Title: L'Illustration, No. 3266, 30 Septembre 1905
Author: Various
Release date: April 25, 2011 [eBook #35955]
Language: French
Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque
L'Illustration, No. 3266, 30 Septembre 1905
Supplément de ce numéro: grande gravure hors texte, Recueillement, par Dagnan-Bouveret.
M. Revoil. Dr. Rosen,
Les deux négociateurs: M. Revoil,
directeur du cabinet de M. Rouvier, et le docteur Rosen, représentant de
l'Allemagne à Tanger, en tête à tête dans la salle des Commissions, au
ministère des Affaires étrangères.
L'ENTENTE FRANCO-ALLEMANDE SUR LA
QUESTION DU MAROC
L'Illustration, qui offre à ses abonnés et à ses lecteurs, souvent avec une semaine d'avance sur les autres journaux illustrés, des documents toujours plus nombreux sur les grandes actualités courantes, n'en consacre pas moins une place de plus en plus importante à ses suppléments d'art, gravures hors texte et en couleurs, et à la publication des pièces de théâtre en cours de représentation sur les grandes scènes parisiennes.
Les gravures hors texte, tirées avec un soin minutieux et présentées sur papier de luxe, méritent pour la plupart d'être encadrées. Nous les multiplierons encore pour répondre aux voeux de nos abonnés.
Quant aux pièces de théâtre, nous allons en recommencer la publication avec le mois d'octobre qui marque la réouverture de la saison dramatique. Naturellement, L'Illustration n'entend pas reproduire toutes les pièces jouées de l'automne au printemps sur tous les théâtres de Paris. Nos abonnés et nos lecteurs désirent connaître surtout toutes les oeuvres dramatiques remarquables par leur tenue, leur haute valeur littéraire et leur succès. Nous serons heureux de les leur offrir, cette année comme les années précédentes.
L'Illustration publiera d'abord, après leur première représentation, les deux grandes oeuvres dramatiques qui vont être jouées au commencement d'octobre:
DON QUICHOTTE, comédie en trois parties et huit tableaux, en vers, de JEAN RICHEPIN, à la Comédie-Française;
LE MASQUE D'AMOUR, pièce en cinq actes et neuf tableaux, de DANIEL LESUEUR, au théâtre Sarah-Bernhardt.
Nous publierons aussi très prochainement:
LA MARCHE NUPTIALE, comédie en
quatre actes, de HENRY BATAILLE, en répétitions au théâtre du
Vaudeville;
LA RAFALE, comédie en trois actes, de HENRY BERNSTEIN,
qu'on répète au théâtre du Gymnase.
Nous publierons ensuite, au fur et à mesure de leur représentation sur les grandes scènes parisiennes, les pièces nouvelles des maîtres du théâtre contemporain:
BERTRADE, par JULES LEMAITRE, de l'Académie française, qui sera jouée à la Renaissance;
LE GOUT DU VICE, par HENRI LAVEDAN, de l'Académie française, qui sera joué au Gymnase;
LE RÉVEIL, par PAUL HERVIEU, de l'Académie française, qui sera joué à la Comédie-Française;
PARAÎTRE, par MAURICE DONNAY, qui sera joué à la Comédie-Française;
PAQUERETTE ou LES ÉTRENNES, également par MAURICE DONNAY, qui sera jouée au théâtre Antoine.
Nous nous sommes enfin assuré le droit de reproduction de:
LA VIEILLESSE DE DON JUAN, par MM. MOUNET-SULLY et PIERRE BARBIER, qui sera jouée à la Comédie-Française.
Lorsqu'un roi fait visite à Paris, c'est M. Lépine, préfet de police, qu'on voit d'abord précéder, en Victoria, son cortège. Aussi quelle joie parmi la foule, quand, dans le vacarme des premiers coups de canon, tout au fond de la grande avenue vide et bordée de baïonnettes, apparaît, comme blotti en un coin de sa voiture, M. le préfet,--barbiche grisonnante, oeil fouilleur, figure osseuse de vieux troupier à l'affût. On rit; on crie: «Vive Lépine!» Lépine aperçu, c'est la fête qui commence. Il porte un doigt au bord de son chapeau, et file.
