The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3252, 24 Juin 1905

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Title: L'Illustration, No. 3252, 24 Juin 1905

Author: Various

Release date: February 23, 2011 [eBook #35376]
Most recently updated: January 7, 2021

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3252, 24 JUIN 1905 ***







L'Illustration, No. 3252, 24 Juin 1905


(Agrandissement)


Prince Radolin. M. Rouvier.
CONVERSATION DIPLOMATIQUE
Notre ministre des affaires étrangères, M. Rouvier, et le prince Radolin, ambassadeur d'Allemagne, dans le cabinet du ministre, au quai d'Orsay.

Voir l'article à la page suivante.

Notre prochain numéro, portant la date du 1er juillet, commencera le second semestre de 1905. L'échéance de la fin de juin étant une des plus importantes de l'année, nous demandons instamment à ceux de nos lecteurs dont l'abonnement va expirer, de vouloir bien le renouveler de suite, pour éviter tout retard dans la réception de leur journal.

Pendant le premier semestre de 1905, les abonnés de L'Illustration ont reçu, sans aucune augmentation de prix:

Douze numéros contenant des suppléments de théâtre (le Duel, Monsieur Piégois, les Ventres dorés, etc., etc.) et vendus 1 franc;

Le numéro du Salon, luxueuse publication d'art, vendue 2 francs;

Dix magnifiques gravures hors texte, parmi lesquelles il suffit de rappeler l'admirable Tête de Femme de Henner et Un Bridge d'Albert Guillaume;

Trente pages supplémentaires d'actualités, imprimées le plus souvent sur papier couché et en deux tons;

Des suppléments musicaux contenant d'importants fragments des nouvelles oeuvres représentées à l'Opéra, à l'Opéra-Comique et à l'Opéra-Italien;

Vingt-six suppléments-romans, contenant notamment la dernière oeuvre de Daniel Lesueur: la Force du Passé.

D'autre part, jamais L'Illustration (qui depuis si longtemps occupe une place prépondérante dans la presse illustrée) n'a publié une suite aussi ininterrompue de numéros variés, intéressants, abondamment documentés.

Rappelons, pour mémoire, les pages sensationnelles sur le Siège et la Chute de Port-Arthur, sur les Journées révolutionnaires en Russie et l'Assassinat du grand-duc Serge, sur la Visite de Guillaume II à Tanger, sur la Mort de M. Syveton, enfin sur la Visite du roi Alphonse XIII et l'Attentat de la rue de Rohan.

Presque chaque semaine, L'Illustration a accompli de véritables tours de force en paraissant le vendredi (à Paris) avec des photographies de la veille, gravées et imprimées en quelques heures, prenant ainsi huit jours d'avance sur les autres publications.

Pendant le deuxième semestre de 1905, L'Illustration publiera des suppléments d'art plus nombreux encore. Après la Tête de Femme de Henner, si parfaitement reproduite, nous offrirons à nos abonnés des reproductions non moins réussies d'oeuvres de Roybet, d'Albert Besnard, de Juana Romani. Nous continuerons la belle série des si spirituelles petites toiles d'Albert Guillaume.

Notre numéro de Noël 1905, en préparation, sera aussi imprévu, aussi artistique et aussi luxueux que celui de 1904, dont le tirage considérable fut épuisé le lendemain de la mise en vente.

L'Illustration théâtrale s'est déjà assuré toutes les pièces nouvelles des premiers auteurs dramatiques contemporains (Henri Lavedan, Paul Hervieu, Maurice Donnay, Jules Lemaître et d'autres... non moins célèbres) annoncées pour la saison prochaine par les principaux théâtres.

Après le roman en cours, L'Illustration donnera des oeuvres importantes de Paul Bertnay, Michel Corday, Remy Saint-Maurice, Marcelle Tinayre, Daniel Lesueur, J.-H. Rosny--et elle tient en réserve un nom illustre entre tous.

Tous les suppléments sont gratuits pour tous les abonnés, même de trois mois.

Les abonnés nouveaux à partir du 1er juillet recevront les fascicules déjà parus du roman en cours: Cadet Oui-Oui, par Claude Lemaître, illustré par Simont.


Courrier de Paris

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Fête de Neuilly. Pourquoi faut-il aller à celle-là plutôt qu'aux autres? Je n'en sais rien. Ce sont les mystères de la mode. A Vaugirard, à Montmartre, aux Invalides, aux cours de Vincennes, il y a des fêtes foraines qui me paraissent égaler, par la gaieté, la diversité des amusements et des spectacles, celle de Neuilly; je suis même sûre qu'elles l'égalent: ne sont-ce pas les mêmes cirques, les mêmes manèges, les mêmes baraques que, de quartier en quartier, d'un bout de l'année à l'autre, l'industrie des forains promène autour de Paris?

Mais il semble niais aux jeunes gens chics de fréquenter la foire de Vincennes et très peu élégant d'aller à celle de Montmartre. Par contre, ils ne sauraient se dispenser d'avoir consacré quelques soirées du mois de juin à celle de Neuilly; de s'y être montrés, en tenue de soirée, à califourchon sur les chats monstrueux ou les cochons que la mécanique d'un manège féeriquement illuminé fait tourner à grande vitesse, parmi le tumulte des cris et des musiques déchaînées; d'y venir applaudir, en connaisseurs, les gestes de l'athlète à la mode et d'en rapporter les fleurs gigantesques, les beaux «soleils» en papier jaune, mauve, rose ou blanc dont la brise secoue comme des drapeaux les pétales souples et qui, plantés sur le siège de l'automobile ou dans la capote du fiacre, indiquent aux passants «qu'on en revient».

J'y suis allée. Il ne faut se singulariser en rien et se méfier du snobisme qui consiste à fuir avec trop d'affectation la société des snobs. D'autant qu'il n'y a point que des snobs, à la fête de Neuilly; on y rencontre aussi la foule, la vraie foule, celle qui vient aux fêtes foraines s'amuser ingénument, pour tout de bon. Et je ne trouve pas, en vérité, que ces amusements soient d'une qualité si médiocre. Une sorte de poésie s'y mêle. Je regarde les hommes, les femmes, qui sont autour de moi et dont les pieds, de temps à autre, écrasent un peu les miens. Que viennent-ils faire ici? Quelques-uns, groupés autour de «têtes de Turc», s'amusent à me prouver qu'ils ont les reins solides et des muscles puissants. Innocente vanité et dont l'exemple leur vient de haut: de jeunes gentilshommes n'affirmaient-ils pas, il y a huit jours, «chez Molier», des coquetteries toutes pareilles?

Mais ceux-là mêmes sont le petit nombre; et ce que la foule vient chercher dans les fêtes foraines, c'est surtout le plaisir modeste d'admirer l'adresse et la vigueur des autres; de frémir un peu au spectacle des gestes héroïques du dompteur; de goûter la surprise des tours de force, des acrobaties troublantes... Et c'est autre chose encore: c'est la volupté de s'étourdir gentiment, de s'évader--pour une heure--de la vie dans le rêve. Il y a toutes sortes de moyens de goûter cette volupté-là: d'élégants et de vulgaires, de simples et de raffinés, d'économiques et de coûteux. Il y a, pour les personnes riches ou d'âme compliquée, les voyages lointains, les aventures sentimentales, la lecture des poètes, les griseries d'art... et, pour les autres, il y a les fêtes foraines: la joie des loteries à deux sous, l'affolement des balançoires, l'ivresse de tourner en musique à califourchon sur une bête en bois; il y a la femme géante et le veau à cinq pattes. Tout cela, c'est de l'émotion: c'est de la poésie à l'usage des braves gens qui ne liront jamais Verlaine et ne connaissent de l'univers que ce que leur en ont fait voir les marches militaires et les trains de plaisir.

Ne nous moquons pas trop des fêtes foraines.

