MATHÉMATIQUES
ET
MATHÉMATICIENS
DU MÊME AUTEUR
À LA MÊME LIBRAIRIE
LES FEMMES DANS LA SCIENCE
Un beau vol. in-8, IX-362 pp.,
orné de portraits, autographes et fac-simile .... 5 fr.
PENSÉES ET CURIOSITÉS
Recueillies
PAR
A. REBIÈRE
TROISIÈME ÉDITION
AMÉLIORÉE
PARIS
LIBRAIRIE NONY & Cie
17, RUE DES ÉCOLES, 17
1898
(Tous droits réservés)
(p. I) Nous n'avons pas voulu grossir encore un volume déjà trop gros. Nous nous sommes bornés à améliorer l'édition précédente, par la méthode des substitutions. Les lecteurs trouveront ainsi des parties nouvelles aux pages 14, 22, 166, 228, 261, 289, 302, 362, 418, 422, etc., etc.
M. de Tilly a dit: «Les Mathématiques régissent le monde, mais elles le régissent sans l'amuser.» Stendhal l'avait déjà déclaré: «C'est la patrie du bâillement et du raisonnement triste.» Nous nous sommes permis quand même, sur un sujet austère, quelques sourires mesurés.
Nous venons de donner à notre livre un frère, ou plutôt une sœur, qui s'appelle Les femmes dans la science. Voulez-vous connaître les mathématiciennes et autres savantes? Aimez-vous les portraits et les autographes?
Paris, le 15 mars 1897.
Les généralités qui suivent se rapportent aux principes, aux méthodes, à la classification, à l'enseignement et à l'histoire des Mathématiques. Nous les avons puisées à bonne source, dans les savants et les penseurs anciens et modernes.
De quoi s'occupent les mathématiques, si ce n'est de la proportion et de l'ordre?
Aristote.
Je me demandai d'abord ce que tout le monde entendait précisément par ce mot (mathématiques), et pourquoi on regardait comme faisant partie des mathématiques, non seulement l'arithmétique et la géométrie, mais encore l'astronomie, la musique, l'optique, la mécanique et plusieurs autres sciences.
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Il n'est personne, pour peu qu'il ait touché seulement le seuil des écoles, qui ne distingue facilement, (p. 4) parmi les objets qui se présentent à lui, ceux qui se rattachent aux mathématiques, et ceux qui appartiennent aux autres sciences. En réfléchissant à cela, je découvris enfin qu'on ne devrait rapporter aux mathématiques que toutes les choses dans lesquelles on examine l'ordre ou la mesure, et qu'il importe peu que ce soit dans les nombres, les figures, les astres, les sons ou dans tout autre objet qu'on cherche cette mesure.
Descartes.
Les spéculations mathématiques ont pour caractère commun et essentiel de se rattacher à deux idées ou catégories fondamentales: l'idée d'ordre sous laquelle il est permis de ranger... les idées de situation, de configuration, de forme et de combinaison; et l'idée de grandeur qui implique celles de quantité, de proportion et de mesure.
Cournot.
La validité de l'analyse algébrique dépend, non de l'interprétation des symboles employés, mais uniquement des lois de leurs combinaisons... La mathématique abstraite et générale n'a pas seulement pour objet des notions de quantités numériques, géométriques ou mécaniques: elle traite des opérations en elles-mêmes, indépendamment des matières diverses auxquelles elles peuvent être appliquées.
Liard.
(p. 5) Nous sommes donc parvenus maintenant à définir avec exactitude la science mathématique, en lui assignant pour but la mesure indirecte des grandeurs et en disant qu'on s'y propose constamment de déterminer les grandeurs les unes par les autres, d'après les relations précises qui existent entre elles. Cet énoncé, au lieu de donner l'idée d'un art, caractérise immédiatement une véritable science, et la montre sur-le-champ composée d'un immense enchaînement d'opérations intellectuelles qui pourront évidemment devenir très compliquées, à raison de la suite d'intermédiaires qu'il faudra établir entre les quantités inconnues et celles qui comportent une mesure directe... D'après cette définition, l'esprit mathématique consiste à regarder toujours comme liées entre elles, toutes les quantités que peut présenter un phénomène quelconque, dans la vue de les déduire les unes des autres.
Aug. Comte.
À propos de cette citation, Hoppe, de Berlin, fait remarquer qu'il s'agit aussi en Mathématiques de l'équivalence des opérations.
La définition la plus généralement reçue des mathématiques est celle-ci: les mathématiques sont la science des grandeurs. Cette définition est vraie au fond, mais elle est superficielle et demande explication.
De quelles grandeurs s'agit-il en mathématiques? Est-ce de toute grandeur en général? Non, car alors tout serait objet des mathématiques, puisque tout est (p. 6) grandeur, si du moins on se contente de définir la grandeur comme on le fait d'ordinaire: «ce qui est susceptible d'augmentation ou de diminution;» car cela s'applique à tout; une chose peut être plus ou moins belle, une action plus ou moins bonne, un plaisir plus ou moins vif, un homme plus ou moins spirituel; ce ne sont pas là des grandeurs mathématiques. Pourquoi? Parce que ce ne sont pas là des grandeurs mesurables. Qu'est-ce qu'une grandeur mesurable et, en général, qu'est-ce que mesurer? C'est comparer une grandeur quelconque à une grandeur donnée prise pour unité. Mesurer une route, c'est comparer la longueur de la route à une unité de longueur qu'on appelle le mètre, et dire combien de fois elle comprend cette unité. Mais qui pourra dire, par exemple, combien de fois le talent de Catulle est contenu dans le génie d'Homère?
Il n'y a donc que les grandeurs mesurables qui soient l'objet des mathématiques. De là cette nouvelle définition: c'est la science de la mesure des grandeurs.
Cette définition est plus juste que la précédente; mais elle est encore superficielle. En effet, mesurer ne semble guère en réalité qu'une opération purement mécanique. Or c'est là l'objet d'un art et non d'une science. L'arpentage n'est pas la géométrie. C'est l'arpenteur qui mesure, c'est le géomètre qui fournit les moyens de mesurer. La mesure n'est donc pas l'objet immédiat de la science. Elle n'en est que l'objet indirect et éloigné. Voyons comment elle peut devenir un objet vraiment scientifique.
La comparaison directe et immédiate d'une grandeur (p. 7) quelconque à l'unité est, la plupart du temps, impossible. Par exemple, si je demande combien il y a d'arbres dans une forêt, je ne puis le savoir qu'en comptant les arbres un à un, ce qui demanderait un temps infini. Il en est de même dans la plupart des cas. Prenons le plus facile: la mesure d'une ligne droite par la superposition d'une de ses parties. Cela suppose: 1o que nous pouvons parcourir la ligne, ce qui exclut les longueurs inaccessibles (par exemple la distance des corps célestes); 2o que la ligne ne soit ni trop grande, ni trop petite, qu'elle soit convenablement située: par exemple horizontale, non verticale. Si cela est vrai des lignes droites, cela est vrai à plus forte raison des lignes courbes, des surfaces, des volumes, et à plus forte raison encore des vitesses, des forces, etc. Comment toutes ces quantités peuvent-elles être mesurées? C'est là le problème qui rend nécessaire les mathématiques.
Les mathématiques, dans leur essence même, ont donc pour objet de ramener les grandeurs non immédiatement mesurables à des grandeurs immédiatement mesurables. C'est par là qu'elles sont une science. En effet, l'intervalle qui sépare une grandeur à mesurer de la grandeur immédiatement mesurable peut être plus ou moins grand. De là une série de réductions, depuis la grandeur la plus éloignée jusqu'à la plus prochaine; et c'est la réduction de ces grandeurs les unes aux autres qui constitue la science; soit, par exemple, à mesurer la chute verticale d'un corps pesant. Il y a ici deux quantités distinctes: la hauteur d'où le corps est tombé, et le temps de la chute. Or ces deux quantités (p. 8) sont liées l'une à l'autre; elles sont, comme on dit en mathématique, fonction l'une de l'autre. D'où il suit que l'on peut mesurer l'une par l'autre; par exemple dans le cas d'un corps tombant dans un précipice, on mesure la hauteur de la chute par le temps qu'il met à tomber; en d'autres cas, au contraire, le temps n'étant pas directement observable, sera déduit de la hauteur. Si donc on trouve une loi qui lie ces deux quantités et qui permette de conclure de l'une à l'autre, on aura réduit une grandeur non mesurable directement à une autre qui peut l'être. C'est là un problème mathématique. Autre exemple. Comment mesurer la distance des corps célestes qui sont inaccessibles? On regardera cette distance comme faisant partie d'un triangle, dont on connaîtra un côté et deux angles. Or, la géométrie nous apprend dans ce cas à découvrir les deux côtés du triangle, et par conséquent nous donne le moyen de construire le triangle dans lequel il suffira de tirer une ligne du sommet à la base pour avoir la distance réelle. Maintenant, la distance étant connue, on peut, du diamètre apparent conclure le diamètre réel, passer de là au volume et même au poids, en y ajoutant d'autres éléments.
Paul Janet.
Le mathématicien prépare d'avance des moules que le physicien viendra plus tard remplir.
Taine.
En d'autres termes, l'ordre mathématique inspire la conception de l'ordre physique.
(p. 9) Les mathématiques offrent ce caractère particulier et bien remarquable que tout s'y démontre par le raisonnement seul, sans qu'on ait besoin de faire aucun emprunt à l'expérience, et que néanmoins tous les résultats obtenus sont susceptibles d'être confirmés par l'expérience, dans les limites d'exactitude que l'expérience comporte. Par là, les mathématiques réunissent au caractère de science rationnelle, celui de science positive, dans le sens que la langue moderne donne à ce mot.
Cournot.
Les mathématiques forment pour ainsi dire un pont entre la métaphysique et la physique.
Kant.
D'après Leibniz, il n'y a de mesure que «là où il y a antérieurement de l'ordre.» On peut dire, par suite, que les mathématiques sont la science de l'ordre.
Quelques-uns ont prétendu que toute la partie des mathématiques qui n'est susceptible d'aucune vérification expérimentale devrait être transportée dans la philosophie. Tels seraient les nombres incommensurables et, à plus forte raison, les nombres négatifs et imaginaires. Mais on est arrivé à interpréter ces symboles d'une façon concrète, et du reste cette limitation (p. 10) si étroite et si arbitraire des mathématiques les restreindrait à presque rien.
Les vérités géométriques sont en quelque sorte l'asymptote des vérités physiques, c'est-à-dire le terme dont celles-ci peuvent indéfiniment approcher, sans jamais y arriver exactement.
d'Alembert.
Les figures géométriques sont de pures conceptions de l'esprit et cependant la géométrie n'est pas seulement une science spéculative très propre à développer les facultés intellectuelles.....; mais elle est encore utile par ses nombreuses applications aux arts. Cela tient à ce que les volumes de certains corps, leurs surfaces, les portions communes à deux portions de ces surfaces peuvent être regardés comme étant sensiblement des volumes, des surfaces et des lignes géométriques.
Compagnon.
Avec des définitions précises et des axiomes certains, la Mathématique établit des déductions sûres tant que le raisonnement se maintient dans les voies de l'évidence logique. C'est pourquoi la science des grandeurs porte, à l'exclusion de toute autre, le titre glorieux d'«exacte».
(p. 11) Cela signifie surtout que, moins qu'aucune autre, elle est sujette à l'erreur. La perception a ses méprises, la conception ses lacunes, l'induction ses témérités, l'opinion ses dissidences, l'observation ses mécomptes, l'expérience ses égarements. Seule, la déduction ne trompe point, quand elle suit la loi du raisonnement. La science qu'elle établit progresse avec plus ou moins de lenteur; mais ses vérités une fois démontrées, sont parfaites, définitives, et ne changent plus.
La théorie des grandeurs est l'unique exemple d'une construction scientifique ne laissant rien à désirer..... À ce titre, elle méritait le nom de «science par excellence» (mathésis) que les Grecs lui avaient donné. Elle est la science type, l'idéal de connaissance certaine proposé pour modèle à toutes les sciences de fait, mais dont celles-ci ne se rapprochent qu'en lui empruntant sa méthode et en subordonnant leurs mensurations à ses lois.
Bourdeau.
Dire que les mathématiques ne laissent rien à désirer, c'est trop dire. Là aussi, il reste encore des questions à élucider.
Ce qui est acquis dans les sciences de démonstration, dans les mathématiques, par exemple, est absolument parfait; ce qui est acquis dans les sciences d'observation est indéfiniment perfectible et conséquemment variable, (p. 12) ou du moins conserve ce caractère jusqu'au moment où la démonstration devient possible.
Duval-Jouve.
Les mathématiques ont des inventions très subtiles et qui peuvent beaucoup servir, tant à contenter les curieux qu'à faciliter tous les arts et à diminuer le travail des hommes.
Descartes.
Les objets de la Géométrie, disent-ils, n'ont aucune réalité et ne peuvent exister; des lignes sans largeur, des surfaces sans profondeur, un point mathématique, c'est-à-dire sans longueur, largeur, ni épaisseur, sont des êtres de raison, de pures chimères. Il en est de même des figures dont la Géométrie démontre les propriétés; il n'y a et il ne saurait y avoir aucun cercle parfait, aucune sphère parfaite: ainsi, concluent-ils, cette science ne s'occupe que d'objets chimériques et impossibles...
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... Il importe peu aux géomètres qu'il existe physiquement une sphère parfaite, un plan parfait; ces figures ne sont que les limites intellectuelles des grandeurs matérielles qu'ils considèrent, et ce qu'ils démontrent à l'égard de ces limites est d'autant plus vrai (p. 13) pour les corps matériels, qu'ils en approchent davantage...
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... Mais insistera-t-on peut-être... demandera-t-on si ces corps doués de figures parfaites sont possibles?...
... Il suffit aux Géomètres que l'idée métaphysique de ces figures soit claire et évidente pour servir de fondement à leurs recherches, et pour que leurs conséquences jouissent de la même évidence et de la même clarté.
Montucla.
Les ennemis de la Géométrie, ceux qui ne la connaissent qu'imparfaitement, regardent les problèmes théoriques, qui en forment la partie la plus difficile, comme des jeux d'esprit qui absorbent un temps et des méditations qu'on pourrait mieux employer; opinion fausse et très nuisible au progrès des sciences, si elle pouvait s'accréditer. Mais, outre que les propositions spéculatives, d'abord stériles en apparence, finissent souvent par s'appliquer à des objets d'utilité publique, elles subsisteront toujours comme un des moyens les plus propres à développer et à faire connaître toutes les forces de l'intelligence humaine.
Bossut.
La science des grandeurs, considérée dans son ensemble, a une parfaite unité que le mot «Mathématiques» (au pluriel) paraît méconnaître, en faisant présumer (p. 14) un groupe de sciences plutôt qu'une science unique.
Il serait préférable, comme l'avait proposé Condorcet, et comme Auguste Comte en donne l'exemple, de dire «la Mathématique», afin de mieux marquer l'unité générale de la science des grandeurs. Il est d'ailleurs à noter que cette réforme nous remet dans le vrai courant de la langue.
Le terme «Mathématique» était usité au xviie siècle et se lit trois fois dans une page de la notice sur Pascal, par Mme Périer, sa sœur.
La Mathématique n'est pas seulement une science, mais la science; et son nom ne signifie que cela; car pour les Grecs c'était la seule science.
Le matelot qu'une exacte observation de la longitude préserve du naufrage, doit la vie à une théorie conçue, deux mille ans auparavant[1], par les hommes qui avaient en vue de simples spéculations géométriques.
Condorcet.
C'est par les sciences mathématiques qu'il convient de commencer la série des connaissances humaines, parce que ce sont celles qui exigent pour point de départ (p. 15) et qui ont pour objet un plus petit nombre d'idées. De plus, on peut étudier les vérités dont elles se composent sans recourir aux autres branches de nos connaissances, et celles-ci leur empruntent, au contraire, de nombreux secours, tels par exemple que les théorèmes et les calculs sur lesquels s'appuient les sciences physiques et industrielles; la mesure des champs et le calendrier, si nécessaires à l'agriculture; la mesure précise des différents degrés de probabilité de celles de nos connaissances qui ne sont pas susceptibles d'une certitude complète, et les exemples les plus frappants de la diversité des méthodes que la philosophie doit examiner; la détermination des lieux et des temps, bases de la géographie et de l'histoire; et, parmi les sciences politiques, où leurs applications sont si nombreuses, quels indispensables secours ne prêtent-elles pas surtout à toutes les parties de l'art militaire?
Ampère.
On trouvera peut-être étrange que la géométrie[2] ne puisse définir aucune des choses qu'elle a pour principaux objets; car elle ne définit ni le mouvement, ni le nombre, ni l'espace; et cependant ces trois choses sont celles qu'elle considère particulièrement... Mais on n'en sera pas surpris, si l'on remarque que cette admirable science ne s'attachant qu'aux choses les plus simples, cette même qualité qui les rend dignes d'être ses objets, les rend incapables d'être définies; de sorte que le manque de définition est plutôt une perfection qu'un défaut, parce qu'il ne vient pas de leur obscurité, mais au contraire de leur extrême évidence...
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... Quand elle (la géométrie) est arrivée aux premières vérités connues, elle s'arrête là et demande qu'on les accorde, n'ayant rien de plus clair pour les prouver; de sorte que tout ce que la géométrie propose est parfaitement démontré, ou par la lumière naturelle, ou par les preuves. De là vient que si cette science ne (p. 17) définit et ne démontre pas toutes choses, c'est par cette seule raison que cela nous est impossible.
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... Se tenir dans ce milieu de ne point définir les choses claires et entendues de tous les hommes et de définir toutes les autres; et de ne point prouver toutes les choses connues des hommes, et de prouver toutes les autres. Contre cet ordre pèchent également ceux qui entreprennent de tout définir et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les choses qui ne sont pas évidentes d'elles-mêmes.
Pascal.
Il est des notions premières qu'on est en droit de supposer aux élèves. Elles serviront à leur donner d'autres connaissances. Nous ne chercherons pas à les éclaircir elles-mêmes, parce que les explications n'ont pour but que de ramener ce que l'on ne connaît pas à ce que l'on connaît et qu'il faut par conséquent admettre a priori certaines notions, certaines idées par leur simple énoncé, ou par la simple dénomination par laquelle on les a désignées.
Duhamel.
La figure est inhérente à l'objet, le nombre dépend de l'unité.
C'est dans la sphère propre de l'esprit, et bien au delà des résultats de l'observation, non dans ces résultats (p. 18) eux-mêmes, qu'il faut chercher la véritable source des idées géométriques, quoique leur point d'application soit plus bas, dans la sphère expérimentale, là où la matière et l'esprit se joignent et où les idées, prenant corps, nous deviennent en quelque sorte palpables.
Le monde idéal a son autonomie, ses lois distinctes, comme le monde physique. Mais ils s'appellent l'un l'autre, l'harmonie règne entre eux, jusqu'à un haut degré d'approximation qui d'ailleurs nous échappe.
Boussinesq.
L'origine des notions mathématiques a donné lieu à des controverses encore pendantes parmi les philosophes. Pour les uns, nombres et figures sont des types créés de toutes pièces par l'esprit, et qui s'imposent aux choses de l'expérience, en vertu d'une mystérieuse concordance entre la pensée et la réalité extérieure. Pour les autres, au contraire, nombres et figures ne font pas exception à cette loi générale d'après laquelle toute connaissance dériverait, soit directement, soit indirectement, de l'expérience sensible. Dans un cas, les notions mathématiques seraient des modèles; dans l'autre, elles seraient des copies.
Ce n'est pas le lieu d'entrer dans cette controverse et de peser les raisons invoquées de part et d'autre. Il nous suffira de constater deux faits: en premier lieu, quelque opinion qu'on professe sur l'origine des notions mathématiques, on ne contestera pas qu'elles ne sont pas des représentations absolument exactes des réalités extérieures. L'unité est divisible en parties (p. 19) rigoureusement égales; il n'en est pas ainsi d'un objet réel; jamais la moitié, le quart, le dixième de cet objet ne sera rigoureusement égal à l'autre moitié, à chacun des trois autres quarts, à chacun des neuf autres dixièmes, et même plus les subdivisions se multiplieront, plus l'inégalité réelle des parties augmentera. Le cercle des géomètres a des rayons absolument égaux; jamais il n'en sera ainsi des rayons d'un cercle réel; tous les points d'une surface sphérique sont équidistants du centre; jamais il n'en sera ainsi des rayons d'une sphère matérielle. En second lieu, le mathématicien considère souvent des nombres et des figures dont il n'a jamais trouvé les modèles dans la réalité. Toute division d'un objet réel en parties égales a une limite que nos sens et nos instruments de précision, même les plus perfectionnés, sont impuissants à franchir; cette limite, la pensée du mathématicien la franchit aisément, et au delà des plus petites divisions possibles d'un objet, il conçoit d'autres divisions encore et toujours à l'infini; de même il est des limites à l'addition des objets; il n'en est pas à celle des unités mathématiques; la nature a bien vite cessé de fournir; la numération ne s'arrête jamais. De même en géométrie, si variées que soient les formes réalisées dans la nature, il en est dont le géomètre étudie les propriétés, sans les avoir jamais rencontrées dans le monde extérieur. Qui a vu un polygone régulier d'un millier de côtés?
Il résulte de ce double fait que, même dans le cas où l'esprit tirerait de l'expérience les premiers éléments dont il compose les notions mathématiques, il les élabore, les transforme, et ne tarde pas à s'affranchir (p. 20) des suggestions expérimentales. Il procède alors comme s'il les tirait de son propre fonds. Aussi, sans prendre ici part dans ce conflit de doctrines sur l'origine première des notions mathématiques, on peut et on doit considérer ces notions comme des constructions faites par l'esprit suivant des lois qu'il pose, constructions qui sont en partie, mais en partie seulement et imparfaitement reproduites par la réalité sensible.
Liard.
L'étendue n'existe qu'avec trois dimensions; mais, pour la considérer suivant la méthode analytique, on commence par la dépouiller de deux de ses dimensions et en la réduisant ainsi à une seule, on a l'idée de la ligne. Si, dans cette idée, on écarte tout rapport avec deux dimensions, on a l'idée de la ligne droite; car, quoiqu'une ligne courbe n'ait qu'une dimension, cependant l'idée de courbure suppose nécessairement la considération de deux dimensions. L'extrémité de la ligne forme le point, qui est la dernière abstraction de l'entendement dans la considération de l'étendue. La surface est l'étendue envisagée avec deux dimensions et si, dans cette idée, on fait entièrement abstraction de la troisième, on a l'idée du plan. Enfin l'étendue avec ses trois dimensions forme le solide.
Laplace.
L'espace étant nécessairement homogène, il suit qu'on peut le concevoir divisé en deux parties telles (p. 21) qu'on ne puisse rien dire de l'une qui ne puisse se dire également de l'autre; telles, de plus, que leur limite commune ait à chacune d'elles les mêmes rapports, soit qu'on la considère en son entier, soit qu'on n'en considère qu'une partie. C'est cette limite qu'on appelle plan, et le plan, comme l'espace, peut être conçu divisé en deux parties telles, qu'on ne puisse rien dire de l'une qui ne puisse se dire également de l'autre; telles, de plus, que leur limite commune ait à chacune d'elles les mêmes rapports, soit qu'on la considère en son entier, soit qu'on n'en considère qu'une partie...
Bertrand, de Genève.
La série des axiomes géométriques habituellement adoptée est à la fois insuffisante et surabondante. Elle est insuffisante parce que, en réalité, on suppose plusieurs faits non énoncés; mais elle est en même temps surabondante, parce qu'on y admet des faits qui peuvent être rigoureusement démontrés au moyen de ceux qu'il faut admettre comme axiomes....
Les axiomes de la géométrie peuvent se réduire à trois, savoir: celui de la distance et de ses propriétés essentielles, celui de l'augmentation indéfinie de la distance et celui de la parallèle unique.
de Tilly.
L'étude de la mécanique, succédant à la géométrie, peut être considérée comme le développement de trois (p. 22) idées fondamentales, qui existent dans l'esprit humain antérieurement à tout enseignement scientifique: ce sont les idées de force, de temps et de masse. Ces idées sont irréductibles et on ne peut pas plus définir la force, le temps ou la masse qu'on ne peut définir l'étendue.
Ch. Simon.
Quelque objet que les mathématiques considèrent, elles le dépouillent de toutes ses qualités sensibles, de toutes ses propriétés individuelles; bientôt il n'est plus qu'un rapport abstrait de nombre ou de grandeur: on désigne ce rapport par une lettre ou une ligne; l'objet lui-même est alors oublié, il cesse d'exister pour les mathématiques. Ces signes, arbitraires en apparence, sont l'unique objet de leurs méditations; c'est sur eux seuls qu'elles opèrent, et ce n'est qu'après être parvenu au dernier résultat que revenant sur leurs premières opérations, elles appliquent ce résultat à l'objet réel dont elles avaient cessé de s'occuper. Les vérités certaines, trouvées par cette méthode, paraissent au premier coup d'œil n'être que des vérités intellectuelles et abstraites: on a pu les prendre pour des propositions identiques, en oubliant que les combinaisons diverses des mêmes éléments ne sont pas une même chose. On serait encore plus tenté de croire qu'elles n'appartiennent point à la nature réelle. Mais ce serait une erreur: car elles sont des vérités réelles, si l'objet auquel vous les avez appliquées existe dans la nature tel que vous l'avez supposé.
Condorcet.
1o N'entreprendre de définir aucune des choses tellement connues d'elles-mêmes, qu'on n'ait point de termes plus clairs pour les exprimer.
2o N'admettre aucun des termes un peu obscurs ou équivoques, sans définition.
3o N'employer dans les définitions que des termes parfaitement connus ou déjà expliqués.
4o N'omettre aucun des principes nécessaires, sans avoir demandé si on l'accorde, quelque clair et évident qu'il puisse être.
5o Ne demander en axiomes que des choses parfaitement évidentes d'elles-mêmes.
6o N'entreprendre de démontrer aucune des choses qui sont tellement évidentes d'elles-mêmes, qu'on n'ait rien de plus clair pour les prouver.
7o Prouver toutes les propositions un peu obscures, en n'employant à leur preuve que des axiomes très évidents d'eux-mêmes ou des propositions déjà démontrées ou accordées.
8o N'abuser jamais de l'équivoque des termes, en (p. 24) manquant de substituer mentalement les définitions qui les restreignent et les expliquent.
Pascal.
Lorsque l'on aura à trouver la démonstration d'une proposition énoncée, on cherchera d'abord si elle peut se déduire comme une conséquence nécessaire de propositions admises, auquel cas, elle devra être admise elle-même, et sera par conséquent démontrée. Si l'on n'aperçoit pas de quelles propositions connues elle pourrait être déduite, on cherchera de quelle proposition non admise elle pourra l'être, et alors la question sera ramenée à démontrer la vérité de cette dernière. Si celle-ci peut se déduire de propositions admises, elle sera reconnue vraie, et par suite la proposée; sinon, on cherchera de quelle proposition non encore admise elle pourrait être déduite, et la question serait ramenée à démontrer la vérité de cette dernière. On continuera ainsi jusqu'à ce que l'on parvienne à une proposition reconnue vraie: et alors la vérité de la proposée sera démontrée.
On voit que cette méthode, que l'on appelle analyse, consiste à établir une chaîne de propositions commençant à celle qu'on veut démontrer, finissant à une proposition connue et telle qu'en partant de la première, chacune soit une conséquence nécessaire de celle qui la suit; d'où il résulte que la première est une conséquence de la dernière, et, par conséquent, vraie comme elle.
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(p. 25) La méthode synthétique consiste à partir de propositions reconnues vraies, à en déduire d'autres comme conséquences nécessaires, de celles-ci de nouvelles, jusqu'à ce qu'on parvienne à la proposée, qui se trouve alors reconnue elle-même comme vraie. Elle n'est donc qu'une méthode de déduction. D'où l'on voit que, si l'on connaissait la démonstration analytique d'un théorème, on en obtiendrait immédiatement la démonstration synthétique en renversant l'ordre des propositions.
Duhamel.
Il est en mathématiques une méthode pour la recherche de la vérité, que Platon passe pour avoir inventée, que Théon a nommée analyse et qu'il a définie ainsi: Regarder la chose cherchée, comme si elle était donnée, et marcher de conséquences en conséquences, jusqu'à ce que l'on reconnaisse comme vraie la chose cherchée. Au contraire, la synthèse se définit: Partir d'une chose donnée, pour arriver, de conséquences en conséquences, à trouver une chose cherchée.
Viète.
On peut remarquer que la méthode analytique qui est une méthode rigoureuse par réduction, en réalité identique à la méthode synthétique par déduction, n'est pas la même que l'analyse des Anciens, qui était déductive et était une sorte d'expérimentation sur la vérité à démontrer.
(p. 26) Aujourd'hui nous ne faisons plus de synthèse, parce qu'il est de règle de ne procéder en analyse que par conclusions immédiatement réversibles. «Si A est vrai, B est vrai» n'est employé que si l'on peut dire: «B est vrai, donc A est vrai.» Il est rare que les Anciens aient été assez assurés de la pratique de leurs procédés pour se croire dispensés de la contre-épreuve, la synthèse après l'analyse.
P. Tannery.
Si vous substituez à une proposition ou à une question, une proposition ou une question plus générale, vous pouvez trouver des solutions en plus, des solutions étrangères.
Par contre, si la nouvelle proposition ou la nouvelle question est moins générale, vous pouvez perdre des solutions.
Voici, d'après la Logique de Port-Royal, quelques défauts qui se rencontrent dans la méthode des géomètres:
1o Avoir plus de soin de la certitude que de l'évidence, et de convaincre l'esprit que de l'éclairer.
2o Démonstration par l'impossible.
3o Démonstrations tirées par des voies trop longues.
4o N'avoir aucun soin du vrai ordre de la nature.
5o Ne point se servir de divisions et de partitions.
(p. 27) Il serait à désirer qu'on ne laissât pas autant dans l'oubli certains résultats des travaux des géomètres des siècles passés, et qu'on revînt un peu sur les principes presque toujours faciles et souvent ingénieux à l'aide desquels les grands hommes de ces temps-là y étaient parvenus; car ce ne sont pas tant les vérités particulières que les méthodes qu'il ne faut pas laisser périr.
Poncelet.
Pour bien faire sentir la différence entre les résultats de la méthode expérimentale et inductive et les résultats de la méthode mathématique, supposons qu'un malin génie..... se plaise à nous embrouiller dans nos opérations, à créer ou à annihiler un objet entre nos doigts, au moment où nous comptons quel nombre d'objets font deux groupes de cinq objets, à faire varier les angles du triangle que nous mesurons, ou les angles du rapporteur qui nous sert d'unité de mesure; nous n'aurons aucun moyen de découvrir la supercherie, nous enregistrerons ingénument les divers résultats obtenus, et nous conclurons en toute sécurité de conscience, que les angles d'un triangle valent tantôt deux droits, tantôt plus, tantôt moins; et que cinq et cinq font, suivant le cas, dix, douze ou tout autre nombre.
Mais si nous avons une fois démontré rationnellement que cinq et cinq font dix, que les angles d'un triangle valent deux angles droits, alors, quand même un malin génie, intervenant lorsque nous voulons vérifier expérimentalement ces vérités, brouillerait nos comptes et (p. 28) nos mesures, nous n'en maintiendrions pas moins la vérité absolue de notre démonstration faite dans l'abstrait, et nous en conclurions seulement que, pour des raisons à nous inconnues, ces vérités se trouvent modifiées dans le concret par l'association, dans les objets réels, de propriétés de divers genres aux propriétés mathématiques.
Rabier.
Les questions aisées doivent être traitées par des moyens également faciles; il faut réserver l'analyse savante pour les questions qui exigent les grands moyens et il ne faut pas ressembler à ce personnage de la Fable, qui, pour se délivrer d'une puce, voulait emprunter à Jupiter sa foudre ou à Hercule sa massue.
Delambre.
C'est une remarque que nous pouvons faire dans toutes nos recherches mathématiques: ces quantités auxiliaires, ces calculs longs et difficiles où l'on se trouve entraîné, y sont presque toujours la preuve que notre esprit n'a point, dès le commencement, considéré les choses en elles-mêmes et d'une vue assez directe, puisqu'il nous faut tant d'artifices et de détours pour y arriver; tandis que tout s'abrège et se simplifie, sitôt que l'on se place au vrai point de vue.
Poinsot.
(p. 29) Les définitions géométriques ne précèdent jamais l'apparition des figures qu'il s'agit d'étudier; elles les suivent, au contraire, et les fixent. Ce n'est qu'après avoir démontré qu'une figure est possible et unique, qu'il est permis de résumer par un mot, le résultat de cette démonstration, et de regarder conventionnellement ce mot comme l'équivalent ou comme la définition de la figure.
J. F. Bonnel.
Il semble que dans l'état actuel des sciences mathématiques, le seul moyen d'empêcher que leur domaine devienne trop vaste pour notre intelligence, c'est de généraliser de plus en plus les théories que ces sciences embrassent, afin qu'un petit nombre de vérités générales et fécondes soit, dans la tête des hommes, l'expression abrégée de la plus grande variété de faits particuliers.
Charles Dupin.
L'étendue et les progrès de la géométrie sont tels que, plutôt que de se refuser à toute étude des nouvelles méthodes, il faudra peut-être avant peu tenir compte seulement des méthodes générales, afin d'avoir en sa possession un plus grand nombre de moyens pour arriver à la connaissance des vérités dont on a besoin. Il est effectivement impossible désormais d'avoir présentes à l'esprit toutes les vérités qui sont découvertes.
Bellavitis.
(p. 30) Voulant résoudre quelque problème, on doit d'abord le considérer comme déjà fait, et donner des noms à toutes les lignes qui semblent nécessaires pour le construire, aussi bien à celles qui sont inconnues qu'aux autres. Puis, sans considérer aucune différence entre ces lignes connues et inconnues..... on cherche à exprimer une même quantité en deux façons, ce qui se nomme une équation..... On doit trouver autant de telles équations qu'on a supposé de lignes qui étaient inconnues.
Descartes.
Certaines parties d'une figure, considérées dans un état général de construction, peuvent être indifféremment réelles ou imaginaires. Or il arrive souvent que ces parties servent utilement, dans le cas de la réalité, à la démonstration d'un théorème, et que cette démonstration n'a plus lieu quand ces mêmes parties deviennent imaginaires. Alors on dit qu'en vertu du principe de continuité le théorème démontré dans le premier cas s'étend au second, et on l'énonce d'une manière générale. Quelquefois le contraire a lieu, et c'est quand certaines parties d'une figure sont imaginaires, que l'on y trouve les éléments d'une démonstration facile, dont on applique les conséquences, en vertu du principe de continuité, au cas où ces mêmes parties sont réelles et où la démonstration n'existe plus.
Chasles.
(p. 31) Un jour qu'il présidait un concours d'agrégation, Poisson, oubliant un instant le candidat qu'il avait à juger, prit la parole et développa ceci: qu'il y a en géométrie quatre méthodes: méthode de superposition; méthode de réduction à l'absurde; méthode des limites; méthode infinitésimale. La superposition, disait-il, n'est applicable que dans très peu de cas; la réduction à l'absurde suppose la vérité connue, et prouve alors qu'il ne peut pas en être autrement, mais sans montrer pourquoi. La méthode des limites, plus généralement applicable que les deux autres, suppose la vérité connue, et ce n'est, par conséquent, pas davantage une méthode d'investigation; ce sont trois méthodes de démonstration applicables chacune, dans certains cas, aux vérités déjà connues. Au contraire, la méthode des infiniment petits se trouve être à la fois une méthode, générale et toujours applicable, et de démonstration et d'investigation.
Gratry.
On peut établir dans les Mathématiques une autre classification, fondée non plus sur l'objet de la science, mais sur ses méthodes. À ce nouveau point de vue, nous aurions à distinguer deux sortes d'Analyse:
1o Celle des quantités discontinues;
2o Celle des quantités continues.
Dans la première, on cherche les relations qui existent entre certaines quantités fixes données a priori. Cette méthode est employée dans les parties élémentaires des Mathématiques, et plus spécialement (p. 32) en Arithmétique et au début de la Géométrie, sauf pour un petit nombre de théorèmes fondamentaux, dont la démonstration exige la notion des quantités incommensurables.
Dans l'Analyse des quantités continues, on considère au contraire les éléments de la question proposée comme susceptibles de varier par degrés insensibles et l'on cherche à déterminer les lois qui régissent leurs variations simultanées.
Cette méthode dont Euclide et Archimède avaient donné autrefois de remarquables exemples, était tombée en oubli pendant plusieurs siècles, lorsque la mémorable découverte de Descartes sur l'application de l'Algèbre à la théorie des courbes obligea les géomètres à y revenir, pour résoudre les deux questions qui s'imposaient à eux, le problème des tangentes et celui des quadratures.
Jordan.
On a dit que la géométrie était l'art de raisonner juste sur des figures fausses. Une figure grossière n'est tracée que pour soutenir l'attention et on raisonne en réalité sur la figure idéale et parfaite.
Celui-là est indigne du nom d'homme, a dit Platon, qui ignore que la diagonale du carré est incommensurable avec son côté.
L'algèbre n'est qu'une géométrie écrite, la géométrie n'est qu'une algèbre figurée.
Sophie Germain.
L'Algèbre emploie des signes abstraits, elle représente les grandeurs absolues par des caractères qui n'ont aucune valeur par eux-mêmes, et qui laissent à ces grandeurs toute l'indétermination possible; par suite elle opère et raisonne forcément sur les signes de non-existence comme sur des quantités toujours absolues, (p. 34) toujours réelles: a et b par exemple, représentant deux quantités quelconques, il est impossible, dans le cours des calculs, de se rappeler et de reconnaître quel est l'ordre de leurs grandeurs numériques; l'on est, malgré soi, entraîné à raisonner sur les expressions a-b, Va-b, etc., comme si c'étaient des quantités toujours absolues et réelles. Le résultat doit donc lui-même participer de cette généralité, et s'étendre à tous les cas possibles, à toutes les valeurs des lettres qui y entrent; de là aussi ces formes extraordinaires, ces êtres de raison, qui semblent l'apanage exclusif de l'Algèbre.
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Dans la Géométrie ordinaire, qu'on nomme souvent la synthèse, les principes sont tout autres, la marche est plus timide ou plus sévère; la figure est décrite, jamais on ne la perd de vue, toujours on raisonne sur des grandeurs, des formes réelles et existantes, et jamais on ne tire de conséquences qui ne puissent se peindre, à l'imagination ou à la vue, par des objets sensibles; on s'arrête dès que ces objets cessent d'avoir une existence positive et absolue, une existence physique. La rigueur est même poussée jusqu'au point de ne pas admettre les conséquences d'un raisonnement établi dans une certaine disposition générale des objets d'une figure, pour une autre disposition également générale de ces objets, et qui aurait toute l'analogie possible avec la première; en un mot, dans cette Géométrie restreinte, on est forcé de reprendre toutes la série des raisonnements primitifs, dès l'instant où (p. 35) une ligne, un point ont passé de la droite à la gauche d'un autre, etc.
Poncelet.
Le célèbre auteur du Traité des propriétés projectives des figures montre ensuite comment les modernes se sont efforcés de donner à la Géométrie la généralité de l'Algèbre.
L'exactitude de toute relation entre des grandeurs concrètes quelconques est indépendante de la valeur des unités auxquelles on les rapporte pour les exprimer en nombres. Par exemple, la relation qui existe entre les trois côtés d'un triangle rectangle a lieu, soit qu'on les évalue en mètres, ou en lignes, ou en pouces, etc.
Il suit de cette considération générale, que toute opération qui exprime la loi analytique d'un phénomène quelconque doit jouir de cette propriété de n'être nullement altérée, quand on fait subir simultanément à toutes les quantités qui s'y trouvent le changement qu'éprouveraient leurs unités respectives. Or, ce changement consiste évidemment en ce que toutes les quantités de même espèce deviendraient à la fois m fois plus petites, si l'unité qui leur correspond devenait m fois plus grande, ou réciproquement. Ainsi, toute équation qui représente une relation concrète quelconque, doit offrir ce caractère de demeurer la même quand on y rend m fois plus grandes toutes les quantités qu'elle contient, et qui expriment les grandeurs entre lesquelles existe la relation, en exceptant toutefois les nombres qui désignent les rapports mutuels de ces grandeurs, (p. 36) lesquels restent invariables dans le changement des unités. C'est dans cette propriété que consiste la loi de l'homogénéité, suivant son acception la plus étendue..
Auguste Comte.
C'est une simplification intéressante que de résoudre par le second livre de Géométrie un problème, placé ordinairement dans le troisième. Citons, par exemple, la circonférence, passant par deux points et tangente à une droite. Nous voyons ainsi que l'ordre logique des propositions n'est pas aussi fixé qu'on l'admet généralement.
L'Algèbre plane pour ainsi dire également sur l'Arithmétique et sur la Géométrie: son objet n'est pas de trouver les valeurs mêmes des quantités cherchées, mais le système d'opérations à faire sur les quantités données pour en déduire les valeurs des quantités que l'on cherche. Le tableau de ces opérations, représentées par les caractères algébriques, est ce que l'on nomme en Algèbre une formule.
Lagrange.
«L'Algèbre est généreuse, a dit d'Alembert, elle donne souvent plus qu'on ne lui demande.» On interprète alors les solutions dites étrangères et qui sont celles du problème élargi, généralisé. Le calcul ne tient nul compte de nos restrictions.
(p. 37) Les extensions successives que l'on fait subir aux opérations et aux définitions mathématiques doivent être soumises au principe de la permanence des règles de calcul.
Hankel.
Les formules sont un secours admirable pour l'esprit, elles le dispensent de toute attention pénible, il n'a qu'à les suivre: elles ne le dirigent pas seulement, elles le portent. Il n'a besoin que de l'attention nécessaire pour ne pas manquer à la formule et à ses règles et cette attention est presque matérielle: elle est des yeux plutôt que de l'esprit. Les formules, en un mot, sont des espèces de machines avec lesquelles on opère presque machinalement.
Condorcet.
Il faut pouvoir, au besoin, raisonner directement chaque cas particulier.
On dit que l'analyse mathématique est un instrument. Cette comparaison peut être admise, pourvu qu'on admette que cet instrument, comme le Protée de la fable, doit sans cesse changer de forme.
Arago.
L'emploi du calcul est comparable à celui d'un instrument dont on connaît exactement la précision.
J. Fourier.
(p. 38) Dans les opérations on peut distinguer le signe indiquant l'opération, le nombre, c'est-à-dire le sujet sur lequel on opère, et le résultat obtenu. On peut faire abstraction des deux dernières choses, qui paraissent pourtant les plus importantes, et ne raisonner que sur les signes indicateurs. On a alors des théorèmes, de nature philosophique, qui constituent le calcul des opérations.
Exemple:
Les formules d'algèbre, dans leur étroite enceinte, contiennent toute la courbe dont elles sont la loi.
Taine.
L'Algèbre est une langue bien faite, et c'est la seule. L'analogie, qui n'échappe jamais, conduit insensiblement d'expression en expression... La simplicité du style en fait toute l'élégance.
Condillac.
Parmi les mathématiciens, les uns ont une prédilection exclusive pour les symboles les plus généraux et les plus abstraits et ils évitent les interprétations géométriques, comme imparfaites et limitées; les autres, au contraire, ne jugent claires, que celles des conceptions analytiques qui sont susceptibles d'une traduction concrète. Il faut avouer que ces derniers se font une idée bien étroite de la science de l'ordre.
(p. 39) L'algèbre est la plus générale des sciences mathématiques, puisqu'elle étudie non pas telle ou telle quantité, mais la quantité.
La géométrie n'est qu'une science mathématique particulière, puisque son objet, l'étendue, n'est qu'une sorte de quantité.
L'algèbre est à la fois un art et une science: une science parce qu'elle se compose d'un ensemble de vérités; et un art, parce qu'elle fournit un grand nombre de règles infaillibles pour résoudre un grand nombre de difficultés.
Arrivé à ce point, Descartes fut naturellement amené à penser que toute question de géométrie pouvait se ramener à une question d'algèbre, et il conjectura justement qu'à cause du caractère méthodique de l'algèbre une telle substitution serait toujours ou du moins presque toujours avantageuse. Telles furent les vues à la fois très élevées et très simples qui firent concevoir à Descartes le dessein d'appliquer l'algèbre à la géométrie.
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Les sciences mathématiques ne furent plus un assemblage de spéculations isolées; elles formèrent un corps dans lequel les parties furent dans une dépendance mutuelle et facile à saisir.
T. V. Charpentier.
En géométrie, comme en algèbre, la plupart des idées différentes ne sont que des transformations; les (p. 40) plus lumineuses et les plus fécondes sont pour nous celles qui font le mieux image et que l'esprit combine avec le plus de facilité dans le discours et dans le calcul.
Le calcul n'est qu'un instrument qui ne produit rien par lui-même, et qui ne rend en quelque sorte que les idées qu'on lui confie. Si nous n'avons que des idées imparfaites, ou si l'esprit ne regarde la question que d'un point de vue borné, ni l'analyse, ni le calcul ne lui apporteront plus de lumière, et ne donneront à nos résultats plus de justesse ou plus d'étendue: au contraire, on peut dire que cet art de réaliser en quelque sorte par le calcul de vagues conceptions n'est propre qu'à rendre l'erreur plus durable, en lui donnant pour ainsi dire une consistance.
Sitôt qu'un auteur ingénieux a su parvenir directement et simplement à quelque vérité nouvelle, n'est-il pas à craindre que le calculateur le plus stérile ne s'empresse d'aller la chercher dans ses formules comme pour la découvrir une seconde fois et à sa manière, qu'il dit être la bonne et la véritable; de sorte qu'on ne s'en croit plus redevable qu'à son analyse, et que l'auteur lui-même, quelquefois peu exercé à ce langage et à ce symbole, sous lesquels on lui dérobe ses idées, ose à peine réclamer ce qui lui appartient et se retire presque confus, comme s'il avait mal inventé ce qu'il a si bien découvert.
Poinsot.
(p. 41) Les ressources puissantes que la Géométrie a acquises depuis une trentaine d'années sont comparables, sous plusieurs rapports, aux méthodes analytiques, avec lesquelles cette science peut rivaliser désormais, sans désavantage, dans un ordre très étendu de questions...
... Hâtons-nous de dire, cependant, pour éviter toute interprétation inexacte de notre but et de notre sentiment sur les deux méthodes qui se partagent le domaine des sciences mathématiques, que notre admiration pour l'instrument analytique, si puissant de nos jours, est sans bornes, et que nous n'entendons pas lui mettre en parallèle sur tous les points, la méthode géométrique. Mais, convaincu qu'on ne saurait avoir trop de moyens d'investigation dans la recherche des vérités mathématiques, qui toutes peuvent devenir également faciles et intuitives quand on a trouvé et suivi la voie étroite qui leur est propre et naturelle, nous avons pensé qu'il ne pouvait être qu'utile de montrer... que les doctrines de la pure Géométrie offrent souvent, et dans une foule de questions, cette voie simple et nouvelle qui, pénétrant jusqu'à l'origine des vérités, met à nu la chaîne mystérieuse qui les unit entre elles et les fait connaître individuellement de la manière la plus lumineuse et la plus complète.
Cette troisième branche de la Géométrie, qui constitue aujourd'hui ce que nous appelons la Géométrie récente, est exempte de calculs algébriques, quoiqu'elle fasse un aussi heureux usage des relations numériques des figures que de leurs relations de situation; mais (p. 42) elle ne considère que des rapports de distance rectiligne, d'un certain genre, qui n'exigent ni les symboles, ni les opérations de l'Algèbre. Cette Géométrie est la continuation de l'Analyse géométrique des Anciens, sur laquelle elle offre d'immenses avantages par la généralité, l'uniformité et l'abstraction de ses méthodes.
La méthode par le calcul a le merveilleux privilège de négliger les propositions intermédiaires dont la méthode géométrique a toujours besoin, et qu'il faut créer quand la question est nouvelle. Mais cet avantage si beau et si précieux de l'Analyse a son côté faible, comme toutes les conceptions humaines: c'est que cette marche pénétrante et rapide n'éclaire pas toujours suffisamment l'esprit; elle laisse ignorer les vérités intermédiaires qui rattachent le point de départ à la vérité trouvée, et qui doivent former avec l'un et l'autre, un ensemble complet et une véritable théorie. Car, est-ce assez dans l'étude philosophique et approfondie d'une science, de savoir qu'une chose est vraie, si l'on ignore comment et pourquoi elle l'est, et quelle place elle occupe dans l'ordre des vérités auquel elle appartient?
Chasles.
Il est certain que l'analyse de situation est une chose qui manque à l'algèbre ordinaire: c'est ce défaut qui fait qu'un problème paraît souvent avoir plus de solutions qu'il n'en doit avoir dans les circonstances où on le considère. Il est vrai que cette abondance de l'algèbre, qui donne ce qu'on ne lui demande pas, est (p. 43) admirable à plusieurs égards; mais aussi elle fait souvent qu'un problème qui n'a réellement qu'une solution, en prenant son énoncé à la rigueur, se trouve renfermé dans une équation de plusieurs dimensions et, par là, ne peut en quelque manière être résolu. Il serait fort à souhaiter que l'on trouvât moyen de faire entrer la situation dans le calcul des problèmes.
d'Alembert.
La géométrie et l'algèbre ont entre elles des relations nécessaires sur lesquelles il importe d'être fixé.
Faut-il ériger en principe les vues de Pythagore sur les nombres, puis essayer d'y rattacher les vues géométriques?
Faut-il, au contraire, suivre la voie tracée par Descartes et déduire les éléments de l'algèbre des premières données de la géométrie pure?
De ces deux méthodes, la seconde semble être la plus rationnelle.
En effet, si peu qu'elle interroge l'expérience, la Géométrie n'en est pas moins une science d'observation. Elle considère les corps, leurs parois, leurs arêtes afin d'en abstraire les solides, les surfaces et les lignes; puis elle commence par étudier ces figures et finit par les mesurer pour en faciliter la comparaison. Descartes est donc autorisé par là même à fonder l'Algèbre sur la considération des droites et des opérations qu'elles comportent. Mais, ce qui fait surtout le mérite de sa méthode, c'est qu'elle se guide uniquement sur les allures de la (p. 44) grandeur continue pour en conclure toutes les propriétés du nombre et les lois qui le régissent; tandis qu'en suivant la loi contraire, on est bien vite réduit à ne raisonner que sur de purs symboles.
Mouchot.
L'apparition d'un nombre suppose l'existence d'une grandeur mathématique soumise à une opération simple qu'on nomme sa mesure. S'il n'y avait pas de grandeurs mathématiques, il n'y aurait pas de nombres, tandis que les grandeurs mathématiques existent, même pour celui qui n'a pas l'idée de nombre. L'emploi des nombres tire principalement son utilité de ce que ceux-ci ne conservent pas la trace des grandeurs qui leur ont donné naissance; d'où il résulte que les combinaisons qu'on peut en faire, et les conséquences qu'on tire de leurs combinaisons, ont un certain degré de généralité, qui permet de les appliquer à toutes les espèces de grandeurs et que ne sauraient avoir les opérations effectuées directement sur les grandeurs mêmes.
J. F. Bonnel.
Aucun nombre entier élevé au carré ne donne 2, et l'on démontre qu'aucun nombre fractionnaire ne le donne non plus.
Nous résignerons-nous à conclure que 2 n'a pas de racine carrée?
(p. 46) Si nous nous bornons à dire que V2 est incommensurable, nous n'en donnerons pas une définition.
Dirons-nous que V2 est le nombre qui multiplié par lui-même produit 2? Ce serait faire un cercle vicieux, puisque pour comprendre la multiplication par V2, il faut avoir préalablement défini V2.
Nous définissons d'abord la racine carrée de 2 à un dixième près, le plus grand nombre de dixièmes dont le carré est contenu dans 2; nous définissons ensuite de même la racine carrée de 2 à un centième, à un millième près, etc.
La racine carrée de 2 est maintenant pour nous la limite de ses racines carrées à un dixième, à un centième près, etc.
Voici la définition rigoureuse: «La racine carrée d'un nombre est la limite des nombres dont les carrés ont pour limite le nombre proposé.»
On prouve, bien entendu, que la limite existe et qu'elle est unique.
Cournot a rapproché l'extension de l'idée de multiplication aux fractions et l'extension des règles de calcul aux nombres négatifs. Ces deux généralisations permettent de rendre les relations entre les grandeurs, indépendantes de l'unité et du zéro-origine choisis.
Les nombres incommensurables donnent déjà de la généralité à l'arithmétique. Le vrai passage à l'algèbre (p. 47) se fait lorsqu'apparaissent les nombres négatifs, permettant de généraliser davantage les règles et les formules. Viennent ensuite les imaginaires et les autres symboles qui étendent de plus en plus la généralisation.
Les signes + et - modifient la quantité devant laquelle ils sont placés, comme l'adjectif modifie le substantif.
Cauchy.
Il convient de considérer le signe-précédant un coefficient comme soudé au coefficient.
Le signe-s'explique en géométrie en rétrogradant et les solutions par-reculent là où les solutions par + avançaient.
Albert Girard, 1629.
À l'inverse des autres sciences, l'algèbre a une manière toute spéciale et bien caractéristique de traiter les impossibilités; si tel problème d'algèbre est impossible, si telle équation est insoluble, l'algèbre, au lieu de s'arrêter là pour passer à une autre question, accorde droit de cité à ces solutions impossibles et en enrichit son domaine au lieu de les exclure.
(p. 48) Le moyen qu'elle emploie est le symbole.
Dès les équations du premier degré à une inconnue, au lieu de diviser les équations en deux classes, suivant les valeurs des lettres qu'elles renferment, celles qui admettent une solution et celles qui n'en admettent pas, l'algèbre dit que toute équation du premier degré admet une solution, cette solution pouvant être négative ou infinie et étant, dans ce dernier cas, symbolique.
Dans un grand nombre d'équations du second degré, il semblerait qu'on doit être arrêté net, l'impossibilité se manifestant d'une manière pour ainsi dire absolue; l'algèbre admet pourtant ces solutions comme elle a déjà fait pour le premier degré, et, toujours à l'aide de symboles, elle donne droit de cité aux incommensurables et aux imaginaires.
De Campou.
Convenons de représenter à l'aide du symbole
(1) ai + bj + c = a'i + b'j + c'
la triple égalité
a = a', b = b', c = c',
sans attacher aux lettres i, j d'autre sens que celui de séparation. Les signes i, j, qui pourraient être en plus grand nombre, ont reçu de Cauchy le nom de clefs. Les formules telles que (1) portent le nom d'égalités symboliques, et l'on dit, pour abréger le langage, que a et a' sont les coefficients de i et que b et b' sont les coefficients de j. L'ensemble des quantités qui forment le (p. 49) premier membre de la formule (1) s'appelle une quantité imaginaire.
Ainsi, pour nous, une quantité imaginaire se compose de l'ensemble de plusieurs nombres qui, dans un calcul ultérieur, doivent être respectivement égalés à des nombres donnés.
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Les clefs tendent à s'introduire tous les jours davantage dans l'analyse; leur emploi donne beaucoup d'élégance et de simplicité au calcul.
De toutes les clefs, celle qui a été le mieux étudiée, celle qui est le plus anciennement connue, est celle que l'on est convenu de représenter par le symbole V-1.
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Hamilton est le créateur d'un système d'imaginaires auxquelles il a donné le nom de quaternions; ces imaginaires contiennent trois clefs; elles sont par conséquent de la forme
ai + bj + ck + d.
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Autrefois, les quantités imaginaires avaient en elles quelque chose de fantastique: elles ne représentaient rien, elles servaient d'instrument dans les recherches; mais à la suite d'une découverte due à l'emploi des imaginaires, les géomètres amis de la rigueur réclamaient une confirmation du résultat obtenu, par d'autres voies: c'est ce qui a valu leur nom à ce genre de quantités.
H. Laurent.
(p. 50) Je montre au début ce qui constitue vraiment la ligne de séparation de l'arithmétique et de l'algèbre.
Tant que les grandeurs ne sont considérées que dans leurs modules, c'est-à-dire dans leurs rapports abstraits avec l'unité choisie, on fait de l'arithmétique ou de l'arithmologie. On établit les règles de calcul sur les modules ou sur les nombres; on étudie les propriétés diverses des nombres entiers auxquels tous les autres se ramènent.
Quand, à la considération du module, on joint celle de la direction et que l'on représente les grandeurs directives par un symbole complexe qui donne à la fois le module et l'argument, c'est-à-dire un signe marquant nettement le sens de la grandeur, on fait de l'algèbre.
Les grandeurs directives que l'on étudie dans les diverses branches des sciences peuvent être classées en plusieurs groupes:
1o Les unes, et c'est le plus grand nombre, ne sont susceptibles que de deux sens opposés l'un à l'autre... On pourrait les désigner sous le nom de grandeurs diodes...
2o D'autres grandeurs, qu'on pourrait nommer polyodes, peuvent avoir toute direction, soit sur un plan, soit dans l'espace...
... On les représente par des droites de longueurs déterminées suivant leurs modules, portées dans certaines directions, à partir d'un point-origine.
Il faut distinguer particulièrement les grandeurs polyodes planes... Ces grandeurs polyodes planes comprennent évidemment les grandeurs diodes, comme cas particulier.
(p. 51) 3o Les grandeurs absolues, dans l'étude desquelles l'idée de direction n'intervient pas, peuvent aussi être regardées comme un cas particulier des grandeurs polyodes planes, car on peut toujours représenter leur module par la longueur d'une droite et porter ce module dans une même direction, sur un axe indéfini, à partir d'une origine fixe. Les grandeurs absolues ainsi représentées pourraient être appelées monodes.
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L'algèbre, comme nous l'entendons, a pour but de donner les règles de calcul des grandeurs polyodes planes...
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Les considérations un peu nouvelles que j'ai développées... renferment implicitement les règles du calcul des équipollences de M. Bellavitis.
Les idées philosophiques qui m'ont guidé... me conduisaient naturellement à la considération des symboles propres à représenter les grandeurs polyodes de l'espace, c'est-à-dire aux quaternions d'Hamilton.
J. Bourget.
Ce n'est plus l'algèbre qui est responsable de cette manifestation de résultats impossibles, c'est nous-mêmes qui y donnons lieu par l'introduction de certaines contradictions dans nos demandes. Cette circonstance dans laquelle l'esprit du calculateur intervient comme partie au débat, nous paraît mériter une attention toute particulière. Il est intéressant d'étudier (p. 52) comment, dans ce cas, la réaction de l'algèbre cherche à se mettre en équilibre avec l'action égarée de notre intelligence; comment elle se maintient dans le vrai alors que nous voudrions l'entraîner dans le faux, comment du moins elle refuse de nous suivre dans cette voie, et par quels moyens, toujours logique et toujours utile, tout en nous disant que nous l'avons frappée d'impuissance, elle nous indique en quoi consiste l'erreur que nous n'avions pas même soupçonnée.
Vallès.
Les difficultés relatives à plusieurs symboles singuliers auxquels conduisent les calculs algébriques et notamment aux expressions dites imaginaires, ont été, ce me semble, beaucoup exagérées par suite des considérations purement métaphysiques qu'on s'est efforcé d'y introduire, au lieu d'envisager ces résultats anormaux sous leur vrai point de vue, comme de simples faits analytiques. En les considérant ainsi, il est aisé de reconnaître, en thèse générale, que l'esprit de l'analyse mathématique consistant à considérer les grandeurs sous le seul point de vue de leurs relations, et indépendamment de toute idée de valeur déterminée, il en résulte nécessairement pour les analystes, l'obligation constante d'admettre indifféremment toutes les sortes d'expressions quelconques que pourront engendrer les combinaisons algébriques. S'ils voulaient s'en interdire une seule à raison de sa singularité apparente, comme elle est toujours susceptible de se présenter d'après certaines suppositions particulières sur les valeurs des (p. 53) quantités considérées, ils seraient contraints d'altérer la généralité de leurs conceptions, et en introduisant ainsi, dans chaque raisonnement, une suite de distinctions vraiment étrangères, ils feraient perdre à l'analyse mathématique son principal avantage caractéristique, la simplicité et l'uniformité des idées qu'elle combine.
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Relativement aux quantités négatives qui ont donné lieu à tant de discussions déplacées... il faut distinguer, en considérant toujours le simple fait analytique, entre leur signification abstraite et leur interprétation concrète qu'on a presque toujours confondues jusqu'à présent. Sous le premier rapport, la théorie des quantités négatives peut être établie d'une manière complète par une seule vue algébrique. Quant à la nécessité d'admettre ce genre de résultats, concurremment avec tout autre, elle dérive de la considération générale que je viens de présenter: et quant à leur emploi comme artifice analytique pour rendre les formules plus étendues, ce mécanisme de calcul ne peut réellement donner lieu à aucune difficulté sérieuse. Ainsi, on peut envisager la théorie abstraite des quantités négatives comme ne laissant rien d'essentiel à désirer, mais il n'en est nullement de même pour leur théorie concrète.
Aug. Comte.
Partons de l'échelle des nombres entiers; entre deux échelons consécutifs intercalons un ou plusieurs échelons intermédiaires, puis entre ces échelons nouveaux (p. 54) d'autres encore et ainsi de suite indéfiniment. Nous aurons ainsi un nombre illimité de termes, ce seront les nombres que l'on appelle fractionnaires, rationnels ou commensurables. Mais ce n'est pas assez encore; entre ces termes qui sont pourtant déjà en nombre infini, il faut encore en intercaler d'autres, que l'on appelle irrationnels ou incommensurables.
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On dira peut-être que les mathématiciens qui se contentent de cette définition (du continu mathématique) sont dupes de mots, qu'il faudrait dire d'une façon précise ce que sont chacun de ces échelons intermédiaires, expliquer comment il faut les intercaler et démontrer qu'il est possible de le faire. Mais ce serait à tort; la seule propriété de ces échelons qui intervienne dans leurs raisonnements, c'est celle de se trouver avant ou après tels échelons...
H. Poincaré.
Dans une même question, on a souvent à considérer deux sortes de grandeurs, les constantes et les variables. Une constante possède une valeur fixe et déterminée; une variable peut recevoir successivement diverses valeurs.
Une quantité est dite fonction d'une autre quantité, lorsqu'elle varie avec elle et qu'elle acquiert une ou plusieurs valeurs déterminées pour chaque valeur attribuée à la variable.
(p. 55) La science, en tant qu'elle n'envisage que les éléments isolés de l'objet, peut être nommée statique; en tant qu'elle compare les éléments et cherche comment les variations des uns déterminent les variations des autres, elle est dynamique, car elle représente alors le mouvement même des choses et les suit dans leur développement. Cette distinction fondamentale permet de classer les connaissances humaines en deux catégories bien nettes et en montre aussi le point de contact: le nombre, ou rapport invariable, la fonction, ou rapport variable, résument en deux mots les deux faces de la science.
Laugel.
On étudie, en mathématiques, une fonction pour elle-même. Peut-être plus tard un phénomène mieux connu s'exprimera par cette fonction. Béranger a dit:
Combien de temps une pensée,
Vierge obscure, attend son époux!
Les nombres imitent l'espace, qui est de nature si différente.
Pascal
On appelle limite d'une grandeur variable, une grandeur fixe dont la grandeur variable se rapproche indéfiniment, de façon à pouvoir en différer aussi peu qu'on voudra, mais sans jamais l'atteindre.
On appelle infiniment petit une quantité variable qui a pour limite zéro.
Tout nombre est fini et assignable, toute ligne l'est de même et les infinis ou infiniment petits ne signifient que des grandeurs qu'on peut prendre aussi grandes ou aussi petites que l'on voudra.....
..... On entend par infiniment petit l'état de l'évanouissement ou du commencement d'une grandeur, conçue à l'imitation des grandeurs déjà formées.
Leibniz.
La notion de l'infini, dont il ne faut pas faire un mystère en Mathématiques, se réduit à ceci: Après chaque nombre entier, il y en a un autre.
J. Tannery.
(p. 57) C'est l'élan de l'esprit au-delà de ce que montre l'observation, au-delà même de tout ce qu'elle est capable de donner, qui seul a pu nous faire connaître la série des nombres entiers, celle des grandeurs continues, et nous conduire par là aux idées d'infiniment petit, de point, de ligne, de surface, limites de quantités indéfiniment décroissantes ou d'étendues dont certaines dimensions diminuent jusqu'à zéro. Ces notions se présentent donc à nous comme des créations de l'intelligence dans sa recherche de la simplicité et de la perfection absolue pour ce qui concerne les grandeurs, comme des données que la vue des choses n'implique pas logiquement, c'est-à-dire déductivement, mais qu'elle suggère à notre faculté d'intuition idéale, ou, si l'on veut, à notre pouvoir de généralisation. L'infiniment petit, notamment, n'est pas le zéro pur, le zéro considéré isolément, mais bien le zéro en tant que limite des décroissements d'une grandeur, ou en tant que point de départ d'une quantité qui naît et augmente.
Boussinesq.
La continuité d'une grandeur est une propriété purement idéale, en ce sens qu'il n'y a pas dans la nature de grandeur qui soit matériellement continue. Cette continuité n'existe que dans l'imagination du géomètre.
J.-F. Bonnel.
On est conduit à l'idée des infiniment petits, lorsqu'on considère les variations successives d'une grandeur (p. 58) soumise à la loi de continuité. Ainsi le temps croît par degrés moindres qu'aucun intervalle qu'on puisse assigner, quelque petit qu'il soit. Les espaces parcourus par les différents points d'un corps croissent aussi par des infiniment petits, car chaque point ne peut aller d'une position à une autre sans traverser toutes les positions intermédiaires; et l'on ne saurait assigner aucune distance, aussi petite que l'on voudra, entre deux positions successives. Les infiniment petits ont une existence réelle; ils ne sont pas seulement un moyen d'investigation imaginé par les géomètres.
Poisson.
Opinion isolée et inexacte. La continuité d'une grandeur est une fiction de l'esprit; il n'y a pas dans la nature, de grandeur rigoureusement continue.
Le cercle n'est que le composé d'une infinité de triangles dont le sommet est au centre et dont les bases forment la circonférence; le cône est composé d'une infinité de pyramides, appuyées sur des triangles infiniment petits de la base circulaire et ayant leur sommet commun avec celui du cône, tandis que le cylindre de même base et de même hauteur est formé d'un pareil nombre de petits prismes appuyés sur les mêmes bases et ayant même hauteur qu'elles.
Kepler.
Les quantités sont appelées infinitésimales non point parce qu'on les regarde comme très petites, ce qui est (p. 59) fort indifférent, mais parce qu'on peut les considérer comme aussi petites que l'on voudra, sans qu'on soit obligé de rien changer à la valeur des quantités, telles que les paramètres, les coordonnées, normales, sous-tangentes, rayons de courbure, etc., dont on cherche la relation. Il suit de là que toute quantité dite infiniment petite peut se négliger dans le courant du calcul, vis-à-vis de ces mêmes quantités dont on cherche la relation, sans que le résultat du calcul puisse en aucune manière s'en trouver affecté.
Laz. Carnot.
Nous avons distingué les différentes manières dont les grandeurs à mesurer, ou celles auxquelles on les ramène, pouvaient être considérées comme limites de variables d'une espèce plus simple, et nous avons dit qu'elles pouvaient en général se réduire à trois. La première, employée dans quelques cas par Euclide et Archimède, consiste à regarder les grandeurs comme limites de séries; la deuxième, due à Archimède, comme limites de sommes de quantités infiniment petites; la troisième, comme limites de rapports d'infiniment petits. Les deux premières se sont présentées à propos de la mesure de la pyramide, de la parabole, de la spirale, de la sphère, des volumes des corps engendrés par la révolution de sections coniques, etc. La troisième, due aux modernes, s'est présentée à l'occasion du problème des tangentes, et s'applique à beaucoup d'autres questions.
Duhamel.
(p. 60) C'est en cherchant à déterminer les tangentes des courbes, que les géomètres sont parvenus au calcul différentiel, qu'on a présenté depuis sous des points de vue très variés; mais quelle que soit l'origine qu'on lui assigne, il reposera toujours sur un fait analytique antérieur à toute hypothèse, comme la chute des corps graves vers la surface de la terre est antérieure à toutes les explications qu'on en a données; et ce fait est précisément la propriété dont jouissent toutes les fonctions, d'admettre une limite dans les rapports que leurs accroissements ont avec ceux de la variable dont elles dépendent. Cette limite, différente pour chaque fonction, et toujours indépendante des valeurs absolues des accroissements, caractérise d'une manière qui lui est propre, la marche de la fonction dans les divers états par lesquels elle peut passer.
Lacroix.
Nous avons des idées nettes de la grandeur, nous voyons que les choses en général peuvent être augmentées ou diminuées, et l'idée d'une chose devenue plus grande ou plus petite, est une idée qui nous est présente et aussi familière que celle de la chose même; une chose quelconque nous étant donc présentée ou étant seulement imaginée, nous voyons qu'il est possible de l'augmenter ou de la diminuer; rien n'arrête, rien ne détruit cette possibilité, on peut toujours concevoir la moitié de la plus petite chose et le double de la plus grande chose; on peut même concevoir qu'elle peut devenir cent fois, mille fois, cent mille fois plus (p. 61) petite ou plus grande, et c'est cette propriété d'augmentation sans bornes en quoi consiste la véritable idée qu'on doit avoir de l'infini; cette idée nous vient de l'idée du fini; une chose finie est une chose qui a des termes, des bornes, une chose infinie n'est que cette même chose finie à laquelle nous ôtons ses termes et ses bornes; ainsi l'idée de l'infini n'est qu'une idée de privation et n'a point d'objet réel. Ce n'est pas ici le lieu de faire voir que l'espace, le temps, la durée, ne sont pas des infinis réels; il nous suffira de prouver qu'il n'y a point de nombre actuellement infini ou infiniment petit.....
On ne doit donc considérer l'infini, soit en petit, soit en grand que comme une privation, un retranchement à l'idée du fini, dont on peut se servir comme d'une supposition qui peut aider à simplifier les idées, et doit généraliser leurs résultats dans la pratique des sciences.
Buffon.
L'idée d'infini apparaît dès le seuil des mathématiques: il y a une infinité de nombres entiers; la ligne droite doit être conçue comme prolongée indéfiniment.
Au fond, les motifs des répugnances manifestées contre les infiniment petits se résument dans cette pensée de Lagrange, qu'on a «le grand inconvénient de considérer les quantités dans l'état où elles cessent, (p. 62) pour ainsi dire, d'être quantités,» autrement dit, les infiniment petits n'existent pas. Il me paraît qu'il y a là un malentendu. Veut-on parler des quantités naturelles, ou de l'objet de nos conceptions rationnelles? Si l'on entend que dans la nature il n'y a pas d'infiniment petits, c'est incontestable; tout ce qui existe est déterminé et par conséquent fini. Mais à ce point de vue, il n'y a pas non plus de quantité variable: une quantité, par cela seul qu'elle est, a une valeur actuelle précise. Notre esprit seul crée la notion de variable, en rapprochant les grandeurs de quantités voisines et les regardant comme les valeurs successives d'une même quantité. La notion de variable n'est pas plus légitime que celle d'infiniment petit, et il faut les admettre ou les repousser toutes les deux.
de Freycinet.
Le vaste champ des mathématiques embrasse, d'une part, les théories abstraites; de l'autre, leurs nombreuses applications. Par cette dernière face, ces sciences intéressent au plus haut degré la généralité des hommes; aussi les voit-on, à toutes les époques, cherchant, suggérant, proposant sans cesse de nouveaux problèmes, puisés dans l'observation des phénomènes naturels ou dans les besoins de la vie commune...
Arago.
L'étude approfondie de la nature est la source la plus féconde des découvertes mathématiques. Non seulement cette étude, en offrant aux recherches un but déterminé, a l'avantage d'exclure les questions vagues et les calculs sans issue, elle est encore un moyen assuré de former l'Analyse elle-même, et d'en découvrir les éléments qu'il nous importe le plus de connaître et que cette science doit toujours conserver: ces éléments fondamentaux sont ceux qui se reproduisent dans tous les effets naturels.
J. Fourier.
(p. 64) La géométrie et surtout l'algèbre, sont la clef de toutes les recherches sur la grandeur. Ces sciences qui ne s'occupent que de rapports abstraits et d'idées simples, peuvent paraître infructueuses tant qu'elles ne sortent point, pour ainsi dire, du monde intellectuel; mais les mathématiques mixtes, qui descendent à la matière et qui considèrent les mouvements des astres, l'augmentation des forces mouvantes,..... en un mot toutes les sciences qui découvrent des rapports particuliers de grandeurs sensibles, vont d'autant plus loin et plus sûrement, que l'art de découvrir des rapports en général est plus parfait. L'instrument universel ne peut devenir trop étendu, trop maniable, trop aisé à appliquer à tout ce qu'on voudra.
Fontenelle.
L'artillerie est mise ordinairement au nombre des branches des mathématiques..... On y considère principalement le chemin décrit par le projectile que lance le canon, et l'on conclut les règles suivant lesquelles il faut diriger le canon pour que le boulet frappe un lieu donné. Or on suppose, dans cette recherche, que le projectile décrit une parabole, ainsi que Galilée l'a démontré. Mais cela n'est pas conforme à la vérité dès que le mouvement n'a pas lieu dans le vide. On est donc induit grandement en erreur par les règles et les Tables fondées sur cette hypothèse, leurs auteurs mêmes l'avouent; ils rejettent l'erreur sur le compte de la théorie, et s'imaginent qu'elle n'a de valeur que lorsque la pratique la corrige. Or l'air nous paraît être un (p. 65) fluide trop subtil pour produire une résistance sensible; et pourtant dans les mouvements très rapides tels que ceux des boulets et des bombes, la résistance de l'air est assez grande pour que les projectiles décrivent une courbe très différente de la parabole. Pour corriger cette erreur notable, pour suppléer à l'emploi inopportun de la parabole, il faut introduire la courbe véritable suivant laquelle le projectile se meut dans l'air. Newton paraît avoir fait beaucoup d'efforts pour la découvrir, et cependant son extrême habileté dans l'analyse supérieure ne lui suffit pas pour résoudre ce problème. Il laissa l'honneur de cette découverte au célèbre Jean Bernoulli. Nous voyons par là combien doit être versé dans les mathématiques supérieures celui qui veut résoudre les questions d'artillerie.
Euler.
Les Mathématiques pures se bornent à spéculer sur les grandeurs abstraites. Elles forment une science de raisonnement qui se déduit de notions primitives, d'axiomes, sans rien emprunter à l'expérience. Ses branches sont l'arithmétique, la géométrie et l'analyse (algèbre et calcul infinitésimal).
La mécanique et l'astronomie forment ce qu'on appelle les Sciences physico-mathématiques.
Viennent ensuite les nombreuses Applications des mathématiques. Nous allons rapidement énumérer les principales.
(p. 66) Calcul des probabilités.—La théorie des probabilités a dit Laplace, n'est que le bon sens réduit en calcul: elle fait apprécier avec exactitude, ce que les esprits justes sentent par une sorte d'instinct.
Le calcul des probabilités est utile dans toutes les sciences et aussi dans la vie sociale.
Physique mathématique.—La physique, enfin maîtresse de ses principes, tend à s'absorber dans les mathématiques. On fait la théorie analytique de la chaleur, de l'électricité, de la lumière, de l'élasticité, de l'acoustique, etc.
La chimie commence à suivre le bon exemple, grâce à la thermochimie.
Statistique et économie politique.—Quelques lois ont été découvertes, il y a tendance à plus de précision dans ces utiles études. Cependant Cournot et Walras se sont trop pressés d'appliquer l'Algèbre à des données encore un peu flottantes; on dit assez heureusement que la monnaie sert de dénominateur commun aux diverses valeurs.
Loterie; jeux.—On peut raisonner les chances de la loterie et du jeu, mais on ne corrige guère les amateurs. La Science a obtenu la suppression de la loterie d'État, (p. 67) mais il nous reste d'autres loteries, les valeurs à lots, etc.
Quant aux jeux de combinaisons, ils se rattachent à la géométrie et à l'analyse indéterminée.
Arithmétique appliquée et commerciale.—Il faut considérer, non comme théorie, mais comme applications, les règles de trois, d'alliage, de partage, etc., et le système métrique.
D'autre part, la tenue des livres de commerce a une grande importance pratique.
Finances.—Intérêts simples et composés; annuités; banques, établissements de crédit et de prévoyance; assurances sur les choses et sur la vie; rentes viagères.
La Bourse.
Répartition des impôts; budget, etc.
Calcul mental.—Il est bon d'acquérir une certaine habileté à calculer de tête, sans chiffrer hors de propos. Il y a quelques méthodes, mais c'est surtout affaire d'exercice.
(p. 68) Géométrie et trigonométrie pratiques.—Comme en arithmétique, on mêle trop, en géométrie, les applications à la théorie.
Instruments pour les tracés sur le papier et sur le terrain.
Arpentage, levé des plans, nivellement; le cadastre; partage des terrains, etc.
Les divers mesurages: métrage, cubage; fûts, troncs d'arbre, tas de pierres, etc.
Application de la trigonométrie au levé des plans.
Géométrie descriptive.—Par la méthode des projections, on peut représenter rigoureusement par un tracé plan les figures et les constructions dans l'espace.
Application aux ombres, à la perspective, à la charpente, à la coupe des pierres, etc.
Dessin.—Les divers dessins constituent une langue très étendue et très expressive.
Le dessin dit géométrique l'emporte sur les autres par sa précision.
Les graphiques.—Une courbe, parlant aux yeux, résume de nombreuses observations numériques. Aussi, se sert-on, dans toutes les études, de ces tracés commodes.
(p. 69) Par exemple, les Guides de chemins de fer donnent bien des résultats isolés, mais les employés s'aident de graphiques pour se rendre compte des rapports entre les divers trains.
Arts mécaniques.—Il convient que l'ouvrier sache raisonner ses mesures et ses tracés, au lieu de se servir de règles empiriques et de patrons.
Ferblantiers, menuisiers, tourneurs, etc.
Les machines.—Quelle variété, quelle délicatesse et quelle puissance, depuis les machines à coudre, à calculer, à écrire, jusqu'aux machines qui soulèvent les cuirassés ou creuseront le Panama!
Constructions civiles et militaires.—C'est aux ingénieurs et aux architectes que nous devons surtout notre civilisation matérielle. Ponts et chaussées, chemins de fer, canaux, construction des monuments, etc.
Géographie.—Cartes géographiques, surtout celle de l'État-Major, que tout le monde devrait savoir lire.
Topographie, géodésie, etc.
De nos jours, la géographie devient enfin une science. (p. 70) «Ici, dit Drapeyron, le corps c'est la topographie, l'âme c'est la géographie mathématique.»
Navigation.—Constructions navales, conduite du navire (déterminer à un moment quelconque la position et la route); tables astronomiques, etc.
Chronologie, horlogerie, gnomonique.—Calendrier, comput ecclésiastique; montres, horloges, chronomètres; cadrans solaires.
Arts militaires.—Le fusil et le canon perfectionnés; balistique ou questions du tir.
Stratégie, dont le problème dépend d'éléments si variés.
Après trente ans de travail, le regretté M. Sonnet a publié sous le titre de Dictionnaire des Mathématiques appliquées, en un seul volume, le plus riche et le plus précis des répertoires connus sur ces matières.
La réflexion et l'expérience font connaître les conditions d'un bon ensemble de mesures. Nous allons passer en revue les plus importantes de ces conditions et justifier ainsi l'excellence des mesures métriques.
1o Unités parfaitement définies et fixes.—Les anciennes mesures de longueur se déduisaient des dimensions du corps humain (toises, coudées, mains, pouces, doigts, etc.) ou des dimensions de certains temples. Ces bases étaient vagues et variables, les modèles n'en étaient point arrêtés. On a pu dire que, sous l'ancien régime, il y avait autant d'arpents et de boisseaux que de villages. Le mètre, fraction déterminée de la circonférence terrestre, est une longueur précise, immuable, indépendante du temps et des nations. «On retrouverait le mètre, dit Arago, quand même des tremblements de terre, des cataclysmes épouvantables viendraient à bouleverser notre planète et à détruire les étalons prototypes religieusement conservés aux Archives.»
2o Unités d'espèces différentes liées entre elles.—La géométrie ramène la mesure des surfaces et des volumes à la mesure de certaines longueurs, qu'on appelle les dimensions de ces figures. Les règles simples qu'on établit supposent qu'on prend pour unités les carrés et (p. 72) les cubes construits sur l'unité linéaire.—On se servait de la toise carrée et de la toise cube, avant de connaître le mètre carré et le mètre cube. Il y a plus, les unités de poids et de monnaie dérivent aussi du mètre, quoique moins directement. On pourrait, à la rigueur, avec les monnaies, peser les corps et mesurer les longueurs. Nos mesures s'enchaînent ainsi complètement et leur ensemble mérite le nom de système.
3o Unités assez nombreuses pour chaque espèce de grandeur.—Il convient de rapporter chaque grandeur particulière à une unité proportionnée, parce que l'esprit ne voit clairement et rapidement que les nombres ordinaires, ni trop grands, ni trop petits. De là l'utilité d'unités secondaires, substituées souvent à l'unité principale.—Nous avons actuellement des multiples et des sous-multiples de chaque unité; la plupart sont des instruments effectifs de mesurage; tandis que les autres ne sont pas fabriqués (huit règles pour les longueurs, treize vases pour les capacités, vingt-quatre poids et quatorze monnaies).
