Title: Mesdames Nos Aïeules: dix siècles d'élégances
Author: Albert Robida
Release date: November 15, 2013 [eBook #44187]
Most recently updated: October 23, 2024
Language: French
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Le vieux neuf.—L'horloge de la mode.—Fouilles dans les cartons du passé.—Quelle est la plus jolie mode?—Mode et architecture.—Vêtements de pierres et vêtements d'étoffes.—La poupée costumée, journal des modes du moyen âge.
Il n'y a de nouveau dans ce monde que ce qui a suffisamment vieilli, a dit, non pas un 6 grand philosophe mais une femme, la couturière de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte, consul de la République française, lequel pensait de même, puisqu'il ressuscita l'Empire de Rome.
Et conformément à cet axiome profond, la couturière de Joséphine montait ou plutôt descendait chercher très loin dans le passé, chez mesdames les Grecques et les Romaines, les nouveautés élégantes vieilles de deux mille années, destinées à tourner la tête des salons et promenades de Paris, à charmer les Parisiennes et aussi les Parisiens, et à faire le tour du monde enfin, tout comme les pompons, les baïonnettes et les drapeaux des voltigeurs français de la même époque, qui furent des touristes forcenés.
—Vous demandez où sont les modes d'antan? m'a dit, répondant à ma ballade à la mode de François Villon, un autre philosophe paradoxal qui doit être un mari rendu légèrement grincheux par des notes de couturière, vous le demandez! mais elles sont sur les épaules des dames d'aujourd'hui, mon cher monsieur, 7 comme elles le seront encore sur celles des dames de demain et d'après-demain! Vous ignorez donc que rien ne change, que tout le nouveau a été inventé il y a bel âge, vers les premiers temps où les dames ont commencé à s'habiller, c'est-à-dire que tout a été trouvé dans l'espace de quatre saisons, dans les premiers douze mois qui ont suivi la sortie de l'Eden.—C'est ce que je faisais observer encore hier à ma femme à propos de trois ou quatre costumes dont la soi-disant nouveauté l'avait frappée, et qu'elle allait se commander bien inutilement... Tout se porte, s'est porté et se portera! lui disais-je, alors pourquoi essayer de changer, pourquoi mettre de côté par pur caprice un ornement ou une toilette qu'on doit forcément reprendre...
—Oui, mais dans trois cents ans...
—Allez aux Champs-Elysées par un beau jour de soleil et dites-moi si vous n'avez point par moments des visions de la cour des Valois, devant certaines toilettes contemporaines, manches bouffantes Renaissance, collerettes Renaissance, étoffes à dessins Renaissance...
—Ou des illusions de Longchamps 1810 devant les robes Empire, les épaules bouffantes, le drapé des jupes, et les dessins, palmettes, grecques et autres ornements...
—Et les dames Louis XVI, ou moyen âge, ou Louis XV... Je déclare Monsieur, qu'une femme de n'importe quelle époque, des âges révolus, écoulés et enfoncés aussi loin que vous voudrez dans la nuit des temps, peut revenir et se montrer parmi nos contemporaines, et se trouver parfaitement à la mode, moyennant seulement quelques petites modifications à son costume antique... Oui, tenez, qu'Agnès Sorel ou Marguerite de Bourgogne daignent reparaître en costumes de leur temps et je leur changerai seulement leurs chapeaux, et l'on dira devant elles: «Jolie toilette de vernissage! Délicieux costume pour le Grand-Prix!»
—Arrêtez! n'exagérez-vous pas quelque peu, mon cher monsieur?
—Aucunement. Je vous dis que des mérovingiennes ou même des dames de l'âge de pierre, avec quelques petits arrangements de toilette, n'étonneraient pas trop les femmes 9 actuelles qui les prendraient tout simplement pour des mondaines excentriques... La mode d'aujourd'hui, Monsieur, ce sont les modes d'autrefois reprises et refondues par le goût de l'heure présente. L'aiguille de la mode tourne comme l'aiguille d'une pendule toujours dans le même cercle, mais plus capricieusement, en avant ou en arrière, en sautant, en virant, en faisant des bonds soudains, d'un côté ou de l'autre... Quelle heure est-il à l'horloge de la 10 mode? Six heures du matin ou huit heures du soir, peut-être toutes les heures à la fois comme en ce moment... Mais n'importe, c'est toujours une heure charmante.
La plus jolie mode, il n'y a pas à en douter et tout le monde est d'accord là-dessus, c'est toujours celle du temps présent, et il y a pour cela une raison bien simple: les modes passées ne sont que des souvenirs décolorés, dès qu'elles ne sont plus portées, nous apercevons facilement leurs défauts et leurs ridicules, nos yeux, indulgents quand elles régnaient, sont devenus froids et sévères, tandis que, sans peine, la mode d'aujourd'hui triomphe... Ce qui charme et séduit tout le monde, ce que nous apercevons en elle, Monsieur, ce qui nous semble si ravissant, c'est le rayonnement de la grâce féminine, c'est la femme elle-même.—Non, jamais on ne s'est mieux habillé qu'aujourd'hui! A toutes les époques, pour toutes les modes, les femmes l'ont déclaré de bonne foi en se regardant dans leur miroir, et les hommes, juges quelquefois difficiles, l'ont pensé aussi.
Notre aïeule de l'âge de pierre vêtue de peaux 11 de bêtes trouvait son costume très seyant et souriait un peu de sa grand'mère habillée d'un vertugadin de sauvage. Ses contemporaines, les farouches habitantes des cavernes, pensaient de même.
La plus jolie mode, c'est celle qui s'épanouit aujourd'hui; il n'y a eu pour s'inscrire en faux contre cette formelle allégation de tous les temps, il n'y a eu, à toutes les époques également, que les messieurs d'un certain âge, tout à fait d'un certain âge, les vétérans ayant dépassé la soixantaine. Ceux-ci ont toujours protesté par une autre allégation:
—Les modes d'aujourd'hui sont ridicules, disent-ils en chœur, on ne s'habille plus comme de notre temps! C'est alors,—en 1830,—ou en 1730, en 1630, en 1530, etc., en l'an 30—que les modes étaient gracieuses, seyantes, élégantes, distinguées, charmantes... ah, 1830!—ou 1730, 1630, 1530 ou l'an 30!—Quelle belle époque!
—Il nous la baille belle le chœur des sexagénaires! oui, quelle belle époque! parce que c'était l'heureux temps où ces messieurs étaient 12 jeunes, où le soleil leur semblait plus chaud, n'est-ce pas? le printemps plus verdoyant et les modes plus belles! Mais il n'importe, malgré tout ce que diront les vétérans et ce que nous dirons nous-mêmes plus tard, l'axiome suivant sera toujours proclamé:
—Jamais on ne s'est mieux habillé qu'aujourd'hui!
Mais puisque rien ne passe tout à fait et que dans le cercle que parcourt l'aiguille au cadran de la mode les heures passées peuvent renaître, il suffit peut-être, pour connaître les modes de demain, d'étudier tout simplement celles d'hier.
Fouillons donc ce passé disparu et donnons-nous ce plaisir, qui ne va pas sans quelque mélancolie, d'évoquer les élégances et les beautés d'autrefois, les lointaines élégances ensevelies sous des siècles d'inventions et de nouveautés accumulées, délaissées et oubliées, et les élégances toutes récentes et non moins oubliées des bonnes grand'mamans actuelles, qui, dans leurs songeries au fond de leurs grands fauteuils, sont seules à se revoir en fermant les yeux, brunes ou blondes, pimpantes et légères, 13 dans les atours de leur bel âge... Chères grand'mamans!
Mais ce passé qui nous semble si lointain l'est-il tant que cela? Les grand'mères de nos grand'mères sont nées sous Louis XV au temps de la poudre et des falbalas.
Sept ou huit grand'mères additionnées, si nous osons nous permettre cette opération, nous conduisent au temps d'Agnès Sorel et des dames à grands hennins. C'était hier. Vous le voyez bien!
Un point qu'il faut établir d'abord, c'est que l'art de la toilette et l'art de construire sont de très proche parenté. Mode et architecture sont sœurs, mais la mode est peut-être bien l'aînée.
La maison est un vêtement, un habillement de pierre ou de bois que nous passons par-dessus l'habillement de toile, de laine, de velours ou de soie, pour nous protéger mieux contre les intempéries des saisons; c'est un second vêtement qui doit se plier à la forme du premier, à moins que ce ne soit le premier qui s'adapte aux nécessités du second.
En tout cas, sans remonter plus haut que le déluge, est-ce que les robes historiées et armoriées, les costumes tailladés et déchiquetés du moyen âge, ne sont pas de l'architecture gothique et de la plus flamboyante, de même que les modes plus simples et plus rudes de 15 l'époque précédente tiennent du rude et sévère style roman.
Quand la pierre se découpe, se tord, flamboie presque en magnifiques efflorescences sculptées, l'étoffe plus souple se découpe, se tord et flamboie aussi. Les hautes coiffures que nous qualifions d'extravagantes, ce sont les toits effilés des tourelles qui montent partout vers le ciel. Tout est multicolore, les gens d'alors aiment les couleurs gaies, toute la gamme des jaunes, des rouges, des verts est employée.
Plus tard le costume se met plus au large en même temps que l'architecture. C'est la Renaissance et ses modes plus amples et plus molles; on cherche du nouveau dans le vieux, l'Italie influe sur les toilettes comme sur les édifices, il n'est pas jusqu'aux armures de guerre ou de parade des princes, aux vêtements de fer des riches seigneurs, qui ne recherchent quelques formes antiques et ne se couvrent de rinceaux, ou d'ornements à la romaine.
La sévérité, nous pouvons dire la maussaderie des modes de la fin du XVIe siècle, ne se 16 retrouve-t-elle pas dans les édifices d'une époque assombrie par tant de troubles?
L'énormément ennuyeux et somptueux palais de Versailles, les grands hôtels solennels d'une architecture pleine de morgue, ce sont bien vraiment les couvercles qui convenaient aux énormes et solennelles perruques du grand Roi, aux corsages guindés et empesés, aux raides cornettes de madame de Maintenon. Et le XVIIIe siècle après l'ennuyeuse fin du XVIIe?
L'architecture et la toilette mettent de côté, en même temps, le pompeux et le solennel; toilette rococo, architecture à falbalas, c'est tout un.
Plus tard, les gens de la Révolution et de l'Empire se costumant à la grecque et à la romaine, édifices et maisons font de même. Puis les modes et les édifices sont absolument sans style et de toute banalité de 1840 à 1860, époque de transition et d'attente.
De nos jours enfin, époque de recherches et de fouilles archéologiques, d'essais et de reconstitutions, temps d'érudition plus que d'imagination et de création, nous voyons la 18 mode et l'architecture, marchant toujours de conserve, fouiller ensemble dans les cartons du passé, essayer également l'un après l'autre tous les styles, s'éprendre successivement de toutes les époques, en adopter les formes pour les rejeter vite l'une après l'autre... Soyons donc de notre temps et plongeons nous aussi dans les cartons du passé à la recherche des jolies choses et des originalités de jadis.
Au delà d'une certaine époque, les documents certains n'abondent pas et nous devons nous contenter de suppositions. Qui nous dira vraiment ce qu'étaient le costume et la mode, et par cela l'aspect de la vie, aux temps mérovingiens et carlovingiens, lorsque:
Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
Qui nous dépeindra les élégances de ces époques nébuleuses? car, en dépit de la rudesse et de la barbarie, il devait s'en trouver tout de même, puisqu'en maints passages de leurs écrits, déjà les vieux chroniqueurs, évêques ou moines, fulminent contre le luxe effréné des femmes.
Qui nous dépeindra les contemporaines de Charlemagne et nous renseignera un peu sur les élégances du Xe siècle? Quelques statues peut-être, parvenues jusqu'à nous plus ou moins écornées, seront nos seuls documents; nous devrons nous en contenter et les rapprocher 20 des vagues renseignements contenus dans les barbares illustrations des manuscrits d'alors, encore si éloignées des magnifiques miniatures que les enlumineurs du moyen âge prodigueront plus tard.
Le premier journal de modes, c'est donc pour nous quelque portail de cathédrale ou quelque statue tombale échappée par miracle aux ravages du temps et au marteau des iconoclastes huguenots ou sans-culottes.
Plus tard, les miniatures, les vitraux, les tapisseries nous apporteront des renseignements plus complets et plus certains, des figures bien plus précises; le document abondera.
D'ailleurs, dès le XIVe siècle, le vrai journal de modes existe; il n'a pas encore adopté la forme gazette que nous lui connaissons depuis cent ans seulement, mais c'est le journal de modes tout de même, le renseignement voyageant sous la forme de poupées qui portent des modèles de costumes d'un pays à un autre, de Paris surtout.
Car Paris tenait déjà le sceptre et gouvernait la mode, non pas, il est vrai, comme aujourd'hui, 21 d'un pôle à l'autre, des confins de l'Amérique glaciale à l'Australie, vouée encore aux petits os passés dans les narines pour toute coquetterie, il y a cinquante ans à peine, de la cour des Radjahs d'Asie au sérail du Grand Turc et au palais de S. M. l'impératrice du Nippon fleuri.
Au moyen âge, des grandes dames, en notre cher petit coin d'Europe, s'envoyaient de petites poupées habillées à la dernière mode du jour par des coupeurs de robes, des couturières ou des couturiers dont le nom n'est point passé à la postérité.
Dans son château lointain, perdu dans les landes bretonnes ou perché sur quelque roc des bords du Rhin, la duchesse ou la margrave avait ainsi dans les grandes occasions, communication plus ou moins rapide des élégances à la mode dans les grands centres de luxe comme la cour de Paris ou la cour de Bourgogne, rivales en faste et en éblouissements, et dont les comptes remis au jour nous révèlent les grandes dépenses avec tous les détails de ces somptuosités dont les contemporains étaient 22 éblouis et que tous les chroniqueurs ont rapportées.
Certaines villes importantes recevaient aussi de la même façon les décrets de la mode, puisque nous voyons, pendant des siècles, Venise, autre centre d'arts somptuaires, trait d'union entre le négoce de l'Orient et le luxe de l'Occident, recevoir chaque année une poupée parisienne. Dans la ville des doges, c'était un usage immémorial d'exposer, le jour de l'Ascension, sous les arcades de la Merceria, au bout de la place Saint-Marc, la toilette de l'année, cette image d'une parisienne à la dernière mode, pour l'édification des nobles vénitiennes qui se portaient en foule à l'exhibition.
Les Gauloises teintes et tatouées.—Premiers corsets et premières fausses-nattes.—Premiers édits somptuaires.—Influence byzantine.—Bliauds, surcots, cottes hardies.—Les robes historiées et armoriées.—Les ordonnances de Philippe le Bel.—Hennins et Escoffions.—La croisade de frère Thomas Connecte contre les Hennins.—La dame de Beauté.
Il faut avoir le courage de l'avouer, ici même, dans ce Parisis qui porte et fait triompher 24 partout l'étendard de l'élégance, les aïeules de Mesdames les Parisiennes, il y a quelque deux mille ans, se promenaient un peu attifées à la mode des élégantes Néo-Zélandaises d'aujourd'hui, dans la grande et sombre forêt qui des bords de la Seine remontait aux rives de l'Oise et s'en allait toucher aux Ardennes en un vaste et inextricable bois de Boulogne.
Ces Gauloises, belles et rudes, allant épaules découvertes et bras nus, étaient peinturlurées et probablement tatouées; dans tous les cas il est certain qu'elles se teignaient les cheveux.
Les nombreux bijoux parvenus jusqu'à nous, fibules, torques ou colliers, bracelets, agrafes en bronze et quelquefois en argent ou en or, témoignent que ces demi-sauvagesses primitives connaissaient un certain luxe. Tous ces objets présentent dans leur style une grande analogie avec le style d'ornementation qui s'est perpétué jusqu'à nos jours dans la Bretagne actuelle.
La vieille Gaule barbare devenue la Gaule romaine, les Gauloises se montrèrent vite, à 25 l'imitation des Romaines, très raffinées en civilisation et en luxe. Le corset, mesdames, date de cette époque, corselet d'étoffe moulant le corps plutôt qu'instrument de torture violentant les lignes.
Le goût primitif pour la peinture éclatante ne se perdit pas tout à fait, la teinture devint du simple fard; déjà les essences pour entretenir la fraîcheur du visage étaient inventées et aussi les fausses nattes. Ces tresses d'un blond ardent,—couleur dès longtemps à la mode, on le voit,—étaient achetées aux paysannes de la Germanie, aux Gretchens du temps d'Arminius.
Un retour à la barbarie et à la simplicité suivit les invasions de ces Francs, dont les femmes, rudes gaillardes, étaient vêtues pour tout luxe d'une simple chemise à bandes de pourpre.
Les modes romaines, mélangées aux modes gauloises et franques, les modes mérovingiennes, dont quelques statues raides et hiératiques peuvent nous donner l'idée, se transformèrent peu à peu.
Au milieu de sa cour, parmi les femmes de ses ducs et de ses comtes, qui montraient le goût le plus effréné pour la parure, les étoffes somptueuses et les bijoux, le grand Empereur à la barbe fleurie, Charlemagne, affectait pour lui-même au contraire, une grande simplicité de vêtements, comme d'autres grands empereurs ou rois, Frédéric II et Napoléon. Choqué par le déploiement de faste des femmes de sa famille, Charlemagne dut édicter les premières lois somptuaires, lesquelles ne furent suivies naturellement que par les simples bourgeoises, par les bonnes dames qui n'avaient que faire de défenses et de prohibitions pour se priver de somptuosités qu'elles ne pouvaient songer à s'acheter, faute d'argent.
La société de ce temps-là, nous la voyons figée en grandes figures hiératiques, sculptées sous les porches romans de nos plus vieilles églises. Rangées de rois et de reines, raides et sévères, encadrés sous les vieilles arcatures, princes et princesses couchés sur les dalles funéraires, vieux spectres de pierre, taillés d'un rude et barbare ciseau, qui nous dira ce 27 que vous étiez vraiment, ce qu'était, dans le mouvement et la vie, ce monde que vous dirigiez?
Vous vous taisez, vous gardez votre secret, fronts mystérieux de fantômes sculptés, debout aux façades que vous avez fondées, ou couchés dans les musées qui vous ont recueillis.
Nos villes où les gracieuses Françaises, filles de ces aïeules de pierre, se promènent dans le tourbillon pressé des foules, devant les brillants magasins de notre siècle vivant d'une vie si intense, nos vieilles cités existaient déjà toutes, mais combien de fois ont-elles fait peau neuve! Des vestiges de ces temps tout a disparu, les dernières pierres sont ensevelies sous les fondations des plus anciens monuments.
Nous en savons presque aussi peu, des façons de vivre d'alors, que de la civilisation des villages de l'ère des dolmens, et c'est dans les premiers et plus anciens poèmes ou romans chevaleresques qu'il nous faut chercher çà et là à travers coups de lance ou de hache, quelques 28 détails intimes sur la vie sociale d'alors.
Voici le moyen âge. L'influence byzantine de la Rome transplantée sur le Bosphore, règne d'abord dans le vêtement des femmes comme dans celui des hommes et domine vers l'époque des premières croisades.
C'est alors le temps des longues robes à plis 29 très fins, des doubles ceintures, une à la vraie taille et une sur les hanches, des voiles transparents.
C'est bien une époque de transition, on voit la mode tâtonner, retourner en arrière et reprendre, avec quelques modifications, des formes oubliées; le costume romain, modifié d'abord par Byzance, arrangé, rendu semi-oriental, revient presque au jour.
Puis soudain, à l'aurore du XIIIe siècle, quand les temps nouveaux commencent à sortir du crépuscule de la vieille barbarie, les modes nouvelles se dessinent, nettement, franchement.
C'est la vraie naissance de la mode française, du costume purement français, français comme l'architecture dégagée aussi des imitations, des emprunts et des souvenirs de Rome et de Byzance, français comme l'art ogival jaillissant de notre sol.
La statuaire, les vitraux et les tapisseries du moyen âge vont nous fournir les meilleurs documents. Ces figures sculptées en grand costume sur leurs tombeaux, sont de véritables évocations de nobles châtelaines, des portraits extrêmement remarquables avec tous les détails des ajustements, des robes et de la coiffure nettement indiqués, et quelquefois portant encore des traces de peinture qui nous donnent les couleurs du costume.
Les vitraux sont encore plus intéressants, on trouve là des représentations de toutes les classes de la société, depuis la grande dame noble jusqu'à la femme du peuple: dans les vitraux commémoratifs, dans les vitraux des chapelles seigneuriales ou des chapelles de corporations des villes, dans les grandes compositions qui nous présentent si souvent, au 31 bas des fenestrages, les portraits des donataires,—les dames nobles à opulents costumes, agenouillées en face de bons chevaliers en armures, les riches bourgeoises en face de leurs maris échevins ou notables.
Les tapisseries sont quelquefois plus sujettes à caution comme vérité, l'artiste introduisant parfois des fantaisies décoratives dans ses compositions; néanmoins, que de figures donnant des indications précises et venant corroborer les autres renseignements et s'ajouter aux innombrables et merveilleuses illustrations des manuscrits.
Sur la robe de dessous, sur la jupe ou la cotte, la femme du XIe siècle portait le bliaud ou bliaut, espèce de robe parée, de fine étoffe, serrée par une ceinture. Confectionné tout d'abord d'étoffe simplement gaufrée, le bliaut s'enrichit bientôt de dessins et d'ornements d'un joli style.
On se perd dans les transformations du bliaut et de la cotte. La robe de dessous devient la cotte hardie et le surcot remplace le bliaud. Cette robe de dessous, très ajustée, 32 est lacée par derrière ou par devant, et dessine bien les formes et contours du corps.
Dans le costume paré, un garde-corps, ou devant de corsage de fourrure s'ajoute au surcot et lui donne un supplément de somptuosité. Mais la forme générale se modifie par mille dispositions particulières, cottes et surcots varient de toutes les façons, suivant les fantaisies du jour, le goût particulier, suivant la mode des provinces ou des petites cours princières ou ducales, isolées par circonstances ou situation.
Elles sont superbes, les élégantes du moyen âge, avec leurs longues robes collantes, dont les dessins se répètent régulièrement, rosaces semées sur toute l'étoffe, carreaux alternés de couleurs différentes, faisant comme un damier de tout le corps, fleurs et ramages en larges dispositions, souvent tissées d'or ou d'argent. Ces étoffes font des plis superbes et drapent naturellement d'une façon sculpturale, des échantillons nous en restent dans les musées, nous pouvons juger de l'effet qu'elles devaient faire, coupées en belles robes traînantes.
Les armoiries, nées avec les premières organisations sociales, avec les premiers chefs de clan ou chefs de guerre, mais régularisées plus tard, paraissent sur les robes des dames, timbrées comme les pavois des maris, d'écussons symétriquement disposés. Cet usage se développe, 34 cette mode prend, comme nous dirions maintenant, et bientôt les armoiries s'étalent plus largement sur les robes dites cottes historiées.
Voyons aux fêtes de la cour ou des châteaux, dans ces vastes salles ouvertes aujourd'hui aux vents des quatre points cardinaux, et hantées par les seuls corbeaux, derniers habitants des nobles ruines; voyons aux tables des festins d'apparat, entre les hautes cheminées et les tribunes des musiciens, ou bien encore sur les estrades ou eschaffaux, autour des lices où les chevaliers tournoient, ces nobles dames, aux robes du haut en bas armoriées et timbrées aux armes de leurs maris ou de leurs familles, arborant, ainsi que de superbes panonceaux vivants, toutes les belles inventions du blason, toutes les bêtes de la ménagerie héraldique, les lions et les léopards, les chimères et les griffons, les loups et les cerfs, les cygnes et les corbeaux, les sirènes et les dragons, les poissons et les licornes, tous d'allure fantastique, tous ailés, onglés, griffus, dentus et cornus, issant, passant ou rampant sur les 35 champs les plus étincelants, gueules, azur, or ou sinople.