M. Pingard est mort. C'est un petit événement parisien que cette disparition-là.

La première fois que j'eus la curiosité d'assister à une séance académique, je demandai à un professeur de mes amis comment il fallait
            M. Julia Pingard.--
       Phot. Pirou, bd Saint-Germain.
s'y prendre pour entrer là. «Voyez Pingard», me dit-il. Je vis Pingard. C'était un petit homme souriant, vif et poli, dont les favoris blancs étaient taillés avec ordre et faisaient penser à une architecture de jardin français. L'indiscrétion de ma démarche l'amusa. En phrases d'une délicieuse correction, il m'exposa que, depuis quinze jours, il avait «tout donné». Je m'excusai; alors il eut pitié de moi et, toujours riant, me conjurant de n'en rien dire à personne, il me glissa dans la main un petit carré de papier grâce auquel, huit jours après--après avoir fait queue une heure et demie devant une porte--je goûtai le privilège d'entendre mal, du fond d'un trou, les harangues de deux hommes célèbres dont je regrettai surtout de ne pouvoir distinguer les figures. Depuis lors j'ai beaucoup entendu parler de M. Pingard, infiniment plus que de la plupart des académiciens dont il était demeuré pendant un peu plus de cinquante ans le très respectueux serviteur. En ce domaine mystérieux et très fermé qu'est l'Académie française, il était celui à qui l'on parle; celui qui renseigne; à qui se confiaient toutes les ambitions, toutes les curiosités qui ont pour objet une récompense, un spectacle, un patronage académique; huissier, cicérone ou confesseur? Un peu tout cela à la fois.

Un vieil homme de lettres, qui fut le camarade de M. Pingard, me faisait hier un éloge attendri de ce brave homme, si modeste qu'afin de ne point obliger les académiciens à se déranger à l'occasion de sa mort il avait exprimé le voeu que le «faire part» ne leur en fût adressé qu'après son enterrement. N'est-ce pas le comble de la discrétion?

Mon ami ajoutait:

«Cette discrétion n'empêchait point Pingard d'être, en son domaine, quelqu'un de tout-puissant, le subalterne indispensable... Je lui dis un jour qu'il me faisait penser à ces portiers de grands hôtels qui sont, à l'étranger, le salut du voyageur. Le portier de grand hôtel est un homme qui sait toutes les langues, connaît la topographie de la ville et les adresses de ses principaux habitants, les tarifs des véhicules et les heures de départ des trains et des bateaux; il est le bienfaiteur qui reçoit et distribue le courrier, vend des timbres, expédie les dépêches, vous donne de la monnaie du pays en échange du billet français dont personne ne veut, fait fonction d'interprète, apaise d'un mot décisif (en une langue qu'on ne comprend pas) la dispute dont un cocher vous menace. Il est l'ami. Il est le refuge.

»Au seuil de l'Académie--de ce pays désirable et lointain dont si peu d'entre nous savent la langue et les lois--vous me rappelez, disais-je à Pingard, ces bons portiers-là...

»Et, comme il avait autant d'esprit que de politesse, il m'avouait, en riant, que cette comparaison ne le froissait point.»
Sonia.




UN TÊTE-A-TÊTE DIPLOMATIQUE

M. ROUVIER ET LE PRINCE RADOLIN

M. Rouvier, qui, aussitôt après la démission de M. Delcassé, avait pris la direction de notre politique extérieure, sans abandonner le portefeuille des finances, a enfin cédé celui-ci à son lieutenant, M. Merlou, sous-secrétaire d'État du département, et décidément opté pour le portefeuille des affaires étrangères.

La période intérimaire d'une dizaine de jours, pendant laquelle le président du conseil a cumulé deux des plus lourdes charges du gouvernement, a paru un peu longue à l'impatience du monde parlementaire, où toute crise ministérielle, même partielle, ne va pas sans quelques accès de fièvre. Cette fois, il est vrai, le cas offrait une particulière gravité, en raison des causes déterminantes de la crise.

La retraite de M. Delcassé, motivée par l'échec de la mission de M. Saint-René-Taillandier à Fez et par la tension des rapports entre le quai d'Orsay et Berlin, a montré la nécessité d'un changement d'orientation dans notre diplomatie au sujet de la brûlante question du Maroc. Notre «premier», en capitaine prudent et avisé, a immédiatement empoigné la barre; puis, envisageant la situation de sang-froid, procédant sans précipitation, il s'est donné le temps d'étudier de près la carte, de tracer sa route: après quoi il a estimé qu'il ne pouvait avoir, en cette passe difficile, de meilleur timonier que lui-même.

Ce n'a pas été là, du reste, du temps perdu. M. Rouvier, en effet, n'a pas attendu le décret du 17 juin qui le nommait, à titre définitif, ministre des affaires étrangères, pour engager des pourparlers utiles avec le prince Radolin, ambassadeur d'Allemagne à Paris. Déjà, antérieurement à cette date, dans le cabinet du quai d'Orsay, où devait se poursuivre une partie serrée, mettant en jeu non seulement des intérêts positifs, mais encore des questions de dignité nationale de l'ordre le plus délicat, les deux diplomates avaient eu, en tête à tête, plusieurs entretiens importants. Ils y firent assaut de haute courtoisie et apportèrent, dit-on, l'un et l'autre, des dispositions conciliantes. Des vues échangées, des précisions articulées, il est résulté, sinon une entente (les choses en pareille occurrence ne sauraient aller si vite), du moins une très sensible détente.

Les «points noirs à l'horizon», sujets légitimes de tant de soucis et d'inquiétudes, en France et ailleurs, semblent s'éloigner et l'on a lieu d'espérer qu'ils ne tarderont pas à s'effacer.

PÉRIL JAUNE


PERIL JAUNE: LES OYAMA, LES NOGI ET LES KUROKI CHINOIS
QUE NOUS PRÉPARE L'ALLEMAGNE

Sept officiers chinois, ayant déjà passé quatre ans à l'académie militaire de Wou-Chang, viennent de prendre du service en Allemagne. Trois d'entre eux sont attachés au corps d'artillerie de campagne, en garnison à Wesel, trois autres à un régiment de hussards, à Dusseldorf, et le dernier sert dans le génie, à Deutz.

Une photographie, tout ensemble pittoresque et documentaire, les a réunis en un groupe d'un aspect très suggestif. Sous leurs uniformes germaniques, ils ont vraiment belle tenue et l'air martial, ces fils du Céleste-Empire, ornement actuel de l'armée allemande, espoir de l'armée chinoise, et si, par le type, ils rappellent les officiers japonais, leur taille, supérieure à celle des Nippons, leur donne peut-être plus de prestance militaire.

Ainsi donc, voici les Jaunes de Chine qui, à l'exemple des Jaunes du Japon, s'initient étroitement aux choses d'Occident et viennent apprendre en Europe l'art de résister aux Européens et, au besoin, de les combattre. «Le Midi monte», a-t-on dit chez nous en manière de plaisanterie; on pourrait dire plus sérieusement aujourd'hui: «L'Extrême-Orient s'étend».

NOTRE GRAVURE HORS TEXTE

«LA MARNE»

Tableau de Léon Lhermitte.

Sans doute, il est superflu de présenter aux lecteurs de L'Illustration le très bel artiste qu'est M. Léon Lhermitte. Nous avons reproduit ici, à peu près chaque année, ses envois aux Salons. De plus, il y a quelques mois, nous avons publié déjà, en supplément, une de ses graves et fortes oeuvres: l'École.

La Marne, que nous donnons cette semaine, caractérise un aspect différent et nouveau, à certains égards, de ce talent sans cesse à la recherche du beau et du mieux, et le montre comme paysagiste,--comme grand paysagiste.

Depuis deux ou trois ans, en effet, M. Léon Lhermitte a donné, dans ses compositions, une part beaucoup plus importante qu'il n'avait fait jusque-là au paysage, cet «état d'âme». Sans détourner ses yeux compatissants, émus du labeur éternel, des inquiétudes, des tourments, de la vie, enfin, des hommes, il a vu derrière eux, autour d'eux, la tranquille sérénité, la majesté grandiose de la nature. Et ses paysages ont l'austérité même qu'avaient ses figures, leur simple grandeur, avec cette auguste noblesse des choses indifférentes aux passions humaines, grands ciels, arbres aux nobles architectures, champs pacifiques, insensibles à la morsure de la faucille qui tond les blés mûrs, du soc qui entame les lourdes glèbes, eaux limpides et reflétant tour à tour, sans qu'un frisson de plus les ride, le tremblement des peupliers que tourmente la brise ou la misère des hommes agités de soucis.

