The Project Gutenberg eBook of Le Livre 010101: Enquête This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. *** This is a COPYRIGHTED Project Gutenberg eBook. Details Below. *** *** Please follow the copyright guidelines in this file. *** Title: Le Livre 010101: Enquête Author: Marie Lebert Release date: October 26, 2008 [eBook #27036] Most recently updated: January 4, 2021 Language: French Credits: Produced by Al Haines *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE LIVRE 010101: ENQUÊTE *** Produced by Al Haines LE LIVRE 010101: ENQUETE MARIE LEBERT NEF, University of Toronto, 2001 Copyright © 2001 Marie Lebert Datée de septembre 2001, une enquête sur le livre numérique menée auprès de tous ses acteurs: auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires-documentalistes, professeurs, traducteurs, linguistes, concepteurs de machines de lecture, etc. La version originale est disponible sur le NEF: http://www.etudes-francaises.net/entretiens/00livre.htm TABLE 1. Introduction 2. Chronologie 3. Qu'apporte l'internet aux auteurs? 4. Presse en ligne et cyberpresse 5. Le respect du droit d'auteur sur l'internet 6. L'édition électronique 7. Le livre numérique se généralise 8. Le livre électronique émerge 9. Livre numérique, livre braille et livre vocal 10. Les librairies "classiques" et cyber 11. Bibliothèques "en dur" et bibliothèques numériques 12. Apprendre et enseigner 13. Quel avenir pour l'imprimé? 14. La multiplicité des langues: barrière ou richesse? 15. La traduction automatique 16. Le livre et l'internet: quelques sagas 17. L'avenir du réseau 18. Cyberespace et société de l'information 19. Expériences et souvenirs 20. Répertoire de sites web 21. Glossaire 22. Personnes citées 23. Adresses web 24. Index 1. INTRODUCTION Le développement de l'internet depuis quelques années, la généralisation des livres numériques (versions numérisées d'un livre) depuis trois ans et l'apparition des livres électroniques (appareils de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques) depuis quelques mois amènent de profonds changements dans le monde du livre. Le grand vecteur du numérique est le web, qui est la partie visible de l'iceberg et joue souvent le rôle de vitrine. S'il est peut-être contaminé par l'emprise des multinationales, le web n'en est pas moins devenu une gigantesque encyclopédie, une énorme bibliothèque, une immense librairie et un organe de presse des plus complets. Il est aussi une discothèque, une vidéothèque et une artothèque. Le web est relayé par les autres services procurés par l'internet, à commencer par le courrier électronique, les listes de diffusion, les forums de discussion, etc. A ceci s'ajoutent un certain nombre de services purement informatiques, notamment la production de textes électroniques sous diverses formes et divers formats, et la numérisation des oeuvres imprimées en mode texte et en mode image. Le numérique secoue durement le monde de l'imprimé, réputé jusque-là pour sa stabilité. Le livre n'est pas menacé pour autant, loin s'en faut, mais il se convertit: publication de livres en version numérique, avec impression uniquement à la demande, oeuvres multimédias et hypermédias, éditeurs électroniques, librairies en ligne, bibliothèques numériques, dictionnaires et encyclopédies en ligne, logiciels de traduction automatique, appareils de lecture de la taille d'un livre, etc. Point n'est besoin de pleurer la mort du papier. On a désormais deux supports (papier et numérique) au lieu d'un (papier). Plutôt que de se lamenter sur le bon (?) vieux temps, beaucoup ont choisi d'explorer les avantages du numérique. Cependant, jusque-là, peu de professionnels sont devenus des adeptes du "zéro papier". Le plus souvent, l'imprimante reste la fidèle compagne de l'ordinateur. Certains s'accordent à dire qu'ils n'ont jamais autant imprimé. Tous reconnaissent l'utilité du numérique pour ses qualités pratiques, mais restent amoureux du papier et de l'imprimé pour le plaisir de l'objet. Le livre imprimé a cinq siècles et demi. Le livre numérique est plus difficile à dater. Si on le considère comme un texte électronique, il aurait trente ans et serait né avec le Projet Gutenberg, créé par Michael Hart en 1971 alors qu'il était étudiant à l'Université d'Illinois, pour répandre le plus largement possible les oeuvres du domaine public sous la forme de documents électroniques au format texte. Si on le réduit à son aspect commercial, le livre numérique n'aurait que trois ans et serait né en mai 1998 avec la mise en vente des premières versions numériques commercialisées par les éditions 00h00.com. La boucle semble maintenant bouclée, ou plus exactement l'imprimé et le numérique se sont maintenant rejoints puisque, depuis le 23 novembre 2000, la version numérique de la Bible de Gutenberg, premier ouvrage à avoir jamais été imprimé (en 1454-1455) est en accès libre sur le site de la British Library, soit très exactement 546 ans plus tard. Dans quelques années, il deviendra probablement ridicule de distinguer l'imprimé du numérique, si ce n'est pour choisir un support, et ceci d'autant plus quand le papier électronique deviendra monnaie courante. Comment s'effectue le passage vers le numérique pour les différents acteurs du monde du livre: écrivains, journalistes, éditeurs, libraires, bibliothécaires, documentalistes, traducteurs, chercheurs, professeurs, linguistes, etc.? Quel usage font-ils de l'internet? Comment voient-ils l'avenir? Utilisent-ils encore beaucoup l'imprimé? Quelle est leur opinion sur le livre électronique? Que pensent-ils des débats en cours sur le respect du droit d'auteur sur l'internet? Quels avantages voient-ils à la multiplicité des langues sur le web? Comment définissent-ils le cyberespace et la société de l'information? Pour des raisons pratiques, dans les pages qui suivent, on utilisera l'expression "professionnels du livre" pour englober tous ces acteurs. "Professionnels de l'imprimé" n'est plus très opportun à l'ère du numérique. "Professionnels de l'information et de la documentation" est un peu long, de même que "professionnels du livre et de la presse". Comme l'internet fait partie de notre vie quotidienne depuis plusieurs années maintenant, on a choisi de ne plus lui attribuer de majuscule mais de le considérer comme un nom commun. La même remarque vaut pour "net", "web" et "réseau". Le Livre 010101 se base principalement sur des entretiens conduits par courrier électronique auprès de nombreux professionnels ayant des profils très variés. Les participants n'ont en aucune façon été choisis en fonction de leur notoriété. Ils ont été choisis en fonction de leur expérience du numérique et de l'intérêt de celle-ci. Si certains ont de gros moyens financiers et bénéficient de l'appui des médias, d'autres se débrouillent avec conviction et sans moyens dans un anonymat relatif ou total, et il est grand temps de leur donner aussi la parole. Ce livre s'y emploie. Tout comme les entretiens, il est publié en ligne en juillet 2001 sur le Net des études françaises. Débutés en juin 1998, les premiers entretiens ont constitué la trame de deux études, De l'imprimé à internet (00h00.com, Paris) et Le multilinguisme sur le web (CEVEIL, Montréal), toutes deux publiées début 1999. Les entretiens se sont ensuite poursuivis, chacun relatant sa propre expérience au fil des ans. Ceux qui le souhaitaient ont reçu de nouvelles questions chaque année, avec réponse à tout ou partie des questions dans le délai souhaité: quelques jours, quelques semaines ou quelques mois. De nouveaux participants sont régulièrement venus se joindre aux "anciens". Le but des entretiens est aussi de connaître l'avis des professionnels du livre (et apparentés) sur un sujet donné (le livre électronique, le droit d'auteur, le multilinguisme, l'avenir du réseau, l'avenir de l'imprimé, etc.), d'où l'intérêt de poser les mêmes questions aux uns et aux autres. Comme on le verra, les points de vue sont très différents, ce qui ajoute à la richesse du livre. Que tous soient ici chaleureusement remerciés pour leur participation et leur fidélité. = Marie, Russon, Greg et Maria Victoria Marie Lebert, l'auteur de ce livre, est traductrice et documentaliste (spécialisée dans les catalogues, bibliographies et index) auprès d'organisations internationales, pour gagner sa vie. Depuis janvier 1998, grâce à l'internet, elle travaille exclusivement à distance. Elle est également chercheuse, écrivain et journaliste. Depuis toujours, elle est une nomade impénitente. Russon Wooldridge, éditeur en ligne, est professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto. Il est le créateur de sites dans le domaine des études françaises, dont le Net des études françaises, sur lequel ce livre est publié. Il est également chercheur (histoire de la langue, évolution des médias du papier et du web). Greg Chamberlain, journaliste et traducteur anglais, et Maria Victoria Marinetti, mexicaine, professeur d'espagnol en entreprise et traductrice, vérifient et améliorent les traductions de Marie Lebert vers l'anglais et l'espagnol. Si tous les entretiens reçus en anglais et en espagnol sont systématiquement traduits en français, on considère que les participants anglophones et hispanophones ne comprenant pas le français ont eux aussi le droit de savoir ce que pensent les francophones, d'où l'intérêt de ces traductions, malheureusement trop peu nombreuses. 2. CHRONOLOGIE Cette chronologie présente les principales balises du développement du numérique dans le domaine du livre et de la presse. Mis à part le Projet Gutenberg, apparu dès 1971, le développement du numérique est lié à celui du web, et ne prend donc son essor qu'en 1993-1994, avec une accélération sensible depuis août 2000. Cette accélération préfigure sans doute le passage prochain au "tout numérique", au moins pour le stockage et la diffusion des données. 1971: Création du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique au monde Créé par Michael Hart en 1971 alors qu'il était étudiant à l'Université d'Illinois, le Projet Gutenberg a pour but de mettre gratuitement à la disposition de tous le plus grand nombre possible d'oeuvres du domaine public. Lorsque l'utilisation du web se généralise, le projet trouve un second souffle et un rayonnement international. La plus ancienne bibliothèque numérique sur l'internet propose désormais 3.700 oeuvres (chiffres de juillet 2001) qui, au fil des années, ont été patiemment numérisées en mode texte par des volontaires de nombreux pays (600 volontaires actifs en 2000). D'abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues. 1993: Création d'ABU: la bibliothèque universelle, première bibliothèque numérique francophone La première bibliothèque numérique francophone voit le jour en 1993, à l'initiative de l'Association des bibliophiles universels (ABU, Paris). Ses membres, bénévoles, scannent ou dactylographient eux-mêmes des oeuvres francophones du domaine public. A ce jour, les collections comprennent 283 textes de 100 auteurs (chiffres de juin 2001). Novembre 1994: Premier numéro des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance en novembre 1994 Les Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, sous la forme d'une lettre hebdomadaire envoyée par courrier électronique (5.000 abonnés en 2001). A partir d'avril 1995, on peut également lire les Chroniques directement sur le web. Depuis bientôt sept ans maintenant, elles font référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. Février 1995: Mise en ligne du site web du Monde diplomatique Monté dans le cadre d'un projet expérimental avec l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et présenté en février 1995 lors du forum des images Imagina, le site web du mensuel Le Monde diplomatique est le premier site d'un périodique imprimé français. A sa suite, rapidement, des quotidiens imprimés créent un site web: Libération fin 1995, Le Monde et L'Humanité en 1996, etc. Avril 1995: Création d'Editel, pionnier de l'édition littéraire francophone En avril 1995, Pierre François Gagnon, québécois, crée Editel, le premier site web d'auto-édition collective de langue française, devenu ensuite un site de cyberédition non commerciale en partenariat avec les auteurs maison (25 textes téléchargeables en janvier 2001) et un webzine littéraire. Juillet 1995: Naissance du libraire en ligne Amazon.com, futur géant du commerce électronique En juillet 1995, Amazon.com est fondé par Jeff Bezos suite à une étude de marché démontrant que les livres sont les meilleurs "produits" à vendre sur l'internet. Il crée donc une librairie en ligne qui débute avec dix employés et trois millions d'articles, et devient vite une référence dans le domaine du commerce électronique. Cinq ans plus tard, en novembre 2000, Amazon.com compte 7.500 employés, 28 millions d'articles, 23 millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, France et Japon). Admiré par certains, son modèle économique est violemment contesté par d'autres, notamment en matière de gestion du personnel. Février 1996: Naissance de LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), qui devient Internet Actu en septembre 1999 En février 1996, François Vadrot, directeur des systèmes d'information du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France), crée LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), lettre d'information hebdomadaire consacrée à l'actualité de l'internet et des nouvelles technologies. Trois ans plus tard, en août 1999, il crée la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press). En septembre 1999, LMB Actu est remplacé par Internet Actu (environ 55.000 abonnés en juin 2001 pour l'ensemble des éditions hebdomadaires et quotidiennes). D'autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias, des émissions de télévision, etc., dont certaines suivent de près l'actualité du livre. Août 1996: Création de CyLibris,premier éditeur en ligne français Créé en août 1996 par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) décide d'utiliser l'internet et le numérique pour s'affranchir des contraintes liées à l'économie traditionnelle du livre. L'éditeur peut ainsi se consacrer à la découverte et à la promotion de nouveaux auteurs littéraires, et à la publication de leurs premières oeuvres. Vendus uniquement sur le web, les livres (52 titres en juin 2001) sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d'éviter le stock et les intermédiaires. CyLibris devient membre du Syndicat national de l'édition (SNE) au printemps 2000. Octobre 1996: Création du concept d'@folio, support numérique de lecture nomade En octobre 1996, Pierre Schweitzer crée le concept d'@folio (prononcer a-folio), support numérique de lecture nomade, dans le cadre d'un projet de design déposé à l'Ecole d'architecture de Strasbourg. Le projet a beaucoup progressé depuis et la commercialisation d'@folio ne devrait plus tarder. Léger, et très simple de fabrication et d'utilisation (son prix serait donc modique), @folio permet d'emporter avec soi des textes glanés sur l'internet. Sa mémoire, extensible, lui permet de stocker des centaines de pages reliées en hypertexte. Son interface, ergonomique et intuitive, mime les gestes traditionnels de la lecture: tourner ou effleurer la page. Octobre 1997: Création de Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF) Mise en ligne en octobre 1997 par la Bibliothèque nationale de France (BnF), Gallica est à l'échelon mondial une des plus importantes bibliothèques électroniques existant sur le réseau, avec 80.000 documents - imprimés et images fixes - allant du Moyen-Age au début du 20e siècle. Les imprimés sont essentiellement numérisés en mode image. Mai 1998: Naissance des éditions 00h00.com, pionnier de l'édition numérique "Zéro heure" est un nom choisi à dessein par Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira, fondateurs des éditions 00h00.com, pour évoquer "cette idée d'origine, de nouveau départ". En mai 1998, 00h00.com fait le pari de concilier édition électronique et commerce, en vendant des livres en version numérique (qui représentent 85% des ventes) et en version papier, imprimée à la demande. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un très beau site, sur lequel on lit: "internet est un lieu sans passé, où ce que l'on fait ne s'évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses." Octobre 1998: Création du format Open eBook (OeB) Apparu en octobre 1998, l'OeB (Open eBook) est un format de livre numérique basé sur les formats HTML et XML. La première version (1.0) de l'Open eBook Publication Structure (OEBPS) est disponible en septembre 1999. Elle est remplacée en juillet 2001 par la version 1.0.1. Le format OeB est utilisé notamment par le Reader de Microsoft, le Gemstar eBook et le Mobipocket. Créé en janvier 2000, l'Open eBook Forum (OeBF) développe le format OeB afin qu'il devienne le standard majeur, sinon unique, de publication des livres numériques. Ce consortium international réunit plusieurs dizaines d'entreprises: des fabricants de livres électroniques, des éditeurs, des fabricants de logiciels et de matériels, des libraires en ligne, etc. Décembre 1999: Mise en ligne de WebEncyclo, la première encyclopédie francophone disponible gratuitement sur le web En décembre 1999, les éditions Atlas mettent en ligne gratuitement leur encyclopédie WebEncyclo. La recherche est possible par mots-clefs, thèmes, médias (cartes, liens internet, photos et illustrations) et idées. La section "Webencyclo contributif" regroupe les contributions envoyées par des spécialistes. Décembre 1999: Mise en ligne de l'Encyclopaedia Britannica, la première encyclopédie anglophone disponible gratuitement sur le web Créé en décembre 1999, le site Britannica.com propose en accès libre et gratuit l'équivalent des 32 volumes de la 15e édition de l''Encyclopaedia Britannica, encyclopédie de référence de langue anglaise. Le site propose aussi l'actualité mondiale, une sélection d'articles de 70 magazines, un guide des meilleurs sites web (plus de 125.000 sites), une sélection de livres, etc., le tout étant accessible à partir d'un moteur de recherche unique. Depuis septembre 2000, le site fait partie des cent sites les plus visités au monde. Juillet 2000: Autopublication sur l'internet de The Plant, de Stephen King, premier auteur de best-sellers à se lancer dans un tel pari L'américain Stephen King, maître du suspense, est le premier auteur à succès à distribuer une oeuvre uniquement sur l'internet. Riding The Bullet, une nouvelle de 66 pages, provoque un véritable raz-de-marée lors de sa "sortie" sur le web le 14 mars 2000. 400.000 exemplaires sont téléchargés en 24 heures sur les sites des libraires en ligne qui la vendent. Suite à ce succès médiatique et financier, Stephen King décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un site web spécifique et débute la publication en épisodes de The Plant le 24 juillet 2000. Le premier chapitre est téléchargeable en plusieurs formats (PDF, OeB, HTML, texte, etc.). Enthousiastes, sceptiques ou inquiets, les professionnels du livre suivent l'expérience de près. En novembre 2000, après la parution du sixième chapitre, Stephen King décide d'arrêter la publication pendant un an ou deux, le nombre de téléchargements et de paiements ayant régulièrement baissé au fil des chapitres. Août 2000: Le Microsoft Reader disponible pour les ordinateurs de bureau En mars 2000, une première version du Microsoft Reader (qui utilise le format OeB) permet la lecture de livres sur les ordinateurs de poche. En août 2000, le Microsoft Reader est utilisable sur un ordinateur de bureau. Des partenariats sont prévus avec les deux grands libraires en ligne, Barnes & Noble.com et Amazon.com, dans le cadre de l'ouverture prochaine de leurs librairies numériques (respectivement le 8 août et le 28 août 2000). Septembre 2000: Rachat des éditions 00h00.com par l'américain Gemstar Société leader dans le domaine des technologies et des systèmes interactifs pour les produits numériques, l'américain Gemstar étend son empire. En janvier 2000, il rachète les deux sociétés américaines à l'origine des premiers modèles de livres électroniques, NuvoMedia, créatrice du Rocket eBook, et Softbook Press, créatrice du Softbook Reader. Le 15 septembre 2000, il rachète les éditions 00h00.com, fondées à Paris en mai 1998 par Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira. Ce rachat permet à Gemstar d'accéder à l'édition numérique francophone, dont 00h00.com est devenu depuis son lancement le site de référence avec plus de 600 titres, essentiellement des rééditions électroniques d'ouvrages publiés par d'autres éditeurs. Septembre 2000: Mise en ligne gratuite du Grand dictionnaire terminologique (GDT), dictionnaire bilingue français-anglais Le GDT rassemble un fonds terminologique de 3 millions de termes français et anglais du vocabulaire industriel, scientifique et commercial, dans 2.000 domaines d'activité. Son volume représenterait 3.000 ouvrages de référence imprimés. La mise en ligne gratuite du GDT le 18 septembre 2000 est le résultat d'un partenariat entre l'Office de la langue française du Québec, auteur du dictionnaire, et la société Semantix, spécialisée dans la mise au point de solutions logicielles pour l'intégration de fonctions linguistiques. Cette mise en ligne est un succès: dès le premier mois, le dictionnaire est consulté par 1,3 million de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. Octobre 2000: Lancement du Gemstar eBook à New York Lancé le 12 octobre 2000 à New York, le Gemstar eBook est le successeur du Rocket eBook (de NuvoMedia) et du Softbook Reader (de SoftBook Press), suite au rachat de leurs sociétés par Gemstar en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, les deux modèles - REB1100 (modèle noir et blanc, sucesseur du Rocket eBook) et REB1200 (modèle couleur, sucesseur du Softbook Reader) - sont construits et vendus sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia). La commercialisation en Europe est prévue courant 2001. Octobre 2000: Le eBookMan de Franklin reçoit le eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort Créé par Franklin, société leader spécialisée dans les PDA (personal digital assistants) et les dictionnaires de poche, le eBookMan reçoit le 20 octobre 2000 le eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort (13-17 octobre 2000). Un mois après, la version test (beta) du eBookMan est présentée au Comdex Trade Show de Las Vegas (13-17 novembre 2000). Trois modèles (EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont commercialisés début 2001 aux Etats-Unis. Novembre 2000: La Bible de Gutenberg disponible en ligne sur le site de la British Library Depuis le 22 novembre 2000, la version numérique de la Bible de Gutenberg est en accès libre sur le site de la British Library. Cette Bible est le premier ouvrage que Gutenberg ait imprimé, en 1454-1455, dans son atelier de Mayence (Allemagne). Il l'aurait imprimé en 180 exemplaires, et 48 exemplaires (dont certains incomplets) existeraient toujours. La British Library en possède deux versions complètes, et une partielle. Janvier 2001: Commercialisation du Cybook, livre électronique conçu par la société Cytale Conçu par la société Cytale, le Cybook est le premier livre électronique européen à être mis sur le marché. Olivier Pujol, PDG de Cytale, le présente le 15 décembre 2000 à un groupe de professionnels: auteurs, éditeurs, spécialistes des nouvelles technologies, etc. Distribué depuis le 23 janvier 2001, le Cybook ne nécessite qu'une prise téléphonique pour la connexion à l'internet. Le téléchargement des ouvrages s'effectue à partir de la librairie électronique située sur le site web. 3. QU'APPORTE L'INTERNET AUX AUTEURS? [Dans ce chapitre:] [3.1. Auteurs "classiques" / Des échanges accrus / Un outil de recherche et d'ouverture sur le monde / Une source d'inspiration romanesque // 3.2. Auteurs multimédias et hypermédias / Un rapport différent à l'écriture / Des hyper-romans publiés en feuilleton sur le web / Un espace d'écriture hypermédia / Vers un nouveau genre littéraire?] 3.1. Auteurs "classiques" = Des échanges accrus De l'avis général, l'internet renforce considérablement les relations de l'auteur avec le lecteur. Site web et courrier électronique permettent de multiplier les échanges, sans contrainte de temps et de lieu. Nicolas Ancion utilise l'internet comme outil de communication et de création depuis 1997: "Je publie des textes en ligne, soit de manière exclusive (j'ai publié un polar uniquement en ligne et je publie depuis février (2001) deux romans-feuilletons écrits spécialement pour ce support), soit de manière complémentaire (mes textes de poésie sont publiés sur papier et en ligne). Je dialogue avec les lecteurs et les enseignants à travers mon site web." En avril 2000, Anne-Bénédicte Joly, écrivain, décide d'auto-publier ses oeuvres en utilisant le web pour les faire connaître. "Mon site a plusieurs objectifs, écrit-elle. Présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l'on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d'écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d'or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires. (...) Créer un site internet me permet d'élargir le cercle de mes lecteurs en incitant les internautes à découvrir mes écrits. Internet est également un moyen pour élargir la diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j'espère susciter des contacts de plus en plus nombreux. (...) Internet devra me permettre d'aller à la rencontre de lecteurs (d'internautes) que je n'aurai pas l'occasion en temps ordinaire de côtoyer. Je pense à des pays francophones tels que le Canada qui semble réserver une place importante à la littérature française. Je suis déjà référencée dans des annuaires et des moteurs de recherche anglo-saxons, et en passe de définir des accords d'échange de liens avec des sites universitaires et littéraires canadiens." Poète et plasticienne, Silvaine Arabo débute en mai 1997 la cyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui. "Pour ce qui est d'internet, je suis autodidacte (je n'ai reçu aucune formation informatique quelle qu'elle soit), explique-t-elle. En 1997 j'ai eu l'idée de construire un site littéraire centré sur la poésie: internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pour communiquer ses passions aussi. Je me suis donc mise au travail, très empiriquement, et ai finalement abouti à ce site sur lequel j'essaye de mettre en valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prise de recul (rubrique 'Réflexions sur la poésie') sur l'objet considéré." L'utilisation de l'internet a-t-elle des incidences sur son activité de poète? "Disons que la gestion d'un site internet - si l'on veut qu'il demeure vivant - requiert beaucoup de temps. Mais je fais en sorte que ma création personnelle n'en souffre pas. Par ailleurs, internet m'a mise en contact avec d'autres poètes, dont certains fort intéressants... Cela rompt le cercle de la solitude et permet d'échanger des idées. On se lance des défis aussi... Internet peut donc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes puisqu'ils savent qu'ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas, correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurs textes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de la poésie par internet: tant pour le lecteur que pour le créateur. "En mars 2001, elle crée sur support papier, Saraswati: revue de poésie, d'art et de réflexion. Cyber-revue et revue papier, "les deux créations se complètent et sont vraiment à placer en regard l'une de l'autre." Murray Suid écrit des livres pédagogiques et des livres pour enfants. Il est également l'auteur d'oeuvres multimédias et de scénarios. "L'internet est devenu mon principal instrument de recherche, et il a largement - mais pas complètement - remplacé la bibliothèque traditionnelle et la communication de personne à personne pour une recherche précise. A l'heure actuelle, au lieu de téléphoner ou d'aller interviewer les gens sur rendez-vous, je le fais par courrier électronique. Du fait de la rapidité inhérente à la messagerie électronique, j'ai pu collaborer à distance avec des gens, particulièrement pour des scénarios. J'ai par exemple travaillé avec deux producteurs allemands. Cette correspondance est également facile à conserver et à organiser, et je peux donc aisément accéder à l'information échangée de cette façon. De plus, le fait d'utiliser le courrier électronique permet aussi de garder une trace des idées et des références documentaires. Ce type de courrier fonctionnant bien mieux que le courrier classique, l'internet m'a permis de beaucoup augmenter ma correspondance. De même le rayon géographique de mes correspondants s'est beaucoup étendu, surtout vers l'Europe (Murray Suid habite en Californie, ndlr). Auparavant, j'écrivais rarement à des correspondants situés hors des Etats-Unis. C'est également beaucoup plus facile, je prends nettement plus de temps qu'avant pour aider d'autres écrivains dans une sorte de groupe de travail virtuel. Ce n'est pas seulement une attitude altruiste, j'apprends beaucoup de ces échanges qui, avant l'internet, me demandaient beaucoup plus d'efforts." Dès 1998, Murray Suid préconise une solution désormais choisie par de nombreux auteurs. "Un livre peut avoir un prolongement sur le web - et donc vivre en partie dans le cyberespace. L'auteur peut ainsi aisément l'actualiser et le corriger, alors qu'auparavant il devait attendre longtemps jusqu'à l'édition suivante, quand il y en avait une. (...) Je ne sais pas si je publierai des livres sur le web, au lieu de les publier en version imprimée. J'utiliserai peut-être ce nouveau support si les livres deviennent multimédias. Pour le moment je participe au développement de matériel pédagogique multimédia. C'est un nouveau type de matériel qui me plaît beaucoup et qui permet l'interactivité entre des textes, des films, des documents audio et des graphiques tous reliés les uns aux autres. Un an après, en août 1999, il relate: "En plus des livres complétés par un site web, je suis en train d'adopter la même formule pour mes oeuvres multimédias - qui sont sur CD-Rom - afin de les réactualiser et d'enrichir leur contenu." Depuis, Murray Suid participe à des réalisations multimédias à caractère pédagogique conçues pour le réseau. Il travaille notamment pour EDVantage Software qui, de société multimédia, est devenue une société internet de logiciels éducatifs. = Un outil de recherche et d'ouverture sur le monde Michel Benoît écrit des nouvelles policières, des récits noirs et des histoires fantastiques. "L'internet s'est imposé à moi comme outil de recherche et de communication, essentiellement. Non, pas essentiellement. Ouverture sur le monde aussi. Si l'on pense: recherche, on pense: information. Voyez-vous, si l'on pense: écriture, réflexion, on pense: connaissance, recherche. Donc on va sur la toile pour tout, pour une idée, une image, une explication. Un discours prononcé il y a vingt ans, une peinture exposée dans un musée à l'autre bout du monde. On peut donner une idée à quelqu'un qu'on n'a jamais vu, et en recevoir de même. La toile, c'est le monde au clic de la souris. On pourrait penser que c'est un beau cliché. Peut-être bien, à moins de prendre conscience de toutes les implications de la chose. L'instantanéité, l'information tout de suite, maintenant. Plus besoin de fouiller, de se taper des heures de recherche. On est en train de faire, de produire. On a besoin d'une information. On va la chercher, immédiatement. De plus, on a accès aux plus grandes bibliothèques, aux plus importants journaux, aux musées les plus prestigieux. On pense à une toile d'un grand peintre, un instant plus tard, on l'a devant les yeux, on peut l'imprimer pour l'étudier plus en détail. Il y a une guerre quelque part dans le monde, un instant plus tard, on lit les communiqués de propagande d'un côté et de l'autre. La toile, le web, est en train de donner son vrai sens au village global, Gaïa, la terre-mère. (...) Mon avenir professionnel en inter-relation avec le net, je le vois exploser. Plus rapide, plus complet, plus productif. Je me vois faire en une semaine ce qui m'aurait pris des mois. Plus beau, plus esthétique. Je me vois réussir des travaux plus raffinés, d'une facture plus professionnelle, même et surtout dans des domaines connexes à mon travail, comme la typographie, où je n'ai aucune compétence. La présentation, le transport de textes, par exemple. Le travail simultané de plusieurs personnes qui seront sur des continents différents. Arriver à un consensus en quelques heures sur un projet, alors qu'avant le net, il aurait fallu plusieurs semaines, parlons de mois entre les francophones. Plus le net ira se complexifiant, plus l'utilisation du net deviendra profitable, nécessaire, essentielle." = Une source d'inspiration romanesque Dans son roman Sanguine sur toile (Le Choucas, 1999), l'internet est un personnage en soi, explique Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain. "Plutôt que de le décrire dans sa complexité technique, le réseau est montré comme un être tantôt menaçant, tantôt prévenant, maniant parfois l'humour. N'oublions pas que l'écran d'ordinateur joue son double rôle: il montre et il cache. C'est cette ambivalence qui fait l'intrigue du début à la fin. Dans ce jeu, le grand gagnant est bien sûr celui ou celle qui sait s'affranchir de l'emprise de l'outil pour mettre l'humanisme et l'intelligence au-dessus de tout." En quoi consiste l'intrigue? "La "toile", c'est celle du peintre, c'est aussi l'autre nom d'internet: le web - la toile d'araignée, explique l'auteur. "Sanguine" évoque le dessin et la mort brutale. Mais l'amour des couleurs justifierait-il le meurtre? Sanguine sur toile évoque l'histoire singulière d'un internaute pris dans la tourmente de son propre ordinateur, manipulé à distance par un très mystérieux correspondant qui n'a que vengeance en tête. J'ai voulu emporter le lecteur dans les univers de la peinture et de l'entreprise, univers qui s'entrelacent, s'échappent, puis se rejoignent dans la fulgurance des logiciels. Le lecteur est ainsi invité à prendre l'enquête à son propre compte pour tenter de démêler les fils tressés par la seule passion. Pour percer le mystère, il devra répondre à de multiples questions. Le monde au bout des doigts, l'internaute n'est-il pas pour autant l'être le plus seul au monde? Compétitivité oblige, jusqu'où l'entreprise d'aujourd'hui peut-elle aller dans la violence? La peinture tend-elle à reproduire le monde ou bien à en créer un autre? Enfin, j'ai voulu montrer que les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voire pour tuer." Autre roman dans lequel le web est omniprésent, La Toile, de Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8. Publié en 1999 par CyLibris, maison d'édition en ligne, cet roman est une projection dans l'avenir. "Notre internet (...) fait pâle figure auprès de l'omniprésente toile électronique sur laquelle repose le monde de 2015, lit-on sur le site de l'éditeur. Chacun vit, travaille, communique, s'instruit à travers le réseau... Chacun? Non, car le système engendre aussi ses exclusions, et rejette dans la marginalité les non-intégrés, ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas être "citoyens du web". Dans cet avenir plus que probable, un "web artist" ouzbèque, Khamid Khan Kharamidov, est retrouvé assassiné dans une chambre d'hôtel de Montréal. Pour la police, ce n'est d'abord qu'une affaire de routine. Pour Blaise Carver, universitaire spécialisé en sciences de la communication et hisorien du réseau, enquêter sur la mort de Kharamidov et jouer les détectives amateurs n'est d'abord qu'un pari amical. Mais bientôt, tous réalisent que la mort du 'web artist' n'est que le sommet de l'iceberg, et que derrière ce crime s'étendent une infinité de ramifications qui, du Canada à l'Angleterre, de la Sibérie à l'Australie, de Paris à Sion, mettent en péril l'équilibre du monde entier. Tandis que, devant sa console, Blaise Carver commence à entrevoir l'effrayante vérité, un compte à rebours, quelque part, est déjà enclenché..." 3.2. Auteurs multimédias et hypermédias Principe de base du web, le lien hypertexte permet de relier entre eux des documents textuels et des images. Quant au lien hypermédia, il permet l'accès à des graphiques, des documents audio et vidéo et des images animées. L'hyperlien ouvre de nombreuses perpectives pour la création en général et la littérature en particulier. Des écrivains n'ont pas tardé à en explorer les possibilités. = Un rapport différent à l'écriture Jean-Paul, écrivain et musicien, est le webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D. "La navigation par hyperliens se fait en rayon (j'ai un centre d'intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens qui s'y rapportent) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu'ils apparaissent, au risque de perdre de vue mon sujet). Bien sûr, les deux sont possibles avec l'imprimé. Mais la différence saute aux yeux: feuilleter n'est pas cliquer. L'internet n'a donc pas changé ma vie, mais mon rapport à l'écriture. On n'écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc. En fait, ce n'est pas sur la toile, c'est dans le premier Mac que j'ai découvert l'hypermédia à travers l'auto-apprentissage d'Hypercard. Je me souviens encore de la stupeur dans laquelle j'ai été plongé, durant le mois qu'a duré mon apprentissage des notions de boutons, liens, navigation par analogies, par images, par objets. L'idée qu'un simple clic sur une zone de l'écran permettait d'ouvrir un éventail de piles de cartes dont chacune pouvait offrir de nouveaux boutons dont chacun ouvrait un nouvel éventail dont... bref l'apprentissage de tout ce qui aujourd'hui sur la toile est d'une banalité de base, cela m'a fait l'effet d'un coup de foudre (il paraît que Steve Jobs et son équipe eurent le même choc lorsqu'ils découvrirent l'ancêtre du Mac dans les laboratoires de Rank Xerox). Depuis, j'écris (compose, mets en page, en scène) directement à l'écran. L'état 'imprimé' de mon travail n'est pas le stade final, le but ; mais une forme parmi d'autres, qui privilégie la linéarité et l'image, et qui exclut le son et les images animées. (...) C'est finalement dans la publication en ligne (l'entoilage?) que j'ai trouvé la mobilité, la fluidité que je cherchais. Le maître mot y est "chantier en cours", sans palissades. Accouchement permanent, à vue, comme le monde sous nos yeux. Provisoire, comme la vie qui tâtonne, se cherche, se déprend, se reprend. Avec évidemment le risque souligné par les gutenbergs, les orphelins de la civilisation du livre: plus rien n'est sûr. Il n'y a plus de source fiable, elles sont trop nombreuses, et il devient difficile de distinguer un clerc d'un gourou. Mais c'est un problème qui concerne le contrôle de l'information. Pas la transmission des émotions." Jean-Paul a participé au websoap, un projet d'écriture hypertextuelle conçu pour l'internet par Olivier Lefèvre, mis en ligne le 17 novembre 2000 et interrompu (provisoirement?) quelques semaines après. Il s'agit d'"un jeu de rôles hypermédias dont l'avenir me paraît prometteur, parce qu'il est en rapport étroit avec les lois de fonctionnement du 'cyberespace': www.thewebsoap.net. Cette adresse renvoie à une constellation de sites centrés chacun sur un individu. Ils communiquent et interagissent par leur boîte à lettres, ouverte au public. L'internaute a ainsi accès à plusieurs portes d'entrée dans l'histoire. La nouveauté du feuilleton est qu'il se déroule en 'temps réel' (ce qui est impossible dans le monde de l'imprimé; quant aux séries télé, elles aussi sont cantonnées à la forme de l'épisode à horaire fixe). Les personnages correspondent quotidiennement, en quasi-direct, ce qui instaure pour les auteurs un rapport presque journalistique à leur imaginaire et à leur écriture. L'internaute suit, à son propre rythme, libre de s'intéresser ou non à l'intégralité des différentes intrigues (amours, galères, showbiz, ombres maléfiques, mystères et rebondissements) ou à l'ensemble de tous les personnages. C'est avant tout cette fluidité générale (apparente! c'est en fait un sacré travail!) qui m'a fait y participer. Elle permet de garder le côté impro-jazz que j'aime dans la mise en net." "Les possibilités de l'écriture spécifiques à l'internet sont multiples (si pas infinies, on est en tout cas loin d'en avoir fait le tour)", écrit Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte. A l'origine, il s'intéresse surtout à "l'écriture de mail (...): des mails fictifs". Tout comme Jean-Paul, il participe au websoap, qui "a comme particularité d'utiliser exclusivement les moyens du web pour raconter les récits qu'il se donne comme objectif de mettre en place. Le défi que lance à ses auteurs notre réalisateur/intégrateur Olivier Lefèvre est de taille. En effet, habituellement, l'écriture, qu'elle soit de roman, de scénario ou de théâtre, implique des descriptions, des indications de mise en scène (ou des didascalies pour le théâtre). Ici, rien de tout ça. Tout doit se dire sous forme d'adresse à un autre personnage. Il faut ensuite rebondir sur la ou les réponses, et s'arranger pour que le nécessaire soit dit. De plus, logiquement, une adresse à un tiers est le plus souvent succinte, pleine de référence et de sous-entendus, entre le ton parlé, un ton un peu littéraire, un ton un peu dépersonnalisé par rapport à la parole, mais proche quand même de son interlocuteur. On est plus proche du roman "épistolaire" du 19e (siècle, pas l'arrondissement qui n'a rien à voir), que d'une continuité dialoguée... Donc, exercice difficile pour tout 'tchatcheur', être court, mais tout dire, tout en restant léger... Heureusement, de temps à autre nous sommes aidés par un concept qui nous vient droit du jeu de rôle (d'autres auteurs du websoap nous viennent de ce secteur): le PNJ, le personnage non joué. Des adresses à ce personnage, proche du second rôle d'une fiction classique, mais non joué par un des "joueurs-auteurs", permet de préparer "le" mail décisif à un autre personnage principal, en mettant en place la situation. Attention tout de même: il faut rester dans la cohérence du récit et assurer stabilité et visibilité! En fait, un peu comme dans la dramaturgie cinématographique ou théâtrale, où l'importance du hors champ n'est plus à inventer, le sens saute d'un mail à l'autre. Plus clairement, un mail qui a un sens très positif en tant que tel, peut en prendre un tout autre, lorsqu'il est complété par une information distillée par un autre mail. Dans cette nouvelle forme d'écriture, tout s'invente en temps réel. Et c'est ce qui est passionnant..." Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre, fait elle aussi partie de l'équipe du websoap. "Aux côtés d'Olivier Lefèvre, qui est le concepteur du projet, j'ai créé le personnage principal, Mona Bliss, autour duquel gravitent une galaxie d'autres personnages, tous doués d'une vie propre, c'est-à-dire, sur la toile, d'un site personnel et d'une boîte aux lettres électronique dont le contenu est accessible à tous sur le Blue Mailer (site qui permet au lecteur de lire sur le web le contenu des différentes boîtes aux lettres, ndlr)." Plus généralement, "j'ai toujours baigné dans l'écriture, raconte-t-elle, mais je n'ai produit de textes dignes de ce nom que grâce à l'ordinateur, qui a profondément modifié ma façon d'écrire et de penser. Quand il m'arrive par hasard de retourner au stylo et au papier, je suis perdue, mon écriture, comme intrinsèquement hypertextuelle, part (apparemment) dans tous les sens sur la page blanche. La structure n'est plus la même. Bien sûr, avec ma formation classique (hypokhâgne, latin-grec) je pourrais rapidement retrouver l'écriture linéaire, mais franchement, je n'en ai plus envie. Je me sens en parfaite adéquation avec l'hypertexte, tout simplement. Peut-être parce que j'ai l'esprit d'escalier..." = Des hyper-romans publiés en feuilleton sur le web Lucie de Boutiny est l'auteur de Non, roman multimédia publié en feuilleton sur le web par Synesthésie, revue en ligne d'art contemporain. "NON prolonge les expériences du roman post-moderne (récits tout en digression, polysémie avec jeux sur les registres - naturaliste, mélo, comique... - et les niveaux de langues, etc.), explique-t-elle. Cette hyperstylisation permet à la narration des développements inattendus et offre au lecteur l'attrait d'une navigation dans des récits multiples et multimédias, car l'écrit à l'écran s'apparente à un jeu et non seulement se lit mais aussi se regarde. Quant au sujet: NON est un roman comique qui fait la satire de la vie quotidienne d'un couple de jeunes cadres supposés dynamiques. Bien qu'appartenant à l'élite high-tech d'une industrie florissante, Monsieur et Madame sont les jouets de la dite révolution numérique. (...) Les personnages sont de bons produits. Les images et le style graphique qui accompagnent leur petite vie conventionnelle ne se privent pas de détourner nombre de vrais bandeaux publicitaires et autres icônes qui font l'apologie d'une vie bien encadrée par une société de contrôle." Lucie de Boutiny publie aussi bien sur papier que sur écran. "D'une manière générale, mon humble expérience d'apprentie auteur m'a révélé qu'il n'y a pas de différence entre écrire de la fiction pour le papier ou le pixel: cela demande une concentration maximale, un isolement à la limite désespéré, une patience obsessionnelle dans le travail millimétrique avec la phrase, et bien entendu, en plus de la volonté de faire, il faut avoir quelque chose à dire! Mais avec le multimédia, le texte est ensuite mis en scène comme s'il n'était qu'un scénario. Et, si à la base, il n'y a pas un vrai travail sur le langage des mots, tout le graphisme et les astuces interactives qu'on peut y mettre fera gadget. Par ailleurs, le support modifie l'appréhension du texte, et même, il faut le souligner, change l'oeuvre originale." Les possibilités offertes par l'hyperlien ont néanmoins changé son mode d'écriture. "Ce qui a changé: le bonheur d'écrire autrement, car ce qu'il se passe, depuis l'avènement d'ordinateurs multimédias, relativement peu coûteux, connectés au web, est qu'un certain nombre d'artistes éclairés par la fée électricité ont besoin d'être illuminés. Quelles que soient leurs confessions d'origine (arts visuels, littérature, poésie sonore, expérimentale...), elles/ils utilisent le média numérique comme un outil de création dont il faut découvrir les possibles. Le net étant évolutif, les artistes proposent le plus souvent des tentatives, c'est curieux, des works in progress, c'est opiniâtre, ou des pièces plus ambitieuses qui se construisent dans le temps, en fonction de l'amélioration du web (sa fluidité, sa résolution d'images, etc.). Ainsi le cyberartiste propose souvent des actualisations et des versions O.x. Voilà qui est intéressant et qui nous sort du marché." Roman d'Anne-Cécile Brandenbourger, La malédiction du parasol s'est d'abord intitulée Apparitions inquiétantes. "Longue histoire à lire dans tous les sens, un labyrinthe de crimes, de mauvaises pensées et de plaisirs ambigus", la version originale s'est développée sous forme de feuilleton pendant deux ans sur le site d'Anacoluthe, en collaboration avec Olivier Lefèvre. L'histoire est publiée en février 2000 aux éditions 00h00.com, en tant que premier titre de la collection 2003, consacrée aux nouvelles écritures numériques. Suite au succès du livre, six mois après, en août 2000, le roman est réédité en version imprimée aux éditions "Florent Massot présente", avec une couverture en 3D et un nouveau titre. "Les possibilités offertes par l'hypertexte m'ont permis de développer et de donner libre cours à des tendances que j'avais déjà auparavant, écrit l'auteur. J'ai toujours adoré écrire et lire des textes éclatés et inclassables (comme par exemple La vie mode d'emploi de Perec ou Si par une nuit d'hiver un voyageur de Calvino) et l'hypermédia m'a donné l'occasion de me plonger dans ces formes narratives en toute liberté. Car pour créer des histoires non linéaires et des réseaux de textes qui s'imbriquent les uns dans les autres, l'hypertexte est évidemment plus approprié que le papier. Je crois qu'au fil des jours, mon travail hypertextuel a rendu mon écriture de plus en plus intuitive. Plus 'intérieure' aussi peut-être, plus proche des associations d'idées et des mouvements désordonnés qui caractérisent la pensée lorsqu'elle se laisse aller à la rêverie. Cela s'explique par la nature de la navigation hypertextuelle, le fait que presque chaque mot qu'on écrit peut être un lien, une porte qui s'ouvre sur une histoire." = Un espace d'écriture hypermédia Mis en ligne en juin 1997, oVosite est l'oeuvre d'un collectif de six auteurs issus du département hypermédias de l'Université Paris 8: Chantal Beaslay, Laure Carlon, Luc Dall'Armellina, Philippe Meuriot, Anika Mignotte et Claude Rouah. oVosite est conçu et réalisé "autour d'un symbole primordial et spirituel, celui de l'oeuf, explique Luc Dall'Armellina. Le site s'est constitué selon un principe de cellules autonomes qui visent à exposer et intégrer des sources hétérogènes (littérature, photo, peinture, vidéo, synthèse) au sein d'une interface unifiante." Les possibilités offertes par l'hypertexte ont-elles changé son mode d'écriture? "Non - parce qu'écrire est de toute façon une affaire très intime, un mode de relation qu'on entretient avec son monde, ses proches et son lointain, ses mythes et fantasmes, son quotidien et enfin, appendus à l'espace du langage, celui de sa langue d'origine. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que l'hypertexte change fondamentalement sa manière d'écrire, qu'on procède par touches, par impressions, associations, quel que soit le support d'inscription, je crois que l'essentiel se passe un peu à notre insu. Oui - parce que l'hypertexte permet sans doute de commencer l'acte d'écriture plus tôt: devançant l'activité de lecture (associations, bifurcations, sauts de paragraphes) jusque dans l'acte d'écrire. L'écriture (significatif avec des logiciels comme StorySpace) devient peut-être plus modulaire. On ne vise plus tant la longue horizontalité du récit mais la mise en espace de ses fragments, autonomes. Et le travail devient celui d'un tissage des unités entre elles. L'autre aspect lié à la modularité est la possibilité d'écritures croisées, à plusieurs auteurs. Peut-être s'agit-il d'ailleurs d'une méta-écriture, qui met en relation les unités de sens (paragraphes ou phrases) entre elles." Cette double réponse est aussi celle de Xavier Malbreil, auteur multimédia et modérateur de la liste e-critures: "Oui: j'ai développé une écriture hypertextuelle spécifique sur mon site www.0m1.com dans les rubriques '10 poèmes en 4 dimensions' et 'Formes libres flottant sur les ondes'. Non: mon écriture traditionnelle (roman, nouvelles) n'a pas été modifiée par l'hyperlien." = Vers un nouveau genre littéraire? Pour Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel, "les écrivains français, c'est historique, sont dans leur majorité technophobes. Les institutions culturelles et les universitaires lettrés en revanche soutiennent les démarches hyperlittéraires à force de colloques et publications diverses. Du côté des plasticiens, je suis encore plus rassurée, il est acquis que l'art en ligne existe." "Je viens du papier, ajoute-t-elle. (...) Mes 'conseillers littéraires', des amis qui n'ont pas ressenti le vent de liberté qui souffle sur le web, aimeraient que j'y reste, engluée dans la pâte à papier. Appliquant le principe de demi-désobéissance, je fais des allers-retours papier-pixel. L'avenir nous dira si j'ai perdu mon temps ou si un nouveau genre littéraire hypermédia va naître. (...) Si les écrivains français classiques en sont encore à se demander s'ils ne préfèrent pas le petit carnet Clairefontaine, le Bic ou le Mont-Blanc fétiche, et un usage modéré du traitement de texte, plutôt que l'ordinateur connecté, voire l'installation, c'est que l'HTX (littérature hypertextuelle, ndlr) nécessite un travail d'accouchement visuel qui n'est pas la vocation originaire de l'écrivain papier. En plus des préoccupations du langage (syntaxe, registre, ton, style, histoire...), le techno-écrivain - collons-lui ce label pour le différencier - doit aussi maîtriser la syntaxe informatique et participer à l'invention de codes graphiques car lire sur un écran est aussi regarder." "L'avenir de la cyber-littérature, techno-littérature ou comme on voudra l'appeler, est tracé par sa technologie même", écrit Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs. Il est maintenant impossible à un(e) auteur(e) seul(e) de manier à la fois les mots, leur apparence mouvante et leur sonorité. Maîtriser aussi bien Director, Photoshop et Cubase, pour ne citer que les plus connus, c'était possible il y a dix ans, avec les versions 1. Ça ne l'est plus. Dès demain (matin), il faudra savoir déléguer les compétences, trouver des partenaires financiers aux reins autrement solides que Gallimard, voir du côté d'Hachette-Matra, Warner, Pentagone, Hollywood. Au mieux, le statut du... écrivaste? multimédiaste? sera celui du vidéaste, du metteur en scène, du directeur de produit: c'est lui qui écope des palmes d'or à Cannes, mais il n'aurait jamais pu les décrocher seul. Soeur jumelle (et non pas clone) du cinématographe, la cyber-littérature (= la vidéo + le lien) sera une industrie, avec quelques artisans isolés dans la périphérie off-off (aux droits d'auteur négatifs, donc)." "La couverture du réseau autour de la surface du globe resserre les liens entre les individus distants et inconnus, explique Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite. Ce qui n'est pas simple puisque nous sommes placés devant des situations nouvelles: ni vraiment spectateurs, ni vraiment auteurs, ni vraiment lecteurs, ni vraiment interacteurs. Ces situations créent des nouvelles postures de rencontre, des postures de 'spectacture' ou de 'lectacture' (Jean-Louis Weissberg). Les notions de lieu, d'espace, de temps, d'actualité sont requestionnées à travers ce médium qui n'offre plus guère de distance à l'événement mais se situe comme aucun autre dans le présent en train de se faire. L'écart peut être mince entre l'envoi et la réponse, parfois immédiat (cas de la génération de textes). Mais ce qui frappe et se trouve repérable ne doit pas masquer les aspects encore mal définis tels que les changements radicaux qui s'opèrent sur le plan symbolique, représentationnel, imaginaire et plus simplement sur notre mode de relation aux autres. 'Plus de proximité' ne crée pas plus d'engagement dans la relation, de même 'plus de liens' ne créent pas plus de liaisons, ou encore 'plus de tuyaux' ne créent pas plus de partage. Je rêve d'un internet où nous pourrions écrire à plusieurs sur le même dispositif, une sorte de lieu d'atelier d'écritures permanent et qui autoriserait l'écriture personnelle (c'est en voie d'exister), son partage avec d'autres auteurs, leur mise en relation dans un tissage d'hypertextes et un espace commun de notes et de commentaires sur le travail qui se crée. Je rêve encore d'un internet gratuit pour tous et partout, avec toute l'utopie que cela représente. Internet est jeune mais a déjà ses mythologies, ainsi Xanadu devait être cette cité merveilleuse ou tout le savoir du monde y serait lisible en toutes les langues. Loin d'être au bout de ce rêve, internet tient tout de même quelques-unes de ces promesses." 4. PRESSE EN LIGNE ET CYBERPRESSE [Dans ce chapitre:] [4.1. Presse "classique" et cyber // 4.2. Trois exemples / Ouest-France, quotidien imprimé présent sur le web / Les Chroniques de Cybérie, lettre électronique hebdomadaire / FTPress, société de cyberpresse] Bien que cet ouvrage concerne essentiellement le livre, il semble essentiel de consacrer un chapitre à la presse en ligne, que ce soit la presse imprimée présente sur le web ou la cyberpresse. Pourquoi? D'abord parce que le monde du livre et celui de la presse ont toujours été très liés. Et ensuite parce qu'il est possible que la différence entre le livre et la presse s'amenuise au fil des ans, au moins dans le domaine de la presse spécialisée. Depuis peu, chez certains éditeurs de documentaires, les livres peuvent être vendus en chapitres indépendants les uns des autres (voir 6.1), un élément que les auteurs ont désormais à l'esprit lors de la rédaction. Aussi la frontière ne deviendra-t-elle pas de plus en plus ténue entre le chapitre et l'article? 4.1. Presse "classique" et cyber Les premières éditions électroniques de journaux sont disponibles par le biais de services commerciaux tels que America Online ou CompuServe. Puis les éditeurs de ces journaux créent des serveurs web. La plupart des journaux et magazines sur papier ont maintenant leur site web sur lequel ils proposent une sélection d'articles ou bien la version intégrale de leur dernier numéro, ainsi que des forums, des dossiers et des archives. D'autres journaux et magazines sont purement électroniques. Monté dans le cadre d'un projet expérimental avec l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et présenté en février 1995 lors du forum des images Imagina, le site web du mensuel Le Monde diplomatique est le premier site d'un périodique imprimé français. Il permet l'accès à l'ensemble des articles depuis 1998, par date, sujet et pays. L'intégralité du mensuel en cours est consultable gratuitement pendant les deux semaines suivant sa parution. Un forum permanent de discussions en ligne permet des échanges avec les lecteurs. Le site comprend aussi des bases documentaires comprenant des textes de référence et des dossiers d'actualité. A sa suite, rapidement, des quotidiens imprimés créent un site web: Libération fin 1995, Le Monde et L'Humanité en 1996, etc. La presse doit maintenant compter avec l'internet pour les diverses ressources qu'offre le réseau: rapidité de propagation de l'information, accès à de nombreux sites d'information, liens à des articles et sources traitant du même sujet, bases de données documentaires allant du général au spécialisé et réciproquement (cartes, textes officiels, informations d'ordre politique, économique, social, culturel, etc.), bases de données iconographiques (photos, images, figures, graphiques, etc.), archivage avec moteur de recherche. Le réseau permet une information en profondeur qu'aucun organe de presse ne pouvait donner jusqu'ici. Derrière l'information du jour se trouve toute une encyclopédie qui aide à la comprendre. Signe des temps, en novembre 2000, à Lille, la Fédération nationale de la presse française (FNPF) organise un congrès consacré à l'avenir de la presse face au développement de l'internet et des nouvelles technologies ("Demain la presse", 13e congrès de la FNPF, 23-24 novembre 2000, Lille). 500 acteurs de la presse française y échangent leurs expériences. Le congrès précédent s'était tenu en octobre 1991, soit dix ans auparavant. "En dix ans, il s'est passé beaucoup de choses, souligne Alain Boulonne, président de la FNPF (cité par l'AFP). Avec la montée en puissance des nouvelles technologies, nous sommes confrontés à un avenir extrêmement improbable, dans lequel la presse doit se battre pour trouver sa place." Trois questions dominent les travaux: à qui appartiendra demain l'entreprise de presse, les problèmes de labellisation des contenus sur le web, et l'internet en tant qu'opportunité pour valoriser les fonds éditoriaux. 4.2. Trois exemples Voici trois exemples représentatifs de la presse en ligne: Ouest-France, quotidien imprimé présent sur le web depuis juillet 1996 (4.2.1), Les Chroniques de Cybérie, lettre électronique hebdomadaire créée dès novembre 1994 et présente sur le web depuis avril 1995 (4.2.2), et enfin FTPress, société de cyberpresse créée en septembre 1999 (4.2.3). = Ouest-France, quotidien imprimé présent sur le web Ouest-France, le grand quotidien de l'ouest avec ses 42 éditions différentes, ouvre son serveur internet en juillet 1996. Bernard Boudic en a été le responsable éditorial jusqu'en décembre 2000. "TC-Multimédia a été créée en 1986, explique-t-il. Elle prennait la suite de l'Association télématique de l'ouest qui avait expérimenté le minitel (créé à Rennes). D'abord spécialisée exclusivement dans les services vidéotex, elle a fait aussi de l'internet à partir de juillet 1996. Elle est chargée d'exploiter sur ce média l'ensemble de la production du journal Ouest-France." "A l'origine, l'objectif était de présenter et relater les grands événements de l'Ouest en invitant les internautes à une promenade dans un grand nombre de pages consacrées à nos régions (tourisme, industrie, recherche, culture), écrit Bernard Boudic en juin 1998. Très vite, nous nous sommes aperçus que cela ne suffisait pas. Nous nous sommes tournés vers la mise en ligne de dossiers d'actualité, puis d'actualités tout court. Aujourd'hui (en juin 1998, ndlr) nous avons quatre niveaux d'infos: quotidien, hebdo (tendant de plus en plus vers un rythme plus rapide), événements et dossiers. Et nous offrons des services (petites annonces, guide des spectacles, presse-école, boutique, etc.). Nous travaillons sur un projet de journal électronique total: mise en ligne automatique chaque nuit de nos quarante éditions (450 pages différentes, 1.500 photos) dans un format respectant typographie et hiérarchie de l'information et autorisant la constitution par chacun de son journal personnalisé (critères géographiques croisés avec des critères thématiques)." "Internet a changé ma vie professionnelle d'abord parce que je suis devenu le responsable éditorial du site, ajoute-t-il à la même époque. Les retombées sur le travail quotidien des journalistes d'Ouest-France sont encore minces. Nous commençons seulement à offrir un accès internet à chacun (la rédaction d'Ouest-France comprend 370 journalistes répartis dans soixante rédactions, sur douze départements... pas simple). Certains utilisent internet pour la messagerie électronique (courrier interne ou externe, réception de textes de correspondants à l'étranger, envoi de fichiers divers) et comme source d'informations. Mais cette pratique demande encore à s'étendre et à se généraliser. Bien sûr, nous réfléchissons aussi à tout ce qui touche à l'écriture multimédia et à sa rétroaction sur l'écriture imprimée, aux changements d'habitudes de nos lecteurs, etc. (...) Internet est à la fois une menace et une chance. Menace sur l'imprimé, très certainement (captation de la pub et des petites annonces, changement de réflexes des lecteurs, perte du goût de l'imprimé, concurrence d'un média gratuit, que chacun peut utiliser pour diffuser sa propre info, etc.). Mais c'est aussi l'occasion de relever tous ces défis et de rajeunir la presse imprimée." Trois ans après, en janvier 2001, quelles sont les perspectives? "Nous avons la chance de disposer d'un gisement d'informations déjà utilisées pour le papier (Ouest-France publie dans ses 42 éditions 550 pages différentes toutes les nuits) et de petites annonces. Nous avons une marque connue et respectée. Mais le modèle économique n'est pas trouvé. Nous pensons développer un service payant à destination des centres de documentation qui leur permettrait de rechercher dans les 42 éditions n'importe quel article correspondant à une requête par mots-clés." En ce qui concerne le journal imprimé en général , "mon avis est que le journal-papier est menacé à terme (20 ans ?) s'il ne se renouvelle pas dans la forme et dans le fond. La prise en mains du journal se fera de plus en plus tard (40-45 ans?). Il y aura des arbitrages avec la télévision (satellite, câble, numérique hertzien), avec l'internet rapide (ADSL, câble, boucle locale radio, satellite?). Il n'y aura pas de publicité disponible pour faire vivre tout le monde." = Les Chroniques de Cybérie, lettre électronique hebdomadaire Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance Les Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, en novembre 1994 sous la forme d'une lettre hebdomadaire envoyée par courrier électronique (environ 5.000 abonnés en 2001). A partir d'avril 1995, on peut également lire les Chroniques directement sur le web. Depuis bientôt sept ans maintenant, elles font référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. Quel est l'historique des Chroniques? "Il y a deux choses ici, dans mon cas, relate Jean-Pierre Cloutier en juin 1998. D'abord une époque où j'étais traducteur (après avoir travaillé dans le domaine des communications). Je me suis branché à internet à la demande de clients de ma petite entreprise de traduction car ça simplifiait l'envoi des textes à traduire et le retour des textes traduits. Assez rapidement, j'ai commencé à élargir mon bassin de clientèle et à avoir des contrats avec des clients américains. Puis, il y a eu carrément changement de profession, c'est-à-dire que j'ai mis de côté mes activités de traduction pour devenir chroniqueur. Au début, je le faisais à temps partiel, mais c'est rapidement devenu mon activité principale. C'était pour moi un retour au journalisme, mais de manière manifestement très différente. Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés (nouveaux sites, nouveaux logiciels). Mais graduellement on a davantage traité des questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualité nationale et internationale dans le social, le politique et l'économique. Dans le premier cas, celui des questions de fond, c'est relativement simple car toutes les ressources (documents officiels, dépêches, commentaires, analyses) sont en ligne. On peut donc y mettre son grain de sel, citer, étendre l'analyse, pousser des recherches. Pour ce qui est de l'actualité, la sélection des sujets est tributaire des ressources disponibles, ce qui n'est pas toujours facile à dénicher. On se retrouve alors dans la même situation que la radio ou la télé, c'est-à-dire que s'il n'y a pas de clip audio ou d'images, une nouvelle même importante devient du coup moins attrayante sur le plan du médium." Toujours en juin 1998, quelles étaient les perspectives? "Dans le cas des Chroniques de Cybérie, nous avons pu lancer et maintenir une formule en raison des coûts d'entrée relativement faibles dans ce médium. Cependant, tout dépendra de l'ampleur du phénomène dit de 'convergence' des médias et d'une hausse possible des coûts de production s'il faut offrir de l'audio et de la vidéo pour demeurer concurrentiels. Si oui, il faudra songer à des alliances stratégiques, un peu comme celle qui nous lie au groupe Ringier (entre avril 1998 et mars 2001, ndlr) et qui a permis la relance des Chroniques après six mois de mise en veilleuse. Mais quel que soit le degré de convergence, je crois qu'il y aura toujours place pour l'écrit, et aussi pour les analyses en profondeur sur les grandes questions." Deux ans après, en août 2000, Jean-Pierre Cloutier écrit: "Fin juillet 1998, à peu près au moment où nous avions notre tout premier entretien, j'écrivais: "Quelqu'un me demandait récemment quelles étaient les grandes tendances d'internet et si quelque chose avait changé dans la couverture journalistique de l'espace cyber. Après avoir feint de ne pas avoir entendu la question, question de songer à une réponse adéquate, je lui ai répondu qu'au début, un bon chroniqueur se devait d'avoir les deux pieds bien ancrés dans le milieu des technologues et des créatifs. Maintenant, il importe d'avoir un bureau à mi-chemin entre le Palais de justice et la Place de la bourse, et de cultiver ses amis avocats et courtiers." (Chroniques de Cybérie, 28 juillet 1998) Je constate que, depuis ce temps, mais surtout depuis un an, cette tendance s'est confirmée. Les considérations financières comme les placements initiaux de titres (les IPO - initial public offers), les options d'achat d'actions, la montée fulgurante du Nasdaq fin 1999 et début 2000, puis la correction boursière du printemps, bref, toute cette activité a dominé grandement l'actualité du cyberespace. Puis, sur le plan juridique, il y a eu l'affaire Microsoft (qui n'est pas encore terminée en raison des appels). C'est la plus visible, celle qui a monopolisé l'attention pendant des mois. Plus récemment, c'est l'affaire Napster qui retient l'attention (là aussi, on attend les décisions en appel). L'affaire UEJF (Union des étudiants juifs de France) - LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) - Yahoo! en France est aussi, à mon avis, éminemment importante car elle implique le concept de censure 'géographique', à partir d'un territoire donné. Mais outre ces 'causes célèbres', il ne se passe pas une journée sans que les fils de presse ne rapportent des décisions de tribunaux qui ont des incidences sur l'avenir d'internet. Ce sont donc les manoeuvres boursières et les objets de litiges portés devant les tribunaux qui façonnent le mode de vie en réseau, et ce au détriment d'une réflexion et d'une action profonde sur le plan strict de la communication." = FTPress, société de cyberpresse En février 1996, François Vadrot, alors directeur des systèmes d'information du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France), crée LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), lettre d'information hebdomadaire consacrée à l'actualité de l'internet et des nouvelles technologies. Trois ans plus tard, en août 1999, il crée FTPress (French Touch Press), société française de cyberpresse. En septembre 1999, LMB Actu est remplacé par Internet Actu (environ 55.000 abonnés en juin 2001 pour l'ensemble des éditions hebdomadaires et quotidiennes). D'autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias, des émissions de télévision, etc., dont certaines suivent de près l'actualité du livre. "En (très) résumé, mon activité consiste à développer une société, FTPress, spécialisée dans la presse online (enfin pour l'instant, car tout bouge tellement vite que ce pourrait bien ne plus être le cas dans quelques mois), explique François Vadrot en mai 2000. Le concept de FTPress est de réaliser des médias professionnels spécialisés chacun dans un secteur économique: la santé, l'automobile, l'image numérique, les ressources humaines, la logistique, etc. Chaque média traite de l'économie, de la technologie, des aspects politiques et sociaux, d'un secteur modifié par l'arrivée des nouvelles technologies et d'internet. Le premier a été Internet Actu, créé au CNRS en février 1996, suivi de Pixel Actu (en janvier 2000, devenu Objectif numérique en décembre 2000, ndlr), puis de eSanté Actu (en mai 2000, devenu Interactive santé en janvier 2001, ndlr). Nous sommes partis de l'écrit, mais nous allons maintenant vers le multimédia, avec prochainement des émissions de télévision. FTPress réalise aussi des médias pour des tiers." "Mon avenir professionnel, je le vois comme un présent professionnel, poursuit François Vadrot. Si vous m'aviez posé cette question il y a deux ans (mai 1998), je vous aurais répondu qu'à force de travailler avec internet (en tant que directeur aux systèmes d'information du CNRS) et à propos d'internet (en tant que directeur de la publication LMB Actu), je rêvais de créer une entreprise internet. Mais je me demandais alors comment m'y prendre. Si vous me l'aviez posée il y a un an (mai 1999), je vous aurais répondu que j'avais fait le saut, que les dés étaient jetés, et que j'avais annoncé mon départ de l'administration... pour créer FTPress. Je ne pouvais plus supporter de rester où j'étais. Je devenais aigre. C'était créer mon entreprise ou bien... prendre une année sabbatique à ne rien faire. Et aujourd'hui je suis en plein dedans. J'ai l'impression de vivre les histoires que l'on lit dans la presse sur les start-up." En novembre 2000, plusieurs projets en gestation ont pris corps: "de nouveaux magazines (DRH Actu, NetLocal Actu, Automates intelligents, Correspond@nces avec la Fondation la Poste, etc.), de la TV (avec un studio propre), un nouveau système d'information (ou de production) très puissant (Reef.com), le kiosque de presse (avec des partenaires presse externes, à commencer par Diora), etc." D'autres magazines ont vu le jour depuis, notamment Captain-doc, guide de la documentation électronique lancé en janvier 2001. Ariel Suhamy est à la barre du navire, en collaboration avec Geneviève Vidal. 5. LE RESPECT DU DROIT D'AUTEUR SUR L'INTERNET [Dans ce chapitre:] [5.1. Le web est un espace public basé sur l'échange // 5.2. Le respect du droit d'auteur est essentiel // 5.3. Il importe de ne pas freiner la diffusion // 5.4. Il n'est pas facile de contrer le piratage et le plagiat // 5.5. Les solutions sont d'ordre technologique // 5.6. Une législation adaptée semble nécessaire // 5.7. Il est essentiel d'éduquer le lecteur/client // 5.8. Ce débat occulte les vrais problèmes] La question du respect du droit d'auteur sur l'internet est étudiée par de nombreux spécialistes. Ce ne sont pas non plus les sites web qui manquent sur le sujet. Dans le cadre de ce livre, on a préféré recueillir directement l'avis des professionnels du livre. Ces réponses s'articulent autour de huit grands thèmes: 1) le web est un espace public basé sur l'échange (5.1); 2) le respect du droit d'auteur est essentiel (5.2); 3) il importe de ne pas freiner la diffusion (5.3); 4) il n'est pas facile de contrer le piratage et le plagiat (5.4); 5) les solutions sont d'ordre technologique (5.5); 6) une législation adaptée semble nécessaire (5.6); 7) il est essentiel d'éduquer le lecteur/client (5.7); 8) ce débat occulte les vrais problèmes (5.8). 5.1. Le web est un espace public basé sur l'échange Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain: "Je considère aujourd'hui le web comme un domaine public. Cela veut dire que la notion de droit d'auteur sur ce média disparaît de facto: tout le monde peut reproduire tout le monde. La création s'expose donc à la copie immédiate si les copyrights ne sont pas déposés dans les formes usuelles et si les oeuvres sont exposées sans procédures de revenus. Une solution est de faire payer l'accès à l'information, mais cela ne garantit absolument pas la copie ultérieure." Jacques Gauchey, spécialiste en industrie des technologies de l'information et journaliste: "Le droit d'auteur dans son contexte traditionnel n'existe plus. Les auteurs ont besoin de s'adapter à un nouveau paradigme, celui de la liberté totale du flot de l'information. Le contenu original est comme une empreinte digitale: il est incopiable. Il survivra et prospérera donc." Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Il y a deux choses. Le web ne doit pas être un espace de non-droit, et c'est un principe qui doit s'appliquer à tout, et notamment au droit d'auteur. Toute utilisation commerciale d'une oeuvre doit ouvrir droit à rétribution. Mais également, le web est un lieu de partage. Echanger entre amis des passages d'un texte qui vous a plu, comme on peut recopier des passages d'un livre particulièrement apprécié, pour le faire aimer, cela ne peut faire que du bien aux oeuvres, et aux auteurs. La littérature souffre surtout de ne pas être diffusée. Tout ce qui peut concourir à la faire sortir de son ghetto sera positif." Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac: "Les mesures de respect: oui, mais de protection: non! Et, quoi qu'il en sera, que cela n'aboutisse pas à freiner la création, tant il est vrai que chaque auteur en a digéré d'autres." Fabrice Lhomme, technicien informatique et créateur d'Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction. "De par mon travail, je fais plus attention aux aspects techniques du web qu'aux débats qui s'y rapportent. Il me semble quand même qu'il y a incompatibilité entre internet et la notion de droits d'auteur. Internet est un espace ouvert et il me semble impossible d'empêcher quelqu'un d'y diffuser des documents protégés. Le fait d'en parler est tout de même important car ça pourra peut-être sensibiliser certaines personnes qui n'avaient pas pensé au problème. Mais cela n'arrêtera jamais quelqu'un qui le fait en connaissance de cause. La seule solution qui me semble plausible serait que les hébergeurs surveillent un peu plus le contenu des pages qu'ils hébergent." Blaise Rosnay, webmestre du site du Club des poètes: "La diffusion de la culture doit être facilitée sur l'internet. Les éditeurs et les pouvoirs publics doivent encourager tous les projets réalisés par des passionnés de tel ou tel auteur qui partagent leur passion avec les autres sur internet sans en faire profit. Exemple: il serait absurde qu'un jeune homme qui aime Le Petit Prince de Saint-Exupéry ne soit pas encouragé à partager son amour et à l'illustrer par quelques extraits de cette oeuvre qui, soit dit en passant, est un beau plaidoyer pour le coeur contre les raisons de l'argent. En résumé, il me semble que l'internet peut encore devenir un moyen de partage de la culture et de la beauté à condition que la culture et la beauté ne soient pas considérés comme des biens de consommation. C'est la moindre des choses, car, justement, la poésie et la beauté véhiculent d'autres valeurs morales et spirituelles." Patrice Cailleaud, directeur de la communication de HandiCaPZéro: "Pour l'instant, les déficients visuels sont les grands bénéficiaires du manque de législation sur la toile. Pourvu que ça dure! Les droits et autorisations d'auteurs étaient et demeurent des freins pour l'adaptation en braille ou caractères agrandis d'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n'aboutissent que trop rarement." Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen: "A mon avis, il n'y a pas de débat. Si on met quelque chose sur le web, c'est-à-dire ouvert à tout le monde, cela signifie qu'on l'offre gratuitement à tout le monde. Si on veut en faire du commerce, les moyens existent pour sécuriser les accès et les copies, il faut tout simplement les mettre en oeuvre. A l'heure actuelle (et c'est peut-être une bonne chose) on n'a que deux alternatives, ou bien on met ses créations dans un tiroir et on vend, ou bien on offre." Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young: "A partir du moment où internet, par conception, est un 'monde ouvert', le problème des droits d'auteurs est complexe. A mon sens, il y a peu de solutions à ce problème." Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné aux nouveaux auteurs: "Il est évident que toute création portée sur support électronique est copiable. Malgré toutes les protections techniques qui seront inventées, il y aura toujours un petit malin qui découvrira la clef pour copier le fichier. Aussi, je ne crois pas qu'on puisse réellement protéger une oeuvre sur internet, qu'il s'agisse d'un texte, d'une image ou d'une application. D'autre part, on assiste à une réelle 'révolution' dans le domaine informatique: l'avènement du logiciel libre qui marque un changement dans les mentalités qui s'étend au monde de l'internet. Celui-ci se traduit à tous les niveaux: côté développeur de logiciels et côté utilisateur. Les utilisateurs sont de plus en plus réticents à payer un logiciel ou de l'info qu'ils peuvent trouver gratuitement ailleurs. Le modèle économique est donc en train de changer: on ne paiera plus l'outil mais le service... Malheureusement, ce système n'est valable que pour les logiciels. Aussi, comment l'appliquer aux créations littéraires ou artistiques? Seuls les droits moraux peuvent pour l'instant être reconnus (incrustation d'un copyright sur les images, copyright moins évident pour les textes). Conclusion: on ne peut pour l'instant que se reposer sur l'honnêteté de l'homme... fragile, donc. Une expérience intéressante existe concernant la littérature: le lyber. Il s'agit de présenter une oeuvre en lecture complète sur le web. Libre ensuite au lecteur d'acheter l'ouvrage papier qui pourra rémunérer l'auteur. On part du principe que le lecteur voudra conserver chez lui une trace de sa lecture s'il l'a jugé vraiment digne d'intérêt. C'est ainsi un bon moyen d'éliminer les oeuvres de mauvaise qualité. Pour ma part, je proposerais une solution intermédiaire: proposer à la lecture sur le web le tiers du livre. Pour lire la suite, le lecteur commande l'ouvrage papier. Car je crains qu'un lecteur ne veuille pas forcément acheter un ouvrage qu'il a déjà lu entièrement... et l'auteur perd ainsi une partie de sa rémunération, ce qui est dommage et n'encourage pas à la création littéraire." Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires: "Le problème est simple. La solution l'est aussi. Avant l'invention du net, les contrats d'édition ne tenaient pas compte de ce nouveau support, et pour cause. Cette nouvelle interface fait craindre aux éditeurs la perte de sources de profits par les risques de copies pirates. Mais quel est ce risque? Est-il réel? Ce n'est pas un risque de 'manque à gagner', c'est une opportunité de promotion. La plupart des gens qui accèdent à une oeuvre de manière illégale sont des lecteurs ou auditeurs qui n'auraient sans doute jamais acheté l'oeuvre en question, parfois même n'en auraient jamais entendu parler! Le simple fait qu'ils aient l'opportunité de la lire (ou de l'écouter en MP3) - et de la faire lire ou écouter à leurs amis - constitue de la promotion gratuite, du bouche à oreille qui participe de la découverte et de la promotion des artistes. Les grandes maisons de logiciels le savent bien, qui distribuent leurs programmes entiers, gratuitement pour une période limitée. Ceux qui peuvent les acheter les achètent, ceux qui ne peuvent pas les utilisent quand même et leur font de la publicité quand le produit est bon. (Quand le produit n'est pas bon, ils ne l'auraient pas acheté de toute manière!) Alors, où est le problème? Le seul problème réside dans les prix prohibitifs pratiqués par les sociétés d'édition, dans les marges commerciales de produits qui n'ont plus rien à voir avec la création artistique ou les droits d'auteurs, mais relèvent de marketing, de parts de marché, de ratios comptables et de marges de profits. Certains artistes l'ont d'ailleurs parfaitement compris qui mettent leurs oeuvres directement sur le net. En matière d'édition numérique, il suffit de créer des droits spécifiques, distincts des droits relatifs aux éditions ordinaires sur support papier. Le tatouage des oeuvres lors de l'impression personnelle est un excellent moyen de limiter la diffusion d'impressions excessives. En même temps, permettre cette impression pour utilisation personnelle est aussi un excellent moyen de promotion de l'auteur et de son oeuvre. Même si c'est un exemplaire gratuit. Et quand cet auteur (ou artiste) deviendra très connu, les mêmes éditeurs papier qui le boudent se jetteront dessus pour le publier alors qu'ils auraient à peine lu son manuscrit auparavant!" Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D: "Nous ne nous sentons pas concernés. a) S'il s'agit de 'respect', c'est une question de morale et d'élégance, qui n'est pas suceptible de débat: sur la toile comme ailleurs, on cite ses sources. Total respect. Pour la plupart d'entre nous. b) S'il s'agit de 'droit d'auteur', on est dans le domaine juridique, instable par essence. Le 'droit' d'auteur est une notion récente -- que les Français attribuent à Beaumarchais, homme d'ombres, d'affaires, trafiquant d'armes et grand auteur. L'apparition du numérique, et donc du clonage (qui pose un autre problème que celui de la copie, résolu depuis longtemps), oblige à reconsidérer cette notion. c) S'il s'agit de 'droits d'auteur' (au pluriel, donc), on est dans la sphère de l'économie, dont la logique est connue: concurrence et rétention: devenir le premier de la classe, empêcher les autres de le devenir. Et pas vu, pas pris. Sony est éditeur de CD (audio et Rom) parce que ça rapporte. Et il fabrique des graveurs (qui permettent de cloner ses propres CD, comme ceux de la concurrence) parce que ça rapporte. Philips faisait de même, jusqu'au jour où il a vendu sa division Polygram (que les lois de l'économie lui permettront de racheter le cas échéant). 'Il ne suffit pas d'être grand pour être performant, mais, dans un monde financier totalement mondialisé, ça aide. Surtout si on a l'ambition de jouer les premiers rôles.' (Hervé Babonneau, Ouest-France du 6 août 1999). (...) Bien que tangent à la sphère économique (il faut payer le nom de domaine, et l'abonnement au serveur), notre cotre-espace (le site des cotres furtifs, ndlr) ne s'y réduit pas, notre esprit n'est pas celui de la concurrence. Notre site est en téléchargement libre, et nous téléchargeons les sites que nous trouvons créatifs. C'est normal de cloner une oeuvre d'autrui pour en faire cadeau ; c'est partager. Ce qui est dégueulasse, c'est de vendre ce clone. (...) Copyright ou droit d'auteur, vision européenne ou vision américaine, qui va l'emporter? Le principe de propriété privée. La propriété tabou de ceux qui ont les moyens de la faire garder. Par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) par exemple, chargée de régler la question des 'droits' partout dans le monde (même virtuel) et, espèrent-ils, pour toujours. Ceux dont la maison est sur le tracé d'une future autoroute savent le prix réel d'un tabou. Alors les droits des auteurs, créateurs, inventeurs... Mais si Orson Welles s'est fait bouffer par les studios, Kubrick s'est méthodiquement rendu indépendant des mêmes. Peu importe la loi que se fera tailler sur mesure Onc' Picsou. Les petits mammifères ont bouffé les tyrannosaures, avec le temps. Et les anciens rois, qui tenaient pourtant leur pouvoir des dieux, nous leur avons coupé la tête. En moins de temps." 5.2. Le respect du droit d'auteur est essentiel Barbara Grimes, directrice de publication de l'Ethnologue, encyclopédie des langues, jusqu'en 2000: "Tous les copyrights doivent être respectés, de la même façon que pour l'imprimé." Caiomhín Ó Donnaíle, webmestre du principal site d'information en gaélique écossais: "Je pense que la durée du copyright est beaucoup trop longue. A part cela, je pense que le copyright devrait être respecté en général." Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Je ne vois pas de débat. Le droit d'auteur est un droit, il n'y a pas à revenir là-dessus. La question intéressante est de savoir comment appliquer ce droit inaliénable à la nouvelle réalité de diffusion des oeuvres. Mon point de vue est très simple: l'auteur doit être rémunéré pour son travail. Mais il reste maître de son oeuvre et peut aussi décider lui-même de céder ses droits gratuitement (par exemple pour l'encodage en alphabet braille à destination des malvoyants) ou de diffuser certains de ses textes gratuitement (ce que je fais sur internet). Je tiens beaucoup au respect du droit de paternité de l'auteur, mais je ne pense pas que tout échange sur cette planète doive être monnayé. Je suis très heureux d'offrir des textes gratuitement. Mais je ne tolère ni le vol ni la piraterie. Si quelqu'un vole un texte et le diffuse sous un autre nom, il commet un délit grave, bien entendu." Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres: "Le respect du droit d'auteur, c'est la survie de la création. Le web, de par son universalité et la grande facilité avec laquelle quiconque peut s'approprier ou copier ce qu'il souhaite, constitue à n'en pas douter une limite à la diffusion de toute création. Je suis réticente à l'idée de placer mes textes en exhaustivité sur la toile car je crains les copies et plagiats. Je pense qu'il serait sans doute astucieux de présenter par exemple les premiers chapitres d'un livre ou un extrait puis d'inciter le lecteur à acquérir l'ouvrage sous forme papier ou sous forme électronique grâce à une gestion sécurisée des moyens de paiement." Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre: "En tant qu'auteur, j'aimerais que mes droits soient protégés, bien sûr. Mais rien ne semble plus difficile aujourd'hui..." Murray Suid, écrivain et auteur de logiciels éducatifs multimédia: "Je pense que la solution est de créer des unités d'information ne pouvant être volées. En d'autres termes, l'oeuvre qui est vendue doit avoir plus de valeur que sa copie. Par exemple, il est pour le moment plus facile et meilleur marché d'acheter un de mes livres que de le photocopier dans son intégralité. J'essaie donc de concevoir mes livres de telle façon que toutes les pages aient leur utilité, et non seulement quelques-unes. J'aimerais vendre mes livres en ligne - au format PDF - mais je n'ai pas encore étudié la manière d'empêcher les acheteurs de redistribuer les fichiers. Ceci est peut-être possible par le cryptage." Bernard Boudic, responsable éditorial du serveur internet du quotidien Ouest-France jusqu'en décembre 2000: "Les internautes ont tendance à penser que c'est un droit d'obtenir tout gratuitement. Non! Le droit d'auteur doit être respecté." François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse: "Ces débats sont fondés. Certaines personnes, souvent d'ailleurs celles qui ont le pouvoir donné par une institution d'appartenance, s'assoient sur le droit d'auteur, n'hésitant pas à apposer leur nom sur un texte écrit par un autre. Chez FTPress, nous appliquons grosso modo le principe de la GPL (general public licence) pour les logiciels libres. Nos textes sont reproductibles gratuitement dans la mesure où ce n'est pas fait dans des fins commerciales, et bien sûr sous réserve que la source soit mentionnée. Quant aux auteurs des dits textes, ils sont rémunérés normalement, avec un statut de journalistes, et également intéressés dans l'entreprise, par le jeu de bons de souscription (alias stock options). Cet intéressement aux résultats et à la valeur de l'entreprise complète la rémunération traditionnelle du journaliste pour un texte destiné à une publication déterminée. En contrepartie, FTPress ne paie plus les auteurs si le texte est revendu à un tiers (qui en fait un usage commercial). Je pense que c'est une solution à cette question dans le domaine de la presse. Mais c'est un problème complexe et varié, qui ne peut trouver une seule réponse." Robert Beard, co-fondateur de yourDictionary.com, portail pour les langues: "L'accès libre n'est jamais gratuit, puisque ce sont des personnes salariées qui développent les applications en accès libre appartenant au domaine public. Mon site web est gratuit, et il n'était pas une affaire commerciale tant que l'Université de Bucknell (située à Lewisburg, Pennsylvanie, ndlr) m'a versé un salaire et m'a fait bénéficier de ses propres services d'accès à l'internet. Maintenant que je prends ma retraite et que je dois retirer mes sites des serveurs de Bucknell, j'ai eu le choix entre supprimer mes sites, les vendre ou générer des revenus permettant de continuer cette activité. J'ai choisi la dernière solution. Les ressources disponibles resteront gratuites parce que nous offrirons d'autres services qui seront payants. Ces services seront basés sur les règles du copyright pour garantir le versement des fonds à la bonne source. En ce qui concerne le débat (et les actions judiciaires) sur les liens, je pense qu'il y a excès dans l'application du copyright. Un lien vers un autre site devrait appartenir au site qui crée le lien. Il est normal de créer des liens vers d'autres sites web appartenant à un réseau public." Guy Bertrand, directeur scientifique du Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL, Québec): "Il est très important de respecter le droit des auteurs et c'est aux auteurs de décider de ce qu'ils veulent en faire. Le web accorde une place de plus en plus grande à la gratuité des usages. Les auteurs ne sont pas tenus de s'y plier, mais de plus en plus d'auteurs s'y adaptent volontairement et avec profit. Les modèles d'affaires sur le web évoluent très rapidement et n'ont pas fini de le faire. De nouveaux modèles d'affaires se développeront et la place de la gratuité y sera forte, mais les droits des auteurs devront être respectés de façon innovatrice de la part des auteurs et des fournisseurs de services et de contenus." Cynthia Delisle, consultante au CEVEIL: "Les droits d'auteur devraient idéalement faire l'objet du même respect sur le web que dans d'autres médias, la radio ou la presse par exemple. Cela dit, internet pose à ce niveau des problèmes inédits à cause de la facilité avec laquelle on peut (re)produire et (re)distribuer l'information à grande échelle, et aussi en raison de la tradition de gratuité du réseau. Cette tradition fait, d'une part, que les gens rechignent à débourser pour des produits et services qu'ils trouveraient tout naturel de payer dans d'autres contextes et, d'autre part, qu'ils ont peut-être moins d'états d'âme, dans le contexte du net, à utiliser des produits piratés. La problématique du respect des droits d'auteur constitue, à mon sens, un des enjeux majeurs pour l'évolution du réseau, et il sera certainement très intéressant de voir les solutions qui seront mises de l'avant à cet égard." Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies): "Le point de départ est évidemment: 'on ne doit pas voler, même si c'est facile'. Il est intéressant d'observer que, aussi complexe que soit la définition légale de 'vol', dans la plupart des cas les gens arrivent très bien à la cerner: a) si je copie une information du web et que je l'utilise à des fins personnelles, je ne commets pas de vol, parce que cette information a été mise sur le web dans le but premier d'être utilisée; b) si je la copie à partir du web et que je la transmets à d'autres en précisant le nom de l'auteur, je ne commets pas de vol; c) si je la copie à partir du web et que je la transmets à d'autres en prétendant que j'en suis l'auteur, je commets un vol; d) si je la copie à partir du web, et que je la vends à d'autres sans avoir l'autorisation de l'auteur, je commets un vol. Je réalise qu'il existe de nombreux cas situés dans les zones limites de ces quatre ensembles et pour lesquels il serait difficile de préciser s'il y a vol ou non, mais ces précisions sont du ressort des juristes. Je préconiserais les règles suivantes: a) la liberté totale pour la copie de l'information à usage personnel; b) la retransmission de l'information uniquement avec l'accréditation de l'auteur (à moins qu'il ne soit bien précisé que cette information est du domaine public); c) la revente de cette information uniquement avec l'accord de l'auteur (à moins que celle-ci ne soit du domaine public). Pour faire respecter ces règles, on pourrait envisager: a) l'introduction d''étiquettes normalisées' indiquant si l'information est du domaine public et, si elle ne l'est pas, renvoyant à l'auteur; b) la lecture de ces 'étiquettes' par les navigateurs, qui les afficheraient en même temps que le document: texte, image, film, etc.; c) l'adoption d'une convention ou d'une règle selon laquelle l'information ne peut être copiée sans l''étiquette' correspondante; d) (idée plus audacieuse) la mise en place d'un ISPN (international standard person number), similaire à l'ISBN (international standard book number) ou l'ISSN (international standard serial number), qui identifierait une seule personne, si bien que les références aux auteurs contenues dans les 'étiquettes' seraient moins dépendantes des changements d'adresses électroniques ou d'adresses de pages web (à condition bien sûr que les gens mettent à jour leurs coordonnées dans la base de données ISPN)." 5.3. Il importe de ne pas freiner la diffusion Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californie du Sud: "En tant qu'universitaire, je suis bien sûr un des parasites de notre société, et donc tout à fait en faveur de l'accès libre à la totalité de l'information. En tant que co-propriétaire d'une petite start-up, je suis conscient du coût que représente la collecte et la présentation de l'information, et de la nécessité de faire payer ce service d'une manière ou d'une autre. Pour équilibrer ces deux tendances, je pense que l'information à l'état brut - et certaines ressources à l'état brut: langages de programmation ou moyens d'accès à l'information de base comme les navigateurs web - doivent être disponibles gratuitement. Ceci crée un marché et permet aux gens de les utiliser. Par contre l'information traitée et les systèmes vous permettant d'obtenir et structurer très exactement ce dont vous avez besoin doivent être payants. Cela permet de financer ceux qui développent ces nouvelles technologies. Prenons un exemple: à l'heure actuelle, un dictionnaire (spécialisé, ndlr) n'est pas disponible gratuitement. Les sociétés éditrices de dictionnaires refusent de les mettre librement à la disposition des chercheurs et de toute personne intéressée, et elles avancent l'argument que ces dictionnaires ont demandé des siècles de travail (j'ai eu plusieurs discussions à ce sujet avec des sociétés de dictionnaires). Mais de nos jours les dictionnaires sont des instruments stupides: on doit connaître le mot avant de le trouver! J'aimerais avoir un outil qui me permette de donner une définition approximative, ou peut-être une phrase ou deux incluant un espace pour le mot que je cherche, ou même l'équivalent de ce mot dans une autre langue, et que la réponse me revienne avec le(s) mot(s) que je cherche. Un tel outil n'est pas compliqué à construire, mais il faut d'abord le dictionnaire de base. Je pense que ce dictionnaire de base devrait être en accès libre. Par contre on pourrait facturer l'utilisation du moteur de recherche ou du service permettant d'entrer une information - partielle ou non - qui soit très 'ciblée', afin d'obtenir le meilleur résultat. Voici un deuxième exemple. On devrait avoir accès librement à la totalité du web, et à tous les moteurs de recherche 'de base' du type de ceux qu'on trouve aujourd'hui. Pas de copyright et pas de licence. Mais si on a besoin d'un moteur de recherche qui procure une réponse très 'ciblée' et très fiable, je pense qu'il ne serait pas déraisonnable que ce service soit facturé. Le créateur d'une encyclopédie ne va naturellement pas aimer ma proposition. Mais je lui suggérerais d'équiper son encyclopédie d'un système d'accès performant. Sans ce système, l'information brute donnée par cette encyclopédie n'est qu'un stock d'informations et rien d'autre, et ce stock peut aisément se perdre dans une masse considérable d'informations qui augmente tous les jours." Les bibliothécaires-documentalistes sont les premiers à insister régulièrement sur la nécessité de trouver un équilibre pour ne pas freiner la diffusion de l'information. Bruno Didier, webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur: "Je ne suis pas ces débats, mais je pense qu'on va avoir du mal à maintenir l'esprit communautaire qui était à la base de l'existence d'internet." Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "J'avoue que ce débat suscite en moi quelques inquiétudes quant à mes attentes légitimes vis-à-vis de l'internet. J'estime que, par rapport à ma vision professionnelle, le grand espoir qu'apporte l'internet à l'Afrique, c'est de lui permettre de profiter pleinement et à moindre coût du 'brain trust' mondial et de réduire sa marginalisation économique, technologique et culturelle. La légitimité des droits d'auteur ne devra donc pas faire perdre de vue la nécessité de prendre en compte les besoins et les contraintes particulières des pays moins nantis. Autrement, dans ce domaine plus qu'ailleurs, on aboutira fatalement et très vite sûrement à une situation de marginalisation et de fronde, comme celle qui oppose actuellement les autorités sanitaires d'Afrique du Sud à certaines grandes firmes pharmaceutiques, au sujet des licences des thérapies contre le Sida." Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "Le problème du droit d'auteur est loin d'être résolu. Les éditeurs souhaitent naturellement toucher leur dû pour chaque article commandé alors que les bibliothécaires et usagers veulent pouvoir immédiatement télécharger (gratuitement si possible) le contenu intégral de ces articles. A présent chaque éditeur semble avoir sa propre politique d'accès aux versions électroniques. Il serait souhaitable qu'une politique homogène soit mise en place, de préférence en autorisant largement le téléchargement des documents électroniques." 5.4. Il n'est pas facile de contrer le piratage et le plagiat Jacques Trahand, vice-président de l'Université Pierre Mendès France de Grenoble: "Ces problèmes me semblent voisins de ceux du photocopiage. Il faut développer un code de bons usages et tenter de le faire respecter." Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto: "C'est une question importante, qui est loin d'être résolue. Je préfère parler de propriété intellectuelle. On a le modèle du livre imprimé: si un auteur universitaire publie un livre sur papier, son institution n'en réclame pas la propriété, alors qu'il arrive qu'un livre publié sur un serveur institutionnel soit considéré comme appartenant à l'institution en question, ce qui est, à mon avis, injuste. A part cela, tout ce que l'auteur peut faire est de mettre un copyright à son nom sur les textes qu'il a écrits et qu'il publie en ligne et puis compter sur sa réputation pour que ses lecteurs 'sérieux' en sachent la provenance. Le piratage a toujours existé: Voltaire voyait ses livres publiés anonymement en Hollande au 18e siècle, par exemple." Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie: "Vaste question. Il y a d'abord les droits d'auteurs et droits de reproduction des grandes entreprises. Ces dernières sont relativement bien dotées en soutien juridique, soit par le recours aux services internes du contentieux, soit par l'embauche de firmes spécialisées. Il est certain que la 'dématérialisation' de l'information, apportée par internet et les techniques de numérisation, facilite les atteintes de toutes sortes à la propriété intellectuelle. Là où il y a danger, c'est dans le cas de petits producteurs/diffuseurs de contenus 'originaux' qui n'ont pas les moyens de surveiller l'appropriation de leurs produits, ni d'enclencher des mesures sur le plan juridique pour faire respecter leurs droits. Mais tout ça, c'est de l''officiel', des cas de plagiat que l'on peut prouver avec des pièces 'rematérialisées'. Il y a peut-être une forme plus insidieuse de plagiat, celle de l'appropriation sans mention d'origine d'idées, de concepts, de formules, etc. Difficile dans ces cas de 'prouver' le plagiat, car ce n'est pas du copier/coller pur et simple. Mais c'est une autre dimension de la question qui est souvent occultée dans le débat. Des solutions? Il faut inventer un processus par lequel on puisse inscrire sans frais une oeuvre (article, livre, pièce musicale, etc.) auprès d'un organisme international ayant pouvoir de sanction. Cette méthode ne réglerait pas tous les problèmes, mais aurait au moins l'avantage de déterminer un cadre de base et qui sait, peut-être, agir en dissuasion aux pillards." Michel Benoît, auteur de nouvelles policières, récits noirs et histoires fantastiques: "Beau noeud de vipères, cette affaire. Non pas les débats sur la reproduction par le net, mais la reproduction elle-même. La musique, le cinéma, la littérature, tout va y passer. Peut-être suis-je trop optimiste, mais je crois que ce qui est un problème aujourd'hui trouvera sa solution demain. Lors de l'avènement de la photocopie, on s'est posé les mêmes questions. C'est évident qu'il y a eu des abus. Beaucoup d'auteurs ont été joyeusement floués par des enseignants à la moralité douteuse qui photocopiaient, sans vergogne, des textes protégés par des droits d'auteur. Les choses se replacent et plusieurs pays ont voté des lois sévères à ce sujet. Idem pour la reproduction électronique, soit d'oeuvres musicales ou visuelles, on ne peut plus faire n'importe quoi sans qu'il en coûte. Je pense qu'il en sera de même pour les documents informatiques, programmes, textes, utilitaires ou autres. Les CD, jeux, musique ou vidéos seront incopiables parce qu'ils auront des programmes autodestructeurs insérés dans leurs trames numériques. Science-fiction? La science-fiction d'aujourd'hui est la réalité de demain, demandez à vos grands-mères." Olivier Pujol, PDG de Cytale, qui a lancé le premier livre électronique européen, préconise "des balladeurs dédiés et sécurisés pour la musique, et des livres électroniques sécurisés pour la lecture. Les mesures de protection des droits développées pour l'ordinateur sont systématiquement détournées un jour ou l'autre, et ce, universellement. Une solution de piratage trouvée à un bout de la planète peut être instantanément mise à la disposition de tous, et à portée d'un simple clic. Le PC connecté sur internet aura beaucoup de mal à être sécurisé valablement dans un avenir proche. Une autre solution serait d'imposer une 'police planétaire du web', avec accès égal à tous les pays, et à tous les ordinateurs personnels. C'est orwellien, et un peu inquiétant, mais heureusement peu facile à mettre en place." Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse: "Le problème est réel même si la solution n'est pas évidente. On peut toutefois regretter que la lutte contre ce genre de fraude finira par justifier, avec d'autres dérives, une 'police du WWW' malheureusement bien éloignée de l'esprit dans lequel la toile a été créée." 5.5. Les solutions sont d'ordre technologique Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la Webster University de Genève: "Comme par le passé, des solutions doivent être trouvées dans les nouvelles technologies." Denis Zwirn, PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques: "Sur le plan juridique, une confusion est souvent faite entre la diffusion des oeuvres en réseau, l'accès à des sources d'information gratuites en ligne (mais qui ne sont pas des livres) et la vente d'exemplaires individuels de livres numériques. Il est de la responsabilité de chaque acteur du web de ne pas diffuser d'oeuvres sans l'accord de l'auteur, le web n'étant qu'un support de diffusion parmi d'autres. Dans une librairie en ligne, on achète un livre numérique comme un livre papier: après paiement et pour un usage individuel. Après le téléchargement, le code de la propriété intellectuelle s'applique à la version numérique au même titre qu'à la version papier de l'oeuvre: la reproduction n'est autorisée que pour l'usage privé de l'acheteur. Le problème est donc exclusivement d'ordre technologique (....et civique): comment faire pour que ces droits soient effectivement respectés, compte tenu de la possibilité de copier un livre numérique et de l'envoyer à des amis? Plusieurs réponses sérieuses existent déjà. Les livres destinés aux lecteurs électroniques peuvent être cryptés de telle manière que seul un appareil désigné (ou plusieurs) puisse les lire. Ils ne peuvent en général pas être imprimés et sont donc en ce sens bien plus protecteurs que les livres papier, en évitant tout 'photocopillage'. En ce qui concerne les livres numériques pour ordinateurs, des solutions logicielles comparables ont été développées, par exemple par Adobe et par Microsoft, qui permettent de désigner un ordinateur ou un PDA (personal digital assistant) comme support de lecture unique d'un livre. Des logiciels tels que Adobe Content Server proposent déjà des solutions plus sophistiquées, telles que la possibilité de définir un temps de lecture autorisée ou de prêter un livre numérique comme on prêterait un vrai livre." Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada: "Des logiciels devraient permettre de tarifer l'usager lorsque nécessaire et les gouvernements devraient libérer de frais le maximum de documents et services, notamment en français." Pierre François Gagnon, créateur d'Editel, éditeur littéraire en ligne: "Le web doit ouvrir toute grande pour les auteurs une nouvelle fenêtre d'exploitation de leurs droits exclusifs, et j'ose croire qu'est concevable une solution de chiffrement qui soit étanche, non propriétaire, mais transparente et sans douleur pour l'utilisateur final." Emmanuel Barthe, documentaliste juridique: "A titre personnel, je pense que la propriété intellectuelle va devoir s'adapter aux nouvelles conditions créées par internet, c'est-à-dire une copie à l'identique et une diffusion à de très nombreux exemplaires, devenues très faciles et d'un très faible coût, la difficulté d'un contrôle exhaustif et systématique et l'existence d'un esprit internet défendant la gratuité et le respect de la vie privée et de l'anonymat. Dans ce contexte, pour préserver une rémunération des auteurs et des éditeurs, il me semble qu'une des voies envisageables repose sur une baisse très forte des prix unitaires en audio et vidéo. Il s'agit donc de maximiser le versement des droits lors de la toute première diffusion. Vis-à-vis du grand public, une autre possibilité consisterait en un cryptage fort des données et une vérification automatique et obligatoire des licences. Les 'majors' américaines et allemandes s'orientent clairement vers une solution de ce type." Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures multimédias: "Le droit de l'auteur est celui d'un individu et celui de son oeuvre. L'individu a le droit de disposer d'une garantie, celle que son oeuvre ne soit pas pillée et/ou (pire?) détournée ou morcelée. La notion d'oeuvre est complexe, mais si l'on accepte celle d'une production originale et personnelle comme ensemble cohérent qui fait sens et système pour proposer un regard singulier - celui d'un auteur - ce droit doit pouvoir être garanti. Sans même évoquer les aspects financiers (royalties, etc.) qui sont bien réels, un standard comme XML devrait pouvoir garantir l'indexation des oeuvres, des artistes, et une signature numérique attachée à leurs productions en ligne. Un autre standard d'autentification - de type PNG (portable network graphics) pour l'image - devrait pouvoir permettre d'attribuer une clé numérique infalsifiable à une production. Un exemple significatif: les éditions numériques 00h00.com ont édité un roman interactif, Apparitions inquiétantes, né sur le web (donc en HTML) mais vendu au format Acrobat PDF qui permet de conditionner son ouverture par un mot de passe donné lors de l'achat en ligne du roman. On peut aisément imaginer que, si le Consortium W3 ne propose pas de système d'authentification numérique des pages web, éditeurs et auteurs vont se tourner vers des produits éditoriaux plus repérés (livre, cédérom) et pour lesquels existe un circuit de distribution. On peut imaginer qu'un auteur puisse faire enregistrer ses logiciels de création auprès d'un organisme et obtienne en échange une clef numérique (signature individuelle) qui soit automatiquement apposée dans ses fichiers. Une autre solution consisterait en un dépôt - type SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) ou SCAM (Société civile des auteurs multimédia) ou SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) ou SESAM (Gestion des droits des auteurs dans l'univers multimédia) - qui fasse antériorité, mais c'est une solution de protection et non pas un procédé de signature... Peut-être existe-t-il une question prélable cachée dans celle-ci: ne faut-il pas à l'heure du numérique, et en regard de ce que Julia Kristeva a appelé l'intertextualité, redéfinir la notion et le terme d'auteur?" 5.6. Une législation adaptée semble nécessaire Faut-il appliquer la législation actuelle? Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Je me demande s'il faut un droit particulier pour le web. Les lois existent déjà. Et les contrevenants existaient bien avant la popularisation de l'internet." Faut-il plutôt définir une législation propre à l'internet? Patrick Rebollar, professeur et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature et ordinateur): "Je pense que le droit d'auteur doit être défendu, tout en étant redéfini et uniformisé au niveau international, ce qui n'est pas évident." Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8: "Je crois que vouloir appliquer des lois faites pour le papier à un autre médium est une erreur. Un peu comme si on voulait facturer le téléphone en exigeant que les utilisateurs achètent des timbres pour payer leurs conversations..." Maria Victoria Marinetti, professeur d'espagnol en entreprise: "Je pense que le droit est maintenant dépassé par la technologie, et qu'il n'y a pas de protection possible au niveau juridique. Il serait souhaitable de créer une véritable législation de l'internet." Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses et traitements informatiques du lexique français): "Le droit en informatique et en particulier le droit d'auteur sur la toile est une discipline de plus en plus développée et recherchée. Malgré quelques cas qui ont fait jurisprudence, le législateur n'est pas en mesure de solutionner toute la problématique actuelle. L'absence des frontières est un gros handicap." Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa: "En gros, je suis assez favorable aux positions défendues aux États-Unis par l'Electronic Frontier Foundation (EFF). D'abord, il me paraît prématuré de légiférer en cette matière, alors même que nous sommes au milieu d'un changement de civilisation. Il faudrait sans doute revoir les principes philosophiques sur lesquels repose la législation actuelle au lieu de prendre pour acquis qu'ils sont valides, tels quels et sans plus d'examen, dans le nouvel environnement technologique en train de se mettre en place. Plusieurs arguments militent en faveur d'une telle révision. D'abord, l'expérience de la lecture et l'appréhension du texte ne sont pas du même ordre selon qu'elles s'effectuent à partir d'un livre, d'un écran d'ordinateur, d'un livre électronique ou, demain, d'un codex numérique. Il y aurait donc lieu de faire des distinctions au plan du droit de citation ou du droit de lecture. Si, sur un écran, la valeur d'usage du texte n'est pas la même, ni sa pérennité en tant qu'objet, les droits ne devraient pas s'appliquer non plus de la même façon. Idéalement, l'ensemble de la production intellectuelle devrait être accessible sur le web après dix ans (et même sans aucun délai en ce qui concerne les articles scientifiques). On ne paierait pour lire que si l'on choisissait de faire imprimer un texte donné en format codex dans une librairie agréée ou si l'on choisissait de le télécharger sur son livre électronique ou son codex numérique. Évidemment, le fait qu'un texte soit accessible gratuitement sur le web ne signifierait pas que l'on ait le droit de se l'approprier. La paternité intellectuelle est un droit inaliénable. Et la piraterie resterait un délit: il ne serait pas permis à un éditeur d'éditer à son profit un texte qu'il aurait 'trouvé' sur le web. Un autre argument à considérer est que la nouvelle technologie accélère la globalisation des échanges et que les conditions d'épanouissement de la culture sont en train de changer. On invoque généralement à l'appui du droit d'auteur le fait que l'absence de rétribution des artistes aurait un effet négatif sur la création. Mais est-ce vraiment le cas dans la situation actuelle? On voit en effet des auteurs très créatifs qui ne retirent guère de droits par manque d'une commercialisation adéquate; en revanche, des auteurs qui bénéficient d'une position dominante dans la distribution commerciale amassent des fortunes avec des productions insignifiantes. Le mouvement de globalisation va renforcer à l'extrême cette inégalité. En bref, on peut se demander si, au lieu de favoriser la diversité culturelle, le droit d'auteur ne sert pas principalement à la constitution d'immenses conglomérats de distribution qui imposent des produits standardisés. Au lieu de renforcer ce phénomène de commercialisation de la culture, et de criminaliser les comportements de millions d'usagers, il serait plus intéressant, d'un point de vue culturel, de faire du web une zone franche, à l'égal de la bibliothèque publique, où chacun peut être en contact avec la rumeur du monde, tant et aussi longtemps que l'on ne fait de celle-ci qu'un usage privé. Surtout, il faut craindre les effets pervers d'une juridiction 'dure' en matière de droits d'auteur. Pour en gérer l'application, les empires commerciaux vont exiger la mise en place de mécanismes de traçabilité des oeuvres qui transformeront le web, et donc notre principal instrument d'accès à la culture, en un immense réseau grillagé où seront entièrement placées sous contrôle non seulement nos habitudes de consommation, mais aussi nos habitudes de lecture. Une perspective qui fait peur et qui marquerait la fin de la bibliothèque." Olivier Gainon, fondateur et gérant de Cylibris, maison d'édition littéraire en ligne: "Il faut distinguer deux aspects: le droit d'auteur et l'application de ce droit. Pour moi, il ne fait aucun doute que le droit d'auteur s'applique sur internet (peu de gens le contestent désormais d'ailleurs), ce qui signifie que ce n'est pas parce qu'une création est mise en libre disponibilité sur le réseau que n'importe qui peut venir la copier, la commercialiser, etc. Et là, on touche surtout à de la pédagogie: je crois que les internautes ne sont pas sensibilisés à ces questions et qu'une première démarche pédagogique peut permettre de régler un certain nombre de problèmes. Autre démarche, il me semble nécessaire pour les auteurs d'indiquer les droits qu'ils laissent à une oeuvre en libre accès sur internet: si je peux télécharger une création visuelle sur un site, il vaut mieux que l'auteur indique, par exemple, s'il laisse la libre réutilisation de cette image du moment que ce n'est pas une démarche commerciale et sous réserve que son nom soit cité, s'il est contre toute réutilisation de cette image, etc. Là, tout est possible. A mon sens, sur trop de sites, on trouve des créations librement téléchargeables, et rien n'indique ce que l'on peut faire ou non avec. La vraie difficulté aujourd'hui réside dans l'application du droit d'auteur dans un contexte international face à des actes de piratages manifestes (c'est à dire la réutilisation à des fins commerciales de l'oeuvre d'un ou plusieurs artistes sans que ces derniers ne perçoivent quoi que ce soit). Et là, ce sera forcément plus lent parce qu'il faut définir des modes de coopération internationale, s'entendre sur des règles et mettre en place des procédures judiciaires adéquates. C'est un processus lent qui prendra plusieurs années, mais je suis optimiste. Finalement, tout cela est assez classique: pédagogie d'un côté, réglementation de l'autre." 5.7. Il est essentiel d'éduquer le lecteur/client Tout comme Olivier Gainon dans les lignes qui précèdent, d'autres professionnels du livre insistent sur la nécessité d'éduquer le lecteur/client. Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Le droit d'auteur est une question difficile. Le détenteur de la propriété intellectuelle pense que ce qu'il a créé lui appartient. Quant au client, il achète un morceau de plastique (dans le cas d'un CD) ou un ensemble de pages brochées (dans le cas d'un livre). Les commerçants n'ont pas encore réussi à faire comprendre au client la notion de propriété intellectuelle. Le consommateur ne pense pas de manière très abstraite. Quand il télécharge des chansons par exemple, c'est simplement pour les écouter, non pour les posséder. L'industrie musicale et le monde de l'édition doivent trouver des solutions pour que le consommateur prenne en considération la question du copyright lors de ces téléchargements." Gaëlle Lacaze, ethnologue et professeur d'écrit électronique, préconise "l'éducation du netizen; la formation des intermédiaires servant à l'utilisation des NTI (nouvelles technologies de l'information) à la nettatitude; l'analyse du rapport entre droits d'auteurs / diffusion du savoir / honnêteté scientifique." Guy Antoine, créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne: "Ce sera un débat sans fin, parce que l'information devient plus omniprésente que l'air que nous respirons et plus fluide que l'eau. On peut maintenant acheter la vidéo d'un film sorti la semaine précédente. Bientôt on pourra regarder sur le net, et à leur insu, des scènes de la vie privée des gens. Il est consternant de voir qu'il existe tant de personnes disposées à faire ces vidéos bénévolement, comme s'il agissait d'un rite d'initiation. Cet état d'esprit continuera de peser de plus en plus lourdement sur les questions de copyright et de propriété intellectuelle. Les auteurs devront être beaucoup plus inventifs sur les moyens de contrôler la diffusion de leurs oeuvres et d'en tirer des gains. Le mieux à faire dès à présent est de développer les normes de base du professionnalisme, et d'insister sur la nécessité impérative de mentionner pour toute oeuvre citée au minimum sa provenance et ses auteurs. La technologie devra évoluer pour appuyer un processus permettant de respecter le droit d'auteur." John Mark Ockerbloom, créateur de The On-Line Book Page: "A mon avis, il est important que les internautes comprennent que le copyright est un contrat social conçu pour le bien public - incluant à la fois les auteurs et les lecteurs. Ceci signifie que les auteurs devraient avoir le droit d'utiliser de manière exclusive et pour un temps limité les oeuvres qu'ils ont créées, comme ceci est spécifié dans la loi actuelle sur le copyright. Mais ceci signifie également que leurs lecteurs ont le droit de copier et de réutiliser ce travail autant qu'ils le veulent à l'expiration de ce copyright. Aux Etats-Unis, on voit maintenant diverses tentatives visant à retirer ces droits aux lecteurs, en limitant les règles relatives à l'utilisation de ces oeuvres, en prolongeant la durée du copyright (y compris avec certaines propositions visant à le rendre permanent) et en étendant la propriété intellectuelle à des travaux distincts des oeuvres de création (comme on en trouve dans les propositions de copyright pour les bases de données). Il existe même des propositions visant à entièrement remplacer la loi sur le copyright par une loi instituant un contrat beaucoup plus lourd. Je trouve beaucoup plus difficile de soutenir la requête de Jack Valenti, directeur de la MPAA (Motion Picture Association of America), qui demande d'arrêter de copier les films sous copyright, quand je sais que, si ceci était accepté, aucun film n'entrerait jamais dans le domaine public (...). Si on voit les sociétés de médias tenter de bloquer tout ce qu'elles peuvent, je ne trouve pas surprenant que certains usagers réagissent en mettant en ligne tout ce qu'ils peuvent. Malheureusement, cette attitude est à son tour contraire aux droits légitimes des auteurs. Comment résoudre cela pratiquement? Ceux qui ont des enjeux dans ce débat doivent faire face à la réalité, et reconnaître que les producteurs d'oeuvres et leurs usagers ont tous deux des intérêts légitimes dans l'utilisation de celles-ci. Si la propriété intellectuelle était négociée au moyen d'un équilibre des principes plutôt que par le jeu du pouvoir et de l'argent que nous voyons souvent, il serait peut-être possible d'arriver à un compromis raisonnable." 5.8. Ce débat occulte les vrais problèmes Michael Hart, fondateur du Projet Gutenberg: "Les débats actuels sont totalement irréalistes. Ils sont menés par 'l'aristocratie terrienne de l'âge de l'information' et servent uniquement ses intérêts. Un âge de l'information? Et pour qui? J'ai été le principal opposant aux extensions du copyright (loi adoptée par le Congrès américain le 27 octobre 1998, ndlr), mais Hollywood et les grands éditeurs ont fait en sorte que le Congrès ne mentionne pas mon action en public." Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Je me demande s'il faut un droit particulier pour le web. Les lois existent déjà. Et les contrevenants existaient bien avant la popularisation de l'internet. Enfin, si ces débats plaisent au ministère de la Culture... Le soutien à la publication, à la distribution, à l'existence du livre me semblent plus importants, si l'on veut éviter que l'édition, dans le futur, ne soit l'apanage de deux ou trois grands groupes. Évidemment cette action-là est moins médiatique." Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "Le débat sur le droit d'auteur sur le web me semble assez proche sur le fond de ce qu'il est dans les autres domaines où le droit d'auteur s'exerce, ou devrait s'exercer. Le producteur est en position de force par rapport à l'auteur dans pratiquement tous les cas de figure. Les pirates, voire la simple diffusion libre, ne menacent vraiment directement que les producteurs. Les auteurs ne sont menacés que par ricochet. Il est possible que l'on puisse légiférer sur la question, au moins en France où les corporations se revendiquant de l'exception culturelle sont actives et résistent encore un peu aux Américains, mais le mal est plus profond. En effet, en France comme ailleurs, les auteurs étaient toujours les derniers et les plus mal payés avant l'apparition d'internet, on constate qu'ils continuent d'être les derniers et les plus mal payés depuis. Il me semble nécessaire que l'on règle d'abord la question du respect des droits d'auteur en amont d'internet. Déjà dans le cadre général de l'édition ou du spectacle vivant, les sociétés d'auteurs (SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), Société des gens de lettres, SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), etc.) faillissent dès lors que l'on sort de la routine ou du vedettariat, ou dès que les producteurs abusent de leur position de force, ou tout simplement ne payent pas les auteurs, ce qui est très fréquent. Il est hypocrite dans ce cas-là de crier haro sur le seul internet." Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne: "Que cherche-t-on par là? Les évènements récents dans le monde musical ont montré que de grosses entreprises prennent prétexte du droit d'auteur pour en fait protéger leur profit. Je ne me fais aucune illusion sur la probabilité qu'a et aura un auteur peu médiatisé, dans un pays autre que les Etats-Unis, de recevoir des royalties sur un texte ou une musique diffusés sur le web, même si des dispositifs de mesure sophistiqués sont mis en place. Par ailleurs, ces dispositifs existent, permettant donc théoriquement un contrôle, alors que ça n'est pas le cas sur les photocopieurs ou les enregistreurs de cassettes. A cet égard, le web n'amène donc pas vraiment de problème supplémentaire." Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte: "Question épineuse s'il en est. Si c'est pour enrichir encore de grosses sociétés multinationales et surtout leurs actionnaires (les fonds de pensions américains que Beigbedder touche du doigt), de nombreux internautes dont je suis se rebellent face au 'copyright'. Par contre, si c'est pour permettre à des créateurs, des artistes ou des musiciens de vivre de leurs passions, le droit d'auteur au sens noble me paraît légitime. Le débat est le même que celui de l'exception culturelle face au GATS (General Agreement on Trade in Services). Copyright contre droit d'auteur! Mais il règne dans le domaine une confusion soigneusement entretenue, ou les deux sont amalgamés. 'On' fait monter au créneau des artistes pour défendre une liberté qui pourrait ne profiter finalement qu'aux multinationales. Firmes qui s'empresseront d'étouffer ces petits soldats de la liberté, si on leur en laisse le pouvoir, sur le net. Et oui, contrairement aux droits d'auteurs qui sont incessibles, le système de 'copyright' permet à ses 'propriétaires' de modifier les conditions contractuelles aux moments qui les arrangent. On a vu plus d'un artiste parvenir à la vice-présidence de l'une ou l'autre de ces firmes grâce à ses ventes faramineuses, puis perdre jusqu'à leur nom dès que ces ventes ne suivent plus! Il me semble qu'il faut surveiller de très près le fameux accord entre BMG et Napster, par lequel, contre un abonnement assez minime somme toute, n'importe qui pourra charger des fichiers en toute légalité. Certes BMG est une multinationale, certes Napster est en passe de perdre son procès contre les autres multinationales de la musique; mais ce système de forfait peut amener à des solutions originales d'équilibre entre la liberté de l'internaute et la rémunération légitime des artistes. Tenant compte de toutes ces contradictions, valider un modèle économique, puisque c'est le dernier concept à la mode dans le domaine du net, n'est pas des plus évidents..." 6. L'EDITION ELECTRONIQUE [Dans ce chapitre:] [6.1. Un développement rapide // 6.2. Un service complémentaire pour les éditeurs "classiques" / L'exemple des éditions du Choucas // 6.3. Les éditeurs en ligne francophones / Editel, créé en 1995 / CyLibris, créé en 1996 / Diamedit, créé en 1997 / 00h00.com, créé en 1998 / La Grenouille Bleue - Gloupsy, créé en 1999 / Luc Pire électronique, créé en 2001 // 6.4. Vers un nouveau type d'édition? / L'auto-édition, solution adoptée par certains auteurs / Un pari en cours: l'édition de la littérature hypertexte et hypermédia / Un pari à venir: l'édition de documentaires hypertextes et hypermédias] 6.1. Un développement rapide De plus en plus de livres et de revues sont publiés en deux versions: numérique et imprimée. Ce qui, après tout, est assez logique puisque tout document imprimé récent est précédé d'une version électronique sur traitement de texte, tableur ou base de données. Certaines publications sont uniquement numériques, ou n'existent désormais plus qu'en version numérique. L'édition électronique est désormais en bonne place à côté de l'édition traditionnelle, du fait des avantages qu'elle offre: stockage plus simple, accès plus rapide, diffusion plus facile, coût moins élevé, etc. Tôt ou tard, tous les livres et revues auront une version numérique, et il deviendra probablement ridicule d'établir une distinction entre document électronique et document imprimé, si ce n'est le choix du support. Pour la publication d'ouvrages et de périodiques à caractère scientifique, dans lesquels l'information la plus récente est primordiale, la numérisation permet de s'orienter vers une diffusion en ligne qui rend beaucoup plus facile les réactualisations régulières. Point n'est besoin d'attendre une nouvelle édition imprimée soumise aux contraintes commerciales et aux exigences de l'éditeur. Si nécessaire, une édition imprimée est toujours possible, mais uniquement à la demande, ou tout simplement en tirant les quelques pages nécessaires sur son imprimante. Certaines universités produisent des manuels "sur mesure" composés d'un choix de chapitres sélectionnés dans une base de données, choix complété par divers articles et commentaires. Pour un séminaire, une conférence, ou toute autre manifestation, un très petit tirage peut être effectué à partir d'un choix de textes électroniques. Le numérique amène une certaine zizanie dans le monde de l'édition, ce qui n'est peut-être pas un mal: des éditeurs vendent directement leurs titres en ligne, des éditeurs numériques et librairies numériques diffusent les versions numériques de livres publiés par des éditeurs "classiques", des auteurs s'auto-éditent ou promeuvent eux-mêmes leurs oeuvres publiées, des sites littéraires se chargent de promouvoir de nouveaux auteurs pour pallier les carences de l'édition traditionnelle, etc. 6.2. Un service complémentaire pour les éditeurs "classiques" Très vite, des éditeurs "classiques" exploitent les possibilités de l'internet pour faciliter et renforcer leur activité. On prendra ici l'exemple des éditions du Choucas, petit éditeur indépendant basé dans la région d'Annecy (Haute-Savoie). = L'exemple des éditions du Choucas En 1992, Nicolas et Suzanne Pewny fondent les éditions du Choucas, spécialisées dans la littérature et les livres d'art. Ils créent leur site web dès novembre 1996. "Lorsque je me suis rendu compte des possibilités que l'internet pouvait nous offrir, je me suis juré que nous aurions un site le plus vite possible, explique Nicolas Pewny en juin 1998. Un petit problème: nous n'avions pas de budget pour le faire réaliser. Alors, au prix d'un grand nombre de nuits sans sommeil, j'ai créé ce site moi-même et l'ai fait référencer (ce n'est pas le plus mince travail). Le site a alors évolué en même temps que mes connaissances (encore relativement modestes) en la matière et s'est agrandi, et il a commencé à être un peu connu même hors de France et d'Europe. Le changement que l'internet a apporté dans notre vie professionnelle est considérable. Nous sommes une petite maison d'édition installée en province. L'internet nous a fait connaître rapidement sur une échelle que je ne soupçonnais pas. Même les médias 'classiques' nous ont ouvert un peu leurs portes grâce à notre site. Les manuscrits affluent par le courrier électronique. Ainsi nous avons édité deux auteurs québécois. Beaucoup de livres se réalisent (corrections, illustrations, envoi des documents à l'imprimeur) par ce moyen. Dès le début de l'existence du site, nous avons reçu des demandes de pays ou nous ne sommes pas (encore) représentés: Etats-Unis, Japon, Amérique latine, Mexique, malgré notre volonté de ne pas devenir un site commercial mais un site d'information et à connotation culturelle (nous n'avons pas de système de paiement sécurisé, etc., nous avons juste référencé sur une page les libraires qui vendent en ligne). (...) Nous voudrions bien rester aussi peu commercial que possible et augmenter l'interactivité et le contact avec les visiteurs du site. Y réussirons-nous? Nous avons déjà reçu des propositions qui vont dans un sens opposé. Nous les avons mis en veille. Mais si l'évolution va dans ce sens, pourrons-nous résister, ou trouver une voie moyenne? Honnêtement, je n'en sais rien." Un an après, en juillet 1999, Nicolas Pewny relate: "Tous nos titres récents sont présentés sur le web, on peut contacter nos auteurs, participer à un jeu-concours, consulter le début - parfois le texte intégral - des nouveautés. Le texte intégral? Oui, nous croyons à la survie du livre dans son format classique parallèlement au format électronique. Le livre, ce n'est pas seulement un texte. C'est aussi un objet que l'on aime toucher, montrer, emmener en voyage, prêter... Nous pensons que le fait de pouvoir consulter le texte incite à se procurer le livre (si on a aimé bien sûr). La maintenance et les mises à jour du site, le courrier électronique, etc. sont devenus pour moi une tâche quotidienne s'ajoutant aux autres: mise en page des textes, correction, création des couvertures, rapport avec les auteurs, avec les médias, suivi de la distribution-diffusion, etc. Car comme dans d'autres petites maisons d'édition nous faisons tout nous-mêmes (sauf l'impression). A la suite de la mise en ligne de Corrida, l'exposition virtuelle Lorca-Puig, et plus récemment du site pour la recherche de sponsors pour Mon copain de Pékin, un livre de photographies dédié à Pékin, il semblerait que nous soyons amenés à créer des sites ayant un rapport avec l'art et/ou le livre. (...) Nous avons mis le début de chaque livre en format PDF et pour quelques livres le texte intégral en ligne. Un jeu-concours qui remporte un certain succès a aussi été mis en place. On peut gagner le livre de son choix. Beaucoup de nos visiteurs nous reprochaient de ne pouvoir acheter en ligne sur notre site. Après pas mal d'hésitations nous avons choisi Alapage pour la qualité de son service et pour la fiabilité de leur base de données. Néanmoins la page des librairies en ligne est toujours sur notre site si l'on préfère acheter ailleurs. Nous avons déjà quelques interviews d'auteurs disponibles en RealAudio sur une de nos pages. Nous allons essayer d'en faire d'autres avec de la vidéo. Enfin une alternative du site en DHTML, Javascript, Flash, existe. Nous la mettrons parallèlement en ligne à l'automne (1999)." Fin 1999, séduit par les Fables pour l'an 2000 de Raymond Godefroy, écrivain-paysan normand, Nicolas Pewny crée la version web de ce recueil. En 2000, les éditions du Choucas lancent plusieurs versions numériques de leurs publications en partenariat avec 00h00.com et Mobipocket. Mais le bilan des années 1992-2001 est assez lourd: dix ans de travail acharné pour publier une quarantaine de titres à l'enseigne du Choucas et de nombreux autres titres pour des tiers, des revenus sans aucune comparaison avec le travail investi, et enfin le dépôt de bilan de Distique, leur distributeur. En mars 2001, Nicolas et Suzanne Pewny décident de cesser leur activité d'éditeur, tout en condamnant sévèrement l'attitude du ministère de la Culture à l'égard des petits éditeurs indépendants. "Le soutien à la publication, à la distribution, à l'existence du livre me semblent importants, si l'on veut éviter que l'édition, dans le futur, ne soit l'apanage de deux ou trois grands groupes, écrit Nicolas Pewny en juin 2001. (...) Mais je ne regrette pas ces dix années de lutte de satisfactions et de malheurs passés aux éditions du Choucas. J'ai connu des auteurs intéressants dont certains sont devenus des amis... Maintenant je fais des publications et des sites internet pour d'autres. En ce moment pour une ONG (organisation non gouvernementale) internationale caritative; je suis ravi de participer (modestement) à leur activité à but non lucratif. Enfin on ne parle plus de profit ou de manque à gagner, c'est reposant." 6.3. Les éditeurs en ligne francophones Comme on le verra dans les lignes qui suivent, une place importante est occupée par l'édition en ligne non commerciale. A ceux qui se demandent s'il s'agit là de véritables éditeurs, on rétorquera que le fait de publier des versions numériques de livres publiés en version imprimée par d'autres maisons d'édition ne constitue peut-être pas non plus une véritable activité d'édition. Pourquoi n'y aurait-il pas enfin de la place pour tout le monde: éditeurs commerciaux, éditeurs non commerciaux, éditeurs de versions numériques, etc.? Pourquoi l'édition en ligne devrait-elle dès ses débuts être monopolisée par une seule maison d'édition ayant le réseau de relations nécessaire et le soutien des médias? Et reproduire ainsi le schéma de l'édition traditionnelle, à savoir la difficulté qu'ont les petits éditeurs d'être entendus et diffusés, et tout simplement d'exister face à quelques maisons d'édition ayant pignon sur rue? = Editel, créé en 1995 Dès avril 1995, Pierre François Gagnon, un québécois passionné de littérature, décide d'utiliser le numérique pour la réception des textes, leur stockage et leur diffusion. Il crée Editel, le premier site web d'auto-édition collective de langue française, devenu ensuite un site de cyberédition non commerciale en partenariat avec les auteurs maison (35 textes téléchargeables en janvier 2001) et un webzine littéraire. En juillet 2000, il relate: "En fait, tout le monde et son père savent ou devraient savoir que le premier site d'édition en ligne commercial fut CyLibris (créé en août 1996 par Olivier Gainon, ndlr), précédé de loin lui-même, au printemps de 1995, par nul autre qu'Editel, le pionnier d'entre les pionniers du domaine, bien que nous fûmes confinés à l'action symbolique collective, faute d'avoir les moyens de déboucher jusqu'ici sur une formule de commerce en ligne vraiment viable et abordable, bien qu'il n'existe toujours pas de support de lecture 'grand public' qui soit crédible pour la publication payante de livres numériques. Nous l'attendons toujours dans le courant de l'an 2000! Nous sommes actuellement trois mousquetaires (Pierre François Gagnon, Jacques Massacrier et Mostafa Benhamza, ndlr) à développer le contenu original et inédit du webzine littéraire qui continuera de servir de façade d'animation gratuite, offerte personnellement par les auteurs maison à leur lectorat, à d'éventuelles activités d'édition en ligne payantes, dès que possible au point de vue technico-financier. Est-il encore réaliste de rêver à la démocratie économique? Tout ce que j'espère de mieux (...), c'est que les nouveaux supports de lecture, ouverts et compatibles grâce au standard OeB (Open eBook), s'imposeront d'emblée comme des objets usuels indispensables, c'est-à-dire multifonctionnels et ultramobiles, intégrant à la fois l'informatique, l'électronique grand public et les télécommunications, et pas plus dispendieux qu'une console de jeux vidéo." = CyLibris, créé en 1996 Fondé en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) utilise l'internet et le numérique pour s'affranchir des contraintes liées à l'économie traditionnelle du livre. L'éditeur peut ainsi se consacrer à la découverte et à la promotion de nouveaux auteurs littéraires francophones, et à la publication de leurs premières oeuvres (romans, poésie, théâtre, policier, science-fiction, fantastique, etc.). Si CyLibris est avant tout un tremplin pour les nouveaux talents, les auteurs confirmés y ont aussi leur place (voir à ce sujet l'entretien avec Emmanuel Ménard, directeur des publications, qui expose en détail la procédure éditoriale de CyLibris). Vendus uniquement sur le web, avec des extraits en téléchargement libre au format texte, les livres (52 titres en juin 2001) sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d'éviter le stock et les intermédiaires. Le site procure des informations pratiques à destination des auteurs en herbe: comment envoyer un manuscrit à un éditeur, ce que doit comporter un contrat d'édition, comment protéger ses manuscrits, etc. Au printemps 2000, CyLibris devient membre du Syndicat national de l'édition (SNE). "CyLibris a été créé d'abord comme une maison d'édition spécialisée sur un créneau particulier de l'édition et mal couvert à notre sens par les autres éditeurs: la publication de premières oeuvres, donc d'auteurs débutants, explique Olivier Gainon. Nous nous intéressons finalement à la littérature qui ne peut trouver sa place dans le circuit traditionnel: non seulement les premières oeuvres, mais les textes atypiques, inclassables ou en décalage avec la mouvance et les modes littéraires dominantes. Ce qui est rassurant, c'est que nous avons déjà eu quelques succès éditoriaux (grand prix de la Société des gens de lettres (SGDL) en 1999 pour La Toile de Jean-Pierre Balpe, prix de la litote pour Willer ou la trahison de Jérôme Olinon en 2000, etc.). Ce positionnement de 'défricheur' est en soi original dans le monde de l'édition, mais c'est surtout son mode de fonctionnement qui fait de CyLibris un éditeur atypique. Créé dès 1996 autour de l'internet, CyLibris a voulu contourner les contraintes de l'édition traditionnelle grâce à deux innovations: la vente directe par l'intermédiaire d'un site de commerce sur internet, et le couplage de cette vente avec une impression numérique en 'flux tendu'. Cela permettait de contourner les deux barrières traditionnelles dans l'édition: les coûts d'impression (et de stockage), et les contraintes de distribution. Notre système gérait donc des flux physiques: commande reçue par internet - impression du livre commandé - envoi par la poste. Je précise que nous sous-traitons l'impression à des imprimeurs numériques, ce qui nous permet de vendre des livres de qualité équivalente à celle de l'offset, et à un prix comparable. Notre système n'est ni plus cher, ni de moindre qualité, il obéit à une économie différente, qui, à notre sens, devrait se généraliser à terme. Aujourd'hui, CyLibris développe une activité de distribution de 'livres numériques', c'est-à-dire de fichiers téléchargeables. Nous n'avons pas lancé cette activité au départ car il nous semblait que les outils de sécurisation (c'est-à-dire permettant une réelle prise en charge des droits d'auteur) n'existaient pas il y a quatre ans. Les technologies évoluent, et nous sommes en train de tester plusieurs technologies pour lancer une réelle activité de livres numériques en 2001. Nous quittons donc notre métier d'éditeur pur pour nous intéresser de plus en plus aux technologies autour du livre sur internet. Bien entendu, nous pensons à faire bénéficier d'autres éditeurs de ce savoir-faire que nous sommes en train d'acquérir." En quoi consiste exactement l'activité d'Olivier Gainon? "Je décrirais mon activité comme double. D'une part celle d'un éditeur traditionnel dans la sélection des manuscrits et leur retravail (je m'occupe directement de la collection science-fiction) , mais également le choix des maquettes, les relations avec les prestataires, etc. D'autre part, une activité internet très forte qui vise à optimiser le site de CyLibris et mettre en oeuvre une stratégie de partenariat permettant à CyLibris d'obtenir la visibilité qui lui fait parfois défaut. Enfin, je représente CyLibris au sein du SNE (Syndicat national de l'édition). CyLibris est aujourd'hui une petite structure. Elle a trouvé sa place dans l'édition, mais est encore d'une économie fragile sur internet. Notre objectif est de la rendre pérenne et rentable et nous nous y employons. Je pense que les choses changent et j'espère qu'en 2002 nous aurons doublé notre taille et que nous serons proche de l'équilibre." Par ailleurs, l'équipe de CyLibris lance en mai 1999 une lettre d'information électronique sur le monde de l'édition francophone. Souvent humoristique et décapante, la lettre, d'abord mensuelle, paraît deux fois par mois à compter de février 2000. Elle change de nom en février 2001 pour devenir Edition-actu. Depuis ses débuts, son objectif n'est pas tant de promouvoir les livres de l'éditeur que de présenter l'actualité du livre tous azimuts. = Diamedit, créé en 1997 Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires, est conçu en 1997 par Jacky Minier. "J'ai imaginé ce site d'édition virtuelle il y a maintenant plusieurs années, à l'aube de l'ère internautique francophone, explique-t-il. A l'époque, il n'y avait aucun site de ce genre sur la toile à l'exception du site québécois Editel de Pierre François Gagnon. J'avais alors écrit un roman et quelques nouvelles que j'aurais aimé publier mais, le système français d'édition classique papier étant ce qu'il est, frileux et à la remorque de l'Audimat, il est devenu de plus en plus difficile de faire connaître son travail lorsqu'on n'est pas déjà connu médiatiquement. J'ai donc imaginé d'utiliser le web pour faire la promotion d'auteurs inconnus qui, comme moi, avaient envie d'être lus. Diamedit est fait pour les inédits. Rien que des inédits. Pour encourager avant tout la création. Je suis, comme beaucoup de pionniers du net sans doute, autodidacte et multiforme. A la fois informaticien, écrivain, auteur de contenus, webmestre, graphiste au besoin, lecteur, correcteur pour les tapuscrits des autres, et commercial, tout à la fois. Mon activité est donc un mélange de ces diverses facettes. Toutefois, de plus en plus, je suis amené à me consacrer davantage à la promotion de mes sites que j'avais jusque-là tendance à négliger un peu, et j'envisage de déléguer largement la sélection des tapuscrits aux auteurs eux-mêmes, qui coopteraient ainsi entre eux les nouveaux venus. De cette manière, le cercle grandissant de passionnés de l'écriture devrait maintenir de lui-même un niveau de qualité suffisant pour conserver ou amplifier l'attrait que Diamedit exerce sur ses lecteurs." Comment Jacky Minier voit-il l'avenir? "Souriant. Je le vois très souriant. Je crois que le plus dur est fait et que le savoir-faire cumulé depuis les années de débroussaillage verra bientôt la valorisation de ces efforts. Le nombre des branchés francophones augmente très vite maintenant et, même si en France on a encore beaucoup de retard sur les Amériques, on a aussi quelques atouts spécifiques. En matière de créativité notamment. C'est pile poil le créneau de Diamedit. De plus, je me sens moins seul maintenant qu'il y a seulement deux ans. Des confrères sérieux ont fait leur apparition dans le domaine de la publication d'inédits. Tant mieux! Plus on sera et plus l'expression artistique et créatrice prendra son envol. En la matière, la concurrence n'est à craindre que si on ne maintient pas le niveau d'excellence. Il ne faut pas publier n'importe quoi si on veut que les visiteurs comme les auteurs s'y retrouvent." = 00h00.com, créé en 1998 Créées par Jean-Pierre Arbon, ancien directeur de Flammarion, et Bruno de Sa Moreira, ancien directeur de Flammarion Multimédia, les éditions 00h00.com (prononcer: zéro heure) débutent leur activité en mai 1998. "La création de 00h00.com marque la véritable naissance de l'édition en ligne (ou plus exactement de l'édition numérique commerciale, ndlr), lit-on sur le site web. C'est en effet la première fois au monde que la publication sur internet de textes au format numérique est envisagée dans le contexte d'un site commercial, et qu'une entreprise propose aux acteurs traditionnels de l'édition (auteurs et éditeurs) d'ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d'exploitation des droits. Les textes offerts par 00h00.com sont soit des inédits, soit des textes du domaine public, soit des textes sous copyright dont les droits en ligne ont fait l'objet d'un accord avec leurs ayants-droit. (...) Internet est un lieu sans passé, où ce que l'on fait ne s'évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses. (...) Le succès de l'édition en ligne ne dépendra pas seulement des choix éditoriaux: il dépendra aussi de la capacité à structurer des approches neuves, fondées sur les lecteurs autant que sur les textes, sur les lectures autant que sur l'écriture, et à rendre immédiatement perceptible qu'une aventure nouvelle a commencé." Les 600 titres du catalogue - essentiellement des rééditions numériques d'ouvrages publiés par d'autres éditeurs - sont disponibles sous la forme d'un exemplaire numérique et d'un exemplaire papier. D'après l'éditeur, les exemplaires numériques représentent 85% des ventes. Les collections sont très diverses: 2003 (nouvelles écritures), actualité et société, communication et NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication), poésie, policiers, science-fiction, etc. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un lien direct avec le lecteur et entre les lecteurs. Sur le site, les lecteurs peuvent créer leur espace personnel afin d'y rédiger leurs commentaires, recommander des liens vers d'autres sites, participer à des forums, etc. Les éditions 00h00.com sont rachetées en septembre 2000 par l'américain Gemstar, société leader dans le domaine des technologies et systèmes interactifs pour les produits numériques. Après avoir acquis en janvier 2000 les deux sociétés américaines à l'origine des premiers modèles de livres électroniques, NuvoMedia, créatrice du Rocket eBook, et Softbook Press, créatrice du Softbook Reader, Gemstar continue ainsi d'étendre son empire en accédant cette fois au marché francophone. Selon Henry Yuen, président de Gemstar (cité par l'AFP), "les compétences éditoriales dont dispose 00h00.com et les capacités d'innovation et de créativité dont elle a fait preuve sont les atouts nécessaires pour faire de Gemstar un acteur majeur du nouvel âge de l'édition numérique qui s'ouvre en Europe". 00h00.com prépare le lancement en Europe du Gemstar eBook, livre électronique produit et commercialisé par Thomson Multimédia sous licence de Gemstar (voir 8.1 pour un descriptif plus complet). = La Grenouille Bleue / Gloupsy, créé en 1999 Marie-Aude Bourson, une lyonnaise passionnée de littérature et d'écriture, ouvre en septembre 1999 le site littéraire de la Grenouille Bleue. "L'objectif est de faire connaître de jeunes auteurs francophones, pour la plupart amateurs, explique-t-elle. Chaque semaine, une nouvelle complète est envoyée par e-mail aux abonnés de la lettre. Les lecteurs ont ensuite la possibilité de donner leurs impressions sur un forum dédié. Egalement, des jeux d'écriture ainsi qu'un atelier permettent aux auteurs de 's'entraîner' ou découvrir l'écriture. Un annuaire recense les sites littéraires. Un agenda permet de connaître les différentes manifestations littéraires." En décembre 2000, elle doit fermer le site pour un problème de marque. En janvier 2001, elle ouvre un nouveau site, Gloupsy.com, qui fonctionne selon le même principe que la Grenouille Bleue, "mais avec plus de 'services' pour les jeunes auteurs, le but étant de mettre en place une véritable plate-forme pour 'lancer' les auteurs". Elle envisage d'"en faire un jour une véritable maison d'édition avec impression papier des auteurs découverts". = Luc Pire électronique, créé en 2001 Lancé en février 2001, Luc Pire électronique est le département d'édition numérique des éditions Luc Pire, créées à l'automne 1994 et basées à Bruxelles et à Liège. Le catalogue de Luc Pire électronique, en cours de constitution, comprendra les versions numériques des livres déjà publiés par les éditions Luc Pire (300 titres au catalogue papier en juin 2001) et de nouveaux titres, soit en version numérique seulement, soit en deux versions, numérique et imprimée. Nicolas Ancion, son responsable éditorial, explique: "Ma fonction est d'une double nature: d'une part, imaginer des contenus pour l'édition numérique de demain et, d'autre part, trouver des sources de financement pour les développer. (...) Je supervise le contenu du site de la maison d'édition et je conçois les prochaines générations de textes publiés numériquement (mais pas exclusivement sur internet)." Je pense que l'édition numérique n'en est encore qu'à ses balbutiements, ajoute-t-il. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l'essentiel est déjà acquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparition entraîne une redéfinition du métier d'éditeur. Auparavant, un éditeur pouvait se contenter d'imprimer des livres et de les distribuer. Même s'il s'en défendait parfois, il fabriquait avant tout des objets matériels (des livres). Désormais, le rôle de l'éditeur consiste à imaginer et mettre en forme des contenus, en collaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets matériels, mais des contenus dématérialisés. Ces contenus sont ensuite 'matérialisés' sous différentes formes: livres papier, livres numériques, sites web, bases de données, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le département de 'production' d'un éditeur deviendrait plutôt un département d''exploitation' des ressources. Le métier d'éditeur se révèle ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peut amener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics. C'est un véritable défi qui demande avant tout de l'imagination et de la souplesse." 6.4. Vers un nouveau type d'édition? = L'auto-édition, solution adoptée par certains auteurs Les éditeurs ne peuvent vivre sans les auteurs, alors que les auteurs peuvent enfin vivre sans les éditeurs. La création d'un site web leur permet de faire connaître leurs oeuvres en évitant les intermédiaires. C'est après avoir utilisé le circuit traditionnel des éditeurs - et avoir été passablement déçue par celui-ci - qu'Anne-Bénédicte Joly décide de s'auto-publier et d'utiliser le web pour se faire connaître. En avril 2000, elle crée son propre site. "Après avoir rencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d'édition et ne souhaitant pas opter pour des éditions à compte d'auteur, j'ai choisi, parce que l'on écrit avant tout pour être lu (!), d'avoir recours à l'auto-édition, raconte-t-elle. Je suis donc un écrivain-éditeur et j'assume l'intégralité des étapes de la chaîne littéraire, depuis l'écriture jusqu'à la commercialisation, en passant par la saisie, la mise en page, l'impression, le dépôt légal et la diffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250 exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes. Je pense qu'internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d'autres, mais je suis convaincue que le livre 'papier' a encore, pour des lecteurs amoureux de l'objet livre, de beaux jours devant lui. Je pense que la problématique réside davantage dans la qualité de certains éditeurs, pour ne pas dire la frilosité, devant les coûts liés à la fabrication d'un livre, qui préfèrent éditer des livres 'vendeurs' plutot que de décider de prendre le risque avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus.(...) Si l'internet et le livre électronique ne remplaceront pas le support livre, je reste convaincue que disposer d'un tel réseau de communication est un avantage pour des auteurs moins (ou pas) connus." Elle place toutefois quelques espoirs dans l'édition numérique. "Certains éditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs en intégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle dernier certains éditeurs classiques. Les techniques modernes (édition numérique, e-book...) sont accessibles, n'exigent pas (ou de moins en moins) de moyens financiers importants et peuvent donc être au service de ces éditeurs. Ils jouent aujourd'hui le rôle de découvreur de talents. Il est à ma connaissance absolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d'éditer un livre en cinquante exemplaires. L'édition numérique offre cette possibilité, avec en plus réédition à la demande, presque à l'unité. En résumé, je souhaite que l'objet livre continue de vivre longtemps et je suis ravie que des techniques (internet, édition numérique, e-book...) offrent à des auteurs des moyens de communication leur permettant d'avoir accès à de plus en plus de lecteurs." Ces commentaires font écho à ceux de Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires. "En matière d'édition numérique, (...) permettre une impression pour utilisation personnelle est un excellent moyen de promotion de l'auteur et de son oeuvre. Même si c'est un exemplaire gratuit. Et quand cet auteur (ou artiste) deviendra très connu, les mêmes éditeurs papier qui le boudent se jetteront dessus pour le publier alors qu'ils auraient à peine lu son manuscrit auparavant!" Raymond Godefroy, écrivain-payan, a d'abord publié son recueil Fables pour l'an 2000 en version web sur le site des éditions du Choucas, en décembre 1999, avant d'envisager une version imprimée. "Internet représente pour moi un formidable outil de communication qui nous affranchit des intermédiaires, des barrages doctrinaires et des intérêts des médias en place, écrit-il fin 1999. Soumis aux mêmes lois cosmiques, les hommes, pouvant mieux se connaître, acquerront peu à peu cette conscience du collectif, d'appartenir à un même monde fragile pour y vivre en harmonie sans le détruire. Internet est absolument comme la langue d'Esope, la meilleure et la pire des choses, selon l'usage qu'on en fait, et j'espère qu'il ne permettra de m'affranchir en partie de l'édition et de la distribution traditionnelle qui, refermée sur elle-même, souffre d'une crise d'intolérance pour entrer à reculons dans le prochain millénaire." Si certains auteurs manifestent un optimisme mesuré, d'autres ne se font pas d'illusion. "L'internet va me permettre de me passer des intermédiaires: compagnies de disques, éditeurs, distributeurs, écrit Jean-Paul, écrivain et musicien. Il va surtout me permettre de formaliser ce que j'ai dans la tête (et ailleurs) et dont l'imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu'une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l'herbe est plus verte..." = Un pari en cours: l'édition de la littérature hypertexte et hypermédia "La lucidité nous a ouvert les yeux sur quoi: un écran, constate Lucie de Boutiny, auteur multimédia. Dans ce rectangle lumineux des lettres. Depuis l'archaïque minitel si décevant en matière de création télématique, c'est bien la première fois que, via le web, dans une civilisation de l'image, l'on voit de l'écrit partout présent 24 h /24, 7 jours /7. Je suis d'avis que si l'on réconcilie le texte avec l'image, l'écrit avec l'écran, le verbe se fera plus éloquent, le goût pour la langue plus raffiné et communément partagé. Faudra-t-il s'en justifier encore longtemps devant les éditeurs en papier mâché qui ont des idées de parchemin fripé? Faut-il les consoler en leur précisant que la fabrique de littérature numérique emprunte les recettes de la littérature traditionnelle (y compris celle écrite avec la voix, ou transmise sur des tablettes, voire enregistrée sur des papyrus, etc.) et pas seulement. Bref, il serait temps de rafraîchir cette bonne vieille littérature franco-française en phase d'épuisement. Ce n'est pas si grave, notre patrimoine nous sauve mais voilà la drôle de 'mission' dont il convient de s'acquitter - ceci dit, les sermons, les positions qui risquent de se sanctifier en postures, les bonnes résolutions moralisantes, je m'en tape, mais pour le coup, j'y cède -, ou alors il faut s'arrêter de se plaindre de la désacralisation du livre comme vecteur de la connaissance et de la culture, de la désertion des lecteurs, de l'illettrisme rampant, de la tristesse désuète si austère du peuple des écrivains, de leur isolement subi, de la pauvreté des moyens financiers qu'on leur accorde, et cela face à une industrialisation concentrationnaire de l'édition qui assomme le livre à coups de pilon, etc." Encore balbutiante, l'édition d'oeuvres de fiction hypertextuelle cherche sa voie. "L'HTX (littérature hypertextuelle, ndlr) qui passe par le savoir-faire technologique rapproche donc le techno-écrivain du scénariste, du BD dessinateur, du plasticien, du réalisateur de cinéma, quelles en sont les conséquences au niveau éditorial? Faut-il prévoir un budget de production en amont? Qui est l'auteur multimédia? Qu'en est-il des droits d'auteur? Va-t-on conserver le copyright à la française? L'HTX sera publiée par des éditeurs papier ayant un département multimédia? De nouveaux éditeurs vont émerger et ils feront un métier proche de la production? Est-ce que nous n'allons pas assister à un nouveau type d'oeuvre collective? Bientôt le sampling littéraire protégé par le copyleft?" = Un pari à venir: l'édition de documentaires hypertextes et hypermédias Pour les documentaires aussi, il est grand temps d'utiliser les nouvelles formes d'écriture et de lecture autorisées par le lien hypertexte et hypermédia, comme c'est déjà le cas depuis quelques années dans le domaine de la fiction. Pourquoi les auteurs de documentaires n'exploiteraient-ils pas eux aussi les possibilités offertes par l'hyperlien, en permettant ainsi au lecteur toutes sortes de cheminements, linéaires, non linéaires, par thèmes, etc.? C'est la démarche qui est tentée dans le livre que vous êtes en train de lire. Outre plusieurs possibilités de lecture, le documentaire hypertexte offre de nombreux avantages par rapport au documentaire imprimé. Un simple lien permet d'accéder aux sites web mentionnés, ainsi qu'au texte intégral des documents cités et des références bibliographiques. Les erreurs peuvent aussitôt être corrigées. Le livre peut être régulièrement actualisé (ajouts en fonction de l'actualité, derniers chiffres et statistiques, etc.). Ces horripilants index en fin d'ouvrage - mais combien pratiques, au moins quand ils existent - sont remplacés par la fonction "recherche" sur une page donnée ou par un moteur de recherche pour l'ensemble du site (en installant celui de Google par exemple). Un index peut toujours être envisagé, mais considérablement allégé, et principalement pour répertorier les concepts et notions. Pour prendre un exemple, dans l'index de ce livre, pour "livre numérique", on a quelques renvois aux chapitres et sous-chapitres, alors qu'un moteur de recherche donnerait une liste impressionnante de réponses, le terme revenant à longueur de page. L'index offre donc un service complémentaire. Il reste à inventer un nouveau type de maison d'édition proposant des livres web, avec une infrastructure permettant leur actualisation immédiate et constante par FTP. Si ceci vaut pour tous les sujets, cela paraît d'autant plus indispensable pour les nouvelles technologies et l'internet. La place des livres traitant du web n'est-elle pas sur le web? L'auteur pourrait choisir de mettre son livre en consultation payante ou gratuite. La question du droit d'auteur serait également entièrement à revoir, ce qui ne serait sûrement pas un mal. Paiement à la source, paiement à la consultation? Et comment l'éditeur serait-il rémunéré? Quant aux versions imprimées, globales ou partielles, elles pourraient être faites à la demande, comme c'est déjà le cas chez plusieurs éditeurs de livres "classiques". Quant au documentaire hypermédia, il permettrait d'inclure des images animées, de la musique et des vidéos. Ceci dans un deuxième temps peut-être. En France par exemple, seule 6% de la population dispose pour le moment de l'internet à débit rapide, un élément statistique que les créateurs et webmestres oublient trop souvent de prendre en considération. Pour le moment, si on crée des oeuvres hypermédias pour qu'elles soient lues ou consultées, il est préférable de proposer deux versions, une "lourde" pour les 6% qui ont l'internet par câble et DSL, et une "légère" pour les 94% qui ont une connexion "standard". La remarque vaut aussi pour la littérature hypermédia et plus généralement pour n'importe quel site professionnel. Si les créateurs et webmestres tiennent absolument à ne proposer qu'une version "lourde", en pariant sur l'avenir, ils pourraient au moins aller tester leur site de temps à autre à partir d'une connexion "standard" (avec le risque d'être surpris, sinon horrifiés par ce que le lecteur "standard" doit endurer), ceci pendant encore deux ou trois ans (?), avant que le World Wide Wait ne soit plus qu'un mauvais souvenir. 