4o Unités de même nature liées simplement.—Dans l'ancien système, l'échelle était parfois bizarre et variable d'un genre d'unité à un autre (exemple: les longueurs et les poids). De là le calcul des nombres complexes, assez pénible, malgré les simplifications provenant des diviseurs de douze.—Les unités nouvelles procèdent toutes de dix en dix, comme notre système de numération. Les grandeurs s'expriment par suite en nombres décimaux, aussi faciles à combiner que les entiers. Les changements d'unité se traduisent par un simple déplacement de la virgule.—On comprend pourquoi le (p. 73) système métrique s'appelle aussi système décimal des poids et mesures. (On avait même proposé de diviser décimalement le temps, jour de vingt heures, heure de cent minutes, etc., et le cercle en quatre cents grades de cent minutes chacun, etc.)
5o Nomenclature expressive et ne comprenant qu'un petit nombre de mots.—Les mesures antérieures portaient des noms très variés et n'indiquant pas les rapports, qu'il fallait retenir à part. Nous n'avons maintenant que six mesures principales: le mètre, l'are, le litre, le stère, le gramme et le franc; à ces six mots il suffit de joindre sept abréviations, tirées du grec ou du latin, pour composer les noms des multiples et des sous-multiples. Déca signifie dix, hecto cent, kilo mille, myria dix-mille; déci signifie dixième, centi centième et milli millième. Dès qu'on parle du décamètre et du décimètre, chacun se rappelle qu'il s'agit de dix mètres et du dixième du mètre.—Cependant, quelque commode que soit la nomenclature précédente, elle n'est pas essentielle au système métrique, qui réside dans les choses et non dans les mots.
6o Mesures obligatoires et soigneusement contrôlées.—Depuis 1840, les mesures métriques sont définitivement imposées par la loi, sur tout le territoire français, et les dénominations mêmes des anciennes mesures sont prohibées. Les instruments de mesure sont conformes à des modèles dont les règlements précisent la valeur, les dimensions, la forme et la substance. Sur ces mesures sont inscrits non seulement le nom de la mesure mais encore celui du fabricant responsable, et ces instruments sont soumis à un contrôle au début, puis à un (p. 74) contrôle périodique, faits par des vérificateurs des poids et mesures.—Notre système justifie la qualification de système légal des poids et mesures.
7o Système offrant un caractère international.—Base ne dépendant d'aucune nationalité particulière, puisqu'elle est prise dans la nature. Organisation par des savants de tous les pays qui ont signé les rapports et se sont distribué cent douze des mètres nouveaux. Mots provenant d'une langue morte, du grec ou du latin. «Si la mémoire des travaux venait à s'effacer, dit Laplace, si les résultats seuls en étaient conservés, ils n'offriraient rien qui pût faire connaître quelle nation en a eu l'idée, en a suivi l'exécution.»—L'adoption par tous les peuples des mêmes mesures faciliterait grandement les relations commerciales et scientifiques. Le système métrique est déjà adopté, entièrement ou partiellement, par les pays suivants: Belgique, Hollande, Espagne, Portugal, Grèce, Allemagne, Danemark, Suède, Mexique, Brésil, Républiques de l'Amérique du Sud, Égypte, etc. Ajoutons que dans les États anglais et dans les États-Unis l'usage de nos mesures est facultatif.
Une figure plane peut être représentée sur une surface plane sans aucune altération dans les proportions de ses parties.
... Il n'en est pas de même d'un corps à trois dimensions, d'un corps ayant longueur, largeur et profondeur. Sa représentation sur une surface plane est inévitablement altérée. Des lignes qui sur le corps sont égales entres elles, peuvent être extrêmement inégales dans la représentation plane. Les angles formés dans l'espace par les arêtes ou par les diagonales du corps n'éprouvent pas de moindres altérations comparatives, quand elles viennent à être figurées sur un plan.
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Des hommes de génie, Desargues en tête, réussirent enfin à rattacher aux règles de la géométrie élémentaire la plupart des méthodes, des tracés en usage dans la coupe des pierres et dans la charpente. Malheureusement leurs démonstrations étaient longues, embarrassées; elles devaient toujours rester hors de la portée des simples ouvriers.
À quoi tenaient ces complications? Elles tenaient à ce qu'on était obligé de créer la science tout entière, à l'occasion de chaque problème. Adoptez cette méthode (p. 76) dans telle autre branche quelconque des mathématiques, et la plus inextricable confusion en sera aussi la conséquence inévitable.
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Monge débrouilla ce chaos. Il fit voir que les solutions graphiques de tous les problèmes de la géométrie à trois dimensions se fondaient sur un très petit nombre de principes qu'il exposa avec une merveilleuse clarté. Désormais aucune question, parmi les plus complexes, ne devait être l'apanage exclusif des esprits d'élite; avec des instruments bien définis et une méthode de recherche uniforme, la géométrie descriptive, dont Monge devint le créateur, pénétra jusque dans les rangs nombreux de la classe ouvrière.
Arago.
Une branche considérable de la géométrie, qui se recommande par des applications nombreuses, et que cultivaient par instinct plutôt que méthodiquement tous les ouvriers employés aux arts de construction, a été réduite en corps de doctrine.. On sent qu'il s'agit ici de la théorie et de la pratique des opérations qui résultent de la combinaison des lignes, des plans et des surfaces dans l'espace, et que M. Monge a fait connaître sous le nom de géométrie descriptive. La coupe des pierres, la charpente, certaines parties de la fortification et de l'architecture, la perspective, la gnomonique: en un mot, toutes les parties des mathématiques, soit pures, soit appliquées, dans lesquelles on considère l'espace avec ses trois dimensions, sont du (p. 77) ressort de ce complément nouveau de la géométrie élémentaire qui jusque-là s'était arrêtée à la mesure des aires et des volumes... Ce n'est pas qu'avant M. Monge, les géomètres n'eussent connu la méthode des projections et ne l'eussent employée à la résolution de plusieurs problèmes..., mais cette théorie... n'avait pas encore cette indépendance et cet enchaînement de questions qui en ont fait une véritable science...
Delambre.
La Géométrie descriptive donne des méthodes pour représenter exactement, sur un seul plan, tout corps susceptible d'une définition précise, et pour déduire de cette représentation les véritables grandeurs des diverses parties du corps que l'on considère.
C'est à l'aide de pareils dessins faits sur des aires planes, que les tailleurs de pierre et les charpentiers parviennent à donner aux matériaux solides des formes déterminées.
La Géométrie descriptive est donc aussi utile à l'ouvrier qui exécute un projet qu'à l'ingénieur qui l'a conçu. Ses principales applications sont la perspective, la théorie des ombres, la charpente, la coupe des pierres, le tracé des routes dans les pays accidentés, le défilement dans l'art des fortifications, etc., etc.
Rouché.
Selon la manière dont la position des sommets des angles d'un solide est définie, la construction de leurs (p. 78) projections peut être plus ou moins facile, et la nature de l'opération doit dépendre de celle de la définition. Il en est précisément de cet objet comme de l'Algèbre, dans laquelle il n'y a aucun procédé général pour mettre un problème en équations. Dans chaque cas particulier, la marche dépend de la manière dont la relation entre les quantités données et celles qui sont inconnues est exprimée; et ce n'est que par des exemples variés que l'on peut accoutumer les commençants à saisir ces relations et à les écrire par des équations. Il en est de même pour la Géométrie descriptive. C'est par des exemples nombreux et par l'usage de la règle et du compas dans les salles d'exercice que l'on peut acquérir l'habitude des constructions, et qu'on s'accoutume au choix des méthodes les plus simples et les plus élégantes, dans chaque cas particulier. Mais aussi, de même qu'en Analyse, lorsqu'un problème est mis en équations, il existe des procédés pour traiter ces équations, et pour en déduire les valeurs de chaque inconnue; de même aussi, dans la Géométrie descriptive, lorsque les projections sont faites, il existe des méthodes générales pour construire tout ce qui résulte de la forme et de la position respective des corps.
Ce n'est pas sans objet que nous comparons ici la Géométrie descriptive à l'Algèbre; ces deux sciences ont les rapports les plus intimes. Il n'y a aucune construction de Géométrie descriptive, qui ne puisse être traduite en Analyse; et lorsque les questions ne comportent pas plus de trois inconnues, chaque opération analytique peut être regardée comme l'écriture d'un spectacle en Géométrie.
Monge.
On connaît la déclaration attribuée à Archimède: «Donnez-moi un point d'appui et je soulèverai le monde.» Je ne veux pas en contester la beauté littéraire, mais quand on songe au nombre de tentatives insensées dont elle a été la cause, il peut être permis de dire que, pratiquement, elle est absolument vaine.
Privat-Deschanel.
Le monde, il s'agit sans doute de la terre. Comment l'homme pourrait-il prendre un point d'appui extérieur? Du reste la force d'un homme étant extrêmement petite par rapport au poids du globe, le déplacement de celui-ci serait insignifiant. Le mot célèbre n'exprime qu'une vue théorique.
On ne gagne rien avec les instruments, d'autant que, si l'on applique une petite force à un grand fardeau, il faut beaucoup de temps, et que, si on veut le transporter en très peu de temps, il faut une grande force...
Néanmoins les machines sont utiles, pour mouvoir de grands fardeaux tout d'un coup sans les diviser, parce que l'on a souvent beaucoup de temps et peu de (p. 80) force. Mais celui-là se tromperait qui voudrait abréger le temps en n'usant que d'une petite force, et montrerait qu'il n'entend pas la nature des machines ni la raison de leurs effets...
Il faut conclure de tout ce discours que l'on ne peut rien gagner en force qu'on ne le perde en temps, et conséquemment que ceux qui travaillent à suppléer la force et le temps tout ensemble, ne méritent nullement d'avoir du temps, puisqu'ils l'emploient si mal.
Galilée.
On pousse un corps avec la main, et l'on voit qu'il se meut dans une direction définie. À première vue, il semble qu'il n'y ait pas moyen de douter de la réalité de son mouvement ni de la direction qu'il suit. Cependant il est facile de montrer que non seulement nous pouvons avoir tort, mais que d'ordinaire nous avons tort de porter l'un ou l'autre de ces deux jugements. Voici par exemple un vaisseau que, pour plus de simplicité, nous supposerons mouillé à l'équateur, l'avant tourné vers l'ouest. Quand le capitaine va de l'avant à l'arrière, dans quelle direction se meut-il? Vers l'est, répondra-t-on évidemment, et pour le moment cette réponse peut passer. Mais on lève l'ancre et le vaisseau vogue vers l'ouest avec une vitesse égale à celle du capitaine qui marche vers l'est. Dans quelle direction se meut à présent le capitaine, quand il va de l'avant à l'arrière de son navire? Nous ne pouvons plus dire: l'est, comme tout à l'heure, puisque tandis qu'il va vers l'est, le vaisseau l'emporte vers l'ouest; et réciproquement (p. 81) nous ne pouvons pas dire: l'ouest. Par rapport à l'espace ambiant il ne bouge pas, quoiqu'il paraisse se mouvoir pour tout ce qui est à bord. Mais sommes-nous tout à fait sûrs de cette conclusion? Le capitaine est-il réellement toujours au même point? Quand nous tenons compte du mouvement de la terre autour de son axe nous voyons que loin d'être stationnaire, le capitaine voyage vers l'est à raison de 1000 milles par heure; de sorte que la perception de celui qui le regarde, pas plus que celle de celui qui tient compte du mouvement du vaisseau, ne se rapproche de la vérité. De plus, un examen plus attentif nous fera voir que cette conclusion corrigée ne vaut pas mieux que les autres. En effet, nous avons oublié le mouvement de la terre dans son orbite. Comme il est de 68000 milles par heure, il s'en suit qu'en supposant qu'il soit midi, le capitaine se meut non pas à raison de 1000 milles à l'heure vers l'est, mais à raison de 67000 milles vers l'ouest. Et pourtant nous n'avons pas encore trouvé le vrai sens et la vraie vitesse de son mouvement. Au mouvement de la terre dans son orbite il faut joindre celui du système solaire tout entier vers la constellation d'Hercule, et si nous le faisons, nous voyons que le capitaine ne va ni vers l'est ni vers l'ouest, mais qu'il suit une ligne inclinée sur le plan de l'écliptique, et qu'il va avec une vitesse plus grande ou moindre (suivant l'époque de l'année) que celle que nous avons donnée. À cela, il faut encore ajouter que si les arrangements dynamiques de notre système sidéral nous étaient complètement connus, nous découvririons probablement que la direction et la vitesse du (p. 82) mouvement réel diffèrent encore considérablement des résultats obtenus.
Herbert Spencer.
Nous n'observons que des mouvements relatifs. Lorsque nous croyons marcher en ligne droite dans notre chambre, notre trajectoire dans l'espace est en réalité une ligne courbe compliquée. En effet, la terre se déplace rapidement dans l'espace, en emportant nos maisons.
Si on est fortement penché d'un côté, le corps se porte de l'autre pour faire le contrepoids, et se balance lui-même en diverses manières, pour prévenir une chute, ou pour la rendre moins incommode. Par la même raison, si l'on porte un grand poids d'un des côtés, on se sert de l'autre à contre-peser. Une femme qui porte un seau d'eau pendu à la droite étend le bras gauche et se penche de ce côté-là. Celui qui porte sur le dos se penche en avant; et, au contraire, quand on porte sur la tête, le corps se tient naturellement droit. Enfin, il ne manque jamais de se situer de la manière la plus convenable pour se soutenir; en sorte que les parties ont toujours un même centre de gravité, qu'on prend au juste, comme si l'on savait la Mécanique.
Bossuet.
Je me suis proposé de réduire la théorie de cette Science (la Mécanique), et l'art de résoudre les problèmes qui s'y rapportent, à des formules générales, (p. 83) dont le simple développement donne toutes les équations nécessaires pour la solution de chaque problème.
On ne trouve point de figure dans cet Ouvrage (Mécanique analytique). Les méthodes que j'y expose ne demandent ni constructions, ni raisonnements géométriques ou mécaniques, mais seulement des opérations algébriques, assujetties à une marche régulière et uniforme. Ceux qui aiment l'Analyse verront avec plaisir la Mécanique en devenir une nouvelle branche, et me sauront gré d'en avoir étendu ainsi le domaine.
Lagrange.
Dans la mécanique, le calcul différentiel est le passage de l'effet à la cause, de l'espace parcouru dans un temps donné à la vitesse acquise et de cette vitesse à la force accélératrice. Inversement, le calcul intégral est le passage de la cause à l'effet, de la force à la vitesse qu'elle produit, et de cette vitesse à l'espace parcouru en vertu de cette vitesse elle-même.
E. Jacquier.
J'ai pensé, puisque d'autres avant moi ont osé imaginer une foule de cercles pour démontrer les phénomènes astronomiques, que je pourrais me permettre aussi d'essayer si, en supposant la Terre immobile, on ne parviendrait pas à trouver, sur la révolution des corps célestes, des démonstrations plus solides que celles qui ont été mises en avant. Après de longues recherches, je me suis enfin convaincu: que le Soleil est une étoile fixe, entourée de planètes qui tournent autour d'elle, et dont elle est le centre et le flambeau; qu'outre les planètes principales, il en est d'autres de second ordre, qui circulent d'abord comme satellites autour de leurs planètes principales, et avec celles-ci autour du Soleil; que la Terre est une planète principale, assujettie à un triple mouvement; et que tous les phénomènes du mouvement diurne et annuel, le retour périodique des saisons, toutes les vicissitudes de la lumière et de la chaleur de l'atmosphère qui les accompagnent sont des résultats de la rotation de la Terre autour de son axe et de son mouvement périodique autour du Soleil.
Copernic.
(p. 85) Quand Newton mit au jour cette grande pensée (l'attraction universelle) appuyée sur une géométrie neuve et sublime, l'astronomie changea de face, et les cieux parurent raconter pour la première fois la gloire de leur Auteur: cependant, la théorie n'avait pas rempli toute sa tâche, il s'en fallait bien; des phénomènes importants lui échappaient; d'étonnantes exceptions, des désordres inexplicables la troublaient; la loi mal assurée semblait quelquefois se déconcerter et se contredire. Un siècle s'était écoulé depuis la publication des Principes mathématiques de la philosophie naturelle, et, dans ce siècle, plusieurs générations de grands géomètres, d'observateurs infatigables, avaient réuni leurs efforts gigantesques contre les difficultés, et ils n'avaient pu les vaincre toutes. Il y avait encore, il n'y a pas trente ans, des scandales dans le ciel; il y avait des planètes réfractaires aux tables des astronomes. Bien plus, en promulguant la loi de gravitation, Newton avait douté qu'elle fût capable de porter ce poids du monde qu'il lui imposait; il avait pensé qu'elle vieillirait comme les lois humaines, et qu'un jour viendrait, il l'a écrit, où il faudrait que la main du Créateur s'étendît pour remettre les choses en place.
Newton se trompait, Messieurs. Non, pour remettre le système en ordre, il ne sera pas besoin de la main du Créateur; il suffira d'un autre Newton. M. Laplace est venu, et, par ses immenses travaux, par la puissance et les ressources de son génie, l'astronomie réduite à un problème de mécanique, ne découvre plus dans les cieux que l'accomplissement mathématique de lois (p. 86) invariables. Jupiter et ses satellites, Saturne, la Lune sont domptés dans leurs écarts; ce qui paraissait exception est la règle même; ce qui semblait désordre est un ordre plus savant; partout la simplicité de la cause triomphe dans la complication infinie des effets. Enfin, et c'est le comble de la gloire de M. Laplace, il lui a été réservé d'absoudre la loi de l'univers, c'est-à-dire la sagesse divine, de ces reproches d'imprévoyance ou d'impuissance où le génie de Newton était tombé; le premier, il a démontré que le système solaire reçoit, dans les conditions qui lui sont imposées, le gage de son imperturbable durée.
Royer-Collard.
L'astronomie, considérée de la manière la plus générale, est un grand problème de mécanique...; sa solution dépend à la fois de l'exactitude des observations et de la perfection de l'analyse, et il importe extrêmement d'en bannir tout empirisme, et de la réduire à n'emprunter de l'observation que les données indispensables.
Laplace.
La plus magnifique confirmation qu'aient reçue les théories astronomiques a été la découverte de la planète Neptune par Leverrier en 1846.
Les observations prolongées de la planète Uranus avaient montré un désaccord constant entre le calcul et les faits. Cette planète pas plus qu'une autre ne décrit (p. 87) exactement l'ellipse de Kepler; elle éprouve des perturbations de la part des autres astres du système solaire. Mais on avait beau tenir compte de toutes celles qui pouvaient être produites par les planètes connues, on n'arrivait pas à faire disparaître ce désaccord et à pouvoir construire des tables suffisamment exactes; il subsistait constamment des différences sensibles et inexpliquées. On en vint à penser que la cause de ces différences résidait probablement dans l'existence d'une planète encore inconnue.
Ce fut Leverrier qui eut la gloire de transformer cette supposition en certitude. Renversant le problème ordinaire du calcul des perturbations, il parvint à déterminer la masse et l'orbite de la planète inconnue, d'après les effets qu'elle produisait sur Uranus; il alla jusqu'à pouvoir assigner la place qu'elle devait occuper dans le ciel à une date qu'il désigna. Il suffit à M. Galle, de Berlin, de diriger une lunette vers cette place pour apercevoir tout près de là un astre, invisible à l'œil nu, qui n'était marqué sur aucune carte du ciel: les observations des jours suivants montrèrent qu'il se déplaçait parmi les étoiles; c'était donc bien une planète.
Guiraudet.
En réfléchissant au mouvement diurne auquel tous les corps célestes sont assujettis, on reconnaît évidemment l'existence d'une cause générale qui les entraîne ou qui paraît les entraîner autour de l'axe du monde. Si l'on considère que ces corps sont isolés entre eux, et placés loin de la terre, à des distances très différentes; (p. 88) que le soleil et les étoiles en sont beaucoup plus éloignés que la lune, et que les variations des diamètres apparents des planètes indiquent de grands changements dans leurs distances; enfin que les comètes traversent librement le ciel dans tous les sens; il sera très facile de concevoir qu'une même cause imprime à tous ces corps un mouvement commun de rotation. Mais les astres se présentent à nous de la même manière, soit que le ciel les entraîne autour de la terre supposée immobile, soit que la terre tourne en sens contraire, sur elle-même; il paraît beaucoup plus naturel d'admettre ce dernier mouvement et de regarder celui du ciel comme une apparence.
La terre est un globe dont le rayon n'est pas de sept millions de mètres: le soleil est, comme on l'a vu, incomparablement plus gros. Si son centre coïncidait avec celui de la terre, son volume embrasserait l'orbe de la lune, et s'étendrait une fois plus loin, d'où l'on peut juger de son immense grandeur: il est d'ailleurs éloigné de nous d'environ vingt-trois mille rayons terrestres. N'est-il pas infiniment plus simple de supposer au globe que nous habitons un mouvement de rotation sur lui-même, que d'imaginer, dans une masse aussi considérable et aussi distante que le soleil, le mouvement extrêmement rapide qui lui serait nécessaire pour tourner, en un jour, autour de la terre? Quelle force immense ne faudrait-il pas alors pour le contenir et balancer sa force centrifuge? Chaque astre présente des difficultés semblables qui sont toutes levées par la rotation de la terre.
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(p. 89) Entraînés par un mouvement commun à tout ce qui nous environne, nous ressemblons au navigateur que les vents emportent avec son vaisseau sur les mers. Il se croit immobile; et le rivage, les montagnes et tous les objets placés hors du vaisseau, lui paraissent se mouvoir. Mais en comparant l'étendue du rivage et des plaines, et la hauteur des montagnes à la petitesse de son vaisseau, il reconnaît que leur mouvement n'est qu'une apparence produite par son mouvement réel. Les astres nombreux répandus dans l'espace céleste, sont, à notre égard, ce que le rivage et les montagnes sont par rapport au navigateur; et les mêmes raisons par lesquelles il s'assure de la réalité de son mouvement nous prouvent celui de la terre.
Laplace.
Pendant des siècles on a fait de la Terre le centre du monde, en obligeant les planètes, le soleil et jusqu'aux étoiles à tourner autour d'elle. Copernic est survenu et dès lors la Terre a pris une place des plus modestes dans le cortège des planètes que gouverne le soleil. Voici maintenant que le soleil à son tour n'est plus qu'une des innombrables étoiles de la Voie lactée....
F. Tisserand.
Toutes nos notions, en fait de distances célestes ou terrestres, reposent, en dernière analyse, sur quelques bases mesurées çà et là, principalement par des Français.
Faye.
Il y a des jeux où dix personnes mettant chacune un écu, il n'y en a qu'une qui gagne le tout et toutes les autres perdent: ainsi chacun des joueurs n'est au hasard que de perdre un écu, et pour en gagner neuf. Si l'on ne considérait que la perte et le gain en soi, il semblerait que tous y ont de l'avantage; mais il faut de plus considérer que si chacun peut gagner neuf écus, et n'est au hasard que d'en perdre un, il est aussi neuf fois plus probable, à l'égard de chacun, qu'il perdra son écu et ne gagnera pas les neuf. Ainsi, chacun a pour soi neuf écus à espérer, un écu à perdre, neuf degrés de probabilité de perdre un écu et un seul de gagner les neuf écus: ce qui met la chose dans une parfaite égalité.
Tous les jeux qui sont de cette sorte sont équitables, autant que les jeux peuvent l'être, et ceux qui sont hors de cette proportion sont manifestement injustes; et c'est par là qu'on peut faire voir qu'il y a une injustice évidente dans ces espèces de jeux qu'on appelle loteries, parce que le maître de loterie prenant d'ordinaire sur le tout une dixième partie pour son préciput, tout le corps des joueurs est dupé de la même manière que si un homme jouait un jeu égal, c'est-à-dire où il y (p. 91) a autant d'apparence de gain que de perte, dix pistoles contre neuf. Or si cela est désavantageux à tout le corps, cela l'est aussi à chacun de ceux qui le composent, puisqu'il arrive de là que la probabilité de la perte surpasse plus la probabilité du gain que l'avantage qu'on espère ne surpasse le désavantage auquel on s'expose, qui est de perdre ce qu'on y met.
Logique de Port-Royal.
Pesons le gain et la perte, en prenant croix, que Dieu est. Estimons ces deux cas: si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter.
—Cela est admirable: oui, il faut gager; mais je gage peut-être trop.
—Voyons. Puisqu'il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n'aviez qu'à gagner deux vies pour une, vous pourriez encore gager. Mais s'il y en avait trois à gagner, il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer) et vous seriez imprudent, lorsque vous êtes forcé à jouer, de ne pas hasarder votre vie pour en gagner trois à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain.
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Mais il y a ici une infinité de vies infiniment heureuses à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte, et ce que vous jouez est fini. Cela est tout parti: partout où est l'infini et où il n'y a pas une infinité de hasards de perte contre celui de gain, (p. 92) il n'y a point à balancer, il faut tout donner; et ainsi, quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à la raison, pour garder la vie plutôt que de la hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte du néant.
Car il ne sert de rien de dire qu'il est incertain si l'on gagnera, et qu'il est certain qu'on hasarde, et que l'infinie distance qui est entre la certitude de ce qu'on s'expose et l'incertitude de ce qu'on gagnera égale le bien fini qu'on expose certainement à l'infini qui est incertain. Cela n'est pas ainsi: tout joueur hasarde avec certitude pour gagner avec incertitude; et néanmoins il hasarde certainement le fini pour gagner incertainement le fini, sans pécher contre la raison. Il n'y a pas infinité de distance entre cette certitude de ce qu'on s'expose et l'incertitude du gain; cela est faux. Il y a, à la vérité, infinité de distance entre la certitude de gagner et la certitude de perdre. Mais l'incertitude de gagner est proportionnée à la certitude de ce qu'on hasarde, selon la proportion des hasards de gain et de perte; et de là vient que s'il y a autant de hasard d'un côté que de l'autre, le parti est à jouer égal contre égal; et alors la certitude de ce qu'on expose est égale à l'incertitude du gain; tant s'en faut qu'elle soit infiniment distante. Et ainsi notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder à un jeu où il y a pareils hasards de gain que de perte, et l'infini à gagner. Cela est démonstratif; si les hommes sont capables de quelques vérités, celle-là l'est.
Pascal.
Nous devions citer ce morceau célèbre, mais nous nous empressons d'y joindre le commentaire de M. J. Bertrand:
(p. 93) «On a cru, dans une page de Pascal, voir l'application du calcul des probabilités à la démonstration de l'existence de Dieu. C'est lui prêter injustement un ridicule. Pascal, acceptant, comme hypothèse, le doute sur l'existence de Dieu, doit, la logique l'exige, rencontrer le dilemme: Ou Dieu existe ou il n'existe pas. L'incrédule hésite! Chaque opinion est donc pour lui plus ou moins probable; Pascal ne tente nullement l'examen du problème pour le réduire en formule et en chiffres. Il n'associe au mot probabilité rien qui tienne à l'algèbre; la mesure exacte ou approchée des chances reste en dehors de son argument. Puisque deux hypothèses sont possibles, on pourrait établir un pari. Il y a deux choses dans un pari: la chance de gagner et la somme hasardée. Pascal ne s'occupe que de l'enjeu. L'impie qui parie pour l'athéisme, sera damné s'il perd. Rien n'est trop cher, quelles que soient les chances, pour se soustraire à ce formidable risque.»
Ainsi des chances favorables et nombreuses étant constamment attachées à l'observation des principes éternels de raison, de justice et d'humanité, qui fondent et maintiennent les sociétés, il y a grand avantage à se conformer à ces principes, et de graves inconvénients à s'en écarter. Que l'on consulte les histoires et sa propre expérience, on y verra tous les faits venir à l'appui de ce résultat du calcul. Considérez les heureux effets des institutions fondées sur la raison et sur les droits naturels de l'homme, chez les (p. 94) peuples qui ont su les établir et les conserver. Considérez encore les avantages que la bonne foi a procurés aux gouvernements qui en ont fait la base de leur conduite, et comme ils ont été dédommagés des sacrifices qu'une scrupuleuse exactitude à tenir ses engagements leur a coûtés. Quel immense crédit au dedans! Quelle prépondérance au dehors! Voyez au contraire dans quel abîme de malheurs, les peuples ont été souvent précipités par l'ambition et par la perfidie de leurs chefs. Toutes les fois qu'une grande puissance enivrée de l'amour des conquêtes aspire à la domination universelle, le sentiment de l'indépendance produit, entre les nations menacées, une coalition dont elle devient presque toujours la victime.
Laplace.
L'extrême difficulté des problèmes relatifs au système du monde a forcé les géomètres à recourir à des approximations qui laissent toujours à craindre que les quantités négligées n'aient une influence sensible. Lorsqu'ils ont été avertis de cette influence, par les observations, ils sont revenus sur leur analyse; en la rectifiant, ils ont toujours retrouvé la cause des anomalies observées; ils en ont déterminé les lois, et souvent ils ont devancé l'observation, en découvrant des inégalités qu'elle n'avait pas encore indiquées. Ainsi l'on peut dire que la nature elle-même a concouru à la perfection analytique des théories fondées sur la pesanteur universelle; et c'est, à mon sens, (p. 95) une des plus fortes preuves de la vérité de ce principe admirable.
Laplace.
Il est bien important de tenir compte, dans chaque branche de l'administration publique, un registre exact des effets qu'ont produits les divers moyens dont on a fait usage, et qui sont autant d'expériences faites en grand par les gouvernements. Appliquons aux sciences politiques et morales la méthode fondée sur l'observation et sur le calcul, méthode qui nous a si bien servi dans les sciences naturelles. N'opposons point une résistance inutile et souvent dangereuse aux effets inévitables du progrès des lumières; mais ne changeons qu'avec une circonspection extrême nos institutions et les usages auxquels nous sommes depuis si longtemps pliés. Nous connaissons bien par l'expérience du passé les inconvénients qu'ils présentent; mais nous ignorons quelle est l'étendue des maux que leur changement peut produire. Dans cette ignorance, la théorie des probabilités prescrit d'éviter tout changement: surtout il faut éviter tout changement brusque qui, dans l'ordre moral, comme dans l'ordre physique, ne s'opère jamais sans une grande perte de force vive.
Laplace.
La probabilité des décisions d'une assemblée dépend de la pluralité des voix, des lumières et de l'impartialité (p. 96) des membres qui la composent. Tant de passions et d'intérêts particuliers y mêlent si souvent leur influence, qu'il est impossible de soumettre au calcul cette probabilité. Il y a cependant quelques résultats généraux dictés par le simple bon sens, et que le calcul confirme. Si, par exemple, l'assemblée est très peu éclairée sur l'objet soumis à sa décision; si cet objet exige des considérations délicates, ou si la vérité sur ce point est contraire à des préjugés reçus, en sorte qu'il y ait plus d'un à parier contre un que chaque votant s'en écartera; alors la décision de la majorité sera probablement mauvaise, et la crainte à cet égard sera d'autant plus fondée, que l'assemblée sera plus nombreuse. Il importe donc à la chose publique, que les assemblées n'aient à se prononcer que sur des sujets à la portée du plus grand nombre: il lui importe que l'instruction soit généralement répandue, et que de bons ouvrages fondés sur la raison et sur l'expérience éclairent ceux qui sont appelés à décider du sort de leurs semblables ou à les gouverner, et les prémunissent d'avance contre les faux aperçus et les préventions de l'ignorance. Les savants ont de fréquentes occasions de remarquer que les premiers aperçus trompent souvent, et que le vrai n'est pas toujours vraisemblable.
Laplace.
Cependant l'induction, en faisant découvrir les principes généraux des sciences, ne suffit pas pour les établir en rigueur... Je citerai pour exemple un théorème (p. 97) de Fermat sur les nombres premiers. Ce grand géomètre, qui avait longuement médité sur leur théorie, cherchait une formule qui, ne renfermant que des nombres premiers, donnât directement un nombre premier plus grand qu'aucun nombre assignable. L'induction le conduisit à penser que deux, élevé à une puissance qui était elle-même une puissance de deux, formait avec l'unité un nombre premier.
Ainsi deux, élevé au carré, plus un, forme le nombre premier cinq; deux, élevé à la seconde puissance de deux, ou seize, forme avec un le nombre premier dix-sept. Il trouva que cela était encore vrai pour la huitième et la seizième puissance de deux, augmentées de l'unité; et cette induction, appuyée de plusieurs considérations arithmétiques, lui fit regarder ce résultat comme général. Cependant il avoua qu'il ne l'avait pas démontré. En effet, Euler a reconnu que cela cesse d'avoir lieu pour la trente-deuxième puissance de deux, qui, augmentée de l'unité, donne 4294967297, nombre divisible par 641.
Laplace.
Le physicien Jacobi raconte que son frère, le grand mathématicien, croyant avoir découvert une loi générale des nombres, l'essaya sur un nombre pris au hasard. Ce nombre la mit en défaut, tandis que beaucoup d'autres nombres essayés à leur tour la vérifièrent. Plus tard, le grand Jacobi reconnut que le nombre pris d'abord appartenait à la seule catégorie de nombres formant exception à la loi considérée.
(p. 98) Un paradoxe singulier rend ce jeu,—le problème de Saint-Pétersbourg, c'est le nom qu'on lui donne,—mémorable et célèbre. Pierre joue avec Paul; voici les conditions: Pierre jettera une pièce de monnaie autant de fois qu'il sera nécessaire pour qu'elle montre le côté face. Si cela arrive au premier coup, Paul lui donnera un écu; si ce n'est qu'au second, deux écus; s'il faut attendre au troisième coup, il en donnera quatre, huit au quatrième, toujours en doublant. Tels sont les engagements de Paul. Quels doivent être ceux de Pierre? La science consultée par Daniel Bernoulli, donne pour réponse: une somme infinie. Le parti de Pierre, c'est le mot consacré, est au-dessus de toute mesure.
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..... Il faut approuver absolument et simplement la réponse réputée absurde. Pierre possède, je suppose, un million d'écus et les donne à Paul en échange des promesses convenues. Il est fou! dira-t-on. Le placement est aventureux, mais excellent; l'avantage infini est réalisable. Qu'il joue obstinément, il perdra une partie, mille, mille millions de milliards peut-être; qu'il ne se rebute pas, qu'il recommence un nombre de fois que la plume s'userait à écrire, qu'il diffère surtout le règlement des comptes, la victoire pour lui est certaine, la ruine de Paul inévitable. Quel jour? quel siècle? On l'ignore; avant la fin des temps certainement, le gain de Pierre sera colossal.
J. Bertrand.
(p. 99) L'application du calcul aux décisions judiciaires est, dit Stuart Mill, le scandale des mathématiques. L'accusation est injuste. On peut peser du cuivre et le donner pour de l'or, la balance reste sans reproche. Dans leurs travaux sur la théorie des jugements, Condorcet, Laplace et Poisson n'ont pesé que du cuivre.
La réunion, quelle qu'elle soit, qui peut juger bien ou mal, est remplacée dans leurs études par des urnes où l'on puise des boules blanches ou noires.....
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..... Mais une autre objection est sans réplique: l'indépendance des tirages est supposée; les urnes, dans les calculs, échappent à toute influence commune. Les juges, au contraire, s'éclairent les uns les autres, les mêmes faits les instruisent, les mêmes sollicitations les tourmentent, la même éloquence les égare, c'est sur les mêmes considérants qu'ils font reposer la vérité ou l'erreur. L'assimilation est impossible.
J. Bertrand.
Le jeu ruine ceux qui s'y livrent. Il n'y a exception que pour les joueurs auxquels les conditions acceptées accordent un avantage.
Le fermier des jeux à Monte-Carlo peut accroître sans crainte le nombre des coups. La menace ne s'adresse qu'aux pontes.
Lorsque le jeu est équitable, la ruine tôt ou tard est certaine.
La proposition semble contradictoire. En ruinant (p. 100) l'un des joueurs, le jeu enrichit l'autre; en s'exposant à perdre une fortune, on a l'espoir de la doubler.
Cela n'est pas douteux; mais, quand la fortune est doublée, le théorème s'y applique avec la même certitude; elle peut doubler encore, centupler peut-être, tout sera emporté à la fois par un caprice du hasard. En combien de temps? Nul ne le sait; la probabilité augmente avec le nombre des parties et converge vers la certitude.
J. Bertrand.
Les philosophes, qui veulent déterminer l'avenir indéfini de l'espèce humaine par la seule observation du passé, sont dans une grande erreur... Ils ne s'occupent du présent qu'après avoir découvert l'avenir. C'est comme si, pour connaître les affections de la courbe des observations, on se servait du prolongement conjectural de cette courbe, qui peut n'avoir rien de commun avec ce qui résulterait de la loi inconnue du phénomène...
Rien ne serait plus dangereux que de confier la direction de la société à des chefs qui se seraient fait un type bien arrêté de l'état définitif de la société et la pousseraient sans ménagement dans cette voie.
Duhamel.
Nous estimons que l'étude complète de toute science devrait comprendre une période préparatoire ou d'amorce, une période théorique ne portant que sur les parties à la fois importantes et simples et une période complémentaire où la discussion s'aiguiserait et se généraliserait.
Les premières notions de mathématiques doivent faire partie de l'éducation des enfants. Les chiffres et les lignes parlent plus qu'on ne croit à leur imagination naissante et c'est un moyen sûr de l'exercer sans l'égarer.
Condorcet.
La longue formation de l'humanité recommence en chaque petit enfant...
Le premier calculateur n'a pas débuté par les règles abstraites qu'on trouve dans les livres d'école. Il est assez évident qu'il a dû se trouver d'abord en présence de problèmes pratiques, dont il n'a pu se tirer qu'en tendant tous les ressorts de son intelligence pour créer la règle, et qu'il n'a pas fait de l'art pour l'art. Faire débuter (p. 102) l'enfant par la règle abstraite, et lui poser ensuite les problèmes à résoudre, c'est aller au rebours de la marche de l'esprit humain, qui en est chez lui au point où il en était dans l'enfance de l'espèce.
Alors, qu'arrive-t-il? C'est que son intelligence, ainsi brusquée, se refuse à l'abstraction qui se présente avant l'heure, et que sa mémoire seule entre en jeu pour se charger douloureusement de mots et de pratiques dont le sens lui échappe.
La vraie méthode est donc ici de le replacer dans les conditions du commencement, et de le faire assister en quelque sorte à la création de l'arithmétique.
J. Macé.
Nous concevons la possibilité d'un enseignement gradué de la géométrie élémentaire, conduit, à tous ses degrés, d'après un plan unique et invariable, toujours soumis aux règles de la plus sévère logique, et où les difficultés ne se montreraient qu'à mesure que les esprits seraient préparés à les aborder.
Pour cela, l'étude de la géométrie devrait être reprise à divers points de vue, correspondant aux divers degrés d'initiation des élèves. Pour les commençants, il s'agit avant tout de se familiariser avec les figures et leurs dénominations, d'apprendre des faits, d'entrevoir leurs applications les plus simples et les plus immédiates, celles surtout qui se rapportent aux usages de la vie ordinaire.
On devra donc au début multiplier les axiomes, employer, au lieu de démonstrations, les vérifications expérimentales, (p. 103) l'analogie, l'induction, en ne laissant jamais oublier que ce mode d'exposition est essentiellement provisoire. On exercera l'élève aux tracés graphiques, à la solution de divers problèmes de levé des plans et d'arpentage, à la construction des figures en relief... Le maître saura proportionner au degré de développement intellectuel de l'élève la part plus ou moins grande qu'il devra faire au raisonnement dans cette première ébauche des études géométriques.
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Le premier enseignement sera donc exclusivement expérimental, et peu à peu on fera voir à l'élève comment toutes les vérités n'ont pas besoin d'être séparément constatées par l'expérience, et comment elles sont les conséquences d'un certain nombre d'entre elles, nombre que l'on restreindra de plus en plus, à mesure que l'on avancera dans l'étude de la science, jusqu'à ce qu'on soit arrivé aux axiomes fondamentaux, dont le nombre ne peut plus être réduit.
Hoüel.
J'ai dit que la Géométrie n'était pas à la portée des enfants; mais c'est notre faute. Nous ne sentons pas que leur méthode n'est point la nôtre, et que ce qui devient pour nous l'art de raisonner ne doit être pour eux que l'art de voir. Au lieu de leur donner notre méthode, nous ferions mieux de prendre la leur; car notre manière d'apprendre la géométrie est bien autant une affaire d'imagination que de raisonnement. Quand la proposition est énoncée, il faut en imaginer la démonstration, (p. 104) c'est-à-dire trouver de quelle proposition déjà sue celle-là doit être une conséquence, et, de toutes les conséquences qu'on peut tirer de cette proposition, choisir précisément celle dont il s'agit.
De cette manière le raisonneur le plus exact, s'il n'est inventif, doit rester court. Aussi qu'arrive-t-il de là? Qu'au lieu de nous faire trouver les démonstrations, on nous les dicte; qu'au lieu de nous apprendre à raisonner, le maître raisonne pour nous et n'exerce que notre mémoire.
Faites des figures exactes, combinez-les, posez-les l'une sur l'autre, examinez leurs rapports; vous trouvez toujours la géométrie élémentaire en marchant d'observation en observation, sans qu'il soit question ni de définitions, ni de problèmes, ni d'aucune autre forme démonstrative que la simple superposition. Pour moi, je ne prétends point apprendre à Émile la géométrie, c'est lui qui me l'apprendra; je chercherai des rapports et il les trouvera, car je les chercherai de manière à les lui faire trouver. Par exemple, au lieu de me servir d'un compas pour tracer un cercle, je le tracerai avec une pointe au bout d'un fil tournant sur un pivot. Après cela, quand je voudrai comparer les rayons entre eux, Émile se moquera de moi, et il me fera comprendre que le même fil toujours tendu ne peut avoir tracé des distances inégales.
Si je veux mesurer un angle de soixante degrés, je décris du sommet de cet angle, non pas un arc mais un cercle entier; car avec les enfants il ne faut jamais rien sous-entendre. Je trouve que la portion de cercle comprise entre les deux côtés de l'angle est la sixième (p. 105) partie du cercle. Après cela, je décris du même sommet un autre plus grand cercle, et je trouve que ce second arc est encore la sixième partie de son cercle. Je décris un troisième arc concentrique sur lequel je fais la même épreuve; et je la continue sur de nouveaux cercles, jusqu'à ce qu'Émile, choqué de ma stupidité, m'avertisse que chaque arc, grand ou petit, compris par le même angle, sera toujours la sixième partie de son cercle...
Nous voilà tout à l'heure à l'usage du rapporteur.
Pour prouver que les angles de suite sont égaux à deux droits, on décrit un cercle; moi, tout au contraire, je fais en sorte qu'Émile remarque cela premièrement dans le cercle, et puis je lui dis: si l'on ôtait le cercle, et qu'on laissât les lignes droites, les angles auraient-ils changé de grandeur? etc... On néglige la justesse des figures, on la suppose, et l'on s'attache à la démonstration. Entre nous, au contraire, il ne sera jamais question de démonstration; notre plus importante affaire sera de tirer des lignes bien droites, bien justes, bien égales; de faire un carré parfait, de tracer un cercle bien rond. Pour vérifier la justesse de la figure, nous l'examinerons par toutes ses propriétés sensibles; et cela nous donnera l'occasion d'en découvrir chaque jour de nouvelles. Nous plierons par le diamètre les deux demi-cercles; par la diagonale, les deux moitiés du carré: nous comparerons nos deux figures pour voir celle dont les bords conviennent le plus exactement et par conséquent la mieux faite; nous distinguerons si cette égalité de partage doit avoir toujours lieu dans les parallélogrammes, dans (p. 106) les trapèzes, etc... On essaiera quelquefois de prévoir le succès de l'expérience avant de la faire, on tâchera de trouver des raisons, etc...
La géométrie n'est pour mon élève que l'art de se bien servir de la règle et du compas...
J.-J. Rousseau.
Il est temps d'entrer dans le vif de la question pédagogique: Comment convient-il d'étudier une figure avec les commençants? Vous m'excuserez si je numérote les parties successives de la réponse.—1o Avant tout, montrez le modèle matériel, faites-le circuler et manier, puis, dessinez-le au tableau et que toute la classe vous imite.—2o Faites dégager la propriété principale de la figure, celle qui servira de définition. Cette propriété est jointe à d'autres, simples aussi, et il faudra parfois aider un peu l'enfant.—3o L'essentiel de la figure étant connu, prononcez son nom, pour la première fois. On s'empresse autour de vous d'écrire le nom sur la chose. Vous demandez des exemples familiers, etc.—4o Vous invitez un élève à formuler la définition. Elle est un peu embarrassée, cette définition; vous la rectifiez et vous la dictez, pour qu'elle soit apprise par cœur. La définition se borne ainsi à résumer nettement ce qui est déjà su.—5o Il faut ensuite connaître la figure plus en détail. Faites deviner ou remarquer les autres propriétés, sans les démontrer, c'est-à-dire sans les déduire de la propriété fondamentale. Les nouvelles propriétés sont seulement constatées et vérifiées.—6o Terminez enfin par les (p. 107) constructions et les problèmes simples, se rattachant à la figure soumise à vos investigations.
On peut enseigner d'abord une algèbre modeste et, pour ainsi dire, préliminaire, où les règles découlent d'exemples particuliers et non de raisonnements généraux et abstraits. Voici les indications principales pour un enseignement dirigé dans cet esprit.
1o Généraliser lentement.—Je ne saurais trop le répéter, l'esprit se refuse aux abstractions brusquement imposées. C'est graduellement qu'on passe d'une de ces idées à la suivante: trois chevaux, le nombre trois en général, un nombre quelconque représenté par a ou par x.
2o Laisser de côté les nombres négatifs, 0/0, m/0 et les imaginaires.—Ces symboles sont délicats à comprendre et il faut les réserver pour une étude approfondie de l'algèbre. Composez, en conséquence, des exercices et problèmes ne présentant pas d'impossibilités arithmétiques.
3o Supprimer les discussions.—Ces examens à fond des questions, de toutes leurs particularités et de toutes leurs exceptions, supposent des esprits aiguisés. Reportons-les aussi, sans hésiter, à la seconde période d'enseignement.
4o Dès le début, de petits problèmes résolus à l'aide de x.—Vous amorcez ainsi le nouveau sujet au moyen d'un chapitre, pour ainsi dire complémentaire de (p. 108) l'arithmétique. Le calcul algébrique ne vient qu'ensuite.
5o Glisser sur la théorie du calcul algébrique.—Ce sujet est assez aride; il est, du reste, peu important pour le moment. C'est la pratique qui importe, en évitant les opérations trop longues.
Insister sur le carré d'un binome et passer sous silence la division des polynomes.
6o Raisonner directement des problèmes gradués.—La méthode des équations s'accuse ainsi d'elle-même plus clairement qu'en la formulant a priori.
7o Équations abstraites.—Nous pouvons maintenant passer aux équations séparées des problèmes concrets leur servant de supports. On n'a qu'à reprendre des raisonnements déjà faits, mais en les présentant d'une façon plus générale. Se borner à énoncer les principes qui sont presque évidents.
La Géométrie est peut-être, de toutes les parties des mathématiques, celle que l'on doit apprendre la première; elle me paraît très propre à intéresser les enfants, pourvu qu'on la leur présente principalement par rapport à ses applications, soit sur le papier, soit sur le terrain. Les opérations de tracé et de mesurage ne manqueront pas de les occuper agréablement, et les conduiront ensuite, comme par la main, au raisonnement.
Les éléments de Géométrie de Clairaut, ordonnés (p. 109) suivant la méthode des inventeurs, sont les plus convenables pour diriger le maître dans cette circonstance.....
Lacroix.
Feu M. Clairaut imagina de faire apprendre facilement aux jeunes gens les éléments de la géométrie; il voulut remonter à la source, et suivre la marche de nos découvertes et des besoins qui les ont produites.
Cette méthode paraît agréable et utile; mais elle n'a pas été suivie; elle exige chez le maître une flexibilité d'esprit qui sait se proportionner, et un agrément rare dans ceux qui suivent la routine de leur profession.
Voltaire.
Il y a deux manières d'étudier les mathématiques et deux époques pour faire ces études avec des fruits divers.
On peut les étudier matériellement, machinalement, en demeurant dans les faits mathématiques, dans les mots, dans les chiffres, dans les formules d'un enseignement sans plénitude et sans élévation.....
Ou bien, on peut les étudier intellectuellement, originalement, en comparant le sens et le lien des mots, des idées et des choses, en s'élevant aux grandes et aux simples lumières de la science, en saisissant, pénétrant, possédant réellement la vérité.
Dupanloup.
(p. 110) Aujourd'hui la partie philosophique de la science est très négligée; les moyens de briller dans un examen ou concours marchent en première ligne; sauf de rares exceptions, les professeurs songent beaucoup plus à familiariser les élèves avec le mécanisme du calcul qu'à leur en faire sonder les principes. Je ne sais, en vérité, si l'on ne pourrait pas dire de certaines personnes qu'elles emploient l'analyse comme la plupart des manufacturiers se servent de la machine à vapeur, sans se douter de son mode d'action. Et qu'on ne prétende pas que cet enseignement vicieux soit un sacrifice obligé à la passion dominante de notre époque, à la rage d'aller vite en toutes choses.
Arago.
Préférez, dans l'enseignement, les méthodes les plus générales. Attachez-vous à les présenter de la manière la plus simple, et vous verrez en même temps qu'elles sont presque toujours les plus faciles.
Laplace.
Les exemples instruisent mieux que les préceptes.
Newton.
Au moyen-âge et jusqu'au xviie siècle, l'enseignement portait sur les sept arts libéraux et il comprenait le Trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) (p. 111) et le Quadrivium (arithmétique, géométrie, musique et astronomie).
Sommes-nous revenus au système de Ptolémée?
Je me souviens d'un fort habile homme qui, sur la lecture du premier volume d'un de nos plus savants traités d'astronomie, voyant l'auteur toujours parler des mouvements du soleil, des cercles qu'il parcourt, de sa révolution diurne, de ses mouvements annuels, progrès, stations et rétrogradations, croyait, d'après cet exposé, que l'Académie des sciences était revenue au système de Ptolémée.
Pourquoi commencer par décrire longuement et minutieusement à l'élève des apparences dont il apprendra ensuite la fausseté? Pourquoi ne pas lui dire tout de suite et franchement ce qui en est?
Gratry.
Dans le domaine des Mathématiques pures, on peut distinguer deux parties: l'une, la plus élevée, qui s'augmente constamment, presque toujours par degrés insensibles, ne regarde que les mathématiciens; l'autre, longtemps immuable, s'accroît brusquement, à des intervalles éloignés, par l'adoption de quelque théorie nouvelle: c'est la matière de l'enseignement, ce que doivent retenir et savoir appliquer tous les hommes qui s'adonnent aux sciences et, sans cultiver les Mathématiques, ont toujours besoin de les connaître.
Halphen.
Toute science de raisonnement repose sur un petit nombre de propositions simples irréductibles à d'autres plus simples, appelées axiomes, et sur les définitions. Ces éléments, convenablement mis en œuvre par le raisonnement, conduisent aux propositions les plus (p. 113) complexes, qui ne sont donc, en définitive, que des composés logiques de ces éléments. Dans la géométrie élémentaire, l'arithmétique, la statique et plus généralement dans toutes les sciences où l'on fait usage de la méthode synthétique, en allant du simple au composé, on prend pour point de départ ces éléments, axiomes ou définitions, et on s'élève de proche en proche, jusqu'aux propositions les plus complexes...
...........................
Frappé de cette difficulté que les élèves éprouvent à saisir l'ensemble et les déductions du Cours, j'ai souvent employé avec succès un mode d'exercice, que j'appelle la recherche des antécédents d'une proposition et qui n'est en quelque sorte que l'analyse d'une proposition trouvée d'abord par la synthèse... On prend une proposition quelconque et l'on relève toutes les propositions antécédentes (lemmes, théorèmes, corollaires), toutes les définitions et tous les axiomes invoqués dans la démonstration. On a ainsi une première analyse de la proposition donnée. On reprend ensuite chacune des propositions antécédentes invoquées, on les analyse à leur tour et l'on continue de la sorte jusqu'à ce que l'on arrive à n'avoir plus que des axiomes et des définitions.
Jablonski.
«Allez en avant, a dit d'Alembert, la foi vous viendra.» Le remarquable morceau qui suit est un commentaire de ce conseil parfois contesté.
(p. 114) Quoique les vérités mathématiques se déduisent, dans un ordre rigoureux, d'un petit nombre de principes réputés évidents, on ne parvient point à les posséder pleinement, en en suivant pas à pas les déductions, en allant toujours dans le même sens du connu à l'inconnu, sans jamais revenir en arrière sur un chemin où l'on n'a rien laissé d'obscur. Le sens et la portée des principes échappent au débutant, qui saisit mal la distinction entre ce qu'on lui demande d'accorder et les conséquences purement logiques des hypothèses ou des axiomes; parfois, la démonstration lui paraît plus obscure que l'énoncé; c'est en vain qu'il s'attarderait dans la région des principes pour la mieux connaître, il faut que son esprit acquière des habitudes qu'il n'a pas, qu'il aille en avant sans trop savoir ni où il va, ni d'où il part; il prendra confiance dans ce mode de raisonnement auquel il lui faut plier son intelligence, il s'habituera aux symboles et à leurs combinaisons. Revenant ensuite sur ses pas, il sera capable de voir, du point de départ et d'un seul coup d'œil, le chemin parcouru: quelques parties de la route resteront pour lui dans l'ombre, quelques-unes même seront peut-être entièrement obscures, mais d'autres sont vivement éclairées; il sait clairement comment on peut arriver de cette vérité à cette autre; il sait où il doit porter son attention; ses yeux, mieux exercés, parviennent à voir clair dans ces passages difficiles dont il n'aurait jamais pu se rendre maître, s'il ne les avait franchis; il est maintenant capable d'aller plus loin ou de suivre une autre direction; il entre en possession des vérités nouvelles qui (p. 115) s'ajoutent aux vérités anciennes et qui les éclairent; il s'étonne parfois des perspectives inattendues qui s'ouvrent devant lui et lui laissent voir, sous un aspect nouveau, des régions qu'il croyait connaître entièrement; peu à peu les ombres disparaissent et la beauté de la science, si une dans sa riche diversité lui apparaît avec tout son éclat.
Ce qui se passe dans l'esprit de celui qui étudie les mathématiques n'est que l'image de ce qui s'est passé dans la création et dans l'organisation de la science; dans ce long travail, la rigueur déductive n'a pas été seule à jouer un rôle. On peut raisonner fort bien et fort longtemps sans avancer d'un pas, et la rigueur n'empêche pas un raisonnement d'être inutile. Même en mathématiques, c'est souvent par des chemins peu sûrs que l'on va à la découverte. Avant de faire la grande route qui y mène, il faut connaître la contrée où l'on veut aller; c'est cette connaissance même qui permet de trouver les voies les plus directes; c'est l'expérience seule qui indique les points où il faut porter l'effort; ce sont les difficultés parfois imprévues qui se dressent devant les géomètres qui les forcent à revenir au point de départ, à chercher une route nouvelle qui permette de tourner l'obstacle. S'imagine-t-on, par exemple, les inventeurs du calcul différentiel et intégral s'acharnant, avant d'aller plus loin, sur les notions de dérivée et d'intégrale définie?
J. Tannery.
(p. 116) La science même la plus exacte renferme quelques principes généraux que l'on saisit par une sorte d'instinct qui ne permet pas d'en douter, et auquel il est bon de se livrer d'abord. Après les avoir suivis dans toutes leurs conséquences et s'être fortifié l'esprit par un long exercice dans l'art de raisonner, on peut sans danger revenir sur ces principes qui se présentent alors dans un plus grand jour...
Laplace.
J'avoue même que j'attacherai moins de prix à mettre dans la démonstration d'un théorème cette rigueur extrême, si recherchée maintenant, qu'à faire clairement apercevoir la raison de ce théorème et ses connexions avec les autres vérités mathématiques. Je prie donc que l'on m'accorde quelquefois, pour la commodité de l'exposition et pour ne point décourager dès le début mes jeunes lecteurs, des démonstrations qui ont satisfait si longtemps les plus grands géomètres.
Cournot.
Il ne faut pas prévenir à contre-temps des difficultés trop subtiles.
J. Bertrand.
Voulez-vous simplifier une théorie, une méthode, inscrivez-la dans les programmes. Les professeurs se (p. 117) chargeront de l'éclairer et de la réduire à sa plus simple expression.
Je me défie un peu des démonstrations trop élégantes, trop symétriques, reposant sur une heureuse notation. Elles empêchent parfois de réfléchir au fond des choses, elles persuadent plus qu'elles n'éclairent.
Il importe de bien comprendre l'importance de la condition nécessaire et suffisante ou de la réciprocité des conditions ou, comme on dit encore, de la propriété caractéristique. Combien de raisonnements faux ou incomplets entraîne une analyse imparfaite!
La démonstration des réciproques—lorsqu'elles sont vraies—est trop négligée.
Pour établir un lien mathématique, il faut deux propositions dont la seconde est, à volonté, la réciproque ou la contraire de la première.
Ce n'est pas dans la manière de figurer les nombres, de les habiller pour ainsi dire, que nous distinguons l'Arithmétique de l'Algèbre, mais c'est surtout dans l'essence même des nombres, dans la manière de les concevoir. La ligne de démarcation de l'Arithmétique et de l'Algèbre provient de l'idée que l'on se fait du nombre, suivant qu'on le considère comme grandeur (p. 118) ou seulement comme numéro d'ordre, c'est-à-dire suivant que l'on accepte ou que l'on refuse la notion de continuité; c'est ainsi que la doctrine des nombres irrationnels, des logarithmes, etc., appartient exclusivement au domaine de l'Algèbre, c'est-à-dire des fonctions analytiques.
E. Lucas.
Dès les temps les plus reculés, les hommes ont compté les objets et mesuré grossièrement l'étendue et le temps. Ces notions ont commencé à se préciser chez les Phéniciens, commerçants et calculateurs, chez les Égyptiens, arpenteurs (inondations du Nil) et architectes (Pyramides); enfin chez les Chaldéens, pasteurs et observateurs des astres. Tels seraient les commencements de l'arithmétique, de la géométrie et de l'astronomie.
Les premiers documents historiques nous montrent la Géométrie prenant son admirable développement chez les Grecs. Presque oubliées pendant le Moyen âge, les Mathématiques renaissent au seizième siècle chez les Occidentaux. Le siècle suivant voit paraître la Géométrie analytique et le Calcul infinitésimal, grandes découvertes qui renouvellent et étendent la science.
Nous allons esquisser les principales périodes de l'histoire des mathématiques.
I. Philosophes grecs.—Ils étaient aussi presque tous géomètres et astronomes.
On attribue à Thalès (600 ans av. J.-C.) et à son École ionienne les propositions les plus simples de la (p. 120) Géométrie, les premières mesures de distances inaccessibles et des observations astronomiques au gnomon.
Pythagore (550 ans av. J.-C.) et les Pythagoriciens connaissent la somme des angles d'un triangle, le carré de l'hypoténuse, les polyèdres réguliers et l'un au moins des deux mouvements de la Terre.
Platon (400 ans av. J.-C.) et les Platoniciens dégagent la méthode d'analyse en Géométrie; ils imaginent les coniques et d'autres lieux géométriques pour opérer la duplication du cube; ils raisonnent déjà les incommensurables.
II. L'École grecque d'Alexandrie.—Dans cette célèbre École, qui dure plus de mille ans, les Mathématiques brillent du plus vif éclat et atteignent leur apogée.
Euclide (300 ans av. J.-C.) coordonne, dans ses Éléments, toute la Géométrie, sauf les coniques. Ce livre domine encore l'enseignement de nos jours.
Archimède (250 ans av. J.-C), le plus grand peut-être de tous les mathématiciens, mesure le cercle et la sphère; fait la quadrature de la parabole; étudie la première série; fonde la statique sur la théorie du levier, etc.
Apollonius de Perge (200 ans av. J.-C.) résume, dans son Traité des coniques, les propriétés déjà connues de ces courbes et celles plus cachées qu'il découvre à son tour.
Hipparque (150 ans av. J.-C.) refait toutes les observations astronomiques et, malgré l'imperfection de ses instruments, il trouve des nombres assez exacts pour servir de base à la théorie.
(p. 121) Ptolémée (150 ans ap. J.-C.) admet, dans son Almageste, la fixité de la Terre et parvient néanmoins à représenter les mouvements célestes, à l'aide d'un système compliqué de cercles.
Diophante (350 ans ap. J.-C), surnommé le Père de l'Algèbre, crée enfin cette nouvelle branche dans ses Arithmétiques.
La science pâlit ensuite à Alexandrie. Il n'y a plus que des commentateurs, parmi lesquels on doit distinguer Pappus: il nous conserve, dans ses Collections mathématiques, des fragments d'ouvrages perdus.
III. Les autres peuples jusqu'à la Renaissance.—Les Égyptiens possèdent des connaissances arithmétiques et géométriques, bien des siècles avant notre ère, comme le prouve le papyrus d'Ahmès, récemment déchiffré. Ils restent stationnaires, tandis que les Grecs, qui leur font des emprunts, progressent rapidement.
De même, les Chinois paraissent savoir des Mathématiques dès l'antiquité la plus reculée; mais ce peuple, lui aussi, reste immobile.
Les Hindous, tels que Aryabhata, Bramagupta et Bascara, ont, de temps immémorial, la curiosité des grands nombres; ils cultivent l'Algèbre et résolvent les équations des deux premiers degrés.
Les Arabes, tels que Mohamed-ben-Musa, Aboul-Wefa, etc., servent d'intermédiaires entre les Grecs et les Indiens d'une part et les Occidentaux de l'autre.
En Europe, le Moyen-âge reste obscur et stérile. Citons cependant Gerbert qui s'instruit, vers l'an 1000, auprès des Maures d'Espagne et apporte aux Chrétiens (p. 122) les chiffres modernes. Citons encore les Algébristes italiens, Léonard de Pise, qui fait le commerce en Orient au douzième siècle, et Lucas de Burgo (quinzième siècle).
IV. Le seizième siècle.—La science reprend enfin son essor, et les grandes découvertes se préparent.
Le Polonais Copernic (1473-1543) propose le véritable système du monde et en montre l'admirable simplicité.
L'Italien Cardan (1501-1576) établit la formule de résolution des équations du 3e degré; il tenait la règle de Tartaglia.
Viète (1540-1603), né dans le Bas-Poitou, entrevoit les propriétés générales des équations, résout par l'algèbre les problèmes de géométrie et complète la trigonométrie.
L'Écossais Neper (1550-1617), inventeur des logarithmes, double, pour ainsi dire, la vie des calculateurs.
Harriot (1568-1621), d'Oxford, trouve les relations entre les coefficients et les racines des équations, et il calcule les racines entières et fractionnaires.
Galilée, de Florence (1564-1642), étudie le pendule, découvre les lois de la chute des corps et des projectiles; il confirme le système de Copernic, par ses observations astronomiques.
V. Le dix-septième siècle.—Ce siècle, aussi grand dans les sciences que dans les lettres, nous donne d'une part la géométrie analytique et le calcul infinitésimal, de l'autre les lois de Kepler et de l'attraction universelle.
(p. 123) L'Allemand Kepler (1571-1630), utilisant les observations de Tycho-Brahe, trouve les trois lois du mouvement des planètes autour du soleil.
Notre grand Descartes (1596-1650) étend l'algèbre pure et il crée la Géométrie analytique ou étude des courbes à l'aide de leurs équations.
Fermat, de Toulouse (1601-1665), résout aussi les problèmes des tangentes et des maximums, et il révèle les propriétés les plus secrètes des nombres.
Pascal (1623-1662) crée l'analyse combinatoire et le calcul des probabilités; il perfectionne la géométrie des courbes.
Le Hollandais Huygens (1629-1695) fait progresser à la fois la géométrie, la mécanique et l'astronomie.
Le grand Newton (1642-1727) invente le Calcul infinitésimal ou des fluxions, et découvre la loi de l'attraction universelle. Il a autant de génie que le vieil Archimède.
Leibniz (1646-1716) imagine le nouveau Calcul presque en même temps que Newton, et avec une notation plus heureuse.
VI. Le dix-huitième siècle.—Les mathématiciens appliquent l'analyse infinitésimale aux questions les plus variées et les plus difficiles.
Le Suisse Euler (1707-1783) fait de nombreuses recherches sur les fonctions, les séries, les intégrales, etc.
D'Alembert (1717-1783) traite la précession des équinoxes par le calcul, et il ramène l'étude du mouvement à celle de l'équilibre.
Lagrange (1736-1813) manie avec une rare élégance (p. 124) l'algèbre et le calcul infinitésimal; il crée la mécanique rationnelle.
Monge (1746-1818) fonde la géométrie descriptive, si utile aux ingénieurs.
Laplace (1749-1827) se rend célèbre par sa Mécanique céleste ou application du calcul au système du monde.
Carnot (1753-1823), géomètre-philosophe, cherche à préciser les nombres négatifs et imaginaires, les intégrales, etc.
VII. Première moitié du dix-neuvième siècle.—Cette période se fait remarquer à la fois par des vues très générales et par la curiosité du détail.
L'Allemand Gauss (1777-1855) étudie les équations binomes et la théorie des nombres.
Le général Poncelet (1788-1867) étend la géométrie par les méthodes de transformation.
Cauchy (1789-1857) se livre à de profondes recherches sur les séries, les imaginaires et l'infini.
L'Allemand Jacobi (1804-1851) s'occupe de fonctions nouvelles et, en particulier, des fonctions elliptiques.
Chasles (1793-1880) systématise, dans sa Géométrie supérieure, la convention des signes, le rapport anharmonique, l'homographie, l'involution, etc.
Dans la dernière moitié de ce siècle, les efforts se dirigent vers la physique mathématique qui se constitue peu à peu. En analyse pure, la recherche se particularise et s'aiguise de plus en plus, on creuse les propriétés des fonctions et des équations différentielles, le calcul infinitésimal porte tous ses fruits.
(p. 125) Nous allons passer une revue rapide des plus grands mathématiciens, de ces génies créateurs qui ont découvert et fondé la science. Nous essaierons de caractériser chacun d'eux en reproduisant un jugement compétent et en citant l'œuvre capitale.
Euclide (300 av. J.-C.) ou la Géométrie élémentaire.
Jamais aucun livre de science n'a eu une aussi longue influence que les Éléments d'Euclide. Ils ont été traduits et commentés dans toutes les langues, enseignés exclusivement pendant des siècles dans toutes les Écoles de Mathématiques: on les suit encore en Angleterre.
Rouché.
Archimède (287-212 av. J.-C.) ou la Géométrie infinitésimale.
Ceux qui sont en état de comprendre Archimède admirent moins les découvertes des plus grands hommes modernes.
Leibniz.
Apollonius (de Perge) (200 av. J.-C.) ou la Géométrie des coniques.
L'ouvrage d'Apollonius sur les sections coniques est pour ainsi dire le couronnement de la Géométrie grecque.... Tout y est coordonné symétriquement; l'unité du plan reflète, jusque dans les moindres détails, la pensée directrice de l'auteur, qui tend à lier entre elles toutes les sections du cône.
Hoefer.
(p. 126) Hipparque (150 av. J.-C.) ou les Observations astronomiques.
Quand on réunit tout ce qu'il a inventé ou perfectionné, et qu'on songe au nombre de ses ouvrages, à la grande quantité de calculs qu'ils supposent, on trouve dans Hipparque un des hommes les plus étonnants de l'Antiquité, et le plus grand de tous dans les sciences qui ne sont pas purement spéculatives.
Delambre.
Ptolémée (150 ap. J.-C.) ou l'Astronomie géométrique.
L'édifice astronomique élevé par Ptolémée a subsisté pendant près de quatorze siècles; aujourd'hui même qu'il est entièrement détruit, son Almageste... est un des plus précieux monuments de l'Antiquité.
Laplace.
Diophante (350 ap. J.-C.) ou l'Algèbre naissante.
On ne peut pas dire que l'Algèbre, même élémentaire, soit sortie constituée de ses mains, et cependant on ne peut nier qu'elle n'y ait pris un développement très remarquable.
M. Marie.
Viète (1540-1603) ou l'Algèbre en progrès.
C'est dans son ouvrage d'analyse, intitulé Isagoge in artem analyticam, que l'auteur expose pour la première (p. 127) fois une des théories les plus profondes et les plus abstraites que l'esprit humain ait inventées.
J. Fourier.
Galilée (1564-1642) ou la Mécanique.
La théorie générale du mouvement varié, inconnue aux Anciens, prit naissance entre les mains de Galilée. Il trouva la loi de l'accélération des corps qui tombent librement par la pesanteur ou qui glissent sur des plans inclinés et il établit à ce sujet les propriétés générales du mouvement uniformément accéléré.
Bossut.
Descartes (1596-1650) ou la Géométrie analytique.
Ce qui a surtout immortalisé le nom de ce grand homme, c'est l'application qu'il a su faire de l'algèbre à la géométrie, idée des plus vastes et des plus heureuses que l'esprit humain ait jamais eues, et qui sera toujours la clef des plus profondes recherches, non seulement dans la géométrie, mais dans toutes les sciences physico-mathématiques.
d'Alembert.
Fermat (1601-1665) ou l'Arithmétique supérieure.
Cherchez ailleurs qui vous suive dans vos inventions numériques... pour moi, je confesse que cela me dépasse de bien loin.
Pascal.
(p. 128) Pascal (1623-1662) ou l'Algèbre supérieure.
C'est le génie le plus étonnant, unique dans les Lettres, dans la Philosophie, la Religion et aussi dans les Mathématiques où sa profondeur est incroyable.
Newton (1642-1727) ou le Calcul infinitésimal.
Newton était maître de la méthode des fluxions avant que Leibniz fût en possession du Calcul différentiel, mais l'invention de Leibniz était indépendante de celle de Newton et l'avait précédée comme publication.
Biot.
Monge (1746-1818) ou la Géométrie descriptive.
Les constructeurs de toutes les professions, les architectes, les mécaniciens, les tailleurs de pierre, les charpentiers, soustraits désormais à des préceptes routiniers, à des méthodes sans démonstration, se rappelleront avec reconnaissance que s'ils savent, que s'ils parlent la langue de l'ingénieur, c'est Monge qui l'a créée, qui l'a rendue accessible à tout le monde, qui l'a fait pénétrer dans les plus modestes ateliers.
Arago.
Laplace (1749-1827) ou la Mécanique céleste.
La loi newtonienne explique aujourd'hui tous les phénomènes connus. Plus les observations sont précises, plus elles sont conformes à la théorie. Laplace est de tous les géomètres celui qui a le plus approfondi (p. 129) ces grandes questions; il les a pour ainsi dire terminées.
...........................
Laplace était né pour tout perfectionner, pour tout approfondir, pour reculer toutes les limites, pour résoudre ce que l'on aurait pu croire insoluble. Il aurait achevé la science du ciel (dans sa Mécanique céleste), si cette science pouvait être achevée.
J. Fourier.
Lagrange (1736-1813) ou la Mécanique rationnelle.
Le trait distinctif de son génie consiste dans l'unité et la grandeur des vues. Il s'attachait en tout à une pensée simple, juste et très élevée. Son principal ouvrage, la Mécanique analytique, pourrait être nommé la Mécanique philosophique, car il ramène toutes les lois de l'équilibre et du mouvement à un seul principe; et, ce qui n'est pas moins admirable, il les soumet à une seule méthode de calcul dont il est lui-même l'inventeur. Toutes ses compositions mathématiques sont remarquables par une élégance singulière, par la symétrie des formes et la généralité des méthodes et, si l'on peut parler ainsi, par la perfection du style analytique.
J. Fourier.
Cauchy (1789-1857) ou les Symboles.
Mathématicien très profond, mais parfois un peu obscur; son œuvre est considérable: de fidèles disciples (p. 130) élucident et précisent des vues nouvelles et hardies qui fixeront la science.
Chasles (1793-1876) ou la Géométrie supérieure.
Les travaux de M. Chasles sont le dernier terme des progrès continus réalisés par la Géométrie depuis soixante ans. Il suffit de citer l'Aperçu historique, la Géométrie supérieure... La Géométrie... a regagné sur l'analyse le terrain perdu.
Rouché.
Charlemagne substitua aux mesures romaines le pied-de-roi ou pied-de-Paris, emprunté aux Arabes, et les dérivés de cette longueur. Il chercha à répandre dans son vaste empire ces unités qui devaient durer dix siècles, mais en s'altérant et en se compliquant beaucoup.
Les États généraux réclamèrent maintes fois l'ordre dans les poids et les monnaies.
Louis XI, François Ier et Louis XIV tentèrent en vain, dans leurs édits royaux, d'imposer partout les mesures de Paris.
À l'occasion de la mesure du méridien par Picard, «on fit en 1668, dit Saigey, une toise en fer portant une arête à chaque bout, et on la fixa au bas du grand escalier du Châtelet, pour servir de régulateur au commerce et à la justice.»
La toise qui, après avoir été comparée à celle du Châtelet, avait été employée dans les mesures méridiennes du Pérou, par Bouguer et La Condamine, servit à son tour d'étalon, et quatre-vingts modèles en (p. 131) furent expédiés aux parlements de France et aux astronomes étrangers. C'était un premier pas vers l'uniformité, et bientôt la toise du Pérou, comme on l'appelait, servit à l'étalonnage du mètre.
Parmi les réformes urgentes, demandées dans les cahiers de 1789, on retrouve sans cesse celle des poids et des mesures: on les veut «simples et les mêmes dans tout le pays».
Le 8 mai 1790, sur la proposition de Talleyrand, l'Assemblée constituante engage les rois de France et d'Angleterre à se concerter pour adopter la même unité. Cette mesure (par exemple, la longueur du pendule à seconde proposée autrefois par Picard) eût été fixée par une commission composée, en nombre égal, d'académiciens de Paris et de membres de la Société royale de Londres.
L'Académie des sciences discuta seule la question, et sa commission (Borda, Lagrange, Laplace, Monge et Lavoisier) rejeta le pendule «pour ne pas mêler à une question de longueur des considérations de mouvement et de temps», et elle proposa la dix-millionième partie du quart du méridien. La tradition attribue à Laplace la conception de l'ensemble du système, à Borda le plan des opérations géodésiques, et à Lavoisier le kilogramme.
Le 26 mars 1791, un décret de l'Assemblée constituante adopta la circonférence terrestre comme base et prescrivit les travaux nécessaires.
«Prendre pour unité de longueur usuelle la dix-millionième partie du quart du méridien et rapporter la pesanteur de tous les corps à celle de l'eau distillée, (p. 132) en reliant par l'échelle décimale toutes les mesures principales aux mesures plus grandes ou plus petites.»
Dès 1792, Delambre et Méchain furent chargés, par leurs collègues de l'Académie des sciences, de mesurer l'arc de Dunkerque à Barcelone, en Espagne, qui comprend dix degrés environ[3]. La triangulation s'appuya sur deux bases, près de Melun et de Perpignan. Aux mesures directes devaient succéder un long travail de comparaison aux mesures antérieures, de réductions et de calculs. Sans attendre la fin de ce travail, l'Académie calcula provisoirement le mètre d'après les observations anciennes, «avec une exactitude suffisante pour tous les besoins de la société»; d'autre part elle avait déterminé, par des expériences précises, la longueur du pendule à seconde et le poids d'un centimètre cube d'eau distillée: c'étaient les éléments de toutes les autres mesures. Les observations nouvelles ne pouvaient apporter à leurs valeurs que des corrections insensibles.» (Biot.)
Dans la séance du 1er août 1793, la Convention, sur un rapport présenté par Arbogast au nom du Comité d'instruction publique, vota l'établissement du système métrique dans toute l'étendue de la République. Toutefois, le système ne fut rendu obligatoire que par le décret du 18 germinal an III (7 avril 1795). Ce décret fixa définitivement la nomenclature; il y est dit que «l'étalon sera une règle de platine, exécutée avec la plus grande précision d'après les expériences et les (p. 133) observations de la commission. On le déposera près le Corps législatif, ainsi que le procès-verbal des opérations qui auront servi à le déterminer.»
Une commission générale de trente-deux membres, tant français qu'étrangers, avait été chargée des calculs définitifs.
Le 4 messidor an VII (22 juin 1799), cette commission, par l'organe de ses rapporteurs, le hollandais Swiden et le suisse Trallès, annonça aux deux conseils législatifs de la République que le quart du méridien valait 5130740 toises, d'où se déduisait la longueur du mètre. Les deux délégués présentèrent aussi les étalons du mètre et du kilogramme, en platine; la règle doit être prise à zéro et le poids cylindrique doit être pesé dans le vide. «Ces deux prototypes furent, le même jour, placés dans une boîte fermant à clef, et déposés aux Archives de la République dans la double armoire en fer, fermant à quatre clefs.»
Sous le Consulat, la loi du 2 novembre 1801 se borna à autoriser l'usage des nouvelles mesures de préférence aux anciennes; et sous l'Empire, le décret rétrograde du 12 février 1812 organisa un système mixte et bâtard qui devait retarder de vingt-cinq ans l'avènement du vrai système métrique. Il y eut une toise métrique, une livre métrique, etc.
Enfin, la loi célèbre du 4 juillet 1837, reprenant les traditions de la Révolution, remit en vigueur le système métrique pur, et prohiba, non seulement l'emploi de toutes les anciennes mesures, mais même leurs dénominations.
Depuis le 1er janvier 1840, le nouveau système est (p. 134) imposé par la loi à tous les citoyens français, et les délinquants sont punis de l'amende ou de la prison.
En 1869, l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg proposa une révision européenne du mètre. Delambre, disait-elle, a adopté un aplatissement de la terre un peu trop faible, et en outre une erreur matérielle s'est glissée dans les calculs de réduction. L'allemand Bessel, discutant toutes les mesures du méridien, et en particulier celles de Biot et Arago (1808) a trouvé 5131180 toises au lieu de 5130740 toises; le nombre fondamental du système métrique est ainsi trop petit de 440 toises. De plus, le kilogramme doit être rapporté à zéro, non à 4°. Il est regrettable, ajoutait l'Académie de Saint-Pétersbourg, que les nouvelles mesures ne soient pas établies par des savants de toutes les nations, travaillant en commun. Les étalons envoyés de Paris aux gouvernements étrangers sont imparfaits, ils sont relevés sur le mètre du Conservatoire des arts et métiers et non sur celui des Archives, et par des procédés qu'il faudrait perfectionner.—À ces critiques, l'Académie des sciences de Paris répondit que la différence entre les nombres de Delambre et de Bessel était assez légère, que tout nombre nouveau devrait d'ailleurs être modifié plus tard, par suite du progrès de la science: or on ne peut pas changer de mètre chaque siècle. Des savants de tous les pays ont collaboré avec les savants français, et l'unité qu'ils ont arrêtée ensemble peut être transmise très exactement.—À la suite de cet échange d'observations, les deux Académies se mirent d'accord pour demander la réunion d'un (p. 135) congrès du mètre, devant étudier la question des mesures et de leurs meilleurs étalons.
La première réunion à Paris du Congrès international du mètre ayant été interrompue par la guerre, une seconde réunion eut lieu en 1872. Vingt États y furent représentés. Il fut résolu qu'on ne ferait pas une nouvelle mesure du méridien; que le mètre et le kilogramme actuels seraient perpétués tels quels; que les étalons seraient en platine iridié, de 102 centimètres pour limiter le mètre à deux traits, etc.
En 1873, les chimistes Deville et Debray coulèrent, à une température dépassant 2000°, les premiers mètres internationaux, à l'École normale supérieure. Ces mètres ont la même valeur scientifique, sinon historique, que le prototype des Archives qu'ils reproduisent parfaitement, et ils font loi à l'étranger.
Un musée du mètre a été, dans ces dernières années, réuni à l'Observatoire par M. Wolf.
Les prêtres me dirent encore que Sésostris fit le partage des terres, assignant à chaque Égyptien une portion égale et quarrée, qu'on tirait au sort, à la charge néanmoins, de lui payer tous les ans une certaine redevance qui composerait le revenu royal. Si une crue du Nil enlevait à quelqu'un une portion de son lot, il allait trouver Sésostris pour lui exposer l'accident, et le Roi envoyait sur les lieux des Arpenteurs pour mesurer de combien l'héritage était diminué, afin de ne faire payer la redevance convenue qu'à proportion (p. 136) du fonds qui restait. Voilà, je crois, l'origine de la géométrie, qui a passé de ce pays en Grèce.
Hérodote.
Les débuts de la science ont dû être bien humbles. Il est probable, par exemple, que la légitimité de l'interversion des facteurs du produit de plusieurs nombres n'a été établie pendant longtemps que par des vérifications répétées. On a dû aussi reconnaître par l'expérience que la longueur du fil entourant la circonférence contient toujours le même nombre de fois celle du diamètre.
Nicétas de Syracuse croyait, au rapport de Théophraste, que le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, en un mot tous les corps qui sont au-dessus de nous, sont immobiles, et que la terre seule est en mouvement dans l'Univers; qu'elle tourne sur son axe avec une extrême vitesse et produit les mêmes apparences que si elle était immobile et le ciel en mouvement.