Cette Marne qu'il nous montre ici n'est point la Marne tumultueuse des beaux dimanches d'été, avec la file pressée des pêcheurs à la ligne désormais échelonnés tout le long des berges, les agapes familiales dans l'herbe drue, le va-et-vient bruyant des canotiers, et les chants et les rires troublant tous ses échos. Ces tableaux de campagne en liesse conviendraient mal au pinceau de M. Léon Lhermitte. C'est la jolie rivière si calme des jours de travail, silencieuse, souriante à demi, où quelque pauvre diable, au bord des roseaux, pêche pour manger, quête un appoint au maigre repas du soir. Et toute la haute probité du peintre, la gravité du penseur, le beau style du maître, se retrouvent dans cette oeuvre impressionnante.

NOTES ET IMPRESSIONS

La patrie, c'est le souvenir des grandes choses que l'on a faites ensemble.
Ernest Renan.


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Une première condition pour réussir, c'est de durer.
Paul Doumer.


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On dit que l'art de causer se perd en France: c'est aussi l'art d'agir.
Baron de Hubner.


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L'opinion, «reine du monde», est deux fois maîtresse des démocraties: au pouvoir, on en est l'esclave et, dans l'opposition, le valet.

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A voir combien nos maladies suscitent de remèdes infaillibles et nos crises sociales de systèmes sauveurs, individus et nations devraient être immortels.
G.-M. Valtour.




Un panneau dans la salle des pastels.--Phot. Cossin.
Pastels appartenant à MM. le docteur Delbet, Peytel, Ferdinand Dreyfus, Boivin et à la Société des Galeries Georges Petit.

L'EXPOSITION ALBERT BESNARD


  Le peintre Albert Besnard devant le portrait
                        de sa femme.

Par ce temps d'exhibitions multiples de peinture, Salons publics ou privés, l'exposition des oeuvres de M. Albert Besnard est un événement artistique. Rarement les belles galeries de M. G. Petit se sont trouvées à pareille fête; on voit, dès l'entrée, les panneaux s'éclairer de tons éclatants et joyeux, et l'oeil est enveloppé de caresses oubliées depuis que Rubens, Goya et Eug. Delacroix ont cessé de peindre. Il semble d'autre part que les maîtres charmants du pastel au dix-huitième siècle, les La Tour et les Perroneau, ces maîtres bien français qui furent savants avec grâce et donnèrent de l'esprit à la peinture, se soient donné rendez-vous rue de Sèze pour protester contre la vulgarité et le prosaïsme de leurs descendants. Le glorieux atavisme dont nous venons de signaler rapidement les étapes ne fait aucun tort à l'originalité de M. Besnard; il est bien le père de ses oeuvres; personne n'a peint comme lui, et la modernité de son sentiment éclate à tous les yeux.

Pour qui a suivi l'évolution de l'art contemporain, cette exposition d'oeuvres, la plupart connues, est cependant une révélation. En voyant côte à côte cette réunion magnifique d'images de tous genres, portraits, peintures décoratives, paysages, scènes de genre, eaux-fortes et sujets d'illustration, on demeure surpris de la diversité du talent de M. Besnard, non moins que de sa puissance. Et l'on pense que l'École des beaux-arts qui l'a produit, un peu malgré elle--telle la poule qui aurait couvé un paon--doit être fière de son oeuvre.
            La famille de l'artiste (tableau d'Albert Besnard).
A vrai dire, les lauriers de Rome n'ont jamais empêché l'éclosion d'un tempérament de peintre. M. Besnard a prouvé que l'on pouvait triompher au sortir de l'École, avec une Mort de Timophane, composée suivant la formule enseignée, et se livrer ensuite aux impulsions d'une âme d'artiste. Cet honorable pensum n'a pas été d'ailleurs sans le servir, puisqu'il lui a inculqué pour jamais le respect de la forme, du dessin, cette probité de l'art, comme a dit Ingres, qui fut un grand honnête homme en peinture.

L'exposition actuelle ne comprend pas tout l'oeuvre de M. A. Besnard; on n'a pu, naturellement, y faire entrer les grandes fresques décoratives qui sont l'ornement de l'Hôtel de Ville, de la Sorbonne et de l'École de pharmacie; elle n'en est pas moins d'une extraordinaire richesse: 138 peintures, 60 pastels, autant d'aquarelles, figurent au catalogue. Avec les dessins et les eaux-fortes, nous arrivons au chiffre de 401 ouvrages exposés. Les visiteurs de l'exposition, ouverte jusqu'au 9 juillet, sont donc particulièrement favorisés; ils ont à la fois le nombre et la qualité; les oeuvres du début et les oeuvres les plus récentes: telle cette admirable toile décorative: Lacustre, qui appartient à M. Georges Petit, peinture éblouissante de fraîcheur et d'étendue que Whisthler eût volontiers dénommée: symphonie en bleu.

Nous donnons avec le portrait du maître dans sa vigoureuse maturité--il a aujourd'hui cinquante-six ans--celui de sa famille: c'est une toile justement célèbre de son oeuvre; nous y joignons un panneau de ses délicieux pastels de femmes aux attitudes variées à l'infini, aux carnations si belles.
A. de L.




UN MARIAGE PRINCIER A WINDSOR
L'archevêque de Canterbury bénit, selon le rite de l'Église d'Angleterre, le mariage de la princesse Marguerite de Connaught avec le prince Gustave-Adolphe de Suède, dans la chapelle de Saint-Georges, au château royal de Windsor

(15 juin).--voir l'article, page 420.


LA RUPTURE ENTRE LA SUÈDE ET LA NORVÈGE


          L'ACTE SYMBOLIQUE MATÉRIALISANT LA
     SÉPARATION ENTRE LA NORVÈGE ET LA SUÈDE.
                    Le nouveau drapeau norvégien hissé sur
               la citadelle d'Akarshus à la place du drapeau
                         de l'union.
--phot, Worm-Petersen.

La substitution, au faîte de la citadelle d'Akarshus, à Christiania, du drapeau norvégien au drapeau de l'union a été en quelque sorte l'acte symbolique consacrant la séparation entre la Suède et la Norvège.

Le 9 juin, en présence d'une foule de trente mille personnes, où se trouvaient mêlés tous les membres du Storthing (le parlement norvégien), devant toute la garnison alignée, on amenait solennellement le drapeau de l'union, après que le commandant de la place eut donné lecture de la résolution prise l'avant-veille, par le Storthing, sans débat, et à l'unanimité, de rompre le pacte d'union avec la Suède. Des salves d'artillerie éclatèrent et les troupes présentèrent les armes.

Puis le nouveau pavillon, le pavillon norvégien, fut hissé dans l'espace. L'assistance alors se découvrit et les troupes, de nouveau, présentèrent les armes, aux accents de l'hymne national norvégien, que jouait une musique, et au milieu des vivats de la foule.

Evidemment, des dissentiments graves ont motivé cette rupture. D'abord, c'est un peu par la force qu'en 1814, la Norvège avait été unie à la Suède. Elle semble n'avoir jamais accepté cette union que comme un mariage de raison. Les querelles ont été fréquentes entre les deux pays
     Le drapeau de l'union suédo-norvégienne amené
                              solennellement.
jusqu'au moment où la Norvège formula, de façon précise, ses griefs. Cela remonte à 1836, tout simplement, et l'on voit qu'un ménage bien établi peut subsister longtemps sur le pied de guerre. Puissance maritime avant tout, elle exigeait une représentation consulaire distincte de celle de la Suède. Elle voulait aussi un ministre des affaires étrangères à elle,--cette question étant intimement liée à la première. Enfin, et surtout, pourrait-on dire, elle voulait avoir son pavillon national propre. L'accord de 1814 portait que les deux pays auraient chacun son pavillon, rappelant, dans le quartier supérieur contigu à la hampe, les couleurs de l'autre pays. C'était le «pavillon d'union». Le drapeau de la Suède, bleu avec une croix jaune; celui de la Norvège, rouge, avec une croix gros bleu bordée de blanc. Le canton portant la marque d'union rappelait, en Suède, le rouge, le bleu et le blanc de la Norvège; en Norvège, le bleu et le jaune de la Suède. C'était un petit pavillon dans l'angle du grand. Dès 1821, les deux sections du Storthing,--le parlement entier,--adoptaient une décision portant que le pavillon norvégien serait rouge vif, divisé par une croix bleu foncé aux bords blancs. Le roi opposa son veto à cette décision. Ce n'est qu'en 1828 qu'un décret royal accorda seulement aux navires marchands norvégiens la faculté de battre ce pavillon. Ce n'était qu'une licence octroyée. Mais le pavillon de guerre demeurait pavillon suédois d'union, c'est-à-dire, en fait, le pavillon suédois, les deux pays n'ayant qu'une marine de guerre et une armée. D'où les dissensions.