7. LE LIVRE NUMERIQUE SE GENERALISE [Dans ce chapitre:] [7.1. Les différents formats // 7.2. Une vente assurée à la fois par les éditeurs et les libraires // 7.3. Quelques commentaires] Ce chapitre traite du livre numérique, défini ici comme étant la version numérisée d'un livre. Le chapitre suivant traite du livre électronique, appareil de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques. 7.1. Les différents formats Les années 1999 et 2000 sont marquées par la prolifération des formats de livres numériques: PDF (portable document format), OeB (open ebook), Microsoft Reader, Glassbook Reader, Gemstar Reader, HTML (hypertext markup language), XML (extensible markup language), texte (.txt), Word (.doc), etc. Inquiets pour l'avenir du livre numérique qui, à peine né, propose presque autant de formats que de titres, certains insistent sur l'intérêt - sinon la nécessité - d'un format unique. Depuis quelques mois, on observe un effort méritoire visant à développer les formats au sein de deux grandes familles, celle du PDF (développé par Adobe) et celle de l'OeB (utilisé notamment par Microsoft et Gemstar). Premier-né, le format PDF (portable digital format), lisible à l'aide du logiciel Acrobat Reader, est longtemps considéré comme la norme internationale en matière de diffusion de documents électroniques. Ce format de fichier universel conserve les polices, le formatage, les couleurs et les images du document source, quelles que soient l'application et la plate-forme utilisées pour le créer. Compacts, les fichiers PDF peuvent être partagés, visualisés, parcourus et imprimés en conservant leur aspect d'origine. Apparu en octobre 1998, l'OeB (open ebook) est un format basé sur l'HTML et le XML. La première version (1.0) de l'Open eBook Publication Structure (OEBPS) est disponible sur le web en septembre 1999. Elle a été remplacée en juillet 2001 par la version 1.0.1. Le format OeB est utilisé notamment par le Reader de Microsoft, le Gemstar eBook et le Mobipocket. Créé en janvier 2000, l'Open eBook Forum (OeBF) a pour tâche de développer et de promouvoir l'Open eBook (OeB) afin qu'il devienne le standard majeur, sinon unique, de publication des livres numériques. Ce consortium international réunit plusieurs dizaines d'entreprises: des fabricants de livres électroniques, des éditeurs, des fabricants de logiciels et de matériels (dont Adobe), des libraires en ligne, etc. En mars 2000, une première version du Microsoft Reader (qui utilise le format OeB) permet la lecture de livres sur les ordinateurs de poche. En août 2000, le Microsoft Reader est utilisable sur un ordinateur de bureau. Ses caractéristiques: un affichage à l'écran utilisant la technologie Cleartype, le choix de la taille des caractères, l'accès d'un clic à un dictionnaire (Merriam-Webster Dictionary) et la mémorisation des mots-clés pour des recherches ultérieures. Ce logiciel étant disponible gratuitement, Microsoft facture les éditeurs pour l'utilisation de la technologie correspondante et touche une commission sur chaque vente de livre numérique. Des partenariats sont aussitôt prévus avec les deux grands libraires en ligne, Barnes & Noble.com et Amazon.com, dans le cadre de l'ouverture prochaine de leurs librairies numériques (respectivement le 8 août et le 28 août 2000). Face au Microsoft Reader, Adobe cherche à défendre la place de l'Acrobat Reader. En août 2000, la société annonce l'acquisition de Glassbook, qui développe des logiciels de distribution et d'affichage de livres numériques, en permettant l'automatisation de la chaîne de production pour les éditeurs, les libraires, les distributeurs et les bibliothèques. Adobe annonce également une extension de son partenariat avec Barnes & Noble.com, afin de proposer davantage de titres lisibles avec l'Acrobat Reader ou le Glassbook Reader. En janvier 2001, fort de l'expérience de Glassbook, Adobe annonce deux produits de distribution de livres numériques payants. Le premier est l'Acrobat eBook Reader, disponible en téléchargement gratuit, qui est un Acrobat intégrant la gestion des droits. Le deuxième, l'Acrobat Content Server for eBooks, est destiné aux éditeurs et distributeurs. Il s'agit d'un serveur de contenu assurant le conditionnement, la protection, la distribution et la vente sécurisée de livres numériques au format PDF. Il permet de gérer les droits d'un livre donné, selon les consignes données par le gestionnaire des droits, en autorisant ou non par exemple l'impression, le prêt, etc. 7.2. Une vente assurée à la fois par les éditeurs et les libraires Si elle existe dès mai 1998, la vente de livres numériques se généralise à compter de l'automne 2000. Elle est effectuée soit directement par les éditeurs, soit par le biais des libraires, avec impression à la demande dans les deux cas. On voit apparaître les premières librairies numériques. Ces librairies, qui vendent des livres en version numérique, sont à distinguer des librairies en ligne, qui vendent des livres et autres produits culturels sur tous supports (imprimé, CD, CD-Rom, vidéo, DVD, etc.) sur l'internet. Le livre commence aussi à se vendre "en pièces détachées". C'est notamment le cas dans la librairie numérique Numilog (voir 10.3) ou dans la librairie en ligne de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), pour ne prendre que deux exemples. Réservé jusque-là aux manuels universitaires ou aux dossiers pour séminaires, colloques et conférences, le livre numérique / imprimé "à la carte", constitué de chapitres provenant de sources différentes, aborde lui aussi sa phase grand public. Publiés en mai 1998 par 00h00.com, les premiers livres numériques commerciaux en langue française sont plusieurs grands classiques (Le Tour du monde en 80 jours, Colomba, Poil de carotte, Le Misanthrope, etc.), ainsi que deux inédits: Sur le bout de la langue, de Rouja Lazarova, et La Coupe est pleine, de Pierre Marmiesse. L'éditeur débute aussi des accords avec des éditeurs "classiques" pour publier certains de leurs titres en version numérique (par exemple Bill Gates et la saga Microsoft, de Daniel Ichbiah). En mars 2000, Stephen King crée l'événement en distribuant sa nouvelle Riding The Bullet uniquement sur l'internet. Il est le premier auteur à succès à risquer un tel pari. 400.000 exemplaires sont téléchargés en vingt-quatre heures sur les sites des libraires en ligne qui la vendent (au prix de 2,50 $US, soit 2,65 euros). Suite à cette première expérience, il décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un site web spécifique et, en juillet 2000, commence la publication en épisodes d'un roman, The Plant, en proposant un premier chapitre téléchargeable en plusieurs formats (PDF, OeB, HTML, texte, etc.) pour la somme de 1 $US (1,05 euros), avec paiement différé ou paiement immédiat sur le site d'Amazon.com. D'autres chapitres suivent. Mais cette deuxième expérience est beaucoup moins concluante. Le nombre de téléchargements et de paiements baisse de chapitre en chapitre. Fin novembre 2000, après la publication du sixième chapitre, l'auteur décide d'interrompre l'expérience pendant un an ou deux. Que l'expérience plaise ou non, le matraquage médiatique et les nombreuses critiques l'accompagnant contribuent à faire connaître le livre numérique chez les professionnels du livre et dans le grand public. D'autres auteurs de best-sellers, notamment Frederick Forsyth et Arturo Pérez-Reverte en Europe, se lancent dans des expériences numériques un peu différentes (voir 16.3). A la même époque, durant l'été 2000, Simon & Schuster profite de la médiatisation de l'expérience de Stephen King pour se lancer dans l'aventure. Il décide de publier certains titres de Star Trek, série de science-fiction, en version numérique seulement, sans correspondant imprimé, et dans plusieurs formats. D'après l'éditeur, avec six titres vendus par minute, et quarante nouveaux titres publiés chaque année (en incluant les histoires et récits basés sur les séries télévisées et les films), Star Trek serait la série la plus vendue au monde. Le premier titre numérique, The Belly of the Beast, de Dean Wesley Smith, est disponible en août 2000 pour 5 $US (5,30 euros). D'autres éditeurs lui emboîtent le pas: Random House, IDG Books, South-Western, etc. Autre exemple dans le monde francophone, en octobre 2000, les PUF (Presses universitaires de France) annoncent la parution de quatre nouveaux titres simultanément en version numérique et en version imprimée. Trois titres ont trait à l'internet: La presse sur internet, de Charles de Laubier, La science et son information à l'heure d'internet, de Gilbert Varet et Internet et nos fondamentaux (paru en novembre), écrit par un collectif d'auteurs. Le quatrième titre, HyperNietzsche, publié sous la direction de Paolo d'Iorio dans la collection "écritures électroniques", est disponible dans son intégralité sur le site des PUF. En novembre 2000, pour convertir les auteurs qu'il publie à ce nouveau format, Random House, premier éditeur mondial de livres en langue anglaise, annonce que ses auteurs recevront 50% des bénéfices nets réalisés sur la vente de leurs livres numériques, au lieu des 15% habituels. Dans un communiqué en date du 1er novembre 2000 (cité par l'AFP), Erik Enggstrom, son PDG, explique: "Notre nouvelle politique en matière de droits d'auteurs sur les livres électroniques montre que Random House s'engage à mettre en place ce nouveau format en partenariat avec ses auteurs et d'une manière telle qu'il leur permette d'augmenter leur lectorat." C'est la première fois qu'une maison d'édition traditionnelle de réputation internationale propose un contrat de ce type. Des éditeurs électroniques lancent également cette formule, comme Online Originals (Londres) qui, à la même époque, commence à publier Quintet, la première série uniquement électronique de Frederick Forsyth, maître anglais du thriller. En janvier 2001, Barnes & Noble - qui est non seulement une chaîne de librairies doublée d'une librairie en ligne (en partenariat avec Bertelsmann pour cette dernière) mais aussi un éditeur de livres classiques et illustrés - se lance dans l'édition numérique en créant Barnes & Noble Digital. Pour attirer les auteurs, Barnes & Noble Digital propose de leur verser 35% du prix de vente des livres numériques vendus sur son site et sur les sites affiliés, un pourcentage nettement supérieur aux droits versés par les autres éditeurs en ligne (qui, après avoir été de 15% à l'origine, serait début 2001 de 25% en moyenne). L'opération vise d'abord à attirer les auteurs de best-sellers désireux de passer au format électronique. L'éditeur commence aussi la publication numérique de titres tombés dans le domaine public. En avril 2001, Adobe, fort de son nouveau logiciel Acrobat eBook Reader, qui permet d'intégrer la gestion des droits, annonce un partenariat avec Amazon.com pour la mise en vente de 2.000 livres numériques: titres de grands éditeurs américains, dont Simon & Schuster, guides de voyages, ouvrages pour enfants, etc. L'offre, qui débute dans la maison-mère, doit être étendue courant 2001 aux filiales d'Amazon en Europe et au Japon. Comme on vient de le voir dans ces lignes, le nombre de livres numériques est sans proportion avec celui des livres imprimés. "Le volume de titres disponibles à ce jour en format de lecture à l'écran est ridicule par rapport aux quelques 600.000 titres existant en français, indique en février 2001 Denis Zwirn, PDG de la librairie numérique Numilog. Mais ceci ne devrait plus être le cas d'ici deux ou trois ans. Nombre d'éditeurs numérisent maintenant leurs fonds. Ceux qui en ont les moyens le font à la vitesse grand V. Les éditeurs (de logiciels et de livres) et les libraires qui ont pignon sur rue sont désormais soucieux de ne pas rater un marché naissant qui devrait connaître une forte expansion dans les prochaines années. 7.3. Quelques commentaires Le livre numérique entraîne scepticisme ou curiosité chez les professionnels du livre. Il lui reste à faire ses preuves. Voici quelques réactions. D'autres opinions sont exposées dans le chapitre consacré au livre électronique, appareil de lecture permettant de lire des livres numériques. Jean-Paul, auteur multimédia: "Il a fallu inventer la hache de pierre avant de construire la Tour Eiffel. Le but des dinosaures industriels qui s'entretuent pour imposer leur format de livre électronique (appelé ici livre numérique, ndlr) est de détourner vers eux la partie rentable du contenu des bibliothèques (rebaptisé 'information'). Ils travaillent aussi pour nous, en contribuant à banalyser l'usage de l'hyperlien." Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "Mon opinion est assez réservée. La lecture sur écran est moins confortable que dans un livre traditionnel. Le seul intérêt (à long terme) serait, me semble-t-il, de trouver à l'état numérique des livres épuisés, lorsqu'on ne peut se rendre dans une bibliothèque." Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille: "Il a une certaine utilité mais ne remplacera pas le livre papier, sauf à pouvoir le tirer ultérieurement si l'intérêt est grand." Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies): "Il y a encore un long chemin à parcourir avant que la lecture sur écran soit aussi confortable que la lecture sur papier." Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la Webster University de Genève: "J'ai difficulté à croire que les gens sont prêts à lire sur un écran. En ce qui me concerne, je préfère de beaucoup toucher et lire un vrai livre." Jacques Pataillot, conseiller en management dans la société Cap Gemini Ernst & Young: "Le plaisir de la lecture commence, pour moi, par une visite et une discussion avec le libraire spécialisé. Il se poursuit par la possession et la conservation du livre." Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Je ne pense pas que le livre numérique séduise vraiment les amoureux des livres. Si l'internet est un excellent moyen d'information, les livres ne se bornent pas à cela. Ceux qui aiment les livres ont une relation personnelle avec eux. Ils les relisent, notent leurs commentaires sur les pages, s'entretiennent avec eux. Tout comme le cybersexe ne remplacera jamais le fait d'aimer une femme, le livre numérique ne remplacera jamais la lecture d'un beau texte en version imprimée." Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français): "L'e-book offre une combinaison d'opportunités : la digitalisation et l'internet. Les éditeurs apportent leur titres à tous les lecteurs du monde. C'est une nouvelle ère de la publication." Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "Il faut voir pour la suite comment le livre numérique se développera et quelles en seront surtout les incidences sur la production, la diffusion et la consommation du livre. A coup sûr cela va entraîner de profonds bouleversements dans l'industrie du livre, dans les métiers liés au livre, dans l'écriture, dans la lecture, etc." Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet: "Dans l'édition du 28 juillet 1998 des Chroniques de Cybérie, je parlais du numéro 4 des Cahiers de médiologie ayant pour thème 'Les pouvoirs du papier', et aussi des premiers livres numériques. Force est de constater que, deux ans plus tard (en août 2000, date de l'entretien, ndlr), peu de choses ont évolué. D'abord, sur le plan technique, les nouvelles interfaces de lecture n'ont pas rempli leurs promesses sur le plan de la convivialité, de l'aisance et du confort, du plaisir de l'expérience de lire. D'autre part, les contenus proposés sont encore assez maigres. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais c'est peu varié, et encore peu de grands titres qui permettraient des économies d'échelle. Oui, Stephen King a fait un pied de nez aux éditeurs et publié des oeuvres originales en ligne. Et alors? On peut difficilement, encore, parler d'une tendance. J'ai une théorie des forces qui animent et modifient la société, et qui se résume à classer les phénomènes en tendances fortes, courants porteurs et signaux faibles. Le livre électronique (appelé ici livre numérique, ndlr) ne répond pas encore aux critères de tendance forte. On perçoit des signaux faibles qui pourraient annoncer un courant porteur, mais on n'y est pas encore. Cependant, si et quand on y sera, ce sera un atout important pour les personnes qui souhaiteront s'auto-éditer, et le phénomène pourrait bouleverser le monde de l'édition traditionnelle." 8. LE LIVRE ELECTRONIQUE EMERGE [Dans ce chapitre:] [8.1. Les différents modèles // 8.2. Ce qu'en pensent les professionnels du livre / Une machine peu séduisante pour les amoureux du livre / Un appareil monotâche à l'intérêt limité / Un intérêt certain pour les bibliothèques / Une étape vers le papier électronique de demain // Le "j'ai testé pour vous" d'Alex Andrachmes] Ce chapitre traite du livre électronique, défini ici comme l'appareil de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques. On s'intéresse au véritable livre électronique, et non aux PDA (personal digital assistants) ayant de multiples fonctions, l'une d'entre elles étant la lecture de livres numériques sur un écran lilliputien. Le livre numérique, défini comme la version numérisée d'un livre, est traité dans le chapitre précédent. 8.1. Les différents modèles Conçu par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio est un support numérique de lecture nomade. "J'hésite à parler de livre électronique, explique-t-il, car le mot 'livre' désigne aussi bien le contenu éditorial (quand on dit qu'untel a écrit un livre) que l'objet en papier, génial, qui permet sa diffusion. La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folio est un balladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon ses désirs à partir du web, pour aller lire n'importe où. Il peut aussi y imprimer des documents personnels ou professionnels provenant d'un CD-Rom. Les textes sont mémorisés en faisant: 'imprimer', mais c'est beaucoup plus rapide qu'une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sont maintenus au niveau d'une reliure tactile." A l'origine du concept, son projet de design, qui date d'octobre 1996. "Le projet est né à l'atelier Design de l'Ecole d'architecture de Strasbourg où j'étais étudiant. Il est développé à l'Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg avec le soutien de l'Anvar-Alsace. Aujourd'hui, je participe avec d'autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels, industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformer ce concept en un objet grand public pertinent." En été 2001, l'équipe d'@folio aborde la phase commerciale et cherche des investisseurs. La même équipe développe aussi Mot@mot, qui est une passerelle entre @folio et les fonds numérisés en mode image (voir 11.2). Lancé en octobre 2000 à New York, le Gemstar eBook est le successeur du Rocket eBook (conçu par NuvoMedia) et du Softbook Reader (conçu par SoftBook Press), suite au rachat des deux sociétés par Gemstar en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, les deux modèles - REB1100 (noir et blanc, sucesseur du Rocket eBook) et REB1200 (couleur, sucesseur du Softbook Reader) - sont construits et vendus sous le label RCA, appartenant à Thomson Multimedia. Avec une mémoire de 8 Mo, un modem interne de 36,6 K et une batterie lithium-ion rechargeable, le modèle en noir et blanc (REB1100) peut stocker 20 romans, soit 8.000 pages de texte. Il coûte 299 $US (316 euros). La mémoire peut être étendue à 72 Mo, permettant de stocker 150 livres. Un peu plus grand, le modèle couleur (REB1200) a un écran tactile à cristaux liquides de plus haute résolution, un modem interne de 56 K et une connection Ethernet (permettant l'accès à l'internet par câble et DSL). Il coûte 699 $US (738 euros). Le Gemstar eBook sera commercialisé courant 2001 en Europe avec l'appui des éditions 00h00.com, rachetées par Gemstar en septembre 2000 (voir 6.3.4). En octobre 2000, le eBookMan de Franklin, société leader spécialisée dans les PDA (personal digital assistants) et les dictionnaires de poche, reçoit le eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort (13-17 octobre 2000). Les logiciels de lecture utilisés sont le Franklin Reader et le Microsoft Reader. Un mois après, la version test (beta) du eBookMan est présentée au Comdex Trade Show de Las Vegas (13-17 novembre 2000). Trois modèles (EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont disponibles début 2001 à des prix allant de 129,95 à 229,95 $US (137 à 243 euros). Le prix est essentiellement fonction de la mémoire vive (8 ou 16 Mo) et de la qualité de l'écran à cristaux liquides (rétro-éclairé ou non). L'appareil permet aussi l'écoute de livres audio et des fichiers musicaux au format MP3, et le stockage de données personnelles (agenda, carnet d'adresses, mémo, etc.). Conçu par la société Cytale, le Cybook est commercialisé en janvier 2001. Premier livre électronique européen disponible sur le marché, il coûte 867 euros. Ses caractéristiques sont les suivantes: 21 x 16 cm, 1 kg, un écran couleur 10 pouces, tactile, rétro-éclairé, à cristaux liquides, avec une résolution de 600 x 800 pixels, quatre boutons de commande, une mémoire de 32 Mo permettant de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages, une batterie lithium-ion d'une autonomie de 5 h, un modem 56 K intégré avec un connecteur son, un port infrarouge, des extensions pour carte PCMCIA (sigle de Personal Computer Memory Card International Association) et port USB (universal serial bus) permettant de brancher des périphériques. Il suffit d'une prise téléphonique pour connecter le Cybook à l'internet et télécharger des livres à partir de la librairie électronique située sur le site web de Cytale, qui a conclu des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse pour constituer rapidement un catalogue de plusieurs milliers de titres. "J'ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d'un projet extraordinaire, le livre électronique, explique en décembre 2000 Olivier Pujol, PDG de Cytale. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d'accès à l'écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade, livre 'adaptable', et aussi moyen d'accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c'est également une fenêtre sur le web. Et ceci n'aurait pu exister sans internet! (...) L'utilisation d'internet pour le transport de contenu est un secteur de développement majeur. La société a pour vocation de développer une base de contenu en provenance d'éditeurs, et de les diffuser vers des supports de lecture sécurisés." "S'il doit s'agir d'un ordinateur portable légèrement 'relooké', mais présentant moins de fonctionnalités que ce dernier, je n'en vois pas l'intérêt, explique Emilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris. Tel qu'il existe, l'e-book est relativement lourd, l'écran peu confortable à mes yeux, et il consomme trop d'énergie pour fonctionner véritablement en autonomie. A cela s'ajoute le prix scandaleusement élevé, à la fois de l'objet même et des contenus téléchargeables; sans parler de l'incompatibilité des formats constructeur, et des 'formats' maison d'édition. J'ai pourtant eu l'occasion de voir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux, qui me semble être pour l'heure le support de lecture électronique le plus intéressant : celui du 'baladeur de textes' ou @folio (conçu par Pierre Schweitzer, ndlr), en cours de développement à l'Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de ses concepteurs sont à l'opposé de celles des 'gros' concurrents qu'on connaît, en France ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisque c'est le contenu du web (dans l'idéal gratuit) que l'on télécharge." En bref, comme on le voit, le livre électronique n'en est qu'à ses débuts. On attend impatiemment la commercialisation d'@folio. 8.2. Ce qu'en pensent les professionnels du livre La critique unanime est son prix. Selon les modèles, le prix oscille pour le moment entre 137 et 837 euros. "Pour qu'il devienne un produit de consommation de masse, il faudra (...) que son prix soit attractif", écrit Denis Zwirn, PDG de la librairie numérique Numilog. De l'avis de Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac, le livre électronique est "un plus, mais il faudra encore du temps et, pour l'instant, le prix, comme pour la 'voiture propre', n'est pas très attractif. Ceci dit, j'accepte qu'on m'en offre un, j'en ferai la pub." 'Hors de prix!', déclare Bernard Boudic, responsable éditorial du serveur web de Ouest-France jusqu'en décembre 2000. "Cet instrument est réservé à une classe de personnes qui peuvent financièrement s'en permettre l'acquisition", commente Jean-Philippe Mouton, gérant de la société d'ingénierie Isayas. Il reste donc à attendre soit la mise sur le marché de modèles moins chers, soit une forte demande qui ferait baisser progressivement les prix des modèles existants, tout comme les téléviseurs ou les ordinateurs en d'autres temps. Les autres commentaires se répartissent en quatre grandes "tendances": une machine peu séduisante pour les amoureux du livre (8.2.1), un appareil monotâche à l'intérêt limité (8.2.2), un intérêt certain pour les bibliothèques (8.2.3), une étape vers le papier électronique de demain (8.2.4). De plus, Alex Andrachmes, producteur audio-visuel, écrivain et explorateur d'hypertexte, s'est livré à un "j'ai testé pour vous" des plus passionnants (8.3). = Une machine peu séduisante pour les amoureux du livre Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias: "Ce n'est qu'un sentiment, je ne possède personnellement pas ce genre d'appareil, ni de PDA (personal digital assistant) non plus même si j'en ai eu de nombreuses fois entre les mains avec un mélange d'envie et de gêne. Il me semble que le 'fait' technologique de l'appareil nuit à une lecture un peu 'engagée'. Je lis mes livres un peu partout, ils tombent parfois de mes mains et de mon lit, j'en ai oublié dans le train, ils me suivent dans le bus, le métro, le train, en vacances, sur la plage ou à la montagne. Ils sont autonomes, je peux les prêter, les donner, je les biffe, corne, annote, bref je les lis. Avec une infinie lenteur. Je me roule dans leurs plis. Il faudrait peut-être pouvoir plier ces livres électroniques, ou qu'ils soient incassables? Mais la question est peut-être qu'ils ne peuvent ni ne doivent remplacer le livre papier bâti dans un système matériel et économique cohérent. Peut-être ont-ils une place à part à prendre? En devenant les supports de l'hyperlecture peut-être?" Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres: "Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d'atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. C'est aussi sans doute le moyen de diffusion actuel le plus universel (dès lors que l'on peut se promener sur la toile!) qui puisse repousser à ce point les limites de distances. (...) Je suis assez dubitative sur le 'plaisir' que l'on peut retirer d'une lecture sur un écran d'un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d'ascenseur ne me tente guère. Ce support, s'il possède à l'évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans se cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse." Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Pour l'instant, je trouve ça moche, et peu pratique. Nous n'en sommes qu'au début. L'argument selon lequel on pourrait disposer de plusieurs livres simultanément me semble un peu fallacieux. Quand on est un lecteur, on veut lire 'un' livre et pas trente-six à la fois. Ce livre, on l'a choisi, on le désire. Quand on en veut un autre, on en prend un autre. Il y a le cas des expéditions lointaines. Oui... mais est-ce vraiment un argument? Il ne faut pas se laisser prendre aux arguments des vendeurs de gadgets électroniques." Emmanuel Barthe, documentaliste juridique: "A priori (puisque je ne possède pas de livre électronique) je n'ai pas un enthousiasme délirant: le livre électronique n'offre en effet pas les avantages du support papier et il implique l'achat d'un matériel supplémentaire. A la limite, affichées sur un écran correct (17 pouces et une bonne carte graphique), les capacités de mise en page du format HTML me semblent suffisantes. Et pour une qualité de mise en page optimale, il existe déjà le format PDF d'Acrobat, parfaitement lisible sur les PC et les Mac." Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné aux jeunes auteurs: "Je n'aime lire un roman que sur papier! On ne remplacera jamais un bon vieux bouquin par un écran tout froid qui vous coupe votre lecture à cause d'une panne de pile. (...) Côté littérature, je pense qu'on ne pourra remplacer le livre papier: facile à transporter, objet d'échange, lien affectif, collection... Le livre électronique sera plus utile pour des documentations techniques ou encore les livres scolaires." Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires: "L'e-book est sans aucun doute un support extraordinaire. Il aura son rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques, mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il le complétera. A mon sens, il menace beaucoup plus la presse que la librairie. Ce sera certainement un outil de substitution formidable pour les scolaires, étudiants, etc., qui auront beaucoup moins lourd à transporter dans leurs sacs que les tonnes de manuels actuels. Mais quant au plaisir de lire dessus des ouvrages de nature littéraire, poésies, romans, récits, SF, BD, etc., je n'y crois pas dans l'immédiat. Il faudra encore attendre quelques améliorations techniques au plan de l'ergonomie et surtout des changements de comportements humains. Et ça, c'est l'affaire d'au moins une à deux générations. Voyez la monnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avec sa carte de crédit et on a toujours besoin d'un peu de monnaie dans sa poche, en plus de sa carte Visa. L'achat d'un livre n'est pas un acte purement intellectuel, c'est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais un e-book. Naturellement, l'édition classique devra en tenir compte sur le plan marketing pour se différencier davantage, mais je crois que l'utilisation des deux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n'a pas tué le courrier, la radio n'a pas tué la presse, la télévision n'a pas tué la radio ni le cinéma... Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois à une adaptation et à un regain de créativité. Et c'est tant mieux!" Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen: "Le livre électronique tel qu'il existe actuellement est une base de données documentaires qui permet, si on le souhaite, de télécharger le contenu et ensuite de l'éditer. Les écrans étant ce qu'ils sont et ce qu'ils resteront longtemps, on ne peut pas espérer lire n'importe où et n'importe quand un texte de quelque difficulté qu'il soit. Pour des documents ne comportant que des images, il peut en être autrement." Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto: "Il est certain que le livre électronique devient de plus en plus attrayant avec les progrès techniques, tout comme les jeux électroniques. Je dois avouer que je ne m'intéresse de près ni aux livres électroniques, ni aux jeux électroniques. Je lis en ligne pour mon travail, mais je préfère quitter mon ordinateur quand il s'agit de lire pour le plaisir." Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californie du Sud: "Je ne crois pas au livre électronique. Encore plus que d'assister à un concert en public ou d'aller voir un film au cinéma, j'aime l'expérience physique d'avoir un livre sur les genoux et de prendre plaisir à son odeur, son contact et son poids. Les concerts à la télévision, les films à la télévision et les livres électroniques font qu'on perd un peu de ce plaisir. Et, pour les livres particulièrement, je ne suis pas prêt à cette perte. Après tout, dans mon domaine d'activité, il est beaucoup plus facile et beaucoup plus économique de se procurer un livre qu'une place de concert ou de cinéma. Tous mes souhaits vont aux fabricants de livres électroniques, mais je suis heureux avec les livres imprimés. Et je ne pense pas changer d'avis de sitôt, et me ranger dans la minorité qui utilise les livres électroniques. Je crains beaucoup moins la disparition des livres que je n'ai craint autrefois la disparition des cinémas." = Un appareil monotâche à l'intérêt limité Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8: "J'attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sont capables de proposer des produits pécifiques à ce support car, si c'est pour reproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L'histoire des techniques montre qu'une technique n'est adoptée que si - et seulement si... - elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniques auxquelles elle prétend se substituer." Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d'avenir dans le grand public tant qu'ils restent monotâches (ou presque). Un médecin ou un avocat pourront adopter ces plate-formes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut que cet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA (personal digital assistant) ou de la télévision. D'autre part, je crois qu'en cherchant à limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types de e-books ne lisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), les constructeurs tuent leur machine. L'avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c'est leur ouverture et leur souplesse. S'ils n'ont qu'une fonction et qu'un seul fournisseur, ils n'intéresseront personne. Par contre, si à l'achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèque de vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d'en charger d'autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde. Et de couper l'herbe sous le pied des 'serpent', 'memory' et autres jeux qu'on joue sans plaisir pour tuer le temps dans les aéroports." Olivier Gainon, créateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne: "Je ne crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à un livre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et des avantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurs livres dans un même appareil / rétro-éclairage de l'écran / etc.). De même, je vois mal le positionnement d'un appareil exclusivement dédié à la lecture, alors que nous avons les ordinateurs portables d'un côté, les téléphones mobiles de l'autre et les assistants personnels (dont les pocket PC) sur le troisième front. Bref, autant je crois qu'à terme la lecture sur écran sera généralisée, autant je ne suis pas certain que cela se fera par l'intermédiaire de ces objets. On verra si on en parle encore dans un an, mais je peux me tromper - et j'espère me tromper, comme éditeur sur internet, CyLibris bénéficierait forcément d'un développement de ce type d'appareil." Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne: "Comme pour toute nouvelle technologie, je m'y mettrai avec joie dès que son usage sera plus pratique et/ou agréable que la méthode traditionnelle. Il faut donc un support léger et petit, avec un écran parfaitement stable et précis. Il faudra de plus qu'il nous procure des avantages: possibilité de copier/coller des passages sur son poste de travail, accès à des bases de données bibliographiques, etc. Tant que c'est moins agréable qu'un livre, et sans avantage notable, je reste au livre. C'est comme pour l'agenda/PDA (personal digital assistant): je ne me suis pas encore résolu à passer au Palm, car mon vieux time-system est encore beaucoup plus pratique et rapide. Lors d'une séance de groupe où nous devons convenir d'une prochaine réunion, je suis toujours le premier à pouvoir dire si telle date me convient, alors que mes collègues 'palmés' en sont encore à tapoter au stylet pour trouver la bonne page..." Jean-Philippe Mouton, gérant de la société d'ingénierie Isayas: "Cet outil présente aujourd'hui deux inconvénients. Tout d'abord, rien ne remplacera le marque-page, ni l'odeur des bouquins qui sont lus sur la plage dans le sable par toute la famille durant l'été... En bref, l'e-book ne peut remplacer le rapport charnel du lecteur et de son livre. De plus, cet instrument est réservé à une classe de personnes qui peuvent financièrement s'en permettre l'acquisition. L'UMTS (universal mobile telecommunications system) promis devrait permettre un accès mobile en temps réel à l'information, et c'est pour cette raison que ce type de système va probablement fusionner avec les autres systèmes mobiles (téléphonie, Palm...) pour se vulgariser. Il est donc clair qu'il faut se pencher sur le sujet." François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse: "Ce n'est rien d'autre qu'un ordinateur portable dédié. Je ne vois pas bien pourquoi on se priverait des autres fonctions de l'ordinateur, quitte à transporter un écran." Denis Zwirn, PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques: "Le concept de livre électronique représente une extraordinaire avancée technologique et culturelle. Il doit permettre de faciliter la lecture et l'accès aux livres d'un très large public dans les années à venir. Ses principaux atouts sont la possibilité de transporter avec soi des dizaines de livres, de les lire dans des conditions de très bonne ergonomie en reproduisant l'agrément des livres traditionnels, tout en bénéficiant de nombreuses fonctionnalités de lecture absentes des livres traditionnels. Pour qu'il devienne un produit de consommation de masse, il faudra toutefois qu'il perde encore du poids et surtout que son prix soit attractif. En effet, le livre électronique stricto sensu est aujourd'hui concurrencé par des appareils que les gens achètent déjà massivement pour d'autres raisons que la lecture, mais qui peuvent servir de lecteurs électroniques grâce à des logiciels dédiés à la lecture: les assistants personnels (PDA - personal digital assistants) et les ordinateurs ultra-portables. Le coût marginal de la fonction 'livre électronique' dans ces appareils est nul. Pour cette raison, je crois que l'avenir est à l'usage de plate-formes diversifiées selon les profils et les besoins des utilisateurs, et à une convergence progressive entre les lecteurs électroniques stricto sensu (qui intégreront des fonctions d'agendas) et les PDA (dont certains auront des écrans plus grands)." = Un intérêt certain pour les bibliothèques Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "De quoi parle-t-on? Des machines mono-tâches encombrantes et coûteuses, avec format propriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand et pocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques et en plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électronique m'intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre de s'affranchir d'un modèle économique à bout de souffle (la chaîne éditoriale n'est pas le must en la matière)? Les machines à lire n'ont de mon point de vue de chance d'être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livres électroniques avec (cf. cassettes vidéo)." Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "Il est intéressant d'observer combien la présentation du livre électronique copie celle du livre traditionnel, à l'exception du fait que la page papier est remplacée par un écran. A mon avis, le livre électronique va permettre de remplacer certains documents papier, mais pas tous. J'espère aussi qu'ils seront imperméables à l'eau, pour je puisse continuer à lire dans mon bain." Anissa Rachef, bibliothécaire à l'Institut français de Londres: "C'est assez révolutionnaire, avec un gain de place considérable. Je trouve cela très futuriste." Gaëlle Lacaze, professeur d'écrit électronique dans un institut universitaire professionnel: "C'est un outil de travail intéressant. Reste le problème des droits de propriété intellectuelle sur certains documents. C'est un outil indispensable pour les bibliothèques, mais la version papier des livres disponibles sur internet ne doit pas disparaître. Il importe aussi de ne pas oublier les 'infos-pauvres' dans l'avancée de ces super-technologies." Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universités japonaises: "N'ayant pas encore eu l'objet en main, je réserve mon avis. Je trouve enthousiasmant le principe de stockage et d'affichage mais j'ai des craintes quant à la commercialisation des textes sous des formats payants. Les chercheurs pourront-ils y mettre leurs propres corpus et les retravailler? L'outil sera-t-il vraiment souple et léger, ou faut-il attendre le développement de l'encre électronique? Je crois également que l'on prépare un cartable électronique pour les élèves des écoles, ce qui pourrait être bon pour leur dos..." Guy Antoine, créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne: "Désolé, je ne l'ai pas encore utilisé. Pour le moment, il m'apparaît comme un instrument très étrange, rendu possible grâce à la technologie, mais pour lequel il n'y aura pas de demande importante, hormis peut-être pour les textes de référence classiques. Cette technologie pourrait être utile pour les manuels des lycées et collèges, grâce à quoi les cartables seraient beaucoup plus légers. Mais pour le simple plaisir de la lecture, j'imagine difficilement qu'il soit possible de passer un moment agréable avec un bon livre électronique." = Une étape vers le papier électronique de demain "La technologie devra s'améliorer encore de ce point de vue afin de devenir vraiment populaire", déclare Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada. C'est aussi l'avis de Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Je pense qu'on est loin des formats et des techniques définitifs. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format et un support idéal verront certainement le jour sous peu." Selon François Vadrot, PDG de FTPress, "il y aura toujours du papier, ou si ce n'est pas le papier (matériau) que l'on connaît, ce sera un support souple, léger et fin comme lui (pour dans dix ans en principe)." Selon Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte, "c'est l'arrivée du fameux 'papier électrique' qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de 'papier' - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un e-book sur papier, en somme, ce que le monde de l'édition peut attendre de mieux." "Et voici le changement que j'attends: arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post-Gutenberg, écrit Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel. Le e-book retro-éclairé pour l'instant a la mémoire courte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ce que l'on attend pour commencer: l'écran souple comme feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l'information, des créations...) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d'image acceptable. Dès lors nous pourrons nous repaître d'oeuvres multimédias sur les terrasses de café, alanguis sur un canapé, au bord d'une rivière, à l'ombre des cerisiers en fleurs..." "Si l'invention du livre-papier avait été faite après celle du e-book, nous l'aurions tous trouvé géniale, écrit Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la direction scientifique de France Télécom RD. Mais un e-book a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d'ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s'il est léger (comme un livre), s'il est pliable (comme un journal), s'il n'est pas cher (comme un livre de poche)... En d'autres mots, l'e-book a un avenir s'il est un livre, si le hard fait croire que l'on a du papier imprimé... Techniquement, c'est possible, aussi j'y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique...). Les avantages sont le volume réduit, le téléchargement et le document personnalisé en lecture." Selon Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, "le livre électronique va accélérer cette mutation du papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques. Mais les développements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé de l'encre électronique sera commercialisé sous la forme d'un codex numérique plastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable à celle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne fait guère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidienne descendra à une fraction de ce qu'elle était hier. En effet, ce nouveau support portera à un sommet l'idéal de portabilité qui est à la base même du concept de livre. Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avait lui-même déplacé la tablette d'argile, le codex numérique déplacera le codex papier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies, grâce notamment au procédé d'impression sur demande qui sera bientôt accessible dans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pages susceptibles de permettre l'affichage de millions de livres, de journaux ou de revues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à la bibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité, qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se passer de l'indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherches plein texte et de trouver immédiatement le passage qui l'intéresse. Enfin, le codex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèque et accélérera la mutation d'une culture de la réception vers une culture de l'expression personnelle et de l'interaction." Les recherches sur le papier électronique de demain sont en cours. Créée en 1997 par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société E Ink est en train de concevoir un papier électronique flexible ressemblant au papier classique, avec un système d'encre électronique permettant de changer le texte à volonté en se connectant à une ligne de téléphone ou à un système de téléphonie sans fil. Les grands caractères étant beaucoup plus faciles à produire que les petits, cette technologie - qui devrait être pleinement opérationnelle en 2003 ou 2004 - est déjà utilisée pour des panneaux de signalisation. Parallèlement, le Molecular Machines Research Group, équipe de recherche du Media Lab du MIT, travaille sur des projets de papier électronique et de livre utilisant le papier électronique. IBM et Xerox s'intéressent eux aussi au sujet. Une équipe d'IBM élabore le prototype d'un journal électronique de 16 pages utilisant l'encre électronique. Les chercheurs de PARC (Palo Alto Research Center), le centre Xerox de la Silicon Valley, mettent au point un papier électronique utilisant une nouvelle technique d'affichage appelée le gyricon. 8.3. Le "j'ai testé pour vous" d'Alex Andrachmes A la question: "Quel est votre sentiment sur le livre électronique (e-book)?, Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte, répond en janvier 2001 en envoyant un texte superbe et foisonnant qui fait le tour de la question: problématique, modèles, logiciels, textes disponibles, sécurisation du contenu, etc. [Ce texte est disponible dans le livre: Entretiens (1998-2001).] 9. LIVRE NUMERIQUE, LIVRE BRAILLE ET LIVRE VOCAL [Dans ce chapitre:] [9.1. L'édition en braille // 9.2. Les perspectives offertes par le livre numérique // 9.3. Le livre numérique vocal // 9.4. Un publiphone pour écouter la presse // 9.5. Un web plus accessible aux aveugles et malvoyants] 9.1. L'édition en braille Alphabet tactile inventé en 1829 par le français Louis Braille, le braille est le seul système d'écriture accessible aux aveugles. Il s'agit d'un système de six points composé de deux colonnes de trois points. La combinaison de ces six points permet de former toutes les lettres de l'alphabet, les signes de ponctuation, les symboles techniques, etc. Le braille est d'abord embossé sur papier au moyen d'une tablette et d'un poinçon. A la fin des années 70, il est produit à l'aide d'un afficheur braille piézo-électrique permettant un affichage dynamique. Vient ensuite la machine Perkins avec son clavier de six touches. Puis apparaît le matériel informatique, par exemple le blocs-notes braille, qui sert à la fois de machine à écrire le braille et, quand il est connecté à un PC, d'écran tactile permettant de lire l'écran. Le braille informatique s'affiche sur huit points, ce qui permet d'augmenter par quatre le nombre de combinaisons possibles. Dans de nombreux pays, malgré l'existence de matériel informatique, l'édition en braille reste encore confidentielle - pour la France, 400 titres par an dont 200 scolaires - et même clandestine, le problème du droit d'auteur sur les transcriptions n'étant pas résolu. Les livres en gros caractères et en version enregistrée sont eux aussi peu nombreux par rapport à la production imprimée standard, malgré tous les efforts dispensés par quelques éditeurs spécialisés et nombre de bénévoles depuis tant d'années. Pourtant les choses peuvent aller vite quand existent à la fois la motivation et les moyens. Aux Etats-Unis, le dernier titre de Harry Potter (Harry Potter and the Goblet of Fire, de Joanne K. Rowling) est publié en braille par la National Braille Press (NBP) le 27 juillet 2000, soit vingt jours seulement après sa sortie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Les 734 pages du livre imprimé chez Scholastic donnent 1.184 pages en braille, mais le prix du livre braille n'est pas plus élevé. Ce très court délai a été possible grâce à deux facteurs. D'une part Scholastic a fourni le fichier électronique, une initiative dont feraient bien de s'inspirer nombre d'éditeurs . D'autre part les 31 membres de l'équipe de NBP ont travaillé sans relâche pendant quinze jours. Comme les titres précédents de la série, le livre est également disponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé stocké sur disquette et lisible au moyen d'un lecteur braille portable ou d'un logiciel braille sur micro-ordinateur (voir 16.2 pour le récit détaillé des aventures de Harry Potter sur l'internet). 9.2. Les perspectives offertes par le livre numérique La généralisation des livres numériques offre enfin aux malvoyants et aux aveugles la possibilité d'accéder à de très nombreux textes, chance qu'ils n'avaient pas jusque-là. Le document numérique permet de dissocier contenu et présentation. Le lecteur peut modifier la présentation à son gré. Quant au contenu, on dispose maintenant des technologies permettant de le convertir automatiquement dans un autre système de codage ou une autre langue, y compris le braille et la synthèse vocale. De l'avis de Patrice Cailleaud, directeur de la communication de HandiCaPZéro, le livre numérique "devrait s'imposer comme une nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles et malvoyantes". Toutefois "les droits et autorisations d'auteurs étaient et demeurent des freins pour l'adaptation en braille ou caractères agrandis d'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n'aboutissent que trop rarement." Lors du Salon du livre de la jeunesse de Montreuil de décembre 1999, les éditions 00h00.com et l'association BrailleNet lancent l'opération "2000 livres jeunesse sur internet pour les aveugles et malvoyants en l'an 2000", à savoir un service internet permettant de commander en ligne des ouvrages en différents formats. Ces ouvrages sont soit des versions numériques téléchargeables et consultables sur micro-ordinateur, terminal braille électronique ou synthétiseur de parole, soit des versions imprimées en gros caractères ou en braille. Pour répondre au problème soulevé par le manque d'ouvrages adaptés, BrailleNet crée aussi la base de données Hélène, qui propose en accès restreint des livres numériques (oeuvres littéraires récentes, documentations techniques, ouvrages scientifiques, ouvrages scolaires, supports de cours adaptés) permettant des impressions en braille ou en gros caractères, en partenariat avec les organismes (associations, éditeurs, établissements d'enseignement) réalisant ces versions adaptées. Dans le cadre de sa participation au projet de BrailleNet, l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) développe une bibliothèque numérique comportant des ouvrages du domaine public mis en ligne sur différents serveurs web et des ouvrages préparés pour une impression braille par des écoles ou des centres de transcription. Mais il reste encore beaucoup à faire pour proposer un véritable service public du type de celui qui est proposé aux Etats-Unis par la Library of Congress depuis août 1999. Géré par le National Library Service for the Blind and Physically Handicapped (NLS/BPH), un serveur permet aux aveugles et malvoyants de télécharger des livres au format braille pour une lecture sur plage tactile et par synthèse vocale. Les collections de départ - 2.700 livres en braille abrégé disponibles en téléchargement ou consultables en ligne - augmentent de plusieurs centaines de titres par an. Les sources sont codées pour une impression (à l'aide d'une imprimante braille) ou une lecture en ligne en braille abrégé (à l'aide de plages tactiles ou toute autre interface d'accès braille). Ce service fournit aussi un logiciel de relecture, qui permet de désagréger le texte pour l'utiliser sur synthèse vocale. Dans le domaine des livres électroniques - appareils de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques - les choses bougent aussi. En novembre 2000, Microsoft décide de collaborer avec Pulse Data, une entreprise néo-zélandaise spécialisée dans les produits informatiques pour non-voyants. Pulse Data est l'auteur de BrailleNote, un PDA (personal digital assistant) sans écran utilisant le système d'exploitation Windows CE. Une interface permet de transformer en braille les textes lus au moyen du Microsoft Reader. Les aveugles peuvent ainsi avoir accès à un catalogue de près de 2.000 livres numériques. Après ouverture du fichier, ils ont le choix entre la version vocale et la version en braille électronique. Alors qu'il faut en général des mois pour qu'un livre soit traduit en braille, la traduction des livres numériques est instantanée. Livre électronique conçu par la société Cytale et commercialisé depuis janvier 2001, le Cybook permet l'agrandissement des caractères, l'inversion des contrastes, la suppression de la couleur, le changement de police, etc., en bref tout ce qui permet de contourner un handicap visuel. Cytale travaille avec l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à l'adaptation de son logiciel pour permettre la lecture de livres numériques au moyen d'une extension braille ou d'un système de synthèse vocale. 9.3. Le livre numérique vocal Depuis vingt ans sinon plus, les aveugles et malvoyants écoutent des livres enregistrés sur bande magnétique ou sur cassettes, le plus souvent par des bénévoles. Depuis quelques années, ils ont à leur disposition des livres en version audio sur CD-Rom. Depuis peu, il existe des technologies permettant de convertir automatiquement un document dans un autre système de codage ou une autre langue, y compris le braille et la synthèse vocale. Des logiciels - notamment ceux de Quack - permettent la lecture d'un fichier texte au moyen d'une voix synthétique. Les outils informatiques standard sont en train d'intégrer la synthèse de parole, avec possibilité de traduction automatique. Et la qualité de la synthèse de parole s'améliore. Cependant, les aveugles s'accordent souvent à dire que rien ne remplace une "vraie" voix, moins parfaite peut-être, mais vivante, avec des nuances, des intonations, des inflexions, etc. C'est ce que pense l'équipe du RAAMM (Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain), qui a choisi d'enregister la presse sur publiphone (voir 9.4). Des dizaines de titres sont lus par plus de 150 volontaires voyants. L'enregistrement ou l'écoute se fait à domicile à partir de son poste de téléphone. Par ailleurs, nombreux sont les organismes qui disposent d'enregistrements réalisés en analogique au fil des années, sur bandes magnétiques et sur cassettes. On envisage maintenant la numérisation et le stockage informatique de tous ces enregistrements, qui pourraient être utilisés non seulement par la communauté desservie par l'organisme propriétaire mais partout ailleurs. Ce potentiel à destination des bibliothèques audio permettrait à chaque organisme d'accroître ses collections de manière exponentielle. De nouvelles bibliothèques audio pourraient être constituées à moindre coût, notamment dans les pays en développement. Pour ce faire, le consortium international DAISY (digital audio information system) a été créé en 1996 afin d'élaborer une norme internationale pour la production, l'échange et l'utilisation du livre numérique vocal et organiser la numérisation du matériel audio à l'échelle mondiale. Le consortium DAISY regroupe des organismes du monde entier au service des personnes handicapées visuelles. Ses activités comprennent entre autres la définition de normes de spécification de fichiers (à partir de celles du Consortium W3C), la conception de logiciels nécessaires à l'industrie du livre numérique vocal (notamment pour passer de bandes son analogiques à des bandes son numériques), la normalisation de lignes directrices de production, l'échange de livres numériques vocaux entre bibliothèques, la définition d'une loi internationale du droit d'auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle, la protection des documents faisant l'objet d'un droit d'auteur, et la promotion de la norme DAISY à l'échelle mondiale. 9.4. Un publiphone pour écouter la presse Même si elle n'a pas (encore) directement trait au numérique, il importe de revenir sur l'expérience du RAAMM, brièvement mentionnée plus haut. Le RAAMM (Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain) est une association à but non lucratif qui rassemble des personnes ayant une déficience visuelle, afin de défendre leurs droits, promouvoir leurs intérêts et favoriser leur intégration à part entière dans tous les domaines (emploi, sécurité du revenu, transports en commun, santé, services sociaux, habitation, éducation, loisirs, culture, etc.). Des bénévoles offrent des services d'accompagnement pour les activités de la vie quotidienne (recherche d'emploi ou de logement, sorties, inscriptions, courses, achats, etc.). Ils assurent aussi des services de lecture à domicile (contrats d'affaires, manuels, notes de cours, articles de revues, recettes de cuisine, etc.) et de lecture sur cassettes, ainsi que la production de documents en braille. A cela s'ajoutent des activités de formation et de loisirs. Entre autres activités, le RAAMM a mis sur pied un publiphone, qui est un système téléphonique interactif. Créé en 1993, le publiphone proposait à l'origine une vingtaine de rubriques d'information. Trois ans après, en 1996, elles sont au nombre de 67. Sept ans après, en 2000, on en compte 350, avec plusieurs rubriques pour un quotidien comme La Presse par exemple. Les chiffres sont éloquents: 10.500 connexions et 100.000 rubriques consultées par mois, et 163 bénévoles pour assurer la lecture. "Avant l'instauration du publiphone, je n'avais accès à l'information écrite que lorsque les autres avaient le temps et le goût de me lire cette information, déclare un auditeur. Maintenant, à toutes fins pratiques, je lis ce que je veux, quand je le veux." En composant un simple numéro de téléphone, on a accès à des menus à touches permettant de sélectionner la rubrique souhaitée. De ce fait, les rubriques sont réparties en neuf grandes catégories: 1) les informations provenant du RAAMM et d'autres organismes desservant la population des handicapés visuels; 2) les rubriques "consommation et emploi": marchés d'alimentation, produits en pharmacie, produits en quincaillerie, magasins à rayons, magasins de disques, offres d'emplois; 3) les horaires: télévision, radio, cinémas, arts et spectacles, expositions des musées et des maisons de la culture de Montréal, événements spéciaux, livres et autres documents adaptés ; 4) les quotidiens: La Presse, Le Journal de Montréal et Le Devoir; 5) les hebdomadaires: 7 Jours, Les Affaires, Le Courrier Laval, Le Courrier du Sud, Voir, Ici; 6) le coin jeunesse; 7) les revues: Le Bel âge, Coup de pouce, Capital santé, Femme plus, Elle Québec, Infotech, L'Actualité, Québec science, Guide ressources, Protégez-vous, Enfants Québec, Clin d'oeil; 8) les programmes de télévision et les quotidiens en langue anglaise (Lottery results, TV listings, The Gazette, The Globe & Mail, The Mirror, Hour); 9) les périodiques en langue anglaise (Time Magazine, Today's Parent Magazine, National Geographic, Sports Illustrated Magazine). Dans un deuxième temps, un nouveau système devrait être mis en place, qui utiliserait les technologies les plus récentes ainsi que l'internet. Il permettrait notamment d'archiver les enregistrements précédents, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour le moment. 9.5. Un web plus accessible aux aveugles et malvoyants "Réflexions, conceptions, tests ont longtemps été à l'étude pour donner aux internautes aveugles et malvoyants un véritable outil doté d'informations pragmatiques, explique Patrice Cailleaud, directeur de communication de HandiCaPZéro. Depuis le 15 septembre 2000, tous les services de l'association dans des domaines comme les loisirs, la télé, la communication, la santé sont accessibles sur le site www.handicapzero.org. Plus de barrage pour les internautes aveugles: quel que soit le type de périphérique employé (synthèse vocale, plage braille), la navigation se fait sans obstacle. Par exemple, les images et illustrations qui abondent sur la toile et rendent les sites inaccessibles à cette population sont légendées. Plus d'illisibilité pour les internautes malvoyants: pour la première fois sur le web, le site dispose, dès la page d'accueil, d'une interface 'confort de lecture' qui permet, en fonction de son potentiel visuel, de choisir la couleur de l'écran, la taille et la couleur de la police. Les pages vues à l'écran sont également imprimables selon le format défini." L'activité de Patrice Cailleaud consiste à "convaincre les décideurs socio-économiques de prendre en compte les besoins spécifiques des usagers, clients et citoyens déficients visuels. Mettre en oeuvre les dispositifs d'accessibilité. J'ai participé à la conception éditoriale et graphique du site. Aujourd'hui, mon rôle consiste à développer de nouveaux services accessibles pour le site." "Internet n'est pas entré dans la majorité des foyers des personnes déficientes visuelles, ajoute Patrice Cailleaud. A cela, trois principales raisons: l'âge du public concerné, qui se situe au delà de la soixantaine (pour 70% du public); le coût trop élevé pour une acquisition personnelle d'un matériel spécialisé; le nombre trop restreint de sites accessibles de façon autonome. L'avenir de l'accès à l'information pour les personnes aveugles devrait passer par le web. Ce support, à condition d'une responsabilité des développeurs de sites sous l'impulsion d'une autorité qui commence à légiférer, donne un accès instantané à une information actuelle au contraire des supports braille ou caractères agrandis qui nécessitent des délais et des coûts d'adaptation, de transcription et fabrication. (...) Pour les développeurs de sites que ça intéresse, des recommandations sont disponibles en nous contactant à HandiCaPZéro, ou sur des sites comme VoirPlus ou BrailleNet. En règle générale, les dispositions à prendre ne sont pas trop contraignantes. Il ne faudrait pas que le message pour rendre un site accessible soit trop compliqué au risque de dissuader les bonnes volontés." Quelles sont les suggestions des professionnels du livre voyants pour rendre le web plus accessible aux aveugles et malvoyants? Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8: "Le son est une solution, les claviers adaptés en sont une autre, je ne sais s'il existe des écrans spécialisés, mais peut-être... On peut aussi imaginer des interactions sonores, Denize en a utilisé quelques-unes dans son cédérom Machines à écrire (Gallimard, 1999, ndlr)." Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Autant que possible j'essaie de rendre accessible à tous la bibliothèque électronique de Lisieux. Les recommandations du consortium W3C ne sont pas toujours évidentes à suivre. Les sites textuels ne requièrent pas une charte graphique sophistiquée à base de Java et autres niaiseries." Marie-Aude Bourson, créatrice des sites littéraires La Grenouille Bleue et Gloupsy: "La Grenouille Bleue (qui a dû fermer pour un problème de marque et qui a été remplacée par Gloupsy, ndlr) avait une partie destinée aux malvoyants: il suffit de créer des pages sans images ni tableau. Uniquement du texte, et une structure de site plus simple qui va droit à l'info. Ainsi les logiciels de reconnaissance/lecture de pages web sont très efficaces. Il faut donc sensibiliser les webmestres." Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille: "Il faudrait une réelle motivation des concepteurs de sites envers le problème des aveugles et une volonté politique d'intégration des handicapés (et pas seulement financière)." Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet: "Mes suggestions s'adressent surtout aux diffuseurs de contenus qui ne respectent pas les normes techniques. Je m'explique. Le Consortium W3C est un organisme de normalisation des techniques du web. Ses comités étudient les nouvelles techniques, et prescrivent des normes d'utilisation. Or les producteurs et diffuseurs de contenus utilisent souvent des techniques propriétales, hors normes, propres à un logiciel ou à une plate-forme, ce qui donne lieu, par exemple, à des 'sites optimisés' pour Netscape ou pour Internet Explorer. Si ces sites soi-disant optimisés pour un fureteur ou un autre causent des problèmes pour les utilisateurs ordinaires, imaginez la difficulté d'adapter des contenus livrés hors normes à un consultation pour non-voyants. Il y a des efforts énormes pour rendre accessible à tous le contenu du web, mais tant et aussi longtemps que les diffuseurs utiliseront des technologies hors normes, et ne tiendront pas leurs engagements pris, notamment, dans le cadre du Web Interoperability Project (WIP), la tâche sera difficile." Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias: "Jakob Nielsen évoque dans La Conception de sites web - l'art de la simplicité (Campus Press, 2000) un système vocal basé sur la lecture de balises HTML ou XML capables d'interfacer un synthétiseur vocal qui paraît convaincant. La WAI (Web Accessibility Initiative) du Consortium W3C a publié, le 5 mai 1999, la première version des directives (téléchargeables) pour un accès web aux personnes handicapées, accessible en français." Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses oeuvres: "Je pense que nous devrions voir apparaître des sites disposant de modes d'emplois ou de guides de découverte sonores. L'idéal serait de pouvoir guider un internaute malvoyant, depuis la mise en route des navigateurs (pour taper l'adresse du site ciblé), jusqu'à l'arrivée sur un site. Sur un site équipé, un assistant guide l'internaute en lui exposant les fonctionnalités du site. L'accès aux rubriques se fait via des codes alphanumériques (sur le même principe que les serveurs téléphoniques à fréquence vocale). Le code d'accès à la rubrique est possible grâce à un clavier adapté (touche possédant des caractères braille). Puis l'assistant propose des choix: téléchargement des rubriques pour éditions sur imprimante braille ou lecture de la rubrique sous forme d'extraits sonores. Il faudra se montrer vigilants face au temps de chargement du son. Puis, pour favoriser les échanges, prévoir la possibilité de déposer des témoignages vocaux (voire des images via des webcams) sur le serveur du site." Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique, préconise "le développement des moteurs de type BrailleSurf associés à de la synthèse vocale, et le respect par les concepteurs de sites de quelques règles (documentation des images, ou association de commentaires textuels à certaines applications telles que les animations flash). Dès que notre site atteindra un niveau opérationnel suffisant, il sera entièrement adapté à cet effet." Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universités japonaises, suggère d'"améliorer les logiciels de lecture orale de l'écrit. Créer des écrans tactiles qui affichent le texte en braille et développer des logiciels de traduction automatique et d'affichage sur écran braille (sous l'égide d'une fondation internationale subventionnée par les gouvernements, l'Unesco, etc., et qui lèverait des fonds auprès des entreprises intéressées)." Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses et traitements informatiques du lexique français): "Il faudrait fournir des alternatives équivalentes au contenu visuel et auditif: le texte peut être expédié directement à des synthétiseurs vocaux et à des générateurs de braille et peut être représenté sur du papier. La voix synthétique et le braille sont indispensables aux individus non voyants et mal entendants." Plusieurs des réponses reçues, non citées ici, montrent qu'il serait nécessaire de sensibiliser les voyants au fait que les aveugles ont eux aussi droit à deux modes de connaissance, la lecture et l'écoute, tout comme les voyants. Pourquoi les aveugles devraient-ils se limiter à l'écoute, alors que le numérique permet enfin la conversion facile du document, et donc la lecture de ce document en braille? La conclusion de ce chapitre appartient à Richard Chotin, professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille. A la question: "Quoi de neuf cette année?", il répond en mai 2001: "Une seule nouveauté, mais de taille, les conséquences de l'accessibilité du web aux aveugles: ma fille vient d'obtenir la deuxième place à l'agrégation de lettres modernes. Un de ses amis a obtenu la maîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat en droit également. Outre l'aspect performance, cela prouve au moins que si les aveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n'ont pas évidemment la chance d'avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l'argent) par des méthodes plus actives dans la lecture des documents (obligation d'obtenir en braille ce qui existe en 'voyant' notamment), le handicap pourrait presque disparaître." 10. LES LIBRAIRIES "CLASSIQUES" ET CYBER [Dans ce chapitre:] [10.1. Qu'apporte l'internet aux librairies "classiques"? / Un exemple: les librairies de voyage / Autre exemple: les librairies d'ancien // 10.2. Les librairies en ligne // 10.3. Les premières librairies numériques / L'exemple de Numilog] 10.1. Qu'apporte l'internet aux librairies "classiques"? A titre d'exemple, on a choisi ici deux catégories de librairies: les librairies de voyage et les librairies d'ancien. = Un exemple: les librairies de voyage Au coeur de Paris, dans l'île Saint-Louis, la librairie Ulysse propose plus de 20.000 livres, cartes et revues neufs et anciens sur tous les pays et pour tous les voyages. Créée en 1971 par Catherine Domain, elle est à l'époque la première librairie au monde uniquement consacrée aux voyages. Sur le site web de la librairie, Catherine Domain raconte: "Au terme de dix années de voyages sur tous les continents, je me suis arrêtée, en 1970, et me suis dit: 'Que vais-je bien pouvoir faire pour vivre?' Consciente de la nécessité de m'insérer dans une société d'une façon ou d'une autre, j'ai procédé à un choix par déduction et par le refus d'avoir patron et employé. Me souvenant de mes grand-pères, l'un navigateur au long cours, l'autre libraire en Périgord, et constatant que j'étais obligée de visiter une quinzaine de librairies avant de trouver la moindre documentation sur un pays aussi proche que la Grèce, une 'librairie de voyage' s'est imposée à mon esprit, entre Colombo et Surabaya, au cours d'un tour du monde." Catherine Domain n'a pas pour autant abandonné les voyages. Elle est à la fois membre du SLAM (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne), du Club des explorateurs et du Club international des grands voyageurs. Elle a fondé le Cargo Club, un club de rencontre pour les passionnés de la mer, et le Club Ulysse des petites îles du monde. Elle a visité à ce jour 141 pays et les voyages la tenaillent toujours. En 1998, elle explore à la voile les îles du Kiribati et les îles Marshall, au milieu du Pacifique. En 1999, en tant que membre du jury du Prix du livre insulaire, elle fait une escale à Ouessant, puis elle fait le tour de la Sardaigne à la voile. En l'an 2000, toujours à la voile, elle visite la Croatie pendant un mois. De nouveau membre du jury du Prix du livre insulaire, elle refait escale à Ouessant et aussi à l'île de Sein. En 1999, Catherine Domain se lance dans une expérience autrement plus ingrate, qui est la réalisation d'un site web. "Mon site est embryonnaire et en construction, écrit-elle, il se veut à l'image de ma librairie, un lieu de rencontre avant d'être un lieu commercial. Il sera toujours en perpétuel devenir! Internet me prend la tête, me bouffe mon temps et ne me rapporte presque rien mais cela ne m'ennuie pas... Pour qu'internet marche, il faut ne faire que ça ou avoir des 'esclaves'. Je ne veux ni l'un ni l'autre. Je n'ai pas une âme de patron mais d'artisan, et j'attrape vite la bougeote et mal aux yeux." Elle est très pessimiste sur l'avenir de sa librairie: "Internet tue les librairies spécialisées. En attendant d'être dévorée, je l'utilise comme un moyen d'attirer les clients chez moi, et aussi de trouver des livres pour que ceux qui n'ont pas encore internet chez eux! Mais j'ai peu d'espoir..." Autre librairie de voyage, située à Paris dans l'ancien quartier des Halles, la librairie Itinéraires rassemble tous les ouvrages permettant de préparer, accompagner et prolonger un voyage: guides, cartes, manuels de conversation, reportages, récits de voyage, livres de cuisine, livres d'art et de photographie, ouvrages d'histoire, de civilisation, d'ethnographie, de religion et de littérature étrangère, et cela pour plus de 160 pays et 250 destinations. Comment la librairie en est-elle venue à utiliser le minitel puis l'internet? "Dès 1985, nous avons créé une base de données avec classement des ouvrages par pays et par thèmes, écrit Hélène Larroche en juin 1998. Il y a un peu plus de trois ans (début 1995), nous avons rendu la consultation de notre catalogue possible sur minitel et nous effectuons aujourd'hui près de 10% de notre chiffre d'affaires avec la vente à distance. Passer du minitel à internet nous semblait intéressant pour atteindre la clientèle de l'étranger, les expatriés désireux de garder par les livres un contact avec la France et à la recherche d'une librairie qui 'livre à domicile' et bien sûr les 'surfeurs sur le net', non minitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur internet pour avoir modifié notre chiffre d'affaires de façon significative. Internet a cependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la création d'une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquelle nous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleures ventes du moment ou/et pour lesquels la critique s'emballe. Nous avons toutefois décidé de limiter cette rubrique à 60 titres quand notre base en compte 13.000. Un changement non négligeable, c'est le temps qu'il faut dégager ne serait-ce que pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. Outre le bénéfice pour l'image de la librairie qu'internet peut apporter (et dont nous ressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèle dans notre spécialité (la connaissance des pays étrangers), atteindre et intéresser les expatriés et augmenter nos ventes à l'étranger." En janvier 2000, elle mentionne "un net regain de personnes qui viennent à notre librairie après nous avoir découvert sur le web. C'est donc plutôt une clientèle parisienne ou une clientèle venue de province pour pouvoir feuilleter sur place ce que l'on a découvert sur le web. Mais l'expérience est très intéressante etnous conduit à poursuivre." = Autre exemple: les librairies d'ancien Les librairies d'ancien n'ont elles aussi pas tardé à utiliser l'internet pour étendre leur champ d'activité. Le SLAM (Syndicat de la librairie ancienne et moderne), seul syndicat professionnel des libraires de livres anciens, livres illustrés, autographes et gravures, regroupe aujourd'hui quelque 220 membres. "Le SLAM avait déjà créé un premier site internet en 1997, explique Alain Marchiset, son président, en juillet 2000. Mais ce site ne nous appartenait pas et la conception en était un peu statique. Ce nouveau site plus moderne de conception a été ouvert il y a un an. Il intègre une architecture de type 'base de données', et donc un véritable moteur de recherche, qui permet de faire des recherches spécifiques (auteur, titre, éditeur, et bientôt sujet) dans les catalogues en ligne des différents libraires. Le site contient l'annuaire des libraires avec leurs spécialités, des catalogues en ligne de livres anciens avec illustrations, un petit guide du livre ancien avec des conseils et les termes techniques employés par les professionnels, et aussi un service de recherche de livres rares. De plus l'association organise chaque année en novembre une foire virtuelle du livre ancien sur le site, et en mai une véritable foire internationale du livre ancien qui a lieu à Paris et dont le catalogue officiel est visible aussi sur le site." Comment se passe la vente en ligne? "Les libraires membres proposent sur le site du SLAM des livres anciens que l'on peut commander directement par courrier électronique et régler par carte de crédit. Les livres sont expédiés dans le monde entier. Les libraires de livres anciens vendaient déjà par correspondance depuis très longtemps au moyen de catalogues imprimés adressés régulièrement à leurs clients. Ce nouveau moyen de vente n'a donc pas été pour nous vraiment révolutionnaire, étant donné que le principe de la vente par correspondance était déjà maîtrisé par ces libraires. C'est simplement une adaptation dans la forme de présentation des catalogues de vente qui a été ainsi réalisée. Dans l'ensemble la profession envisage assez sereinement ce nouveau moyen de vente." En juin 2001, Alain Marchiset poursuit: "Après une expérience de près de cinq années sur le net, je pense que la révolution électronique annoncée est moins évidente que prévue, et sans doute plus 'virtuelle' que réelle pour le moment. Les nouvelles technologies n'ont pas actuellement révolutionné le commerce du livre ancien. Nous assistons surtout à une série de faillites, de rachats et de concentrations de sociétés de services (principalement américaines) autour du commerce en ligne du livre, chacun essayant d'avoir le monopole, ce qui bien entendu est dangereux à la fois pour les libraires et pour les clients qui risquent à la longue de ne plus avoir de choix concurrentiel possible. Les associations professionnelles de libraires des 29 pays fédérées autour de la Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA) ont décidé de réagir et de se regrouper autour d'un gigantesque moteur de recherche mondial sous l'égide de la LILA, à partir du site www.ilab-lila.com. Cette fédération représente un potentiel de 2.000 libraires indépendants dans le monde, mais offrant des garanties de sécurité et de respect de règles commerciales strictes. Ce nouveau moteur de recherche de la LILA (en anglais ILAB) en pleine expansion est déjà référencé par AddAll.com et Bookfinder.com." Gérant de la librairie du Bât d'Argent, librairie d'ancien située à Lyon, Pascal Chartier crée dès novembre 1995 Livre-rare-book, site professionel de livres d'occasion. Le site comprend un catalogue de livres anciens et livres d'occasion classé par sujets et par librairie (environ 100 librairies et 300.000 livres en juin 2001) et un annuaire électronique international des librairies de livres d'occasion. Selon Pascal Chartier, l'internet, qui a ouvert "une vaste porte" aux libraires et à leurs clients, est "peut-être la pire et la meilleure des choses. La pire parce qu'il peut générer un travail constant sans limite et la dépendance totale. La meilleure parce qu'il peut s'élargir encore et permettre surtout un travail intelligent!" L'année 2000 est marquée par "la réalisation d'un module de gestion pour permettre aux libraires d'intégrer leurs livres facilement sur Livre-rare-book, et la traduction du site en anglais, allemand, italien et portugais." 