Cicéron.
Hankel, l'historien des mathématiques, mort il y a quelques années, admettait, contrairement à l'opinion reçue, l'évolution et le progrès continu. D'abord les Grecs géomètres, puis les Hindous purs algébristes, et enfin les Modernes qui unissent l'algèbre et la géométrie. De son côté, Chasles avait déjà dit: «Les Grecs (p. 137) étaient surtout géomètres; ce n'est que très tard qu'on trouve chez eux le Traité d'Algèbre de Diophante. Leur géométrie était pure, sans mélange de calcul... Chez les Hindous, au contraire, l'Algèbre paraît être la science la plus cultivée; les théories algébriques s'y trouvent dans une perfection surprenante... (dans les temps modernes) une rénovation générale des mathématiques leur a donné, avec le caractère d'abstraction et de généralité qui leur convient, des ressources puissantes dont les Grecs n'avaient point eu l'idée.»
Les géomètres grecs spéculaient sur les grandeurs elles-mêmes, jamais sur leurs mesures.
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Les douze cents ans qui séparent Pappus de Viète, de Descartes et de Galilée ne sont qu'une longue nuit.
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Il serait impossible de méconnaître la rare habileté des Hindous dans les recherches relatives soit aux propriétés des nombres, soit aux transformations algébriques; mais si l'on considère... leur quasi-nullité en géométrie... on ne peut s'empêcher de les mettre infiniment au-dessous des Grecs.
M. Marie.
Les mathématiques anciennes nous offrent l'exemple d'une décadence profonde après un brillant apogée; et l'on peut affirmer, de ce point de vue, que le vrai (p. 138) problème qui s'impose aujourd'hui dans l'histoire des mathématiques est de préciser les circonstances et de déterminer les causes de la décadence passée, en vue de connaître les précautions à prendre pour éviter une décadence future.
P. Tannery.
La découverte en mathématiques a atteint deux maximums, l'un en géométrie pure aux temps d'Euclide, d'Archimède et d'Apollonius, et l'autre au xviie siècle, qui nous a donné l'Application de l'Algèbre à la Géométrie, le Calcul infinitésimal et le Principe de l'attraction.
La résolution des équations du troisième et du quatrième degré, le dénoûment du fameux cas irréductible furent la grande affaire des algébristes du xvie siècle.
Liouville.
L'idée préconçue que les mouvements célestes devaient être circulaires et uniformes a égaré les Grecs.
La même hypothèse d'une certaine simplicité des lois de la nature a, au contraire, guidé Kepler. S'il avait su combien sont complexes, les mouvements perturbés des planètes, il n'aurait pas découvert les lois qui donnent une première approximation de ces mouvements.
(p. 139) Les philosophes qui, dans l'antiquité, soutenaient l'opinion du mouvement de la terre furent taxés d'impiété; au xvie siècle, il se trouve encore des esprits assez malavisés pour commettre la même faute et pour transformer en question religieuse une question purement scientifique. On alla chercher dans les livres sacrés des textes dont on se fit des arguments; chacun les interpréta suivant sa fantaisie, et l'on vit tout à coup surgir les disputes les plus âpres et les plus déraisonnables, au détriment commun de la science et de la religion.
Valson.
À dire vrai, nous n'avons fait depuis les Grecs, que trois grandes découvertes en Mathématiques pures, mais elles ont une immense portée.
Descartes a inventé la Géométrie analytique, en représentant chaque courbe par une équation en x et y, qui est la relation constante entre les coordonnées d'un point quelconque de la courbe. Toute question de géométrie est alors transformée en une question d'algèbre.
Leibniz et Newton ont, presque simultanément, trouvé le Calcul infinitésimal qui permet d'analyser si finement la variation continue des fonctions.
Enfin de nos jours, Cauchy a su donner à l'Analyse, grâce aux imaginaires mieux comprises, une admirable et complète généralité.
(p. 140) Les histoires générales des mathématiques les plus importantes sont celles de Montucla en quatre volumes (dont les deux derniers sont de Lalande); de Bossut, plus courte; de Hankel, malheureusement inachevée à la mort de l'auteur; de Maximilien Marie (12 vol.) et de Moriz Cantor. Ce dernier livre, fruit de longues recherches est le plus complet, le plus approfondi.
M. Eneström publie à Stockholm un journal d'histoire des mathématiques, la Bibliotheca mathematica.
Nous devons aussi citer les nombreux travaux d'érudition et de critique de Paul Tannery et de Charles Henry.
Enfin le prince Balthasar Boncompagni a publié plus de vingt volumes de son Bulletin de bibliographie et d'histoire des mathématiques.
Les Éloges des académiciens par Fontenelle ont leur place marquée dans la bibliothèque de l'homme de goût. L'auteur a popularisé le premier les savants et la Science. Son influence a été plus grande qu'on ne le croit, il l'a exercée délicatement et discrètement en parsemant de pensées brillantes un fond sérieux. Voltaire compare ces éloges à «ces moissons abondantes où les fleurs croissent naturellement avec les épis».
(p. 141) M. P. Lafitte traite au Collège de France de l'histoire générale des Sciences, au point de vue positiviste. Nous n'avons, à vrai dire, aucune chaire d'histoire des mathématiques. C'est là une lacune regrettable dans notre haut enseignement.
En Belgique, à l'université de Gand, M. Mansion fait un cours régulier d'histoire des mathématiques et ce cours est obligatoire pour les étudiants scientifiques.
«Combien ai-je vu, dit M. Bertrand, d'anciens candidats à l'École Polytechnique qui, connaissant fort bien un traité d'algèbre classique et n'ayant rien lu au delà, ignoraient les noms d'Euler et de Bernoulli, et mettaient sur le même plan dans leur souvenir Newton et Bezout, Descartes et Budan, Cauchy et Sarrus.»
Les sciences mathématiques ont composé longtemps tout le domaine des idées exactes; partout ailleurs on ne retrouvait que les vains efforts du génie pour arriver à la connaissance de la vérité, et les erreurs sans nombre que les doctrines insuffisantes des premiers inventeurs traînaient à leur suite. Le langage mystérieux employé par les philosophes formait avec la langue précise et claire des sciences exactes, un contraste singulier qui inspirait au géomètre le plus profond mépris pour les autres sciences. Mais, lorsque les phénomènes célestes vinrent se ranger sous les lois du calcul, l'étude des mathématiques devint plus générale, et les bons esprits furent frappés d'une (p. 142) manière d'argumenter si différente de celle de l'École.
La langue mathématique est celle de la raison dans toute sa pureté; elle interdit la divagation, elle signale l'erreur involontaire; il faudrait ne pas la connaître pour la faire servir à l'imposture.
Sophie Germain.
À l'occasion du 60e anniversaire de sa naissance, le roi de Suède et de Norvège a institué un grand prix de mathématiques et tous les géomètres de l'Europe ont été invités à concourir. Le prix a été obtenu par M. Poincaré et la seconde récompense, une médaille d'or, par M. Appell. (Février 1889.)
Les principaux journaux de mathématiques sont, en France: le Journal de Mathématiques pures et appliquées, fondé par Liouville et dirigé par Jordan; le Bulletin des Sciences mathématiques, fondé et dirigé par Darboux; les Nouvelles annales de Mathématiques, fondées par O. Terquem et Gérono et dirigées par Laisant et Antomari; le Journal de Mathématiques élémentaires et spéciales, fondé par J. Bourget et dirigé par G. de Longchamps; la Revue de Mathématiques spéciales rédigée par E. Humbert; le Journal de Mathématiques élémentaires, dirigé par notre collaborateur Vuibert, etc.
(p. 143) L'Académie des sciences, à l'Institut de France, comprend cinq sections pour les Mathématiques. Voici les noms des membres par ordre de nomination:
Géométrie.—Hermite; Jordan; Darboux; Poincaré; Émile Picard; Appell.
Mécanique.—Maurice Lévy; Boussinesq; Deprez; Sarrau; Léauté; général Sebert.
Astronomie.—Faye; Janssen; Lœvy; Wolf; Callandreau; Radau.
Géographie et navigation.—Bouquet de La Grye; Grandidier; de Bussy; Bassot; Guyou; Hatt.
Physique générale.—Cornu; Mascart; Lippmann; A.-H. Becquerel; Potier; Violle.
Secrétaires perpétuels de l'Académie.—J. Bertrand, pour les sciences mathématiques, et Berthelot, pour les sciences physiques.
Parmi les Académiciens libres, on remarque de Freycinet; Haton de la Goupillière; amiral de Jonquières; Rouché, etc.
Parmi les Mathématiciens vivants, nous citerons: en Belgique, Mansion et Neuberg; en Angleterre, Forsight, Sylvester et Salmon; en Norvège, S. Lie (actuellement à Leipzig), Bjirknes, Syllow; en Suède, Bäcklund, Lindsteedt; en Danemark, Petersen, Zeuthen; en Russie, Liapounoff, Markoff; en Allemagne, Dedekind; Fuchs; Gordan; Klein; Schwarz; Weber; Wemgarten; en Italie, Beltrami, Brioschi et Cremona, etc., etc.
(p. 144) Voici les noms de quelques autres mathématiciens français: D. André, Borel, Brisse, Brocard, Fouret, Goursat, Hadamard, G. Humbert, le P. Joubert, Kœnigs, Laisant, H. Laurent, de Longchamps, Mannheim, Méray, Moutard, Painlevé, J. Tannery, etc., etc.
On a organisé à Paris, en 1872, une Société mathématique qui compte près de trois cents membres et qui publie le Bulletin de ses travaux. Les séances ont lieu deux fois par mois. Le siège est rue des Grands-Augustins, 7.
Le 24 décembre 1892, on a fêté, à la Sorbonne, les soixante et dix ans de notre grand géomètre Hermite. Nous extrayons du discours du Ministre de l'Instruction publique le passage suivant:
Pascal voit dans la géométrie «le plus haut exercice de l'intelligence»; il place les géomètres au premier rang «des princes de l'esprit». C'est l'honneur de notre France d'avoir produit plus qu'aucune autre nation, de ces génies subtils et puissants, capables d'embrasser l'ensemble des vérités qui constituent les lois des nombres et de l'étendue. Déjà au dix-septième siècle, Descartes, Pascal et Fermat nous permettent de n'envier personne, pas même l'intelligence suprême de Newton; au dix-huitième siècle nous prenons décidément le premier rang avec d'Alembert, avec Lagrange, avec Laplace, et le siècle dont nous sommes a vu affirmer (p. 145) et consolider cette maîtrise française de la géométrie par une suite de savants illustres, les Monge, les Carnot, les Ampère, les Cauchy, les Chasles, les Liouville, pour ne citer que quelques-uns de ceux qui ne sont plus...
Ch. Dupuy.
L'Intermédiaire des mathématiciens, dirigé par MM. Laisant et E. Lemoine, contient les questions les plus variées et les plus difficiles puis les réponses venues de divers côtés.
Vous avez disposé toutes choses avec nombre, poids et mesure.
Bible.
Les nombres gouvernent le monde.
Platon.
Il y a de la géométrie partout.
Leibniz.
Dieu, le grand géomètre.—Dieu géométrise sans cesse.
Platon.
Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part.
Rabelais; Montaigne; Pascal.
(p. 147) Il n'y a point de nombre aux yeux de Dieu. Comme il voit tout à la fois, il ne compte rien.
Condillac.
Au milieu de causes variables et inconnues, que nous comprenons sous le nom de hasard, et qui rendent incertaine et irrégulière la marche des événements, on voit naître à mesure qu'ils se multiplient une régularité frappante qui semble tenir d'un dessein, et que l'on a considérée comme une preuve de la providence.
Laplace.
Je ne puis concevoir comment de si habiles mathématiciens nieraient un mathématicien éternel.
Voltaire.
Platon avait écrit sur la porte de son école de philosophie ces mots: Que nul n'entre ici, s'il n'est géomètre.
Sans les mathématiques, on ne pénètre point au fond de la philosophie: sans la philosophie, on ne pénètre point au fond des mathématiques; sans les deux, on ne pénètre au fond de rien.
Bordas-Demoulins.
(p. 148) Le nombre réside dans tout ce qui est connu. Sans lui, il est impossible de rien penser, de rien connaître.... Le nombre et l'harmonie repoussent l'erreur; le faux ne convient pas à leur nature. L'erreur et l'envie sont filles de l'indéfini, sans pensée, sans raison; jamais le faux ne peut pénétrer dans le nombre, il est son éternel ennemi. La vérité seule convient à la nature du nombre et est née avec lui.
Philolaüs.
Les lignes et les figures de la géométrie sont très propres pour représenter à l'imagination les rapports qui sont entre les grandeurs, ou entre les choses qui diffèrent du plus et du moins, comme les espaces, les temps, les poids, etc., tant à cause que ce sont des objets très simples, qu'à cause qu'on les imagine avec beaucoup de facilité. On pourrait même dire à l'avantage de la géométrie, que les lignes peuvent représenter à l'imagination plus de choses que l'esprit n'en peut connaître, puisque les lignes peuvent exprimer les rapports des grandeurs incommensurables, c'est-à-dire des grandeurs dont on ne peut connaître les rapports à cause qu'elles n'ont aucune commune mesure par laquelle on en puisse faire la comparaison.
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Ce qui ne peut se faire qu'en beaucoup de temps par l'arithmétique se fait en un moment par l'algèbre et l'analyse, sans que l'esprit se brouille par le changement des chiffres et par la longueur des opérations. Une opération particulière d'arithmétique ne découvre (p. 149) qu'une vérité, une semblable opération d'algèbre en découvre une infinité.
L'algèbre... apprend à faire sur les grandeurs littérales tous les calculs qui servent à déduire les rapports les plus difficiles et les plus composés qu'on puisse désirer de savoir des mêmes grandeurs qui sont déjà connues. Ses calculs sont les plus simples, les plus faciles et en même temps les plus généraux qu'on puisse concevoir.
Malebranche.
Les plus grands géomètres n'ont pas été exempts de ce préjugé qui fait regarder l'analyse algébrique comme une sorte d'oracle qui ne fait pas toujours des réponses intelligibles, mais dont les énigmes doivent toujours renfermer un sens dont il faut s'étudier à pénétrer le mystère.
Duhamel.
Il y a beaucoup de différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. En l'un, les principes sont palpables, mais éloignés de l'usage commun; de sorte qu'on a peine à tourner la tête de ce côté-là, manque d'habitude; mais, pour peu qu'on s'y tourne, on voit les principes à plein; et il faudrait avoir tout à fait l'esprit faux pour mal raisonner sur des principes si gros qu'il est presque impossible qu'ils échappent.
Mais, dans l'esprit de finesse, les principes sont dans (p. 150) l'usage commun et devant les yeux de tout le monde. On n'a que faire de tourner la tête, ni de se faire violence. Il n'est question que d'avoir bonne vue, mais il faut l'avoir bonne, car les principes sont si déliés et en si grand nombre qu'il est presque impossible qu'il n'en échappe. Or, l'omission d'un principe mène à l'erreur: ainsi il faut avoir la vue bien nette pour voir tous les principes, et ensuite l'esprit juste pour ne pas raisonner faussement sur des principes connus.
Tous les géomètres seraient donc fins s'ils avaient la vue bonne et les esprits fins seraient géomètres s'ils pouvaient plier leur vue vers les principes inaccoutumés de la géométrie.
Ce qui fait que certains esprits fins ne sont pas géomètres, c'est qu'ils ne peuvent du tout se tourner vers les principes de géométrie; mais ce qui fait que des géomètres ne sont pas fins, c'est qu'ils ne voient pas ce qui est devant eux; et qu'étant accoutumés aux principes nets et grossiers de la géométrie, et à ne raisonner qu'après avoir bien vu et manié leurs principes, ils se perdent dans les choses de finesse, où les principes ne se laissent pas ainsi manier. On les voit à peine, on les sent plutôt qu'on ne les voit: ce sont choses tellement délicates et si nombreuses, qu'il faut un sens bien délié et bien net pour les sentir, et sans pouvoir le plus souvent les démontrer par ordre comme en géométrie, parce qu'on n'en possède pas ainsi les principes, et que ce serait une chose infinie de l'entreprendre. Il faut tout d'un coup voir la chose d'un seul regard, et non pas par progrès de raisonnement, au moins jusqu'à un certain degré. Et ainsi il est rare que les géomètres (p. 151) soient fins, et que les esprits fins soient géomètres; à cause que les géomètres veulent traiter géométriquement les choses fines, et se rendent ridicules, voulant commencer par les définitions, et ensuite par les principes; ce qui n'est pas la manière d'agir dans cette sorte de raisonnement. Ce n'est pas que l'esprit ne le fasse; mais il le fait tacitement, naturellement et sans art, car l'expression en passe tous les hommes, et le sentiment n'en appartient qu'à peu.
Et les esprits fins, au contraire, ayant accoutumé à juger d'une seule vue, sont si étonnés quand on leur présente des propositions où ils ne comprennent rien, et où, pour entrer, il faut passer par des définitions et des principes stériles, et qu'ils n'ont pas accoutumé de voir ainsi en détail, qu'ils s'en rebutent et s'en dégoûtent. Mais les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres.
Les géomètres qui ne sont que géomètres ont donc l'esprit droit, mais pourvu qu'on leur explique bien toutes choses par définitions et par principes: car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis. Et les esprits fins qui ne sont que fins, ne peuvent avoir la patience de descendre jusqu'aux premiers principes des choses spéculatives et d'imagination, qu'ils n'ont jamais vues dans le monde et dans l'usage.
Pascal.
On peut regarder la géométrie comme une logique pratique, parce que les vérités dont elle s'occupe, étant les plus simples et les plus sensibles de toutes, (p. 152) sont par cette raison, les plus susceptibles d'une application facile et palpable des règles du raisonnement.
d'Alembert.
J'ai insinué que les Mathématiques étaient fort utiles pour accoutumer l'esprit à raisonner juste et avec ordre; ce n'est pas que je croie nécessaire que tous les hommes deviennent des mathématiciens: mais lorsque par cette étude, ils ont acquis la bonne méthode du raisonnement, ils peuvent l'employer dans toutes les autres parties de nos connaissances...
L'algèbre donne de nouvelles vues et fournit de nouveaux secours à l'entendement...
Locke.
Il existe des vérités autres que les vérités de l'algèbre, des réalités autres que les objets sensibles. Cultivons avec ardeur les sciences mathématiques, sans vouloir les étendre au-delà de leur domaine; et n'allons pas nous imaginer qu'on puisse attaquer l'histoire avec des formules, ni donner pour sanction à la morale des théorèmes d'algèbre et de calcul intégral.
Cauchy.
Des éléments de Géométrie traités ainsi deviendraient en quelque sorte d'excellents éléments de logique, et seraient peut-être les seuls qu'il faudrait (p. 153) étudier. Lorsque l'esprit est naturellement juste, il porte avec lui la faculté de reconnaître si une proposition simple est vraie ou non. Il est beaucoup plus utile d'exercer cette faculté que de disserter à perte de vue sur sa nature. Si l'on voulait remporter le prix de la course, on penserait plutôt sans doute à exercer ses jambes qu'à raisonner sur le mécanisme de la marche. «Les règles, dit Condillac, sont comme des garde-fous mis sur les ponts, non pas pour faire marcher les voyageurs, mais pour les empêcher de tomber.» Si cela est, ainsi qu'il n'est pas permis d'en douter, il faut que les règles soient fort simples et en petit nombre. Celles de Descartes et de Pascal me paraissent suffisantes pour les esprits droits; quant aux autres, la Géométrie ne saurait exister pour eux.
Lacroix.
Nous voyons par expérience qu'entre esprits égaux, et toutes choses pareilles, celui qui a de la géométrie l'emporte et acquiert une vigueur toute nouvelle.
Pascal.
Socrate.—Faisons donc une loi à ceux qui sont destinés chez nous à remplir les premières places de s'appliquer à la science du calcul, de l'étudier, non pas superficiellement, mais jusqu'à ce que, par le moyen de la pure intelligence, ils soient parvenus à connaître l'essence des nombres; non pour faire servir cette science, comme les marchands et les (p. 154) négociants, aux ventes et aux achats, mais pour l'appliquer aux besoins de la guerre, et faciliter à l'âme la route qui doit la conduire de la sphère des choses périssables à la contemplation de la vérité et de l'être.
Glaucon.—Fort bien.
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Socrate.—Si l'on demande à ceux qui s'occupent de cette science: «De quel nombre parlez-vous? Où sont ces unités telles que vous les supposez, parfaitement égales entre elles, sans qu'il y ait la moindre différence, et qui ne sont point composées de parties?» Mon cher Glaucon, que crois-tu qu'ils répondent?
Glaucon.—Je crois qu'ils répondraient qu'ils parlent de ces nombres qui ne tombent pas sous les sens et qu'on ne peut saisir autrement que par la pensée.
Socrate.—Ainsi, tu vois, mon cher ami, que nous ne pouvons absolument nous passer de cette science, puisqu'il est évident qu'elle oblige l'âme à se servir de l'entendement pour connaître la vérité.
Glaucon.—Il est certain qu'elle est merveilleusement propre à produire cet effet.
Socrate.—As-tu aussi observé que ceux qui sont nés calculateurs, ayant l'esprit de combinaison, ont beaucoup de facilité pour presque toutes les autres sciences et que même les esprits pesants, lorsqu'ils se sont exercés et rompus au calcul, en retirent du moins cet avantage d'acquérir plus de facilité et de pénétration?
Glaucon.—La chose est ainsi.
Socrate.—Au reste, il te serait difficile de trouver (p. 155) beaucoup de sciences qui coûtent plus à apprendre et à approfondir que celle-là.
Glaucon.—Je le crois.
Socrate.—Ainsi, par toutes ces raisons nous ne devons pas la négliger; mais il faut y appliquer de bonne heure ceux qui seront nés avec un excellent caractère.
Glaucon.—J'y consens.
Platon.
Ceux qui ne voient dans les mathématiques que leur utilité d'application ordinaire, en ont une idée bien imparfaite; ce serait, en vérité, acquérir bien peu de chose à grands frais; car, excepté les savants et quelques artistes, je ne vois guère personne qui ait besoin de la Géométrie ou de l'Algèbre une fois dans sa vie. Ce ne sont donc ni les théories, ni les procédés, ni les calculs en eux-mêmes, qui sont véritablement utiles, c'est leur admirable enchaînement, c'est l'exercice qu'ils donnent à l'esprit, c'est la bonne et fine logique qu'ils y introduisent pour toujours.
Les mathématiques jouissent de cet avantage inappréciable, et sans lequel il serait le plus souvent superflu de les étudier, c'est qu'il n'est pas nécessaire de les savoir actuellement pour en ressentir les avantages, mais il suffit de les avoir bien sues; toutes les opérations, toutes les théories qu'elles nous enseignent peuvent sortir de la mémoire, mais la justesse et la force qu'elles impriment à nos raisonnements restent; l'esprit des mathématiques demeure comme (p. 156) un flambeau qui nous sert de guide au milieu de nos lectures et de nos recherches; c'est lui, qui, dissipant la foule oiseuse des idées étrangères, nous découvre si promptement l'erreur et la vérité; c'est par lui que les esprits attentifs dans les discussions les plus irrégulières reviennent sans cesse à l'objet principal qu'ils ne perdent jamais de vue; c'est ainsi qu'ils abrègent le temps et l'ennui, recueillent sans peine le fruit des bons ouvrages et traversent ces vains et nombreux volumes où se perdent les esprits vulgaires. Si les mathématiques ont trouvé beaucoup de détracteurs, c'est que leurs lumières importunes détruisent tous les vains systèmes où se complaisent les esprits faux. C'est que si les mathématiques cessaient d'être la vérité même, une foule d'ouvrages ridicules deviendraient très sérieux; plusieurs même commenceraient d'être sublimes; mais il était bien naturel que les esprits supérieurs et les meilleurs écrivains ne parlassent des sciences exactes qu'avec une sorte d'admiration; les grands hommes, dans quelque genre que ce soit, ne ravalent jamais les grandes choses; ils tâchent de s'y élever.
Poinsot.
Si l'esprit d'un homme s'égare, faites-lui étudier les mathématiques; car dans les démonstrations, pour peu qu'il s'écarte, il sera obligé de recommencer.
F. Bacon.
(p. 157) L'avancement, le perfectionnement des mathématiques sont liés à la prospérité de l'État.
Napoléon.
Une rigoureuse discipline de l'esprit prépare aux devoirs militaires, et l'on ne peut douter que les études mathématiques contribuent à former cette faculté d'abstraction indispensable aux chefs pour se faire une représentation intérieure, une image de l'action, par laquelle ils se dirigent en oubliant le danger, dans le tumulte et l'obscurité du combat.
Hermite.
Le siècle est plus que jamais dominé par les mathématiques
Rambaud.
Lors de la création de l'Université impériale, on dut enseigner «le français, le latin et les mathématiques.» Ce n'était pas assez, mais nous enseignons trop de choses maintenant.
Nul n'atteindra la gloire de Newton, dit Lagrange, car il n'y avait qu'un monde à découvrir.
(p. 158) Ce qui passe la géométrie nous surpasse.
Pascal.
Aucune investigation humaine ne doit s'appeler vraie science, si elle ne passe pas par les démonstrations mathématiques.
Léonard de Vinci.
Mesurer, c'est savoir.
Kepler.
L'action de nos sens et celle de notre entendement ont des bornes; le calcul n'en a pas.
Portalis.
Nous devons plutôt nous fier au calcul algébrique qu'à notre jugement.
Euler.
La vie n'est bonne qu'à étudier et à enseigner les mathématiques.
Poisson.
Le commentaire de Bachet sur Diophante ne fera pas diminuer le prix du pain, remarquait le judicieux Malherbe.
(p. 159) Le dessin, dit Condorcet, est la géométrie des yeux, la musique est celle des oreilles.
L'Art est la plus haute expression d'une arithmétique intérieure et inconsciente.
Leibniz.
... tous nos esprits mathématiques, polytechniques, soi-disant positifs, tous ceux qu'on a appelés spirituellement de bons esprits faux.
Sainte-Beuve.
Le calcul est nécessaire à tous ceux qui ne savent pas, ou qui ne peuvent pas, ou qui ne veulent pas beaucoup penser.
de Ramsay.
Le bon sens ne perd jamais ses droits: opposer à l'évidence une formule démontrée, c'est à peu près comme si, pour refuser à un homme le droit de vivre, on alléguait devant lui un acte de décès authentique.
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Les mathématiques ne doivent pas dégénérer en une débauche de logique.
J. Bertrand.
(p. 160) L'analyse pure, c'est l'esprit du nombre s'aiguisant lui-même.
Je comparerai volontiers les lumières des mathématiques à ces pâles soleils du nord, sous lesquels on reste glacé... Ils ne font éclore que des fleurs sans parfum et des fruits sans saveur.
Dupanloup.
Une logique rigoureuse, la recherche et l'amour de la vérité pour elle-même, forment la partie morale des mathématiques, qui par là appartiennent essentiellement à l'école stoïque. Offrir à la jeunesse, au début de la vie, des applications utiles, des méthodes d'approximation, comme objet principal d'étude, c'est dénaturer le but de l'éducation et cela peut avoir de funestes résultats. Toutefois, il ne faut pas confondre cette rigueur avec la manie démonstrative, qui, se défiant du sens commun, enlève au lecteur toute spontanéité.... Savoir ce qu'il ne faut pas dire est un art difficile, qu'on rencontre rarement.
O. Terquem.
L'idéal de l'amitié, c'est de se sentir un et de rester deux.
Mme Swetchine.
Celui qui compte dix amis, n'en a pas un.
(p. 161) Un homme est un chiffre: deux hommes placés à côté l'un de l'autre valent dix fois davantage; trois hommes en valent cent, quand ils ont mis ensemble leur esprit, leur argent et leur bonne volonté.
B. Franklin.
La vie morale de l'égoïste est l'équivalent exact de l'unité multipliée par elle-même.
Sauvage.
Dans tout ce que l'on entreprend, il faut donner les deux tiers à la raison et l'autre tiers au hasard. Augmentez la première fraction, vous serez pusillanime; augmentez la seconde, vous serez téméraire.
Napoléon.
Par la définition du point, de la ligne, de la surface, et par d'autres principes très familiers, nous parvenons à des connaissances qui mesurent enfin le ciel et la terre.
La Fontaine.
Les transformations de l'âme sont lentes; elles ne se font qu'avec la douleur multipliée par le temps.
Le P. Didon.
(p. 162) Les mathématiques pures sont une clef d'or qui ouvre toutes les sciences.
V. Duruy.
Créer en nous l'art de raisonner, et surtout de raisonner géométriquement, n'est qu'une bien faible partie de l'éducation. Ce sont les sentiments qui nous mènent, et non pas la logique ni la géométrie.
A. Croiset.
Rien n'est moins applicable à la vie qu'un raisonnement mathématique. Une proposition, en fait de chiffres, est décidément fausse ou vraie; sous tous les autres rapports, le vrai se mêle avec le faux...
Mme de Staël.
La géométrie est la meilleure et la plus simple de toutes les logiques, la plus propre à donner de l'inflexibilité au jugement et à la raison. C'est la lime sourde de tous les préjugés populaires.....
Diderot.
La logique a emprunté les règles de la géométrie sans en comprendre la force..... Je suis bien éloigné de mettre les logiciens en parallèle avec les géomètres qui apprennent la véritable manière de conduire la raison..... La méthode de ne point errer est recherchée (p. 163) de tout le monde. Les logiciens font profession d'y conduire, les géomètres seuls y arrivent, et hors de leur science il n'y a point de véritable démonstration.
Pascal.
Pascal confond l'art avec la science, et parce que les logiciens ne conduisent pas infailliblement au vrai, il immole la logique à ses chères mathématiques. C'est Leibniz qui a pleine raison quand il dit, contrairement à Pascal: «La logique des géomètres est une extension ou promotion particulière de la logique générale.» Les mathématiques empruntent donc la puissance de leur forme à la logique, loin de la lui donner.
Barthélemy Saint-Hilaire.
La raison mathématique se contente de fournir, dans le domaine le plus favorable, un type de clarté, de précision et de consistance dont la contemplation familière peut seule disposer l'esprit à rendre les autres conceptions aussi parfaites que le comporte leur nature.
Aug. Comte.
En mathématiques, comme ailleurs, la raison profonde des choses, le fond mystérieux de l'être sur lequel nous spéculons ou que nous observons, nous échappera peut-être toujours; peut-être aussi l'inquiétude qui en résulte pour nos intelligences est-elle (p. 164) l'aiguillon secret de cette passion que les savants apportent dans leurs recherches.
J. Tannery.
Il est toujours utile de penser juste, même sur des sujets inutiles. Quand les nombres et les lignes ne conduiraient absolument à rien, ce seraient toujours les seules connaissances certaines qui aient été accordées à nos lumières naturelles, et elles serviraient à donner à notre raison la première habitude et le premier pli du vrai.....
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L'esprit géométrique n'est pas si attaché à la géométrie qu'il n'en puisse être tiré et transporté à d'autres connaissances. Un ouvrage de morale, de politique, de critique, peut-être même d'éloquence, en sera plus beau, toutes choses d'ailleurs égales, s'il est fait de main de géomètre.
Fontenelle.
Le raisonnement mathématique est si particulier et si exclusif qu'une fois maître d'un cerveau, il s'en empare en entier et le rend inapte, pour ainsi dire, aux autres manières, pourtant aussi légitimes, d'arriver à la vérité.
Delbœuf.
Ne restons pas mathématicien partout et quand même. Il y a un vieil adage: purus mathematicus, (p. 165) purus asinus. Montucla dit plus poliment que «parmi les hommes qui se sont distingués en mathématiques, il y en a toujours eu un grand nombre dont la sagacité ne sortait pas du domaine géométrique.»
Le goût de l'exactitude, l'impossibilité de se contenter de notions vagues, de s'attacher à des hypothèses quelque séduisantes qu'elles soient, le besoin d'apercevoir clairement la liaison des propositions et le but où elles tendent, sont les fruits les plus précieux de l'étude des mathématiques.
Lacroix.
Les nuances délicates des idées morales échappent à la rigueur des raisonnements mathématiques, et une habitude trop exclusive de ceux-ci porte assez souvent l'esprit à vouloir tout réduire à des règles invariables, à des principes absolus; méthode si dangereuse, quand on l'applique au gouvernement des sociétés humaines, ou seulement aux rapports particuliers qui nous lient avec les autres hommes.
Cuvier.
L'étude des mathématiques nous accoutume à un enchaînement de déductions logiques dans lequel chaque anneau se rattache au précédent; elle donne ainsi de la continuité à l'attention, de la cohérence (p. 166) aux idées; elle apprend à l'intelligence à saisir les points fondamentaux d'un raisonnement, et à classer avec ordre les divers éléments de conviction, en leur accordant leur juste degré d'importance; qualités que l'on rencontre trop rarement dans le monde.
Whewell.
Les mathématiques donneront une fausse précision, une rigueur apparente qui masque la faiblesse des raisonnements, une raideur inflexible qui multiplie les erreurs, les rend irréparables et empêche la juste notion des choses. Hélas! qu'il y a peu de mathématiques dans les choses de la vie: elles sont complexes, changeantes, faites de finesses, de sous-entendus, de détails, et impossibles à exprimer par une formule.
Chandos.
Les mathématiques partout, une chimère de quelques esprits simplistes. Il ne faut pas abuser des meilleures choses.
Dans les Mathématiques, la censure et la critique ne peuvent être permises à tout le monde; les discours des rhéteurs et les défenses des avocats n'y valent rien.
Viète.
(p. 167) Les vérités mathématiques doivent être jugées par des mathématiciens.
Copernic.
Depuis huit jours, j'ai vu le premier rayon de lumière; depuis trois, j'ai vu le jour; enfin, à cette heure, je vois le soleil de la plus admirable contemplation. Rien ne me retient plus, je m'abandonne à mon enthousiasme; je veux braver les mortels par l'aveu franc que j'ai dérobé les vases d'or des Égyptiens, pour en former à mon Dieu un tabernacle loin de l'Égypte idolâtre. Si l'on me pardonne, je m'en réjouis; si l'on s'irrite, je me résigne. Le sort en est jeté, j'écris mon livre. On le lira dans l'âge présent ou dans l'avenir, que m'importe! Il peut attendre son lecteur: Dieu n'a-t-il pas attendu six mille ans pour se donner un contemplateur de ses œuvres?
Kepler.
Certains prétendent que les mathématiques dessèchent le cœur.
Il me semble que je n'ai été qu'un enfant jouant sur le bord de la mer et trouvant, tantôt un caillou plus poli, tantôt un coquillage plus joli que les autres, tandis que le vaste océan de la Vérité s'étendait inexploré devant moi.
Newton.
(p. 168) L'étude des mathématiques peut distraire des grandes douleurs: elle absorbe l'homme tout entier.
Boiste.
Le but unique de la Science, c'est l'honneur de l'esprit humain, et, à ce titre, une question de la théorie des nombres vaut autant qu'une question du système du monde.
Jacobi.
Les mathématiques sont une forte école de logique appliquée: elles nous forment indirectement à bien raisonner sur d'autres sujets que les nombres et les lignes.
Vous aimez, vous voulez le vrai; il importe que vous soyez pénétrés de la méthode à l'aide de laquelle on le découvre et on l'établit. Cette méthode est la même, qu'il s'agisse des plus hautes spéculations ou des questions de la vie ordinaire; ce n'est pas le syllogisme presque exclusivement détaillé jadis: il condamne la déduction lorsqu'elle est fautive, mais il n'apprend pas à la mettre en mouvement, pour augmenter la connaissance. La méthode générale, c'est l'analyse, non pas l'insuffisante analyse de Condillac, qui se borne à décomposer le tout en ses parties pour le mieux étudier, mais cette analyse plus large et plus féconde que les Anciens nous ont transmise.
Chaque fois que l'esprit veut chercher ou prouver, il substitue à plusieurs reprises à la chose en question (p. 169) une chose dont elle est la conséquence jusqu'à ce qu'il arrive à une chose connue. Le succès dépend du choix des relais; c'est un art précieux, dit Leibniz, que celui de s'aviser quand il faut de ce qu'on sait. On peut ainsi définir rapidement l'analyse pour la rappeler à ceux qui la connaissent, mais une pratique longue et attentive est seule capable d'en faire une habitude aisée et définitive.
Les mathématiques, par la clarté et le petit nombre des données primitives,—car là non plus on ne définit pas tout et on ne prouve pas tout,—les mathématiques fournissent la première application, l'application commode, je dirai même indispensable de l'analyse. Platon écrivant sur la porte de son école: «que nul n'entre ici s'il n'est géomètre», déclarait incapable d'aborder les questions philosophiques ceux qui n'avaient pas d'abord appris à raisonner en géométrie.
On admet au début quelques notions, quelques propositions qui brillent par elles-mêmes et c'est avec elles seules que toute la science se fait. Nous devons ainsi à Euclide et à ses successeurs une trame serrée de vérités utiles ou curieuses, enchaînées dans un bel ordre. Mais ce n'est pas assez de comprendre la doctrine des maîtres, il faut pouvoir y rattacher vous-mêmes les problèmes nouveaux et découvrir aussi à votre tour: voilà pourquoi on soumet à vos efforts des exercices mathématiques nombreux et gradués. D'une part, vous apprenez, par la démonstration des théorèmes et la vérification des problèmes, à tirer d'un principe ses conséquences, et de l'autre vous apprenez, par l'invention (p. 170) des problèmes et par l'exposition des théorèmes,—lorsque le professeur cherche devant vous,—à rattacher un fait particulier aux principes d'où il découle. Plus tard, je le crains et je m'y résigne, vous oublierez le détail de Legendre et vos propres travaux, mais toute cette géométrie aura aiguisé votre esprit, vous serez experts sur tout sujet à dégager d'une idée ce qu'elle contient, à substituer à une question d'autres questions plus aisées, à avancer vers la solution. Cette solution, vous ne l'atteindrez pas toujours, mais vous aurez d'autant plus de chances de l'atteindre que vous serez mieux dressés à chercher, à chercher patiemment, méthodiquement. Tout au moins, vous n'humilierez pas la raison, en tirant le faux du vrai.
Presque toujours et quel que soit l'objet qui vous occupe, vous aurez recours à une analyse progressive, tenace, prudente qui vous préservera des aventures. Il ne faut pas cependant bannir de la recherche, dans les sciences et ailleurs, une certaine hardiesse, l'audace même. Parfois l'inventeur, heureusement inspiré, court vers le but et l'atteint en sautant les intermédiaires. Mais il doit ensuite serrer la chaîne logique, autrement sa découverte ne serait définitive, ni pour les autres ni pour lui-même.
Trois groupes d'esprits ne méritent pas qu'on leur livre des vérités. Les premiers n'en font aucun usage, ils sont inertes, ils ne vont jamais en avant, ce sont des enfants trop faibles pour marcher seuls. Les seconds croyant raisonner rencontrent l'erreur, ils marchent, mais, hélas! c'est pour tomber souvent. Les (p. 171) troisièmes ne sont plus à plaindre mais à flétrir, ils faussent le vrai de parti pris, ce sont des sophistes, ils connaissent la route, mais ils suivent les chemins tortueux qui les mènent où leur passion veut. Une consciencieuse fréquentation des sciences vous évitera d'être classés dans ces catégories: vous saurez et vous voudrez marcher seuls et marcher droit.
Vous repousserez non seulement le faux, mais encore l'incomplet, l'approximatif, le vague qui nous envahissent. Voilà l'ennemi de tous les jours, ennemi fuyant, insaisissable. Que d'assertions qui ne sont pour ainsi dire, ni vraies ni fausses, que de pensées à peine ébauchées, échappant par là même à la réfutation! La faute en est aux hommes seulement littéraires, sans lest scientifique, ils sont frivoles et vains, ils dissertent avec facilité sur ce qu'ils ignorent. Vous vous tairez, lorsque vous n'aurez rien à dire; mais lorsque vous parlerez, lorsque vous écrirez, ce sera judicieusement, fermement, «chaque mot signifiera».
J'ai jusqu'ici supposé expressément des principes faciles, clairs et certains, comme le sont ceux des sciences formées, mais, dans beaucoup de spéculations, on n'a pas cette commodité. De là un péril grave contre lequel vous vous tiendrez en garde. Les esprits rigoureux, qui sont mal partis, avancent héroïquement en ligne droite; sûrs de leurs déductions, ils sont d'une ténacité déplorable, ils proclament, ils imposent leurs conclusions telles quelles, comme des dogmes. Un historien irrité est allé jusqu'à accuser les hommes de science des malheurs de la patrie vers la fin du siècle dernier. (p. 172) Vous vous arrêterez donc dès le seuil,—c'est absolument indispensable,—vous vous arrêterez longtemps sur les idées et les assertions fondamentales, et vous ferez porter directement sur elles tout l'effort de votre attention. Cette étude intrinsèque des principes est souvent compliquée, quelquefois impuissante, mais malheur à qui la néglige. Il n'y a presque rien à dire de général sur cette étude; elle dépend de la justesse, de la force, de la finesse native ou acquise de l'esprit; mais elle dépend surtout de la nature des questions: vous invoquerez tantôt des axiomes, tantôt l'observation, cette grande maîtresse, tantôt des conventions, tantôt des hypothèses. Quoi qu'il en soit, n'oubliez jamais que, tant valent les prémisses, tant valent les déductions; pesez de votre mieux ces prémisses, et si elles sont seulement probables, recevez aussi comme seulement probable tout ce que vous en tirerez. Le raisonnement garde dans tous les cas sa valeur relative, et, au pis aller, vous aurez cette consolation de ne pas ajouter à l'imperfection des données.
Le domaine de la pure raison est vaste et soumis à des règles absolues, mais il y a à côté des domaines plus libres. Vous ne serez pas positif toujours et quand même, vous ne traiterez pas avec une rigueur trop grande des sujets qui ne comportent pas cette rigueur.
Je veux parler d'abord des études dont les éléments sont trop complexes: la politique, une fois d'accord avec la morale, doit être flexible et tenir grand compte des races, des mœurs, des traditions; la médecine s'occupe de la matière animée que les lois physiques (p. 173) ordinaires ne régissent pas seules, elle varie ses prescriptions d'après le tempérament et l'esprit du malade; le droit lui-même laisse beaucoup à l'appréciation du juge, parce que nos codes, malgré leur étendue, ne peuvent pas prévoir tous les cas, toutes les circonstances.
Je veux parler en second lieu des questions toutes de nuance et d'impression personnelle: de certains sentiments qui naissent et grandissent mystérieusement dans l'âme, de l'art qui choisit et épure les belles réalités, du goût individuel, de la poésie. Il faut laisser en paix l'humanité, croire, espérer, rêver. N'allez pas criant à tout propos et hors de propos: Pourquoi cela? Qu'est-ce que cela prouve? Mot de je ne sais quel mathématicien après la lecture de l'Iphigénie de Racine. Lorsque votre imagination s'éveille, laissez-la voler à sa fantaisie. Ne prenez pas de grosses balances pour peser des toiles d'araignée.
Ces idées dont j'ai fait deux classes et qui, pour des motifs différents, échappent à la déduction formelle, ont leur grande importance, leur irrésistible attrait; vous vous garderez de les dédaigner, comme incertaines ou futiles. Pascal a tort d'affirmer que «ce qui passe la géométrie nous surpasse.»
Quelques-uns ont une estime outrée, exclusive, pour la forme du raisonnement en mathématiques, forme concise, sèche, nerveuse et tout à fait déplacée dans beaucoup de questions susceptibles pourtant de précision. Du reste, la rigueur est dans le fond même du raisonnement, et, s'il est faible, vous aurez beau le (p. 174) couper de conjonctions et lui donner un faux dehors scientifique. Spinosa ne fortifie guère sa philosophie en la disposant par théorèmes et par corollaires, il rend seulement son accès plus difficile. N'imitez pas ces formalistes impitoyables qui distinguent, divisent, subdivisent et arrivent parfois à sacrifier le fond à la forme et à quelle forme! Ils font comprendre ce vers paradoxal:
Et le raisonnement en bannit la raison.
Vous voilerez cet appareil et vous craindrez de compromettre une bonne cause par une argumentation peut-être exacte mais raide, hérissée, rebutante. Il convient, dans la vie, de varier, de délayer un peu les preuves, de les fleurir discrètement, enfin d'avoir raison avec un certain agrément.
Il est un autre travers du même genre, mais plus spécial. C'est celui d'invoquer le secours de l'Algèbre, de ses signes et de ses équations, là où elle n'a rien à voir. Ne s'est-on pas avisé de traiter algébriquement l'économie politique? Pour qu'un problème puisse être mis en équation, il faut que ses données soient d'une simplicité, d'une netteté bien rares. Presque toujours les nombreuses équations de condition, alors qu'on pourrait les écrire, embarrasseraient le calcul qui se traînerait péniblement. N'oubliez pas d'ailleurs que le calcul n'est qu'un instrument, il ne facilite pas l'analyse par une vertu propre, il ne dirige pas l'esprit, il doit être dirigé par lui. Cet instrument ne travaille que quelques matières, mais alors que vous pourriez lui soumettre des conceptions peu précises qu'il aiderait à déployer, il ne leur donnerait aucune consistance.
(p. 175) En résumé, les mathématiques, par leurs types excellents d'analyse, nous apprennent, suivant l'expression de Descartes, «à conduire par ordre nos pensées» et nous préparent ainsi aux divers travaux de l'esprit et aux affaires de la vie, parce que l'analyse sert partout.
Il y a cependant quelques périls, quelques abus à signaler: l'adhésion trop confiante aux principes, le traitement trop rigoureux de certains sujets, un goût trop prononcé pour la forme du raisonnement géométrique et pour la mise en formules.
(p. 179) Quittant la région sévère des généralités, des principes et des abstractions, reposons-nous, en observant les Savants et la Science par le côté familier.
Nous faisons un petit classement des aperçus et des anecdotes réunis ici, mais le lecteur peut feuilleter au hasard.
Je passais l'autre jour sur le Pont-Neuf avec un de mes amis: il rencontra un homme de sa connaissance qu'il me dit être un géomètre; et il n'y avait rien qui y parût, car il était dans une rêverie profonde: il fallut que mon ami le tirât longtemps par la manche et le secouât pour le faire descendre jusqu'à lui, tant il était préoccupé d'une courbe qui le tourmentait peut-être depuis plus de huit jours!...
Son esprit régulier toisait tout ce qui se disait dans la conversation. Il ressemblait à celui qui, dans un jardin, coupait avec son épée la tête des fleurs qui (p. 180) s'élevaient au-dessus des autres. Martyr de sa justesse, il était offensé d'une saillie, comme une vue délicate est offensée par une lumière trop vive. Rien ne lui était indifférent, pourvu qu'il fût vrai. Aussi, sa conversation était-elle singulière. Il était arrivé ce jour-là de la campagne avec un homme qui avait vu un château superbe et des jardins magnifiques; et il n'avait vu, lui, qu'un bâtiment de soixante pieds de long sur trente-cinq de large et un bosquet long de dix arpents (sic); il aurait souhaité que les règles de la perspective eussent été tellement observées, que les allées des avenues eussent paru partout de même largeur; et il aurait donné pour cela une méthode infaillible. Il parut fort satisfait d'un cadran qu'il y avait démêlé; et il s'échauffa fort contre un savant qui était auprès de moi, qui malheureusement lui demanda si ce cadran marquait les heures babyloniennes. Un nouvelliste lui parla du bombardement du château de Fontarabie; et il nous donna soudain les propriétés de la ligne que les bombes avaient décrite en l'air; et charmé de savoir cela, il voulut en ignorer entièrement le succès.
Montesquieu.
Le mathématicien exclusif ne voit en chaque chose qu'un prétexte pour calculer.
Le roi Ptolémée ayant demandé à Euclide de lui rendre plus faciles les mathématiques, celui-ci répondit: «Il n'y a pas de route royale en Géométrie.»
(p. 181) Il était meilleur courtisan que l'Alexandrin, ce chimiste professant devant un prince: «Monseigneur, ces gaz vont avoir l'honneur de se combiner devant vous.»
«J'ai été bien mal avant-hier, dit Lagrange, je me sentais mourir; mon corps s'affaiblissait peu à peu, mes facultés morales et physiques s'éteignaient insensiblement; j'observais avec plaisir la progression bien graduée de la diminution de mes forces, et j'arrivais au terme sans douleur, sans regrets, et par une pente bien douce; c'est une dernière fonction qui n'est ni pénible ni désagréable...
«Quelques instants de plus, et il n'y avait plus de fonctions, la mort était partout... Je voulais mourir, oui, je voulais mourir; mais ma femme n'a pas voulu: j'eusse préféré une femme moins bonne, moins empressée à ranimer mes forces, et qui m'eût laissé finir doucement.
«J'ai fourni ma carrière; j'ai acquis quelque célébrité dans les mathématiques. Je n'ai haï personne; je n'ai point fait de mal; il faut bien finir.»
Une fois, ayant demandé à Laplace quelque explication sur sa mécanique céleste, je le vis passer près d'une heure à tâcher de ressaisir la chaîne des raisonnements (p. 182) qu'il avait supprimés en disant négligemment: il est facile de voir que...
Biot.
Autrefois les mathématiciens se proposaient des problèmes les uns aux autres, ils cachaient leurs propres solutions et le gagnant recevait une somme d'argent. Les correspondances des savants au xvie et au xviie siècles sont pleines de piquants détails à ce sujet. Le P. Mersenne était souvent pris pour arbitre. L'Académie des sciences a maintenant régularisé ces concours, en proposant des questions et en donnant des prix.
Pascal soumit aux recherches des savants ses problèmes sur la cycloïde, en promettant une forte somme. Wallis seul trouva les principales réponses.
Le grand Descartes, au service de la Hollande en 1617, vit contre un mur une affiche en flamand qu'il se fit traduire par un passant. Il s'agissait d'un problème difficile proposé par un géomètre. Descartes le résolut sur le champ.
Jean Bernoulli tenait en médiocre estime les travaux de son fils Daniel. Un jour que le père et le fils avaient concouru dans un de ces tournois, le mémoire du fils fut préféré à celui du père qui ne pardonna jamais à Daniel de l'avoir emporté sur lui.
On lit dans celle que Leibniz a laissée: «Taille moyenne. Figure pâle. Mains froides. Pieds et doigts (p. 183) longs. Cheveux d'un brun foncé, droits et non frisés. Vue basse dès l'enfance. Corps maigre. Voix mince, mais claire, haute plutôt que forte. Difficulté de prononcer les gutturales et le R.
Aimant les odeurs fortes, les spiritueux; les choses sucrées et le sucre. Ayant l'habitude de mettre du sucre dans son vin.
N'est jamais ni trop gai, ni trop triste.
Se passionne promptement en pensées et en paroles et peut à peine se modérer, mais devient bientôt calme et doux.
Goût médiocre pour la conversation, mais la préférant aux jeux de cartes et aux exercices qui exigent du mouvement.
Menant et aimant de préférence une vie sédentaire.
Souriant plus souvent que riant.
Colère prompte et courte.
Commençant une entreprise avec hésitation et la continuant ferme, avec persévérance.
Mémoire médiocre.
Plus affecté d'un petit mal présent que d'un grand mal passé.»
On raconte que Newton, qui fut membre de la Chambre des Communes, y restait silencieux et distrait. Il n'ouvrit la bouche qu'une fois pour prier un huissier de fermer une fenêtre qui produisait un courant d'air.
Peu parlementaire, quoique anglais, mais pratique.
Lagny, le mathématicien, était à l'agonie; on le croyait déjà mort, lorsqu'un de ses confrères lui demanda: «Douze fois douze?» «Cent quarante-quatre», répondit faiblement le moribond.
D'autres prétendent que l'expérience a été faite sur l'abbé Bossut.
«Comme je venais de me marier, dit Kepler, la vendange étant abondante et le vin à bon marché, il était du devoir d'un bon père de famille d'en faire provision et de garnir ma cave. Ayant donc acheté plusieurs tonneaux, quelques jours après, je vis arriver mon vendeur pour fixer le prix en mesurant leur capacité: sans exécuter aucun calcul, il plongeait une baguette de fer dans chaque tonneau et déclarait immédiatement leur contenance.
Sous l'influence d'un bon génie qui sans doute était géomètre, les constructeurs de tonneaux leur ont précisément donné la forme qui, pour une même longueur donnée à la ligne mesurée par les jauges, leur assure la plus grande capacité possible; et comme aux environs du maximum les variations sont insensibles, les petits écarts accidentels n'exercent aucune influence appréciable sur la capacité, dont la mesure expéditive est par suite suffisamment exacte.
..... Qui peut nier que la nature seule, sans aucun raisonnement, puisse engendrer la géométrie, lorsqu'on (p. 185) voit nos tonneliers, conduits par leurs yeux et par l'instinct du beau, deviner la forme qui se prête le mieux à une mesure exacte!»
Géomètre de premier rang, Laplace ne tarda pas à se montrer administrateur plus que médiocre; dès son premier travail, nous reconnûmes que nous nous étions trompé. Laplace ne saisissait aucune question sous son véritable point de vue; il cherchait des subtilités partout, n'avait que des idées problématiques, et portait enfin l'esprit des infiniment petits jusque dans l'administration.
Napoléon.
«Je vais dans quelques jours entrer dans ma quatre-vingtième année; j'ai déjà vécu près de deux ans de plus que M. de Lagrange qui n'a vécu que soixante-dix-sept ans et soixante-dix-sept jours, et d'un an de plus que M. de Laplace qui a vécu soixante-dix-huit ans moins dix-huit jours; je dois donc compter un à un les jours qu'il plaira à Dieu de m'accorder, et je n'ai pas un moment à perdre pour achever la tâche que j'ai entreprise dans la vue de compléter, par un dernier effort, mes travaux sur les fonctions elliptiques et sur les transcendantes analogues..... C'est, en effet, la gloire de M. Abel que je mettrai dans tout son jour, (p. 186) en faisant voir que son théorème généralise à l'infini tous ceux que l'immortel Euler avait découverts sur les fonctions elliptiques. Une nouvelle branche d'analyse, bien plus vaste que celle des fonctions elliptiques, est ouverte par ce théorème admirable.»
Legendre.
Saunderson, quoique aveugle, fut professeur de mathématiques et d'optique, à l'Université de Cambridge.
Le célèbre Euler était aveugle, lorsqu'il composa son algèbre, si simple et si attrayante.
Plateau, de Gand, atteint de cécité, a continué ses recherches sur les figures d'équilibre des liquides.
Le jeune aveugle Penjon, qui suivait les cours du lycée Charlemagne, a eu en 1806 un prix de mathématiques au concours général et il a été nommé professeur de ces sciences au lycée d'Angers.
L'homme pense plus librement lorsqu'il ferme les yeux: il est moins distrait par les choses extérieures.
On appelle problème de Molyneux (géomètre anglais du xviiie siècle) le problème suivant: Un aveugle-né devenu subitement clairvoyant par une opération, pourrait-il tout d'abord et sans le secours du toucher distinguer une sphère d'un cube et dire: Voici la sphère et voilà le cube?
Le 12 novembre 1793, lorsque l'astronome Bailly, ancien maire de Paris, fut conduit à l'échafaud, un des gardes l'interpella: «Tu trembles, Bailly.» «Oui, je tremble, répondit ce dernier, mais c'est de froid.»
Le célèbre algébriste Cardan, qui était médecin, a cherché si les remèdes agissent d'après les progressions arithmétiques ou géométriques des doses. Ayant foi en l'astrologie, il avait tiré son horoscope et réglé en conséquence sa fortune. Mais le terme qu'il avait fixé étant arrivé, il se trouva réduit à une si grande misère qu'il dut mettre fin à ses jours.
Un autre, Fatio de Duiller, avait annoncé qu'il ressusciterait un mort, mais le mort résista.
Il y a peu d'années, l'Académie des sciences a décerné le prix dans un concours de hautes mathématiques à un mémoire dont l'auteur s'est trouvé être un pensionnaire de la maison nationale de Charenton. Il n'y avait pas d'inadvertance. Le mémoire était de tout premier mérite, d'autre part, l'auteur n'avait pas du tout songé à protester d'une façon détournée contre son sort. Sa raison était atteinte, mais non pas le casier des mathématiques. Et qui sait si ce n'est pas l'activité de cette portion privilégiée de la matière cérébrale qui avait atrophié une partie du reste?
L'un est le trop fameux Libri, savant et érudit, auteur d'une histoire des Mathématiques en Italie, qui a pillé nos bibliothèques dont il était l'Inspecteur. Il s'est sauvé en Angleterre, il a été condamné par les tribunaux, et il est mort misérablement en 1869. Notre Bibliothèque nationale a pu racheter la plupart des livres rares dont elle avait été dépouillée.
L'autre est l'escroc Vrain Lucas qui a mystifié le géomètre Chasles en lui vendant, de 1867 à 1869, des autographes d'après lesquels Pascal aurait fait la plupart des découvertes attribuées à Newton. Le faussaire a été condamné à deux ans de prison: il avait avoué avoir fait et trafiqué plus de vingt mille faux autographes.
Dans ce temps-là, sauf de rares exceptions, les savants, les mathématiciens surtout, étaient regardés dans le monde comme des êtres d'une nature à part. On aurait voulu leur interdire le concert, le bal, le spectacle, comme à des ecclésiastiques. Un géomètre qui se mariait semblait enfreindre un principe de droit. Le célibat passait pour la condition obligée de quiconque s'adonnait aux sublimes théories de l'analyse. Le tort était-il tout entier du côté du public? Les géomètres ne l'avaient-ils pas eux-mêmes excité à voir la question sous ce jour-là?...
D'Alembert reçoit indirectement de Berlin la nouvelle (p. 189) que Lagrange vient de donner son nom à une de ses jeunes parentes. Il est quelque peu étonné qu'un ami avec lequel il entretient une correspondance suivie ne lui en ait rien dit. Cela même ne le détourne pas d'en parler avec moquerie: «J'apprends, lui écrit-il, que vous avez fait ce qu'entre nous philosophes nous appelons le saut périlleux... Un grand mathématicien doit, avant toutes choses, savoir calculer son bonheur. Je ne doute pas qu'après avoir fait ce calcul, vous n'ayez trouvé pour solution le mariage.»
Lagrange répond de cette étrange manière: «Je ne sais pas si j'ai bien ou mal calculé, ou, plutôt, je crois ne pas avoir calculé du tout; car j'aurais peut-être fait comme Leibniz qui, à force de réfléchir, ne put jamais se déterminer. Je vous avouerai que je n'ai jamais eu de goût pour le mariage,... mais les circonstances m'ont décidé... à engager une de mes parentes... à venir prendre soin de moi et de tout ce qui me regarde. Si je ne vous en ai pas fait part, c'est qu'il m'a paru que la chose était si indifférente d'elle-même, qu'il ne valait pas la peine de vous en entretenir.»
Arago.
Le général Poncelet, officier du génie sous le premier empire, fut fait prisonnier pendant la terrible guerre de Russie et interné à Saratof, sur le Volga. Lorsque, pour se distraire, il voulut travailler les mathématiques, il constata qu'il les avait complètement oubliées, par suite du froid et de la fatigue. Alors, sans aucun (p. 190) livre, il reconstitua peu à peu toutes ces sciences à sa manière. Il a conservé et publié ses notes, pleines d'aperçus nouveaux et tout à fait personnels.
Le mathématicien, du flamand Bol, est au musée du Louvre. Le savant, en noir, tient d'une main une règle et de l'autre il montre une figure géométrique; il est grave et semble méditer.—Il y a aussi un mathématicien, de Vélasquez, au musée de Besançon.
Lorsqu'en 1826, Abel, mathématicien suédois, vint à Paris voir nos savants, il était coiffé d'une casquette étrange qui lui nuisit beaucoup.
Abel, mort jeune, avait du génie: c'est lui qui a découvert les fonctions dites abéliennes et établi l'impossibilité de la résolution algébrique des équations de degré supérieur au quatrième.
Dans un cours public, le professeur, M. Lefébure de Fourcy, écrivant au tableau d'après ses notes une très longue formule, dut s'excuser en disant: «Messieurs, j'ai oublié le dénominateur à la maison.»
Distrait comme un mathématicien, est un dicton justifié. Le grand Newton a donné le mauvais exemple: un jour, ne voulant pas interrompre son travail, il se préparait un œuf à la coque, lorsqu'au bout d'un moment, il s'aperçut qu'il tenait l'œuf à la main et qu'il avait fait cuire sa montre à secondes, bijou du plus grand prix, à cause de sa précision.
Le même Newton avait habitué ses chats à s'installer sans façon dans son cabinet de travail, mais la longueur des calculs du savant lassait souvent leur patience proverbiale. Les vieux matous allaient se mettre en expectative près de la porte; les plus jeunes, plus impatients, miaulaient impérieusement pour qu'on leur ouvrît. Continuellement interrompu, le savant se décida à faire une chattière juste assez grande pour laisser passer les petits félins qui étaient les plus turbulents de la troupe. Mais les gros, qui voyaient les petits aller et venir à leur guise, se livrèrent à un tel sabbat que Newton prit enfin le parti de faire pratiquer une grande chattière à côté de la petite.
Ampère, surnommé le distrait, remarqua, une fois qu'il se rendait à son cours, un petit caillou sur son chemin, et comme il n'était pas un savant exclusif, il le ramassa et l'examina. Tout à coup, le cours qu'il doit faire revient à son esprit, il tire sa montre, s'apercevant que l'heure approche, il double précipitamment le pas, remet le caillou dans sa poche et lance sa montre par-dessus le parapet du pont des Arts.
Ampère ne manquait jamais, lorsqu'il avait terminé (p. 192) une démonstration sur le tableau, à l'École polytechnique, d'essuyer les chiffres avec son mouchoir et de remettre dans sa poche le torchon traditionnel, toutefois, bien entendu, après s'en être préalablement servi.
Enfin Ampère se mit un jour à calculer sur la caisse noire d'un fiacre, avec le bout de craie qu'il portait toujours sur lui. Le fiacre se mettant en marche, le mathématicien le suivit en courant pour continuer ses équations.
Mais, voici qui est plus fort: on raconte qu'un géomètre, dont le nom nous échappe, quittant Paris pour aller se marier en province et craignant d'oublier la chose, avait écrit en grosses lettres sur son calepin «me marier en passant à Tours.»
De tous les métiers actuels, le plus dur est celui d'écrire des livres de mathématiques, et surtout des livres astronomiques.
Si, en effet, vous oubliez d'observer la rigueur propre des propositions et de leur enchaînement, des démonstrations et des conclusions, le livre n'offre pas le caractère mathématique. Si, au contraire, vous en tenez compte, la lecture devient très pénible...
Moi-même,... lorsque je viens à relire le présent ouvrage, je sens les forces de mon esprit s'affaiblir pendant que je rappelle à mon souvenir, en voyant les figures, les éléments des démonstrations que, dès l'origine, (p. 193) j'avais tirées de mon esprit, pour les traduire... en langage ordinaire. Aussi, pendant que je remédie à l'obscurité du sujet par un tissu de circonlocutions, me semble-t-il que, par un défaut contraire, je deviens trop verbeux en matière mathématique.
Or la prolixité a aussi son obscurité, non moins que la concision extrême....
Kepler.
La reine d'Angleterre, ayant daigné visiter une nuit l'Observatoire de Greenwich, exprima à Bradley l'intention de lui faire allouer un traitement plus convenable. «Je supplie Votre Majesté de ne pas donner suite à son projet, répliqua Bradley. Si la place de Directeur rapportait de l'argent, ce ne serait plus un astronome qui demeurerait ici.»
L'astronome Tycho-Brahe, voyageant en Allemagne, se prit de querelle avec un savant, à propos d'un théorème. Un duel s'en suivit, et le pauvre Tycho y perdit son nez! Il dut s'en faire mouler un en cire.
C'est une idée très généralement répandue que la plupart des personnes que l'on sait adonnées aux mathématiques (p. 194) passent aussi pour être habiles au jeu d'échecs. Ce jugement est habituellement formulé par des gens qui, ne connaissant pas le jeu d'échecs, s'imaginent qu'en raison de sa difficulté et de la grande attention qu'il exige, il emprunte nécessairement des ressources à l'emploi des mathématiques, qu'il ne saurait être convenablement joué que par des mathématiciens, et enfin, qu'il doit être naturellement joué par des mathématiciens.
Il est pourtant bien établi que le jeu d'échecs n'a aucune relation avec les mathématiques. Il n'y a pas eu et il n'y aura sans doute jamais d'ouvrage traitant de la théorie mathématique du jeu d'échecs, pas plus d'ailleurs que du jeu de dames; tandis qu'il existe des études mathématiques du jeu d'écarté (Dormoy), du jeu de billard (Coriolis), et de certains autres.
Il est à présumer que si les mathématiciens passent pour connaître ou aimer le jeu d'échecs, c'est sans doute parce que les mathématiciens ayant l'esprit familiarisé avec les notions de rapport et de combinaison, aperçoivent rapidement le pour et le contre de chaque trait du jeu. Mais, encore une fois, s'il existe,—et nous en connaissons,—des mathématiciens très habiles au jeu d'échecs, il ne s'en suit vraiment pas qu'on puisse étendre cette qualité à tous les mathématiciens indistinctement.
Voir, dans Edgar Poe, l'Automate joueur d'échecs. «Aucun coup dans le jeu des échecs ne résulte nécessairement d'un autre coup quelconque.»
L'académicien Ozanam, l'auteur des Récréations mathématiques, disait qu'il appartient à la Sorbonne de disputer, au pape de décider et au mathématicien d'aller au ciel en ligne perpendiculaire.
Sturm, lorsqu'il parlait du célèbre théorème qu'il a découvert, disait: le théorème dont j'ai l'honneur de porter le nom.
Parfois le mathématicien réfléchit longtemps sur une question sans parvenir à rien trouver et tout à coup, parfois même au moment où il y songe le moins, une idée se présente à son esprit et l'envahit tout entier; puis, sans être arrêtée par aucun obstacle, elle se développe et amène après elle la série de ses conséquences logiques: c'est un trait de lumière; tout ce qui avait embarrassé le savant devient clair, tout s'explique et s'enchaîne; il est dans une sorte d'ivresse délicieuse, de transport, d'extase. Mais parfois il est pris de craintes et de scrupules: il tremble d'avoir cru trop vite aux suggestions de son imagination et d'avoir été la dupe d'une illusion; tout cela lui semble trop beau pour être vrai. Il revient en arrière, il contrôle par le (p. 196) raisonnement l'exactitude de conjectures et il en reconnaît la justesse, c'est-à-dire la rigueur logique.
E. Joyau.
Je demande que cet ouvrage soit lu avec indulgence, et que les défauts inévitables dans une matière aussi difficile, soient moins un sujet de blâme qu'une occasion de tentatives nouvelles et de recherches plus heureuses.
Newton.
Cet extrait de la préface du grand livre des Principes nous montre combien les hommes de génie sont modestes.
Archimède était seul, occupé à réfléchir sur une figure de géométrie, les yeux et la pensée tout entiers à cette méditation, et ne s'apercevant ni du bruit des Romains qui couraient par la ville, ni de la prise de Syracuse. Tout à coup un soldat se présente et lui ordonne de le suivre devant Marcellus. Archimède voulut résoudre auparavant le problème, et en établir la démonstration; mais le soldat en colère tira son épée et le tua.
D'autres disent que le Romain arriva droit sur lui l'épée nue pour le tuer; qu'Archimède le pria, le conjura d'attendre un instant, pour qu'il ne laissât pas (p. 197) son problème inachevé et sans démonstration, mais que le soldat, ne se souciant pas du problème, l'égorgea.
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Quoi qu'il en soit, tout le monde s'accorde à dire que Marcellus en fut vivement affligé; qu'il repoussa, comme sacrilège, le meurtrier d'Archimède, et qu'il fit chercher et traita honorablement les parents de la victime.
Plutarque.
Il est bien rude le travail que j'ai déjà accompli, et bien rude celui que j'entreprends d'accomplir encore. Ce n'est ni le labeur ni la mémoire qui me conduiront au but: ils ne sont que d'humbles esclaves au service de l'idée pure qui se dirige elle-même. Mais la méditation opiniâtre, celle qui brise le front, exige plus de puissance que le labeur le plus soutenu. Si grâce à un exercice continuel de cette méditation, j'y ai acquis quelque force, qu'on ne dise pas qu'elle me soit devenue facile par quelque heureux don de la nature. C'est un rude, bien rude travail qu'il me faut soutenir, et le tourment d'esprit que me causent ces efforts a souvent ébranlé gravement ma santé. Mais la conscience de la force acquise me donne de mon travail la plus belle récompense, et m'encourage de nouveau à le poursuivre sans relâche. Des hommes sans idées, pour qui ce travail et par suite cette conscience qu'on a de sa force sont choses tout à fait inconnues, cherchent à détruire cette consolation, qui seule pourtant peut empêcher (p. 198) l'esprit de se laisser défaillir dans cette pénible carrière, en rendant odieuse, sous les noms de présomption et d'orgueil, la conscience qu'on a d'être indépendant et libre; car c'est par le mouvement seul de la pensée que l'homme est libre et s'appartient. Quiconque porte en soi l'idée d'une science, ne peut manquer d'apprécier les choses d'après la manière dont l'intelligence humaine s'y révèle: de ce point de vue élevé, bien des choses devront lui paraître futiles, qui peuvent sembler aux autres d'un assez grand prix.
Charles-Gustave Jacobi.
En 1829, quand le grand mathématicien (Ampère), atteint des premiers symptômes d'une maladie de larynx, voyageait sur la route d'Hyères, où il allait chercher le repos et le soleil, assis au fond d'une calèche à côté de son fils qui l'accompagnait, il se chargeait volontiers de payer les postillons. Aux portes d'Avignon, dans ce pays déjà méridional, où le langage populaire se colore et s'accentue d'épithètes énergiques, André Ampère essayait laborieusement de régler ses frais de route; mais d'un côté la distraction, de l'autre l'impatience, embrouillaient incessamment toutes ses additions.
L'affaire s'arrange enfin au gré de l'Avignonnais, qui reçoit son pourboire et dit d'un air de superbe dédain: «En voilà un mâtin qui n'est pas malin! Où celui-là a-t-il appris à carculer?»
(p. 199) Tout entier à l'admiration que m'inspirait le génie de mon père, disait notre ami (J.-J. Ampère), en rappelant ses souvenirs, je l'écoutais parler sur la classification des connaissances humaines, quand cet incident vint nous interrompre.
Mme H. C.
Les grands géomètres connaissent cette espèce de paresse, qui préfère la peine de découvrir une vérité à la contrainte peu agréable de la suivre dans l'ouvrage d'autrui. En général ils se lisent peu les uns les autres, et peut-être perdraient-ils à lire beaucoup: une tête pleine d'idées empruntées n'a plus de place pour les siennes propres, et trop de lecture peut étouffer le génie.
d'Alembert.
Au retour de son voyage astronomique au Cap de Bonne-Espérance, l'abbé La Caille avait obtenu la faveur de faire passer en France toutes ses malles, affranchies des droits de visite. Il pouvait, à cette occasion, faire un gain considérable et l'on fut surpris, lorsqu'au lieu de prendre des marchandises, il se borna à remplir une grande valise de paille et d'instruments. Quoique doux, il reçut fort mal un particulier qui lui offrit alors cent mille livres comptant, s'il voulait lui transmettre secrètement son privilège.
On avait alloué à l'astronome dix mille livres pour (p. 200) tous ses frais et ceux de son aide pendant l'expédition qui dura quatre ans (1750-1754). Il ne dépensa que 9145 livres et il s'empressa de rembourser le restant au trésor. Il paraît qu'on fit des difficultés pour accepter, le cas n'étant pas prévu par les règlements.
Le recteur de Montpellier, nommé Gergonne, était un de ces types complets de la vieille Université. Son visage orné d'un long nez en forme de bec à corbin, ne se déridait jamais; ses lèvres serrées et dédaigneuses ne s'ouvraient que pour laisser passer la critique, le reproche ou des mots piquants. Malheur au professeur qui osait s'écarter des bornes du programme ou quitter les routes battues! Jubinal, titulaire du cours de littérature étrangère, en fit l'épreuve à ses dépens. Instruit de la forme un peu légère et de la désinvolture de son enseignement, le vieux Gergonne vint l'entendre un jour; puis le faisant appeler, le réprimanda vertement et le somma de devenir plus sérieux, sous peine de suspension. Jubinal, ayant répondu, pour s'excuser, qu'il y avait beaucoup de monde à son cours:—Monsieur, dit Gergonne, de sa voix aigre et mordante comme des tenailles, Zozo, le charlatan du Peyrou, en a encore plus que vous!
Ce fut un mot malheureux pour le professeur de littérature étrangère, que les étudiants n'appelèrent plus que Zozo.
Mary-Lafon.
Encore enfant, Lacroix s'était ému à la lecture des aventures romanesques de Robinson Crusoë. Lui aussi, il voulait trouver cette île fortunée où il serait possible de mener, dans la compagnie de sa mère, une vie plus tranquille et moins éprouvée par la pauvreté. Cette idée qui a inspiré plus d'un beau rêve à de jeunes esprits, captiva son ardente imagination et excita son ardeur pour le travail. La construction du vaisseau qui devait le transporter vers ces rives enchantées exigeait des connaissances approfondies, il les chercha dans des traités spéciaux; les termes de géométrie l'arrêtaient fréquemment, il en demanda l'explication et le commentaire aux cours que Mauduit faisait alors au Collège de France. C'est sur les bancs de cette école que son rêve devait finir... À dix-sept ans, Lacroix professait les mathématiques à l'École des Gardes de la Marine à Rochefort.
J. Loridan.
On trouvait Monge inflexible chaque fois que l'intérêt public semblait exiger qu'il fît prévaloir les décisions de l'examinateur. «Vous avez refusé un candidat qui appartient à de bien puissantes familles, lui disait le maréchal de Castries, ministre de la marine. Votre décision me donne mille tracas; je suis accablé de réclamations.—Vous êtes parfaitement le maître, repartit l'austère examinateur, d'admettre le candidat qui m'a paru inacceptable; mais si vous prenez cette décision, Monsieur le maréchal, il faudra supprimer en même temps la place que j'occupe. Les fonctions que je remplis ne seraient plus ensuite ni utiles ni acceptables.» Le candidat inadmissible ne fut pas admis.
Dans ma longue carrière de professeur et d'examinateur, dit Lamé, rien ne m'a plus étonné que la brusque et subite apparition de la faculté du raisonnement mathématique chez un élève que je suivais (p. 203) depuis plusieurs années, plein de bonne volonté, de zèle pour le travail, du désir de comprendre ce qu'il était forcé d'abandonner à la mémoire, seule active chez lui. Un jour, à un certain instant, au milieu d'une démonstration mainte fois répétée, une porte s'ouvrit tout à coup dans son esprit: il comprenait! La joie, l'émotion de l'élève ne sauraient se décrire... Dès le lendemain son élan était pris, et il regagnait à pas de géant les retards du passé, de manière à primer tous ses camarades.
Poisson avait un genre de mérite dont se dispensent trop souvent ceux-là mêmes qui ne pourraient invoquer pour excuse le rang qu'ils occupent dans la science: l'exactitude. Jamais il ne manqua une leçon sans être retenu au lit par la maladie; jamais, tant que sa voix put se faire entendre, il ne confia à un suppléant la satisfaction d'initier à la science la jeunesse studieuse. On pourrait vraiment, en y changeant un seul mot, appliquer à ce savant les paroles qui terminent l'éloge d'Euler par Condorcet: «Tel jour, Poisson cessa de professer et de vivre.»
Jamblique raconte que Pythagore, ayant distingué un ouvrier, lui enseigna les mathématiques, en le (p. 204) payant trois oboles par théorème: c'était le prix de la journée de l'ouvrier. Bientôt, pour éprouver son élève, le philosophe feignit d'être tombé dans la misère et le jeune homme lui offrit à son tour trois oboles pour chaque nouveau théorème.
Nous empruntons à Arago, le récit de ses examens d'entrée et de sortie à l'École Polytechnique.
Mon camarade, intimidé, échoua complètement. Lorsqu'après lui, je me rendis au tableau, il s'établit entre M. Monge (le jeune), l'examinateur et moi, la conversation la plus étrange: «Si vous devez répondre comme votre camarade, il est inutile que je vous interroge.
—Monsieur, mon camarade en sait beaucoup plus qu'il ne l'a montré; j'espère être plus heureux que lui, mais ce que vous venez de me dire pourrait bien m'intimider et me priver de tous mes moyens.
—La timidité est toujours l'excuse des ignorants; c'est pour vous éviter la honte d'un échec que je vous ai fait la proposition de ne pas vous examiner.
—Je ne connais pas de honte plus grande que celle que vous m'infligez en ce moment. Veuillez m'interroger, c'est votre devoir.
—Vous le prenez de bien haut, monsieur! Nous allons voir tout à l'heure si cette fierté est légitime.
—Allez, monsieur, je vous attends!»
M. Monge m'adressa alors une question de géométrie (p. 205) à laquelle je répondis de manière à affaiblir ses présomptions. De là, il passa à une question d'algèbre, à la résolution d'une équation numérique. Je savais l'ouvrage de Lagrange sur le bout du doigt....
J'étais depuis deux heures et quart au tableau; M. Monge passant d'un extrême à l'autre, se leva, vint m'embrasser et déclara solennellement que j'occuperais le premier rang sur sa liste.
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L'examinateur était cette fois l'illustre géomètre Legendre.
... On venait d'emporter un élève complètement évanoui.
«Comment vous appelez-vous? me dit-il brusquement.—Arago, répondis-je.—Vous n'êtes donc pas Français...»
M'ayant fait une question qui exigeait l'emploi des intégrales doubles, il m'arrêta en me disant: «La méthode que vous suivez ne vous a pas été donnée par le professeur. Où l'avez-vous prise?—Dans un de vos mémoires.—Pourquoi l'avez-vous choisie? Était-ce pour me séduire?—Non, rien n'a été plus éloigné de ma pensée. Je l'ai adoptée parce qu'elle m'a paru préférable.—Si vous ne parvenez pas à m'expliquer les raisons de votre préférence, je vous déclare que vous serez mal noté, du moins pour le caractère.»
(p. 206) Un professeur anglais avait habitué ses élèves à se lever à chaque grand nom de mathématicien qu'il prononçait et à pousser un hurrah lorsqu'il était question d'Archimède ou de Newton.
En Chine, tous les trois ans, le 8e jour de la 8e lune, les candidats sont enfermés dans des espèces de niches qui les isolent complètement. À la porte, se tient un soldat armé d'une lance.
Si deux jeunes gens parvenaient à se communiquer leurs copies, ils seraient, assure un voyageur, condamnés à mort et exécutés sur le champ (?)
Chaque candidat jugé par trop faible est puni, dit-on, de cinquante coups de bambou sur la plante des pieds.
M. Thiers, le président de la République, était comme Chevreul un vieil étudiant. La géométrie lui était enseignée sur le tard par l'un de nos savants, M. Mannheim, qui lui parla un jour des diverses sections du cône, mais M. Thiers répliqua: «Allons donc, chacun sait que la section d'un cône de révolution par un plan est toujours un cercle!» «Vous croyez, M. le Président, hé bien, nous allons faire l'expérience sur une carotte.»
Un maître d'école des environs de Mayence rencontra quelques difficultés dans l'arithmétique qu'il enseignait aux enfants du village. Il en écrivit à un homme considérable attaché à l'Électeur et qui avait la réputation d'être très versé dans les sciences de calcul. À quelques semaines de là, l'homme considérable s'excuse auprès du maître d'école sur ses nombreuses occupations, de n'avoir pas répondu plus tôt, et entre ensuite dans tous les détails nécessaires pour faire disparaître les difficultés arithmétiques.
Cet homme considérable se nommait Leibniz.
Un polytechnicien, marchandant un bouquet et insulté par la poissarde, répliqua gravement, comme s'il récitait un théorème: «Eh! vas donc, vieux parallélogramme pyramide tronquée, octaèdre régulier, espèce de secteur, équation binome, tangente, etc.» Stupéfaction de la femme.
Bezout, examinateur de la marine, arrive à Toulon. Un des élèves était retenu au lit par la petite vérole; s'il n'est pas examiné sur le champ, sa carrière est perdue. Bezout n'a pas eu la petite vérole, il redoute extrêmement les atteintes de cette terrible maladie; (p. 208) néanmoins il se rend dans la chambre de l'élève, l'examine et le reçoit.
À l'Université de Cambridge, les étudiants d'élite terminent leurs études par une série d'examens sur les hautes mathématiques et le lauréat, ou senior wrangler, est encore plus fêté que notre Prix d'honneur au concours général. En 1890, les examinateurs ont déclaré que, s'ils avaient eu le droit de comprendre dans le classement final les jeunes filles autorisées seulement à prendre une part platonique au concours, c'est miss Philippa Fawcett qui aurait remporté la victoire.
Certains pédagogues américains ont résumé ainsi l'emploi du temps qu'ils proposent pour la jeunesse et qui consiste à répartir la journée également entre le travail, le repos ordinaire et le sommeil.
