The Project Gutenberg eBook of Mémoire sur la réunion des trois services, des postes aux chevaux, de la poste aux lettres, et des messageries, sous une seule administration

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Title: Mémoire sur la réunion des trois services, des postes aux chevaux, de la poste aux lettres, et des messageries, sous une seule administration

Author: M. Fenis

Release date: July 22, 2006 [eBook #18889]

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRE SUR LA RÉUNION DES TROIS SERVICES, DES POSTES AUX CHEVAUX, DE LA POSTE AUX LETTRES, ET DES MESSAGERIES, SOUS UNE SEULE ADMINISTRATION ***




1

MÉMOIRE

SUR LA RÉUNION DES TROIS SERVICES,

DES POSTES AUX CHEVAUX,

DE LA POSTE AUX LETTRES,

ET DES MESSAGERIES,

SOUS UNE SEULE ADMINISTRATION;

Par M. de Saint-Victour,
Ancien Administrateur de la Régie des Messageries, établie
par M. Turgot en 1775.

Décoration

À PARIS,

de l'Imprimerie du Patriote François,
Place du Théâtre Italien.

13 JUIN 1790.




3

AVERTISSEMENT.

Ce mémoire a été remis, manuscrit, avec deux tableaux faisant pièces justificatives, au comité des finances de l'assemblée nationale, qui a nommé M. le duc de Biron rapporteur, et MM. le comte de la Blache et de Volsus, commissaires.

Ce mémoire ayant été communiqué, les anciens fermiers des messageries ont fait imprimer plusieurs mémoires dirigés contre le fermier actuel, et dans lesquels ils ont attaqué le plan.

Dès-lors je n'ai plus balancé à sacrifier mon amour-propre à la nécessité d'opposer à la publicité de ces mémoires celle du plan, et la réfutation des assertions contenues dans les mémoires de MM. les anciens fermiers; il m'a paru utile d'y joindre quelques observations sur les objections qui m'avoient été faites par M. le duc de Biron; enfin, d'autres observations sur quelques articles du rapport imprimé du comité des finances.

4Il se trouve nécessairement, dans ces pièces composées à la hâte, à différentes époques, et cependant, sur le même objet, beaucoup de répétitions.

Décoration



5
Décoration


MÉMOIRE

SUR LA RÉUNION DES TROIS SERVICES,

DES POSTES AUX CHEVAUX,

DE LA POSTE AUX LETTRES,

ET DES MESSAGERIES,

SOUS UNE SEULE ADMINISTRATION.

Le projet, aussi simple qu'utile, du ministre qui établit en 1775 la régie des messageries sur un plan qui préparoit sa réunion à l'administration des postes, présentoit tant d'avantages, qu'on ne peut attribuer qu'à des causes étrangères, ou à des circonstances du moment, les obstacles qui s'opposèrent à son exécution.

6Les circonstances qui se préparent, mettent, non-seulement à l'écart ces obstacles, mais peuvent beaucoup ajouter aux avantages que ce projet avoit déjà présentés dans d'autres temps, et dont on va parcourir, le plus sommairement possible, tous les détails, en les soumettant avec confiance aux principes patriotiques de l'auguste assemblée des représentans de la nation.

Les messageries faisoient, en 1775, et font encore majeure partie du service de la poste aux lettres. Ce projet étoit simple, en ce que les messageries faisoient, à l'exception des quatre grands couriers de Lyon, Bordeaux, Toulouse et Strasbourg, tout le service des malles ou des couriers pour le transport des lettres, moyennant la somme de 186,797 liv. 14 s., qui étoit déduite, par l'administration des postes, sur les 302,020 liv. qui formoient le prix du bail que les messageries tenoient de cette administration. La régie se chargea du même service, qui étoit une condition grévante du bail des messageries, et l'administration de la poste aux lettres lui paya, pendant sa durée, cette première somme.

Les voitures de messageries, conduites par les chevaux de poste, peuvent faire la presque totalité du service des lettres dans le royaume, avec avantage pour le public, pour les postes aux chevaux, et pour les revenus de l'état. La régie ayant été chargée d'établir le service des messageries par les chevaux de poste sur toutes les routes qui en seroient susceptibles, on vit bientôt, par la célérité de la marche de ces voitures, que celles à huit et à quatre places pouvoient faire le service des lettres sur les grandes routes, et que les communications intérieures de ville à ville pouvoient, pour la plupart, être aussi utilement servies par des cabriolets à deux places, sur les routes qui n'auroient pu fournir assez de voyageurs ou assez de transports pour les berlines.

Les mêmes employés pour les deux parties, première économie. Il étoit aisé de voir dès-lors que les mêmes employés pouvoient faire le service de deux parties, pour le régime 7et pour l'ordre, soit dans les provinces, soit à Paris, d'où auroit résulté l'économie la plus évidente; car, pourquoi une double ferme ou une double régie et de doubles employés pour deux entreprises dont l'une, celle des messageries, est l'instrument du service de l'autre?

Par cette réunion, la fraude respective prévenue. À quoi il faut ajouter que, dans l'état actuel des choses, il est aussi facile aux directeurs des messageries de frauder la poste aux lettres par la voie des commis conducteurs, qu'il est notoire et même à peu près nécessité par la modicité de leurs gages, que les grands couriers fraudent les messageries, par le transport sur leurs carioles des marchandises précieuses, de l'argent et des comestibles.