En 1899, après une lutte très vive contre la couronne, le Storthing proclamait la suppression du canton d'union de tous les pavillons marchands et de ceux des édifices nationaux. Seuls les drapeaux militaires portaient encore en dernier lieu la marque d'union. C'en est fait, désormais: la Norvège, indépendante, a son drapeau à elle.



Sur le champ de bataille, au sud-ouest de Moukden:
l'autel et le monument aux morts.

APRÈS LA VICTOIRE DE MOUKDEN

Réjouissances au camp japonais en l'honneur des morts.

Notre correspondant de guerre avec l'armée japonaise nous écrit du quartier général:

Le plus grand honneur pour un soldat japonais est de se faire tuer pour son pays. Il ne chante pas: «Mourir pour sa patrie est le sort le plus beau!» mais il le croit et agit en conséquence. La mort sur le champ de
       La vieille et la jeune armée en présence.
bataille, loin d'être pour la famille du défunt une cause de tristesse, est au contraire une cause de légitime orgueil et nulle trace de chagrin ne doit paraître sur les visages.

Ceux qui sont morts pour leur pays continuent à vivre dans l'esprit et le coeur de leurs nationaux et nulle part, peut-être mieux qu'au Japon, les honneurs funèbres ne leur sont rendus. Les préoccupations de la guerre elle-même n'empêchent pas l'armée de s'acquitter de ses devoirs envers ceux qui sont tombés sous les balles ennemies. Après chaque bataille, une imposante cérémonie funèbre a lieu, presque toujours par division. Très souvent on choisit, pour rendre les honneurs posthumes, une localité où un combat particulièrement violent a été livré.

A quelques kilomètres au sud-ouest de Moukden, la 5e division fêtait ses morts, il y a quelques jours. Pendant cinq jours, de puissantes redoutes russes l'avaient arrêtée dans sa marche en avant. Mais, le 10 mars au matin, les Japonais s'étaient enfin emparés de la position.

Sur une petite éminence qui domine la redoute principale, un autel a été dressé. Des branches de pins, traînées de très loin, ont été plantées en terre et leur verdure jette une note gaie sur la monotone tristesse de la jaune plaine mandchourienne. Sur le sommet du monticule, une simple poutre fichée en terre rappelle qu'une affaire meurtrière s'est déroulée ici même et que quelques centaines de braves n'y ont pas marchandé leur vie. Sur la droite, un énorme obus, de 5 mètres de haut, en toile peinte, contribue à donner un aspect tout à fait martial à la cérémonie.

Des offrandes sont faites aux morts, des prières sont dites par les aumôniers de l'armée, revêtus de leurs robes de brocart, les esprits des morts sont évoqués et tous les officiers envoyés en délégation viennent brûler de l'encens. Successivement des détachements de chaque régiment viennent saluer les camarades glorieusement tombés.

Ceux qui sont morts pour leur patrie et qu'on vient d'honorer vont maintenant se divertir avec leurs camarades, car une fête funéraire de cette nature ne doit pas être triste. Des tables 'sont dressées: la musique attaque ses airs les plus gais et toutes sortes de divertissements vont se succéder. Le troupier japonais est extrêmement ingénieux. Avec un rien il arrive à faire quelque chose. Il sait se grimer à merveille, mimer la démarche d'une mousmé, prendre les attitudes hiératiques des Samouraïs et aussi donner la note gaie et comique.


Une séance de lutte sur le terrain du combat.

Ainsi nous avons vu défiler la vieille armée japonaise, des troupes de paysannes, des musiciens improvisés, des acteurs célèbres, des lutteurs. Car la lutte est très en faveur au Japon. Une salle de lutte est organisée: les champions sont nombreux.

Et, chose intéressante, sur ce terrain encore jauni de la trace des explosifs, couvert de balles de shrapnells, où l'on se heurte à chaque pas à des culots d'obus, où l'on se battait avec acharnement il y a un mois encore, aujourd'hui on s'amuse et l'on boit, et les fossés de la redoute russe servent de vestiaire aux lutteurs pour se mettre en tenue et aux pseudo-mousmés pour se grimer et nouer leur obi.


APRÈS LA VICTOIRE: RÉJOUISSANCES AU CAMP JAPONAIS EN
L'HONNEUR DES MORTS.--Soldats déguisés dansant et mimant un combat.


(Agrandissement)
FÊTE FUNÉRAIRE AU CAMP JAPONAIS, APRES LA VICTOIRE DE MOUKDEN.
--Soldats déguisés en "Samouraïs" défilant devant leurs camarades en l'honneur des morts.

En partant pour cette campagne meurtrière, les soldats japonais n'avaient certainement point songé à surcharger leurs bagages des éléments d'une mascarade. Après la victoire de Moukden, leur ingéniosité y a suppléé. Pour reconstituer ces anciens accoutrements des guerriers d'autrefois, les plus vieux d'entre eux n'avaient qu'à rappeler leurs souvenirs,--des souvenirs de trente ans, au plus. Un peu de papier, quelques lambeaux d'étoffes, les kimonos, les robes japonaises que chacun emporta avec lui pour les revêtir aux heures de trêve, quelques bonnets à poil conquis aux Russes, et voilà reconstitués les armures héroïques des ancêtres, les hauts casques armés d'antennes, les masques dont les superbes sabreurs d'autrefois couvraient leurs visages. Et les petits soldats équipés à l'européenne regardaient défiler la marche superbe des Samouraïs, dont l'âme indomptable revit en eux.


UNE PARADE A TSARSKOÏÉ-SÉLO

Le jeune grand-duc Dmitri défile avec son régiment devant l'empereur. L'empereur et la famille impériale, devant le palais Catherine, à Tsarskoïé-Sélo, assistent à la parade en l'honneur du jeune grand-duc Dmitri.

Il y a peu de temps, un bruit courut et s'accrédita pendant une journée entière: celui de la mort du tsar Nicolas II. Non seulement ce bruit était inexact, mais il n'était fondé sur rien; il était né on ne sait où, on ne sait comment. L'empereur Nicolas II continuait de résider au palais de Tsarskoïé-Sélo, où il s'était rendu avant les émeutes du mois de janvier et qu'il a quitté seulement ces jours derniers pour la ferme de Péterhof.

Les photographies que nous publions ici ont été prises à Tsarskoïé-Sélo par notre correspondant C.-O. Bulla, il y a une dizaine de jours. Elles nous montrent bien que, si quelque chose est en train de changer en Russie, ce ne sont pas, du moins, les très vieilles traditions de la maison impériale.

Le grand-duc Dmitri Pavlovitch, cousin germain de l'empereur, âgé de quatorze ans, était déjà chef du 11e régiment de grenadiers. Il a été, l'autre jour, fait chef du 2e régiment de tirailleurs, et c'est à cette occasion qu'eut lieu la parade que nos photographies représentent et à laquelle assistèrent, du balcon décoré du palais Catherine, les deux impératrices et les grandes-duchesses Xénia et Olga Alexandrovna et Marie Pavlovna.

Quand leur jeune chef, son brevet à la main, marchant immédiatement derrière l'empereur, passa devant les rangs de tirailleurs, les soldats l'acclamèrent avec ce bel entrain du soldat russe--qui survit à tous les revers.


UNE PARADE A TSARSKOÏÉ-SÉLO.--Le grand-duc Dmitri, âgé de
quatorze ans, passe en revue, précédé par l'empereur, le 2e régiment de
tirailleurs, dont il vient d'être fait le chef.
--Phot. C.-O. Bulla.


L'ÉLIMINATOIRE FRANÇAISE DE LA COUPE GORDON-BENNETT

AU CIRCUIT D'AUVERGNE


Les tribunes de la plaine de Lanchamp au pied du puy de Dôme.--Phot. Bliès.


Un des campements organisés pour le ravitaillement et les
réparations des voitures en course.


Le garage en plein air, près des tribunes, pour les
voitures des spectateurs.


    Le tableau d'inscription du classement des concurrents
                                 pendant la course.