Et les robes non armoriées ne sont pas moins riches ni moins brillantes, semées de grandes fleurs contournées ou d'ornements d'un très large sentiment décoratif.
Les formes, en apparence très variées, dérivent cependant toutes du même principe. Le surcot n'a pas de manches, il est ouvert plus ou moins largement sur le côté depuis l'épaule jusqu'à la hanche pour laisser paraître la robe de dessous, d'une autre couleur s'harmonisant bien avec celle du dessus et semée de dessins, ou plus, ou moins que le surcot, de telle façon qu'il n'y ait pas égalité d'ornementation.
Un garde-corps ou devant de corsage d'hermine garnit le haut du surcot; la fourrure est échancrée sur les épaules pour laisser voir, bien et chaudement encadré, le haut de la poitrine garni de joyaux et, surtout dans les robes d'apparat, très libéralement décolleté. Une bande d'hermine borde ainsi toute l'échancrure du surcot sur les épaules et les hanches.
Grande variété dans les formes des corsages, des cottes ou des surcots, grande variété dans l'ornementation des épaules, dans l'encadrement du cou. Certains décolletages manquent de modestie, les prédicateurs tonnent en chaire contre l'immoralité de la mode et les conteurs des vieux fabliaux, qui ne sont pas prudes, s'en égayent largement.
Lors de l'invention de la toile de lin, les femmes non contentes de se décolleter pour montrer leurs gorgerettes de lin ou le haut des chemises, inventèrent, pour montrer un peu mieux ces chemises de lin, de fendre leurs robes sur le côté, faisant ainsi de l'épaule à la hanche, de longues ouvertures lacées.
Il y avait déjà,—il y a eu toujours,—des élégantes exagérées qui outraient les fantaisies de la mode. Ainsi certaines se montraient en robes si étroites et si collantes qu'elles semblaient cousues dedans; ou bien les surcots étaient beaucoup plus longs que ces dames, et il fallait porter ce qui dépassait au moyen de poches placées sur le devant des robes, dans lesquelles on passait les mains, ou bien 37 relever la jupe et la rattacher à la ceinture, ce qui après tout était fort gracieux et faisait ces admirables plis cassés que nous voyons aux robes des statues.
Les manches de ces longs surcots, à traîne en queue de serpent, que les grandes dames pouvaient faire porter par un page, s'allongèrent aussi. Les manches de la robe de dessous descendent jusqu'au poignet, avec un évasement qui recouvre souvent une partie de la main. Par-dessus, les manches du surcot, 38 plus larges, sont ouvertes quelquefois depuis l'épaule et tombent presque jusqu'à terre, parfois fendues du coude au poignet ou pourvues seulement d'une ouverture par laquelle passe l'avant-bras.
Il y a cent modifications différentes aux manches: les manches longues, amples ou serrées, les manches coupées et boutonnées en dessous du haut en bas, les manches échancrées ou renflées au coude, on voit même les manches dites à mitons, dont l'extrémité peut se relever en formant mitaines fermées, et les manches-poches fermées au bout, toutes inventions gracieuses ou commodes après tout.
Il y a enfin les grandes manches en ailes tailladées et découpées en dents de scie, en feuilles de chêne, ou bordées d'une mince ligne de fourrure.
La joaillerie prend une grande importance. Grandes dames ou bourgeoises, toutes les femmes enrichissent leurs costumes de joyaux et de bijoux plus ou moins coûteux: colliers, cercles de tête ornés de pierres précieuses joyaux sur le couvre-chef, gros bijoux en 39 agrafes, ceintures de passementerie et d'orfèvrerie.
A la ceinture est attachée l'aumônière ou escarcelle, de riche étoffe bordée d'or, à fermoir et ornements dorés. Les grandes dames éblouissent, elles étincellent... Les lois somptuaires n'y peuvent rien. Philippe le Bel en 1194 a eu beau décréter et réglementer, interdire aux bourgeoises le vair et l'hermine, les ceintures d'or ornées de perles et de pierreries, il a eu beau arrêter que:
«Nulle damoiselle, si elle n'est chastelaine ou dame de deux mille livres de rente, n'aura qu'une paire de robbes par an, et si elle l'est, en aura deux paires et non plus.»
«De même que les ducs, comtes et barons de six mille livres de rente pourront faire faire quatre paires de robbes par an et non plus, et à leurs femmes autant.....»
Philippe le Bel a eu beau fixer un maximum du prix de l'aune d'étoffe pour les robes, en échelle descendante pour toutes les conditions, depuis vingt-cinq sols tournois l'aune 40 pour les grands barons et leurs femmes, jusqu'à sept sols pour les écuyers, et—ce qui est assez remarquable et montre bien, même en ces temps lointains, la richesse des bourgeois et gros commerçants des Villes,—permettant aux femmes des bourgeois d'aller jusqu'à seize sols l'aune, Philippe le Bel a eu beau tout prévoir et tout réglementer, rien n'y a fait, pas même la menace des amendes. Grandes dames et riches bourgeoises ont bravé les défenses du roi tout aussi bien que les remontrances de messieurs les maris et les admonestations que le clergé se fatiguait de leur adresser à l'église.
C'est vainement que les prédicateurs s'attaquent à toutes les parties du costume, qualifiant de portes d'enfer, les crevés, parfois bien inconvenants du surcot, traitant les souliers à la poulaine d'outrages au créateur, et faisant surtout aux coiffures, hennins, cornes ou escoffions, une guerre acharnée; les femmes laissent dire et gardent imperturbablement les modes attaquées.
En fait de mode, elles ne relèvent que d'elles-mêmes et nient toute autorité, royale ou ecclésiastique, 41 et même la suzeraineté maritale.
Les dames de ce temps-là portent aussi quelque peu les souliers à poulaines, les fameux souliers à bec relevés, dont les élégants de l'autre sexe s'étaient épris et qu'ils agrémentaient souvent d'un grelot tintinnabulant au bout.
Elles ne connaissaient pas encore les hauts 42 talons, mais elles se grandissaient par des espèces de mules, ou par des quantités de semelles mises l'une sur l'autre.
Les coiffures des dames sont de proportions extravagantes. Le hennin triomphe entre toutes. Il y a l'escoffion qui affecte différentes formes, en turban, en croissant; il y a le bonnet en cœur, énorme coiffure d'étoffe brodée, treillissée de ganses, ornée de perles, avec un gros bourrelet relevé de joaillerie retombant en cœur sur le front. Mais c'est le grand escoffion à cornes qui, sur tous les autres, scandalise les prédicateurs, l'escoffion qui est une large carcasse ornée de pierreries emboîtant les oreilles et laissant tomber de chaque corne sur les épaules une fine mousseline flottante.
Ces escoffions venaient, dit-on, d'Angleterre, ainsi qu'à toutes les époques maintes excentricités de costumes; l'Anglomanie qui sévit de temps en temps, date de loin, on le voit. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire du Mobilier, donne un exemple de grand escoffion pris sur une statue tombale d'une comtesse d'Arundel du commencement du XVe siècle.
Comparant les femmes ainsi coiffées à des figures sataniques, à des bêtes cornues, prédicateurs et moralistes déclarent que la femme douze fois infidèle va au Purgatoire, mais ils jettent directement et sans rémission à l'Enfer celles qui portent ces escoffions à cornes!
Le grand hennin est un immense cornet plaqué sur le front, emprisonnant complètement les cheveux, un tube conique en étoffe ramagée ornée de perles, avec une voilette plus ou moins longue sur le front, et tout en haut, à la pointe de l'édifice, un flot de légère mousseline retombante. Edifice extravagant, soit, incommode, mais non ridicule, monumental mais charmant, et que les femmes s'obstinèrent à porter pendant près d'un siècle, parce qu'il était en réalité très seyant et donnait à la physionomie, à l'ensemble d'une figure, de pied en cape un caractère très imposant. Et enfin, raison principale dont on ne se rendait pas compte peut-être, mais qu'on reconnaissait inconsciemment: parce que ces grands hennins cadraient avec les architectures d'alors.
Magnifique époque d'expansion et de montée! 44 Fines et dardées haut, les flèches des églises escaladent le ciel, entraînant les âmes avec elles, toutes les lignes des architectures montent, s'épanouissent et fleurissent. Quand on songe que c'est le temps des merveilleuses façades de maisons ou de palais, des orfèvreries de pierre sculptée, des fines tourelles, des crêtes festonnées, le temps des villes hérissant mille clochers et mille pointes, l'ascension des hennins se comprend très bien. Comme toutes les ascensions, c'est encore une montée vers l'idéal, puisque ces grands hennins aux longs voiles flottants donnent forcément une réelle noblesse à l'attitude et à la démarche.
Guerre aux hennins! Tel fut cependant partout le cri des moines et des prédicateurs. Le plus violent de tous et celui qui fut le plus entendu, sinon écouté, c'était un carme de Rennes, nommé frère Thomas Connecte.
Il entreprit dans sa ville une véritable campagne contre le débordement du luxe, en particulier contre les pauvres hennins. De la Bretagne, il passa dans l'Anjou, en Normandie, en Ile-de-France, en Flandre, en Champagne, 45 prêchant partout solennellement et dans chaque ville du haut d'une estrade dressée en plein air sur une place publique, accablant d'invectives celles qui se complaisaient aux raffinements de la toilette et les menaçant de la colère du ciel.
Tous les malheurs qui fondaient sur le monde, tous les vices du temps, toutes les hontes, tous les péchés, toutes les turpitudes de l'humanité, provenaient suivant lui de l'extravagance coupable des hennins et des escoffions démoniaques.
Et dans la chaleur de sa conviction, frère Thomas ne s'en tenait pas à la parole; à la fin de son sermon, le digne homme, enflammé d'une sainte ardeur, saisissait un bâton et passant à travers les rangs effarés des dames, nobles ou bourgeoises, venues pour l'entendre, il faisait sans pitié, malgré les cris et la bousculade, un grand massacre de hennins. —Au hennin! au hennin! A ce cri, les polissons ameutés par le frère poursuivaient par les rues toute femme dont le couvre-chef dépassait les modestes proportions d'une coiffe ordinaire.
Néanmoins, malgré sermons et voies de fait, les hennins ne s'en portaient pas plus mal et se relevaient après le passage du moine. De ville en ville, celui-ci continuant sa croisade contre le luxe, s'en fut à Rome, et là, le spectacle 47 moins qu'édifiant offert alors par la capitale de la chrétienté, le surexcita tellement qu'il oublia toute mesure, et que, laissant les hennins tranquilles, il s'attaqua aux cardinaux et princes de l'Eglise. Ceci était jeu plus dangereux. Le pauvre homme, accusé d'hérésie, fut appréhendé et tout simplement brûlé en place publique.
Dans l'histoire de la mode, il y a le roman de la mode! Dans les annales de la coquetterie féminine, que d'épisodes curieux et aussi que de figures romanesques qui traversent la grande histoire, charmantes, attirantes, parfois étrangement poétiques, fleurs délicates parmi toute la ferraille remuée par le siècle—et parfois aussi, dangereuses sirènes qui donnent bien raison au frère Thomas Connecte!
L'histoire de la mode pourrait s'écrire avec une douzaine de portraits de femmes espacés de siècle en siècle, portraits de reines de la main droite et de reines de la main gauche,—plus souvent de la main gauche,—de grandes dames et de grandes courtisanes.
Il suffit d'écrire leurs noms, chacun d'eux 48 c'est une page qui se tourne, un chapitre nouveau qui commence: Agnès Sorel, Diane de Poitiers, la reine Margot et Gabrielle d'Estrées, la première femme et la dernière mie du roi Henri, Marion Delorme, la Grande Mademoiselle, Montespan, première partie du règne du roi Soleil, Maintenon, seconde partie du règne du monarque renfrogné, Madame de Pompadour, 49 triomphe du pimpant XVIIIe siècle, Marie-Antoinette, dernier et mélancolique éclat d'un monde qui finit, Madame Tallien, Joséphine..., etc.
Après Isabeau de Bavière, reine de France 50 et reine de la mode, la gracieuse et magnifique épouse de Charles VI, d'abord reine des bals et des fêtes, mais qui devint bientôt la reine des guerres civiles, sans cesser, dans un temps de sombres horreurs, de rêver somptueux costumes et recherches d'élégance,—après les modes d'Isabeau, c'est le temps et ce sont les modes d'Agnès Sorel, la dame de Beauté de Charles VII.
Charles VII s'endort à Bourges et ne songe guère à reconquérir son royaume: ses maîtresses et ses plaisirs sont tout l'univers pour lui. La grande et sainte Jehanne a endossé le harnais des hommes de guerre pour combattre l'Anglais, elle a déjà reconquis au roi une forte partie de son royaume; une autre femme, ni grande ni sainte, va continuer son œuvre, Agnès Soreau de Saint-Géraud, la belle Agnès Sorel, blonde aux yeux bleus, par la puissance et l'ascendant de la beauté, enflamme le roi Charles, elle le lance contre l'Anglais, lui fait reprendre, ville à ville, le reste du domaine des fleurs de lys et mériter dans l'histoire le surnom de Victorieux.
C'est elle la victorieuse! Les pécunes qui sont les nerfs des guerres sont consacrées à payer les rudes gens d'armes, les lances et les bombardes du roi, ainsi qu'à entretenir le luxe coûteux de la belle, à payer les mille inventions de sa coquetterie. Ce sont dépenses de guerre aussi, puisque le roi bataille mieux quand Agnès l'ordonne, comme dit la vieille romance.
La vierge héroïque, la vaillante Jehanne, se couvrait de la cuirasse pour mener au combat ducs, seigneurs et gens d'armes; la belle Agnès, adorée par le roi, poursuivait d'une tout autre manière l'œuvre nationale, elle se découvrait les épaules, inventait des corsages indécemment décolletés jusqu'à la taille, outrait les proportions des grands hennins à barbes flottantes... Et les armées de Charles marchaient, emportant châteaux, villes et provinces, pourchassant les Anglais. Agnès, en somme, mourut à la bataille, puisqu'elle trépassa près de Jumièges pendant la reconquête de la Normandie où elle avait suivi le roi.
La cour de Bourgogne, rivale de celle de Paris en faste comme en tout le reste, introduit 52 dans la mode française des éléments étrangers, de Flandre surtout. C'est la dernière époque pour le costume du moyen âge, l'éblouissement dernier, l'épanouissement et l'étincellement des plus étranges somptuosités.
Les gigantesques houppelandes des hommes et des femmes ressemblent à de grandes pièces de tapisserie,—les grandes lignes disparaissent sous la complication. La Renaissance va venir après une période de transition et de tâtonnements.
Que de jolies choses et de particularités intéressantes il y aurait encore à citer dans les atours, garnements et parements des femmes du moyen âge, dans les vêtements de cérémonie, de splendide étoffe et d'étincelante garniture, dans les vêtements d'intérieur ou de sortie de toutes les classes, aussi bien que dans les vêtements de voyage et de chasse portés par les nobles dames chevauchant sur des mules richement harnachées, ou enfourchant les grands palefrois pour courre le gibier le faucon sur le poing.
Modes en largeur.—Hocheplis, vertugalles, vertugadins.—La belle Ferronnière.—Eventails et manchons.—Les modes tristes de la Réforme.—L'escadron volant de Catherine.—Dentelles et guipures.—Etats de services du vertugadin.—Le masque et le touret de nez.—Fards et cosmétiques.
A la suite des expéditions de Charles VIII, un coup de vent souffle sur les modes du moyen âge. Les temps gothiques sont finis, le costume masculin se transforme tout à coup et le 54 costume féminin va changer aussi. Ce coup de vent emporte, avec bien d'autres choses, avec notre architecture nationale, avec notre goût national, ces hennins qui, malgré l'apparence, tenaient si bien sur les têtes qu'ils avaient duré près d'un siècle.
Le costume s'amollit et se complique. Le corset ou corsage remplace le surcot, il est d'une autre couleur que la robe et tout chargé d'ornements et ramages dorés, sous plusieurs rangs de colliers couvrant le haut de la poitrine décolletée. Les manches aussi sont d'une autre couleur que le corsage, ce sont de grandes ailes tailladées et flottantes ou bien des manches de plusieurs pièces rattachées par des aiguillettes ou des rubans, laissant voir la chemise de fine toile de Frise bouffante aux épaules et aux coudes.
C'est le commencement des manches à bourrelets successifs et à crevés qui vont durer si longtemps.
Les souliers pattés ou à bouts carrés remplacent les souliers pointus; on va comme toujours d'une extrémité à l'autre.
Grande variété dans les coiffures très basses maintenant. Ce sont larges bourrelets ou turbans emboîtant l'occiput avec coiffes à dessins dorés encadrant le front et le visage; ces bourrelets et coiffes, ornés de réseaux perlés, se modifient dans les pays où l'influence flamande ou rhénane lutte contre l'influence italienne, par l'adjonction sur la coiffe d'une sorte de chapeau tailladé qui deviendra le grand béret découpé et largement déchiqueté des lansquenets suisses ou allemands.
Ce sont ces modes qui vont régner pendant tout le temps de François Ier, à la cour éblouissante du Roi Chevalier, et à la ville chez les nobles dames et les bourgeoises aisées.
L'innovation principale, celle qui doit influer sur le reste du vêtement, en déterminer en partie la coupe et les proportions, la dominante du costume d'alors, c'est le vertugadin, dit aussi vertugalle, vertugardien... Chose non vue encore, grande nouveauté qui va bouleverser le costume et changer toutes les lignes.
Le vertugadin, c'est-à-dire la jupe large soutenue par une armature quelconque, en 56 voilà pour trois siècles, pendant trois cents ans, avec des interrègnes plus ou moins longs, il durera sous des noms différents, panier, crinoline, pouf, tournure, etc. Il dure encore et nous le reverrons.
Depuis trois cents ans la largeur des jupes suit un mouvement régulier, d'abord modeste, elle augmente peu à peu, lentement, en habituant 57 progressivement l'œil à ses proportions, elle arrive à une envergure formidable, exagérée, impossible, puis elle diminue lentement reprenant l'une après l'autre ses étapes successives.
Les femmes, qu'elle a transformées pour un temps plus ou moins long en énormes cloches, redeviennent clochettes, elles diminuent et s'amincissent jusqu'à disparition complète de toute apparence de vertugadin. Les modes sont ultra collantes pour quelques années, puis un soupçon de tournure reparaît, une illusion de vertugadin se remontre et la progression recommence.
Vilipendé, chansonné, ridiculisé sans trêve ni merci à toutes les époques et quelque fut son nom, il a triomphé toujours, même des édits qui prétendaient diminuer son envergure. Et pourtant nulle puissance au monde n'a vu se liguer autant d'ennemis enflammés contre elle, aucune institution n'a été attaquée avec autant de vigueur et d'acharnement.
La Monarchie ou la République ont des adversaires, mais aussi des défenseurs. Vertugadins, 58 paniers ou crinolines avaient contre eux tous les maris, tous les hommes! Le corset seul a eu presque autant d'ennemis—dont il a toujours également triomphé.
Le Vertugadin, né sous François Ier, vers 1530, marque la fin du moyen âge, mieux et plus complètement que n'importe quel changement politique. C'est la disparition des robes collantes ou flottantes à plis droits, si sculpturales. Un monde est fini.
Le vertugadin s'appelle premièrement hoche-plis. Ce nom s'applique d'abord seulement au bourrelet godronné soutenu par une carcasse de fils de fer qui s'attache à la taille pour donner de l'ampleur aux jupes. Puis le nom s'étend à tout un système de cerceaux de bois ou de baleine formant cage sous la jupe jusqu'en bas.
Le costume féminin sous François Ier est ample et majestueux plutôt que gracieux, les robes sont de velours, de satin, de brocatelle à fleurs de couleurs variées, avec de larges manches tombantes, doublées de zibeline ou des manches énormes engonçant les épaules 59 et formant comme une succession de bourrelets jusqu'aux poignets, avec des crevés ouverts sur des bouillons de soie claire.
Le corset à busc appelé alors basquine apparaît. Très probablement ce n'était pas encore une armature dissimulée sous le corsage, mais bien le corsage lui-même raidi par des baleines, du moins les descriptions assez confuses donnent lieu de le penser.
Pour la coiffure, attifet, chaperon, toque ou toquet, ainsi que pour l'ornement du cou et des épaules qui sortent considérablement des corsages,—on a rapporté de la molle et licencieuse Italie de jolies ouvertures de corsages, que les maris pourtant auraient pu trouver offusquantes, mais les hommes se décolletent bien aussi—les élégantes dépensent en joaillerie et orfèvrerie plus que messieurs les maris ne voudraient. Reines, grandes dames, bourgeoises se ruinent en chaînes d'or, joyaux émaillés, perles, pierreries, escarboucles.
La belle Ferronnière, une des maîtresses du roi après le règne de la duchesse d'Etampes, 60 invente de porter une escarboucle retenue par un fil au milieu du front. Un bijou de plus à porter quand on a déjà garni autant que l'on pouvait la coiffure, le corsage et la ceinture d'une étincelante joaillerie, quelle belle idée! La coiffure à la Ferronnière a vite un très grand succès.
Voici maintenant des accessoires de toilette inconnus. Pour l'été, c'est l'éventail de plumes, joli prétexte à garniture d'orfèvrerie, et le manchon pour l'hiver. Manchons noirs pour les bourgeoises et manchons de couleurs variées pour les dames nobles seulement, suivant les ordonnances royales. Les ombrelles aussi sont venues d'Italie, seulement elles sont trop lourdes et ne réussissent guère.
Mais voici sur l'éblouissante époque, l'éteignoir de la Réforme, les jours troublés et tristes.
Etincelante, chatoyante, superbe d'ampleur somptueuse et de richesse pendant tout le règne de François Ier, roi chevalier, prince brillant, prodigue et ostentatif en un temps de bravoure et de «braverie» et aussi de licence, 61 —la mode va changer soudain de caractère et devenir aussi austère qu'elle a été fastueuse, aussi sombre et lugubre qu'elle a été éblouissante et multicolore.
C'est pendant le commencement du règne d'Henri II une véritable lutte entre les modes tristes et les modes gaies, mais bientôt les modes tristes triomphent et peu à peu l'éclat de l'élégance s'éteint, la mode tourne et va 62 bien vite des couleurs ternes et maussades au noir pur.
Les temps deviennent difficiles et tournent au noir aussi. C'est la Réforme, les dissensions religieuses, guerres de sermons et de prêches d'abord, puis guerre effective à coups de canon et d'arquebuses, à coups de bûchers, ou de potences.
Le roi Henri II dès 1549 commença les hostilités contre le luxe; un édit interdisant un grand nombre d'ornements ou d'étoffes, passements, bordures, orfèvreries, cordons, canetilles, draps d'or ou d'argent, satins, etc., réglementa sévèrement la mode et détermina pour les différentes classes de la société les qualités des étoffes et jusqu'aux couleurs.
Le droit de porter habillement complet de dessous et de dessus en rouge cramoisi fut réservé aux princes et princesses; les dames nobles et leurs maris ne pouvaient prendre cette éclatante couleur que pour une seule pièce de leur costume.
Pour les dames de rang inférieur, elles avaient droit, d'abord les plus élevées en 63 rang, aux robes de toutes couleurs sauf le cramoisi, et les autres au rouge éteint ou au noir. Même échelle descendante pour les étoffes, des satins et des velours au simple drap.
De longs cris de lamentation retentirent par toute la France, quand on voulut passer à l'exécution de l'édit.
