique munies de balles express, c'est-à-dire de balles dum-dum; ces munitions sont presque toujours d'origine américaine ou anglaise.

L'usage n'en est pas moins sévèrement interdit dans la guerre actuelle par une convention à laquelle ont adhéré toutes les puissances.




Le paquebot Cristobal, baptisé du prénom de Christophe Colomb, s'engage dans la fameuse percée de la Culebra, qui défia pendant vingt ans l'activité d'une armée d'ouvriers.

LE CANAL DE PANAMA EST OUVERT

Le gouvernement américain avait préparé une fête internationale pour célébrer l'inauguration du canal interocéanique. Les événements d'Europe ont réduit le brillant programme aux proportions d'une cérémonie purement locale, selon l'expression du communiqué. Le 16 août, un navire du ministère de la Guerre des Etats-Unis, l'Ancon, a franchi les écluses de Gatun en l'espace de soixante-dix minutes; plusieurs navires de commerce les franchirent derrière lui. Le canal était désormais ouvert officiellement au commerce.

Quelques jours auparavant, le 3 août, le paquebot Cristobal avait inauguré officieusement la nouvelle voie maritime en passant des eaux de l'Atlantique dans celles du Pacifique. Nos deux photographies représentent cette inauguration «avant la lettre».

Il est réconfortant, à l'heure où la France a été amenée à faire oeuvre de guerre, de constater que toute la presse américaine vient de rendre ardemment hommage, en cette occasion, au génie français, initiateur de cette gigantesque oeuvre de paix.


Le Cristobal vient de franchir l'écluse supérieure pour pénétrer, halé par une locomotrice, dans le lac artificiel de Gatun.


LES RELIEFS DU SOL ET LE MOUVEMENT DES ARMÉES


Carte figurant le relief du sol dans la région Est et Nord-Est du bassin de Paris.

Les mouvements des armées se trouvent en quelque sorte déterminés par les formes du terrain où elles opèrent, et les lignes de défense, comme les points d'attaque, sont pour ainsi dire marquées d'avance par les reliefs et les dépressions du sol. Il nous paraît donc utile de présenter à nos lecteurs un tableau sommaire des lignes topographiques directrices du théâtre de la guerre. Cette esquisse leur permettra de saisir la raison des directions prises par les armées, et d'apprécier la valeur des diverses positions qui auront été occupées.

Si l'on examine une carte de l'Europe centrale et occidentale, au Nord des Alpes, on remarque deux zones parallèles, absolument distinctes. C'est d'abord, une longue traînée de larges îlots montagneux: les monts de Bohême; le vaste complexe de reliefs et de plateaux que coupe le Rhin, de Bâle à Coblenz, et qui comprend, sur la rive gauche du fleuve, les Vosges, l'Hunsrück et l'Eifel que prolonge l'Ardenne; enfin, en France, notre massif central. Au Nord et à l'Ouest de ces reliefs, le sol s'abaisse et c'est une suite de vastes plaines: l'Allemagne du Nord, la Hollande, le bassin de Bruxelles et, en France, le bassin de Paris.

Sous ce dernier nom, les géographes et les géologues désignent non pas les environs immédiats de Paris, ni même l'ensemble des régions drainées par la Seine et ses affluents, mais toute la région relativement déprimée comprise entre l'Ardenne, les Vosges, le versant Nord du Plateau central et le massif armoricain. Ce vaste territoire, qui renferme en quelque sorte le coeur de la France, n'est ouvert ni vers le Nord-Est, ni vers l'Est, du côté de la frontière allemande, comme on l'affirme trop souvent. Au contraire, les épisodes géologiques qui ont affecté cette partie de la France y ont créé, du côté de l'Allemagne, trois lignes de défense naturelle. Dans la région orientale du bassin de Paris les affleurements des assises de différents âges plongent vers l'intérieur de la dépression en formant comme une série de cuvettes emboîtées les unes dans les autres. Les bords extérieurs de ces cuvettes s'étant trouvés soumis à de puissantes érosions dans le cours des âges géologiques, il en est résulté une série de falaises tournées vers l'Est, et le Nord-Est, des «auréoles», pour employer le vocabulaire géologique.

C'est ainsi que les affleurements jurassiques engendrent une première ligne de hauteurs: plateaux et collines de Langres, de Bassigny, du Barrois, «côtes de Meuse» et Woëvre. En arrière de ce redan, l'auréole crétacée dessine au-dessus de la Champagne humide, de Vitry-le-François jusqu'à Chaumont-Porcien, une seconde falaise, flanquée en avant par le massif de l'Argonne dont le nom évoque les glorieux souvenirs de 1792. Enfin, à l'Ouest de cette enceinte naturelle, les dépôts tertiaires de la Champagne pouilleuse forment une troisième ligne de défense, avec la falaise de l'Ile de France et la montagne de Reims.

L'importance militaire de ces «auréoles» géologiques est attestée par l'emplacement de nos places fortes. Verdun, Toul et Langres sont assis sur l'auréole jurassique; les forts de Reims sur l'auréole tertiaire. Flanquées à l'Est par les Vosges, et au Nord par l'Ardenne, renforcées par de nombreuses fortifications et garnies de nombreuses troupes pleines d'ardeur, ces trois lignes de défense naturelle présentent à l'adversaire un front solide; aussi les Allemands ont tenté de le tourner par le Nord. De ce dernier côté, en effet, les lignes de circonvolution du bassin de Paris présentent deux brèches dangereuses.