Les critiques dont le choix du circuit d'Auvergne a été l'objet, à cause des difficultés, des périls même, disait-on, de ses différences de niveau et de ses virages nombreux et excessivement courts--nous en avons donné à deux reprises, dans de précédents numéros, des vues saisissantes--ces critiques se sont trouvées heureusement peu justifiées par l'épreuve éliminatoire des voitures françaises qui a été courue, le 16 juin, sans accidents sérieux.

Mais l'Automobile-Club avait pris toutes les précautions imaginables, sans ménager ses efforts ni ses frais, élevant des balustrades de bois dans toute la traversée des villages, construisant ici une passerelle qui permettait aux piétons de passer d'un côté à l'autre de la route en toute sécurité, édifiant là de véritables ponts de bois sur lesquels les voitures de la coupe franchissaient les voies ferrées, remblayant le côté extérieur des tournants pour les rendre possibles, sinon faciles, westrumitant le sol pour éviter la poussière, bref, faisant du tracé de ce circuit une véritable piste d'autodrome.


Au pesage: la voiture de Théry poussée sur la bascule.

De leur côté, les conducteurs concurrents l'avaient longuement étudié et pratiqué. Ils ont pu l'aborder, le jour de l'éliminatoire, avec autant de hardiesse que de sûreté et il en est résulté une épreuve d'un intérêt pratique considérable pour l'industrie automobile. Les voitures n'y ont pas atteint le «cent» à l'heure, qu'elles auraient toutes dépassé de beaucoup en palier, mais elles ont fait plus de 70 kilomètres de moyenne (Théry: 72 kil. 500) en obligeant tous leurs organes, du moteur aux pneumatiques et de l'arbre de direction aux freins, à subir le maximum de fatigues violentes et d'usure, et en indiquant par là même avec quelque précision leur force de résistance.


Une vendeuse de programmes en costume auvergnat.

Au contrôle de Laqueuille: l'horloge à minutes pour assurer l'espacement des voitures.


Théry (1er sur voiture Richard-Brasier) exécutant en
vitesse le virage de Rochefort.

Un démarrage foudroyant. Duray (3e sur voiture de Dietrich)
s'allongeant sur la route.

Sizsz (5e sur voiture Renault) recevant sa
fiche de contrôle au poste de Rochefort.
Caillois (2e sur voiture Richard-Brasier) dépassant Fournier (sur voiture Hotchkiss) arrêté devant les tribunes de Laschamp.


Théry, sur sa voiture Richard-Brasier, rejoignant de la
Touloubre (sur voiture Darracq), à Durtal, avant le virage de Chamalière.

Nos photographes, judicieusement disséminés autour du Circuit, ont pris, pour nos lecteurs, des clichés de tous les aspects et de tous les épisodes intéressants.

Voici d'abord, dans la plaine ordinairement déserte de Laschamp, au pied du Puy-de-Dôme, l'éphémère cité des tribunes, avec son tableau où les chronométreurs, pour calmer l'impatience des curieux, font inscrire à chaque tour le classement provisoire des concurrents. Déjà, la veille, pendant les opérations du pesage, l'étendue, alentour, s'était peuplée de véhicules venus de Paris et de tous les coins de la province.

Voici un des campements volants installés par les maisons de construction pour le ravitaillement en essence, en pneumatiques, etc., des voitures en course, et leur réparation hâtive, en cas de panne. Voici l'horloge du contrôle de Laqueuille, dont l'aiguille, déclenchée à l'arrivée d'une voiture trop rapprochée de la précédente, marquait, en faisant le tour du cadran, les trois minutes neutralisées de l'arrêt de réespacement.


            Muller.                        Théry.
      Les vainqueurs: le conducteur,
   Théry, et son mécanicien, Muller.

Et voilà les péripéties mêmes de la course: départ, arrêt pour le contrôle, côtes gravies à toute allure... Tels de nos opérateurs, obéissant à l'impulsion du devoir professionnel, s'étaient placés à proximité des virages dangereux; c'est ainsi que nous avons deux beaux instantanés du gagnant, Théry, virant en vitesse sur sa voiture Richard-Brasier: la première fois, seul; la seconde fois, au moment où il va dépasser un concurrent, le conducteur de la Touloubre, pilotant une voiture Darracq.

Deux accidents, relativement peu importants, ont seulement, comme on sait, marqué cette journée, fameuse dans les annales du sport automobile. Un des plus audacieux conducteurs, M. Henri Farman, ayant abordé un virage, dans la descente de Clermont, à pleine allure, se sentit violemment enlevé ainsi que son mécanicien, hors du cercle centrifuge et projeté dans un arbre bordant un ravin. La voiture, libre de toute direction, disparut. Elle fut retrouvée par un groupe de curieux--dont un de nos correspondants--enfouie sous les broussailles, au fond du précipice. M. Girardot s'était engagé à toute vitesse dans la descente de Sayat, lorsque le pneumatique d'une de ses roues avant se sépara, d'un seul coup, en deux cerceaux de caoutchouc, dont un bloqua la direction. La voiture quitta la route, heurta un arbre, fit panache. Par un hasard aussi extraordinairement heureux que celui dont M. Farman avait été favorisé, M. Girardot et son mécanicien en étaient quittes pour quelques contusions.

La voiture Panhard-Levassor, de Henri Farman, précipitée dans un ravin par un virage trop rapide, à la descente de Clermont.
--Phot. Bliès.
La voiture de Girardot, culbutée par suite d'un éclatement de pneumatique, dans la descente de Sayat.--Phot. comm. par M. L. Morel.

Mouvement littéraire

Mémoires du comte Valentin Esterhazy, publiés par Ernest Daudet (Plon, 7 fr. 50).--Madame Atkyns et la Prison du temple, par Frédéric Barbey, avec préface de Victorien Sardou (Perrin, 5 fr.)--Psychologie de deux Messies positivistes: Saint-Simon et Auguste Comte, par Georges Dumas (Alcan, 5 fr.).

Mémoires.



Issu d'une famille hongroise, mais né en France, le comte Valentin Esterhazy servit brillamment dans un régiment de hussards et fit la guerre de Sept ans. Aux fiançailles de Marie-Antoinette, il fut chargé d'aller porter à Vienne le portrait du Dauphin. On l'aperçoit à Versailles, dans la familiarité de Louis XVI et de la reine. Mais quelle discrétion il montre sur le compte de la famille royale! Rien sur les amusements innocents de Trianon et du Hameau; il a connu le comte de Fersen, mais ne nous en donne même pas une légère esquisse. Peut-être aussi a-t-il considéré comme peu importants ces détails qui nous intéresseraient tant aujourd'hui. Royaliste fervent, le comte Valentin n'admet aucune diminution de la puissance royale, ni aucune des idées de l'Assemblée constituante qu'il appelle souvent la Convention. Mirabeau l'aîné est traité de scélérat avec lequel le roi et la reine n'eussent jamais dû communiquer, et Necker de charlatan qui remplace un ignorant, c'est-à-dire Loménie de Brienne. Nous avons à découvert, dans les Mémoires du comte Valentin, l'âme d'un royaliste ultra aux débuts de la Révolution française. Mais là où le comte Esterhazy est vraiment neuf, c'est quand il nous entretient de l'émigration et de son séjour à la cour de l'impératrice de Russie. Louis XVI, que, dans la circonstance, devait encourager Marie-Antoinette, semble fort se méfier de ses frères, le comte de Provence et le comte d'Artois. Il a auprès des différents gouvernements un agent à lui, le baron de Breteuil, lequel n'a d'autre souci que de faire connaître la volonté de son maître et de ruiner l'influence des frères du roi. Presque toujours le baron de Breteuil a des desseins opposés à ceux des chefs de l'émigration. Cela nous explique peut-être la défaveur dans laquelle tomba, auprès des puissances européennes, l'armée de Condé, et pourquoi on hésita, surtout en Autriche, à user de ses services. En lisant la fameuse déclaration du duc de Brunswick, l'impératrice répéta au comte Esterhazy: «Malheur au pays qui espère son salut des troupes étrangères!» Ces pages qui, peut-être, ne satisfont pas complètement notre curiosité, mais dont la publication semble avoir achevé de rendre M. Ernest Daudet digne du prix Gobert, s'arrêtent à l'année 1797.

Madame Atkyns.