Postes aux chevaux mal constituées, et cependant dispendieuses, pourroient être mieux constituées, et cesser de coûter. Les postes aux chevaux sont mal constituées, et cependant coûtent à l'état, par les gages et les gratifications que l'état des choses oblige de donner aux maîtres de postes. M. Necker, vol. 2, paragraphe 37 de son ouvrage, porte cette dépense, y compris les indemnités aux maîtres de postes, pour tournées extraordinaires, les traitemens de l'intendant des postes, des inspecteurs, contrôleurs, visiteurs, etc., à environ 600,000 liv. Suppression des priviléges des maîtres de poste, estimée plus de 800,000 livres, et de leurs gages ou indemnités, portée à environ 600,000 liv. y compris les frais de l'intendance des postes: seconde économie. Elles coûtent encore, par les priviléges dont jouissent les maîtres de postes: ils étoient estimés, en 1775, à 7 ou 800,000 liv. Il faudroit aujourd'hui les indemniser au moins de cette somme. En améliorant le sort des maîtres de postes, ces deux objets pourroient rentrer au profit du trésor public ou au soulagement du peuple.

Causes de la souffrance des maîtres de postes. Il y a des causes évidentes de l'état de souffrance des maîtres de postes: le service gratuit, à peu près, des grands couriers, service d'autant plus grévant, que les couriers chargent, sans aucun ménagement, leurs carioles pour leur 8compte; les déplacemens occasionnés par les voyages de la cour ou par les voyages extraordinaires des princes, et enfin l'assujettissement résultant de la désunion d'intérêts entre les maîtres des postes, de ramener les chevaux à vuide ou en laisse.

Par la réunion, sous une même administration, des postes aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries, on remédieroit à ces inconvéniens.

Soulager les maîtres de postes du service gratuit des grands couriers. Le service des couriers se faisant par les voitures des messageries, deviendroit utile aux maîtres de postes, au lieu de leur être à charge; et on croit qu'il ne seroit pas impossible de combiner la marche des voitures des messageries, de manière à ce que les chevaux qui auroient conduit une voiture, en ramenassent au moins souvent une autre. Leur donner la conduite des fourgons de messageries. En suivant ce plan, et même pour le faciliter, les maîtres de postes seroient chargés de la conduite des fourgons des messageries, qu'ils mèneroient au pas, mais sans interruption, et allant jour et nuit, ce qui porteroit autant d'économie que de célérité dans les transports, et obligeroit les maîtres de postes à avoir des chevaux forts et de résistance, ou, ce qui seroit encore mieux, en ce qu'il en résulteroit un moyen de reproduction sans dépense, qui remplaceroit des établissemens dispendieux, sans remplir cependant le même objet, Assujettir les maîtres de postes à avoir six ou huit jumens pour la conduite des fourgons de messageries, au pas, dans les pays propres à l'éducation des poulains. d'avoir six ou huit jumens par chaque poste sur les grandes routes fréquentées par les fourgons, et qui mèneroient ces fourgons au pas, sans aucun risque, étant même pleines, puisque les fermiers les emploient aux labours dans cet état. Les maîtres de postes s'en serviroient aussi pour ce dernier usage, comme de leurs chevaux; ils seroient donc bien dédommagés de la dépense qu'on seroit dans le cas 9d'exiger d'eux pour la meilleure constitution de leurs établissemens, par un exercice habituel et réglé qu'ils n'ont pas aujourd'hui, étant accablés trois mois de l'année par le service des semestres et des campagnes, et les voyageurs ne les dédommageant pas le reste de l'année de ce que leur coûtent la nourriture et l'entretien de leurs chevaux.

Placer les postes à 4 lieues de distance. Pour améliorer encore la constitution des postes aux chevaux et le sort des maîtres de postes, il faudroit les placer, autant qu'il seroit possible, à quatre lieues ou à huit milles de distance; les chevaux des postes supprimées fortifieroient, dès à présent, celles qui seroient conservées; la consommation des chevaux seroit moindre à l'avenir; un cheval bien nourri peut faire huit lieues par jour, et durer autant que celui qui n'en fait que quatre, dont deux entre les mains d'un postillon qui le ramène en laisse, et sans égard, ni au temps, ni à l'état du cheval, ou le presse, ou le laisse se morfondre à la porte d'un cabaret.

Les maîtres de postes ainsi constitués auroient un état sûr et utile pour eux; dès-lors, non-seulement toutes les dépenses que le gouvernement fait pour les maintenir, pourroient cesser, mais ils deviendroient utiles à plusieurs objets intéressans.

Entretien des chemins confiés aux maîtres de postes, avec avantage pour eux et économie pour cette partie de dépense. M. Turgot comptoit leur confier l'entretien des chemins, tel qu'il se fait en Limosin, et d'une poste à l'autre, distance égale à celle qui est confiée aux cantonniers. Les maîtres de postes ont plus d'intérêt que nul autre au bon état des chemins que parcourent leurs chevaux, plus de facilités de surveillance, et plus de moyens d'économie, en se servant à propos de leurs chevaux et de leurs postillons, pour faire voiturer sur place les matériaux nécessaires.

10 Faire faire aux maîtres de postes les transports militaires, et soulager les provinces de cette corvée. Il projetoit aussi de traiter avec eux pour les transports militaires, qui pèsent sur la partie indigente des propriétaires ou des fermiers, et sur-tout dans les provinces de petite culture, où l'on ne laboure qu'avec des bœufs ou des vaches, très-peu propres à ces transports.

Transports d'argent faits avec célérité et sans frais, par les voitures de messageries. Enfin, M. Turgot, qui faisoit entrer dans ces plans d'améliorations la suppression de tous les trésoriers et receveurs généraux des finances, voyoit, dans les voitures de messageries menées par les chevaux de postes, l'avantage de porter sans frais, et avec rapidité, les fonds en sûreté, ou des recettes particulières au chef-lieu ou du chef-lieu à Paris, ou d'une province dans l'autre, ou, dans des cas extrêmes, de Paris même dans les provinces.