On sait que, de leur côté, des socialistes réclament aussi la réduction à huit heures de la journée du travailleur, même lorsqu'il est agriculteur ou pêcheur.
Il n'est pas rare... de voir des opérations de mathématiques, multiplications de facteurs à plusieurs chiffres, (p. 209) transformations algébriques ou trigonométriques faites de tête en un clin d'œil par de très jeunes enfants.
Le P. Goubé.
Les petits Indiens marchent ainsi sur les traces de leurs ancêtres.
Consulter Les Mathématiques aux Indes, par Delbos.
Chargé de corriger les compositions écrites du concours d'admission à l'École polytechnique, Le Verrier écrit à son père: «Le concours écrit dont je suis seul chargé est une sorte de magistrature que j'exerce et dont je comprends toute la portée; je ne dormirais plus, si je pensais que, par distraction, j'ai pu commettre une de ces injustices si cruelles pour un jeune homme et qui tuent son avenir. J'ai trop ressenti, il y a peu d'années, les douleurs d'un candidat pour ne pas considérer leurs droits comme sacrés.»
Nous lisons dans un petit livre anonyme sur l'enseignement: Le fort en thème et le fort en x vivent en assez bonne intelligence, en se faisant des concessions réciproques. Le premier ne croit point à la supériorité réelle de son émule. Le second est d'une indulgence écrasante pour les toquades de l'autre.
Aux examens de l'École polytechnique, en 1833, l'Examinateur M. Reynaud, ayant appelé un candidat absent, demande un élève de bonne volonté, pour le remplacer. Le jeune Catalan, poussé par ses camarades, se risque, quoiqu'il n'ait jamais assisté à un examen. Pauvrement et grotesquement vêtu, il a l'air d'un jeune sauvage. Il hésite au début, puis il se relève et même il brille. Après avoir longuement parlé, il aperçoit un verre, une carafe d'eau, du sucre, et... il se prépare un verre d'eau sucrée. M. Reynaud accourt, et s'écrie: «Êtes-vous indisposé?» «Non, Monsieur, mais voilà longtemps que je parle: j'ai grand'soif!» L'apparente effronterie n'était que de la naïveté. La légende dura plusieurs années: «Catalan qui boit le verre d'eau de l'examinateur!»
Toto était interrogé avec bonhomie par son père sur la soustraction: «Si tu as huit pommes et que tu m'en donnes trois, combien t'en reste-t-il?»—Le tout petit réplique aussitôt: «Si j'ai cinq-z-yeux et que tu m'en crèves six, combien qu'i'm'en reste?»
On dit à un enfant de faire une mesure avec le mètre, il essaye mais en vain: le mètre n'était pas assez long!
Loulou.—Répétiteur d'math...
Papa.—Hein?
Loulou, condescendante.—... ématique... mathématiques... nous disons math... c'est plus court...
Papa.—En effet...
Loulou.—C'est du reste pour toi qu'j'avais dit répétiteur (p. 212) d'math... car on doit dire: «l'rep... d'math...» c'est le vrai genre...
Papa.—Ah!... c'est le genre!... et pourquoi as-tu un répétiteur de math... puisque math... il y a?
Loulou.—Parc'que c'est ce qui me chante l'moins!... j'suis obligée d'les bûcher très dur, ces sales math!...
Gyp.
Lorsqu'au temps jadis, le duc d'Angoulême fut nommé grand-maître de la Marine, on s'aperçut avec stupeur qu'il savait à peine compter. Immédiatement le plus célèbre géomètre de France fut mandé pour l'instruire en la mathématique, comme on disait alors. Mais c'est en vain qu'il tenta d'en démontrer les principes les plus élémentaires à son auguste disciple. Celui-ci l'écoutait avec une exquise politesse, mais en hochant la tête avec un doux air d'incrédulité.—Un jour, à bout d'arguments, le pauvre maître s'écria: «Monseigneur, je vous en donne ma parole!» «Que ne le disiez-vous plus tôt! Monsieur, répondit le duc en s'inclinant: je ne me permettrai plus jamais d'en douter.»
Deux paysans ont échangé leurs champs, l'un carré de 6m de côté, l'autre rectangulaire de 9m de long sur 3 de large, chacun des champs ayant ainsi 24m de tour. Le second paysan se prétend lésé.
(p. 213) Mon arrière-grand-père, ayant emprunté un sac de blé de 6 pieds de haut sur 4 pieds de large, en a ensuite rendu quatre de 6 pieds aussi de haut et d'un pied de large chacun. Le prêteur n'a pas accepté.
Un jardinier a droit à l'eau que lui apporte un conduit circulaire. Il paye pour avoir le double d'eau et il double à cet effet le diamètre du conduit. On lui fait un procès.
Bernardin de Saint-Pierre ne comprenait pas la question du rayon de courbure de l'ellipsoïde terrestre et il fatiguait l'Institut de ses notes. «Apprenez le calcul différentiel, lui dit un jour Napoléon, et vous lèverez vous-même vos ridicules objections.»
Voir la préface de La chaumière indienne où l'on trouve l'explication des marées par la fonte des neiges polaires.
Arago, qui fut un admirable vulgarisateur dans ses cours de l'Observatoire, regardait toujours celui de ses auditeurs qui lui paraissait être le moins intelligent, et lorsque cet auditeur lui semblait avoir compris, il était assuré de la clarté de sa démonstration.
Or, un jour, dans un salon où il venait de raconter ce fait, un jeune homme entra, qu'il ne connaissait pas et dont il eut à subir les saluts les plus empressés.
(p. 214)—À qui ai-je l'honneur de parler? lui demanda-t-il.
—Oh! monsieur Arago, vous devez bien me connaître, car j'assiste assidûment à vos leçons, et vous ne cessez de me regarder pendant tout le temps.
On rapporte qu'un ambassadeur, visitant une école supérieure de Constantinople, proposa de démontrer que la somme des angles d'un triangle est égale à deux angles droits. Après mûres réflexions, le collège des Muhendis ou des géomètres conclut à l'exactitude de la proposition pour le triangle équilatéral.
Olry Terquem, auquel nous empruntons l'anecdote, s'est trompé. Le baron de Tott dit, dans ses mémoires, qu'il lui fut répondu: «C'est selon le triangle.»
D'après un journal de la Triplice (ne pas confondre avec la triple x), la police russe a fait emprisonner un voyageur porteur d'une Table de logarithmes qu'elle considère comme une longue correspondance chiffrée des plus compromettantes.
Nous faisions à l'École, un usage plus gai de nos tables de logarithmes: nous les chantions... d'après la méthode Chevé.
Sous le gouvernement de Juillet, il a été promulgué une loi sur le Timbre et l'Enregistrement dans le texte de laquelle le décimètre carré était confondu avec le dixième du mètre carré. Les instituteurs ont bien ri.
Plus récemment, la Chambre a imposé les verres à vitre dont la surface est supérieure à 50 centimètres de côté.
Dickens raconte qu'un étudiant, ayant négligé l'arithmétique, procédait toujours par addition. Il entra un jour dans une boutique d'épicerie et l'utilité de la multiplication lui fut enfin révélée.
Un monsieur porteur d'une carte d'entrée à l'Observatoire pour observer une éclipse arriva trop tard: «Je connais particulièrement Arago, affirma-t-il, il aura la bonté de recommencer pour moi.»
Des signaux de triangulation ayant été établis près du château de M. X..., député, on s'exclamait sur sa grande influence qui lui avait permis de faire passer le méridien dans son domaine.
Un orateur de club, voulant échapper au bon plaisir des administrateurs municipaux d'Auxerre, demandait (p. 216) que les noms des quartiers du Nord, de l'Est, du Sud et de l'Ouest fussent tirés au sort.
Un jour viendra où le cours des comètes sera connu et assujetti à des règles comme celui des planètes.
Sénèque.
Je viens vous annoncer une grande nouvelle:
Nous l'avons, en dormant, Madame, échappé belle.
Un monde près de nous a passé tout du long,
Est chu tout au travers de notre tourbillon;
Et s'il eût en chemin rencontré notre terre,
Elle eût été brisée en morceaux comme verre.
Molière.
Nous avons ici une comète qui est bien étendue, c'est la plus belle queue qu'il soit possible de voir. Tous les plus grands personnages sont alarmés et croient que le ciel, bien occupé de leur perte, en donne des avertissements par cette comète. On dit que le cardinal Mazarin, étant désespéré des médecins, les courtisans crurent qu'il fallait honorer son agonie d'un prodige, et lui dirent qu'il paraissait une grande comète qui leur faisait peur. Il eut la force de se moquer d'eux, et leur dit plaisamment que cette comète lui faisait trop d'honneur. En vérité on devrait en dire autant que lui, et l'orgueil humain se fait aussi trop d'honneur de croire qu'il y ait de grandes affaires dans les astres quand on doit mourir.
Mme de Sévigné.
(p. 217) Comètes que l'on craint à l'égal du tonnerre,
Cessez d'épouvanter les peuples de la Terre:
Dans une ellipse immense achevez votre cours;
Remontez, descendez près de l'astre du jour;
Lancez vos feux, volez et revenant sans cesse,
Des mondes épuisés ranimez la vieillesse.
Voltaire.
D'avance, à l'avenir, nous écrivons leur route:
Nous disons à celui qui n'est pas encor né,
Quel jour, au point du ciel, tel astre ramené
Viendra de sa lueur éclairer l'étendue,
Et rendre au firmament son étoile perdue.
Lamartine.
L'enseignement mathématique fait l'homme machine et dégrade la pensée. L'âme d'un peuple n'est pas ce chiffre muet et mort à l'aide duquel il compte des quantités et mesure des étendues: la toise et le compas en font autant.
Lamartine.
Défiez-vous des ensorcellements et des attraits diaboliques de la géométrie.
Fénelon.
Un mathématicien de plus, un homme de moins.
Dupanloup.
Le naturaliste Owen demandait en souriant une sous-classe, celle de l'homo mathematicus.
L'astrologie est la fille de l'astronomie, mais c'est la fille très folle d'une mère très sage.
Voltaire.
De quoi vous plaignez-vous, philosophes délicats, si une fille que vous estimez folle soutient et nourrit sa mère qui est sage mais pauvre? Les hommes ne sont-ils pas encore plus fous de ne pouvoir supporter la mère qu'à cause des folies de sa fille? Pensez-vous qu'ils eussent jamais étudié la science pour elle-même, s'ils n'eussent espéré d'arriver ainsi à lire l'avenir dans le ciel? Si vous prétendez que la science vous mène à la philosophie, vous attendrez longtemps.
Kepler.
Le grand Kepler, pour se procurer quelque argent et continuer ses travaux, dut se résigner à publier des almanachs avec des prophéties.
Le premier des czars, Ivan IV, demanda à un géomètre combien il faudrait de briques pour construire un bâtiment régulier dont il lui indiqua les dimensions. La réponse fut rapide et l'expérience la justifia, aussi Ivan, dit le terrible, fit-il brûler le calculateur..... comme sorcier.
Un gentilhomme, membre amateur de l'Ancienne Académie des Sciences, ayant entendu disserter sur les équations, n'abordait plus ses confrères de mathématiques qu'en leur demandant: «Est-ce que c'est toujours égal à zéro?»
On annonçait une éclipse de soleil. La veille au soir, le colonel d'un régiment fait venir tous les sergents et leur dit: «Une éclipse de soleil aura lieu demain matin. Le régiment se réunira sur la place d'armes en petite tenue. Je viendrai moi-même expliquer l'éclipse avant l'exercice. Si le temps est couvert, on se réunira au manège comme d'habitude.»
Aussitôt les sergents de rédiger leur ordre du jour:
«Une éclipse de soleil aura lieu demain matin, par ordre du colonel. Le régiment se réunira sur la place d'armes, où le colonel viendra diriger l'éclipse en personne. Si le temps est couvert, l'éclipse aura lieu dans le manège.»
Bien avant de savoir compter, l'enfant se fait une certaine idée des nombres. M. Preyer parle d'un petit de dix mois auquel il était impossible d'emporter une de ses neuf quilles sans qu'il s'en aperçût. À dix-huit mois, cet enfant avait été habitué à apporter à sa mère (p. 220) deux mouchoirs qu'il remportait ensuite à leur place; il ne lui en fut rendu un jour qu'un seul, il vint chercher le second avec un regard et des intonations qui indiquaient son désir de l'obtenir.
Voir sur les idées enfantines de grandeur et de nombre les expériences de M. Binet, dans la Revue philosophique de juillet 1890.
Un marin, arrivant d'Australie, avec une caisse de coquillages précieux, en prend un et se rend chez un marchand de curiosités.
«—Voulez-vous m'acheter ce coquillage?
—Certainement, c'est superbe, j'en donne vingt-cinq francs.
—Vingt-cinq francs, s'écrie le marin avec joie, mais me voilà riche, j'en ai apporté six mille.
—Doucement, dit le marchand, si vous en avez six mille... ça vaut deux sous pièce.»
Il passait pour tel, ce pauvre garçon, jusqu'à l'incident qu'il nous raconte ainsi:
«Mon attention était si tendue, que par moment je retenais mon haleine, comme un plongeur. Pas à pas, je suivis la démonstration, et je fus littéralement abasourdi, lorsque le professeur arriva à la conclusion, en m'apercevant que j'avais tout compris jusqu'au dernier mot.
(p. 221) Après la joie de découvrir la vérité par lui-même, la plus grande joie pour un homme, dans l'ordre des joies de l'esprit, est celle de concevoir la vérité démontrée. Il est probable que mon contentement se marqua sur ma figure car, lorsque le professeur se retourna de notre côté, il me sembla que c'était moi qu'il regardait plus particulièrement.
Quand il demanda, comme d'habitude: «Quelqu'un désire-t-il venir au tableau pour reprendre cette démonstration?» quelques mains se levèrent, la mienne fut du nombre. Pourquoi? Comment? Je ne saurais vraiment le dire, car lorsque je m'en aperçus, il me sembla qu'elle s'était levée spontanément, de sa propre autorité, sans me demander mon assentiment. Ce fut moi que le professeur désigna d'un signe de tête plein de bienveillance.»
Jules Girardin.
Lalande avait préparé en 1773 pour l'Académie des sciences un mémoire qu'une circonstance quelconque l'empêcha de lire. Le bruit se répandit dans le public que l'astronome y prédisait à courte échéance la destruction de notre planète. L'émotion fut telle que le lieutenant de police demanda à lire le mémoire; il n'y trouva rien d'alarmant et, pour calmer les esprits, il en ordonna la publication immédiate. Toutefois beaucoup de personnes restèrent persuadées qu'on avait (p. 222) supprimé le passage menaçant. On lit dans une chanson de l'époque:
Oui, de vous landerirette
Monsieur Lalande rira.
Voyez-vous treize humains en troupe,
Attablés et mangeant la soupe,
Sachez que l'un d'iceux sera
Trépassé quand l'an finira.
Le Club des treize a été fondé à Londres pour combattre les superstitions: les tables comportent toujours treize couverts et le menu est toujours composé de treize plats.
L'enfant ne fait d'abord de distinction qu'entre l'objet simple et la pluralité. À l'âge de 18 mois seulement il distingue entre un, deux et plusieurs. En Europe, il faut arriver à l'âge de 10 ans pour apprécier l'idée de centaine. L'enfant peut sans doute répéter par cœur la série avant ce moment, mais sans déterminer intellectuellement le nombre dans son abstraction.
Houzeau.
Nous lisons dans une pièce de vers à Louis XVIII:
Grand Dieu, c'est pour Louis que mon zèle t'implore
Prolonge ses jours précieux!
Laisse-nous en jouir quelques siècles encore!
C'est à deux lieues, mon petit ami.—Mais en marchant vite, bien vite?
On a surpris un pauvre enfant s'acharnant à réduire une fraction, une seule fraction,.. au même dénominateur!
Le même, interrogé sur les triangles semblables, traça un seul triangle au tableau: soit le triangle semblable ABC....
Madame ***, qui a du temps à perdre, mesure chaque fois le diamètre et la circonférence. N'essayez pas de lui expliquer... Elle fait comme ses aïeules.
Une autre dame, moins consciencieuse, faisait ainsi (p. 224) le compte de son âge: «Je me suis mariée à 18 ans; mon mari en avait trente et il en a maintenant le double... donc j'ai 36 ans.» Vous devez vous tromper, Madame, vous paraissez plus jeune que vous ne dites.
Hier, raconte Kepler, fatigué d'écrire et l'esprit troublé par des méditations sur les atomes, je fus appelé pour dîner, et ma femme Barbara apporta sur la table une salade.—Penses-tu, lui dis-je, que si, depuis la création, des plats d'étain, des feuilles de laitues, des grains de sel, des gouttes d'huile et de vinaigre et des fragments d'œufs durs, flottaient dans l'espace, le hasard pût les rapprocher aujourd'hui pour former une salade?—Pas si bonne, à coup sûr, me répondit ma belle épouse, ni si bien faite que celle-ci.
Nul ne peut d'hérésie accuser le compas,
Ni décréter qu'un corps tournant ne tourne pas.
Ponsard: Galilée.
La terre, nuit et jour à sa marche fidèle,
Emporte Galilée et son juge avec elle!
Racine fils.
(p. 226) Plus d'une erreur passe et repasse
Entre les branches d'un compas.
Béranger.
Je venais de lire, dans la Revue scientifique, un article de mécanique sur l'art de descendre d'omnibus. J'essayai cette fois de descendre par principes et..... je me foulai un pied.
Le monde matériel est soumis à des lois rigoureuses. Celui qui connaîtrait les positions exactes de tous les corps, leur masse et les forces qui les sollicitent, pourrait prédire minutieusement les plus petits mouvements des plus petits d'entre eux.
«Tous les événements, dit Laplace, ceux mêmes qui, par leur petitesse, semblent ne pas tenir aux grandes lois de la nature, en sont une suite aussi nécessaire que les révolutions du soleil.... La courbe décrite par une simple molécule d'air ou de vapeur est réglée d'une manière aussi certaine que les orbites planétaires: il n'y a de différence entre elles que celle qu'y met notre ignorance.»
Le même savant dit encore ailleurs: «Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et les situations respectives des êtres qui la composent, si, d'ailleurs elle (p. 227) était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome: rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir comme le passé seraient présents à ses yeux.»
Et toi, divine mort, où tout rentre et s'efface,
................
Délivre-nous du temps, du nombre et de l'espace.
................
Leconte de Lisle.
Je divise en deux colonnes, par un trait, une feuille de papier; j'écris en tête de l'une de ces colonnes le mot pour, en tête de l'autre le mot contre..... Lorsque j'ai réuni sur ce petit mémorial une masse suffisante de raisons contradictoires, je me mets en devoir de peser leurs valeurs respectives; si je trouve que deux raisons (une de chaque côté) soient de même poids, je les élimine toutes les deux; qu'une raison pour égale deux raisons contre, je supprime le tout; que deux raisons contre égalent trois raisons pour, j'efface les cinq, et ainsi de suite, jusqu'à ce que je trouve enfin de quel côté penche la balance.
B. Franklin.
(p. 228) L'arithmétique est d'un besoin journalier et continuel dans le moral autant que dans les affaires; car, en cette vie, où tout est mêlé de probabilités et de doutes, de projets et d'obstacles, de demi-plaisir et de peine, tout est affaire de calcul.
Diderot.
La morale est l'arithmétique du bonheur.
Vinet.
Il y a une morale plus haute.
Lorsque nous disons d'un arbre qu'il est grand ou petit, nous le comparons implicitement à la moyenne stature des arbres au-dessus ou au-dessous de laquelle nous entendons exprimer qu'il se trouve, et nous ne pouvons nous exprimer ainsi que parce que la hauteur des arbres a deux limites qui même ne se trouvent pas très distantes l'une de l'autre; mais il ne saurait plus en être de même d'objets dont la grandeur ou la petitesse n'ont plus de limites nécessaires et celui qui, par exemple, demanderait une ligne droite de grandeur ordinaire, ferait une question dont l'ineptie serait manifeste pour tout le monde.
Nous ne connaissons donc des grandeurs que les rapports qui existent entre elles, et c'est aussi tout ce qu'il nous est possible d'en faire connaître à autrui. En vain tenterait-on de torturer la langue, d'y introduire des mots ou des tours nouveaux, jamais on ne (p. 229) parviendrait à lui faire exprimer une grandeur indépendamment de quelque autre grandeur de sa nature.
Terquem.
Il faut bien distinguer entre la géométrie utile et la géométrie curieuse... Carrez des courbes tant qu'il vous plaira: vous montrez une extrême sagacité. Vous ressemblez à un arithméticien qui examine les propriétés des nombres au lieu de compter sa fortune...
Un bon ingénieur vaut mieux que tous ces calculateurs de fadaises si difficiles.
Voltaire.
Je demandais un jour à un grand géomètre, à quoi servent les mathématiques au-delà des Éléments d'Euclide et de l'arithmétique décimale.—Monsieur, me répondit-il, cela sert à faire des livres qui ne sont lus que par une demi-douzaine de personnes, à faire arriver leur auteur à l'Académie des Sciences...—J'entends bien à quoi cela peut vous servir; mais à moi, à tout autre, à quoi cela sert-il?
J.-B. Say.
Cet utilitarisme étroit a été déjà réfuté plusieurs fois.
Après les jeux qui dépendent uniquement des nombres, viennent les jeux où entre la situation, comme dans le tric-trac, dans les dames, et surtout dans les échecs... Mais à quoi bon cela? dira-t-on. Je réponds: À perfectionner l'art d'inventer; car il faudrait avoir des méthodes pour venir à bout de tout ce qui se peut trouver par raison. Après les jeux où n'entrent que le nombre et la situation, viendraient les jeux où entre le mouvement comme dans le jeu de billard, le jeu de paume, etc. Enfin, il serait à souhaiter qu'on eût un cours entier des jeux, traités mathématiquement...
Leibniz.
Je forme un triangle, ô merveille!
Le peuple des lois endormi
S'agite avec lenteur, s'éveille
Et se déroule à l'infini.
Avec trois lignes sur le sable,
Je connais, je ne doute plus!
Un triangle est donc préférable
Aux mots sonores que j'ai lus?
Sully-Prudhomme.
Du même poète:
Et la terre suffit à soutenir la base
D'un triangle où l'algèbre a dépassé l'extase;
L'astronomie atteint où ne meut plus l'azur.
...............
C'est par une triangulation grandiose que nous calculons (p. 231) la distance des astres, qui se meuvent dans l'éther.
Du même encore:
Ils répondent: «La cause et la fin sont dans l'ombre,
Rien n'est sûr que le poids, la figure et le nombre;
Nous voulons conquérir un chiffre seulement.»
Il s'agit des positivistes qui se bornent aux faits et aux lois, sans remonter aux causes premières.
Le cercle, qui est le symbole de l'éternité, est aussi quelquefois le symbole de l'égalité.
Les anciens, pour ne donner de préférence à personne, ni aux dieux, ni à leurs amis, écrivaient leurs noms sur un cercle, de sorte que, ne leur donnant point de rang, on ne pouvait pas dire qui était le premier, ni le second, ni le dernier dans leur estime. Tout était égal, et l'honneur également partagé.
L'institution des chevaliers de la Table ronde était fondée sur un principe d'égalité et la table était un symbole.
Dans les congrès, la table des ambassadeurs est ordinairement ronde, afin d'éviter, autant que possible, les distinctions trop marquées de préséance.
Les géomètres ont plus que d'autres besoin d'être jugés par leurs pairs: la géométrie en effet est un (p. 232) arcane. Elle tient ses assises à part, décerne ses prix sans phrases, et contemplant avec une juste fierté l'unité soumise en ses plus intimes profondeurs aux lois dont elle a saisi l'enchaînement, se réfugie, calme et impassible, dans sa royauté silencieuse. C'est bien une royauté, en effet, et une royauté absolue qu'exerce cette science maîtresse qui ne connaît pas le doute comme ses sœurs et n'a jamais, depuis le temps d'Euclide, bâti sur le sable.
Jurien de la Gravière.
«Il y a, dit Leibniz, de la géométrie partout et de la morale partout.» C'est-à-dire qu'il y a du géométrique jusque dans le moral et du moral jusque dans le géométrique. En effet, les choses morales, les choses de l'âme et de la volonté, en tant qu'il s'y rencontre des rapports d'identité et de différence, d'égalité et d'inégalité, sont sujettes à la nécessité géométrique; et, d'autre part, si la géométrie est exclusive, dans son développement, de toute nécessité purement morale, néanmoins, à en juger par les travaux où on l'a récemment le plus approfondie, elle semble avoir pour premier fondement des principes d'harmonie qu'on doit peut-être concevoir, ainsi que l'avait sans doute compris Descartes, qui faisait tout dépendre du libre décret de Dieu, comme l'expression sensible de l'absolue et infinie volonté. «On prétend, disait Aristote, que les mathématiques n'ont absolument rien de commun avec (p. 233) l'idée du bien. L'ordre, les proportions, la symétrie, ne sont-ce pas de très grandes formes de beauté?»
F. Ravaisson.
Séduit par les illusions des sens et de l'amour-propre, l'homme s'est regardé longtemps comme le centre du mouvement des astres; et son vain orgueil a été puni par les craintes qu'ils lui ont inspirées. Enfin plusieurs siècles de travaux ont fait tomber le voile qui lui cachait le système du monde. Alors il s'est vu sur une planète presque imperceptible dans le système solaire, dont la vaste étendue n'est elle-même qu'un point insensible dans l'immensité de l'espace. Les résultats sublimes auxquels cette découverte l'a conduit sont bien propres à le consoler du rang qu'elle assigne à la terre, en lui montrant sa propre grandeur dans l'extrême petitesse de la base qui lui a servi pour mesurer les cieux.
Laplace.
Je dis un jour à Madame de Longueville que je pouvais parier et démontrer qu'il y avait dans Paris au moins deux habitants qui avaient le même nombre de cheveux, quoique je ne puisse pas marquer quels sont ces deux hommes. Elle me dit que je ne pouvais jamais en être assuré qu'après avoir compté les cheveux de ces deux hommes. Voici ma démonstration, (p. 234) lui dis-je: je pose en fait que la tête la mieux garnie de cheveux n'en a pas plus de deux cent mille, et que la moins garnie est celle qui n'a qu'un cheveu. Si maintenant vous supposez que deux cent mille têtes ont toutes un nombre de cheveux différent, il faut qu'elles aient chacune un des nombres de cheveux qui vont depuis un jusqu'à deux cent mille, car si on supposait qu'il y en avait deux parmi les deux cent mille qui eussent le même nombre de cheveux, j'aurais gagné le pari. Or en supposant que ces deux cent mille habitants ont tous un nombre différent de cheveux, si j'y apporte un seul habitant de plus qui ait des cheveux et qui n'en ait pas plus de deux cent mille, il faut nécessairement que le nombre des cheveux, quel qu'il soit, se trouve de un jusqu'à deux cent mille, et, par conséquent, soit égal au nombre de cheveux de l'une des deux cent mille têtes, or au lieu d'un habitant en sus des deux cent mille, il y en a tout près de huit cent mille, vous voyez bien qu'il faut qu'il y ait beaucoup de têtes égales en nombre de cheveux, quoique je ne les aie pas comptées.
Nicole.
Il paraît que la célèbre duchesse n'a jamais pu comprendre le raisonnement, un peu copieux, du philosophe.
Schopenhauer a dit: «La femme a les cheveux longs et les idées courtes.»
Parcourez le cercle des sciences, et vous verrez qu'elles commencent toutes par un mystère: le mathématicien tâtonne sur les bases du calcul des quantités imaginaires, quoique ses opérations soient très justes; il comprend encore moins le principe du calcul infinitésimal, l'un des instruments les plus puissants que Dieu ait confiés à l'homme...
Joseph de Maistre.
Ces prétendus mystères sont devenus de moins en moins mystérieux.
Lorsque les lois générales de la nature ont été une fois bien saisies par l'esprit, lorsqu'il s'est familiarisé avec le plus grand nombre des réalités matérielles de l'univers, l'étude des hautes mathématiques devient pour lui extraordinairement attrayante: c'est alors qu'il aperçoit les utiles applications des nombreuses vérités de cette science. Au contraire, les jeunes gens qui se livrent d'abord à l'étude des mathématiques pures et abstraites trouvent le plus souvent cette étude d'une aridité excessive; elle devient pour eux aussi fatigante que le serait pour d'autres la lecture du vocabulaire d'une langue qu'ils seraient certains de ne jamais parler.....
de Grandsagne.
On dit que Barrow, voyant approcher la mort, en témoigna de la joie en disant qu'il allait enfin apprendre, dans le sein de la divinité, la solution de beaucoup de problèmes de géométrie et d'astronomie..... Il aimait tellement la géométrie qu'il avait écrit ces mots à la tête de son Apollonius..... «Ô Seigneur, quel géomètre tu es! Car, quoique la géométrie n'ait point de bornes, tu vois, par une simple intuition, les vérités admirables qu'elle renferme.»
Montucla.
Si l'on croit que la méthode des géomètres n'est pas applicable à tout, on se trompe; si l'on prétend qu'il ne faut pas l'appliquer à tout, on a raison. Chaque sujet a sa manière d'être traité; la méthode géométrique serait trop sèche pour les matières d'agrément et nos langues trop imparfaites pour s'y prêter, les acceptions des mots trop vagues, trop indéterminées pour comporter cette rigueur. Mais si l'on doit se dispenser souvent de l'employer, il ne faut jamais la perdre de vue; c'est la boussole d'un bon esprit, c'est le frein de l'imagination.
Diderot.
Lorsqu'on préconise les mathématiques, comme le modèle par excellence d'une méthode pour apprendre (p. 237) à raisonner, sait-on bien à quelles conditions la logique de la géométrie est si rigoureuse, pourquoi ses démonstrations sont si évidentes? Ces sciences qui se sont décorées du nom d'exactes, ne doivent cette exactitude qu'à l'absence de réalité des objets sur lesquels elles opèrent. Ces objets ne sont que des pures abstractions, des points de vue de l'esprit, des entités idéales mais qui n'ont pas d'existence dans la nature. Toutes les propriétés sont rigoureusement déterminées à l'avance par la convention qui les nomme et qui les définit. Certainement la géométrie est exacte; mais elle n'est pas réelle. Avez-vous rencontré quelque part le triangle abstrait et la ligne droite des géomètres? Où résident les nombres séparés des êtres réels dont les propriétés sont si multiples et si complexes, que la moindre est, sans contredit, celle de pouvoir être dénombrés? Qu'est-ce qui fait enfin l'exactitude des mathématiques? C'est l'étroite simplicité des faits dont elles raisonnent; leurs formules ne sont si précises, et si rigoureuses que parce que leur point de vue est borné.
Vous avez sous les yeux dix personnes, dix animaux même ou dix plantes, et vous êtes théologien ou poète. Tandis que votre esprit est entraîné à travers les mille jugements divers que ce spectacle suggère au philosophe ou à l'artiste, moi, algébriste, je raisonne des propriétés du nombre dix. Dans une opération aussi simple, aussi pauvre, à côté du monde de pensées qui s'élève en vous, aurai-je grand sujet de me vanter si mes conclusions sont plus nettes, sont plus exactes que les vôtres?
de Laprade.
(p. 238) Les notions mathématiques ont, dans l'esprit, une réalité absolue. De ces idées simples, nous concluons rigoureusement toutes les propriétés du nombre et de la forme, jusqu'aux plus fines et aux plus complexes.
Le mathématicien se plaît à suivre un raisonnement rigoureux dans une direction unique. Le naturaliste, comme l'historien ou le jurisconsulte, est un homme disposé à comparer plusieurs faits, dont aucun n'est absolument prouvé, et plusieurs arguments, dont aucun n'est absolument rigoureux. Son travail consiste à estimer des probabilités, pour conclure dans le sens le plus vraisemblable.
...........................
Les uns cherchent le raisonnement étroit, profond et rigoureux des mathématiques....; les autres préfèrent le raisonnement large et plutôt diffus, varié mais peu rigoureux des sciences d'observation. Il faut aux uns plus de force de raisonnement pour réussir, aux autres plus de jugement.
de Candolle.
Par le jugement, on pèse le pour et le contre; par le raisonnement on suit les idées corrélatives. Le mathématicien qui raisonne juste a quelquefois peu de jugement.
La géométrie sert entre autres choses à éprouver l'esprit, comme le creuset sert à éprouver l'or; les bons esprits s'y raffinent, les esprits faux s'y évaporent.
Les géomètres travaillent sur un terrain si solide qu'après y avoir posé la première pierre, ils élèvent sans crainte leurs bâtiments jusqu'aux cieux.
Sur un terrain bien différent, les Philosophes bâtissent des édifices superbes qu'on appelle systèmes: ils commencent par les fonder en l'air, et quand ils croient être parvenus au solide, le bâtiment s'évanouit, et l'architecte tombe des nues.
R. Dufresny.
Dans les autres sciences, dit Dugald Stewart, les propositions à établir doivent exprimer des faits, tandis que celles que les mathématiques démontrent, énoncent seulement une connexion entre certaines suppositions et certaines conséquences... Elles ont pour but, non de constater des vérités concernant des existences réelles, mais de déterminer la filiation logique qui découle d'une hypothèse donnée. Si, partant de cette hypothèse, nous raisonnons avec exactitude, il est manifeste que rien ne pourrait manquer à l'évidence du résultat.
Kant fait remarquer qu'il n'y a que le concept de quantité qui se prête à une construction a priori.
L'étude des mathématiques est-elle favorable au développement intellectuel du jeune homme? Peut-elle servir de pivot à l'éducation libérale? Trois philosophes anglais ont débattu entre eux la question. Whewell veut beaucoup de mathématiques, Hamilton les repousse (Fragments de philosophie traduits par Peisse) et Stuart Mill les exalte à son tour. Nous ne pouvons résumer cette célèbre discussion; nous nous bornons à trois extraits.
«Toute personne qui s'est occupée de mathématiques doit voir clairement la différence qui existe entre les mathématiques et les faits empiriques, entre l'évidence des propriétés d'un triangle et celle des lois générales de la structure des plantes. Le caractère spécial de la vérité mathématique est qu'elle est nécessairement et inévitablement vraie; et une des leçons les plus importantes qu'on puisse retirer des études mathématiques est de connaître qu'il y a des vérités de ce genre, et de nous familiariser avec leur forme et leur caractère.
Whewell.
L'étude des mathématiques, poursuivie avec modération et efficacement contrebalancée, peut être utile pour détruire un défaut, et développer la qualité correspondante. Ce défaut est l'habitude de la distraction; la qualité, l'habitude de l'attention soutenue. C'est là le seul avantage auquel puisse justement prétendre cette étude dans la culture de l'esprit.
Hamilton.
(p. 241) Si nous voulons bien dresser une intelligence, l'étude qui se recommande le plus à nous est celle qui a l'avantage d'habituer de bonne heure l'esprit à conserver en lui-même un type de preuve complète. Un esprit ainsi meublé, s'il n'est pas suffisamment instruit des autres sujets peut commettre l'erreur de croire qu'il trouvera dans toutes les preuves une ressemblance parfaite avec le type qui lui est familier. On peut et on doit élargir ce type par une grande variété d'études, mais celui qui ne l'a jamais acquis n'a pas le sentiment juste de la différence qui sépare le prouvé du non prouvé: le premier fondement des habitudes scientifiques n'a pas été jeté.
Stuart Mill.
..... Déjà Platon (République, livre VII) faisait observer que la science des nombres, en obligeant l'homme à raisonner sur les nombres en soi et sur des vérités qui ne sont ni visibles ni palpables, a la vertu d'élever l'âme. Les mathématiques donnent au jeune homme la claire notion de la démonstration et l'habituent à former de longues suites d'idées et de raisonnements, méthodiquement enchaînés et soutenus par la certitude finale du résultat. Aussi a-t-on pu dire, que celui qui n'a pas fait de géométrie n'a pas le sentiment rigoureux de la certitude. Au point de vue moral, rien n'est plus propre que cette notion pour donner le respect absolu de la vérité.
Les mathématiques, l'algèbre et l'analyse infinitésimale principalement suscitent à un haut degré la conception des signes et des symboles, instruments nécessaires (p. 242) qui augmentent la puissance et la portée de l'esprit humain, en résumant sous une forme condensée et en quelque sorte mécanique tout un ensemble de relations: ces auxiliaires sont surtout précieux en mathématiques, parce qu'ils y sont adéquats à leurs définitions; caractères qu'ils ne possèdent pas au même degré dans les sciences physiques et naturelles. Quoi qu'il en soit, il y a là tout un ensemble de facultés qui ne sauraient être pleinement mises en jeu que par l'enseignement des mathématiques.
Berthelot.
Quand un jeune homme d'un talent ordinaire commence à étudier Euclide, tout l'étonne d'abord. Sa conception est incertaine et son jugement faible, il s'appuie en partie sur l'évidence de la chose, et en partie sur l'autorité du maître. Mais à mesure qu'il avance à travers les définitions, les axiomes, les propositions élémentaires, une plus grande lumière frappe ses regards. Le langage lui devient plus familier et produit des conceptions plus claires et plus nettes; son jugement s'affermit: il commence à comprendre ce que c'est qu'une démonstration, et il est impossible qu'il le comprenne sans s'y plaire; il s'aperçoit que c'est une espèce d'évidence indépendante de l'autorité; il lui semble qu'il sort d'un esclavage, et il se sent si fier de croire ainsi, qu'il se révolte contre l'autorité, et voudrait avoir des démonstrations pour toutes les vérités; il faut que l'expérience lui apprenne qu'une foule (p. 243) de choses ne sont pas susceptibles de cette sorte d'évidence et qu'il doit se résigner à des probabilités dans les choses qui lui importent le plus.
Th. Reid.
Il faut que l'ouvrier calcule le produit comme l'emploi de ses ans, de ses mois, de ses jours, et je dirais presque de ses heures et de ses minutes. Il faut qu'il calcule ses forces et ses mouvements, pour n'en rien perdre, et pour en tirer les plus puissants résultats. Il faut qu'il calcule et mesure les dimensions et la figure soit de ses outils, soit des objets auxquels il va donner la forme et la position requises; il faut qu'il calcule, à chaque instant, des distances et des longueurs, des superficies et des volumes; il faut enfin qu'il suppute, et la quantité des matières premières, et le prix de son travail, évalués d'après les principes de la géométrie.
Ch. Dupin.
Si quelqu'un voulait écrire en mathématicien dans la métaphysique ou dans la morale, rien ne l'empêcherait de le faire avec rigueur. Si on l'entreprenait comme il faut, je crois qu'on n'aurait pas lieu de s'en repentir.
Leibniz.
Le conseil nous paraît plus facile à donner qu'à suivre.
L'intuition géométrique c'est cette propriété de notre esprit qui nous permet de voir intuitivement derrière les formes réelles et contingentes de notre univers physique, d'autres formes très peu différentes mais simplifiées, idéales et se prêtant, par suite de leurs définitions rigoureuses, à la déduction géométrique.
Calinon.
Si calculer est raisonner, raisonner n'est pas calculer..... Un calcul n'est pas seulement un raisonnement, c'est un raisonnement sur des idées de quantité, et susceptible, par cette circonstance, d'être fait avec des signes particuliers; en un mot, c'est un raisonnement ayant des caractères qui lui sont propres..... Le raisonnement est le genre, le calcul n'est que l'espèce. C'est pour cela que vous pouvez transformer tout calcul en un raisonnement, mais que vous ne pouvez transformer tout raisonnement en un calcul.
Destutt-Tracy.
La quantité étant par essence divisible en parties égales, les idées de grandeur jouissent de l'incommunicable propriété de pouvoir être exactement représentées dans des symboles, chiffres ou lettres. Cette exacte rigueur d'expression permet à l'esprit de concentrer son attention sur les symboles seuls, et en les combinant d'après des règles très simples, ce qui constitue le calcul. C'est ce qui fait que la forme, en mathématiques, (p. 245) prend une si grande importance: une notation simplifiée peut y amener une révolution, comme il est arrivé en algèbre par l'introduction des exposants numériques, due à Descartes. Telle est cette vertu merveilleuse des symboles, qu'on peut les employer avec succès sans être en état d'en saisir la vraie nature. Longtemps le calcul différentiel a dévoilé les secrets les plus cachés de la quantité, avant qu'on fût parvenu à lui assigner une base rationnelle.
F. Huet.
Les signes et les mots, employés dans les raisonnements mathématiques, représentent véritablement les choses elles-mêmes; dans ce cas, lorsque nous employons le langage ou les signes, nous n'introduisons pas, en en faisant usage, des notions étrangères; nous n'excluons non plus, à raison de cette circonstance, rien qui se rapporte au fait dont il s'agit.
W. Herschel.
Voyez dans les Lettres d'Euler à une princesse d'Allemagne l'ingénieuse représentation de la théorie du syllogisme par les positions relatives des cercles.
Leibniz rappelle le mémorable exploit de deux logiciens zélés mais de lourde cervelle, Herlinus et Dasypodius, (p. 246) qui mirent en syllogismes formels les six premiers livres d'Euclide.
Vous apprenez les principes des sciences, soit mathématiques, soit physiques, qui contiennent les lois de la nature: ce n'est pas proprement pour en connaître l'usage matériel; c'est surtout pour apprendre et vérifier que tout dans la nature est nombre, proportion, harmonie; c'est, davantage encore, pour acquérir, en considérant les nombres qui constituent les corps, une plus pleine conscience de ces autres nombres que notre âme renferme, et par lesquels elle juge ceux du dehors, comme l'ont dit Platon et Shaftsbury; c'est enfin pour acquérir cet usage des rapports et des proportions intellectuels qui est l'exercice propre de la raison et qu'on appelle la logique.
F. Ravaisson.
Les études suivies à l'École polytechnique sont loin d'être uniquement destinées à faire connaître une suite de calculs, de formules, de figures, de phénomènes physiques et chimiques. Leur utilité principale est d'exercer cette faculté de l'intelligence à laquelle on donne le nom de raisonnement.
Lamé.
Un avantage de l'étude de la géométrie est de porter l'esprit à croire qu'on ne sait suffisamment que ce qu'on sait parfaitement.
Abbé Terrasson.
Ôtez le nombre, vous ôtez les arts, les sciences, la parole et par conséquent l'intelligence. Ramenez-le: avec lui apparaissent ses deux filles célestes, l'harmonie et la beauté, le cri devient chant, le bruit reçoit le nom de rythme, le saut est danse, la force s'appelle dynamique, et les lignes sont des figures.
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Jadis, un navigateur, jeté par le naufrage sur une île qu'il croyait déserte, aperçut en parcourant le rivage une figure de géométrie tracée sur le sable: il reconnut l'homme et rendit grâce à Dieu. Si cette figure n'eût point été géométrique, elle n'eût été pour lui qu'une trace muette, œuvre du hasard et non de l'intelligence; mais elle lui attestait le nombre et par cela même lui attesta l'homme.
J. de Maistre.
La géométrie a par elle-même une beauté réelle, indépendante de toute utilité vraie ou prétendue: quand elle n'aurait d'autres prérogatives, que de nous (p. 248) offrir sans aucun mélange des connaissances évidentes et certaines, un si grand avantage ne la rendrait-il pas digne de notre étude? Elle est pour ainsi dire la mesure la plus précise de notre esprit, de son degré d'étendue, de sagacité, de profondeur et de justesse. Si elle ne peut nous donner ces qualités, on conviendra du moins qu'elle les fortifie, et fournit les moyens les plus faciles de nous assurer nous-mêmes, et de faire connaître aux autres, jusqu'à quel point nous les possédons.
d'Alembert.
Ces considérations justifient l'importance attribuée aux Mathématiques dans la plupart des examens.
Les mathématiques, dit-on, ne peuvent avoir leur première origine dans l'observation: car les objets qu'elles étudient sont fort différents de ceux que l'observation nous montre. Les mathématiques raisonnent sur des cercles et des triangles parfaits; mais, dans la nature, aucun objet n'est parfaitement circulaire ni parfaitement triangulaire; les mathématiques n'ont donc pu prendre leur objet à l'observation de la nature, et les idées sur lesquelles elles raisonnent sont de pures créations de l'esprit.
Voici la réponse qu'il convient de faire à cette objection. Sans doute, aucun objet matériel n'est terminé par des lignes parfaitement droites, par des surfaces parfaitement planes; mais chacun dévie de la ligne (p. 249) droite, de la surface plane dans un sens différent; si bien que, quand on fond en une idée unique les idées de ces divers objets, ces déviations en sens contraire se neutralisent.
R. Worms.
On a tenté bien des fois, depuis Hume, d'expliquer les vérités géométriques par les seules données de l'expérience.
Nous allons chez le gros mathématicien qui fume; nous le saluons et nous l'abordons ainsi: «Monsieur, nous sommes philosophes, c'est-à-dire fort embarrassés et à court. Il s'agit des propositions nécessaires; si vous en connaissez, comment les découvrez-vous?
—Messieurs, c'est mon métier, je n'en découvre pas d'autres; prenez des chaises; je vais en trouver devant vous.
Avec de la craie, je trace sur le tableau un triangle ABC; par le sommet C je mène la parallèle à la base... Donc la deuxième somme qui est celle des angles du triangle, égale deux angles droits. Donc, nécessairement et universellement, la somme des trois angles égale deux angles droits.
—Monsieur, comment avez-vous fait?
—J'ai tracé un triangle particulier, déterminé, contingent, périssable ABC pour retenir mon imagination et préciser mes idées. J'ai extrait de lui le triangle en général; pour cela, je n'ai considéré en lui que des (p. 250) propriétés communes à tous les triangles, et je n'ai fait sur lui que des constructions, dont tout triangle pourrait s'accommoder. Analysant ces propriétés générales et ces constructions générales, j'en ai extrait une vérité ou rapport universel et nécessaire. J'ai retiré le triangle général compris dans le triangle particulier; ce qui est une abstraction. J'ai retiré un rapport universel et nécessaire, contenu dans les propriétés générales de la construction générale, ce qui est encore une abstraction. Pour découvrir une propriété générale et nécessaire, il suffit donc d'employer l'abstraction.
Taine.
L'étude de la géométrie est indispensable pour accoutumer l'esprit à marcher pas à pas, à ne rien admettre sans preuve, à ne se plaire qu'au vrai. Elle a de plus l'avantage d'exercer les forces de l'esprit, de l'accoutumer à l'attention et de le rendre inventif, car rien n'exige plus d'invention que la solution des problèmes: elle habitue à deviner le vrai, lors même que, pour le découvrir, on a recours à des hypothèses, parce que le résultat fait toujours connaître si ces hypothèses ont été bien choisies; enfin elle met un frein à l'imagination et nous force à la soumettre à la raison.
Deleuze.
La méthode des sciences mathématiques est la démonstration.
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Le but de la démonstration est d'établir des vérités nécessaires; elle le fait en montrant que ces vérités sont les conséquences logiques d'autres vérités admises comme évidentes ou précédemment démontrées.
On voit par là en quoi la démonstration, bien qu'elle se présente sous forme déductive, diffère du syllogisme. Dans le syllogisme proprement dit, où n'intervient aucune considération touchant la vérité objective des propositions traitées, la conclusion sort nécessairement des prémisses; étant donné que A est B, et que B est C, il ne se peut pas que A ne soit pas C; mais une connaissance nécessaire peut fort bien n'être pas une vérité nécessaire; la vérité des deux prémisses d'où sort nécessairement la conclusion n'est pas garantie; il suffit au logicien que la conséquence soit extraite des prémisses, conformément aux lois de la pensée. Tout autre est la démonstration; elle est un instrument de science, et à ce titre, elle n'a pas seulement à tirer des conséquences logiques, mais à établir des vérités; elle est astreinte à toutes les règles de la procédure logique; mais en même temps elle a des principes qu'elle ne trouve pas dans le syllogisme proprement dit, principes nécessaires comme les vérités qu'elle établit.
Liard.
Jean Macé, dans l'Arithmétique de grand papa, personnifie ainsi l'analyse et la synthèse: le livre est enfantin, mais il est ingénieux et charmant.
Jadis, la division, qu'on appelait l'épine de l'arithmétique, s'effectuait à la française, à la portugaise ou à l'italienne. La règle actuelle de l'opération a été résumée, par Leslie, en un seul vers:
Divide, multiplica, subduc, transferque secantem.
Un professeur, pour faire retenir la théorie réputée difficile de la division, disait: «Dans le second cas, vous coupez la tête du diviseur et, dans le troisième, vous coupez la tête du quotient.»
O. Terquem écrivait quelques jours avant sa mort: L'ouvrage de Borelli (De motu animalium) est un (p. 253) petit chef-d'œuvre qui me procure des heures délicieuses; on voit l'avantage qu'il y a aux anatomistes d'être géomètres. Il est à désirer qu'on fasse sur le même plan une nouvelle édition de l'Anatomie descriptive de Richerand, ce serait une excellente acquisition. Malheureusement, nos anatomistes sont peu géomètres et nos médecins de faibles chimistes.
M. Mannheim raconte qu'un ingénieur embarrassé pour pratiquer un escalier tournant dans une voûte hémisphérique, dit au conducteur de préparer l'épure. Le subalterne creusa dans un bloc de gruyère une cavité en forme de bassin, dressa dans l'axe une vis de pressoir qu'il fit tourner. La trouée à pratiquer dans le dôme de pierre se dessina ainsi très nettement.
Pour trouver l'aire de la cycloïde, Galilée pesa avec une grande précision deux lames minces de même matière, dont l'une était égale au cercle et l'autre à la cycloïde engendrée. Il constata par cette expérience que le poids de cette dernière est le triple de celui du cercle, résultat prouvé plus tard théoriquement par Pascal. Le succès de l'expédient tint à la simplicité du rapport, non seulement commensurable, mais entier.
Ce sont des cubes en bois, les uns blancs et les autres noirs, à l'aide desquels on explique matériellement la numération aux commençants. Dix de ces jetons, réunis en une baguette, forment une dizaine; dix baguettes, réunies en une plaque, forment une centaine; dix plaques superposées composent un cube qui est un mille. Continuons: si l'on groupait dix de ces gros cubes qui sont des mille, on aurait une dizaine de mille; si l'on juxtaposait dix dizaines de mille, la grande plaque serait une centaine de mille; si l'on étageait enfin dix des plaques précédentes, on aurait un cube énorme qui serait un million. Ainsi de suite pour la dizaine de millions, la centaine de millions, le billion, etc., etc.
On remarque, parmi les petites machines, les réglettes de Neper, l'inventeur des logarithmes, de Mannheim, de Lalanne, de Grenaille et d'Ed. Lucas, etc. Dans certains pays, tous les contremaîtres se servent couramment d'une règle à calcul.
Les machines plus considérables sont d'abord celle de Pascal, simplifiée par de Lépine et récemment par Roth, qui en a réduit le volume; puis celle de Thomas de Colmar, à l'aide de laquelle on multiplie en une demi-minute deux nombres de dix chiffres: on s'en sert aux Magasins du Louvre, à l'Observatoire, aux Compagnies d'Assurances, etc.; on en vend plus d'une (p. 255) centaine par an. Il y a aussi la machine à mouvement continu de Tchebychef.
Toute machine arithmétique se compose de quatre organes essentiels: le générateur, le reproducteur, le renverseur et l'effaceur.
On a reconnu que pour un calculateur exercé, il faut 7 minutes 19 secondes pour multiplier un nombre de 14 chiffres par un nombre de 8 chiffres. Les agents inorganiques, eux, ne se fatiguent guère et ne se trompent pas, à moins que les ressorts ne se faussent. Mais, il y a les machines géométriques, sans ressorts, et l'admirable machine de Tchebychef, qui se romprait plutôt que de ne pas dire vrai.
Voir M. d'Ocagne: Nomographie. Les calculs usuels effectués au moyen des abaques.
Les intégrateurs sont des instruments qui effectuent mécaniquement la sommation d'une série infinie de grandeurs infiniment petites, qu'il s'agisse d'une aire limitée par une courbe, d'un travail mécanique, etc. Mais les planimètres, les totaliseurs dynamométriques, etc., ne donnent que le résultat final de l'intégration. Abdank-Abakonowicz est allé plus loin: ses intégraphes donnent, sous forme d'un tracé graphique, la loi complète qui régit la sommation, en un mot ce qu'on peut appeler la courbe intégrale.
Le planimètre polaire d'Amsler est celui qui semble être appelé à l'emploi le plus fréquent. Les applications (p. 256) des planimètres sont nombreuses; les contributions directes, les administrations du cadastre et des forêts, le service topographique du génie, les architectes, les ingénieurs, les géomètres arpenteurs ont recours à ces instruments pour résoudre ce problème si délicat de la détermination des aires planes à contours curvilignes.
En Allemagne, on possède un planimètre comme on a une boîte de compas.
Étant données la population, les mœurs, la religion, la situation géographique, les relations politiques, les richesses, les bonnes et mauvaises qualités d'une nation, trouver les lois qui lui conviennent.
J. de Maistre.
Nous ne demandons à nos législateurs qu'une solution par approximations successives du problème posé.
On faisait remarquer à un candidat qu'il aurait pu employer les opérations abrégées. Il répliqua qu'il n'avait pas eu le temps.
Lorsqu'on est pressé, on préfère la grande route qu'on connaît bien au chemin de traverse dont on n'est pas sûr.
La réflexion suivante de J.-J. Rousseau s'applique aux (p. 257) calculateurs de profession: «.... alors on trouve des méthodes abrégées dont l'invention flatte l'amour-propre, dont la justesse satisfait l'esprit et qui font faire avec plaisir un travail ingrat par lui-même.»
Je n'oublierai jamais d'avoir vu à Turin un jeune homme à qui, dans son enfance, on avait appris les rapports des contours et des surfaces en lui donnant chaque jour à choisir, dans toutes les figures géométriques, des gaufres isopérimètres. Le petit gourmand avait épuisé l'art d'Archimède, pour trouver dans laquelle il y avait le plus à manger.
J.-J. Rousseau.
Aristote dit que le médecin constate que les plaies circulaires sont les plus longues à guérir, et le géomètre démontre qu'il ne peut en être autrement, puisque de toutes les figures qui ont un périmètre égal, le cercle est celle qui présente la plus grande surface.
L'ingénieur Lagout, mort depuis quelques années, est l'auteur d'une tentative de rénovation des mathématiques, (p. 258) dans l'intention de les simplifier en les matérialisant, pour les mettre à la portée du plus humble ouvrier. Il a eu quelques idées ingénieuses: son matériel et ses tableaux en couleur sont saisissants. Malheureusement, grisé par son système, l'inventeur a cru, bien à tort, être aussi rigoureux qu'Euclide. Son prompt-mesurage n'est qu'un aperçu populaire qui parle aux yeux.
M. C. Rey a porté sur la méthode ce jugement piquant et plus sévère: «La Géométrie est la science qui apprend à raisonner juste, même sur des figures qui sont fausses, tandis que la Tachymétrie est un art qui apprend à raisonner faux, sur des figures qui sont justes.»
Quand, sous le second empire, on frappa pour la première fois des pièces de vingt centimes, un homme d'esprit s'écria: on dira maintenant cinq fois quatre font vingt et non plus quatre fois cinq font vingt.
J'ai lu dans un livre belge cette question inquiétante: Le produit de un franc par un franc est-il égal au produit de cent centimes par cent centimes?
Dans son explication de l'addition, un élève avait oublié de dire qu'on n'ajoute que des choses de même espèce, le professeur lui demanda: Combien font 150 (p. 259) grammes de navets, 200 grammes de carottes et 225 grammes de pommes de terre?—Réponse: Cela ferait un excellent potage.
Autre exemple. Un soldat aveugle portait cet écriteau: batailles 8; blessures 10; enfants 6; total 24.
Le cinquième livre de la géométrie fait le désespoir des élèves et des examinateurs, tant l'ordre et l'énoncé des propositions varient. Legendre et Rouché ne s'accordent nullement et il y a beaucoup d'opinions intermédiaires. On demande un dictateur pour imposer une théorie unique.
Dernière nouvelle: on annonce des préliminaires de paix.
C'est grâce à la géométrie que les marchands de mesures ne vendent ni mètres carrés ni mètres cubes.
Quelques dames confondent encore le mètre courant, le mètre carré et le mètre cube.
Un mot spirituel: le professeur avait fait écrire au tableau le nombre 1000000000; il s'agit de mètres carrés, dit-il, combien cela pèse-t-il? Bien peu de craie, répondit l'élève.
On ne peut baser aucun raisonnement sur une série divergente, c'est-à-dire sur une suite régulière de termes dont la somme croît au-delà de toute limite. Les géomètres du xviiie siècle n'ont guère tenu compte de la convergence des séries et c'est Cauchy qui a éclairé le premier la question. On raconte qu'après une communication de ce dernier à l'Académie, Laplace quitta brusquement ses confrères, et se renferma chez lui pendant près d'un mois, pour vérifier la convergence de toutes les séries sur lesquelles est fondée sa mécanique céleste. Heureusement, aucune n'était divergente!
Abel a dit que: «Avec une série divergente, on prouve tout ce qu'on veut, l'impossible aussi bien que le possible.»
En mathématiques, il n'y a de vraiment impossible que le contradictoire. On peut lever l'impossibilité provisoire provenant d'une vue trop étroite de la question: Pourquoi exiger le résultat sous une certaine forme ou entre certaines limites? D'autre part, si vous ne trouvez pas la solution rigoureuse d'un problème, vous pouvez chercher des valeurs de plus en plus approchées et raisonner l'approximation.
Il s'agissait de passer au cubage des corps solides, et ceci fut plus difficile; les figures du tableau ne suffisaient plus; les enfants ne se rendaient pas compte de toutes les formes que représentait un simple tracé. L'idée me vint de parler au vieux cuvelier Sylvestre, qui tout de suite comprit ce que je lui demandais; il me fit des cubes, des prismes, des cônes en bois, capables de se monter et de se démonter, comme on le voulait; tout devint clair, sensible pour les élèves. Nous raisonnions des choses, les pièces en main, et nous faisions ensuite nos calculs. Ce système de fabriquer des figures géométriques en bois s'est depuis répandu partout; des centaines d'ouvriers de la Forêt-Noire ne font plus que cela. Quelques-uns ont poussé la chose jusqu'à fabriquer des figures en cristal, afin d'en voir du premier coup d'œil les arêtes et les angles opposés.
Erckmann-Chatrian.
On veut enseigner aux enfants ce que c'est qu'un cône, comment on le coupe, le volume de la sphère, et on leur montre des lignes, des lignes! Donnez-leur le cône en bois, la figure en plâtre, apprenez-leur cela comme on découpe une orange!
J. Vallès.
La fonction d'une variable indépendante la plus importante à Liverpool est peut-être le prix du coton. Une courbe montrant le prix du coton, s'élevant quand (p. 262) ce prix est élevé, s'abaissant quand il est bas, montre à l'œil toutes les variations si complexes de cette fonction.
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Songez à la complexité de l'effet produit par un orchestre qui joue (un orchestre de cent instruments), et deux cents voix qui chantent en chœur, accompagnées par l'orchestre. Songez à l'état de l'air; songez combien il est déchiré quelquefois... Une simple courbe, dessinée de la même manière que celle des prix du coton, représente tout ce que l'oreille peut entendre dans l'exécution la plus compliquée.
W. Thomson.
Ces pauvres instruments, avec lesquels il a réformé l'astronomie, Copernic les avait taillés et divisés lui-même. Tycho-Brahe les a célébrés en vers latins: «C'est avec ces frêles morceaux de bois, ouvrage grossier et sans art, que Copernic entreprit de donner des lois au ciel et de régler le cours des astres; il est parvenu, par son génie, à une hauteur où nul mortel n'avait atteint avant lui.
Ô monuments inestimables d'un si grand homme! Ils sont faits d'un bois vulgaire, et cependant l'or le plus pur pâlirait devant eux!»
Lorsqu'on apprend à un enfant à lire et à écrire, on peut lui donner quelques notions géométriques, en lui faisant analyser les formes des majuscules romaines. Dans A, il y a un triangle dont deux côtés sont prolongés; C est un arc; D un demi-cercle, avec son diamètre; E présente des angles droits; H des parallèles et une perpendiculaire; M des angles aigus, etc.
On félicitait le chimiste Regnault de sa force en mathématiques. Il répondit: «Notre principal professeur à l'École polytechnique était si obscur que les sergents devaient se réunir après chaque leçon pour la refaire. C'est moi qui ai rédigé, pendant quelque temps, les cahiers pour mes camarades. Vous pouvez vous figurer combien cela m'a fait travailler.»
On sait que le chimiste introduit des réactifs contenant des éléments souvent étrangers au produit qu'il veut obtenir, mais dont la présence favorise les transformations intermédiaires que doit subir le phénomène: le même rôle appartient aux lignes auxiliaires que trace le géomètre, diagonales, droites parallèles ou perpendiculaires à des directions déterminées, etc., ces lignes séparent les éléments primitifs, suggèrent entre (p. 264) eux des groupements nouveaux, parallélogrammes, triangles égaux ou semblables, etc., et de ces figures l'analyse dégage certaines propriétés qui ont un rapport plus direct avec la conclusion visée.
H. Harant.
Un profane n'aperçoit que des coefficients dans les équations; tous lui paraissent égaux en importance, et s'il veut se renseigner sur les solutions, il se figure qu'il faut aller les interroger séparément, de même qu'on arrête dans la rue le premier ouvrier venu pour lui demander son chemin. Mais non, il y a des chefs qu'on n'aperçoit pas; c'est à leur bureau qu'il faut s'adresser. Soient, par exemple, dix équations littérales du premier degré à dix inconnues. L'opérateur..... veut savoir si les solutions sont possibles, ou impossibles, ou indéterminées. Qu'il n'aille donc pas interroger la vile plèbe des coefficients. Non; il y a un personnage considérable qui sait le secret; c'est un polynome, le dénominateur commun. On l'appelle le déterminant du système; et ce nom est bien choisi, car c'est lui qui vous sert à déterminer la nature des solutions.
Le P. Poulain.
Le déterminant est aidé par le conseil des numérateurs, assistés eux-mêmes de déterminants mineurs, etc.
Les astronomes qui calculent les mouvements apparents des astres dans leur passage de chaque jour au méridien, ceux qui annoncent l'arrivée des éclipses, des phénomènes célestes, des comètes périodiques, ceux qui observent avec tant de soin les positions précises des étoiles et des planètes aux divers degrés de la sphère céleste, ceux qui découvrent des comètes, des planètes, des satellites, des étoiles variables, ceux qui recherchent et déterminent les perturbations apportées aux mouvements de la terre par l'attraction de la lune et des planètes, ceux qui consacrent leurs veilles à découvrir les éléments fondamentaux du système du monde, tous, observateurs ou calculateurs, sont des précurseurs de l'astronomie nouvelle. Ce sont d'immenses travaux, des labeurs dignes d'admiration et de transcendantes œuvres. Mais c'est l'armée du passé. Mathématiciens et géomètres, désormais le cœur des savants va battre pour une conquête plus noble encore. Tous ces grands esprits, en étudiant le ciel, ne sont en réalité, pas sortis de la Terre. Le but de l'Astronomie n'est pas de nous montrer la position apparente de points brillants, ni de peser des pierres en mouvement dans l'espace, ni de nous faire connaître d'avance les éclipses, les phases de la lune ou des marées. Tout cela est beau mais insuffisant.
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Le jour viendra, et très prochainement, puisque tu es appelé à le voir, où cette étude des conditions de la (p. 266) vie dans les diverses provinces de l'univers sera l'objet essentiel—et le grand charme—de l'Astronomie.
Flammarion.
Dans la Géométrie ancienne les vérités étaient isolées; de nouvelles étaient difficiles à imaginer, à créer; et ne devenait pas géomètre inventeur qui voulait.
Aujourd'hui chacun peut se présenter, prendre une vérité quelconque connue, et la soumettre aux divers principes généraux de transformation; il en retirera d'autres vérités, différentes ou plus générales; et celles-ci seront susceptibles de pareilles opérations; de sorte qu'on pourra multiplier, presqu'à l'infini, le nombre des vérités nouvelles déduites de la première.
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Peut donc qui voudra, dans l'état actuel de la science, généraliser et créer en géométrie; le génie n'est plus indispensable pour ajouter une pierre à l'édifice.
Chasles.
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L'astronomie de l'invisible, n'est, pour ainsi parler, pas plus difficile que celle des astres observables. Le géomètre dans son cabinet de travail, n'a pas besoin de voir les astres pour en calculer la marche. Le Verrier l'a prouvé en découvrant Neptune par le calcul, Bessel en démontrant l'existence du compagnon de Sirius. (p. 267) Tous deux ont vu l'astre inconnu, comme Christophe Colomb voyait l'Amérique des rivages de l'Espagne, et, avec la même foi, ils ont osé assigner la place où devait les voir l'œil émerveillé de l'astronome.
Wolf.
Si de Parme comme centre, avec un rayon égal à 60 lieues, on décrit une demi-circonférence, cette demi-circonférence passe par les sommets des Alpes.
Napoléon.
Il semble que l'on puisse aujourd'hui distinguer, dans les mathématiciens, deux tendances d'esprit différentes. Les uns se préoccupent principalement d'élargir le champ des notions connues; sans se soucier toujours des difficultés qu'ils laissent derrière eux, ils ne craignent pas d'aller en avant et cherchent de nouveaux sujets d'étude. Les autres préfèrent rester, pour l'approfondir davantage, dans le domaine de notions mieux élaborées; ils veulent en épuiser les conséquences, et s'efforcent de mettre en évidence dans la solution de chaque question les véritables éléments dont elle dépend. Ces deux directions de la pensée mathématique s'observent dans les différentes branches de la science; on peut dire toutefois, d'une manière générale, que la première tendance se rencontre le (p. 268) plus souvent dans les travaux qui touchent au calcul intégral et à la théorie des fonctions; les travaux d'algèbre moderne et de géométrie analytique relèvent surtout de la seconde.
E. Picard.
Exposez toute science de raisonnement sous forme de problèmes proposés d'abord, et résolus ensuite, la théorie régulière et suivie ne venant qu'après pour coordonner et classer les vérités acquises. Sous la forme vive et saisissante de problèmes, la science pénètre plus profondément dans l'esprit dont les facultés inventives sont d'ailleurs toujours en pleine action.
Desboves.
Si l'on peut dire de la géométrie rationnelle, telle qu'elle est enseignée depuis l'antiquité, que c'est l'art de faire des raisonnements exacts sur des figures fausses, par opposition on peut dire de la géométrie pratique, dont on fait usage dans les levers de terrain, que c'est l'art de faire des figures exactes avec des instruments infidèles.
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En géométrie, n'y aurait-il pas un grand avantage à faire inscrire des hexagones réguliers dans des circonférences, avant de démontrer que le côté de ces polygones est égal au rayon? Cette marche ne mettrait-elle (p. 269) pas en garde, contre les affirmations trop absolues de la théorie, l'esprit d'un élève qui aurait constaté, par sa propre expérience, que rarement, à la fin de l'opération la pointe du compas retombe sur le point de départ? Cela ne le ferait-il pas réfléchir aux causes d'insuccès de cette opération? Son professeur ne serait-il pas obligé de les lui expliquer? Et peu à peu n'en viendrait-il pas à se familiariser avec ce principe d'expérience, que, dans les applications des vérités les mieux démontrées, de celles qui présentent le caractère le plus indubitable de la vérité absolue, on doit toujours compter, si je puis m'exprimer ainsi, avec les résistances passives contre lesquelles il faut lutter dans chaque action matérielle.
Si je ne me trompe, l'enseignement dirigé dans cette voie, développerait le jugement, le tact pratique. En tout cas, il éviterait des illusions fréquentes à ceux qui acceptent comme des vérités absolues les résultats des recherches physico-mathématiques, recherches dans lesquelles on néglige tant de choses.
Goulier.
Le célèbre topographe ne restait guère dans les régions de l'idéal. Il faisait la part des résistances de la matière et des défaillances de l'opérateur.
Les instruments dont le tribunal des mathématiques fait actuellement usage, pour rédiger l'almanach présenté à S. M. Kouang-Siu et désigner les jours fastes ou néfastes, ont été construits en 1670, sous la direction du Père Verbiest, missionnaire belge. Ils ne permettent qu'une précision de dix minutes de degré tandis que nous pouvons évaluer à l'aide des nôtres jusqu'aux dixièmes de seconde, d'où une précision six mille fois plus grande. On ne s'occupe guère à Pékin que de calendrier et d'astrologie et on est porté à y croire la Terre toujours immobile au centre de l'espace céleste.
Nous avons tenu entre les mains une table de sinus de l'empereur de Chine, Kang-Hi. Le texte, imprimé en Europe, est précédé de 4 feuillets (8 pages), contenant des chiffres arabes et chinois tracés à l'encre de Chine. Chaque page imprimée des tables de sinus et tangentes est précédée et suivie de caractères chinois tracés au pinceau rouge. D'après une note ancienne qui se lit sur la garde et dont voici le texte, ces caractères seraient tracés par l'empereur lui-même: «L'empereur Kang-Hi (p. 271) se servit de ce livre lorsqu'il calculait à l'européenne. Les caractères rouges sont de sa main.»
Sous prétexte de mesurer un degré du méridien, si bien déterminé par les Anciens, ils (les charlatans académiques) se sont fait accorder par le ministre 100 000 écus pour les frais de l'opération, petit gâteau qu'ils se partageront en frères.
Marat, l'ami du peuple.
Les doctrines mathématiques des pythagoriciens devaient être tenues secrètes. Un des initiés (leur signe de reconnaissance était le pentagone étoilé), nommé Hippasos, ayant dévoilé la construction du dodécaèdre inscrit dans la sphère, fut noyé en mer.
Le duc d'Argyle, ayant trouvé les Principia de Newton sur une pelouse de son château, interrogea le jardinier Stone: cet homme de trente ans avait appris seul les éléments de mathématiques, le latin et il comprenait Newton! Dans la suite, Stone a composé un traité de (p. 272) calcul différentiel, qu'on a traduit en français pour compléter celui de de l'Hôpital.
Aux États-Unis, le commis quincaillier Bowdwitch, parvint aussi seul à lire Newton. Après s'être enrichi à Boston, dans une compagnie d'assurances, il publia à ses frais sa traduction de la Mécanique céleste de Laplace, augmentée de commentaires.
Éléazar Féronce vivait vers 1625, aux environs de Grenoble; il était jardinier dans un château; il faisait des observations à l'aide d'instruments qu'il se construisait lui-même.
Le cordonnier hollandais, Théodore Rembrandsz, né vers 1610, publia un ouvrage étendu sur le système de Copernic.
Un ouvrier pelletier-fourreur, Jean Jordan, de Stuttgard, fut un mathématicien et un mécanicien ingénieux.
Un tisserand de Lisieux, nommé Jean Lefèvre, était assez fort mathématicien pour calculer une table des passages de la lune au méridien. On l'attacha au bureau de la Connaissance des temps.
Vers 1710, un berger d'Écosse, Jacques Fergusson s'était construit en bois des instruments d'astronomie; il s'adonna aux mathématiques et devint membre de la Société royale de Londres.
Le cultivateur saxon, Jean-Georges Palitzch, né en 1723, mathématicien et astronome, correspondant de la Société royale de Londres, employait ses loisirs à étudier; il n'abandonna jamais le métier de laboureur.
L'astronome Jean-Louis Pons, né en 1761, d'abord concierge à l'Observatoire de Marseille, a découvert 37 comètes.
(p. 273) Un simple cordonnier, Rigaut, qui s'était instruit seul, a présenté à l'Académie des sciences de bons mémoires de mathématiques.
Sous le titre de Les femmes dans la Science, nous venons de publier, chez l'éditeur Nony, un volume de 350 pages, orné de portraits et d'autographes. Voici un extrait de l'avant-propos.
«Depuis plus de quinze siècles, nous honorons Hypatie, cette grecque d'Alexandrie, si belle et si savante, lapidée par une populace stupide. Les travaux d'astronomie et de mécanique de la marquise du Châtelet défendent sa mémoire. Marie Agnesi, après avoir enseigné le calcul infinitésimal à l'Italie, est morte comme une sainte. À l'occasion d'un problème posé par Napoléon, Sophie Germain a créé, une des premières, la physique mathématique. Mary Somerville a composé, après Laplace, une mécanique céleste. Une russe, Mme Kowalewski, couronnée par notre Académie des Sciences, a été enlevée, il y a quelques années, en pleine floraison de son génie.
Nous avons réuni, pour la première fois, ces belles et nobles figures. Nous avons tracé, de ces femmes hors pair et de quelques autres, des notices à grands traits, sans détails techniques. Le groupe d'élite a été encadré dans un tableau assez complet des autres savantes: l'armée en marche, avec son état-major.
(p. 274) Nous avons surtout étudié les savantes professionnelles, qui ont consacré aux études scientifiques la plus grande partie de leur vie, mathématiciennes, physiciennes, naturalistes et philosophes. Puis sont venues les simples curieuses qui, à l'occasion, ont dit leur mot sur les sciences; les collaboratrices qui ont aidé les savants, discrètement et activement; les professeurs, les vulgarisatrices, modestes et utiles; enfin les protectrices, princesses ou riches bourgeoises, qui ont fondé des prix dans les académies ou répandu leurs bienfaits sous d'autres formes. Les unes et les autres, par des moyens divers, ont exercé une heureuse influence sur le progrès des sciences.
Deux notes, provenant d'une collaboration variée, terminent le livre. Dans l'une, nous avons réuni des opinions opposées sur cette question: Si la femme est capable de science. La seconde note est formée de Menus propos sur les femmes et les sciences, aperçus divers, citations, anecdotes, pensées, etc.»
Ayant remarqué, un jour qu'il passait devant un atelier de forgerons, que les sons des marteaux formaient la quarte, la quinte et l'octave, Pythagore eut l'idée de peser les trois marteaux et, des rapports de leur poids, il conclut une théorie mathématique de l'harmonie des sons.
On sait que le même philosophe a, dit-on, composé la table qui fait le désespoir des petits enfants, et, ce qui est plus important, qu'il a découvert le carré de (p. 275) l'hypoténuse. À l'occasion de cette admirable proposition, Pythagore a sacrifié une hécatombe aux dieux.
Depuis le milieu du xviie siècle jusqu'à nos jours, les Bernoulli, d'origine suisse, ont été des savants distingués. Les ancêtres, les deux frères Jacques et Jean, mathématiciens de premier ordre, ont développé le calcul infinitésimal. Ensuite sont venus Nicolas II, Daniel, Jean II, Jean III, Jérôme, Jacques II et Christophe. Le dernier descendant des grands Bernoulli, physicien et naturaliste, est mort à Bâle en 1863.
Jean-Dominique Cassini, célèbre astronome, fut le premier membre marquant de la famille. Son fils Jacques fut aussi astronome, son petit-fils César-François Cassini de Thury devint membre de l'Académie des sciences à vingt-deux ans. Enfin son arrière-petit-fils Jacques-Dominique, directeur de l'Observatoire, termina la carte de France.
«Sire, les princes éclairés et généreux aiment à découvrir le mérite modeste et à réparer envers lui les torts de la fortune. Ils se plaisent à donner à l'homme de génie les moyens de jeter sur les sciences cet éclat qu'elles recevront de ses travaux et qui réfléchit sur leur gouvernement. À ce titre, les soussignés, membres de l'Institut de France, se permettent de signaler à (p. 276) la royale bienveillance de Votre Majesté un jeune géomètre M. Abel, dont les productions annoncent un esprit de premier ordre, et qui néanmoins languit à Christiania dans un poste peu digne de son rare et précoce mérite.»
Legendre, Poisson, Lacroix.
La Convention établit, en 1794, l'École centrale des travaux publics, à l'instigation de Monge, Lamblardie, Carnot et Prieur. Placée au Palais-Bourbon, ne recevant que des externes, l'école devait d'abord alimenter seulement le corps des ingénieurs civils et militaires. C'est en 1795 que l'école prit son nom d'École polytechnique et son caractère actuel. Nous ne pouvons pas raconter ici sa glorieuse histoire, et nous allons nous borner à quelques anecdotes.
Dans la période du début, chaque candidat doit faire constater par la municipalité de sa ville natale «qu'il a constamment manifesté l'amour de la liberté et de l'égalité et la haine des tyrans». On lit dans un rapport de l'époque: «La manifestation du patriotisme a été généralement nulle. Ils sont presque tous ignorants ou indifférents, tandis que les enfants eux-mêmes balbutient déjà les principes et les hymnes de la liberté! C'est en vain que j'ai tâché, par des questions brusques, imprévues et même captieuses, de suppléer à l'insuffisance des papiers qu'ils ont produits; presque tous m'ont montré qu'ils avaient toujours été indifférents au bonheur de leurs semblables, à leur propre bonheur et même aux événements... Quarante de ces jeunes (p. 277) gens, par leur insouciance de tout ce qui est bon, vertueux et utile, méritent d'être rejetés!»
«Jeunes citoyens, disait plus tard un Ministre de l'Intérieur dans un discours, ayez toujours l'amour de la patrie. Si cet amour agit par sentiment sur le reste des hommes, il est permis de penser que c'est grâce aux savants que cet amour est géométriquement démontré. Je peux le dire ici, dans la langue qui vous est familière, la liberté est le théorème donné par la nature, la République en est la démonstration, l'amour de la patrie en est le corollaire.»
Le dimanche matin, l'ordinaire est augmenté d'une omelette au lard, transformation économique du plat qu'on appelait le cochon de Mme Laplace. En effet, la veuve de l'illustre géomètre, lorsqu'elle avait fondé un prix pour l'élève sortant le premier et consistant dans les œuvres de Laplace, avait disposé d'une somme dont le revenu devait être employé à donner un plat supplémentaire le dimanche. Ce plat consista au début en côtelettes de porc frais.
En 1894, il y a eu de belles fêtes polytechniciennes, à l'occasion du centenaire de la fondation de l'École. Des livres commémoratifs ont été publiés.
Créée à Paris par la Convention, ses quinze cents élèves externes reçurent au Muséum les leçons des maîtres les plus illustres et ces leçons, qui ont été recueillies, (p. 278) sont encore consultées. La plupart de ces élèves enseignèrent, à leur sortie, dans les Écoles centrales des départements. C'est en 1808, que Napoléon réorganisa l'école qui, beaucoup moins nombreuse, devint un internat dans le Lycée Louis-le-Grand et dont les élèves suivirent les cours du Collège de France, de l'École polytechnique et du Muséum. Elle a été transférée à la rue d'Ulm, en 1847, et l'enseignement de ses Maîtres de conférences est devenu à peu près indépendant des cours extérieurs.
Pendant la dernière guerre, les élèves Lande et Szymanski ont gagné la médaille militaire, M. Burdeau a été décoré de la légion d'honneur et Lemoine a été tué à l'ennemi. Deux plaques de marbre noir portent les noms de Lemoine et de Thuillier, élève de M. Pasteur, mort pour la science à Alexandrie où il était allé étudier le choléra.
À la fin des vacances de Pâques de 1895, l'École normale a fêté joyeusement son centenaire. Un grand et beau livre illustré, historique et biographique a été publié chez Hachette, grâce à une collaboration variée. Nous avions ouvert une souscription, en famille, pour faire face aux dépenses. Le reliquat a été déposé dans la caisse de l'Association des anciens élèves.
Le maréchal Vaillant proposait de créer à l'Institut une section des sciences militaires.—Je ne connais pas cela, s'écria M. Chasles. Il y a la science, puis viennent (p. 279) les applications.—On eut beau faire, il ameuta tout le monde contre le projet des spécialistes.
La brouette, grâce à laquelle le manœuvre ne s'épuise plus à transporter directement les fardeaux, et l'omnibus, le vulgaire omnibus chanté comme symbole du progrès par Edmond About, ces deux inventions fort pratiques sont dues, dit-on, au grand Pascal.
Le fait a été contesté (voir l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux du 10 mai 1891).
Sous le second Empire, Cauchy, professeur à la Faculté des sciences, fut dispensé d'un serment qu'il avait refusé en 1830. La même exception fut faite en faveur d'Arago, directeur de l'Observatoire, vulgarisateur et historien des sciences.
Pascal enfant ayant demandé ce que c'était que la géométrie, on s'était borné à lui répondre qu'il s'agissait de faire des figures exactes et de trouver les proportions qu'elles avaient entre elles. Sur cette seule indication et sans aucun livre, Pascal devina tout le (p. 280) commencement d'Euclide jusqu'à la trente-deuxième proposition.
Lagrange disait en 1801 à propos de Cauchy: vous voyez ce petit jeune homme, eh bien! il nous remplacera tous, tant que nous sommes de géomètres.
Parmi les mathématiciens précoces on peut citer encore Huygens, Clairaut et J. Bertrand.
Je mis tous mes soins à découvrir ce tombeau. Les Syracusains m'affirmaient qu'il n'existait point. À force de recherches, je le trouvai enfin, couvert de ronces et de broussailles. Je fus guidé, dans cette découverte, par quelques lignes d'une inscription qu'on disait avoir été gravées sur le monument, et qui se rapportaient à une sphère et à un cylindre, posés au sommet du tombeau. Parcourant des yeux les nombreux tombeaux qui se trouvent vers la porte d'Agrigente, j'aperçus une petite colonne qui s'élevait au-dessus des buissons: il y avait la figure d'une sphère et d'un cylindre[4]. Je m'écriai aussitôt devant les principaux habitants de Syracuse qui m'accompagnaient. Voilà ce que je cherche! Beaucoup se jetèrent alors sur les broussailles pour les couper et mettre l'emplacement à découvert. Ce travail achevé, nous nous approchâmes de la colonne. Nous vîmes l'inscription à moitié rongée par le temps. Ainsi, la plus noble et jadis la plus instruite (p. 281) des cités de la Grèce ignorerait la place du tombeau du plus ingénieux de ses citoyens, si un inconnu d'Arpinum n'était pas venu la lui apprendre.