Les dames de France, au nord comme au midi, à l'ouest comme à l'est, en bataille serrée, défendirent courageusement, pied à pied, leurs joyaux et leurs belles parures, leurs étoffes et leurs couleurs, discutant avec les agents de l'autorité et trouvant mille raisons ingénieuses pour tout sauver, pour tout garder.
Il fallut que le roi reprît la plume, qu'il complétât son édit par une série d'articles explicatifs et détaillât point à point ce qui était permis et ce qui était prohibé. Il faisait quelques concessions aux dames et permettait encore quelques petites coquetteries, mais pour le reste, ce qui fut défendu resta défendu et la loi somptuaire fut exécutée rigoureusement.
Le velours, trop commun en France,
Sous toy reprend son vieil honneur...
64 dit Ronsard dans une épître au Roi où il loue le monarque de ses ordonnances réformatrices.
La sombre Catherine, l'Italienne dont le sang a empoisonné celui de la race des Valois, l'empoisonneuse qui finira toute bouffie de crimes, domine la Cour de France encore brillante, comme un grand fantôme noir, emblème de l'ère de crimes et de massacres qui va s'ouvrir.
Elle laisse les recherches de la coquetterie aux dames de la Cour et à la maîtresse de son mari, à Diane de Poitiers, la suprême beauté, la déesse quasi mythologique de la Renaissance, que Jean Goujon sculpta comme plus tard Canova sculptera une autre beauté princière, Pauline Borghèse. Les plus jolies créations de l'époque, ce sont des toilettes à tons sobres, d'une élégance sévère composant des harmonies grises ou des harmonies en blanc et noir, les couleurs de Diane de Poitiers.
A la mort d'Henri, Catherine adopte, pour 65 ne plus le quitter, le costume de veuve, et entourée pourtant d'un essaim de jeunes et brillantes beautés, de ses filles d'honneur qu'on appelle l'escadron volant de la Reine,—escadron qui, dans les mille intrigues qu'elle noue et dénoue, la sert plus avantageusement que des escadrons de reîtres,—elle traverse les trois règnes tourmentés des rois ses fils, noire des pieds à la tête, noire comme la nuit, noire comme son âme.
Large jupe noire, corsage noir en pointe, 66 grandes ailes noires aux épaules, collet noir relevé en forme de fraise; et pour coiffure une sorte de chaperon ou de toquet à visière noire qui descend en pointe sur ce front aux pensées dures et sinistres.
Ce fut Catherine, paraît-il, qui importa en France, en arrivant de Florence pour son mariage, les fraises qu'adoptèrent rapidement les hommes et les femmes.
Il y en avait de toutes sortes, de modestes et d'inouïes, de très simples en linge godronné et d'autres en merveilleuses dentelles. Invention charmante et superbe, incommode sans doute comme bien d'autres inventions de la mode, mais qui encadrait si bien dans les rosaces et les rinceaux de la plus fine dentelle, qui sertissait comme un bijou précieux la figure de la femme.
C'étaient des chefs-d'œuvre de cet art si féminin de la dentelle où brillait toute l'élégance décorative de la Renaissance; les mêmes artistes qui ciselaient le bronze, l'argent et l'or, qui sculptaient ces fines décorations de pierre sur les façades des palais, 67 fournissaient les dessins de ces fraises; la dentelle avait ses Benvenuto Cellini, à Bruxelles, à Gênes et surtout à Venise, premiers centres de fabrication.
Mais les fraises ne prirent pas tout de suite ces belles proportions, qu'elles n'atteignirent que sous Henri III. Elles furent d'abord de simples collerettes à plis ronds ou godrons qui enserraient le cou jusqu'aux oreilles, fraises austères et fermées d'un temps qui s'assombrissait de plus en plus; l'austérité protestante gagnait rapidement et si les catholiques conservaient leurs habitudes et leurs mœurs plus faciles, les querelles de religion avaient pris toute leur âpreté et la guerre civile planait sur la France.
Sous le règne éphémère de François II, qui vit passer à la cour de France la figure auréolée par le malheur de la pauvre Marie Stuart, sous celui de Charles IX, les costumes ont une élégance sobre et discrète. Comme les pourpoints des hommes, les corsages sont tailladés, ainsi que les manches raides et bouffantes en haut.
Les seuls bijoux sont quelques boucles et pendants de ces grandes ceintures dites cordelières, des garnitures d'aumônières, un collier sous la collerette, petite fraise à godrons qui se trouve aussi aux poignets.
Le chancelier de l'Hôpital, ennemi de la trop grande ampleur des vertugadins, les avait un peu dégonflés et diminués par une sévère ordonnance en 1563, par laquelle il interdisait également aux hommes les hauts de chausses rembourrés. Mais à un passage du roi Charles IX à Toulouse, les belles Toulousaines étant venues implorer un adoucissement aux rigueurs de l'austère chancelier, le roi, plus clément qu'il ne se montrera plus tard aux Huguenots, fit grâce au vertugadin et lui permit de reprendre ses monumentales proportions.
Ne nous moquons pas de cette ampleur des vertugadins, un jour elle sauva la France s'il est vrai, comme la chronique le dit, que Marguerite de Valois put préserver les jours d'Henri de Navarre son mari, en le cachant sous un immense vertugadin quand les massacreurs 69 de la Saint-Barthélemy se mirent à dépêcher à coups de hallebarde les huguenots qu'on avait logés au Louvre à l'occasion des noces d'Henri et de Margot.
Les modes s'assombrissent comme le temps, comme l'architecture, comme le mobilier, comme tout. C'est une loi générale, l'architecture est sévère, ce n'est plus l'exubérance débordante, la gaieté païenne de la Renaissance, les formes sont plus contenues. Après une débauche d'inventions souriantes, l'architecture fait pénitence. Le mobilier qui garnit ces hôtels renfrognés est raide et gourmé.
Voyez ces tables et ces sièges carrés, sans ornements ni sculptures, de bois brut recouvert d'étoffe sombre semée de gros clous. C'est le style catafalque.
Dans ces architectures sévères, dans ces appartements qui semblent revêtus de tentures d'enterrement, s'agitent des gens à costumes tristes. Longues robes tombant sur de larges vertugadins et collets montants; le buste est emprisonné et comprimé durement dans un raide corset à busc fermant par derrière, dans une armature solide appelée un corps piqué, que recouvre un corsage d'étoffe raidie et baleinée aussi.
Pour sortir dans la rue, les femmes ajustent sous leurs chaussures des patins légers à semelles de liège, ce qui s'est déjà fait aux siècles précédents, mais on raille beaucoup les femmes de petite taille qui ont pris pour habitude de se jucher sur des patins formidables, ou de se hausser par des souliers à nombreuses semelles superposées.
Pour la coiffure, c'est la coiffe de réseau, la pointe sur le front faisant de la figure une sorte de cœur, ce que nous connaissons surtout sous le nom de coiffe à la Marie Stuart, ou bien c'est le chaperon de velours noir, une sorte de chapeau assez peu seyant.
Il est de mauvais ton pour les dames nobles et même pour les bourgeoises de sortir sans masque. Étrange mode, ce masque noir est encore une note triste ajoutée à un ensemble déjà bien sombre.
Les masques, de velours noir, sont courts, laissant voir le bas du visage, ou à mentonnière; ils s'attachent derrière les oreilles ou bien, ce qui est plus raffiné, se maintiennent au moyen d'un bouton de verre tenu avec les dents. Cette mode passant des femmes de qualité aux toutes petites bourgeoises durera longtemps, jusque sous Louis XIII.
Le masque cependant est coquet, il y avait moins joli, il y avait le touret de nez, pièce d'étoffe noire attachée par les côtés au chaperon, qui s'ajustait sous les yeux et cachait tout le bas du visage, invention bizarre et peu séduisante qui ressemblait, en laid, au voile de figure des femmes du Caire.
Ces tourets de nez, paraît-il, ont leur raison d'être et leur utilité. Ne les soulevons pas. Les dames se fardent outrageusement suivant une mode venue d'Italie avec Catherine de Médicis, 72 elles se peignent comme de simples Caraïbes et s'appliquent sur les joues, sous le touret de nez, les couleurs les plus vives et les plus dangereuses pour l'épiderme. Les visages féminins sont enduits de plaques de vermillon, ou bien, sous prétexte d'entretenir la fraîcheur du teint, de pommades et de drogues vraiment peu ragoûtantes.
Horrible!
Une Instruction pour les jeunes dames donne des indications sur la composition de ces «oints» ou plutôt de ces fricassées déplorables où il entre de la térébenthine, des fleurs de lis, du miel, des œufs, des coquilles, du camphre, etc., le tout cuit dans l'intérieur d'un pigeon, trituré et distillé ensuite.
Pouah! le touret de nez paraît assez indispensable après cela.
Le florentin René, amené par Catherine, fournissait aux belles dames de la cour fards, parfums et cosmétiques; on sait qu'il cuisina souvent pour la reine mère d'autres fournitures plus nuisibles destinées à supprimer avec élégance et discrétion les gens embarrassants.
Quelle époque! d'un bout du royaume à l'autre, dans le mélange des partis en lutte, on se dispute, on se hait, on se bat. Pendant trente ans tout est bouleversé, les armées catholiques et huguenotes se poursuivent par les provinces, mettant tour à tour les villes à sac, brûlant les châteaux les uns des autres, guerre sans merci où les femmes et les enfants 74 sont enveloppés, guerre de surprises et de massacres.
Les villes sont assiégées, les campagnes sont ravagées par les argoulets et arquebusiers catholiques, par les reîtres protestants, les châteaux et manoirs enlevés par de rapides coups de main... Il faut fuir quand on ne se sent pas le plus fort, ou périr...
On comprendrait, qu'en ces lugubres temps, les costumes des femmes se soient un peu masculinisés. Les pauvres femmes ont si souvent besoin, pour se tirer d'affaire dans les moments difficiles, d'enfourcher chevaux ou mules, de chevaucher comme les hommes!
Ainsi, en 1568, Condé surpris en pleine paix, dut, pour échapper aux troupes de Catherine, s'enfuir de son château de Noyers près d'Auxerre et courir jusqu'à la Rochelle, échapper aux partis de cavalerie, traverser la Loire à gué, avec sa femme enceinte portée dans une litière, avec trois enfants au berceau, la famille de l'amiral Coligny, celle d'Andelot, nombre d'enfants et de nourrices...
Les femmes empruntèrent au costume masculin 75 une espèce de pourpoint à hauts de chausses qui se mettait sous la robe. Ces caleçons, ainsi s'appelaient-ils, permettaient, malgré les larges jupes, d'enfourcher plus commodément les arçons.
Les vertugadins continuaient à se porter et à grandir malgré tout
Et les dames ne sont pas bien accommodées
Si leur vertugadin n'est large dix coudées,
dira bientôt un satirique Discours sur la mode.
La cour du Roi-Femme.—Les grandes fraises plissées, godronnées ou en cornets.—Les femmes-cloches.—Les grandes manches.—Horribles méfaits du corset.—La reine Margot et ses pages blonds.
Le règne de Henri III n'apporte aucun changement dans la situation. Les temps furent plus sombres peut-être et le pays plus bouleversé. Cependant malgré la sainte Ligue, malgré 77 le redoublement des guerres civiles, malgré l'incendie de ses provinces et le sang qui coulait de partout, Henri III, roi de la France tiraillée à quatre chevaux, prit en main le sceptre de la mode.
Après le sombre Charles IX, dédaigneux du luxe et des affiquets de la toilette, venait un roi mignard, frisé, fraisé, musqué, fardé, qui, tout en renouvelant les édits de Charles IX contre le luxe, lançait la cour, et après la cour tout ce qui peut suivre la mode, dans un débordement de folies luxueuses, de somptuosités excentriques et extravagantes.
Sous ce roi de l'île des Hermaphrodites, comme des pamphlets l'appelèrent, le roi-femme, et l'homme-Reine de d'Aubigné:
Son visage de blanc et de rouge empâté,
Son chef tout empoudré nous montrèrent l'idée
En la place d'un roi d'une fille fardée.
tout est désordonné et déréglé à la cour. «Le luxe et les débordements sont tels que la plus chaste Lucrèce y deviendrait une Faustine,» dit la chronique de l'Étoile.
Le royaume de la mode lui-même est bouleversé, il n'y a plus de frontières naturelles et les modes se confondent pour les deux sexes. Le roi, par un goût singulier, féminisa le plus possible ses costumes, cherchant ce qui pouvait se prendre aux modes féminines, depuis la coiffure jusqu'à l'éventail.
Comme les dames de la cour, le roi et ses mignons adoptèrent les colliers de perles, les boucles d'oreilles, les dentelles de Venise et les grandes fraises. Comme les dames, pour entretenir la fraîcheur de leur teint, ils se fardèrent et se cosmétiquèrent d'une façon ridicule, allant jusqu'à mettre la nuit des masques et des gants enduits de pommade; étranges modes efféminées pour un temps de poignards levés et de périls constants.
Ces mignons et popelirots ne portaient-ils pas comme les dames une sorte de corset pour faire taille fine, le pourpoint à busc descendant très bas en pointe, devenu bientôt le ridicule pourpoint à panse rembourrée formant une espèce de ventre pointu à la façon de Polichinelle. Ne se coiffaient-ils pas de la toque 79 féminine ornée de plumes et de pierreries...
Les femmes ne prirent rien aux modes masculines, mais elles se rattrapèrent en exagérant considérablement les dimensions et l'ornementation de tous les éléments du costume, en recherchant la somptuosité des étoffes, en se surchargeant encore d'accessoires et de joaillerie. C'est Marguerite de Valois, sœur du Roi, la reine Margot d'Henri IV qui mène la mode, et moins le ridicule que la grâce féminine esquive, elle fait bien le pendant de l'étonnant Henri III, le satrape musqué et fardé qui empèse et godronne lui-même ses fraises et celles de la reine, et se promène avec des petits chiens sur les bras ou le bilboquet à la main.
Les fraises ont pris des proportions fantastiques, ce sont d'immenses cornets évasés, soutenus par des fils de laiton, de magnifiques dentelles ou broderies de point de Venise, qui partant du corsage, laissent voir les épaules et montent derrière la tête jusque par-dessus la coiffure. La figure fardée ainsi encadrée dans cette dentelle à pointes, c'est une fleur éclatante ou un fruit, ou plutôt c'est une tête 80 d'idole, trop apprêtée, peinte et repeinte, ruisselante de bijouterie et de clinquant.
Encadrement de corsage en joaillerie, or, pierreries, perles, colliers, boucles d'oreilles, 81 perles et diamants à la coiffure, les princesses et les grandes dames étincellent. Les coiffures sont très basses, les cheveux arrangés en pointe sur le front et relevés en rouleau sur les tempes, dessinent un cœur que couronne un simple cercle orné de pierres et de perles fines.
Sur les corsages et sur les jupes, des lignes de perles forment des quadrillés ou des losangés. La ceinture à pendants très longs, est en joaillerie également; à l'extrémité pend un petit miroir, précieusement encadré, que les dames ont à tout instant à la main, 82 pour vérifier l'état de cette précieuse toilette si difficile à porter, de ces fraises immenses, d'une si haute et si majestueuse élégance, pour lesquelles les dames sont à la gêne dans les réunions et dans la presse des fêtes de la cour.
Il suffit pour en juger de voir au Louvre un tableau du temps, représentant un bal à la cour, aux fêtes données pour le mariage du duc de Joyeuse avec la belle-sœur du roi, noces fameuses, célébrées avec un faste inouï par vingt-cinq ou trente journées de festins, de joutes ou de mascarades, pendant lesquelles toute la cour, les princes et princesses, seigneurs et nobles dames rivalisèrent de richesses et de somptuosités folles, dans leurs toilettes renouvelées de fête en fête.
D'après ce tableau des noces de Joyeuse, attribué à Clouet, les seigneurs et les nobles dames rivalisèrent surtout de ridicule dans leurs ajustements. Ce ne sont que corsages à pointes, fantastiquement serrés ou pourpoints à abdomens pointus, qui donnent aux uns et aux autres, des apparences d'insectes, fines guêpes ou gros bourdons.
Ces corsages, dont les buscs n'en finissent pas, ont des manches énormes et rembourrées, aussi grosses aux épaules que le corps tout entier, formées d'une succession de gros bourrelets à crevés, bordés de perles ou de clinquant, avec des poignets de fine dentelle assortis à la fraise.
Quant aux vertugadins, ils ballonnent et s'élargissent considérablement, ce sont maintenant 84 plus que des cloches, ce sont de vastes soupières renversées, sur lesquelles on porte deux robes superposées, la robe de dessus, de riche brocart ou d'étoffes chargées de mille broderies, s'ouvrant pour laisser voir l'autre, laquelle est de couleur différente et non moins ornementée.
Au plus épais des troubles et confusions, quand ligueurs, royaux et huguenots se heurtaient, s'arquebusaient et se pendaient d'un bout du royaume à l'autre, Damville, l'aîné des trois fils du connétable de Montmorency, qui avait levé la lance pour un quatrième parti, celui des politiques, allié dans le Midi aux huguenots, dut une belle chandelle à l'invention de ces encombrants vertugadins. Cerné dans Béziers, il allait être pris et courait grands risques, mais une de ses parentes, Louise de Montagnard, femme de François de Tressan, l'enleva dans son carrosse, caché sous l'étalement de son immense vertugadin, et le fit passer à la barbe de ses ennemis.
C'est le second sauvetage opéré par le vertugadin; peut-être aurait-il à faire valoir bien 85 d'autres actes de service, si l'histoire avait daigné les enregistrer. La crinoline, que nous avons connue, n'a pas de haut fait pareil à son actif. Sa vaste envergure fut aussi utilisée, non pour de si dramatiques évasions, mais seulement par d'ingénieuses fraudeuses, qui se contentaient d'accrocher sous leurs jupes, 86 à ses cerceaux, des objets soumis aux droits.
Le corset n'est plus la simple basquine, assez inoffensive des commencements, le corps piqué qu'endurent, sous prétexte de s'avantager la poitrine, les belles dames de ce temps, c'est un véritable instrument de torture, un moule dur et solide dans lequel il fallait entrer, souffrir et rester, malgré les éclisses de bois qui «entraient dans la chair, mettaient la taille à vif et faisaient chevaucher les côtes 87 les unes par-dessus les autres,» ce sont Montaigne et Ambroise Paré qui le disent, et ce dernier pouvait en savoir quelque chose.
Comme le vertugadin et plus que le vertugadin, le corset passera les siècles, durera à travers toutes les modes, malgré toutes les attaques, malgré les médecins qui l'excommunient avec unanimité, victorieux de tous et de toutes, victorieux contre l'évidence. Les absurdes mignons d'Henri III l'ont bien un moment fait adopter par les hommes!
Les beautés célèbres du temps, Mme de Sauves, la reine Margot, dans leurs atours de cérémonie, avec tous leurs joyaux et pierreries, dans leurs corsages raidis et luisants, couverts de rinceaux d'or, ont l'air de déesses revêtues de cuirasses damasquinées. Ne m'approchez pas, disent les grandes fraises à pointes de ces beautés, qui pourtant ne sont guère inaccessibles.
Cette folie de luxe, à une époque si sombre pourtant, a gagné toutes les femmes. Il n'est pas de femme de petite noblesse, de femme de robin, de bourgeoise qui n'essaie d'approcher 88 des grands modèles, au grand déplaisir des maris, au grand péril des fortunes déjà bien atteintes par les malheurs des temps.
Le brillant XVIe siècle, le siècle de la Renaissance, illustré par tant d'artistes et de lettrés, tant d'étincelants chevaliers et de dames éblouissantes, le XVIe siècle finit mal cependant. Il plane sur cette fin, sur cette époque d'Henri III, aux raffinements corrompus, sur la cour et la ville, sur ces belles et nobles dames, sur ces reines vénéneuses, sur ces mignons 89 et ces raffinés, une telle odeur de sang, que dans ce bouleversement et dans cette corruption sociale, ce n'est pas de trop de tous les parfums violents dont on use, de ce musc et de cette ambre pour la masquer.
Marguerite de Valois, fleur au parfum dangereux, survivra à ce temps et finira en 1615, quelques années après Henri IV, son ex-mari; elle finira vieille coquette, fardée et musquée, essayant, malgré l'âge, malgré l'embonpoint qui détériore sa prestance d'ex-déesse, de garder 90 les grâces solennelles et apprêtées de son beau temps et ses grands costumes d'apparat, traînant une petite cour de ses châteaux du Languedoc à son logis parisien de l'hôtel de Sens qui existe encore, distinguant de temps à autre quelque trop joli cavalier, ou quelque gentil jeune page, de ces pages qui occupaient déjà la chronique en ses belles années, quand on l'accusait de les faire tondre pour se fabriquer des perruques blondes avec leur toison.
Tout à la fin de cette reine, devenue la grotesque Margot, l'un de ces pages préférés ayant été dagué dans l'hôtel même par un jeune écuyer, jaloux de posséder les bonnes grâces de la vieille reine, Marguerite entra en fureur comme une lionne blessée, et pour venger l'objet de ses dernières amours, elle prétendit exercer féodalement le droit de haute justice dans sa maison; elle condamna le coupable à mort et le fit décapiter sans désemparer, sous ses yeux affamés de sang, devant le populaire assemblé dans le carrefour, sur la porte même de l'hôtel de Sens.
Retour à une simplicité relative.—Les femmes-tours.—Hautes coiffures.—Excommunication du décolletage.—Les robes à grands ramages de fleurs.—Collets montés et collets rabattus.—Tailles longues.—Les édits de Richelieu.—La dame suivant l'édit.—Tailles courtes.
Il y a des siècles qui ont la vie dure, et d'autres qui meurent avant l'âge, le XVIe siècle, de complexion sans doute particulièrement robuste, se prolongea jusqu'à la fin du règne du Béarnais, avec ses idées et ses mœurs, 92 ses façons et ses modes. On verra plus tard le XVIIe durer de même avec Louis XIV au détriment du XVIIIe, et ce pauvre et charmant XVIIIe finir tristement avant l'âge, de mort subite en l'année 89.
Ces années de grâce du XVIe siècle sous le sceptre du roi Henri, sont une convalescence après les longues années de fièvre chaude; la France, que la maladie a mise si bas, renaît, le poison qu'elle avait dans les veines est expulsé, tout se répare, se nettoie et s'assainit.
Après les raffinements ridicules et maladifs du règne de Henri III, le costume prend un caractère sans façon, un aspect de bonne et simple franchise, s'il peut y avoir de la franchise dans le costume. C'est cependant presque le même costume, mais simplifié dans les lignes et débarrassé de ce qu'il avait de surabondant et de trop cherché dans les détails.
Les modes sont moins élégantes, certainement, celles des femmes comme celles des hommes; elles ont bien des ridicules aussi, mais ce sont des ridicules naïfs. On est sorti de la prétention excessive, de la grâce raffinée et 93 corrompue; en allant dans la simplicité, on est tombé dans la lourdeur et la gaucherie, pourtant de cette lourdeur inélégante mais saine, se dégagera bientôt la grâce cavalière du costume Louis XIII. Il ne faut cependant pas prendre ce mot simplicité au pied de la lettre: hâtons-nous de dire que cette simplicité n'est que très relative.
Les jours d'apparat, les dames arboraient encore la même quantité de joailleries et de pierreries que par le passé. La reine qui a remplacé Marguerite de Valois après le divorce,—une deuxième alliance Médicis qui ne paraît pas avoir trop réussi au Béarnais, bien payé déjà pour se souvenir de Catherine—la reine de la main droite Marie de Médicis et la reine du côté cœur Gabrielle d'Estrées, duchesse de Verneuil, et les autres belles dames, se montraient «aux fêtes, ballets, mascarades et collations, richement parées et magnifiquement atournées et si fort chargées de pierres et pierreries qu'elles ne pouvaient se remuer».