Ce plan utile au public et au commerce, sur lesquels pesoit le privilége des messageries, au trésor public, qui, par des gages, des gratifications, des priviléges ou des indemnités, soutenoit l'état précaire des maîtres de postes, en ne retirant aucune utilité des messageries, promettoit encore une augmentation considérable de produit: la régie, chargée d'exécuter ce plan, n'a duré qu'un an; les plus forts départemens ne lui ont été remis qu'à des époques postérieures à sa création, et rapportées au tableau no. 1[1]. Le service des messageries par les chevaux de postes sur les routes qui ont pu être montées, a duré à peine six mois, et a été incomplet. Un tiers à peu près du royaume n'a pu être monté en poste; et cependant on prouve, par un tableau extrait avec exactitude des comptes de la régie, que ce produit a été de la somme de 1,263,808 liv. 3 s. 8 den.; 11qu'en prolongeant le produit des deux services, ancien et nouveau, jusques à la fin de l'année, ce produit présentoit Les messageries royales, servies par les chevaux de postes, présentent, pendant un an qu'a duré cette régie, un produit d'environ 2,000,000. une somme de 1,896,087 liv. 14 s., quoique, comme on l'a déjà observé, un tiers à peu près des routes du royaume n'ait pu être monté au service des chevaux de poste; et d'où il résulte que, comme l'a observé l'auteur des mémoires de la vie de M. Turgot, imprimés en 1782, le produit des messageries isolées pouvoit être porté à 4,000,000 par an, si on avoit laissé à la régie le temps d'achever le plan du ministre.

Économie et facilités pour différentes branches d'administration à ajouter à ce produit. En ajoutant à ce produit les économies qui résulteroient de la cessation des priviléges des maîtres des postes aux chevaux, des gages, indemnités ou gratifications qu'on est obligé d'y ajouter; celles des bénéfices des fermiers des messageries ou des salaires de leurs directeurs, commis ou autres employés qui peuvent être suppléés dans la réunion des trois services, par les administrateurs, directeurs, ou autres employés de la poste aux lettres; en y ajoutant encore les avantages ou les facilités que le gouvernement se procureroit par la meilleure constitution des postes aux chevaux, pour l'entretien des chemins le mieux et le plus économiquement fait, pour le transport de l'argent, pour les transports militaires, et pour faciliter dans le royaume, sans frais, une production abondante de chevaux. Enfin, l'activité que cette opération donneroit au commerce, en accordant le transit aux messageries, et combinant la marche des fourgons, allant jour et nuit, comme il a été proposé, avec celle des coches d'eau; cet objet réuniroit aux plus grands avantages pour le commerce et pour le public, un produit considérable pour le trésor, et a paru conséquemment 12digne d'être présenté à l'assemblée nationale, comme étant d'une importance majeure et en finance et à l'administration.

Nécessité de donner une nouvelle et meilleure constitution aux postes aux chevaux, et de changer le régime de leur discipline. Mais on ne sauroit trop le dire, son succès tient essentiellement à une bonne constitution, ou à la régénération des postes aux chevaux, qui doit précéder toute autre mesure; et l'on ne peut se flatter d'y parvenir, qu'en mettant à l'écart, sans retour, l'exercice et l'influence de l'intendant des postes aux chevaux, et de ses inspecteurs, contrôleurs et visiteurs. M. Turgot, en se faisant nommer surintendant des postes, ne put soustraire les opérations de sa régie à tous les obstacles possibles (mais suscités) de la part des maîtres de postes: il se présenta des compagnies pour différentes routes du royaume, qui offroient de faire à 17 sols par cheval, le service des messageries, qui alors étoit payé 20 sols aux maîtres de postes; elles renonçoient à leurs priviléges, et la compagnie qui demandoit les postes dans un arrondissement de trente lieues autour de Paris, s'obligeoit aux conditions les plus avantageuses, comparées avec la dépense que coûtoit le même objet à fournir tous les chevaux nécessaires aux voyages de la cour: ces soumissions pouvoient au moins contenir et ramener les maîtres de postes: il fut impossible d'en faire usage.

On a observé, au commencement de ce mémoire, que les circonstances actuelles pouvoient faciliter l'exécution de ce plan, en ajoutant même à ses avantages.

Inconvénient du régime actuel. Avant de proposer les moyens qu'offrent ces circonstances, il n'est pas superflu de s'arrêter un moment à l'organisation actuelle de l'intendance des postes aux chevaux; elle est confiée à un homme résident à Paris, qui a sous 13ses ordres immédiats un certain nombre d'inspecteurs, résidens aussi à Paris, et qui se bornent à faire une ou deux tournées chaque année dans leurs départemens respectifs. Les maîtres des postes, avertis de l'époque de ces tournées, peuvent completter leurs établissemens par des chevaux qu'ils empruntent. Si les inspecteurs en réforment, il suffit aux maîtres de postes de les soustraire à la première tournée, et personne ne les empêche de continuer à s'en servir. On ne peut se refuser à l'idée de l'imperfection de cette prétendue surveillance, qui cependant coûte par les appointemens de l'intendant des postes, par ceux des inspecteurs et contrôleurs, et par les frais de tournées. Il existoit encore de bien plus grands abus dans les déplacemens des chevaux de postes: lors des voyages de la cour ou de ceux des princes, on a vu des chevaux parcourir une espace de quatre-vingt lieues pour venir faire une ou deux courses.

Confier aux départemens la restauration et la surveillance des postes aux chevaux: moyen d'aussi grande utilité que d'économie. Les départemens pourroient être chargés d'abord de la restauration des postes aux chevaux dans leur arrondissement, et successivement de leur surveillance et de leur discipline, le tout sans aucuns frais: ils employeroient utilement les connoissances locales que n'ont ni les inspecteurs et contrôleurs, ni l'intendant auquel ils rendent compte, et l'intérêt qu'ils doivent prendre plus que les uns et les autres à tout ce qui peut contribuer à leur plus grand avantage, pour bien constituer ces établissemens d'utilité publique, et pour les maintenir dans le meilleur état. Ils indiqueroient, en connoissance de cause, le parti le plus utile à tirer pour le commerce et pour le public, des communications de ville à ville, et de celles-ci à la capitale ou aux principales villes de commerce, en établissemens de messageries, 14et pour le transport le plus direct des lettres.