Cicéron.
Nous sommes redevables de cette importante découverte à feu M. Newton. Ce grand philosophe et mathématicien anglais se trouvait un jour couché dans un jardin, sous un pommier, une pomme lui tomba sur la tête, et lui fournit l'occasion de faire plusieurs réflexions. Il conçut bien que c'était la pesanteur qui avait fait tomber la pomme, après qu'elle eut été dégagée de la branche, peut-être par le vent ou quelque autre cause. Cette idée paraissait fort naturelle, et tout paysan aurait peut-être fait la même réflexion; mais le philosophe anglais allait plus loin. Il faut, dit-il, que l'arbre ait été fort haut; et c'est ce qui lui fit former la question si la pomme serait aussi tombée en bas dans le cas où l'arbre aurait été encore beaucoup plus haut, ce dont il ne pouvait pas douter.
Mais si l'arbre avait été si haut qu'il parvînt jusqu'à la lune, il se trouva embarrassé de décider si la pomme tomberait ou non. En cas qu'elle tombât, ce qui lui paraissait pourtant fort vraisemblable, puisqu'on ne saurait concevoir un terme, dans la hauteur de l'arbre, où la pomme cesserait de tomber; dans ce cas, il faudrait que la pomme eût encore quelque pesanteur qui la pousserait vers la terre: donc, parce que la lune se trouverait au même endroit, il faudrait qu'elle fût (p. 282) poussée vers la terre par une force semblable à celle de la lune. Cependant, comme la lune ne lui tombait point sur la tête, il comprit que le mouvement en pourrait être la cause, de la même manière qu'une bombe peut passer au-dessus de nous sans tomber verticalement en bas. Cette comparaison du mouvement de la lune avec une bombe le détermina à examiner plus attentivement la chose, et, aidé des secours de la plus sublime géométrie, il trouva que la lune suivait dans son mouvement les mêmes règles qu'on observe dans le mouvement d'une bombe; de sorte que s'il était possible de jeter une bombe à la hauteur de la lune et avec la même vitesse, la bombe aurait le même mouvement que la lune. Il a seulement remarqué cette différence, que la pesanteur de la bombe à cette distance de la terre serait beaucoup plus petite qu'ici-bas.
Euler.
On rapporte que Newton, voulant calculer la quantité dont la lune tombe vers la terre en une seconde et ayant disposé les opérations arithmétiques, reconnut qu'il allait obtenir ce qu'il pressentait. Son émotion fut si grande qu'il ne put continuer le calcul et qu'il fallut qu'un de ses élèves l'achevât.
Lors de la création du système métrique, on avait songé à diviser le jour en vingt heures, chaque heure en cent minutes, etc., et la circonférence en quatre (p. 283) cents grades, le grade en cent minutes, etc. Cette question de la décimalisation du temps et de la circonférence revient sur l'eau aujourd'hui.
Au plus fort de la Terreur, Lalande, quoique paroissien médiocre, cacha à l'Observatoire plusieurs prêtres menacés de mort. «Je vous ferai passer, leur dit-il, pour des élèves astronomes: nous nous occupons du Ciel, vous et moi.»
Le ciel est ce qui tourne incessamment autour de la terre et de la mer sur deux pivots qui forment les extrémités d'un axe: car en ces endroits, la puissance qui gouverne la nature a fabriqué et mis ces pivots comme deux centres, l'un au-dessus de la terre et de la mer, en haut du ciel et derrière les étoiles du septentrion, l'autre à l'opposé, sous la terre, vers le midi; et autour de ces deux pivots, comme autour de deux centres, elle a mis de petits moyeux, pareils à ceux d'une roue et d'un tour, sur lequel le ciel tourne continuellement.
Vitruve.
On voit, par ce passage, que les anciens ont cru à l'existence de cieux solides de cristal, tournant sur deux pivots matériels.
Lysias apprit à la fois l'arithmétique par principes et en se jouant: car pour en faciliter l'étude aux enfants, on les accoutume tantôt à partager entre eux, selon qu'ils sont en plus grand ou en plus petit nombre, une certaine quantité de pommes ou de couronnes; tantôt à se mêler, dans leurs exercices, suivant des combinaisons données, de manière que le même occupe chaque place à son tour. Apollodore ne voulut pas que son fils connût ni ces prétendues propriétés que les Pythagoriciens attribuent aux nombres, ni l'application qu'un intérêt sordide peut faire du calcul aux opérations du commerce. Il estimait l'arithmétique, parce qu'entre autres avantages elle augmente la sagacité de l'esprit et le prépare à la connaissance de la géométrie et de l'astronomie.
Lysias prit une teinture de ces deux sciences. Avec le secours de la première, il pourrait plus aisément asseoir un camp, presser un siège, ranger des troupes en bataille, les faire rapidement mouvoir dans une marche ou dans une action. La seconde devait la garantir des frayeurs que les éclipses et les phénomènes extraordinaires inspiraient il n'y a pas longtemps aux soldats.
Abbé Barthélemy.
La ville de Dax, patrie du chevalier de Borda, né en 1733 et mort en 1799, devait élever une statue à cet illustre ingénieur, géomètre et marin.
(p. 285) Le comité chargé de recueillir les souscriptions a rapidement trouvé les fonds nécessaires, mais il a été en présence d'une difficulté sérieuse, qui a menacé même de réduire à néant ses patriotiques intentions: on ne possédait aucun portrait du chevalier de Borda. Le comité fit appel à tous ceux qui pouvaient détenir un buste, un portrait ou une miniature. Peine inutile: Borda n'avait jamais songé à poser devant un statuaire ou un peintre quelconque.
On se trouvait donc exposé à un avortement imprévu quand on se souvint qu'il y avait à Brest un vaisseau portant le nom de Borda, à bord duquel était installée l'école navale. On sut que la poulaine de ce navire était ornée d'un buste doré: ce ne pouvait être que celui du chevalier de Borda. On s'adressa donc à la marine pour en obtenir une photographie. La difficulté allait donc être tranchée. Erreur! Le vaisseau le Borda, avant de recevoir ce nom illustre, avait été baptisé du nom de Valmy et l'on apprit en même temps que le buste qui en ornait la poulaine était celui de Kellermann, le vainqueur des Prussiens en 1792. Mais en poursuivant les recherches, on parvint à trouver dans le Musée naval du port de Brest, où Borda a longtemps servi comme ingénieur et comme inspecteur général des constructions, non pas un buste mais bien deux, portant son nom, au milieu de beaucoup d'autres bustes portant les noms illustres de Jean-Bart, de Vauban, etc. Mais, nouvelle cause d'indécision, ces deux bustes ne se ressemblent pas: l'un représente les traits d'un personnage gras et suffisamment joufflu; l'autre présente l'aspect d'un homme maigre et fluet. Lequel des deux (p. 286) bustes est le bon? Les deux assurément, si ce que l'on suppose est fondé, à savoir que l'un, le fluet, a dû représenter Borda dans sa jeunesse, et l'autre, le joufflu, dans son âge mûr, à une époque où le chevalier a dû prendre de l'embonpoint. À moins que ce ne soit ni l'un ni l'autre, ce qui serait regrettable mais ce qu'on ne saurait supposer.
Quoi qu'il en soit, la Marine se rendant au désir de la ville de Dax, a expédié au comité d'organisation la photographie des deux bustes dissemblables qu'elle possède. On a choisi et la statue de Borda a été érigée le 24 mai 1891.
Une grande erreur est de penser que l'enthousiasme est inconciliable avec les vérités mathématiques. Je suis persuadé qu'il est tel problème, de calcul, d'analyse de Kepler, de Galilée, de Newton, d'Euler, la solution de telle équation, qui supposent autant d'invention, d'inspiration que la plus belle ode de Pindare. Ces pures et incorruptibles formules, qui étaient avant que le monde fût, qui seront après lui, qui dominent tous les temps, tous les espaces, qui sont, pour ainsi dire, une partie intégrante de Dieu, ces formules sacrées qui survivront à la ruine de tous les univers, mettent le mathématicien qui mérite ce nom, en communication avec la pensée divine. Dans ces vérités immuables, il savoure le plus pur de la création; il prie dans sa langue. (p. 287) Il dit au monde comme cet ancien: «Faisons silence, nous entendrons le murmure des dieux!»
Edgard Quinet.
Il est des vérités scientifiques, dit Descartes, qui sont des batailles gagnées; racontez aux jeunes gens les principales et les plus héroïques de ces batailles: vous les intéresserez aux résultats mêmes des sciences, et vous développerez chez eux l'esprit scientifique, au moyen de l'enthousiasme pour la conquête de la vérité; vous leur ferez comprendre la puissance de raisonnement qui a amené les découvertes actuelles et en amène d'autres. Quel intérêt prendraient l'arithmétique et la géométrie, si l'on joignait un peu de leur histoire à l'exposition de leurs principales théories, si l'on assistait aux efforts des Pythagore, des Platon, des Euclide, ou, plus tard des Viète, des Pascal, des Leibniz! Les grandes théories, au lieu d'être des abstractions mortes et anonymes, deviendraient des vérités vivantes, humaines, ayant leur histoire, comme une statue qui est de Michel-Ange, comme un tableau qui est de Raphaël.
Alfred Fouilliée.
D'après Grégori et Maclaurin, Pythagore aurait deviné la loi précise de la gravitation universelle. Voici un curieux extrait du premier de ces savants:
Une corde de musique, dit Pythagore, donne les mêmes sons qu'une autre corde, dont la longueur est (p. 288) double, lorsque la tension ou la force avec laquelle la dernière est tendue est quadruple; et, la gravitation d'une planète est quadruple de la gravitation d'une autre, qui est à distance double. En général, pour qu'une corde de musique puisse devenir à l'unisson d'une corde plus courte de même espèce, sa tension doit être augmentée dans la même proportion que le carré de sa longueur est plus grand; et afin que la gravité d'une planète devienne égale à celle d'une autre planète plus proche du soleil, elle doit être augmentée à proportion que le quarré de sa distance au soleil est plus grand. Si donc nous supposons des cordes de musique tendues du soleil à chaque planète, pour que ces cordes deviennent à l'unisson, il faudrait augmenter leur tension, dans les mêmes proportions qui seraient nécessaires pour rendre les gravités des planètes égales. C'est de la similitude de ces rapports que Pythagore a tiré sa doctrine de l'harmonie des sphères.
Louis XVIII dit, un jour, à un mathématicien célèbre: «Monsieur, vous pourriez peut-être m'aider à résoudre un problème? Comment se fait-il qu'ayant été accompagné par une cinquantaine de personnes quand je suis parti pour Gand, j'en trouve aujourd'hui dix mille qui prétendent y avoir été avec moi?»
Né en 1811, Évariste Galois, mathématicien de génie, est mort à vingt ans dans un duel. M. P. Dupuy a publié, en 1896, une notice sur Galois, dans les Annales de l'École normale supérieure et il a reconstitué, avec un soin extrême, une vie malheureuse et peu connue.
Dans le premier volume de son Cours d'études historiques, Daunou explique assez longuement pourquoi, suivant lui, le calcul n'est pas applicable à l'appréciation des témoignages en histoire.
On trouve sur le même sujet, dans les Indications de Clio par Zchokke, cette anecdote assez curieuse. Un amateur avait enregistré, d'après les journaux du temps, le nombre des victimes de la Révolution et des guerres de l'Empire. Il était arrivé ainsi au total de 142.214.817 morts et il allait publier ce grand nombre avec détails et preuves à l'appui, lorsqu'un ami lui fit remarquer l'absurdité du résultat. L'Europe ne comptait que cent quatre-vingts millions, de sorte que les journalistes l'avaient presque dépeuplée en vingt ans!
J'ai entendu dire qu'aux environs de Naucratis d'Égypte exista un des plus anciens dieux, celui auquel (p. 290) est consacré l'oiseau qu'on appelle Ibis: que son nom est Theut, et que le premier, il avait découvert le Nombre, le Calcul, la Géométrie, les Dames et les Dés.
Platon (Phèdre.)
N'est-il pas, pour le moins, aussi nécessaire d'enseigner les ressources employées, à diverses époques, par les hommes de génie, pour parvenir à la vérité, que les efforts pénibles qu'ils ont été ensuite obligés de faire pour la démontrer selon le goût des esprits ou timides ou peu capables de se mettre à leur portée?
Poncelet.
Que, dans l'étude des mathématiques, on fasse table rase du passé, qu'on les enseigne dégagées de tout document historique, cela n'est pas sans inconvénients.
J.-B. Dumas.
Arago rapporte ces paroles de Napoléon à M. Lemercier, membre de l'Institut:
«Pensez-vous que si je n'étais pas devenu général en chef et l'instrument d'un grand peuple, j'aurais couru les bureaux et les salons pour me mettre dans la dépendance de qui que ce fût, en qualité de ministre (p. 291) ou d'ambassadeur? Non, non! je me serais jeté dans l'étude des sciences exactes, j'aurais fait mon chemin dans la route des Galilée et des Newton; et puisque j'ai réussi constamment dans mes grandes entreprises, eh bien! je me serais hautement distingué aussi par des travaux scientifiques; j'aurais laissé le souvenir de belles découvertes: aucune autre gloire n'aurait pu tenter mon ambition.»
On conserve aux Archives de l'Institut un rapport de Laplace, Bonaparte et Lacroix (23 octobre 1799) sur un mémoire de Biot intitulé: Considérations sur les équations aux différences mêlées.
Napoléon trouvait avec une facilité prodigieuse la solution de problèmes géométriques très compliqués. Il étonnait Monge lui-même.
Les progrès des sciences expérimentales ont insensiblement amené les esprits à concevoir toute science sur leur modèle. Le type de certitude scientifique était autrefois la démonstration géométrique; c'est maintenant la vérification expérimentale. Non que les mathématiques aient rien perdu, à nos yeux, de leur inflexible rigueur, et d'ailleurs, la possibilité d'une mesure exacte avec la réduction à une formule mathématique est de plus en plus le signe d'une théorie scientifique faite; mais nous regardons moins volontiers du côté de la géométrie pure.
Ollé-Laprune.
(p. 292) Les mathématiques, transcendantes surtout, ne conduisent à rien de précis sans l'expérience: c'est une espèce de métaphysique générale où les corps sont dépouillés de leurs qualités individuelles;—il resterait à faire un grand ouvrage qu'on pourrait appeler l'Application de l'Expérience à la Géométrie ou Traité de l'Aberration des Mesures.
Diderot.
À l'aide de quelques axiomes, tirés soit de l'esprit humain, soit de l'observation et en procédant uniquement par voie de raisonnement, la géométrie avait commencé, dès le temps des Grecs, à élever ce merveilleux édifice, qui a subsisté et qui subsistera toujours sans aucun changement essentiel. La logique règne ici en souveraine, mais c'est dans le monde des abstractions. Les déductions mathématiques ne sont certaines que pour leur ordre même; elles n'ont aucune existence effective en dehors de la logique. Si on les applique à l'ordre des réalités, elles y constituent un instrument puissant, mais elles ne sont pas autre chose; leurs affirmations tombent aussitôt sous la condition commune, c'est-à-dire que les prémisses doivent être tirées de l'observation, et que la conclusion doit être contrôlée par cette même observation.
Berthelot.
Les sciences de la matière relèvent toutes, sans exception, des sciences de l'esprit, parmi lesquelles on doit ranger les mathématiques... Pas une application ne serait possible sans le secours de leurs formules abstraites, (p. 293) pas le plus petit progrès sans leur concours et leur permission.
Charraux.
Dans les mathématiques, on suit surtout une méthode déductive.
Une science ne peut être considérée comme arrivée à la perfection que quand, à l'exemple des mathématiques, toutes les vérités partielles peuvent être démontrées à l'aide de quelques axiomes généraux.
La division des sciences en inductives et déductives ne se rapporte qu'à leur développement successif. Plus la science est parfaite, plus la déduction y a d'application.
Bougaev.
La théorie des parallèles n'a fait aucun progrès depuis Euclide jusqu'au commencement de notre siècle. Tous les efforts pour démontrer le postulatum d'Euclide ou une proposition équivalente étaient restés infructueux, lorsque Lobattcheffsky en 1829 et Bolyai en 1832, changeant résolument de voie, conçurent et exécutèrent séparément le projet hardi de supposer que la proposition n'était pas vraie et de constituer un nouveau système de géométrie non contradictoire, en poussant jusqu'à ses dernières limites le développement de leur hypothèse. Gauss qui par ses propres méditations avait obtenu les mêmes résultats dès 1792, sans toutefois avoir rien publié sur ce sujet, assura par son patronage le succès de l'œuvre de Lobattcheffsky qui, (p. 294) écrivait-il à Schumacher «avait traité la matière de main de maître». Depuis lors, un grand nombre de géomètres, parmi lesquels il faut surtout citer Riemann et Beltrami, ont considérablement agrandi le champ de ces spéculations.
Rouché.
Les mathématiques étant une science de raisonnement, dans laquelle l'observation n'a presque rien, et l'expérience absolument rien à faire, a dû être constituée longtemps avant les autres sciences. Il est clair que pour compter ou pour comparer des grandeurs entre elles, l'homme n'a pas eu besoin de connaître la nature. Le calcul et la géométrie se sont donc formés dans une indépendance absolue vis-à-vis des autres catégories de connaissances. Mais, par cela même, le calcul et la géométrie ont eu pendant des siècles, un développement de perfection très supérieur à ce qu'exigeaient les besoins de la vie en société. Chez les Anciens, les seuls esprits cultivés jouissaient de la contemplation des vérités abstraites formulées par Pythagore, Archimède et Euclide. Aussi ces vérités indispensables à l'établissement des sciences d'observation comme l'astronomie, et des sciences expérimentales comme la physique, étaient-elles condamnées à attendre que le développement de la vie collective eût acquis des proportions convenables.
Foucou.
Saint Anatolius est l'auteur d'Institutions arithmétiques.
Gerbert, devenu pape sous le nom de Saint Sylvestre II, était un remarquable mathématicien.
Saint Guillaume d'Hirschau a écrit sur le comput ecclésiastique et inventé des instruments d'astronomie.
Enfin, d'après Cantor, l'historien des mathématiques, Boèce, et Symmaque, auraient aussi été canonisés.
Voici un extrait de la préface janséniste d'une géométrie réformatrice due à Arnauld:
«Entre les exercices humains qui peuvent le plus disposer l'esprit à recevoir les vérités Chrestiennes avec moins d'opposition et de dégoust, il semble qu'il n'y en ait guères de plus propre que la géométrie. Car rien n'est plus capable de détacher l'âme de cette application aux sens, qu'une autre application à un objet qui n'a rien d'agréable selon les sens; et c'est ce qui se rencontre parfaitement dans cette science. Elle n'a rien du tout qui puisse favoriser tant soit peu la pente de l'âme vers les sens; son objet n'a aucune liaison avec la concupiscence; elle est incapable d'éloquence et d'agrément dans le langage; rien n'y excite les passions; elle n'a rien du tout d'aimable que la vérité, et elle la présente à l'âme toute nue et détachée de tout ce que l'on aime de plus dans les autres choses.»
Agripa, l'auteur du Traité de la vanité des sciences, est d'avis différent:
(p. 296) «Combien que ces disciplines (les mathématiques) n'aient causé en l'Église de Dieu guères d'hérésies, ou point du tout, si est ce que comme dit Saint Augustin, elles sont inutiles à notre salut, plutôt nous détournant de Dieu, et induisant à pécher que autrement; et ne sont ainsi que Saint Hierome affirme, sciences de personnes craignans Dieu.»
Michelet fait, dans son Journal, cette déclaration assez inattendue de sa part. «J'aime assez ce régime: les mathématiques et l'Évangile; il y a là tout ce qu'il faut pour l'âme.»
Calcul vient du mot latin signifiant caillou, parce qu'on comptait jadis avec des cailloux, d'où le titre l'Arénaire d'un ouvrage d'Archimède. Au xiie siècle, l'indien Bhâscara a fait un livre, le Bijaganitam, sur le comptage à l'aide des graines.
Au xvie siècle, nous nous servions de jetons: «Enseigne l'arithmétique et calcul, tant au jet qu'à la plume.» Au début de la comédie de Molière, c'est à l'aide de jetons que le malade imaginaire additionne le compte de son apothicaire. Madame de Sévigné écrit à sa fille qu'elle vient de faire le compte de sa fortune «avec les jetons de l'abbé (de Coulanges), qui sont si justes et si bons.»
Le mot calcul a conservé son sens étymologique, lorsqu'il s'agit des petites pierres qui se forment dans la vessie. (Maladie de la pierre.)
Les étymologies de calcul, arithmétique et géométrie, sont claires, mais algèbre viendrait de l'arabe Al-jèbr, raccorder un membre, rétablir le tout d'après ses parties? En espagnol, algébriste signifie chirurgien.
Lisez le roman de Jules Verne intitulé: Histoire de trois Russes et de quatre Anglais. Il est question des angles adjacents à la base du 8e triangle, du 103e logarithme de la table de Volaston, d'un calculateur menacé par les crocodiles, de deux registres volés par des singes, etc., etc. «Trianguler ou mourir», voilà la devise de ces fiers opérateurs.
Les aventures réelles de Delambre et Méchain, puis de Biot et Arago sont autrement émouvantes. (Voyez La mesure du mètre, un petit livre de W. de Fonvielle.)
À la suite d'une étude de M. J. Liouville, élève-ingénieur, insérée en 1830 dans les Annales de Mathématiques, le rédacteur, Gergonne avait écrit.
«Je crois devoir m'excuser vis-à-vis du lecteur de lui livrer un mémoire aussi maussadement, je puis dire aussi inintelligiblement rédigé...
Je ne prétends contester aucunement la capacité mathématique de M. Liouville: mais à quoi sert cette capacité, si elle n'est accompagnée de l'art de disposer, de l'art de se faire lire, entendre et goûter. Malheureusement, il n'est aujourd'hui que trop de jeunes gens, de beaucoup de mérite d'ailleurs qui regardent, comme un accessoire indifférent ce que je regarde, moi, comme le mérite essentiel, le mérite par excellence, au défaut duquel tout le reste n'est absolument rien.»
(p. 299) On sait que Liouville a fondé le célèbre Journal de Mathématiques qui porte encore son nom.
Sous ce titre, M. de Mirval a essayé de dramatiser plusieurs épisodes de la vie des savants, par exemple, les persécutions de Kepler. Ponsard avait déjà fait un Galilée en cinq actes. Enfin Louis Figuier, le célèbre vulgarisateur, a aussi publié des pièces curieuses à données scientifiques: la Science au théâtre, 2 vol.
Lors de l'invention du calcul infinitésimal, il donna lieu à un vaudeville et à un air intitulé: les Infiniment petits, où l'on plaisantait sur la frêle santé du marquis de l'Hôpital et sur les caprices de la marquise.
Madame de l'Hôpital a réfuté, dans le Journal des Savants de 1691, les théories géométriques d'un nommé Lamontre.
C'est là le titre d'une comédie du hollandais Langendick (1715); il s'agit d'un tuteur bafoué, comme d'habitude, par son pupille, pendant qu'il disserte sur les sciences avec un vieil ami.
Au moyen-âge, des règlements fort sévères punissaient non seulement les ouvriers qui avaient employé dans leur fabrication des matières premières avariées, mais encore ceux qui ne donnaient pas à leurs produits les formes et les dimensions requises. En ce qui concernait les tisserands de laine, ces règlements allaient jusqu'à fixer le nombre de fils dont devait se composer la trame.
On trouve à ce sujet des détails curieux dans l'Histoire de l'industrie française, d'Alexis Monteil. Le collage de la chaîne, le foulage, le feutrage, le soufrage, le calendrage, tout est prévu, sans oublier la longueur ni la largeur de la pièce; et le contrevenant pouvait être condamné, en certain cas, à avoir le poing coupé, «ce qui était bien fait, car les honnêtes tisserands voulaient conserver leurs deux mains».
Suivant la qualité des draps, la trame devait se composer de 1400 ou de 1800 fils. Pour le drap fin destiné aux vêtements de luxe, le nombre de fils était de 30 fois 100 fils; ce qui fit donner à ce drap le nom de trentain.
Porter du trentain était donc le fait d'un homme riche qui ne regardait pas aux dépenses de la toilette.
Trentain, terme technique, se métamorphosa facilement en trente-un dans la bouche de ceux qui ne connaissaient pas l'origine de cette appellation; et comme l'usage a prévalu de dire trente et un, ces mots sont restés pour désigner une toilette soignée.
Ne pas prendre le Traité de la Roulette, de Pascal, pour une étude sur le jeu du même nom: il s'agit de la courbe appelée aussi cycloïde.
Bien se garder de confondre le Traité des Fluxions, de Newton ou de Maclaurin, ni une étude sur les Caustiques, avec un livre de médecine.
Les deux plus anciens manuscrits français d'algorithme et de géométrie sont à la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Ils datent de 1275 et ont été publiés par M. Charles Henry.
On a un traité d'arithmétique imprimé à Trévise en 1478 et deux à Bamberg en 1482 et 1483. L'allemand Ratdolt, mort en 1505, a imprimé le premier des figures dans un texte de mathématiques.
D'après le Répertoire bibliographique des sciences mathématiques, en voie de publication, les écrits sont répartis d'après leur objet, indépendamment des méthodes, en classes désignées par une lettre capitale; les classes seront subdivisées en sous-classes désignées par la lettre capitale de la classe affectée d'un exposant; les classes et les sous-classes sont partagées en divisions désignées par un chiffre arabe; les divisions en sections désignées par une minuscule latine; les sections en sous-sections représentées par une minuscule (p. 302) grecque. La notation relative à un écrit mathématique est notée dans un encadrement rectangulaire. Ainsi
L14bx
est la notation qui désigne un mémoire traitant des propriétés du lieu géométrique d'un angle droit circonscrit à une conique.
En effet L signifie coniques et quadriques; L1, coniques; L14, tangentes aux coniques; L14b, tangentes aux coniques faisant un angle donné; la sous-section α traite du cas où l'angle est droit.
Les auteurs ou éditeurs d'écrits mathématiques originaux sont priés d'accompagner le titre de ces écrits de la notation symbolique qui indique leur place dans la classification du répertoire.
Le Secrétaire de la commission permanente du Répertoire est M. Laisant, 162, avenue Victor Hugo, à Paris.
Le répertoire paraît chez Gauthier-Villars par séries de 100 fiches in-32, à 2 fr. la série. Les 5 premières séries sont en vente.
On ne saurait contester les relations des mathématiques avec la littérature. La rhétorique sacrée ou profane lui emprunte ses plus belle figures. Le Nouveau-Testament (p. 303) abonde en paraboles; les écrivains anciens et modernes ont fait avec succès usage de l'ellipse et du cercle; tel orateur véhément a recours à l'hyperbole; tel autre a fait briller ses arguments sous les vives couleurs du prisme. Certain grand général n'a-t-il pas eu l'heureuse inspiration d'associer la beauté géométrique des pyramides à leur fabuleuse antiquité?
Dans le centre éclatant de ces orbes immenses,
Qui n'ont pu nous cacher leur marche et leurs distances,
Luit cet astre du jour par Dieu même allumé,
Qui tourne autour de soi sur son axe enflammé;
De lui partent sans fin des torrents de lumière;
Il donne, en se montrant, la vie à la matière,
Il dispense les jours, les saisons et les ans
À des mondes divers autour de lui flottants.
................
Par delà tous ces cieux, le Dieu des cieux réside.
Voltaire.
Pourquoi ces mouvements et ces orbes divers
Que six mondes errants tracent dans l'univers?
Quel pouvoir auprès d'eux retient leurs satellites?
Où l'ardente comète a-t-elle ses limites?
Pourquoi l'astre du jour, sur son axe agité,
Vers le centre commun semble-t-il arrêté?
Tout fut lancé des mains du créateur suprême.
Tout pèse, attire, fuit, par un destin pareil;
Le moindre grain de sable attire le soleil.
Soumis aux mêmes lois, doués d'une puissance
Qui s'accroît par leur masse et perd par la distance,
Les astres voyageurs dans les plaines du ciel
Exercent l'un sur l'autre un effort mutuel.
Daru.
«Que dites-vous? Comment? Je n'y suis pas: vous plairait-il de recommencer? Vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid; que ne disiez-vous: il fait froid!»
Ce passage de La Bruyère m'est revenu en mémoire à l'occasion d'une locution nouvelle déjà fort répandue, et qui consiste à nommer variété évanouissante le cas particulier d'une conique qui se réduit à un point ou à deux droites. J'avoue que je n'ai pas compris tout d'abord. En bon français, une variété évanouissante devrait vouloir dire une variété qui s'évanouit, qui cesse d'exister, en sorte qu'une ellipse qui cependant est un genre et non une variété cesserait d'être une variété quand elle se réduirait à un point. Quel galimatias! Revenons à La Bruyère. «Vous voulez dire, Acis, que votre courbe se réduit à un point ou à deux droites: dites qu'elle se réduit à un point ou à deux droites. Mais, répondez-vous, cela est bien uni et bien clair, et d'ailleurs qui ne pourrait en dire autant? Qu'importe, Acis? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle et de parler comme tout le monde?»
Prouhet.
Un savant s'embarque sur une nacelle pour traverser un large fleuve. Il dit au batelier:
—Connais-tu l'histoire?
—Non.
(p. 305)—Alors tu as perdu la moitié de ta vie. Connais-tu les mathématiques?
—Non.
—Alors tu as perdu les trois quarts de ta vie!
À peine le savant avait-il prononcé ces mots qu'un coup de vent fit chavirer la barque.
—Sais-tu nager? demande à son tour le batelier, au pauvre professeur qui se débattait dans les flots.
—Hélas, non.
—Eh bien, tu as perdu ta vie tout entière.
La locution «Moyenne et extrême raison» viendrait de ce que si l'on considère la petite partie, la grande partie et la droite entière, on peut dire que, dans cet ordre, la raison de l'extrême égale la raison de la moyenne. Quoi qu'il en soit, Lucas de Burgo consacre 66 pages aux mérites d'une proportion qu'il qualifie de divine.
Un moderne, M. de Bonald affirme, dans sa Législation primitive une autre proportion, obscure mais merveilleuse aussi, qui réglerait tout. «On doit donc établir cette proportion générale: la cause est au moyen, ce que le moyen est à l'effet; ce qu'on peut considérer comme une expression algébrique A : B :: B : C, dont on fait l'application à toute sorte de valeurs.»
J.-J. Rousseau avait déjà dit qu'il y a «proportion continue entre le souverain, le prince et le peuple.» (p. 306) Mais il avait ajouté qu'on ne doit pas conclure à une moyenne proportionnelle calculable par racine carrée. «En empruntant un moment des termes de géométrie, je n'ignore pas que la précision géométrique n'a pas lieu dans les quantités morales.»
Ces deux satellites de Mars, récemment découverts, ont été devinés, grâce à un hasard singulier, par Voltaire dans son roman de Micromegas et par Swift qui en attribue l'observation aux astronomes de Laputa.
On lit dans Micromegas: «En côtoyant la planète Mars... nos deux voyageurs virent deux lunes qui servent de satellites à cette planète, et qui ont échappé aux regards de nos astronomes.» Or, ce n'est qu'en 1877 que Hall a découvert les deux satellites de Mars.
Il se livrait à son tempérament d'algébriste. Ce n'était point des chiffres minuscules qu'il employait dans ses calculs, non! c'étaient des chiffres fantaisistes, gigantesques, tracés d'une main fougueuse. Ses 2 et ses 3 s'arrondissaient comme des cocottes de papier; ses 7 se dessinaient comme des potences, et il n'y manquait qu'un pendu; ses 8 se recourbaient comme de larges lunettes; ses 6 et ses 9 se parafaient de queues interminables.
(p. 307) Et les lettres avec lesquelles il établissait ses formules, les premières de l'alphabet, a, b, c, qui lui servaient à représenter les quantités connues ou données, et les dernières, x, y, z, dont il se servait pour les quantités inconnues ou à déterminer, comme elles étaient accusées d'un trait plein, sans déliés, et plus particulièrement ses z, qui se contorsionnaient en zig-zags fulgurants! Et quelle tournure, ses lettres grecques, les π, les λ, les ω etc., dont un Archimède ou un Euclide eussent été fiers!
Quant aux signes, tracés d'une craie pure et sans tache, c'était tout simplement merveilleux. Ses + montraient bien que ce signe marque l'addition de deux quantités. Ses-, s'ils étaient plus humbles, faisaient encore bonne figure. Ses X se dressaient comme des croix de Saint-André. Quant à ses =, leurs deux traits, rigoureusement égaux, indiquaient vraiment que J.-T. Maston était d'un pays où l'égalité n'est pas une vaine formule, du moins entre types de race blanche. Même grandiose de facture, pour ses <, ses >, pour ses dessinés dans des proportions extraordinaires. Quant au signe V , qui indique la racine d'un nombre ou d'une quantité, c'était son triomphe, et, lorsqu'il le complétait de la barre horizontale pour cette formule:
V
il semblait que ce bras indicateur dépassant la limite du tableau noir, menaçait le monde entier de le soumettre à ses équations furibondes!
Et ne croyez pas que l'intelligence mathématique de J.-T. Maston se bornât à l'horizon de l'algèbre élémentaire! (p. 308) Non! Ni le calcul différentiel, ni le calcul intégral, ni le calcul des variations ne lui étaient étrangers, et c'est d'une main sûre qu'il traçait ce fameux signe de l'intégration; cette lettre effrayante dans sa simplicité,
∫
somme d'une infinité d'éléments infiniment petits!
Il en était de même du signe Σ, qui représente la somme d'un nombre fini d'éléments finis, du signe ∞ par lequel les mathématiciens désignent l'infini, et de tous les symboles mystérieux qu'emploie cette langue incompréhensible du commun des mortels.
Jules Verne.
J.-T. Maston est le héros du roman Sans dessus dessous (1889): des américains achètent la calotte polaire qu'ils veulent utiliser, après avoir changé la direction de l'axe de la terre, à l'aide d'un choc formidable. Malheureusement le calculateur a donné par mégarde 40.000 mètres au lieu de 40.000 kilomètres à la circonférence terrestre.
Je dois avant tout louer l'activité et le dévouement du vaillant capitaine Tycho-Brahe, qui, sous les auspices des souverains de Danemark, Frédéric et Christian, a, pendant vingt années successives, étudié, chaque nuit et presque sans relâche, toutes les habitudes de l'ennemi, dévoilé ses plans de campagne et découvert les mystères de ses marches. Les observations, qu'il m'a léguées, (p. 309) m'ont aidé à bannir cette crainte vague et indéfinie qu'on éprouve d'abord pour un ennemi inconnu...
Enfin l'ennemi se résigna à la paix, et par l'intermédiaire de sa mère la nature, il m'envoya l'aveu de sa défaite, se rendit prisonnier sur parole, et l'Arithmétique et la Géométrie l'escortèrent sans résistance jusque dans notre camp. Depuis lors, il a montré qu'on peut se fier à sa parole; content de son sort, il ne demande qu'une grâce à Votre Majesté: toute sa famille est dans le ciel; Jupiter est son père, Saturne son aïeul, Mercure son frère, et Vénus son amie et sa sœur; habitué à leur auguste société, il brûle de les retrouver et voudrait les voir avec lui, jouissant, comme il le fait aujourd'hui, de votre hospitalité; il faut pour cela profiter de nos succès et poursuivre la guerre avec vigueur; elle n'offre plus de périls, puisque Mars est en notre pouvoir. Mais je supplie Votre Majesté de songer que l'argent est le nerf de la guerre, et de vouloir bien commander à son trésorier de livrer à votre général les sommes nécessaires pour la levée de nouvelles troupes.
Kepler.
Tu me crois obsédé par un mauvais génie,
Alcippe, tu te plains de l'étrange manie
Qui fait qu'en ma maison devenu prisonnier,
D'un flot d'x et d'y je couvre mon papier.
Laisse là, me dis-tu, l'algèbre et ses formules,
Laisse là ton compas, laisse là tes modules;
C'est un emploi bien triste et des nuits et des jours
Que d'intégrer sans fin et de chiffrer toujours.
..............
(p. 310) Mais ont-ils ces mortels que le destin caresse,
Au calcul intégral demandé la richesse?
Vois ce vieux financier. Sans cesse à son comptoir,
Il revient supputer son doit et son avoir.
D'enchérir sur Euclide il n'a point la folie;
Il ajoute, soustrait, divise ou multiplie,
Et, de Barême seul écoutant la leçon,
Laisse dormir en paix Descartes et Newton.
Cauchy.
M. Faurie, mort il y a quelques années, avait composé, dit-on, un poème épique sur la guerre de Crimée.
Ma chambre est située sous le quarante-huitième degré de latitude, selon les mesures du père Beccaria; sa direction est du levant au couchant; elle forme un carré long qui a trente-six pas de tour, en rasant la muraille de bien près. Mon voyage en contiendra cependant davantage; car je la traverserai souvent en long et en large, ou bien diagonalement, sans suivre de règle ni de méthode.—Je ferai même des zig-zags, et je parcourrai toutes les lignes possibles en géométrie, si le besoin l'exige.
X. de Maistre.
L'esprit géométrique donne beaucoup de flegme, de modération, d'attention et de circonspection.
... Tout ce qui fera donc ces esprits brillants, à qui on a donné par privilège le titre de beaux esprits, je (p. 311) veux dire l'abondance, la variété, la liberté, la promptitude, la vivacité; tout cela est directement opposé aux opérations géométriques, qui sont simples, lentes, sèches, forcées et nécessaires.
D. Huet.
Je sais qu'on me dira que les mathématiques rendent particulièrement appliqué; mais elles n'habituent pas à rassembler, à apprécier, à concentrer: l'attention qu'elles exigent, est, pour ainsi dire, en ligne droite.
Mme de Staël.
Deux rois de France, Charles VI et Louis XV, ont reçu à tort le surnom de bien-aimé.
Les Parisiens firent au dernier cet épitaphe:
Ci-gît Louis le quinzième,
Du nom de bien-aimé le deuxième;
Dieu nous préserve du troisième!
Platon dit que la ligne droite est celle «dont les points milieux ombragent les extrêmes». Il dit aussi que «le plan est une surface dont les parties du milieu ombragent les extrêmes». Ces définitions, qui font image, sont pleines de grâce et de poésie.
La géométrie est représentée par une femme, d'âge moyen, couverte d'un voile blanc et transparent. Un (p. 312) globe est à ses pieds et elle trace, avec un compas, un cercle sur un papier où sont déjà d'autres figures.
On désigne, sous cette brève indication, l'alcool dont la force est telle qu'avec trois parties de cet alcool et trois d'eau, on fait six parties d'alcool ordinaire.
La syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue... On dirait que c'est d'une géométrie tout élémentaire, de la simple ligne droite, que s'est formée la langue française.
Rivarol.
Votre république dose, mesure et règle l'homme; la mienne l'emporte en plein azur; c'est la différence qu'il y a entre un théorème et un aigle.
—Tu te perds dans le nuage.
—Et vous dans le calcul.
—Il y a du rêve dans l'harmonie.
—Il y en a aussi dans l'algèbre.
Je voudrais l'homme fait par Euclide.
—Et moi, dit Gauvain, je l'aimerais mieux fait par Homère.
—.........
—..... La république, c'est deux et deux font quatre. Quand j'ai donné à chacun ce qui lui revient...
Victor Hugo.
L'étrangeté de cette science m'étonnait; rien ne m'y avait préparé dans ma vie. Tout était également nouveau, inattendu, comme si j'eusse respiré sur une autre planète perdue aux confins de l'univers. Et je n'étais pas assez fantasque pour ne pas jouir de ces vérités inébranlables, les mêmes partout, les seules qui m'eussent donné jusque là le sentiment de la certitude. C'étaient à mes yeux comme des colonnes d'émeraude, fixes, immuables, qui se dressaient tout à coup au milieu du chaos que mon intelligence enfermait. Je m'appuyais avec sécurité sur ces colonnes; le monde se raffermissait à mes yeux, et j'osais m'engager plus avant.
J'aimais comme un Pythagoricien la pureté incorruptible de la géométrie. M. Clerc, intraitable sur les figures que nous devions tracer comme au burin, faisait de cette incorruptibilité un devoir. La langue de l'algèbre, mystérieuse et lumineuse, me saisissait. Ce que j'admirais surtout dans cet idiome, c'est qu'il ne consent à exprimer que des vérités générales, universelles, et qu'il dédaigne les vérités particulières. Je lui attribuais en cela une fierté que je refusais aux idiomes (p. 314) humains; à ce point de vue l'algèbre me semblait la langue du Dieu de l'esprit.
Je comprenais assez bien aussi le genre de style propre à l'algèbre; j'étais frappé de l'art avec lequel les mathématiciens éloignent, rejettent, éliminent peu à peu tout ce qui est inutile pour arriver à exprimer l'absolu, avec le plus petit nombre possible de termes, tout en conservant dans l'arrangement de ces termes un choix, un parallélisme, une symétrie qui semble être l'élégance et la beauté visible d'une idée éternelle.
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Si l'algèbre m'avait frappé, je fus ébloui par l'application de l'algèbre à la géométrie... L'idée, la possibilité d'exprimer une ligne, une courbe par des termes algébriques, par une équation, me parut aussi belle que l'Iliade. Quand je vis cette équation fonctionner et se résoudre, pour ainsi dire, toute seule, entre mes mains, et éclater en une infinité de vérités, toutes également indubitables, également éternelles, également resplendissantes, je crus avoir en ma possession le talisman qui m'ouvrait la porte de tous les mystères.
Edgard Quinet.
E. Quinet s'est préparé à l'École polytechnique, comme Victor Hugo et Sully-Prudhomme.
Les mathématiques rendent l'esprit juste en mathématiques, tandis que les lettres le rendent juste en morale.
J. Joubert.
Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds avait créé les mathématiques; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu'on eût vu, depuis l'antiquité; qui, à dix-neuf, réduisait en machine une science qui existe tout entière dans l'entendement; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l'air et détruisit une des plus grandes erreurs de l'ancienne physique; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine à naître, ayant achevé de parcourir le cercle des connaissances humaines, s'aperçut de leur néant et tourna toutes ses pensées vers la religion.
Chateaubriand.
Peut-être ce singulier phénomène (la supériorité de Pascal comme écrivain) doit-il en partie s'expliquer par l'influence même des études abstraites qu'avait embrassées Pascal à une époque où ces hautes connaissances, destituées encore de la perfection et de la facilité des méthodes, imposaient à l'esprit l'effort d'une création continuelle. Tout était originalité dans une étude incomplète et renaissante. Une sorte d'enthousiasme et d'imagination élevée s'attachait à tous les essais de la science. L'amour de la vérité est une source sublime à laquelle Pascal puisait; il en tira son éloquence. Le bon goût, le mépris des faux ornements et de la vaine Rhétorique naquirent pour lui de la grandeur des objets dont il avait occupé son intelligence. L'originalité le suivit de la Géométrie dans les lettres; il inventa son langage comme il avait trouvé (p. 316) ses méthodes en géométrie, et il enleva à sa science favorite cette vigueur de déduction et ces raisonnements irrésistibles qui devinrent les armes de sa parole.
Villemain.
Que les Géomètres sont heureux!
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Oh! produire une indiscutable beauté, comme celle d'un théorème démontré avec une simplicité ingénieuse, avec élégance en un mot, et d'une si haute portée que la prédiction d'un mouvement céleste en dépende! Vous est-il permis, à vous autres artistes, à vous surtout poètes, de goûter jamais le tranquille orgueil d'une création pareille?
Sully-Prudhomme.
De l'œuvre d'un Fresnel, d'un Ampère, d'un Cauchy, d'un Chasles, d'un Bernard, d'un Pasteur, d'un Berthelot, pour ne citer que des noms appelés à rester l'éternel honneur de notre pays et de notre temps, pouvons-nous admirer la beauté moins que la grandeur et l'utilité incomparables? En lisant les mémoires de Gauss, dont l'âge bientôt séculaire n'a pas encore terni l'exquise fraîcheur, ne retrouvons-nous pas à la fois, dans les détails, ces splendides arabesques enlacées (p. 317) par l'imagination inépuisable des artistes de l'Orient; dans l'ensemble, un de ces temples merveilleux que les architectes de Périclès élevaient aux divinités helléniques?
Ch. Méray.
M. Badoureau, ingénieur des Mines, donne les nombres suivants, dans son livre Les Sciences expérimentales en 1889: l'aile de la mouche peut faire 230 révolutions par seconde.—La vitesse des trains atteint quelquefois 30m par seconde et approche de la vitesse maximum des hirondelles.—Le zéro absolu serait à -273°: on n'a pu refroidir aucun corps jusqu'à cette température.—L'homme brûle actuellement 400 millions de tonnes de charbon par an.—La distance des deux molécules voisines d'eau liquide est de un millième de micron (Tait).—Ne produisent de la lumière que les vibrations d'éther dont la durée est comprise entre 1/394 et 1/758 de trillionième de seconde.—Nous voyons des corps situés à 100 quintillions de mètres.—Le nombre des molécules dans un mètre cube de charbon, à la surface de la Terre, comprend 26 ou 27 chiffres.
Un américain a consacré, pendant trois ans, huit heures par jour à compter les versets, mots et lettres (p. 319) de la Bible. Il a trouvé 31.175 versets, 773.692 mots, 3.556.480 lettres, 6.855 fois le nom Jehova, 46.227 fois la conjonction et, etc.
Les Musulmans ont, de leur côté, un tel respect pour le Koran qu'ils savent jusqu'au nombre des mots et même des lettres qui le composent: 77.639 mots et 323.015 lettres.
Un homme qui consacrerait sa vie à énoncer ou à écrire la suite des nombres atteindrait à peine un milliard: le temps lui manquerait pour aller plus loin.
Notre dette publique exige 1.292.319.475 francs par an sur un budget qui s'élève à trois milliards onze millions neuf cent soixante-quatorze mille huit cent vingt-huit francs.
La grande pyramide carrée présente des particularités qui supposent une science avancée(?)
Chaque face triangulaire est équivalente au carré de la hauteur de la pyramide.
La section méridienne est à l'aire de la base dans le rapport de 1 à π.
Son poids est à celui de la terre dans le rapport de 1 à 1015.
Elle est exactement orientée suivant le méridien et le parallèle à 30 degrés.
Elle contient les éléments de la distance de la terre au soleil, etc., etc.
Les navigateurs ne suivent pas le plus court chemin sur la sphère, qui est l'arc de grand cercle entre les points extrêmes, mais la courbe appelée loxodromie qui coupe tous les méridiens sous le même angle et qui est figurée par une droite sur la carte marine: ce qui permet de diriger facilement le navire.
Cependant sur les bateaux à vapeur, on réalise une économie de charbon en suivant l'arc de grand cercle.
La raison commerciale l'emporte ainsi sur la raison démonstrative.
Le bourgeois gentilhomme de Molière demandait à son maître de philosophie de lui enseigner le calendrier. Ce n'est pas si simple qu'on croit et on peut consulter sur le sujet une notice scientifique d'Arago.
Lorsqu'en 1582, le pape Grégoire XIII fit sa célèbre réforme, les protestants résistèrent d'abord, préférant, a-t-on dit, être en désaccord avec le soleil que d'être d'accord avec le pape.
On craignait des objections populaires, lorsqu'en 1816 le temps moyen fut substitué au temps vrai pour les horloges et les montres, mais la réforme passa inaperçue.
Ne réglez pas votre montre sur un cadran solaire. Il obéit au soleil et marque le temps vrai, tandis que nos horloges marquent le temps moyen: l'écart peut atteindre vingt minutes.
Un fait qui se rattache à la vie scientifique de Viète, et que je vais vous raconter, révèle en même temps l'estime dont Henri IV honorait son savant conseiller. Ce roi montrait, un jour, à Fontainebleau, à un ambassadeur de Hollande, les splendides et coûteuses curiosités du palais, et l'entretenait en même temps de quelques-unes des célébrités de son royaume. L'ambassadeur se permit de faire sur ce dernier sujet une réserve aux éloges du roi: «Sire, dit-il, vous n'avez pas cependant ici de mathématicien. Un géomètre flamand, nommé Adrien Romanus, vient de publier un ouvrage dans lequel il défie tous les savants de l'Europe de résoudre un problème qu'il leur propose, et de tous les mathématiciens de notre temps cités dans son livre, je n'en ai trouvé aucun qui fût français.»—«Si fait, si fait, répondit vivement le roi, nous en avons un excellent; qu'on aille quérir M. Viète.» On soumit à notre savant qui avait suivi la cour à Fontainebleau, le problème de Romanus. Pour tout autre que le savant et érudit Fontenaisien, l'énigme eût été embarrassante. Il ne s'agissait de rien moins que de résoudre une équation du 45e degré, renfermant 24 termes dont l'un est arbitraire et dont les autres sont multipliés par des nombres, la plupart de neuf chiffres, c'est-à-dire de plusieurs centaines de millions d'unités.
Viète, après avoir examiné attentivement cette équation, eut le plaisir de retrouver une ancienne connaissance. C'était une des nombreuses équations auxquelles donne lieu la division des arcs de cercle en parties (p. 322) égales. Il aperçut aussitôt la solution qui faisait seule l'objet du problème d'Adrien Romanus...
... Mais ce qu'il y eut de plus piquant, fut la remarque de Viète que ce problème admettait vingt-deux autres solutions auxquelles le bon Romanus n'avait pas songé.
Allegret.
Il meurt un être humain par chaque seconde, sur l'ensemble du globe terrestre, soit 86.400 par jour, soit environ 31 millions par an, ou plus de 3 milliards par siècle.
On a distribué à la Chambre des députés un projet de loi, contresigné par tous les ministres, ayant pour objet l'adoption de l'heure, temps moyen de Paris, comme heure légale en France et en Algérie. C'est, en langage vulgaire, l'unification de l'heure sur toute l'étendue du territoire français, en Corse et en Algérie, que propose le gouvernement.
La diversité des heures, dit l'exposé des motifs, se justifiait à une époque où la vie locale était prédominante, où les relations extérieures ne comportaient pas les mêmes exigences que de nos jours, où, du reste, les moyens pratiques d'avoir rapidement l'heure de la capitale eussent fait défaut. Le développement du commerce et de l'industrie, l'établissement des lignes télégraphiques (p. 323) et des chemins de fer ont désormais rendu inévitable l'adoption de l'heure unique. Déjà, tout ce qui tient aux relations par lettres ou par télégrammes, c'est-à-dire presque toute la vie active, a continuellement besoin et se sert de l'heure de Paris. L'administration des postes et télégraphes règle les pendules ou cartels de tous ses établissements d'après l'heure, temps moyen de Paris. Cette heure est transmise, au début de la journée, dans les bureaux télégraphiques et les bureaux mixtes. Elle est prise aux horloges des gares de chemins de fer et portée par des courriers aux bureaux de poste non pourvus de télégraphes. Il en résulte que la plupart des agglomérations ont les plus grandes facilités à avoir l'heure, sans observations, sans cadrans solaires et sans calculs.
D'ailleurs, l'unification horaire est adoptée déjà par de nombreuses villes et le monde savant réclame instamment cette réforme qui a fait l'objet de vœux émanant d'associations scientifiques et du bureau des longitudes.
L'exposé des motifs fait remarquer que cette modification sera à peine sensible sur la plupart des points du territoire et que l'inconvénient passager qu'elle présente aura pour contrepoids des avantages positifs qui le compenseront largement. Il répond au surplus à la principale objection par l'observation très judicieuse qui suit:
Quant à l'objection qu'après la réforme le midi légal ne coïncidera plus jamais avec le passage du soleil au méridien, on ne voit pas en quoi ce nouveau midi, milieu du jour, perd à ne point s'accorder avec la culmination (p. 324) du soleil. Ce phénomène astronomique n'arrive à Paris à peu près à midi que quatre fois par an, au moment où l'équation du temps s'évanouit, et ce ne sera point la différence de hauteur du soleil à ce moment qui pourra, sans instruments, indiquer la modification survenue dans l'heure du lieu. Il n'y aurait de réelle objection que si l'adoption de l'heure unique devait modifier la régularité de la vie agricole, le soleil réglant d'ordinaire les travaux des champs. Mais cette régularisation de la journée par le soleil n'est pas absolue; le paysan n'a besoin de l'heure qu'à une demi-heure près; il se lève même, l'été, avant que le soleil paraisse, et les changements apportés à ses habitudes ne seront pas appréciables.
Voici l'article unique de la loi promulguée le 14 mars 1891:
«L'heure légale en France et en Algérie est l'heure temps moyen de Paris.»
Des esprits peu réfléchis se doutent-ils qu'il n'est pas un de nous à la 20e génération par exemple, qui n'ait 1 048 576 ancêtres? Ce simple calcul, très connu dans la doctrine de la consanguinité, établit véritablement cet étonnant résultat. Tout le monde peut s'en convaincre par une progression géométrique dont le premier terme est 2 et qui doit toujours croître en raison double, puisque chaque individu a deux premiers ancêtres, son père et sa mère, qui doivent aussi le jour à deux (p. 325) personnes. Cette progression est donc ÷÷ 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256..., etc. On trouvera, en la suivant, que chaque homme a, dans le vingtième degré de parenté ou la vingtième génération, un million quarante-huit mille cinq cent soixante et seize ancêtres. Cette combinaison a été donnée pour exacte dans un ouvrage de Mirabeau. Lett. de cachet, p. 281.
Un curieux a fait le calcul ci-après, qu'il est peut-être peu facile de vérifier.
—La ville de Lyon consomme annuellement un million de kilogrammes de soie montée ou tordue de différentes manières. Il faut quatre cocons pour produire un gramme de soie; la consommation lyonnaise en absorbe donc à elle seule 4 milliards 200 millions. La longueur du fil de soie d'un cocon est en moyenne de 500 mètres. Les quatre milliards 200 millions filés annuellement pour l'industrie lyonnaise formeraient ensemble, d'après cela, un fil de 2100 milliards de mètres ou 2 milliards 100 millions de kilomètres.
Cette longueur fait quatorze fois la distance de la terre au soleil, et 5494 fois celle de la lune à la terre. Elle ferait aussi 52505 fois le tour de la terre sur l'équateur, et 200 mille fois le tour de la lune.
Un oisif a calculé que depuis la création du monde, il est mort 26 quatrillions 628 trillions 843 billions (p. 326) 285 millions 75 mille 840 individus de l'espèce humaine. Nous récrivons ci-dessous ce grand nombre:
26 628 843 285 075 840.
Deux troupes s'équivalent quand le produit de leur coefficient mécanique par leur courage et par le carré de leur effectif est le même.
Stéphanos.
Le courage est-il une grandeur mesurable?
Vous devriez....
M'ôter, pour faire bien, du grenier de céans,
Cette longue lunette à faire peur aux gens,
Et cent brinborions dont l'aspect importune:
Ne point aller chercher ce qu'on fait dans la lune
Et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous,
Où nous voyons aller tout sans dessus dessous.
Molière.
Elle résout d'un mot, en plaçant sa fontange,
Ces grandes questions qui terrassent Lagrange.
On voit sur sa toilette un Euler, un Pascal,
Salis et barbouillés de rouge végétal.
Elle trouve en Newton je ne sais quoi d'aimable
Et l'algèbre a pour elle un charme inexprimable.
Le soir dans un donjon, d'un regard curieux,
Au bout d'une lunette interrogeant les cieux,
Son œil observateur y poursuit la comète;
Lalande tous les ans lui vole une planète.
Colnet.
Le régiment d'artillerie en garnison dans notre ville est parti pour les grandes manœuvres, en oubliant d'emporter les trajectoires.
(Extrait d'un journal de Toulouse,
lors de la guerre de Tunisie.)
(p. 328) D'après J. Janin: M. Arago, l'œil à la lunette, voit la planète décrire, à la fois, les deux axes de son ellipse.
Tout le monde a entendu parler des automates de Vaucanson, des joueurs de flûte, de tambourin ou d'échecs; des canards qui barbottaient, avalaient le grain et le digéraient, etc. L'ingénieur mécanicien inventa aussi des machines pour la fabrication des soieries de Lyon, mais les ouvriers s'ameutèrent contre lui. Il répondit en construisant un âne qui exécutait une étoffe à fleurs.
On cite quelquefois ce vers de Lemierre, poète oublié,
Le trident de Neptune est le sceptre du monde.
Ce vers (solitaire) a été appliqué à l'astronome Le Verrier, tout puissant sous le second empire. C'était un savant illustre, le continuateur de Laplace: on lui a élevé une statue dans la cour de l'Observatoire de Paris.
Sans doute vous serez célèbre
Par les grands calculs de l'algèbre,
Où votre esprit est absorbé:
J'oserai m'y livrer moi-même;
Mais, hélas! A + C - B
N'est pas = à je vous aime.
Voltaire.
Un bonhomme, ayant rêvé qu'il gagnerait un terne à la Loterie, consulte un ami sur le choix du numéro. L'autre est d'avis qu'un fou pourra, sur ce point, donner un bon conseil. Ils vont aux Petites-Maisons. Le pensionnaire les écoute attentivement, puis il écrit un chiffre sur un bout de papier... et l'avale. «Revenez demain, dit-il, je vous assure que le numéro sera sorti.»
Te souvient-il alors
Du théorème de Taylor?
Nous n'y vîmes tous deux
Que du feu.
Par des témoins je me suis laissé dire
Que parfois Sturm et le bon Gérono
Allaient chercher, pleins d'un charmant délire,
Un théorème au fond d'un vieux tonneau.
Quelques-uns affirment encore, dit en souriant le diplomate, que le plus court chemin est la ligne droite. N'en croyez rien, mon jeune ami.
Deux et deux font quatre, assure l'un; l'autre réplique avec énergie que deux et deux ne font que trois; l'homme du juste milieu conclut que deux et deux font trois et demi.
La Condamine est aujourd'hui
Reçu dans la troupe immortelle;
Il est bien sourd,—tant mieux pour lui!
Mais non muet,—tant pis pour elle.
Piron.
Quant Labruyère se présente
Pourquoi faut-il crier haro?
Pour faire un nombre de quarante
Ne fallait-il pas un zéro!
Trente-neuf joints à zéro,
Si j'entends bien mon numéro,
N'ont jamais pu faire quarante;
D'où je conclus, troupe savante,
Qu'ayant à vos côtés admis
Cottin, cette masse pesante,
Le digne cousin de Louis,
La place est encor vacante.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer ce madrigal de Boufflers à Mme de Staël:
Je vois l'Académie où vous êtes présente;
Si vous m'y recevez, mon sort est assez beau.
Nous aurons à tous deux de l'esprit pour quarante,
Vous comme quatre et moi comme zéro.
Les variantes sont nombreuses:
Ils sont là quarante qui ont de l'esprit comme quatre.
N'oublions pas le distique de Fontenelle:
Sommes-nous trente-neuf, on est à nos genoux,
Et sommes-nous quarante, on se moque de nous.
Quel est le tiers et demi de cent?
C'est cinquante, puisque le tiers d'une chose plus la moitié de ce tiers, c'est tout simplement la moitié de la chose.
1o π est incommensurable, en effet: vache = βπ; d'où vachel = βπl; changeant l'ordre des facteurs, cheval = βπl; d'où π = .
2o bouteille ½ pleine = bouteille ½ vide, d'où, en divisant les deux membres par ½, bouteille pleine = bouteille vide.
3o 10 centimes = 2 sous; d'où, en élevant au carré, 100 centimes ou un franc = 4 sous.
4o Pour peupler un colombier, il suffit de décrire une circonférence avec un jonc pour rayon; en effet, on a ainsi: deux pigeons.
5o Dire l'étendue et le prix d'un champ où du champagne a été bu à minuit par trois cardinaux.—Réponse: 1 hectare, 7 ares, 3 centiares.
6o Si six scies scient six cigares, six cent six scies scient six cent six cigares: ce n'est plus une règle de trois, c'est une règle de six ou de scies.
7o Trois joueurs jouent ensemble toute une nuit. Après la dernière partie, il se trouve qu'ils ont gagné chacun 20 fr.—C'étaient trois joueurs de violon.
8o Obtenir le nombre 21 avec trois villes de France et (p. 332) seulement 20 en ajoutant une quatrième.—Troyes, Foix, Cette, Autun.
Etc., etc.
«Voilà de l'argent bien placé!» s'écria le duelliste, en sentant la balle s'aplatir sur une pièce de cinq francs, placée dans la poche de son gilet.
Méry.
Quelquefois, par exemple, je me figure que je suis suspendu en l'air, et que j'y demeure sans mouvement, pendant que la terre tourne sous moi en vingt-quatre heures. Je vois passer sous mes yeux tous ces visages différents, les uns blancs, les autres noirs, les autres olivâtres. D'abord ce sont des chapeaux, et puis des turbans, et puis des têtes chevelues, et puis des têtes rasées; tantôt des villes à clocher, tantôt des villes à longues aiguilles qui ont des croissants, tantôt des villes à tours de porcelaine, tantôt de grands pays qui n'ont que des cabanes; ici de vastes mers, là des déserts épouvantables; enfin toute cette variété infinie qui est sur la surface de la terre.
Fontenelle.
De six oiseaux, en tuant trois, combien en demeure? Il n'en demeure aucun, les autres s'enfuient.
Tabarin.
E. Lucas nous a encore donné récemment la Fasioulette, la Pipopipète, la Tour d'Hanoï, l'Icosagonal et l'Arithmétique diabolique. C'est drôle et instructif.
X... est mon nom; je ne sais quel caprice
Me fit donner un nom si dur, si sec;
J'eus pour cadet un frère qu'en nourrice
On baptisa du joli nom d'Y...
Pour compléter cette liste gentille
Il nous survint un tiers frère puîné
Qu'on nomma Z..., et voilà la famille
Dont j'ai l'honneur, Messieurs, d'être l'aîné.
..........
..........
Je suis tout ce que l'on ignore,
Ce que l'imprudente Pandore
Cherchait au fond de son écrin
..........
Je disparais sitôt qu'on m'a tenu,
Et plus l'esprit marche et progresse
Plus devant lui j'agrandis l'inconnu.
..........
Cette boutade, dont nous ne citons que quelques vers, est due à un de nos grands anciens à l'École polytechnique (Promotion de 1834).
Vacquerie, ancien candidat, dit en parlant de lui-même:
On le tordit, depuis les ailes jusqu'au bec,
Sur l'affreux chevalet des x et des y.
—Docteur, là, vraiment, est-ce que j'en reviendrai?
—Infailliblement! répond le médecin qui tire un imprimé de sa poche.
Et faisant lire ce papier au malade:
—Tenez, voilà la statistique de votre cas. Vous voyez qu'on en guérit un sur cent.
—Eh bien! fait le malade effrayé.
—Eh bien! vous êtes le centième que j'ai entre les mains et les 99 premiers sont morts.
Le docteur Flamand, garde national, ayant manqué à son service le 5 février, adressa l'épître suivante au conseil de discipline:
Mes manquements, Messieurs, ne sont pas très comm..... | 1 | |
Aujourd'hui je demande indulgence pour | 2 | |
Ma mère était malade en la ville de | 3 | |
Pour partir à l'instant j'ai fait le diable à | 4 | |
Vous m'avez, il est vrai, commandé pour le | 5 | |
Mais auprès d'un malade il faut être pré | 6 | |
Pour appliquer à temps l'onguent et la lan | 7 | |
Dieu merci! j'ai vaincu la fièvre et la pit | 8 | |
J'ai fait à la malade un estomac tout | 9 | |
Vous pardonnerez bien mon zèle, cadé | 10 | |
Et, pour un fils, vos cœurs ne seront pas de br | 11 | |
Alors je monterai des gardes par | 12 | (aines). |
Le conseil de discipline, qui était ce jour-là plus spirituel que de coutume, lui répliqua en ces termes:
Il peut du philosophe égayer les systèmes,
Rendre aimables, badins, les géomètres mêmes
Par lui l'homme d'État, dispos après dîner,
Forme l'heureux projet de nous mieux gouverner.
............
Il peut de l'astronome éclaircissant la vue
L'aider à retrouver son étoile perdue.
Berchoux.
Il y avait à Amadan une célèbre Académie, dont le premier statut était conçu en ces termes: Les Académiciens penseront beaucoup, écriront peu, et ne parleront que le moins possible. On l'appelait l'Académie silencieuse, et il n'était point en Perse de vrai savant qui n'eût l'ambition d'y être admis. Le docteur Zeb, auteur d'un petit livre excellent, intitulé le Bâillon, apprit, au fond de sa province, qu'il vaquait une place dans l'Académie silencieuse. Il part aussitôt; il arrive à Amadan, et, se présentant à la porte de la salle où les Académiciens sont assemblés, il prie l'huissier de remettre au (p. 336) président ce billet: Le docteur Zeb demande humblement la place vacante. L'huissier s'acquitta sur-le-champ de la commission; mais le docteur et son billet arrivaient trop tard; la place était déjà remplie.
L'Académie fut désolée de ce contre-temps; elle avait reçu, un peu malgré elle, un bel esprit de la Cour, dont l'éloquence vive et légère faisait l'admiration de toutes les ruelles, et elle se voyait réduite à refuser le docteur Zeb, le fléau des bavards, une tête si bien faite, si bien meublée! Le président chargé d'annoncer au docteur cette nouvelle désagréable, ne pouvait presque s'y résoudre, et ne savait comment s'y prendre. Après avoir un peu rêvé, il fit remplir une grande coupe, mais si remplie, qu'une goutte de plus eût fait déborder la liqueur; puis il fit signe qu'on introduisît le candidat. Il parut avec un air simple et modeste, qui annonce presque toujours le vrai mérite. Le président se leva, et, sans proférer une seule parole, il lui montra d'un air affligé la coupe emblématique, cette coupe si exactement pleine. Le docteur comprit de reste qu'il n'y avait plus de place dans l'Académie; mais, sans perdre courage, il songeait à faire comprendre qu'un académicien surnuméraire n'y dérangerait rien. Il voit à ses pieds une feuille de rose, il la ramasse, il la pose délicatement sur la surface de l'eau, et fait si bien qu'il n'en échappe pas une seule goutte.
À cette réponse ingénieuse, tout le monde battit des mains, on laissa dormir les règles pour ce jour-là, et le docteur Zeb fut reçu par acclamation. On lui présenta sur-le-champ le registre de l'Académie, où les récipiendaires devaient s'inscrire eux-mêmes. Il s'y (p. 337) inscrivit donc, et il ne lui restait plus qu'à prononcer suivant l'usage, une phrase de remerciement. Mais, en académicien vraiment silencieux, le docteur Zeb remercia sans dire mot. Il écrivit en marge le nombre cent, c'était celui de ses nouveaux confrères; puis en mettant un zéro devant le chiffre, il écrivit au-dessous: Ils n'en vaudront ni moins, ni plus (0100). Le président répondit au modeste docteur avec autant de politesse que de présence d'esprit. Il mit le chiffre un devant le nombre cent et il écrivit: ils en vaudront dix fois davantage (1100).
Abbé Blanchet (apologues orientaux):
Nous pensons que ce président dut écrire: ils en vaudront mille de plus.
(p. 341) Nous passons maintenant aux exceptions, aux fantaisies et aux étrangetés qui peuvent nous intéresser aussi dans une certaine mesure.
Cette troisième partie du livre se distingue parfois assez faiblement de la précédente.
Les idées hardies et neuves, qui sont les paradoxes d'aujourd'hui, seront peut-être les vérités de demain.
Qu'est-ce que la plupart de ces axiomes dont la géométrie est si orgueilleuse, si ce n'est l'expression d'une même idée simple par deux signes ou mots différents? Celui qui dit que deux et deux font quatre a-t-il une connaissance de plus que celui qui se contenterait de dire que deux et deux font deux et deux? Les idées de tout, de partie, de plus grand et de plus petit ne sont-elles pas, à proprement parler, la même idée simple et individuelle, puisqu'on ne saurait avoir l'une sans que les autres se présentent toutes en même (p. 342) temps? Nous devons, comme l'ont observé quelques philosophes, bien des erreurs à l'abus des mots; c'est peut-être à ces mêmes abus que nous devons les axiomes. Je ne prétends point cependant en condamner absolument l'usage: je veux seulement faire observer à quoi il se réduit; c'est à nous rendre les idées simples plus familières, par l'habitude, et plus propres aux différents usages auxquels nous pouvons les appliquer.
J'en dis à peu près autant avec les restrictions convenables, des théorèmes mathématiques. Considérés sans préjugés, ils se réduisent à un assez petit nombre de vérités primitives. Qu'on examine une suite de propositions de géométrie déduites les unes des autres, en sorte que deux propositions voisines se touchent immédiatement et sans aucun intervalle, on s'apercevra qu'elles ne sont que la première proposition qui se défigure, pour ainsi dire, successivement et peu à peu, dans le passage d'une conséquence à la suivante, mais qui pourtant n'a point été réellement multipliée par cet enchaînement et n'a fait que recevoir différentes formes...
... On peut donc regarder l'enchaînement de plusieurs vérités géométriques comme des traductions plus ou moins différentes et plus ou moins compliquées de la même proposition, et souvent de la même hypothèse.
Ces traductions sont au reste fort avantageuses par les divers usages qu'elles nous mettent à la portée de faire du théorème qu'elles expriment; usages plus ou moins estimables, à proportion de leur importance et de leur étendue. Mais tout en convenant du mérite réel de la traduction mathématique d'une proposition, (p. 343) il faut reconnaître aussi que ce mérite réside originairement dans la proposition même. C'est ce qui doit nous faire sentir combien nous sommes redevables aux génies inventeurs qui, en découvrant quelqu'une de ces vérités fondamentales, source et, pour ainsi dire, original d'un grand nombre d'autres, ont réellement enrichi la géométrie et étendu son domaine.
d'Alembert.
Les vérités mathématiques... sont moins des vérités que des outils pour en acquérir, puisque, faisant abstraction de la nature des choses, elles ne s'occupent que de leur grandeur ou de leur forme. Elles me laissent, au regard du monde, comme ferait un comptable, qui, voulant dresser l'état de sa caisse, établirait le nombre de ses billets, sans se préoccuper de leur valeur.
J. Wallon.
Les mathématiques ne développent l'esprit que sous une face. Elles ont pour unique objet la forme et la quantité. Elles s'arrêtent donc pour ainsi dire à la surface des choses, sans pénétrer jusqu'à leurs qualités essentielles, jusqu'à leurs relations internes, de beaucoup les plus importantes.
Klumpf.
Après cette première étape, indispensable, on ira plus loin, si l'on peut.
Certains de nos contemporains d'outre-Manche ont tenté de régénérer la logique, en lui donnant un caractère mathématique.
De Morgan, après avoir rappelé que, dans toute langue, il y a des noms positifs et des noms négatifs, comme vertébré et invertébré, dit que tout nom, sans exception, doit être considéré comme pouvant être pris positivement ou négativement. Le mot homme, par exemple, s'applique positivement à Alexandre et négativement à Bucéphale, qui était un non-homme. Si U est la totalité considérée et X sa partie positive, sa partie négative U - X est désignée par x. Les propositions s'écrivent alors symboliquement sous forme d'égalités.
Boole généralise le problème de la déduction qui n'est d'abord que l'élimination d'un terme moyen dans un système de trois termes. Il considère un nombre quelconque de termes et se propose d'éliminer autant de termes moyens qu'on voudra. Le logicien s'est ainsi proposé d'appliquer l'algèbre à la logique: il adopte les symboles 1 (tout) et 0 (rien), puis x, y, z, etc., pour représenter les choses, en tant que sujets de nos conceptions, et les signes, +, -, ×, =, pour les appliquer aux opérations de l'esprit.
Enfin Stanley Jevons a imaginé, à l'instar des machines arithmétiques, une machine logique qui est un petit piano à 21 touches, les unes correspondant aux termes positifs ou négatifs (sujets ou prédicats) et les (p. 345) autres aux opérations: copules, etc. On raisonne pour ainsi dire mécaniquement, en jouant de ce piano.
On a vraiment lieu de s'étonner que le Calcul infinitésimal n'ait pas été inventé plus tôt, surtout quand on songe que ceux qui, par métier, se livrent à des travaux d'une certaine précision, auraient dû y être conduits comme par la main. Ainsi, tout charpentier ou tailleur de pierre est journellement à même de voir qu'il est à peu près impossible que l'outil, destiné à suivre la marque pour diviser une planche ou une pierre, entame exactement le milieu de la ligne tracée, qu'il y a presque toujours des déviations, plus ou moins sensibles autour de ce milieu, et que la somme de ces déviations peut devenir très marquée. Un marchand qui aune un morceau d'étoffe, et le coupe suivant la marque tracée, n'ignore pas combien il lui est facile de retenir à son profit une fraction de mesure qui échappe à l'œil de l'acheteur le plus vigilant; et il sait qu'à la longue les sommes de ces quantités imperceptibles peuvent faire des aunes ou des mètres entiers. Il en est de même du détaillant qui vend les denrées au poids: des grains de poussière, salissant le plateau d'une balance, s'ajoutent au poids, et les sommes de ces infinitésimales, indéfiniment répétées, n'échappent pas à l'esprit mercantile.
Il est à regretter que ces détails de la vie matérielle, qui ont leur importance, aient toujours été jugés indignes d'un penseur. Si les philosophes, à l'époque où (p. 346) la philosophie comprenait toutes les connaissances humaines, avaient daigné y porter leur attention, ils auraient devancé les grands philosophes géomètres du xviie siècle.
F. Hoefer.
Confusion entre le très petit et l'infiniment petit.
Un instituteur, après avoir fait compter des billes et autres objets matériels aux bambins, s'écria, avant de passer aux nombres isolés: «Attention, je vais faire des abstractions!»
Le Civilisé (homme actuel) est à l'Harmonien (homme perfectionné?) comme 12 est à 32, c'est-à-dire comme l'addition est à la multiplication, car le nombre 32 est le produit de 8 par 4, c'est-à-dire du premier cube par le premier carré, tandis que 12 n'est que la somme de ces deux chiffres.
A. Toussenel.
Les attractions sont proportionnelles aux destinées.
Charles Fourier.
Quelques mathématiciens philosophes se sont proposé de reconstituer la géométrie, sans admettre que par un point on ne peut mener qu'une parallèle à une (p. 347) droite. De là des géométries non euclidiennes où la somme des angles d'un triangle n'est plus égale à deux droits: dans celle de Riemann, elle est plus petite que deux droits et dans celle de Lobatschewski, elle est plus grande. On peut interpréter ces hypothèses singulières en prenant pour surface fondamentale l'ellipsoïde et l'hyperboloïde à deux nappes.
On a aussi parlé d'une géométrie à plus de trois dimensions et considéré ce qu'on appelle l'hyperespace. Il s'agit simplement des équations à plus de trois variables, mais les calculs ne sont susceptibles d'aucune traduction concrète.
«La géométrie euclidienne est, à leur sens, une première approximation, applicable en toute rigueur aux figures infiniment petites et, avec une approximation suffisante, aux figures finies dont les dimensions ne dépassent pas certaines limites... En dehors de ces limites, la même géométrie usuelle peut au contraire, d'après eux, tomber complètement en défaut, ou conduire aux erreurs les plus grossières pour des figures assez grandes.»
Boussinesq.
Des trois axiomes de la géométrie, le premier seul (celui de la distance et de ses propriétés essentielles) est un axiome principal, c'est-à-dire indispensable pour l'établissement d'un système quelconque de géométrie. Les deux autres (celui de l'augmentation indéfinie de la distance et celui de la parallèle unique) sont secondaires ou de simplification. Ils servent uniquement à (p. 348) écarter des systèmes de géométrie plus compliqués que le système usuel, mais cependant complets, logiquement possibles et conduisant en pratique aux mêmes résultats que la géométrie usitée, dans les limites de nos moyens de mesure...
La géométrie générale se divise en trois branches: la géométrie usitée, la géométrie abstraite et la géométrie doublement abstraite. Dans la seconde on ne se prive que du troisième axiome, tandis que dans la troisième on se prive aussi du second. Les trois géométries s'appellent quelquefois euclidienne, gaussienne et riemanienne.
de Tilly.
Je ne parlerai point de la Géométrie à n dimensions; ce n'est que de l'Analyse, sous des noms empruntés à la Géométrie. Cette étude remonte aux lieux analytiques de Cauchy, qui, du moins, ne cherchait pas à cacher sa pensée et à donner le change par des démonstrations absurdes (Comptes-rendus, 1847). Au moyen de ces espaces, dont nous ne pouvons avoir aucune idée, et aussi, peut-être, au moyen de la considération des points et des lignes à distance infinie ou imaginaire, dont je crains que les modernes n'aient un peu abusé, on dépouille la Géométrie de ce qui forme son meilleur avantage et son charme particulier, de la propriété de donner une représentation sensible aux résultats de l'Analyse et l'on remplace cette qualité par le défaut contraire, puisque des résultats qui n'auraient rien de choquant, sous leur forme analytique, n'offrent plus de prise à l'esprit ou paraissent absurdes lorsqu'on (p. 349) les exprime par une nomenclature géométrique, supposant des points, des lignes ou des espaces qui n'ont aucune existence réelle, et dont l'admission répugne au bon sens ou dépasse l'intelligence.
Genocchi.
Quelqu'un a dit que les hommes pourraient douter des vérités mathématiques, s'ils y avaient intérêt; ce n'est pas assez dire, ils peuvent en douter, par curiosité d'esprit et par simple liberté de supposer.
Renouvier.
«Tout l'objet des néogéomètres, dit encore le même philosophe, est de s'exercer à des analyses mathématiques sur des hypothèses variées, sans se préoccuper d'aucune autre vérité que de celle du rapport des conclusions aux prémisses.»
Les géométries singulières qui ont surgi dans ces dernières années (géométries fin-de-siècle) ne doivent inquiéter aucun esprit. Ce sont de purs exercices de logique: des chercheurs paradoxaux se sont demandé ce qu'il resterait de la géométrie, si l'on refusait d'admettre le postulatum des parallèles.
La géométrie non euclidienne n'est, suivant M. Mouret, qu'un art, une sorte de poésie géométrique ou de jeu intellectuel.
L'économiste Malthus a prétendu que, tandis que la subsistance croissait en progression arithmétique, la population croissait en progression géométrique, c'est-à-dire (p. 350) beaucoup plus vite, de là une rupture d'équilibre à redouter. Le remède consisterait à ralentir l'accroissement de la population.—Crainte chimérique, la population peut croître librement. Sa vitesse d'accroissement a diminué, hélas, en France.
Pour peindre plus exactement la différence entre l'âme et la vie, Lordat fait usage d'une comparaison empruntée à la géométrie. Il représente la vie comme un fuseau, qui a un diamètre presque nul à son extrémité commençante, va en se renflant sans cesse jusqu'au milieu, puis décroît insensiblement et finit par redevenir presque nul. Au contraire, l'âme est représentée par une parabole. Partie d'un point imperceptible, la parabole se développe lentement, émettant deux lignes symétriques, qui s'allongent sans cesse pour se perdre dans l'infini.
L. Figuier.
Voir l'Alliance entre l'âme pensante et la force vitale, par Lordat. Ce médecin philosophe admet que l'âme gagne en force chez le vieillard, tandis que la vie s'affaiblit.
Ce sont des triangles, des carrés, des cercles et d'autres figures semblables; ils les mêlent et les confondent en forme de labyrinthes. Ce sont aussi des lettres rangées comme un bataillon séparé en plusieurs compagnies: (p. 351) c'est par ces momeries qu'ils éblouissent les sots.
Erasme.
Qui pourra jamais me persuader que d'un amas confus de petites lignes, de croix, etc., de chiffres, etc., dont leurs livres sont remplis et qui peut-être sont mis au hasard (sic), on puisse jamais déduire des inventions utiles aux hommes et avantageuses à la société?
Sextus Empiricus.
Je te ferai voir, dans ce traité, qu'il n'y a pas moins de sujets de doute en mathématiques qu'en physique, en morale, etc.
Hobbes.
Nous démontrons les vérités mathématiques, parce que nous les faisons.
Vico.
Ce qu'on appelle vérités mathématiques se réduit à des identités d'idées, et n'a aucune réalité.
Buffon.
Le géomètre avance de supposition en supposition, et retournant sa pensée sous mille formes, c'est en répétant sans cesse le même est le même, qu'il opère tous ses prodiges.
Condillac.
«Rien n'est moins exact, dit M. Liard, que cette doctrine qui ne tendrait à rien moins qu'à faire du système entier des mathématiques une vaste tautologie, (p. 352) où tout progrès apparent se réduirait à une éternelle répétition. Les notions qu'unissent les propositions mathématiques ne sont pas des redites les unes des autres; si le nombre 10 est égal à 5 + 5, il diffère de la somme 5 + 5 par la forme imposée à la réunion des 10 unités ici assemblées en un seul nombre, là groupées en deux nombres égaux;.... si la somme des trois angles d'un triangle est équivalente à deux angles droits, autre chose est tracer dans l'espace les trois angles de ce triangle, autre chose y tracer deux angles droits.»