La reine montra lors d'une grande occasion, une robe, «étoffée de trente-deux mille perles 94 et trois mille diamants,» et à son exemple les grandes dames et les dames de moyenne étoffe dépensaient volontiers plus que leurs revenus, en somptuosités, en habillements de brocart, satins, damas admirables, ramagés et passementés d'or, chargés et surchargés de clinquant et de joailleries diverses.
Voilà une bien étrange simplicité, et pourtant quand on examine tableaux et estampes du temps, ces documents n'en montrent pas moins une grande différence entre les suprêmes raffinements des modes de Henri III et l'élégance un peu mastoque du temps de Henri IV.
Les coiffures sont plus hautes, les têtes se surchargent de cheveux achetés chez le coiffeur, à la couleur à la mode.
Pour un temps les perruques des règnes de Louis XIV et Louis XV apparaissent, mais sur la tête des dames: perruques brunes ou blondes, perruques de simple filasse même, pour celles qui ne pouvaient s'offrir mieux. Et avec les perruques la poudre aussi se montre. C'est plutôt un empois mélangeant la pommade 95 aux poudres les plus diverses, depuis les fines poudres parfumées à la violette et à l'iris, jusqu'à la poudre de chêne pourri, et à la simple farine pour les naïves campagnardes.
Ce temps voit aussi éclore les mouches qui reparaîtront également au XVIIIe siècle, mais ce sont d'abord des mouches larges comme des emplâtres et d'un aspect moins séduisant que les coquettes «assassines» de plus tard.
Les femmes du peuple et de la petite bourgeoisie ont gardé l'ancien chaperon, coiffure modeste, pendant que les femmes de la haute classe, coiffées en cheveux avec perles et bijoux, adoptent pour sortir le chapeau ou la toque à petit bouquet de plumes.
Voici le portrait d'une dame à la mode:
En ces temps heureux de vivre et de respirer, après tant de sombres années, une élégante est sanglée et comprimée dans un corsage dur et rigide, fortement armé de baleines, une véritable gaine descendant tout d'une pièce, sans indication de modelé, en longue pointe sur la jupe.
Il faut dire qu'on se rattrape de cette mise à 96 la gehenne par le décolletage du corsage, très libéralement échancré en pointe aussi, trop libéralement même, puisque Sa Sainteté le Pape se croit obligé d'intervenir et menace d'excommunication les belles qui continueront à se décolleter dans des proportions exagérées.
Cette menace d'excommunication—amende à payer seulement là-haut—n'a pas beaucoup d'effet, et les grandes fraises, les collets montés de magnifiques dentelles soutenues de fils 97 d'archal, continuent à encadrer les opulences du corsage. La fine dentelle va si bien autour de la chair, elle fait si bien ressortir les épaules et les épaules font si bien valoir les merveilles des points de Venise ou de Flandre, cette délicate et si artistique orfèvrerie à l'aiguille!
D'énormes manches qui ne sont pas des manches tiennent au corsage. Ce sont des ailes ouvertes fendues dès l'épaule, descendant très bas, garnies de boutons serrés qui ne se boutonnent 98 pas. La vraie manche paraît en dessous, toujours rembourrée et remontante aux épaules, terminée par des poignets en dentelles appelés rebras.
Les jupes sont moins ballonnées que jadis, le vertugadin est plus modeste, c'est une simple cloche lourde et tombant droit, ou plutôt cela ressemble à la grosse caisse bariolée d'un bataillon de Suisses, mais les hanches sont renflées en coupole et accusées de façon grotesque par un rang de tuyaux godronnés de la même étoffe que la robe.
Il est assez difficile aux femmes d'avoir avec cela une démarche élégante et légère; cependant les beautés de l'époque tiennent à ces jupes et l'idéal de la grâce est d'affecter en marchant un dandinement de canard pour leur donner un balancement rythmique.
Une dame élégante a sous la robe trois autres jupes qu'elle doit montrer en se retroussant élégamment, trois autres jupes d'ornementation et de couleurs différentes.
Dans la liste des étoffes et des couleurs à la mode, elle a de quoi
choisir, nous avons alors 99 une série de noms aussi drolatiques que
ceux inventés plus tard par le capricieux XVIIIe siècle.
Couleur triste amie, ventre de biche, face grattée, couleur de rat,
fleur mourante, singe mourant, couleur de veuve réjouie, de temps
perdu, de trépassé revenu, Espagnol malade, péché mortel, jambon
commun, racleur de cheminée, etc.
Le temps de la régence de Marie de Médicis est une époque de transition entre les modes du XVIe et celles du XVIIe siècles; le vrai costume Louis XIII ne se dégagera complètement des derniers vestiges des modes de la Renaissance que vers 1630, à l'époque des édits réformateurs de Richelieu qui, prohibant draps et brocards d'or et d'argent, broderies et passementeries de fils d'or, dentelles, points coupés, forcèrent les élégants à se contenter d'étoffes et de lingeries plus simples et induisirent les tailleurs de robes et d'habits à chercher des formes nouvelles.
Pendant la première partie du règne, la mode se dégage lentement de sa lourdeur, le 100 vertugadin diminue peu à peu et le si disgracieux renflement godronné au-dessus des hanches disparaît, remplacé par un retroussis à grands plis de la jupe de dessus.
Le vertugadin humilié a passé la frontière, il règne en Espagne où sous le nom de guarde infante, il prend de si colossales proportions que l'autorité veut par des édits, comme en France, arrêter leur développement. A l'amende s'ajoute la saisie et l'exposition publique des objets prohibés. L'édit, sévèrement appliqué, suscita des résistances violentes et des émeutes où le sang coula.
Le vertugadin eut la vie si longue de l'autre côté des Pyrénées que les galants de la cour de Louis XIV le revirent avec surprise porté par les dames de la cour espagnole lors de l'entrevue dans l'île de la Conférence pour le mariage de Louis avec Marie-Thérèse.
En France, la recherche, la richesse et le faste, la multiplicité des ornements, la surcharge de joaillerie se remettent à dominer dans la mode et toutes les dames, même celles de la plus simple bourgeoisie donnent dans 101 l'abus des superfluités coûteuses et du clinquant.
Comment «une galante femme en habits se comporte,» un poète satirique va nous le dire:
Il lui faut des carcans, chaînes et bracelets,
Diamants, affiquets et montants de collets,
Pour charger un mulet, et voire davantage...
102
Il lui faut des rabats de la sorte que celles
Qui sont de cinq ou six villages damoiselles;
Cinq collets de dentelle haute de demi-pié
L'un sur l'autre montés...
Si les vertugadins ont diminué, les fraises ont plutôt gagné en hauteur et développement; les grands portraits de Rubens et ensuite ceux de Van Dick nous montrent ces fraises de la dernière période, en demi-circonférences s'évasant derrière la tête.
Mais les estampes de Callot et d'Abraham Bosse vont nous renseigner sur les modes parisiennes d'avant et d'après les édits de Richelieu.
Callot qui avant 1630 a dessiné de sa merveilleuse pointe tant d'élégants et pittoresques cavaliers en pourpoint de soie ou de buffle, tant d'officiers en hongreline, à petites bottes et grandes flamberges, de seigneurs bien XVIIe siècle, dans ces costumes si charmants et d'une si jolie crânerie, portés avec tant de prestance et de laisser-aller, a gravé aussi quelques costumes de femmes, qui, bien que de la même époque sont encore un peu dans le style des modes du siècle précédent.
Ces dames portent encore les robes à taille longue serrée dans le corps piqué rigide, les manches à bourrelets avec crevés tailladés en grande ou petite déchiquetade, de couleurs vives, les jupes relevées sur le vertugadin rétréci.
Elles sont chaussées de souliers à pont-levis, avec attaches sur le coup de pied, une mode nouvelle.
Les bourgeoises non plus que les dames ne vont
Nulle part maintenant, qu'avec soulier à pont,
Qui aye aux deux côtés une large ouverture
Pour faire voir leurs bas, et dessus pour parure
Un beau cordon de soie en nœud d'amour lié...
Ceci décrit suffisamment le soulier Louis XIII d'une si cavalière élégance. Le Musée de Cluny dans sa riche collection de chaussures en possède d'admirables, très découpés et décorés d'ornements noirs sur le cuir fauve et d'autres plus simples avec le nœud de rubans dit nœud d'amour.
Les découpures laissaient voir les bas de soie incarnat, couleur à la mode; pour sortir 104 on ajoutait à ces souliers des patins de velours cramoisi à très hautes semelles.
Les gants des élégantes étaient non moins jolis, ornés de dessins sur le dos et d'arabesques brodés sur le grand crispin emboîtant le poignet.
De vives chamarrures, de grands ramages de fleurs courent sur toutes les robes comme ils couvrent toutes les étoffes du temps. Le jardin des plantes, autrefois jardin du Roi, doit sa création à cette mode; le noyau primitif fut sous Henri IV le jardin d'un horticulteur avisé 105 où toutes les sortes de plantes françaises ou étrangères étaient cultivées en vue de fournir des modèles aux dessinateurs d'étoffes ou de broderies.
Les coiffures varient. Longtemps à cause des grands collets des fraises, elles sont restées très hautes, ondées ou frisées en bonnet d'astrakan et ornées seulement de bijoux. Plus tard les fraises s'abaissent tout à coup et se séparent en rabats de dentelle de point coupé, 106 rabattus sur l'échancrure carrée du corsage, et en collets abaissés, sinon rabattus aussi.
La coiffure peut s'abaisser aussi avec ces fraises basses; on forme un petit chignon dit culebutte derrière la tête et on encadre la figure de jolies boucles tombantes ou frisées. Cette mode s'exagère un peu, les femmes se font avec leur coiffure frisottée et les petites mèches plaquées sur le front, une tête ronde comme une boule.
Viennent les édits de Richelieu qui veut empêcher l'or de France de s'en aller, au détriment du commerce français, enrichir les manufactures étrangères en achats de passementeries de soie de Milan et de dentelles ou broderies, les édits qui prohibent ensuite les galons et franges, parfilures et canetilles enrichies d'or et d'argent, en ne permettant que les galons étroits de simple étoffe; le costume va changer tout à coup,
107 dit une dame dessinée par Abraham Bosse en 1634 après les édits et la réformation du costume.
Changement radical, plus de surcharge d'ornements, plus d'étoffes à ramages, plus de fines dentelles de Venise ou de Bruxelles. La dame suivant l'édit d'Abraham Bosse porte sur une jupe plate, à plis tombant droit, sans le moindre soupçon de vertugade, un corsage à basques, à taille très haute serrée par un simple ruban, des manches larges, ouvertes 108 sur une manche de dessous très simple sans la moindre broderie ni garniture.
La grande fraise, le grand collet monté ou rabattu est remplacé par un grand rabat de lingerie qui monte jusqu'au menton. Il n'y a plus dans ce costume aucun reste des modes du XVIe siècle définitivement trépassées.
Mais ce costume extrêmement simple, d'une sobriété qui touche à l'austérité, restera celui des toutes petites bourgeoises, des bonnes ménagères à qui les édits somptuaires ne causent pas grand souci ni douleur; c'est en somme dans les grandes lignes, le costume actuel des sœurs de Saint-Vincent de Paul, aux couleurs près.
Les belles dames vont prendre ce modeste costume d'après les édits et le transformer bien vite et en faire un des ensembles les plus élégants et les plus charmants que la mode ait inventés, un type vraiment remarquable de haute distinction, juste au moment où le costume masculin si dégagé, si cavalier des premiers temps de Callot, va se modifier en mal, devenir lourd et guindé avec les justaucorps 109 à taille sous les bras et les hauts de chausses tombant au mollet.
La robe s'ouvre du haut en bas, laissant voir un devant de corsage de satin clair orné d'aiguillettes et terminé en pointe arrondie sur une jupe de dessous de soie ou satin mordoré. 110 La robe de dessus ainsi largement ouverte et assez longue, a tous ses plis sur les côtés ou par derrière.
Les manches bouffantes sont coupées en minces bandes du haut en bas, rattachées sur la saignée par un ruban ou simplement ouvertes sur une riche manche de dessous et garnies sur l'ouverture d'aiguillettes ou de nœuds de rubans.
Plus de collets montés, rien que des collets rabattus. Ces grands collets et rabats de lingerie ont bien vite repris quelques riches broderies, dont les pointes tombent maintenant très bas sur les épaules et sur les bras, en même temps que de hautes manchettes dentelées et découpées de la même broderie montent des poignets jusqu'au coude.
Et touffes et bouffettes de rubans partout, rosettes au corsage; guirlandes de rosettes à la ceinture, et colliers de perles tombant dans le corsage, carcans de bijouterie serrés au cou, diamants et pierres sur les aiguillettes et les ferrets. Voici la dame à la mode de 1635 qui s'en va promener ses riches atours à la Place 111 Royale parmi les galants à moustaches retroussées, qui papillonnent sous les arcades.
Ce sera tout à l'heure le costume des héroïnes de la Fronde, des duchesses liguées contre Mazarin, et cela deviendra en se modifiant peu à peu le grand costume des fêtes éblouissantes de la cour de Louis XIV.
Les héroïnes de la Fronde.—De la Vallière à la Maintenon.—Les robes dites transparentes.—Triomphe de la dentelle.—Le roman de la mode.—Les Steinquerques.—La coiffure à la Fontanges.—Le règne de Mme de Maintenon ou trente-cinq ans de morosité.
Le règne du grand roi. Le règne des architectures étalant une somptuosité d'apparat, une 113 solennité majestueuse et le règne des perruques également solennelles et majestueuses, des modes d'un luxe écrasant, où la superbe écrase un peu l'élégance!
Le grand siècle! la grandeur poussée jusqu'au gonflement et la splendeur jusqu'à la surcharge, la même lourde magnificence dans le style des hôtels ou des palais, demeures des nobles seigneurs emperruqués, dans le mobilier noble et pompeux que dans l'habillement masculin et féminin et dans les fantaisies raffinées du costume.
Le grand règne a un prologue légèrement agité, la Fronde, qui donne occasion aux belles dames de faire un peu de galante politique et de se donner une petite idée des émotions de leurs grand'mères du temps de la Ligue. La mort a desserré la forte main qui tenait les brides du royaume, Richelieu disparu, on peut caracoler.
Et à l'exemple de messieurs les ducs, les héroïnes de la Fronde ont caracolé! Ce commencement, quand le grand roi n'est encore que le petit roi, a une jolie allure romanesque.
Mmes les Duchesses, Mme de Chevreuse, Mme de Montbazon, Mme de Bouillon, Mme de Longueville et la duchesse de Montpensier, Mademoiselle, la Grande Mademoiselle, petite-fille d'Henri IV, qui aide à battre les soldats du roi à coups de canon, en attendant qu'elle soit, à coups de canne, battue par son mari, le beau Lauzun pris à défaut de Louis,—les belles et séduisantes rebelles aux libres allures, aux beaux yeux et aux belles tailles sans aller jusqu'à la casaque des gardes et la hongreline soldatesque, arborent avec crânerie des costumes semi-militaires.
Pendant les années de troubles et d'émeutes, de guerre civile à Paris et de cavalcades armées dans les provinces, n'assistent-elles pas aux parades des troupes levées par les princes contre les troupes du Roi, avec Condé ou contre Condé;—ces amazones, du haut du perron de l'Hôtel de Ville, ne haranguent-elles pas les Parisiens toujours en goût d'émeute, le populaire hérissé de vieilles hallebardes et d'arquebuses ligueuses, ne passent-elles pas en revue dans Paris un peu assiégé les forces de la Fronde, les 115 milices parisiennes qui traînent bruyamment ce qui reste du pittoresque bric-à-brac guerrier du temps de M. de Guise, la Cavalerie des portes cochères et le régiment de Corinthe de M. le Coadjuteur,—et ne tirent-elles pas vaillamment, quand les affaires se gâtent, le canon de la Bastille sur l'armée royale? Quel joli prétexte à modes cavalières.
Tout est à la Fronde, les modes comme le reste. La mode pouvait avoir quelque motif d'en vouloir au Mazarin qui renouvelait les édits prohibitifs, ces éternels édits sans doute oubliés ou bravés aussitôt que publiés et qu'il fallait renouveler toujours, frappant alternativement les passementeries au profit des guipures, et les guipures au bénéfice de passementeries.
Louis a grandi, il règne.
Mais le roi est jeune, le grand siècle songe à se divertir, il aime la gloire, mais il aime aussi le plaisir. C'est sa première manière, plus tard le siècle et le roi, vieillis tous deux, tout en gardant le culte de la gloire, songeront à se repentir du plaisir.
La dernière reine de la mode, reine austère et pincée qui mettra le siècle en pénitence pour le punir de toutes les frivoles inventions de son bel âge, ce sera la réfrigérante Mme de Maintenon.
En attendant, c'est Ninon de l'Enclos la séductrice qui traverse tout ce siècle, ou c'est 117 la Vallière, c'est Montespan, c'est Fontanges, avec une foule de reines d'un jour ou de demi-reines.
Comme Louis dit: «l'Etat c'est moi», la marquise de Montespan peut dire: «la Mode c'est moi!» Cela n'empêche pas une foule de génies féminins de trouver chaque jour quelque idéal colifichet, quelque coquetterie jolie à faire tourner toutes les têtes, quelque arrangement nouveau que les marquis de Molière trouveront délicieux.
Pour les hommes c'est le temps des canons, des rhingraves, ces bizarres hauts de chausses en forme de jupons enrubannés, des petites oies en bouquets de rubans. Pour les femmes, nulle époque ne vit ajustements plus riches. Hommes et femmes se ruinent en déploiement de faste.
Pas trop de changements dans les grandes lignes, mais d'incessantes petites modifications de détails et d'ornementation. Ce fut un défilé de modes rapides, se succédant plus somptueuses ou élégantes les unes que les autres, et l'on trouva pour les désigner une foule d'appellations pittoresques: les galants, les échelles, 118 les fanfreluches ou menues bouffettes de soie, les transparents, les falbalas, les prétintailles, les steinquerkes et les coiffures à la Fontanges, l'hurluberlu, etc.
Voyons les portraits des belles du siècle, des belles des commencements, du temps des ruelles et des précieuses de l'hôtel de Rambouillet, et des belles des Tuileries ou de Versailles, étoiles des fêtes du roi du Soleil. C'est la coiffure en largeur qui domine d'abord, ce sont pendant longtemps les cheveux frisés sur le front et tombant en frisures, en boucles très larges sur le côté ou en cadenettes suivant la mode inventée sous Louis XIII par M. de Cadenet, frère du connétable de Luynes, longues tresses nouées par des nœuds de rubans dénommés «galants». Avec cela des robes fort décolletées, laissant largement voir les épaules, des colliers de grosses perles, les derniers rabats de dentelles qui diminuent et disparaissent complètement, des corsages en pointe à belles et fines broderies, des manches courtes ouvrant sur des flots de linon ou des manchettes de dentelles.
La première jupe se relève comme des courtines de rideaux et se rattache sur le côté par des agrafes enrichies de brillants ou par des nœuds de rubans, découvrant ainsi de merveilleuses, d'étincelantes robes de dessous.
Louis XIV a mis à la mode la bride sur le cou en laissant tomber les édits somptuaires de Mazarin. Les dentelles prohibées reparaissent, 120 les somptueuses étoffes interdites reviennent au jour. Les tissus d'or et d'argent seuls sont interdits, le roi se les a réservés pour lui et pour la cour.
Le roi fait des cadeaux de pièces de ces précieuses étoffes d'une ornementation noble et touffue aux personnages en grande faveur, comme il accorde aux courtisans favorisés des justaucorps «à brevet».
Mme de Montespan règne après La Vallière. A certaine fête de la Cour, elle étincelle dans une robe «d'or sur or, rebrodé d'or, rebordé d'or, et par-dessus un or frisé, rebroché d'un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée», ainsi que le dit Mme de Sévigné.
Les robes «transparentes» ont un succès fou. Ce sont des robes d'étoffe transparente, mousseline ou linon, sur lesquelles de larges bouquets de fleurs multicolores ont été peints ou imprimés, portées sur un dessous de satin moiré et brillant,—ou bien c'est tout le contraire, des robes de brocart à grands ramages courant sur fond or ou azur, par-dessus lesquelles 121 passe une robe d'un tissu léger transparent comme de la dentelle.
La dentelle s'accommode de toutes façons, du haut en bas du costume féminin, du corsage aux souliers, et s'allie avec les floches de rubans qui nouent les cheveux, forment des échelles de grands nœuds sur les corsages, chamarrent les jupes et flottent un peu partout.
Des manufactures de dentelles ont été créées de tous côtés, inventant les «points d'Alençon, 122 Valenciennes, le Puy, Dieppe, Sedan, etc.»; les dentellières françaises produisent pour toutes les bourses, bourses de duchesses ou de procureuses, bourses de marquise ou de simple commerçante, depuis la riche guipure coûtant des centaines de pistoles, que portera la favorite aux fêtes de la cour, jusqu'aux dentelles dites gueuses ou neigeuses, qu'arboreront la toute petite bourgeoise ou même la dame de la halle aux jours de cérémonie.
En 1680, révolution dans la coiffure. Le vent décoiffe pendant une chasse royale la duchesse de Fontanges qui a pris le cœur de Louis après la Montespan. Pour rétablir l'harmonie de sa coiffure, la belle ébouriffée prend le ruban de sa jarretière et rattache ses cheveux avec une jolie rosette par devant. Tout ce que font les favorites n'est-il pas toujours exquis et délicieux? Les nobles seigneurs se pâment devant la gracieuse inspiration, les dames s'extasient, et dès le lendemain se décoiffent à la Fontanges.
Les coiffures à la Fontanges font fureur et règnent pendant des années, revues, modifiées et considérablement augmentées. Elles deviennent 123 un édifice de dentelles, de rubans et de cheveux, avec la haute pointe de dentelles caractéristique qui, d'après Saint-Simon, monte à deux pieds de haut, soutenue par du fil d'archal,—ensemble composé de pièces diverses qui, toutes, avaient leurs noms.
La Fontanges, d'origine folâtre, dura longtemps, plus tard elle cessa de plaire au roi, qui n'aimait sans doute plus que les coiffures austères de la veuve de Scarron.
La princesse Palatine, la princesse Charlotte de Bavière, fille de l'Électeur palatin, qui vint en France en 1671 pour épouser Monsieur, frère du roi, ayant adopté une sorte de petit mantelet court pour couvrir un peu ses épaules trop découvertes par la mode des corsages très décolletés, ces petites mantes adoptées bien vite par toutes les dames, furent appelées palatines comme la princesse.
Le roman de la mode, toujours galant et héroïque, nous fournit encore pour ce temps les Steinkerques.
Epoque de chevalerie enrubannée et de bravoure empanachée à la mousquetaire.—La 124 position sera dure à enlever, dit un colonel à sa troupe avant de charger, tant mieux, Messieurs, nous n'en aurons que plus de plaisir à raconter l'affaire à nos maîtresses!
A la bataille de Steinkerque gagnée sur Guillaume d'Orange par le maréchal de Luxembourg, les princes, Philippe d'Orléans alors âgé de quinze ans, le prince de Conti et le duc de Vendôme, avaient chargé avec la cavalerie, avec une foule de gentilshommes, tous un peu débraillés, leurs cravates de dentelles dénouées et flottantes. Dans la joie de la victoire, la mode adopta ces cravates négligemment passées et toutes les femmes portèrent des dentelles à la Steinkerque.