Que vaut ce volume de M. Frédéric Barbey, préfacié par M. Victorien Sardou? Quelle nouveauté nous apporte-t-il sur l'enfant du Temple? On l'a loué un peu partout; il fait partie des livres d'histoire dont l'opinion, en ces derniers temps, s'est particulièrement préoccupée. Sans doute, il abonde en renseignements curieux; mais, sur le point principal, sur la survivance de Louis XVII, il ne jette, je l'avoue, aucune lumière en mon esprit. Une Anglaise. Charlotte Walpole, après avoir déployé son talent au théâtre, de Drury-Lane, avait épousé lord Atkyns. Elle était venue à Versailles, s'était passionnée pour la reine. A prix d'or, elle parvint plus tard à pénétrer près d'elle dans la prison et lui promit de ne rien négliger pour sauver le Dauphin. Elle devait, en effet, dans cette entreprise, dépenser plus de 2 millions, c'est-à-dire à peu près toute sa fortune, ce dont la Restauration lui fut fort peu reconnaissante. Comment mena-t-elle son affaire? A Londres, elle nous apparaît aux mains de trois personnages: le chevalier de Frotté, chef, à un certain moment, de la chouannerie normande; Yves-François Cormier, émigré, ancien procureur du roi au présidial de Rennes; et un petit homme fort remuant, le baron d'Auerweck. C'est Cormier qui mène tout, après avoir mis à l'écart le chevalier de Frotté, pour lequel cependant lady Atkyns semble avoir eu quelques bontés. Rien de plus énigmatique que l'ancien procureur du roi. Il règle la dépense de lady Atkyns dans son entreprise et lui raconte des histoires plus ou moins romanesques. Dans la prison, on aurait, dit-il, substitué d'abord un muet, puis un scrofuleux au fils de Louis XVI, caché dans les combles jusqu'au jour où sa fuite serait possible. Peu à peu s'en vont toutes les ressources de la bonne et naïve Anglaise, qui se contente des imaginations de Cormier. Pas l'ombre d'un Louis XVII, pas une seule apparition bien constatée de l'enfant royal. Peut-être M. Barbey et M. Sardou lui-même se sont-ils exagéré la valeur des documents qui sont tombés en leurs mains. Une femme enthousiaste et simple et deux hommes douteux, voilà ce que l'on saisit dans toute cette affaire. Au moment où je termine ces lignes paraît, à la librairie Perrin, le Drame de Varennes, de M. Lenôtre (5 fr.). Comme ce travail, piquant et minutieux, se rattache aux livres précédents, je dois à mes lecteurs de le leur signaler.

Deux Messies.



Ce qui fait l'originalité de cette étude fort savante et fort littéraire en même temps, c'est le lien qu'a établi M. Dumas entre Saint-Simon et Auguste Comte. Le premier a inspiré la philosophie positive, le second l'a fondée. De 1817 à 1824, Comte servit de secrétaire à Saint-Simon. Le XVIIIe siècle et la Révolution française avaient tout détruit, il fallait reconstruire; à la place de l'anarchie, on devait remettre l'unité. Est-ce que le monde n'a pas besoin d'un pouvoir spirituel dirigeant? La théologie toutefois devant être remplacée par la science, une sorte de clergé de savants sociologues, à la tête duquel se tiendrait comme pape Saint-Simon ou Comte, constituerait le nouveau pouvoir spirituel. A côté, l'industrie représenterait le pouvoir temporel; à celle-ci l'action, à l'autre, puissance supérieure, l'éducation. Nous rencontrons ces idées dans Saint-Simon et dans Auguste Comte. Tous les deux se rattachent au passé; ils en gardent les éléments conservateurs et comme le cadre idéal. A un certain moment, Saint-Simon admet le sentiment et le coeur dans son organisation nouvelle; aussi, à côté de son académie des sciences, veut-il créer une académie des sentiments. Sous l'influence de son amour pour Clotilde de Vaux, Comte fait entrer aussi dans sa religion une forte dose de sentimentalité et même de culte un peu puéril. Saint-Simon tenta une fois de se suicider et fut interné, pendant quelque temps, dans une maison de santé tenue aujourd'hui par M. le docteur Mottet. En 1826, un an après la mort de son maître, Auguste Comte, sous la poussée d'un travail intense et accablé par ses malheurs conjugaux, eut un accès de folie qui, dit-on, se renouvela plusieurs fois, et en particulier, en 1845. Aussi sa femme indigne, après la mort du philosophe, en 1857, attaqua-t-elle la validité de son testament. Sur ces deux messies, qui se sont imaginés marqués d'une onction singulière M. Dumas, chargé de cours à l'Université de Paris, a écrit un livre fortement pensé et où la psychologie est ornée de clarté et de grâce.
E. Ledrain.



Ont paru:

Lexique sommaire de la langue du duc de Saint-Simon, par E. Pilastre. 1 vol., Firmin-Didot et Cie.--Ecrivains et Style, par Arthur Schopenhauer, traduction par Auguste Dietrich. 1 vol., Félix-Alcan, 2 fr. 50.--Après la Séparation (enquête sur l'avenir des Églises), par Henri Charriaut. 1 vol., Félix-Alcan, 3 fr. 50.


Documents et Informations.

L'Eruption du Vésuve.




           Eruption du Vésuve le 27 mai à 9 heures du soir.
                                 --Phot. Fumagalli.

Le Vésuve, qui depuis assez longtemps semblait sommeiller, vient d'avoir récemment un réveil inquiétant. La recrudescence de l'activité volcanique s'est manifestée par les phénomènes habituels: panaches d'épaisse fumée, jets de matières incandescentes, coulées de lave, semblables à des torrents de feu, dévalant du cratère le long des flancs de la montagne. Le spectacle était grandiose, et, naturellement, c'était la nuit, surtout en raison de l'opposition entre les ténèbres du ciel et les vives clartés de l'éruption, qu'il offrait un caractère vraiment fantastique. L'oeil en restait fortement impressionné, la mémoire pouvait conserver le souvenir de ce merveilleux tableau; mais comment le fixer d'une façon durable? La solution de ce problème n'est plus une utopie, grâce aux procédés nouveaux de la photographie nocturne, que les travaux persévérants d'un ingénieux amateur, M. Charles Fumagalli, ont contribué à amener à un degré proche de la perfection, ainsi qu'en témoigne le curieux document reproduit ici d'après un cliché pris le 27 mai dernier, à 9 heures du soir.

Une mine d'or en France.



Faut-il croire, comme le fait un de nos compatriotes dans une lettre publiée par la Société d'histoire naturelle d'Autun, que nous avons «le Transvaal en France»? Toujours est-il qu'il y aurait, à Budelière-Chambon, dans la Creuse, des filons de quartz aurifère de réelle valeur. Ils contiendraient en moyenne 40 ou 50 grammes, parfois de 60 à 100 grammes, d'or à la tonne, ce qui est un titre exceptionnellement élevé. L'or s'y trouve combiné à la pyrite et peut être traité par cyanuration. Les filons sont assez puissants; le principal a 3 mètres de puissance. On peut le suivre sur un parcours de 40 kilomètres vers Château-sur-Cher et Saint-Maurice (Puy-de-Dôme): malheureusement il ne contient de l'or qu'à l'endroit où il s'enfonce sous les micaschistes, à Evaux et Budelière-Chambon. Des travaux d'exploitation ont été commencés: une usine de traitement sera établie sur le bord de la Tarde, et l'on saura avant peu ce que vaut la mine et si elle rappelle, fût-ce de loin, celles du Transvaal: les bonnes; pas celles sur les titres desquelles l'innocent public français s'est rué.

Les deux pachas.

Les admirateurs de Pierre Loti seront sans doute surpris de reconnaître leur écrivain favori sous le rouge tarbouch des sectateurs du Koran. Et, voyez l'influence de la coiffure, un Turc pur sang auquel nous montrions
     Deux pachas: M. Pierre Loti et M. Mustapha Kamel.
                                   --Phot. Phébus.
l'épreuve rarissime n'eut pas une seconde d'hésitation, et désignant Pierre Loti: «Voilà un Arménien; l'autre est un Européen.»

Or, l'autre est un authentique Égyptien, Mustapha Pacha Kamel, le très jeune chef de la Jeune Égypte, adversaire irréconciliable de l'occupation anglaise, depuis longtemps lié avec Loti d'une étroite amitié. A Constantinople on les appelle les Deux Pachas, le surnom de pacha étant fréquemment appliqué par nos officiers de marine aux capitaines de frégate.