Lorsque Archimède démontre que le cercle équivaut au triangle qui aurait pour base la circonférence et pour hauteur le rayon, il ne s'agit là ni d'identité, ni d'égalité: un cercle et un triangle ne sont pas une seule et même chose!
Ampère repoussait bien loin ce qu'il appelait «la ridicule identité».
L'avenir tient dans le présent, comme les propriétés du triangle tiennent dans sa définition.
P. Bourget.
Aphorisme inconciliable avec la liberté humaine.
L'homme ne voit pas faux, comme le supposent les sceptiques subjectifs; il voit borné. Il juge son univers (p. 353) grand et vieux; ce n'est pourtant que a dans la formule ∞ + a, or, dans ce cas, a = 0.
Renan.
Tout nombre, c'est-à-dire toute somme d'unités réelles, est essentiellement fini; car, puisque chacun des nombres obtenus par des additions successives ne diffère du précédent que par une unité, tous ces nombres successifs sont donc nécessairement finis à la fois, le second par le premier, le troisième par le second, etc. Tout nombre est nécessairement pair ou impair, premier ou non premier; s'il est pair, il ne contiendra pas tous les nombres impairs; s'il est premier, il ne contiendra pas le dernier des nombres premiers, car la série des nombres premiers est illimitée. En tous cas, qu'il soit premier ou non premier, il ne contiendra pas son carré, son cube, sa quatrième puissance; il ne sera donc pas plus grand que tout nombre donné; il ne sera pas infini, mais fini. Tout nombre est essentiellement fini, donc le nombre des hommes qui ont existé sur la terre est fini et il y a eu un premier homme; donc le nombre des révolutions de la terre autour du soleil est fini et il y a eu une première révolution....
Abbé Moigno.
On peut dire a priori qu'il est absurde d'essayer de (p. 354) démontrer par l'analyse les principes de la géométrie et de la mécanique. Ces principes sont évidents ou résultent de l'expérience. Tout calcul les présuppose.
Nous admettons difficilement des géométries sans aucune figure et des mécaniques où l'on ne parle que d'équations différentielles.
Vous savez que le tout est plus grand que sa partie et que, qui ajoute choses égales à choses égales, les touts sont égaux: vous savez toutes les mathématiques...
Les tulipes qui naissent à présent étaient bien enveloppées dans celles qui fleurissaient il y a 600 ans. Ainsi les équations de l'algèbre sont-elles bien enveloppées dans les propositions que je viens de vous dire; mais il ne tient qu'à les en tirer. Elles y sont: vous voyez les plus simples et les plus aisées en sortir, puis les autres. Je ne vous apprends rien, mais je vous fais voir jusqu'où va ce que vous saviez.
Fontenelle.
Toutes les vérités mathématiques sont implicitement contenues dans les premières notions, soit, mais il s'agit de les dégager!
La ligne courbe représente le cours de la vie pratique, toute de nécessité, de rapport avec nos proches, nos semblables, ou pleine de ménagement pour autrui, (p. 355) de concessions réciproques, de sacrifices mutuels. La ligne droite représente la vie théorique, l'idéal, l'idée indépendante, absolue.
Mme Pape-Carpentier.
Cet extrait est tiré du livre Le secret des grains de sable où l'auteur recherche «les heureuses corrélations qui relient la géométrie et le sentiment».
On peut comparer les mathématiques à un moulin d'un travail admirable, capable de moudre à tous les degrés de finesse; mais ce qu'on en tire dépend de ce qu'on y a mis, et comme le plus parfait moulin du monde ne peut donner de la farine de froment si l'on n'y met que des cosses de pois, de même des pages de formules ne tireront pas un résultat certain d'une donnée incertaine.
Huxley.
Les mathématiques sont comme un moulin à café qui moud admirablement ce qu'on lui donne à moudre, mais qui ne rend pas autre chose que ce qu'on lui a donné.
Faraday.
Il me semblait que résoudre un problème de géométrie par les équations, c'était jouer un air en tournant une manivelle.
J.-J. Rousseau.
Lorsqu'on raisonne, on ne peut demander aux prémisses que ce qu'elles contiennent.
(p. 356) Le calcul constitue une méthode rapide d'analyse, pour résoudre les problèmes. On pourrait, après coup, rétablir tous les intermédiaires.
La Géométrie sans axiomes est le titre d'un livre anglais de Perronet Thomson, traduit par Van Tenac, où les axiomes, incorporés dans les définitions, ne sont pas formellement énoncés.
Supposez maintenant que vous vous éloigniez de la terre avec une vitesse supérieure à celle de la lumière, qu'arrivera-t-il? Vous retrouverez, à mesure que vous avancerez dans l'espace, les rayons partis avant vous, c'est-à-dire les photographies, qui, de seconde en seconde, d'instant en instant, s'envolent dans l'étendue.
Si, par exemple, vous partez en 1867 avec une vitesse égale à celle de la lumière, vous garderez éternellement l'année 1867 avec vous. Si vous allez plus vite, vous retrouverez les rayons partis aux années antérieures et qui emportent avec eux les photographies de ces années.
Pour mieux mettre en évidence la réalité de ce fait, je vous prie de considérer plusieurs rayons lumineux partis de la Terre à différentes époques. Le premier est je suppose, celui d'un instant quelconque, du 1er janvier 1867. À raison de 75000 lieues par seconde, il a, au moment où je vous parle, déjà fait un certain (p. 357) trajet depuis le moment de son départ et se trouve maintenant à une certaine distance, que j'exprimerai par la lettre A. Considérons maintenant un second rayon parti de la Terre cent ans auparavant, le 1er janvier 1767: il est de cent ans en avance sur le premier, et il se trouve à une distance beaucoup plus grande, distance que j'exprimerai par la lettre B. Un troisième rayon, celui, je suppose, du 1er janvier 1667, est encore plus loin, d'une longueur égale au trajet que parcourt la lumière en cent ans. J'appelle C le lieu où en est ce troisième rayon. Enfin, un quatrième, un cinquième, un sixième, sont respectivement des 1er janvier 1567, 1467, 1367, etc., et sont échelonnés à des distances égales, D, E, F, s'enfonçant de plus en plus dans l'infini.
Voilà donc une série de photographies terrestres échelonnées sur une même ligne, de distance en distance, dans l'espace. Or l'esprit qui s'éloigne en passant successivement par les points A, B, C, D, E, F, y retrouve successivement l'histoire séculaire de la Terre à ces époques.
Flammarion.
Un moraliste, plus ingénieux que solide, puise dans les considérations précédentes un encouragement au bien. En effet, l'image d'un meurtre ne disparaît plus et, à l'éternelle honte du meurtrier, cette image qui s'envole dans l'espace proclame le crime jusqu'aux astres les plus lointains.
Les sensations sont proportionnelles aux logarithmes des impressions ou des excitations.
Weber.
C'est là un énoncé curieux et obscur attribué aussi à Fechner et qui a été généralement contesté.
«C'est le propre des phénomènes vitaux, assure Bichat, d'échapper à tous les calculs.» L'assertion est trop absolue, mais il faut être prudent en ces délicates matières.
La suite continue des nombres entiers, fractionnaires, incommensurables, où le cas simple est très exceptionnel, est une conception délicate.
Quelque petit que soit un nombre, il y a exactement autant de nombres plus petits que lui que de nombres plus grands, puisque à un nombre quelconque correspond son inverse.
On trouve dans les mathématiques des régions philosophiques—ce ne sont pas les plus claires—où se complaisent certains esprits.
Que celui qui a de l'intelligence compte le nombre de la bête... son nombre est six cent soixante-six.
Il s'agit de l'Antechrist.
Qu'est-ce que l'élément infinitésimal? C'est la grandeur décroissante jusqu'à s'évanouir, et prise au moment où elle s'évanouit, car avant, ce serait trop tôt, et après ce serait trop tard. C'est la grandeur prise au moment où, cessant d'être quelque chose, elle n'est pas encore rien du tout, c'est-à-dire au moment où elle participe à la féconde identité de l'être et du néant.
Hegel.
Très subtil et peu clair.
Le mouvement dans l'espace d'un corps soumis à l'action d'une force donnée et partant d'une position aussi donnée doit être absolument déterminé. C'est donc par une sorte de paradoxe que les équations différentielles dont ce mouvement dépend peuvent être satisfaites par plusieurs équations qui remplissent en outre les conditions initiales du mouvement.
Poisson.
On peut rattacher à cette remarque deux travaux philosophico-mathématiques plus ingénieux que solides. 1o Accord de la liberté morale avec les lois du mécanisme, par Saint-Venant (Comptes rendus du 15 mars 1877); 2o Conciliation du véritable déterminisme avec l'existence de la vie et de la liberté morale, par Boussinesq (Comptes rendus du 19 février et du 5 mars 1877.)
M. J. Bertrand dit à propos de ces tentatives:
(p. 360) «Quand une table rigide et pesante repose par plus de trois pieds sur un sol parfaitement dur, l'effort supporté par chaque pied est indéterminé. Le calcul l'affirme mais ni les physiciens ni les géomètres ne l'ont cru un instant; ils se sont bien gardés surtout de supposer à chaque pied la faculté de choisir, en lui prêtant une volonté devenue indispensable».
Il y a des certitudes qui ne reposent pas sur l'expérience. Je sais qu'il y a des polygones de 7, de 11, de 13 côtés, etc., tout en sachant qu'on ne peut, actuellement du moins, les construire géométriquement. On admet qu'il y a un carré égal à un cercle donné, et personne ne s'avisera plus de chercher ce carré. Rien de plus aisé que de former une équation du me degré, en se donnant au préalable m racines réelles ou imaginaires; l'équation une fois formée, on sait qu'elle a ces racines et pourtant on ne peut pas toujours les dégager.
Or, comment sait-on qu'il y a des polygones réguliers de 7, de 11, de 13 côtés, etc., qu'il y a un carré égal à un cercle donné...? Par un raisonnement d'analogie et d'induction, celui-ci par exemple: Je sais diviser une droite en 7 parties égales; si la circonférence était rectifiée, je pourrais la diviser en 7 parties égales. Y a-t-il une droite égale à une circonférence donnée? Oui, car une circonférence est finie et peut croître indéfiniment par infiniment petits; une ligne droite est dans le même cas, donc on peut faire croître une ligne (p. 361) droite de manière à lui donner la longueur de la circonférence proposée.
J. Delbœuf.
On peut être sûr de l'existence d'une figure sans savoir la construire, d'un nombre sans savoir le calculer.
Toutes les lacunes, tous les vides ne sont pas remplis, et ces lacunes, ces vides se font surtout sentir dans ce qui semble tenir de plus près aux connaissances préliminaires à la géométrie.
Poncelet.
D'après le principe de continuité de Leibniz, le repos serait un mouvement infiniment petit; la coïncidence, une distance infiniment petite; l'égalité, la dernière des inégalités, etc.
C'était surtout la manière dont ce chien faisait une addition qui était curieuse à voir! Des chiffres étaient marqués sur des morceaux d'os de la grandeur des dominos. Son maître lui posait trois ou quatre rangées de trois ou quatre chiffres chacun, Munito regardait, puis, s'il avait:
3
9
7
(p. 362) il allait prendre un carré d'os, et apportait au bas un neuf; puis il retenait un, et allait ainsi jusqu'au bout sans la moindre erreur.
James Rousseau.
D'après Delbœuf, les serins ne comptent que jusqu'à trois et une chienne intelligente ne sait pas distinguer trois de quatre.
Houzeau croit que les mulets savent compter au moins jusqu'à cinq. Le garde-chasse Leroy admet cette limite supérieure pour les corbeaux. Romanes a enseigné à un chimpanzé à compter jusqu'à cinq.
Nous ne garantissons pas ces diverses assertions.
Autrefois on prenait pour base de la géométrie abstraite l'espace réel, avec les lois que l'expérience révèle, avec les trois dimensions auxquelles sont soumis tous les corps qui tombent sous nos sens. Aujourd'hui les géomètres s'affranchissent de ces conditions vulgaires; ils supposent des espaces différents, à quatre, cinq, six dimensions ou davantage; ils appliquent à ces hypothèses fantastiques l'analyse mathématique, et les voilà partis, dans un monde imaginaire, à la poursuite de conclusions très logiquement déduites, mais devant lesquelles l'esprit se perd.
Puis, quand ils reviennent à ce vieil espace traditionnel au sein duquel nous habitons, ils prétendent que ces lois n'ont pas, devant la raison, plus de valeur que les espaces étranges où la somme des angles d'un triangle est inférieure ou supérieure à deux angles (p. 363) droits, où une courbe peut servir de parallèle à une ligne droite. Le résultat de cette débauche d'analyse, c'est le scepticisme mathématique.
d'Hulst.
La pierre philosophale, le mouvement perpétuel, la quadrature du cercle, le désintéressement parfait, etc.
Vous ne rencontrez nulle part dans la nature deux objets identiques: dans l'Ordre Naturel, deux et deux ne peuvent jamais faire quatre, car il faudrait assembler des unités exactement pareilles, et vous savez qu'il est impossible de trouver deux feuilles semblables sur un même arbre..... Vous pouvez ajouter le ducat du pauvre au ducat du riche, et vous dire au trésor public que ce sont deux quantités égales; mais aux yeux du penseur l'un est certes moralement plus considérable que l'autre.
H. de Balzac.
Les mathématiques sont la science des formes et des quantités; le raisonnement mathématique n'est autre que la simple logique appliquée à la forme et à la quantité. La grande erreur consiste à supposer que les vérités qu'on nomme purement algébriques sont des vérités abstraites ou générales. Et cette erreur est si énorme, que je suis émerveillé de l'unanimité avec (p. 364) laquelle elle est accueillie. Les axiomes mathématiques ne sont pas des axiomes d'une vérité générale. Ce qui est vrai d'un rapport de forme ou de quantité est souvent une grossière erreur relativement à la morale. Par exemple, dans cette dernière science, il est communément faux que la somme des fractions soit égale au tout.... Il y a une foule d'autres vérités mathématiques qui ne sont des vérités que dans des limites de rapport. Mais le mathématicien argumente incorrigiblement d'après ses vérités finies, comme si elles étaient d'une application générale et absolue...
Edgar Poe (La lettre volée).
Quelques-uns disent que le mouvement excentrique ou d'extension paraît indiquer une supériorité physique ou morale. Un professeur de géométrie prétend qu'il juge très vite du caractère d'un élève par sa manière de tracer spontanément une circonférence au tableau: les forts la tracent de dedans en dehors, les mous de dehors en dedans.
Kepler croyait que la terre a une âme qui la guide. «Cette âme, dit-il, a le sentiment des raisons et des proportions géométriques; c'est ainsi que la terre peut apprécier les distances, évaluer les angles et reconnaître s'ils sont harmoniques ou incongrus.»
Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et que les nombres sont infinis; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies. Et il est aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ces premiers principes pour vouloir y consentir, qu'il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir.
Pascal.
Il a été donné à bien peu d'hommes de sentir aussi vivement les choses abstraites.
Qu'est-ce que les mathématiques? Des sciences toutes formelles. L'arithmétique et l'algèbre sont la rhétorique des nombres. On raisonne et on raisonne, on déduit et on déduit, étant donné n'importe quoi dans l'abstrait. On applique les principes généraux à des problèmes particuliers et la solution de ces problèmes devient un petit talent mécanique, comme la syllogistique du moyen âge, ou comme la machine à raisonner de Raymond Lulle. La science même du mouvement, la reine du siècle, la mécanique, roule encore sur des relations formelles dans l'espace et dans le temps, et elle ne cesse pas de déduire, de raisonner à (p. 366) perte de vue sur une hypothèse qui est l'équivalent scientifique d'une matière de discours latin. Il est vrai que, dans un cas, il faut raisonner juste; dans l'autre, ce n'est pas nécessaire, et même, quand la cause à soutenir est mauvaise, il est bon de déraisonner. Mais le mathématicien ne raisonnera pas mieux qu'un autre dans la vie réelle parce qu'il sera habitué à raisonner dans l'abstrait, à déduire des conséquences rectilignes d'une hypothèse, non à observer et à réunir toutes les données de l'expérience, non à induire, à deviner, à apprécier les probabilités. L'esprit mathématique, dans la vie privée et dans la vie publique, c'est l'art de ne voir qu'un des côtés de la question. Dans les sciences mathématiques, nous faisons nous-mêmes nos définitions; dans la réalité, c'est l'expérience qui nous les impose et, sans cesse, les transforme, les corrige par des déterminations nouvelles. Nous trouvons toujours dans les résultats plus que nous n'avions mis dans nos définitions et dans nos principes. Nous avions dit: deux et deux font quatre, et nous trouvons cinq; nos étroites formules sont débordées par la nature et par la vie.
Alfred Fouilliée.
Selon d'Alembert, pour acquérir la sagacité, cette qualité première de l'esprit, il faut s'exercer aux démonstrations rigoureuses, mais ne pas s'y borner.
La benzine, pour l'allemand, c'est C6H6, un hexagone ou un parallélépipède, puisque cette tendance amène à (p. 367) représenter les corps chimiques par des images géométriques ou des formules d'algèbre; la benzine, pour l'anglais, est un produit qui sert à détacher.
Léon A. Daudet.
On connaît le mot de Lagrange: la chimie devient aussi facile que de l'algèbre.
Dans les mathématiques le raisonnement est devenu automatique à un si haut degré, que les mathématiciens ont presque tous perdu de vue le point de départ, et qu'on les étonne beaucoup, quand on leur rappelle que les symboles des mathématiques ne sont pas de pures créations de l'esprit... qu'un symbole n'est un symbole qu'autant qu'il symbolise quelque chose, et que sous chaque signe il y a la chose signifiée.
Malgré cet oubli de la chose et le souci du signe, les raisonnements des mathématiciens sont cependant rigoureux et les résultats auxquels ils parviennent sont exacts, mais on ne peut dire qu'ils aient une notion adéquate de la science sur laquelle s'exercent leurs efforts.
G. Mouret.
Quel est le fondement de notre croyance aux axiomes? Sur quoi repose leur évidence? Je réponds: Ce sont des vérités expérimentales, des généralisations de l'observation.
John Stuart Mill.
(p. 368) La géométrie est fondée sur l'observation; mais sur une observation si familière et si évidente que les notions premières qu'elle fournit pourraient sembler intuitives.
Leslie.
Assertions très contestables. Nous les avons déjà discutées.
Si la géométrie s'opposait autant à nos passions et à nos intérêts présents que la morale, nous ne la contesterions et nous ne la violerions guère moins, malgré toutes les démonstrations d'Euclide et d'Archimède.
Leibniz.
La géométrie ne prouve rien du tout de l'existence des choses, mais seulement ce qu'elles sont, supposé qu'elles existent réellement.
Le P. Buffier.
Imaginons un être réduit à un point, mais doué d'intelligence et de sens, assujetti à pouvoir se déplacer sur une ligne droite pour fixer les idées, mais ne pouvant sortir de cette droite; supposons que ses sens soient tels qu'ils ne lui permettent pas d'avoir conscience du monde extérieur à son domaine qui est la (p. 369) droite en question. Si cet être est conduit à faire de la géométrie, il ne fera que de la géométrie à une dimension; appelons cet être A. On peut de même imaginer un être B assujetti à se mouvoir dans un monde réduit à une simple surface et n'ayant pas conscience du monde extérieur à cette surface. Si B fait de la géométrie, cette géométrie sera à deux dimensions. Nous autres, nous pouvons faire de la géométrie à trois dimensions, parce que notre espace est constitué de telle sorte que trois quantités sont nécessaires pour définir la position d'un point; B fait de la géométrie à deux dimensions, parce que deux quantités seulement lui sont nécessaires pour définir la position d'un point dans l'espace dont il a conscience. On peut donc se demander si ce que nous considérons comme notre univers ne serait pas une variété d'un espace à plus de trois dimensions, dont l'organisation simple de nos sens nous empêcherait d'avoir connaissance.
H. Laurent.
La vie la plus belle, la mieux remplie, la moins sujette aux déceptions, est encore celle du fou sublime qui cherche à déterminer l'inconnue d'une équation à racines imaginaires.
H. de Balzac.
On pourrait se passer complètement de l'idée de nombre et emprunter tout à l'idée d'espace.
(p. 370) L'algèbre est une symbolie ou écriture hiéroglyphique qui exprime les faits de déplacement dans des espaces à nombre variable de dimensions: l'arithmétique raconte ce qui se passe dans un espace à une dimension; l'algèbre des fonctions algébriques dans des espaces à deux dimensions; l'algèbre des quantités complexes, dans un espace à n dimensions.
...........................
À qui la palme? À la symbolie? À la graphie? Il serait bien difficile de décider, chacun suivant son organisation cérébrale peut accorder son vote à l'une ou à l'autre. Pour éviter des discussions interminables, le mieux serait, je crois, de les marier.
Arnoux.
C'est dans son roman Les temps difficiles que Dickens nous présente ce personnage.
«Thomas Gradgrind, monsieur, l'homme des faits, l'homme qui procède d'après le principe: deux et deux font quatre, rien de plus, et qu'aucun raisonnement n'amènera jamais à concéder une fraction en sus! Thomas Gradgrind, monsieur, avec une règle et des balances, et une table de multiplication dans la poche, monsieur, toujours prêt à mesurer et à peser le premier colis humain venu et à vous en donner exactement la jauge...»
Un franc, considéré aujourd'hui, ne valait pas encore un franc hier et il vaudra plus d'un franc demain, du moins dans certaines questions de finance. L'hypothèse du placement continuel à intérêts composés est une fiction hardie et certains pessimistes attribuent une partie des souffrances de la société moderne, à l'exécrable fécondité de l'argent.
J'ai deux voisins; l'un se lamente de ce que l'argent ne rapporte plus que 2%; l'autre réclame le prêt gratuit.
Mme de Lautré, dont parle Mme de Genlis, faisait dans les salons, des multiplications de nombres de huit chiffres.
Diner, le berger de Stuttgard, devint péniblement maître d'école. N'ont pas percé davantage les autres petits calculateurs prodiges: Annich, Buxton, Colburn, Bidder, Pughiesi, Magiamele, etc. Malgré les meilleures leçons, Henri Mondeux n'a pas pu s'élever au dessus des calculs numériques.
De nos jours, c'est Inaudy, qu'on promène comme une curiosité: il a été présenté à l'Académie des Sciences, comme son prédécesseur. Inaudy n'est pas un visuel, c'est un auditif: il a pu retenir d'un seul coup jusqu'à 42 chiffres. La capacité de sa mémoire est le secret de sa force.
Dans leur enfance, Gauss et Ampère ont calculé très vite, mais cette faculté s'est ralentie chez eux dès qu'ils se sont livrés à la recherche mathématique.
Un de nos amis, lorsqu'il voyageait, décomposait de (p. 373) tête les numéros des wagons en facteurs premiers, en prenait la racine carrée, etc.
La cycloïde ou roulette, qui a été étudiée par Pascal, jouit de deux propriétés bien curieuses. Un point pesant descendant le long de sa concavité arrive toujours dans le même temps au sommet inférieur, de quelque hauteur qu'il parte. De plus, c'est cette courbe, et non une ligne droite, que doit décrire un point pesant pour descendre dans le moins de temps possible.
Il est dit, dans la Bible, qu'il y avait, dans le Temple de Salomon, un grand bassin hémisphérique dont le diamètre était de dix coudées et la circonférence de trente.
«J'étais semblable à ce géomètre qui s'efforce de quarrer le cercle et cherche en vain dans sa pensée le principe qui lui manque.»
Dante.
Pisthétéros.—Mais, dites-moi, quels instruments avez-vous là?
Méton.—Ce sont des règles pour mesurer le ciel... J'appliquerai une règle droite et je prendrai si bien mes dimensions, que je ferai d'un cercle un carré.
...........................
(p. 374) Pisthétéros.—...Croyez-moi, retirez-vous au plus vite.
Aristophane.
Plutarque affirme qu'Anaxagore avait trouvé la quadrature du cercle. Roger Bacon parle de la question comme si elle était complètement connue de son temps. Or il est maintenant prouvé qu'on ne peut résoudre le célèbre problème avec la règle et le compas.
Dans la Théorie de la lune, de l'astronome Delaunay (qui s'est noyé en se baignant à Cherbourg) il y a une formule dont le second membre occupe 138 pages.
L'œuvre de Delaunay comprend dans le premier volume l'expression de la longitude de la lune et, dans le second, celle de sa latitude.
On m'a parlé d'un mémoire d'Olbers qui se compose d'une seule phrase.
L'Académie des Sciences de Paris se refusa pendant quelque temps à admettre une doctrine (il s'agit des infiniment petits) qui semblait altérer la pureté géométrique; elle vit naître d'ardentes discussions dans lesquelles plusieurs de ses membres, s'attachant avec obstination à de fausses idées qu'ils s'étaient formées, et à des locutions qui les choquaient sans qu'ils voulussent considérer le fond des choses, contestèrent non seulement (p. 375) la rigueur des raisonnements, mais encore l'exactitude des règles de Leibniz. Cette opposition fut utile, en forçant les géomètres infinitésimaux à donner une forme nette aux principes contestés, qui peut-être n'avaient été mal compris des uns que pour avoir été jusque-là mal expliqués par les autres. Leibniz lui-même, que les plus grands géomètres de l'Europe avaient enfin admiré et compris, loin de s'envelopper dans sa gloire et de mépriser les critiques, ne dédaigna pas de répliquer avec courtoisie à des adversaires qu'il estimait malgré la faiblesse de leurs arguments. Sa réponse au Journal de Trévoux est restée célèbre par une concession singulière qui semblerait passer condamnation sur le manque de rigueur qu'on lui reprochait; il assimile en effet les infiniment petits des divers ordres à des grandeurs incomparables à cause de leur extrême inégalité, comme le serait un grain de sable par rapport au globe de la terre. Un tel langage, il faut l'avouer, ne signifie rien de précis et conduirait à confondre l'infiniment petit avec le très petit. Leibniz ressemble dans cette circonstance, dit Fontenelle, à un architecte qui a fait un bâtiment si hardi qu'il n'ose lui-même s'y loger, tandis que d'autres, plus confiants que lui, s'y logent sans crainte, et qui plus est, sans accident. Mais à cette citation, on doit ajouter que, la lettre de Leibniz n'étant pas écrite pour des géomètres, la concession qui semble trop timide n'était peut-être que prudente.
J. Bertrand.
Robert Record (auquel nous devons le signe =, égale) a publié, en 1557, la seconde partie de son arithmétique, sous le titre de Whetstone of wit c'est-à-dire Pierre à aiguiser l'esprit. C'est un dialogue, et, l'élève étant surpris par les deux racines de l'équation du second degré, le maître lui répond: «Cette variété de racines fait voir qu'une seule équation peut servir à deux questions différentes. La nature de la question vous indiquera facilement laquelle de ces deux racines vous devez prendre; et il est des cas où vous pourrez les prendre toutes les deux.»
Les premiers algébristes italiens appelaient l'inconnue «la chose», de là le nom de cossites donné à ces initiateurs.
Qu'Euclide se donne la peine de démontrer que deux cercles qui se coupent n'ont pas le même centre, qu'un triangle renfermé dans un autre a la somme de ses côtés plus petite que celle des côtés du triangle dans lequel il est renfermé, on n'en sera pas surpris. Ce géomètre avait à combattre des sophistes obstinés, qui se faisaient gloire de se refuser aux vérités les plus évidentes; il fallait qu'alors la Géométrie eût, comme (p. 377) la logique, le secours des raisonnements en forme, pour fermer la bouche à la chicane.
Clairaut.
Je ne cite pas ici comme une véritable quadrature celle que découvrit Hippocrate de Chio d'un espace terminé par des arcs de cercle (lunules), qui retranchent d'un côté d'un espace rectiligne, ce qu'ils y avaient ajouté de l'autre; cette quadrature, et d'autres semblables que l'on a données depuis, ne sont que des espèces de tours de passe-passe.
Mais la subtilité d'Archimède lui fit trouver un espace curviligne véritable quarrable. C'était l'espace parabolique, dont il détermina exactement la mesure.
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Découvrir, comme a découvert le subtil Bernoulli, que la circonférence du cercle est à son diamètre comme une quantité imaginaire (le logarithme de moins un) est à une autre quantité imaginaire (la racine carrée de moins un), ce n'est qu'un jeu d'esprit qui nous rejette dans des abîmes plus profonds que ceux dont nous voulions sortir.
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Descartes, à qui la géométrie doit tant, sut qu'il y avait des courbes dont on déterminait les aires: mais il crut qu'il n'y en avait aucune dont on pût déterminer la longueur; et assura l'impossibilité de toute rectification. Cependant un géomètre qui n'était pas à lui comparer, rectifia une courbe qui porte encore son (p. 378) nom (la parabole de Neil); et bientôt après une infinité d'autres courbes furent rectifiées.
Maupertuis.
Voici, d'après Ed. Lucas, quelques-unes des transformations curieuses et subtiles du nombre: au début, on fit des marques sur les arbres et des stries sur les os des animaux; le nombre prit plus tard la forme digitale (Alcuin); il devint ensuite successivement mystique (Pythagore), nuptial (Platon); magique (Persans), abracadabrant (Zoroastre); premier ou composé, entier ou fractionnaire, commensurable ou incommensurable, exact ou approché (Euclide); triangulaire, carré, pentagonal, polygonal, pyramidal (Diophante); cubo-cubique (Indiens); ortho-triangulaire, congruent (Arabes); sourd, aveugle (Moyen-Âge); plaisant et délectable (Bachet), récréatif (Ozanam); indivisible (Cavalieri); différentiel, incrémentiel (Leibniz), fluent (Newton); exponentiel, logarithmique, rhabdologique (Neper); parfait, amiable, abondant, déficient, aliquotaire (Fermat, Frénicle, etc.); congru ou incongru (Gauss); complexe, idéal, norme (Kummer); réel ou imaginaire, équivalent, anastrophique (Cauchy); équipollent (Bellavitis); quaternion (Hamilton); enfin hypertranscendantal (Hermite).
La république a été proclamée au Brésil, le 15 novembre (p. 379) 1889. Le promoteur du mouvement révolutionnaire fut Benjamin Constant Botelho de Magalhâes, né en 1833 d'un père portugais et d'une mère brésilienne. Élève de l'École militaire puis astronome à l'Observatoire, il avait une aptitude distinguée pour les mathématiques. Il avait été classé le premier à la suite d'un concours pour une chaire de calcul infinitésimal.
Au xviiie siècle, le chevalier de Caussans, prétendit avoir résolu la quadrature du cercle et déposa mille écus chez un notaire pour celui qui prouverait la fausseté de sa solution. Une dame fit la preuve et actionna Caussans devant le Châtelet. Les juges indulgents déclarèrent le pari nul et le quadrateur mourut dans l'impénitence finale.
«Ceux qui ne savent pas de mathématiques, dit La Caille, n'ont que trop souvent le malheur de trouver la quadrature exacte du cercle refusée aux autres.»
Baïardi avait cherché le point du Ciel où Dieu plaça le soleil, lors de la création. «Il venait de découvrir ce point, dit l'abbé Barthélemy, et il me le montra sur un globe.»
Moreri affirme que: «Adam avait une profonde connaissance des sciences et surtout de l'astronomie dont il apprit plusieurs secrets à ses enfants, et il grava (p. 380) sur deux tables diverses observations qu'il avait faites sur le cours des astres.»
Ils croient savoir bien des choses, les érudits.
Je ne dois savoir qu'une chose, ma langue et celle de l'Église, avec les lois du calcul; quant aux autres sciences, si j'en ai besoin, je les apprendrai moi-même.
Tolstoï.
À la Société populaire de Colmar, Bach employa presque toute une séance à réfuter un citoyen du Mont-Adour qui avait envoyé un procédé pour évaluer exactement la racine carrée de 2. (Étude, de M. Véron-Réville, sur la Révolution dans le Haut-Rhin.)
Popilius, envoyé du peuple romain et porteur d'une sommation du Sénat à l'adresse d'Antiochus, traça un cercle autour de ce roi, en lui prescrivant de répondre, avant de sortir du cercle.
Parmi les objets découverts par Lartet dans la célèbre grotte sépulcrale d'Aurignac, appartenant à la période (p. 381) quaternaire et à la fin de l'âge du Mammouth, on remarque une lame de bois de renne «présentant sur l'une de ses faces planes, de nombreuses raies transversales, également distancées, avec une lacune d'interruption qui les divise en deux séries; sur chacun des bords latéraux ont été entaillées de champ d'autres séries d'encoches plus profondes et régulièrement espacées. On serait tenté, dit Lartet, de voir là des signes de numération exprimant des valeurs diverses ou s'appliquant à des objets distincts.»
Le maréchal est mort à cinquante-cinq ans et l'on s'est amusé à composer ainsi son épitaphe en vers blancs:
Son courage l'a fait admirer de chac | 1 |
Il eut des ennemis mais il triompha | 2 |
Les rois qu'il défendit sont au nombre de | 3 |
Pour Louis son grand cœur se serait mis en | 4 |
Des victoires par an il gagna plus de | 5 |
Il fut fort comme Hercule et beau comme Thyr | 6 |
Pleurez, braves soldats, ce grand homme hic ja | 7 |
Il mourut en novembre et de ce mois le | 8 |
Strasbourg contient son corps en un tombeau tout | 9 |
Pour tant de te Deum, pas un de profun | 10 |
— | |
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1o Deux tétraèdres de bases équivalentes et de hauteurs égales sont équivalents: on partage la hauteur commune en beaucoup de parties égales, on mène des plans parallèles aux bases et l'on considère comme des prismes les troncs partiels extrêmement minces.—On n'a jamais le droit de considérer comme parallèles des droites qui dès leur origine diffèrent de direction.
2o Pour démontrer qu'une fraction qui a pour termes des nombres premiers entre eux est irréductible, il ne suffit pas de dire qu'alors on ne peut plus diviser les deux termes par un même nombre.—En effet, peut-être pourrait-on simplifier une fraction autrement que par voie de division, par exemple en retranchant aux deux termes des nombres convenables.
3o Il ne faut pas dire, pour arriver au volume de la sphère par la méthode des limites, qu'on inscrit à la sphère un polyèdre régulier dont on augmente indéfiniment le nombre des faces.—Il n'y a en effet que cinq polyèdres réguliers et celui qui a le plus de faces en a vingt.
Chasles exagère un peu, lorsqu'il affirme, dans son Aperçu historique, qu'on ne peut se flatter d'avoir éclairé et réduit convenablement une théorie, tant qu'on ne peut pas l'expliquer en peu de mots à un passant dans la rue.
Poinsot déclare, de son côté, en parlant des mathématiques, que «ce n'est jamais assez simple».
Il faut pourtant reconnaître que certaines conceptions mathématiques ne deviendront jamais accessibles à tous. (Chimère de l'instruction intégrale.)
«Les hautes mathématiques, dit M. Richet, deviennent de plus en plus difficiles et il n'y a guère plus d'une vingtaine de personnes dans le monde qui soient en état de comprendre tous leurs développements.»
Voici un quatrain mnémonique pour retenir le rapport π de la circonférence au diamètre:
Que j'aime à faire apprendre un nombre utile aux sages!
Immortel Archimède, artiste ingénieur,
Qui de ton jugement peut priser la valeur?
Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.
Les nombres de lettres de chaque mot donnent les chiffres successifs.
π = 3,14159265....
Si l'on ne veut que les cinq premières décimales de π, retenir que: un quatre, un cinq font neuf.
Pour l'inverse, 1/π, souvent utile,
on peut se dire, sans faire de politique, que les trois journées de 1830 sont un 89 renversé.
Je voudrais qu'on fît faire toute l'arithmétique aux enfants avant qu'ils connussent la forme d'un chiffre.
Heiss.
On raconte que Alcuin faisait compter jusqu'à dix mille, avec les dix doigts.
Il vaut mieux compter de tête, en se rappelant que le calcul mental commence par la gauche, c'est-à-dire par les unités les plus fortes.
Voici une boutade d'un anonyme sur les chiffres:
Le nombre, réduit à la condition de chiffre, a cessé d'être l'Ordre et a perdu sa vertu surnaturelle.
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Quand l'huissier griffonne ses sommations, la blanchisseuse ses mémoires, l'épicier ses factures, quand le traiteur enfle l'addition de ses menus, ce sont des chiffres que je vois tomber de toutes parts; je relève le front et regarde les cieux, ce sont les nombres que j'y vois resplendir.
Nemzetseg.
Ces signes + et - me rappellent ces poteaux qui indiquent au piéton la route qu'il doit suivre; et, si (p. 385) j'en crois mes jambes, une lieue à droite est aussi longue qu'une lieue à gauche.
Dans les villes, ces poteaux sont remplacés par des plaques où sont inscrits les noms des rues et les numéros des maisons. À Paris, par exemple, lorsqu'on va de la Bastille à la Madeleine, on rencontre successivement sur les boulevards: la rue du Temple à gauche en même temps que la rue du Faubourg-du-Temple à droite, puis les rues Saint-Martin et du Faubourg-Saint-Martin, etc.
Eh bien! l'algèbre donne à la Ville de Paris un moyen bien simple de supprimer ce nom de faubourg qui ne saurait convenir à de belles rues qui ne sont pas au-delà de son enceinte. Pour cela, il suffit de donner, par exemple, le signe + aux numéros de la rue Montmartre, et le signe-à ceux de la rue dite Faubourg-Montmartre. La chose une fois convenue, on pourra effacer le mot faubourg sans le moindre inconvénient.
Redouly.
En chronologie, on considère comme positives les dates postérieures à Jésus-Christ et comme négatives celles qui sont antérieures.
Le postulatum des parallèles fait, depuis tant de siècles, le scandale de la géométrie et le désespoir des géomètres.
d'Alembert.
(p. 386) Au commencement de ce siècle, Lobatschewski et Bolyai ont enfin établi l'impossibilité de la démonstration du postulatum d'Euclide.
Autre aspect de la question:
Les lignes parallèles peuvent être considérées selon deux notions différentes: l'une négative et l'autre positive. La négative est de ne se rencontrer jamais, quoique prolongées à l'infini. La positive est d'être toujours également distantes l'une de l'autre.
On a ainsi essayé de faire la théorie des parallèles en les définissant par l'équidistance: la difficulté ne serait que déplacée.
Un élève commençait une démonstration du premier livre de géométrie en disant: «je prends le milieu de la droite AB...», lorsqu'il fut interrompu par cette objection: «Vous n'êtes pas censé savoir prendre le milieu d'une droite, c'est une construction du second livre.»
Le système décimal est adopté par tous les hommes, à cause des dix doigts de la main.
Leibniz admirait beaucoup le système binaire.
Il a été publié une arithmétique tétractique, c'est-à-dire à base quatre.
Le Protée d'Homère comptait par cinq les phoques qu'il conduisait.
(p. 387) Huit a eu des partisans, mais c'est douze qui a le plus lutté contre dix: on a fait justement remarquer les nombreux facteurs de douze, mais Lagrange a répliqué plaisamment que si l'on prenait la base onze et en général un nombre premier, toutes les fractions auraient le même dénominateur!
Auguste Comte remarque qu'on pourrait, pour compter, tirer meilleur parti des doigts divisés en phalanges et il compare le pouce et les autres doigts au caporal commandant ses quatre hommes.
«Une arithmétique, dont l'échelle aurait eu le nombre douze pour racine, aurait été bien plus commode, les plus grands nombres auraient occupé moins de place, et en même temps les fractions auraient été plus rondes; les hommes ont si bien senti cette vérité, qu'après avoir adopté l'arithmétique dennaire, ils ne laissent pas de se servir de l'échelle duodénaire; on compte souvent par douzaines, par douzaines de douzaines ou grosses; le pied est dans l'échelle duodénaire la troisième puissance de la ligne, le pouce la seconde puissance. L'année se divise en douze mois, le jour en douze heures, le zodiaque en douze signes, le sou en douze deniers: toutes les plus petites mesures affectent le nombre douze, parce qu'on peut le diviser par deux, par trois, par quatre et par six...
Buffon.
On a des exemples d'animaux qui, attachés à une meule, à un tourne-broche, à une corde de puits, etc., (p. 388) apprennent à calculer leur tâche avec la dernière précision. Ces animaux n'ont aucun système de numération, comment donc savent-ils compter?
Proudhon.
Que faisiez-vous dans l'allée des soupirs?
—Une assez triste figure.
—Au sortir de là vous battiez le pavé.
—D'accord.
—Vous donniez des leçons de mathématiques.
—Sans en savoir un mot. N'est-ce pas là que vous voulez en venir?
—Justement.
—J'apprenais en montrant aux autres et j'ai fait quelques bons élèves.
Diderot.
Le paradoxal écrivain affirme ailleurs qu'il est plus facile d'apprendre la géométrie que d'apprendre à lire.
On trouve dans ses œuvres complètes cinq mémoires de mathématiques.
Il me disait: Quand vous aurez trouvé une nouvelle vérité mathématique ou la solution d'une question importante, gardez-vous d'en simplifier l'exposition. Présentez-la, au contraire, avec toute sa complication originelle. Vos contemporains apprécieront d'autant mieux votre découverte qu'ils auront plus de peine à la (p. 389) bien saisir. Il est vrai que l'avenir lui restituera toujours sa véritable valeur; mais la belle avance, si ceux avec lesquels vous devez vivre, trompés par l'imprudente simplification que vous serez parvenu à lui donner, l'accueillent comme une niaiserie! N'imitez donc ni Lagrange, ni Poinsot, suivez plutôt l'exemple de Laplace et celui de Poisson, dont la lucidité n'atteignait toute sa perfection que lorsqu'ils exposaient les travaux des autres...
... C'est une véritable duperie que de se livrer à des travaux toujours très pénibles et très difficiles de concentration et de simplification. Si leur publication a pour effet d'accélérer notablement l'œuvre scientifique d'une époque, c'est toujours au détriment de l'auteur qui semble d'autant moins profond mathématicien qu'on le lit plus facilement.
Lamé.
En d'autres termes: plus on est obscur, plus on paraît savant.
Tous les hommes apportent en naissant la faculté des mathématiques. Elle se développe chez quelques-uns et s'atrophie, chez la plupart, par défaut d'exercice et d'enseignement. Le but de cette faculté est la découverte successive des lois qui régissent le monde.
Cela posé, cherchons quel mode d'enseignement peut accroître le nombre de géomètres inventeurs, les diriger vers le but signalé, et cela le plus promptement possible...
(p. 390) Le nouvel enseignement doit essentiellement satisfaire aux deux conditions suivantes:
1o Écarter à tout jamais la division de la science en Mathématiques pures et en Mathématiques appliquées.
La première classe n'existe plus aujourd'hui. L'arithmétique est éminemment pratique; la théorie des nombres elle-même retrouve ses plus beaux théorèmes dans l'étude des vibrations. La Géométrie et la Mécanique sont deux branches de la Physique mathématique qui étudient deux propriétés distinctes de la matière, l'étendue et le mouvement. L'Algèbre, le Calcul différentiel, ne sont que les instruments analytiques, indispensables, inséparables, de toutes les théories physiques, ceux qui conduisent aux lois les plus générales des phénomènes qu'on étudie. Le Calcul intégral, traité isolément, est un non-sens, car chacun de ses progrès a son origine naturelle dans une application.
2o Présenter toutes les parties de chaque science à l'aide de leurs propres méthodes d'invention, en se gardant soigneusement de ne parler que des méthodes d'après-coup ou de pure vérification, dites plus rigoureuses, mais complètement stériles.
Il ne saurait exister de méthode générale pour inventer. Chaque découverte a la sienne, qui lui est propre et même exclusive. Le seul moyen d'exercer l'esprit de recherche consiste à retracer toutes les découvertes déjà connues, telles qu'elles ont été faites. La multiplicité de ces exemples peut seule éveiller la faculté d'en accroître le nombre. Et si, dans la série des méthodes d'invention, l'Analyse et la Géométrie agissent, tantôt (p. 391) réunies, tantôt isolées, il faut conserver religieusement cet ordre naturel.
Lamé.
C'est en vain qu'on espère un grand profit dans les sciences en greffant toujours sur le vieux tronc que l'on surcharge; il faut tout renouveler, jusqu'aux plus profondes racines, à moins que l'on ne veuille toujours tourner dans le même cercle, avec un progrès sans importance et presque digne de mépris.
Bacon.
Tout ce qu'on peut espérer des bases actuelles a été ressassé, et l'on tombera toujours dans la même ornière. Il faut refaire la science, la placer sur un nouveau piédestal, en tirer toutes les conséquences, sauf à intercaler les anciens résultats. On ne peut envisager une théorie sous un nouveau point de vue, sans qu'il en découle une foule de résultats inattendus, et il serait à désirer que ce fût un homme nouveau, qui fût étranger au mouvement et au progrès des sciences et n'en connût que les premiers éléments, qui s'en occupât.
Laplace.
Nous soumettons à M. Tissandier, directeur du journal La Nature, une idée qui lui sourira. Il a enseigné avec succès la mécanique, la physique et la chimie à l'aide d'expériences amusantes. Ne pourrait-il pas, sans théorie abstraite, donner aussi un aperçu des mathématiques, à l'aide de problèmes faciles et piquants?
Quelques savants semblent trouver banales et incomplètes les propositions et les démonstrations habituelles. Ils ont un goût maladif pour le difficile, le rare, l'exceptionnel. Ils font penser à un naturaliste qui n'étudierait que les monstres et à un casuiste qui se chercherait toujours des péchés.
Chaque jour on pèse très exactement avec une balance fausse, en procédant par la méthode des doubles pesées, due à Borda; aucune pesée un peu précise ne se fait autrement.
Les cartes célestes exigent un très grand nombre de mesures précises. On se borne maintenant, grâce aux frères Henry, à photographier le ciel avec toutes ses étoiles. Un congrès d'astronomes s'est réuni à l'Observatoire de Paris pour régler tous les détails de l'ingénieuse opération.
Voir La carte photographique du ciel, par Ch. Trépied, dans les nos du 30 août et du 15 septembre 1892 de la Revue générale des sciences.
Voici en gros comment M. Em. Lemoine procède à cette mesure qui semble paradoxale.
La simplicité d'une démonstration dépend du nombre des syllogismes par lesquels on déduit des vérités premières le théorème considéré.
La simplicité d'une construction dépend du nombre des constructions élémentaires à l'aide desquelles on résout le problème proposé.
Ne pas considérer toujours une démonstration et une construction comme d'autant plus simples qu'elles s'expriment dans un langage plus simple.
Supposons qu'une machine ait été mise en mouvement d'une manière quelconque, et que les forces mouvantes viennent à disparaître. Alors à cause des résistances passives qu'on ne peut éviter, la vitesse de la machine ira en diminuant et finira par devenir nulle. Il est chimérique de chercher à construire une machine qui puisse se passer de moteur.
En mathématiques, le maximum peut ne pas être la plus grande de toutes les valeurs et le minimum peut être plus grand que le maximum: c'est qu'on compare chaque valeur seulement aux valeurs infiniment voisines (p. 394) de part et d'autre. Ainsi les mathématiciens diront que le carré inscrit dans un carré donné n'a pas de maximum et cependant il est clair qu'il ne peut surpasser le carré primitif.
C'est par la sphère qu'il conviendrait, paraît-il, de commencer la géométrie, parce que son étude est indépendante du postulatum d'Euclide (?). De la géométrie et de la trigonométrie sphériques, on déduirait ensuite la géométrie et la trigonométrie planes.
«Cet homme possède moins que rien» est une locution populaire, pour dire qu'il a des dettes.—«Retirer 4 fois une dette de 12 fr. c'est ajouter 4 fois 12 francs», ce qui correspond à (-12) × (-4) = + (12 × 4).—On a rappelé aussi pour justifier la règle moins par moins que «deux négations valent une affirmation.»
Dans un prochain avenir, le fantôme des imaginaires aura disparu des écoles françaises, comme autrefois les loups furent chassés d'Angleterre.
J.-F. Bonnel.
L'imaginaire tend à absorber le réel, de même que le (p. 395) général comprend le particulier. Peut être faudrait-il changer des dénominations étroites et vieillies?
La collection des théorèmes peut-être comparée à une sorte de trousseau de clefs que l'on essaye aux serrures à secret des problèmes, mais un habile serrurier n'essaye que quelques-unes des clefs.
M. Poincaré vient de démontrer que les séries servant à calculer les perturbations, en Mécanique céleste, sont divergentes, quoique leurs premiers termes forment des suites convergentes. Ces séries permettent bien de prévoir les mouvements et les positions des astres, plusieurs années à l'avance, mais elles n'assurent plus la stabilité indéfinie du système du monde. (Voir Les Méthodes nouvelles de la Mécanique céleste.)
Pour trouver le rapport de la circonférence au diamètre, tracez des parallèles équidistantes, prenez une aiguille cylindrique de longueur moindre que l'équidistance des parallèles et jetez-la, au hasard, un grand nombre de fois, sur les parallèles. Comptez combien de fois l'aiguille rencontre l'une quelconque des parallèles et multipliez le rapport de ce nombre au nombre total (p. 396) des jets par le double du rapport de la longueur de l'aiguille à l'équidistance des parallèles.
Écoutez: Jeunes élèves, on vous trompe!
La meilleure sphère n'est pas la sphère d'Archimède!
Disons plus et disons mieux: il n'y a pas de sphère, il n'y a que l'équidomoïde!
C'est-à-dire que la sphère n'a pas droit à une existence indépendante, elle n'est que le corollaire de l'équidomoïde.
L'équidomoïde est le générateur polygonal de la sphère.
Écrivons et méditons ceci:
Équidomoïde : sphère :: prisme : cylindre.
L. Hugo.
L'auteur appelle équidomoïde un cristalloïde dont les onglets sont concaves vers l'axe.
Nos calculs n'ont pas tant besoin que l'on pense d'être éclairés; ils portent avec eux une lumière propre et c'est d'ordinaire de leur sein même que sort toute celle que l'on prétend répandre sur eux.... Ce n'est pas le calcul qui nous trompe, quand il est bien fait; il n'a pas besoin d'être appuyé par des raisonnements; mais, d'ordinaire, ce sont les raisonnements (p. 397) qui nous trompent, et qui ne doivent nous déterminer qu'autant qu'ils sont appuyés par le calcul.
Saurin.
Le calcul est un raisonnement abrégé et il ne vaut que par le raisonnement qu'il condense.
Savez-vous pourquoi Platon exige que sa ville idéale se compose de cinq mille quarante citoyens libres, ni plus ni moins? C'est que cet heureux nombre est exactement divisible par les dix premiers nombres!
Grâce à une ingénieuse préparation des formules et à un système de vérification réciproque des calculs, de Prony est parvenu à faire exécuter, par des hommes fonctionnant comme des machines, les magnifiques tables de logarithmes du cadastre. Il put employer, dit-on, à ce travail peu récréatif les garçons perruquiers que la suppression de la poudre et des queues avait laissés sans ouvrage, dans le cours de la Révolution.
W. de Fonvielle.
Buffon dit dans la préface de son Arithmétique morale: «La mesure des choses incertaines fait ici mon (p. 398) objet: je vais tâcher de donner quelques règles pour estimer les rapports de vraisemblance, les degrés de probabilité, le poids des témoignages, l'influence des hasards, l'inconvénient des risques, et juger en même temps la valeur réelle de nos craintes et de nos espérances.»
L'esprit de calcul émousse toujours le génie: or, c'est le génie qui fait les véritables découvertes; le calcul, à la vérité, facilite les choses, aide à développer, à étendre, à épuiser ce que l'on a déjà trouvé; mais il y a beaucoup de mécanique à tout cela, et pour ce qui s'appelle découvrir, il faut voir, pénétrer, ce qui est l'affaire du génie.
Le P. Castel.
On peut comparer le calcul dans la Géométrie, aux troupes auxiliaires dans les Armées romaines. Tant que ces troupes ne furent qu'auxiliaires et le tiers tout au plus d'une Légion, Rome s'agrandit et conquit l'Univers. Mais la Paresse gagna les Légions avec les richesses des Nations. On déposa donc le casque, la cuirasse et le courage; et les troupes étrangères et barbares, les Huns, les Goths, les Visigoths, les Arabes sous le nom d'Auxiliaires, gagnèrent les Armées, les remplirent, les anéantirent, et, le tiers, devenant le tout, le tout fut réduit à rien et il n'y eut plus d'Empire romain.
(p. 399) C'est le train que prend la Géométrie, depuis qu'elle est métamorphosée en calcul arabe et presque ostrogoth et que le tiers y est devenu aussi le tout. La tête presque délivrée du soin de penser, devient paresseuse et l'esprit laisse aller les doigts: on se repose de tout sur les formules.
Le P. Castel.
À l'Association Britannique pour l'Avancement des Sciences, en 1868, il y eut un curieux débat entre deux professeurs célèbres.
Le naturaliste Huxley, suivant l'opinion traditionnelle, affirma que la Science Mathématique est seulement déductive et qu'elle n'emprunte rien à l'observation, rien à l'expérience, rien à l'induction. Alors le mathématicien Sylvester répliqua, avec vivacité et humour, que l'Analyse mathématique invoque constamment le secours de nouveaux principes, d'idées nouvelles et de nouvelles méthodes; qu'elle fait un appel incessant aux facultés d'observation et de comparaison; que son arme principale est l'induction; enfin qu'elle offre un champ illimité à l'exercice des plus hauts efforts de l'imagination et de l'invention. À l'appui de sa thèse hardie, Sylvester cita l'exemple de Lagrange, si profondément convaincu de l'importance, pour le mathématicien, de la faculté d'observation; celui de Gauss appelant les Mathématiques la science de l'œil; celui de Riemann considérant l'espace, non comme une forme de l'entendement, mais comme une (p. 400) réalité physique objective. Il dit avoir trouvé lui-même jusque dans ses conceptions les plus abstraites, un fond géométrique et finit par conclure que la plupart, sinon la totalité, des grandes idées mathématiques, ont leur origine dans l'observation.
Un chasseur, riche et affamé, rencontre deux bergers; l'un avait cinq fromages et l'autre trois qu'ils allaient manger. Le chasseur déjeune avec les bergers puis il leur donne huit pièces d'or, pour payer les huit fromages. Il s'agit de partager cet or inattendu.
Le premier berger dit qu'il prendrait cinq pièces et laisserait les trois autres à son camarade.—Ce dernier répliqua qu'il fallait d'abord partager également les pièces, quatre à chacun, et que, lui, il rembourserait le prix d'un fromage.—L'instituteur dut les mettre d'accord: Vous avez partagé chaque fromage en trois parts égales, et vous avez mangé, le chasseur et vous, chacun huit parts. Vous, le premier berger qui aviez cinq fromages ou quinze parts, vous en avez cédé sept au chasseur. Vous, le second berger, qui n'aviez que trois fromages ou neuf parts, vous n'avez pu qu'en donner une au chasseur. Le premier de vous a donc gagné sept pièces d'or et le second une seule.—Qu'aurait fait le juge de La Fontaine? Il se serait fait d'abord remettre les huit pièces; il en aurait cédé une au greffier qui aurait payé les fromages aux bergers et (p. 401) gardé la monnaie. Quant à lui, le juge, il se serait payé avec les sept autres pièces d'or.
J'ai abandonné la distinction d'usage entre la géométrie plane et la géométrie dans l'espace. Outre qu'elle n'est pas dans la réalité des choses, puisque la nature ne nous offre que des figures dans l'espace, elle met un long intervalle entre la théorie de la ligne droite et celle du plan, dont chacune cependant est nécessaire à la parfaite intelligence de l'autre; elle nécessite même une interruption dans l'étude de la ligne droite. Enfin, elle est encore plus nuisible dans l'enseignement professionnel, car la pratique des arts réclame bien plus la connaissance des principales combinaisons de droites et de plans, que celle de propositions théoriques comme les propriétés des sécantes du cercle. Ces inconvénients m'ont paru surpasser de beaucoup les avantages que cette méthode peut avoir comme artifice didactique; si elle divise et aplanit un peu les premières difficultés de la Géométrie, on ne peut nier qu'elle soit pour beaucoup dans la lenteur que mettent les élèves à acquérir la faculté de lire dans l'espace.
C. Méray.
Un marchand de parapluies, de la Xaintrie (Corrèze), meurt en laissant trois fils et un testament ainsi conçu: (p. 402) Je lègue 17 parapluies à mes trois fils et je stipule que l'aîné en aura la moitié, le second le tiers et le troisième le neuvième.—Grand embarras des fils qui ne savent comment réduire des parapluies en fractions. On s'en rapporte au notaire qui, aussi malin que Salomon, commence par emprunter un 18e parapluie, puis effectue ainsi le partage: l'aîné reçoit la moitié de 18, soit 9 parapluies; le second le tiers, soit 6; le troisième le neuvième, soit 2; total 17. L'opération faite, le notaire rend le parapluie qu'il avait emprunté et les héritiers ont la satisfaction d'avoir reçu plus qu'il ne leur revenait.
La vérité d'une proposition est absolument indépendante du tracé de la figure. Ce n'est jamais à cette figure, bien ou mal exécutée, que s'applique le raisonnement ou la démonstration, mais toujours au contraire à la figure idéale dont le tracé est et ne peut être qu'une représentation grossière, propre à aider l'intelligence et à soulager la mémoire... L'un de mes principaux soins dans mes leçons, c'est d'éviter cette erreur à mes élèves... Je repousse comme une peste, les règles, les équerres, les compas et je trace des figures très informes et en pleine contradiction avec l'énoncé. Je fais des lignes droites grosses de toute la largeur de la craie et droites comme un serpent d'église.
Delezenne.
Ne pas suivre ce mauvais exemple.
Un jour, Delezenne, professeur à Lille, montrant une équerre à ses élèves, leur demanda combien de lignes elle offrait. Les réponses se croisèrent: trois, six, neuf. Faidherbe, le futur général, trouva qu'en ajoutant aux neuf lignes de l'équerre, considérée comme un volume, les deux circonférences du trou, on obtenait onze lignes. C'était la réponse que le professeur attendait et il augura bien de l'avenir scientifique du jeune Faidherbe.
Je ne connais rien de plus insupportable en mathématiques que les nombres irrationnels; leur introduction en arithmétique est un véritable scandale; dans ce domaine si élémentaire, à côté de cette notion du nombre entier qui est la plus claire du monde, à côté de ces propositions si précises, de ces démonstrations si nettes que les plus grands mathématiciens ont pris à cœur d'accroître et de simplifier, et qui ont toute la beauté, toute la perfection de celles que les Grecs nous ont léguées, voici venir tout le cortège du transcendant et de l'infini. C'est là, non ailleurs, que sont condensées toutes les difficultés des idées de limite, de convergence, de continuité. Que faire pourtant si l'on veut seulement écrire V2 + V3? Nous n'y pouvons rien, et c'est en vain qu'on se révoltera: cette idée de l'infini est dans la nécessité des choses; on la réduira si l'on veut à ses termes les plus simples, à dire qu'après un (p. 404) nombre entier il y en a un autre, on ne s'en débarrassera pas, pas plus en Arithmétique qu'ailleurs.
À vrai dire, la sagesse est de reconnaître les difficultés là où elles sont, et l'honnêteté dans l'enseignement ne consiste pas à dire tantôt on verra plus tard, tantôt on a déjà vu, sans jamais rien montrer..... À chaque longueur est attaché un nombre rationnel ou non; à chaque nombre rationnel ou non, une longueur est attachée: cette longueur sert à définir l'égalité, comme l'addition et la soustraction: d'ailleurs, on montre comment on peut se passer de cette considération concrète, au moyen d'opérations arithmétiques effectuées sur des nombres rationnels, et poursuivies jusqu'à l'infini.
J. Tannery.
Mairan, successeur de Fontenelle comme secrétaire de l'Académie des Sciences, eut, nous l'avons déjà dit, une discussion avec Madame du Châtelet sur les forces vives et ce fut Madame de Geoffrin qui le calma: «Que pensera-t-on de vous, si vous tirez l'épée contre un éventail?» Nous lisons dans un éloge de cet estimable savant quelques lignes sur un vieux paradoxe:
On savait bien qu'un cercle qui avance en ligne droite sur un plan, et qui tourne en même temps autour de son centre, décrit sur ce plan une ligne droite égale à sa circonférence. Lorsque ce cercle emporte avec lui un plus petit cercle qui lui est concentrique, et qui n'a pas d'autre mouvement que celui qu'il emprunte au premier (ce qu'on voit dans une roue de carrosse, qui emporte son moyeu), celui-ci décrira une ligne droite égale non à sa circonférence, mais à celle de la roue, puisque c'est le même centre qui avance en ligne droite, dans l'un et l'autre cas. Mais comment concevoir que la petite roue, quoique plus petite, puisse parcourir autant de chemin que la grande? Aristote avait senti cette difficulté sans la résoudre; Galilée... l'avait tenté en vain; (p. 406) elle va s'évanouir devant le génie de Mairan. Il démontrera que la petite roue a un autre mouvement que le roulement, le mouvement de glissement ou de razion; mouvement qui ne doit point paraître puisqu'il est mêlé avec le roulement per intimâ, et qu'il l'affecte à chaque instant infiniment petit. Ainsi, Mairan parvint à résoudre ce problème qui avait paru insoluble à Aristote et à tous les savants.
Il ne faudra plus dire que moins par moins donne plus, fausse règle qui a toujours choqué l'oreille et la raison, mis en déroute les plus fameux calculateurs, occasionné des contestations et des disputes interminables sur les quantités négatives, les racines imaginaires, le cas irréductible, les exposants et les logarithmes négatifs, etc.
Porro.
L'oreille est peut-être choquée, mais non la raison, puisqu'on constate le fait, dans la multiplication algébrique.
Dans la proportion -1/1 = 1/-1, le premier terme est plus petit que le second, tandis que le troisième est plus grand que le quatrième, ce qui est contradictoire.
d'Alembert.
(p. 407) On peut tirer de la proportion précédente
d'où
(V-1)2 = (V1)2
- 1 = 1.
Un nombre positif égal à un nombre négatif! Continuons et ajoutons 2 aux deux membres
- 1 + 2 = 1 + 2
ou enfin
1 = 3.
Conclusion visiblement fausse.
Variante: Partons de
4 - 10 = 9 - 15
Nous en concluons
(2 - 5/2)2 = (3 - 5/2)2
donc
2 = 3!
D'après les règles ordinaires du calcul, on aurait
,
résultat contradictoire, puisque, si a est positif, le premier membre est imaginaire et le second réel.
Posons
a - b = c,
(p. 408) multiplions les deux membres par a - b, il vient
(a - b)(a - b) = ca - cb
d'où
a(a - b - c) = b( a - b - c)
et enfin
a = b.
On doit à Cardan (qui l'avait dérobée à Tartaglia) une formule exprimant les trois racines de l'équation du troisième degré, mais, dans le cas où les trois racines sont réelles, la formule, les présentant sous une forme compliquée d'imaginaires, n'est plus utile.
Je lui répliquay lors que j'aimois mieulx suyvre les effects que la raison. Or ce sont choses qui se chocquent souvent: et l'on ma dict qu'en la géométrie (qui pense avoir gaigné le hault poinct de certitude parmi les sciences), il se trouve des démonstrations inévitables, subvertissant la vérité de l'expérience: comme Jacques Peletier me disoit chez moy, qu'il avoit trouvé deux lignes s'acheminant l'une vers l'autre pour se joindre, qu'il vérifioit toutesfois ne pouvoir jamais, jusques à l'infinité, arriver à se toucher.
Montaigne.
Il n'y a aucun mystère dans l'existence des asymptotes.
Ayant divisé le diamètre d'une demi-circonférence en un certain nombre de parties égales, et décrit sur chacune des parties comme diamètre une demi-circonférence, il est facile de voir que la grande demi-circonférence est égale à la somme des autres. Cela est vrai, quelque nombreuses que soient les divisions du diamètre, et par suite vrai encore à la limite, lorsque la somme des petites demi-circonférences s'est réduite au diamètre de la demi-circonférence primitive.—Donc toute demi-circonférence est égale à son diamètre.
Paradoxe analogue suivant lequel un côté d'un triangle serait égal à la somme des deux autres.
L'explication consiste en ce que la limite d'un nombre infini de parties peut ne pas être égale à la somme des limites. Ainsi, divisez un rectangle en petits rectangles égaux très minces dont vous augmenterez indéfiniment le nombre, alors chaque rectangle tendra vers zéro et pourtant leur somme ne sera pas nulle, puisqu'elle égale toujours le rectangle total.
Posons
x = 1 - 1 + 1 - 1 + .....
Il vient successivement
x = 1 - (1 - 1 + 1 - 1 + .....) = 1 - x
d'où
2x = 1
x = ½
(p. 410) Ainsi, en additionnant ou en soustrayant des nombres entiers, on obtiendrait une fraction.
La faute provient de ce que la série n'est pas convergente; la somme des termes est alternativement 1, 0, 1, 0, etc.
Le sophiste Zénon prouvait ainsi qu'Achille ne rattrapera jamais la tortue, qui a une lieue d'avance, quoiqu'il marche dix fois plus vite: lorsqu'Achille a fait la première lieue, la tortue a fait 1/10 de lieue et garde ainsi une avance de 1/10 de lieue; lorsqu'Achille fait ce 1/10 de lieue, la tortue fait un 1/10 de ce dixième de lieue et garde ainsi une avance de un centième de lieue; lorsqu'Achille fait ce centième de lieue, la tortue fait 1/10 de ce centième et garde ainsi une avance de un millième de lieue, etc., indéfiniment. La tortue ne sera jamais atteinte, puisqu'elle aura toujours une avance égale au dixième du chemin qu'aura parcouru Achille.
Quiconque connaît la limite de la somme des termes d'une progression géométrique décroissante voit le vice de ce singulier raisonnement.
Consulter le mémoire de M. Brochard sur les arguments de Zénon contre le mouvement. Outre l'Achille, il y en a trois autres: la Dichotomie, la Flèche, et enfin le Stade.
Voir aussi l'étude de M. Frontera sur le même sujet.
Tous les arithméticiens déclarent qu'en multipliant un nombre par une fraction proprement dite on le diminue.
M. Berdellé propose de remplacer les mots multiplier et multiplication par les mots prorater et proratation.
La France a conservé, jusqu'à nouvel ordre, son heure nationale, d'après le méridien de Paris. Les autres nations européennes viennent d'adopter le système américain des fuseaux, d'après lequel il y a, à partir de Greenwich, trois zones d'heure, celles de l'ouest, du centre et de l'est. Par suite, en passant maintenant de France en Suisse, l'heure avance brusquement de 50 minutes 30 secondes.
Un Français allant à Constantinople a le plaisir de changer trois fois d'heure. Il paraît vieillir par soubresauts. La vitesse de l'Express-Orient est surpassée dans le cas suivant, où le paradoxe s'aiguise à outrance.
Sans télégraphe ni chemin de fer, Alexandre Dumas fils voyage très vite:
«Si avec une voiture à deux chevaux je vais de Paris à Saint-Cloud en une demi-heure, avec quatre chevaux j'y serai en un quart d'heure, avec huit chevaux (p. 412) j'y serai tout de suite, avec seize chevaux me voilà revenu avant d'être arrivé et même avant d'être parti.»
Jamais vous ne persuaderez à un ignorant que d'autres hommes marchent les pieds et la tête opposés à ses propres pieds et à sa propre tête. Le poète Lucrèce, quoique sans préjugés, affirme que la doctrine des antipodes est une folie.
Voici quelques détails sur l'erreur de date que commirent à leur retour les premiers navigateurs qui firent le tour du monde. Le Portugais Magellan, parti le 20 septembre 1519, traversa l'Atlantique, rencontra la côte orientale de l'Amérique, découvrit au sud de ce continent le détroit qui porte son nom, aborda aux îles Philippines, et fut tué dans l'une d'elles, l'île Zébu, par les naturels. L'expédition fut continuée par l'un de ses compagnons, Sébastien del Cano, qui ramena les matelots par le cap de Bonne-Espérance. À leur retour en Europe, le livre de bord marquait le 5 septembre 1522, et cependant la véritable date était le 6 septembre. C'est que les navigateurs, ayant fait le tour de la terre vers l'ouest, c'est-à-dire en sens contraire de la rotation du globe, avaient accompli une révolution de moins autour de la ligne des pôles que (p. 413) s'ils étaient restés en place; ils avaient vu un lever et un coucher de soleil de moins. De même les voyageurs qui font le tour du monde vers l'est tournent une fois de plus qu'un point fixe du globe autour de l'axe terrestre, et comptent un jour de plus.
Pour éviter les erreurs de ce genre, il est de règle dans la navigation d'avancer ou de retarder la date d'un jour lorsqu'on franchit le 180e degré de longitude vers l'ouest ou vers l'est: le méridien qui répond à cette longitude s'appelle ligne de démarcation.
On lit dans Le tour du monde en 80 jours, de Jules Verne:
Philéas Fogg avait «sans s'en douter» gagné un jour sur son itinéraire,—et cela uniquement parce qu'il avait fait le tour du monde en allant vers l'Est, et il eût au contraire perdu ce jour en allant en sens inverse, soit vers l'Ouest.
En effet, en marchant vers l'Est, Philéas Fogg allait au-devant du soleil, et, par conséquent, les jours diminuaient pour lui d'autant de fois quatre minutes qu'il franchissait de degrés dans cette direction. Or on compte trois cent soixante degrés sur la circonférence terrestre, et ces trois cent soixante degrés multipliés par quatre minutes, donnent précisément vingt-quatre heures,—c'est-à-dire ce jour inconsciemment gagné. En d'autres termes, pendant que Philéas Fogg, en marchant vers l'est, voyait le soleil passer quatre-vingts fois au méridien, ses collègues restés à Londres ne le voyaient passer que soixante-dix-neuf fois. C'est pourquoi, ce jour-là même, qui était le samedi et non le (p. 414) dimanche, comme le croyait M. Fogg, ceux-ci l'attendaient dans le salon de Reform-Club.
Des géographes ont été repris par les géomètres, pour avoir cru que la dimension des îles était suffisamment indiquée par le circuit de la navigation. En effet, plus une forme est parfaite, plus elle a de capacité. Si donc le contour figure une circonférence, qui est la courbe plane la plus parfaite, elle embrassera un plus grand espace, que si elle trace un carré d'égale longueur; à son tour le carré en renfermera plus que le triangle, et le triangle à côtés égaux, plus que le triangle à côtés inégaux.
Quintilien.
1o Le tas de blé: un grain de blé ajouté à un autre grain de blé ne fait pas un tas; un autre grain ajouté ne le fait pas non plus, et ainsi de suite; donc on ne fera jamais un tas de blé avec des grains de blé.
2o Le chauve: en ôtant un cheveu à une tête garnie de cheveux, on ne rend pas un homme chauve; en en ôtant deux, trois, pas davantage; donc on peut lui ôter tous les cheveux de la tête sans le rendre chauve.
Les corps lancés de haut en bas, tandis que la terre tourne et s'éloigne, ne devraient pas retomber au point d'où ils sont partis.
Cette objection des ignorants en mécanique a été poétisée par Buchanan dans son poème sur La Sphère: «La tourterelle n'oserait quitter son nid et s'élever dans l'air dans la crainte de ne plus revoir ses petits.»
On établit, très simplement et très exactement, que dans l'hypothèse de l'attraction inversement proportionnelle au cube de la distance, un mobile décrirait une spirale logarithmique: «Bien que le mobile décrive une infinité de révolutions autour du centre, le temps au bout duquel il l'atteindra est fini.» (Faye, Cours d'Astronomie. T. II, page 120.)
On se fait difficilement une idée du temps fini, suffisant pour accomplir un nombre infini de révolutions autour d'un centre. D'ailleurs, rassurons-nous. Il s'agit d'un point matériel parcourant une trajectoire asymptotique à un point. Tout peut se passer aisément dans le domaine de la théorie.
Fermat affirme, sans démonstration, qu'au-dessus du carré, la somme des puissances semblables de deux nombres n'est jamais la puissance semblable d'un troisième nombre. La proposition est-elle vraie? Fermat en possédait-il une démonstration? Quoi qu'il en soit, les plus habiles mathématiciens n'ont pu démontrer, d'une manière générale, le Théorème de Fermat.
Il ne faut pas, bien entendu, confondre le théorème précédent avec un autre du même savant, qu'on établit dans les Cours.
Ce nombre mystérieux, sur lequel les traducteurs et les commentateurs sont loin d'être d'accord, paraît lié à l'égalité
33 + 43 + 53 = 63,
analogue à celle de Pythagore
32 + 42 = 52.
Il s'agirait d'une période réglant les mariages et les naissances (d'où le nom de nombre nuptial) ou de la (p. 417) grande année au bout de laquelle le soleil, la lune et les planètes reprennent les mêmes positions relatives dans le ciel.
Voici quelques-unes des valeurs proposées;
12960000; 1728; 8128; 216; 5040; 864; 7500; 2700; 760000. (Voir les mémoires de M. J. Dupuis sur Le nombre géométrique de Platon.)
On lit dans une lettre au Père Mersenne: «Vous me demandez si le nombre 100895598169 est premier ou non, et une méthode pour découvrir dans l'espace d'un jour, s'il est premier ou composé. À cette question, je réponds que ce nombre est composé et se fait du produit de ces deux: 898423 et 112303 qui sont premiers. Je suis toujours, mon révérend Père, votre très humble et très affectionné serviteur, Fermat.
La question pourrait embarrasser nos contemporains, et on ignore la méthode suivie par Fermat.
Parlons d'un autre grand nombre. Lorsqu'on place bout à bout les dominos, de façon que deux consécutifs quelconques se touchent par des points équivalents, le dernier élément est toujours égal au premier. Le problème de Reiss consiste à trouver le nombre de combinaisons, lorsque la rangée se termine à un double indiqué. M. G. Tarry a résolu la question assez simplement, et il trouve jusqu'au double-huit, ce nombre de combinaisons.
(p. 418) 10.752.728.122.249.860.612.096.000
Quel est cet an quarante dont on se moque tant?
Pourquoi se moque-t-on aussi du tiers et du quart?
Le mouvement anormal du périhélie de Neptune attend encore une explication. La loi de Newton n'a pas permis, jusqu'à présent, d'en rendre compte.
Il en est de même, depuis Clairaut, du mouvement du périgée de la lune. En deux siècles, la lune s'écarte progressivement de la position calculée, mais sans que la différence dépasse une seconde de temps.
En ce moyen entra en affection d'icelle science numérale, et touts les jours après disner et souper y passait temps aussi plaisantement qu'il soulait, en dez ou ès chartes. À tant sceut d'icelle et théoricque et practicque, que Tunstal Anglois, qui en avait amplement escript, confessa que vrayement en comparaison de luy il n'y entendoit que le hault Alemant.
Rabelais.
Beaucoup de personnes voulant parler d'un très grand nombre disent un nombre incommensurable. La locution est mauvaise, puisqu'il y a des nombres incommensurables petits et grands, ainsi V2 vaut 1,4142..., et π vaut 3,141592..., etc.
Les anciens Indiens désignaient toutes les inconnues (p. 420) par la même syllabe ya (initiale du mot), mais diversement colorée.
Le problème de l'esthétique des formes revient évidemment à celui-ci: quelles sont les lignes les plus agréables?
Mais d'abord qu'est-ce qu'une ligne?
Jamais nous n'avons vu de lignes; nos yeux ne connaissent que des directions. Ce que nous appelons une ligne est la synthèse de deux sens parallèles et contraires. La réalité, c'est la direction, ce sont ce que les géomètres contemporains appellent des demi-droites. Je ne vois pas de cercles mais je vois des cercles décrits dans un sens ou dans un autre, ce que l'on appelle des cycles. Par exemple, le cercle euclidéen, le cercle abstrait, peut avoir quatre tangentes parallèles entre elles; le cercle réel, le cycle, ne peut en avoir que deux. Donner quatre tangentes parallèles entre elles à un cercle, c'est faire une figure détestable, parce que cette figure oblige l'œil à changer deux fois de direction; donner deux tangentes au cycle, c'est faire une figure agréable.
C. Henry.
Les nombres harmoniques sont ceux qui sont formés uniquement des facteurs premiers 2, 3 et 5 et dont la formule est par suite 2a × 3b × 5c
Nombres harmoniques: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 18, 20, 24, 25, 27, 30...
(p. 421) Nombres qui ne sont pas harmoniques: 7, 11, 13, 14, 17, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29, 31...
Tout est harmonie dans la nature, tout s'y règle par des nombres harmoniques. Exemples: cristallographie, acoustique, etc.
Telles sont les affirmations du vieil Euler, d'après l'idée vague de la simplicité dans la nature. Helmholtz a réfuté ces opinions quant à la musique et, d'après un théoricien nouveau, Charles Henry, elles sont aussi inexactes pour l'esthétique des formes.
À la conception primitive d'un ordre très simple partout, succède peu à peu celle d'un ordre plus savant et plus délicat.
Il paraît que cette mesure est le kilomètre, auquel, trompés par une faute d'orthographe, nous attribuons la signification de mille mètres. «Quant au kilomètre, disent MM. Brachet et Dussouchet, on peut hésiter pour son étymologie entre mesure de l'âne (killos-metron) ou mesure du foin (chilos-metron). Le vrai mot eût été chiliomètre, mille mètres.»
Deux camarades qui vivent et travaillent dans la même salle sont deux binomes.
(p. 422) Les élèves de mathématiques spéciales s'appellent des taupins, sans doute parce qu'ils sont presque tous myopes comme des taupes. En première année, ils sont bizuth, puis ils deviennent carrés, et quelquefois, hélas, cubes et même bicarrés.
Les candidats font, ensemble, après les examens de l'École polytechnique, une promenade à travers Paris. Cette longue file qui serpente en chantant, c'est le joyeux monome!
Les élèves de l'École polytechnique sont des x, la tangente au côté.
Nous signalons ici avec plaisir un curieux livre illustré, L'Argot de l'X, par Albert Lévy et G. Pinet.
Géométrie! algèbre! arithmétique! Zone
Où l'invisible plan coupe le vague cône,
Où l'asymptote cherche, où l'hyperbole fuit;
Cristallisation du prisme dans la nuit;
Mer dont le polyèdre est l'affreux madrépore;
Nuée où l'univers en calculs s'évapore.
Victor Hugo (Toute la lyre.)
Nous ne donnons qu'un échantillon. Le discours continue hardi et obscur...
Je suis professeur!—«Professeur, de quoi?»—De quoi? Je vous le donne en mille... Eh bien, je suis professeur de triangle..., oui, de triangle!
(p. 423) J'ai toujours adoré le triangle; cela doit venir de ce que, en nourrice, on m'avait fait un petit triangle avec des faveurs roses et des grelots, pour m'amuser; je m'en souviens encore, comme si j'y étais, de mon petit triangle.
Lorsque je commençais à marcher, je m'amusais à tracer des triangles sur le sable. Plus tard au collège, lorsqu'on jouait aux billes, je ne jouais jamais qu'au triangle. En géométrie, je ne savais que ce qui avait rapport aux triangles.
Ah! que de douces heures il m'a fait passer mon triangle, mon cher triangle; grâce à lui, je suis devenu chef de fanfare, chef d'orchestre, etc., etc.
Prenons un œuf en nos mains. Cette forme elliptique, la plus compréhensive, la plus belle, celle qui offre le moins de prise à l'attaque extérieure... Les choses inorganiques n'affectent guère cette forme parfaite.
Michelet.
Rien n'est rond dans la nature, excepté le globe de l'œil... et, encore, il n'est pas rond.
Tel est le titre d'une parodie des Burgraves, de Victor Hugo. On y lit:
Je possède zéro, prenez-en la moitié.
Un sculpteur doit faire la statue de Charlemagne, assis sur son trône, couronne en tête, tenant d'une main le globe du monde, de l'autre le sceptre surmonté d'une réduction exacte de la même statue avec tous ses accessoires.
L'artiste a consenti à n'être payé que lorsqu'il aura complètement terminé le travail...
Berdellé.
Le vrai symbole de l'infini, dit le même auteur, c'est l'enseigne du barbier facétieux: Ici on rasera gratis demain.
Qui le croirait? c'est par des lignes arides, c'est par l'austère géométrie que doit commencer l'étude de la parure. Cette jolie femme est enfermée à son insu dans un réseau de parallèles, comme le serait un oiseau dans sa cage, un invisible treillis de verticales et d'horizontales emprisonne sa beauté mouvante et libre.
Charles Blanc.
On suppose le plan d'un territoire divisé en autant de parcelles que l'on voudra. Quel est le minimum de couleurs distinctes qu'il faudra employer pour colorier ces parcelles, sans qu'aucune des parcelles contiguës ne possède la même couleur?
Réponse: quatre.
(p. 425) Ainsi, avec quatre couleurs seulement, on peut colorier une carte quelconque de France en départements ou en arrondissements, ou en communes ou même le plan cadastral de la France.
Les personnes auxquelles on pose cette question à brûle-pourpoint ont toujours quelque peine à concevoir que quatre couleurs seulement puissent suffire.
Ce «nouveau venu» était une raison sociale. Nous nous amusions, en ce temps, à écrire à propos d'Erckmann-Chatrian et des frères de Goncourt:
«Les deux romanciers peut-être les plus remarquables de ce temps, sont quatre.»