La riche provinciale et la dame de petite noblesse imitent les modes et les façons de la cour, et la bourgeoise les suit également d'un peu moins près seulement. Furetière dans son roman bourgeois et Sébastien Leclère dans ses eaux-fortes nous les dessinent avec leurs allures bourgeoises, mais coquettes, dédaignant le chaperon de leurs mères, portant grands rabats et colliers de perles, corsages chamarrés et 125 presque autant de dentelles et de rubans qu'on en porte à Versailles. L'indiscret Furetière nous les montre même empruntant des diamants pour les cérémonies et entrant à l'église avec un laquais d'emprunt pour tenir la queue de la robe.
Pour la femme du peuple, faisons passer la 126 servante de Molière, c'est une bonne fille. Sébastien Leclère l'a dessinée aussi avec sa coiffe assez simple, sa jupe relevée et sa camisole à larges basques qui est la hongreline des officiers de Louis XIII, adoptée plus tard par les dames.
Et les marchandes et les dames de la halle, qu'il a dessinées également, portent grands rabats et dentelles avec un air de dignité et de majesté qui montre qu'elles sont, elles aussi, du grand siècle.
La période épanouie et brillante du règne du grand roi fut en réalité la plus courte, le pivot tourna vers 1680 avec le commencement de l'influence de Mme de Maintenon, que le roi épousa secrètement en 1685.
Nous n'irons plus au bois, les roses sont coupées, ainsi que presque tous les lauriers.
Le règne de Mme de Maintenon dura le laps respectable de trente-cinq ans. Ainsi, le roi-soleil qu'on voit toujours dans le cadre pompeux de sa jeunesse, auréolé de gloire et de galanterie, au milieu de ses courtisans enrubannés, planant parmi les fêtes, les bals et les 127 carrousels, sur des constellations d'étincelantes beautés, le grand roi fut de bonne heure un vieux roi morose et ennuyé, aimant toujours la pompe, mais avec une affectation de solennité compassée, quelque chose comme une somptueuse austérité.
Le grand siècle fut aussi le siècle ennuyeux, l'ennui doré en habit d'apparat et solennelle perruque. Le roi se repentant des galantises de sa jeunesse, tourné maintenant vers la dévotion et l'austérité, entendait que tout le monde fît comme lui.
La mode immédiatement changea. Le costume des hommes et des femmes se modifia dans le sens de la sévérité; les ornements trop éclatants ou trop pimpants, les vives couleurs, les grands ramages d'or qui jadis avaient ébloui la cour et la ville disparurent pour faire place à des ajustements plus sobres et plus discrets.
Cela dura jusqu'au temps où Louis XIV lui-même, ayant eu près des coiffes austères de Mme de Maintenon son compte de morosité, jugea qu'il ne serait pas mauvais de prier grands seigneurs et grandes dames de rendre à sa cour 128 l'éclat et la splendeur des jours d'autrefois, avant que la dévotion ne fût à la mode. Il est inutile de dire si l'invitation fut entendue et si les habillements luxueux tardèrent à reparaître.
Les dames de cette dernière période du grand siècle sont vêtues d'étoffes splendides chamarrées et ramagées de la plus étincelante façon, de robes ouvertes sur des devants de corsage des plus fines dentelles, de brocart ou de damas tissé d'or, avec les jupes relevées et drapées 129 sous un petit tablier de dentelle qui n'est pas la pièce la plus heureuse de leur ajustement et qui ne va guère avec les toilettes de sortie.
Sur la tête, ce sont toujours les hautes pointes des coiffures à la Fontanges, édifice compliqué devenu tout à fait extravagant, avec brides de dentelle voltigeant par derrière.
Pour orner les jupes, la mode a les falbalas et les prétintailles; les falbalas, ce sont les rangs de volants bouillonnés étagés sur la jupe, sur la jupe tombante et non sur la grande jupe volante à queue, relevée sur le côté; ils ont été inventés par un personnage nommé Langlée, fils d'une femme de chambre de la reine, devenu à la cour l'arbitre du goût et l'oracle de la mode.
Quant aux prétintailles, c'était le nom donné à une nouvelle façon de chamarrer les robes au moyen de grandes découpures de fleurs de toutes les tailles et de toutes les couleurs, appliquées sur l'étoffe, décoration éclatante qui faisait que les dames semblaient s'être confectionné des robes avec des tapisseries ou des étoffes à fauteuils.
La Régence.—Folies et frivolités.—Cythère à Paris.—Les modes Watteau.—Les robes volantes.—Naissance des paniers.—Criardes. Considérations et Maîtres des requêtes.—Mme de Pompadour.—L'éventail.—Promenade de Longchamps.—Carrosses et chaises à porteurs.—Modes d'hiver.
La France, ayant connu—après toutes les gloires et toutes les magnificences—toutes les amertumes et tous les désenchantements, contemplait tristement le long et mélancolique crépuscule du roi-soleil.
Tenue depuis des années dans une atmosphère d'ennui pesant par le vieux monarque et la vieille dame au visage pincé, elle eut comme un poids de moins sur la poitrine lorsqu'elle vit Louis dans son caveau de Saint-Denis et Mme de Maintenon réfugiée à Saint-Cyr, et du jour au lendemain, il y eut une explosion: toute la jeunesse comprimée, toute la frivolité rentrée, toutes les aspirations au plaisir sortirent et le grand coup de folie de la Régence commença.
Le fringant XVIIIe siècle, tenu sous la férule de ce vieux XVIIe grondeur et impotent qui ne voulait pas finir, allait soudain comme un jeune page émancipé s'en donner jusque-là et jeter sa perruque bien haut par-dessus tous les moulins.
La mode que les moralistes disent fille de la frivolité, inventa pour faire honneur à sa mère mille folies nouvelles et comme ce n'était pas assez, on reprit parmi les anciennes ce qu'il y avait d'assez oublié pour paraître délicieux.
La caractéristique de la mode au XVIIIe siècle, 132 dès la Régence, c'est l'ampleur, le retour aux considérables envergures des jupes du temps de Henri III, c'est-à-dire au vertugadin, avec toutes ses conséquences, l'ampleur des manches et l'ascension des coiffures qu'on sera bientôt amené à exagérer en vertu d'une loi d'équilibre et d'harmonie!
Sous Henri III, ce sont les fraises qui montent et mettent la tête dans un grandissime cornet; sous Louis XV et Louis XVI, c'est la coiffure qui se fait monumentale.
Les vertugadins reparaissent sous le nom de paniers. Ils viennent de l'autre côté de la Manche. Ce sont deux dames anglaises qui les apportent à Paris et les exhibent au jardin des Tuileries.
L'ampleur extravagante des robes de ces dames excita une telle surprise parmi les promeneurs et promeneuses que la foule s'amassa autour d'elles et les pressa tellement qu'elles coururent grand risque d'être étouffées ou tout au moins très aplaties. Il fallut l'intervention d'un officier de mousquetaires pour tirer ces dames et leurs paniers de ce mauvais pas.
Les modes alors ne faisaient pas comme aujourd'hui 133 le tour du monde civilisé en six mois pour disparaître pas usées complètement en moins de deux saisons. Elles mettaient du temps à naître et à se développer et avec les modifications, adjonctions ou améliorations que la fantaisie pouvait chaque matin leur apporter, elles duraient dans leurs lignes principales pendant de longues années.
Le panier vivra tout le long du siècle et il ne faudra rien moins que la Révolution pour le tuer.
Il fallut quelques années au vertugadin pour reconquérir Paris; sa restauration se fit lentement, timidement, par petits essais modestes; puis un beau jour, vers 1730, il domine, il règne sans conteste. Toutes les dames, laissant les demi-mesures et les demi-paniers, adoptent le grand panier de six pieds de diamètre dont le développement exige pour le moins dix aunes d'étoffe.
Panier était le nom tout indiqué puisque les premiers bouffants de jupes furent des ouvrages de vannerie composés de cerceaux d'osier ou de jonc, de véritables cages à poules qu'on arrangea plus tard avec une armature de baleines.
Un maître des requêtes du nom de Pannier ayant péri dans un naufrage en revenant des Antilles, son infortune servit de prétexte à la mode cruelle pour donner un surnom au panier alors dans le commencement de sa gloire. Il y avait eu les petits paniers jansénistes 135 descendant seulement au genou; les criardes, tournures de toile gommée et plissée, qui criaient au moindre mouvement; les boute-en-train, les tâtez-y, les gourgandines, les culbutes, des noms bien osés, trouvés par 136 un temps peu bégueule, et les petits paniers, plus respectables sans doute, dits «Considérations». Les grands paniers furent quelque temps des «maîtres des requêtes».
La vogue des paniers amena naturellement un changement dans la façon des robes. Alors commencent ces modes très gracieuses, mais quelque peu cythéréennes, légèrement déshabillées, que nous avons baptisées du nom de modes Watteau, en l'honneur du grand peintre des fêtes galantes qui a jeté sur la toile tant de belles dames de ce temps folâtre, en paniers plus ou moins larges, rouge et mouches au visage, l'éventail ou la grande canne à la main, toujours prêtes à s'embarquer pour Cythère avec quelque galant seigneur à talon rouge.
Allez, belles dames, marquises ou filles d'opéra, figures gracieuses et folles, la vraie Cythère est à Paris, gouvernée par Monsieur le Régent ou par le roi Louis XV le Bien-Aimé. Le siècle a cinquante années devant lui pour s'amuser et folâtrer, cinquante années pour les jeux et les ris, mais le temps viendra où les 137 larmes enlèveront le rouge et les mouches de vos joues.
La mode invente donc les robes volantes sans corsage ni ceinture du tout, tombant tout droit des épaules sur l'ampleur du panier, ou bien ajustées seulement par devant à la taille et laissées flottantes avec de larges plis par derrière, façon originale qui donne à la démarche un air de douce nonchalance et une grâce amollie, la marque du siècle.
Pour ces robes flottantes, pour draper l'immensité des paniers, on abandonne les lourdes étoffes de l'époque précédente et l'on adopte les tissus plus légers, linon, basin, mousseline, les fines étoffes piquées de petits bouquets, semées de fleurettes ou même de petits attributs champêtres.
Sur les promenades, par les beaux jours, on dirait une foule en déshabillé du matin, ce ne sont que manteaux volants, robes flottantes qui semblent des robes de chambre; les bras sortent des flots de dentelles, les visages sont encadrés de molles collerettes; les élégantes en corsage lâche qui se promènent ainsi jouant de 138 l'éventail et faisant claquer languissamment leurs mules à hauts talons ont toutes, suivant un contemporain, un air de bonne fortune prochaine.
C'est la régence. Que de soupers, que d'orgies galantes au Palais-Royal et ailleurs et que de folles Parabère un peu partout dans la fièvre de plaisirs qui sévit, dans Paris surexcité encore par une fièvre nouvelle, la spéculation, qui du jour au lendemain avec Law, enrichit ou ruine, fait monter les uns jusqu'aux fabuleuses fortunes permettant toutes les jouissances, ou précipite les autres dans des détresses telles qu'il faut bien s'étourdir à tout prix.
Robes flottantes, paniers, coiffures, colifichets que la mode chaque jour invente, les satiristes de la plume et du crayon ont beau jeu. Les comédies et les chansons, le théâtre italien et le théâtre de la foire, les caricatures, les pamphlets, raillent de toutes les façons les extravagants paniers et les paniers triomphants se moquent des moqueurs, s'enflent de plus en plus démesurément.
Tout le monde en rit ou s'en plaint. Comment faire tenir plusieurs dames dans un carosse qu'une seule suffit à remplir de ses jupes outrageusement ballonnées? Tout est trop petit, les maisons sont trop étroites, il faut 140 élargir les portes des salons pour livrer passage aux belles dames trop larges, comme plus tard il faudra les agrandir par en haut pour permettre aux gigantesques coiffures de passer sans anicroche.
Les fauteuils aussi manquent de largeur, comment s'asseoir avec ces immenses cerceaux qui refusent d'entrer entre les bras des sièges ou se relèvent indiscrètement?
Il n'importe, les paniers s'élargiront toujours jusqu'aux premiers temps de Marie-Antoinette et les jupes là-dessus se compliqueront de grands et petits volants, de treillis, de plissés, de lambrequins, de rubans arrangés dans tous les styles, de cent façons des plus gracieuses et des plus compliquées et des plus baroques aussi.
Sous la robe qui reste longtemps volante dans le dos, à la Watteau, le corps ou le corset emprisonne solidement le buste, le corsage de satin est en pointe descendant très bas; comme il est décolleté, un devant de gorge de dentelles et de rubans, protège la poitrine contre le froid.
Suivant la saison ou la température, on porte des mantelets, des coqueluchons, c'est-à-dire de coquets petits mantelets recouvrant les épaules, avec capuchon léger de soie ou de satin, ornés de festons et de plissés, coiffures et mantelets tout à la fois, ou bien des manteaux recouvrant toute la personne jusqu'aux talons, espèces de dominos avec le coqueluchon arrondi par un cerceau de fil de laiton autour de la tête.
En somme, la mode pour les robes conserve longtemps les mêmes formes, modifiées seulement par les accessoires. De 1725 à 1770 ou 75, ce sont, à peu de différences près, les mêmes dispositions et les mêmes lignes, le même ballonnement des jupes, toujours les flots de dentelles tombant des manches, toujours les floches de rubans.
La belle époque pour la mode XVIIIe siècle, celle qui fournit le plus joli type de costume Louis XV, c'est l'espace compris entre 1750 et 1770, époque de juste milieu entre les ampleurs exagérées de la Régence et celles non moins exagérées du temps de Louis XVI.
C'est le règne de Sa très belle, très fine, très artiste et très envahissante Majesté madame de Pompadour.
Pour évoquer cette époque heureuse de vivre, pour en deviner tout le charme, il suffit de citer les noms de Boucher, Baudoin, La Tour, Lancret, Pater, Eisen, Gravelot, Saint-Aubin et de toute la pléiade des petits-maîtres si légers, si musqués, mais d'une grâce si délicieuse.
Certes il y a sous le parfum des roses une odeur de corruption, et il ne faut pas trop gratter le brillant de cette société au vernis Martin. Il y a partout un tel laisser-aller, un tel laisser-faire, une si remarquable difficulté à se scandaliser de quoi que ce soit.
Louis XV, après Pompadour tombe à Dubarry et il a son sérail, comme le grand Turc, au Parc-aux-Cerfs, mesdames ses filles Loque, Chiffe et Graille, font monter du corps de garde des pipes et de l'eau-de-vie. Grands seigneurs et financiers ont leurs «folies», où défilent grandes dames ou filles d'opéra, les marquises s'attablent à côté des gardes-françaises chez Ramponneau...
Mais que ce XVIIIe siècle a soigné son décor et qu'il s'est arrangé pour se faire une vie douce et charmante, sans se soucier et sans se douter de ce qui l'attendait au cinquième acte de sa féerie! Sa personnification la plus exquise est dans le grand pastel de Latour, dans le portrait de Mme de Pompadour, en négligé d'intérieur, un petit poème de satin, de rubans et de dentelles.
La femme règne et domine, le sceptre de cette souveraine, c'est l'éventail. Depuis longtemps l'éventail était en usage, le moyen âge l'appelait Esmouchoir; il y avait eu l'éventail carré en drapeau ou en girouette, l'éventail de plumes qu'une chaîne de bijouterie attachait à 144 la ceinture des dames nobles du XVIe siècle, l'éventail plissé apporté d'Italie par Catherine de Médicis et adopté par Henri III.
Dès le temps de Louis XIV, l'éventail est le complément indispensable de la toilette des 145 dames, mais sa grande époque, celle qui créa les plus jolis modèles, c'est le XVIIIe siècle.
Montures de nacre et d'ivoire miraculeusement découpées et ciselées, peintures exquises de Watteau, Lancret et des autres, les éventails Louis XV, sceptres galants d'une société musquée, poudrée et féminisée, sont dignes de 146 mener, par les mains des favorites, monarque, ministres et généraux, les arts, les lettres, la politique et le monde.
L'estampe de Gabriel de Saint-Aubin, intitulée le Bal Paré, nous montre les élégantes de ce temps en grandes toilettes; encore les plis Watteau, les robes volantes ouvertes sur le corsage et sur la robe de dessous, rattachées à la ceinture par des rubans et relevées bien de côté sur le ballonnement des paniers; puis des garnitures voltigeantes, bordures de fourrures ou bandes plissées, des volants de satin ou de dentelle.
Les coiffures commencent bien à monter, mais elles sont toujours élégantes et seyantes, la chevelure poudrée est relevée sur le front bien dégagé, arrangée en coques et en rouleaux, mêlée avec des touffes de rubans, des plumes et des perles.
Voyons ces mêmes dames à la promenade de Longchamps, au grand défilé traditionnel de Pâques, dans les superbes carrosses peinturlurés et dorés,—véritable carrosserie de conte de fées, auprès de laquelle les plus somptueux 147 équipages cirés, brossés et vernis de notre prosaïque époque, sembleraient de vilaines et funèbres boîtes, étalant un luxe croque-mort.
Dans ces imposants carrosses, menés par d'imposants cochers en perruques, soutachés et galonnés, avec de grands diables de laquais aux éclatantes livrées accrochés à l'arrière-train, dans toutes ces éblouissantes voitures, quel déploiement de toilettes luxueuses, de dentelles, de plumes et de rubans, de diamants et de perles!
Des heiduques galopent aux portières, des coureurs en bizarres costumes, jouent des jambes à travers le flot des équipages, des cavaliers et des belles amazones, tandis que sur les bas côtés de la route, dans la foule accourue pour admirer les beautés à la mode et la mode elle-même, dans le brouhaha des rencontres, des conversations avec les jeunes seigneurs, les petits-maîtres et les grands roués, la marquise et la présidente, la dame de qualité et la financière coudoient la demoiselle d'opéra, la folle actrice, coqueluche des jeunes 148galants de la comédie, qui se la disputent, ou l'impure échappée de quelque folie de grand seigneur ou de gros traitant, la courtisane qui sera peut-être la semaine prochaine Reine de la main gauche.
Vienne l'hiver, et ces élégantes laisseront leurs carrosses et leurs chaises à porteurs;—encore une des plus délicieuses créations de ce siècle charmant,—elles quitteront leurs chaises, peintes au vernis Martin de sujets galants et de bergeries à la Boucher ou à la Watteau; elles quitteront dentelles et rubans, s'habilleront, s'envelopperont et se coifferont de fourrures, et s'en iront, leur joli nez rose enfoui dans la zibeline ou le renard bleu, les mains enfoncées dans l'immense manchon gros comme un tambour, courir sur la neige dans les superbes traîneaux contournés, tarabiscotés et peinturlurés, ornés de figures sculptées et dorées, de la plus étonnante fantaisie.
Les coiffures colossales.—Le pouf au sentiment.—Parcs, jardins potagers et paysages animés de figures sur les têtes.—La coiffure à la Belle-Poule.—Les mouches.—Modes champêtres.—Les robes négligentes.—Couleurs à la mode.—Le Monument du costume.—Les amazones.—Modes anglaises.—Les bourgeoises.
Il vieillit, le siècle des grandes élégances poudrées et musquées, le siècle aux exquises 151 coquetteries, il prend de l'âge et s'ennuie dans son papillotant décor rocaille.
Son goût s'est un peu fatigué, il ne se renouvelle plus que difficilement, depuis longtemps la mode est stationnaire et tourne toujours dans le même cercle.
Le style Louis XV est devenu aussi ennuyeux que jadis le style Louis XIV, le rococo paraît à son tour perruque et vieux jeu; mais attendez, la mode va essayer de donner un brusque coup d'aile et tout risquer, même de tomber dans le baroque,—ce qu'elle peut bien se permettre trois ou quatre fois par siècle, après tout.
Le grain de folie qui couve toujours au fond de la petite cervelle frivole et hurluberlue de la déesse de la mode, va donc faire des siennes. Conservant encore pour un temps les gracieuses façons Pompadour et Watteau, la mode va se rattraper sur les coiffures et prendre pour champ d'exercice de ses caprices les plus fous, pour théâtre de ses plus incroyables fantaisies la tête de la femme, qu'elle va charger, arranger, surcharger des plus folles inventions, sous prétexte de l'embellir, qu'elle—transformera 152 en paysage champêtre ou même maritime, qu'elle empanachera et rehaussera fabuleusement, sur laquelle elle bâtira des édifices et ira même jusqu'à faire promener de petits bonshommes ou de petites bonnes femmes, des poupées de carton.
Paris alors pullulera de coiffeurs de génie, les Legros et les Léonard, Raphaëls et Rubens, ou plutôt Soufflots de la coiffure, qui tiendront des académies pour enseigner les principes de leur architecture capillaire; qui lutteront à qui trouvera, pour orner les têtes aristocratiques, le comble du ridicule et qui le trouveront plusieurs fois.
Les perruquiers avaient eu déjà leurs jours de gloire au grand siècle, avec les majestueuses perruques des hommes; devenus maintenant les Académiciens de la coiffure, ils vont triompher de nouveau, mais aux dépens de la grâce féminine.
Voyons la femme à sa toilette, se préparant pour les visites ou pour la sortie aux Tuileries, à l'heure du beau monde. C'est l'affaire importante de la journée, ce petit travail de laboratoire 153 où l'art et la fantaisie accommodent la beauté toute simple au goût du jour. Cette heure de la toilette après le petit lever, Lancret, Baudoin et tous les peintres galants ou élégants du siècle, l'ont célébrée avec toutes les coquetteries de leur pinceau charmeur, et les caricaturistes ne se sont pas privés d'en sourire.
Dans le cabinet de toilette aux boiseries blanches, moulurées et sculptées dans le style rocaille, devant son miroir au cadre contourné, Madame a été habillée par ses suivantes, femmes de chambre ou soubrettes; elle a pu à son petit lever donner audience à ses galants et à ses modistes, au marquis et au financier, au poète qui célèbre ses charmes dans l'Almanach des Muses, au déluré chevalier et au galant abbé de Cour à petit collet.
—«Qu'en dit l'abbé?» L'abbé a du goût et ses avis sur tout ce qui touche aux fantaisies de la mode sont précieux.
Mais tout ce monde frivole a été renvoyé, c'est maintenant l'heure du coiffeur, le moment sérieux de la journée, le seul moment vraiment important.
L'artiste a besoin d'être seul pour ne pas effaroucher l'inspiration, et d'ailleurs l'œuvre est longue, difficile et demande tant de préparatifs et de soins pour être menée à bien! Une ou deux femmes de chambre qui le comprennent à demi-mot et lui passent tout ce qui lui est nécessaire lorsqu'il est dans le feu de la composition, c'est tout ce qu'il peut tolérer autour de lui.
Suivant le rang de la dame, c'est le grand artiste à la mode, venu en carrosse, courant d'hôtel en hôtel dans le noble faubourg, attendu aux Tuileries ou chez quelque princesse, ou bien c'est l'un de ses élèves qui opère, en frac et manchettes de dentelles et l'épée au côté.
L'inspiration vient, et sous les doigts, sous le peigne, sous le fer à friser de l'artiste, les plus étranges monuments de boucles naturelles, adroitement mélangées à d'énormes quantités de tresses rapportées, s'élèvent, se roulent en volutes, s'étagent, se superposent en coques, tapés, marrons, frisures, barrières, dragonnes, béquilles, etc.
Pendant vingt ans, c'est un défilé d'architectures étranges sous prétexte de coiffures. La folie a élu domicile sur la tête des dames. On peut citer, parmi les plus extravagantes inventions, les coiffures à la Quesaco, les coiffures à la Monte-au-ciel dont le nom indique assez les proportions, la coiffure à la Comète, le hérisson à quatre boucles inventé par Marie-Antoinette qui porta jusqu'à l'exagération de l'exagération l'empanachement des coiffures, le parterre galant, le chapeau en berceau d'amour, à la novice de Cythère...