10.2. Les librairies en ligne Comme on vient de le voir, le web offre aux librairies "classiques" une vitrine qui leur permet d'agrandir leur rayon géographique. Elles peuvent aussi gérer une librairie en ligne. C'est le cas notamment pour la FNAC, Virgin, France Loisirs, Le Furet du Nord, qui officie dans le nord de la France, Decitre, dans la région Rhône-Alpes, etc. D'autres librairies n'ont ni murs, ni vitrine, ni enseigne sur la rue. Leur seule vitrine est leur site web, et toutes leurs transactions s'effectuent sur la toile. Pour ne citer que les plus connues, ces librairies en ligne ont pour nom Chapitre.com, librairie en ligne indépendante créée en 1997 par Juan Pirlot de Corbion et connue pour la qualité de ses services, Alapage, créé en 1996 par Patrice Magnard et filiale de France Télécom Multimédia depuis septembre 1999, Amazon France, filiale d'Amazon.com en activité depuis août 2000, Bol.fr, filiale de Vivendi et de Bertelsmann Online (fermé en août 2001) et CDiscount.com, qui propose des livres, des DVD et "le meilleur de la musique et de la vidéo à prix fourmi". Les grandes librairies en ligne anglophones sont Amazon.com (basé aux Etats-Unis), Barnes & Noble.com (basé aux Etats-Unis), Internet BookShop (basé au Royaume-Uni), Chaptersglobe.com (basé au Canada), etc. Outre un catalogue répertoriant tous les titres disponibles, avec recherche par auteur, par titre ou par sujet, et la possibilité de passer sa commande en ligne, les sites web permettent de lire des résumés, extraits et critiques de livres, et sont parfois de véritables revues littéraires auxquelles contribuent des chroniqueurs de renom, dont certains ont abandonné les journaux et magazines papier pour le web. En France, la loi sur le prix unique du livre laisse peu de latitude sur les prix, et n'offre pas les possibilités de réduction qui existent dans les pays où le prix du livre est libre (Royaume-Uni, Etats-Unis, etc.). En revanche, tout comme les libraires "classiques", les libraires en ligne sont optimistes sur les perspectives d'un marché francophone international qui commence à compter dans les statistiques. Cependant, en juillet 2001, l'annonce de la fermeture de Bol.fr (le 1er août 2001, avec traitement des commande jusqu'au 15 septembre) et les difficultés rencontrées par d'autres librairies semblent montrer que le nombre de librairies en ligne françaises est trop important par rapport au marché actuel." 10.3. Les premières librairies numériques Une librairie numérique est une librairie vendant des livres numériques (au format PDF, Acrobat eBook Reader, Microsoft Reader, etc.). Elle est à distinguer de la librairie en ligne, qui vend des livres et autres produits culturels - pas forcément numériques - sur l'internet. Si Barnes & Noble.com a ouvert son eBook Store le 8 août 2000, suivi par Amazon.com le 28 août 2000 - suite aux accords passés par l'un et par l'autre avec Microsoft pour l'utilisation du Microsoft Reader - les librairies numériques ne sont pas l'apanage des mastodontes du métier, comme en témoigne l'activité de Numilog, qui a débuté ses activités bien avant cette date. 10.3.1. L'exemple de Numilog "Dès 1995, j'avais imaginé et dessiné des modèles de lecteurs électroniques permettant d'emporter sa bibliothèque avec soi et pesant comme un livre de poche, explique Denis Zwirn, PDG de Numilog. Début 1999, j'ai repris ce projet avec un ami spécialiste de la création de sites internet, en réalisant la formidable synergie possible entre des appareils de lecture électronique mobiles et le développement d'internet, qui permet d'acheminer les livres dématérialisés en quelques minutes dans tous les coins du monde." La librairie a trois pôles d'activités. "Numilog est d'abord une librairie en ligne de livres numériques. Notre site internet est dédié à la vente en ligne de ces livres, qui sont envoyés par courrier électronique ou téléchargés après paiement par carte bancaire. Il permet également de vendre des livres par chapitres. Numilog est également un studio de fabrication de livres numériques: aujourd'hui, les livres numériques n'existent pas chez les éditeurs, il faut donc d'abord les fabriquer avant de pouvoir les vendre, dans le cadre de contrats négociés avec les éditeurs détenteurs des droits. Ce qui signifie les convertir à des formats convenant aux différents 'readers' du marché: Acrobat Reader, Acrobat eBook Reader (que nous sommes les premiers en France à diffuser), et bientôt Microsoft Reader et les lecteurs électroniques du type Rocket eBook. Ce qui signifie également soigner leur mise en page numérique: la mise en page d'un livre numérique ne doit pas être la même que celle du livre papier correspondant si on veut proposer au lecteur une expérience de lecture confortable qui ne le déçoive pas. Enfin, Numilog devient progressivement un diffuseur car, sur internet, il est important d'être présent en de très nombreux points du réseau pour faire connaître son offre. Pour les livres en particulier, il faut les proposer aux différents sites thématiques ou de communautés, dont les centres d'intérêt correspondent à leur sujet (sites de fans d'histoire, de management, de SF...). Numilog facilitera ainsi la mise en oeuvre de multiples 'boutiques de livres numériques' thématiques." Ouvert en septembre 2000, le site web présente un catalogue thématique de livres numériques (650 titres en juin 2001), avec ajout de 50 à 100 titres nouveaux par mois. "Cette base de livres est accessible par un moteur de recherche. Chaque livre fait l'objet d'une fiche avec un résumé et un extrait. En quelques clics, il peut être acheté en ligne par carte bancaire, puis reçu par e-mail ou téléchargement." Depuis mars 2001, le site présente des fonctionnalités nouvelles, comme l'intégration d'une "authentique vente au chapitre" (les chapitres vendus isolément seront traités comme des éléments inclus dans la fiche-livre, et non comme d'autres livres) et la gestion très ergonomique des formats de lecture multiples.Le but étant de "permettre à un public d'internautes de plus en plus large d'avoir progressivement accès à des bases de livres numériques aussi importantes que celles des livres papier, mais avec plus de modularité, de richesse d'utilisation et à moindre prix". 11. BIBLIOTHEQUES "EN DUR" ET BIBLIOTHEQUES NUMERIQUES [Dans ce chapitre:] [11.1. Du bibliothécaire au cyberthécaire / Le Projet Gutenberg / The On-Line Books Page / La Bibliothèque électronique de Lisieux / La médiathèque de l'Institut Pasteur / Le centre de documentation de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) / Le centre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble / La bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA) d'Abidjan / L'association Juriconnexion (documentation juridique) / La médiathèque de l'Institut français de Londres // 11.2. Numérisation en mode texte et en mode image // 11.3. Les bibliothèques traditionnelles sont-elles menacées?] 11.1. Du bibliothécaire au cyberthécaire Sur une ancienne version de son site web (1998), la British Library définissait la bibliothèque numérique comme une entité résultant de l'utilisation des technologies numériques pour acquérir, stocker, préserver et diffuser des documents qui sont soit publiés directement sous forme numérique, soit numérisés à partir d'un document imprimé, audiovisuel ou autre. Une collection numérique devient une bibliothèque numérique quand elle répond aux quatre facteurs suivants: 1) elle peut être créée et produite dans un certain nombre d'endroits différents, mais elle est accessible en tant qu'entité unique, 2) elle doit être organisée et indexée pour un accès aussi facile que possible à partir du lieu de base où elle est produite, 3) elle doit être stockée et gérée de manière à avoir une existence assez longue après sa création, 4) elle doit trouver un équilibre entre le respect du droit d'auteur et les exigences universitaires. Choisies pour leur intérêt et leur variété, voici quelques expériences: le Projet Gutenberg, projet pilote en ligne depuis 1991 (11.1.1); The On-Line Books Page (11.1.2), en ligne depuis 1993; la Bibliothèque électronique de Lisieux, en ligne depuis 1996 (11.1.3); la médiathèque de Institut Pasteur, en ligne depuis 1996 (11.1.4); le centre de documentation de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en ligne interne depuis 1996 (11.1.5); le centre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble, en ligne depuis 1998 (11.1.6); la bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA) d'Abidjan, en ligne depuis 1999 (11.1.7) ; l'association Juriconnexion (documentation juridique), en ligne depuis 1999 (11.1.8); la médiathèque de l'Institut français de Londres, en ligne depuis 2000 (11.1.9) = Le Projet Gutenberg Projet pionnier, le Projet Gutenberg a inspiré bien d'autres bibliothèques numériques depuis. Il débute en 1971 quand Michael Hart, étudiant à l'Université d'Illinois, reçoit un compte de 100 millions de dollars de "temps machine" dans le laboratoire informatique (Materials Research Lab) de son université. Il décide aussitôt de consacrer ce crédit à la recherche et au stockage des oeuvres du domaine public disponibles dans les bibliothèques. Il décide aussi de stocker les textes électroniques de la manière la plus simple possible, au format ASCII, avec des lettres capitales pour les termes en italique, gras ou soulignés, afin qu'ils puissent être lus sans problème quels que soient la machine et le logiciel utilisés. Peu après, il définit la "mission" du Projet Gutenberg: mettre à la disposition de tous le plus grand nombre possible d'oeuvres du domaine public. Travailleur acharné, il décide de dédier toute sa vie à son projet, qu'il voit comme étant à l'origine d'une révolution néo-industrielle. Lorsque l'utilisation du web se généralise, le projet trouve un second souffle, et un rayonnement international. Les collections se chiffrent maintenant à 3.700 oeuvres (chiffres de juillet 2001) qui, au fil des années, ont été patiemment numérisées en mode texte par des volontaires de nombreux pays (600 volontaires actifs en 2000). Un total de 1.000 nouveaux livres devrait être traité en 2001. Cinquante heures environ sont nécessaires pour sélectionner, scanner, corriger et mettre en page un texte électronique. Un ouvrage de taille moyenne - par exemple un roman de Stendhal ou de Jules Verne - est composé de deux fichiers ASCII. Si certains documents anciens sont parfois saisis ligne après ligne, le plus souvent parce que le texte original manque de clarté, les oeuvres sont en général scannées en utilisant un logiciel OCR (optical character recognition), puis elles sont relues et corrigées à double reprise, parfois par deux personnes différentes. D'abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues. "Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritable relation avec le papier, explique Michael Hart. Le seul point commun est que nous diffusons les mêmes oeuvres, mais je ne vois pas comment le papier peut concurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués, particulièrement dans les établissements d'enseignement. (...) Ma carrière n'aurait pas existé sans l'internet, et le Projet Gutenberg n'aurait jamais eu lieu... Vous savez sûrement que le Projet Gutenberg a été le premier site d'information sur l'internet. Mon projet est de mettre 10.000 textes électroniques sur l'internet. Si je pouvais avoir des subventions importantes, j'aimerais aller jusqu'à un million et étendre aussi le nombre de nos usagers potentiels de 1,x% à 10% de la population mondiale, ce qui représenterait la diffusion de 1.000 fois un milliard de textes électroniques au lieu d'un milliard seulement. (...) J'introduis une nouvelle langue par mois maintenant, et je vais poursuivre cette politique aussi longtemps que possible." = The On-Line Books Page Autre projet pilote à l'époque, The On-Line Books Page répertorie plus de 12.000 textes électroniques d'oeuvres anglophones en accès libre sur le web. John Mark Ockerbloom, qui est à l'époque étudiant à l'Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie), débute ce répertoire en 1993 dans le cadre du site web du département d'informatique, dont il est le webmestre. "J'étais webmestre ici pour la section informatique du CMU (Carnegie Mellon University), et j'ai débuté notre site local en 1993, raconte John Mark Ockerbloom en septembre 1998. Il comprenait des pages avec des liens vers des ressources disponibles localement, et à l'origine The On-Line Books Page était une de ces pages, avec des liens vers des livres mis en ligne par des collègues de notre département (par exemple Robert Stockton, qui a fait des versions web de certains textes du Projet Gutenberg). Ensuite les gens ont commencé à demander des liens vers des livres disponibles sur d'autres sites. J'ai remarqué que de nombreux sites (et pas seulement le Project Gutenberg ou Wiretap) proposaient des livres en ligne, et qu'il serait utile d'en avoir une liste complète qui permette de télécharger ou de lire des livres où qu'ils soient sur l'internet. C'est ainsi que mon index a débuté. J'ai quitté mes fonctions de webmestre en 1996, mais j'ai gardé The On-Line Books Page, parce que, entre temps, je m'étais passionné pour l'énorme potentiel qu'a l'internet de rendre la littérature accessible au plus grand nombre. Maintenant il y a tant de livres mis en ligne que j'ai du mal à rester à jour (en fait j'ai beaucoup de retard). Mais je pense pourtant continuer cette activité d'une manière ou d'une autre. Je suis très intéressé par le développement de l'internet en tant que médium de communication de masse dans les prochaines années. J'aimerais aussi rester impliqué d'une manière ou d'une autre dans la mise à disposition gratuite pour tous de livres sur l'internet, que ceci fasse partie intégrante de mon activité professionnelle ou que ceci soit une activité bénévole menée sur mon temps libre." John Mark Ockerbloom obtient son doctorat en informatique en 1998. En 1999, il rejoint le département des bibliothèques et de l'informatique de l'Université de Pennsylvanie, où il travaille à la R&D (recherche et développement) de la bibliothèque numérique. A la même époque, il transfère The On-Line Books Page dans cette bibliothèque numérique. La présentation est toujours la même et les mises à jour sont régulières. = La Bibliothèque électronique de Lisieux La Bibliothèque électronique de Lisieux ouvre en juin 1996. "Ce site est entièrement consacré et exclusivement réservé à la mise à disposition sur le réseau (librement et gratuitement) de textes littéraires et documentaires du domaine public français afin de constituer une bibliothèque virtuelle qui complète celles déjà existantes", explique Olivier Bogros, son créateur, qui est aussi directeur de la bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie). Dès sa création, ce site pionnier suscite beaucoup d'intérêt dans la communauté francophone parce qu'il montre ce qui est faisable sur le web avec beaucoup de détermination et des moyens limités. D'abord hébergé sur les pages du compte CompuServe d'Olivier Bogros, il est depuis juin 1998 installé sur un nouveau serveur avec un espace disque plus important (30 Mo) et un nom de domaine. Quel est l'historique du site? La première étape est la "création d'un bulletin électronique d'informations bibliographiques locales (Les Affiches de Lisieux) en 1994 dont la diffusion locale ne rencontre qu'un très faible écho", raconte Olivier Bogros lors d'un premier entretien. Les étapes suivantes sont "en 1995 la numérisation de nos collections de cartes postales en vue de constituer une photothèque numérique" puis "la saisie de nouvelles d'auteurs d'origine normande courant 1995 en imitation (modeste) du projet de l'ABU (Association des bibliophiles universels) avec diffusion sur un BBS (bulletin board service) spécialisé. L'idée du site internet vient d'Hervé Le Crosnier, enseignant à l'Université de Caen et modérateur de la liste de diffusion Biblio-fr, qui monta sur le serveur de l'université la maquette d'un site possible pour la bibliothèque municipale de Lisieux, afin que je puisse en faire la démonstration à mes élus. La suite logique en a été le vote au budget primitif de 1996 d'un crédit pour l'ouverture d'une petite salle multimédia avec accès public au réseau pour les Lexoviens (habitants de Lisieux, ndlr). Depuis cette date, un crédit d'entretien pour la mise à niveau des matériels informatiques est alloué au budget de la bibliothèque qui permettra cette année (deuxième semestre 1998, ndlr) la montée en puissance des machines, l'achat d'un graveur de cédéroms et la mise à disposition d'une machine bureautique pour les lecteurs de l'établissement.... ainsi que la création d'un emploi jeune pour le développement des nouvelles technologies." En juillet 1999, Olivier Bogros relate: "Nous réfléchissons, toujours dans le domaine patrimonial, à un prolongement du site actuel vers les arts du livre - illustration, typographie... - toujours à partir de notre fonds. Sinon, pour ce qui est des textes, nous allons vers un élargissement de la part réservée au fonds normand. (...) Les oeuvres à diffuser sont choisies à partir d'exemplaires conservés à la bibliothèque municipale de Lisieux ou dans des collections particulières mises à disposition. Les textes sont saisis au clavier et relus par du personnel de la bibliothèque, puis mis en ligne après encodage (370 oeuvres sont actuellement disponibles en ligne). La mise à jour est mensuelle (3 à 6 textes nouveaux). Par goût, mais aussi contraints par le mode de production, nous sélectionnons plutôt des textes courts (nouvelles, brochures, tirés à part de revues, articles de journaux...). De même nous laissons à d'autres (bibliothèques ou éditeurs) le soin de mettre en ligne les grands classiques de la littérature française, préférant consacrer le peu de temps et de moyens dont nous disposons à mettre en ligne des textes excentriques et improbables. (...) La création et la maintenance du site ne sont encore que des activités marginales de la bibliothèque municipale (...) En fait, et pour les deux années à venir, l'essentiel de notre temps est consacré à la mise en place de la nouvelle médiathèque (avec une réelle intégration des nouvelles technologies) [et pour le quotidien] à l'enrichissement et la communication sur place des ressources locales (c'est-à-dire des informations physiquement localisées à la bibliothèque), le développement de la lecture dans les quartiers... La salle multimédia ouverte en octobre 1996 doit encore trouver son rythme de croisière, la consultation des cédéroms et la bureautique devançant souvent l'utilisation d'internet." En août 2000, Olivier Bogros écrit: "La médiathèque n'ouvrira ses portes qu'en janvier 2002 et ce chantier va encore mobiliser l'essentiel de mon temps. Nous poursuivons modestement l'enrichissement du corpus de textes de la bibliothèque électronique. Une collaboration vient de s'engager entre la bibliothèque électronique de Lisieux et le site 'Langue du 19e siècle" à l'Université de Toronto. Les textes en ligne à Lisieux sont interrogeables en ligne à Toronto sous forme de bases de données interactives. L'initiative de ce projet, baptisé LexoTor, revient à M. Russon Wooldridge à la suite d'un colloque organisé en mai dernier par son université." Lancé officiellement le 27 août 2000, LexoTor est une base de données qui fonctionne sous le logiciel TACTweb et qui permet l'interrogation en ligne des textes de la bibliothèque classés en différentes rubriques: oeuvres littéraires, notamment du 19e siècle; brochures et opuscules documentaires ; manuscrits, livres et brochures sur la Normandie; conférences et exposés transcrits par des élèves du Lycée Marcel Gambier. L'interrogation permet aussi les analyses et comparaisons textuelles. Le projet est issu de la rencontre d'Olivier Bogros avec Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto, lors d'un colloque international que ce dernier a organisé les 12 et 13 mai 2000 dans son université sur le thème: "Les études françaises valorisées par les nouvelles technologies d'information et de communication". En mai 2001, Olivier Bogros poursuit: "La base Lexotor devrait pouvoir bénéficier dès ce mois-ci de la dernière version du logiciel TACTweb, ce qui rendra beaucoup plus riches et pertinentes les interrogations faites. Pour ce qui concerne Lisieux, le bâtiment de la médiathèque est sorti de terre, le gros oeuvre sera fini fin juin, la livraison est prévue pour novembre. Par contre l'ouverture initialement prévue pour janvier 2002 sera sans doute effective fin mars. Sur le site de la bibliothèque électronique, le travail se poursuit chaque mois avec la mise en ligne de textes. J'ai suspendu provisoirement la fabrication de hiboux (e-books, ndlr) au format Microsoft Reader ou Mobipocket. Il faudrait que je trouve un partenariat avec un autre site pour que les textes disponibles en HTML sur notre bibliothèque électronique soient aussi proposés ailleurs dans un format hiboux multiplateforme. A titre personnel, j'ai ouvert une autre bibliothèque électronique, Miscellanées, encore en devenir." = La médiathèque de l'Institut Pasteur Basé à Paris et dans plusieurs régions du monde, l'Institut Pasteur est une fondation privée dont la mission est de contribuer à la prévention et au traitement des maladies, en priorité infectieuses, par la recherche, l'enseignement, et des actions de santé publique. "Le site web de la bibliothèque a pour vocation principale de servir la communauté pasteurienne, explique Bruno Didier, son webmestre. Il est le support d'applications devenues indispensables à la fonction documentaire dans un organisme de cette taille: bases de données bibliographiques, catalogue, commande de documents et bien entendu accès à des périodiques en ligne (un peu plus d'une centaine actuellement). C'est également une vitrine pour nos différents services, en interne mais aussi dans toute la France et à l'étranger. Il tient notamment une place importante dans la coopération documentaire avec les instituts du réseau Pasteur à travers le monde. Enfin j'essaie d'en faire une passerelle adaptée à nos besoins pour la découverte et l'utilisation d'internet. Il existe dans sa forme actuelle depuis 1996 et son audience augmente régulièrement." En quoi consiste exactement son activité? "Je développe et maintiens les pages du serveur, ce qui s'accompagne d'une activité de veille régulière. Par ailleurs je suis responsable de la formation des usagers, ce qui se ressent dans mes pages. Le web est un excellent support pour la formation, et la plupart des réflexions actuelles sur la formation des usagers intègrent cet outil. C'est à la fois dans nos rapports avec l'information et avec les usagers que les changements ont eu lieu. Nous devenons de plus en plus des médiateurs, et peut-être un peu moins des conservateurs. Mon activité actuelle est typique de cette nouvelle situation: d'une part dégager des chemins d'accès rapides à l'information et mettre en place des moyens de communication efficaces, d'autre part former les utilisateurs à ces nouveaux outils. Je crois que l'avenir de notre métier passe par la coopération et l'exploitation des ressources communes. C'est un vieux projet certainement, mais finalement c'est la première fois qu'on dispose enfin des moyens de le mettre en place." = Le centre de documentation de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) regroupe trente pays membres "au sein d'une organisation qui, avant tout, offre aux gouvernements un cadre pour examiner, élaborer et perfectionner les politiques économiques et sociales", lit-on sur le site web de l'organisation. "Ils y comparent leurs expériences respectives, s'y efforcent d'apporter des réponses aux problèmes qui leur sont communs et s'y emploient à coordonner des politiques intérieures et internationales qui, dans le contexte actuel de mondialisation des économies, doivent former un ensemble de plus en plus homogène. (...) L'OCDE est un club de pays qui partagent les mêmes idées. C'est un club de riches en ce sens que ses membres produisent les deux tiers des biens et services du monde, mais ce n'est pas un club privé. En fait, l'exigence essentielle pour en devenir membre est qu'un pays soit attaché aux principes de l'économie de marché et de la démocratie pluraliste. Au noyau d'origine, constitué de pays d'Europe et d'Amérique du Nord, sont venus s'ajouter le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Mexique, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Corée. De plus, l'OCDE a établi de nombreux contacts avec le reste du monde dans le cadre de programmes avec des pays de l'ancien bloc soviétique, d'Asie et d'Amérique latine, contacts qui pourraient, dans certains cas, déboucher sur une adhésion." Situé dans un des bâtiments de son siège parisien et réservé aux agents de l'OCDE, le centre de documentation et d'information (CDI) permet la consultation de 60.000 monographies imprimées et 2.500 périodiques. Le CDI fournit aussi nombre de documents électroniques émanant du web, de bases de données et de CD-Rom. Peter Raggett, son directeur, a d'abord été en poste dans les bibliothèques gouvernementales du Royaume-Uni avant de devenir fonctionnaire international à l'OCDE en 1994, comme sous-directeur puis directeur du CDI. Il utilise l'internet depuis 1996. Les pages intranet du CDI, dont il est l'auteur, sont devenues une des principales sources d'information du personnel de l'organisation. "Je dois filter l'information pour les usagers de la bibliothèque, ce qui signifie que je dois bien connaître les sites et les liens qu'ils proposent, explique Peter Raggett en juin 1998. J'ai sélectionné plusieurs centaines de sites pour en favoriser l'accès à partir de l'intranet de l'OCDE, et cette sélection fait partie du bureau de référence virtuel proposé par la bibliothèque à l'ensemble du personnel. Outre les liens, ce bureau de référence contient des pages de références aux articles, monographies et sites web correspondant aux différents projets de recherche en cours à l'OCDE, l'accès en réseau aux CD-Rom, et une liste mensuelle des nouveaux titres." En août 1999, il relate: "Notre site intranet va être complètement remanié d'ici la fin de l'année, et nous allons y mettre le catalogue de la bibliothèque, ce qui permettra à nos usagers d'y avoir accès directement de leur écran. Ce catalogue sera conforme à la norme Z3950 (une norme définissant un protocole pour la recherche documentaire d'un ordinateur à un autre, ndlr)." Depuis octobre 1999, le catalogue du CDI est disponible sur l'intranet. Comment Peter Raggett voit-il l'avenir de la profession? "L'internet offre aux chercheurs un stock d'informations considérable. Le problème pour eux est de trouver ce qu'ils cherchent. Jamais auparavant on n'avait senti une telle surcharge d'informations, comme on la sent maintenant quand on tente de trouver un renseignement sur un sujet précis en utilisant les moteurs de recherche disponibles sur l'internet. A mon avis, les bibliothécaires auraient un rôle important à jouer pour améliorer la recherche et l'organisation de l'information sur l'internet. Je prévois aussi une forte expansion de l'internet pour l'enseignement et la recherche. Les bibliothèques seront amenées à créer des bibliothèques numériques permettant à un étudiant de suivre un cours proposé par une institution à l'autre bout du monde. La tâche du bibliothécaire sera de filtrer les informations pour le public. Personnellement, je me vois devenir de plus en plus un bibliothécaire virtuel. Je n'aurai pas l'occasion de rencontrer les usagers, ils me contacteront plutôt par courrier électronique, par téléphone ou par fax, j'effectuerai la recherche et je leur enverrai les résultats par voie électronique." = Le centre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble Pierre Le Loarer est directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble. Conçu dès février 1998, le site web de l'IEP ouvre trois mois après, en mai. "J'étais le chef de projet, explique Pierre Le Loarer, d'autant que j'ai une formation multimédia, outre ma formation initiale en philosophie, documentation-bibliothèques et informatique. Il y avait un comité de pilotage (au sein de notre Institut) et également plusieurs partenaires: un graphiste (qui venait de créer le logo de l'Institut) à qui j'ai demandé de décliner des éléments cohérents pour le site, en liaison avec la société de multimédia; une société de création multimédia à qui j'ai demandé de créer une 'maquette' de page d'accueil et deux modèles de pages (page de rubrique principale, page de sous-rubrique) pour disposer d'une ligne graphique; une ergonome qui avait pour objet de tester et surtout de faire tester la version 1 (maquette) du site, pour ensuite réaliser une version 2 opérationnelle, ce qui a été fait; une rédactrice qui, avec moi-même, a repris, sélectionné les informations et même partiellement réécrit certains textes et surtout organisé avec moi les rubriques et sous-rubriques, créé les libellés d'intitulés, etc., ce travail étant soumis au comité de pilotage; le CRI (centre de recherche en informatique) de l'université pour réaliser les pages HTML en suivant les modèles, une fois validés, des pages de différents niveaux et également pour héberger le site. Dans un second temps, un professeur d'anglais m' a aidé à créer quelques pages en anglais. Aujourd'hui, le site est maintenu à jour par moi-même et une personne qui m'aide grandement pour cette tâche." En quoi consiste exactement l'activité de Pierre Le Loarer? "Elle est très variée. Je ne reviens pas sur mes fonctions de directeur d'un centre de documentation, sinon pour insister sur deux facteurs: l'importance de la formation des étudiants à la recherche documentaire, à la connaissance des sources d'information, imprimées et électroniques, et à la production de documents sous forme numérique; la conception, que je reprends à mon compte, de la 'bibliothèque hybride' qui gère, donne accès à la fois aux documents imprimés et aux documents électroniques. Il me semble que l'on peut même parler de 'lecture hybride' où l'on passe de l'écran à divers supports imprimés et l'inverse. Mes fonctions de chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) visent à mettre ces TICE au service de la stratégie de l'Institut, pour son développement, pour renforcer encore la qualité de son enseignement, faciliter des accompagnements pédagogiques, aider au développement des relations internationales grâce aux facilités de l'échange électronique. Les TICE ne sont pas un but en soi, mais bien un outil au service d'objectifs stratégiques. Ceci passe, entre autres, par la création d'intranets pédagogiques, un renforcement de la formation en bureautique communicante pour les étudiants, les enseignants et le personnel administratif. Quant à mon activité internet, elle a divers aspects, qui sont assez différents: gestionnaire de site, formateur pour un usage à la fois réfléchi et professionnel du web, animateur, participant à des séminaires, réunions diverses sur l'internet (et l'éducation, les collectivités territoriales, etc.). Membre de l'ISOC (Internet Society), je participe aux rencontres d'Autrans." = La bibliothèque de l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan L'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan assure la formation des statisticiens pour les pays africains d'expression française. Cette formation est délivrée à travers quatre filières distinctes, conçues en fonction du niveau de recrutement des élèves: la filière ISE (ingénieurs statisticiens économistes), la filière ITS (ingénieurs des travaux statistiques), la filière AD (adjoints techniques) et la filière AT (agents techniques). A ce jour, l'ENSEA est le seul établissement de formation statistique qui délivre simultanément ces quatre types de formation à tous les pays francophones situés au sud du Sahara. L'ENSEA propose par ailleurs des actions de recyclage et de perfectionnement destinées aux cadres des administrations publiques et privées, et développe progressivement des programmes d'étude et de recherche. "Le site a été créé à la faveur d'un colloque international sur les enquêtes et systèmes d'information organisé par l'école en avril 1999, explique Bakayoko Bourahima, documentaliste. La conception et la maintenance du site ont été assurées par un coopérant français, enseignant d'informatique. Le site est actuellement hébergé par l'agence locale du Syfed (du réseau Refer de l'AUPELF-UREF - Agence universitaire de la francophonie). Le site a connu quelques difficultés de mise à jour, en raison des nombreuses occupations pédagogiques et techniques du webmestre. A ce propos, mon service, celui de la bibliothèque, a eu récemment des séances de travail avec l'équipe informatique pour discuter de l'implication de la bibliothèque dans l'animation du site. Et le service de la bibliothèque travaille aussi à deux projets d'intégration du web pour améliorer ses prestations." Bakayoko Bourahima est responsable du service de la bibliothèque. "Je m'occupe de la gestion de l'information scientifique et technique et de la diffusion des travaux publiés par l'école, écrit-il. (...) J'espère bientôt pouvoir mettre à la disposition de mes usagers un accès internet pour l'interrogation de bases de données. Par ailleurs, j'ai en projet de réaliser et de mettre sur l'intranet et sur le web un certain nombre de services documentaires (base de données thématique, informations bibliographiques, service de références bibliographiques, bulletin analytique des meilleurs travaux d'étudiants...) Il s'agit donc pour la bibliothèque, si j'obtiens les financements nécessaires pour ces projets, d'utiliser pleinement l'internet pour donner à notre école une plus grand rayonnement et de renforcer sa plate-forme de communication avec tous les partenaires possibles. En intégrant cet outil au plan de développement de la bibliothèque, j'espère améliorer la qualité et élargir la gamme de l'information scientifique et technique mise à la disposition des étudiants, des enseignants et des chercheurs, tout en étendant considérablement l'offre des services de la bibliothèque." = L'association Juriconnexion (documentation juridique) Emmanuel Barthe est documentaliste juridique et responsable informatique chez Coutrelis & Associés, un cabinet d'avocats. "Les principaux domaines de travail du cabinet sont le droit communautaire, le droit de l'alimentation, le droit de la concurrence et le droit douanier, explique-t-il. Je fais de la saisie indexation, et je conçois et gère les bases de données internes. Pour des recherches documentaires difficiles, je les fais moi-même ou bien je conseille le juriste. Je suis aussi responsable informatique et télécoms du Cabinet: conseils pour les achats, assistance et formation des utilisateurs. De plus, j'assure la veille, la sélection et le catalogage de sites web juridiques: titre, auteur et bref descriptif. Je suis également formateur internet juridique aussi bien à l'intérieur de mon entreprise qu'à l'extérieur lors de stages de formation. Auparavant, j'ai été responsable pendant cinq ans de la documentation du cabinet d'avocat Stibbe Simont Monahan Duhot & Giroux, dont j'ai mis en place les structures et les collections. J'ai également effectué une mission de six mois chez Korn/Ferry International, un important cabinet de recrutement, à l'occasion de sa fusion avec Vuchot & Associés. J'ai alors travaillé sur l'installation du nouveau système informatique et la fusion des bases de candidats gérées par les deux cabinets. Membre du conseil d'administration de Juriconnexion, je m'y suis spécialisé dans les CD-Rom puis l'internet juridique. Depuis l'automne 1999, je m'occupe de modérer et d'animer la liste de discussion Juriconnexion. L'association Juriconnexion a pour but la promotion de l'électronique juridique, c'est à dire la documentation juridique sur support électronique et la diffusion des données publiques juridiques. Elle organise des rencontres entre les utilisateurs et les éditeurs juridiques et de bases de données, ainsi qu'une journée annuelle sur un thème. Celle du 23 novembre 2000 portait sur les sites juridiques francophones. Vis-à-vis des autorités publiques, Juriconnexion a un rôle de médiateur et de lobbying à la fois. L'association, notamment, est favorable à la diffusion gratuite sur internet des données juridiques produites par le Journal officiel et les tribunaux. Les bibliothécaires-documentalistes juridiques représentent la majorité des membres de l'association, suivis par certains représentants des éditeurs et des juristes. Juriconnexion a créé la liste de discussion du même nom, qui traite des mêmes sujets mais reste ouverte aux non-membres." En mai 2001, l'association approche les 400 membres. = La médiathèque de l'Institut français de Londres L'Institut français de Londres est un organisme officiel français destiné à faire connaître la langue et la culture françaises dans la capitale britannique. 5.000 étudiants environ suivent les cours de langue chaque année, ce qui fait de cet institut l'un des plus importants instituts français au monde. Le centre culturel inclut une bibliothèque multimédia, un cinéma, une salle de conférence et un restaurant. Anissa Rachef est bibliothécaire dans cet organisme. "Je suis chargée du catalogage du fonds documentaire qui est constitué de livres, de vidéos, de disques compacts et de disques optiques ainsi que de périodiques, écrit-elle. Avant mon installation à Londres, soit de 1980 à 1983, j'ai travaillé à la bibliothèque universitaire d'Alger en qualité d'attachée de recherche. C'est d'Alger et en deux ans que j'ai préparé le DSB (diplôme supérieur des bibliothèques), diplôme de conservateur assimilé à celui de l'ENSB de Lyon (Ecole nationale supérieure des bibliothèques, devenue ensuite l'ENSSIB - Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, ndlr). Recrutée selon un statut local depuis septembre 1987 à l'Institut français de Londres, j'y exerce le métier de bibliothécaire au sein d'une équipe de huit membres. Par ailleurs, titulaire d'un diplôme de FLE (français langue étrangère), j'assure des heures d'enseignement de français dans le même institut. La médiathèque de l'Institut français de Londres fut inaugurée en mai 1996. L'objectif est double: servir un public s'intéressant à la culture et la langue françaises et 'recruter' un public allophone en mettant à disposition des produits d'appel tels que vidéos documentaires, livres audio, CD-Rom. La mise en place récente d'un espace multimédia sert aussi à fidéliser les usagers. L'installation d'un service d'information rapide a pour fonction de répondre dans un temps minimum à toutes sortes de questions posées via courrier électronique, ou par fax. Ce service exploite les nouvelles technologies pour des recherches très spécialisées. Nous élaborons également des dossiers de presse destinés aux étudiants et professeurs préparant des examens de niveau secondaire. Je m'occupe essentiellement de catalogage, d'indexation et de cotation. Je suis chargée également du service de prêt inter-bibliothèques. J'anime des ateliers in situ de catalogage UNIMARC (MARC: machine readable catalogue) ainsi que des ateliers d'indexation RAMEAU (répertoire d'autorités matières encyclopédique et alphabétique unifié). J'élabore ponctuellement des aménagements de vedettes matières propres à notre catalogue. J'utilise internet pour des besoins de base. Recherches bibliographiques, commande de livres, courrier professionnel, prêt inter-bibliothèques. C'est grâce à internet que la consultation de catalogues collectifs, tels SUDOC (Système universitaire de documentation) et OCLC (Online Computer Library Center), a été possible. C'est ainsi que que j'ai pu mettre en place un service de fourniture de documents extérieurs à la médiathèque. Des ouvrages peuvent désormais être acheminés vers la médiathèque pour des usagers ou bien à destination des bibliothèques anglaises." 11.2. Numérisation en mode texte et en mode image La numérisation du document imprimé, c'est-à-dire sa conversion sous une forme chiffrée binaire, peut être effectuée soit en mode texte, soit en mode image. La numérisation en mode texte consiste à scanner le livre puis à contrôler le résultat à l'écran en relisant le tout. Les documents originaux manquant de clarté - certains livres anciens par exemple - sont saisis ligne après ligne. Ce mode de numérisation est long, et la notion de livre ou de page n'est pas conservée, puisque le texte apparaît en continu à l'écran. Cette méthode est nettement plus coûteuse que la numérisation en mode image, mais très préférable, puisqu'elle permet la recherche textuelle, l'indexation, les recherches séquentielles, les analyses, les comparaisons, etc. C'est la méthode utilisée par le Projet Gutenberg (11.1.1), la Bibliothèque électronique de Lisieux (11.1.3), et bien d'autres. La numérisation en mode image correspond à la "photographie" du livre page après page. La notion de livre est conservée. La version informatique est en quelque sorte le fac-similé de la version imprimée. On peut donc "feuilleter" le texte page après page sur l'écran. C'est la méthode employée pour les numérisations à grande échelle, par exemple pour la constitution de Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Même si, pour des raisons de coût, la BnF a choisi la numérisation en mode image, elle utilise le mode texte pour les tables des matières, les sommaires et les légendes des corpus iconographiques, afin de faciliter la recherche plein-texte. Pourquoi ne pas tout numériser en mode texte ? La BnF répond sur le site de Gallica: "Le mode image conserve l'aspect initial de l'original y compris ses éléments non textuels. Si le mode texte autorise des recherches riches et précises dans un document et permet une réduction significatice du volume des fichiers manipulés, sa réalisation, soit par saisie soit par OCR (optical character recognition), implique des coûts de traitement environ 10 fois supérieurs à la simple numérisation. Ces techniques parfaitement envisageables pour des volumes limités ne pouvaient ici être économiquement justifiables au vu des 35.000 documents (représentant presque 15 millions de pages) mis en ligne." Selon Pierre Schweitzer, l'architecte designer qui a conçu @folio, support numérique de lecture nomade, "le mode image permet d'avancer vite et à très faible coût. C'est important car la tâche de numérisation du domaine public est immense. Il faut tenir compte aussi des différentes éditions: la numérisation du patrimoine a pour but de faciliter l'accès aux oeuvres, il serait paradoxal qu'elle aboutisse à focaliser sur une édition et à abandonner l'accès aux autres. Chacun des deux modes de numérisation s'applique de préférence à un type de document, ancien et fragile ou plus récent, libre de droit ou non (pour l'auteur ou pour l'édition), abondamment illustré ou pas. Les deux modes ont aussi des statuts assez différents: en mode texte ça peut être une nouvelle édition d'une oeuvre, en mode image c'est une sorte d''édition d'édition', grâce à un de ses exemplaires (qui fonctionne alors comme une fonte d'imprimerie pour du papier: une trace optique sur un support, numérique, c'est assez joli à réaliser). En pratique, le choix dépend bien sûr de la nature du fonds à numériser, des moyens et des buts à atteindre. Difficile de se passer d'une des deux façons de faire." L'équipe d'@folio travaille notamment sur le logiciel Mot@Mot, une passerelle entre @folio (voir 8.1) et les fonds numérisés en mode image. "La plus grande partie du patrimoine écrit existant est fixé dans des livres, sur du papier, explique Pierre Schweitzer. Pour rendre ces oeuvres accessibles sur la toile, la numérisation en mode image est un moyen très efficace. Le projet Gallica en est la preuve. Mais il reste le problème de l'adaptation des fac-similés d'origine à nos écrans de lecture aujourd'hui: réduits brutalement à la taille d'un écran, les fac-similés deviennent illisibles. Sauf à manipuler les barres d'ascenseur, ce qui nécessite un ordinateur et ne permet pas une lecture confortable. La solution proposée par Mot@mot consiste à découper le livre, mot à mot, du début à la fin (enfin, les pages scannées du livre...). Ces mots restent donc des images, il n'y a pas de reconnaissance de caractères, donc pas d'erreur possible. On obtient une chaîne d'images-mots liquide, qu'on peut remettre en page aussi facilement qu'une chaîne de caractères. Il devient alors possible de l'adapter à un écran de taille modeste, sans rien perdre de la lisibilité du texte. La typographie d'origine est conservée, les illustrations aussi." 11.3. Les bibliothèques traditionnelles sont-elles menacées? Face à un web encyclopédique et des bibliothèques numériques de plus en plus nombreuses, les jours des bibliothèques traditionnelles sont-ils comptés? Ou bien, au contraire, l'internet joue-t-il un rôle de catalyseur pour les relancer? En fait, il n'est peut-être pas très opportun d'opposer bibliothèque traditionnelle et bibliothèque numérique. Nombre de bibliothèques numériques sont créées par des bibliothèques traditionnelles à partir de leurs propres fonds. Grâce à quoi la consultation de ces fonds devient facile. Ce qui n'était pas le cas jusque-là, pour des raisons diverses: souci de conservation des documents rares et fragiles, heures d'ouverture réduites, nombreux formulaires à remplir, longs délais de communication, pénurie de personnel. Autant de barrières à franchir qui demandaient souvent au lecteur une patience à toute épreuve et une détermination hors du commun pour arriver jusqu'au document. A présent, si on tient absolument à consulter l'original, on le fait en connaissance de cause, après avoir "feuilleté" le fac-similé numérique sur le web. Autre élément à prendre en compte, la bibliothèque numérique peut enfin rendre comptatibles deux objectifs qui ne l'étaient guère, à savoir la conservation des documents et leur prêt. Dorénavant le document ne quitte son rayonnage qu'une seule fois pour être scanné, et le grand public y a facilement accès. Un exemple parmi d'autres: depuis décembre 2000, le site web de la Bibliothèque municipale de Lyon donne accès à la plus importante collection française d'enluminures médiévales, à savoir 12.000 images scannées dans 457 documents appartenant à la bibliothèque: manuscrits allant du 5e au 16e siècle, incunables ou livres de la Renaissance. Les documents sont à dominante religieuse (bibles, missels, bréviaires, pontificaux, livres d'heures, droit canon) ou profane (philosophie, histoire, littérature, sciences, etc.). Les images qui ont été numérisées - plusieurs centaines pour certains documents - sont les peintures en pleine page et les miniatures, ainsi que les initiales ornées et les décors des marges. Autre exemple significatif, depuis novembre 2000, la version numérique de la Bible de Gutenberg, premier ouvrage à avoir jamais été imprimé, est en accès libre sur le site de la British Library. Cette Bible date de 1454-1455, et elle aurait été imprimée par Gutenberg en 180 exemplaires dans son atelier de Mayence (Allemagne). 48 exemplaires, dont certains incomplets, existeraient toujours. La British Library en possède deux versions complètes, et une partielle. En mars 2000, dix chercheurs et experts techniques de l'Université Keio de Tokyo et de NTT (Nippon Telegraph and Telephone Communications) sont venus travailler sur place pendant deux semaines pour numériser ces deux Bibles, légèrement différentes, à l'aide de matériels hautement sophistiqués. La bibliothèque numérique menace-t-elle pour autant la bibliothèque traditionnelle? Il y a quelques années, sur leur site web, alors que l'internet en était encore à ses débuts, plusieurs grandes bibliothèques insistaient sur la nécessité de garder son importance à la communication physique des imprimés, manuscrits, partitions musicales, bandes sonores, etc., tout en affirmant avoir conscience de la nécessité du développement parallèle des documents numériques. Ce type de commentaires a disparu. Les rôles respectifs des bibliothèques traditionnelles et des bibliothèques numériques semblent assez clairs maintenant. Les bibliothèques nationales et autres grandes bibliothèques de conservation ont pour mission de préserver un patrimoine pluricentenaire - manuscrits, incunables, livres imprimés, collections de journaux, partitions musicales, gravures, images, photos, films, documents électroniques, etc. - accumulé au fil des siècles grâce au dépôt légal. Si le fait de disposer de supports numériques favorise à la fois la conservation et la communication, il faut bien un endroit pour stocker les documents physiques originaux, à commencer par les Bibles de Gutenberg. Les bibliothèques publiques ne semblent pas près de disparaître non plus. A l'heure actuelle, malgré l'engouement suscité par le livre électronique, pratiquement personne n'est prêt à lire Zola ou Proust à l'écran. Mais c'est peut-être une question de génération. Et la mise sur le marché d'un livre électronique bon marché, suivi du papier électronique dans quelques années, risque de changer bien des choses. Pour les bibliothèques spécialisées, par contre, le changement est nettement plus radical. Dans nombre de domaines où l'information la plus récente est primordiale, on s'interroge maintenant sur l'utilité d'aligner des documents imprimés sur des rayonnages, alors qu'il est tellement plus pratique de rassembler, stocker, archiver, organiser, cataloguer et diffuser des documents électroniques, et de les imprimer seulement à la demande. L'avenir sera-t-il les bases de données numériques décrites dans les dernières pages de Chaos et cyberculture (éditions du Lézard, 1997) de Timothy Leary, philosophe et visionnaire? "Toute l'information du monde est à l'intérieur. Et grâce au cyberespace, tout le monde peut y avoir accès. Tous les signaux humains contenus jusque-là dans les livres ont été numérisés. Ils sont enregistrés et disponibles dans ces banques de données, sans compter tous les tableaux, tous les films, toutes les émissions de télé, tout, absolument tout." Reste à savoir si la consultation sera gratuite ou payante. 12. APPRENDRE ET ENSEIGNER [Dans ce chapitre:] [12.1. Dictionnaires et encyclopédies en ligne // 12.2. Bases de données en ligne // 12.3. L'université et le numérique / L'Université de Caen / La Webster University de Genève / L'Université de Lausanne / L'Université de Tokyo / L'Université de Toronto // 12.4. Les perspectives] 12.1. Dictionnaires et encyclopédies en ligne Un des premiers dictionnaires disponibles gratuitement sur le web est le Dictionnaire universel francophone en ligne, qui correspond à la partie "noms communs" de la version imprimée du dictionnaire du même nom, issu de la collaboration d'Hachette avec l'AUPELF-UREF (Agence universitaire de la francophonie), et publié par Hachette Edicef. Cette partie "noms communs" répertorie 45.000 mots et 116.000 définitions. Elle présente "sur un pied d'égalité, le français dit 'standard' et les mots et expressions en français tel qu'on le parle sur les cinq continents". Pour la langue anglaise, le site Merriam-Webster OnLine permet l'accès libre au Collegiate Dictionary et au Collegiate Thesaurus, deux ouvrages de référence. La fin 1999 marque le saut du papier au numérique pour plusieurs encyclopédies de renom. En décembre 1999, les éditions Atlas mettent en ligne gratuitement sur le web leur encyclopédie WebEncyclo. La recherche est possible par mots-clefs, thèmes, médias (cartes, liens internet, photos, illustrations) et idées. Depuis les débuts du site, un appel à contribution incite les spécialistes d'un sujet donné à envoyer des articles. Décembre 1999 voit aussi la mise en ligne du site Britannica.com, qui propose en accès libre et gratuit l'équivalent des 32 volumes de la 15e édition de l'Encyclopaedia Britannica (dont la version imprimée est toujours disponible au prix de 1.250 $US, soit 1.320 euros). Le site propose aussi l'actualité mondiale, une sélection d'articles de 70 magazines, un guide des meilleurs sites web (plus de 125.000 sites), une sélection de livres, etc., le tout étant accessible à partir d'un moteur de recherche unique. Depuis septembre 2000, le site fait partie des cent sites les plus visités au monde. En ligne aussi, l'ensemble du fonds documentaire de l'Encyclopaedia Universalis, soit 28.000 articles signés par 4.000 auteurs. La consultation est payante sur la base d'un abonnement annuel, mais de nombreux documents sont également en accès libre. Disponible depuis mars 2000 en consultation payante, la version en ligne des 20 volumes du célèbre Oxford English Dictionary bénéficie d'une mise à jour trimestrielle d'environ 1.000 entrées nouvelles ou révisées. Le Quid, encyclopédie en un volume réactualisée une fois par an depuis 1963, met de nombreux documents en accès libre sur le web. Encarta, la fameuse encyclopédie de Microsoft, est en accès libre et gratuit depuis septembre 2000. Toujours en accès libre, Eurodicautom, proposé par le Service de traduction de la Commission européenne, est un dictionnaire multilingue de termes économiques, scientifiques et techniques, juridiques, etc., relatifs aux divers champs d'activité de l'Union européenne. Il permet des combinaisons entre ses onze langues officielles (allemand, anglais, danois, espagnol, finnois, français, grec, hollandais, italien, portugais et suédois), ainsi que le latin. Réalisé par l'Office de la langue française du Québec, Le Signet est dénommé à juste titre "la référence branchée en terminologie". Il donne accès à six mille fiches bilingues français-anglais dans le secteur des technologies de l'information. TERMITE est la base de données quadrilingue (anglais, espagnol, français et russe) de la Section de traduction de l'Union internationale des télécommunications (UIT). Composée de 59.000 entrées, elle est alimentée à la fois par les traducteurs de l'UIT et des spécialistes des télécommunications extérieurs à l'UIT. Moins d'un an après la mise en ligne gratuite d'encyclopédies générales de renom, autre évènement: la mise en ligne gratuite en septembre 2000 du Grand dictionnaire terminologique (GDT), qui rassemble un fonds terminologique de 3 millions de termes français et anglais du vocabulaire industriel, scientifique et commercial, dans 2.000 domaines d'activité. Ce fonds équivaudrait à 3.000 ouvrages de référence imprimés. Sa mise en ligne est le résultat d'un partenariat entre l'Office de la langue française du Québec, auteur du dictionnaire, et la société Semantix, spécialisée dans la mise au point de solutions logicielles pour l'intégration de fonctions linguistiques. Cette mise en ligne est un succès: un mois plus tard, le GDT a été consulté par 1,3 million de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. "Nous croyons que la nouvelle de l'accessibilité à un dictionnaire terminologique bilingue gratuit dans internet s'est répandue comme une traînée de poudre parmi les internautes, qui se communiquent très rapidement les nouvelles, explique Francis Malka, fondateur et chef de la direction technologique de Semantix (cité par l'AFP). Nous recevons des requêtes de partout à travers le globe, même si la grande majorité des requêtes provient du Canada." Dictionnaires électroniques, une liste établie par la section française des services linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse, répertorie de façon aussi exhaustive que possible les meilleurs dictionnaires monolingues, bilingues et multilingues. Elle est complétée par des répertoires d'abréviations et d'acronymes et des répertoires d'informations géographiques. Responsable de la section française des services linguistiques, Marcel Grangier explique: "Conçu d'abord comme un service intranet, notre site web se veut au service d'abord des traducteurs opérant en Suisse, qui souvent travaillent sur la même matière que les traducteurs de l'administration fédérale, mais également, par certaines rubriques, au service de n'importe quel autre traducteur où qu'il se trouve. Les dictionnaires électroniques ne sont qu'une partie de l'ensemble, et d'autres secteurs documentaires ont trait à l'administration, au droit, à la langue française, etc., sans parler des informations générales." "Travailler sans internet est devenu tout simplement impossible, ajoute Marcel Grangier. Au-delà de tous les outils et commodités utilisés (messagerie électronique, consultation de la presse électronique, activités de services au profit de la profession des traducteurs), internet reste pour nous une source indispensable et inépuisable d'informations dans ce que j'appellerais le "secteur non structuré" de la toile. Pour illustrer le propos, lorsqu'aucun site comportant de l'information organisée ne fournit de réponse à un problème de traduction, les moteurs de recherche permettent dans la plupart des cas de retrouver le chaînon manquant quelque part sur le réseau." D'autres outils utiles sont les moteurs permettant la recherche dans plusieurs dictionnaires. Proposé par Foreignworld.com, DictSearch est un moteur de recherche dans 200 dictionnaires de langues (67 langues source et 69 langues cible, soit plus de 300 combinaisons de langues en juillet 2001). Le Logos Dictionary, dictionnaire multilingue de plus de 7,5 millions d'entrées, est un des outils linguistiques proposés par Logos, société de traduction internationale basée à Modène (Italie). Créé par Robert Ware, OneLook Dictionaries est un moteur de recherche puisant dans les quelque 3 millions de mots de 750 dictionnaires (en anglais, français, allemand, italien, espagnol, etc.) traitant de sujets divers (affaires, argot, généralités, informatique et internet, médecine, religion, sciences, sports, technologie, etc.). Son correspondant français est Dicorama. On assiste enfin au développement de portails de dictionnaires. Par exemple yourDictionary.com, créé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de son ancien site, "A Web of Online Dictionaries", maintenant intégré à celui-ci. Consacré aux dictionnaires - 1.500 dictionnaires dans 230 langues - et aux langues en général (vocabulaires, grammaires, apprentissage des langues, etc.), yourDictionary.com se veut le portail de toutes les langues sans exception. Il accorde une importance particulière aux langues minoritaires et menacées. 12.2. Bases de données en ligne Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto, est le créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. Un pas de plus est franchi vers l'autonomisation de l'usager comme créateur de ressources en ligne, souligne-t-il en mai 2001. "La dernière version de TACTweb, récemment installée sur un serveur de l'Université de Toronto, permet dorénavant de construire des bases interactives importantes comme les dictionnaires de la Renaissance (Estienne et Nicot ; base RenDico), les deux principales éditions du Dictionnaire de l'Académie française (1694 et 1835), les collections de la Bibliothèque électronique de Lisieux (base LexoTor), les oeuvres complètes de Maupassant, ou encore les théâtres complets de Corneille, Molière, Racine, Marivaux et Beaumarchais (base théâtre 17e-18e). À la différence de grosses bases comme Frantext ou ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language) nécessitant l'intervention d'informaticiens professionnels, d'équipes de gestion et de logiciels coûteux, TACTweb, qui est un gratuiciel que l'on peut décharger en ligne et installer soi-même, peut être géré par le chercheur individuel créateur de ressources textuelles en ligne." A la suite de l'INaLF (Institut national de la langue française), scindée en deux organismes distincts en janvier 2001, l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français) développe des programmes de recherche sur la langue française, principalement son vocabulaire. Traitées par des systèmes informatiques spécifiques, les données (lexicales et textuelles) portent sur divers registres du français: langue littéraire (du 14e au 20e siècle), langue courante (écrite et parlée), langue scientifique et technique (terminologies), et régionalismes. Les bases de données de l'ATILF comprennent notamment: a) Frantext, un corpus à dominante littéraire constitué de textes français qui s'échelonnent du 16e au 20e siècle. Sur l'intégralité du corpus, il est possible d'effectuer des recherches simples ou complexes (base non catégorisée). Sur un sous-ensemble comportant des oeuvres en prose des 19e et 20e siècles, les recherches peuvent également être effectuées selon des critères syntaxiques (base catégorisée); b) l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, en collaboration avec l'ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language) de l'Université de Chicago. Il s'agit de la version internet de la première édition, à savoir 17 volumes de texte et 11 volumes de planches; c) Dictionnaires d'autrefois (16e-19e siècles): Dictionnaires de l'Académie française, 1e (1694), 5e (1798), et 6e (1835) éditions, Dictionarium latinogallicum de Robert Estienne, Thresor de la langue françoyse (versions ancienne et moderne) de Jean Nicot, Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle; d) le Catalogue critique des ressources textuelles sur internet (CCRTI), un ensemble de sites qui diffusent des ressources textuelles en ligne sur le web, sélectionnés en fonction de leur sérieux sur le plan du traitement éditorial et du traitement numérique des textes; e) le Dictionnaire de l'Académie française, 8e édition (1932). "L'avenir me semble prometteur en matière de publications de ressources en ligne, même si, en France tout au moins, bon nombre de résistances, inhérentes aux systèmes universitaire et éditorial, ne risquent pas de céder du jour au lendemain (dans dix-vingt ans, peut-être?), écrit Emilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris. Ce qui me donne confiance, malgré tout, c'est la conviction de la nécessité pratique d'internet. J'ai du mal à croire qu'à terme, un chercheur puisse se passer de cette gigantesque bibliothèque, de ce formidable outil. Ce qui ne veut pas dire que les nouvelles pratiques de recherche liées à internet ne doivent pas être réfléchies, mesurées à l'aune de méthodologies plus traditionnelles, bien au contraire. Il y a une histoire de l''outillage', du travail intellectuel, où internet devrait avoir sa place." Dans un tout autre registre, l'Ethnologue, une encyclopédie des langues, a mis la totalité de son contenu en accès libre sur le web, ce qui ne l'empêche pas d'être également diffusée en version imprimée et sur CD-Rom, tous deux payants. Cette encyclopédie très documentée répertorie 6.700 langues, avec de multiples critères de recherche. Barbara F. Grimes, sa directrice de publication entre 1971 et 2000 (8e-14e éditions), explique: "Il s'agit d'un catalogue des langues dans le monde, avec des informations sur les endroits où elles sont parlées, une estimation du nombre de personnes qui les parlent, la famille linguistique à laquelle elles appartiennent, les autres noms utilisés pour ces langues, les noms de dialectes, d'autres informations socio-linguistiques et démographiques, les dates des Bibles publiées, un index des noms de langues, un index des familles linguistiques et des cartes géographiques relatives aux langues." Autre exemple, Rubriques à Bac, créée par Gérard Fourestier, professeur de français à Nice et diplômé en science politique. Rubriques à Bac propose deux bases de données accessibles par souscription, avec version démo en accès libre, à destination des étudiants du premier cycle universitaire et de leurs professeurs. La première, ELLIT (Éléments de littérature), a trait à la littérature française du 12e siècle à nos jours et regroupe plus de 350 articles liés entre eux par 8.500 liens, ainsi qu'un répertoire de 450 auteurs qui ont joué un rôle majeur dans la formation de cette littérature. La deuxième, RELINTER (Relations internationales depuis 1945), recense plus de 2.000 liens sur l'évolution de la situation du monde contemporain de la deuxième guerre mondiale à nos jours. "Rubriques à Bac est une branche des activités du GRIMM (Groupe de recherche et d'information sur le multimédia), explique Gérard Fourestier. Le GRIMM est un groupement associatif de personnes physiques et morales qui pratiquent la recherche et l'information sur l'informatique, le multimédia et la communication. Cependant, les perspectives ouvertes par une fréquentation du site en progression rapide, et compte tenu de la mission que j'ai assignée aux recettes de cette activité, à savoir la réalisation de projets éducatifs en Afrique, Rubriques à Bac se constituera prochainement en entité juridique propre." Quel est l'historique du site? "Le site de Rubriques à Bac a été créé en 1998 pour répondre au besoin de trouver sur le net, en un lieu unique, l'essentiel, suffisamment détaillé et abordable par le grand public, dans le but: a) de se forger avant tout une culture tout en préparant à des examens probatoires à des études de lettres - c'est la raison d'ELLIT (Eléments de littérature), base de données en littérature française; b) de comprendre le monde dans lequel nous vivons en en connaissant les tenants et les aboutissants, d'où RELINTER (Relations internationales). J'ai développé ces deux matières car elles correspondent à des études que j'ai, entre autres, faites en leur temps, et parce qu'il se trouve que, depuis une dizaine d'années, j'exerce des fonctions de professeur dans l'enseignement public (18 établissements de la 6e aux terminales de toutes sections et de tous types d'établissements). Faute de temps, je n'ai pu réaliser que ces deux thèmes, mais je ne désespère pas de développer aussi d'autres sujets qui font partie de ma panoplie universitaire et d'autodidacte curieux de tout comme la philosophie, l'analyse sociétale, l'analyse sémantique ou encore l'écologie, et que je tiens 'au chaud dans mes cartons'. Ceci étant, je suis à l'affût de toutes autres idées, venant d'ailleurs, pour ne me réserver alors que la supervision du contenu mis en forme, la dernière main dans la réalisation informatique et la gestion en tant que site spécialisé. Pour l'instant et faute de mieux, en raison de mon âge, la cinquantaine, et non de mes compétences, je m'occupe de mes élèves en les préparant à leurs examens tout en leur donnant envie d'être utiles, ne serait-ce que pour eux-mêmes et en leur apportant le sens des responsabilités, en un mot un message humaniste. J'aime ce métier car, pour moi, le savoir, ça se donne, et le maître, comme en boudhisme, ne peut avoir qu'un seul but: que son élève le dépasse. En outre, alors que j'ai eu dans le passé d'importantes fonctions de fondé de pouvoir, et que j'ai dirigé pour mon compte quelques entreprises, je suis maître à bord dans mes classes et j'organise mon travail comme je l'entends. C'est pour moi essentiel. (...) Mon activité liée à internet consiste tout d'abord à en sélectionner les outils, puis à savoir les manier pour la mise en ligne de mes travaux et, comme tout a un coût et doit avoir une certaine rentabilité, organiser le commercial qui permette de dégager les recettes indispensables; sans parler du butinage indispensable pour la recherche d'informations qui seront ensuite traitées. (...) Mon initiative à propos d'internet n'est pas directement liée à mes fonctions de professeur. J'ai simplement voulu répondre à un besoin plus général et non pas étroitement scolaire, voire universitaire. Débarrassé des contraintes du programme, puisque j'agis en mon nom et pour mon compte et non 'es-qualité', mais tout en en donnant la matière grise qui me paraît indispensable pour mieux faire une tête qu'à la bien remplir, je laisse à d'autres le soin de ne préparer qu'à l'examen." 12.3. L'université et le numérique Voici quelques expériences de par le monde, provenant de professionnels des Universités de Caen, Genève, Lausanne, Tokyo et Toronto. = L'Université de Caen Directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen (CRIUC), Gérard Jean-François est chargé de l'exploitation et du développement des technologies de la communication pour la recherche et la pédagogie. "L'Université de Caen Basse-Normandie compte 24.000 étudiants, écrit-il. Elle est unique, donc pluridisciplinaire pour la région. De ce fait, elle est répartie sur une douzaines de sites. Les activités principales sont évidemment l'enseignement et la recherche. Mon activité professionnelle consiste à effectuer la veille technologique et à mettre en place les moyens nécessaires à l'activité de l'établissement. Ces moyens sont essentiellement le réseau de communication, les serveurs et les équipements individuels. Sur ces équipements sont mis en place les services (messageries, bases de données, visioconférence...) nécessaires aux utilisateurs (étudiants, enseignants/chercheurs, personnels techniques et administratifs). Par rapport à internet, je me dois de fournir l'accès internet à l'ensemble de l'établissement mais également législation en appliquant toutes les mesures de sécurité qui incombent à mon rôle de responsable sécurité du système informatique." = La Webster University de Genève Henri Slettenhaar est spécialiste des technologies de la communication. En 1958, dans le cadre du CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules), il travaille sur le premier ordinateur numérique et il participe au développement des premiers réseaux numériques. Son expérience américaine débute en 1966: il rejoint pendant dix-huit mois une équipe du Stanford Linear Accelerator Center (SLAC) pour créer un numérisateur de film. De retour au SLAC en 1983, il conçoit un système numérique de contrôle qui sera utilisé pendant dix ans. Depuis près de vingt ans, il est professeur à la Webster University de Genève. Dans ce cadre, il dirige le Telecom Management Program, programme créé à l'automne 2000 pour répondre à la nécessité de former les étudiants dans un domaine en pleine expansion. Il est également consultant auprès de nombreux organismes. En 1992, Henri Slettenhaar crée la Silicon Valley Association (SVA), une association suisse qui organise des voyages d'étude dans des pôles de haute technologie: Silicon Valley, San Francisco, Los Angeles, Finlande, etc. Outre des visites de sociétés, start-up, universités et centres de recherche, ces voyages comprennent des conférences, présentations et discussions portant sur les nouvelles technologies de l'information (internet, multimédia, télécommunications, etc.), les derniers développements de la recherche et de ses applications, et les méthodes les plus récentes en matière de stratégie commerciale et de création d'entreprise. "Je ne peux pas imaginer ma vie professionnelle sans l'internet, écrit Henri Slettenhaar. Cela fait vingt ans que j'utilise le courrier électronique. Les premières années, c'était le plus souvent pour communiquer avec mes collègues dans un secteur géographique très limité. Depuis l'explosion de l'internet et l'avènement du web, je communique principalement par courrier électronique, mes conférences sont en grande partie sur le web et mes cours ont tous un prolongement sur le web. En ce qui concerne les visites que j'organise dans la Silicon Valley, toutes les informations sont disponibles sur le web, et je ne pourrais pas organiser ces visites sans utiliser l'internet. De plus, l'internet est pour moi une fantastique base de données disponible en quelques clics de souris." = L'Université de Lausanne Pierre Magnenat est responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne. Lors d'un entretien électronique, il relate son parcours professionnel: "Mathématicien de formation, je me suis ensuite orienté vers la recherche en astrophysique à l'Observatoire de Genève, domaine dans lequel j'ai obtenu mon doctorat en 1982. Le sujet en était l'étude de la stabilité des orbites dans des modèles numériques de galaxies, ce qui m'a conduit à développer un usage intense de l'informatique, et m'a peu à peu dirigé totalement vers cette branche encore neuve à l'époque. En 1985, j'ai accordé mes actes à mes préférences et suis parti travailler chez un constructeur informatique. J'ai rejoint l'Université de Lausanne en 1990 pour occuper le poste où je suis encore. L'Université de Lausanne est une université généraliste fondée en 1537 (théologie, droit, lettres, sciences sociales, HEC (hautes études commerciales), sciences (maths, physique, chimie, biologie, sciences de la terre, pharmacie) et médecine. Elle comprend environ 10.000 étudiants et 2.200 chercheurs. Dès le début du web, un premier site a été créé par le personnel du centre informatique (en 1995). Chaque faculté, section ou institut s'y est mis par la suite, sans réelle unité et cohérence. Par la suite, certaines règles d'édition ont été établies, et le site remanié à plusieurs reprises avec l'aide de graphistes et d'une personne en charge de fédérer les informations. Nous avons été la première université suisse (voire européenne?) à permettre l'immatriculation des nouveaux étudiants par le web. Depuis, les applications administratives (ressources humaines, finances, grades, etc.) sont les unes après les autres adaptées à un usage par le web. Pour le futur proche, nous étudions la mise en place d'un portail dont l'accès sera personnalisé et adapté aux tâches et désirs de chacun, étudiants, personnel ou visiteur. Il permettra également un accès authentifié aux applications administratives." En quoi consiste exactement son activité? "Je dirige la centrale d'achats informatiques de l'université. A ce titre, je définis des normes techniques, je procède aux appels d'offres et gère l'entretien du parc, ainsi que les contrats de licences de logiciels. Je suis également responsable de l'établissement et de la gestion des budgets informatiques centraux. Une bonne part de mon activité est ainsi liée à des aspects de prospective et de veille technologique. Bien avant l'arrivée du web, internet était déjà un outil essentiel à mon activité: courrier électronique, information par Usenet News puis gopher. Chaque développement nouveau de l'internet nous a permis de mettre en place des outils facilitant la vie de nos utilisateurs (listes de prix et configurations, formulaires de commandes, inventaires en ligne, etc.) tout comme la nôtre (contacts fournisseurs, informations techniques, etc.). Par ailleurs, cet usage a déteint dès le début sur mes activités personnelles (IRC, news, etc.), pour aboutir à un usage fréquent du commerce électronique et de la bourse en ligne." = L'Université de Tokyo Professeur de français, de littérature française et d'applications informatiques dans des universités japonaises, à Tokyo et Nagoya, Patrick Rebollar utilise l'ordinateur pour la recherche et l'enseignement depuis plus de dix ans. En 1994, il voit apparaître l'internet "dans le champ culturel et linguistique francophone". En 1996, il débute un site web de recherches et activités littéraires. En octobre 1999, il devient le modérateur de LITOR (Littérature et ordinateur), liste de diffusion francophone créée en octobre 1999 par l'équipe de recherche Hubert de Phalèse de l'Université Paris 3, et qui comptait en janvier 2000 près de 180 membres, majoritairement des universitaires d'une douzaine de pays. En juillet 1998, Patrick Rebollar expose l'impact de l'internet sur sa vie professionnelle: "Mon travail de recherche est différent, mon travail d'enseignant est différent, mon image en tant qu'enseignant-chercheur de langue et de littérature est totalement liée à l'ordinateur, ce qui a ses bons et ses mauvais côtés (surtout vers le haut de la hiérarchie universitaire, plutôt constituée de gens âgés et technologiquement récalcitrants). J'ai cessé de m'intéresser à certains collègues proches géographiquement mais qui n'ont rien de commun avec mes idées, pour entrer en contact avec des personnes inconnues et réparties dans différents pays (et que je rencontre parfois, à Paris ou à Tokyo, selon les vacances ou les colloques des uns ou des autres). La différence est d'abord un gain de temps, pour tout, puis un changement de méthode de documentation, puis de méthode d'enseignement privilégiant l'acquisition des méthodes de recherche par mes étudiants, au détriment des contenus (mais cela dépend des cours). Progressivement, le paradigme réticulaire l'emporte sur le paradigme hiérarchique - et je sais que certains enseignants m'en veulent à mort d'enseigner ça, et de le dire d'une façon aussi crue. Cependant ils sont obligés de s'y mettre..." En janvier 2000, son activité s'articule autour de trois pôles: "veille technologique et culturelle, enseignement assisté par ordinateur, création de pages littéraires pédagogiques (mise en ligne en février ou mars 2000 d'une oeuvre de Balzac, L'Illustre Gaudissart, avec notes de lecture préparées par des étudiants japonais en doctorat pendant l'année universitaire 1999). Pour réaliser ce document balzacien, nous avons travaillé dans une salle entièrement informatisée de l'Université Gakushuin (Tokyo) et nous avons utilisé majoritairement des données en ligne (Dictionnaire de l'Académie française, index de Balzac, cédérom Littré, etc.)." = L'Université de Toronto Professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto, Russon Wooldridge est le créateur de sites dans le domaine des études françaises, dont le Net des études françaises (site sur lequel le livre que vous êtes en train de lire est publié). Il est également éditeur en ligne (revue, actes de colloques) et chercheur (histoire de la langue, évolution des médias du papier et du web). Son activité consiste à "aider les étudiants à vivre en français (cours de langue de première année du 1er cycle d'études, par exemple), à perfectionner leurs compétences linguistiques (cours de traduction de quatrième année du 1er cycle, par exemple), à approfondir leur connaissance de domaines spécifiques du savoir exprimés en français (cours et thèses de 2e et 3e cycles) et, à tous les niveaux, à se servir des outils appropriés." "Mes activités de recherche, autrefois menées dans une tour d'ivoire, se font maintenant presque uniquement par des collaborations locales ou à distance, explique-t-il. (...) Tout mon enseignement exploite au maximum les ressources d'internet (le web et le courriel): les deux lieux communs d'un cours sont la salle de classe et le site du cours, sur lequel je mets tous les matériaux des cours. Je mets toutes les données de mes recherches des vingt dernières années sur le web (réédition de livres, articles, textes intégraux de dictionnaires anciens en bases de données interactives, de traités du 16e siècle, etc.). Je publie des actes de colloques, j'édite un journal, je collabore avec des collègues français, mettant en ligne à Toronto ce qu'ils ne peuvent pas publier en ligne chez eux." 12.4. Les perspectives En juin 1998, Christiane Jadelot, ingénieur d'études à l'INaLF (Institut national de la langue française), insiste sur la nécessité d'"équiper de plus en plus de laboratoires avec du matériel de pointe, qui permette d'utiliser tous ces médias. Nous avons des projets en direction des lycées et des chercheurs. Le ministère de l'Education nationale a promis de câbler tous les établissements, c'est plus qu'une nécessité nationale. J'ai vu à la télévision une petite école dans un village faisant l'expérience de l'internet. Les élèves correspondaient avec des écoles de tous les pays, ceci ne peut être qu'une expérience enrichissante, bien sûr sous le contrôle des adultes formés pour cela." En septembre 1998, Robert Beard, co-fondateur de yourDictionary.com, portail pour les langues, insiste sur le fait que "l'internet nous offrira tout le matériel pédagogique dont nous pouvons rêver, y compris des notes de lecture, exercices, tests, évaluations et exercices interactifs plus efficaces que par le passé parce que reposant davantage sur la notion de communication. Le web sera une encyclopédie du monde faite par le monde pour le monde. Il n'y aura plus d'informations ni de connaissances utiles qui ne soient pas diponibles, si bien que l'obstacle principal à la compréhension internationale et interpersonnelle et au développement personnel et institutionnel sera levé. Il faudrait une imagination plus débordante que la mienne pour prédire l'effet de ces développements sur l'humanité." "Il va falloir inventer et organiser les nouveaux métiers de la formation (éditeur, médiateur, tuteur, évaluateur ...) et les faire prendre en compte dans les institutions de formation", écrit en décembre 1999 Jacques Trahand, vice-président de l'Université Mendès France de Grenoble. Quelles sont les perpectives en 2001? Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne: "L'usage de l'internet va encore s'intensifier, tout comme ses aspects intranet au sein de notre institution. En particulier, l'apparition des 'campus virtuels' proposant des enseignements à distance et/ou collaboratifs va bouleverser l'usage que l'on en fait jusqu'à maintenant, exigeant des bandes passantes considérablement plus grandes. La téléconférence, déjà mise en place par ATM (asynchronous transfer mode) entre les Universités de Lausanne et Genève, va également s'étendre, exigeant elle aussi des moyens considérables et très sécurisés (par exemple pour les diagnostics médicaux à distance, voire la téléchirurgie)." Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto: "Il est crucial que ceux qui croient à la libre diffusion des connaissances veillent à ce que le savoir ne soit pas bouffé, pour être vendu, par les intérêts commerciaux. Ce qui se passe dans l'édition du livre en France, où on n'offre guère plus en librairie que des manuels scolaires ou pour concours (c'est ce qui s'est passé en linguistique, par exemple), doit être évité sur le web. Ce n'est pas vers les Amazon.com qu'on se tourne pour trouver la science désintéressée." Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa: "Il faut saluer la décision du MIT (Masachusetts Institute of Technology) de placer tout le contenu de ses cours sur le web d'ici dix ans, en le mettant gratuitement à la disposition de tous. Entre les tendances à la privatisation du savoir et celles du partage et de l'ouverture à tous, je crois en fin de compte que c'est cette dernière qui va l'emporter." 13. QUEL AVENIR POUR L'IMPRIME? [Dans ce chapitre:] [13.1. L'imprimé vu par les auteurs // 13.2. L'imprimé vu par les bibliothécaires-documentalistes // 13.3. L'imprimé vu par les éditeurs // 13.4. L'imprimé vu par les gestionnaires // 13.5. L'imprimé vu par les linguistes // 13.6. L'imprimé vu par les professeurs // 13.7. L'imprimé vu par les spécialistes du numérique] Nous vivons une période transitoire, marquée par la généralisation des documents numériques et la numérisation à grande échelle des documents imprimés. Comme on le verra dans les lignes qui suivent, si les professionnels du livre reconnaissent tous les nombreuses qualités pratiques du numérique dans leur vie professionnelle, certains utilisent encore beaucoup leur imprimante et tout autant les documents imprimés. A titre personnel, pour des raisons aussi bien pratiques que sentimentales, pratiquement personne ne peut se passer du livre imprimé, et encore moins de ce matériau extraordinaire qu'est le papier. Reste à attendre quelques années, lorsque le papier électronique permettra de concilier dans un même support les avantages du numérique et le plaisir irremplaçable du papier. 13.1. L'imprimé vu par les auteurs Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte, utilise encore beaucoup de documents papier. "A l'heure actuelle, il semble que l'internet soit encore considéré majoritairement comme un outil de travail, ou au mieux, comme un outil de consultation de documentation, d'infos en ligne, ou de services (réservations, prix, achats en ligne). Pas encore de loisir proprement dit, à part pour une minorité d'addicts de jeux, de free TV, de téléchargements musicaux ou de... sexe virtuel... La principale raison à cet état de fait est technique. La majorité des équipements se trouve dans les bureaux, et les connexions permanentes (câble, ADSL...) sont loin d'être majoritaires. Ce détour pour constater que le meilleur outil de lecture reste le livre, qu'on peut emporter n'importe où. Dans ma pratique professionnelle, et celle de la plupart de mes correspondants dans les médias, toute la création de documents (projets, scénarios, contrats, devis...) passe par l'ordinateur, les textes circulent par e-mail et attachements, mais leur lecture et/ou analyse passe par les tirages papier. Rares sont ceux qui échangent directement les infos sans ce passage obligé. Il faut une tournure d'esprit particulière pour arriver à envisager globalement un document, l'analyser, le corriger, sans l'imprimer. Par mon activité web, je m'y exerce, et ce n'est au fond pas désagréable du tout." Les jours du papier sont-ils comptés? "Il n'est pas impossible que, si on assiste à une véritable généralisation de l'e-book, ou à travers les Psion, Palm, WAP, UMTS (universal mobile telecommunications system)... qui sait, le papier finisse par être détrôné. Mais dans l'état actuel, le papier ne me paraît pas mort. Les premiers qui auront à souffrir, me semble-t-il, ce sont les journaux. Puisque la fonction info et service est déjà très répandue sur le net, via les sites des journaux eux-mêmes. Les grands médias sont en train de s'embarquer dans ce train-là, voir les sites de TF1, Canal+, etc... Les autres (l'édition principalement) passeront encore longtemps par l'étape tirage papier... Mais il se passe quelque chose via les sites de webtertainment dont je parlais plus haut, des habitudes se prennent, surtout chez les jeunes. Et là, une initiative comme la nôtre pourrait participer à un changement de la donne. En effet, l'activité proprement mail est un phénomène sociologique incontestable qui s'explique par une certaine dépersonnalisation des contacts permettant aux jeunes d'oser dire plus facilement ce qu'ils ont à dire. Paradoxalement, le texte qu'ils ont écrit leur paraît être une personnalisation de leur discours, puisqu'il existe sous forme écrite. Enfin, les fonctions envoi et retour confirment l'existence de leur discours, puisqu'il est lu, et qu'on y répond. Dans ces échanges-là, le papier a déjà complètement disparu. L'exploration de ces formes de discours par nos personnages est donc en pointe. Et leur communication à un large public un réel enjeu." Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet: "Disons que, dans mon cas, l'utilisation du support papier est plus sélective. Pour mes besoins, j'imprime parfois un document récupéré en ligne car le papier est une 'interface de lecture' des plus portables. Sans connexion, sans piles, sans attirail technique, on transporte le document où on veut, on l'annote, on le partage, on le donne, on le récupère, puis il peut prendre facilement le chemin du bac de recyclage. Côté des journaux et périodiques, j'en consomme moins qu'avant mon utilisation régulière d'internet (1991). Mais là encore, c'est sélectif. Le seul périodique que j'achète régulièrement est le mensuel Wired. Je n'ai jamais été abonné, je l'achète en kiosque, c'est comme voter avec son fric pour le changement. Pour ce qui est des livres, comme je suis en guerre perpétuelle avec le temps, j'ai peu l'occasion de lire. Au cours de mes vacances, cet été, j'ai acheté des livres de cyberlibraires et je les ai fait livrer poste restante au bureau de poste du village où j'étais. Entre trois à cinq jours pour la livraison, c'est génial." Les jours du papier sont-ils comptés? "Le cinéma n'a pas sonné la mort des spectacles sur scène et des arts d'interprétation, pas plus que la radio. La télévision n'a pas relégué aux oubliettes le cinéma, au contraire, elle a contribué à une plus grande diffusion des films. Même chose pour la vidéocassette. Les technologies se succèdent, puis cohabitent. Je crois qu'il en sera de même pour le papier. Il est certain que son rôle et ses utilisations seront modifiés, que certains contenus demeureront plus portables et conviviaux sur papier, il y aura des ajustements." Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures multimédias: "C'est toujours une question, une frustration, cette impossibilité du papier à entrer dans la machine! Les dispositifs d'annotation informatique sont pourtant loin d'égaler ceux, analogiques, de la lecture papier: post-it, pages cornées, notes en marge, photocopies commentées, agrandies, modifiées, partagées... que j'utilise - comme beaucoup - en nombre. Tous ces procédés sont des bricolages, les morceaux de papier pris sur des nappes au déjeuner, dans les pages 'notes' des agendas, mais ils sont la base d'un processus de mémorisation, d'appropriation personnelle. (Voir pour s'en convaincre la gestion archaïque des signets sur les deux navigateurs les plus modernes. Il faut aller voir des navigateurs de recherche comme Nestor de Romain Zeiliger pour voir pris en compte l'annotation comme processus cognitif et la représentation spatiale comme mode d'organisation des données complexes.) C'est là la question la moins bien prise en compte dans les dispositifs numériques où la mémoire prise en compte est celle de la machine et du logiciel, pas celle de nos cheminements intimes." Les jours du papier sont-ils comptés? "Les 'outils numériques' deviendront peut-être peu à peu les objets banals de notre quotidien ; en attendant ce(s) jour(s), la souplesse des usages du papier n'a pas encore son pareil, je crois. Les débuts des années 80 avaient annoncé la mort du support papier: son usage - et sa consommation - se sont vus multipliés. Le papier semble devoir être encore la surface-support de confort pour la lecture séquentielle, mais pour l'écriture numérique? On peut se poser la question, l'évolution lente mais inexorable des pratiques - et des outils d'écriture - entraîne forcément la lecture vers l'ailleurs des dispositifs interactifs. La tendance qui s'amorce sur le web - mais est-ce que cela dépassera le stade de tendance? - est la double écriture (et donc la double lecture ) proposée. De plus en plus de sites sont faits pour satisfaire une expérience interactive mais proposent aussi leurs contenus 'de fond' sous forme de fichiers Acrobat, donc mis en forme, designés pour l'impression individuelle sur papier. Une écriture interactive génère ses systèmes, dispositifs, mises en relation, en espaces, en interaction... et ses appareils de lecture. Les nouvelles oeuvres se lisent sur un micro-ordinateur - connecté ou non - pensons à la spécificité des Machines à écrire de Antoine Denize, de Puppet Motel de Laurie Anderson, de Ceremony of Innocence de Peter Gabriel/Nick Bantock. Mais on peut aussi penser - et espérer - que J.M.G. Le Clézio continuera de nous enchanter avec ses récits sur papier." Pour Raymond Godefroy, écrivain-paysan, "le papier est un support qui va subsister encore très longtemps et qui garde certains avantages. Il est cependant gourmand en matière première, le bois. Les autres supports sont complémentaires, et présentent des avantages, surtout pour la circulation et la reproduction à longue distance." Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D: "Je lis autant d'imprimés qu'avant. La lecture sur écran s'y est rajoutée. D'où des problèmes de temps: ces machines qui sont censées travailler à notre place contribuent en fait à nous bouffer le temps libre qu'elles nous ont dégagé." Les jours du papier sont-ils comptés? "Ses jours sont encore longs avant que la lecture sur écran présente la même souplesse que celle d'un livre ou d'un magazine que l'on peut lire n'importe où, dans la position que l'on veut, et ranger, rouler, plier, déchirer facilement (allez envelopper les pelures de pomme de terre dans un 15 pouces!)." Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses oeuvres: "Je dois avouer que le passage par l'écrit m'est encore nécessaire. Comme tout écrivain je conserve et souhaite conserver une relation privilégiée avec l'écrit, la plume, le crissement du stylo sur une feuille blanche. Par ailleurs, je note, je rature, je corrige, je développe... bref mes premières phases de création passent encore systématiquement par le papier avant la phase de saisie de mes textes. Par ailleurs, j'entretiens une relation sentimentale avec l'objet 'livre'." Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense que le support papier a encore beaucoup de beaux et longs jours devant lui. Ne serait-ce que pour des raisons de contacts affectifs avec l'objet livre, mais aussi de par la faible montée en puissance (actuelle) des solutions électroniques. Je pense que l'informatique est un moyen performant et totalement nécessaire pour fabriquer des livres mais je suis une fervente défenseur du plaisir de tenir un livre dans sa main, de l'emporter partout avec soi, de l'annoter, de le prêter, de le reprendre, de le feuilleter, de glisser page 38 mon marque-page préféré... J'aime cette relation privilégiée que le lecteur noue avec un livre. J'aime voir vivre l'objet... Pour toutes ces raisons, non seulement je pense que le livre a encore de beaux jours devant lui, mais au fond, je le souhaite de tout coeur!" Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre: "Mes yeux réclament le papier! Je suis une maniaque du mèl, que je lis sur écran, pour tout le reste, je garde un grand plaisir à lire sur papier. Un de mes éditeurs préférés, José Corti, publie des livres dont il faut encore ouvrir les pages au coupe-papier. Le plaisir qui en découle est pour moi immense, mais une page web bien mise en page, une graphie claire m'en procurent aussi. Je ne distingue pas les anciens et les nouveaux médias, pour moi, la beauté prime." Les jours du papier sont-ils comptés? "Mes yeux fragiles espèrent que le papier survivra, même si j'ai des doutes là-dessus... Il paraît que les nouveaux médias ne vont pas éradiquer les anciens, mais se superposer à eux. Ce sera une possibilité de plus, un choix. Dans ce cas-là, tant mieux." Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Le papier joue encore un rôle vital dans ma vie. Pour moi, la lecture est une question de fierté culturelle. J'ai des origines irlandaises. Pour paraphraser Thomas Cahil, en Irlande la spiritualité a toujours été étroitement liée à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Ne pas pouvoir lire sur le papier me manquerait, et la lecture à l'écran est trop fatigante pour les yeux." Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Dans mon travail d'écriture traditionnelle, je me sers du papier comme d'une étape intermédiaire. En imprimant ce que j'ai tapé sur l'ordinateur, je visualise mieux (mets à distance) le premier jet, afin de mieux le retravailler. Puis retour sur écran, et re-impression sur papier, autant de fois qu'il le faut." Les jours du papier sont-ils comptés? "Il y a beaucoup de choses qui pourront se passer du papier, comme les annuaires, les guides, etc... Le livre-papier reste encore un objet désirable (oui, il faut mettre en avant ce concept d'avoir du désir pour un livre et toujours se poser la question 'depuis combien de temps n'ai-je pas eu du désir pour un livre?'). Par contre, ce qui a été créé pour et par ordinateur ne gagnera rien à être transféré sur papier. Il ne sert à rien d'opposer les deux médias. On élève toujours des chevaux, même si la voiture rend des services plus performants. Feuilleter un livre, c'est une impression physique, dans laquelle la performance n'a rien à voir. Explorer ludiquement un écran, c'est une joie également." Blaise Rosnay, poète et webmestre du site du Club des poètes, utilise "le moins possible des documents papiers. En fait nous apprenons les poèmes par coeur et ce que nous aimons le mieux, c'est de transmettre la poésie dans sa tradition orale. Mais en vérité l'internet aussi nous paraît un peu vieillot. C'est d'un coeur à l'autre, en passant par les lèvres et l'oreille, que la poésie se propage à la vitesse de la pensée." Les jours du papier sont-ils comptés? "Cela n'a qu'une importance relative. On imprime beaucoup de bêtises sur du papier et le paysage de l'internet commence aussi à se dégrader sérieusement. Les marchands de papier (lisez 'éditeurs') laisseront-ils place au marchands d'électrons par internet interposé (lisez 'producteurs de contenus sur internet' (sic))? Peu nous importe. La poésie poursuit son voyage pour l'éternité." Murray Suid, écrivain travaillant pour une société internet de logiciels éducatifs: "Nous utilisons très peu de papier. Nous faisons cependant quelques impressions, surtout pour les réunions au cours desquelles nous discutons des manuscrits. (...) Les livres sur support papier seront encore disponibles pendant quelque temps, parce que nous avons l'habitude de ce support. De nombreux lecteurs aiment le toucher du papier, et le poids du livre dans les mains ou dans un sac." 13.2. L'imprimé vu par les bibliothécaires-documentalistes Emmanuel Barthe, documentaliste juridique: "Professionnellement, j'utilise encore beaucoup le papier, mais nettement moins les ouvrages que la presse et les sorties papier de documents, de textes officiels et de jurisprudence. Chez moi, j'ai un faible pour les beaux livres: livres d'art et éditions originales de recueils de poésie." Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui? "Ce support a mieux que de beaux jours devant lui: il a un avenir. En effet, les avantages du papier sont insurpassables: la facilité et le confort de lecture, bien supérieurs aux possibilités des meilleurs écrans informatiques (21 pouces y compris); une visualisation tridimensionnelle des informations, qui entraîne une meilleure représentation mentale des informations. Celles-ci sont alors plus faciles à comprendre et à manipuler. Pour bien me faire comprendre, je vais prendre l'exemple suivant que je connais par coeur: un juriste travaille couramment avec quatre ouvrages ouverts sur sa table et consultés en même temps ou immédiatement l'un après l'autre: un code (recueil de textes officiels annotés), une revue juridique, un recueil de jurisprudence et une encyclopédie juridique. Imaginons qu'il possède la version électronique de chacune de ces publications ou leur réunion (ça existe). Afin de ne pas compliquer la démonstration, je laisse de côté le fait que notre professionnel du droit doit aussi avoir sous les yeux le dossier de son client et la consultation ou la plaidoirie qu'il doit rédiger pour lui. Sur écran, passer d'un ouvrage ou d'un document à l'autre impose à notre juriste pressé de perdre de vue l'ouvrage ou le document précédent, sauf écran 21 pouces (prix de départ: 5.500 FF HT, le prix d'un PC de base). L'écran d'ordinateur, aussi grand soit-il, ne peut afficher, dans le meilleur des cas, que deux pages A4 et ne permet pas de feuilleter le ou les ouvrages électroniques. Autant dire que le juriste, même partisan de l'informatisation, a bien du mal à se repérer dans un monde d'une surface de 21 pouces et sans profondeur. Alors qu'avec le papier: il a à sa disposition la possibilité de feuilleter rapidement le contenu des ouvrages quand (ce qui est fréquent) il ne sait pas encore exactement ce qu'il cherche; il visualise les informations en trois dimensions partout dans son bureau, donc dans un espace d'environ 10 m2 de surface et 2 m de haut, ce qui est infiniment plus vaste que les 21 pouces maximum sans épaisseur de son écran ; ça ne tombe jamais en panne!" Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "Nous utilisons encore beaucoup de papier dans l'administration et notre fonds documentaire est exclusivement 'papier'. Nous comptons bien y intégrer des supports multimédias, dès que les moyens nous le permettront. Le service informatique pense déjà à une numérisation partielle du fonds documentaire, mais bon, le problème ici c'est que les idées vont nettement plus vite que les moyens." Les jours du papier sont-ils comptés? "Pour ce qui est de l'Afrique en général, je pense que le papier a encore de beaux jours devant lui. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir le développement très marginal du multimédia surtout dans les institutions productrices de papier (les administrations) et dans les institutions où, comme on dit ici, on 'fait papier' (les écoles). Par ailleurs, il faut compter aussi avec la lente évolution des usages. Je me rappelle que, pour les travaux de rédaction de ma thèse, après avoir stocké un certain nombre d'articles en ligne sur mon ordinateur, j'ai jugé plus pratique pour moi de les imprimer intégralement pour pouvoir les exploiter. J'ai donc eu l'impression de mieux bosser en grattant du papier, habitude oblige." Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Je ne crois pas à la mort annoncée du papier. Je l'utilise encore beaucoup sous toutes ses formes. Mais, au contraire de beaucoup, mon rapport à l'informatique n'a pas entraîné une augmentation de ma consommation de papier, bien au contraire. Je suis dans ce domaine plutôt adepte du zéro papier." Pierre Le Loarer, directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble, utilise beaucoup l'imprimé, "et également beaucoup l'écran". Il pense que le papier "a encore de beaux jours devant lui, même si le support électronique va continuer à beaucoup se développer et se diversifier." Anissa Rachef, bibliothécaire à l'Institut français de Londres: "Le papier est encore présent dans la médiathèque. Cependant l'introduction de documents électroniques, tels que le CD-Rom du Monde par exemple, a permis une épuration de la collection papier." Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "Nous fournissons toujours des photocopies d'articles de périodiques, un peu moins cependant que par le passé parce que le texte intégral de nombreux articles est maintenant disponible sur l'internet en format PDF. En revanche le prêt des monographies en version imprimée n'a pas diminué depuis que l'OCDE utilise l'internet." Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense que le papier aura toujours sa place, et ce malgré l'arrivée du livre numérique. Mais, quand les gens s'y seront accoutumés, l'utilisation du papier décroîtra." 13.3. L'imprimé vu par les éditeurs Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Je suis un télétravailleur. J'habite Madrid et les éditions Luc Pire sont à Bruxelles et Liège, en Belgique. En huit mois, j'ai reçu deux plis postaux relatifs à mon travail et je suis resté plus de six mois sans imprimante. En dehors des contrats, tout se passe sur l'écran. Pour mon travail, c'est donc très clair, 99% de l'information passe par des fichiers informatiques sans gaspiller de papier. En tant qu'auteur, je continue à rédiger majoritairement à la main, au stylo sur papier. Je ne tape le texte que dans une seconde étape sur mon ordinateur. En réalité, même si je publie sur le web depuis 1998, je continue à travailler comme au 19e siècle pour mon écriture. Tout à la main dans des petits cahiers d'écolier. Sauf pour mes deux romans-feuilletons, précisément. J'ai décidé de changer mon mode d'écriture pour ces deux textes et je les écris directement à l'écran, comme ils seront lus, semaine après semaine. C'est un défi, une contrainte que je me suis posée volontairement. Pour voir si ça change quelque chose et pour répondre en détail à cette question souvent posée aux auteurs: est-ce que vous écrivez à la main ou à la machine? En tant que lecteur, bien que je lise presque exclusivement les journaux en ligne, de même que les critiques littéraires et cinématographiques, je ne peux pour autant me passer de la littérature imprimée. J'ai toujours de bon vieux romans jaunis sur ma table de nuit et dans mon sac, où que j'aille. Dans le train, le métro, je lis. De laids bouquins de poche, dont le papier ne sent pas bon et dont les couvertures sont écornées, mais qui sont légers, résistants et fourrables dans n'importe quel bagage." Les jours du papier sont-ils comptés? "Je crois qu'il est fort imbécile de penser que l'arrivée du numérique va tuer le papier. Comme si l'arrivée de la radio avait tué la presse écrite, ou la télévision le cinéma. C'est une opinion tellement stupide que beaucoup de gens la partagent. Pour ma part, je crois que l'arrivée du numérique grand public offre une panoplie de nouveaux supports pour les contenus. Qu'elle ouvre de nombreuses possibilités pour imaginer de nouveaux types de créations et de produits culturels. J'aime beaucoup le papier, j'adore les livres: ils m'accompagnent depuis toujours, que ce soient des bandes dessinées, des romans, des dictionnaires. Je pense qu'ils continueront à être présents pendant très longtemps. Mais qu'à leurs côtés apparaîtront de nouveaux formats. Le roman, tel que nous le connaissons, correspond très précisément à des contraintes techniques d'impression et de reliure; si l'on change les supports, on provoque l'apparition de nouvelles formes. La plupart des musiciens ont dû réinventer la composition de leurs albums suite à l'arrivée du CD qui ajoute vingt minutes au format 33 tours. Je me réjouis de lire ce qu'il y aura à lire dans dix ans. Mais j'aurai toujours un Dumas ou un Michaux sur ma table de nuit." Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la direction scientifique de France Télécom R&D: "Le papier est de plus en plus utilisé. Personnellement je suis de plus en plus inondé de paperasses. Avec l'e-mail, les collègues n'hésitent plus à envoyer de gros fichiers qu'il faut ensuite imprimer pour lecture. La lecture est plus agréable sur papier. Les fichiers reçus peuvent n'être que des projets et on peut recevoir 'n' épreuves successives que l'on imprime nécessairement. On imprime les mèls pour les lire tranquillement plus tard ou parce que c'est plus agréable de les lire sur papier. Etc. Il y a beaucoup de raisons pour utiliser toujours plus de papier." Les jours du papier sont-ils comptés? "Les livres 'd'études', comme ceux de notre collection, ont une durée de vie longue et ne seront pas remplacés par un e-book, sauf si ce livre n'est utilisé que pour une étude particulière et pour un temps court (quelques semaines). Les livres à durée de vie courte tels que les romans, journaux, magazines peuvent effectivement être un jour remplacés par des e-books. Les livres scolaires pourront être (seront) sur e-book. Les encyclopédies volumineuses dont la consultation n'est qu'épisodique seront sur le web." Olivier Gainon, fondateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne, utilise encore beaucoup l'imprimé, "pour lire des documents, des textes, etc. Cela dit, je lis de plus en plus sur écran, mais dans un cadre professionnel (par exemple les lettres d'information auxquelles je suis abonné, etc.), dès que l'on parle de lecture-plaisir (roman, détente, etc.), je ne lis pas sur écran, j'imprime (si ce n'est pas déjà le cas), et je lis sur papier. Je me rends également compte que j'ai du mal à lire sur écran un document long et complexe. Bref, je lis des informations brèves et ponctuelles, mais pas véritablement des dossiers complexes." Les jours du papier sont-ils comptés? "Tout dépend de quoi l'on parle. Le papier comme support simple de document écrit est un peu limité: texte et image simplement / pas d'évolution en temps réel / reproduction complexe / etc. L'électronique offre beaucoup plus d'avantages. En revanche, sur les aspects plus 'pratiques' ('la valeur d'usage'), le papier reste aujourd'hui imbattable: peu cher, léger, on peut le plier, le déchirer, le tordre, le laisser tomber, il peut en plus être physiquement agréable, esthétiquement beau, etc. Sans même parler du confort de lecture qui, pour moi aujourd'hui, donne un grand avantage au papier... Bref, tout cela pour dire que je pense que le papier va décroître dans son utilisation à terme - mais que ce sera un processus long, et plutôt une question de génération, quand nos enfants n'auront plus la même relation que nous pouvons avoir avec le papier..." Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires lit toujours beaucoup de documents imprimés. "La lecture directe à l'écran est encore assez vite fatigante pour de nombreuses paires d'yeux, même avec l'amélioration des capacités d'affichage des moniteurs et les lissages de polices d'écran. Et puis, pour un roman par exemple, rien n'en vaut la lecture dans un bon fauteuil au coin de sa cheminée..." Les jours du papier sont-ils comptés? "Le livre papier a encore de beaux jours devant lui. Mais l'accès par le net à toutes ces offres inédites est une nouvelle richesse, inimaginable il y a quelques années, tant pour les lecteurs que pour les auteurs. Ça permet de sélectionner beaucoup plus tranquillement que dans une librairie (à condition que l'oeuvre y soit éditée) et surtout d'accéder à des ouvrages qui n'auraient jamais été publiés autrement. Selon moi, le papier n'est pas l'ennemi du net en matière de littérature. Il en est le prolongement et l'aboutissement. En fait, le net peut être considéré comme un formidable moyen de promotion et de relance de la lecture, par les découvertes qu'il permet de faire. Mais c'est maintenant l'internaute lui-même qui décide de ce qu'il veut lire. Il choisit, il imprime, et il lit tranquillement dans son fauteuil au coin de sa cheminée..." Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Nous utilisons le papier bien sûr. Le livre papier, lorsque l'impression avec les techniques modernes sera meilleur marché, devrait devenir l'allié du livre électronique." Les jours du papier sont-ils comptés? "Cela dépend de quel domaine il s'agit. Je pense que le temps des dictionnaires et encyclopédies et autres ouvages de références techniques et scientifiques 'papier' est compté. Pour les romans ou les beaux livres, cela dépend de l'évolution des deux supports." François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse, utilise toujours autant l'imprimé. "Ça n'a pas changé: j'imprime souvent nos propres publications pour les lire dans les transports en commun. Je n'ai pas beaucoup le temps de lire, hormis des romans. Le papier a encore de l'avenir, il y aura toujours du papier, ou si ce n'est pas le papier (matériau) que l'on connaît, ce sera un support souple, léger et fin comme lui (pour dans dix ans en principe)." 13.4. L'imprimé vu par les gestionnaires Patrice Cailleaud, directeur de communication de HandiCaPZéro, précise: "L'essentiel de l'activité de HandiCaPZéro aujourd'hui reste l'impression de documents papier braille et caractères agrandis. La majorité du public auquel s'adresse l'association n'est pas encore internaute." Les jours du papier sont-ils comptés? "Non, au contraire. L'internet dope les ventes de livres, comme celles des disques, quoiqu'en disent les éditeurs regroupés en association de défense de leurs intérêts. Par ailleurs, les imprimantes des micro-ordinateurs, classiques ou braille, n'ont jamais été autant sollicitées depuis l'accès au web." Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen: "Pour mon activité professionnelle, j'utilise encore le papier pour travailler hors de mon bureau, de même que pour des livres autres que techniques. En effet, si des documents techniques (qui sont des bases de données) sont facilement consultables sous forme électronique, il n'en est pas de même pour des ouvrages de fond. Au sujet de la presse, il est hors de question de la supprimer pour la lecture, mais pour l'archivage oui." Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui? "La réponse est oui mais les usages changeront." Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne, utilise-t-il encore beaucoup l'imprimé? "Oui, hélas. Nous continuons à devoir imprimer beaucoup de choses, ne serait-ce que pour des raisons administratives. Par contre, pour tout ce qui est information, je ne la prends plus que sur internet." Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Erst & Young, n'utilise pratiquement plus de de documents imprimés. "Pratiquement rien en interne pour la gestion, tout est fait à travers l'internet et/ou Lotus notes. Liaison internet également avec les clients pour les offres commerciales, les documents de projets, les mémos... Seuls les contrats restent sur papier. Je reçois peu de courrier extérieur sur papier (qui est d'ailleurs le signe d'un contenu probablement peu intéressant!). Je lis la presse à travers les bases de données. Bien sûr, les journaux au petit déjeuner restent nécessaires! Quant aux livres, c'est vrai, je les utilise toujours." Les jours du papier sont-ils comptés? "Dans ce contexte, dans mon métier de consulting, les jours du papier sont comptés. Par contre, dans ma vie personnelle, si j'utilise le courrier électronique pour la correspondance, les livres ne sont pas détrônés, ou en tout cas ils sont moins affectés." 13.5. L'imprimé vu par les linguistes Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne, utilise les documents papier "aussi peu que possible, mais cela représente encore beaucoup de papier. Si je vois un document que je souhaite conserver en tant que document de référence, je l'imprime systématiquement et je le catalogue. Il peut ne pas être disponible quand je suis en déplacement. Mais quand je suis dans mon bureau à la maison, j'aime savoir que je peux y avoir accès d'une manière physique, sans devoir me fier seulement à une sauvegarde électronique, au bon fonctionnement du système d'exploitation, et à mon fournisseur d'accès internet. De ce fait, pour ce que je considère utile de conserver, les documents sont souvent en double exemplaire, imprimé et numérique. Le papier joue donc encore un rôle important dans ma vie." Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada, utilise l'imprimé "un peu moins qu'avant d'être connecté à internet". Il pense que "le papier continuera d'avoir un rôle complémentaire". Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "J'utilise beaucoup le support papier car, quoique j'écrive la plupart du temps sur ordinateur, j'ai besoin d'imprimer pour me relire. Je lis les journaux. Je suis très attaché au livre comme objet et comme support de connaissance. Et en tout cas je fais partie de la chaîne qui les édite." Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense que le papier a encore de très beaux jours devant soi. Mais il va resserrer une partie de sa gamme, naturellement, c'est-à-dire la recentrer. Je suis ravi que l'on économise ainsi la vie de milliers d'arbres, pour que certaines données d'intérêt variable ou à rotation rapide soient déviées sur les divers supports numériques. Par ailleurs, les journaux (non nécessairement les quotidiens) restent un moyen dit d''information' plus digne de foi que la presse audio-visuelle: leur lecture est le moyen d'essayer de s'informer le moins passif, celui qui permet la meilleure distanciation par rapport à l'information (on se fait moins piéger par le matraquage télé). Il y a ensuite plus de diversité dans les titres, dans les opinions, et surtout il y a des journaux spécialisés (c'est même le seul moyen d'information susceptible d'être spécialisé). Le livre, enfin, me paraît aujourd'hui le lieu idéal de refuge des valeurs de l'esprit, celles qui ne sont pas frappées d'obsolescence par le progrès technique ou par les modes. Bref, le papier, c'est la lecture, et c'est la lecture libre." Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français), n'utilise plus de documents papier. "Les dictionnaires électroniques et autres e-books révolutionnent l'accès à la culture. En quelques clics, l'utilisateur peut trouver l'information recherchée." Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies): "J'utilise le papier en grande quantité. J'imprime tous les documents importants, parce qu'ils sont beaucoup plus faciles à consulter de cette façon (plus faciles à parcourir, et jamais de batterie en panne). Je ne pense pas que ceci change avant longtemps." 13.6. L'imprimé vu par les professeurs Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8, utilise-t-il encore l'imprimé? "Comme je voyage beaucoup, il m'arrive aussi de lire un peu de tout mais personnellement, je ne l'utilise guère dans mon travail personnel, j'ai vraiment l'habitude de tout faire sur écran..." Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille, lit encore beaucoup de documents imprimés. "Je lis environ cinq à six journaux (quotidiens et hebdomadaires), deux à trois livres papier par mois, et environ 3 à 4.000 photocopies par an." Emilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris, utilise encore beaucoup l'imprimé. "Je suis loin de penser que le numérique doive ou puisse remplacer le papier, tout au moins dans l'état actuel des technologies liées à internet, écrit-elle. On a beau parler d'une 'ère de l'immatériel', d'une 'virtualisation' du réel etc., je reste persuadée que la trace écrite telle que le papier nous en permet la perception et la conservation (relative si l'on veut, mais fortement historicisée), n'a pas diminué, et n'est pas en passe de se voir remplacée par des séquences invisibles de 0 et de 1. La pérennité du support numérique me semble bien plus problématique que celle du papier: en termes techniques (et économiques) d'une part, en termes de politiques de conservation d'autre part. Par exemple, l'institution d'un dépôt légal sur le web pose d'immenses problèmes (concernant la quantité comme la nature des publications)." Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universités japonaises, à Tokyo et Nagoya, utilise l'imprimé autant qu'avant. "Mais je n'imprime pas beaucoup à partir de mon ordinateur, sauf pour des préparations de cours à distribuer aux étudiants." Les jours du papier sont-ils comptés? "Je ne vois pas de problème pour les 'jours du papier' dans l'avenir, alors que justement, il faudrait en diminuer la consommation. Je crains d'ailleurs que bien des gens n'impriment tout et n'importe quoi avec leur ordinateur, consommant ainsi bien plus de papier qu'ils ne le faisaient avant." Christian Vandendorpe est professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste des théories de la lecture. Comment voit-il l'avenir de l'imprimé? "Le papier est un support remarquable: léger, économique, polyvalent, et dont les diverses textures en appellent non seulement au sens de la vue, mais aussi au toucher et à l'odorat. Il a encore de beaux jours devant lui, surtout pour les ouvrages de luxe ou de prestige et que l'on voudra pouvoir manipuler et conserver pour leur valeur en tant qu'objets. Le papier va aussi rester comme support pour des textes d'une certaine ampleur que l'on voudra pouvoir lire à loisir. L'impression sur demande va répondre à cette demande. En même temps, les textes destinés à la lecture courante vont de plus en plus être appréhendés sur des supports numériques. C'est déjà le cas pour le courrier électronique et les activités de lecture sur le web. Mais l'ordinateur n'est pas un support idéal pour la lecture, en raison de la position qu'il impose au lecteur. En outre, la technologie de l'hypertexte encourage une lecture ergative, tournée vers l'action et la recherche de réponses brèves et rapides plutôt que vers la lecture de fiction ou d'essais." Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto: "J'imprime de moins en moins. Alors qu'il y a trois ans je distribuais encore beaucoup de papier à mes étudiants, depuis quelque temps je mets tout sur le web et c'est à eux d'imprimer, s'ils le souhaitent! Je n'envoie plus de papier à mes correspondants; je leur écris par courriel et, si j'ai un document à leur transmettre, je l'envoie en fichier attaché en format HTML. Je n'écris plus pour le papier mais uniquement pour le web. Je prends toujours plaisir, quand même, à lire un roman relié ou un journal sur papier, bien que je consulte régulièrement la presse en ligne." Les jours du papier sont-ils comptés? "Dangereux de jouer aux prophètes! Le sort de l'imprimé dépendra peut-être plus de facteurs écolo-économiques que de facteurs humains ou sociaux. Que peut faire en général le goût ou l'habitude face aux forces économiques? On peut constater que le coût du papier va en augmentant, que le nombre d'arbres va en diminuant, que la pollution croît tous les jours, qu'un ordinateur utilise de moins en moins d'électricité avec chaque nouveau modèle. La fabrication du papier est-elle, sera-t-elle, plus ou moins polluante et consommatrice de sources naturelles que la fabrication de l'électricité?" 13.7. L'imprimé vu par les spécialistes du numérique Denis Zwirn, PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques: "Numilog en tant qu'entreprise utilise encore beaucoup le papier dans la mesure où nous scannons de nombreux livres pour les numériser, mais il s'agit là d'une activité ayant pour but de faire disparaître la nécessité du papier! A titre personnel, j'utilise encore beaucoup le papier dans la mesure où de nombreux documents ne sont pas encore disponibles sous forme numérique, la presse hebdomadaire notamment... et les livres, puisque le volume de titres disponibles à ce jour en format de lecture à l'écran est ridicule par rapport aux quelques 600.000 titres existant en français. Pour écrire et envoyer du courrier ou des documents, par contre, j'utilise très peu le papier: le couple traitement de texte / courrier électronique en a fait disparaître quasiment totalement l'utilité." Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense sincèrement que l'usage du papier devrait fortement régresser dans les dix à quinze ans qui viennent, grâce à toutes les techniques de rédaction, de lecture, et de communication numérique. Et cela aura un impact positif sur les forêts! Cela ne signifie pas qu'il disparaîtra, notamment si on parvient à réaliser des hybrides papier / numérique, grâce à des techniques telles que l'encre électronique. Mais il se peut dans ce cas qu'il soit concurrencé par d'autres types de matières souples présentant des qualités de robustesse et d'agrément tactile équivalente ou supérieure." Olivier Pujol, PDG de la société Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique: "Les jours du papier ne sont pas comptés. Le support papier est parfaitement adapté à certains usages: la lecture numérique sur ordinateur n'est pas pratique, et ce pour de nombreuses raisons. Elle ne s'est d'ailleurs pas développée du tout depuis dix ans. Par ailleurs, le papier n'est pas seulement un support 'obligé'. C'est également un matériau noble, agréable, avec des qualités propres (toucher, odeur, flexibilité) qui font que son usage n'est en rien menacé (il s'impose même parfois dans des secteurs inattendus comme la confection!). Le livre électronique, permettant la lecture numérique, ne concurrence pas le papier. C'est un complément de lecture, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la diffusion de l'écrit et des oeuvres mêlant le mot et d'autres médias (image, son, image animée...). Les projections montrent une stabilité de l'usage du papier pour la lecture, mais une croissance de l'industrie de l'édition, tirée par la lecture numérique, et le livre électronique (de la même façon que la musique numérique a permis aux mélomanes d'accéder plus facilement à la musique, la lecture numérique supprime, pour les jeunes générations commme pour les autres, beaucoup de freins à l'accès à l'écrit)." Pierre Schweitzer, concepteur d'@folio, support numérique de lecture nomade, utilise-t-il encore beaucoup de documents imprimés? "Oui, encore trop. J'ai renoncé au papier de mon agenda depuis le début de l'année (2001). Ça ne se passe pas trop mal. L'organiseur de poche est un substitut du papier pour ce qu'il y a de plus primitif dans l'écriture: tenir des listes. Efficace. Jack Goody m'a fait voir ça cet été dans La raison graphique (éditions de Minuit, 1978, ndlr), un bouquin écrit à la fin des années 70! Et puis j'aime bien emprunter mes livres en bibliothèque. Ça consomme aussi moins de papier! J'y lis volontiers mes livres: les salles de lecture, leur silence, leur lumière sont des havres de sérénité dans la fureur des villes. Avec le web et internet, le pronostic sur la consommation de papier est incertain. D'un côté, la logique du réseau et la dématérialisation des supports, e-mail, documents à jour exclusivement en ligne, leur accessibilité à distance, le déclin de la paperasse, etc. Mais d'un autre côté, il y a le besoin trivial d'imprimer pour lire. Parce que la lecture s'accomode assez mal du nez collé sur un tube cathodique. Avec ou sans papier, l'évolution de la lecture est une chose remarquable avec internet. Même les radios et les télés qui s'installent sur le web donnent des contenus à lire et des espaces pour écrire. L'air de rien, c'est une sacrée innovation." Les jours du papier sont-ils comptés? "Fabriquer une encyclopédie nécessitait, il y a peu, des dizaines de kilos de papier, des kilos d'encre. Aujourd'hui, ça tient sur une galette optique de 15 grammes et coûte environ 10 fois moins cher que l''ancien modèle' en papier. Un stick de mémoire flash (pour la photo numérique, du MP3 ou @folio) pèse 2 grammes et contient aujourd'hui jusqu'à 120 millions de caractères, l'équivalent de 5 volumes Petit Robert, soit 10 kilos de papier environ... et contrairement au papier, le stick est réinscriptible à l'infini, c'est mieux qu'un palimpseste ;-) Mais il y a plus de papier dans le secteur de l'emballage que dans celui de l'édition (journaux, livres) et le développement du e-commerce ne réduira pas les besoins d'emballage. L'atelier Design de l'Ecole d'architecture de Strasbourg a produit l'an dernier un superbe projet de mobilier urbain, un totem à l'échelle du quartier, hors gel, qui fonctionne comme une poste automatique, ouverte 7 jours/7 et 24 heures/24, où l'on vient retirer ses paquets, muni d'un code d'accès envoyé par e-mail." 14. LA MULTIPLICITE DES LANGUES: BARRIERE OU RICHESSE? [Dans ce chapitre:] [14.1. D'anglophone, l'internet est devenu multilingue // 14.2. Les impératifs sont d'abord économiques // 14.3. L'anglais reste "la" langue internationale d'échange // 14.4. Qu'en est-il du français? // 14.5. Communication et échanges culturels // 14.6. Le réseau au service des langues minoritaires // 14.7. Des outils pour passer d'une langue à l'autre] 14.1. D'anglophone, l'internet est devenu multilingue A l'origine, les ordinateurs ne pouvaient "lire" que des systèmes d'écriture pouvant être traduits en ASCII (American standard code for information interchange), un standard minimal de 128 caractères alphanumériques utilisé pour les échanges d'information. Binaire, le code ASCII de chaque lettre est composé de sept bits (A=1000001, B=1000010, etc.). L'ASCII permet uniquement la lecture de l'anglais, à savoir 26 lettres sans accent, auxquelles s'ajoutent les signes de ponctuation, les symboles techniques, etc. Ce système de codage ne peut donc pas reconnaître les lettres avec accents présentes dans bon nombre de langues européennes, et à plus forte raison les systèmes non alphabétiques (chinois, japonais, coréen, etc.). Ceci ne pose pas de problème majeur tant que l'internet, anglophone à plus de 90%, est utilisé essentiellement en Amérique du Nord. "L'internet a vraiment décollé aux Etats-Unis à cause d'un concept révolutionnaire: une langue unique - l'anglais, explique Jacques Gauchey, journaliste dans la Silicon Valley. Le mouvement 'politically correct' pour l'enseignement obligatoire multi-linguistique dans les écoles américaines et le respect des différentes sous-cultures est un désastre pour l'avenir de ce pays (comme il l'est déjà en Europe). Aux individus de décider, chez eux, s'ils veulent apprendre une autre langue." C'est aussi l'avis de Jacques Pataillot, conseiller en management à Paris chez Cap Gemini Ernst & Young: "Peu de chances, à mon avis, de voir un internet multilingue. Malheureusement le poids de l'anglais est trop fort, et la duplication des textes/informations n'est pas réaliste." Mais les temps ont changé, et désormais moins de la moitié des internautes habite l'Amérique du Nord. Selon les statistiques de Global Reach (été 2001), le pourcentage d'internautes non anglophones est de 52,5% (47,5% pour les anglophones) et continue régulièrement d'augmenter. Le pourcentage des Européens non anglophones est de 28,9%, et celui des Asiatiques de 23,5%. Si les anglophones d'Amérique du Nord restent le plus important groupe linguistique, leur nombre est désormais inférieur à celui des internautes européens et asiatiques, dont le nombre a été multiplié par sept depuis 1993. Le multilinguisme devient donc essentiel. "Il est très important de pouvoir communiquer en différentes langues", s'exclame Maria Victoria Marinetti, mexicaine, professeur d'espagnol dans des entreprises françaises et traductrice. "Je dirais même que c'est obligatoire, car l'information donnée sur le net est à destination du monde entier, alors pourquoi ne l'aurions-nous pas dans notre propre langue ou dans la langue que nous souhaitons lire? Information mondiale, mais pas de vaste choix dans les langues, ce serait contradictoire, pas vrai?" De l'avis de Guy Bertrand et Cynthia Delisle, du CEVEIL (Centre québécois d'expertise et de veille inforoutes et langues, Québec), "le multilinguisme sur internet est la conséquence logique et naturelle de la diversité des populations humaines. Dans la mesure où le web a d'abord été développé et utilisé aux Etats-Unis, il n'est guère étonnant que ce médium ait commencé par être essentiellement anglophone (et le demeure actuellement). Toutefois, cette situation commence à se modifier (en mars 2000, ndlr) et le mouvement ira en s'amplifiant, à la fois parce que la plupart des nouveaux usagers du réseau n'auront pas l'anglais comme langue maternelle et parce que les communautés déjà présentes sur le web accepteront de moins en moins la 'dictature' de la langue anglaise et voudront exploiter internet dans leur propre langue, au moins partiellement. (...) L'arrivée de langues autres que l'anglais sur internet, si elle constitue un juste rééquilibre et un enrichissement indéniable, renforce évidemment le besoin d'outils de traitement linguistique aptes à gérer efficacement cette situation, d'où la nécessité de poursuivre les travaux de recherche et les activités de veille dans des secteurs comme la traduction automatique, la normalisation, le repérage de l'information, la condensation automatique (résumés), etc." Solution provisoire, les alphabets européens commencent d'abord par être représentés par des versions étendues de l'ASCII codées non plus sur sept mais sur huit bits, afin de prendre en compte les caractères accentués. L'extension pour le français est la norme ISO-Latin-1. Mais le passage de l'ASCII à l'ASCII étendu devient vite un véritable casse-tête, y compris au sein de l'Union européenne, les problèmes étant entre autres la multiplication des systèmes d'encodage pour un ordinateur ou un serveur, la corruption des données dans les étapes transitoires, l'incompatibilité des systèmes entre eux, les pages ne pouvant être affichées que dans une seule langue à la fois, etc. Une solution pourrait être l'Unicode. Apparu en 1998, ce système de codage traduit chaque caractère en 16 bits, lisible quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés. Alors que l'ASCII étendu à 8 bits pouvait prendre en compte un maximum de 256 caractères, l'Unicode peut prendre en compte plus de 65.000 caractères uniques, et donc traiter informatiquement tous les systèmes d'écriture de la planète. Il permet aussi la transmission de caractères par des logiciels de diverses provenances. Mais, même avec l'Unicode, les problèmes restent nombreux, comme le souligne Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures multimédias: "Les systèmes d'exploitation se dotent peu à peu des kits de langues et bientôt peut-être de polices de caractères Unicode à même de représenter toutes les langues du monde; reste que chaque application, du traitement de texte au navigateur web, emboîte ce pas. Les difficultés sont immenses: notre clavier avec ses ± 250 touches avoue ses manques dès lors qu'il faille saisir des Katakana ou Hiragana japonais, pire encore avec la langue chinoise. La grande variété des systèmes d'écritures de par le monde et le nombre de leurs signes font barrage. Mais les écueils culturels ne sont pas moins importants, liés aux codes et modalités de représentation propres à chaque culture ou ethnie. L'anglais s'impose sans doute parce qu'il est devenu la langue commerciale d'échange généralisée; il semble important que toutes les langues puissent continuer à être représentées parce que chacune d'elle est porteuse d'une vision 'singulière' du monde." Selon Patrick Rebollar, professeur de littérature française au Japon, "il s'agit d'abord d'un problème logiciel. Comme on le voit avec Netscape ou Internet Explorer, la possibilité d'affichage multilingue existe. La compatibilité entre ces logiciels et les autres (de la suite Office de Microsoft, par exemple) n'est cependant pas acquise. L'adoption de la table Unicode devrait résoudre une grande partie des problèmes, mais il faut pour cela réécrire la plupart des logiciels, ce à quoi les producteurs de logiciels rechignent du fait de la dépense, pour une rentabilité qui n'est pas évidente car ces logiciels entièrement multilingues intéressent moins de clients que les logiciels de navigation." Que préconise Olivier Gainon, créateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne? "Première étape: le respect des particularismes au niveau technique. Il faut que le réseau respecte les lettres accentuées, les lettres spécifiques, etc. Je crois très important que les futurs protocoles de transmission permettent une transmission parfaite de ces aspects - ce qui n'est pas forcément simple (dans les futures évolutions de l'HTML, ou des protocoles IP, etc.). Donc, il faut que chacun puisse se sentir à l'aise avec l'internet et que ce ne soit pas simplement réservé à des (plus ou moins) anglophones. Il est anormal aujourd'hui que la transmission d'accents puisse poser problème dans les courriers électroniques. La première démarche me semble donc une démarche technique. Si on arrive à faire cela, le reste en découle: la représentation des langues se fera en fonction du nombre de connectés, et il faudra envisager à terme des moteurs de recherche multilingues." De l'avis d'Emmanuel Barthe, documentaliste juridique, "des signes récents laissent penser qu'il suffit de laisser les langues telles qu'elles sont actuellement sur le web. En effet les langues autres que l'anglais se développent avec l'accroissement du nombre de sites web nationaux s'adressant spécifiquement aux publics nationaux, afin de les attirer vers internet. Il suffit de regarder l'accroissement du nombre de langues disponibles dans les interfaces des moteurs de recherche généralistes. Il serait néanmoins utile (et bénéfique pour un meilleur équilibre des langues) de disposer de logiciels de traduction automatique de meilleure qualité et à très bas prix sur internet. La récente mise sur le web du GDT (Grand dictionnaire terminologique, rédigé par l'Office de la langue française du Québec) va dans ce sens." Tôt ou tard, la répartition des langues sur le web correspondra-t-elle à leur répartition sur la planète? Rien n'est moins sûr à l'heure de la "fracture numérique" entre riches et pauvres, Nord et Sud, pays développés et pays en développement. Selon Zina Tucsnak, ingénieur d'études à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français), "le meilleur moyen sera l'application d'une loi par laquelle on va attribuer un 'quota' à chaque langue. Mais n'est-ce pas une utopie de demander l'application d'une telle loi dans une société de consommation comme la nôtre?" 14.2. Les impératifs sont d'abord économiques Les impératifs sont d'abord économiques, comme le souligne Paul Treanor, qui gère une section sur l'avenir des langues en Europe. "La politique actuelle de l'Union européenne prétend être neutre, mais en fait elle soutient le développement de l'anglais comme langue de contact pour communiquer. (...) Le multilinguisme futur de l'internet est déterminé par les forces du marché. A présent il n'existe pas de volonté politique d'imposer le multilinguisme. Le fait d'avoir des informations dans plusieurs langues correspond à un intérêt commercial, au moins pour l'Europe. Par contre, pour les différentes langues de l'Afrique, il n'existe pas de potentiel économique." De l'avis de Guy Bertrand, directeur scientifique du CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues, Québec), "le commerce électronique international s'est beaucoup développé depuis 1998 et les vendeurs veulent de plus en plus communiquer dans les langues préférées par les acheteurs, ce qui augmentera encore le caractère multilingue du web." Basé à la fois à San Francisco et à Paris, Bill Dunlap est spécialiste du marketing en ligne et du commerce électronique international. "Il y a très peu d'Américains des Etats-Unis qui sont intéressés de communiquer dans plusieurs langues, explique-t-il. Pour la plupart, ils pensent encore que le monde entier parle anglais. Par contre, en Europe, les pays sont petits, si bien que, depuis des siècles, une perspective internationale est nécessaire." Dans cette optique, il a fondé Global Reach, une méthode permettant aux sociétés d'étendre leur présence sur l'internet en leur donnant une audience internationale, grâce à la traduction de leur site web dans d'autres langues, la promotion active de leur site et l'accroissement de la fréquentation locale par des campagnes promotionnelles. "Depuis 1981, début de mon activité professionnelle, j'ai été impliqué dans la venue de sociétés américaines en Europe, raconte-t-il. Ceci est pour beaucoup un problème de langue, puisque leurs informations commerciales doivent être disponibles dans les langues européennes pour être prises en compte ici, en Europe. Comme le web est devenu populaire en 1995, j'ai donné à ces activités une dimension 'en ligne', et j'en suis venu à promouvoir le cybercommerce européen auprès de mes compatriotes américains. Promouvoir un site est aussi important que de le créer, sinon plus. On doit être préparé à utiliser au moins autant de temps et d'argent à promouvoir son site qu'on en a passé à l'origine à le créer. Le programme Global Reach permet de promouvoir un site dans des pays non anglophones, afin d'atteindre une clientèle plus large... et davantage de ventes. Une société a de nombreuses bonnes raisons de considérer sérieusement le marché international. Global Reach est pour elle le moyen d'étendre son site web à de nombreux pays, de le présenter à des visiteurs en ligne dans leur propre langue, et d'atteindre le réseau de commerce en ligne présent dans ces pays. Une fois que la page d'accueil d'un site est disponible en plusieurs langues, l'étape suivante est le développement du contenu dans chaque langue. Un webmestre notera quelles langues attirent plus de visiteurs (et donc plus de ventes) que d'autres. Ce seront donc dans ces langues que débutera une campagne de promotion multilingue sur le web. Parallèlement, il est toujours bon de continuer à augmenter le nombre de langues dans lesquelles un site web est disponible. Au début, seule la page d'accueil traduite en plusieurs langues suffit, mais ensuite il est souhaitable de développer un véritable secteur pour chaque langue." Selon Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), "il appartient aux organisations et sociétés européennes d'offrir des sites web si possible en trois ou quatre langues. A l'heure de la mondialisation et du commerce électronique, les sociétés ont un marché potentiel sur plusieurs pays à la fois. Permettre aux francophones, germanophones ou japonais de consulter un site web aussi facilement que les anglophones donnera une plus grande compétitivité à une firme donnée." 14.3. L'anglais reste "la" langue internationale d'échange Malgré tout, si le nombre des utilisateurs non anglophones (52,5% en été 2001) dépasse maintenant celui des utilisateurs anglophones (47,5%), la proportion des sites web en anglais reste encore très élevée. State of the Internet 2000, une étude menée par l'ITTA (International Technology and Trade Associates) pour l'USIC (United States Internet Council), donne le pourcentage de 78%, et de 96% pour les sites de commerce électronique. "Cette suprématie n'est pas un mal en soi, dans la mesure où elle résulte de réalités essentiellement statistiques (plus de PC par habitant, plus de locuteurs de cette langue, etc.), explique Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse. La riposte n'est pas de 'lutter contre l'anglais' et encore moins de s'en tenir à des jérémiades, mais de multiplier les sites en d'autres langues. Notons qu'en qualité de service de traduction, nous préconisons également le multilinguisme des sites eux-mêmes. La multiplication des langues présentes sur internet est inévitable, et ne peut que bénéficier aux échanges multiculturels. Pour que ces échanges prennent place dans un environnement optimal, il convient encore de développer les outils qui amélioreront la compatibilité. La gestion complète des diacritiques ne constitue qu'un exemple de ce qui peut encore être entrepris." Pierre François Gagnon, créateur d'Editel, maison d'édition francophone en ligne: "Je pense que, si les diverses langues de la planète vont occuper chacune le net en proportion de leur poids démographique respectif, la nécessité d'une langue véhiculaire unique se fera sentir comme jamais auparavant, ce qui ne fera qu'assurer davantage encore la suprématie planétaire de l'anglais, ne serait-ce que du fait qu'il a été adopté définitivement par l'Inde et la Chine. Or la marche de l'histoire n'est pas plus comprimable dans le dé à coudre d'une quelconque équation mathématique que le marché des options en bourse!" Christiane Jadelot, ingénieur d'études à l'INaLF (Institut national de la langue française): "Personnellement je n'ai pas d'état d'âme par rapport à l'usage de la langue anglaise. On doit la prendre comme un banal outil de communication. Cela dit, les sites doivent proposer un accès par l'anglais et par la langue du pays d'origine." C'est ce que fait le SLAM (Syndicat de la librairie ancienne et moderne). "Notre site internet est bilingue anglais-français, explique Alain Marchiset, son président. Bien entendu l'anglais semble incontournable, mais nous essayons aussi de maintenir le français autant que possible." Ce biblinguisme est préconisé aussi par Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres: "Je crois que, par nature, la langue devra être universelle et l'anglais semble le mieux placé pour gagner cette bataille. Cependant, les auteurs francophones devront défendre la langue sur le net. Nous pourrions fort bien envisager, pour un livre écrit en français, de prévoir un synopsis de type quatrième de couverture en deux langues: français et anglais. Ainsi les lecteurs étrangers prendront connaissance des grandes lignes du livre et sauront faire les efforts nécessaires pour le lire dans une langue étrangère à la leur. S'agissant de littérature ou de belles lettres, il paraît réaliste de défendre un bastion linguistique." "Pour des raisons pratiques, l'anglais continuera à dominer le web, écrit Guy Antoine, créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, en dépit des sentiments régionalistes qui s'y opposent, parce que nous avons besoin d'une langue commune permettant de favoriser les communications à l'échelon international. Ceci dit, je ne partage pas l'idée pessimiste selon laquelle les autres langues n'ont plus qu'à se soumettre à la langue dominante. Au contraire. Tout d'abord l'internet peut héberger des informations utiles sur les langues minoritaires, qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser de trace. De plus, à mon avis, l'internet incite les gens à apprendre les langues associées aux cultures qui les intéressent. Ces personnes réalisent rapidement que la langue d'un peuple est un élément fondamental de sa culture." 14.4. Qu'en est-il du français? "Je vois que l'internet va tuer la langue française et bien d'autres (suppression des accents, négligence due à la rapidité, etc.)", s'inquiète Catherine Domain, créatrice de la librairie Ulysse. Il n'empêche, nombreux sont ceux qui oeuvrent pour le développement du français sur le web, et ce depuis les débuts du réseau. Pour Olivier Bogros, un de ceux-ci, la priorité est "que chacun s'efforce déjà de s'exprimer correctement dans sa langue". Dès juin 1996 il crée la Bibliothèque électronique de Lisieux, une des premières bibliothèques numériques francophones en accès libre et gratuit. Dans sa chronique hebdomadaire, présente sur le web depuis avril 1995, Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, ne cesse de défendre la place du français sur le réseau. Ces exemples ne sont que de deux exemples parmi tant d'autres. Les initiatives individuelles et collectives ont fleuri, d'abord au Québec, ensuite en Europe et maintenant en Afrique. D'après Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan, "l'évolution vers un internet multilingue ne peut être qu'une source réelle d'enrichissement culturel et scientifique sur la toile. Pour nous les Africains francophones, le diktat de l'anglais sur la toile représente pour la masse un double handicap d'accès aux ressources du réseau. Il y a d'abord le problème de l'alphabétisation qui est loin d'être résolu et que l'internet va poser avec beaucoup plus d'acuité, ensuite se pose le problème de la maîtrise d'une seconde langue étrangère et son adéquation à l'environnement culturel. En somme, à défaut de multilinguisme, l'internet va nous imposer une seconde colonisation linguistique avec toutes les contraintes que cela suppose. Ce qui n'est pas rien quand on sait que nos systèmes éducatifs ont déjà beaucoup de mal à optimiser leurs performances en raison, selon certains spécialistes, des contraintes de l'utilisation du français comme langue de formation de base. Il est donc de plus en plus question de recourir aux langues vernaculaires pour les formations de base, pour 'désenclaver' l'école en Afrique et l'impliquer au mieux dans la valorisation des ressources humaines. Comment faire? Je pense qu'il n y a pas de chance pour nous de faire prévaloir une quelconque exception culturelle sur la toile, ce qui serait de nature tout à fait grégaire. Il faut donc que les différents blocs linguistiques s'investissent beaucoup plus dans la promotion de leur accès à la toile, sans oublier leurs différentes spécificités internes." Au Canada, pays bilingue, le Commissariat aux langues officielles a pour mandat de "faire reconnaître le statut du français et de l'anglais, les deux langues officielles du Canada; faire respecter la loi sur les langues officielles ; fournir de l'information sur les services du Commissariat, les aspects de la loi sur les langues officielles et son importance pour la société canadienne". Analyste de politiques, Alain Clavet travaille particulièrement sur les questions relatives à la dualité linguistique dans les domaines d'internet et de la radiodiffusion. Publié en août 1999, son rapport Le gouvernement du Canada et le français sur internet insiste sur la prépondérance de la langue anglaise "dans l'ensemble des réseaux électroniques, y compris sur internet. Il importe donc que la Commissaire veille à ce que le français prenne toute sa place équitable dans les échanges reposant sur ce nouveau mode de communication et de publication." En mai 2001, Alain Clavet relate: "Le gouvernement du Canada a accepté l'ensemble des douze recommandations du rapport. Des investissements importants ont été réalisés à cet égard cette année. Notamment 80 millions de dollars (canadiens, soit 62 millions d'euros, ndlr) pour la numérisation des collections, 30 millions (23,3 millions d'euros, ndlr) pour la constitution du Musée virtuel canadien et, le 2 mai 2001, l'annonce de 108 millions supplémentaires (83,7 millions d'euros, ndlr) afin d'accroître les contenus culturels canadiens sur internet." En France, si les efforts sont certains, il reste beaucoup à faire. Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires: "Pour le français, il est certain que quand nous aurons atteint la proportion américaine de foyers connectés (50%), nous pourrons espérer une plus grande représentativité sur le web. Pour l'instant, heureusement qu'il y a les Québécois et les Belges pour maintenir la présence de la langue française. C'est tout de même un comble. Si je devais donner un conseil (mais conseiller qui, quel organisme?), je suggérerais de porter davantage d'attention à la qualité des contenus. La France a de tous temps été un pays de culture et d'invention, d'imagination. Même dans les secteurs où nous n'avons pas été pionniers comme en informatique, nous avons de belles réussites. Soyons aussi performants dans l'expression de la culture, dans la mise en valeur de notre patrimoine, historique, scientifique, littéraire, etc. Si nous pouvons mettre en ligne les multiples facettes de la richesse culturelle qui a fait notre civilisation, nul doute que le tourisme internautique vers les contenus français serait amplifié et la présence française plus opérante." Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Puisque la France s'inscrit dans une tradition d'interventionnisme de la puissance publique (l'Etat, les collectivités locales...) en matière de culture, nos institutions devraient financer des logiciels de traduction simultanée - ils seront opérants bientôt... -, et plus simplement, donner des aides à la traduction, et cela dans le cadre d'une stratégie de développement de la francophonie. Les acteurs culturels sur le web, par exemple, auraient plus de facilité pour présenter leur site en plusieurs langues. Les chiffres de septembre 2000 montrent que 51% des utilisateurs sont anglo-saxons, et 78% des sites aussi. Les chiffres de cette prépondérance baissent à mesure qu'augmentent le nombre des internautes de par le monde... L'anglais va devenir la deuxième langue mondiale après la langue natale, mais il y aura d'autres. Un exemple: personnellement, à l'âge de 4 ans, je parlais trois langues alors que je ne savais ni lire ni écrire. Pour parler une langue, il peut suffire d'avoir la chance de l'écouter. On peut espérer que le cosmopolitisme traverse toutes les classes sociales en raison, par exemple, de l'Union européenne, du nomadisme des travailleurs, de la facilité de déplacement à l'étranger des étudiants, de la présence des chaînes TV et sites étrangers, etc." Blaise Rosnay, webmestre du site du Club des poètes: "Dans la mesure où la culture française, y compris contemporaine, pourra être diffusée sans obstacles, la langue française aura la possibilité de rester vivante sur le réseau. Ses oeuvres, liées au génie de notre langue, susciteront nécessairement de l'intérêt puisqu'elles sont en prise avec l'évolution actuelle de l'esprit humain. Dans la mesure où il y aura une volonté d'utiliser l'internet comme moyen de partage de la connaissance, de la beauté, de la culture, toutes les langues, chacune avec leur génie propre, y auront leur place. Mais si l'internet, comme cela semble être le cas, abandonne ces promesses pour devenir un lieu unique de transactions commerciales, la seule langue qui y sera finalement parlée sera une sorte de jargon dénaturant la belle langue anglaise, je veux dire un anglais amoindri à l'usage des relations uniquement commerciales." C'est aussi ce que pense Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique. "La langue unique est à l'évidence un système totalitaire. Tout ce qui peut contribuer à la diversité linguistique, sur internet comme ailleurs, est indispensable à la survie de la liberté de penser. Je n'exagère absolument pas: l'homme moderne joue là sa survie. Cela dit, je suis très pessimiste devant cette évolution. Les Anglo-saxons vous écrivent en anglais sans vergogne. L'immense majorité des Français constate avec une indifférence totale le remplacement progressif de leur langue par le mauvais anglais des marchands et des publicitaires, et le reste du monde a parfaitement admis l'hégémonie linguistique des Anglo-saxons parce qu'ils n'ont pas d'autres horizons que de servir ces riches et puissants maîtres. La seule solution consisterait à recourir à des législations internationales assez contraignantes pour obliger les gouvernements nationaux à respecter et à faire respecter la langue nationale dans leur propre pays (le français en France, le roumain en Roumanie, etc.), cela dans tous les domaines et pas seulement sur internet. Mais ne rêvons pas..." Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille, rappelle non sans raison que la suprématie de l'anglais a succédé à celle du français. "Le problème est politique et idéologique: c'est celui de l''impérialisme' de la langue anglaise découlant de l'impérialisme américain. Il suffit d'ailleurs de se souvenir de l''impérialisme' du français aux 18e et 19e siècles pour comprendre la déficience en langues des étudiants français: quand on n'a pas besoin de faire des efforts pour se faire comprendre, on n'en fait pas, ce sont les autres qui les font." De plus, la France n'est pas sans exercer pression pour imposer la suprématie de la langue française sur d'autres langues, comme on témoigne l'expérience de Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, qui écrit en juin 2001: "J'ai fait de la promotion du kreyòl (créole) une cause personnelle, puisque cette langue est le principal lien unissant tous les Haïtiens, malgré l'attitude dédaigneuse d'une petite élite haïtienne - à l'influence disproportionnée - vis-à-vis de l'adoption de normes pour l'écriture du kreyòl et le soutien de la publication de livres et d'informations officielles dans cette langue. A titre d'exemple, il y avait récemment dans la capitale d'Haïti un salon du livre de deux semaines, à qui on avait donné le nom de 'Livres en folie'. Sur les 500 livres d'auteurs haïtiens qui étaient présentés lors du salon, il y en avait une vingtaine en kreyòl, ceci dans le cadre de la campagne insistante que mène la France pour célébrer la francophonie dans ses anciennes colonies. A Haïti cela se passe relativement bien, mais au détriment direct de la créolophonie. En réponse à l'attitude de cette minorité haïtienne, j'ai créé sur mon site web Windows on Haiti deux forums de discussion exclusivement en kreyòl. Le premier forum regroupe des discussions générales sur toutes sortes de sujets, mais en fait ces discussions concernent principalement les problèmes socio-politiques qui agitent Haïti. Le deuxième forum est uniquement réservé aux débats sur les normes d'écriture du kreyòl. Ces débats sont assez animés et une certain nombre d'experts linguistiques y participent. Le caractère exceptionnel de ces forums est qu'ils ne sont pas académiques. Je n'ai trouvé nulle part ailleurs sur l'internet un échange aussi spontané et aussi libre entre des experts et le grand public pour débattre dans une langue donnée des mérites et des normes de la même langue." S'il est la langue officielle de 50 pays, le français est aussi la deuxième langue utilisée dans les organisations internationales, après l'anglais. Là aussi, malgré la pression anglophone, réelle ou supposée selon les cas, des francophones veillent à ce que le français ait la place qui lui revient, au même titre que les autres grandes langues de communication que sont l'anglais, l'arabe, le chinois et l'espagnol, dans le respect de la diversité des peuples, des langues et des cultures. On souhaiterait pourtant moins de manifestations de prestige et davantage d'actions concrètes. "Concernant le français, il existe un groupement de pays francophones dont des délégués se réunissent régulièrement", écrit Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne. "Le résultat de ces réunions ne m'est jamais apparu clairement; l'économie réalisée en supprimant un ou deux de ces raouts permettrait peut-être de financer un projet majeur et global pour développer des traducteurs automatiques." 14.5. Communication et échanges culturels Pour Bruno Didier, webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur, "internet n'est une propriété ni nationale, ni linguistique. C'est un vecteur de culture, et le premier support de la culture, c'est la langue. Plus il y a de langues représentées dans leur diversité, plus il y aura de cultures sur internet. Je ne pense pas qu'il faille justement céder à la tentation systématique de traduire ses pages dans une langue plus ou moins universelle. Les échanges culturels passent par la volonté de se mettre à la portée de celui vers qui on souhaite aller. Et cet effort passe par l'appréhension de sa langue. Bien entendu c'est très utopique comme propos. Concrètement, lorsque je fais de la veille, je peste dès que je rencontre des sites norvégiens ou brésiliens sans un minimum d'anglais." Selon Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain, "il y aura encore pendant longtemps l'usage de langues différentes et tant mieux pour le droit à la différence. Le risque est bien entendu l'envahissement d'une langue au détriment des autres, donc l'aplanissement culturel. Je pense que des services en ligne vont petit à petit se créer pour pallier cette difficulté. Tout d'abord, des traducteurs pourront traduire et commenter des textes à la demande, et surtout les sites de grande fréquentation vont investir dans des versions en langues différentes, comme le fait l'industrie audiovisuelle." Financé par la Commission européenne, ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies) regroupe 135 universités et sociétés de 26 pays différents dont l'objectif commun est de construire des systèmes multilingues pour la parole et la langue naturelle. Son coordinateur, Steven Krauwer, est chercheur en linguistique computationnelle à l'Institut de linguistique d'Utrecht (Pays-Bas). En septembre 1998, il écrit: "En tant que citoyen européen, je pense que le multilinguisme sur le web est absolument essentiel. A mon avis, ce n'est pas une situation saine à long terme que seuls ceux qui ont une bonne maîtrise de l'anglais puissent pleinement exploiter les bénéfices du web. En tant que chercheur (spécialisé dans la traduction automatique), je vois le multilinguisme comme un défi majeur: pouvoir garantir que l'information sur le web soit accessible à tous, indépendamment des différences de langue." En août 1999, il ajoute: "Je suis de plus en plus convaincu que nous devons veiller à ne pas aborder le problème du multilinguisme en l'isolant du reste. Je reviens de France, où j'ai passé de très bonnes vacances d'été. Même si ma connaissance du français est sommaire (c'est le moins que l'on puisse dire), il est surprenant de voir que je peux malgré tout communiquer sans problème en combinant ce français sommaire avec des gestes, des expressions du visage, des indices visuels, des schémas, etc. Je pense que le web (contrairement au système vieillot du courrier électronique textuel) peut permettre de combiner avec succès la transmission des informations par différents canaux (ou moyens), même si ce processus n'est que partiellement satisfaisant pour chacun des canaux pris isolément." A la même date, Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, écrit: "L'internet est devenu multiforme et exige de plus en plus des outils performants en raison de l''enrichissement' des contenus (ou plutôt des contenants, car sur le fond, le contenu véritable, rien n'est enrichi sauf les entreprises qui les vendent). Il faut des systèmes costauds, bien pourvus en mémoire, avec des microprocesseurs puissants. Or, s'il y a développement du web non anglophone, il s'adressera pour une bonne part à des populations qui n'ont pas les moyens de se procurer des systèmes puissants, les tous derniers logiciels et systèmes d'exploitation, et de renouveler et mettre à niveau tout ce bazar aux douze mois. En outre, les infrastructures de communication, dans bien des régions hors Europe ou États-Unis, font cruellement défaut. Il y a donc problème de bande passante. Je le constate depuis le tout début des Chroniques. Des correspondants (Afrique, Asie, Antilles, Amérique du Sud, région Pacifique) me disent apprécier la formule d'abonnement par courrier électronique car elle leur permet en récupérant un seul message de lire, de s'informer, de faire une présélection des sites qu'ils ou elles consulteront par la suite. Il faut pour eux, dans bien des cas, optimiser les heures de consultation en raison des infrastructures techniques plutôt faibles. C'est dans ces régions, non anglophones, que réside le développement du web. Il faut donc tenir compte des caractéristiques techniques du médium si on veut rejoindre ces 'nouveaux' utilisateurs. Je déplore aussi qu'il se fasse très peu de traductions des textes et essais importants qui sont publiés sur le web, tant de l'anglais vers d'autres langues que l'inverse. Je m'explique. Par exemple, Jon Katz publie une analyse du phénomène de la culture Goth qui imprégnait les auteurs du massacre de Littleton, et de l'expression Goth sur le web. La presse francophone tire une phrase ou deux de l'analyse de Katz, grapille quelques concepts, en fait un article et c'est tout. Mais c'est insuffisant pour comprendre Katz et saisir ses propos sur la culture de ces groupes de jeunes. De même, la nouveauté d'internet dans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu'il nous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones et autres de la communication?" Henri Slettenhaar est professeur en technologies de la communication à la Webster University de Genève. De nationalité hollandaise, il enseigne en anglais, et parle aussi couramment le français. Ses réponses sur trois ans montrent combien les choses ont changé en matière de multilinguisme. En décembre 1998, il écrit: "Je vois le multilinguisme comme un facteur fondamental. Les communautés locales présentes sur le web devraient en tout premier lieu utiliser leur langue pour diffuser des informations. Si elles veulent également présenter ces informations à la communauté mondiale, celles-ci doient être aussi disponibles en anglais. Je pense qu'il existe un réel besoin de sites bilingues." En août 1999, il ajoute: "A mon avis, il existe deux catégories sur le web. La première est la recherche globale dans le domaine des affaires et de l'information. Pour cela, la langue est d'abord l'anglais, avec des versions locales si nécessaire. La seconde, ce sont les informations locales de tous ordres dans les endroits les plus reculés. Si l'information est à destination d'une ethnie ou d'un groupe linguistique, elle doit d'abord être dans la langue de l'ethnie ou du groupe, avec peut-être un résumé en anglais. Nous avons vu récemment l'importance que pouvaient prendre ces sites locaux, par exemple au Kosovo ou en Turquie, pour n'évoquer que les événements les plus récents. Les gens ont pu obtenir des informations sur leurs proches grâce à ces sites." En août 2000, il complète: "Le multilinguisme s'est beaucoup développé. De nombreux sites de commerce électronique sont maintenant multilingues, et il existe maintenant des sociétés qui vendent des produits permettant la localisation des sites (adaptation des sites aux marchés nationaux, ndlr)." Randy Hobler, consultant en marketing internet: "Comme l'internet n'a pas de frontières nationales, les internautes s'organisent selon d'autres critères propres au médium. En termes de multilinguisme, vous avez des communautés virtuelles, par exemple ce que j'appelle les 'nations des langues', tous ces internautes qu'on peut regrouper selon leur langue maternelle quel que soit leur lieu géographique. Ainsi la nation de la langue espagnole inclut non seulement les internautes d'Espagne et d'Amérique latine, mais aussi tous les hispanophones vivant aux Etats-Unis, ou encore ceux qui parlent espagnol au Maroc." "L'internet incite les gens à apprendre les langues associées aux cultures qui les intéressent, écrit Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti. Ces personnes réalisent rapidement que la langue d'un peuple est un élément fondamental de sa culture." "Je pense que la bonne question est [moins celle d'un internet multilingue que] celle d'un internet multiculturel", résume François Vadrot, PDG de FTPress. 