Et c'est sur le pont du Vautour, le stationnaire français commandé par Loti sur le Bosphore, que l'appareil photographique surprit les Deux Pachas, l'auteur d'Aziyadé et le brillant polémiste égyptien.

Le verre armé.



Comme le ciment armé, le verre armé est maintenant de plus en plus employé dans les constructions.

Le verre armé, dont le principe fut breveté par un Américain, s'obtient en laminant deux couches de verre entre lesquelles on place un treillis métallique.

Le produit présente une cohésion et une ténacité remarquables; et, en cas de rupture, les fragments de verre, au lieu de se séparer, demeurent adhérents, retenus par le treillis métallique. C'est le principal avantage du verre armé.

Par d'intéressants essais, faits récemment, MM. Schlernitzauer et Crochet, directeurs de la Compagnie de Saint-Gobain, ont constaté qu'une plaque de verre armé de 6 millimètres d'épaisseur, de 1 m,25 sur 0m,45, pouvait supporter un poids de 475 kilos; avec 600 kilos, elle ne se rompit point, mais fut seulement courbée et fendillée.

Autre qualité importante du verre armé: une construction légère dont les parois sont faites de verre armé résiste à un feu très vif allumé à l'intérieur, tandis qu'une vitre ordinaire se brise dès les premières atteintes de la flamme.

De telles qualités désignent manifestement le verre armé pour les toitures, les étalages, les vitrages; mais son application à la construction des escaliers est particulièrement heureuse, car les escaliers en verre permettent l'éclairage facile des descentes de sous-sols; leurs marches ne sont pas glissantes et, en cas d'incendie, leur supériorité sur les escaliers en bois n'est pas contestable.

La transmission précise de l'heure par téléphone.



A la suite d'un voeu exprimé par la Chambre syndicale de l'horlogerie de Paris, l'observatoire du Bureau des longitudes vient d'indiquer un procédé permettant d'utiliser, pour la transmission précise de l'heure, les facilités que procure aujourd'hui le réseau téléphonique.

L'heure est transmise avec la même précision que si le destinataire se trouvait auprès de la pendule elle-même, en transmettant directement le bruit des battements de la pendule. L'expéditeur numérote à la voix deux ou trois battements et le destinataire continue à compter à l'oreille.

Ce mode de transmission de l'heure paraît appelé à rendre de grands services à l'horlogerie et aux établissements scientifiques qui ont besoin de connaître l'heure avec précision, et cela non seulement à Paris, mais encore dans toutes les localités reliées au réseau téléphonique.

Les ports de guerre et de commerce pourront désormais se dispenser d'établir des observatoires astronomiques pour régler les chronomètres des navires en partance; il leur suffira de posséder une pendule ou même un chronomètre et de régler de temps à autre cet instrument par le téléphone.

C'est ainsi que, le 25 mai, le contre-torpilleur Escopette, actuellement à Brest, a pu régler ses chronomètres sur la pendule de l'observatoire de Montsouris.

Le même procédé pourrait être utilisé pour la détermination des longitudes: grâce à la transmission directe des battements, les observateurs des deux stations pourraient, en effet, noter les heures de leurs observations à une seule et même pendule.

Prédication en forêt.




         Un prêche en plein air dans la forêt de Johannistal,
                          près de Berlin.
--Phot. Kromadar.

Ceci se passe non pas dans quelque lointaine région, chez quelque peuplade primitive, nouvellement initiée aux bienfaits de la civilisation, mais sur le territoire d'une commune suburbaine, située au sud-est de Berlin. Johannistal--tel est le nom de cette localité bénie--possède une forêt, et des esprits judicieux ont estimé que cette forêt pouvait être, pendant l'été, un sanctuaire naturel très propice à l'exercice du culte luthérien. Les hauts fûts et les frondaisons des arbres ne rappellent-ils pas les colonnes et les voûtes du temple? Ses solitudes n'en offrent-elles pas la paix et la majesté sacrées? Toujours est-il que ce culte «luthéro-sylvain» attire déjà beaucoup de monde et, à voir l'empressement des fidèles à venir s'asseoir sur les bancs rustiques, devant la chaire rudimentaire où le pasteur commente l'Évangile, il est permis de prévoir, pour les prochains mois caniculaires, une affluence plus considérable encore. La pratique de la religion se concilie d'ailleurs fort bien avec un certain souci du bien-être corporel: puisqu'elle s'accommode, en hiver, du chauffage des églises, pourquoi s'interdirait-elle, en été, la fraîcheur des bois?

Le chapeau de Panama.




La «cueillette» des chapeaux de Panama après leur
blanchissage au soleil, dans une fabrique d'Alsace-Lorraine.

La première vogue, déjà lointaine, du chapeau de Panama avait été suivie d'une longue période de défaveur, presque d'oubli; il y a quelques années encore, c'est à peine si de rares contempteurs de la mode, gens d'âge mûr, osaient, l'été venu, arborer ce couvre-chef aux bords larges et souples, commode mais suranné. Par un de ses retours coutumiers, la mode, depuis plusieurs saisons, l'a de nouveau adopté; elle lui fait la part belle parmi ses concurrents et même on peut dire qu'étant d'un prix beaucoup plus abordable qu'autrefois il commence à se démocratiser.

Aujourd'hui, l'État qui a donné son nom à cette coiffure estivale ne la fournit plus guère; les meilleurs «panamas» viennent de la République de l'Équateur, de Porto-Rico et des Antilles; d'ailleurs, c'est surtout la matière première, tirée des fibres d'un arbre du genre latanier, que les pays de production exportent en Europe, où elle est mise en oeuvre. Cette branche de l'industrie chapelière s'est particulièrement développée dans la région de Nancy et en Alsace-Lorraine.

Après le blanchiment par un procédé chimique, les chapeaux sont soumis au séchage en plein air et, comme notre gravure permet d'en juger, cette phase de la fabrication n'est ni la moins curieuse ni la moins pittoresque: on croirait voir de haut onduler, sous le soleil, une foule compacte aux centaines de têtes uniformément coiffées.

Une amazone américaine.




      Une amazone américaine: Miss Mulhall, fille du «roi
                        d'Oklahoma».
--Ph. G. Grantham.]

Cette amazone fameuse de l'autre côté de l'Atlantique émerveillait dernièrement New-York par ses rares talents de sportswoman. Non contente de dresser et de maîtriser les chevaux les plus intraitables, elle dompte, et monte des taureaux sauvages; en outre, maniant le lasso avec la maîtrise du plus habile gaucho, elle capture elle-même ces animaux: telle est son habileté qu'elle a réussi à en forcer jusqu'à trois ensemble en l'espace de trois minutes et demie.

Rossie Mulhall (elle porte en réalité le prénom de Lucile), est une des filles de M. Elias Mulhall, surnommé le «roi d'Oklahoma» et qui s'honore de compter parmi les amis du président Roosevelt. C'est une jeune personne plutôt frêle d'apparence, ne pesant même pas 50 kilos, mais d'une vigueur musculaire et nerveuse peu communes. Vêtue d'un costume mi-masculin, mi-féminin, coiffée d'un large feutre, elle chevauche hardiment d'extraordinaires montures sur les promenades publiques, où ses apparitions ne manquent pas de faire sensation.

A propos des prouesses sportives accomplies contre l'ordinaire avec des bêtes à cornes, il n'est pas sans intérêt de rappeler la création à Madagascar, aux environs de Majunga, il y a quelques années, d'une véritable «cavalerie de boeufs». M. Sluszanski, en effet, avait pu dresser à la voiture et à la selle une trentaine de boeufs, capables, comme le constate un rapport officiel, de rendre de grands services dans notre colonie pour les transports et le déplacement du personnel.


LE LOYALISME EN SUÈDE


A STOCKHOLM.--La foule acclamant le roi Oscar et la reine, qui saluent,
du perron du palais de Rosendal, à Stockholm.
--Photographies Blomberg.

On a vu plus haut par quelles manifestations a été salué, en Norvège, l'acte consacrant la séparation entre les deux pays Scandinaves. Mais la Suède, en revanche, est demeurée ardemment loyaliste, et l'on peut se rendre compte, par les photographies ci-dessus, des acclamations qui saluèrent, à Stockholm, le roi Oscar sortant du Palais, à l'heure même, ou à peu près, où la Norvège célébrait bruyamment ce qu'elle considère comme son «émancipation».