Il paroît évident autant que simple, que ce moyen réunit à de l'économie un ordre plus naturel et plus utile, puisque ce seroit confier à ceux qui y sont vraiment intéressés, le maintien d'établissemens que l'on peut dire d'utilité publique, et qui se lient par leur exercice aux chemins déja confiés à l'administration des départemens; ce seroit mettre aussi l'administration plus à portée d'être éclairée sur le meilleur usage à faire de ces établissemens.

Construction de nouvelles voitures. Il reste un objet à présenter, le seul qui nécessite une dépense, ce seroit la construction de nouvelles voitures de messageries pour les voyageurs en poste: celles des fermiers actuels sont trop pesantes; celles qui ont été construites pendant la régie établie par M. Turgot, l'étoient déja trop. On croit que le service des messageries en poste, se feroit plus avantageusement par des berlines angloises à deux fonds, donnant six places, avec un siège couvert sur le devant de la voiture, pour le commis conducteur, et pour un ou deux voyageurs. Ces voitures ne porteroient, avec les voyageurs, que les petits paquets précieux et les lettres, et pouroient être traînées par quatre chevaux. Les fourgons allant, comme on l'a dit, jour et nuit au pas, conduits par des chevaux de poste, seroient chargés de toutes les malles et caisses lourdes, et on y ménageroit des places pour les voyageurs les moins aisés.

On croit qu'il seroit avantageux que les premières berlines fussent construites en Angleterre, sous les yeux de quelqu'un d'intelligent dans cette partie, ensuite continuées sur ces modèles, à Bruxelles, Valenciennes, Lille et Strasbourg, où la qualité du bois et les formes légères qu'elle 15facilite, sans nuire à la solidité, donneroient beaucoup d'avantages, indépendamment de l'économie dans la construction.

Il suffiroit, pour monter ce service, de 250 à 300 voitures, qui, en les supposant à 3000 livres chaque, feroient une somme de 750 à 900 mille livres.

Pendant leur construction, à laquelle moins d'un an doit suffire, on pourroit préparer, par une correspondance avec les départemens, les établissemens convenables à chacun d'eux, qui, pendant le même intervale, constitueroit ses postes aux chevaux en nombre et en force relative à leur exercice.

L'exécution de ce plan, confiée à Paris, à une administration zélée, qui dépendroit immédiatement du ministre des finances, qui se concerteroit avec les départemens pour toutes ses opérations, et qui conséquemment les dirigeroit sans obstacles vers le bien général, présente encore des moyens d'amélioration, entr'autres celui d'unir d'intérêt, dans chaque département, les maîtres de postes de la même route, pour leur faciliter le retour de leurs chevaux respectivement à charge, d'où résulteroit une économie dans le prix des courses: spéculation qu'avoient faites les compagnies qui s'étoient offertes, et dont il a été parlé.

De trouver, dans les cas de voyages extraordinaires des princes, ou dans ceux de la cour, des chevaux dans le département et au plus près, pour renforcer les postes, sans déplacer à grands frais, et cependant au dommage des maîtres de postes, les chevaux à trente, quarante, et même quatre-vingt lieues de distance.

De multiplier les moyens de transporter les lettres, et 16de prévenir les circuits qu'on leur fait faire aujourd'hui, avec le double inconvénient de la perte du temps et d'autoriser des sur-taxes.

Enfin, dans l'état actuel des choses, la poste aux lettres et les messageries, en se nuisant respectivement, pèsent sur les postes aux chevaux, les trois parties sur le public ou sur le trésor. On croit pouvoir assurer que les messageries seules ont coûté au roi, depuis 1776, de six à sept millions, soit par les sacrifices qui ont été faits dans cette année, pour jetter de la défaveur sur le plan de M. Turgot[2], soit par les indemnités accordées aux différens fermiers qui se sont succédés depuis. Par la réunion de ces trois services, et en se servant de l'esprit public et des connoissances locales que l'on peut attendre des départemens pour en diriger la meilleure organisation, ils s'aideroient respectivement, et procureroient au trésor de l'état, à l'administration, au commerce et au public, les plus grands avantages; ce que l'on ne peut raisonnablement pas attendre de deux compagnies séparées, armées de priviléges, et n'ayant à s'occuper d'en diriger l'exercice que vers leurs plus grands profits.



17

Apperçu des économies ou des augmentations du produit que présente le projet de la réunion des trois services des postes aux chevaux, de la poste aux lettres, et des messageries.

Voir cet article dans l'ouvrage de M. Necker sur l'administration des finances, vol. II, § 37.
Voir idem, le § 36.
Première économie. L'intendance de la poste aux chevaux supprimée, et son exercice remis aux départemens 600,000 l.
Seconde économie. Suppression du secret450,000 l.
Troisième économie. Suppression des priviléges des maîtres de postes, au moins800,000 l.
Quatrième économie. Dix-huit fermiers de la poste aux lettres ou des messageries, qui peuvent être suppléés par dix régisseurs au plus; les employés des deux parties, soit à Paris, soit dans les provinces, qui peuvent être dédoublés; on ne croit pas exagérer en portant les bénéfices des uns et les appointemens des autres à1200,000 l.
Augmentation du produit des messageries servies par les chevaux de postes et de la poste aux lettres, en multipliant, par les voitures de messageries, les moyens de transport, et en prévenant tous ceux de frauder, que facilite le régime actuel3000,000 l.
—————
6,050,000 liv.

Plus de six millions en diminution de dépenses ou en augmentation de produits par des moyens qui, loin de peser sur le public, lui seront utiles, et offriront encore à l'administration les plus grandes facilités à de nouvelles économies 18pour l'entretien des grandes routes, pour le transport le plus rapide de l'argent, pour les transports militaires, et pour faciliter dans le royaume, sans frais, une production abondante de chevaux, présentent, indépendamment des abus que l'on supprimeroit, une opération importante dans les circonstances actuelles.