14.6. Le réseau au service des langues minoritaires Dès ses débuts, l'internet représente une chance pour les langues minoritaires. "Nous croyons que le web devrait chercher, entre autres, à favoriser un renforcement des cultures et des langues minoritaires, en particulier pour les communautés dispersées, écrivent en août 1998 Guy Bertrand et Cynthia Delisle, du CEVEIL (Centre dexpertise et de veille inforoutes et langues, Québec). Grâce à la tenacité de certains membres de ces communautés linguistiques minoritaires, c'est désormais le cas. Guy Antoine, qui a créé Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne, raconte: "A la fin d'avril 1998, j'ai créé un site internet dont le concept est simple mais dont le but est ambitieux: d'une part être une source d'information majeure sur la culture haïtienne, d'autre part contrer les images continuellement négatives que les médias traditionnels donnent d'Haïti. Je voulais aussi montrer la diversité de la culture haïtienne dans des domaines tels que l'art, l'histoire, la cuisine, la musique, la littérature et les souvenirs de la vie traditionnelle. Le site dispose d'un livre d'or regroupant les témoignages personnels des visiteurs sur leurs liens avec Haïti. Pour résumer, il ouvre de nouvelles 'fenêtres' sur la culture haïtienne." L'utilisation de l'internet a eu un impact considérable sur son activité. En novembre 1999, il écrit: "Le principal changement réside dans la multiplicité de mes contacts avec les milieux culturels, universitaires et journalistiques, et avec des gens de toutes origines dans le monde entier. Grâce à quoi je suis maintenant bien plus au fait des ressources professionnelles existant de par le monde dans ce domaine, et du réel engouement suscité à l'échelon international par Haïti, sa culture, sa religion, sa politique et sa littérature. (...) L'internet peut héberger des informations utiles sur les langues minoritaires, qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser de trace. Depuis que j'ai ouvert mon site, il est devenu du jour au lendemain un lieu de rassemblement de divers groupes et individus intéressés par la culture haïtienne, ce qui m'amène à effectuer des tâches quasi-professionnelles consistant à regrouper les informations, écrire des commentaires, rédiger des textes et diffuser la culture haïtienne. (...) Je vois mon avenir professionnel dans le prolongement de ce que je fais à l'heure actuelle: utiliser la technologie pour accroître les échanges interculturels. J'espère m'associer avec les bonnes personnes pour, au-delà de Haïti, avancer vers un idéal de fraternité dans notre monde." La culture et la langue sont intimement liées. "Que sont les Haïtiens, par exemple, sans le kreyòl (créole pour les non initiés), une langue qui s'est développée et qui a permis de souder entre elles diverses tribus africaines transplantées à Haïti pendant la période de l'esclavage? Cette langue représente de manière la plus palpable l'unité de notre peuple. Elle est toutefois principalement une langue parlée et non écrite. A mon avis, le web va changer cet état de fait plus qu'aucun autre moyen traditionnel de diffusion d'une langue. Dans Windows on Haiti, la langue principale est l'anglais, mais on y trouve tout aussi bien un forum de discussion animé conduit en kreyòl. Il existe aussi des documents sur Haïti en français et dans l'ancien créole colonial, et je suis prêt à publier d'autres documents en espagnol et dans diverses langues. Je ne propose pas de traductions, mais le multilinguisme est effectif sur ce site, et je pense qu'il deviendra de plus en plus la norme sur le web." En juin 2001, il ajoute: "Depuis notre dernier entretien, j'ai été nommé directeur des communications et des relations stratégiques de Mason Integrated Technologies, une société qui a pour principal objectif de créer des outils permettant la communication et l'accessibilité des documents créés dans des langues minoritaires. Etant donné l'expérience de l'équipe en la matière, nous travaillons d'abord sur le créole haïtien (kreyòl), qui est la seule langue nationale d'Haïti, et l'une des deux langues officielles, l'autre étant le français. Cette langue ne peut guère être considérée comme une langue minoritaire dans les Caraïbes puisqu'elle est parlée par huit à dix millions de personnes." Autre expérience, celle de Caiomhín Ó Donnaíle, qui enseigne l'informatique en langue gaélique à l'Université Sabhal Mór Ostaig, située sur l'île de Skye, en Ecosse. Le site web de l'université, dont il est le webmestre, est aussi le principal site d'information en gaélique écossais, avec une section en anglais et en gaélique sur les langues européennes minoritaires, classées par ordre alphabétique et par famille linguistique. "Le développement de l'internet amène le danger de la suprématie de l'anglais, écrit-il en janvier 2000. Toutefois, si les gens ont la ferme volonté d'accorder une place à d'autres langues, l'internet permettra de les aider dans cette démarche." En mai 2001, il insiste encore "sur le fait que, en ce qui concerne l'avenir des langues menacées, l'internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucient pas de préserver les langues, l'internet et la mondialisation qui l'accompagne accéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens se soucient vraiment de les préserver, l'internet constituera une aide irremplaçable." Par ailleurs, il souligne "une forte augmentation de l'utilisation des technologies de l'information dans notre université: beaucoup plus d'ordinateurs, davantage de personnel spécialisé en informatique, des écrans plats. Les étudiants font tout sur ordinateur, ils utilisent un correcteur d'orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. Notre site web est beaucoup plus visité. On utilise davantage l'audio. Il est maintenant possible d'écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) en continu sur l'internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrement importante a été la traduction en gaélique du logiciel de navigation Opera. C'est la première fois qu'un logiciel de cette taille est disponible en gaélique." Robert Beard, co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour les langues, relate: "Si l'anglais domine encore le web, on voit s'accentuer le développement de sites monolingues et non anglophones du fait des solutions variées apportées aux problèmes de caractères. Les langues menacées sont essentiellement des langues non écrites (un tiers seulement des 6.000 langues existant dans le monde sont à la fois écrites et parlées). Je ne pense pourtant pas que le web va contribuer à la perte de l'identité des langues et j'ai même le sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, de plus en plus d'Indiens d'Amérique contactent des linguistes pour leur demander d'écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer des dictionnaires. Pour eux, le web est un instrument à la fois accessible et très précieux d'expression culturelle." C'est aussi l'opinion d'Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique: "Par sa nature ouverte, le web est déjà aujourd'hui le meilleur outil de propagation et donc de préservation de langues qui, sans le web, pourraient être menacées d'extinction. La seule solution pour qu'une langue accroisse sa présence sur le web est que ses promoteurs aient vraiment envie de se bouger! Il faut se souvenir que l'imprimerie avait été accusée de sonner le glas de toutes les langues autres que le latin! La réalité a été que l'imprimerie, en permettant à toutes les langues de se transmettre plus facilement, a provoqué la mort du latin." 14.7. Des outils pour passer d'une langue à l'autre Jean-Pierre Balpe est directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8. A la question: "Quelles sont vos suggestions pour un véritable multilinguisme sur le web?", qui avait son intérêt en 1998 mais qu'il n'est peut-être plus utile de poser en 2001, il rétorque: "Ah bon! Ce n'est pas multilingue? Je croyais pourtant car il m'arrive de naviguer en italien, français, espagnol, arabe, chinois, flamand, etc. Voulez-vous dire francophone pour multilingue? (La réponse est non, ndlr.) Si c'est l'anglais que vous visez, internet ne fait que reproduire sa situation de langue internationale d'échange. Est-ce à dire qu'il n'en faudrait pas? Je n'en suis pas si sûr." Il est vrai que le multilinguisme progresse à pas de géant et que toutes les langues sont désormais représentées sur le web. Les progrès sont énormes depuis 1998. Mais nombreux sont ceux qui sont unilingues, et ceci vaut pour toutes les communautés linguistiques. Miriam Mellman, qui habite San Francisco, ne parle que l'anglais. "Internet est planétaire, il est donc important qu'il soit multilingue, déclare-t-elle. Ce serait formidable que des gens paresseux comme moi puissent disposer de programmes de traduction instantanée. Même si je décide d'apprendre une autre langue que l'anglais, il en existe bien d'autres, et ceci rendrait la communication plus facile. Je ne sais pas si un tel programme est techniquement possible, mais il serait très pratique." La demande ne vient pas seulement des unilingues, mais aussi de ceux qui parlent deux ou plusieurs langues. Le numérique en général et le web en particulier leur ouvrent à tous des perspectives sans précédent, et ils aimeraient bénéficier de cette manne multilingue en ayant accès aux langues qu'ils ne connaissent pas. "Je suis de langue française, raconte Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac. J'ai appris l'allemand, l'anglais, l'arabe, mais je suis encore loin du compte quand je surfe dans tous les coins de la planète. Il serait dommage que les plus nombreux ou les plus puissants soient les seuls qui 's'affichent' et, pour ce qui est des logiciels de traduction, il y a encore largement à faire." Chercheur en traduction automatique et coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies), Steven Krauwer suggère les solutions suivantes: "en ce qui concerne l'auteur, une meilleure formation des auteurs de sites web pour exploiter les combinaisons de modalités possibles afin d'améliorer la communication par-delà les barrières des langues (et pas seulement par un vernis superficiel); en ce qui concerne l'usager, des logiciels de traduction de type AltaVista Translation, dont la qualité n'est pas frappante, mais qui a le mérite d'exister; en ce qui concerne le navigateur, des logiciels de traduction intégrée, particulièrement pour les langues non dominantes, et des dictionnaires intégrés plus rapides." Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures multimédias: "La traduction simultanée (proposée par AltaVista par exemple) ou les versions multilingues d'un même contenu me semblent aujourd'hui les meilleures réponses au danger de pensée unique que représenterait une seule langue d'échange. Peut-être appartient-il aux éditeurs des systèmes d'exploitation (ou de navigateurs?) de proposer des solutions de traduction partielle, avec toutes les limites connues des systèmes automatiques de traduction..." Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne: "La seule solution que je vois serait qu'un effort majeur et global soit entrepris pour développer des traducteurs automatiques. Je ne pense pas qu'une quelconque incitation ou autre quota pourrait empêcher la domination totale de l'anglais. Cet effort pourrait - et devrait - être initié au niveau des états, et disposer des moyens suffisants pour aboutir." Les logiciels de traduction automatique ne sont pas encore satisfaisants (voir 15), et la gestion de sites web multilingues demande beaucoup d'argent. La seule solution à court terme semble résider dans le développement des moteurs de recherche multilingues. Il importe aussi d'avoir à l'esprit l'ensemble des langues et pas seulement les langues dominantes, comme le souligne Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D: "Les recherches sur la traduction automatique devraient permettre une traduction automatique dans les langues souhaitées, mais avec des applications pour toutes les langues et non les seules dominantes (ex: diffusion de documents en japonais, si l'émetteur est de langue japonaise, et lecture en breton, si le récepteur est de langue bretonne...). Il y a donc beaucoup de travaux à faire dans la direction de la traduction automatique et écrite de toutes les langues." Mais ces logiciels sont-ils une solution? Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas, rappelle que "chaque langue possède son génie propre. La difficulté, c'est de ne pas le perdre en route". C'est aussi l'avis de Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti: "Je n'ai pas grande confiance dans les outils de traduction automatique qui, s'ils traduisent les mots et les expressions, ne peuvent guère traduire l'âme d'un peuple." Ces logiciels ne seront eux-mêmes qu'une étape. L'étape suivante devrait être la traduction instantanée. Alex Andrachmes, producteur audiovisuel et écrivain, attend "les fameuses traductions simultanées en direct-live... On nous les annonce avec les nouveaux processeurs ultra-puissants, mais on nous les annonçait déjà pour cette génération-ci de processeurs. Alors, le genre: vous/réservé/avion/de le/november 17-2000... Non merci. Plus tard peut-être." "Quand la qualité des logiciels sera suffisante pour que les gens puissent discuter sur le web en temps réel dans différentes langues, nous verrons tout un monde s'ouvrir à nous, écrit Tim McKenna, écrivain et philosophe. Les scientifiques, les hommes politiques, les hommes d'affaires et bien d'autres groupes seront à même de communiquer immédiatement entre eux sans l'intermédiaire de médiateurs ou traducteurs." "Peut-on réellement penser que toute la population du monde va communiquer dans tous les sens?, se demande François Vadrot, PDG de FTPress. Peut-être? Via des systèmes de traduction instantanée, par écrit ou par oral? J'ai du mal à imaginer qu'on verra de sitôt des outils capables de translater les subtilités des modes de pensée propres à un pays: il faudrait pour lors traduire, non plus du langage, mais établir des passerelles de sensibilité." Pour conclure, laissons la parole à Michel Benoît, écrivain: "Lorsqu'un problème affecte une structure, quelle qu'elle soit, j'ai toujours tendance à imaginer que c'est techniquement que le problème trouve sa solution. Vous connaissez cette théorie? Si les Romains avaient trouvé le moyen d'enlever le plomb de leur couvert d'étain, Néron ne serait jamais devenu fou et n'aurait jamais incendié Rome. Escusi, farfelu? Peut-être que oui, peut-être que non. E que save? L'internet multilingue? Demain, ou après demain au plus. Voyons, pensez au premier ordinateur, il y a de cela un peu plus que cinquante ans. Un étage au complet pour faire à peine plus que les quatre opérations de base. Dans ce temps-là, un bug, c'était véritablement une mouche - ou autre insecte - qui s'insérait entre les lecteurs optiques. De nos jours, un carte de 3 cm x 5 cm fait la même chose. La traduction instantanée: demain, après-demain au plus." 15. LA TRADUCTION AUTOMATIQUE [Dans ce chapitre:] [15.1. Définition et historique // 15.2. Une qualité médiocre, puis des progrès sensibles] Comme on l'a vu dans le chapitre précédent, si la traduction automatique offre déjà de réels services, on en en attend bien davantage. Voici le point sur le sujet, ainsi que le point de vue de spécialistes travaillant sur les logiciels à venir. 15.1. Définition et historique La traduction automatique (TA) est un outil pratique, mais elle ne remplace pas et n'est pas destinée à remplacer le professionnel qui traduit. L'être humain n'intervient pas au cours du processus, contrairement à la traduction assistée par ordinateur (TAO), qui exige une certaine interaction entre l'homme et la machine. Un logiciel de traduction automatique analyse le texte dans la langue source (texte à traduire) et génère automatiquement le texte correspondant dans la langue cible (texte traduit), en utilisant des règles précises pour le transfert de la structure grammaticale. "Il existe aujourd'hui un certain nombre de systèmes produisant un résultat qui, s'il n'est pas parfait, est de qualité suffisante pour être utile dans certaines applications spécifiques, en général dans le domaine de la documentation technique, lit-on sur le site de l'EAMT (European Association for Machine Translation). De plus, les logiciels de traduction, qui sont essentiellement destinés à aider le traducteur humain à produire des traductions, jouissent d'une popularité croissante auprès des organismes professionnels de traduction." Voici un résumé des informations que donnait le site web de Globalink, disparu depuis, la société ayant été rachetée par Lernout & Hauspie en 1999. Dès leurs débuts, la traduction automatique et le traitement de la langue naturelle progressent de pair avec l'évolution de l'informatique quantitative. Pendant la seconde guerre mondiale, le développement des premiers ordinateurs programmables bénéficie des progrès de la cryptographie et des efforts faits pour tenter de fissurer les codes secrets allemands et autres codes de guerre. Suite à la guerre, la traduction et l'analyse du texte en langue naturelle procurent une base de travail au secteur émergent des technologies de l'information. Dans les années 50, la recherche porte sur la traduction littérale, à savoir la traduction mot à mot sans prise en compte des règles linguistiques. Le projet russe débuté à l'Université de Georgetown en 1950 représente la première tentative systématique visant à créer un système de traduction automatique utilisable. Des recherches sont également menées en Europe et aux Etats-Unis tout au long des années 50 et au début des années 60. Au même moment, les progrès rapides en linguistique théorique culminent en 1965 avec la publication de Aspects of the Theory and Syntax de Noam Chomsky, qui propose une nouvelle définition de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe et de la sémantique du langage humain. En 1966, aux Etats-Unis, le rapport ALPAC fait une estimation prématurément négative de la valeur des systèmes de traduction automatique, et des perspectives offertes par ceux-ci, mettant fin au financement et à l'expérimentation dans ce domaine pour la décennie suivante. C'est seulement à la fin des années 70 que des tentatives sérieuses sont à nouveau entreprises, parallèlement aux progrès de l'informatique et des technologies des langues. Cette période voit aussi le développement de systèmes de transfert et l'émergence des premières tentatives commerciales. Des sociétés comme Systran et Metal sont persuadées que la traduction automatique est un marché viable et utile. Elles mettent sur pied des produits et services de traduction automatique reliés à un serveur central. Mais les problèmes sont nombreux: des coûts élevés de développement, une lexicographie demandant un énorme travail, des difficultés pour proposer de nouvelles combinaisons de langues, l'inaccessibilité de tels systèmes pour l'utilisateur moyen, et enfin la difficulté de passer à de nouveaux stades de développement. 15.2. Une qualité médiocre, puis des progrès sensibles Le dernier en date des logiciels de traduction automatique est celui d'IBM, le WebSphere Translation Server. Le logiciel est capable de traduire instantanément en plusieurs langues des pages web, des courriers électroniques et des dialogues en direct (chats). Il interprète 500 mots à la seconde et permet d'ajouter des vocabulaires spécifiques (finance, sciences, etc.). Les fournisseurs de services en ligne et les entreprises peuvent proposer en espagnol, en allemand, en français et en italien leurs textes rédigés en anglais, et vice-versa. Les documents en anglais peuvent également être traduits en chinois, en japonais et en coréen, mais l'inverse est impossible. Testé notamment par la Deutsche Bank, le logiciel est commercialisé en mars 2001 pour 10.000 $US (10.500 euros). "Jusqu'à présent, l'industrie de la traduction automatique n'était constituée que de quelques sociétés et ne possédait pas de leader clairement établi. L'entrée d'IBM sur ce marché représente un tournant majeur et permettra d'accélérer l'adoption de la traduction par ordinateur, un marché estimé à 378 millions de dollars (397 millions d'euros, ndlr) à l'horizon 2003", déclare dans un communiqué (cité par l'AFP) Steve McClure, vice-président du Speech and Natural Language Software, une des branches du cabinet de conseil International Data Corporation. Il n'empêche, les "quelques sociétés" concurrentes d'IBM ont de nombreuses réalisations à leur actif. Softissimo, éditeur de logiciels de traduction automatique et d'apprentissage des langues, est la société créatrice de Reverso, une série de logiciels de traduction. La société est également l'auteur de produits d'écriture multilingue, de dictionnaires électroniques, d'aide à la rédaction et de méthodes de langues. Reverso équipe notamment Voilà, le moteur de recherche de France Télécom. Systran (acronyme de : System Translation) est spécialisé dans la technologie et les logiciels de traduction automatique. Son logiciel est utilisé notamment dans AltaVista World, le service de traduction automatique d'AltaVista. Alis Technologies propose des technologies et des services de consultation en matière de communication linguistique. Lernout & Hauspie (L&H) est le leader mondial des technologies de reconnaissance vocale. La société propose des produits et services en matière de dictée, traduction, compression vocale, synthèse vocale et documentation industrielle automatiques, et ce pour le grand public, les professionnels et les industriels. Des équipes de recherche sont également très actives. En voici quelques-unes. Financé par le programme HLT (Human Language Technologies) de la Communauté européenne, ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies) regroupe 135 universités et sociétés de 26 pays différents spécialisées dans les technologies de la langue et de la parole. Au sein du Laboratoire CLIPS (Communication langagière et interaction personne-système) de l'Institut d'informatique et mathématiques appliquées (IMAG) de Grenoble, le GETA (Groupe d'étude pour la traduction automatique) est une équipe pluridisciplinaire formée d'informaticiens et de linguistes. Ses thèmes de recherche concernent tous les aspects théoriques, méthodologiques et pratiques de la traduction assistée par ordinateur (TAO), et plus généralement de l'informatique multilingue. Le GETA participe à l'Universal Networking Language Programme (UNLP), un projet de "métalangage numérique" pour l'encodage, le stockage, la recherche et la communication d'informations multilingues indépendamment d'une langue source - et donc d'un système de pensée - donnée. Ce projet est mené sous l'égide de l'Université des Nations unies (UNU, Tokyo). Dans le cadre de l'Institut des sciences de l'information (ISI) de l'Université de Californie du Sud (USC), le Natural Language Group traite de plusieurs aspects du traitement de la langue naturelle: traduction automatique, résumé automatique de texte, accès multilingue aux verbes et gestion du texte, développement de taxonomies de concepts (ontologies), discours et génération de texte, élaboration d'importants lexiques pour plusieurs langues, et communication multimédias. Recueillis sur trois ans (1998, 1999, 2000), les propos d'Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group, sont éclairants sur les progrès récents de la traduction automatique. Ses commentaires en août 1998: "Dans le contexte de la recherche documentaire et du résumé automatique de texte, le multilinguisme sur le web est un facteur qui ajoute à la complexité du sujet. Les gens écrivent dans leur propre langue pour diverses raisons: commodité, discrétion, communication à l'échelon local, mais ceci ne signifie pas que d'autres personnes ne soient pas intéressées de lire ce qu'ils ont à dire! Ceci est particulièrement vrai pour les sociétés impliquées dans la veille technologique (disons une société informatique qui souhaite connaître tous les articles de journaux et périodiques japonais relatifs à son activité) et des services de renseignements gouvernementaux ceux qui procurent l'information la plus récente, utilisée ensuite par les fonctionnaires pour décider de la politique, etc.). Un des principaux problèmes auquel ces services doivent faire face est la très grande quantité d'informations. Ils recrutent donc du personnel bilingue 'passif' qui peut scanner rapidement les textes afin de mettre de côté ce qui est sans intérêt et de donner ensuite les documents significatifs à des traducteurs professionnels. Manifestement, une combinaison de résumé automatique de texte et de traduction automatique sera très utile dans ce cas. Comme la traduction automatique est longue, on peut d'abord résumer le texte dans la langue étrangère, puis effectuer une traduction automatique rapide à partir du résultat obtenu, en laissant à un être humain ou un classificateur de texte (du type recherche documentaire) le soin de décider si on doit garder l'article ou le rejeter. Pour ces raisons, durant ces cinq dernières années, le gouvernement des Etats-Unis a financé des recherches en traduction automatique, en résumé automatique de texte et en recherche documentaire, et il s'intéresse au lancement d'un nouveau programme de recherche en informatique documentaire multilingue. On sera ainsi capable d'ouvrir un navigateur tel que Netscape ou Explorer, entrer une demande en anglais, et obtenir la liste des documents dans toutes les langues. Ces documents seront regroupés par sous-catégorie avec un résumé pour chacun et une traduction pour les résumés étrangers, toutes choses qui seraient très utiles. En consultant MuST (multilingual information retrieval, summarization, and translation system), vous aurez une démonstration de notre version de ce programme de recherche, qui utilise l'anglais comme langue de l'utilisateur sur un ensemble d'environ 5.000 textes en anglais, japonais, arabe, espagnol et indonésien. Entrez votre demande (par exemple, 'baby', ou tout autre terme) et appuyez sur la touche Retour. Dans la fenêtre du milieu vous verrez les titres (ou bien les mots-clés, traduits). Sur la gauche vous verrez la langue de ces documents: 'Sp' pour espagnol, 'Id' pour indonésien, etc. Cliquez sur le numéro situé sur la partie gauche de chaque ligne pour voir le document dans la fenêtre du bas. Cliquez sur 'Summarize' pour obtenir le résumé. Cliquez sur 'Translate' pour obtenir la traduction (attention, les traductions en arabe et en japonais sont extrêmement lentes! Essayez plutôt l'indonésien pour une traduction rapide mot à mot). Ce programme de démonstration n'est pas (encore) un produit. Nous avons de nombreuses recherches à mener pour améliorer la qualité de chaque étape. Mais ceci montre la direction dans laquelle nous allons." Ses commentaires en août 1999: "Durant les douze derniers mois, j'ai été contacté par un nombre surprenant de nouvelles sociétés et start-up en technologies de l'information. La plupart d'entre elles ont l'intention d'offrir des services liés au commerce électronique (vente en ligne, échange, collecte d'information, etc.). Etant donné les faibles résultats des technologies actuelles du traitement de la langue naturelle - ailleurs que dans les centres de recherche - c'est assez surprenant. Quand avez-vous pour la dernière fois trouvé rapidement une réponse correcte à une question posée sur le web, sans avoir eu à passer en revue pendant un certain temps des informations n'ayant rien à voir avec votre question? Cependant, à mon avis, tout le monde sent que les nouveaux développements en résumé automatique de texte, analyse des questions, etc., vont, je l'espère, permettre des progrès significatifs. Mais nous ne sommes pas encore arrivés à ce stade. Il me semble qu'il ne s'agira pas d'un changement considérable, mais que nous arriverons à des résultats acceptables, et que l'amélioration se fera ensuite lentement et sûrement. Ceci s'explique par le fait qu'il est très difficile de faire en sorte que votre ordinateur 'comprenne' réellement ce que vous voulez dire - ce qui nécessite de notre part la construction informatique d'un réseau de 'concepts' et des relations de ces concepts entre eux - réseau qui, jusqu'à un certain stade au moins, reflèterait celui de l'esprit humain, au moins dans les domaines d'intérêt pouvant être regroupés par sujets. Le mot pris à la 'surface' n'est pas suffisant - par exemple quand vous tapez: 'capitale de la Suisse', les systèmes actuels n'ont aucun moyen de savoir si vous songez à 'capitale administrative' ou 'capitale financière'. Dans leur grande majorité, les gens préféreraient pourtant un type de recherche basé sur une expression donnée, ou sur une question donnée formulée en langage courant. Plusieurs programmes de recherche sont en train d'élaborer de vastes réseaux de 'concepts', ou d'en proposer l'élaboration. Ceci ne peut se faire en deux ans, et ne peut amener rapidement un résultat satisfaisant. Nous devons développer à la fois le réseau et les techniques pour construire ces réseaux de manière semi-automatique, avec un système d'auto-adaptation. Nous sommes face à un défi majeur." Ses commentaires en septembre 2000: "Je vois de plus en plus de petites sociétés utiliser d'une manière ou d'une autre les technologies liées aux langues, pour procurer des recherches, des traductions, des rapports ou d'autres services permettant de communiquer. Le nombre de créneaux dans lesquels ces technologies peuvent être utilisées continue de me surprendre, et cela va des rapports financiers et leurs mises à jour aux communications d'une société à l'autre en passant par le marketing. En ce qui concerne la recherche, la principale avancée que je vois est due à Kevin Knight, un collègue de l'ISI (Institut des sciences de l'information de l'Université de Californie du Sud, ndlr), ce dont je suis très honoré. L'été dernier, une équipe de chercheurs et d'étudiants de l'Université Johns Hopkins (Maryland) a développé une version à la fois meilleure et plus rapide d'une méthode développée à l'origine par IBM (et dont IBM reste propriétaire) il y a douze ans environ. Cette méthode permet de créer automatiquement un système de traduction automatique, dans la mesure où on lui fournit un volume suffisant de texte bilingue. Tout d'abord la méthode trouve toutes les correspondances entre les mots et la position des mots d'une langue à l'autre, et ensuite elle construit des tableaux très complets de règles entre le texte et sa traduction, et les expressions correspondantes. Bien que la qualité du résultat soit encore loin d'être satisfaisante - personne ne pourrait considérer qu'il s'agit d'un produit fini, et personne ne pourrait utiliser le résultat tel quel - l'équipe a créé en vingt-quatre heures un système (élémentaire) de traduction automatique du chinois vers l'anglais. Ceci constitue un exploit phénoménal, qui n'avait jamais été réalisé avant. Les détracteurs du projet peuvent bien sûr dire qu'on a besoin dans ce cas de trois millions de phrases disponibles dans chaque langue, et qu'on ne peut se procurer une quantité pareille que dans les parlements du Canada, de Hong-Kong ou d'autres pays bilingues. Ils peuvent bien sûr arguer également de la faible qualité du résultat. Mais le fait est que, tous les jours, on met en ligne des textes bilingues au contenu à peu près équivalent, et que la qualité de cette méthode va continuer de s'améliorer pour atteindre au moins celle des logiciels de traduction automatique actuels, qui sont conçus manuellement. J'en suis absolument certain. D'autres développements sont moins spectaculaires. On observe une amélioration constante des résultats dans les systèmes pouvant décider de la traduction opportune d'un terme (homonyme) qui a des significations différentes (par exemple père, pair et père, ndlr). On travaille beaucoup aussi sur la recherche d'information par recoupement de langues (qui vous permettront bientôt de trouver sur le web des documents en chinois et en français même si vous tapez vos questions en anglais). On voit également un développement rapide des systèmes qui répondent automatiquement à des questions simples (un peu comme le populaire AskJeeves utilisé sur le web, mais avec une gestion par ordinateur et non par des êtres humains). Ces systèmes renvoient à un grand volume de texte permettant de trouver des 'factiodes' (et non des opinions ou des motifs ou des chaînes d'événements) en réponse à des questions telles que: 'Quelle est la capitale de l'Ouganda?', ou bien: 'Quel âge a le président Clinton?', ou bien: 'Qui a inventé le procédé Xerox?', et leurs résultats obtenus sont plutôt meilleurs que ce à quoi je m'attendais." L'étape suivante est définie par Randy Hobler, consultant en marketing internet: "Nous arriverons rapidement au point où une traduction très fidèle du texte et de la parole sera si commune qu'elle pourra faire partie des plate-formes ou même des puces, écrit-il. A ce point, quand le développement de l'internet aura atteint sa vitesse de croisière, que la fidélité de la traduction atteindra plus de 98% et que les différentes combinaisons de langues possibles auront couvert la grande majorité du marché, la transparence de la langue (toute communication d'une langue à une autre) sera une vision trop restrictive pour ceux qui vendent cette technologie. Le développement suivant sera la 'transparence transculturelle et transnationale' dans laquelle les autres aspects de la communication humaine, du commerce et des transactions au-delà du seul langage entreront en scène. Par exemple, les gestes ont un sens, les mouvements faciaux ont un sens, et ceci varie en fonction des sociétés. La lettre O réalisée avec le pouce et l'index signifie 'OK' aux Etats-Unis alors qu'en Argentine c'est un geste obscène. Quand se produira l'inévitable développement de la vidéoconférence multilingue multimédias, il sera nécessaire de corriger visuellement les gestes. Le MediaLab du MIT (Massachussets Institute of Technology), Microsoft et bien d'autres travaillent à la reconnaissance informatique des expressions faciales, l'identification des caractéristiques biométriques par le biais du visage, etc. Il ne servira à rien à un homme d'affaires américain de faire une excellente présentation à un Argentin lors d'une vidéoconférence multilingue sur le web, avec son discours traduit dans un espagnol argentin parfait, s'il fait en même temps le geste O avec le pouce et l'index. Les ordinateurs pourront intercepter ces types de messages et les corriger visuellement. Les cultures diffèrent de milliers de façons, et la plupart d'entre elles peuvent être modifiées par voie informatique lorsqu'on passe de l'une à l'autre. Ceci inclut les lois, les coutumes, les habitudes de travail, l'éthique, le change monétaire, les différences de taille dans les vêtements, les différences entre le système métrique et le système de mesure anglophone, etc. Les sociétés dynamiques répertorieront et programmeront ces différences, et elles vendront des produits et services afin d'aider les habitants de la planète à mieux communiquer entre eux. Une fois que ceux-ci seront largement répandus, ils contribueront réellement à une meilleure compréhension à l'échelle internationale." 16. LE LIVRE ET L'INTERNET: QUELQUES SAGAS [Dans ce chapitre:] [16.1. La librairie en ligne Amazon.com s'implante en France et au Japon // 16.2. Les aventures de Harry Potter déferlent sur l'internet // 16.3. Trois auteurs de best-sellers prennent le risque du numérique] Dans le domaine du livre aussi, le réseau permet un marketing à l'échelle mondiale. Il paraît donc intéressant de retracer brièvement trois sagas qui ont fait la "une" de l'an 2000: d'abord l'implantation de la librairie en ligne Amazon.com en France et au Japon (16.1); ensuite le succès du dernier titre des aventures de Harry Potter, qui bat tous les records de vente en ligne (16.2); et enfin les expériences numériques de trois auteurs de best-sellers (Stephen King, Frederick Forsyth et Arturo Pérez-Reverte) qui, alors que d'autres attendent que le modèle économique soit bien rodé, n'hésitent pas à prendre des risques (16.3). 16.1. La librairie en ligne Amazon.com s'implante en France et au Japon Au printemps 1994, Jeff Bezos, futur patron d'Amazon.com, fait une étude de marché démontrant que les livres sont les meilleurs "produits" à vendre sur l'internet. Il dresse une liste de vingt produits marchands, qui vont des vêtements aux instruments de jardinage. Les cinq premiers du classement se trouvent être les livres, les CD, les vidéos, les logiciels et le matériel informatique. "J'ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaque produit, relate Jeff Bezos dans le kit de presse d'Amazon. Le premier critère a été la taille des marchés existants. J'ai vu que la vente des livres représentait un marché mondial de 82 milliards de dollars (ce qui, en 1994, correspondait à 61 milliards d'euros, ndlr). Le deuxième critère a été la question du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était le suivant: puisque c'était le premier achat que les gens allaient faire en ligne, il fallait que la somme à payer soit modique. Le troisième critère a été la variété dans le choix: il y avait trois millions de titres de livres alors qu'il n'y avait que 300.000 titres pour les CD, par exemple. Ceci était également important: plus le choix est grand, plus le service informatique d'organisation et de sélection doit être performant." En juillet 1995, il crée la librairie en ligne Amazon, qui débute avec dix employés. Les deux premières filiales d'Amazon sont toutes deux créées en 1998, en Allemagne et au Royaume-Uni. En août 2000, avec 1,8 millions de clients en Grande-Bretagne, 1,2 millions de clients en Allemagne et quelques centaines de milliers de clients en France, Amazon réalise 23% de ses ventes en dehors des Etats-Unis. "En 2003, 35% seulement de nos clients seront aux Etats-unis et 65% hors du territoire américain", assure Jeff Bezos. Le principal groupe de clients étrangers étant les clients japonais, Jeff Bezos profite d'un colloque international sur les technologies de l'information à Tokyo pour annoncer le 18 juillet 2000 son intention d'implanter Amazon.com au Japon (cette implantation sera effective le 1er novembre). Il insiste aussi sur le marché à fort potentiel représenté par ce pays, avec des prix immobiliers élevés se répercutant sur ceux des biens et services, si bien que le shopping en ligne est plus avantageux que le shopping traditionnel, et une forte densité de population, qui entraîne des livraisons à domicile faciles peu coûteuses. Le 1er août, un centre d'appels est ouvert dans la ville de Sapporo, sur l'île d'Hokkaido. Le 8 août 2000, le principal concurrent d'Amazon.com, Barnes & Noble.com, annonce d'une part son partenariat avec Microsoft pour la diffusion de livres numériques lisibles au moyen du Microsoft Reader et d'autre part l'ouverture de sa librairie numérique, le eBook Store. Trois semaines après, le 28 août, Amazon.com annonce à son tour son alliance avec Microsoft pour la même raison - vendre des livres numériques lisibles au moyen du Microsoft Reader - et l'ouverture d'une librairie numérique dans les mois qui suivent. Le 31 août 2000, Amazon ouvre sa troisième filiale, Amazon France, avec vente de livres, musique, DVD et vidéos (auxquels viennent s'ajouter logiciels et jeux vidéo en juin 2001), et livraison en 48 heures. A cette date la vente de livres en ligne ne représente en France que 0,5% du marché, contre 5,4% aux Etats-Unis. Comme tous les libraires en ligne francophones, Amazon France s'intéresse également de près à la clientèle francophone internationale. Le 29 août 2000, interrogé par l'AFP au sujet de la loi Lang, qui n'autorise qu'un rabais de 5% sur le prix du livre, Denis Terrien, président d'Amazon France à cette date (jusqu'au 14 mai 2001), répond: "L'expérience que nous avons en Allemagne, où le prix du livre est fixé, nous montre que le prix n'est pas l'élément essentiel dans la décision d'achat. C'est tout le service qui est ajouté qui compte. Chez Amazon, nous avons tout un tas de services en plus, d'abord le choix - nous vendons tous les produits culturels français. On a un moteur de recherche très performant. En matière de choix de musique, on est ainsi le seul site qui peut faire une recherche par titre de chanson. Outre le contenu éditorial, qui nous situe entre un magasin et un magazine, nous avons un service client 24h/24 7jours/7, ce qui est unique sur le marché français. Enfin une autre spécificité d'Amazon, c'est le respect de nos engagements de livraison. On s'est fixé pour objectif d'avoir plus de 90% de nos ventes en stock." Préparée dans le plus grand secret, l'ouverture d'Amazon France n'est rendue publique que le 23 août 2000. Avec une centaine de salariés, dont certains ont été envoyés en formation au siège du groupe à Seattle (Washington), la filiale française s'installe à Guyancourt (région parisienne), qui abrite l'administration, les services techniques et le marketing. Son service de distribution est basé à Boigny-sur-Bionne, dans la banlieue d'Orléans. Son service client est basé à La Haye (Pays-Bas), dans l'optique d'une expansion future d'Amazon en Europe. Amazon France compte au moins quatre rivaux de taille: la Fnac, qui appartient au groupe Pinault-Printemps-Redoute, Alapage, qui appartient à France Télécom, Bol.fr, issu de l'association du français Vivendi et de l'allemand Bertelsmann, et Chapitre.com, libraire en ligne indépendant. Un mois après son lancement, Amazon.fr est à la seconde place des sites de biens culturels français. Selon les chiffres publiés le 24 octobre 2000 par Media Metrix Europe, société d'étude d'audience de l'internet, le site a reçu 217.000 visites uniques en septembre 2000, juste devant Alapage (209.000 visites uniques), mais loin derrière la Fnac (401.000 visites uniques). Suivent Cdiscount.com (115.000 visites) et Bol.fr (74.000 visites). Le site américain Amazon.com profite lui aussi de l'effet de curiosité puisque il totalise 137.000 visites uniques, soit 23.000 visites de plus que le mois précédent. Le 1er novembre 2000, Amazon Japon, quatrième filiale du géant américain, et première filiale non européenne, ouvre ses portes avec un catalogue de 1,1 million de titres en japonais et 600.000 titres en anglais. Pour réduire les délais de livraison à un ou deux jours au lieu des six semaines nécessaires à l'acheminement des livres depuis les Etats-Unis, un centre de distribution de 15.800 m2 est créé à Ichikawa, dans l'est de Tokyo. A la même date, Amazon.com annonce son intention de pénétrer le marché francophone du Canada, et de lancer sa version canadienne-française en 2001, avec vente de livres, musique et films (VHS et DVD). La société débute l'embauche de personnel francophone connaissant le marché canadien. En novembre 2000, la librairie compte 7.500 employés, 28 millions d'articles, 23 millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, France et Japon). La maison mère a beaucoup diversifié ses activités. En effet elle vend non seulement des livres, des vidéos, des CD et des logiciels, mais aussi des appareils électroniques, des appareils de cuisine et de jardinage, des produits de santé, des jouets et des voitures. Elle organise des ventes aux enchères avec Sotheby's Holdings. Le 14 novembre 2000, Amazon.com ouvre sa librairie numérique, avec 1.000 titres disponibles au départ, et une augmentation rapide du stock prévue pour les mois suivants. Même pour le marketing des librairies en ligne, le papier n'est pas mort, loin s'en faut. Pour la deuxième année consécutive, le 17 novembre 2000, en prévision des fêtes, Amazon envoie un catalogue imprimé à 10 millions de clients. Mais, malgré la discrétion du librairie en ligne sur les conditions de travail de son personnel, les problèmes commencent à filtrer. Le Prewitt Organizing Fund et le syndicat SUD-PTT Loire Atlantique débutent le 21 novembre 2000 une action de sensibilisation auprès des salariés d'Amazon France pour de meilleures conditions de travail et de salaires. Ils rencontrent une cinquantaine de salariés travaillant dans le centre de distribution de Boigny-sur-Bionne, dans la banlieue d'Orléans. SUD-PTT dénonce chez Amazon "des conditions de travail dégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties sociales minimales". Une action similaire est menée en Allemagne et en Grande-Bretagne. Patrick Moran, responsable du Prewitt Organizing Fund, entend constituer une alliance des salariés de la nouvelle économie (Alliance of New Economy Workers). De son côté, Amazon.com riposte en insistant dans des documents internes sur l'inutilité de syndicats au sein de l'entreprise. Le 30 janvier 2001, Amazon, qui emploie 1.800 personnes en Europe, annonce une réduction de 15% des effectifs et la restructuration du service clientèle européen, qui était basé à La Hague (Pays-Bas). Les 240 personnes qu'emploie ce service sont transférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg (Allemagne). Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestre déficitaire, un plan de réduction de 15% des effectifs entraîne 1.300 licenciements. 16.2. Les aventures de Harry Potter déferlent sur l'internet Née sous la plume de l'écossaise J.K. Rowling, la série des aventures de Harry Potter voit le jour en 1995. A ce jour, quatre volumes sont parus. Destinée aux enfants de 9-13 ans, la série devrait compter en tout sept volumes, chacun correspondant à une année de la vie de Harry Potter (de 11 à 18 ans). En quatre ans, le jeune magicien est devenu une véritable star auprès de millions d'enfants et de leurs parents. Petits et grands, tous s'accordent à dire que ces livres sont des chefs-d'oeuvre d'humour et de suspense, avec la peur et le fantastique en prime. De l'avis des libraires et des bibliothécaires, l'engouement des enfants pour cette série ne semble jamais avoir eu d'équivalent. En juin 2000, juste avant la parution du quatrième tome, le nombre de livres vendus s'élève à 35 millions d'exemplaires traduits en 35 langues différentes. Dans 140 pays ils ne quittent pas le haut de la liste des meilleures ventes de livres pour enfants. Le New York Times a même dû séparer sa liste de best-sellers pour enfants de celle des adultes, afin d'éviter que Harry Potter n'occupe indéfiniment la première place des best-sellers tous âges confondus. Le 7 juillet 2000, le quatrième titre, Harry Potter and the Goblet of Fire (Harry Potter et le gobelet de feu), déferle sur le monde anglophone. Avant sa sortie aux Etats-Unis, il est pré-commandé par près d'un million d'enfants, dont 400.000 commandes pour Amazon.com et 360.000 sur le site ou dans les librairies Barnes & Noble. Opération de marketing sans précédent, le lancement officiel a lieu très exactement le 7 juillet 2000 à minuit et une minute, avec librairies ouvertes en pleine nuit, queues impressionnantes, et service exceptionnel mis en place dans les librairies en ligne pour répondre à la demande et assurer une livraison rapide. Le premier tirage de Scholastic, l'éditeur de la série aux Etats-Unis, est de 3,8 millions d'exemplaires. Celui de l'éditeur anglais, Bloomsbury, est de 1 million d'exemplaires pour le Royaume-Uni, 400.000 exemplaires pour le Canada et 200.000 pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande (en vente le 14 juillet pour ces deux derniers pays). 375.000 exemplaires sont vendus dès le premier jour. Ce premier tirage est immédiatement suivi d'un deuxième tirage de 1,5 million d'exemplaires. Aux Etats-Unis, Harry Potter and the Goblet of Fire est publié en braille par la National Braille Press (NBP) le 27 juillet 2000, soit vingt jours seulement après sa sortie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Les 734 pages de l'original donnent 1.184 pages braille, mais le prix du livre braille n'est pas plus élevé. Ce très court délai a été possible grâce à deux facteurs. D'une part Scholastic, l'éditeur original, a fourni le fichier électronique, une initiative dont feraient bien de s'inspirer nombre d'éditeurs. D'autre part les 31 membres de l'équipe de la National Braille Press ont travaillé sans relâche pendant quinze jours. Comme les titres précédents de la série, l'ouvrage est également disponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé disponible sur disquette et lisible au moyen d'un lecteur braille portable ou d'un logiciel braille sur micro-ordinateur. En Allemagne, un groupe de fans décide de se partager la traduction bénévole des 37 chapitres du quatrième volume. Fin août 2000, il propose les six premiers chapitres en téléchargement libre sur le site Harry-auf-Deutsch-Community, et les neuf chapitres suivants sont en cours de traduction. Cette traduction non autorisée suscite de vives controverses, la sortie officielle du livre étant prévue le 14 octobre chez Carlsen Verlag, avec un premier tirage d'un million d'exemplaires. La riposte de l'éditeur officiel est rapide. Ses avocats menacent Bernd Kölemann, coordonnateur du projet, de poursuites, de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 210.000 euros s'il n'arrête pas ses activités avant le 31 août. Les téléchargements cessent donc. Ces démêlés entre un éditeur établi et un site internet non commercial mettent à nouveau sur la sellette divers problèmes: respect du droit d'auteur, respect de l'exclusivité d'un éditeur, conditions de téléchargement libre des oeuvres sous copyright, etc. Des éditeurs connus soutiennent Carlsen Verlag. Ils profitent de l'occasion pour rappeler que les profits dégagés par les best-sellers leur permettent de publier aussi des livres à petit tirage. Il reste à espérer que ce soit vraiment le cas. La version allemande du quatrième tome est lancée par Carlsen Verlag le 14 octobre 2000, avec un premier tirage d'un million d'exemplaires, et 150 librairies ouvertes la nuit du lancement. Fin novembre 2000, la série est traduite dans 200 langues et les ventes des quatre titres toutes éditions confondues atteignent 66 millions d'exemplaires. La série est récompensée par 50 prix littéraires. Le 29 novembre 2000, la traduction française du quatrième tome, Harry Potter et la coupe de feu, déferle sur la francophonie. Son traducteur, Jean-François Ménard, qui traduit la série depuis ses débuts, a travaillé sans relâche pendant deux mois. Le titre paraît chez Gallimard dans la collection Folio Junior, comme les trois titres précédents (Harry Potter à l'école des sorciers, Harry Potter et la chambre des secrets, Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban), vendus jusque-là à 1,4 million d'exemplaires. Dès le 24 novembre 2000, ce sont les grandes manoeuvres. Amazon France s'allie à Chronopost pour une livraison dans les meilleurs délais. Chronopost et Amazon s'engagent à assurer la livraison du livre partout en France le jour même de sa sortie, mercredi 29 novembre, et ce avant 10 h du matin si la commande est passée avant 14 h la veille. Le premier tirage du quatrième tome est de 450.000 exemplaires, acheminés vers 4.500 points de vente en France, en Belgique et en Suisse. Les 50.000 exemplaires destinés au Québec (inclus dans les chiffres du premier tirage) sont imprimés sur place pour éviter le coût du transport et les délais de livraison. En France, quelques dizaines de librairies ouvrent exceptionnellement leurs portes dans la nuit du 28 au 29 novembre, avec achat du livre à partir de minuit et une minute. Le jour même de la sortie du livre, Gallimard annonce un deuxième tirage de 100.000 exemplaires. Seule ombre au tableau, mais de taille: le prix du quatrième tome est de 19 euros, alors que les tomes précédents, publiés au format de poche, valent 5 euros. Gallimard publie aussi un coffret regroupant les quatre tomes, ainsi que Rencontre avec J.K. Rowling, un entretien de l'auteur avec Lindsey Fraser, critique de livres pour enfants. En partenariat avec France Culture, l'éditeur sort également l'audiobook du premier volume (Harry Potter à l'école des sorciers), lu par Bernard Giraudeau. Pendant ce temps, J. K. Rowling protège âprement sa vie privée et travaille au cinquième tome, qui devrait s'intituler Harry Potter et l'ordre du phénix. Harry Potter aura 15 ans, puisqu'il gagne une année par tome. Deux autres tomes suivront ensuite. Dès 1997, Warner Bros, filiale du groupe Time Warner, acquiert les droits d'adaptation de la série pour le cinéma. Puis Electronic Arts, éditeur de jeux vidéo, obtient auprès de Warner Bros les droits mondiaux sur la série, afin de développer des jeux pour PC et pour l'internet. Le film issu du premier tome est en préparation sous la direction de Chris Columbus, d'après un scénario de Steve Kloves. La sortie du film est prévue le 16 novembre 2001. 16.3. Trois auteurs de best-sellers prennent le risque du numérique Stephen King aux Etats-Unis, Frederick Forsyth au Royaume-Uni et Arturo Pérez-Reverte en Espagne sont les premiers auteurs de best-sellers à se lancer dans l'édition numérique, sous le feu des critiques de tous ordres émanant des médias et de professionnels du livre qui préfèrent attendre que le modèle économique soit bien rodé pour se lancer. Stephen King, maître du suspense, est le premier auteur à succès à distribuer une oeuvre uniquement sur l'internet. En mars 2000, sa nouvelle Riding The Bullet, une nouvelle assez volumineuse puisqu'elle fait 66 pages, provoque un véritable raz-de-marée lors de sa "sortie" sur le web. 400.000 exemplaires sont téléchargés en 24 heures sur les sites des libraires en ligne qui la vendent (au prix de 2,50 $US = 2,90 euros). En juillet 2000, fort de cette expérience prometteuse, Stephen King décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un site web spécifique pour permettre le téléchargement des différents chapitres, et commence l'auto-publication en épisodes de The Plant, un roman épistolaire qui raconte l'histoire d'une plante carnivore s'emparant d'une maison d'édition en lui promettant le succès commercial en échange de sacrifices humains. Le 24 juillet 2000, le premier chapitre est téléchargeable en plusieurs formats (PDF, OeB, HTML, texte, etc.) pour la somme de1 $US (1,16 euros), avec paiement différé ou paiement immédiat sur le site d'Amazon.com. Sur son site, dans une lettre aux lecteurs, Stephen King raconte que ce premier chapitre lui a coûté la somme de 124.150 $US (144.250 euros) pour la création, le design et la publicité du site web, sans compter sa prestation en tant qu'écrivain et les services de son assistante. Il précise aussi que la publication des chapitres suivants est liée au paiement du premier chapitre par 75% des lecteurs au moins. "Mes amis, vous avez l'occasion de devenir le pire cauchemar des éditeurs, déclare-t-il. Comme vous voyez, c'est simple. Pas de cryptage assommant! Vous voulez imprimer l'histoire et en faire profiter un(e) ami(e)? Allez-y. Une seule condition: tout repose sur la confiance, tout simplement. C'est la seule solution. Je compte sur deux facteurs. Le premier est l'honnêteté. Prenez ce que bon vous semble et payez pour cela, dit le proverbe. Le second est que vous aimerez suffisamment l'histoire pour vouloir en lire davantage. Si vous le voulez vraiment, vous devez payer. Rappelez-vous: payez et l'histoire continue. Volez, et l'histoire s'arrête." Le 31 juillet, le chapitre est téléchargé 152.132 fois avec paiement par 76% des lecteurs, dont certains ont tenu à payer davantage que le dollar demandé, parfois même jusqu'à 10 ou 20 $US (11,6 ou 23,2 euros), pour compenser le manque à gagner de ceux qui ne paieraient pas, et éviter ainsi que la série ne s'arrête. La barre des 75% est donc dépassée de peu, au grand soulagement des fans, si bien que le deuxième chapitre suit le 21 août. Le 25 août, dans une nouvelle lettre aux lecteurs, Stephen King annonce un nombre de téléchargements du deuxième chapitre légèrement inférieur à celui du premier chapitre. Il en attribue la cause à une publicité moindre et à des problèmes de téléchargement. Si le nombre de téléchargements n'a que légèrement décru, le nombre de paiements est en nette diminution, le public ne payant qu'une fois pour plusieurs téléchargements. L'auteur s'engage cependant à publier le troisième chapitre comme prévu fin septembre, et à prendre une décision ensuite sur la poursuite ou non de l'expérience, en fonction du nombre de paiements. Il envisage aussi des chapitres plus longs que les premiers, qui représentent 5.000 signes. Il prévoit onze ou douze chapitres en tout, avec un nombre total de 1,7 million de téléchargements. Le ou les derniers chapitres seraient gratuits. Plus volumineux, les chapitres 4 et 5 passent à 2 $US (2,32 euros). Mais les choses ne se passent pas aussi bien que l'auteur le souhaiterait. Le nombre de téléchargements et de paiements ne cesse de décliner: 40.000 téléchargements seulement pour le cinquième chapitre, alors que le premier chapitre avait été téléchargé 120.000 fois, et paiement pour 46% des téléchargements seulement. Fin novembre, Stephen King annonce l'interruption de la publication pendant un an ou deux, après la parution du sixième chapitre, téléchargeable gratuitement à la mi-décembre. "The Plant va retourner en hibernation afin que je puisse continuer à travailler, indique-t-il sur son site. Mes agents insistent sur la nécessité d'observer une pause afin que la traduction et la publication à l'étranger puissent rattraper la publication américaine." Mais cette décision semble d'abord liée à l'échec commercial de l'expérience. Cet arrêt suscite de très nombreuses critiques de la part des lecteurs et des professionnels du livre. Mais on pourrait au moins reconnaître à l'auteur un mérite, celui d'avoir été le premier à se lancer dans l'aventure. Nombre d'auteurs et d'éditeurs ont suivi l'expérience pendant quatre mois, soit par réel intérêt, soit par simple curiosité, et certains avec inquiétude. Quand Stephen King a décidé d'arrêter l'expérience, quelques journalistes et critiques littéraires ont affirmé qu'il s'était ridiculisé aux yeux du monde entier! N'est-ce pas un peu exagéré? En novembre 2000, deux Européens, l'anglais Frederick Forsyth et l'espagnol Arturo Pérez-Reverte, décident de se lancer eux aussi dans l'aventure. Mais, forts de l'expérience de Stephen King peut-être, ils n'ont pas l'intention de se passer d'éditeur, preuve s'il en est que ceux-ci sont encore utiles. Frederick Forsyth, maître anglais du thriller, se lance dans le numérique avec l'appui d'Online Originals, éditeur électronique londonien. Le 1er novembre 2000, Online Originals publie The Veteran, histoire d'un crime violent commis à Londres, et la première d'une série de cinq nouvelles électroniques intitulée Quintet. Disponible au format Microsoft Reader, Glassbook et PDF, elle est vendue en ligne au prix de 3,99 £ (soit 6,60 euros), directement par l'éditeur et aussi par le biais de différents libraires en ligne (aux Etats-Unis par Barnes & Noble, Contentville et Glassbook, et au Royaume-Uni par Alphabetstreet, BOL.com et WHSmith). La seconde histoire, The Miracle, est publiée le 22 novembre, et la troisième, The Citizen, le 13 décembre. On attend les deux suivantes: The Art of the Matter et Draco. "La publication en ligne sera essentielle à l'avenir, déclare l'auteur sur le site de Online Originals. Elle crée un lien simple et surtout rapide et direct entre le producteur original (l'auteur) et le consommateur final (le lecteur), avec très peu d'intermédiaires. Il est passionnant de participer à cette expérience. Je ne suis absolument pas un spécialiste des nouvelles technologies. Je n'ai jamais vu de livre électronique. Mais je n'ai jamais vu non plus de moteur de Formule 1, ce qui ne m'empêche de constater combien ces voitures de course sont rapides." La première expérience numérique de l'écrivain espagnol Arturo Pérez-Reverte est un peu différente. L'auteur est notamment connu pour une série historique se déroulant au 17e siècle et dont le héros est le capitaine Alatriste. Le nouveau titre à paraître s'intitule El Oro del Rey. Le 3 novembre 2000, en collaboration avec son éditeur Alfaguara, Arturo Pérez-Reverte décide de publier El Oro del Rey en version numérique en exclusivité sur l'internet pendant un mois, sur le site du portail Inicia (qui appartient au groupe Prisa), et ce jusqu'au 30 novembre, date de sa mise en librairie. Entre le 3 et le 30 novembre, le roman est disponible au format PDF au prix de 2,90 euros. A partir du 1er décembre, la version imprimée est vendue en librairie pour 15,10 euros. Résultat de l'expérience, le nombre de téléchargements est très satisfaisant, mais pas celui des paiements. Le 30 novembre 2000, El Oro del Rey a été téléchargé 332.000 fois, avec paiement par 12.000 clients seulement. "Pour tout acheteur du livre électronique, il y avait une clé pour le télécharger en 48 heures sur le site internet et, surtout au début, beaucoup d'internautes se sont échangés ce code d'accès dans les forums de dialogue en direct (chat) et ont téléchargé leur exemplaire sans payer. On a voulu tester et cela faisait partie du jeu. Arturo Perez-Reverte voulait surtout qu'on le lise", a expliqué Marilo Ruiz de Elvira, directrice de contenus du portail Inicia (citée par l'AFP). 17. L'AVENIR DU RESEAU [Dans ce chapitre:] [17.1. Convergence multimédia et conditions de travail // 17.2. L'avenir du réseau vu par les auteurs // 17.3. L'avenir du réseau vu par les diffuseurs de contenu // 17.4. L'avenir du réseau vu par les gestionnaires] 17.1. Convergence multimédia et conditions de travail La numérisation permettant désormais de créer, enregistrer, combiner, stocker, rechercher et transmettre des données de manière simple et rapide, le processus matériel de production s'en trouve considérablement accéléré. Les progrès des technologies de l'information en général, et de la numérisation en particulier, entraînent progressivement l'unification de tous les secteurs liés à l'information: imprimerie, publication, conception graphique, presse, enregistrement sonore, réalisation de films, radiodiffusion, télédiffusion, etc. C'est ce qu'on appelle la convergence multimédia. Si on nous annonce tous les jours de nouvelles prouesses techniques, la convergence multimédia a ses revers, à commencer par la surinformation et la désinformation. D'où le rôle des journalistes pour trier cette information, la commenter et faire preuve d'esprit critique. Plus graves encore, les autres revers de la convergence multimédia sont les contrats occasionnels et précaires, l'isolement des télétravailleurs, le non respect du droit d'auteur, etc. A part pour le droit d'auteur, étant donné l'enjeu financier qu'il représente, il est rare que ces problèmes fassent la "une" des journaux. Pour ne prendre qu'un exemple, celui de la presse, les dirigeants syndicaux insistent régulièrement sur la pression constante exercée sur les journalistes des salles de rédaction. Désormais leurs articles doivent être prêts à n'importe quelle heure - et non plus seulement en fin de journée - et le rythme de travail est extrêmement soutenu. Ces tensions à répétition sont encore aggravées par une journée de travail sur écran pendant huit à dix heures d'affilée. Souvent, les normes de sécurité au travail ne sont pas respectées. Après quelques années de ce régime, des journalistes "craquent" à l'âge de 35 ou 40 ans. Les journalistes ne sont pas les seuls à "craquer" après plusieurs années de tension et de stress. Le fait de pouvoir être joint à tout moment par courrier électronique, par téléphone portable et par SMS (short message service) n'arrange rien, à moins, quand on peut, de faire barrage et de s'efforcer de ne pas travailler 24 heures par jour, ce qui n'est pas toujours facile. De plus, les problèmes auxquels la "nouvelle économie" est confrontée depuis la fin 2000 n'arrangent rien. Ces derniers mois ont été marqués par l'effondrement des valeurs internet en bourse, alors qu'on prédisait pour ces valeurs une croissance de 30% et plus. Les recettes publicitaires sont moins importantes que prévu alors qu'elles sont souvent la principale source de revenus des sociétés internet. Enfin le ralentissement économique, observé d'abord aux Etats-Unis et ensuite partout ailleurs, entraîne la fermeture de nombreuses dot.com ou le licenciement d'une partie de leur personnel. Pour ne prendre que quelques exemples, le 16 novembre 2000, les dirigeants de Britannica.com, le site web de l'Encyclopaedia Britannica (voir 12.1), annoncent une restructuration du site dans l'optique d'une plus grande rentabilité. 75 personnes sont licenciées, soit 25% du personnel. L'équipe qui travaille sur la version imprimée n'est pas affectée. Le 30 janvier 2001, la librairie en ligne Amazon.com, qui emploie 1.800 personnes en Europe, annonce une réduction de 15% des effectifs et la restructuration du service clientèle européen, qui était basé à La Hague (Pays-Bas). Les 240 personnes qu'emploie ce service sont transférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg (Allemagne). Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestre 2000 déficitaire, un plan de réduction de 15% des effectifs entraîne 1.300 licenciements. Les médias américains suppriment de nombreux emplois dans leurs filiales internet. Le 7 janvier 2001, le New York Times Co. - qui édite de grands journaux comme le New York Times et le Boston Globe - annonce la suppression de 69 postes sur les 400 que compte New York Times Digital, sa filiale internet, soit 17% de ses effectifs. Selon la direction, les licenciements devraient permettre à la société de recouvrer la rentabilité en 2002, après une perte de 18 millions de $US (19 millions d'euros) au troisième trimestre 2000 pour un chiffre d'affaires de 12,1 millions de $US (12,7 millions d'euros), en hausse de près de 100% par rapport à l'année précédente. De son côté, à la même date, le groupe CNN annonce une réorganisation interne avec suppression de 500 à 1.000 postes, dont une bonne partie des 750 postes de CNN Interactive, la division interactive du groupe, qui supervise une quinzaine de sites à l'enseigne CNN en plusieurs langues (anglais, allemand, espagnol, italien, portugais, japonais, suédois, etc.). News Corporation, le groupe de médias contrôlé par Rupert Murdoch, décide de fusionner sa division internet News Digital Media, qui produit les principaux sites web du groupe, avec les chaînes de télévision auxquelles ces sites sont associés (Fox, Fox Sports et Fox News), ce qui signifie la suppression de la moitié des 400 emplois existants. En juillet 2001, ce sont les librairies en ligne françaises qui sont touchées, le nombre de librairies semblant trop important par rapport au marché actuel (voir 10.2). La librairie Bol.fr décide de fermer ses portes le 1er août, avec traitement des commandes reçues jusqu'au 15 septembre. Autre facteur très inquiétant, les conditions de travail des salariés de la nouvelle économie laissent fort à désirer. Pour ne prendre que l'exemple le plus connu, Amazon.com ne fait plus seulement la "une" pour son modèle économique, mais pour les conditions de travail de son personnel. Le Prewitt Organizing Fund et le syndicat SUD-PTT Loire Atlantique débutent le 21 novembre 2000 une action de sensibilisation auprès des salariés d'Amazon France pour de meilleures conditions de travail et de salaires (voir 16.1 pour le descriptif d'Amazon France). Ils rencontrent une cinquantaine de salariés travaillant dans le centre de distribution de Boigny-sur-Bionne, dans la banlieue d'Orléans. SUD-PTT dénonce chez Amazon "des conditions de travail dégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties sociales minimales". Une action similaire est menée en Allemagne et en Grande-Bretagne. Patrick Moran, responsable du Prewitt Organizing Fund, entend constituer une alliance des salariés de la nouvelle économie (Alliance of New Economy Workers). 17.2. L'avenir du réseau vu par les auteurs Comment les auteurs voient-ils sur l'avenir du réseau? Michel Benoît, auteur de nouvelles noires et fantastiques: "En ce moment, il est extrêmement difficile de faire quelque prédiction que ce soit sur le futur d'internet. Toute prospective le moindrement pointue, techniquement par exemple, sur l'évolution du net sera certainement farfelue dans un futur plus ou moins rapproché. On peut y aller d'idées, encore que ça doit être très général. Pas par crainte d'être ridicule, le ridicule ne tue pas, c'est connu. Non, par souci d'honnêteté, tout simplement. (...) Parenthèse: est-il si farfelu de penser que les historiens des années 2100 considéreront l'avènement du net comme un événement aussi, sinon plus, important que la révolution industrielle? Le feu, l'agriculture, la révolution industrielle, le net. On en est rendu à la 'révolution continue de l'Evolution'. Ça me fait penser à ce merveilleux texte Desiderata, découvert dans l'église Saint-Paul à Baltimore en 1693, je pense. J'en cite de mémoire une phrase qui me hante: 'Que vous le compreniez ou non, que vous le vouliez ou non, l'univers évolue comme il se doit.' J'y crois. Je crois sincèrement qu'au travers l'incroyable désordre de l'Evolution, il n'y a rien qui soit soumis au hasard. 'Dieu n'a pas créé un monde soumis au hasard', disait Einstein à Bohr lors d'une de leurs homériques prises de bec." Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Comme tous ceux qui ont surfé avec des modems de 14.4 Ko sur le navigateur Mosaic et son interface en carton-pâte, je suis déçue par le fait que l'esprit libertaire ait cédé le pas aux activités libérales décérébrantes. Les frères ennemis devraient se donner la main comme lors des premiers jours car le net à son origine n'a jamais été un repaire de 'has been' mélancoliques, mais rien ne peut résister à la force d'inertie de l'argent. C'était en effet prévu dans le scénario, des stratégies utopistes avaient été mises en place mais je crains qu'internet ne soit plus aux mains d'internautes comme c'était le cas. L'intelligence collective virtuelle pourtant se défend bien dans divers forums ou listes de discussions, et ça, à défaut d'être souvent efficace, c'est beau. Dans l'utopie originelle, on aurait aimé profiter de ce nouveau média, notamment de communication, pour sortir de cette tarte à la crème qu'on se reçoit chaque jour, merci à la société du spectacle, et ne pas répéter les erreurs de la télévision qui n'est, du point de vue de l'art, jamais devenue un média de création ambitieux." Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain: "Ce qui importe avec internet, c'est la valeur ajoutée de l'humain sur le système. Internet ne viendra jamais compenser la clairvoyance d'une situation, la prise de risque ou l'intelligence du coeur. Internet accélère simplement les processus de décision et réduit l'incertitude par l'information apportée. Encore faut-il laisser le temps au temps, laisser mûrir les idées, apporter une touche indispensable d'humanité dans les rapports. Pour moi, la finalité d'internet est la rencontre et non la multiplication des échanges électroniques." Tim McKenna, écrivain et philosophe: "J'aimerais que l'internet devienne davantage un outil d'accès à l'information et aux médias non contrôlé par les multinationales." Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Concernant l'avenir de l'internet, je le crois illimité. Il ne faut pas confondre les gamelles que se prennent certaines start-up trop gourmandes, ou dont l'objectif était mal défini, et la réalité du net. Mettre des gens éloignés en contact, leur permettre d'intéragir, et que chacun, s'il le désire, devienne son propre fournisseur de contenu, c'est une révolution dont nous n'avons pas encore pris toute la mesure." Christian Vandendorpe, professeur et écrivain: "Cet outil fabuleux qu'est le web peut accélérer les échanges entre les êtres, permettant des collaborations à distance et un épanouissement culturel sans précédent. Mais cet espace est encore fragile. Il risque d'être confisqué par des juridictions nationales. Ou il peut être transformé en une gigantesque machine à sous au moyen de laquelle la quasi-totalité de nos activités entrerait dans le circuit économique et ferait l'objet d'une tarification minutée. On ne peut pas encore prédire dans quel sens il évoluera. Le phénomène Napster a contribué à un début de prise en main par les juges, qui tendent à imposer sur cet espace les conceptions en vigueur dans le monde physique. On pourrait ainsi en étouffer le potentiel d'innovation. Il existe cependant des signes encourageants, notamment dans le développement des liaisons de personne à personne et surtout dans l'immense effort accompli par des millions d'internautes partout au monde pour en faire une zone riche et vivante." 17.3. L'avenir du réseau vu par les diffuseurs de contenu En juin 1998, Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux, écrivait: "Internet est un outil formidable d'échange entre professsionnels (tout ce qui passe par le courrier électronique, les listes de diffusion et les forums) mais qui est un consommateur de temps très dangereux: on a vite fait si l'on n'y prend garde de divorcer et de mettre ses enfants à la DASS (Direction de l'aide sanitaire et sociale). Plus sérieusement, c'est pour les bibliothèques la possibilité d'élargir leur public en direction de toute la francophonie. Cela passe par la mise en ligne d'un contenu qui n'est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles. Les professionnels des bibliothèques sont les acteurs d'un enjeu important concernant la place de la langue française sur le réseau." De l'avis de Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire faisant connaître de nouveaux auteurs, l'internet verra "une concentration des sites commerciaux mais une explosion des sites persos qui seront regroupés par communautés d'intérêt". Denis Zwirn, PDG de Numilog: "Le développement attendu d'internet est une panacée qui possède suffisamment d'évidence pour ne pas y insister: il ne s'agit pas d'une mode, mais d'une révolution des moyens de communication qui présente des avantages objectifs tellement forts qu'on ne voit pas, sauf nouveau saut technologique inattendu, comment elle pourrait ne pas se répandre." 17.4. L'avenir du réseau vu par les gestionnaires Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D: "Le mariage des télécommunications et de l'informatique font de l'internet une technologie extrêmement puissante et très riche d'avenir. Mais l'internet n'est qu'une technologie, puissante certes, qui vient s'ajouter à celles existantes ; elle ne les remplace pas, elle apporte autre chose: de l'information potentielle supplémentaire, de la communication virtuelle où il n'y a plus de distance, un accès potentiel à de la culture venant de partout..." Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen: "Pour l'avenir, les évolutions suivantes se précisent à l'horizon: les développements techniques pour la prise en compte des différents médias; la 'démocratisation' de l'internet, qui amènera la mise en place de réseaux professionnels; la multiplication des problèmes de sécurité liés à la dématérialisation de l'information." Jean-Philippe Mouton, gérant de la société d'ingénierie Isayas: "Je pense que le développement et la maintenance de systèmes informatiques internet est une activité qui vient dans la continuité des systèmes MVS (multiple virtual storage) et client/serveur. De nouvelles sociétés sont créées pour répondre aux besoins informatiques récents des entreprises, alors que l'activité dans le domaine des vieux systèmes ralentit. La récession du net touche aujourd'hui en priorité les entreprises nouvelles de 'business online'. Internet n'a pas pour vocation véritable de créer de nouveaux commerces, c'est un moyen de communication, un nouvel outil marketing, la possibilité pour les entreprises d'avoir des franchises à moindre coût, une information accessible par l'ensemble de ses interlocuteurs... Je suis de ceux qui croient que les sociétés d'ingénierie risquent d'être moins touchées par le phénomène 'start-down' que d'autres dans ce domaine." La conclusion de ce chapitre appartient à Pierre Schweitzer, architecte designer et concepteur d'@folio, support numérique de lecture nomade: "Internet pose une foule de questions et il faudra des années pour organiser des réponses, imaginer des solutions. L'état d'excitation et les soubresauts autour de la dite 'nouvelle' économie sont sans importance, c'est l'époque qui est passionnante." 