LE HÉROS D'USSEAU


Le garde-chasse Roy, extrait de sa prison pour être conduit à l'instruction.--Phot. Arambourou.

Le roi Oscar. La reine Sophie.

On n'a pas encore eu le temps d'oublier les exploits désormais légendaires de cet ancien garde-chasse poitevin qui naguère, à Usseau, village voisin de Châtellerault, soutint, le fusil au poing, un siège en règle contre la force armée, barricadé dans sa maison d'où l'on ne put le déloger que par la dynamite.

Inculpé d'une tentative de meurtre, Roy refusait obstinément de rendre des comptes à la justice. Depuis qu'il est tombé entre ses mains, l'intraitable vieillard a, paraît-il, renoncé au rôle périlleux de prévenu récalcitrant; ses rapports obligatoires avec les gendarmes dont il avait juré l'extermination le trouvent d'une docilité exemplaire: le lion s'est fait mouton. Il se produit parfois de ces métamorphoses.

UN MARIAGE PRINCIER A WINDSOR

Le 15 juin a été célébré, au château royal de Windsor, le mariage de la princesse Marguerite de Connaught, nièce du roi d'Angleterre, avec le
                        La princesse Marguerite de Connaught
                                    en toilette de mariée.

                                          --Phot. Stuart.
prince Gustave-Adolphe de Suède, fils du prince héritier.

Nul cadre ne convenait mieux au somptueux apparat d'une telle cérémonie que la chapelle Saint-Georges, un bijou d'architecture ogivale, décorée d'antiques bannières; à travers le grand vitrail du fond, le soleil propice inondait de sa clarté l'intérieur de la nef, rehaussant l'éclat des brillants uniformes, des riches étoffes aux couleurs chatoyantes, des parures étincelantes, des épaules décolletées suivant l'étiquette anglaise.

Edouard VII, la reine Alexandra et les membres des deux familles occupaient les premiers rangs de l'assistance. Parmi les principaux personnages invités on remarquait le khédive; c'est, en effet, en Égypte, au cours d'un voyage, que les futurs époux se rencontrèrent à un bal donné au palais du Caire, puis se fiancèrent.

La fiancée fit son entrée, accompagnée de son père et de ses demoiselles d'honneur: les princesses Patricia de Connaught, sa soeur; Mary de Galles, Béatrice de Saxe-Cobourg-Gotha, Eugénie de Battenberg. Elle portait une robe en point d'Irlande, cadeau des dames d'Érin, dont le dessin représente des lis, des trèfles et des reines des prés; un voile brodé de son initiale avec couronne et guirlandes de trèfles. Comme bijoux, la princesse Marguerite n'avait ajouté à sa toilette que des perles ayant appartenu à la reine Victoria, son aïeule.



(Agrandissement)


NOUVELLES INVENTIONS

(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

LUNETTES SPORTIVES

Le docteur Mirovitch s'est attaché à doter le sport automobile de lunettes présentant le minimum de laideur, ou même n'ayant rien de disgracieux, tout en offrant un confort supérieur à celui des lunettes ordinaires. Il semble bien que son but soit atteint; ses lunettes protègent les yeux avec une sécurité absolue contre la poussière des routes et tout courant d'air.

Elles empêchent pendant tout le trajet, par tous les temps et en toute saison, la formation de toute buée obstruant le champ visuel du sportsman.

Elles procurent aux yeux, même pendant les courses de grande vitesse, une circulation douce et rationnelle d'air atmosphérique et donnent à l'automobiliste ou au cycliste une sensation de bien-être tout en lui permettant de tenir les yeux largement ouverte, sans inconvénient aucun, sans clignements ni larmoiements.

Le sporstman peut, par conséquent, regarder normalement, c'est-à-dire horizontale ment, fixer nettement les objets rencontrés en cours de route et, par suite, s'orienter parfaitement, et cela sans la moindre fatigue pour les yeux.

Nos deux figures rendent compte du dispositif adopté pour réunir ces multiples avantages.

L'armature de la lunette (fig. 1) est en aluminium et, par suite, fort légère. Des rubans élastiques (h, i, j, k), passant par-dessus les oreilles et s'agrafant derrière la tête, assurent une fixation sure, sans gêne et sans excès de pression.

Les verres (B) possèdent une courbure transversale permettant la vision latérale bien mieux que les verres plans ordinaires; ces verres peuvent d'ailleurs être remplacés sans difficulté par des verres fumés de même courbure dans le cas de trop vive lumière, ou par des verres concaves ou convexes destinés aux myopes ou presbytes.


Fig. 1.

L'aération a été l'objet d'une étude spéciale; elle est douce et suffisante, grâce à l'emploi de deux tubes superposés, étroits et aplatis (o', o). Ces tubes, assez longs, sont infléchis en arrière et se terminent près de l'oreille. Ils prennent l'air en arrière et à contre-vent pour le diriger dans la chambre formée par le verre et l'oeil. L'un des tubes sert de canal de pénétration à l'air frais, l'autre sert de dégagement pour l'air échauffé. Ce système d'aération empêche, en cours de route, la formation de buée à l'intérieur des lunettes. Certainement, au premier moment après l'application des lunettes sur les yeux, ainsi qu'aux moments d'arrêt, les verres se couvrent d'une légère buée, prouvant ainsi la clôture hermétique du pourtour de l'oeil; mais cette buée disparaît instantanément dès les premiers tours de roue.

L'application au pourtour orbitaire, avec clôture absolument hermétique et sans aucune pression sensible, se fait à l'aide d'un bourrelet en tube de caoutchouc souple, entourant le bord libre de la coque des lunettes. Ce bourrelet prend point d'appui sur l'os du nez, sur la partie saillante de la pommette et sur la partie externe du rebord orbitaire au niveau de l'extrémité du sourcil.

Partout ailleurs le contact est intime mais sans aucune pression.

L'arcade sourcilière, en tombant librement sur le bourrelet, contribue à l'occlusion hermétique, en formant paroi.

Les deux globes des lunettes sont reliés par un pont métallique (d, g, D) qui peut s'allonger ou se raccourcir suivant la conformation de la racine du nez de chacun et se maintenir à l'écart voulu grâce à un curseur.

Cet exposé montre quelles patientes études ont présidé à la construction de ces lunettes qui marquent un progrès remarquable sur les disgracieux instruments habituellement employés.


Fig. 2.--Les lunettes repliées.

Ces lunettes se trouvent en vente chez M. Ed. Cahen, 3, rue Meyerbeer, Paris, au prix de 22 francs avec une seule paire de verres et 30 francs avec une paire de rechange.

UN NOUVEL ENCAUSTIQUE

La «Triomphante», tel est le nom donné par son inventeur à cette composition nouvelle qui présente des avantages marqués sur les produits courants.

La «Triomphante» est un encaustique liquide extrêmement commode à appliquer, et donnant aux meubles et parquets un brillant des plus durables.

Au dire de l'inventeur, cet encaustique, en imprégnant les bois sur lesquels on l'applique, les rend imperméables et indestructibles par les vers; de même les taches sont absorbées et disparaissent. Le mode d'emploi est des plus simples: il suffit de bien mélanger le produit avant de s'en servir, d'en prendre légèrement avec un chiffon et de l'étendre sur la partie à cirer: le liquide séchant instantanément, frotter de suite avec un morceau de laine bien sec, le brillant paraît immédiatement.

Dès la première application, le bois s'imprègne et un litre de ce produit peut couvrir 50 mètres carrés; il en faut de moins en moins pour les applications suivantes et, au bout de trois applications, il n'est guère nécessaire d'en mettre que de temps à autre.

L'eau et la boue s'enlèvent aisément: il suffit d'éponger l'eau ou de laver la boue, de laisser sécher et de frotter avec le morceau de laine pour retrouver le même brillant qu'auparavant.

Cet encaustique se vend 3 francs le litre, 1 fr. 85 le l/2 litre, et 1 fr. 20 le 1/4 de litre; il se fait en trois teintes, du clair au «vieux chêne». Des flacons échantillons sont envoyés moyennant 0 fr. 30.

S'adresser à M. Bodin, 181, avenue du Haine, Paris, ou chez M. Daveau, 5, place de la Préfecture, Poitiers.