Il y avait aussi les poufs, coiffures abracadabrantes, le pouf au sentiment, assemblage absurde de fleurs et de verdures poussées sur une haute colline chevelue, avec des oiseaux sur les branches, des papillons et des amours de carton voltigeant dans ce bocage ridicule; le pouf à la chancelière, le pouf à droite, le pouf à gauche.
Le pouf au sentiment donne toute latitude possible aux combinaisons et à l'étalage des affections et des goûts, ne voit-on pas la duchesse de Chartres, mère du roi Louis-Philippe, 156 porter sur son pouf un petit musée de figurines: son fils aîné dans les bras de sa nourrice, un petit nègre, un perroquet becquetant une cerise et des dessins exécutés avec les cheveux de ses parents les plus chers.
Après la coiffure jardin, on trouve la coiffure dite cascade de Saint-Cloud, avec une cascade 158 de boucles poudrées tombant du sommet de la tête, la coiffure potager montrant quelques bottes de légumes accrochées aux frisons, la coiffure agreste, les paysages montrant une colline avec des moulins qui tournent, une prairie traversée par un ruisseau argenté avec une bergère gardant ses moutons, des montagnes, une forêt avec un chasseur et un chien faisant lever du gibier.
Puis viennent la coiffure au Colysée, à la candeur, aux clochettes, au mirliton,—la laitière, la baigneuse, la marmotte, la paysanne, le fichu, l'orientale, la circassienne,—le casque à la Minerve, le croissant, le bandeau d'amour,—le chapeau à l'énigme, au désir de plaire, la calèche retroussée, l'économe du siècle, la Vénus pèlerine, la baigneuse à la frivolité, etc., les frisures en sentiments soutenus et en sentiments repliés...
Les grandes coiffures d'apparat, fleuries, enguirlandées, empanachées, immenses et très lourds échafaudages, tenaient une telle place que les dames étaient forcées, dans les carosses où déjà elles avaient tant de peine à 159 caser leurs paniers, de tenir la tête penchée de côté ou même de rester agenouillées.
Des caricatures représentent les dames ainsi coiffées, dans des chaises à porteurs dont le couvercle a été enlevé pour laisser passer le sommet, blanc comme une Alpe, de la gigantesque coiffure.
La plus étonnante de toutes ces grandes coiffures fut celle dite à la Belle-Poule, en l'honneur de la victoire remportée en 1778, par la frégate la Belle-Poule sur le navire anglais l'Aréthuse. Sous la masse des cheveux arrangés en grandes vagues, une frégate de belle taille, avec tous ses mâts, ses vergues, ses canons et ses petits matelots, naviguait toutes voiles dehors. Après avoir composé ce chef-d'œuvre, Léonard ou Dagé pouvaient se pendre, ils ne trouveraient jamais mieux.
Ce fut donc vraiment jusqu'en 89, un défilé d'inventions ridicules sur les têtes féminines. La plus haute donnait l'exemple. Hélas! elles devaient expier! La tête avait péché, la tête paya. Et si la plus haute tomba, ce fut justement par la faute de celui qui pendant les 160 heureuses années avait prodigué pour elle les inventions excentriques.
Léonard, l'illustrissime coiffeur de la reine, était du voyage de Varennes. En ces jours terribles, dans le grand naufrage de la monarchie, que songe-t-on à sauver? L'indispensable Léonard! Et cette faiblesse dernière tourna mal pour la pauvre reine, car ce serait, dit-on, sur un 161 renseignement erroné donné très innocemment par Léonard parti en avant, à un détachement des troupes du marquis de Bouillé, que le secours manqua à la famille royale arrêtée à Varennes.
... Quand l'élégante était coiffée, quand elle avait, en s'abritant la figure dans un grand cornet de papier, été convenablement saupoudrée 162 d'une couche épaisse de poudre—mode étrange qui depuis le commencement du siècle mettait la neige des ans sur tous les fronts, qui recouvrait des mêmes frimas toutes les têtes masculines et féminines—quand elle avait sur les joues une forte teinte de rouge, contrastant durement avec le blanc de la chevelure,—le rouge c'est la loi et les prophètes, avait dit Mme de Sévigné,—il n'y avait plus, pour que l'élégante fût irrésistible, qu'à placer les mouches destinées à relever certains détails de physionomie, à donner du piquant à l'expression.
Ces mouches que les femmes s'étudiaient à placer de la façon la plus avantageuse pour leur genre de beauté particulier, portaient suivant leur place les noms amusants que voici:
La majestueuse se pose sur le front et l'enjouée dans le coin de la bouche; sur les lèvres des brunes, c'est la friponne; sur le nez l'effrontée, légèrement comique; au milieu de la joue la galante, près de l'œil cette mouche qui fait le regard à volonté languissant ou passionné, c'est l'assassine, sans compter les fantaisies, 163 les mouches en croissant, en étoile, en comète, en cœur...
Mais voici les derniers jours d'un monde qui va s'effondrer, d'une société qui va disparaître dans une soudaine catastrophe.
Dès 1785, l'ancien régime est atteint, la révolution est faite... dans les toilettes!
C'est une révolution complète, venue presque sans transition, le galant costume XVIIIe siècle est abandonné pour une série d'inventions nouvelles donnant des lignes tout à fait différentes.
Adieu paniers, vendanges sont faites. Les immenses paniers sont décédés, on a commencé par les remplacer par les paniers dits à coude, consistant en un simple renflement sur lequel on pouvait appuyer les coudes et par deux petits jupons rembourrés appelés bêtises portés sur les côtés et par un troisième placé tout à fait derrière et très crûment dénommé. Puis on les a rejetés complètement, et les femmes en jupes presque plates se sont acheminées peu à peu vers la robe fourreau et le trop simple appareil de la Révolution.
Marie-Antoinette fermière de Trianon, amène un peu de paysannerie dans
les modes, de la paysannerie d'opéra-comique, de la bergerie à la
Florian ou au Devin du Village. On voit apparaître les chapeaux de
paille, les tabliers, les caracos, les casaquins.
Léonard régnant sur les têtes et les gouvernant à sa fantaisie, pour le reste, l'arbitre du goût à la cour de Marie-Antoinette, c'est Mlle Rose Bertin, la grande marchande de 165 modes de la reine, celle qu'on appelle son ministre des modes.
Rose Bertin ordonne et décrète, elle invente et elle compose, les femmes crient merveille à tout ce qui sort de ses mains, et les maris se plaignent de l'immensité de ses mémoires... comme toujours.
Vers 1780, la mode tourne et cherche des 166 façons de robes nouvelles. On invente les robes polonaises et les robes circassiennes qui n'ont rien de polonais ni de circassien, des robes courtes d'abord, avec des relevés sur des paniers, puis de longues robes de dessus flottantes.
La tendance aux modes négligées va bientôt s'accentuant, on voit paraître les robes lévites qui sont l'occasion d'un scandale au jardin du Luxembourg; une comtesse se promène avec une lévite à queue de singe, c'est-à-dire à queue bizarrement coupée et tortillée, elle est suivie par une foule moqueuse, et il faut pour la dégager faire avancer la garde.
Après les lévites viennent les robes négligentes et demi-négligentes, les robes en chemise, les baigneuses et les déshabillés.
Pour ces toilettes déjà si singulièrement baptisées, les couleurs à la mode sont:
Couleurs queue de serin, cuisse de nymphe émue, carmélite.
Couleurs au Dauphin.
Couleurs de gens nouvellement arrivés.
Couleurs vive Bergère et Vert pomme.
Couleur soupir étouffé.
Une puce s'étant égarée à la cour,—la garde qui veille à la porte du Louvre n'en préserve pas l'épiderme des reines,—on a la série des couleurs puce: Ventre de puce, dos de puce, 168 cuisse de puce, vieille puce, jeune puce, etc.
Ces couleurs puce font soudainement place à une autre couleur également née à la cour et plus gracieusement dénommée; c'est la couleur cheveu de la Reine, appellation trouvée par le comte d'Artois. Immédiatement toutes les étoffes doivent être couleur cheveu de la Reine.
L'amazone, le costume féminin pour la promenade à cheval n'était pas au XVIIIe siècle l'uniforme noir et lugubre infligé par le goût moderne avec l'affreux chapeau de haute forme pour complément et aggravation, aux élégantes de nos jours.
Moreau le jeune qui, dans la suite d'estampes du Monument du costume, a fait passer toute la belle société de son temps, vue au milieu de ses fêtes, de ses cérémonies et de ses plaisirs, au salon et au boudoir, au château, à la Cour, à l'Opéra et au bois de Boulogne, a dessiné les élégantes de 1780, en tenue de cheval, avec les longues jupes et les ceintures, les redingotes anglaises ou les petites vestes, les grands chapeaux à plumes ombrageant les catogans poudrés.
Elles étaient charmantes, et multicolores et variées, ces amazones XVIIIe siècle, et certes, la foule dans l'avenue des Champs-Elysées ne présentait pas alors le sombre aspect qu'elle garde aujourd'hui, même aux plus beaux jours de printemps.
Les dernières années de la monarchie voient, comme une revanche de la guerre d'Amérique, l'invasion des modes britanniques. Les formes 170 sont bien nouvelles et tranchent complètement dans l'ensemble comme dans tous les détails des modes précédentes.
La toilette a des airs sans façon ou un cachet anglais tout à fait nouveau régime. On porte des vestes, des corsages à basques ouvrant sur des gilets, des fracs à gros boutons ou à lacets, et des redingotes à grands revers et triples collets, serrées à la taille et tombant très bas par derrière. Les boutons énormes et voyants de ces vestes et de ces redingotes sont en métal de toutes les formes possibles et quelquefois illustrés de peintures; il en existe de curieux échantillons dans les collections.
Les élégantes, comme les hommes à la mode, portent deux montres avec deux longues breloques tombant du gilet, elles ont des gilets, des cravates, des catogans et des cadenettes comme les hommes, elles portent de grandes cannes comme les hommes. Il est vrai que les hommes prennent bien le gros manchon à l'occasion.
Et des fichus!... Toutes les femmes en portent avec toutes les toilettes, d'immenses 171 fichus faisant au-dessus de la taille très longue et horriblement serrée, un gonflement de poitrine invraisemblable.
Ces toilettes arborent toutes les couleurs de 172 l'arc-en-ciel les plus fraîches et les plus vives ou les plus bizarres; ce sont des satins, des taffetas, des draps citron, rose, vert pomme, jaune serin, des gourgourans changeants, des mousselines de tous les tons, unies ou rayées. Les rayures ont un immense succès en 1787 sur le dos des élégantes et sur celui des élégants. Pendant l'été de cette année-là, hommes, femmes et enfants, tout le monde est en toilettes rayées.
La coiffure aussi est révolutionnée, c'est déjà la coiffure comme le XIXe siècle va la comprendre, c'est la naissance du chapeau moderne.
Les femmes sont toujours poudrées, elles ont toujours sur la tête une immense quantité de cheveux arrangés en énormes perruques floconnantes autour de la figure, dans le genre de la perruque masculine, avec de grandes boucles tombant de chaque côté du corsage et dans le dos, ou, comme les hommes, un gros catogan par derrière.
Les chapeaux sont de formes et de dimensions extraordinaires; bords immenses, fonds énormes avec d'extravagantes accumulations de garnitures. On ne se met plus une frégate, 173 toutes voiles dehors, sur la tête, mais on se coiffe d'une espèce de galiote renversée, mise de travers et assez large pour servir de parapluie à l'occasion. On porte le chapeau bonnette et le demi-bonnette, un peu moins large mais aussi haut, garni de nœuds de rubans, de ruchés et de bouquets de plumes de coq, le chapeau turban, haut bonnet de janissaire rayé, 174 avec écharpe de gaze et panache de plumes, le chapeau à la Caisse d'escompte, c'est-à-dire sans fonds, en panier percé comme cette caisse, le chapeau Cardinal sur la paille après l'affaire du Collier, chapeau en paille bordé d'un ruban rouge cardinal, le grandissime chapeau à la Tarare, le chapeau à la Basile inventé après le grand succès de Beaumarchais avec bien d'autres modes à la Figaro, le chapeau à la veuve du Malabar, les bonnets à la Montgolfier, au Globe fixé, au ballon, au moment des premières expériences aérostatiques, puis le bonnet aux trois ordres qui commence à la réunion des États généraux le grand défilé des modes révolutionnaires...
Mais dans ce dix-huitième siècle qui va finir si lugubrement, à côté des belles de la cour et de la ville, des dames plus ou moins grandes, car il y a déjà le demi-monde, les danseuses illustres et les courtisanes célèbres, à côté des reines de la mode qui vont à Longchamps accompagnées d'un heiduque à turban pour porter leur parasol, précédées d'un coureur en maillot et bonnet à plume, la grande canne à 175 la main, à côté des élégantes empanachées qui suivent toutes les fantaisies de la capricieuse fée aux chiffons, il y a les adorables petites bourgeoises que l'on retrouve dans les vieux portraits et dans les petits mémoires, charmantes et tendres figures qui ne s'entourent pas, comme les autres, du même nuage de plumes et de dentelles, qui restent dans une note plus 176 discrète, suivant la mode un peu de côté et conservant mieux les vieilles traditions et les vieux atours.
A elles les jolies petites coiffes si différentes des pyramides de cheveux et de colifichets à la Léonard, ces coiffes bien plus seyantes que l'on recouvre, pour sortir, d'un capuchon retenu par un fil de laiton, à elles les robes de coupe plus modeste et les petits paniers moins surchargés que les paniers à falbalas de vingt pieds de circonférence.
Jolies petites bourgeoises qui ont conservé dans un siècle licencieux l'honnêteté des bonnes vieilles mœurs, existences plus calmes se déroulant dans un cercle étroit d'occupations familiales et de plaisirs simples, allant tout doucement du sermon du dimanche à la paroisse,—aux réunions sans façon et aux bonnes parties champêtres.
C'est un monde qui s'en va finir aussi, dans la grande fusion et confusion des classes, au fond de la chaudière révolutionnaire, dans la révolution politique et ensuite dans la révolution industrielle et scientifique, bouleversement 177 énorme qui aboutira pour tous à la vie fiévreuse et haletante de notre siècle.
En attendant, sans se douter des temps difficiles qu'il va falloir passer, sans voir l'effrayant nuage de sang qui monte à l'horizon, la petite bourgeoise gaie et insouciante dans son petit salon blanc, fredonne à son clavecin quelque joli petit air bien tendre, et bien différent de nos compliqués logarithmes musicaux.
Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
Chagrin d'amour dure toute la vie.
Modes dites à la Bastille.—Modes révolutionnaires.—Notre-Dame de Thermidor.—Incroyables et merveilleuses.—L'antiquité à Paris.—Athéniennes et Romaines.—Une livre de vêtements.—Tuniques diaphanes.—Maillots, bracelets et cothurnes.—Le réticule ou ridicule.—Le bal des Victimes.—Perruques blondes et oreilles de chien.—A la Titus.—Les robes-fourreau.—Petits bonnets et Chapeaux-Shakos.—Les turbans.
L'ouragan qui devait pendant vingt-cinq ans rouler comme un cyclone sur notre vieille Europe, souffle déjà sur Paris où il s'est formé. 179 Il bouscule, il abat, il broie. Comme un château de cartes ou une Bastille, la monarchie séculaire va s'écrouler sur les décombres de la vieille société.
Et pendant ce temps, pendant que l'émeute ensanglante la rue fiévreuse, que les tueurs promènent de pâles têtes coupées fichées au bout des piques, pendant qu'à l'Assemblée ou à la Commune, les nouveaux maîtres de la France décident tumultueusement du sort des millions d'hommes que la guerre va jeter les uns sur les autres, pendant que déjà, dans l'aube sinistre, se dresse sur son peuple, toute rouge, ses deux bras levés tenant le glaive, la nouvelle reine, la Guillotine,—la mode imperturbable songe à des combinaisons nouvelles, elle modifie des jupes, elle arrange des corsages, elle chiffonne des rubans d'une façon inédite, elle a les inventions les plus fraîches et les plus charmantes, elle lance des toilettes idylliques d'une exquise nouveauté; à une nation nouvelle ne faut-il pas des costumes nouveaux?
Le mouvement commencé dès les dernières 180 années tranquilles de Louis XVI, s'accélère et s'accentue. La mode est sur une voie nouvelle, et peu à peu disparaissent tous les caractères du costume d'antan, de l'ancien régime, comme on dit.
Dans la fameuse estampe de Debucourt, la Promenade publique, donnant la vision multicolore d'une foule élégante des premières années de la Révolution, dans cette charmante réunion de petites maîtresses et de muscadins qui ne semblent guère songer au grand drame, que reste-t-il des costumes et des modes du siècle? De la poudre, quelques tricornes sur des têtes de vieux bourgeois retardataires et c'est tout.
Les femmes ont un aspect tout à fait nouveau. Les modes anglaises ont prédominé d'abord, c'est-à-dire les vestes et les redingotes d'amazones, puis les robes se sont simplifiées comme façon et comme étoffes.
Les temps deviennent durs, adieu les riches tissus, les soies et les satins, adieu les falbalas coûteux de jadis! La toile de Jouy, l'indienne et le linon remplacent la soie et les 181 couturières s'en tiennent aux formes droites avec très peu d'ornements et d'accessoires. On voit des corsages de linon forme chemise laissant les bras nus à partir du coude, des jupes toutes simples, presque plates, qui se portent avec des ceintures à longs rubans flottants. Pour relever cette extrême simplicité on a les rubans aux couleurs nationales, les trophées et les attributs révolutionnaires imprimés sur l'étoffe ou quelque maigre ruché ajouté au bas des jupes.
On continue à porter beaucoup de fichus de 182 mousseline, et, pour les grandes occasions, la toilette se complète avec des bouquets de fleurs tricolores portés à gauche sur le cœur, des bijoux patriotiques, médaillons de cou, boucles de ceintures, d'acier ou de cuivre, cocardes, boucles d'oreilles, boutons à la Bastille, au Tiers-Etat, à la constitution, etc. Pendant un temps tout est à la Bastille, jusqu'aux chapeaux.
Les grands chapeaux, en cône démesuré, à très larges bords et surchargés de rubans, après avoir essayé de tenir quelque temps, ont disparu; il n'y a bientôt plus que des bonnets, des bonnets à grande coiffe bouillonnée enrubannés aussi, des bonnets ressemblant quelque peu à des coiffures du pays de Caux, et surtout des bonnets dits à la paysanne ou à la laitière, la jolie coiffe à grandes barbes de dentelle que nous appelons aujourd'hui bonnet Charlotte Corday, piquée d'une large cocarde tricolore.
Presque plus de poudre blanche,—on va en consommer tant de noire—on porte tous ses cheveux au naturel, avec un peu de supplément 183 aussi car la vogue des perruques blondes commence.
Mais bientôt la tempête se déchaîne tout à fait, c'est la Terreur. Peut-il être encore question de frivolités luxueuses et de modes? Les rangs des élégantes s'éclaircissent, elles sont à l'Abbaye, à la Force, dans cent prisons, ou à Coblentz,—elles se cachent ou elles sont mortes.
L'extrême simplicité que chacun affecte dans sa mise par prudence ou garde par découragement, ne suffit pas toujours à préserver de ce titre de suspect ou de suspecte qui donne des droits immédiats à l'échafaud.
Talleyrand a dit qu'ils ne connaissaient pas la douceur de vivre, ceux-là qui n'avaient pas vécu dans la vieille société d'autrefois. En 93, le problème est de vivre, n'importe comment, caché dans un trou de souris, s'il le faut. La Loi sous ce doux règne de Liberté, ordonne que dans chaque maison une pancarte placardée porte les noms et prénoms de tous les habitants et même l'âge, dure contrainte. Que de braves gens qui ont connu des jours heureux et brillants essayent dans quelque rue tranquille, au fond d'un appartement silencieux, d'oublier l'orage qui gronde et le tumulte des rues et les horribles clameurs des clubs et des journaux.
Cependant un petit groupe s'obstine à tenir haut et ferme devant les sans-culottes le drapeau de l'élégance; des vaillants et des vaillantes montrent encore au Palais-Royal, sur les boulevards, aux promenades, dans les 185 théâtres qui persistent à jouer, des toilettes élégantes et bravent les citoyens en carmagnole et bonnet rouge, et les mégères tricoteuses de la guillotine, mais à quels risques!
La mode n'ose plus lutter, la pauvrette a caché sa tête sous son aile et regarde éperdument le ciel, espérant toujours quelque éclaircie.
La guillotine fonctionne toujours, s'interrompant seulement de temps à autre pour quelque fête idyllique, fête de l'Être suprême, fête de l'agriculture ou de la vieillesse, avec théories de jeunes filles en blanc, déesses de la Liberté, chœur d'adolescents et de vieillards; pastorales charmantes, spectacles qui émeuvent doucement le cœur du bon Marat et du sensible Robespierre. On a jeté du sable sur le sang, le lendemain le ruisseau rouge recommence à couler. 9 thermidor! Pour les beaux yeux de la citoyenne Thérèse Cabarrus, astre qui va se lever, Tallien a bravé la mort suspendue sur toutes les têtes. Il a jeté bas Robespierre et l'a poussé à son tour dans les bras impassibles de la déesse Guillotine!
Mme Tallien devient Notre-Dame de Thermidor, celle qui sauve par la souveraine puissance de la beauté!
Un immense soupir de soulagement passa sur la France et immédiatement les élégances comprimées et terrorisées sortirent de terre, avec le luxe, avec la frivolité, la folie même, avec la joie, le rire, dont on semblait avoir un besoin furieux après tant de sang et tant de larmes.
Les incroyables et les merveilleuses qui s'étaient déjà montrés avant la Terreur remplissent soudain les promenades et les boulevards, et la mode, à qui le régime de Robespierre a sans doute tourné la tête, toute pâle encore de son émotion, se livre tout de suite à mille extravagances.
Tandis que les incroyables si bien nommés, les muscadins de la jeunesse dorée, avec leurs habits à grands collets, leurs immenses cravates et leurs gourdins si nécessaires contre les Jacobins et les sectionnaires terroristes, cherchaient leurs inspirations dans l'imitation des modes anglaises, les merveilleuses se 187 vouaient toutes à l'antiquité. Pendant quelques années, plus de Parisiennes, rien que des Grecques et des Romaines.
Robes étroites sans taille, simples fourreaux serrés sur le sein même par une ceinture, courts par devant pour laisser voir le pied, un peu traînants par derrière, tel est le vêtement des merveilleuses. On ne connaît plus que l'antiquité. C'est un recommencement.
Dans ce passage sombre de la Terreur on a oublié la pudeur. Ces robes à l'athénienne ne sont que de simples deuxièmes chemises,—ce qui pourrait passer, n'étaient les bijoux, pour un symbole de la pauvreté de ces temps de ruine où le louis d'or valait huit cents livres en assignats,—ce sont des tuniques d'un linon transparent, qui plaquent sur le corps de la femme au moindre mouvement.
De plus les tuniques diaphanes des grandes élégantes ne sont-elles pas fendues sur les côtés à partir des hanches.
Notre Dame de Thermidor, Thérèse Cabarrus devenue la citoyenne Tallien, est la Reine de la Mode, elle se montre à Frascati, ainsi vêtue 188 ou plutôt dévêtue, sa robe à l'athénienne fendue latéralement laissant voir ses jambes dans un maillot couleur chair, avec des cercles d'or à la place des jarretières et des cothurnes à l'antique et des bagues à chaque doigt de ses pieds de statue.