J. Claretie.
Dans ses écrits mathématiques, Sylvester est parfois éloquent. Son style est fleuri. Ses mémoires sont fréquemment coupés de courtes pièces de poésie, citées d'autrui ou de sa propre composition. Ainsi dans son article dans Nature, janvier 1886, il y a un court poème «sur un terme perdu dans une famille de groupes de termes d'une formule algébrique.»
À propos des visites des candidats à l'Académie française, M. Jules Simon raconte l'anecdote suivante:
(p. 426) Il y avait des rebuffades célèbres. Celle entre autres d'un académicien qui dit à un auteur dramatique: «Je ne vais pas dans ces théâtres-là!» Le pauvre auteur avait pourtant été joué à la Comédie française. Je me rappelle même, après soixante-trois ans, trois de ces vers qui étaient célèbres à l'École normale:
Élève distingué d'une célèbre école,
Charle est ingénieur et dans tout ce qu'il dit
De la polytechnique on reconnaît l'esprit
L'auteur d'un livre sur les événements de 1870 raconte qu'il sortit vers deux heures du matin de la Chambre après la séance de nuit du 4 septembre où fut prononcée la déchéance de l'Empire: «Au bout du pont de la Concorde, j'aperçois M. Thiers penché à la portière de sa voiture, il raconte Sedan.... et là-bas, dans le fond, derrière les tours de Notre-Dame et derrière la flèche de la Sainte-Chapelle, derrière les clochetons du Palais-de-Justice, dans l'azur plein d'étoiles glisse doucement la lune.»
Or le 4 septembre, dès 11 heures du soir, la lune se trouvait dans la direction du Champ-de-Mars à l'opposé de la Sainte-Chapelle, réplique un astronome.
Menu détail, est-ce que les peintres se préoccupent de placer comme il faut les cornes de la lune?
Lamartine a dit: Vénus se lève à l'horizon...
Dans un roman: «La lune, à son zénith, annonçait minuit.» À son zénith! Puis, l'heure du passage de la lune au méridien varie chaque jour.
(p. 427) Ces naïvetés astronomiques ont été relevées par des membres de la Société d'astronomie de M. Vinot.
L'homme n'arrive jamais à une idée simple et vraie qu'à force de détour; pour lui, la ligne courbe est le chemin qui conduit à la ligne droite.
Saintine.
Pour moi, à ne consulter même que mes yeux, je ne vois rien de si beau qu'une figure qui seule renferme toutes les autres, qui n'a rien de coupé par des angles, rien qui aille de biais, rien de raboteux, point d'inégalité, point de bosse, point de creux. Ainsi les deux figures les plus estimées, savoir le globe parmi les solides, et le cercle parmi les planes, sont les seules dont toutes les parties soient semblables entre elles, et où le bas et le haut soient également éloignés du centre. Que peut-on imaginer de plus juste?
Cicéron.
Un professeur connu disait, pour abréger, perpenculaire et on l'appelait lui-même le père pencu. Un autre prononçait portionnel pour proportionnel. Un troisième rejetant parallélipipède et parallélépipède (p. 428) préférait parlipède; pourquoi pas spath, comme les Allemands, d'après la cristallographie?
S'il n'en est plus que mille, eh bien! j'en suis; si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Scylla;
S'il en demeure dix, je serai le dixième,
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là!
Victor Hugo (Les Châtiments).
On sait ce que fut la révolution cartésienne: le Nombre prenant possession de la Géométrie, acceptant l'héritage des Anciens, mais sous bénéfice d'inventaire et comme pour soumettre toutes les vérités reçues à ses vérifications; poussant ensuite au-delà, avec nous, tantôt menant et infaillible, tantôt mené et n'oubliant rien derrière soi; nous abandonnant, il est vrai, le choix de nos problèmes, se réservant, lui, pour les résoudre: admirable géomètre qui, portant la géométrie à une impossible perfection, la supprimait du même coup si, capable comme il l'est de répondre à toutes nos questions, il ne devenait muet à la fin, se refusant à nous suppléer davantage et nous laissant l'interprétation de ses oracles. Ainsi fait le Nombre. Ce qu'il sait le mieux, c'est encore son commencement. Toutes les obscurités dont il nous délivre, de prime abord, il nous les laisse pour la fin, accumulées en un (p. 429) même point: quelquefois plus transparentes, s'il s'agit d'une chose simple, ou déjà connue, ou seulement supposée; plus opaques d'autres fois et d'une densité telle que, même en connaissant d'avance ce que l'on cherche, on ne le retrouve point.
P. Serret.
«Nous jouons à compter, dit Charlotte, attention! Je commence de droite à gauche: vous comptez! Chacun son chiffre! À mesure que le tour lui vient, celui qui hésite ou qui se trompe, un soufflet! et ainsi de suite jusqu'à mille.» C'était amusant à voir. Elle parcourait le cercle le bras tendu. Le premier dit: «Un.—Deux, fit le second.—Trois, poursuivit l'autre; et toujours ainsi.» Mais bientôt elle commença d'aller plus vite: il y en eut un qui se trompa, pan! un soufflet et tous de rire; le suivant aussi, pan! et toujours plus vite...
Gœthe.
Je ne connais de biens que ceux que l'on partage.
Cœurs dignes de sentir le prix de l'Amitié,
Retenez cet ancien adage:
Le tout ne vaut pas la moitié.
Florian.
En argot, un dix-huit, c'est un habit dégraissé, un (p. 430) chapeau retapé, etc. Étymologie: dix-huit, c'est deux fois neuf.
On lit, dans Le Siège de Paris, par le vicomte d'Arlincourt:
Pour chasser de ces murs les farouches normands,
Le roi Charles s'avance avec vingt mille francs.
Un vers nombreux est un vers bien rythmé, on dit des vers nombreux lorsqu'il s'agit de beaucoup de vers, nous nous permettons de qualifier ici de nombreux des vers qui contiennent des nombres. Boileau surtout avait le goût du numérique et celles de nos citations dont les auteurs ne sont pas nommés doivent être attribuées à Nicolas.
Le nombre 1.
Qu'en 1 lieu, qu'en 1 jour, 1 seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
Brontin tient 1 maillet, et Boirude 1 marteau.
(On pourrait continuer longtemps ces citations.)
Le nombre 2.
Que Rheinberg et Wesel, terrassés en 2 jours,
D'1 joug déjà prochain menacent tout son cours.
Sur 1 pont en 2 jours trompa tous tes efforts.
C'est donc trop peu, dit-il, que l'Escaut, en 2 mois,
Ait appris à couler sous de nouvelles lois.
(p. 431) 2 marmitons crasseux, revêtus de serviettes,
Lui servaient de massiers, et portaient 2 assiettes.
2 nobles campagnards, grands lecteurs de romans.
1 lit et 2 placets composaient tout son bien.
Qui des 2, en effet, est le plus aveuglé?
1 ais sur 2 pavés forme un étroit passage.
Où sont ces 2 amants? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie.
(J. Racine.)
2 voyageurs à jeun rencontrèrent une huître.
Tous 2 la contestaient, lorsque dans leur chemin
La Justice passa, la balance à la main.
Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose:
Tous 2 avec dépens veulent gagner leur cause.
(La Fontaine.)
Le nombre 3.
Dans 3 jours nous verrons le phénix des guerriers.
Elle a vu 3 guerriers, ennemis de la paix.
Mais les 3 champions, pleins de vie et d'audace.
Si dans les droits du roi, sa funeste science
Par 2 ou 3 avis n'eût ravagé la France.
Et que l'1 des Capets, pour honorer leur nom,
Ait de 3 fleurs de lys doté leur écusson.
À 3 longueurs de trait, tayaut, voilà d'abord
Le cerf donné aux chiens. J'appuie et sonne fort.
(Molière.)
Mais 3 fois plus heureux le jeune homme prudent.
(Gilbert.)
Il faut voir ce marchand, philosophe en boutique
Qui, déclarant 3 fois sa ruine authentique,
3 fois s'est enrichi d'un heureux déshonneur,
Trancher du financier, jouer le grand seigneur.
(Gilbert.)
(p. 432) Que vouliez-vous qu'il fît contre 3?—Qu'il mourût....
(Corneille.)
Le nombre 4.
4 bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
1 valet le portait, marchant à pas comptés
Comme 1 recteur suivi des 4 facultés.
Bientôt 4 bandits, lui serrant les côtés.
Les 4 contenaient 4 chœurs de musique.
(Corneille.)
Laissez-leur prendre 1 pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris 4.
(La Fontaine.)
Le nombre 5.
J'avais pris 5 bateaux pour mieux tout ajuster.
(Corneille.)
De 5 autres beautés la sienne fut suivie.
(Corneille.)
Le nombre 6.
Sur 1 lièvre flanqué de 6 poulets étiques
S'élevaient 3 lapins, animaux domestiques.
6 chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant.
Il n'est fort, entre ceux que tu prends par centaines,
Qui ne puisse arrêter un rimeur 6 semaines.
Vous saurez seulement qu'en ce lieu de délices
On servit 12 plats, et qu'on fit 6 services.
Cependant que les eaux, les rochers et les airs
Répondaient aux accents de nos 4 concerts.
(Corneille.)
Dans cette cage resserrée
On peut former jusqu'à 6 pas.
(Gresset.)
(p. 433) 6 brins de paille délabrée
Tressés sur 2 vieux échalas.
(Gresset.)
Le nombre 7.
Ni sans raison d'écrire en quel affreux pays
Par 7 bouches l'Euxin reçoit le Tanaïs.
5 et 4 font 9, ôtez 2, reste 7.
Le nombre 8.
Je n'ai rien fait en vers; mais j'ai lieu d'espérer
Que je pourrai bientôt vous montrer en amie
8 chapitres du plan de notre académie.
(Molière.)
Le nombre 9.
Les 9 trompeuses sœurs dans leur douce retraite
Ou de 30 feuillets, réduits peut-être à 9,
Parer demi-rongés les rebords du Pont-Neuf.
Le nombre 10.
Firent plus en 10 ans que Louis en 10 jours.
De ces gens qui, suivis de 10 hourets galeux
Disent Ma meute, et font les chasseurs merveilleux.
(Molière.)
Le nombre 15.
C'est elle qui, m'ouvrant le chemin qu'il faut suivre
M'inspira, dès 15 ans, la haine d'un sot livre.
Un clerc, pour 15 sous, sans craindre le holà.
Le nombre 20.
Et le teint plus jauni que de 20 ans de hâle. 20 fois sur le métier remettez votre ouvrage.
(p. 434) Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages
Où tout Paris en foule apporte ses suffrages
Et qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés,
Soient au bout de 20 ans encore redemandés?
En vain pour te louer ma muse toujours prête
20 fois de la Hollande a tenté la conquête.
À ce triste discours, qu'un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève,
Ouvre un œil languissant, et, d'une faible voix,
Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt 20 fois.
Ils atteignaient déjà le superbe portique
Où Ribou, le libraire, au fond de sa boutique
Sous 20 fidèles clefs garde et tient en dépôt
L'amas toujours entier des écrits de Hainaut.
Ainsi recommençant un ouvrage 20 fois,
Si j'écris 4 mots, j'en effacerai 3.
Je me suis vu 20 fois prêt à quitter la table.
La Seine, au pied des monts que son flot vient laver
Voit du sein de ses eaux 20 îles s'élever,
Qui partageant son cours en diverses manières,
D'une rivière seule y forment 20 rivières.
Et maudissant 20 fois le démon qui m'inspire.
C'est encor pis 20 fois en quittant la maison.
20 carrosses bientôt arrivant à la file.
Je saute 20 ruisseaux, j'esquive, je me pousse.
Achille mit 20 fois tout Ilion en deuil.
Et 20 fois, comme ouvrages nouveaux
J'ai lu des vers de vous qu'il n'a point trouvés beaux.
(Molière.)
20 familles enfin couleraient d'heureux jours.
(Gilbert.)
Le nombre 30.
Là, depuis 30 hivers, un hibou retiré
Trouvait contre le jour un refuge assuré.
Par ses soins cependant 30 légers vaisseaux.
(p. 435) Et que tantôt, aux yeux du chapitre assemblé,
Il soit sous 30 mains en plein jour accablé.
Elle a d'une insolence à nulle autre pareille
Après 30 leçons, insulté mon oreille.
(Molière.)
Le nombre 32.
Et tel est le sublime siège
D'où, flanqué des 32 vents,
L'auteur de l'Almanach de Liège
Lorgne l'histoire du beau temps.
(Gresset.)
Le nombre 40.
Puisqu'ainsi dans 2 mois tu prends 40 villes,
Assuré des bons vers dont ton bras me répond,
Je t'attends dans 2 ans au bord de l'Hellespont.
Qu'au bout de 40 ans, Cinna, Pompée, Horace
Reviennent à la mode et retrouvent leur place.
(Corneille.)
Le nombre 50.
50 rats à mon oreille
Ronflent en faux bourdon.
(Gresset.)
Le nombre 100.
N'avons-nous pas 100 fois, en faveur de la France,
Comme lui dans nos vers pris Memphis et Bysance.
Horace eut 100 talents; mais la nature avare
Ne vous a rien donné qu'un peu d'humeur bizarre.
J'aime mieux mettre encore 100 arpents au niveau.
Tu pourras les répandre et par 20 et par 100.
Ce pays où 100 murs n'ont pu te résister.
Nous l'avons vu, dit-il, affronter la tempête
De 100 foudres d'airain, tournés contre sa tête.
Il voit 100 bataillons qui, loin se défendre,
Attendent sur des murs l'ennemi pour se rendre.
(p. 436) 100 guerriers s'y jetant signalent leur audace.
Bientôt victorieux de 100 peuples altiers.
De morts et de mourants 100 montagnes plaintives.
En 100 lieux contre lui les cabales s'amassent.
Balzac en fait l'éloge en 100 endroits divers.
De 100 coups de marteau me va fendre la tête.
Entre 100 vieux appuis dont l'affreuse grand'salle
Soutient l'énorme poids de sa voûte infernale.
Et ses ruses perçant et digues et remparts,
Par 100 brèches déjà rentrent de toutes parts.
Thémis a vu 100 fois chanceler sa balance.
Et leur art, attirant le culte des mortels,
À sa gloire en 100 lieux vit dresser des autels.
Comme on voit qu'en un bois que 100 routes séparent.
D'Hozier lui trouvera 100 aïeux dans l'histoire.
Aussitôt 100 chevaux, dans la foule appelés.
100 francs au denier 5 combien font-ils?—20 livres.
Non; mais 100 fois la bête a vu l'homme hypocondre.
Dont les noms en 100 lieux, placés comme en leurs niches.
Qui, sans sujet, courant chez 100 peuples divers.
En transposant 100 fois et le nom et le verbe.
Et j'en ai refusé 100 pistoles, crois-moi.
(Molière.)
N'as-tu pas dû 100 fois te le faire redire?
(J. Racine.)
Aux filles de 100 rois je vous ai préférée.
(J. Racine.)
On me menace
Si je ne sors d'ici, de me bailler 100 coups.
(Molière.)
Là, 100 figures d'air en leurs moules gardées.
(La Fontaine.)
Le peuple rentre et sort en 100 parts divisé.
(La Fontaine.)
Un mourant qui comptait plus de 100 ans de vie.
(La Fontaine.)
(p. 437) Eh! n'as-tu pas 100 ans? Trouve-moi dans Paris
2 mortels aussi vieux; trouve-m'en 10 en France.
(La Fontaine.)
Prenez ces 100 écus; gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin.
Le savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait, depuis plus de 100 ans
Produit pour l'usage des gens.
(La Fontaine.)
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos 100 écus.
(La Fontaine.)
Et 100 brimborions dont l'aspect importune.
(Molière.)
Et 100 portes d'airain s'ouvrent à ses regards.
(Voltaire.)
Dans cette pédantesque rue
Où 30 faquins d'imprimeurs
Avec un air de conséquence
Donnent froidement audience
À 100 faméliques auteurs.
(Gresset.)
Et tous ces demi-dieux que l'Europe en délire
A depuis 100 hivers l'indulgence de lire.
(Gilbert.)
Le nombre 1000
1000 oiseaux effrayants, 1000 corbeaux funèbres.
Lorsqu'un cri tout à coup suivi de 1000 cris.
Et de 1000 remparts mon onde environnée.
Je fais 1000 serments de ne jamais écrire.
Malheureux 1000 fois celui dont la manie
Veut aux règles de l'art asservir son génie.
1000 de ces beaux traits, aujourd'hui si vantés
Et 1000 autres qu'ici je ne puis faire entrer.
Au pied du mont Adule, entre 1000 roseaux.
Mieux que vous 1000 fois, dit le noble en furie.
(p. 438) Venez de 1000 aïeux; et, si ce n'est assez,
Feuilletez à loisir tous les siècles passés.
Son cœur, toujours flottant entre 1000 embarras.
Au comble de son art, est 1000 fois monté.
Le poète s'égaye en 1000 inventions.
Et qui de 1000 auteurs retenus mot pour mot.
S'est couvert 1000 fois d'une noble poussière.
Eh bien! je m'adoucis. Votre race est connue;
Depuis quand? Répondez: Depuis 1000 ans entiers,
Et vous pouvez fournir 2 fois 16 quartiers.
Va par 1000 beaux faits mériter son estime.
Enfin sous 1000 crocs, la maison abîmée
Entraîne aussi le feu, qui se perd en fumée.
Et pour 1 que je veux, j'en trouve plus de 1000.
1 stupide animal, sujet à 1000 maux.
En vain il a reçu l'encens de 1000 auteurs.
De posséder enfin 1000 dons précieux.
On a vu 1000 fois des fanges Méotides
Sortir des conquérants goths, vandales, gépides.
Sans le secours des vers, leurs noms tant publiés
Seraient depuis 1000 ans avec eux oubliés.
Tu viens m'embarrasser de 1000 autres vertus.
À peine dans Gombaut, Maynard et Malleville,
En peut-on admirer 2 ou 3 entre 1000.
La Fable offre à l'esprit 1000 agréments divers.
Et sur son bois détruit bâtit 1000 procès.
Découvrir la nature en 1000 expériences.
(Molière.)
Après 1000 ans et plus de guerre déclarée.
(La Fontaine.)
La Seine au flot royal, la Loire dans son sein
Incertaine, et la Saône, et 1000 autres enfin.
(Gilbert.)
Après qu'on eut mangé, 1000 et 1000 fusées.
(Corneille.)
(p. 439) Il nous faudrait 1000 personnes
Pour éplucher tout ce canton.
(La Fontaine.)
Au sein de ses amis répandre 1000 choses.
(La Fontaine.)
Le nombre 6000
Fuyez le Char glacé des 7 astres de l'Ours
Embrassez dans le cours de vos longs mouvements
200 siècles entiers par delà 6000 ans.
(Voltaire.)
Le nombre 100 000
J'ai 100 000 vertus en louis bien comptés.
Le nombre 1000000
Qu' 1000000 comptant par ses fourbes acquis,
De clerc, jadis laquais, a fait comte et marquis.
Les fractions
Rien ne me fâche tant que les cérémonies,
Et si l'on m'en croyait, elles seraient bannies.
C'est un maudit usage, et la plupart des gens
Y perdent sottement les 2/3 de leur temps.
(Molière.)
Les trop nombreuses citations précédentes sont empruntées aux seuls classiques. Qu'on nous permette de citer encore le premier vers du Cromwel de Victor Hugo et trois vers de son Ruy Blas.
Demain 25 juin mil six cent cinquante-sept.
La maison de la reine, ordinaire et civile,
Coûte par an six cent soixante-quatre mille
Soixante-six ducats: c'est un pactole obscur.
Lorsqu'on transforme la spirale logarithmique, pour construire sa développée et sa caustique, on retrouve la première courbe. Jacques Bernoulli voyait là comme un symbole de la résurrection et aurait voulu qu'on gravât la courbe sur son tombeau avec ces mots: Eadem mutata resurgo.
On donne ce nom à tout carré divisé en cases où sont inscrits des nombres tels qu'en les prenant dans une colonne verticale, une rangée horizontale ou une diagonale, on ait toujours le même total. Voici par exemple un carré magique à neuf cases et à la somme constante 15; il est formé des neuf premiers nombres.
4 | 3 | 8 |
9 | 5 | 1 |
2 | 7 | 6 |
Remarquons que le carré reste magique si l'on ajoute (p. 441) un même nombre à tous ses nombres ou si on les multiplie par un même nombre.
On a donné dans l'Antiquité une importance symbolique à ces combinaisons qu'on retrouve dans presque tous les talismans.
Les carrés magiques deviennent diaboliques, s'ils sont tels que si on divise le carré en deux rectangles égaux ou inégaux et qu'on échange les deux parties, le carré reste magique.
Exemple:
15 | 6 | 9 | 4 |
10 | 3 | 16 | 5 |
8 | 13 | 2 | 11 |
1 | 12 | 7 | 14 |
Quelques personnes ont voulu faire passer ce prince pour un bon mathématicien; il avait sans doute beaucoup de pénétration dans l'esprit, mais la preuve que l'on donne de ses connaissances en mathématiques n'est pas bien concluante; il voulait changer la manière de compter par dizaines et il proposait à la place le nombre soixante-quatre, parce que ce nombre contenait à la fois un cube et un carré et, qu'étant divisé par deux, il était enfin réductible à l'unité. Cette idée prouvait seulement qu'il aimait en tout l'extraordinaire et le difficile.
Voltaire.
On appelle nombres triangulaires des nombres tels que
* * * |
* * * * * * |
* * * * * * * * * * |
etc. |
3 | 6 | 10 |
C'est ainsi rangées que voyagent les grues.
Il y a aussi les nombres quadrangulaires, pyramidaux, etc.
On croit tous les nombres semblables, mais Leibniz insiste sur leurs dissemblances.
Malgré son nom savant, la cycloïde est banale.
En effet, chaque clou de chaque roue de voiture décrit la courbe en question, lorsque la voiture roule.
Il y a d'abord la terre sur laquelle nous vivons. Quant aux autres planètes, elles sont peut-être occupées par des êtres plus ou moins analogues aux hommes. C'est là l'objet d'hypothèses en l'air, sur lesquelles Fontenelle badine agréablement.
Aimer, c'est préférer autrui à soi-même. La grandeur de l'amour est une fraction dont le numérateur,—mes préférences, mes sympathies pour autrui,—ne dépend pas de moi, tandis que mon amour pour moi-même peut être agrandi ou réduit par moi à l'infiniment petit, suivant l'importance que j'attache à mon individualité... Les raisonnements du monde sur l'amour et ses degrés sont des raisonnements sur la valeur des fractions, selon les numérateurs seuls, sans tenir compte des dénominateurs.
Tolstoï.
C'est le titre d'un ouvrage anglais de Taylor dans lequel sont expliqués les divers problèmes auxquels donne lieu la construction des ruches.
Les remarquables propriétés géométriques des alvéoles des abeilles ont été décrites par plusieurs observateurs: Pappus (ive siècle av. J.-C.); Maraldi (1712), Réaumur (1702-1739); Mac-Laurin; Castillon et Lhuillier (1781); Lord Brougham (1858); Terquem (1856-1860); Hultman (1868); Mullenhoff (1883); Hennessy (1885).
Il vaut mieux parier pour impair, parce qu'on démontre que, dans un nombre donné de combinaisons, il y en a une de plus où les choses sont prises en nombre impair.
(p. 444) En matière de rythme poétique, Verlaine n'est pas moins affirmatif:
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Ce sont les nombres entiers qui sont égaux chacun à la somme de leurs diviseurs.
Exemples: 6, 28, 496, etc.
On ne connaît actuellement que neuf nombres parfaits:
2 x 3, 4 x 7, 16 x 31, 64 x 127, 4096 x 8191, 65536 x 131071, 262144 x 524287, 1073741824 x 2147483647 et 260(261-1).
On sait, depuis Euclide, que les nombres parfaits sont de la forme 2n(2n + 1 - 1), à condition que n + 1 et 2n + 1 - 1 soient des nombres premiers.
On dit que deux nombres sont amiables lorsque chacun est égal à la somme des diviseurs de l'autre. On en connaît trois paires: 234 et 220; 17296 et 18416; 9363584 et 9437056.
M. de W... est âgé de 45 ans. Il est presque continuellement (p. 445) renfermé dans son cabinet où on le croit adonné à de sérieux travaux... En réalité, il passe tout son temps à compter combien de fois les mêmes lettres tantôt l'S, tantôt le T, tantôt le G, tantôt le Z, etc., sont répétées dans la Genèse, dans l'Exode, dans le Lévitique, etc.; combien de pages dans telle édition commencent par un P, combien par un B, combien par un A, etc.; combien finissent par un P, combien par un G, etc.
Dr Trélat.
Il lui vint à l'esprit l'idée de la fatalité du nombre 13 et quelquefois, avant de se coucher, il touchait 13 fois sa table de nuit ou 13 objets différents épars dans sa chambre. Peu à peu, il lui est arrivé de répéter plusieurs fois de suite ces 13 contacts et finalement il passait des nuits entières pour satisfaire à cette obsession.
Le nombre 13 le domine de plus en plus: il évite de mettre 13 mots dans une phrase et s'il en a écrit 12, sans compléter le sens, il se hâte d'en ajouter au moins deux pour dépasser 13, par crainte que le treizième ne soit cause d'un malheur. Il en est de même pour le langage, il compte de manière à éviter les phrases de 13 mots. Ce travail fatigant et ridicule le détourne de toute occupation sérieuse.
Dr Magnan.
M. Félix Lucas se sert de l'électricité pour résoudre, à l'aide d'un seul graphique et sans calcul, une équation (p. 446) numérique de degré quelconque. (Comptes-rendus de l'Académie les sciences du 5 mars et du 9 avril 1888 et aussi du 22 décembre 1889.) Le moyen est fondé sur la production de figures par l'électrolyse.
... Cette petite, servant d'Égérie au vieux licencié et plus trapue en x que les candidats à Polytechnique et à Normale, cette petite est Césarine en personne...
... Vacquant lui-même, dit-il, Vacquant (c'est le professeur de spéciales) n'est que de la gnognotte auprès d'elle.
... Certains ouvrages qu'elle seule peut lire couramment... Elle est si étonnante, un génie mathématique. Son père était fort lui-même, seulement trop imbu de Wronski[5].
«Tout se résout en somme, dans la vie, même les actes les plus extraordinaires, par des équations bien faites.» (Mot de Césarine)... De ces équations morales, je n'ai vu moi que les inconnues dégagées, je veux dire les faits... je ne puis ainsi que noter des points, en laissant à de plus perspicaces le soin de retrouver les coordonnées psychologiques.
Richepin.
L'amitié et l'amour, qui agissent dans une sphère (p. 447) circonscrite, qui se préoccupent exclusivement de la génération présente, d'un nombre limité d'individus, sont représentés par le cercle et l'ellipse, courbes finies, fermées, embrassant un espace nettement circonscrit.
La parabole et l'hyperbole, au contraire, sont des courbes qui ne se terminent pas, qui s'allongent indéfiniment, comme le familisme qui songe aux arrière-neveux, comme l'ambition qui rêve la postérité.
Dans le groupe d'amitié règnent l'égalité et la confusion des rangs. Dans le cercle tous les rayons sont égaux, tous partent du centre et se réfléchissent au centre.
L'ellipse présente deux foyers. Tout ce qui part de l'un se réfléchit à l'autre, image exacte de ce qui se passe entre deux cœurs unis par l'amour. Si le plan de l'ellipse s'incline de plus en plus sur une des arêtes du cône, un des foyers s'éloigne et va se perdre à l'infini. Alors l'ellipse se transforme en une parabole. C'est ainsi que l'amour dégénère insensiblement et conduit au familisme, c'est ainsi que l'affection qui rayonnait sur un seul être tend à s'élargir, à en embrasser plusieurs, à l'infini, dans le temps, comme les rayons de la parabole qui vont chercher le second foyer à l'infini dans l'espace.
Le rayon parti du foyer de l'hyperbole remonte en s'éloignant de l'axe, après avoir été réfléchi sur la courbe; il remonte d'autant plus qu'il a atteint déjà, du premier jet, un point plus élevé. C'est ainsi que l'ambitieux tend toujours à dépasser le point où il est parvenu et que ses désirs se grossissent de tous ses succès précédents.
(p. 448) L'hyperbole, comme l'ellipse, a pour limite la parabole, parce que l'ambition, comme l'amour, conduit au familisme. L'ambitieux, quand il n'a plus rien à espérer pour lui-même, songe à ses descendants, à sa maison, à son nom qu'il veut remettre aux âges futurs.
H. Renaud.
Un socialiste a imaginé ce système d'impôt unique d'après lequel chaque citoyen ne payerait plus qu'une somme basée sur le nombre des mètres cubes qui lui seraient nécessaires pour se loger, faire un commerce, etc.
Leibniz crut voir l'image de la création dans son arithmétique binaire où il n'employait que les deux caractères zéro et l'unité. Il imagina que Dieu pouvait être représenté par l'unité, et le néant par zéro; l'Être suprême avait tiré du néant tous les êtres, comme l'unité avec le zéro exprime les nombres dans ce système d'arithmétique. Cette idée plut tellement à Leibniz, qu'il en fit part au jésuite Grimaldi, président du Tribunal de mathématiques de la Chine, dans l'espérance que cet emblème de la création convertirait au christianisme l'empereur qui aimait particulièrement les sciences.
Les naturalistes ont nommé chenille géomètre une chenille qui, en marchant, semble mesurer ou arpenter le terrain avec la longueur de son corps.
De là nous entrâmes dans l'École de Mathématiques dont le Maître enseignait à ses disciples une méthode que les Européens auront de la peine à s'imaginer. Chaque proposition, chaque démonstration était écrite sur du pain à chanter, avec une certaine encre de teinture céphalique. L'écolier à jeun était obligé, après avoir avalé ce pain à chanter, de s'abstenir de boire et de manger pendant trois jours, en sorte que le pain à chanter étant digéré, la teinture céphalique pût monter au cerveau et y porter avec elle la proposition et sa démonstration.
Swift.
Les philosophes, disait Bacbuc à Panurge, prescheurs et docteurs de vostre monde, vous paissent de belles paroles par les aureilles, ici nous réalement incorporons nos préceptions par la bouche. Pourtant je ne vous di lisez ce chapitre, entendez ceste glose: je vous di «goustez ce chapitre, avalez ceste glose.» Jadis un antique mangea un livre et fut clerc jusques aux dents; présentement vous emboirez un, et serez clerc jusques au foye. Venez, ouvrez les mandibules.
Rabelais.
(p. 450) Nous ne parlerons pas de certains préparateurs au baccalauréat, dits marchands de soupe.
Voici trois citations étranges de Chateaubriand:
1o Le trois est une fraction qui n'est point engendrée et qui engendre toutes les autres fractions.
2o Le calcul décimal peut convenir à un peuple mercantile, mais il n'est ni beau ni commode, dans les autres rapports de la vie et dans les équations célestes. La nature l'emploie rarement, il gêne l'année et le cours du soleil; et la loi de la pesanteur ou de la gravitation, peut-être l'unique loi de l'univers, s'accomplit par le carré et non par le quintuple des distances.
3o Ce globe à la longue année (Jupiter) qui ne marche qu'à la lueur de quatre torches pâlissantes; cette terre en deuil (Saturne) qui, loin des rayons du jour, porte un anneau comme une veuve inconsolable...
Le même Chateaubriand dit dans ses Mémoires d'Outre-tombe:
Je fis des progrès rapides en mathématiques où j'apportai une clarté de conception qui étonnait l'abbé Leprince..... J'appris par cœur mes tables de logarithmes...
La France doit devenir un État républicain et que les (p. 451) géomètres gouverneront, en soumettant toutes les opérations au calcul infinitésimal.
Frédéric II.
Le grand Frédéric de Prusse n'aimait pas les mathématiques supérieures et il a écrit contre elles une longue et lourde satire.
Il est amusant dans sa dernière lettre à Voltaire:
«Euler calcula l'effort des roues pour faire monter l'eau dans un bassin d'où elle devait retomber, par des canaux, afin de jaillir à Sans-souci. Mon moulin a été exécuté géométriquement, et il n'a pas pu élever une goutte d'eau à cinquante pas du bassin. Vanité des vanités! Vanité de la Géométrie!»
Vauban, dans ses Oisivetés, commence un petit chapitre sous ce titre: «La cochonnerie ou calcul estimatif pour connaître jusqu'où peut aller la production d'une truie pendant dix années de temps.»
.... Une convention
Explique avec clarté la Numération.
À la gauche d'un autre, un chiffre a l'avantage;
Sa valeur est décuple, ainsi le veut l'usage.
Alors, quand cinq se place à la gauche de huit,
Il vaut cinquante, plus le chiffre qui le suit.
La perpendiculaire se pique
D'être plus courte que l'oblique.
(p. 452) L'angle dont le sommet à la courbe se rend
A moitié des degrés de l'arc qu'il comprend.
Le carré de l'hypoténuse
Est égal, si je ne m'abuse,
À la somme des carrés
Construits sur les autres côtés.
À l'abri de l'envie, en compagnes fidèles,
On voit marcher de front, deux droites parallèles.
.... Deux camps bien ordonnés
Rangent, en force égaux, leurs groupes enchaînés;
Voici qu'une inconnue entre avec eux masquée,
Souvent multiple, en plus d'un endroit embusquée.
.................
Il s'agit d'une équation et de la poursuite de l'inconnue. La conclusion est un peu dure mais philosophique:
.... en ce grand domaine
L'impossible est possible, et le sort nous amène
Tantôt le positif, ou son signe opposé
Ou l'incommensurable ou le sens précisé,
Tantôt c'est l'infini, tantôt l'imaginaire.
On joue avec cela. Chose extraordinaire,
Ce qui n'existe pas est soumis à nos lois!
On ne peut pas la tracer avec la règle; la distance de deux quelconques de ses points est nulle; elle fait un angle constant avec une nouvelle droite quelconque; elle est perpendiculaire à sa propre direction, etc.
(On dit que l'équation x + y V-1 = 0 représente une droite imaginaire: elle jouit des propriétés indiquées.)
(p. 453) On peut demander aussi de trouver sur une conique un point tel que la tangente et la normale en ce point se confondent.
(C'est un point imaginaire de rencontre de la courbe et d'une de ses directrices.)
La droite de l'infini, la circonférence de l'infini, les deux ombilics du plan ou points circulaires à l'infini possèdent aussi des propriétés qui semblent contradictoires.
J'ouvre, dit le P. Gratry, le livre de Saint Augustin qui porte ce titre étrange: «Des dimensions de l'âme». J'aperçois des figures de géométrie mêlées au texte...
Herbart a orné sa philosophie de cercles, de carrés, de chiffres et de signes algébriques.
La justice et la miséricorde de Dieu sont deux parallèles qui peuvent s'unir par une sécante appelée le repentir.
Lacordaire.
L'étoile bleue avale une autre étoile très petite et, bientôt après, elle la rend. Voilà comment les Sibériens interprètent l'éclipse d'un satellite de Jupiter.
(p. 454) Nos paysans de Vivarais désignent sous le nom de casserole la constellation de l'Ourse, à cause de sa forme.
On a cherché si les taches solaires produisent sur la terre des effets notables: c'est ainsi que W. Herschel essaya d'établir un rapport entre le prix du blé et le nombre des taches.
Le monde, dit un prédicateur du xvie siècle, ne saurait remplir le cœur de l'homme par la raison que le monde étant rond et le cœur triangulaire, un rond inscrit dans un triangle ne le remplit pas.
Nous lisons, dans un écrit moderne, qu'en affaires il faut être rond et carré.
D'après Pythagore, l'âme est un nombre qui se meut sur lui-même; la vertu, un nombre carré, et la justice, une proportion géométrique.
Ce diable à quatre qui eut le triple talent..., est né le 14 décembre, 14 siècles, 14 décades et 14 ans après Jésus-Christ.
(p. 455) Il est mort le 14 mai.
Son nom était composé de 14 lettres (Henri de Bourbon).
Il a vécu 4 fois 14 ans, 4 fois 14 jours, et 14 semaines.
Il a été roi de France et de Navarre trois fois 14 ans.
Il a été blessé par Châtel 14 jours après le 14 décembre, en l'année 1594.
Entre ce jour et celui de sa mort, il y a eu 14 ans, 14 mois et 5 fois 14 jours.
Il a gagné la bataille d'Ivry le 14 mars.
Le dauphin est né 14 jours après le 14 septembre et a été baptisé le 14 août.
Henri a été assassiné le 14 mai, 14 siècles et 14 olympiades après l'Incarnation.
Le crime a eu lieu 2 fois 14 heures après l'entrée de la reine à Saint-Denis.
Ravaillac a été exécuté 14 jours après la mort du roi, et dans l'année 1610, qui est divisible par 14.
On a essayé d'appliquer le calcul à l'appréciation des témoignages historiques. Un géomètre anglais, Jean Craig, persuadé que, par la nature même des faits de l'ordre politique ou moral, leur crédibilité s'affaiblit à mesure qu'ils se transmettent d'une génération à l'autre, a cru prouver que certains événements, qui remontent au commencement de notre ère vulgaire, cesseront tout à fait d'être croyables l'an de cette même ère 9153 (p. 456) et en conséquence il a indiqué cette année-là comme l'époque assurée de la fin ou de la rénovation du monde.
Frœbel, le pédagogue, a publié en 1811 son Traité du sphérique; on y lit: «La sphère apparaît comme le prototype, comme l'unité de tous les corps et de toutes les formes. Pas un angle, pas une ligne, pas un plan, pas une surface ne se montre en elle, et cependant elle a tous les points et toutes les surfaces.»
À cette obscure géométrie, succèdent des vues sur les rapports mystérieux de la sphère et de la vie morale. «Travailler consciencieusement au développement de la nature sphérique d'un être, c'est faire son éducation.» Comprendra qui pourra!
On lit dans le testament de Madame Guzman, morte à Pau, en juin 1891:
Un prix de 100.000 francs est légué à l'Institut de France (section des sciences) pour la personne de n'importe quel pays qui trouvera le moyen, d'ici à dix années, de communiquer avec un astre (planète ou autre) et d'en recevoir réponse. La testatrice désigne spécialement la planète Mars, sur laquelle se portent déjà l'attention et les investigations de tous les savants.
Voici le commentaire de M. Flammarion:
(p. 457) «Pour entrer en communication avec les habitants de Mars, il faut leur photophoner: «êtes-vous là?» Et puis.... il faut aussi qu'ils y soient et qu'ils comprennent.
Déjà Mars communique avec la Terre, par l'attraction et par la lumière. Les astronomes analysent ces deux ordres de communication. Ce que l'on pourrait souhaiter maintenant et ce qui arrivera probablement quelque jour, ce serait un mode plus subtil, plus humain.
L'idée n'a rien d'absurde en elle-même, et elle est peut-être moins hardie que celle du téléphone, du phonographe, du photophone et du cinétographe. Elle a été émise, pour la première fois, à propos de la lune.
Un triangle tracé sur le sol lunaire, par trois lignes lumineuses, de douze à quinze kilomètres chacune, serait visible d'ici, à l'aide de nos télescopes. Nous observons même des détails beaucoup plus petits, par exemple les singuliers dessins topographiques remarqués dans le cirque lunaire auquel on a donné le nom de Platon. Donc, un triangle, un carré, un cercle de cette dimension, construits par nous sur une vaste plaine, à l'aide de points lumineux, soit pendant le jour en réfléchissant la lumière solaire, soit pendant la nuit, à l'aide de la lumière électrique, seraient visibles pour les astronomes de la Lune, si ces astronomes existent, et s'ils ont des instruments d'optique équivalents aux nôtres.
La suite du raisonnement est des plus simples. Si nous observions sur la lune un triangle correctement construit, nous en serions quelque peu intrigués, nous croirions avoir mal vu, nous nous demanderions si le hasard des formations géologiques et sélénologiques (p. 458) peut avoir donné naissance à une figure régulière. Sans doute finirions-nous par admettre cette possibilité exceptionnelle. Mais si, tout d'un coup, nous voyions le triangle se changer en carré, puis, quelques mois plus tard être remplacé par un cercle, alors nous admettrions logiquement qu'un effet intelligent prouve une cause intelligente, et nous penserions avec quelque raison que de telles figures révèlent, à n'en pas douter, la présence de géomètres sur ce monde voisin.
De là à chercher la raison du tracé de pareils dessins à la surface du sol lunaire, de là à nous demander pourquoi et dans quel but nos frères inconnus formeraient ces figures, il n'y a qu'un pas, bien vite franchi. Serait-ce dans l'idée d'entrer en relations avec nous? L'hypothèse n'est pas déraisonnable. On l'émet, on la discute, on la repousse comme arbitraire, on la défend comme ingénieuse. Et pourquoi pas, après tout? Pourquoi les habitants de la Lune ne seraient-ils pas aussi curieux que nous, plus intelligents peut-être, plus élevés dans leurs aspirations, moins empêtrés que nous dans la glu des besoins matériels? Pourquoi n'auraient-ils pas supposé que la terre peut être habitée aussi bien que leur monde, et pourquoi ces appels géométriques n'auraient-ils pas pour but de nous demander si nous existons? D'ailleurs il n'est pas difficile d'y répondre. On nous montre un triangle: reproduisons-le ici. On nous trace un cercle: imitons-le. Et voilà une communication établie entre le ciel et la terre, pour la première fois depuis le commencement du monde.
La géométrie étant la même pour les habitants de (p. 459) tous les mondes, deux et deux faisant quatre dans toutes les régions de l'infini, et partout les trois angles d'un triangle étant égaux à deux angles droits, les signaux ainsi échangés entre la terre et la lune n'auraient même pas l'obscurité des hiéroglyphes déchiffrés par Champollion, et la communication établie deviendrait vite régulière et féconde.»
On a proposé de communiquer avec les habitants des planètes en traçant et en illuminant sur la terre une immense figure du carré de l'hypoténuse.
M. Fèvre, dans sa pièce L'Étoile rouge, a tenté de transporter ces idées sur le théâtre.
Sainte Ursule fut martyrisée avec sa compagne Undecimilla, dont le nom a donné lieu à la légende des onze mille vierges.
Sous ce nom l'on désigne tout problème ridicule et complètement indéterminé. Il paraît, en effet, difficile, connaissant la vitesse d'un vaisseau, la hauteur du grand mât, la latitude et la longitude, d'en conclure l'âge du capitaine.
On causait de cette énigme, lorsque tout à coup, Léon Gozlan assura que le problème venait d'être résolu à Marseille. Stupéfaction de tous.—Pas possible!—C'est comme je vous l'affirme.—Contez-nous cela.—Ce fut à l'occasion d'un navire qui paraissait suspect au conseil de salubrité; l'équipage fut mis en quarantaine; le capitaine supporta sa claustration pendant quelques jours; mais enfin l'impatience le gagna, et il quitta le lazaret en transgressant la consigne.
Ici le narrateur s'arrêta tout court, au grand étonnement de la galerie.—Eh bien?... fit quelqu'un.—Hé bien, dit Gozlan, le problème était résolu.—Comment cela? Comment cela? demandèrent plusieurs voix.—C'est tout simple: le capitaine avait franchi la quarantaine.
Un major de place avait indiqué l'exercice pour telle heure. Il arrive et ne voit qu'un trompette: «Parlez donc, messieurs, pourquoi n'êtes-vous qu'un?»
Champfort.
En arrivant à Melun,
Nous étions un;
En arrivant à Carcassonne,
Nous étions personne.
R. Ponchon.
Victor Hugo avait déjà rimé des nombres moins problématiques:
En partant du golfe d'Otrante,
Nous étions trente;
Mais en arrivant à Cadix,
Nous étions dix.
À propos de cette discussion: si l'unité est un nombre, voir la Logique de Port-Royal, où l'opinion de Stevin est combattue.
Si je nomme un logarithme, une exponentielle, un cosinus, une différentielle, une intégrale, on me demandera quels sont ces êtres inconnus? Vont-ils à deux ou à quatre pieds? Cela vole-t-il, rampe-t-il ou nage-t-il dans la mer ou dans l'eau douce? Sont-ce des êtres saisissables à nos sens, pesants, sonores, blancs ou noirs, chauds ou froids? Si ce sont des êtres métaphysiques, que peuvent-ils faire dans le monde (p. 462) matériel auquel ils sont étrangers? La pensée ne transporte point les montagnes et ce n'est pas avec des formules mathématiques que la nature meut et conserve le monde.
Babinet.
Propos ironique.
Dernièrement un astronome allemand a fait annoncer dans les journaux qu'ayant découvert une nouvelle planète, il lui donnerait le nom de la personne qui lui offrirait la plus forte somme d'argent. Ajoutons que le savant désirait acheter des instruments plus puissants pour son observatoire.
Aujourd'hui le nombre est une religion. Le droit est une question d'arithmétique. La moitié plus un est persuadée qu'elle est la raison et la justice, par cela seul qu'elle est la moitié plus un.
Paul Lafitte.
L'arithmétique est un procédé trop sec de gouvernement.
Romieu.
On raconte que le roi Alphonse, fatigué de cette complication de cercles et d'épicycles qui figuraient dans les conceptions de Ptolémée, s'écria: «Si Dieu m'eût (p. 463) consulté au moment de la création, je lui eusse donné de bons avis.» On a bien à tort taxé d'impiété cette boutade qui visait les hypothèses de l'astronome grec.
Arago.
Laplace n'était pas un athée comme Lalande. Il ne faudrait pas prendre au pied de la lettre la réponse qu'il fit, dit-on, à Napoléon lui demandant pourquoi il n'avait pas nommé Dieu dans sa Mécanique céleste: «Sire, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse.»
(Voir la préface de la Vie de Cauchy, par Valson).
Le Nord et le Sud sont les points les plus diamétralement opposés à l'horizon.
(Extrait d'un dictionnaire.)
Voici un vers assez drôle, qui date du premier empire:
Et du pôle glacé jusqu'au pôle brûlant.
Quoi qu'on en pense, il peut y avoir trois jeudis dans une même semaine, mais pour trois personnes différentes. Il suffit de supposer qu'il est jeudi dans un port, le lendemain et la veille du retour de deux vaisseaux qui ont parcouru la terre, l'un d'Orient en Occident, l'autre en sens contraire, à raison de trois degrés de longitude par jour.
Les données des problèmes algébriques sont nécessairement antérieures et supérieures à l'Algèbre. Pour les géomètres, mécaniciens, astronomes, physiciens et autres, ces données ne sauraient être arbitraires. Pour les algébristes proprement dits, toutes les données qui peuvent être mises en équation sont également bonnes. À ce titre, il en est de l'algébriste comme de l'avocat, qui est prêt à plaider toutes causes.
J. A. Langlois.
J'ai eu des relations avec les premiers mathématiciens du siècle, et il me semble qu'il y avait presque chez tous un petit grain de folie. Les calculs ont beau ne présenter aucune erreur, ils ne justifient pas les données imparfaites: or, les données ne sont assises que sur l'observation, l'expérience et le jugement. Sur une donnée que l'on croit vraie et qui ne l'est pas, on fait des calculs en l'air.
J. B. Say.
Le raisonnement algébrique n'accuse pas toujours la fausseté des prémisses.
Quand on sait bien les quatre règles, on est un aigle en finances.
Mirabeau.
Prends-moi le bon parti. Laisse là tous les livres.
Cent francs au denier cinq, combien font-ils? vingt livres.
C'est bien dit. Vas, tu sais tout ce qu'il faut savoir
.................
(p. 465) C'est ainsi qu'à son fils un usurier habile
Trace vers la richesse une route facile:
Et souvent tel y vient qui sait pour tout secret,
Cinq et quatre font neuf, ôtez deux: reste sept.
Boileau.
Il fait le compte, ô ciel! de ses deux milliards,
Cette somme en démence,
Et si le malheureux s'est trompé de deux liards,
Il faut qu'il recommence.
de Banville (Occidentales.)
—Quelle est la ligne la plus courte d'un point à un autre?
Le candidat, après un instant d'hésitation:
—C'est une ligne de chemin de fer.
Le professeur:—Vous oubliez la ligne télégraphique.
Si vous êtes du nombre de ces esprits positifs qui ne se contentent que des vérités absolues, et qui ne recevraient pas une idée frappée au coin de Montaigne et de Platon sans lui faire subir l'épreuve du trébuchet...
Si vous faites plus de cas d'une bonne addition que d'une similitude ou même que d'une comparaison... (p. 466) Eh, mon Dieu! vous n'avez qu'à parler! Il faut seulement s'entendre sur un point de départ, c'est-à-dire sur le calcul de Dioclès de Smyrne qui représente l'esprit de l'homme par le nombre mille.
Valeur en compte | 1000 |
Passons à l'analyse:
Soit Théodore, ou mon imagination | 0 |
Soit don Pic de Fanferluchio ou ma mémoire | 1 |
Soit Breloque, ou mon jugement | 999 |
Je n'ai pas besoin de faire la synthèse devant vous; mais vous pouvez la vérifier facilement avec votre professeur de mathématiques, ou avec votre intendant, ou avec votre blanchisseuse.
Je pose donc hardiment le total!.. 1000.
Ch. Nodier.
On pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint!
Beaumarchais.
Diogène avait demandé à Platon quelques bouteilles de vin, Platon lui en envoya trois douzaines. Diogène le rencontrant le lendemain, lui dit quand on vous demande combien font deux fois deux, au lieu de répondre quatre, vous répondez vingt: en faisant semblant de le (p. 467) remercier, il lui reprochait la longueur de ses dialogues.
Combien de grains de sel faut-il mettre dans un œuf? demande Argand, dans Molière.—Six, huit, dix, par les nombres pairs, répond Diafoirus, comme dans les médicaments par les nombres impairs.
Voici, d'autre part, une fière déclaration que Hugues Le Roux met dans la bouche de nos maîtres queux:
«Mais patience! La cuisine aura son Chevreul. Un homme de génie démontrera que les saveurs, comme les sons, comme les couleurs sont des vibrations. Toutes les vérités mathématiques qui règlent les combinaisons musicales et lumineuses seront appliquées aux saveurs. On verra des élèves de l'École normale écrire au tableau des formules de sauces inconnues, que nous autres nous chercherons dans notre creuset, dans la casserole. Le siècle ne sera pas tourné que l'on ne pourra plus être un grand cuisinier si l'on n'est un grand mathématicien. Avant dix ans, notre corps se recrutera parmi les anciens élèves de l'École polytechnique.»
Charles Dupin indique sérieusement quelque part le profit que les cuisiniers peuvent retirer des mathématiques.
On demandait à Galilée à quoi servait la Géométrie. À peser, à mesurer et à compter, répondit-il, à peser les ignorants, à mesurer les sots et à compter les uns et les autres.
Un solliciteur demande un emploi et cherche à se faire valoir:
—Croyez bien, dit-il, que je ne suis pas le premier venu...
—En effet, vous êtes le douzième depuis ce matin...
(p. 471) Nos ancêtres goûtaient les récréations mathématiques et en particulier les problèmes plaisants et délectables (sic) de Bachet de Méziriac.
Nous proposons ici quelques questions de ce genre, en avertissant qu'un énoncé qui paraît facile conduit parfois à une équation supérieure.
Combien faut-il de chiffres pour écrire les 10, les 100, les 1000, les 10000 premiers nombres, etc.?
Si l'on écrit bout à bout les nombres successifs, quel sera le chiffre occupant dans la suite un rang donné?—On trouvera, par exemple, que le 75872e chiffre est 4.
Étendons la question: on a écrit par ordre tous les nombres de 1 à 99999. Combien a-t-on écrit de chiffres en tout? Quel est le 40000e chiffre écrit? À quel nombre (p. 472) appartient-il? Enfin, combien y a-t-il de 0, de 1, de 2..... et de 9 dans la suite considérée?
Vaincus par les Romains, quarante juifs et l'historien Josèphe se réfugièrent dans une caverne, bien décidés à se tuer plutôt que de se rendre. Ils se mirent sur un seul rang, se comptèrent trois par trois, et tuèrent chaque fois le troisième. On demande quelle place choisit Josèphe pour échapper au massacre?
Josèphe se plaça au 16e ou au 31e rang et il resta finalement avec un seul homme qui devait se laisser tuer à son tour, mais qui préféra se rendre à l'ennemi.
Un navire est menacé de sombrer. Il faut sacrifier la moitié de l'équipage.
Il y a 32 marins, 16 blancs et 16 noirs. Le capitaine les fait ranger sur une seule ligne pour les décimer. Dans quel ordre, pour sauver les 16 blancs?
Parmi les nombres 1; 11; 111; 1111... uniquement formés avec le chiffre 1, quels sont ceux qui sont composés, c'est-à-dire qui ne sont pas premiers?
(p. 473) Rendre compte de la particularité que présentent les produits de 12345679 par 9 et chacun des multiples de 9 jusqu'à 81.
Combien faut-il de temps pour compter jusqu'à un trillion, en supposant qu'on compte 200 nombres à la minute?
Réponse: 9512 ans.
3 ouvriers mettent 5 heures pour aller de Paris à Versailles. Combien d'heures mettront 7 ouvriers pour faire le même voyage?
Le 26 mai 1876, l'âge de Louis était les 55/71 de l'âge de son frère Jean. Le 26 juillet suivant, il n'en était plus que les 7/9. Trouver la date de la naissance de chacun d'eux.
Faire écrire, par exemple, 7 nombres de 5 chiffres, puis en écrire soi-même, immédiatement, 7 autres de façon que la somme des 14 nombres égale (7 × 99999 ou) 499993.
Expliquer pourquoi tous les produits de 37 par 3 et ses multiples sont chacun formés de plusieurs fois le (p. 474) même chiffre.—De même, pour les produits de 12345679 par 9 et ses puissances.
Une fontaine était formée d'un lion en bronze, portant cette inscription: «Je puis jeter de l'eau par les yeux, par la gueule et par le pied droit. Si j'ouvre l'œil droit, je remplirai mon bassin en deux jours et, si j'ouvre le gauche, en trois jours; avec mon pied il me faudrait quatre jours et avec ma gueule six heures. Dites combien il me faudrait de temps pour remplir le bassin en jetant de l'eau à la fois par les yeux, par la gueule et par le pied.»
Deviner la date de la naissance d'une personne.
Faites écrire bout à bout les nombres obtenus en ajoutant respectivement 30, 60 et 50 au quantième, au numéro du mois et à l'âge, puis retranchez 306050 du nombre obtenu, il suffit ensuite de lire le reste.
Exemple: 18 mars 1842, alors 18 + 30 = 48, puis mars étant le 3e mois, 3 + 60 = 63 et enfin puisque, en 1890, l'âge est 48, 48 + 50 = 98; on écrit 486398 dont on retranche 306050, il reste 18348, soit le 18 du 3e mois et la personne est âgée de 48 ans.
Trouver la racine carrée de 2/3 à 1/3 près, de ¾ à ¼ près, (p. 475) de 5/6 à 1/6 près, etc., en général de n - 1/n à 1/n.—Même question pour la racine cubique, la racine quatrième, etc.
Une femme doit partager un héritage de 350000 fr. avec son enfant à naître: si elle a un fils, elle ne recevra que la moitié de la part de ce fils, mais si elle a une fille elle prendra au contraire le double de la part de sa fille. Il advient que la femme a deux jumeaux, un fils et une fille. Comment répartira-t-on l'héritage?
Réponse.—À la mère 100 000 fr., au fils 200 000 fr., à la fille 50 000 fr.
Montrer que la différence des deux escomptes égale l'escompte en dehors de l'escompte en dedans et qu'elle égale aussi l'escompte en dedans de l'escompte en dehors.
On appelait règle d'or notre vulgaire règle de trois, qui est un problème et non une règle, et où il s'agit généralement de plus de trois nombres.
Voir dans Taine (De l'Intelligence, t. 1) la philosophie de la règle de trois.
«J'ai un jardin enclos de haies, et on me vole mes (p. 476) fruits; je me décide à l'entourer d'un mur, je prends ce que je trouve d'ouvriers dans le village, quatre par exemple et je vois au bout d'un jour qu'ils m'ont fait ensemble seulement douze mètres. J'envoie chercher six autres ouvriers au village voisin...»
Le fameux 45 peut être divisé en 4 parties telles qu'on obtienne le même résultat, en ajoutant 2 à la première, en retranchant 2 à la seconde, en multipliant la 3e par 2 et enfin en divisant la 4e par 2. (Question analogue pour 75 et 4.)
En second lieu, on a:
987654321 | 45 |
123456789 | 45 |
————— | |
864197532 | 45 |
Trouver m nombres entiers consécutifs dont aucun ne soit premier.
Former N = 2 × 3 × 4 × 5 × 6... × m × (m + 1), puis prendre N + 2, N + 3, N + 4,... N + m + 1.
D'un nombre de trois chiffres, on retranche le nombre renversé et on donne le nombre des unités de la différence. Deviner les deux autres chiffres.
Réponse: Dans la différence, le chiffre des dizaines (p. 477) est toujours 9 et la somme des deux autres chiffres est toujours 9.
Combien y avait-il de pêches dans un panier que j'ai distribué à mes trois enfants? Le premier a reçu la moitié du tout plus la moitié d'une pêche; le second la moitié du reste plus la moitié d'une pêche; enfin le 3e la moitié du reste plus la moitié d'une pêche. Il m'est alors resté quatre pêches et je n'ai eu à couper aucune pêche.
Réponse: 39.—Autres solutions, lorsqu'on n'indique plus le nombre des pêches restantes: 7; 15; 23; 34; 47... Généralisation pour n enfants.
Les enfants montrent que 6 et 7 font 9; que 6 et 3 font 8; que 4 et 2 font 1, etc. Pour cela, ils tracent autant de petits traits verticaux que l'indique le premier des trois nombres et ils les joignent convenablement par autant de traits horizontaux ou inclinés que l'indique le second nombre, de façon à écrire, en lettres capitales, le troisième nombre.
Sur le bord d'une rivière se trouvent trois rois et trois valets. Ces derniers ont projeté de tuer les rois. Il n'y a qu'un bateau si petit que deux personnes seules peuvent y tenir. Il s'agit d'opérer l'embarquement (p. 478) de telle sorte que les valets ne soient jamais sur une rive en nombre supérieur aux maîtres.
Trouver un nombre de trois chiffres sachant qu'il est divisible par 5 et que le quotient est le nombre formé par les deux derniers chiffres du nombre demandé.
Les seules solutions sont 125, 250 et 375.
Trouver deux nombres sachant que l'un d'eux surpasse l'autre de 13½ et le contient 13 fois ½.
Vous demandez mon âge et mon prénom?
Mon âge est égal à son tiers plus le produit de son neuvième par les deux tiers de son septième. Quant à mon prénom, vous le trouverez dans le calendrier si à la moitié du nombre des jours écoulés depuis le commencement de l'année vous ajoutez le tiers des jours à courir du jour de ma fête jusqu'à la fin de l'année ordinaire.
Trouver un nombre de 4 chiffres égal au carré du nombre formé par ses deux derniers chiffres.
Réponse: 5776.
(p. 479) De combien de marches se compose un escalier quand en le montant de deux en deux, il en reste une; de trois en trois, il en reste deux; de quatre en quatre, il en reste trois; de cinq en cinq, il en reste quatre; de six en six, il en reste cinq; et de sept en sept il n'en reste pas.
Trouver un nombre égal au cube de la somme de ses chiffres.
Réponse: 6859; 4913; 1; 512; 17576; 19683.
Dans son Monte-Christo, Alexandre Dumas demande d'établir une addition composée de tous les neuf premiers chiffres sans les répéter et sans employer le zéro, de façon que le total soit cent.
Réponse: 74; 25; 3/6; 9/18.
Les nombres 49; 4 48 9; 44 48 89; 444 48 889 etc., obtenus en insérant 48 au milieu du précédent sont des carrés parfaits.
Trouver un nombre entier x tel que la somme des x premiers nombres entiers se compose de 3 chiffres égaux.
(p. 480) Réponse: seulement x = 36 et alors la somme des 36 premiers nombres est 666.
Un nombre quelconque étant donné, si on le récrit en plaçant le 1er chiffre sous le 4e et si l'on ajoute, on a le nombre primitif multiplié par 7 × 11 × 13.
Dans un compte, on trouve l'article suivant:
*1 à 2f, *8 ci............ *98f,38.
Les astérisques indiquent des chiffres effacés ou illisibles qu'il s'agit de rétablir.
Trois frères ont 30 ans, 20 ans et 6 ans; dans combien d'années la somme des âges des deux plus jeunes égalera-t-elle l'âge de l'aîné?
Combien faut-il de chiffres pour paginer un livre de 1645 pages?
Il en faut 5473.
Quel est le nombre de pages d'un dictionnaire dont la pagination a nécessité 15321 chiffres?
4107 pages.
(p. 481) On demande le nombre de 3 chiffres dont le double représente le nombre des chiffres de tous les nombres non supérieurs au nombre cherché.
Réponse: 108.
Trouver deux nombres entiers tels que leur somme égale leur produit.—Même question pour trois nombres.
Réponses: 1o 2 et 2; 2o 1, 2 et 3.
Trouver un nombre entier de deux chiffres qui soit égal au double produit de ses chiffres.
Réponse: 36.
Une brebis, un agneau et deux lapins mangeraient l'herbe d'un enclos, la première en 30 jours, le 2e en 45 jours et les deux derniers en 90 jours, si cette herbe ne poussait pas; mais l'herbe se renouvellerait en 60 jours. Dans combien de jours, l'herbe de l'enclos sera-t-elle épuisée?
Quels sont les nombres égaux à la somme des chiffres de leurs cubes?
Ce sont 1, 8, 17, 18, 26 et 27.
(p. 482) Un escargot grimpant le long d'un poteau de 12 mètres fait 3 mètres le jour et redescend 2 mètres la nuit. Au bout de combien de jours et de nuits aura-t-il atteint le sommet du poteau?
Une ficelle a 30m de long; chaque jour, d'un coup de ciseau, on en coupe un mètre. Dans combien de jours aura-t-on fini?
Un arabe laisse à ses trois fils 17 chameaux. Le premier doit en avoir la moitié, le second le tiers et le troisième le neuvième. Comment répartir les 17 chameaux?
Le cadi appelé arrive monté sur son chameau, il y a alors 18 chameaux, le premier des frères en reçoit 9, le deuxième 6 et le troisième 2. Le cadi remonte sur son propre chameau et rentre sous sa tente.
Y a-t-il sur le globe deux hommes ayant le même nombre de cheveux?
Soit 100 000, par exemple, le nombre de cheveux maximum sur une seule tête, alors il n'y a pas plus de 100 000 individus ayant un nombre de cheveux différent, or la terre compte plus de 100 000 habitants...
(p. 483) Question proposée par Nicole à la duchesse de Longueville.—Auguste Comte en parle aussi.
Trouver 6 fois 13 en 12.
Écrire les 12 premiers nombres, prendre les produits des extrêmes et ceux des nombres qui en sont équidistants.
Les trois Grâces, portant chacune le même nombre de couronnes, rencontrent les neuf Muses et leur distribuent des couronnes de façon que chaque Grâce et chaque Muse en ait autant l'une que l'autre. On demande combien chaque Grâce portait d'abord de couronnes?
Extrait de l'Anthologie grecque.
Sur le bord d'une rivière se trouvent un loup, une chèvre et un chou; il n'y a qu'un bateau si petit, que le batelier seul et l'un d'eux peuvent y tenir. Il s'agit de les passer tous les trois, de telle sorte que le loup ne mange pas la chèvre, ni la chèvre le chou en l'absence du batelier.
Ce problème de Bachet a peut-être donné lieu à la locution: «Ménager la chèvre et le chou», à moins qu'il n'ait été inspiré par elle.
(p. 484) Trois piétons, marchant ensemble, ont fait 24 lieues; combien chacun a-t-il fait de lieues?
Nous empruntons aux Récréations scientifiques de M. Lagarrigue, le problème suivant:
Trois femmes vont au marché pour vendre des oranges; la 1re en a 50, la 2e 30 et la 3e 10. Comment pourront-elles faire pour vendre leurs oranges au même prix et pour rapporter cependant chacune la même somme?
Réponse.—Les femmes vendent leurs moins belles oranges à 7 pour 5 centimes autant de fois que possible, puis le reste à 15 centimes pièce.
Un cuisinier donne la moitié de ses œufs et la moitié d'un œuf, à son 1er aide; au 2e aide, la moitié du reste des œufs et la moitié d'un œuf; au 3e aide, encore la moitié du reste des œufs et la moitié d'un œuf. Combien le cuisinier avait-il d'œufs et comment a-t-il pu procéder, pour ne pas casser d'œufs?
Réponse.—39 œufs, par exemple, et il en reste ensuite 4 au cuisinier.
Diviser un triangle en deux parties qui aient à la fois même périmètre et même surface.
Construire un triangle, un pentagone, et plus généralement un polygone d'un nombre impair de côtés, connaissant les milieux de tous les côtés.
Quelle est la graduation de l'arc qui a la même longueur que le rayon?
Tout triangle dont deux des bissectrices sont égales est isoscèle.
Connaissant le rayon d'un rouleau de papier peint et le nombre des feuilles, déterminer la longueur du rouleau.
(p. 486) Décrire une route circulaire équidistante de quatre points.
Étant donné un point sur une sphère impénétrable, construire le point diamétralement opposé, en se servant du compas sphérique.
Trouver avec le compas seulement les points de division d'une circonférence en quatre parties égales.—De même, en cinq, huit, douze, etc. parties égales.
On peut résoudre des problèmes avec le compas seul; on peut aussi en résoudre avec la règle seule.
On a ainsi la géométrie du compas et la géométrie de la règle.
Inscrire dans un cercle un polygone régulier de dix-sept côtés.
Gauss, dans ses Disquisitiones arithmeticæ, démontre qu'on peut construire, avec la règle et le compas, le côté de tout polygone régulier inscrit dont le nombre des côtés est premier de la forme 2m + 1.
Il y a de curieuses relations entre les équations binomes et l'inscription des polygones réguliers.
Le triangle de Pythagore a pour côtés les nombres consécutifs 3, 4 et 5 et, en multipliant ces nombres par (p. 487) un nombre entier quelconque, on obtient une infinité de triangles rectangles, à côtés entiers.
Ce triangle simple permet d'élever, à l'aide de trois cordeaux, la perpendiculaire en un point d'une droite.
On déduit du triangle de Pythagore un autre triangle rectangle à côtés entiers, qui ne lui est pas semblable, en prenant pour côtés de l'angle droit la différence des carrés des deux côtés primitifs et le double produit de ces mêmes côtés. On trouve 7, 24 et 25.
Si les côtés de trois polygones semblables sont proportionnels à 3, 4 et 5, la surface du plus grand vaut la somme des surfaces des deux autres.
Proposition analogue pour quatre polyèdres semblables dont les côtés sont proportionnels à 3, 4, 5 et 6. On considère alors les volumes.
Deux villages occupent des positions connues des deux côtés d'un ruisseau, établir un pont qui soit équidistant de chacun d'eux.
Étant donné un triangle isoscèle, construire un second triangle isoscèle de même surface et de même périmètre que le premier.
(p. 488) Un gourmet paye un franc une botte d'asperges, entourée d'une ficelle; le lendemain, il demande pour deux francs une botte des mêmes asperges, qui soit entourée d'une ficelle double. Est-ce équitable?
Couper une pyramide quadrangulaire quelconque suivant un parallélogramme.
Couper un cube suivant un hexagone régulier.
Couper un prisme suivant un triangle équilatéral.
On propose de recouvrir entièrement une portion de plan avec un carrelage formé de polygones réguliers de même espèce, ou d'espèces différentes.
Montrer qu'on peut exécuter un pavage avec des triangles équilatéraux, ou avec des carrés, ou avec des hexagones réguliers, mais qu'on ne le peut avec des pentagones réguliers ou des polygones réguliers de plus de six côtés.
M. X... laisse à sa mort un pré carré dont on doit donner le quart aux pauvres, puis partager le reste entre les quatre enfants du défunt, en quatre parties de même surface et de même forme.
(p. 489) Trouver un triangle rectangle dont les côtés soient des nombres entiers et dont l'aire soit exprimée par le même nombre que le contour.
Réponses: 5, 12 et 13; 6, 8 et 10.
Décrire une circonférence tangente à trois circonférences données.
Décrire trois circonférences telles que chacune touche les deux autres et soit tangente à un côté d'un triangle donné.
Malfatti.
Construire un triangle connaissant ses trois médianes ou ses trois hauteurs.
Tracer sur le terrain l'ovale de jardinier avec trois piquets et un cordeau.
Inscrire un carré à un triangle.—Sur lequel côté s'appuie le plus grand carré?
(p. 490) Décomposer un pentagone régulier en sept parties, de façon qu'assemblées convenablement, elles forment un carré.
Trouver la surface d'une figure qu'il est impossible de décomposer en figures géométriques calculables.—Même question pour le volume.
Trouver la distance des centres de deux sphères données, en ne se servant que de la règle et du compas.
1o Mener la bissectrice d'un angle dont on ne peut pas prolonger les côtés jusqu'à leur point de rencontre.
2o Mener par un point donné une droite qui irait passer par le sommet de l'angle précédent.
3o Distance d'un point à un point inaccessible.
4o Distance de deux points inaccessibles.
5o Hauteur d'une tour dont le pied est accessible.
6o Hauteur d'une tour ou d'une montagne dont le pied est inaccessible.
7o Rayon d'un bassin inaccessible.
8o Prolonger une droite au-delà d'un obstacle.
9o Déterminer la largeur d'une rivière qu'on ne peut traverser.
10o Reconnaître si quatre points sont dans un même plan, puis s'ils sont sur une même circonférence.
(p. 491) Au grand soleil, je viens de mettre
La lance de mon étendard;
Sa longueur vaut trois fois le mètre;
Son ombre a cinq mètres un quart.
Vois aussi la tour de l'église:
Par son nombre elle marque cent.
Calcule la hauteur précise
Du vieux clocher retentissant.
Vitrey.
Décomposer un carré en portions telles, qu'en les réunissant convenablement, on forme: 1o huit carrés égaux, 2o cinq carrés égaux, 3o trois carrés égaux.
Un jour d'été, une pie aperçoit de l'eau dans un trou conique de 3 pouces de diamètre au fond. Elle accourt et constate que l'eau a une surface de 6 pouces de diamètre et s'élève à une hauteur de 2 pouces. La pie ne pourrait atteindre l'eau que si sa surface avait 8 pouces de diamètre. Elle vole vers un trésor qu'elle a découvert, combien faudra-t-il qu'elle y prenne de pièces de monnaie d'une ligne d'épaisseur et de 16 pouces de diamètre pour qu'en les portant dans l'eau elle puisse boire à son aise?
Cette pie n'était pas curieuse du système métrique.
Un étang a la forme d'un carré; au sommet de chacun des angles est planté un arbre extérieur. Donner à l'étang une surface double sans changer sa forme et (p. 492) sans déplacer les arbres qui doivent toujours rester en dehors de l'étang.
Faire un dodécagone équilatéral et rectangulaire.
(Il est concave: c'est la croix de Genève.)
Au milieu d'une pièce d'eau carrée de 10 pieds de longueur et de largeur pousse un roseau qui s'élève d'un pied au-dessus de l'eau. En le tirant vers le milieu d'un côté, il atteint juste le bord. Quelle est la profondeur de l'eau?
La réponse à ce très ancien problème chinois est 12 pieds.
Partager un cercle en un nombre donné quelconque de parties ayant toutes le même périmètre et la même surface.
Étant donnés deux sommets d'un carré, déterminer les deux autres à l'aide du compas seul.
Passant, sous ce tombeau repose Diophante,
Et quelques vers tracés par une main savante
Vont te faire connaître à quel âge il est mort;
Des jours assez nombreux que lui compta le sort,
Le sixième marqua le temps de son enfance;
Le douzième fut pris par son adolescence.
Des sept parts de sa vie une encore s'écoula,
Puis, s'étant marié, sa femme lui donna
Cinq ans après un fils, qui, du destin sévère,
Reçut de jours, hélas! deux fois moins que son père.
De quatre ans, dans les pleurs, celui-ci survécut:
Dis, si tu sais compter, à quel âge il mourut.
Solution
Représente par x le nombre en question
Et, sans rien oublier, pose une équation
Où dans le premier membre on trouve le sixième,
Puis le douzième d'x, augmentés du septième.
Ajoutes-y neuf ans: le tout égalera
La moitié d'x. Transpose, ajoute... et cætera.
Tu verras aisément, sans qu'on puisse en rabattre,
Que l'âge du bonhomme est bien quatre-vingt-quatre.
Un mulet et un âne portent des charges de quelques quintaux. L'âne se plaint de la sienne et dit au mulet: il ne me manque que de porter encore un quintal de (p. 494) ta charge pour que la mienne soit le double de la tienne. Le mulet répond: et moi, si je prends un quintal de ta charge, la mienne sera triple de la tienne. On demande combien de quintaux ils portent chacun.
Euler.
En supposant qu'il faille 24 clous, pour ferrer un cheval, et que le maréchal prenne un centime pour le 1er clou, 2 centimes pour le 2e, 4 centimes pour le 3e, etc., en doublant toujours. À combien reviendront le 24e clou et tous les clous ensemble?
Réponse: 83.886 fr. 08 et 167.772 fr. 15.
Quelqu'un a un vase de douze litres plein de vin; il veut faire un cadeau de six litres ou de la moitié, mais il n'a pour mesurer les six litres que deux vases, l'un de huit litres, l'autre de cinq. Comment s'y prendre pour mettre les six litres dans le vase de huit?
Un gentilhomme fait faire deux habits, l'un bleu et l'autre écarlate, mais il n'en fait garnir qu'un en or. Le bleu vaut 84 fr., sans le galon. Si l'on pose le galon sur le bleu, son prix est double de celui de l'autre. Si, au contraire, le galon est mis sur l'habit écarlate, le prix de celui-ci sera triple de celui du bleu. Calculer (p. 495) séparément le prix de l'habit écarlate et le prix du galon.
Il y a actuellement près d'un milliard trois cents millions d'hommes et l'augmentation annuelle de la population est d'environ 1/200. Combien y a-t-il d'années que vivaient Adam et Ève?
Réponse: 4.100 ans.
Bacchus, ayant vu Silène
Auprès de sa cuve endormi,
Se mit à boire sans gêne
Au dépens de son ami.
Ce jeu dura pendant le triple du cinquième
Du temps qu'à boire seul Silène eut employé;
Il s'éveille bientôt, et son chagrin extrême
Dans le reste du vin est aussitôt noyé.
S'il eût bu près de Bacchus même,
Ils auraient, suivant le problème,
Achevé six heures plus tôt;
Alors Bacchus eût bu, pour son écot,
Deux tiers de ce qu'à l'autre il laisse.
Ce qui maintenant m'intéresse,
Est de savoir exactement,
Le temps qu'à chaque drôle il faut séparément
Pour vider la cuve entière,
Sans le secours de son digne confrère.
Voici la réponse, par un élève du lycée Charlemagne:
Dans cette occasion Silène eut tout l'honneur.
En quinze heures, Bacchus acheva la besogne;
(p. 496) Il n'en fallut que dix au digne précepteur:
J'en conclus qu'il était de moitié plus ivrogne!
Un maître promet à son valet 360 fr. par an et une livrée; il le renvoie au bout de 10 mois et en lui donnant 290 fr. et la livrée. Combien valait cette livrée?
Combien doit-on à un maçon qui s'était engagé à creuser un puits de 20 mètres de profondeur et qui tombe malade après avoir creusé le dixième mètre?
Réponse: 125 francs, si l'on suppose qu'on paye cinq francs pour creuser une profondeur d'un mètre et pour emporter la terre.
Construire avec un carton carré, la boîte de capacité maximum.—Cas où le carton est rectangulaire.
Construire avec une toile carrée la tente régulière carrée de capacité maximum.
À quelle distance du pied de la colonne Vendôme, un vieux soldat doit-il se placer pour voir son Empereur sous le plus grand angle possible?
(p. 497) Une dame, ayant laissé tomber un bijou dans le lac de Genève, promet 100 fr. aux plongeurs qui le lui rapporteront. Trois sociétés de bateliers se présentent, l'une de Genève, la 2e de Suisse et la 3e de Savoie. Les bateliers de la société qui fera la découverte recevront 5 fr. par tête et le reste sera partagé également entre les autres. Si les Genevois réussissent, les autres auront 2f ¼; si ce sont les Suisses, les autres auront 1f 2/3; enfin si ce sont les Savoisiens, les autres auront 1 fr. par tête. On demande de combien de bateliers se compose chaque société.
Deux horloges A et B sonnent l'heure en même temps; A avance de 3 secondes sur B. Les coups de l'horloge A se succèdent à 5 secondes d'intervalle, ceux de B à 4 secondes, d'ailleurs lorsque l'intervalle qui sépare deux coups ne surpasse pas une seconde, l'oreille ne perçoit qu'un son. On a entendu 14 coups; quelle heure est-il?
Réponse: 10 heures.
Comment deviner un nombre pensé?
1o Du carré du nombre immédiatement supérieur, faites retrancher le carré du nombre; on vous dit la différence, vous retrancherez un, puis vous prenez la moitié.
2o Vous pouvez aussi faire multiplier le nombre immédiatement supérieur par le nombre immédiatement (p. 498) inférieur; on vous dit le produit, vous ajoutez un, puis vous prenez la racine carrée.
3o Autrement: faites tripler le nombre pensé, retranchez ensuite un, triplez le nouveau résultat et ajoutez ensuite le nombre pensé; demandez ce qu'on a ainsi obtenu, ajoutez 3 au résultat et prenez les dizaines du nombre obtenu.
4o On peut encore faire tripler le nombre, prendre la moitié du triple, tripler cette moitié et enfin prendre le neuvième du résultat: en doublant ce neuvième, on aura le nombre primitif.
Dans une cage de lapins et de faisans, il y a en tout 35 têtes et 94 pattes.
Combien y a-t-il d'animaux de chaque espèce?
Lorsqu'un ouvrier travaille tous les jours, même le lundi, il économise 5 francs par semaine; mais quand il ne travaille pas le lundi, il se met en retard de 3 fr. Au bout de 12 semaines il a épargné 36 fr.; combien a-t-il eu de bonnes semaines?
Combien un piéton fait-il de kilomètres à l'heure, sachant qu'ayant fait 24 kilomètres, s'étant reposé une heure et ayant fait ensuite 15 kilomètres en marchant (p. 499) deux fois moins vite, son voyage a duré 14 heures et demie?
Archimède, voulant connaître la composition en or et en argent de la couronne du roi Hiéron, constata qu'elle pesait 20 livres dans l'air et qu'elle perdait une livre ¼, lorsqu'on la pesait dans l'eau. Les densités de l'argent et de l'or sont 10,5 et 19. Quelle était la composition de la couronne?
(On sait qu'un corps plongé dans un liquide perd une partie de son poids égale à celui du liquide qu'il déplace.)
C'est Vitruve qui nous a fait connaître l'expérience d'Archimède.
Deux localités A et B étant distantes de 225 kilomètres, le quintal de charbon coûte 3 fr. 75 en A et 4 fr. 25 en B et le transport 0 fr. 08 par tonne et par kilomètre. On demande le point entre A et B où le charbon revient au même prix, qu'on le fasse venir de A ou de B.—Montrer que c'est en ce point que le charbon revient le plus cher.
On vous nomme un nombre, faites écrire à la suite le nombre renversé et diviser le nombre total successivement (p. 500) par 7, par 11 et par 13. Deviner le dernier quotient.
Un vieillard, fin spéculateur, qui a ses trente-deux dents, fait le marché suivant: les sommes qu'il touchera pour chaque dent extraite de sa bouche seront en progression géométrique de premier terme et de raison 2. Mais pour chaque dent non extraite de la même bouche, les sommes à payer au dentiste seront en progression géométrique de premier terme et de raison 3. Contrairement à ses prévisions, le vieillard se trouve mal après l'extraction de la dix-neuvième dent et renonce à continuer. Calculez: 1o la somme qui eût été gagnée si l'extraction des trente-deux dents avait été complète; 2o la somme à payer au dentiste par suite des treize dents non arrachées.
(Ce problème de dentiste est baroque.)
18 bœufs ont mangé en 2 jours l'herbe contenue dans 55 ares de terrain, plus l'herbe qui y a poussé pendant ces 5 jours.—15 bœufs ont mangé en 8 jours l'herbe contenue dans 70 ares de terrain, plus l'herbe qui y a poussé pendant ces 8 jours.—Combien faudra-t-il de bœufs pour manger en 20 jours l'herbe contenue dans 385 ares de pré, plus l'herbe qui y pousserait pendant ces 20 jours?
Réponse: 39 bœufs.
Newton.
(p. 501) Un banquier qui fait pour 10 millions d'affaires par an, veut savoir ce qu'il gagne à renouveler le placement de ses capitaux 2 fois, 3 fois, 4 fois, etc., par an et enfin en les replaçant à chaque instant. (Les intérêts se composent à 6%.)
Réponse: Au lieu de 10600000 fr., le banquier a au bout de l'année 10612080 fr., etc., etc., et enfin 10618365 fr.
Trouver entre 1000 et 2000 deux nombres consécutifs dont la différence des cubes soit un carré?
M. L. Thomas trouve 1455 et 1456.
Un marchand de bestiaux achète 40 moutons à 32 fr. pièce; il en perd un certain nombre et revend les autres en augmentant par tête le prix d'achat d'autant de francs qu'il a perdu de moutons. Il gagne ainsi 15 fr. sur son marché. Combien avait-il perdu de moutons?