18. CYBERESPACE ET SOCIETE DE L'INFORMATION [Dans ce chapitre:] [18.1. Le cyberespace: définitions / Le cyberespace vu par les auteurs / Le cyberespace vu par les bibliothécaires-documentalistes / Le cyberespace vu par les éditeurs / Le cyberespace vu par les gestionnaires / Le cyberespace vu par les linguistes / Le cyberespace vu par les professeurs / Le cyberespace vu par les spécialistes du numérique // 18.2. La société de l'information: définitions / Un concept vide de sens / La société de l'information vue par les auteurs / La société de l'information vue par les bibliothécaires-documentalistes / La société de l'information vue par les éditeurs / La société de l'information vue par les linguistes / La société de l'information vue par les professeurs / La société de l'information vue par les spécialistes du numérique] On rappelle souvent que la paternité du terme "cyberspace" revient à William Gibson, qui le définit ainsi dans Neuromancien, roman de science-fiction paru en 1984: "Cyberespace: une hallucination consensuelle expérimentée quotidiennement par des milliards d'opérateurs réguliers, dans chaque nation, par des enfants à qui on enseigne des concepts mathématiques... Une représentation graphique des données extraites des banques de tous les ordinateurs dans le système humain. Complexité incroyable. Des lignes de lumière qui vont dans le non-espace de l'esprit, des agglomérats et des constellations de données. Et qui fuient, comme les lumières de la ville." (traduction personnelle à partir du texte anglais) Quant à la société de l'information, elle n'est pas si récente. On annonce presque quotidiennement son avènement depuis les années 70, comme le rappelle Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young: "C'est un vieux concept, dont on parlait déjà en 1975! Seules les technologies ont changé." Les termes "cyberespace" et "société de l'information" sont sur toutes les lèvres, et dans tous les écrits. La littérature sur le sujet est abondante, et n'est pas près de tarir. Plutôt que la répertorier, ou de gloser sur le sujet, on a préféré demander aux professionnels du livre quelles étaient leurs propres définitions. Voici leurs réponses. 18.1. Le cyberespace: définitions = Le cyberespace vu par les auteurs Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte: "Lequel? Celui des Gibson, inventeur de la formule, des Spinrad ou des Clarke, utopies scientifiques pas toujours traitées comme elles devraient l'être? Ou celui des AOL/Time-Warner, des Microsoft ou des... J6M-Canal/Universal... Tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle, c'est que ce qu'on peut encore appeler le cyberspace est multiforme, et qu'on ne sait pas qui le domptera. Ni s'il faut le dompter d'ailleurs... En tout cas, les créateurs, artistes, musiciens, les sites scientifiques, les petites 'start-up' créatives, voire les millions de pages perso, les chats, les forums, et tout ce qui donne au net sa matière propre ne pourra être ignoré par les grands mangeurs de toile. Sans eux, ils perdraient leurs futurs 'abonnés'. Ce paradoxe a son petit côté subversif qui me plaît assez." Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Le délire SF du type: 'bienvenue dans la 3e dimension, payez-vous du sexe, des voyages et des vies virtuels' a toujours existé. La méditation, l'ésotérisme, les religions y pourvoient, etc. Maintenant, on est dans le cyberspace." Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, définit le cyberespace comme "un monde parallèle, un espace où se déroule l'ensemble des activités d'information, de communication, et d'échanges (y compris échanges commerciaux) désormais permises par le réseau. Il y a un centre, autonome, très interconnecté qui vit par et pour lui-même. Puis des collectivités plus ou moins ouvertes, des espaces réservés (intranets), des sous-ensembles (AOL, CompuServe). Il y a ensuite de très longues frontières où règne une culture mixte, hybride, issue du virtuel et du réel (on pense aux imprimés qui ont des versions web, aux sites marchands). Il y a aussi un sentiment d'appartenance à l'une ou l'autre de ces régions du cyberespace, et un sentiment d'identité." Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias: "Ce pourrait-être quelque chose comme l'ensemble électrique mouvant, le système invisible mais cohérent des êtres humains sensibles et des interfaces intelligentes dont les activités sont tout ou en partie réglées, conditionnées ou co-régulées à travers leurs machines connectées ensemble. Peut-être plus simplement: la virtualisation sensible et numérique de l'inconscient collectif..." Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D, le définit comme "un lieu isotrope en expansion pour l'instant infinie. Un modèle de la vision que nous avons aujourd'hui de l'univers. Jusqu'à l'invention du clic, le savoir humain était senti comme un espace newtonien, avec deux repères absolus: le temps (linéaire: un début, une fin) et l'espace (les trois dimensions du temple, du rouleau, du volumen). Le cyberespace obéit aux lois de l'hypertexte. Deux temps simultanés: le temps taxé (par le fournisseur d'accès ou par les impératifs de productivité, égrené par l'antique chrono), et le temps aboli, qui fait passer d'un lien à l'autre, d'un lieu à l'autre à la vitesse de l'électron, dans l'illusion du déplacement instantané. Quant aux repères, quiconque a lancé une recherche dans cet espace sait qu'il doit lui-même les définir pour l'occasion, et se les imposer (sous peine de se disperser, de se dissoudre), pour échapper au vertige de la vitesse. A cause de cette 'vitesse de la pensée', nous trouvons dans cet espace un 'modèle' de notre cerveau. 'Ça tourne dans ma tête', à travers 10, 20, etc... synapses à la fois, comme un fureteur archivant la toile. Bref les lois du cyberespace sont celles du rêve et de l'imagination." Pour Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses livres, le cyberespace est "le domaine virtuel créé par la mise en relation de plusieurs ordinateurs communiquant et échangeant entre eux". Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre: "J'aime la métaphore du labyrinthe. Le média se nourrissant lui-même, le cyberespace contient une infinité de sites sur les labyrinthes." Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Pour moi, le cyberespace est l'ensemble des liens existant entre les individus utilisant la technologie pour communiquer entre eux, soit pour partager des informations, soit pour discuter. Dire qu'une personne existe dans le cyberespace revient à dire qu'elle a éliminé la distance en tant que barrière empêchant de relier personnes et idées." Pour Xavier Malbreil, auteur multimédia et modérateur de la liste e-critures, il s'agit d'"une interconnexion de tous, partout. Avec le libre accès à des banques de données, pour insuffler également du contenu dans les échanges interpersonnels". Murray Suid, écrivain travaillant pour une société internet de logiciels éducatifs: "Le cyberespace est n'importe où, c'est-à-dire partout. L'exemple le plus simple est ma boîte aux lettres électronique, qui me suit où que j'aille." = Le cyberespace vu par les bibliothécaires-documentalistes Emmanuel Barthe, documentaliste juridique et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion: "Je ne visualise pas le cyberespace comme véritable espace physique mais comme un immense média néanmoins concentré en un lieu unique: l'écran de l'ordinateur. En revanche, je conçois/pense le cyberespace comme un forum ou une assemblée antique: beaucoup d'animation, diversité des opinions, des discours, des gens qui se cachent dans les recoins, des personnes qui ne se parlent pas, d'autres qui ne parlent qu'entre eux..." Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "Il y a encore un peu de fantasme autour de ce mot. Quand j'ai fait connaissance avec ce mot (utilisé par Jean-Claude Guédon et Nicholas Négroponte), il m'avait d'abord laissé l'illusion d'un espace extra-terrestre où les ordinateurs et leurs utilisateurs se transportaient pour échanger des données et communiquer. Depuis que je navigue moi-même, je me rends compte qu'il s'agit tout simplement d'un espace virtuel traduisant le cadre de communication qui rassemble les internautes à travers le monde." Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "Le cyberespace est cette zone 'extérieure' qui se trouve de l'autre côté du PC lorsqu'on se connecte à l'internet. Pour ses utilisateurs ou ses clients, tout fournisseur de services internet ou serveur de pages web se trouve donc dans le cyberespace." = Le cyberespace vu par les éditeurs Pour Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné aux nouveaux auteurs, le cyberespace est "un espace d'expression, de liberté et d'échanges où tout peut aller très (trop) vite". Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la direction scientifique de France Télécom R&D: "Le cyberespace est un monde où je suis relié par l'image et le son et sans fil avec qui je veux, quand je veux et où je veux, où j'ai accès à toutes les documentations et informations souhaitées, et dans lequel ma vie est facilitée par les agents intelligents et les objets communicants." Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires: "C'est un espace de liberté pour l'imaginaire, une dimension inexplorée de la planète, une jungle et un paradis tout à la fois, où tout est possible même si tout n'est pas permis par l'éthique, où le contenu du portefeuille des intervenants n'a aucun rapport direct avec la valeur des contenus des sites. C'est avant tout une vaste agora, une place publique où l'on s'informe et où l'on informe. Ça peut être également une place de foires et marchés, mais l'argent n'y a cours que très accessoirement, même si la possibilité de vendre en ligne est réelle et ne doit pas être négligée ni méprisée. Il n'y est pas la seule valeur de référence, contrairement au monde réel et, même dans les cas très médiatiques de start-up multimillionnaires, le rapport à l'argent n'est qu'une conséquence, la matérialisation d'espérances financières, très vite sanctionnée en cas d'ambitions excessives comme on le voit régulièrement sur le site Vakooler: Ki Vakooler aujourd'hui? (Va couler: qui va couler aujourd'hui?, ndlr), après les envolées lyriques et délirantes des premiers temps. A terme, je pense que le cyberespace restera un lieu beaucoup plus convivial que la société réelle." Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Je reprendrai volontiers une phrase d'Alain Bron, ami et auteur de Sanguine sur Toile (publié en 1999 par les éditions du Choucas, ndlr): 'un formidable réservoir de réponses quand on cherche une information et de questions quand on n'en cherche pas. C'est ainsi que l'imaginaire peut se développer... (Ma correspondante en Nouvelle-Zélande est-elle jolie ? L'important, c'est qu'elle ait de l'esprit.)'" = Le cyberespace vu par les gestionnaires Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen: "Le cyberspace peut être considéré comme l'ensemble des informations qui sont accessibles sans aucune restriction sur le réseau internet." Pour Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne, le cyberespace est "l'ensemble des ressources et acteurs connectés et accessibles à un moment donné". Pour Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young, le cyberespace est "l''économie connectée' (de l'anglais 'connected economy') où tous les agents sont reliés électroniquement pour les échanges d'information". = Le cyberespace vu par les linguistes Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne: "Le cyberespace est au sens propre une nouvelle frontière pour l'humanité, un endroit où chacun peut avoir sa place, assez facilement et avec peu de ressources financières, avant que les règlements inter-gouvernementaux et les impôts ne l'investissent. Suite à quoi une nouvelle technologie lui succédera." Pour Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada, il s'agit d'"un lieu de connaissances partagées non soumis aux contraintes du temps et de l'espace". Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californie du Sud: "Pour moi, le cyberespace est représenté par la totalité des informations auxquelles nous pouvons accéder par l'internet et les systèmes informatiques en général. Il ne s'agit bien sûr pas d'un espace, et son contenu est sensiblement différent de celui des bibliothèques. Par exemple, bientôt mon réfrigérateur, ma voiture et moi-même seront connus du cyberespace, et toute personne disposant d'une autorisation d'accès (et d'une raison pour cela) pourra connaître précisément le contenu de mon réfrigérateur et la vitesse de ma voiture (ainsi que la date à laquelle je devrai changer les amortisseurs), et ce que je suis en train de regarder maintenant. En fait, j'espère que la conception de la publicité va changer, y compris les affiches et les présentations que j'ai sous les yeux en marchant, afin que cette publicité puisse correspondre à mes connaissances et à mes goûts, tout simplement en ayant les moyens de reconnaître que 'voici quelqu'un dont la langue maternelle est l'anglais, qui vit à Los Angeles et dont les revenus sont de tant de dollars par mois'. Ceci sera possible du fait de la nature dynamique d'un cyberespace constamment mis à jour (contrairement à une bibliothèque), et grâce à l'existence de puces informatiques de plus en plus petites et bon marché. Tout comme aujourd'hui j'évolue dans un espace social qui est un réseau de normes sociales, d'expectations et de lois, demain, j'évoluerai aussi dans un cyberespace composé d'informations sur lesquelles je pourrai me baser (parfois), qui limiteront mon activité (parfois), qui me réjouiront (souvent, j'espère) et qui me décevront (j'en suis sûr)." Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies): "Pour moi, le cyberespace est la partie de l'univers (incluant personnes, machines et information) que je peux atteindre 'derrière' ma table de travail." Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français): "Je crois que, dans le cyberespace, l'information et la quantité de l'information sont gouvernées par des lois mathématiques. Mais les modèles mathématiques n'ont pas trouvé encore leur solution, un peu comme le mouvement perpétuel ou la quadrature du cercle." = Le cyberespace vu par les professeurs Pour Gaëlle Lacaze, ethnologue et professeur d'écrit électronique dans un institut universitaire professionnel, il s'agit d'"une visuelle en trois dimensions: superposition de lignes droites mouvantes selon des directions multiples où les rencontres de lignes créent des points de contact". Pour Patrick Rebollar, professeur de littérature française et modérateur de la liste de diffusion LITOR (Littérature et ordinateur), le cyberespace est "la réplique virtuelle et très imparfaite du monde des relations humaines, sociales, commerciales et politiques. En privant partiellement les utilisateurs de la matérialité du monde (spatiale, temporelle, corporelle), le cyberespace permet de nombreuses interactions instantanées et multi-locales. A noter que les êtres humains se montrent aussi stupides ou intelligents, malveillants ou dévoués dans le cyberespace que dans l'espace réel..." Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la Webster University de Genève: "Le cyberespace est notre espace virtuel, à savoir l'espace de l'information numérique (constitué de bits, et non d'atomes). Si on considère son spectre, il s'agit d'un espace limité. Il doit être géré de telle façon que tous les habitants de la planète puissent l'utiliser et en bénéficier. Il faut donc éliminer la fracture numérique." Pour Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, le cyberespace est "le nouveau territoire de la culture, un espace qui pourrait jouer le rôle de l'Agora dans la Grèce ancienne, mais à un niveau planétaire". Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto: "Je travaille dans la même université que Marshall McLuhan autrefois (nos carrières se sont un moment croisées). Le 'village global' qu'il entrevoyait à l'époque de la radio et de la télévision est devenu une réalité dans l'ère d'internet. Mais un village sans classes sociales (il n'y a pas de châtelain)." = Le cyberespace vu par les spécialistes du numérique Pierre Schweitzer, architecte designer et concepteur d'@folio, support numérique de lecture nomade: "C'est un terme un peu obscur pour moi. Mais je déteste encore plus 'réalité virtuelle'. Bizarre, cette idée de conceptualiser un ailleurs sans pouvoir y mettre les pieds. Evidemment un peu idéalisé, 'sans friction', où les choses ont des avantages sans les inconvénients, où les autres ne sont plus des 'comme vous', où on prend sans jamais rien donner, 'meilleur' - paraît-il. Facile quand on est sûr de ne jamais aller vérifier. C'est la porte ouverte à tous les excès, avec un discours technologique à outrance, déconnecté du réel, mais ça ne prend pas. Dans la réalité, internet n'est qu'une évolution de nos moyens de communication. Bon nombre d'applications s'apparentent ni plus ni moins à un télégraphe évolué (Morse, 1830): modem, e-mail... Les mots du télégraphe traversaient les océans entre Londres, New-York, Paris et Toyo, bien avant l'invention du téléphone. Bien sûr, la commutation téléphonique a fait quelques progrès: jusqu'à l'hypertexte cliquable sous les doigts, les URL (uniform resource locators) en langage presqu'humain, bientôt accessibles y compris par les systèmes d'écriture non alphabétiques... Mais notre vrai temps réel, c'est celui des messages au fond de nos poches et de ceux qui se perdent, pas le temps zéro des télécommunications. La segmentation et la redondance des messages, une trouvaille d'internet? Au 19e siècle, quand Reuters envoyait ses nouvelles par pigeon voyageur, il en baguait déjà plusieurs. Nos pages perso? Ce sont des aquariums avec un répondeur, une radio et trois photos plongés dedans. Tout ce joyeux 'bazar' est dans nos vies réelles, pas dans le 'cyberespace'." 18.2. La société de l'information: définitions = Un concept vide de sens Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen: "Il n'y a pas de société de l'information particulière. De tout temps, elle a toujours existé. Ce qu'il faut noter, c'est son évolution continue. Gutenberg l'a fait évoluer, de même internet." Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "Il n'y a pas, je crois, de société de l'information. Internet, la télévision, la radio ne sont pas des moyens d'information, ce sont des moyens de communication. L'information participe d'une certaine forme de savoir sur le monde, et les moyens de communication de masse ne la transmettent pratiquement pas. Ils l'évoquent dans le meilleur des cas (ceux des journalistes de terrain par exemple), et la déforment voire la truquent dans tous les autres. Et (pour autant qu'il le veuille!) le pouvoir politique n'est hélas plus aujourd'hui assez 'le' pouvoir pour pouvoir faire respecter l'information et la liberté. L'information, comme toute forme de savoir, est le résultat d'une implication personnelle et d'un effort de celui qui cherche à s'informer. C'était vrai au Moyen-Âge, c'est encore vrai aujourd'hui. La seule différence, c'est qu'aujourd'hui il y a davantage de leurres en travers du chemin de celui qui cherche." Pour Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne, il s'agit d'"un mot à la mode, qui ne veut rien dire. Une société est par essence communicative, et donc caractérisée par des échanges d'informations. Les seules choses qui ont changé, c'est la quantité et la vitesse de ces échanges." Patrick Rebollar, professeur de littérature française et modérateur de la liste de diffusion LITOR (Littérature et ordinateur), définit la société de l'information comme "une grande mise en scène (mondialisée) qui fait prendre les vessies pour des lanternes. En l'occurrence, les gouvernants de toutes sortes, notamment sous le nom de 'marché', diffusent de plus en plus de prescriptions contraignantes (notamment commerciales, politiques et morales) qu'ils réussissent, un peu grâce aux merveilles technologiques, à faire passer pour des libertés. Notons que 'cybernétique' et 'gouvernement' ont la même racine grecque..." = La société de l'information vue par les auteurs Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Pour moi, la société de l'information est l'arrivée d'un nouveau clivage sur la planète: distinction entre ceux qui ont accès au savoir, le comprennent et l'utilisent, et ceux qui n'y ont pas accès pour de nombreuses raisons. Il ne s'agit cependant pas d'une nouvelle forme de société du tout car le pouvoir de l'information n'est lié à aucun pouvoir réel (financier, territorial, etc.). Connaître la vérité ne nourrit personne. Par contre, l'argent permet de très facilement propager des rumeurs ou des mensonges. La société de l'information est simplement une version avancée (plus rapide, plus dure, plus impitoyable) de la société industrielle. Il y a ceux qui possèdent et jouissent, ceux qui subissent et ceux dont on ne parle jamais: ceux qui comprennent et ne peuvent pas changer les choses. Au 19e siècle, certains artistes et certains intellectuels se retrouvaient dans cette position inconfortable. Grâce à la société de l'information, beaucoup de gens ont rejoint cette catégorie assise entre deux chaises. Qui possède des biens matériels et a peur de les perdre mais considère pourtant que les choses ne vont pas dans la bonne direction. Mon opinion personnelle, par rapport à tout ça, c'est que ce n'est pas l'information qui sauve. C'est la volonté. Pour changer le monde, commençons par lever notre cul de notre chaise et retrousser nos manches." Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte: "Dans l'idéal, un lieu d'échange, le fameuse agora du village global. Mais l'idéal... Tant que le débat existe entre les fous du net et les VRP (voyageurs représentants de commerce, ndlr) de la VPC (vente par correspondance, ndlr), il y a de l'espoir. Le jour où les grands portails se refermeront sur la liberté d'échanger des infos en ligne, ça risque plutôt d'être la société de la désinformation. Ici aussi, des confusions sont soigneusement entretenues. Quelle information, celles du 20 heures à relayer telles quelles sur le net? Celles contenues sur ces fabuleux CD, CD-Rom, DVD chez vous dans les 24 h chrono? Ou toutes les connaissances contenues dans les milliards de pages non répertoriées par les principaux moteurs de recherche. Ceux qui ont de plus en plus tendance à mettre en avant les sites les plus visités, qui le sont dès lors de plus en plus. Là, on ne parle même plus de désinformation, de complot de puissances occultes (financières, politiques ou autres...), mais de surinformation, donc de lassitude, de non-information, et finalement d'uniformisation de la pensée. Sans avoir de définition précise, je vois qu'une société de l'information qui serait figée atteindrait le contraire de sa définition de base. Du mouvement donc..." Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Je préférerais parler de 'communautés de l'information'... Nous sommes plutôt dans une société de la communication et de la commutation. Il est très discutable de savoir si nos discussions sont de meilleure qualité et si nous serions plus savants... Etre informé n'est pas être cultivé." Pour Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, la société de l'information est "une société où l'unité de valeur réelle est l'information produite, transformée, échangée. Elle correspond au 'centre' du cyberespace. Malheureusement, le concept a tellement été galvaudé, banalisé, on l'a servi à toutes les sauces politiciennes pour tenter d'évoquer ce qu'on ne pouvait imaginer dans le détail, ou concevoir dans l'ensemble, de sorte que l'expression a perdu de son sens." Pour Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias, la société de l'information est "la nôtre, je pense? L'américano-nord-européenne. A la Bourse, les annonces ont des effets mesurables en millions de dollars ou d'euros et déclenchent des impacts économiques et humains parfois très violents: rachats, ventes, hausses et baisses des valeurs, licenciements. C'est une société où la valeur absolue est l'information et son contrôle, et la valeur relative l'humain." Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D, définit la société de l'information en trois mots: "plus, plus vite. Mais les données ne sont pas l'information. Il faut les liens, c'est à dire le temps. Plus d'évènements, plus d'écrans pour les couvrir. Plus vite: l'évènement du jour est liquide. Effacé, recouvert par la vaguelette du lendemain, la vague du jour d'après, la houle de la semaine, le tsunami du mois. Cycles aussi 'naturels' que les marées estivales du Loch Ness. Pas 'effacé', d'ailleurs, l'évènement d'hier (qui n'est pas 'tous les évènements d'hier'): déja archivé, dans des bases de données qui donnent l'illusion d'être exhaustives, facilement accessibles et momentanément gratuites. Mais les données ne donnent rien par elles-même. S'informer, c'est lier entre elles des données, éliminer celles qui ne sont pas pertinentes (quitte à revenir sur ces choix plus tard), se trouver ainsi obligé de chercher d'autres données qui corroborent ou infirment les précédentes... L'information naît du temps passé à tisser les liens. Or le temps nous est mesuré, au quartz près. Productique ou temps libre, nous passons de plus en plus de temps à raccrocher au nez de spammeurs qui nous interrompent pour nous revendre nos désirs (dont nous informons les bases de données qui les leur vendent). Ce qui est intéressant dans ce bonneteau est que les infos que nous fournissons sur nous-mêmes, nous les truquons suffisamment pour que les commerciaux n'arrivent pas à en tirer les lois du succès: Survivor II est un bide, après le succès de la version I. De cette incertitude viennent les trous dans le filet qui laissent parvenir jusqu'à nous certaines infos. Bref la 'société de l'information', c'est le jeu des regards dans le tableau de de La Tour: 'La diseuse de bonne aventure'. Le jeune homme qui se fait dépouiller en est conscient, et complice. Il a visiblement les moyens de s'offrir les flatteries des trois jolies filles tout en exigeant de la vieille Diseuse qu'elle lui rende l'une de ces piécettes dont il a pris la précaution de gonfler ostensiblement la bourse qu'on lui coupe." Pour Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses livres, la société de l'information permet "l'accès au plus grand nombre de la plus grande quantité d'information possible tout en garantissant la partialité de l'information et en fournissant les clefs de compréhension nécessaires à sa bonne utilisation". Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Je considère la société de l'information comme la forme tangible de la conscience collective de Jung. L'information réside essentiellement dans notre subconscient mais, grâce à l'existence de navigateurs, l'information est désormais plus facile à récupérer. Cette information favorise une meilleure connaissance de nous-mêmes en tant qu'individus et en tant qu'êtres humains." Xavier Malbreil, auteur multimédia et modérateur de la liste e-critures, définit la société de l'information comme "la circulation de l'information en temps réel. La connaissance immédiate. L'oubli immédiat. L'espace saturé d'ondes nous entourant, et nous, corps humains, devenant peu à peu un simple creux laissé par les ondes, une simple interconnexion. Corps humains devenant instants de l'information." Pour Murray Suid, écrivain travaillant pour une société internet de logiciels éducatifs, il s'agit d'"une société dans laquelle les idées et le savoir sont plus importants que les objets". 18.2.3. La société de l'information vue par les bibliothécaires-documentalistes Emmanuel Barthe, documentaliste juridique et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion: "Il s'agit nettement moins d'une 'société' de l'information que d'une économie de l'information. J'espère que la société, elle, ne sera jamais dominée par l'information, mais restera cimentée par des liens entre les hommes de toute nature, qu'ils communiquent bien ou mal, peu ou beaucoup." Pour Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan, la société de l'information est "la société de l'informatique et de l'internet". Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "La société de l'information est cette société dont le produit le plus précieux est l'information. Jusqu'au 20e siècle, ce sont les produits manufacturiers qui ont été les plus considérés. Ils ont ensuite été remplacés par l'information. En fait, on parle maintenant davantage d'une société du savoir, dans laquelle, du point de vue économique, le produit le plus prisé est le savoir acquis par chacun." = La société de l'information vue par les éditeurs Pour Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné aux nouveaux auteurs, il s'agit d'"une société où l'information circule très vite (trop peut-être), et où chaque acteur se doit de rester toujours informé s'il ne veut pas s'exclure. L'information elle-même devient une véritable valeur monnayable." Pour Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, il s'agit d'"une société dans laquelle tout membre de cette société a accès immédiatement à toutes les informations souhaitées". Olivier Gainon, créateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne: "Ce que nous vivons aujourd'hui, c'est la mise en réseau de notre société, au sens où, à terme, beaucoup des objets quotidiens seront connectés au Réseau (avec un grand R, qui sera lui-même composé de dizaines de réseaux différents). Bref, c'est une nouvelle manière de vivre et, à terme, certainement une nouvelle société. S'agit-il d'une société de 'l'information'? Je n'en suis pas certain. Faut-il que nous définissions collectivement ce que nous voulons dans cette société? Cela me semble urgent, et c'est un débat qui concerne tout le monde, pas uniquement les 'connectés'. Bref, sur quelles valeurs de société fonder notre action future? Voilà un vrai débat. J'en profite d'ailleurs pour faire un peu de pub pour un auteur CyLibris: La Toile de Jean-Pierre Balpe me semble aujourd'hui la meilleure illustration de ce débat. La société qu'il décrit au travers de ce roman est à mon sens la plus probable à court terme (l'action se passe en 2015). Est-ce cela que nous voulons? Est-ce ce type d'organisation? Peut-être, mais mon souci, c'est que ce choix soit conscient et non subi." Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires: "La société de l'information amène un recadrage des hiérarchies dans les rapports qui s'établissent entre les gens, de manière beaucoup plus naturelle, à partir des discussions en forums notamment. Dans la vie réelle, on est souvent influencé, voire impressionné, par les titres ou la largeur du bureau d'un interlocuteur 'installé' dans le système. Sur le net, seuls comptent le sens contenu dans le propos et la manière de l'exprimer. On distingue très vite les véritables intelligences raffinées des clowns ou autres mythomanes. Une forme de pédagogie conviviale, non intentionnelle et surtout non magistrale, s'en dégage généralement qui profite au visiteur lambda, lequel parfois apporte aussi sa propre expérience. Tout ça laisse augurer d'une créativité multiforme, dans un bouillonnement commun à des milliers de cerveaux reliés fonctionnant à la manière d'une fourmilière. C'est non seulement un véritable moyen d'échange du savoir, mais de surcroît un moyen de l'augmenter en quantité, de l'approfondir, de l'intégrer entre différentes disciplines. Le net va rendre les gens plus intelligents en favorisant leur plus grande convivialité, en cassant les départements et domaines réservés de certains mandarins. Mais il est clair qu'il faudra aussi faire attention aux dérives que cette liberté implique." Pour Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas, il s'agit d'"une société qui pourrait apporter beaucoup, si l'on empêche qu'elle ne rime trop avec 'consommation' et tout ce qui accompagne ce mot. Mais il est déjà trop tard peut-être..." = La société de l'information vue par les linguistes Pour Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada, la société de l'information est "le constat que la valeur ajoutée centrale (en référence à une notion économique, celle de la valeur ajoutée) devient de plus en plus l'intelligence de l'information. Ainsi, dans une société de l'information, la connaissance devient la plus-value recherchée." Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californie du Sud: "Une société de l'information est une société dans laquelle la majorité des gens a conscience de l'importance de cette information en tant que produit de base, et y attache donc tout naturellement du prix. Au cours de l'histoire, il s'est toujours trouvé des gens qui ont compris combien cette information était importante, afin de servir leurs propres intérêts. Mais quand la société, dans sa majorité, commence à travailler avec et sur l'information en tant que telle, cette société peut être dénommée société de l'information. Ceci peut sembler une définition tournant un peu en rond ou vide de sens, mais je vous parie que, pour chaque société, les anthropologues sont capables de déterminer quel est le pourcentage de la société occupé au traitement de l'information en tant que produit de base. Dans les premières sociétés, ils trouveront uniquement des professeurs, des conseillers de dirigeants et des sages. Dans les sociétés suivantes, ils trouveront des bibliothécaires, des experts à la retraite exerçant une activité de consultants, etc. Les différentes étapes de la communication de l'information - d'abord verbale, puis écrite, puis imprimée, puis électronique - ont chaque fois élargi (dans le temps et dans l'espace) le champ de propagation de cette information, en rendant de ce fait de moins en moins nécessaire le réapprentissage et la répétition de certaines tâches difficiles. Dans une société de l'information très évoluée, je suppose, il devrait être possible de formuler votre objectif, et les services d'information (à la fois les agents du cyberespace et les experts humains) oeuvreraient ensemble pour vous donner les moyens de réaliser cet objectif, ou bien se chargeraient de le réaliser pour vous, et réduiraient le plus possible votre charge de travail en la limitant au travail vraiment nouveau ou au travail nécessitant vraiment d'être refait à partir de documents rassemblés pour vous dans cette intention." Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies): "La société de l'information est une société dans laquelle: a) l'essentiel du savoir et de l'information n'est plus stocké dans des cerveaux ou des livres mais sur des médias électroniques; b) les dépôts d'information sont distribués et interconnectés au moyen d'une infrastructure spécifique, et accessibles de partout; c) les processus sociaux sont devenus tellement dépendants de cette information et de son infrastructure que les citoyens non connectés au système d'information ne peuvent pleinement participer au fonctionnement de la société." Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français): "La société de l'information peut être définie comme un milieu dans lequel se développent la culture et la civilisation par l'intermédiaire de l'informatique, qui restera la base et la théorie de cette société." = La société de l'information vue par les professeurs Pour Emilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris, "le syntagme 'société de l'information' est plus une formule (journalistique, politique) à la mode depuis plusieurs années, qu'une véritable notion. Cette formule tend communément je crois, à désigner une nouvelle 'ère' socio-économique, post-industrielle, qui transformerait les relations sociales du fait de la diffusion généralisée des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Personnellement, je n'adhère pas à cette vision des choses. Si la diffusion croissante des NTIC est indéniable et constitue un phénomène socio-économique propre à l'époque contemporaine, je ne crois pas qu'il faille y voir la marque de l'avènement d'une nouvelle société 'de l'information'. La formule 'société de l'information' est construite sur le modèle terminologique (socio-économique) de la 'société industrielle'. Mais le parallèle est trompeur: 'société de l'information' met l'accent sur un contenu, alors que 'société industrielle' désigne l'infrastructure économique de cette société. L'information en tant que produit (industriel ou service) apparaît peut-être plus complexe que, par exemple, les produits alimentaires, mais cette complexité ne suffit pas à définir l'avènement dont il est question. D'autant plus que l'emploi inconditionnel de la formule a contribué à faire de l'information un terme passe-partout, très éloigné même de sa théorisation mathématique (Shannon), de sa signification informatique initiale. Elle traduit uniquement une idéologie du progrès électronique mise en place dans les années 1950 et véhiculée ensuite par nos gouvernements et la plupart de nos journalistes, qui définissent fallacieusement le développement des NTIC comme un 'nécessaire' vecteur de progrès social. Quelques analystes (sociologues et historiens des techniques comme Mattelart, Lacroix, Guichard, Wolton) ont très bien montré cela." Pour Gaëlle Lacaze, ethnologue et professeur d'écrit électronique dans un institut universitaire professionnel, il s'agit d'"une société où l'information est reçue et digérée, sans être étouffée par la profusion". Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la Webster University de Genève: "La société de l'information est l'ensemble des personnes utilisant quotidiennement le cyberespace de manière intensive et qui n'envisageraient pas de vivre sans cela, à savoir les nantis, ceux qui sont du bon côté de la fracture numérique." Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto: "Si on veut parler de 'société' il ne peut pas être question d'une opposition 'haves' vs. 'have-nots' (munis vs. démunis), sauf dans la mesure où l'accès à l'information est plus ou moins libre ou limité d'un point de vue technologique ou économique, voire politique. Par exemple, l'accès à l'information en ligne est plus libre au Canada qu'en France, plus libre en France qu'en Algérie, etc. Internet est potentiellement un moyen pour que chacun puisse s'approprier son propre contrôle de l'information, qui n'est plus diffusée par les seuls canaux dirigistes, comme l'Edition ou l'Université, entre autres." = La société de l'information vue par les spécialistes du numérique Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique, la définit comme "une société où l'accès à l'information, l'information elle-même et la capacité à bien utiliser l'information sont des biens plus précieux que les biens matériels. Il faut noter que l'information a toujours été un avantage professionnel considérable. Il fut un temps où un avantage concurrentiel pouvait exister sur un territoire limité, et être protégé pour un temps long, par le secret, ou l'ignorance des autres. Les voyages, la mondialisation des échanges, la performance de la logistique ont énormément affaibli la notion de protection 'géographique' d'un avantage concurrentiel. La société de l'information est une société où la protection de l'information est presque impossible, et où son usage devient donc la valeur essentielle." Pierre Schweitzer, architecte designer et concepteur d'@folio, support numérique de lecture nomade: "J'aime bien l'idée que l'information, ce n'est que la forme des messages. La circulation des messages est facilitée, techniquement, et elle s'intensifie. Et désormais, le monde évolue avec ça." François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse, définit la société de l'information comme "une société dont l'information est le moteur, dans tous les sens du terme". 19. EXPERIENCES ET SOUVENIRS [Dans ce chapitre:] [19.1. Les auteurs et l'internet // 19.2. Les bibliothécaires- documentalistes et l'internet // 19.3. Les concepteurs d'appareils de lecture et l'internet // 19.4. Les créateurs de sites littéraires et l'internet // 19.5. Les éditeurs et l'internet // 19.6. Les gestionnaires et l'internet // 19.7. Les libraires et l'internet // 19.8. Les linguistes et l'internet // 19.9. Les professeurs et l'internet] Plutôt que de rédiger une conclusion, difficile à envisager pour un sujet aussi neuf, on préfère laisser la parole aux professionnels du livre cités tout au long de ces pages. Tous utilisent l'internet depuis plusieurs années. Beaucoup ont un souvenir particulièrement marquant lié au réseau, que celui-ci soit bon ou mauvais, ou alors une expérience particulièrement marquante, que celle-ci soit positive ou négative. Quels sont ces souvenirs et ces expériences? 19.1. Les auteurs et l'internet Alex Andrachmes (Europe) est producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte. Son meilleur souvenir: "Incontestablement quand apparaissent mes propositions de mails ou de design de site sur le web. Quand je revois les préparatifs, les brouillons, et que je vois ce que ça donne, c'est comme un flash. Au fond, c'est le même plaisir lorsque sur des Napster ou Gnutella, on trouve enfin 'le' morceau introuvable qu'on avait perdu d'ouïe depuis dix ans, on le charge, on attend, 1%>50%>99%>file complete, on le lance. Raaaah..." Son pire souvenir: "C'était au tout début, une de mes premières utilisations du médium. Je recherchais dans le cadre d'un projet des sites un peu rebelles, anarchisants, des trucs comme ça. Je tape 'cyberpunk' dans Yahoo!, s'affiche la classique liste de sites. 'Anarchy on the net, cyberpunk rock the web', ce genre... J'essaye d'en ouvrir quelques uns... Surprise! Un banner 'NetNanny' m'interdit l'accès aux sites. Emanation d'un groupuscule de la 'majorité morale' américaine, ce 'NetNanny' s'autorisait à interdire les sites qui ne lui plaisent pas... Je ne l'ai plus jamais rencontré depuis, mais quelle saleté, ce truc. Enfin, à l'autre extrémité, il y a bien le procédé dit de 'l'exit console' où, au moment de sortir d'un site, on vous 'propose' une autre page, puis une autre, puis une autre, impossible de sortir. Ça, je n'en ai pas fait l'expérience, mais ça doit être hard. C'est d'ailleurs un procédé de site hard, ai-je lu quelque part..." Jean-Pierre Balpe (Paris) est directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8. Son meilleur souvenir: "Pas un en particulier. Disons que je suis heureux chaque fois que ça marche... et ce n'est hélas pas si souvent..." Son pire souvenir;: "Même réponse qu'à la question précédente mais inversée..." Michel Benoît (Montréal), écrivain, utilise l'internet comme outil de recherche, de communication et d'ouverture au monde. Son meilleur souvenir: "Les mails que j'échangeais avec les gens de B-52, la radio libre et clandestine de Serbie, pendant le conflit du Kosovo. En 1978, j'ai visité cette région. Je pouvais sentir leurs souffrances, leurs anxiétés, leurs espoirs. C'est vrai que je me sentais impuissant devant le drame qui se jouait à des milliers de kilomètres de chez moi, mais, au moins, je pouvais parler, témoigner." Son pire souvenir: "Les quelques rares visites que j'ai faites sur les chats. Le vide, l'ennui qui s'y distille. L'inculture qui s'y exprime aussi. Désolant, en même temps paniquant. Quelqu'un qui écrit: 'Ya man, yyyyyyeeeeeeesssssss, j't'aim 4 ever my luuuuuuvvvvvvvvvvvv' me semble incroyablement désespéré. Un jour, les travailleurs de rue, qui s'occupent actuellement des itinérants et des drogués, travailleront sur le net à récupérer cette humanité souffrante. Je pense sincèrement que, avec la porno, le chat est la poubelle du net." Silvaine Arabo (Poitou-Charentes), poète et plasticienne, a créé la cyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui. Son meilleur souvenir: "Les ami(e)s que ce mode de communication m'a permis de rencontrer dans la francophonie ainsi que tous ceux et celles qui m'ont dit avoir, grâce à moi, découvert ou redécouvert la poésie et avoir compris qu'il s'agissait là d'un mode de fonctionnement majeur de l'esprit humain." Son pire souvenir: "Certaines mesquineries de webmasters, parfois un esprit de compétition et d'arrivisme... On retrouve sur internet la société telle qu'en elle-même, ni plus, ni moins." Lucie de Boutiny (Paris), écrivain papier et pixel, est l'auteur de NON, roman multimédia publié en feuilleton sur le web. Son meilleur souvenir: "En 1997 ou 1998, j'ai eu droit aux honneurs de la censure. L'une de mes nouvelles mises en ligne, aujourd'hui publiée honorablement sur support papier, était censurée par mon hébergeur. Il était inexact que ma petite histoire noire quoique teintée d'humour était un hommage rendu à un tueur en série pédophile, et cela bien que ce soit en effet le sujet. Mais voilà, par un matin gris acier, on apprit que quelques fournisseurs de services en ligne avaient été embarqués au commissariat de police le plus proche. Ils étaient tenus pour responsables du contenu des dizaines de milliers sites qu'ils hébergent! Et fatalement quelques-uns étaient suspects d'invitation à la haine raciale, au non-respect de la personne, etc. Ma petite nouvelle n'en faisait évidemment pas partie mais j'étais très amusée du fait qu'un 'robot trieur', le genre de nettoyeur informatique qui obéit aux ordres des censeurs, ait attenté, par erreur, à ma liberté d'expression." Son pire souvenir: "Il s'agit d'une vraie anecdote virtuelle: un soir, je reçois un mail sous pseudonyme m'annonçant que NON, mon roman hypermédia, avait été éradiqué de la planète net. Immédiatement, je me connecte sur mon site. Rien. Je me débranche, ouvre mon disque dur à la recherche de NON. Rien. Je cherche mes disques de sauvegarde. Volatilisés. Cinq ans de travail broyés par la masse des pixels!... Et c'est à ce moment là que je me suis réveillée... Le mauvais rêve!" Alain Bron (Paris) est consultant en systèmes d'information et écrivain. Son meilleur souvenir: "A la suite de la parution de mon deuxième roman, Sanguine sur toile (publié en 1999 par les éditions du Choucas, ndlr), j'ai reçu un message d'un ami que j'avais perdu de vue depuis plus de vingt ans. Il s'était reconnu dans un personnage du livre. Nous nous sommes revus récemment autour d'une bouteille de Saint-Joseph et nous avons pu échanger des souvenirs et fomenter des projets..." Son pire souvenir: "Virus, chaînes du 'bonheur', sollicitations commerciales, sites fascistes, informations non contrôlées, se développent en ce moment à très grande échelle. Je me pose sérieusement la question: 'Quel bébé ai-je bien pu contribuer à faire naître?'" Jean-Pierre Cloutier (Montréal) est l'auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet. Son meilleur souvenir: "Ce n'est pas très gai, et ça n'a rien à voir avec le rayonnement important qu'ont acquis Les Chroniques de Cybérie au fil des ans. Début 1996, j'ai reçu un message qui disait à peu près ceci: 'Mon fils, dans le début de la vingtaine, était gravement malade depuis des mois. Chaque semaine, il attendait avec impatience de recevoir dans sa boîte aux lettres votre chronique. Ne pouvant plus sortir de la maison, votre chronique lui permettait de 'voyager', d'ouvrir ses horizons, de penser à autre chose qu'à son mal. Il est décédé ce matin. Je voulais simplement vous remercier d'avoir allégé ses derniers mois parmi nous.' Alors, quand on reçoit un message comme ça, on se fout pas mal de parler à des milliers de gens, on se fout des statistiques d'achalandage, on se dit qu'on parle à une personne à la fois." Son pire souvenir: "Pas vraiment un seul 'gros et méchant' souvenir. Mais une foule de petits irritants. Le système est fragile, le contenu passe au second plan, on parle peu du capital humain, on nous inonde de versions successives de logiciels, etc. Mais c'est très vivable..." Luc Dall'Armellina (Paris) est co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias. Son meilleur souvenir: "Je n'ai pas de souvenir unique mais plutôt des événements marquants: avoir pu contacter et converser par e-mail avec des inconnus dont j'avais lu les travaux, avoir vu des travaux d'amis publiés en livre alors qu'ils étaient écrits initialement et après qu'ils aient existé d'abord pour le web, avoir échangé des vidéos et des photos de famille à l'autre bout du monde en quelques secondes. Quelques instants fugaces de babillard avec des Canadiens perdus dans les grands froids." Ses pires souvenirs: "L'arrivée de ce qu'on appelle l'e-business, pas l'arrivée du commerce qui est une activité respectable (activité naturelle d'échange qui crée du lien), mais celle du discours, du vocabulaire et de l'état d'esprit qui l'accompagne: rentabilité, business plan, parts de marché, agressivité... et de toute l'économie faite de flan, d'effets d'annonce et dont le paroxysme s'est appelé Nasdaq. La mise à mort de Mygale par un système et sa récupération par un des acteurs du marché a montré que la communauté de partage et d'intérêt avait elle aussi un prix (élevé) en fonction de son potentiel d'acheteurs." Jacques Gauchey (San Francisco) est spécialiste en industrie des technologies de l'information, "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe, et journaliste. Son meilleur souvenir: "J'ai publié quelques numéros d'une lettre d'information en anglais gratuite il y a quatre ans sur internet. Une dizaine de lecteurs par numéro jusqu'au jour (en janvier 1996) où l'édition électronique de Wired Magazine créa un lien. En une semaine j'ai eu une centaine de courriers électroniques - y compris de lecteurs francais de mon livre La vallée du risque - Silicon Valley (publié en 1990 chez Plon, ndlr) contents de me retrouver." Son pire souvenir: "L'internet est un médium et comme tout médium un facteur d'éclatement du pire. La fusillade d'Atlanta fin juillet 1999 par un 'day trader'. La pornographie. La vente libre des armes en ligne. Les mails non sollicités." Jean-Paul (Paris) est le webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D. Son meilleur souvenir: "Le vertige qui nous a pris à la réception du premier message... venant du Canada. 10.000 (?) ans après les Inuits, des cotres venaient de découvrir l'Amérique!" Son pire souvenir: "Tout ce sommeil en retard..." Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne), écrivain auto-éditeur, utilise le web pour faire connaître ses livres. Son meilleur souvenir: "Le franchissement de la barre des 200 visiteurs sur mon site." Son pire souvenir: "Je n'en ai pas encore..." Naomi Lipson (Paris et Tel-Aviv) est écrivain multimédia, traductrice et peintre. Son meilleur souvenir: "Pour moi, le réseau est un vivier de gens exceptionnels. J'ai fait des rencontres réelles et virtuelles absolument incroyables en deux ans. Ces gens préexistaient au réseau, bien sûr, mais sans lui, et surtout sans le mél, je ne les aurais jamais contactés!" Elle n'a pas de mauvais souvenirs: "J'ai eu beaucoup de chance. En restant très courtoise aussi, je crois avoir évité les désagréments les plus courants de la vie sur la toile. C'est aussi simple que ça. Et avec un peu de prudence, on évite très bien les virus." Tim McKenna (Genève), écrivain, s'interroge sur la notion complexe de "vérité" dans un monde en mutation constante. Son meilleur souvenir: "L'utilisation du courrier électronique pour rester en contact avec mes amis." Son pire souvenir: "Apprendre à utiliser l'internet, avant que la technologie n'apporte les améliorations me permettant de ne plus me préoccuper de mon inaptitude dans ce domaine." Xavier Malbreil (Ariège, Midi-Pyrénées), auteur multimédia, a créé le site www.0m1.com et il est le modérateur de la liste e-critures. Ses meilleurs souvenirs: "Une rencontre amoureuse. La rencontre de plusieurs communautés d'écrivains." Son pire souvenir: "Au tout début, ne pas avoir maîtrisé les codes de communication liés à l'internet. M'être laissé entraîner dans des polémiques vaines." Murray Suid (Palo Alto, Californie), écrivain, travaille pour EDVantage Software, société internet de logiciels éducatifs. Son meilleur souvenir: "La rencontre avec des experts et des auteurs qui ont participé à mes projets de publications." Son pire souvenir: "Avoir été insulté par une personne que je ne connaissais pas, et qui avait très mauvaise opinion de moi alors qu'elle ne savait absolument rien à mon sujet." 19.2. Les bibliothécaires-documentalistes et l'internet Emmanuel Barthe (Paris) est documentaliste juridique chez Coutrelis & Associés, cabinet d'avocats, et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion. Ses meilleurs souvenirs: "Parmi mes bons souvenirs, je pense à ma première publication sur le web: celle de mon bookmark sur le site ForInt Law (Foreign and International Law), en 1996, grâce à la webmestre de ce site, une collègue bibliothécaire juridique dans une université américaine. Je pourrais aussi citer les (trop rares) découvertes de sites juridiques français dotés d'un réel contenu (un contenu inédit et de valeur) et les remerciements que j'ai reçus pour la rédaction de la FAQ (foire aux questions) de la liste de discussion de Juriconnexion que j'ai récemment rédigée (à la date de l'entretien, en octobre 2000, ndlr)." Son pire souvenir: "Ce fut la destruction involontaire de mon fichier bookmark de Netscape, à une époque où il était heureusement moins volumineux qu'aujourd'hui. À partir d'une sauvegarde ancienne, j'ai dû retrouver, de mémoire, près d'un tiers des URL (uniform resource locators) et réécrire les descriptions des sites." Olivier Bogros (Lisieux, Normandie) a créé la Bibliothèque électronique de Lisieux et il est le directeur de la bibliothèque municipale. Son meilleur souvenir: "Les courriers électroniques reçus, à propos des textes que nous mettons en ligne et qui témoignent de la vivacité de la langue française sur le réseau." Son pire souvenir: "Deux jeunes collégiennes (4e ou 3e) faisant des recherches sur la Résistance en France, à partir de la station internet de la bibliothèque, sont tombées sur un site négationniste. Elles n'ont visiblement pas compris pourquoi nous leur avons interdit toute copie papier ou disquette dudit site et avons effacé les pages à l'écran. Tout simplement les mots 'révisionnisme' et 'négationnisme' leur étaient totalement inconnus. Moralité: le libre accès au réseau, mais accompagné d'une médiation par le personnel de la bibliothèque. Le pire des maux: l'ignorance!" Bakayoko Bourahima (Abidjan) est documentaliste à l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA). Son meilleur souvenir: "C'est quand j'ai pu tirer d'embarras un de mes amis, thésard en médecine, qui n'arrivait pas à boucler sa bibliographie sur un sujet sur lequel il n'y avait pratiquement aucune référence au plan local." Son pire souvenir: "Les méls indésirables, tous ces trucs bidons qu'on peut vous faire suivre, avec cinq correspondants ou plus qui vous envoient le même message." Bruno Didier (Paris) est le webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur. Son meilleur souvenir: "Le jour où j'ai gagné une boîte de chocolats suisses sur le site de Health On the Net (ne vous précipitez pas, le jeu n'existe plus...)." Son pire souvenir: "Les dérives du courrier électronique: des mal élevés qui profitent de la distance ou d'un certain anonymat pour dire des choses pas très gentilles, ou adopter des attitudes franchement puériles, avec, hélas, des conséquences qui ne sont pas toujours celles d'un monde d'enfant... Par exemple, une personne a un jour profité de ce que je lui avait fait copie d'un message, pensant que le sujet l'intéresserait, pour intervenir entre mon interlocuteur et moi, et me discréditer." Michael Hart (Illinois) est le fondateur du Project Gutenberg, la plus ancienne bibliothèque numérique sur l'internet. Son meilleur souvenir: "Le courrier que je reçois me montre combien les gens apprécient que j'aie passé ma vie à mettre des livres sur l'internet. Certaines lettres sont vraiment émouvantes, et elles me rendent heureux pour toute la journée." Son pire souvenir: "Etre convoqué par le président de l'Université d'Illinois suite à une plainte (relative à un problème de copyright, ndlr) déposée par l'Université d'Oxford. Mais j'ai été défendu par une équipe de six avocats, la moitié étant de l'Université d'Illinois, et j'ai gagné le procès. On pourrait voir cela comme un bon souvenir, mais je hais ce genre de politique politicienne... Le président de l'université se trouvait être l'oncle de Tom Cruise, amusant, non?" Pierre Le Loarer (Grenoble) est directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation). Ses meilleurs souvenirs: "Quand j'ai pu aider tel(le) internaute à l'autre bout du monde (Australie, par exemple) sur une question précise, via le hasard du questionnement. Mais ce n'est pas si fréquent (manque de temps, participation aujourd'hui plus que limitée aux listes et forums). Quand j'ai pu échanger des propos avec tel ou tel chercheur de l'autre bout du monde et avoir ensuite le plaisir de le rencontrer in situ. Etc., etc." Ses pires souvenirs: "L'avalanche de messages 'spam' a le don de m'agacer, voire de m'irriter. De même, je n'apprécie guère (euphémisme) certain(s) fournisseur(s) d'accès qui rédui(sen)t la vision de l'internet à l'espace de leurs propres sites et ressources, et exigent l'utilisation de leur seul logiciel de messagerie (propriétaire) pour communiquer par mél. Une tromperie quant à la vision et aux potentialités de l'internet." Peter Raggett (Paris) est directeur du centre de documentation et d'information (CDI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Son meilleur souvenir: "Avoir trouvé en dix minutes les informations biographiques et les articles d'un professeur reçu par l'OCDE." Son pire souvenir: "Les problèmes de lenteur pour la connection à l'internet et le transfert des données." 19.3. Les concepteurs d'appareils de lecture et l'internet Olivier Pujol (Paris), PDG de la société Cytale, promeut le Cybook, livre électronique. Ses bons souvenirs: "Découvrir instantanément une réponse à une question qui m'aurait demandé des heures de recherche il y a quelques années est un 'meilleur souvenir' quotidien, et recevoir un mail d'un ami brésilien ou hongrois en est un autre." Ses mauvais souvenirs: "De tomber systématiquement sur des sites pornos ou de pédophilie en faisant certaines requêtes anodines." Pierre Schweitzer (Strasbourg), architecte designer, est le concepteur d'@folio (support de lecture nomade) et de Mot@mot (passerelle vers les bibliothèques numériques). Son meilleur souvenir: "Au tout début, quand vous réalisez le système: le matin, à l'heure où vous vous levez, les derniers messages arrivent de la côte ouest de l'Amérique. Le jour se passe et le soir, quand vous allez vous coucher, ce sont les tous premiers messages qui arrivent des Dragons. C'est comme la lumière autour de la nouvelle lune." Son pire souvenir: "Je ne l'ai pas gardé comme souvenir." 19.4. Les créateurs de sites littéraires et l'internet Gérard Fourestier (Nice) est le créateur de Rubriques à Bac, bases de données destinées aux étudiants du premier cycle universitaire. Son meilleur souvenir: "Quand j'ai sorti mon premier ordinateur de son emballage." Son pire souvenir: "Cet été (été 2000, ndlr), à la plage: mes ordinateurs étaient en panne :-)" Fabrice Lhomme (Bretagne) est le créateur d'Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction. Son meilleur souvenir: "Dans un article 'spécial science-fiction' de Club-Internet, Jacques Sadoul (auteur, directeur de collection, anthologiste...) a parlé de mon site comme faisant partie des meilleurs sites francophones traitant de SF. Quand ça vient d'une personne telle que lui, on ne peut qu'être ravi..." Blaise Rosnay (Paris) est le webmestre du site du Club des Poètes. Ses meilleurs souvenirs: "D'innombrables rencontres avec des poètes du monde entier que nous avons découverts sur internet et qui sont venus nous rendre visite au Club des Poètes. D'innombrables messages de soutien et d'encouragement." Son pire souvenir: "Le constat que, faute d'une volonté politique de partage culturel, les initiatives les plus belles sont le plus souvent découragées par la logique marchande et que l'internet risque de se transformer peu à peu en vitrine de supermarché." 19.5. Les éditeurs et l'internet Nicolas Ancion (Madrid) est écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique. Son meilleur souvenir: "Plusieurs fois, les réactions de lecteurs, notamment des adolescents qui réagissent très spontanément et s'expriment sans détour, m'ont fait pleurer devant mon écran. On passe sa vie à écrire des histoires pour donner des émotions aux lecteurs et voilà que ce sont eux qui nous en renvoient de plus fortes ! Je n'ai jamais eu cet effet-là qu'avec des messages électroniques. En face à face ou par courrier postal, l'émotion est bridée par les formules de politesse et les circonlocutions en tous genres." Son pire souvenir: "A une époque où j'étais entre deux déménagements, que je n'avais plus ni adresse fixe ni téléphone, je me connectais dans les bibliothèques. J'avais participé à un concours sur internet pour être reporter radio pendant deux jours et gagner un téléphone portable, ce qui m'aurait été bien utile. J'avais laissé les coordonnées de mes parents. J'ai gagné, on a téléphoné pour me prévenir mais ma mère a mal compris le message et n'a pas jugé bon de me mettre au courant. Quand j'ai finalement appris ce qui était arrivé, il était trop tard. Internet va vite, les possibilités sont fantastiques, mais il faut aussi que le reste de la planète suive le mouvement, sinon on fabrique du vent. C'est une bonne morale." Marie-Aude Bourson (Lyon) est la créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy, sites littéraires destinés aux nouveaux auteurs. Son meilleur souvenir: "La rencontre avec des personnes qui sont devenues de vrais amis et que je fréquente dans la 'vie réelle'." Son pire souvenir: "Pas vraiment de pire souvenir mais un ras-le-bol répété contre les lenteurs du web et les déconnexions intempestives." Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne) est expert à la direction scientifique de France Télécom R&D et directeur de collection. Son meilleur souvenir: "Les premiers méls." Son pire souvenir: "Le temps passé à la réception d'images." Pierre François Gagnon (Montréal) est le créateur d'Editel, pionnier de l'édition littéraire francophone en ligne. Son meilleur souvenir: "La découverte de quelques amitiés affinitaires, indéfectibles, m'enchante encore, tandis que l'étroitesse de vision, le scepticisme négatif qu'affichait la vaste majorité des auteurs de science-fiction et de fantastique vis-à-vis du caractère pourtant immanent et inéluctable de ce qui n'est après tout qu'un fantasme à la Star Trek, qui hante depuis longtemps l'imaginaire collectif, soit l'e-book tout communicant qui tienne dans le creux de la paume, ne cesse pas de m'étonner et de me laisser pantois rétrospectivement." Olivier Gainon (Paris) est le fondateur et gérant de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne. Son meilleur souvenir: "La première fois que des étudiants dans une école d'ingénieurs m'ont montré le web. C'était en 1992, et j'ai trouvé cela génial. D'où la création de CyLibris en 1996 (j'ai quand même mis quatre ans)." Son pire souvenir: "La disparition progressive de CyLibris dans certains moteurs de recherche parce que, soit nous ne voulions pas payer, soit des accords d'exclusivité avaient été signés avec des libraires en ligne et que nous étions déréférencés brutalement (passer de la première page à la cinquième page est une forme de déréférencement brutal). Bref, aujourd'hui plus rien ne me trouble et on a appris à vivre avec ce genre de phénomène. Il n'empêche qu'une structure comme CyLibris qui se créerait juste aujourd'hui aurait les pires difficultés pour être visible sur internet." Jacky Minier (Orléans) est le créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires. Son meilleur souvenir: "L'écriture d'une pièce de théâtre 'carabinée' (genre chansons de carabins ;c)) en 1.300 alexandrins, avec un ami rencontré sur le net sans jamais l'avoir rencontré de visu. En symbiose complète avec un parfait inconnu, et une grande jubilation éprouvée à cette écriture à quatre mains." Son pire souvenir: "Les consommations téléphoniques des débuts, avant que je ne sois câblé, ou quelques engueulades sur certains forums avec des paranos." Nicolas Pewny (Annecy) est le créateur des éditions du Choucas. Son meilleur souvenir: "Un message enthousiaste d'un prêtre bouddhiste du Tibet qui a adoré l'exposition Lorca." Son pire souvenir: "Un orage tandis que j'envoyais l'image de la couverture à un auteur. Plus rien... le néant. Plus d'ordinateur. Heureusement que je sauvegarde tout au fur et à mesure. Chez l'auteur tout a 'sauté' aussi, et il n'y avait pas d'orage. Dans la présentation du livre Sanguine sur Toile, d'Alain Bron (publié en 1999 par les éditions du Choucas), on lit: 'Les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voire pour tuer...' Le contexte m'avait fait ressentir une peur instinctive, jusqu'à ce que la logique reprenne le dessus." 19.6. Les gestionnaires et l'internet Gérard Jean-François est directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen (Normandie). Son meilleur souvenir: "La remarque faite par un internaute d'Outre-Atlantique qui, ayant examiné une photo, nous a averti qu'elle était à l'envers." Ses pires souvenirs: "Pas vraiment de mauvais souvenirs, simplement une amertume envers les mauvais usages qui sont faits d'internet." Pierre Magnenat est responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne. Son meilleur souvenir: "Lorsqu'en 1995, je me suis retrouvé à mon premier GT (get together) en Californie, une party à laquelle participaient plus de cinquante personnes que je n'avais jamais vues, mais que je connaissais déjà bien pour avoir 'chatté' avec elles pendant deux ans sur IRC (Internet relay chat)." Son pire souvenir: "Lorsque je me suis fait avoir par une fausse information concernant une société dont je possédais des actions. C'est un mauvais souvenir mais une bonne leçon." Jacques Pataillot (Paris) est conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young. Ses bons souvenirs: "C'est quand je trouve rapidement l'info que je cherche." Ses mauvais souvenirs: "C'est à l'inverse lorsque je n'en sors pas!" François Vadrot (Paris) est le fondateur et PDG de FTPress (French Touch Press), société de cyberpresse. Son meilleur souvenir: "Quand nous avons franchi la barre des 10.000 abonnés à LMB Actu, début 1998 (remplacé par Internet Actu en septembre 1999, ndlr)." Son pire souvenir: "Une fois, quand nous avons écrit une bêtise dans Internet Actu, et que les messages incendiaires des abonnés ont commencé à arriver en trombe, dans les dix minutes suivant l'envoi. On a tous commencé à paniquer, car on venait de basculer LMB Actu dans le privé et la société FTPress ne reposait que sur le successeur, Internet Actu. Un désabonnement massif et c'en était fini de nous. Mais finalement, toutes ces réactions nous ont permis de démarrer la tribune des lecteurs, qui a été bien appréciée! Souvent, les erreurs ont du bon, du moment qu'on les avoue, et qu'on l'affiche ouvertement: ces échanges créent des liens entre les lecteurs et les auteurs." 19.7. Les libraires et l'internet Pascal Chartier (Lyon) est le créateur de Livre-rare-book, site professionnel de livres d'occasion. Son meilleur souvenir: "La lettre d'une vieille dame québécoise à qui j'ai pu faire retrouver un livre de son enfance." Son pire souvenir: "Les injures gratuites." Catherine Domain (Paris) a fondé la librairie Ulysse, la plus ancienne librairie de voyage au monde. Son meilleur souvenir: "Un dialogue quotidien avec ma soeur qui habite Sri Lanka et mes potes mexicains, américains, anglais, sud-africains, etc., car j'ai beaucoup voyagé, longtemps et partout." Son pire souvenir: "Ma première année ordinateur-internet: une longue souffrance technique!" Alain Marchiset (Paris) est président du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM). Ses bons souvenirs: "Notre étonnement initial face aux premières ventes réalisées. Nous avions en effet du mal à imaginer des personnes pianotant sur un clavier pour faire leurs achats." Ses mauvais souvenirs: "Tous les messages publicitaires dont nous sommes inondés." Denis Zwirn (Paris) est co-fondateur et PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques. Son meilleur souvenir: "Le jour de ma première connexion à domicile, le 31 décembre 1995: c'est un de mes plus beaux souvenirs de réveillon!" 19.8. Les linguistes et l'internet Guy Antoine (New Jersey) a créé Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne. Ses bons souvenirs: "Certaines personnes. Le web est un réseau de serveurs et d'ordinateurs personnels reliés les uns aux autres. Derrière chaque clavier se trouve une personne, un individu. L'internet m'a donné l'occasion de tester mes idées et d'en développer d'autres. Le plus important pour moi a été de forger des amitiés personnelles avec des gens éloignés géographiquement et ensuite de les rencontrer." Ses mauvais souvenirs: "Certaines personnes. Je ne souhaite pas m'étendre sur ce sujet, mais certains ont vraiment le don de vous énerver." Arlette Attali (Paris) est responsable de l'équipe "Recherche et projets internet" à l'Institut national de la langue française (INaLF). Ses bons souvenirs: "La découverte de bons sites littéraires. Par exemple Zvi Har'El's Jules Verne Collection, consacré à Jules Verne, ou le Théâtre de la foire à Paris (au 17e siècle)." Robert Beard (Pennsylvanie) est le co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour les langues. Ses meilleurs souvenirs sont liés à son site web: "Sa popularité continue de me stupéfier. Je reçois quotidiennement une douzaine de lettres de visiteurs, dont la moitié au moins me félicite pour mon travail. Je ne veux pas tomber dans une autosatisfaction démesurée, mais ces compliments me font très plaisir. Je suis également stupéfait du fait que, six ans seulement après les débuts du web, je puisse dénombrer plus de 1.200 dictionnaires en ligne qui soient dignes d'intérêt, dans plus de 200 langues différentes." Son pire souvenir: "Mon pire souvenir a été de voir mon site web copié sans mention de mon nom. Mais j'ai toujours pu résoudre ce problème. En général, mes souvenirs liés à l'internet sont positifs et ils le seront plus encore si yourDictionary.com a du succès." Alain Clavet (Ottawa) est analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada. Son meilleur souvenir: "La découverte des toutes les possibilités du modem-câble. La très grande vitesse du modem m'a permis de voir la puissance de ce mode de communication. Internet comme encyclopédie universelle m'est indispensable." Son pire souvenir: "La lenteur, mais c'est réglé." Cynthia Delisle (Montréal) est consultante au Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL). Son meilleur souvenir: "Le maintien régulier et à moindre coût, grâce au courriel, du contact avec mes proches lors de séjours prolongés à l'étranger." Son pire souvenir: "D'avoir vécu des problèmes de harcèlement (envois répétitifs de courriels personnels non sollicités... c'était il y a plusieurs années, avant que les logiciels de messagerie ne soient équipés de fonctions de filtres!)." Bill Dunlap (Paris & San Francisco) est le fondateur de Global Reach, société qui favorise le marketing international en ligne. Son meilleur souvenir: "Le fait de travailler avec des centaines de personnes tout en évitant la pression. Cela rend la vie vraiment agréable." Son pire souvenir: "J'ai plusieurs fois mis en place un forum en ligne, et plusieurs individus animés de mauvaises intentions ont commencé à envoyer des messages injurieux à l'ensemble du forum. Ces messages ont atteint des centaines de personnes qui ont à leur tour répondu par des messages injurieux, avec un effet boule de neige. Je me rappelle m'être réveillé un matin avec plus de 4.000 messages à télécharger. Quelle pagaille!" Barbara Grimes (Hawaii) a été la directrice de publication de l'Ethnologue, encyclopédie des langues, jusqu'en décembre 2000. Son meilleur souvenir: "Le fait de recevoir des corrections et de nouvelles informations fiables." Son pire souvenir: "Des critiques peu aimables sans proposition de corrections." Christiane Jadelot (Nancy) est ingénieur d'études à l'Institut national de la langue française (INaLF). Son meilleur souvenir: "Lorsque, pour mon problème de polices de caractères, qui était très local, j'ai reçu des réponses du monde entier! (...) J'avais à cette époque des problèmes avec un logiciel qui s'appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulais faire. J'ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de News approprié. J'ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun était soucieux de trouver une solution à mon problème! Je n'étais pas habituée à ce type de solidarité. Les habitudes en France sont plutôt de travailler avec des cloisons étanches." Son pire souvenir: "Celui d'avoir envoyé un courrier électronique à une personne qui n'était pas destinataire. Ce mode de communication doit être utilisé avec prudence parfois. Il va plus vite que la pensée elle-même, et peut être utilisé de manière très perverse, après coup, par le destinataire." Steven Krauwer (Utrecht, Pays-Bas) est le coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies). Son meilleur souvenir: "Une nuit, j'ai entendu le fragment d'une chanson sur une station de radio étrangère, ainsi que le nom d'une personne, et par le seul biais de l'internet j'ai été capable de trouver que ce nom était celui du compositeur de la chanson, trouver le titre de la chanson, vérifier qu'il s'agissait bien de la chanson dont j'avais entendu un fragment, découvrir qu'elle faisait partie d'une comédie musicale, trouver le titre du coffret de CD de cette comédie musicale, acheter le coffret de CD en question, trouver le site web de la comédie musicale, trouver le pays et l'endroit dans lesquels cette comédie musicale était toujours à l'affiche, y compris le détail du programme avec les jours et heures des représentations, trouver le numéro de téléphone et les heures d'ouverture du bureau de location, me procurer un plan de la ville et les indications nécessaires pour trouver le théâtre. J'aurais pu également réserver mon hôtel et mon vol par l'internet mais, dans ce cas précis, cela n'a pas été nécessaire. La seule chose que je n'ai pas pu faire fut la réservation elle-même parce que, à l'époque, les réservations par l'internet venant de l'étranger n'étaient pas acceptées, pour des raisons de sécurité. J'ai passé un très bon moment au théâtre, et je ne pense pas que ceci aurait été possible sans l'internet!" Ses mauvais souvenirs: "Rien de vraiment spécifique, mais plutôt des choses répétitives comme les courriers électroniques non sollicités à caractère commercial, les pages web remplies de publicités, les pages surchargées de graphiques inutiles et dont le téléchargement prend du temps, les liens cassés." Caoimhín Ó Donnaíle (Ile de Skye, Ecosse) est le webmestre du principal site d'information sur le gaélique écossais, sur lequel il tient à jour une liste des langues européennes minoritaires. Son meilleur souvenir: "Avoir trouvé des informations utiles dans le cadre de ma vie privée." Son pire souvenir: "Je n'ai pas de souvenir qui soit vraiment mauvais. Juste le courant: le courrier non sollicité (spam) ou les piratages informatiques." Paul Treanor (Pays-Bas) gère sur son site personnel une section consacrée à l'avenir des langues européennes. Il n'a pas de bons souvenirs. "Je ne me fais aucune illusion sur l'internet. Il ne me vient à l'esprit aucune exception à citer." Son pire souvenir: "La pire chose que j'aie vue sur l'internet est le fait que des milliers de personnes aient ajouté le logo de la radio B92 de Belgrade sur leur site, sans se poser de questions sur la nature de cette radio ni sur la politique qu'elle représentait. En fait cette radio émettait déjà d'un avion de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). La campagne menée montre combien il est facile de manipuler le public de ce nouveau médium." Zina Tucsnak (Nancy) est ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français). "Mon meilleur souvenir est lié à la mise en oeuvre d'un serveur qui permet la lecture de son courrier depuis n'importe quel ordinateur muni d'une connexion internet. Le principe d'un tel serveur existait déjà, surtout sur des grandes sites américains. Mais rien ne remplace la sensation du devoir accompli." Son pire souvenir: "Ce sont les CV bidons, publiés sur des pages personnelles. Surtout quand les auteurs s'appropient des réalisations ou des activités qu'ils n'effectuent pas. Mais cela ouvre un débat plus large sur la répression des fraudes sur internet." 19.9. Les professeurs et l'internet Richard Chotin (Paris) est professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille. Son pire souvenir: "C'est lorsque j'ai découvert qu'il me faudrait plusieurs vies pour tenter d'épuiser les possibilités de l'outil. Quand j'ai compris que je n'y arriverais pas, je me suis remis à lire Le mythe de Sisyphe d'Albert Camus afin de ne pas sombrer dans une mélancolie maniaco-dépressive due à l'absurdité de la situation." Maria Victoria Marinetti (Annecy) est professeur d'espagnol en entreprise et traductrice. Ses bons souvenirs: "Le fait que je puisse communiquer avec ma famille et mes amis partout dans le monde." Ses mauvais souvenirs: "Quelquefois ça ne marche pas, c'est lent, imprécis, l'information est énorme et peu structurée, et en plus c'est très cher (en France, ndlr)." Patrick Rebollar (Tokyo) est professeur de littérature française dans des universités japonaises, créateur d'un site web de recherches et activités littéraires, et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature et ordinateur). Ses meilleurs souvenirs sont liés à "l'écoute de radios françaises. Dès qu'elle a été possible, en 1997, puis améliorée jusqu'à aujourd'hui, elle m'a permis de rester en contact étroit avec l'actualité culturelle et politique françaises. De même, la possibilité d'acheter des livres et des disques, et d'être livré dans des délais raisonnables à des prix normaux." Henri Slettenhaar (Genève) est professeur en technologies de la communication à la Webster University. Son meilleur souvenir: "La vision d'images venant directement de l'espace, et particulièrement de Jupiter." Son pire souvenir: "La surcharge d'information. Je suis submergé par toutes ces informations et je ne dispose pas encore des outils qui me permettraient de ne trouver que ce que je cherche." Russon Wooldridge (Toronto) est professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. Son meilleur souvenir: "Une lettre que j'ai reçue par courriel à propos de mon site sur le Dictionnaire de l'Académie française. Je la cite intégralement: 'Sujet: 'Bravo! mais encore un effort'. Bonjour, je m'appelle Sophie, j'ai 10 ans, et je suis contente de trouver un dictionnaire sur internet. Mais je voudrais tout trouver, j'ai un exposé à faire sur la Fête du travail (1er mai) et ma requête n'a pas abouti... L'on voudrait tout trouver... Merci encore. Sophie'." Son pire souvenir: "Voyons... (j'ai tendance à évacuer les mauvais souvenirs). Je pense ne pas avoir vraiment de 'pire souvenir' en fait. Disons plutôt quelques déceptions quand je donne à X, Y et Z (et à d'autres) et que X, Y et Z ne donnent rien en retour. Je connais pas mal de 'chercheurs' carriéristes. Stoïque et un peu cynique, j'observe d'un oeil désabusé, mais quand même dégoûté, le détournement mercantile de matériaux créés en premier lieu dans le but de les mettre librement en ligne (un cas particulier est documenté sur le site du Projet d'informatisation du Dictionnaire de l'Académie française). La nature humaine est partout la même: la soif de pouvoir chez certains vs. le partage et le pouvoir individuel." Ce livre vient toutefois de montrer que nombreux sont ceux qui pratiquent le partage et le pouvoir individuel. Le tout est qu'ils puissent continuer de résister à la soif de pouvoir de certains. 