La première, relativement étroite, est produite par une extension de l'auréole jurassique à travers le Luxembourg, au milieu de l'Ardenne. La vallée de la Chiers, affluent de droite de la Meuse, Longwy et Stenay en déterminent la situation. Par cette brèche, il est possible de tourner les «côtes de la Meuse» et l'Argonne, puis de déboucher dans la vallée de l'Aisne. C'est la route suivie par les Prussiens en 1792. De nouveau, en 1914, ils ont voulu utiliser cette trouée, et dans ce dessein ils ont envahi le Luxembourg. Une fois maîtres de la capitale du Grand-Duché, ils ont tenté de s'infiltrer par la vallée de la Chiers.

Beaucoup plus large est la seconde brèche. Au pied des versants Nord-Ouest et Ouest de l'Ardenne s'ouvre un long et profond sillon, occupé d'abord par la Meuse, puis par la Sambre, et qui aboutit dans la haute vallée de l'Oise. Etranglée, de Liége jusqu'en amont de Charleroi, cette dépression s'élargit à mesure que l'on avance vers le Sud-Ouest et conduit finalement dans la Thiérache et dans les plaines du Nord de la France. De ce côté, pas le moindre obstacle naturel. Tout au contraire, un terrain facile, se prêtant au déploiement des armées, et leur offrant d'abondantes ressources. Aussi bien, désespérant de pouvoir forcer nos lignes de défense de l'Est, l'état-major allemand a choisi cette trouée comme ligne d'invasion. Elle était, il est vrai, protégée par la neutralité de la Belgique, mais les barbares tudesques ne sont pas gens à se laisser arrêter par de vains scrupules et ils acheminèrent leurs colonnes à travers l'Ardenne belge pour gagner le plus rapidement possible la large porte ouverte vers l'Oise et vers Paris. Alors que le grand état major de Berlin avait simplement prévu une promenade militaire, il a rencontré devant lui d'admirables troupes qui ont infligé à l'aigle prussienne un premier échec et lui ont imposé un arrêt devant les forts de Liége. Mais alors, l'ennemi, fidèle à ses principes stratégiques, s'est efforcé de déborder l'armée belge en lançant des masses de cavalerie sur la rive gauche de la Meuse, à travers le Luxembourg et le Brabant.

Aujourd'hui le théâtre des opérations s'étend sur quatre régions naturelles différentes. A l'extrême gauche, sur la rive gauche de la Meuse, c'est le Brabant, le Limbourg et l'Hesbaye, pays de plaines accidentées de vallonnements; puis vient l'Ardenne, un bloc de plateaux doucement incliné vers le Nord-Ouest, relevé au contraire du côté de la France, pays de forêts et de marais; plus loin, en avant de Nancy, le plateau de Lorraine, région de plaines boisées, sillonnée de rivières et d'étangs; s'appuyant au Donon, enfin, la crête des Vosges sur laquelle nous nous maintenons et d'où nous pourrons redescendre en Alsace.CHARLES RABOT.

LES VOLONTAIRES ÉTRANGERS

Un embarquement de volontaires étrangers
aux environs de Paris.

Parmi tant de spectacles réconfortants auxquels nous assistons depuis un mois, il en est un qui semble les résumer tous: c'est l'empressement des volontaires de toutes nationalités à s'enrôler sous notre drapeau. Cet empressement atteste à la fois la justice de notre cause, la sympathie qu'elle impose, l'espoir qu'elle inspire. A Paris, seulement, près de 30.000 étrangers ont demandé à servir la France. On a choisi d'abord les plus valides et on en a formé plusieurs groupes, sans distinction de nationalité, qui, une fois habillés et équipés, seront exercés au métier militaire, puis dirigés sur le front. Notre photographie représente le départ d'un train où sont réunis des Belges, des Suisses, des Italiens, des Hongrois, des Polonais, des Russes, des Serbes, prêts à combattre pour un même idéal.

LE THÉATRE DES OPÉRATIONS EN GALICIE, EN POLOGNE ET DANS LA PRUSSE ORIENTALE


Agrandissement


LES CROQUIS DE LA SEMAINE, par Henriot.


Le jeune engagé:
--Et dépêchez-vous, caporal, de m'apprendre l'exercice... je veux arriver là-bas avant que ce soit fini.


--C'est chic, ma croix sur ma capote de mobilisé...
--Oui, mais on va maintenant la gagner à la bataille.

[Texte manquant.]

Le mot d'ordre des Anglais:
--Celui du Duc de Fer: mes enfants... tenir jusqu'au dernier...

--Tu as bien compris la consigne...
--Oui, caporal...
--Répète un peu.
--Tenir ici jusqu'à ce que les Russes arrivent...

--Il y a trois semaines, je me fâchais contre les gardes-barrières qui n'ouvraient pas assez vite pour laisser passer mon auto...
--Aujourd'hui, garde-barrière moi-même...

--Il y a un officier allemand prisonnier qui demande s'il y a du champagne et à quel prix la bouteille.
--Cinq milliards...

Léonidas revenant
s'engager dans l'armée belge:
--Bravo!...
les Thermopyles,
je connais ça... mais vous m'avez dépassé en héroïsme!

--Qu'est-ce qu'il a, le gosse?
--Il est très ennuyé... Ce n'est pas sa faute... Nous l'avions fait baptiser sous le nom de Guillaume... il veut qu'on l'appelle Albert!

Le Lièvre et la Tortue:
On a pris votre auto? ben, mon vieux, vous vous moquiez de moi quand vous faisiez du 80 à l'heure... et, aujourd'hui je fais les transports rapides dans la commune...


Le Directeur: René Baschet.


Imprimerie de L'Illustration, 13, rue Saint-Georges, Paris (9e).--L'Imprimeur-Gérant: A. CHATENE.



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