Il est à observer que le premier moyen de l'exécution de ce projet, s'il est agréé, tient à remettre aux départemens la restauration, et successivement le régime des postes aux chevaux; premier motif d'examiner ce projet avant la constitution, dont l'établissement des départemens, ainsi que leurs différentes fonctions, doivent faire partie.

Dix régisseurs établis, le plutôt possible, à la place des dix-huit fermiers de la poste aux lettres et des messageries, en soutenant les deux services tels qu'ils se font, pour ne laisser péricliter ni le public, ni les revenus du trésor de la nation, correspondroient avec les départemens dès le commencement de leur exercice, pour concerter les établissemens les plus utiles à faire, et feroient faire, en conséquence, les voitures nécessaires, pendant que les postes s'organiseroient; et comme il faut nécessairement un tems pour ces deux opérations, ce sera avancer la jouissance qu'offre au public et au trésor, le développement de ce projet, d'en hâter les moyens. Second motif.

Enfin, il en est un troisième: les résiliations de baux faites par les ministres, produisent les réclamations les plus exagérées: une opération sanctionnée par l'assemblée nationale étoufferoit toutes les prétentions arbitraires, et réduiroit aux mesures de la justice les indemnités dues aux fermiers.



19

Observations sur les objections faites par M. le duc de Biron à M. de Saint-Victour, sur quelques parties de son projet.

M. le duc de Biron paroît craindre que le régime proposé ne suffise pas au sort des maîtres de postes aux chevaux, et qu'il ne faille y ajouter une somme quelconque en indemnité pour leur tenir lieu des priviléges.

On observe, 1o. que quand même cela seroit, il faudroit en référer aux départemens, pour fixer la quotité de ces indemnités, que les priviléges même répartissoient très-inégalement, puisqu'un maître de poste, placé sur une route très-fréquentée et entourée de terreins productifs, auroit pu se passer de priviléges, et que ces priviléges ne suffisoient pas au maître de poste placé sur une route peu fréquentée et entourée de terreins peu fertiles, sur-tout dans les pays de petite culture, où les chevaux ne sont pas employés au labour.

2o. Qu'on peut croire qu'en doublant le produit des postes, au moins pour la plupart, en leur donnant quatre lieues à parcourir, en fournissant aux maîtres de postes un exercice réglé par les voitures publiques, en y ajoutant le service des fourgons, qu'ils n'avoient pas, en leur donnant l'entretien des routes aux prix établis, en leur donnant les transports militaires, enfin, en les exemptant du service à-peu-près gratuit des grands courriers, et sur-tout de celui des chevaux de tournée pour les voyages de la cour ou pour ceux des princes; leur état change, et de mauvais qu'il étoit, devient bon, au point d'être recherché par les propriétaires les plus aisés, à quelques exceptions de localités près, sur lesquelles il faut laisser aux départemens à apprécier 20les secours qu'exigera le maintien de ces établissemens, au moins pour un tems.

M. le duc de Biron voudroit que les maîtres de postes fussent assujettis à avoir un excédent de chevaux qui leur facilitât de servir au besoin les transports militaires, sans que le service public en fût interrompu.

On a l'honneur de lui observer que les maîtres de postes étoient, ainsi que tous les privilégiés, exempts de ce service sous l'ancien régime; d'où il résultoit que les intendans intimoient leurs ordres, pour ce service, aux malheureux les moins en état de le faire; ce qui produisoit, avec une vexation horrible, sur-tout dans les provinces de petite culture, où les propriétaires cultivateurs n'ont que des bœufs et des vaches très-peu propres aux transports militaires, une grande imperfection dans ce service; mais aujourd'hui le ministre de la guerre avertissant à l'avance les départemens du passage des troupes sur leurs territoires, ces départemens chercheront les chevaux où ils sont, d'autant qu'ils doivent être payés, et par préférence chez les maîtres de postes, qui, s'ils sont chargés de l'entreprise, s'approvisionneront, pour cette circonstance, des chevaux dont ils auront besoin; ce qui sera moins cher que de les assujettir à en avoir toute l'année un excédent, peut-être pour une seule occasion.

On ne sauroit détailler tous les inconvéniens qui résultent du régime actuel, tant pour les postes aux chevaux que pour la poste aux lettres et pour les messageries: il faudroit écrire un volume; ces divers établissemens, faits par leur nature pour l'utilité publique, ont été dirigés par des vues de fiscalités encore mal calculées.

21Toutes les ordonnances pour régler le nombre des chevaux sur les différentes espèces de voitures, sont à refaire. N'est-il pas absurde qu'une personne qui, en-dedans d'une voiture, ne donne pas dix livres d'effort au tirage, fasse payer un cheval de plus, et que la voiture la plus lourdement construite, chargée de malles et de paniers, ne paie que six chevaux, pourvu qu'elle ne contienne que quatre personnes; tandis qu'une voiture légère, sans malles ni paniers, si elle contient cinq personnes, paie sept chevaux? Le bon sens et la justice établiroient ce que doit payer une voiture sur son poids au total.

La marche des lettres n'est pas moins inconséquente dans les circuits qu'on leur fait faire: il en résulte une lenteur qui est nuisible aux affaires et au commerce, et leur sur-taxe, en raison de ces circuits, est une vexation qui, en résultat, altère le produit de cette partie.

C'est en tout de nouveaux erremens à suivre; mais heureusement ce sont ceux qui pourront être avoués par la raison, et qui, dirigés vers l'utilité publique, donneront une augmentation de produit dont personne n'aura à se plaindre, puisque cette augmentation résultera d'abus à réformer et de facilités à leur substituer.