Même question, en supposant que le marchand ne gagne ni ne perd sur son marché.
Même question encore, en supposant que le marchand perd 20 fr. sur son marché.
Un voyageur, d'une taille de 1m,80, s'avance vers un phare allumé; au début son ombre est de 3m et, lorsqu'il (p. 502) a avancé de 100 mètres, son ombre est de 2m,20; à quelle distance est-il du phare dans sa seconde position et quelle est la hauteur du phare?—Même question lorsqu'on ne donne pas la taille de l'homme et qu'on ne demande pas la hauteur du phare.
Trouver l'âge, en 1892, d'une personne, sachant qu'il est égal à la somme des chiffres de l'année de la naissance.
Réponse: 19 ans.
Une montre à trois aiguilles marque deux heures; à quelle heure l'aiguille des secondes sera-t-elle bissectrice de l'angle des deux autres?—Les pointes des trois aiguilles peuvent-elles former un triangle équilatéral?
D'après l'article 757 du Code civil, le droit de l'enfant naturel est d'un tiers de la portion héréditaire qu'il aurait eue s'il eût été légitime. Partager en conséquence la succession d'une personne qui laisse l enfants légitimes et n enfants naturels.
Réponse.—En prenant l'héritage pour unité, M. Catalan trouve pour la part d'un enfant légitime:
(p. 503) Un renard poursuivi par un lévrier a 60 sauts d'avance; le renard fait 9 sauts pendant que le lévrier en fait 6, mais trois sauts du lévrier en valent 7 du renard. Après combien de sauts le lévrier atteindra-t-il le renard?
Un lévrier vient d'atteindre un lièvre qui avait 77 sauts d'avance. On sait que 12 sauts du lévrier en valent 17 du lièvre et que pendant que le lévrier aurait fait autant de sauts qu'en a fait le lièvre, celui-ci en aurait fait 216 de plus. Combien le lièvre avait-il fait de sauts avant d'être atteint?
Un père a 49 ans et son fils en a 10. Dans combien d'années l'âge du père sera-t-il le quadruple de celui du fils?
À quel prix un bouquiniste avait-il acheté un vieux livre, sachant que, l'ayant revendu 171 fr., il a gagné autant pour cent que le livre lui avait coûté?
Deux bureaux de bienfaisance ont distribué chacun 1200 francs à des pauvres; le second en a secouru 40 de plus que le premier, mais il a donné 5 francs de (p. 504) moins à chacun. Combien chaque bureau a-t-il secouru de pauvres?
Quand les deux orifices sont ouverts, un réservoir est vidé en 15 heures; le petit étant seul ouvert, met 16 heures de plus que le grand pour vider le bassin. Combien de temps chaque orifice met-il seul pour vider le bassin?
Le roi des Perses ayant demandé à Sessa, l'inventeur du jeu des échecs, quelle récompense il désirait, Sessa répondit qu'il désirait un grain de blé pour la première case, deux pour la seconde, quatre pour la troisième, huit pour la quatrième et ainsi de suite, en doublant toujours jusqu'à la soixante-quatrième case.
Le roi sourit; or, en faisant le calcul, on trouve 264 - 1 = 18.446.744.073.709.551.615 grains de blé, huit fois plus que la terre ne produirait en un an, si toute sa surface était ensemencée en blé.
Un tonneau contient cinquante litres de vin pur; on en retire deux litres qu'on remplace par de l'eau; du nouveau vin on retire encore deux litres qu'on remplace par de l'eau; on agit de même une troisième fois, on demande la composition en vin et en eau du mélange final.
(p. 505) Combien a-t-on eu de mètres d'étoffe pour 180 fr.; sachant que si, pour ce prix on avait eu 2 mètres de plus, chaque mètre aurait coûté 3 francs de moins?
Euler.
Combien une horloge, sonnant les heures, les quarts, les demies, les trois quarts, frappe-t-elle de coups pendant le tour du cadran?
Déterminer sur la droite qui joint deux lumières le point également éclairé.
Clairaut.
Trouver un triangle ayant pour côtés trois nombres entiers consécutifs et dont le plus grand angle soit double du plus petit.
Un arpenteur, après avoir mesuré un terrain rectangulaire, en a oublié les dimensions, mais il sait que leur somme est 650 mètres et que la superficie du terrain est de 10 hectares 46 ares 45 centiares. Calculer les deux dimensions du champ.
Des singes s'amusaient: de la troupe bruyante
Un huitième au carré gambadait dans le bois;
(p. 506) Douze criaient tous à la fois
Au haut de la colline verdoyante.
Combien étaient-ils au total?
D'un essaim de mouches à miel
Prends la moitié, puis la racine;
Dans un champ de jasmin, cette troupe butine.
Huit neuvièmes du tout voltigent dans le ciel.
Une abeille solitaire
Entend, dans un lotus, son mari bourdonner:
Attiré par le miel, pendant la nuit dernière,
Il s'était fait emprisonner.
De combien est l'essaim, le saurais-tu, ma chère?
Ce problème et le précédent sont traduits par M. L. Rodet du Lilawâti, recueil mathématique en vers que l'hindou Bhâscara, vivant au xiie siècle, dédia à sa fille.
Trouver les rayons d'un cylindre et d'un cône, de même hauteur connue, sachant qu'ils sont équivalents en volume et en surface.
Le prix du diamant étant proportionnel au carré de son poids, un diamant cassé en deux morceaux quelconques perd de sa valeur; dans quel cas la dépréciation est-elle la plus grande possible?
(p. 507) Quelle annuité faut-il payer pour réduire de moitié, au bout d'un temps donné, une dette contractée à intérêts composés à un certain taux?
Dans le trajet d'une voiture, on a remarqué que la roue du devant, qui a 2m,20 de tour, a fait 2000 tours de plus que la roue de derrière, qui a 4 mètres de tour. Quelle est la longueur du trajet?
On fait une première saignée et on pèse la partie solide du sang coulé; on injecte un poids connu d'eau distillée: on fait une seconde saignée de même poids que la première et on pèse encore la partie solide. Calculer d'après ces expériences, le poids du sang circulant dans le corps.
Valentin.
À l'aide de données numériques que nous omettons, on trouve 14 kilogrammes, nombre un peu trop fort parce qu'on néglige l'eau transsudée pendant les cinq minutes nécessaires pour que l'eau se répartisse dans tout le sang.
Pour calculer la profondeur d'un puits, on peut noter, avec une montre à secondes, combien de temps il s'écoule entre l'instant où on laisse tomber une pierre à (p. 508) l'ouverture du puits et l'instant où l'on entend le choc contre le fond.
Newton.
Calculer la vitesse propre d'un bateau, sachant que pour descendre 24 kilomètres sur une rivière dont le courant est de 3 kilomètres par heure et pour remonter ensuite 13 kilomètres, il a fallu en tout 7 heures au bateau.
Trouver un nombre de deux chiffres égal au produit de la somme de ses chiffres par leur différence.
Sur le bord d'une rivière s'élève une colonne surmontée d'une statue; un observateur, placé sur la rive opposée, voit sous un même angle la statue et un soldat placé au pied de la colonne: on demande, connaissant les hauteurs de la colonne, de la statue et du soldat, de calculer la largeur de la rivière.
Voici un joli tour: il s'agit de deviner une carte pensée.
On prend au hasard 21 cartes que l'on range en 3 paquets de 7 cartes, en en plaçant d'abord 3 à côté l'une de l'autre, puis les 3 cartes suivantes successivement sur les 3 premières et ainsi de suite. On demande à une (p. 509) personne de penser une des cartes qu'elle voit ainsi ranger et on lui demande dans quel paquet se trouve la carte pensée. On met alors les 3 paquets l'un au-dessus de l'autre, en ayant soin de placer au milieu le paquet contenant la carte pensée, les rectos des cartes étant tous du même côté. On range de nouveau les cartes en 3 paquets de 7 cartes en procédant comme tout à l'heure, on demande encore dans quel paquet se trouve la carte pensée, on place ce paquet entre les deux autres et on recommence une troisième fois la même manœuvre.—Finalement, la carte pensée se trouve être la onzième!
Deux courriers marchant uniformément sur deux droites, quelle position occupent-ils lorsque leur distance est minimum?
Faire tourner les deux pieds autour des talons restant fixes, jusqu'à ce que la base d'appui soit maximum: c'est alors que la stabilité est la mieux assurée.
Une marchande de cerises a perdu ses poids; arrivée sur le marché, elle trouve un grès de 40 livres, le partage en quatre morceaux et vend au détail la marchandise: Quels sont les poids des quatre fragments qui servent pour les pesées entre 1 et 40 livres?
À deux de ses clients, un marchand pèse un même poids de marchandise, avec une balance à bras inégaux. Il intervertit dans les deux cas l'usage des plateaux. Le (p. 511) marchand, en procédant ainsi, gagne-t-il ou perd-il?
Il perd.
Centre de gravité d'une sphère dans l'intérieur de laquelle est pratiquée une cavité sphérique; 2o lorsque la cavité est remplie de substance différente.
Calculer l'heure indiquée par une horloge, sachant que les aiguilles sont dirigées: la petite dans l'intervalle entre les chiffres XI et XII du cadran, la grande dans celui entre les chiffres XII et I et que la marche naturelle du mécanisme peut à un autre instant les substituer l'une à l'autre.
Un commerçant se servant d'une balance fausse gagne 11% de plus que si elle était exacte. Mais s'il changeait de plateau, la marchandise et les poids, son gain serait nul. Quel serait le gain pour cent, si la balance était exacte?
Expliquer la suspension des cerfs-volants sous l'action du vent et de la traction de la corde.
(p. 512) Faire voir qu'en orientant convenablement la voile, on peut, sous l'action d'un vent de direction donnée, faire prendre à un bateau des directions presque en sens contraire.
Les deux problèmes suivants sont dûs à M. G. Tarry:
3 ballons se meuvent uniformément en ligne droite; on donne leurs positions à 2 instants différents. Construire une droite qui puisse être parcourue uniformément par un ballon, de façon que les trois premiers ballons paraissent immobiles à l'aéronaute du 4e.
4 trains se meuvent uniformément sur des voies rectilignes; on donne leurs positions à 2 instants différents. Construire une voie rectiligne qui puisse être parcourue uniformément par un train de façon qu'à tout instant les 4 premiers trains paraissent immobiles aux voyageurs du 5e.
On demande combien de kilomètres par minute parcourt un paralytique du Pérou, qui se croit cloué sur son fauteuil.
Les aiguilles coïncident à midi, on demande l'heure exacte de leur prochaine rencontre, puis de leur position en ligne droite.—Qu'arriverait-il si elles marchaient en sens contraire l'une de l'autre?
En supposant trois aiguilles, à quelle heure l'aiguille des secondes divisera-t-elle en deux parties égales l'angle des deux autres?
Trouver, en un point donné, le jour du plus petit crépuscule.
Nonius, 1573.
Quel est le dernier jour de la semaine? Quel jour finira le xixe siècle?
Henri Heine, se vieillissant de quelques jours, prétendait (p. 514) être né le 1er janvier 1800, pour pouvoir se dire le premier homme de son siècle. Faute analogue de calcul de la part de Victor Hugo, né en 1802, lorsqu'il en conclut: «Ce siècle avait deux ans...»
Le xixe siècle a commencé le 1er janvier 1801, et non en 1800, car aucune année ne porte le numéro zéro; il finira le 31 décembre 1900.
Se servir du cadran solaire comme d'un cadran lunaire, connaissant l'âge de la lune.
Quelle heure est-il, sachant qu'il reste encore à s'écouler de la journée les quatre tiers de ce qui s'est écoulé?
À quelle distance deux marins dont les vaisseaux marchent en sens contraire cessent-ils de s'apercevoir? On connaît leur hauteur commune au-dessus du niveau de la mer.
Calculer la différence des chemins parcourus par le sommet et le pied de la tour Eiffel, haute de 300 mètres, pendant une rotation de la terre sur elle-même.—Calculer aussi la surface alors engendrée par l'axe de la tour.
(p. 515) Quelles seraient les apparences astronomiques pour un observateur situé sur la lune?
Un habitant de Nogent-le-Rotrou fait, par son testament, légataire universel, l'aîné de ses deux neveux, qu'il ne désigne pas autrement. L'un est né à Nancy à six heures du matin et l'autre le même jour à Brest à cinq heures et demie du matin (heures locales). Lequel des deux doit hériter?
Une caisse parallélépipédique, étant remplie d'un très grand nombre de petites boules égales, on demande quelle partie de la caisse est occupée par les boules.
Réponse: π/3V2, environ les ¾.
Même question, avec des cercles dans le plan.
Conclure qu'on ne peut remplir le plan avec des cercles, ni l'espace avec des sphères.
Huit personnes, contentes de dîner ensemble, se proposent de s'inviter mutuellement, jusqu'à ce qu'elles aient épuisé toutes les façons de se placer à table.
Réponse: 40 320 dîners, soit 110 ans.
On casse au hasard une barre en trois morceaux; quelle est la probabilité pour qu'on puisse former un triangle avec les trois morceaux?
(p. 517) Disposer 30 prunes et 10 pêches, de façon à avoir toutes les pêches en les prenant de 12 en 12.
Réponse: Pêches aux places 7. 8. 11. 12. 21. 22. 24. 26. 37.
Au jeu d'échecs, faire parcourir au cavalier les 64 cases, l'une après l'autre, sans le faire passer deux fois dans la même.
Chacun sait qu'un cavalier placé sur une case d'une certaine couleur ne peut passer que sur les cases de l'autre couleur qui sont à deux rangs de la sienne.
Deux tonneaux de capacité différente sont pleins de deux vins différents, trouver quel même nombre de litres il faut prendre dans les deux pour qu'après l'échange les deux pièces aient la même composition.
Même question en supposant une proportion différente de même vin et d'eau dans les deux tonneaux.
Le nombre des décès étant de 1/42 de la population et le nombre des naissances de 1/35, on demande en combien de temps la population d'un pays sera doublée.
(p. 518) Pierre et Paul sont soumis à un scrutin de ballottage; l'urne contient m bulletins favorables à Pierre; n favorables à Paul; m est plus grand que n, Pierre sera élu. Quelle est la probabilité pour que, pendant le dépouillement du scrutin, les bulletins sortent dans un ordre tel que Pierre ne cessera pas un seul instant d'avoir l'avantage?
On tire à la cible. L'arme, sans être parfaite, ne présente aucun défaut systématique; les déviations ont en tous sens la même probabilité. Quelle est la probabilité pour que le point frappé soit à une distance du but comprise entre r et r + dr?
Données insuffisantes.
Combien y a-t-il de mots formés de neuf lettres? (les mots peuvent n'avoir aucune signification et même ne pas être prononçables).
Réponse: 98 956 601 600 mots.
Trouver l'arc double de sa corde.
Ce problème donne lieu à une équation transcendante; il ne peut pas être résolu avec la règle et le compas. De même pour les trois exercices suivants.
(p. 519) Partager un demi-cercle en deux parties équivalentes par une parallèle au diamètre.
Quelle doit être la longueur de la longe d'un cheval pour qu'en la fixant au contour d'un pré circulaire l'animal ne puisse tondre que la moitié du pré?
Percer une voûte hémisphérique de quatre fenêtres égales de façon que le reste de la surface soit exactement carrable. (Fenêtres de Viviani.)
Dans un pays qui compte 10 millions d'électeurs, on en désigne 20.000 par un tirage au sort, pour leur faire élire un représentant. En supposant que le pays soit partagé entre deux opinions, 4.500.000 d'un côté et 5.500.000 de l'autre, quelle est la probabilité pour que le candidat élu appartienne à la minorité?
Dans la question des intérêts composés continus, on demande ce que devient, au bout d'un nombre donné d'années, un capital placé à un taux connu, en supposant que l'intérêt se capitalise d'instant en instant.
(p. 520) Trouver le diamètre d'un cercle, étant données les longueurs de trois cordes formant un contour fermé terminé aux extrémités de ce diamètre.
Newton.
On place, bout à bout, n couples de cartes inclinées l'une sur l'autre et une carte entre deux couples; par dessus, on met n - 1 couples dont on assure la stabilité de même, et ainsi de suite. Combien faudra-t-il de cartes pour faire ce château?
Même question pour un château à étages carrés, la stabilité étant obtenue en remplaçant chaque couple par un nombre de couples égal à celui des couples primitifs.
Un chien part d'un point en dehors de la route et court vers son maître qui chemine uniformément. Étudier la courbe du chien.
Trouver le lieu du point tel que le produit de ses distances à plusieurs droites données soit dans un rapport constant avec le produit de ses distances à d'autres droites données.
Ce problème, qui avait occupé les Anciens, est traité par Descartes au commencement de sa Géométrie.
(p. 521) Comment passer successivement sur tous les ponts de Paris, sans passer deux fois sur aucun d'eux?
Cas où l'on ne tient pas compte du pont en bois de l'Estacade et cas où l'on en tient compte.
Donner un triangle dont les trois côtés et la surface soient représentés par des nombres entiers. Il suffit de prendre pour côtés 3, 4 et 5 ou 13, 14 et 15.
Voici une autre solution donnée par M. Catalan:
a = 12355, b = 12363, c = 34, s = 204204.
Des enfants dansent en rond en se donnant la main, autour d'un autre placé au centre. Comment faut-il disposer les enfants, dans leurs rondes successives, pour que chacun d'eux se trouve une fois au centre, et deux fois voisin de tous ses camarades?
Quinze jeunes filles se promènent journellement trois par trois; on demande comment il faut arranger leurs promenades de telle sorte que chaque jeune fille se trouve successivement une seule fois en compagnie avec toutes les autres.
On sacrifiait à Apollon sur un autel cubique en or. Pendant une épidémie, on fit demander au dieu, pour (p. 522) l'apaiser, ce qu'il désirait; l'oracle répondit: Doublez l'autel.
Les prêtres construisirent un autel de côté double, mais la peste ne cessa point.
Le problème de la duplication du cube n'est pas élémentaire, c'est-à-dire qu'il ne peut pas se résoudre avec la règle et le compas, en traçant seulement des droites et des circonférences.
Diviser un angle en trois parties égales. Problème de la trisection.
Même observation que pour la question précédente: on ne peut que procéder approximativement.
Construire le carré équivalent à un cercle de rayon donné: tel est le problème de la quadrature du cercle.
Il faudrait savoir d'abord rectifier la circonférence, c'est-à-dire tracer la droite de même longueur qu'une circonférence de rayon donné, puis prendre la moyenne proportionnelle entre cette droite et la moitié du rayon.—Voici une solution très approchée, due au jésuite polonais Koskanski: aux extrémités du diamètre d'une demi-circonférence, élevez les perpendiculaires égales au triple du rayon et au demi-côté de l'hexagone régulier, la distance des deux points obtenus a sensiblement même longueur que la demi-circonférence.
On a démontré récemment que le problème de la quadrature du cercle est impossible avec la règle et le (p. 523) compas. Ce n'est pas seulement parce que π est incommensurable, puisqu'on sait construire rigoureusement certains nombres incommensurables.
Les Anciens avaient imaginé, pour résoudre les trois problèmes précédents, les courbes appelées cissoïde, conchoïde et quadratrice.
Un jardin circulaire renferme un puits à son centre. Le jardinier puise de l'eau dans le puits et s'en sert pour arroser le jardin. Combien mettra-t-il de temps pour l'arroser en entier?
Un bon bourgeois fait faire dans sa cave un casier de neuf cases disposées en carrés; la case du milieu était destinée à recevoir les bouteilles vides provenant de la consommation de soixante bouteilles pleines, qu'il disposa dans les huit autres cases en mettant six bouteilles dans chaque case des angles et neuf dans chacune des autres cases. Son domestique enleva d'abord quatre bouteilles qu'il vendit, et disposa les bouteilles restantes de manière qu'il y en eût toujours vingt et une sur chaque côté du carré. Le maître, trompé par cette disposition, pensa que son domestique n'avait fait qu'une transposition de bouteilles, et qu'il y en avait toujours le même nombre. Le domestique profita de la simplicité de son maître pour enlever de nouveau quatre bouteilles, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il n'y (p. 524) fût plus possible d'en enlever quatre sans que le nombre vingt et un cessât de se trouver sur chaque côté du carré. On demande comment il s'y prit à chaque fois et de combien de bouteilles il fit tort à son maître.
Bachet de Méziriac.
L'erreur provenait de ce que les bouteilles placées dans les coins comptaient double.
Déterminer toutes les manières possibles de placer huit reines sur l'échiquier ordinaire, de telle sorte qu'aucune des reines ne puisse être prise par une autre.
Gauss.
Faire rapidement la somme des piles de boulets sphériques: piles carrées, rectangulaires ou triangulaires.
Le problème du déblai et du remblai a beaucoup occupé les mathématiciens. Il s'agit de partager la tranchée à creuser et le remblai à élever en volumes élémentaires, se correspondant deux à deux, de façon qu'en multipliant la masse de chacun des volumes élémentaires du déblai par le chemin qui le sépare du volume équivalent du remblai, la somme des produits obtenus soit la plus petite possible. Les frais de transformation (p. 525) du déblai en remblai seront alors minimums.
Discuter l'équation de la courbe du diable:
y4 - x4 + ay2 + bx2 = 0.
De combien de manières peut-on replier sur un seul une bande d'un nombre donné de timbres-poste?
Nous croyons qu'on n'a pas encore pu résoudre ce problème proposé par M. Em. Lemoine.
Aux renseignements sur les livres célèbres de mathématiques, épars dans cet ouvrage, nous allons ajouter les titres seulement de quelques livres sur la philosophie, l'histoire, les applications, l'enseignement et les curiosités des mathématiques.
Ampère.—Philosophie des sciences, 2 vol.
J. F. Bonnel.—De l'imagination dans les principes des sciences exactes.
De Broglie (abbé).—Influence du 1er livre d'Euclide sur la formation philosophique des esprits.
De Campou.—Théorie des nombres négatifs.
L. Carnot.—Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal.
T.-V. Charpentier.—Descartes.
Chasles.—Géométrie supérieure.
Coyteux.—Exposé des vrais principes des mathématiques.
A. Comte.—Philosophie positive (fin du premier volume et commencement du second).
Delbœuf.—Prolégomènes philosophiques de la géométrie.
Evellin.—Infini et quantité.
De Freycinet.—Essai sur la métaphysique du haut calcul.
Gigon.—Nombres incommensurables.
(p. 528) Hoüel.—Essai de critique sur les principes fondamentaux de la géométrie élémentaire.—Théorie élémentaire des quantités complexes.
L. Hugo.—Du symbolisme licite en mathématiques.
Jacquier.—De l'esprit des mathématiques supérieures.
Laguerre.—Recherches sur la géométrie de direction.
Laisant.—Théorie des quaternions.
Liard.—1o Définitions géométriques et définitions empiriques; 2o Descartes; 3o Les logiciens anglais contemporains.
Moigno (abbé).—De l'impossibilité du nombre actuellement infini.
Mourey.—La vraie théorie des quantités négatives et des quantités prétendues imaginaires.
Pascal.—Presque toutes ses œuvres.
Poncelet.—Traité des propriétés projectives.
De Tilly.—Essai sur les principes fondamentaux de la géométrie et de la mécanique.
F. Vallès.—Des formes imaginaires en algèbre.
Wolf.—Les hypothèses cosmogoniques.
Allegret.—Pascal, Viète, Newton et Leibniz.
Marie Agnesi.—Traité de calcul infinitésimal (Traduction de Bossut).
F. Arago.—Notices biographiques.
J. Bertrand.—Les fondateurs de l'astronomie moderne.
Bossut.—Histoire des mathématiques (2 vol., 1810).
Chasles.—Aperçu sur les méthodes en géométrie.
Cantor.—Histoire des mathématiques (en allemand).—Les deux premiers volumes, jusqu'en 1668.
Delambre.—Rapport sur les progrès des sciences mathématiques (1810).
Desboves.—Étude sur Pascal.
Eneström.—Programme d'un cours universitaire d'histoire des mathématiques. Stockholm, 1890.
Louis Figuier.—Vies des savants illustres (cinq volumes).
Fontenelle.—Éloges des académiciens.
Garnier.—Trisection de l'angle (1809).
(p. 529) De Fonvielle.—La mesure du mètre.
Sophie Germain.—Mémoire sur les surfaces élastiques.
Charles Henry.—Lettres de Lagrange, de Laplace, d'Euler; les deux plus anciens traités français de mathématiques; introduction à une esthétique scientifique, etc.
Hermite.—Discours à l'inauguration de la nouvelle Sorbonne.
G. Humbert.—Progrès des mathématiques en France de 1878 à 1888. (Dans le compte rendu du Congrès bibliographique.)
E. Lebon.—Notions sur l'histoire de l'astronomie. (Dans le Bulletin scientifique.)
Maindron.—L'Académie des sciences.
Mansion.—Précis de l'histoire des Mathématiques.
Maximilien Marie.—Histoire des sciences mathématiques (12 volumes).
Montucla.—Histoire des Mathématiques (4 volumes).
Pinet.—Histoire de l'École polytechnique.
Savérien.—Progrès de l'esprit humain dans les sciences exactes.
P. Tannery.—La géométrie grecque.
Valson.—Essai sur la vie et les travaux de Cauchy.
Amigues.—À travers le ciel.
Annuaire du bureau des longitudes. (Petit mémorial indispensable, avec des notes scientifiques.)
J. Bertrand.—Calcul des probabilités.
Buffon.—Essai d'arithmétique politique.
Charlon.—Théorie mathématique des opérations financières.
Collet.—La carte dite de l'État-Major.
Cournot.—Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses.
Dormoy.—Théorie mathématique des assurances sur la vie.
Charles Dupin.—Géométrie et mécanique des Arts et métiers (4 volumes).
Flammarion.—Études et lectures sur l'astronomie (9 petits vol.).
De la Gournerie et E. Lebon.—Arches biaises.
Guyou et Simart.—Géométrie du navire.
(p. 530) Labosne.—Instruction sur la règle à calcul.
Laplace.—Exposition du système du monde; Essai philosophique sur le calcul des probabilités.
Sébastien Leclerc.—Pratique de la géométrie sur le papier et sur le terrain (1764).
Maurice Lévy.—La statique graphique (4 vol.).
Édouard Lucas.—Application de l'arithmétique à la construction de l'armure des satins réguliers.
G. de Longchamps.—Essai sur la géométrie de la règle et de l'équerre.
Mahistre.—L'art de tracer les cadrans solaires.
Amiral Mouchez.—La photographie astronomique.
Perry.—Physiologie mathématique.
A. Picard.—Introduction aux principes mathématiques du monde physique.
Le P. Secchi.—Le soleil.
Sonnet.—Dictionnaire des mathématiques appliquées.
F. Thoman.—Théorie des intérêts composés et des annuités.
Dauge.—Méthodologie mathématique.
Develay.—Arithmétique et algèbre d'Émile. (Avec cette épigraphe: Que mon élève n'apprenne pas la science; qu'il l'invente).
Duhamel.—Des méthodes dans les sciences de raisonnement (5 vol.).
Joanet.—Traité des réciproques de la géométrie de Legendre.
Lacroix.—Essai sur l'enseignement des mathématiques.
Lagout.—Tachimétrie.
Redouly.—ABC de l'X: Grammaire et logique des mathématiques.
Paul Serret.—Des méthodes en géométrie.
Bachet de Méziriac.—Problèmes plaisants et délectables.
Ball.—Récréations et problèmes. (En Anglais).
Bergery.—L'arithmétique sans chiffres.
(p. 531) Boissière.—Rhythmomachie ou combat des nombres.
Prince Boncompagni.—Cinq lettres de Sophie Germain à Gauss.
Bouchet (Ch.)—La poésie des mathématiques.
Busschop.—Recherche sur le jeu du solitaire (Bruges, 1879).
Calinon.—Étude sur la sphère, la ligne droite et le plan.
Carlet.—Application des Mathématiques à la Médecine.
Carrés magiques.—Frénicle, Sauveur, Euler, Violle, Thompson, Horner, Laquière, Frolow, etc.
Cartaud.—Pensées critiques sur les mathématiques.
Cham.—Arithmétique illustrée.
Chavignaud.—Nouvelle arithmétique mise en vers.
Cloarec.—Dynamique intellectuelle ou application de l'algèbre à la Théologie.
Coriolis.—Théorie mathématique du billard.
Cosserat.—Sur le cercle considéré comme élément générateur de l'espace.
Delbœuf.—Sur le théorème de d'Alembert.
Van Etten.—Récréations mathématiques (1633).
Flammarion.—Lumen.
Fleury.—Clé du taquin (Marseille, 1880).
Fontenelle.—Entretiens sur la pluralité des mondes.
Foucher.—La géométrie métaphysique. La géométrie en vers techniques (1807).
Gaukes.—De medicinâ ad certitudem mathematicam evehenda.
Guyot.—Nouvelles récréations mathématiques.
Du Hays.—Sur le jeu du loto.
Intégration de God save the queen.
Jacoby.—Henri Mondeux.
De Labourdonnaye.—Traité du jeu des échecs (1833).
Laisant.—Géométrie des quinconces.
Lamberg.—Courbe algébrique reproduisant les traits d'un visage.
De la Landelle.—Phylon Binome.
Laquière.—Géométrie de l'échiquier.
Leibniz.—Arithmétique binaire.
Em. Lemoine.—Mesure de la simplicité en mathématiques.
Édouard Lucas.—Récréations mathématiques (4 vol.).
Luya.—Amusements arithmétiques et algébriques de la campagne (Genève, 1799).
(p. 532) Mariage.—Numération par huit.
Mascheroni.—La géométrie du compas.
Le P. Mersenne.—Questions inouyes (1633).
Meyniez.—Paradoxes contre les mathématiciens qui abusent la jeunesse.
De Mirval.—Théâtre scientifique.
Montucla.—Histoire des recherches sur la quadrature du cercle.
Mydorge.—Récréations mathématiques.
Ozanam.—Récréations mathématiques (4 vol.).
J. B. Pérès.—Comme quoi Napoléon n'a jamais existé.
De Polignac.—Sur la course du cavalier au jeu des échecs.
Pott.—Le système numéral quinaire et vigésimal.
Reiss.—Combinaisons au jeu des 28 dominos.
Ricard (Dominique).—La sphère, poème en huit chants.
Stomma.—Les échecs.
Stupuy.—Œuvres philosophiques de Sophie Germain.
Tarnier.—Le langage des nombres.
Thomson.—La géométrie sans axiomes.
Trois livres d'arithmétique de Tahiti, en langue indigène (Oahu, 1836).
Vinot.—Récréations mathématiques.
Vitrey.—Contes et comptes; 148 problèmes en vers.
Weigel.—Arithmétique tétractique.
H. de Wronski.—Technie de l'algorithmie (1811).
Cette table analytique comprend les noms de choses et ceux de personnes, ces derniers en italique. On pourra ainsi suivre le même sujet dans tout le livre, en se reportant aux divers renvois.
A
Abdank-Abakonowicz, 255
Abeilles, 443
Aboul-Wefa, 121
About, 279
Abrégeons, 427
Académie, 132, 143, 182, 219, 229, 290, 330, 335, 374, 529
Admiration, 313
Achille, 410
Âge du capitaine, 460
Agripa, 295
Ahmès, 121
Albert Girard, 47
Albert-Lévy, 422
Alcuin, 384
D'Alembert, 10, 36, 42, 113, 123, 127, 144, 151, 188, 199, 247, 341, 385, 406
Alexandrie (École d'), 120
Algèbre morale, 227
Allégorie, 398
Alphabet, 263
Amateurs (Appel aux), 1
Âme de la terre, 364
L'âme et la vie, 350
Amigues, 529
A. Ampère, 14, 145, 191, 198, 316, 352, 372, 527
J. Ampère, 198
Amsler, 255
Amusettes, 331
Analyse, 4, 24, 33, 42, 113, 168
Anarchie, 259
Anatomistes, 252
(p. 534) Anaxagore, 374
Ancêtres, 324
D. André, 144
Âne (sa mesure), 421
Anecdotes, 177
Anglais (Jeune), 215
Angoulême (Duc d'), 212
Animaux (Savent-ils compter?), 361, 387
Annuaire du Bureau des longitudes, 529
Anonyme, 71, 106, 119, 130, 168
An quarante, 418
Antechrist, 358
Anthologie grecque, 483
Antipodes, 412
Anxiété, 260
Apollonius, 120, 125, 138, 236, 273
Apologue, 304
Applicable à tout, 236
Arabes, 121
Arago, 37, 63, 71, 75, 110, 128, 188, 204, 213, 215, 279, 298, 462, 528
Arbogast, 132
Archimède, 32, 79, 120, 125, 138, 196, 206, 297, 352, 377, 499
Architecte mal payé, 218
Arénaire, 297
Argot de l'X, 422
Argument, 50
Aristophane, 373
Arithmétique de grand-papa, 252
Arithmétique politique, 256
Arithmomanie, 444
D'Arlincourt, 430
Arnauld, 295
Arnoux, 369
Artillerie, 64
Arts mécaniques, 69
Arts militaires, 70
Aryabhata, 121
Assemblées délibérantes, 95
Astrologie, 218
À Athènes, 284
Attraction universelle, 123, 281, 288, 303, 418
Auteur embarrassé, 192
Autobiographie, 182
Autres et soi, 443
Auxerre, 215
Avant Leibniz et Newton, 345
Avatar du nombre, 378
Avenir, 352
Aveugles, 186
B
Babinet, 461
(p. 535) Baccalauréat, 465
Bacchus et Silène, 495
Bach, 380
Bachet de Méziriac, 158, 471, 523, 530
Bäcklund, 143
R. Bacon, 374
Badoureau, 318
Bailly, 187
Balistique, 70
Ball, 530
Ballottage, 518
De Banville, 465
Barbara, 225
Bardot, 254
Barème suffit, 309
Barrow, 236
Barthélemy Saint-Hilaire, 163
Bassot, 143
Bataille ou rançon? 430
Beaumarchais, 466
Beauté de la science, 316
Beaux esprits, 310
Becquerel, 143
Beltrami, 143
Benzine, 366
Berchoux, 335
Bergery, 530
Cl. Bernard, 316
Bernardin de Saint-Pierre, 213
Les Bernoulli, 98, 141, 182, 275, 377, 440
Bertrand (de Genève), 20
Joseph Bertrand, 92, 98, 99, 116, 141, 143, 159, 280, 359, 374, 528, 529
Bessel, 266
Bichat, 358
Binet, 220
Bjirknes, 143
Charles Blanc, 424
Blanchet, 335
Bowdwich, 272
Boissière, 531
Boiste, 168
Bol, 190
de Bonald, 305
Bonhomie, 195
J.-F. Bonnel, 29, 45, 57, 394, 527
Bon sens, 14
Boole, 344
Bordas-Demoulin, 147
Borel, 144
Borelli, 252
Borné, 352
Bossuet, 82
(p. 536) Bossut, 13, 127, 140, 184, 273, 528
Bouchet, 531
de Boufflers, 330
Bougaev, 293
Bouguer, 130
Bouquet de la Grye, 143
Bourdeau, 10
P. Bourget, 352
Bourse (La), 67
Boussinesq, 17, 57, 143, 347, 359
Boutades, 462
Brachistochrone, 373
Bradley, 193
Bramagupta, 121
Brésil, 378
Brioschi, 143
Brocard, 144
Brochard, 410
De Broglie, 527
Brouette, 279
Buchanan, 415
Budan, 141
Budget, 67
Le P. Buffier, 368
Buffon, 60, 351, 387, 397, 529
Burdeau, 278
Buses graves, 423
Busschop, 531
C
Cadrans solaires, 70
Café, 335
Calcul infinitésimal, 123, 128, 139, 345
Calculs des ouvriers, 243
Callandreau, 143
Calomnie, 271
Cambridge, 208
Cancre, 220
de Candolle, 238
Canonisés, 295
Caractère des mathématiques, 3
Carlet, 531
Carnavalet (Musée), 283
Carré de l'hypoténuse, 452, 459
Carré long, 310
Carrer, 229
Carrés diaboliques, 441
Carrés magiques, 440
Cartaud, 531
Carte de l'État-Major, 69, 529
Carte pensée, 508
Cartes géographiques, 69
Casquette, 190
Casserole, 454
Cassini, 275
Le P. Castel, 398
Maréchal de Castries, 202
(p. 537) Catalan, 210
Catulle, 6
Cauchy, 47, 48, 124, 129, 139, 141, 145, 152, 260, 279, 309, 316
de Caussans, 379
Cercle de Popilius, 380
Certitudes antérieures, 360
Césarine, 446
Chaldéens, 119
Cham, 531
Champfort, 461
Chandos, 166
Charenton, 187
Charlemagne, 130
Charles VI, 311
Charles XII, 441
Charlon, 529
Charpente, 68
Charraux, 292
Chasles, 30, 41, 124, 130, 136, 266, 278, 316, 527, 528
Châteaux de cartes, 520
du Châtelet (Marquise), 273, 405
Chats, 191
Chaumière indienne, 213
Chavignau, 531
Chemins, 69
Chenille, 449
Chercheur, 369
Cheval, 519
Chevé, 214
Chèvre et chou, 483
Chevreul, 206
Chicane, 376
Chien (sa courbe), 520
Chinois, 121
Chose, 376
Christophe Colomb, 267
Chronologie, 70
Ciel en cristal, 283
Cinq mille quarante, 397
Cinquième livre, 259
Cité modèle, 397
Civilisé, 346
Civisme, 276
Clairaut, 108, 109, 280, 376, 505
Clair-obscur, 428
J. Claretie, 425
Classification, 31
Cloarec, 531
Code civil, 502
Coefficients de correction, 268
Cœur et raison, 365
Collet, 529
Colnet, 327
Comètes, 216
Commencements, 361
Compagnon, 10
Complaisances astronomiques, 215
Comptable, 343
(p. 538) Comptes (Vieux), 380, 480
Compteur, 319
Aug. Comte, 5, 14, 35, 52, 163, 387, 527
Conceptions, 368
Concepts mathématiques, 16
Concession, 374
Conciliation, 359
Concours général, 208
Condillac, 38, 147, 153, 168, 351
Condition nécessaire et suffisante, 117
Condorcet, 14, 22, 37, 101, 159, 203
Cône, 506
Consciencieuse, 223
Conservation et progrès, 95
Conservatoire des Arts-et-Métiers, 134
Benjamin Constant, 379
Constante, 54
Constantinople, 214
Constructions civiles et militaires, 69
Constructions navales, 70
Contes et comptes, 532
Continuité, 30, 32, 57, 118, 361
Continu mathématique, 53
Contours trompeurs, 414
Contradictions, 426
Conversation (Dernière), 181
Copernic, 84, 89, 122, 167, 262
Cornu, 143
Correspondance, 207
Cosserat, 531
Cossistes, 376
Coton et musique, 261
Cottin, 330
Coup de foudre, 195
Courbe banale, 442
Courbe du diable, 525
Courbe renaissante, 440
Cournot, 4, 9, 46, 66, 116, 529
Coyteux, 527
Craig, 455
Cremona, 143
Critérium, 364
A. Croiset, 162
Culture d'Euclide, 242
Cuvier, 165
Cyclides, 274
Cylindre, 506
D
Danse en rond, 521
Danseur, 466
Dante, 373
Daru, 303
Dasypodius, 245
L. A. Daudet, 366
Dauge, 530
Daunou, 289
Dax, 284
Débat pédagogique, 240
(p. 539) Déblai et remblai, 524
Debray, 135
Décadents, 444
Décimètre carré, 215
Décisions judiciaires, 99
Découverte après coup, 40
Dedekind, 143
Définir (On ne peut pas tout), 17
Définition, 29
Défis, 182
De froid, 187
Delambre, 28, 76, 126, 132, 134, 298, 528
Delaunay, 374
Delbœuf, 164, 360, 362, 527, 531
Delbos, 209
Deleuze, 250
Delezenne, 402
Demi-circonférence, 409
Démonstration et syllogisme, 250
Démonstrations fausses, 382
Démontrer (On ne peut pas tout), 16
Dénominateur à la maison, 190
Deprez, 143
Dernière conversation, 181
Desargues, 75
Descartes, 3, 12, 30, 32, 39, 123, 127, 139, 141, 144, 153, 175, 182, 287, 377, 527
Desiderata, 416
Désintéressement, 199
Désorienté, 386
Dessins, 68
Destut-Tracy, 244
Déterminant, 264
Déterminisme, 226
Deux droits, 459
Deux et deux, 329, 341, 363, 459
Develay, 530
Développée, 440
H. Deville, 135
Diagonale du carré, 33
Diamant, 506
Diderot, 162, 228, 236, 292, 388
Le P. Didon, 161
Dieu, 85, 91, 146, 147, 236, 303
Diogène, 466
Diophante, 121, 126, 137, 158, 493
Diplomatie, 329
Discipline, 250
Disquisitiones arithmeticæ, 486
Dites et ne dites pas, 111
Divine proportion, 305
Diviseur et ramasse-tout, 252
Division, 252
Dix (Tout par), 282
Dix-huit, 429
Dix mois (A), 219
Dix-neuvième siècle, 124, 144, 514
(p. 540) Dix-septième siècle, 122, 138, 144
Documents, 290
Dodécaèdre, 271
Dominos, 417
Double pesée, 392
Douze, 387
Douze fois douze, 184
Drapeyron, 70
Droite bizarre, 452
Un duel, 289
Dufresny, 239
Dugald-Stewart, 239
Duhamel, 17, 24, 59, 100, 149, 530
Du Hays, 531
Alexandre Dumas, fils, 411
Alexandre Dumas, père, 479
J.-B. Dumas, 290
Charles Dupin, 29, 243, 467, 529
Ch. Dupuy, 144
J. D. Dupuis, 417
V. Duruy, 162
Duval-Jouve, 11
Dynasties (Deux), 275
E
Sur l'échafaud, 187
Éclipse du colonel, 219
École normale, 277
École polytechnique, 209, 246, 263, 276, 529
Économie politique, 66
Efforts glorieux, 197
Égal à zéro, 219
Égalité circulaire, 231
Égoïsme, 388
Égyptiens, 119, 121, 135, 167, 289
Eiffel (Tour), 514
Élégance et symétrie, 38
Ellipse, 87
Sextus Empiricus, 351
En avant, 113
Enchères, 462
Enfant terrible, 211
Enfants (Géométrie des), 103
Enfants et ignorants, 101, 211
Enseignement (Nouvel), 389
Entêtement, 213
Enthousiasme, 167
Épigramme, 311
Épine, 252
Équations, 35, 138, 262, 264, 321, 445, 452
Équidomoïde, 396
Équipollence, 51
Erasme, 350
Erratum, 395
Érudits, 379
Escalier, 253
Espace, 16
Esprit (Sa mesure), 247
Esprit de finesse et de géométrie, 149
Esprit mathématique, 5
Esprit qui s'égare, 156
Esthétique, 420
(p. 541) Étapes pédagogiques, 101
Étoile avalée, 453
Étrangetés, 440
Être et néant, 359
Étudiants, 202
Étymologies, 297
Euclide, 32, 120, 125, 169, 180, 229, 242, 246, 280, 376, 394, 444
Euler, 64, 97, 123, 141, 158, 186, 203, 245, 281, 451, 493, 505, 531
Évanouissement, 304
Evellin, 527
Évolution, 136
Exactes (Sciences), 10
Exagérations, 158
Examen périlleux, 207
Examens (Préparation aux), 110
Examinateur, 202
Exceptions, 97
Expérience géométrique, 253
Expérimentons, 291
Extension du raisonnement mathématique, 168
F
Facéties géométriques, 212
Facile de voir, 181
Facultés intellectuelles, 148
Fagots et fagots, 264
Faidherbe, 403
Famille (Nombreuse), 451
Faraday, 355
Fatio de Duillier, 187
Faurie, 310
Miss Fawcett, 208
Fechner, 358
Fénelon, 217
Fenêtre, 519
Fergusson, 272
Fermat, 97, 123, 127, 273, 416, 417
Féronce, 272
Fèvre, 459
Fictif et borné, 236
Fil de soie, 325
Flammarion, 265, 356, 456, 529, 531
H. Fleury, 531
Florian, 429
Fonctions transcendantes, 461
Fontainebleau, 321
Fontenelle, 64, 140, 164, 330, 332, 354, 528, 531
Force, 22
Forsight, 143
Forêt-Noire, 261
Fort en thème, 209
Foucher, 531
Foucou, 294
Fougueux, 306
Fouret, 144
Charles Fourier, 346
(p. 542) Joseph Fourier, 37, 63, 126, 128, 129
Fous, 187
François Ier, 130
Frédéric II, 451
Fresnel, 316
Frœbel, 456
Frontera, 410
Fuchs, 143
Fuseaux américains, 411
G
Galilée, 64, 79, 122, 127, 225, 253, 468
Galle, 87
E. Galois, 289
Gamma (Point), 277
Garde nationale, 334
Gargantua, 419
Garnier, 528
Gaufres, 257
Gaukes, 531
Gauss, 124, 273, 293, 316, 372, 399, 486, 524
Genaille, 254
Généralité, 249
Généralités, 3
Mme de Genlis, 372
Genocchi, 348
Géodésie, 69
Mme Geoffrin, 405
Géographie, 69
Géomètre (Un), 179
Géomètres au pouvoir, 185, 450
Géométrie analytique, 39, 127, 139
Géométrie des abeilles, 443
Géométrie des enfants, 103
Géométrie des chiens, 520
Géométrie descriptive, 68, 75, 128
Géométrie et analyse, 33
Géométrie et morale, 232
Géométrie infinitésimale, 58
Géométries non euclidiennes, 346
Sophie Germain, 33, 141, 273, 529, 531
Gigon, 527
A. Girard, 47
J. Girardin, 220
Glaucon, 154
Gnomonique, 70
Gœthe, 429
De Goncourt, 425
Gordan, 143
Le P. Goubé, 208
Goulier, 268
De la Gournerie, 529
Goursat, 144
Gouvernement des géomètres, 185, 450
Gozlan, 460
Gradgrind, 371
Grâces, 483
Grandeurs (Leur mesure indirecte), 5
(p. 543) Grandeurs directives, 47, 50
Grandidier, 143
De Grandsagne, 235
Graphiques, 68
Gravitation (voir Attraction universelle).
Grecs, 11, 14, 119, 136, 137, 138, 231, 529
Greenwich, 193
Pape Grégoire XIII, 320
Grégory, 287
Le P. Grimaldi, 448
Grues, 442
Guiraudet, 86
Guyot, 531
Mme Guzman, 456
Gyp, 211
H
Habitabilité des planètes, 263, 442
Hadamard, 144
Halle (À la), 207
Halphen, 112
H. Harant, 263
Hardiesse, 293
Harmonie des sphères, 288
Harmonien (L'), 346
Harmoniques (Nombres), 420
Hariot, 122
Haton de la Goupillière, 143
Hatt, 143
Hegel, 359
H. Heine, 513
Heiss, 384
Charles Henry, 140, 301, 420, 529
Henry (Les frères), 392
Herbart, 453
Hercule, 81
Herlinus, 245
Hérodote, 135
Heure européenne, 411
Heureux, 316
Hippasos, 271
Hippocrate, 377
Histoire, 119, 140, 270, 372, 528
Hobbes, 351
Homogénéité, 36
Homo mathematicus, 217
Mme de l'Hôpital, 299
Marquis de l'Hôpital, 272, 299
Hoppe, 5
Horlogerie, 70, 180, 320, 497, 502, 511
F. Huet, 244
D. Huet, 310
V. Hugo, 312, 422, 423, 428, 482
Hugues le Roux, 467
d'Hulst, 362
Huit (Les trois), 208
Huit reines, 524
(p. 544) E. Humbert, 142
Hume, 249
Humilité, 196
Humour, 465
Hypatie, 273
I
Ibis, 290
Iconologie, 311
Idées géométriques, 10, 17, 18
Identité, 351
Ignorants, 211
Image, 311
Images lointaines, 356
Imaginaires, 9, 34, 49, 52, 377, 394, 407, 528
Impertinence, 468
Impôt cubique, 448
Inaccessibles, 490
Inaudy, 372
Incommensurables, 33, 45, 148, 331, 419, 527
Inconnues, 419
Inde (Dans l'), 208
Indéfini, 358
Index alphabétique, 533
Indiens (voir Hindous)
Induction, 96
Infiniment grands, 56
Infinitésimale (Décomposition), 58, 59
Initiés, 271
Instrument, 37
Intégraphes, 255
Intégrateurs, 255
Intellectuel (Perfectionnement), 155
Intelligent (Peu), 213
Intérêts composés, 354, 501, 523, 530
Intérêts composés continus, 519
L'Intermath, 145
Intermédiaire des chercheurs et des curieux, 279
Interversion des facteurs, 136
Intuition, 244
Inventeurs, 290
Invisible, 266
Irrationnel, 403
Irrégulier (Un), 388
Isagoge in artem analyticam, 126
Italiens, 122
Ivan le terrible, 218
J
Jablonski, 112
Jacoby, 531
Jamblique, 203
Janssen, 143
(p. 545) Jetons, 297
Jetons Bardot, 254
Le jeu, 66
Jeune anglais, 215
Jeunes filles, 521
Jevons, 344
Joanet, 530
De Jonquières, 143
J. Jordan, 272
Josèphe, 472
Le P. Joubert, 144
J. Joubert, 314
Jouets mathématiques, 333
Joueur (La ruine du), 99
Joueurs (Bons), 193
Journal des savants, 299
Journaux de mathématiques, 142
Joyau, 195
Jubinal, 200
Jurien de la Gravière, 231
K
Kang-Hi, 270
Kepler, 58, 87, 123, 138, 158, 167, 184, 192, 218, 225, 308, 364
Klein, 143
Klumpf, 343
Kœnigs, 144
Le Koran, 319
Le P. Koskanski, 522
Mme de Kowalewski, 274
Kuang Siu, 270
L
Labosne, 530
De Labourdonnaye, 531
La Bruyère, 330
La Caille, 199
Lacordaire, 453
Lacroix, 60, 108, 152, 165, 201, 275, 378, 530
Paul Lafitte, 462
Pierre Lafitte, 141
Lagarrigue, 484
Lagny, 184
Lagrange, 36, 82, 123, 129, 131, 144, 157, 181, 185, 189, 205, 280, 399
Laguerre, 528
Laisant, 144, 145, 302, 528, 531
De La Landelle, 531
Lalanne, 254
Lamartine, 217
Lamberg, 531
Lande, 278
Langage (Fautes de), 111
Langendick, 299
J.-A. Langlois, 464
Lapins et faisans, 498
Laplace, 20, 66, 86, 87, 93, 94, 95, 96, 110, 116, 123, 126, 128, 147, 181, 185, 226, 233, 391, 449, 463, 530
De Laprade, 236
(p. 546) Laputa, 449
Laquière, 531
Lartet, 380
Laugel, 55
Mme de Lautré, 372
Lavoisier, 131
Léauté, 143
E. Lebon, 529
S. Leclerc, 530
Leconte de Lisle, 227
Lefébure de Fourcy, 190
Lefèvre, 272
Légende, 289
Legendre, 170, 185, 205, 259, 275
Leibniz, 9, 56, 123, 125, 139, 146, 159, 169, 182, 207, 230, 232, 243, 245, 345, 361, 368, 375, 386, 442, 448, 531
Lemercier, 290
Lemierre, 328
Lentement, 222
Léonard de Pise, 122
Léonard de Vinci, 158
De Lépine, 254
Levé des plans, 68
Levier, 79
M. Lévy, 143
Liapounoff, 143
Libri, 188
S. Lie, 143
Lièvres et lévriers, 503
Lignes de conduite, 354
Lignes de l'équerre, 403
Lilawâti, 506
Linsteedt, 143
Lion, 474
Lippmann, 143
Lire dans l'espace, 401
Locke, 152
Lœvy, 143
Logarithmes, 122, 214, 397, 440, 450
Logique, 162
Logiques anglaises, 344
Lois sociales et morales, 93
G. de Longchamps, 142, 144, 530
Longévité, 223
Duchesse de Longueville, 233
Lordat, 350
Loridan, 201
Louis XV, 311
Loulou, 211
Loups, 394
Loxodromie, 320
E. Lucas, 117, 254, 378, 530, 531
F. Lucas, 445
Lucrèce, 412
Lunules, 377
Luya, 531
Machines arithmétiques, 254
Machines logiques, 344
Dr Magnan, 445
Mahistre, 530
Maindron, 529
X. de Maistre, 310
Malebranche, 148
Malfatti, 489
Malherbe, 158
Malthus, 349
Mandarins (Petits), 206
Marat, 271
Marcellus, 196
Maréchal de Saxe, 381
Mariage, 532
Markoff, 143
Mars, 456
Marseille, 460
Mary-Lafon, 200
Mascart, 143
Mascheroni, 532
Masse, 22
Matelot et coniques, 14
Mathématiciens (Les), 299
Mathématiciens (Les grands), 125
Mathématiciens de Laputa, 449
Mathématiciens vivants, 143
Mathématiciennes, 273
Mathématique (La), 4, 10, 13, 14, 212
Mathématique (Esprit), 5
Mathématiques appliquées, 63, 390
Mathématiques en vers, 451, 531
Mathématiques de Robinson, 391
Mathématiques supérieures, 516
Mathésis, 11
Mauduit, 201
Maupertuis, 377
Mayence, 207
Mazarin, 216
Mécanique, 21, 79, 127, 129, 510
Méridien, 215
Méry, 332
Mesure de l'esprit, 247
Métagéométrie, 346
Métaphores, 239
Mètres carrés, 259
Meyniez, 532
Micromegas, 306
Micron, 318
Militaires (Sciences), 278
Mille, 466
Mittag-Leffler, 143
Mnémonique, 383
Modérés, 329
Modestie, 195
Module, 50
Mœurs des savants, 179
Mohamed ben Musa, 121
Moins (Signe), 47
Moins que rien, 394
Moitié plus un, 462
Molyneux, 186
Monde (Soulever le), 79
Monge, 76, 77, 124, 128, 131, 145, 202, 204
Monologue, 422
Monome (Le), 422
Monte-Carlo, 99
Monteil, 300
Montesquieu, 179
Montucla, 12, 140, 165, 236, 529, 532
Moquerie, 418
Morceaux choisis, 1
Moreri, 379
De Morgan, 344
Mort d'Archimède, 196
Mort de la Science, 227
Morts, 325
Mots et signes, 245
Mouchot, 43
Amiral Mouchez, 530
Moujik, 380
Moulin, 355
Mourant, 236
Mouret, 367
Mourey, 528
Moutard, 144
Moutons, 501
Mouvement, 16
Mouvement diurne, 87
Mouvement singulier, 415
Moyeu de la roue, 405
Muhendis, 214
Mulet, 362
Munito, 361
Muses, 483
Musique, 274
Mydorge, 532
Mystère, 235
N
Naïf, 223
Napoléon, 157, 161, 185, 213, 267, 290, 463, 532
Naturalistes, 238
Nature (son étude mathématique), 63
Neil, 378
Nemzetseg, 384
(p. 549) Néogéomètres, 349
Nerf de la guerre, 308
Neuberg, 143
Newton, 85, 110, 123, 128, 139, 141, 144, 157, 167, 183, 191, 196, 206, 281, 345, 418, 500, 520
Nez perdu, 193
Nicétas, 136
Nicole, 233
Nivellement, 68
Ch. Nodier, 465
Nombre (Un grand), 417
Nombre (son avatar), 378
Le nombre! 247
Nombre de Platon, 416
Nombre indispensable, 383
Nombre infini, 353
Nombre pensé, 497
Nombres (Théorie des), 417
Nombres amiables, 444
Nombres curieux, 318
Nombres harmoniques, 420
Nombres géométriques, 442
Nombres négatifs, 9, 34, 47, 53, 384, 394, 527
Nombres parfaits, 444
Nomographie, 255
Nonius, 513
Nord et Sud, 463
Notions primitives, 16
Numération (Systèmes de), 386, 441
Numérotage, 384
O
Objet des mathématiques, 3
Observatoire, 213, 215, 328, 462
d'Ocagne, 255
Œuf, 423
Oisivetés, 451
Olbers, 374
Ollé-Laprune, 291
Onze mille, 459
Opérations (Calcul des), 4, 38
Opérations abrégées, 256
Opinions amères, 217
Opinions des savants, 179
Ordre mathématique, 8
Ordre physique, 8
Oubli, 327
Ourse, 454
Owen, 217
P
Painlevé, 144
Pair ou impair? 443
Palitzch, 272
Pan! 429
Panama (Le), 69
Mme Pape-Carpentier, 354
(p. 550) Paradoxes, 339
Parapluies, 401
Paresse, 199
Parfaitement, 247
Paris et Défis, 182
Parler de ce qu'on sait, 450
Parole d'honneur, 212
Parure, 424
Pas (Faux), 226
Pascal, 14, 16, 23, 91, 123, 127, 128, 146, 149, 153, 158, 162, 173, 182, 254, 279, 301, 315, 365, 528
Patience, 318
Paume (Jeu de), 230
Pédant, 346
Penjon, 186
Pensées, 1
Pentagone étoilé, 271
Perdu, 425
J. B. Pérès, 532
Mme Périer, 14
Périhélie, 418
Permanence des règles, 37
Père Pencu, 427
Général Perrier, 132
Perruquiers, 397
Personnages (Tristes), 188
Petersen, 143
Perturbations célestes, 87
Petites-Maisons, 329
Phare, 501
Phéniciens, 119
Philolaüs, 148
Phobos et Deimos, 306
Photographies célestes, 392
A. Picard, 530
J. Picard, 130
Pie, 491
Pierre à aiguiser, 376
Piron, 330
Placement (Bon), 332
Placements répétés, 501
Plaidoirie en chiffres, 334
Plaies, 257
Plan et droites (Leur notion), 20, 21
Planètes, 462
Planimètres, 255
Plateau, 186
Platon, 25, 33, 120, 146, 147, 153, 241, 289, 311, 397, 416, 466
Pluralité des mondes, 265, 442, 457
Plus haut, 246
Plus tard, 235
H. Poincaré, 53, 142, 143, 395
Poisson, 31, 57, 158, 203, 275, 359
Police, 214
De Polignac, 532
Poncelet, 27, 33, 124, 189, 290, 361, 528
R. Ponchon, 461
Ponctualité, 203
(p. 551) Pons, 272
Pontes, 99
Ponts (Passage des), 521
Ponts et chaussées, 69
Popilius, 380
Porcs, 451
Porro, 406
Portalis, 158
Portrait cherché, 284
Portraits, 190
Port-Royal (Logique de), 26, 90
Positifs (Trop), 229
Postillon, 198
Potage, 258
Potier, 143
Pott, 532
Le P. Poulain, 264
Précision, 267
Précocité, 279
Précurseur, 287
Préface, 1
Premier venu, 468
Prêtres menacés, 283
Preyer, 219
Principes (Les), 253
Principes mathématiques de la philosophie naturelle, 85, 196, 271
Privat-Deschanel, 79
Probabilités (Calcul des), 66, 90, 516, 518, 529
Probable (Plus que), 329
Problèmes (En), 268
Problèmes curieux et humoristiques, 469
Procédé singulier, 395
Professeur de triangle, 422
Professeurs et étudiants, 202
Progrès et conservation, 95
De Prony, 397
Proportion, 3
Proportion divine, 305
Proposition (Son étude analytique), 112
Protestation, 428
Prototype, 133
Proudhon, 387
Prouhet, 304
Providence, 147
Ptolémée, 111, 121, 126, 273, 462
Roi Ptolémée, 180
Puits (Problème du), 507
Q
Quadrateur, 379
Quadrature du cercle, 373, 522
Quadrivium, 111
Quantité, 4
Quarantaine, 460
Quarante-cinq, 476
Quatorze, 454
Quincaillier, 271
Quintilien, 414
Rabier, 27
Racine fils, 225
Racines, 45
Raideur, 204
Raisonnement, 246
Raison sociale, 425
Rambaud, 157
De Ramsay, 159
Rapport de la circonférence au diamètre, 136, 331, 383, 395, 419
Rassurant, 334
Ratdolt, 301
Réactifs, 263
Rebuffade, 425
Réciprocité, 203
Réciproques, 117
Réciproque touchante, 203
Recommandation, 275
Récompensé, 202
Reconstruction, 189
Record, 376
Récréations mathématiques, 195, 531
Rectifications, 377
Rédiger (Bien), 298
Réduction, 25
Réformons, 396
Refrains (Vieux), 329
Règle à calcul, 530
Règle d'or ou de trois, 475
Règle et compas, 522
Règles de bois, 262
Règles pour les mathématiques, 23
Regnault, 263
Régulier, 427
Th. Reid, 242
Relativité, 228
Reliefs, 261
Rembrandsz, 272
Renan, 352
H. Renaud, 446
Renouvier, 349
Rep... d'math..., 211
Répertoire bibliographique, 301
Résolution électrique, 445
Responsabilité, 209
Résultats, 318
Revue scientifique, 226
C. Rey, 258
Reynaud, 210
D. Ricard, 532
Richepin, 446
Richerand, 253
Richet, 383
Rien ne se perd, 356
Rigaut, 273
Rivarol, 312
Rodet, 506
Romanus, 321
Romieux, 462
Rond et triangulaire, 454
Rotation de la terre, 87
Roth, 254
Rothschild (Ce pauvre), 465
Rouché, 77, 125, 130, 143, 144, 259, 293
Roulette (voir cycloïde)
(p. 553) J.-J. Rousseau, 103, 256, 257, 305, 355
Route royale, 180
Royauté (Une), 231
Royer-Collard, 85
Rue (Dans la), 383
Ruine du joueur, 99
S
Saigey, 130
Sainte-Beuve, 159
Saintine, 427
Saint-Pétersbourg (Paradoxe de), 98
Saint-Venant, 359
Salade, 225
Salmon, 143
Sang (sa mesure), 507
Sans-Souci, 451
Sarrau, 143
Sarrus, 141
Saunderson, 186
Saurin, 396
Sauvage, 161
Savante (La), 327
Savant modeste, 185
Savants fous, 187
Savérien, 529
Scandale, 99
Scepticisme mathématique, 362
Sceptiques, 350
Schopenhauer, 234
Schumacher, 294
Schwarz, 143
Science (Première), 294
Science (Statique ou dynamique), 55
Sciences exactes, 10
Sciences militaires, 278
Sciences ou lettres? 312
Scrupuleux (Trop), 392
Sebert, 143
Sécante, 453
Le P. Secchi, 530
Seizième siècle, 122, 138, 139, 454
Semaine des trois jeudis, 463
Sénèque, 216
Senior Wrangler, 208
Sensations, 358
Serpent d'église, 402
Serrurier, 395
Sésostris, 135
Sessa, 504
Shaftsbury, 246
Sibériens, 453
Silencieux, 335
Simart, 529
Ch. Simon, 21
J. Simon, 425
Simplicité, 28
Simplicité (Mesure de la), 393
Simultanément, 401
Singularités, 339
Sirius, 266
Six cent soixante-six, 358
Socialistes, 100, 208, 346, 448
Société mathématique, 144
Socrate, 153
Soif, 210
(p. 554) Soldat (Problème du vieux), 496
Soleil, 288
Somerville (Mary), 274
Sons, 274
Sophismes, 414
Sorcier, 218
Sources (À toutes les), 399
Sourd parlant, 330
Spectacle tournant, 332
Spéculation et application, 10, 64
Herbert Spencer, 80
Sphérique (Le), 456
Spinoza, 174
Statue périodique, 424
Stendhal, I
Stéphanos, 326
Stevin, 461
Stomma, 532
Stratégie, 70
Stone, 271
Stupuy, 532
Sturm, 195
Sully-Prudhomme, 230, 314, 316
Superposition, 31
Surfaces élastiques, 273
Sursum corda, 286
Mme Swetchine, 160
Swiden, 133
Swift, 449
Syllow, 143
Symboles, 4, 38, 45, 48, 129, 367
Syntaxe, 312
Synthèse, 25
Syracuse, 136
Système binaire, 448
Szymanski, 278
T
Tabarin, 332
Table des matières, 557
Table ronde, 231
Tables astronomiques, 374
Tahiti, 532
J. Tannery, 56, 114, 144, 163, 403
Tarnier, 532
Tartaglia, 408
Tautochrone, 373
Tchebycheff, 254
Tendances (Deux), 267
Tenue des livres, 67
O. Terquem, 142, 160, 214, 228, 252, 443
Terrasson, 247
Terre (Notre petite), 233
Testament astronomique, 456
Thalès, 119
Théâtre scientifique, 299, 532
Théophraste, 136
Théorème militaire, 326
Théorèmes, 341
Thermochimie, 66
Theut, 290
Thoman, 530
L. Thomas, 501
Thomas (de Colmar), 254
Thuillier, 278
Tiers et demi, 331
Timbre et Enregistrement, 215
Timbres-poste, 525
Tirade, 422
Tissandier, 391
F. Tisserand, 89
Titre singulier, 453
Toise, 130
Tombeau d'Archimède, 280
Tortue, 410
Torture, 333
Toto, 211
Tott, 214
H. Toussenel, 346
Tout et moitié, 429
Trajectoire, 327
Trallès, 133
Travail personnel, 263
Dr Trélat, 444
Trente et un, 300
Trépied, 392
Triangle et poésie, 230
Triangle de Pythagore, 486
Tribunal, 99
Tribunal des mathématiques, 270, 448
Tric-trac, 230
Trigonométrie dramatique, 298
Trigonométrie pratique, 68
Trisection de l'angle, 522, 528
Tristes personnages, 188
Trivium, 110
Trois découvertes depuis les Grecs, 139
Trois-Huit, 208
Trois-Six, 312
Trop court, 211
Tulipes, 354
Turcs, 214
U
Undecimilla, 459
Unification de l'heure, 322
L'Unité est un nombre, 461
Université (L'), 157
Uranus, 86
Urne, 99
V
Vacquerie, 333
Vaillant, 278
Valentin, 507
Valeur relative, 220
J. Vallès, 261
(p. 556) Valson, 139, 463, 529
Van Etten, 531
Variétés, 177
Vaucanson, 328
Vaudeville, 299
Vélasquez, 190
Vénération, 206
Vengeance, 328
Le P. Verbiest, 270
Vérité historique, 289
Verlaine, 444
Vers nombreux, 430
Vico, 351
Viète, 25, 122, 126, 137, 166, 321
Villemain, 315
Vinet, 228
Vingt centimes, 258
Violle, 143
Vis, 253
Vite, 223
Vitre, 215
Viviani (Fenêtres de), 519
Voltaire, 109, 140, 147, 217, 218, 229, 303, 306, 328, 441, 451
Vrain-Lucas, 188
Vue directe, 398
Vuibert, 142
Préface 1
MORCEAUX CHOISIS ET PENSÉES
Objet et caractère des mathématiques (Aristote, Descartes, Cournot, Liard, A. Comte, P. Janet, Kant, d'Alembert, Montucla, Bossut, Condorcet) 3
Notions primitives (Pascal, Duhamel, Boussinesq, Laplace, de Tilly) 16
Méthodes (Pascal, Duhamel, Viète, P. Tannery, Port-Royal, Poncelet, Delambre, Poinsot, Dupin, Bellavitis, Descartes, Chasles, Poisson) 23
Géométrie et Analyse (Platon, Chasles, A. Comte, Lagrange, Hankel, Condorcet, Arago, J. Fourier, Poinsot) 33
Les nombres, les symboles et les fonctions (Cournot, Cauchy, A. Girard, J. Bourget, A. Comte) 45
La limite, l'infiniment grand et l'infiniment petit (Leibniz, J. Tannery, Poisson, Kepler, Laz, Carnot, Duhamel, Lacroix) 56
Mathématiques appliquées (Arago, J. Fourier, Fontenelle, Euler, Sonnet) 63
Système métrique (Anonyme) 71
Géométrie descriptive (Arago, Delambre, Rouché, Monge) 75
Mécanique (Galilée, Lagrange) 79
(p. 558) Astronomie (Copernic, Royer-Collard, Laplace, F. Tisserand, Faye) 84
Probabilités (Port-Royal, Pascal, Laplace, J. Bertrand, Duhamel) 90
Enseignement (Condorcet, Hoüel, J.-J. Rousseau, Anonyme, Lacroix, Voltaire, Dupanloup, Arago, Laplace, Newton, d'Alembert, J. Tannery, Cournot, J. Bertrand) 101
Histoire (Rouché, Leibniz, Hoefer, Delambre, M. Marie, J. Fourier, Bossut, Pascal, d'Alembert, Biot, Arago, Rouché, Hérodote, Hankel, Chasles, P. Tannery, Liouville, Cantor, C. Henry, Fontenelle, Sophie Germain) 119
Philosophie et Morale.—Mélanges (Bible, Platon, Leibniz, Rabelais, Montaigne, Pascal, Condillac, Laplace, Voltaire, Malebranche, Duhamel, Locke, Cauchy, Lacroix, F. Bacon, Napoléon, Newton, Kepler, Euler, Poinsot, Poisson, Sainte-Beuve, J. Bertrand, Dupanloup, O. Terquem, Franklin, La Fontaine, Duruy, Mme de Staël, Diderot, Barthélemy Saint-Hilaire, A. Comte, J. Tannery, Fontenelle, Cuvier, Whewell, Viète, Copernic, Jacobi, Anonyme) 146
VARIÉTÉS ET ANECDOTES
MŒURS, OPINIONS, DISTRACTIONS DES SAVANTS
Un géomètre 179
Route royale 180
Dernière conversation 181
Facile de voir 181
Défis et paris 182
Autobiographie 182
Député muet 183
Douze fois douze 184
Le tonneau 184
Géomètre au pouvoir 185
Modestie 185
Aveugles 186
Sur l'échafaud 187
Savants fous 187
Deux tristes personnages 188
Mariage 188
Reconstruction 189
Portraits 190
Une casquette 190
Dénominateur à la maison 190
Distractions 191
Auteur embarrassé 192
De l'argent 193
Nez perdu 193
Bons joueurs 193
(p. 559) Bonhomie 195
Modestie 195
Coup de foudre 195
Humilité 196
Mort d'Archimède 196
Efforts glorieux 197
Postillon 198
Paresse 199
Désintéressement 199
Zozo 200
Robinson 201
PROFESSEURS ET ÉTUDIANTS
Examinateur 202
Récompensé 202
Ponctualité 203
Touchante réciproque 203
Raideur 204
Vénération 206
Petits mandarins 206
Président 206
Correspondance 207
À la halle 207
Un examen périlleux 207
Senior wrangler 208
Les trois huit 208
Dans l'Inde 208
Responsabilité 209
Fort en thème 209
Grand'soif 210
ENFANTS ET IGNORANTS
Enfant terrible 211
Trop court 211
Rep... d'math... 211
Parole d'honneur 212
Facéties géométriques 212
Entêtement 213
Peu intelligent 213
Chez les Turcs 214
Police volée 214
Décimètre carré 215
Jeune Anglais 215
Complaisances astronomiques 215
Comètes 216
Opinions amères 217
Astrologie 218
Architecte mal payé 218
Égal à zéro 219
Éclipse du colonel 219
À dix mois 219
Valeur relative 220
Cancre 220
Fin du monde 221
Treize à table 222
Lentement 222
Longévité 223
Vite 223
Naïf 223
Consciencieuse 223
Salade 225
Compas 225
Un faux pas 226
Déterminisme 226
Mort de la science 227
Algèbre morale 227
Relativité 228
Trop positif 229
Les jeux 230
Triangle et poésie 230
Égalité circulaire 231
Une royauté 231
Géométrie et morale 232
Notre petite terre 233
Cheveux 233
Mystère 235
Plus tard 235
Mourant 236
Applicable à tout 236
Fictif et borné 236
Naturalistes 238
Métaphores 239
Hypothèses 239
Débat pédagogique 240
Culture d'Euclide 242
Calculs des ouvriers 243
Métaphysique et morale 243
Intuition 244
Calcul 244
Mots et signes 245
Syllogismes 245
Plus haut 246
Raisonnement 246
Parfaitement 247
Le nombre! 247
Mesure de l'esprit 247
Origine 248
Généralité 249
Discipline 250
Démonstration et syllogisme 250
MÉTHODES
Diviseur et ramasse-tout 252
La division 252
Anatomistes 252
Fromage 253
Expérience géométrique 253
Jetons Bardot 254
Machines arithmétiques 254
Intégrateurs et intégraphes 255
Arithmétique politique 256
Opérations abrégées 256
Gaufres 257
Plaies 257
Tachimétrie 257
Vingt centimes 258
Potage 258
Anarchie 259
Mètres carrés 259
Anxiété 260
Impossible 260
Reliefs 261
Coton et musique 261
Règles de bois 262
Alphabet 263
Travail personnel 263
Réactifs 263
Fagots et fagots 264
(p. 561) Pluralité des mondes 265
Transformations 266
Invisible 266
Précision 267
Deux tendances 267
Problèmes (En) 268
Coefficients de correction 268
HISTOIRE
Tribunal des mathématiques 270
Une calomnie 271
Dodécaèdre 271
Jardiniers, quincailliers, etc. 271
Mathématiciennes 273
Sons 274
Deux dynasties 275
Recommandation 275
École polytechnique 276
École normale 277
Sciences militaires 278
Brouettes et omnibus 279
Bonne politique 279
Précocité 279
Tombeau d'Archimède 280
Attraction universelle 281
Tout par dix 282
Prêtres menacés 283
Ciel en cristal 283
À Athènes 284
Portrait cherché 284
Sursum corda 286
Précurseur 287
Courtisans 288
Un duel 289
Vérité historique 289
Légende 289
Inventeurs 290
Documents 290
Napoléon 290
Expérimentons 291
Hardiesse 293
Première science 294
Canonisés 295
LANGUE ET LITTÉRATURE
Étymologies 297
Trigonométrie dramatique 298
Bien rédiger 298
Théâtre scientifique 299
Un vaudeville 299
Les Mathématiciens 299
Trente et un 300
Bibliographie 301
Répertoire bibliographique 301
Figures 302
Gravitation 303
Évanouissement 304
Apologue oriental 304
Divine proportion 305
Phobos et Deimos 306
Fougueux 306
Nerf de la guerre 308
Barême suffit 309
Carré long 310
Beaux esprits 310
Épigramme 311
Image 311
(p. 562) Iconologie 311
Trois-Six 312
Syntaxe 312
Sciences ou lettres? 312
Admiration 313
En morale 314
Pascal 315
Heureux 316
Beauté de la science 316
RÉSULTATS
Nombres curieux 318
Patience 318
Un compteur 319
Pyramides 319
Loxodromie 320
Calendrier 320
Équation du 45e degré 321
Funèbre statistique 322
Unification de l'heure 322
Ancêtres 324
Fil de soie 325
Morts 325
Théorème militaire 326
FANTAISIES
La savante 327
Un oubli 327
Vengeance 328
Neptune 328
Madrigal algébrique 328
Plus que probable 329
Vieux refrains 329
Diplomatie et politique 329
Les Modérés 329
Sourd parlant 330
Zéro académique 330
Tiers et demi 331
Amusettes 331
Bon placement 332
Spectacle tournant 332
Oiseaux 332
Jouets mathématiques 333
X, Y et Z 333
Rassurant 334
Plaidoirie en chiffres 334
Café 335
Silencieux 335
PARADOXES ET SINGULARITÉS
PHILOSOPHIE
Axiomes et théorèmes 341
Comptable 343
Logiques anglaises 344
Avant Leibniz et Newton 345
Pédant 346
L'harmonien 346
La métagéométrie 346
Loi de Malthus 349
L'âme et la vie 350
(p. 563) Scepticisme 350
Avenir 352
Borné 352
Nombre infini 353
Principes (Les) 353
Tulipes 354
Ligne de conduite 354
Moulin 355
Sans axiomes 356
Images lointaines 356
Loi des sensations 358
Grands et petits 358
Nombre mystérieux 358
Être et néant 359
Conciliation 359
Certitudes antérieures 360
Commencement 361
Continuité 361
Munito 361
Scepticisme mathématique 362
Deux et deux 363
Critérium 364
Âme de la terre 364
Cœur et raison 365
Abstractions 365
Benzine 366
Symboles 367
Axiomes 367
Passions 368
Conceptions 368
Hyperespace 368
Chercheur 369
Les marier 369
Gradgrind 370
Valeur variable 371
HISTOIRE
Calcul mental 372
Tautochrone et brachistochrone 373
Quadrature du cercle 373
Longues formules 374
Concession 374
Pierre à aiguiser 376
Chose 376
Chicane 376
Quadratures et rectifications 377
Avatar du nombre 378
Au Brésil 378
Quadrateur 379
Érudits 379
Moujik 380
Club 380
Cercle de Popilius 380
Vieux compte 380
Maréchal de Saxe 381
MÉTHODES
Démonstrations fausses 382
Dans la rue 383
Nombre indispensable 383
Sans chiffres 384
Numérotage 384
Le postulatum 385
Désorienté 386
Systèmes de numération 386
Un irrégulier 388
(p. 564) Égoïsme 388
Un nouvel enseignement 389
Mathématiques de Robinson 391
Trop scrupuleux 392
Balance fausse 392
Photographies célestes 392
Mesure de la simplicité 393
Mouvement perpétuel 393
Vrai maximum 393
D'abord la sphère 394
Moins que rien 394
Loups 394
Serrurier 395
Erratum 395
Procédé singulier 395
Réformons 396
Calcul infaillible 396
Cité modèle 397
Perruquiers 397
Mesures subtiles 397
Vue directe 398
Allégorie 398
À toutes les sources 399
Partage 400
Simultanément 401
Parapluies 401
Serpent d'église 402
Lignes de l'équerre 403
Irrationnel 403
OBJECTIONS
Moyeu de la roue 405
Moins par moins 406
Objection 406
Imaginaire égal au réel 407
Tous les nombres sont égaux 407
Le cas irréductible 408
Asymptotes 408
Demi-circonférence 409
Série étrange 409
Tortue d'Achille 410
Diminuer en multipliant 411
L'heure européenne 411
Antipodes 412
Jour perdu ou gagné 412
Contours trompeurs 414
Sophismes simples 414
Colombe 415
Mouvement singulier 415
DESIDERATA
LANGUE, LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS
Gargantua 419
Incommensurable 419
Les inconnues 419
Esthétique 420
Mesure de l'âne 421
(p. 565) Argot des écoles 421
Tirade 422
Professeur de triangle 422
L'œuf 423
Buses graves 423
Statue périodique 424
Parure 424
Couleurs 424
Raison sociale 425
Perdu! 425
Rebuffade 425
Contradictions 426
Chemins 427
Régulier 427
Abrégeons 427
Protestation 428
Clair-obscur 428
Pan! 429
Tout et moitié 429
Dix-huit 429
Bataille ou rançon? 430
Vers nombreux 430
CURIOSITÉS ET ÉTRANGETÉS
Courbe renaissante 440
Carrés magiques et diaboliques 440
Charles XII 441
Nombres géométriques 442
Courbe banale 442
Planètes habitées 442
Les autres et soi 443
Géométrie des abeilles 443
Pair ou impair? 443
Nombres parfaits 444
Nombres amiables 444
Arithmomanie 444
Résolution électrique 445
Césarine 446
Passions 446
Impôt cubique 448
Système binaire 448
Chenille 449
Laputa 449
Parler de ce qu'on sait 450
Géomètres au pouvoir 450
Nombreuse famille 451
Mathématiques en vers 451
Droite bizarre 452
Titre singulier 453
Sécante 453
Étoile avalée 453
Prix du blé 454
Rond et triangulaire 454
Incompréhensible 454
Henri IV 454
Fin du monde 455
Le sphérique 456
Testament astronomique 456
Onze mille 459
FANTAISIES
Âge du capitaine 460
L'unité est un nombre 461
Fonctions transcendantes 461
Aux enchères 462
Moitié plus un 462
Boutades 462
Nord et Sud 463
(p. 566) Semaine des trois jeudis 463
Avocat 464
Financiers 464
Ce pauvre Rothschild 465
Au baccalauréat 465
Humour 465
Danseur 466
Vin 466
Cuisine 467
Impertinence 468
Premier venu 468
PROBLÈMES CURIEUX ET HUMORISTIQUES
Arithmétique 471
Géométrie 485
Algèbre 493
Mécanique 510
Astronomie 513
Mathématiques supérieures 516
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
Index alphabétique 533
Table méthodique 557
FIN
BAR-LE-DUC.—IMPRIMERIE COMTE-JACQUET.
1: Il s'agit des courbes appelées coniques, déjà étudiées par les Grecs.
2: Le mot est pris ici dans le sens général de mathématiques; on dit de même géomètre pour mathématicien.
3: Le général Perrier, mort en 1888, a réuni géodésiquement l'Espagne à l'Algérie, par dessus la Méditerranée. Nous connaissons maintenant la longueur d'un arc de méridien allant du nord de l'Angleterre au Sahara.
4: Archimède a démontré que toute sphère est les 2/3 du cylindre circonscrit.
5: Lagrange et Laplace ont jugé incompréhensible la philosophie des mathématiques de Wronski.
La phrase "Les nombres imitent l'espace qui sont de nature si différente." a été corrigée: "Les nombres imitent l'espace, qui est de nature si différente."