Dans les salons, dans les jardins d'été, aux promenades, ce ne sont plus que robes à l'antique ouvertes en haut comme en bas, portées avec chemises à la carthaginoise ou même sans chemise du tout, sandales et cothurnes attachés par des bandelettes rouges, cercles d'or enrichis de pierres précieuses, arrangements de tuniques et peplums, corsets-ceintures hauts de deux doigts seulement sous le sein et ornés de brillants.
Les robes en voltigeant laissent voir les jambes ou même, quand elles ne sont pas ouvertes sur le côté, se relèvent au-dessus du genou au moyen d'un camée en agrafe et montrent franchement la jambe gauche.
Très peu de manches, un simple bourrelet à l'épaule, ou même pas de manches du tout; des camées rattachent les épaulettes de la 189 robe, des bracelets nombreux habillent le bras.
Comme il était impossible d'adapter des poches à ces tuniques si légères, à ces voiles si minces, les dames avaient adopté l'usage de la balantine ou du réticule, nom ancien que l'on prononça tout de suite ridicule—d'un petit sac orné de paillettes ou de broderie, 190 ayant surtout la forme d'une petite sabretache de hussard, qu'elles portaient à la main pour mettre leur bourse ou leur mouchoir.
Le bibliophile Jacob raconte que dans un salon de la Mode sous le Directoire, comme on se pâmait d'admiration devant un de ces costumes d'un goût si réellement antique qu'il n'y avait plus rien au delà, sinon les modes du Paradis terrestre, la merveilleuse qui le portait paria qu'il ne pesait pas deux livres. La preuve fut faite, la dame passa dans un petit boudoir et son costume tout entier, pesé avec les bijoux, ne dépassa pas de beaucoup le poids d'une livre.
Cette dame vêtue à l'athénienne pouvait se croire même très habillée, car d'autres trouvèrent le moyen de l'être encore moins et poussèrent l'audace jusqu'à oser s'exhiber, ce qui est le mot, dans le costume dit à la Sauvagesse. Ce costume à la sauvagesse était encore plus simple puisqu'il ne se composait que d'une chemise de gaze et d'un pantalon-maillot rose orné de cerclés d'or.
Des femmes se promenèrent aux Champs-Elysées 191 dans des fourreaux d'une transparence presque absolue, ou même avec les seins complètement nus, et ces femmes n'étaient nullement des hétaïres quelconques, mais des femmes du monde officiel d'alors, des amies de Joséphine de Beauharnais!
Inconscience plutôt qu'impudeur, accès de folie, le délire des plaisirs après la folie furieuse et le délire du sang!
Ces merveilleuses qui avaient bravé la guillotine bravaient la maladie. Pleurésies et fluxions de poitrine frappaient pourtant ces folles élégantes au sortir des bals et des salons, quand après la danse elles partaient à peine couvertes dans le froid de la nuit, par-dessus leur quasi-nudité, d'un mince fichu ou d'un schall large comme une écharpe.
Ces merveilleuses demi-nues qui prenaient leurs modes à Athènes copiaient aussi leurs coiffures sur celles des statues grecques et portaient les cheveux frisottés dans un réseau, les tresses et les nattes piquées de bijoux. Mais la vogue fut surtout pour les perruques blondes. Mme Tallien en avait jusqu'à trente, 192 de toutes les nuances du blond. Ces perruques blondes, légèrement poudrées, les Jacobins les avaient abhorrées et proscrites; après thermidor elles triomphaient et devenaient le symbole de sentiments contre-révolutionnaires.
Les coiffures à la victime ou à la sacrifiée eurent aussi leur temps de succès, on relevait les cheveux par derrière et on les ramenait en mèches folles sur le front; cette coiffure de guillotine, complétée par un terrifiant ruban rouge autour du cou, par un châle également rouge jeté sur les épaules, était indispensable pour se rendre au fameux et macabre Bal des Victimes, dont l'entrée n'était permise qu'aux danseurs ou aux danseuses pouvant justifier d'un ascendant ou de quelques proches parents morts sur les échafauds de la Terreur.
Paole d'honneu victimée, ces dames sont déliantes! disent les incroyables à chaque nouvelle invention plus délicieuse et plus antique des couturières à la mode, Mme Nancy et Mme Raimbaut, qui sont des modistes très érudites et très artistes, qui se font aider par les sculpteurs pour trouver des manières de se 193 draper toujours plus grecques et des plis encore plus romains.
Les modes romaines un peu moins légères ont été adoptées par les dames que la trop grande transparence des tuniques à la Flore ou à la Diane effraie un peu.
Les robes à la romaine sont portées par les dames du monde officiel qui se croient tenues à un peu de réserve, mais les deux mondes fusionnent. Athéniennes légères et frivoles, débris de l'ancienne société et parvenus de la nouvelle, fournisseurs des armées ou spéculateurs 194 subitement enrichis, muscadins et muscadines, victimes et bourreaux, jeunesse dorée, armée, politique, finances, tout cela forme, après la grande secousse, le plus incroyable des mélanges, et tout cela, malgré les misères présentes, l'avenir incertain, s'agite dans l'épanouissement du bonheur de vivre après la grande tuerie.
Soudain la mode a décrété la fin des perruques blondes et la coiffure à la Titus obligatoire pour toutes les élégantes; les belles du Directoire rejettent ces épaisses perruques et sacrifient aussi leur chevelure personnelle. Presque plus de cheveux ou le moins possible!
«La coiffure à la Titus, dit la Mésangère dans le Bon Genre, moniteur officiel de la mode, consiste à se faire couper les cheveux près de la racine pour rendre à la tige sa raideur naturelle qui la fait croître dans une direction perpendiculaire.» Merveilleuses et muscadins sont tous coiffés à la Titus, tous tondus avec quelques mèches très longues en désordre sur le front.
Il y a encore un autre type de Merveilleuse 195 du Directoire, c'est la Merveilleuse à la Carle Vernet, légèrement vêtue encore, se serrant dans un mince jupon plaquant de couleur fifi pâle effarouché, mais portant au-dessus d'un corsage si petit qu'il est invisible, au-dessus des seins nus, le cou engoncé dans les plis et replis d'une formidable cravate, tout comme son pendant l'élégant Muscadin, et sous son grand chapeau à plumes, la figure encadrée comme la sienne de longues mèches pendantes en oreilles de chien.
C'est ainsi qu'à l'aurore de notre siècle sont habillées et coiffées les élégantes. Pendant le Consulat et les premières années de l'Empire, elles vont rester les Merveilleuses, un peu,—oh, pas beaucoup,—plus vêtues que sous le Directoire.
Ce sont toujours les mêmes robes, souvent transparentes, le décolletage règne souverainement malgré les saisons. Les femmes d'alors vont poitrine décolletée et bras nus dans la rue comme celles d'aujourd'hui au bal. C'est leur champ de bataille. Pour lutter contre le froid elles ont les écharpes, les châles,—le commencement 196 des fameux cachemires qui jouent un si grand rôle dans la première moitié de notre siècle. On a inventé des vêtements particuliers, comme la petite veste de hussard qui vers l'an VIII se passe par-dessus le corsage décolleté et encadre les épaules de sa fourrure, ou le spencer, autre veste bien moins gracieuse.
Les célèbres portraits de Joséphine de Beauharnais par David, et de Mme Récamier par Gérard, allongées sur des lits de repos à l'antique, nous montrent deux belles Romaines du temps des empereurs, plutôt que des Françaises d'il n'y a pas cent ans. Elles étaient pourtant habillées ainsi, les élégantes des salons du Directoire, les belles Parisiennes qui faisaient cercle autour de Garat chantant ses romances, ou qui dansaient avec le beau Trénitz la gavotte ou la «walse» alors dans toute sa nouveauté.
Voilà que les coiffures à la Titus ne sont plus de mode en 1803 ou 1804, c'est vieux, c'est province. Et les cheveux qui ne se sont pas empressés de repousser immédiatement après le changement de goût! Les dames regrettent leurs belles tresses blondes, brunes ou rousses et sont bien forcées de recourir aux tours de tête et aux postiches pour montrer de nouveau de grandes boucles ou pour s'arranger des grands chignons étrusques avec nattes enroulées.
C'est un vilain moment qui commence pour 198 le costume féminin, il semble que la mode, conquise elle aussi, ait gardé toute son imagination gracieuse pour habiller magnifiquement, arranger, soutacher, broder, passementer, empanacher, dorer les innombrables escadrons que S. M. l'Empereur et Roi allait faire galoper et tournoyer d'un bout de l'Europe à l'autre, les superbes sabreurs lancés sur les canons et les baïonnettes de tous les peuples réunis.
Salons de Frascati, jardins de Tivoli qui avez vu défiler les belles du Directoire si hardiment déshabillées dans leurs tuniques flottantes et transparentes, dans leurs fantaisies athéniennes si osées, que dites-vous des toilettes que vous voyez porter aujourd'hui à ces mêmes femmes ou à leurs sœurs cadettes, que pensez-vous de ces sacs disgracieux qu'elles appellent des robes, de ces fourreaux ridicules, de ces chapeaux en abat-jour, de ces visières en capote de cabriolet?
Les modes masculines ne sont pas plus jolies. Que ceux qui ne veulent pas consentir à les porter s'engagent dans les hussards! Les 199 costumes des hommes sont laids déjà, comme ils vont l'être de plus en plus dans le courant du siècle.
Mais les femmes! voici une élégante de 1810:
La jupe d'abord,—il y a si peu de corsage que la jupe est à peu près tout le costume,—la jupe de percale ou d'étoffe assez commune commence sous les bras et tombe d'une façon 200 inélégante jusqu'au bout des pieds, ou bien s'arrête assez haut au-dessus des bottines. Quelques plissés, quatre ou cinq rangs de garnitures découpées en dents de scie, quelques volants étagés ornent assez gauchement le bas de ces jupes.
Presque pas de corsage, la ceinture bride le sein; la robe n'a pas de manches, les bras sont nus sauf deux gros bourrelets aux épaules, les épaules sont décolletées. On porte des canezous brodés ou bien de grandes collerettes à plusieurs rangées de plis tuyautés. C'est la seule chose assez gracieuse de la toilette, encore arrange-t-on souvent ces collerettes d'une assez lourde façon, pour engoncer plutôt que pour orner.
Quant aux chapeaux, ils sont bien souvent ridicules. Comme toutes les idées sont tournées vers l'armée et la guerre, les dames, sur ces toilettes assez baroques, arborent quelquefois des espèces de casques empanachés et enguirlandés, de grands chapeaux en forme de shakos; on voit même de vrais casques, dits à la Clorinde qui ont l'intention de rappeler les casques des chevaliers des Croisades.
Un moment la mode est aux petits bonnets, des petits serre-têtes d'enfants ornés de dentelles qui donnent aux dames des airs naïvement enfantins, mais le triomphe de l'époque ce sont les grands chapeaux cabriolets, les capotes énormes qui s'allongent démesurément en avant de la figure enfoncée et dissimulée au plus profond de l'armature. Quelquefois ces capotes en cabriolet se compliquent d'un grand tube de haute forme, plus haut que le plus haut de tous les shakos des armées de sa Majesté.
Et pour qu'elles trouvent le moyen d'être gracieuses quand même là-dessous et d'être adorées par tous les étincelants officiers qui s'en viennent, entre deux victorieuses campagnes, brûler rapidement leurs cœurs à la flamme de leurs yeux, il faut que les femmes soient vraiment jolies.
Pour les bals et soirées, dans les salons où papillonnent les beaux officiers à côté des civils rejetés dans l'ombre, les femmes qui n'ont pas les allures triomphantes des Merveilleuses de la période précédente, mais qui au contraire, sous le regard des guerriers empanachés, prennent des allures de colombes timides, les belles ont des jupes extrêmement courtes ornées de bouquets de fleurs et laissant voir le bas de la jambe et le cothurne, non plus le cothurne antique de la belle Tallien, mais un cothurne soulier, attaché aussi par des cordons sur la cheville.
Ces belles de l'Empire, ces rêveuses Malvinas en robes sacs, qui songent aux beaux guerriers chargeant là-bas de l'autre côté du Rhin, se coiffent avec leurs tresses massées en casques, ou bien à la Chinoise, tous les cheveux tirés en l'air.
Les beautés sérieuses prennent le turban des Turcs. On connaît le célèbre portrait de Mme de Stael enturbannée, les salons se remplissent ainsi d'odalisques parisiennes et l'on trouve leur coiffure charmante. Après cela, qu'est-ce 204 qu'une jolie figure et des yeux vifs ou langoureux ne sauraient faire passer?
Ces turbans prennent vite des proportions énormes et se surchargent de gazes, d'écharpes de couleurs variées et de plumes, ils deviennent sous la Restauration l'apanage des dames mûres, des mamans et belles mamans, et leur font ces figures d'un comique extravagant que nous ne pouvons regarder sans rire dans les gravures du temps.
Que dire aussi des spencers qui donnent un 205 aspect si étriqué à ces toilettes déjà peu jolies de lignes, des lourds carricks, des redingotes fourrées et des Vitchouras? Les fourrures sont très à la mode, on porte astrakan, martre ou zibeline en vêtements de toutes sortes et en pelisses de toutes tailles.
Tout ce monde si bizarrement habillé, toutes ces femmes dont les costumes semblent séparés par des siècles des toilettes du XVIIIe siècle, des falbalas qu'ont portés leurs mères, s'agitent dans un décor également bien différent 206 de celui qu'inventèrent les artistes et les peintres rococo.
Sommes-nous en France ou en Grèce, ou en Egypte, en Etrurie ou à Palmyre? Dans quel siècle vivons-nous, le XIXe après l'ère chrétienne ou avant? Ce décor antique donné tout à coup à la vie, date du Directoire, ce sont les architectes retour de Rome, Percier et Fontaine, qui l'ont implanté dans Paris et des hôtels des personnalités à la mode, il a passé bien vite dans les maisons de la classe bourgeoise.
On s'habillait à la grecque et à la romaine, avant Percier et Fontaine, le costume avait donc précédé l'architecture et influé sur la création d'un style.
Est-il rien de plus élégant qu'un salon qui ressemble à un temple grec ou qui figure un intérieur de tombeau étrusque? Garnitures de cheminée de style funéraire, trépieds imités de Pompéï, chaises curules, fauteuils incommodes mais ornés de lions, de cygnes, de cornes d'abondance, lits gardés par des sphinx, commodes chargées de glaives, somnos en forme 207 de cippe funéraire ou d'autel, tables de nuit pompéïennes, etc. Partout des lignes rigides, des ornements froids, partout des palmettes, des entrelacs étrusques ou grecs, voire même des motifs égyptiens, quand l'expédition d'Egypte mit la terre des Pharaons à la mode.
Il fallait avoir dans l'esprit de considérables ressources de gaîté intérieure pour trouver la vie agréable parmi ces formes raides et dures, dans ce cadre sévère, solennel et antique, distillant une maussaderie et un ennui très modernes.
Manches bouffantes, manches à gigot.—Les collerettes.—Modes à la girafe.—Les coiffures et les grands chapeaux.—1830.—Epanouissement des modes romantiques.—Les derniers bonnets.—1840. Chastes bandeaux.—Modes Juste-milieu.
Sous la Restauration, d'année en année, les très laides et inélégantes modes de l'Empire s'améliorent et prennent un peu de grâce. Probablement la mode a cessé de consacrer 209 toutes ses pensées et toutes les ressources de son génie aux beaux houzards et aux brillants aides de camp des armées françaises. Le goût féminin renaît.
Les costumes vont gagner tous les jours, perdre de leur raideur et leur indécision, prendre de l'ampleur ici, s'alléger là, et dès 1825, devenir pour une dizaine d'années, tout à fait charmants.
Une grâce aimable et distinguée, une exquise originalité, une élégance souple et naturelle, de belles ondulations de jupes, des coiffures extrêmement seyantes, très trouvées, les modes de ce temps-là sont vraiment délicieuses, et la femme de 1830 a droit à une belle place de choix dans les évocations des élégances d'antan, parmi les plus charmantes figures du passé.
Plus tard, quand notre pauvre XIXe siècle aura glissé avec les autres dans le gouffre qu'il peut, hélas, entrevoir déjà, quand les belles d'aujourd'hui seront à leur tour devenues des aïeules, lorsqu'on songera à se figurer les femmes de notre siècle, c'est avec les toilettes 210 de 1830, pour la première moitié, et de... mettons 90... pour la seconde moitié, qu'on se les représentera.
C'est la bonne époque, les dessins et peintures d'alors, des Devéria, Gavarni et autres, sont là pour témoigner de la grâce des toilettes portées par les femmes de 1825 à 1835, de la seconde période de la Restauration aux premiers temps de la monarchie de Juillet, pendant le grand renouveau des idées et des arts.
Ah! celles-ci, nous les avons connues, elles nous intéressent plus que toutes, ce ne sont pas des figures vagues, estompées dans le recul des siècles! Nous les avons connues..., devenues de bonnes et charmantes vieilles, au visage encore encadré de boucles comme aux jours d'autrefois, mais de boucles blanches, avec des lunettes sur ces yeux jadis, paraît-il, vifs et rieurs...
Après la chute de l'Empire, l'anglomanie domine pendant quelques années dans les toilettes, et aussi un peu de cosaquomanie; les modes parisiennes sont des imitations des modes de Londres; mais peu à peu se dégagent, 211 et de tâtonnements en tâtonnements, arrivent à réaliser de fort jolis types de toilettes.
C'est encore pendant quelques années la robe sac ou fourreau de parapluie de l'Empire, avec 212 des essais de corsages, des tailles placées moins haut, des essais de manches à gros bouillons, et des chapeaux plus ou moins gracieux de formes tout à fait bizarres et toujours vastes de proportions, des chapeaux au fond desquels assez souvent la figure se dissimule presque complètement.
Le grand luxe revient pourtant avec la tranquillité, avec le repos qu'on n'a pas connu depuis vingt-cinq ans, avec la cour, dans les salons qui ont retrouvé l'éclat de jadis, et qui ne sont plus seulement des petites réunions de mécontents ou de simples parlottes, comme autrefois, discutant la dernière victoire ou le dernier revers de l'Empereur, unique sujet de conversation entre deux parties de whist.
Reprenons quelques-uns des vieux verres de la grande lanterne magique que le temps fait passer si rapidement et voici les élégantes de la Restauration, les belles romantiques et les lionnes de la monarchie de Juillet.
La robe de gros de Naples blanc, avec des volants jaunes au bas de la jupe élargie, la même garniture en pèlerine sur les épaules, 213 des manches à gigot,—elles viennent de naître et triomphent concurremment avec les manches à l'éléphant et les manches à l'imbécile,—collerette tuyautée, grand chapeau de 214 paille de riz avec rubans de satin et panaches de grandes plumes.
Jupes élargies garnies de bouillonnés de gaze et de coques de satin, de volants et d'entre-deux de dentelles, canezous, jupes écossaises, grands chapeaux décoratifs ornés de gros bouquets de fleurs,—ces chapeaux de Mme Herbault dont les chroniques et les romans d'alors coiffent toutes les belles,—immenses gants habillant tout le bras...
Cette dame qui joue rêveusement de la harpe dans une soirée élégante, les épaules drapées dans une écharpe de gaze rayée, est coiffée d'un grand béret qui va bien à son profil poétique; en sortant du salon, elle s'enveloppera dans une rotonde ou dans un de ces vastes manteaux de drap à palatine découpée, à grand collet et doublure de fourrures, pendant que Monsieur, le monsieur à toupet frisé, habit bleu à boutons d'or et pantalon collant, endossera son carrick.
Pour l'été, pour la campagne, pour la promenade, pour aller consulter le sorcier de Tivoli, canezous d'organdi ruchés de tulle, grands 215 chapeaux de paille avec d'immenses rubans dressés.
Pour le théâtre, pour les sorties, pour tous les temps frais, on a les boas, ces boas que nous venons tout récemment de voir revenir et qui sont l'occasion de si jolis mouvements. Les serpents de fourrure s'enroulent sur les épaules nues et sertissent chaudement et voluptueusement les fraîches carnations.
En 1827, pour célébrer l'arrivée de la première girafe au jardin des Plantes, toute la mode est à la Girafe.
Ce qui reste de ces modes à la Girafe, c'est le grand peigne d'écaille qui se place tout en haut de la tête au sommet de l'édifice. Les coiffures sont très hautes, les cheveux se relèvent en plusieurs coques serrées avec un encadrement de boucles tombantes autour du visage, partagées irrégulièrement, trois d'un côté, quatre de l'autre...
Elle est charmante, l'élégante de 1830 en costume de soirée, avec le complet épanouissement des manches à gigot, ses épaules émergeant d'une ligne de fine dentelle, sa nuque 216 bien découverte sous le grand peigne d'écaille planté triomphalement dans les masses blondes ou brunes, tordues et réunies au sommet de la tête.
Dans la rue ou sur les boulevards, aux promenades, aux Champs-Elysées, elle est décolletée encore et se drape sans se cacher dans un petit châle porté coquettement.
Revenons un peu sur le chapitre des coiffures; ce n'est pas le moins important, il peut se subdiviser en sous-chapitres: les toques 217 et bérets chevaleresques et Ossianiques, les bonnets et turbans, et enfin les chapeaux.
C'est un poète qu'il faudrait pour célébrer dignement la grandeur et pleurer la décadence du chapeau féminin. Sous la Restauration, jusqu'en 1835, c'est la gloire et le triomphe du chapeau; il plane superbement sur la tête des dames, il fait voltiger ses plumes, il balance 218 gracieusement ses rubans, ses coques et ses immenses nœuds de satin.
Parti des tromblons ou des shakos sans grâce de l'Empire, des tubes enfermant la figure au fond d'un corridor obscur, il s'est modifié peu à peu, il s'est élargi, il s'est ouvert. On le campait tout droit sur la tête; maintenant, il se pose gentiment de côté sur les cheveux roulés en grosses boucles irrégulières. La nuque bien dégagée apparaît dans toute sa coquetterie, les épaules se montrent aussi à l'ombre d'un grand chapeau car les robes sont largement décolletées et les jolies collerettes tuyautées ne les surmontent pas toujours.
C'est le moment du triomphe pour le chapeau, mais la décadence viendra vite, les bords roulés en cornet ou en corridor reprendront, on supprimera rubans et panaches, on enfermera la figure tout au fond du corridor et le cou sous d'immenses et disgracieux bavolets. Nous irons ainsi de lamentables inventions en créations baroques et inélégantes jusqu'au petit chapeau bibi fermé, du second Empire, jusqu'au ridicule chapeau assiette de 1867.
Mais la réaction en sens inverse est commencée, nous avons pu revoir en ces dernières années de vraiment gracieuses coiffures.
La femme d'alors dans l'intimité ne craint 220 pas les grands bonnets coquettement chiffonnés, vastes comme les chapeaux, avec un fond relevé très haut pour contenir le grand peigne avec des ébouriffements de dentelles et de rubans autour de ses boucles ou de ses anglaises. C'est le dernier temps d'élégance des bonnets, ensuite, hélas! il n'y aura plus de beaux bonnets qu'aux champs, tant que dureront les majestueux hennins des Normandes ou les coiffes voltigeantes si variées des femmes de Bretagne.
Après ces jolis bonnets de boudoir des lionnes de 1830, la décadence du bonnet commence. Il est encore joli, le bonnet capricieusement tuyauté sur la tête des petites modistes ou grisettes au nez fûté de Parisienne, aux yeux éveillés et railleurs; c'est d'ailleurs la coiffure légère qu'elles font si légèrement voltiger métaphoriquement par-dessus les plus hauts moulins, mais ensuite le bonnet des grisettes devient la coiffure sans grâce de grosses boutiquières, enfin, chute complète, le bonnet devient portière...