Enfin, et cette dernière considération doit presser la réunion de ces trois services dans les mains de régisseurs qui se concertent avec les départemens pour leur meilleure organisation: la formation des départemens, des districts et des nouveaux tribunaux va changer le mouvement intérieur pour les voyageurs et pour les correspondances: il aboutira moins de l'un et de l'autre à Paris; mais il faudra multiplier les facilités dans l'intérieur, où il en 22existe très-peu. Deux compagnies séparées, qui ont des baux à termes et des établissemens faits, ne les dérangeront point sans réclamer des diminutions sur les prix de leurs baux, des indemnités, etc. Plusieurs années peuvent s'écouler dans ces débats, toujours importuns aux ministres, principalement occupés de maintenir les revenus; et cependant toutes les parties de ce service public et bien important seront en souffrance et dépériront, au point d'exiger plus de dépenses et plus d'obstacles que n'en présenteroit une opération faite à propos.

Cette opération est fort simple aujourd'hui, puisqu'il faut se servir des moyens qui existent, un tems, et jusqu'à ce que les postes aux chevaux soient constituées et que les nouvelles voitures soient faites. Il seroit facile aux dix régisseurs qui auroient à conduire, pendant quinze ou dix-huit mois, la poste aux lettres et les messageries à-peu-près sur le pied actuel, de se concerter avec les départemens chargés dès à présent de la restauration, et successivement du maintien et de la police des postes aux chevaux, sur les établissemens à faire ou sur ceux à perfectionner pour rendre le service de la poste aux lettres et celui des messageries aussi utiles qu'ils sont susceptibles de l'être au public, au commerce et au nouvel ordre des choses. Ces régisseurs seroient d'autant plus à portée d'apprécier, en connoissance de cause, les projets qui leur seroient donnés par les divers départemens, tant relativement à l'utilité publique, que pour une augmentation de produit, qu'ils auroient sous les yeux l'objet de comparaison dans les établissemens actuels; et ils n'auroient à présenter à la décision du ministre que des résultats bien constatés.

23Enfin cette opération majeure, en administration, offre encore une augmentation considérable dans les revenus, soit en économies, soit en produit; et sous ces deux points de vue, elle paroît également intéressante dans les circonstances présentes.



Autres observations remises à M. le duc de Biron, sur les réflexions des anciens fermiers des Messageries, relatives à un projet de MM. Alary et de Saint-Victour, dans un mémoire imprimé et remis au comité des finances de l'assemblée nationale, par lesdits anciens fermiers.

MM. les anciens fermiers des messageries ont dit, dans le précis des observations imprimées et remises par eux au comité des finances: que le plan du sieur de Saint-Victour avoit des bases communes avec celles du sieur Alary, et par conséquent aussi mal fondées; qu'il tendoit également, quoique d'une manière différente, à compromettre le service des postes et des messageries.

Si le sieur de Saint-Victour a pu donner lieu à cette erreur, par la manière dont il a présenté son plan sur la réunion des trois services, il doit d'autant plus s'empresser de la rectifier, que ce sont les idées de feu M. Turgot qu'il a voulu développer dans ce plan, et que le sieur de Saint-Victour n'y a ajouté que ce que l'état des choses, bien différent de ce qu'il étoit en 1775, lui a paru propre à augmenter les avantages d'utilité publique, qui avoient dès-lors décidé l'opération de M. Turgot.

M. Alary demande un privilége exclusif pendant trente ans, pour une compagnie qui se chargera de l'entreprise de 24toutes les postes aux chevaux du royaume. Voilà la base de son plan qui est imprimé; il n'appartient pas au sieur de Saint-Victour d'en analyser les conséquences.

La base du plan remis par ce dernier est de rendre les postes aux chevaux, laissées aux maîtres de ces postes, les agens du service des messageries et de la poste aux lettres; de payer ces deux services de manière à rendre le sort des maîtres de postes meilleur, et de donner à ces deux services, très-essentiels au public et au commerce, le plus d'activité et de facilités possible: voilà le précis des vues que feu M. Turgot avoit confié au sieur de Saint-Victour, en le plaçant, en 1775, à la tête de la régie des messageries: en un mot, M. Turgot vouloit substituer à deux priviléges, qui pesoient sur le public, sur le commerce et sur les maîtres de postes, que le trésor public étoit obligé de dédommager par d'autres priviléges, par des gages et par des gratifications, des moyens qui rendoient le privilége des messageries inutile, parce qu'ils auroient réuni aux plus grandes facilités pour le public et pour le commerce, dans le service de la poste aux lettres et des messageries, beaucoup d'avantages pour plusieurs objets de l'administration, détaillés dans le plan remis par le sieur de Saint-Victour au comité des finances; enfin un sort assuré et indépendant de tout secours onéreux, soit au peuple, soit au trésor public, pour les maîtres des postes, et il augmentoit le produit des messageries et de la poste aux lettres.

Jusques-là on ne peut voir aucune base commune avec celle du plan de M. Alary.

Le sieur de Saint-Victour a ajouté à ces vues d'utilité 25publique, une idée que M. Turgot ne pouvoit avoir en 1775, et qui agrandit autant qu'elle assure, tous les avantages qui avoient déterminé ce ministre. Cette idée est de confier aux départemens, à chacun dans son étendue, d'abord la restauration des postes aux chevaux, et successivement leur surveillance et leur discipline.

Cette dernière idée s'éloigne encore plus du plan de M. Alary.

Quelles craintes fondées les anciens fermiers des messageries peuvent-ils dès-lors se flatter de répandre sur la sûreté des deux services de la poste aux lettres et des messageries? Si, comme on ne peut le contester, ces deux services doivent être dirigés vers la plus grande utilité publique, qui peut plus que l'influence directe des départemens éloigner ces craintes affectées, puisqu'en même tems qu'ils indiqueront les établissemens les plus utiles à faire, ils auront tous les moyens que n'avoit sûrement pas l'intendant des postes aux chevaux, de leur donner et de maintenir toute la force qu'exigeront ces établissemens: il ne seroit d'ailleurs rien innové dans les deux services de la poste aux lettres et des messageries, jusqu'à ce que les régisseurs qui les réuniroient, fussent assurés, par les départemens même, de l'utilité des nouveaux établissemens à faire, et de la sûreté de leurs agens.