20. REPERTOIRES DE SITES WEB [Annuaires spécialisés / Bibliothèques: catalogues / Bibliothèques: répertoires / Bibliothèques numériques: répertoires / Dictionnaires: répertoires / Editeurs: répertoires / Langue française: promotion / Langues: localisation et internationalisation / Langues: répertoires / Langues: traitement informatique / Librairies: répertoires / Livre électronique: modèles / Presse: répertoires / Propriété intellectuelle / Sciences de l'information: sites francophones / Sciences de l'information: sites anglophones / Traduction / Traitement de l'information: fournisseurs de services] Sélectif et subjectif, ce répertoire inventorie 100 sites (ou pages) web regroupés dans les rubriques suivantes: annuaires, bibliothèques, catalogues, éditeurs, langues, librairies, livre électronique, presse, propriété intellectuelle, sciences de l'information, traduction et traitement de l'information. De nombreux autres sites sont mentionnés dans la liste d'adresses web. #Annuaires spécialisés = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) Une sélection commentée d'environ 2.000 sites et pages web choisis par les bibliothécaires de la BnF. = Ministère de la Culture (France) - L'internet culturel Un annuaire qui comporte notamment des rubriques sur les langues, le livre et la lecture, les médias, le multimédia, les régions de France et les sciences humaines et sociales. = Zazieweb - Annuaire des sites L'annuaire de Zazieweb, site d'Isabelle Aveline destiné à la communauté des e-lecteurs. "Site indépendant et libre, zazieweb.com offre des espaces d'échanges et de rencontres pour lecteurs communicants et actifs!" = Librarians' Index to the Internet Géré par Carole Leita, bibliothécaire de référence au Berkeley Digital Library SunSITE (Californie), un répertoire d'environ 7.500 ressources internet sélectionnées par plus de cent bibliothécaires. = WWW Virtual Library (The) Débuté par Tim Berners-Lee, créateur du World Wide Web en 1989-90, le plus ancien répertoire du web est poursuivi pendant plusieurs années par Arthur Secret. Réputé pour sa qualité, ce répertoire est désormais alimenté de manière coopérative par nombre d'organismes. Les pages centrales sont gérées par Gerard Manning, et la base de données des différentes sections par Alan Thornhill et Jennifer Drummond. #Bibliothèques: catalogues = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Catalogues Les catalogues des livres et périodiques, documents audiovisuels (documents sonores, vidéos, multimédias, images numérisées...), collections spécialisées (cartes, estampes, partitions, monnaies, affiches...), documents numérisés (livres, périodiques, images fixes), etc. Ces catalogues sont décrits en détail dans les Signets de la BnF. = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Catalogue des documents numérisés Le catalogue des monographies et périodiques numérisés en mode texte ou en mode image, auxquels s'ajoutent les images du catalogue des documents audiovisuels. = Bibliothèque du Centre Pompidou - Catalogue Le catalogue en ligne de la BPI (bibliothèque publique d'information) du Centre Pompidou, située au coeur de Paris, dans le quartier des Halles. = Bibliothèque du Centre Pompidou - Catalogues de bibliothèques françaises Six sections: Bibliothèque nationale de France, bibliothèques universitaires et de grands établissements, bibliothèques publiques, bibliothèques spécialisées, réseaux de bibliothèques et catalogues collectifs, vidéothèques. = Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) - Catalogues des bibliothèques francophones Un répertoire en trois sections: bibliothèques générales, bibliothèques spécialisées, profils Z3950 et passerelles Z3950. = Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) - Catalogue multimédia Ce catalogue multimédia contient environ 500.000 notices de livres, périodiques, documents musicaux, cartographiques, iconographiques et électroniques, et fonds d'archives. Il permet aussi l'accès à des livres numérisés, documents iconographiques et extraits musicaux. = British Library Public Catalogue (BLPC) (The) Le catalogue en ligne de la British Library est doté d'un service en ligne permettant de demander soit le prêt de documents soit des photocopies. = Library of Congress - Online Catalogs Le catalogue en ligne de la Library of Congress: livres, périodiques, fichiers informatiques, manuscrits, cartes et plans, images, bandes son, etc. = PubMed Géré par la National Library of Medecine (Etats-Unis), ce catalogue est *la* référence en matière de médecine et de santé. Il recense 11 millions de notices provenant de Medline, PreMedline, etc., avec des liens vers les périodiques en ligne. #Bibliothèques: répertoires = Catalogue collectif de France (CCFr) Le CCFr comprend le répertoire national des bibliothèques et centres de documentation, qui contient la description détaillée de 3.900 bibliothèques. Il offre aussi une interface unique à trois grands catalogues: le catalogue des fonds rétroconvertis des bibliothèques municipales, le catalogue BN-Opale Plus (catalogue des livres et périodiques de la Bibliothèque nationale de France) et le catalogue du Système universitaire de documentation (catalogue des bibliothèques universitaires), soit un ensemble de 14 millions de documents conservés dans les principales bibliothèques municipales, universitaires et de recherche. Courant 2001, le CCFr compte ouvrir un service de fourniture de documents: prêt, reproduction ou réservation sur place. = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Bibliothèques et centres de documentation Réalisé par le personnel de la BnF, un répertoire d'adresses des bibliothèques et des centres de documentation, en France et à l'étranger. = SiteBib Hébergé sur le site de l'Association des bibliothécaires français (ABF), un site de coopération entre sites web spécialisés en bibliothéconomie et sciences de l'information, afin d'organiser une gestion partagée des liens. Rubriques: bibliothèques (adresses, sites, catalogues), bases de données, institutions, partenaires, informations professionnelles, sciences de l'information, internet mode d'emploi. = Oriente-Express (L') Par la Bibliothèque du Centre Pompidou (Paris), un répertoire d'adresses de bibliothèques et de centres de documentation privés ou publics, situés à Paris ou dans la région parisienne, ouverts à un large public ou faisant référence dans leur domaine. = Gabriel (Gateway to Europe's National Libraries) Trilingue (français, anglais, allemand), Gabriel est le serveur web des bibliothèques nationales européennes. Il permet d'offrir un point d'accès unique à leurs services, collections et catalogues. = Libweb: Library Servers via WWW Un service de la Digital Berkeley Library (Californie). Thomas Dowling recense les sites web de bibliothèques (6.100 dans plus de 100 pays en juin 2001), avec mise à jour quotidienne. = Unesco Libraries Portal Par l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture), un portail à vocation internationale à destination des bibliothécaires et de leurs usagers. Plusieurs rubriques: sites web des bibliothèques (internationales, nationales, régionales, gouvernementales, spécialisées, publiques, privées, etc.), associations et réseaux, accès et conservation, bibliothéconomie, formation, ressources en ligne, conférences et réunions. #Bibliothèques numériques: répertoires = Athena Literature Resources Un répertoire mondial des ressources littéraires géré par Pierre Perroud, créateur d'Athena, bibliothèque numérique hébergée par l'Université de Genève. = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) Une sélection du personnel de la BnF. Cliquer sur "L" pour trouver, classées par ordre alphabétique, les rubriques "Langues et littératures" d'un pays, d'une région ou d'une commaunauté linguistique donnée. = Electronic Text Service - Major Online Text Collections Par les bibliothèques de l'Université de Columbia (Etats-Unis), un répertoire mondial des collections de textes électroniques disponibles en ligne, classées par langue et par sujet. = Universal Library - Collections Le répertoire de l'Universal Library, hébergée par l'Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis). #Dictionnaires: répertoires = Administration fédérale suisse - Dictionnaires électroniques Un répertoire établi par la section française des services ling uistiques centraux de l'Administration fédérale suisse. Cette liste très complète de dictionnaires monolingues, bilingues et multilingues est complétée par des répertoires d'abréviations et d'acronymes et des répertoires d'informations géographiques. = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Dictionnaires et encyclopédies Une sélection effectuée par le personnel de la BnF. = YourDictionary.com Créé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de son ancien site "A Web of Online Dictionaries" maintenant intégré à celui-ci. Ce portail majeur recense les meilleurs dictionnaires (1.800 dictionnaires dans plus de 250 langues en juin 2001) et divers outils linguistiques: vocabulaires, grammaires, méthodes d'apprentissage des langues, etc. En tant que portail de toutes les langues sans exception, il accorde une importance particulière aux langues minoritaires et menacées. = Travlang's Translating Dictionaries Créé par Michael C. Martin, ce site, consacré aux voyages et aux langues, offre une section permettant l'accès à de nombreux dictionnaires de langues destinés au grand public. #Editeurs: répertoires = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Editeurs Géré par le personnel de la BnF, un répertoire d'éditeurs en trois rubriques: liste d'éditeurs français ou francophones, répertoires d'éditeurs français ou francophones, répertoires d'éditeurs étrangers. = France Edition - Editeurs adhérents Le répertoire des 250 éditeurs membres de France Edition, organisme de promotion de l'édition française à l'étranger. = AcqWeb's Directory of Publishers and Vendors Un répertoire international d'éditeurs et de diffuseurs sur le site de la bibliothèque de la Vanderbilt University (Tennessee, Etats-Unis). = Publishers' Catalogues Home Page Par Northern Lights Internet Solutions, organisme basé à Saskatoon (Saskatchewan, Canada), un répertoire international de 7.000 éditeurs, avec recherche possible par ville, état/province, pays, sujet et type de publication (livres, magazines, etc.). = WWW Virtual Library (The) - Publishers Le répertoire international d'éditeurs de la WWW Virtual Library est tenu à jour par Jonathan Bowen, du Oxford University Computing Laboratory (Royaume-Uni). #Langue française: promotion = Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) L'AIF est l'opérateur principal de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) regroupant 49 états et gouvernements "qui, unis par la même langue, souhaitent, par des actions de coopération multilatérale, utiliser ces liens au service de la paix, du dialogue des cultures et du développement". Situé à Bordeaux, le Centre international francophone de documentation et d'information (CIFDI) est rattaché à l'Institut francophone des nouvelles technologies de l'information et de la formation (INTIF), organe subsidiaire de l'AIF. = Agence universitaire de la francophonie (AUF) L'AUF, connue aussi sous le nom d'AUPELF-UREF, s'attache à renforcer un espace scientifique de langue française animé par ses principaux acteurs: établissements d'enseignement, enseignants, chercheurs et étudiants. = Délégation générale à la langue française (DGLF) La DGLF a pour mission de veiller à l'emploi et à la promotion du français en France, favoriser son utilisation comme langue de communication internationale, et développer le plurilinguisme, garant de la diversité culturelle. = Maison de la Francité Association subventionnée par la Commission communautaire française, la Maison de la Francité agit pour la défense et la promotion de la langue française à Bruxelles et au sein de la communauté française Wallonie-Bruxelles. = Office de la langue française (OLF) Le mandat de cet organisme gouvernemental québécois est de veiller à l'implantation et au maintien du français dans les milieux de travail, des affaires et de l'administration, et de définir et conduire la politique québécoise en matière de linguistique et de terminologie. = Analyses et traitements informatisés du lexique français (ATILF) Branche du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France), l'ATILF développe des programmes de recherche sur la langue française, principalement son vocabulaire. Les données - lexicales et textuelles - portent sur divers registres du français: langue littéraire (14e-20e siècles), langue courante (écrite, parlée), langue scientifique et technique (terminologies), et régionalismes. L'ATILF a remplacé en 2001 l'INaLF (Institut national de la langue française), scindée en deux organismes: l'ATILF et l'ILF (Institut de linguistique française). #Langues: localisation et internationalisation = Consortium Unicode Une organisation dont le but est de promouvoir l'utilisation d'Unicode, un système de codage créé en 1998 afin de favoriser le multilinguisme. Unicode spécifie un nombre unique pour chaque caractère, quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés. Chaque caractère étant traduit en 16 bits, Unicode peut prendre en compte plus de 65.000 caractères uniques, et donc traiter informatiquement tous les systèmes d'écriture de la planète. = Languages of the World by Computers and the Internet (The) Créé par Yoshi Mikami, ce site donne, pour chaque langue, son système d'écriture, son jeu de caractères et la configuration du clavier pour l'utilisation de programmes informatiques et de l'internet. = Localisation Industry Standard Association (LISA) Spécialisés dans l'industrie de la localisation et de l'internationalisation, les 240 membres de LISA comprennent des éditeurs de logiciels, des fabricants de matériel, des vendeurs de services de localisation, et un nombre croissant de sociétés venant des secteurs voisins des technologies de l'information. = W3C Internationalization / Localization Sur le site du Consortium W3, consortium industriel international qui travaille au développement des protocoles communs du web, une section proposant notamment une définition des protocoles utilisés pour l'internationalisation et la localisation ainsi que des conseils pour créer un site multilingue. #Langues: répertoires = Ethnologue: Languages of the World Cette encyclopédie très documentée, qui en est à sa 14e édition, existe en version web, sur CD-Rom et en version imprimée. Elle répertorie 6.800 langues, avec de multiples critères de recherche. = European Minority Languages Sur le site de l'Université Sabhal Mór Ostaig (île de Skye, Ecosse), principal site d'information sur le gaélique écossais, une liste de langues minoritaires tenue à jour par Caoimhín P. Ó Donnaíle en gaélique et en anglais. Cette liste est classée par ordre alphabétique de langues et par famille linguistique. = C&IT (Communications & Information Technology) Centre Rattaché à l'Institut des langues de l'Université d'Hull (Royaume-Uni), ce centre vise à promouvoir l'utilisation des ordinateurs dans l'apprentissage et l'enseignement des langues, notamment en sélectionnant des informations (Internet Resources for Language Teachers and Learners) à destination des professeurs. = iLoveLanguages Ouvert en 2001, ce site résulte de la fusion entre le site de Tyler Chambers consacré aux langues (The Human-Languages Page) et celui de la WWW Virtual Library (Languages Catalog). Il s'agit d'un catalogue répertoriant 2.000 ressources linguistiques dans plus de 100 langues différentes. Ces ressources sont réparties en différentes sections: langues et littérature, écoles et institutions, ressources linguistiques, produits et services, organismes, emplois et stages, dictionnaires et cours de langues. = Linguist List (The) Le site de la Linguist List propose une série de liens sur la profession de linguiste (conférences, associations linguistiques, programmes), la recherche (articles, résumés de mémoires, projets, bibliographies, dossiers, textes), les publications, la pédagogie, les ressources linguistiques (langues, familles linguistiques, dictionnaires, information régionale) et les ressources informatiques (polices de caractères et logiciels). = Web Enhanced Language Learning (WELL) Destiné à l'enseignement supérieur au Royaume-Uni, ce programme vise à développer l'utilisation du web pour l'apprentissage des langues et à sensibiliser les professeurs sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Le site permet l'accès à des ressources web de qualité dans douze langues différentes. Sélectionnées et décrites par des experts, ces ressources sont complétées par des exemples sur la manière de les utiliser pour l'enseignement ou l'apprentissage d'une langue. #Langues: traitement informatique = Association européenne pour les ressources linguistiques (ELRA) L'ELRA (European Language Resources Association) a pour but de fournir une organisation centralisée pour la validation, la gestion et la distribution des ressources et outils linguistiques (parole, texte et terminologie), et de promouvoir leur utilisation auprès des organismes européens s'occupant de R&D (recherche et développement) en télématique. = FRANCIL (Réseau francophone de l'ingénierie de la langue) FRANCIL est un programme de l'AUPELF-UREF (Agence universitaire de la francophonie) destiné à renforcer ses activités dans le domaine du génie linguistique, notamment le traitement automatique des langues. = Institut Dalle Molle pour les études sémantiques et cognitives (ISSCO) Rattaché à l'Université de Genève, l'ISSCO mène des recherches théoriques et appliquées en linguistique computationnelle et en intelligence artificielle. L'institut est spécialisé dans le traitement multilingue des langues dans les domaines suivants: traduction automatique, environnement linguistique, génération multilingue, traitement du discours, collection de données, etc. = Laboratoire de recherche appliquée en linguistique informatique (RALI) Basé à Montréal, le RALI regroupe des informaticiens et des linguistes menant des recherches dans le traitement automatique de la langue. Ses domaines de compétence sont les outils d'aide à la traduction, la production et le traitement des textes, et le repérage d'information. = Association for Computational Linguistics (ACL) A la fois scientifique et professionnel, cet organisme international rassemble les spécialistes de la langue naturelle et de la computation. Publiée par la MIT (Massachusetts Institute of Technology) Press, la revue trimestrielle de l'ACL, Computational Linguistics, est un forum de premier plan dans le domaine de la linguistique computationnelle et du traitement de la langue naturelle. = Natural Language Group (The) Au sein de l'Institut en sciences de l'information (ISI) de l'Université de Californie du Sud (USC), ce centre de recherche traite de plusieurs aspects du traitement de la langue naturelle: traduction automatique, résumé automatique de texte, accès multilingue aux verbes et gestion du texte, développement de taxonomies de concepts (ontologies), discours et génération de texte, élaboration de grands lexiques pour plusieurs langues, communication multimédia. = Text Encoding Initiative (TEI) Consortium Créé par trois sponsors (Association for Computers and the Humanities, Association for Computational Linguistics, Association for Literary and Linguistic Computing), ce projet international a pour but d'établir des directives sur l'encodage des textes électroniques à destination de la recherche. #Librairies: répertoires = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Libraires Par le personnel de la BnF, un répertoire des libraires français (généralistes et spécialisés) et des libraires étrangers. = Livre-rare-book Créé en novembre 1995 par Pascal Chartier, gérant de la librairie du Bât d'Argent (Lyon), un site professionnel des livres d'occasion, qui comprend un catalogue de livres anciens et de livres d'occasion classé par sujet et par librairie (environ 110 librairies et 300.000 livres en juillet 2001) et un annuaire électronique international des librairies d'occasion. = Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM) Le site du SLAM, qui regroupe la majorité des libraires français de livres anciens. On y trouve des catalogues en ligne à prix marqué (avec moteur de recherche), un service de recherche de livres épuisés ou rares, un annuaire des libraires avec leurs spécialités, un guide des termes techniques employés par les professionnels et bibliophiles, etc. = France Antiques Basé à Amboise (Loire), ce site se veut celui de tous les professionnels du marché de l'art ancien français: antiquaires, libraires, commissaires-priseurs, éditeurs d'art, fournisseurs et artisans d'art, etc. Il propose un répertoire de catalogues et un annuaire de librairies d'ancien, ainsi qu'un service gratuit de recherche de livres. #Livre électronique: modèles = @folio Conçu par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio (prononcer a-folio) est un support numérique de lecture nomade permettant d'aller lire n'importe où des textes glanés sur l'internet. Sa commercialisation est très attendue par ceux qui prônent un "livre électronique" pratique et bon marché. = Cybook (Cytale) Conçu par la société Cytale, le Cybook, premier livre électronique européen à être mis sur le marché, est commercialisé depuis le 23 janvier 2001. = eBookMan (Franklin) Créé par Franklin, société leader spécialisée dans les PDA (personal digital assistants) et les dictionnaires de poche, le eBookMan reçoit le 20 octobre 2000 le eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. Les logiciels de lecture utilisés sont le Franklin Reader et le Microsoft Reader. Il est commercialisé en janvier 2001. = Gemstar eBook Le Gemstar eBook est le successeur du Rocket eBook (de NuvoMedia) et du Softbook Reader (de SoftBook Press), suite au rachat de leurs sociétés par Gemstar en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, les deux modèles (REB1100 et REB1200) sont construits et vendus sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia). La commercialisation en Europe est prévue pour 2001. #Presse: répertoires = Agence France Presse (AFP) - Médias Pour la France, un répertoire des quotidiens, périodiques, presse régionale, chaînes de télévision, radios et journaux électroniques. Pour la communauté francophone ou non, un répertoire des titres français classés par pays. Des sections aussi pour les médias germanophones, anglophones, hispanophones et lusophones (en portugais). = Courrier international - Kiosque en ligne Le guide mondial de la presse en ligne, avec recherche par lieu géographique et par ordre alphabétique. = Internet Public Library (IPL) - Online Newspapers / Online Serials Réalisée par le personnel de l'IPL, une sélection de journaux en ligne (par continents et pays) et de magazines en ligne (3.000 titres par titres et sujets). = Michigan Electronic Library - News, Media & Periodicals Un répertoire des répertoires (y compris des répertoires d'index). = PresseWeb Par Gérard Verdon, un répertoire international qui recense tous les médias présents sur le web, y compris la presse spécialisée, la radio et la télévision. = Repères de Jean-Pierre Cloutier Par l'auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, ses repères en six rubriques: a) recherche / répertoires / portails, b) actualité WWW et technologique, c) nouvelles et actualités, d) ressources pour journalistes, e) journalistes, chroniqueurs, f) listes de diffusion. #Propriété intellectuelle = GNU (GNU's Not Unix) General Public Licence (GPL) Le document officiel de la Free Software Foundation (FSF) sur la licence publique, qui sert de fondement à Linux pour les logiciels libres. Une traduction en français est disponible. = Lex Mercatoria: Intellectual Property Le répertoire de la Lex Mercatoria sur la protection de la propriété intellectuelle. = Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) L'OMPI a pour tâche de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle à travers le monde grâce à la coopération entre les états. Elle assure aussi l'administration de divers traités multilatéraux relatifs aux aspects juridiques et administratifs de la propriété intellectuelle. Créé en 1994, le Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI tente de régler des litiges commerciaux internationaux entre particuliers ou entreprises privées, notamment des litiges liés à l'enregistrement et à l'utilisation des noms de domaine. #Sciences de l'information: sites francophones = Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS) Avec ses 5.600 adhérents, l'ADBS se place au premier rang européen des associations de spécialistes de l'information. = ADBS-info Une liste de diffusion (5.000 abonnés en juillet 2001) dont l'objectif est de "faciliter les échanges d'informations, d'idées et d'expériences au sein de la communauté des professionnels de l'information et de la documentation, notamment par rapport au développement des accès électroniques à l'information". = Biblio-fr Créée en 1993, la liste de diffusion Biblio-fr regroupe des bibliothécaires et documentalistes francophones, et tous ceux qui sont intéressés par la diffusion électronique de l'information documentaire. Modérée par Hervé Le Crosnier, professeur à l'Université de Caen (Normandie), elle "se fixe comme objectif d'assurer la présence sur le réseau informatique mondial d'un regard francophone, notamment dans les domaines touchant à la circulation de l'information". = Biblio On Line Conçu par la société de services informatiques Quick Soft Ingénierie, un site à destination des bibliothèques et de leur public. = Ecole nationale des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) Une mine d'informations. Voir notamment les pages de la bibliothèque de l'ENSSIB et le Bulletin des bibliothèques de France (BBF). = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Sciences de l'information Gérée par le personnel de la BnF, la section "Sciences de l'information et histoire du livre" comprend sept rubriques: livre et lecture (institutions, bibliothéconomie et sciences de l'information), formation aux métiers du livre et de la documentation, histoire du livre, histoire de la presse, livre pour enfants, conservation et techniques du livre. #Sciences de l'information: sites anglophones = American Society for Information Science and Technology (ASIST) L'ASIST, association pilote dans le domaine des nouvelles technologies, regroupe 4.000 professionnels de l'information. = Association of Research Libraries (ARL) L'ARL regroupe les bibliothèques des institutions de recherche nord-américaines. Forum pour les échanges d'idées, l'association favorise une action collective visant à développer la communication dans le domaine de la recherche. = International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) L'IFLA, organisme international indépendant à destination des bibliothécaires du monde entier, est un carrefour pour échanger des idées et promouvoir la coopération internationale et la recherche. = Internet Public Library (IPL) Services for Librarians Gérée par le personnel de l'IPL, une section destinée aux professionnels de la documentation, avec sélection, descriptif et catalogage des ressources disponibles sur le web. = Library Journal Publiée par Cahners, une revue professionnelle de référence lue par 100.000 abonnés, et connue notamment pour ses analyses de documents (livres, documents audio, documents vidéo, CD-Rom, sites web, magazines, etc.), souvent disponibles avant la parution des dits documents. #Traduction = Aquarius Par Language Networks (Amsterdam), un répertoire international de 20.000 traducteurs et interprètes. = Fédération internationale des traducteurs (FIT) Sur le site, la liste complète des membres et des divers comités, les publications de la FIT, les statuts et autres documents officiels. = Language today Un magazine en ligne de référence pour les linguistes: traducteurs, interprètes, terminologues, lexicographes et rédacteurs techniques. Ce magazine est une réalisation commune de Logos, société de traduction italienne (qui procure le site web), et Praetorius, société britannique de traduction et de services d'expertise dans les langues appliquées. #Traitement de l'information: fournisseurs de services = Blackwell's Blackwell est un fournisseur international de livres, abonnements, bases de données bibliographiques et contrôle d'autorités à destination des bibliothèques universitaires, bibliothèques de recherche et grandes bibliothèques publiques du monde entier. Anglaise à l'origine, la société a conquis le marché américain puis mondial. = Dawson Spécialiste du traitement de l'information (abonnements, livres et nouvelles technologies) à destination des professionnels de la documentation, Dawson est la principale société européenne d'abonnements, et le plus grand fournisseur européen de livres à destination des entreprises et des universités. = Dialog Web Le site web permettant d'accéder à la base Dialog, gérée par Knight-Ridder Information. Dialog regroupe 600 bases de données dans les domaines suivants: affaires, industrie, actualités (pays, gouvernements, monde), droits et brevets, chimie, environnement, sciences et techniques, référence. = Ingenta Ingenta (qui a fusionné avec UnCover) est un service payant qui délivre des publications (26.000 publications) et articles (11 millions d'articles provenant de 18.000 périodiques rassemblés depuis l'automne 1988). Si l'envoi des documents est payant, la recherche dans les bases de données est gratuite. = Lexis-Nexis & lexisONE Division du groupe Reed Elsevier, Lexis-Nexis, fournisseur international de documents légaux, vise en priorité les professionnels du droit, des affaires et des nouvelles technologies. Ses bases de données et ses outils de gestion en ligne lui permettent de fournir les documents les plus "pointus" par voie électronique, sur CD-Rom ou sur papier. Avec des clients dans plus de soixante pays, la société est connue pour son professionnalisme, ainsi que pour le coût de ses services. Durant l'été 2000, Lexis-Nexis lance lexisONE, un service gratuit (avec inscription requise) à destination des particuliers et des petites sociétés. = Online Computer Library Center (OCLC) OCLC gère notamment l'Online Union Catalog, appelé aussi WorldCat, qui est le plus grand catalogue collectif mondial avec ses 46 millions de notices en 400 langues (avec translitération pour les caractères non-romains) produites ou utilisées par des milliers de bibliothèques adhérentes. = Research Libraries Information Network (RLIN) Créé par le Research Library Group (RLG), RLIN, accessible par abonnement, est un catalogue collectif comprenant des millions de notices en 365 langues, avec plusieurs notices pour le même document, alors que l'Online Union Catalog d'OCLC (décrit dans la notice qui précède) ne propose qu'une notice par document. RLIN est particulièrement utile pour ses notices de livres anciens, documents iconographiques et ouvrages en caractères non latins. 21. GLOSSAIRE = 3D (3 dimensions) Utilisé pour définir les images de synthèse défilant à l'écran, parce qu'elles donnent l'illusion du relief. = AACR2 (Anglo-American cataloguing rules 2 - règles de catalogage anglo-américaines, version 2) Les normes de catalogage des bibliothécaires-documentalistes anglo-saxons. = Adresse électronique Adresse utilisée sur le réseau internet pour envoyer et recevoir du courrier électronique. = Adresse web Adresse composée d'une série de chiffres permettant d'identifier un serveur sur le réseau. = Agent intelligent Logiciel programmable permettant d'effectuer une recherche d'informations à partir d'une demande spécifique exprimée en langage courant. = Analogique Définit un signal de valeur continue, par opposition au signal numérique qui ne peut prendre que quelques valeurs définies ( par ex. 0 ou 1 en langage binaire). = Annuaire Vise à recenser les sites web et à en proposer un classement thématique, une lourde tâche qui s'avère de plus en plus difficile étant donné la vitesse exponentielle à laquelle croît le web. Le précurseur fut Yahoo!, qu'il n'est pas utile de présenter. = Applet Java Ecrite en langage Java, une mini-application envoyée par un site sur un ordinateur afin que celui-ci renvoie à son tour des données vers le site de départ. Utilisé pour cerner les centres d'intérêt de l'internaute (point de vue du commerçant) ou pour le "fliquer" (point de vue de certains clients). = Archie Diminutif du terme "archives". Il s'agit d'un service de recherche de fichiers dans les archives de l'internet. = ASCII (American standard code for information interchange) Standard minimal de 128 caractères alphanumériques utilisé pour les échanges d'information texte. Binaire, le code ASCII de chaque lettre est composé de sept bits (A=1000001, B=1000010, etc.). Les alphabets européens sont représentés par des versions étendues de l'ASCII codées sur huit bits, afin de prendre en compte les caractères accentués. L'extension pour le français est la norme ISO-Latin-1. = Asynchrone Définit un mode de communication permettant la non-simultanéité de l'émission et de la réception des informations (par exemple le courrier électronique), contrairement à une communication synchrone qui exige la simultanéité de l'émission et de la réception (par exemple le téléphone). = ATM (asynchronous transfer mode - mode de transfert asynchrone) Protocole pouvant transmettre tout type d'information, y compris la voix et la vidéo. Ce protocole permet l'acheminement indépendant de l'information fragmentée en de multiples paquets et reconstituée à l'arrivée pour recomposer l'information initiale, le tout dans un délai donné. = Autoroute de l'information Appelé aussi "inforoute" par souci de concision. Il s'agit de l'ensemble des réseaux de communication par câble ou satellite, permettant la transmission rapide d'informations de toute nature. Inclut la télématique, la télévision numérique et les câblages informatiques. = AZERTY Sigle correspondant aux premières touches des caractères alphabétiques du clavier français. A l'exception de la France, les utilisateurs des langues indo-européennes disposent en général d'un clavier QWERTY. = Bande passante Ce terme désigne le débit supporté par une ligne de communication. La bande passante peut être étroite (fils de cuivre de la ligne téléphonique classique), moyenne (RNIS - réseau numérique à intégration de services ou DSL - digital subscriber line) ou large (fibres optiques). = BBS (bulletin board system) Un système informatisé reliant les utilisateurs d'un même groupe d'intérêt (association, entreprise, organisme public, etc.) pour des annonces, discussions, messages, programmes, ainsi que pour le transfert de fichiers, la visioconférence, etc. Appelé babillard par les Québécois. = Binaire A base deux, et qui utilise donc uniquement les éléments 0 et 1. En code ASCII, cela donne: A=1000001, B=1000010, etc. = Bit Acronyme de "binary digit". Unité de numération binaire (0 ou 1). = CD (compact disc) Disque optique permettant l'enregistrement de sons (CD-audio), de données (CD-Rom) ou de vidéos (CD-vidéo). = CD-I (compact disc interactive) Disque permettant de stocker un ensemble de textes, images et documents audio ou vidéo. Consultable sur un téléviseur au moyen d'un lecteur adapté connecté au poste. = CD-Rom (compact disc-read only memory) Apparu en 1984, un disque compact stockant des textes, images et sons sous forme numérisée. Sa grande capacité de stockage (650 mégaoctets, soit l'équivalent de 600 disquettes informatiques, 200.000 pages de texte ou 1.000 photos de définition moyenne) convient particulièrement pour les encyclopédies, les catalogues, les manuels techniques et les jeux. Le CD-Rom fut le premier outil multimédia permettant l'application grand public des techniques numériques à l'image. Son successeur est le DVD (digital video disc). = Cédérom L'orthographe préconisée par l'Académie française pour CD-Rom. = Client Dans l'architecture client/serveur, ce terme désigne la machine permettant d'utiliser les données ou les programmes disponibles sur un serveur. = Commerce électronique L'ensemble des transactions à distance faites sur le réseau, avec paiement électronique sécurisé. Appelé aussi cyber-commerce. = Cookie Chaîne de caractères qui constitue un numéro d'identification attribué par le site à un internaute. Le cookie permet donc de noter les visites de l'internaute et de définir ainsi ses centres d'intérêt: sports, voyages, musique, livres, etc. L'existence de cookies est signalée par les versions récentes des navigateurs, et l'internaute peut donc les désactiver s'il le souhaite. = Courriel Terme utilisé par les Québécois pour le courrier électronique. = Courrier électronique Ensemble des messages envoyés électroniquement d'un ordinateur à l'autre à travers le réseau internet, dont il représenterait 60% du trafic. = Cyberespace Traduction de "cyberspace", terme inventé par William Gibson dans Neuromancien, roman de science-fiction paru en 1984. = Disque dur Support de stockage des données dans un ordinateur. = Disquette Support magnétique permettant de transférer ou de conserver des données informatiques. = DOS (disk operating system - système d'exploitation à disque) Système permettant à l'ordinateur de stocker des informations sur le disque dur et de communiquer avec ses périphériques: écran, clavier, souris, imprimante, etc. = DSL (digital subscriber line - ligne d'abonné numérique) Procédé permettant d'augmenter considérablement (cent fois plus vite que la ligne téléphonique selon certaines publicités) la vitesse de transmission des données sur les lignes téléphoniques standard tout en préservant la circulation de la voix et du fax (appelé aussi télécopie). = DTD (definition of type of document - définition du type de document) Description de la structure logique d'un document, correspondant le plus souvent à un format MARC (machine readable catalogue). = DVD (digital video disc) Apparu en 1996, fait suite au CD-Rom pour stocker textes, sons et images sur un support optique. Sa capacité de stockage varie de 4,7 à 17 gigaoctets (24 CD-Rom). Un film de deux heures peut être stocké sur une face de DVD. Les différentes versions sont le DVD-vidéo, le DVD-Rom, le DVD-Ram (ré-enregistrable une fois) et le DVD-E (ré-enregistrable plusieurs fois). Le DVD va progressivement remplacer les cassettes audio et vidéo et les disques optiques. = E-book Anglicisme utilisé aussi bien pour le livre numérique (version numérisée d'un livre) que pour le livre électronique (appareil de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques). = EDI (electronic date interchange - échange de données informatisé) Utilisé dans le commerce électronique inter-entreprises. = En ligne Définit les services et réseaux accessibles par le biais d'un modem ou d'une liaison télématique. Correspond au terme anglais "on line". = Ethernet Réseau local à débit très rapide, permettant par exemple de relier entre eux les différents services d'une même université ou d'une même entreprise. = Extranet Réseau propre à une communauté et fonctionnant selon le même principe que l'internet. Permet par exemple de relier tous les clients d'une entreprise. = FAQ (frequently asked questions - foire aux questions) Souvent présente sur un site, la liste des questions les plus fréquentes que se posent les nouveaux arrivants et les réponses-types. = Favori Permet de conserver l'adresse d'un site dans un répertoire spécifique du logiciel de navigation. Appelé aussi signet. = Fibre optique Support autorisant le transfert de données numériques à très haut débit sur de longues distances. = Forum de discussion Lieu d'échange sur l'internet par le biais du courrier électronique. Souvent thématique, un forum est lisible par tous et chacun peut y participer. = Fournisseur d'accès internet Permet de se connecter à l'internet moyennant un abonnement. En France, les fournisseurs les plus connus sont Wanadoo (France Télécom), Club-Internet (Groupe Hachette) et AOL (filiale de America Online). Depuis 1999, de nouveaux fournisseurs offrent des services gratuits. = Freeware Logiciel gratuit. Selon les cas, il appartient au domaine public ou bien son auteur en conserve le copyright. Ne pas confondre avec shareware (un logiciel téléchargeable qui doit être acheté à l'auteur après une période d'essai gratuite). Les défenseurs inconditionnels de la langue française utilisent le terme de gratuiciel. = FTP (file transfer protocol - protocole de transfert de fichier) Protocole définissant les règles de transfert de fichiers entre deux ordinateurs. = Gopher Le gopher est un système d'information à base de menus textuels à plusieurs niveaux. Dans le cas des bibliothèques numériques de première génération, il s'agissait d'un ensemble d'index permettant l'accès au texte intégral des documents. = Hors ligne Définit les applications disponibles en utilisation locale, comme les CD-Rom. Correspond au terme anglais "off line". = HTML (hypertext markup language) Langage de marquage utilisé pour créer ou mettre en forme des documents destinés au web. Permet notamment de proposer des liens hypertextes ou hypermédias vers d'autres documents, et d'inclure des images et documents sonores. = HTTP (hypertext transfer protocol) Protocole de transfert des pages hypertextes sur le web. = Hyperlien Un hyperlien peut être un lien hypertexte ou un lien hypermédia. = Hypermédia Système utilisant des liens - appelés donc liens hypermédias - permettant l'accès à des graphiques, des documents audio et vidéo, et des images animées, de la même façon que les liens hypertextes relient entre eux des textes ou des images. = Hypertexte Principe de base du web. Système permettant de relier entre eux des documents textuels au moyen de liens hypertextes qui, d'un simple clic de souris, permettent l'accès à un autre document. Les liens hypertextes sont en général soulignés et d'une couleur différente de celle du texte. = Infographie Procédé de création de graphiques et d'images assistée par ordinateur. = Inforoute Synonyme d'autoroute de l'information. = Interactivité Mode de communication basé sur un dialogue individualisé permettant à l'utilisateur de décider lui-même du déroulement des opérations. = Interface Partie du programme permettant la communication entre l'utilisateur et son ordinateur, par exemple les textes (interface texte) et les images (interface graphique). Définit aussi l'élément permettant la communication entre deux appareils, par exemple un ordinateur et un modem. = Internaute Utilisateur de l'internet. = Internet Le réseau des réseaux qui, outre le web, inclut de nombreux services: courrier électronique, forums de discussion, IRC (Internet relay chat), TCP (transmission control protocol), visioconférence, etc. = Intranet Réseau interne propre à un organisme, l'intranet utilise la technologie de l'internet (protocoles et applications TCP/IP). = IP (Internet protocol) Protocole de communication permettant d'acheminer les données en mode paquet non connecté. = IRC (Internet relay chat) Système qui permet à deux ou plusieurs utilisateurs de discuter sur le réseau en mode texte et en temps réel. = ISBD (international standard bibliographical description) Cette norme pour la notice bibliographique d'un document a été conçue par l'IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) en 1977 pour l'échange de données bibliographiques à l'échelon international. = ISBN (international standard book number) Formé de dix chiffres, ce code numérique se présente avec ou sans tirets. Voici un exemple: Le cybermarketing, d'Arnaud Dufour a été publié par les PUF (Presses universitaires de France) à Paris en 1997 dans la collection "Que sais-je?" (n° 3186) et son ISBN est 2-13-048352-6. Ce code numérique regroupe les éléments suivants : code du pays de publication (2 pour la France), code de l'éditeur (13 pour les PUF), code propre au livre (048352 pour ce titre), chiffre de contrôle (6 pour le même livre). L'ISBN permet d'identifier le livre dans le monde entier pour commande ou classement. Il est également souvent transcrit au dos du livre sous forme de code-barre. = ISO (International Organization for Standardization - Organisation internationale de normalisation) L'ISO définit les normes permettant de faciliter l'échange international de biens et de services, et de développer la coopération internationale dans divers domaines: économique, intellectuel, scientifique et technologique. Par exemple, la norme ISO-Latin-1 définit l'extension des caractères ASCII pour le français. = ISSN (international standard serial number) Code numérique de 8 chiffres permettant d'identifier toute publication en série (périodique, série, collection, etc.). Il se présente sous forme de deux groupes de quatre chiffres séparés par un tiret. Le huitième chiffre est un chiffre de contrôle. = JACKPHY Un sigle regroupant les premières lettres des langues suivantes: Japanese (japonais), Arabic (arabe), Chinese (chinois), Korean (coréen), Persian (persan), Hebrew (hébreu) et Yiddish (yiddish). Utilisé dans la description de catalogues de bibliothèques pour indiquer la présence de notices translitérées de documents dans ces langues. = Java Langage de programmation HTML créé par Sun en 1995 pour permettre des images animées, ce qui a rendu les pages web beaucoup plus vivantes que par le passé, mais n'a pas toujours contribué à leur clarté. = Kiosque Ordinateur utilisé comme centre d'information dans un lieu public, par exemple une borne interactive dans un musée ou un écran d'accès au catalogue dans une bibliothèque. = LAN (local area network - réseau local d'entreprise) Réseau local permettant l'interconnexion d'équipements informatiques dans un rayon inférieur au kilomètre. = Librairie en ligne Librairie vendant des livres et autres produits culturels sur l'internet. = Librairie numérique Librairie vendant des livres numériques (au format PDF, Acrobat eBook Reader, Microsoft Reader, etc.). = Linux Contraction de Linus (Linus Torvalds, son créateur) et d'Unix, le système d'exploitation dont Linux est dérivé. Ce système d'exploitation pour ordinateurs personnels (PC) est un logiciel libre diffusé gratuitement sur l'internet, ce qui permet à tout programmeur de participer à son élaboration. D'abord utilisé par les développeurs de logiciels, les universités et les fournisseurs d'accès à l'internet, il a ensuite gagné les entreprises et le grand public, et concurrence maintenant le système d'exploitation de Microsoft. = Livre électronique Appareil de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques. = Livre numérique Version numérisée d'un livre. = Liste de diffusion Liste permettant la transmission d'un message par courrier électronique à tous les adhérents. = MARC (machine readable catalogue) Format international permettant le stockage et l'échange informatique de notices bibliographiques. = Mémoire La mémoire de l'ordinateur comprend une mémoire vive ou mémoire RAM (random-access memory), qui permet de lire et écrire les données, et une mémoire morte ou mémoire ROM (read-only memory), qui permet le stockage des informations que l'ordinateur soit allumé ou éteint. = Messagerie électronique Service permettant d'envoyer et de recevoir du courrier électronique. = Microprocesseur Puce électronique contenant un circuit électronique miniature. = Minitel Lancé en 1982 par France Télécom, le minitel est un terminal permettant la consultation de serveurs à domicile (accès par Télétel, le réseau vidéotex français), consultation fortement encouragée par l'Etat français avec la distribution gratuite de millions de terminaux. En 2000, 9 millions de minitels sont utilisés par 25 millions de personnes (sur 60 millions d'habitants). De nombreux serveurs minitel ont maintenant leur correspondant sur le web, avec les avantages qu'offrent la consultation au prix d'une communication téléphonique locale, la facilité de navigation et les avantages du multimédia. Mais le minitel reste toujours très utilisé, y compris pour les transactions commerciales. Certains moteurs de recherche ont ouvert un service minitel (Yahoo!, AltaVista) ou pensent en ouvrir un (Google). = Modem Contraction de "modulateur-démodulateur". Appareil permettant de relier l'ordinateur au réseau internet par le biais de la ligne téléphonique. La transmission des données informatiques est possible grâce à la conversion des signaux numériques en signaux analogiques. La vitesse du modem standard est de 56 Kbit/s. = Moniteur Synonyme d'écran. = Moteur de recherche Recense informatiquement tous les sites web et les classe par thèmes et par rubriques. Les plus connus sont AltaVista et Google. = MS-DOS (Microsoft disc operating system) Système d'exploitation produit par Microsoft pour équiper les micro-ordinateurs. = Multimédia Outil de communication informatique (ordinateur, logiciel, disque compact, serveur, etc.) combinant des composantes audio et vidéo utilisant texte, son et graphiques au moyen de séquences fixes et animées. = Navigateur Logiciel permettant de rechercher et de visualiser l'information sur le web. Les deux principaux navigateurs sont Microsoft Explorer et Netscape Navigator. = Net Abréviation d'internet. = Nétiquette L'étiquette de l'internet. Rassemble les règles de savoir-vivre applicables sur le réseau, notamment pour le courrier électronique et les forums de discussion. = Nom de domaine Partie centrale d'une adresse web, qui permet d'identifier et de situer le serveur. = NTIC Sigle utilisé pour "nouvelles technologies de l'information et de la communication". = Numérisation Codification d'informations (textes, images et sons) en langage généralement binaire (0 ou 1) pour permettre le traitement de ces informations par voie informatique (création, enregistrement, combinaison, stockage, recherche et transmission). Un procédé similaire permet désormais le traitement de l'écriture, de la musique et du cinéma alors que, par le passé, ce traitement était assuré par des procédés différents sur des supports différents (papier pour l'écriture, bande magnétique pour la musique et celluloïd pour le cinéma). = OCR (optical character recognition - reconnaissance optique de caractères) Technologie permettant de reconstituer un texte d'après son image numérisée. = Octet Groupe de 8 bits représentant un caractère alphabétique ou quelques points formant une image. Un mégaoctet représente un million d'octets. Un gigaoctet représente un milliard d'octets. Un hexaoctet représente un milliard de milliards d'octets. = OeB (Open eBook) Créé en octobre 1998, ce format de livre numérique est basé sur les formats HTML et XML. La première version (1.0) de la Open eBook Publication Structure est disponible en septembre 1999. Elle est remplacée en juillet 2001 par la version 1.0.1. Le format OeB est utilisé notamment par le Reader de Microsoft, le Gemstar eBook et le Mobipocket. = OeBF (Open eBook Forum) Créé en janvier 2000, le Open eBook Forum (OeBF) a pour tâche de développer et de promouvoir l'Open eBook (OeB) afin qu'il devienne le standard majeur, sinon unique, utilisé pour la publication de livres numériques. Ce consortium international réunit plusieurs dizaines d'entreprises: des fabricants de livres électroniques, des éditeurs, des fabricants de logiciels et de matériels, des libraires en ligne, etc. = OPAC (online public access catalogue - catalogue en ligne d'accès public) Sigle caractérisant les catalogues de bibliothèques en ligne. = PAO (publication assistée par ordinateur) A remplacé l'imprimerie traditionnelle, avec des coûts moindres et un travail plus rapide. = Paquet Ensemble de données transitant ensemble sur le réseau. L'information fragmentée en de multiples paquets est reconstituée à l'arrivée pour recomposer l'information initiale, le tout dans un délai donné. = PC (personal computer - ordinateur personnel) Micro-ordinateur à usage personnel utilisé à domicile ou au bureau. = PDA (personal digital assistant - assistant numérique personnel) Ordinateur de poche intégrant de nombreuses fonctions de gestion, et servant le plus souvent de complément au PC du domicile ou du bureau. = PDF (portable document format) Format de fichier créé par Adobe pour conserver le contenu formaté d'un document électronique, avec mise en page, graphiques et styles. = PGP (pretty good privacy) Logiciel de cryptage. Une clé de 128 bits offrirait un bon niveau de sécurité. = Pixel Abrégé de "picture element". Représenté sous forme numérique, il s'agit du point constitutif d'une image sur l'écran d'un ordinateur ou d'un téléviseur. Le nombre de pixels définit la qualité de résolution de l'écran. = Portail Point d'entrée sur le web, à caractère général ou thématique. Un portail de fournisseur d'accès va par exemple comporter les informations du jour, la météo, un moteur de recherche, etc. Un portail peut être aussi thématique, par exemple yourDictionary.com, excellent portail pour les dictionnaires et les langues en général. = Processeur Cerveau interne de l'ordinateur. La vitesse du processeur est mesurée en mégahertz (MHz). = Protocole Définition de normes communes pour les échanges de données entre ordinateurs (TCP/IP, FTP, etc.) par les systèmes de télécommunications. Les normes ISO (Organisation internationale de normalisation) et UIT (Union internationale des télécommunications) permettent une normalisation des protocoles à l'échelon international. = Pull Se traduit littéralement par "tirer", pour décrire la démarche de l'internaute qui va chercher lui-même ses informations sur l'internet, par opposition au "push" (pousser), technologie qui lui permet d'avoir à sa disposition des informations automatiquement sélectionnées. = Push Apparue en 1996, une technologie permettant d'envoyer vers l'internaute des informations automatiquement sélectionnées en fonction de ses centres d'intérêt. On parle donc de "pull-push", à savoir la technologie du pousser-tirer. = QWERTY Sigle correspondant aux premières touches des caractères alphabétiques du clavier. Caractérise le clavier standard utilisé par la plupart des utilisateurs de langues indo-européennes. La France fait exception puisque son clavier standard est l'AZERTY. = RAM (random-access memory) Mémoire vive de l'ordinateur, qui permet de lire et écrire des données, et qui fonctionne seulement lorsque celui-ci est allumé, contrairement à la ROM (read-only memory) qui permet le stockage des informations que l'ordinateur soit allumé ou éteint. La RAM se mesure en mégaoctets (Mo). = RAMEAU (répertoire d'autorités matières encyclopédique et alphabétique unifié) Utilisé à la Bibliothèque nationale de France (BnF) et dans nombre de bibliothèques françaises, cet ensemble hiérarchisé de mots-clés permet d'indexer les documents d'une bibliothèque afin de pouvoir ensuite les retrouver par sujets. = Réalité virtuelle Définit une technologie permettant d'offrir à l'utilisateur un environnement virtuel en trois dimensions (3D). = Réseau Système permettant la communication de données entre des ordinateurs reliés les uns aux autres, soit localement au moyen de câbles spéciaux, soit en longue distance par le réseau téléphonique ou les câbles à fibre optique. = RNIS (réseau numérique à intégration de services) Réseau fonctionnant par câble téléphonique avec services de téléphonie, télécopie (fax) et transfert de données. Le réseau RNIS français est Numéris. = ROM (read-only memory) Mémoire morte de l'ordinateur, qui permet de stocker les informations que l'ordinateur soit allumé ou éteint, contrairement à la mémoire vive, dénommée mémoire RAM (random-access memory), utilisée uniquement lorsque l'ordinateur est sous tension, pour la lecture et l'écriture de données. = RTF (rich text format) Créé par Microsoft, un format de fichier destiné à faciliter l'échange de documents entre différents programmes de traitement de texte, tout en conservant le formatage du texte (polices de caractère, paragraphes, etc.) lors du transfert d'un programme à un autre. = Serveur Dans l'architecture client/serveur, c'est l'ordinateur servant de distributeur d'informations consultables à distance au moyen d'autres ordinateurs appelés clients. = Serveur proxy Serveur hébergeant un double du site pour diminuer le temps d'accès à ce site dans une zone géographique donnée. = Serveur web Serveur stockant les informations affichées dans le site web correspondant. = SGML (standard generalized markup language) Norme ISO identifiant la structure d'un texte, avec ses caractéristiques telles que en-têtes, colonnes, marges ou tableaux, afin de conserver cette structure lors d'applications telles que la PAO (publication assistée par ordinateur) ou l'édition électronique. Le SGML comprend notamment les langages HTML (hypertext markup language) et VRML (virtual reality markup language). = Shareware Logiciel téléchargeable soumis au copyright et qui doit être acheté à l'auteur, le plus souvent à prix modique, après une période d'essai gratuite. Ne pas confondre avec freeware (qui est un logiciel gratuit appartenant au domaine public ou dont l'auteur conserve le copyright). Les défenseurs inconditionnels de la langue française utilisent le terme de partagiciel. = Signet Permet de conserver l'adresse d'un site dans un répertoire spécifique du logiciel de navigation. Appelé aussi favori. = Site web Défini par une adresse web, appelée aussi URL (uniform service locator), un ensemble de textes, images et sons reliés entre eux par des liens permettant d'aller d'un document à l'autre. = Smiley Marque typographique permettant à l'internaute d'exprimer son humeur :-) = Spam Message électronique non sollicité. L'envoi de spams est interdit par la nétiquette. L'Etat de Washington a été le premier à proposer une loi anti-spamming en avril 1998. = Système d'exploitation Programme de base permettant à l'ordinateur de contrôler ses périphériques (écran, clavier, souris, imprimante, etc.), d'organiser le système de classement de son disque dur et de faire fonctionner d'autres programmes. Linux ou Windows par exemple sont les systèmes d'exploitation des ordinateurs personnels (PC). = TCP (transmission control protocol) Protocole de transport utilisé dans la plupart des applications internet. = TCP/IP (transmission control protocol/internet protocol) Ensemble de protocoles permettant le transport de données sur l'internet. = Téléchargement Transfert d'un fichier à distance depuis l'internet sur son propre ordinateur, y compris par FTP (file transfer protocol). = Télétravail Travail exercé à distance à temps plein ou partiel en utilisant les modes de communication électroniques, informatiques et télématiques (réseau informatique, téléphone, télécopieur, etc.). = Telnet (terminal network protocol) Protocole d'application définissant l'émulation d'un terminal sur l'internet. Il permet d'ouvrir une connexion avec un serveur à distance comme si on le consultait sur place. Avant d'être possible directement sur le web, la consultation à distance des catalogues de bibliothèques a d'abord été effectuée par le biais de Telnet. = Terminal Poste avec écran, clavier et circuit simple permettant de se connecter à un ordinateur ou à un serveur extérieur. = TI (technologies de l'information) Correspond à l'anglais IT (information technologies). En français, on utilise davantage TIC ou NTIC. = TIC (technologies de l'information et de la communication) Synonyme de NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication). Les TICE sont les technologies de l'information et de la communication pour l'éducation. = Toile Traduction littérale de l'anglais "web", ce terme est parfois utilisé par les francophones pour désigner le réseau. = Transpac Réseau de France Télécom pour la transmission numérique de données. = Unicode Système de codage créé en 1998, Unicode spécifie un nombre unique pour chaque caractère, quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés. Alors que l'ASCII étendu à 8 bits pouvait prendre en compte un maximum de 256 caractères, Unicode traduit chaque caractère en 16 bits et peut donc prendre en compte plus de 65.000 caractères uniques, et traiter informatiquement tous les systèmes d'écriture de la planète. = Unix Système d'exploitation multi-tâche et multi-utilisateur très répandu dans le domaine scientifique. = URL (uniform resource locator) Sigle synonyme d'adresse web. = Usenet Acronyme de "users' network". Il s'agit du plus grand BBS (bulletin board service) du monde, à savoir une plate-forme d'échange composée de listes de messages électroniques et de sujets abordés dans des forums de discussion. Non censuré, Usenet est gouverné par les règles de la nétiquette. = Virtuel Par opposition à "réel", concerne tout ce qui est créé de manière artificielle grâce aux techniques informatiques, par exemple l'univers virtuel. Dans le cas d'entités qui sont bien réelles quoique numériques, il semble préférable d'utiliser le terme "cyber". = Visioconférence Conférence à distance au moyen d'un réseau d'ordinateurs équipés de caméras. = VRML (virtual reality modeling language) Langage permettant de créer sur une page web des images en 3 dimensions (3D), qui sont donc des espaces virtuels dans lesquels l'internaute peut se déplacer. = W3 (World Wide Web) Synonyme de WWW. = WAIS (wide area information service) Système permettant de classer, chercher et récupérer des documents dans des bases de données interrogeables au moyen de mots-clés. = Web Développé en 1989-90 par Tim Berners-Lee au CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules) à Genève, un système multimédia international basé sur l'hyperlien. Appelé aussi World Wide Web (son nom d'origine), WWW, W3, ou encore "toile" par certains francophones, le web est un sous-ensemble de l'internet. = Webmestre Responsable du site web et administrateur de système du serveur web. = Windows Créé par Microsoft, un système d'exploitation pour les PC. Son correspondant professionnel pour serveurs et stations de travail est Windows NT. = Z3950 Une norme définissant un protocole pour la recherche documentaire d'un ordinateur à un autre. Elle permet à l'utilisateur d'un système de rechercher des informations chez les utilisateurs d'autres systèmes utilisant la même norme sans devoir connaître la syntaxe de recherche utilisée par ces systèmes. 22. PERSONNES CITEES Ce livre doit beaucoup à ces 76 professionnels du livre ou de la presse, ou apparentés, qui ont accepté de prendre de leur temps pour répondre à mes questions, dont certains à plusieurs reprises depuis l'été 1998. Nicolas Ancion (Madrid), écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique Alex Andrachmes (Europe), producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte Guy Antoine (New Jersey), créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne Silvaine Arabo (Poitou-Charentes), poète et plasticienne, créatrice de la cyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui Arlette Attali (Paris), responsable de l'équipe "Recherche et projets internet" à l'Institut national de la langue française (INaLF) Jean-Pierre Balpe (Paris), directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8 Emmanuel Barthe (Paris), documentaliste juridique chez Coutrelis & Associés, cabinet d'avocats, et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion Robert Beard (Pennsylvanie), co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour les langues Michel Benoît (Montréal), écrivain, utilise l'internet comme outil de recherche, de communication et d'ouverture au monde Guy Bertrand (Montréal), directeur scientifique du Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL) Olivier Bogros (Lisieux, Normandie), créateur de la bibliothèque électronique de Lisieux et directeur de la bibliothèque municipale Bernard Boudic (Rennes), responsable éditorial du serveur internet du quotidien Ouest-France Bakayoko Bourahima (Abidjan), documentaliste à l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA) Marie-Aude Bourson (Lyon), créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy, sites littéraires destinés aux nouveaux auteurs Lucie de Boutiny (Paris), écrivain papier et pixel, auteur de NON, roman multimédia publié en feuilleton sur le web Anne-Cécile Brandenbourger (Bruxelles), auteur de La malédiction du parasol, hyper-roman publié aux éditions 00h00.com Alain Bron (Paris), consultant en systèmes d'information et écrivain. L'internet est un des personnages de Sanguine sur toile, son dernier roman. Patrice Cailleaud (Paris), membre fondateur et directeur de la communication de HandiCaPZéro Pascal Chartier (Lyon), créateur de Livre-rare-book, site professionnel de livres d'occasion Richard Chotin (Paris), professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille Alain Clavet (Ottawa), analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada Jean-Pierre Cloutier (Montréal), auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet Luc Dall'Armellina (Paris), co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias Cynthia Delisle (Montréal), consultante au Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL) (entretien conjoint avec celui de Guy Bertrand) Emilie Devriendt (Paris), élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris et doctorante à l'Université de Paris 4-Sorbonne Bruno Didier (Paris), webmestre de la bibliothèque de l'Institut Pasteur Catherine Domain (Paris), créatrice de la librairie Ulysse, la plus ancienne librairie de voyage au monde Bill Dunlap (Paris & San Francisco), fondateur de Global Reach, société qui favorise le marketing international en ligne Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne), expert à la direction scientifique de France Télécom R&D et directeur de la collection technique et scientifique des télécommunications Gérard Fourestier (Nice), créateur de Rubriques à Bac, bases de données destinées aux étudiants du premier cycle universitaire Pierre François Gagnon (Montréal), créateur d'Editel, pionnier de l'édition littéraire francophone en ligne Olivier Gainon (Paris), fondateur et gérant de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne Jacques Gauchey (San Francisco), spécialiste en industrie des technologies de l'information, "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe, et journaliste Raymond Godefroy (Valognes, Normandie), écrivain-paysan, publie son recueil Fables pour l'années 2000 sur le web avant de le publier sur papier Marcel Grangier (Berne), responsable de la section française des services linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse Barbara Grimes (Hawaii), directrice de publication de l'Ethnologue, une encyclopédie des langues Michael Hart (Illinois), fondateur du Project Gutenberg, la plus ancienne bibliothèque numérique sur l'internet Randy Hobler (Dobbs Ferry, New York), consultant en marketing internet, notamment chez Globalink, société spécialisée en produits et services de traduction Eduard Hovy (Marina del Rey, Californie), directeur du Natural Language Group de l'Université de Californie du Sud Christiane Jadelot (Nancy), ingénieur d'études à l'Institut national de la langue française (INaLF) Gérard Jean-François (Caen), directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen Jean-Paul (Paris), webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne), écrivain auto-éditant ses oeuvres et utilisant le web pour les faire connaître Steven Krauwer (Utrecht, Pays-Bas), coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies) Gaëlle Lacaze (Paris), ethnologue et professeur d'écrit électronique dans un institut universitaire professionnel Hélène Larroche (Paris), gérante de la librairie Itinéraires, spécialisée dans les voyages Pierre Le Loarer (Grenoble), directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) Fabrice Lhomme (Bretagne), créateur d'Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction Naomi Lipson (Paris et Tel-Aviv), écrivain multimédia, traductrice et peintre Philippe Loubière (Paris), traducteur littéraire et dramatique, spécialiste de la Roumanie Tim McKenna (Genève), écrivain, s'interroge sur la notion complexe de "vérité" dans un monde en mutation constante Pierre Magnenat (Lausanne), responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne Xavier Malbreil (Ariège, Midi-Pyrénées), auteur multimédia, créateur du site www.0m1.com et modérateur de la liste e-critures Alain Marchiset (Paris), président du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM) Maria Victoria Marinetti (Annecy), professeur d'espagnol en entreprise et traductrice Jacky Minier (Orléans), créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires Jean-Philippe Mouton (Paris), fondateur et gérant de la société d'ingénierie Isayas John Mark Ockerbloom (Pennsylvanie), fondateur de The On-Line Books Page, répertoire de livres en ligne disponibles gratuitement Caoimhín Ó Donnaíle (Ile de Skye, Ecosse), webmestre du principal site d'information en gaélique écossais, avec une section sur les langues européennes minoritaires Jacques Pataillot (Paris), conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young Nicolas Pewny (Annecy), créateur des éditions du Choucas Olivier Pujol (Paris), PDG de la société Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique Anissa Rachef (Londres), bibliothécaire et professeur de français langue étrangère à l'Institut français de Londres Peter Raggett (Paris), directeur du centre de documentation et d'information (CDI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) Patrick Rebollar (Tokyo), professeur de littérature française, créateur d'un site web de recherches et activités littéraires et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature et ordinateur) Blaise Rosnay (Paris), webmestre du site du Club des Poètes Pierre Schweitzer (Strasbourg), architecte designer, concepteur d'@folio (support de lecture nomade) et de Mot@mot (passerelle vers les bibliothèques numériques) Henri Slettenhaar (Genève), professeur en technologies de la communication à la Webster University Murray Suid (Palo Alto, Californie), écrivain, travaille pour EDVantage Software, société internet de logiciels éducatifs Jacques Trahand (Grenoble), vice-président de l'Université Pierre Mendès France, chargé de l'enseignement à distance et des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) Paul Treanor (Pays-Bas), gère sur son site personnel une section consacrée à l'avenir des langues en Europe Zina Tucsnak (Nancy), ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses et traitements informatiques du lexique français) François Vadrot (Paris), fondateur et PDG de FTPress (French Touch Press), société de cyberpresse Christian Vandendorpe (Ottawa), professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste des théories de la lecture Russon Wooldridge (Toronto), professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne Denis Zwirn (Paris), co-fondateur et PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques 23. ADRESSES WEB Cette liste d'adresses recense des sites (et pages) web relatifs aux sujets traités dans ce livre. 100 sites sont présentés en détail dans le répertoire de sites web. @folio: http://www.atfolio.net/ @graph: http://www.agraph.org/ 00h00.com: http://www.00h00.com/ ABU: la bibliothèque universelle: http://abu.cnam.fr/ AcqWeb's Directory of Publishers and Vendors: http://acqweb.library.vanderbilt.edu/acqweb/pubr.html ADBS-info: http://listes.cru.fr/wws/info/adbs-info Administration fédérale suisse - Dictionnaires électroniques: http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html Adobe: http://www.adobe.fr/ Adobe Acrobat: http://www.adobe.fr/products/acrobat/ Adobe eBook Reader: http://www.adobe.com/products/ebookreader/ Adobe eBooks Central: http://www.adobe.com/epaper/ebooks/ Agence France Presse (AFP) - Médias: http://www.afp.com/francais/links/?cat=links Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF): http://agence.francophonie.org/ Agence universitaire de la francophonie (AUF): http://www.aupelf-uref.org/ Alapage: http://www.alapage.com/ Alis Technologies: http://www.alis.com/ Alliance of New Economy Workers (ANEW): http://www.anewunion.org/ Amazon.com: http://www.amazon.com/ American Society for Information Science and Technology (ASIST): http://www.asis.org/ Anacoluthe: http://www.anacoluthe.com/ Analyse et traitements informatiques du lexique français (ATILF): http://www.inalf.fr/atilf/ Ancion, Nicolas (site): http://ibelgique.ifrance.com/ancion/ Andrachmes, Alex (site): http://homeusers.brutele.be/acmahaux/andrachmes/ Aquarius: http://aquarius.net/ ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language) Project: http://humanities.uchicago.edu/ARTFL/ARTFL.html Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS): http://www.adbs.fr/ Association européenne pour les ressources linguistiques (ELRA): http://www.icp.grenet.fr/ELRA/fr/ Association for Computational Linguistics (ACL): http://www.cs.columbia.edu/~acl/ Association of Research Libraries (ARL): http://www.arl.org/ Athena: http://un2sg4.unige.ch/athena/ Athena Literature Resources: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/booksite.html Autre Terre (Une): http://www.acdev.com/~fabrice/ Barnes & Noble: http://www.bn.com/ Barnes & Noble Digital: http://ebooks.barnesandnoble.com/bn_digital Barnes & Noble - eBook Store: http://ebooks.barnesandnoble.com/ Bertelsmann: http://www.bertelsmann.de/ Bible de Gutenberg: http://prodigi.bl.uk/gutenbg/ Biblio-fr: http://www.cru.fr/Listes/biblio-fr@cru.fr/ Biblio On Line: http://www.biblionline.com/ Bibliopolis: http://www.bibliopolis.fr/ Bibliothèque de l'Institut Pasteur: http://www.pasteur.fr/infosci/biblio/ Bibliothèque du Centre Pompidou: http://www.bpi.fr/ Bibliothèque du Centre Pompidou - Catalogue: http://sbib.ck.bpi.fr/ Bibliothèque électronique de Lisieux (La): http://www.bmlisieux.com/ Bibliothèque municipale de Lyon: http://www.bm-lyon.fr/ Bibliothèque municipale de Lyon - Enluminures: http://sgedh.si.bm-lyon.fr/dipweb2/phot/enlum.htm Bibliothèque nationale de France (BnF): http://www.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France (BnF) - Catalogues: http://www.bnf.fr/web-bnf/catalog/ Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les): http://www.bnf.fr/web-bnf/liens/ Bibliothèque nationale du Québec (BNQ): http://www2.biblinat.gouv.qc.ca/ Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) - Catalogue multimédia: http://www.biblinat.gouv.qc.ca:6611/ Bitout, Claude (site): http://www.multimania.com/mirra/ Blackwell's Book Services: http://www.blackwell.com/ Bol.fr: http://www.bol.fr/ Boutiny, Lucie de (site): http://www.synesthesie.com/boutiny/ BrailleNet: http://www.braillenet.jussieu.fr/ BrailleNet - Base de données Hélène: http://www.braillenet.jussieu.fr/bv/helene/ BrailleNet - Bibliothèque virtuelle: http://www.inrialpes.fr/braillenet/BV/ BrailleNote: http://www.braillenote.com/ Brandenbourger, Anne-Cécile (site): http://www.anacoluthe.com/ British Library (The): http://www.bl.uk/ British Library Public Catalogue (BLPC) (The): http://blpc.bl.uk/ Bureau international du travail (BIT): http://www.ilo.org/public/french/index.htm C&IT (Communications & Information Technology) Centre: http://www.hull.ac.uk/Hull/CTI_Web/ Cap Gemini Ernst & Young: http://www.cgey.com/ Captain-doc: http://www.captaindoc.com/ Catalogue collectif de France (CCFr): http://www.ccfr.bnf.fr/ Cdiscount.com: http://www.cdiscount.com/ Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL): http://www.ceveil.qc.ca/ Centre international francophone de documentation et d'information (CIFDI): http://cifdi.francophonie.org/ Choucas (Le): http://www.choucas.com/ Chroniques de Cybérie (Les): http://cyberie.qc.ca/chronik/ Cloutier, Jean-Pierre (site): http://cyberie.qc.ca/jpc/ Club des poètes: http://www.franceweb.fr/poesie/ Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada: http://www.ocol-clo.gc.ca/ Consortium DAISY (Digital Audio Information System): http://www.daisy.org/ Consortium Unicode: http://www.unicode.org/ Consortium W3C: http://www.w3.org/ Consortium W3C - Internationalization / Localization: http://www.w3.org/International/ Cotres furtifs (des): http://www.cotres.net/ Courrier international - Kiosque en ligne: http://www.courrierinternational.com/kiosk/kiosq.htm CyLibris: http://www.editions-cylibris.fr/ Cytale: http://www.cytale.com/ Dall'Armellina, Luc (site): http://lucdall.free.fr/ Dawson: http://www.dawson.co.uk/ Délégation générale à la langue française (DGLF): http://www.culture.fr/culture/dglf/ DialogWeb: http://www.dialogweb.com/ Diamedit: http://www.royalement-votre.com/diamedit/ Dicorama: http://www.dicorama.com/ Dictionnaire universel francophone en ligne: http://www.francophonie.hachette-livre.fr/ Dictionnaires électroniques: http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html DictSearch: http://www.foreignword.com/Tools/dictsrch.htm Digital Audio Information System (DAISY): http://www.daisy.org/ Documentaliste - Sciences de l'information: http://www.adbs.fr/adbs/prodserv/document/html/ eBookMan (Franklin): http://www.franklin.com/ebookman/ Ecole d'architecture de Strasbourg (EAS): http://www.strasbourg.archi.fr/eas/ Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg (ENSAIS): http://www-ensais.u-strasbg.fr/ Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB): http://www.enssib.fr/ Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA) d'Abidjan: http://www.ensea.refer.ci/ Ecole normale supérieure de Paris: http://www.ens.fr/ Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille: http://www2.univ-lille2.fr/esa/ E-critures: http://www.egroups.fr/group/e-critures Editel: http://www.editel.com/ Edition-actu: http://www.editions-cylibris.fr/bar_lettres.html Editions: voir au nom de l'éditeur EDVantage Software: http://www.edvantage.com/ E Ink: http://www.eink.com/ Electre: http://www.electre.com/ Electronic Arts: http://www.ea.com/ Electronic Book Exchange (EBX) Working Group: http://www.ebxwg.org/ Electronic Paper Project: http://www.media.mit.edu/micromedia/elecpaper.html Encarta: http://encarta.msn.com/ Encyclopaedia Britannica: http://www.britannica.com/ Encylopaedia Universalis: http://www.universalis-edu.com/ Ethnologue: Languages of the World: http://gamma.sil.org/ethnologue/ Eurodicautom: http://eurodic.ip.lu/cgi-bin/edicbin/EuroDicWWW.pl European Association for Machine Translation (EAMT): http://www.lim.nl/eamt/ European Minority Languages: http://www.smo.uhi.ac.uk/saoghal/mion-chanain/Failte_en.html European Network of Excellence in Human Language Technologies (ELSNET): http://www.elsnet.org/ Fables pour l'an 2000: http://www.choucas.com/legend.html Fédération nationale de la presse française (FNPF): http://www.fedepresse.org/ Fédération internationale des journalistes (IFJ): http://www.ifj.org/ Fédération internationale des traducteurs (FIT): http://www.fit-ift.org/ Foire internationale du livre de Francfort: http://www.frankfurt-book-fair.com/ Forsyth, Frederick (site): http://www.onlineoriginals.com/quintet.html France Antiques: http://www.franceantiq.fr/home_fr.htm France Edition - 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INDEX [*9.5 = chapitre.section] Accessibilité du web 9.5 Annuaires spécialisés 20.1 Auteurs 3, 13.1, 17.2, 18.1, 18.2, 19.1 Auteurs multimédias et hypermédias 3.2 Avenir 6.4, 8.2, 9.2, 12.4, 17 Bases de données 12.2 Best-sellers 16.2, 16.3 Bibliothécaires 11, 13.2, 18.1, 18.2, 19.2 Bibliothèques 8.2, 11 Bibliothèques numériques 11.1, 20.4 Bibliothèques traditionnelles 11.3, 20.2, 20.3 Chronologie 2 Conditions de travail 17.1 Convergence multimédia 17.1 Cryptage 5.5 Cyberespace 18.1 Cyberpresse 4, 9.4, 20.13 Dictionnaires 12.1, 20.5 Documentaires hypertexte et hypermédia 6.4 Documentalistes 11, 13.2, 18.1, 18.2, 19.2 Documentation juridique 11.1 Droit d'auteur 5, 20.14 Ecriture 3.1, 3.2, 3.2 Editeurs 6, 7.2, 13.3, 18.1, 18.2, 19.5 Edition 6, 7.2, 20.6 Edition braille 9.1 Edition classique 6.2 Edition électronique 6 Encre électronique 8.2 Encyclopédies 12.1 Enseignement 12 Feuilletons hypermédias 3.2 Fournisseurs de services 20.18 Gestionnaires 13.4, 17.4, 18.1, 19.6 Hypermédia 3.2, 6.4 Hyper-romans 3.2 Hypertexte 3.2, 6.4 Imprimé 13 Internationalisation 20.8 Journalistes 4, 17.1 Langue anglaise 14.3 Langue française 14.4, 20.7 Langues 14, 15, 20.8, 20.9, 20.10 Langues minoritaires 14.6 Législation 5.6 Libraires 10, 19.7 Librairies 7.2, 10, 20.11 Librairies classiques 10.1 Librairies d'ancien 10.1 Librairies de voyage 10.1 Librairies en ligne 10.2 Librairies numériques 10.3 Linguistes 13.5, 14, 15, 18.1, 18.2, 19.8 Linguistique computationnelle 15, 20.10 Littérature 3, 6, 13.1 Littérature hypertexte et hypermédia 3.2, 6.4, 13.1 Livre électronique 8, 20.12 Livre numérique 7, 9.2, 9.3 Livre numérique braille 9.2 Livre numérique vocal 9.3 Livre pour enfants 16.2 Localisation 20.8 Moteurs de recherche 12.1, 12.2, 14.7 Multilinguisme 14, 20.8 Multimédia 3.2 Multinationales 5.8 Numérisation 11.2 Papier 13 Papier électronique 8.2 Perspectives 6.4, 8.2, 9.2, 12.4, 17 Piratage 5.4 Plagiat 5.4 Presse 4, 9.4 Presse en ligne 4, 17.1, 20.13 Professeurs 12, 13.6, 18.1, 18.2, 19.9 Propriété intellectuelle 5, 20.14 Publiphone 9.4 Romans 3.1, 3.2 Sciences de l'information 11, 20.15, 20.16 Société de l'information 18.2 Spécialistes du numérique 13.7, 18.1, 18.2, 19.3 Souvenirs 19 Traduction 14.7, 15, 20.17 Traduction automatique 14.7, 15, 20.10 Traitement de l'information 11, 12, 20.15, 20.16, 20.18 Université 12.2, 12.3, 12.4 Copyright © 2001 Marie Lebert End of Project Gutenberg's Le Livre 010101: Enquête, by Marie Lebert *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE LIVRE 010101: ENQUÊTE *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the trademark license is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. Project Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away—you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. START: FULL LICENSE THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase “Project Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg™ License available with this file or online at www.gutenberg.org/license. Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works 1.A. 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The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. 1.E.2. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate. While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. 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