Vive, légère, enjouée, dans l'ondulation de 221 ses larges jupes et le flou de ses monumentales manches à gigot, l'élégante de 1830 s'en va éblouir les boudoirs de la chaussée d'Antin et les promenades fashionables, les Champs-Élysées ou Longchamps et faire palpiter le cœur des dandys engoncés dans leurs hauts collets d'habits. Sous son grand chapeau hérissé de 222 touffes de plumes et de rubans, elle disparaît quand elle veut, un simple mouvement du cou et la voilà dissimulée au fond de cette coiffure de strict incognito.
Elle galope aussi au bois de Boulogne dans son amazone de couleur à manches à gigot, ornée de torsades ou de brandebourgs, ou bien égayée par un blanc canezou...
Plus tard par malheur, elle osera porter, à la campagne pour ses promenades équestres, à la place de son large chapeau à grand voile voltigeant, la casquette, la hideuse casquette, honte du XIXe siècle.
Il faut voir, aux loges des théâtres à la mode, les rangées de jolies femmes décolletées, dans les corsages ouverts en pointe jusqu'à la taille sur une large chemisette brodée, les parements du corsage revenant sur les épaules et les manches,—les boas enroulés, les accroche-cœurs et les boucles, les cheveux tordus et dressés de cent façons différentes et compliquées, avec des fleurs, des peignes, des pointes de satin...
Les belles romantiques, dit-on, arborent à 223 l'envi des toilettes plus moyen âge les unes que les autres. Elles avaient pour nourriture d'esprit après les troubadours du vicomte d'Arlincourt, après Ossian, Byron et Walter Scott, les tirades passionnées et farouches des grands drames d'alors, Hernani, la Tour de Nesle, Lucrèce Borgia, les vers, les romans, les chroniques de tous les romantiques, de tous les jeune France. Et, sous l'œil fulgurant des barons et des bandits gothiques, elles s'efforçaient 224 d'être le plus moyen âge possible dans leurs ajustements.
Mais, au théâtre même, le moyen âge était très 1830, les héroïnes de ces drames flamboyants, Isabeau, Marguerite de Bourgogne ou Belle Ferronnière, malgré les recherches de couleur locale, montrent, tout comme les spectatrices, les inévitables manches à gigot, et au fond en voulant se montrer moyen-âgeuses, 225 les belles de 1830 restent surtout 1830.
Hélas, hélas, ces modes d'une si jolie désinvolture, ces modes à panaches, d'une élégance truculente, pour employer l'idiome d'alors, ces modes passent. La réaction bourgeoise anti-pittoresque, qui commence dans les arts, triomphe bien plus rapidement dans les toilettes. Au bout de quelques années, les modes se sont assagies, faut-il dire le gros mot? Dès 226 1835 ou 36, la mode, l'ex-mode poétique, romantique, cavalière, se fait juste milieu et épicière, épouse de garde national, pour tout dire!
La mode en 1835 a déjà perdu ses grâces et tourné à la gaucherie en exagérant disgracieusement les caractéristiques de 1830. Ce ne sont plus les femmes de Devéria et de Gavarni, ce sont celles de Grandville.
Les jupes sont larges comme des cloches et sans ornements, en simple mousseline blanche ou imprimée de petits dessins bébêtes comme ceux des papiers de tenture de l'époque. Les manches sont d'énormes gigots boursouflés mais flasques qui pendent très bas, très bas, sur de tout petits poignets; les corsages sont recouverts d'immenses pèlerines ornées de broderies et dentelles, tombant plus bas que la taille. Mettez sur la tête un grand chapeau de paille d'Italie ou de paille de riz, fermé et bridé sous le menton, et vraiment l'ensemble n'est pas très séduisant.
Voyez les héroïnes de 1830, dix ans après, en 1840; considérez tristement ces jupes sans 227 lignes et sans ornements, ces manches hésitantes, gardant un peu de l'ampleur des gigots, juste assez pour être disgracieuses, ces corsages quelconques, ces chapeaux dépourvus d'allure, simples capotes attachées sous le menton par des brides sans grâce.
Les coiffures n'ont plus les belles audaces d'autrefois, ce sont des coiffures en bandeaux 228 plats, qui encadrent froidement et durement le visage, ces chastes bandeaux, comme on disait alors, qui tuent presque toute grâce et toute beauté—ce sont les anglaises, les longues boucles tombant comme un feuillage de saule, qui donnent une mine pleurnicharde aux figures féminines les plus enjouées. La mode 229 devient de plus en plus triste et de plus en plus laide à la fin de la monarchie de juillet. Plus de goût du tout, c'est le comble de la banalité et de la platitude.
Il y a un mouvement qui porte les modes à toujours aller du plus large au plus étroit et toujours à revenir du plus étroit au plus large. C'est une loi. De même pour les coiffures, on va et on ira toujours du plus petit au plus vaste et du plus vaste au plus petit, avec une régularité parfaite.
Après les paniers Louis XV et Louis XVI, on est allé aux jupes collantes du Directoire, la plus simple expression des jupes, après laquelle il n'y a plus que la suppression. Des robes fourreaux de l'Empire, on est venu par degrés à l'ampleur et l'on va regagner sous le second Empire le grand maximum de largeur avec la troisième restauration du vertugadin sous le nom de crinoline.
1848.—Des révolutions partout, excepté dans le royaume de la mode.—Règne universel de la crinoline.—Les châles cachemire.—Talmas, burnous, pince-tailles.—Modes de plages.—Robes courtes.—Saute-en-barque.—Jupes larges et jupes étroites.—Les modes collantes.—Poufs et tournures.—Modes Valois.—Erudition plus qu'imagination.—On demande une mode fin de siècle.
La Révolution de 48 n'a aucune action sur les modes, elle ne lance pas, comme la première, la toilette dans des voies nouvelles. En 232 ce temps de bouleversement, quand toute l'Europe semble gagnée par l'esprit de révolution, lorsque tant de rêves plus ou moins beaux, plus ou moins fous, brûlent le cerveau congestionné des peuples, la mode à qui pourtant un petit grain de folie serait certainement permis, se conduit en personne sage et prudente.
Les toilettes continuent à se montrer éminemment bourgeoises; on croirait que c'est Mme Prudhomme qui donne le ton.
Les tristes et mesquins chapeaux en petit cabriolet, fermés sous le menton avec de petites brides, règnent sans conteste, il n'y a pour ainsi dire qu'une forme unique, à bavolet, sans autres ornements que des rubans sans grâce. La robe n'a pas la moindre ornementation non plus, le corsage est très long, la jupe droite. Sur ces toilettes plates on porte au dehors des mantelets et des châles.
Ce sont ces toilettes, très sobres et très effacées, que le second Empire va trouver à ses débuts et qu'il transformera peu à peu en un costume à grand fla-fla très compliqué, très chargé et surchargé, mais plus que discutable 233 comme goût et même tout à fait dépourvu de style, sauf dans quelques trouvailles heureuses qui ne durèrent pas, vers 1864.
La grande pensée du règne,—côté modes,—la grande innovation qui va donner le la aux toilettes, c'est la crinoline,—honnie, attaquée, vilipendée par vaudevillistes, journalistes, caricaturistes, par les maris, par tout le monde, c'est la crinoline triomphante de toutes les clameurs, de toutes les moqueries, comme de tous les justes reproches.
On peut bien dire que sous l'Empire la femme a tenu trois ou quatre fois plus de place dans le monde—au moins en circonférence234—qu'aux époques précédentes, plus même que sous Louis XV de peu vertueuse mémoire, la crinoline ayant régné bien plus despotiquement que les paniers, puisque les femmes de toutes classes durent l'adopter et que les filles des champs ne se crurent pas habillées le dimanche à moins de ballonner comme les dames de la ville avec la cage en cercles d'acier.
Les tournures et les jupons bouillonnés en étoffe de crin ont habitué peu à peu les yeux à l'élargissement des jupes, et lorsque la crinoline sans armature est délaissée pour les cerceaux en ressorts d'acier et pour la crinoline cage, à cercles et à montants d'acier, les dames trouvent ce ballonnement charmant et la crinoline fait le tour du monde.
Il est bien inutile d'insister sur ses nombreux inconvénients qu'on a encore dans la mémoire, sur la gêne qu'elle imposait, mais au point de vue esthétique, la crinoline doit être solennellement anathématisée, excommuniée, ridiculisée à jamais... c'est-à-dire jusqu'au jour où elle reviendra sous un autre nom.
Il est vrai que les jupes s'arrondissant en coupoles flottantes sur ces crinolines si décriées, et que tout l'ensemble de la toilette étaient ornés d'une façon lourde et gauche de petits détails mesquins appliqués sur de tristes étoffes, tandis que les paniers du XVIIIe siècle ont eu pour eux une ornementation plus artiste 236 des jupes et des toilettes taillées dans les belles étoffes à ramages. Leurs exagérations et leurs ridicules avaient de la grâce, tandis que les jupes à crinoline ne rachetaient par rien leur gauche ballonnement. Un peu surfaites, les suprêmes élégances de l'Empire!
Avec ces crinolines boursouflées et envahissantes, que portent toutes les femmes du second Empire, on peut rappeler le talma, le burnous, manteau algérien assez coquet, les pince-taille en soie gros grain à manches pagodes,—oh! les manches pagodes! entonnoir disgracieux et incommode compliqué de dentelles ou d'effilés!
Il faut noter surtout les châles, le fameux cachemire de l'Inde et le grand châle tapis.
Le châle, dont on a si longtemps célébré l'élégance(?), n'a vraiment quelque grâce que lorsqu'il est petit, étroit presque comme une écharpe, et lorsqu'il est porté avec irrégularité et désinvolture. Que dire du grand châle posé sur les épaules comme sur un portemanteau et tombant droit en dissimulant la taille et la toilette de la femme, sinon qu'en 237 réalité ce châle-manteau est un vilain vêtement et qu'il ne va tout au plus qu'aux fruitières endimanchées.
On peut encore signaler les capelines parmi les inventions commodes, et les vestes zouaves, les rouges garibaldis et les figaros, parmi les nouveautés gracieuses de l'époque.
Le chapitre des chapeaux n'est pas bien brillant. Jusque vers 1863, ce sont toujours les grandes capotes de cabriolets, avec bavolets, avec fleurs dans l'intérieur de la passe et au-dessus; cette coiffure, c'est en somme le grand chapeau de la Restauration, abîmé, ridiculement arrangé, finissant tristement ses derniers jours.
Voilà donc le luxe effréné tant reproché aux femmes par le président Dupin, dans la fameuse brochure qui fit sensation en 1865,—le luxe débordant les jours de Grand Prix dans la grande Ville, roulant de l'hippodrome de Longchamps tout le long des boulevards, le luxe qui, paraît-il, faisait de Paris une Byzance décadente, scandalisait l'honnête bourgeoise en petit châle, et faisait monter le rouge aux joues du reste de la vertueuse Europe, vouée encore à la simplicité naïve et pratiquant le culte de sainte mousseline à dix sous le mètre.
Effréné peut-être, ce luxe corrupteur et effrayant, mais peu artistique, d'un goût médiocre et donnant à très grands frais l'impression du clinquant.
Bien que le recul ne soit pas encore suffisant pour le juger, pour apprécier les modes de ce temps dans leur ensemble, sans se laisser influencer par la pointe de ridicule qui s'attache au démodé, il semble cependant qu'au siècle prochain les femmes et les artistes le jugeront à peu près ainsi. Nous ne voyons pas les peintres élégants d'alors ressuscitant 239 dans leurs tableaux les modes de 1860, pour la joie des mondaines et des américains vingtième siècle.
Cependant la vogue des bains de mer qui se dessine de plus en plus et qui deviendra bientôt une migration annuelle et régulière de toute la bourgeoisie vers les plages normandes ou bretonnes, cette habitude des excursions estivales amène quelques gracieux changements dans la mode.
Un instant vers 1864, triomphe la mode des robes courtes née sur les plages élégantes. Plus de jupes traînantes, ou de robes longues à larges volants. On conserve la crinoline, un 240 peu modérée dans son envergure, mais on drape et on arrange les jupes, avec des relevés, des plissés, avec une grande variété d'ornements appliqués, ornements très larges d'un bon effet.
La fantaisie, étouffée depuis 1830, reparaît. Ces très cavalières jupes courtes laissent voir les bottines très luxueuses et très ornées, les fines petites bottes très montantes dont on fait sonner les hauts talons.—Un instant même quelques élégantes des plages à la mode prennent la grande canne Louis XIII.
On voit aussi de jolis vêtements très amples, à larges manches, et des pardessus dits Saute-en-barque. Les chapeaux bien différents du cérémonieux chapeau fermé et très crânement portés un peu sur le côté, sont des espèces de coiffures de Toreros, ornés de gros pompons ou de plumes. La coiffure de l'époque est basse, avec un crêpé sur le front, les cheveux tombant dans le dos massés dans un filet.
Les jupes courtes, si gracieuses avec la crinoline, avec les hautes ceintures à boucles, et tous les ornements, ganses et soutaches dont 241 on couvre alors le costume, sont bientôt vaincues par un retour offensif des robes longues, et la mode perd tout de suite ses allures cavalières.
La crinoline elle-même tombe un instant en 1867, au moment des jupes plates et traînantes, des corsages peplums, nés d'un retour de goût pour la tragédie, dont on déclame des 242 fragments au Café-Concert, au moment des petits chapeaux assiettes, posés sur le front devant le gros chignon relevé en boule, coiffures que viennent compléter les rubans flottant dans le dos et appelés du nom expressif de: «Suivez-moi jeune homme.»
... Et la bataille continue entre les jupes larges et les jupes étroites, la crinoline a battu de l'aile pendant quelques années et finalement elle est morte. La crinoline à grands cerceaux est maintenant du domaine de l'archéologie; c'est une antiquité, comme le panier, comme le vertugadin.
Comme on voulait encore de l'ampleur, on l'a remplacée par des poufs, de très volumineux paquets d'étoffes, relevés par derrière sur les jupes.
Puis sur le chemin de la réaction anti-crinolinienne, on a été en diminuant peu à peu la largeur des jupes jusqu'aux robes moulées sur le corps, au collant qui a duré deux ou trois ans, vers 1880. Les modes étaient alors fort jolies, très esthétiques. Puis un petit soupçon de gonflement s'est produit, on s'est 243 élargi un peu, on a bien vite adopté les tournures....
Mais cette mode des robes collantes nous a laissé les corsages en jersey qui moulent très gracieusement le corsage et les hanches. Le jersey vite adopté convient admirablement aux toilettes de promenade et de campagne.
Pendant quelques étés d'un bout de l'Europe à l'autre, sur toutes les
plages d'Angleterre, de France et d'ailleurs, le Jersey fut l'uniforme
obligatoire; femmes, jeunes filles, enfants, garçons ou fillettes, tous
furent en jerseys bleu foncé, agrémentés d'ancres d'or, tous en
matelots. Les enfants gardent encore ce vêtement gracieux et commode et
voici que les hommes,—touristes et vélocipédistes—l'adoptent.
Le temps est passé des édits somptuaires et des gouvernants légiférant sur le luxe pour enrayer ses débordements. On a vu, de Philippe le Bel à Richelieu, la longue série de ces édits; avant de tomber à l'oubli, ils furent pourtant presque toujours appliqués rigoureusement 244 d'abord, même par des rois qui mettaient le Trésor à sec pour les somptuosités de leur cour, comme Henri III par exemple, le mignon fanfreluché, qui lors d'un de ses accès de répression du luxe des autres, fit jeter en prison au fort l'Évêque en un seul jour une trentaine de femmes et non des moindres de Paris, coupables d'avoir bravé les prohibitions du brocart et de la soie.
Ce temps des prohibitions somptuaires, des ordonnances royales sur les modes n'est plus. Dans l'intérêt général de l'industrie et du commerce, tout ce qui peut développer le grand luxe doit être aujourd'hui recherché et favorisé.
C'est le petit luxe qui devrait être au contraire réprimé s'il était possible, ou plutôt qui aurait dû être réprimé, car aujourd'hui le mal est fait et parfait.
Ah! si la mode plus puissante que les rois et les ministres, que les arrêts, les lois et les édits, si la mode dont les ordonnances sont sans appel, avait pu décréter la conservation des anciens costumes féminins de nos provinces, des 245 modes locales souvent si gracieuses, des élégances campagnardes, auxquelles la ville a si souvent fait des emprunts, des façons de robes, des mantes, et aussi des coiffures si variées, coiffes bressannes, casques de dentelles du pays de Caux, grandes coiffes bretonnes, bonnets d'arlésiennes, etc... Quel sauvetage!
Mais non, tout cela est parti, toutes ces jolies choses ont disparu devant l'envahissement d'un faux luxe mesquin, caricature sans goût des élégances parisiennes, devant les confections uniformes et informes, fabriquées à la centaine et portées jusque dans les plus lointains cantons!...
Partout, hélas, les jolies modes locales, les élégances particulières et régionales, ont cédé pour jamais la place à des attifements souvent prétentieux et ridicules...
Le «costume» des campagnes en toute province est évanoui, envolé,
perdu, c'est à la «mode» des villes, de nous indemniser en élégance
vraie et en grâce.
La mode est aujourd'hui dans une période de transition et de tâtonnements, elle cherche, elle essaie, à défaut de nouveautés nouvelles, des imitations des nouveautés d'autrefois,—ayant suffisamment vieilli, comme disait la couturière de l'impératrice Joséphine.
On va des imitations des coupes Louis XVI ou Empire à des ajustements Valois, aux corsages 247 Louis XIII, aux manches moyen âge ou bien aux manches à gigot 1830... Nous verrons ce qui sortira de ces tentatives et de ces essais et si comme il arrive dans tous les arts, il en sera de l'art de la toilette comme des autres, si le neuf naîtra de l'étude de l'ancien.
Souhaitons qu'une mode originale, fin de siècle suivant l'expression à la mode, se dégage enfin, pour qu'un jour les petites filles des élégantes de ces dernières années du XIXe siècle, puissent se figurer leurs aïeules sous des ajustements bien à elles, bien personnels, autrement enfin qu'en toilettes empruntées à tous les âges.
I.—BALLADE DES MODES DU TEMPS JADIS | 1 |
II.—LES CARTONS DU PASSÉ | 5 |
Le vieux neuf.—L'horloge de la mode.—Fouilles dans les cartons du passé.—Quelle est la plus jolie mode?—Mode et architecture.—Vêtements de pierres et vêtements d'étoffes.—La poupée costumée, journal des modes du moyen âge. |
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III.—MOYEN AGE | 23 |
Les Gauloises teintes et tatouées.—Premiers corsets et premières fausses nattes.—Premiers édits somptuaires.—Influence byzantine.—Bliauds, surcots, cottes hardies. 250 —Les robes historiées et armoriées.—Les ordonnances de Philippe le Bel.—Hennins et Escoffions.—La croisade contre les Hennins de frère Thomas Connecte.—La dame de Beauté. |
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IV.—LA RENAISSANCE | 53 |
Modes en largeur.—Hocheplis, vertugalles, vertugadins.—La belle Ferronnière.—Éventails et manchons.—Les modes tristes de la Réforme.—L'escadron volant de Catherine.—Dentelles et guipures.—Les services du vertugadin.—Le masque et le touret de nez.—Fards et cosmétiques. |
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V.—HENRI III | 76 |
La cour du Roi-Femme.—Les grandes fraises plissées, godronnées ou en cornets.—Les femmes-cloches.—Les grandes manches.—Horribles méfaits du corset.—La reine Margot et ses pages blonds. |
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VI.—HENRI IV ET LOUIS XIII | 91 |
Retour à une simplicité relative.—Les femmes-tours.—Hautes coiffures.—Excommunication du décolletage.—Les robes à grands ramages de fleurs.—Collets montés et collets rabattus.—Tailles longues.—Les édits de Richelieu.—La dame suivant l'édit.—Tailles courtes. |
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VII.—SOUS LE ROI-SOLEIL | 112 |
Les héroïnes de la Fronde.—De la Vallière à la Maintenon.—Les robes dites transparentes.—Triomphe de la dentelle.—Le roman de la mode.—Les Steinquerques.251—La coiffure à la Fontanges.—Le règne de Mme de Maintenon ou trente-cinq ans de morosité. |
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VIII.—XVIIIe SIÈCLE | 130 |
La Régence.—Folies et frivolités.—Cythère à Paris.—Les modes Watteau.—Les robes volantes.—Naissance des paniers.—Criardes, Considérations et Maîtres des requêtes.—Mme de Pompadour.—L'éventail.—Promenade de Longchamps.—Carrosses et chaises à porteurs.—Modes d'hiver. |
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IX.—XVIIIe SIÈCLE.—LOUIS XVI | 150 |
Les coiffures colossales.—Le pouf au sentiment.—Parcs, jardins potagers et paysages animés de figures sur les têtes.—La coiffure à la Belle-Poule.—Les mouches.—Modes champêtres.—Les robes négligentes.—Couleurs à la mode.—Le monument du costume.—Les amazones.—Modes anglaises.—Les bourgeoises. |
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X.—LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE | 178 |
Modes dites à la Bastille.—Modes révolutionnaires.—Notre-Dame de Thermidor.—Incroyables et merveilleuses.—L'antiquité à Paris.—Athéniennes et Romaines.—Une livre de vêtements.—Tuniques diaphanes.—Maillots, bracelets et cothurnes.—Le réticule ou ridicule.—Le bal des Victimes.—Perruques blondes et oreilles de chien.—A la Titus.—Les robes-fourreau.—Petits bonnets et Chapeaux-Shakos.—Les turbans. 252 |
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XI.—LA RESTAURATION ET LA MONARCHIE DE JUILLET | 208 |
Manches bouffantes, manches à gigot.—Les collerettes.—Modes à la girafe.—Les coiffures et les grands chapeaux.—1830.—Épanouissement des modes romantiques.—Les derniers bonnets.—1840.—Chastes bandeaux.—Modes Juste-milieu. |
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XII.—ÉPOQUE MODERNE | 231 |
1848.—Des révolutions partout, excepté dans le royaume de la mode.—Règne universel de la crinoline.—Les châles cachemire.—Talmas, burnous, pince-tailles.—Modes de plages.—Robes courtes.—Saute-en-barque.—Jupes larges et jupes étroites.—Les modes collantes.—Poufs et tournures.—Modes Valois.—Erudition plus qu'imagination.—On demande une mode fin de siècle. |
Toilette de bal Restauration | Frontispice |
Noble dame fin du XIVe siècle | 17 |
Robe et houppelande historiées XVe siècle | 33 |
Châtelaine milieu du XVe siècle | 41 |
Dame sous Charles VIII | 49 |
A la cour du Roi-Chevalier | 57 |
Sous Henri II | 65 |
Dame du temps de Charles IX | 73 |
Toilette de cour Henri III | 81 |
Grande toilette Médicis | 89 |
Dame Louis XIII | 97 |
Fin du règne de Louis XIII | 105 |
A la cour du Roi-Soleil | 113 |
Sous le Grand Roi.—Fin du XVIIe siècle | 121 |
Sous la Régence | 129 |
Toilette de cour Louis XV | 137 |
Parisienne sous Louis XV | 145 |
Grands paniers Louis XVI254 | 153 |
Parisiennes 1789 | 161 |
Promenade parisienne 1790 | 169 |
Merveilleuse en tunique à la grecque | 177 |
Merveilleuse du Directoire | 185 |
Premier Empire | 193 |
Parisienne de 1810 | 201 |
Parisienne 1814 | 209 |
Une élégante aux Champs-Elysées.—Restauration | 217 |
Toilettes d'intérieur 1830 | 225 |
Parisienne 1835 | 233 |
Modes de plage 1864 | 241 |
ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSEY
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