Le sieur de saint-Victour ose donc croire qu'il a présenté de véritables vues de liberté, qu'elles se concilient avec la prospérité du commerce, avec l'intérêt du public, avec les avantages que l'on doit, sans nuire à l'un et à l'autre, chercher à procurer au trésor de la nation, et enfin avec les principes de l'assemblée nationale.

26MM. les anciens fermiers des messageries conviennent, dans le cours de leurs observations, que les circonstances exigent des adoucissemens dans l'exercice du privilége des messageries, et y souscrivent dans leur soumission; mais est-ce le moment de composer avec ce que les priviléges ont de nuisible ou d'odieux, lorsqu'il n'y a plus d'obstacles à leur substituer des moyens utiles?

Ils sentent aussi que tous les changemens faits et à faire dans l'administration, vont déranger l'ancien mouvement des messageries (ils auroient pu ajouter celui de la poste aux lettres), et faire perdre aux messageries des objets ci-devant considérables de produit.

Mais trop attachés à leur ancienne existence, ils ne voient pas, ou feignent de ne pas voir, que les moyens les plus utiles de remplacement ne peuvent se trouver que dans la plus grande activité que l'on pourra faciliter au commerce; et quelqu'intelligence qu'on puisse accorder à leur expérience, quelqu'étendue qu'on donne à leurs facultés, on ne pourra jamais leur accorder qu'ils aident à l'activité du commerce dans le transport des marchandises, autant que peuvent le faire les postes aux chevaux bien constituées, et menant au pas, sans interruption, jour et nuit, les fourgons qui, au lieu de huit lieues, en feront au moins vingt dans les vingt-quatre heures, et qui, par cet avantage inappréciable pour le commerce, attireront successivement tout le roulage.

Le service de la poste aux lettres se fera aussi avec plus de célérité et plus directement par les voitures, pour les voyageurs, conduites par les chevaux de postes, que 27par les moyens que la ferme des messageries, chargée de cette partie de service, peut employer.

Enfin, si les anciens fermiers des messageries, d'après leur exposé, peuvent, en se chargeant des convois et transports militaires, procurer une économie annuelle sur cette partie, de 350 mille livres; combien à plus forte raison le pourront, non pas les maîtres de postes, mais les départemens qui traiteront avec eux, puisque ces établissemens couvrent la surface du royaume, et que bien constitués, ils auront une quantité de chevaux bien supérieure à celle que peuvent employer les fermiers des messageries, obligés cependant, comme les maîtres de postes, à remplir leurs engagemens vis-à-vis du service public.

Il reste à examiner quelles sont ces dépenses considérables, tant pour le remboursement des administrateurs des postes, fermiers et sous-fermiers des messageries, que par la mise de fonds de la régie qu'entraîneroit les prétendues innovations proposées par le sieur de Saint-Victour.

Peut-on appeller une dépense le remboursement des fonds d'avance dus aux administrateurs des postes; et l'assemblée hésitera-t-elle à supprimer la gabelle, les aides, les charges de receveurs généraux, et tant d'autres, parce qu'il faudra rembourser les fonds d'avance des places, ou les finances des charges?

Le fermier actuel des messageries ne sera pas cher à rembourser ni à indemniser, d'après le dépouillement de sa situation vis-à-vis du gouvernement, que donnent les anciens fermiers.

Quant aux sous-fermiers, qui ne doivent pas participer aux griefs ou aux reprises que l'on a à exercer sur le 28fermier, ils jouiront de leurs baux jusqu'à ce que le nouveau service par les chevaux de postes puisse être monté. Alors les départemens auxquels ressortent ces sous-fermiers, faciliteront la vente de leurs chevaux, de leurs fourages, aux maîtres de postes, à un prix équitable: s'ils ont des voitures qui puissent être utiles à la régie, elle les prendra aux mêmes conditions. Il ne restera donc qu'à les indemniser de la non-jouissance de leurs baux; il y a des règles établies pour cet objet, et l'on peut croire que les départemens, qui verront substituer des agens d'un service actif et utile, sous leur surveillance, à des fermiers et sous-fermiers d'un exercice privilégié et conséquemment aussi incomplet que gênant, se prêteront à soulager le trésor public de cette légère dépense.

La mise des fonds de la régie, consiste dans les voitures à faire faire pour le nouveau service. Cette dépense est portée dans le plan du sieur de Saint-Victour, de 750 à 900 mille livres. On ne voit pas qu'il soit possible d'en supposer d'autres, et on pourroit, pour soulager encore le trésor de cette légère dépense, en charger les dix régisseurs, à valoir sur les fonds d'avance qu'ils seront obligés de faire.

Les anciens fermiers offrent 900,000 livres de prix de ferme pour les messageries isolées.

Le plan du sieur de Saint-Victour, pour la réunion des trois services des postes aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries, donne une économie sur les dépenses actuelles, et annonce en augmentation de produit environ six millions par an, et il ne présente cet avantage que comme accessoire comparé avec ceux qu'assure au public, 29au commerce et à l'administration, le développement de ce plan.



Observations sur quelques articles du titre, Vues générales sur la refonte des compagnies de finance, dans l'extrait raisonné des rapports du comité des finances.

Si le plan de la réunion des trois services des postes aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries, dirigé principalement vers des vues d'utilité publique et de facilités pour l'administration, porte sur des bases justes, et mérite d'être accueilli, on observe qu'il seroit contrarié dans son exécution, par le rapport imprimé du comité des finances, qui propose d'adjoindre à la ferme ou régie générale, composée de trente régisseurs ou fermiers, six administrateurs des postes, pour ne former qu'une seule compagnie; celle des domaines restant séparée, à cause de la nature de ses perceptions, tout à fait distinctes de celles des autres.

Le comité motive la réunion de l'administration des postes à la ferme ou régie générale, sur la contrebande qui se fait par la voie de la poste au détriment de la ferme générale, et qu'il estime à environ trois millions par an.

Qu'il me soit permis de faire quelques observations sommaires sur ces deux objets, auxquels j'ajouterai un troisième, non moins important.

Une compagnie chargée de perceptions fixes, et dont le maintien et l'accroissement constituent ses bénéfices, est-elle la plus propre au travail et à la suite qu'exige 30une organisation nouvelle, qui substitue à l'exercice de deux priviléges et aux abus sans nombre qui en sont dérivés, des établissemens dirigés vers l'utilité publique, de concert avec les départemens, et d'après le nouvel ordre de choses, qui exigera des changemens multipliés dans les établissemens des postes aux chevaux et dans les services de la poste aux lettres et des messageries; il doit résulter, à la vérité, de ces changemens, qui doivent être principalement dirigés vers l'utilité publique et celle du commerce, une diminution assez considérable de dépenses, et une augmentation de revenus pour le trésor public; mais il y a, pour arriver à ce résultat, dix-huit mois de travail et d'une correspondance soutenue avec les départemens, sur des objets peu familiers à une compagnie de finance. Cette compagnie, chargée de perceptions fixes, seroit donc détournée de son principal objet, ou, ce qui est plus vraisemblable, lui sacrifieroit un travail pour ainsi dire étranger.

D'ailleurs, dans ce projet de réunion, que deviendroient les messageries, dont on ne parle pas, qui sont cependant l'instrument principal du service de la poste aux lettres, qui doivent conséquemment n'en pas être séparées, et qui ne s'étant maintenues que par un privilége auquel on a encore ajouté depuis quinze ans de grands sacrifices, vont être détruites, au risque de compromettre le service de la poste aux lettres, si on ne les soutient par des moyens d'utilité publique.

Quant à la contrebande, on l'a déja observé dans le mémoire sur la réunion des trois services des postes aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries sous une seule administration: cet abus étoit nécessité par la 31modicité des gages donnés aux grands courriers, et on peut ajouter qu'il étoit très-protégé par l'autorité trop absolue de l'intendant des postes, et par les facilités qu'il lui donnoit, pour attacher à cette autorité beaucoup de personnes considérables. On peut croire que cette autorité n'existant plus, un régime public et national, puisqu'il sera sous la surveillance de tous les départemens, suffira, avec des précautions bien faciles à prendre, pour détruire cet abus.

Il paroîtroit donc préférable de réunir à la ferme ou régie générale l'administration des domaines, en prenant dans la dernière de ces compagnies, les travailleurs nécessaires et les plus instruits, et de faire une régie séparée pour la réunion des trois services des postes aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries.

Le projet du comité des finances, même titre, présente un grand inconvénient sous plus d'un rapport, celui de porter les fonds d'avance de tous les régisseurs à un million 800 mille livres; c'est appeller, presque exclusivement, à ces places les capitalistes, qui ne sont cependant pas toujours les meilleurs travailleurs; c'est préparer à ces compagnies une influence dont l'expérience seule du passé démontre assez les conséquences, aussi funestes aux mœurs que gênantes pour l'administration. On donne à ces régisseurs 25,000 liv. par an de traitement fixe, et 2400 à chacun pour frais de bureau: moyennant ce traitement, ils répondront d'une somme déterminée de produit, et n'auront de bénéfices que sur un excédent qu'ils partageront avec la nation. Ce traitement doit suffire à des citoyens travailleurs et modestes; mais ne seront-ils pas justement effrayés et même repoussés par les conditions d'une mise de fonds de 1,800,000 livres, 32qui présente, pour ceux qui n'ont pas ces fonds, le risque ou de ne pas les trouver, ou d'être obligés de payer aux prêteurs un excédent d'intérêts sur celui qui leur seroit alloué; ce qui absorberoit le produit de leur travail, et les moyens de subsister?

Cette mise excessive de fonds d'avance est motivée dans le rapport du comité sur les facilités qu'elle donneroit pour le remboursement des fonds d'avance des places supprimées; mais indépendamment des inconvéniens qui viennent d'être présentés, et que l'on croit majeurs, ce seroit faire dépenser inutilement au trésor deux pour cent d'intérêt sur la totalité des remboursemens, puisque les fonds avancés par les nouveaux régisseurs coûteroient au moins cinq pour cent, en grévant encore beaucoup, comme il a été observé, ceux qui auroient à les emprunter, et que les assignats que l'on créeroit pour rembourser les financiers supprimés, et avec lesquels ils pourroient rembourser leurs prêteurs, ne coûtent que trois pour cent; ce seroit de plus ouvrir une grande facilité à la vente des domaines nationaux.

On croit donc que les fonds d'avance des régisseurs, et notamment de ceux qui seroient choisis pour l'exécution et la suite de la réunion des trois services des postes aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries, et qui, d'après la nature de ce travail, doivent être choisis au moins pour la plupart, dans une autre classe que celle des financiers et des capitalistes; que ces fonds doivent être bornés à la somme qu'exige la sûreté de leur administration.

Note 1: (retour) Ce tableau a été remis au comité des finances.

Note 2: (retour) La différence du montant de l'acquisition faite par la régie des chevaux, voiture et autres effets servant à l'exploitation des fermiers, à la rétrocession de la régie à ces mêmes fermiers, et qui fut ordonnée devoir être faite sur de simples états, portant description sans estimation; cette différence fut, dans le terme de moins d'un an, une perte pour la régie, ou plutôt pour le roi, de 2 millions 300 et quelques mille livres, dont bénéficièrent les anciens fermiers. L'état comparatif en a été remis au comité des finances, sous le no 2.