Le revoici... Octobre va s'ouvrir et Paris fait sa rentrée. M. Lépine le précède, comme il précède les rois. La première exposition de la «saison» qui commence demain est un concours de jouets, dont il eut l'idée il y a quelques années et qui porte son nom. Concours Lépine! Les affiches sont posées partout, et cela signifie que les vacances sont finies. Aux coins des rues, les marchands de marrons, réinstallés, considèrent avec satisfaction le cortège de l'hiver parisien qui s'avance; et les familles vont, au Petit Palais des Champs-Elysées, se renseigner sur ce qu'a produit de nouveau, cet été, dans le loisir de la morte-saison, l'imagination des fabricants de jouets.
J'admire beaucoup les fabricants de jouets d'aujourd'hui; je les admire pour l'ingéniosité de leurs trouvailles et leur science profonde; mais, l'avouerai-je? je n'aime pas du tout les jouets qu'ils font. Le jouet d'aujourd'hui m'émerveille et me déplaît. Il est trop savant; il semble moins propre à amuser l'enfant qu'à faire valoir aux yeux des grandes personnes le génie du monsieur très instruit qui l'inventa. Les jouets qu'on me donnait dans mon enfance avaient déjà ce défaut. Je me souviens de ma première poupée. C'était une petite personne trop lourde, luxueusement vêtue, et qui parlait. Je la trouvai admirable pendant une heure, et puis elle m'ennuya infiniment, et très vite la monotonie de son sourire, de son gloussement mécanique, de son accoutrement fastueux me la fit détester. Et plus d'une fois je me pris à envier les petites filles du voisinage, enfants d'ouvriers que je voyais manier avec amour de pauvres poupées de carton, muettes et toutes nues; mais de vraies poupées, celles-là, qui ne jacassaient point et que le premier chiffon venu suffisait à parer chaque jour d'un semblant de toilette nouvelle. Le goût du luxe et les progrès de l'industrie ont changé tout cela, et le temps approche où il n'y aura même plus de jouets amusants pour les enfants pauvres. On leur vend pour vingt sous, trente sous, de ridicules petits chefs-d'oeuvre: des personnages ou des bêtes qu'un mécanisme anime et meut comiquement: un ours qui danse, un pompier qui monte à l'échelle, un cuisinier qui râpe une carotte, un perruquier qui taille une barbe... Le concours Lépine nous prodigue ces spectacles. L'enfant passe, regarde, s'étonne. On lui offre l'objet. Au bout de cinq minutes, il a fini d'être étonné; au bout de dix, il a cassé sa mécanique. Au diable le chef-d'oeuvre! Un pantin de bazar, compagnon de ses jeux, confident incassable de ses tristesses et de ses joies, n'eût-ils pas mieux fait son affaire?
Et, tandis que le concours Lépine ouvre ses portes aux petits enfants, le lycée rouvre les siennes à leurs grands frères. J'assiste en ce moment, dans quelques familles amies, à des conversations qui m'intéressent beaucoup:
--Où mettez-vous Pierre à la rentrée?
--A Louis-le-Grand; mais comme externe. Et vous?
--Nous, nous laissons Georges à Janson. Externe aussi, bien entendu. J'ai trop souffert d'être enfermé pendant dix ans.
--C'est ce que dit mon mari. Il pense d'ailleurs que rien n'est, au point de vue moral, plus dangereux que certaines amitiés d'internat; que les enfants doivent être formés de bonne heure à l'usage de la liberté et qu'il n'est de sérieuse éducation possible qu'en famille. C'est absolument mon avis.
--C'est aussi le mien. Qu'en pensez-vous, docteur?
L'homme à qui l'on s'adresse est un des médecins les plus connus de Paris. Il hésite, sourit, et répond:
--L'un de mes deux fils, madame, fut externe. C'est, vous le savez, un assez mauvais sujet, et je ne crois pas que l'internat l'eût fait pire qu'il n'est. J'incline même à penser le contraire.
» Mon fils Gustave était en effet, comme externe, à l'abri des fréquentations mauvaises du lycée; le malheur est qu'il employa la liberté que je lui laissais à boire, de bonne heure, des bocks en des brasseries où ses camarades internes n'entraient pas, à lire des livres qu'ils ne lisaient pas, à rechercher des amitiés, à courir des spectacles, à contracter des habitudes de vie qui ne convenaient ni à son âge, ni à sa condition. J'aurais dû le surveiller; mon métier ne m'en laissait pas le loisir. La chambre où il travaillait était incommode; les visites qui affluent chez moi lui offraient d'incessants sujets de distractions et comme, en attendant de divorcer, je me disputais plusieurs fois par jour avec ma femme, il n'était pas jusqu'à mon ménage qui ne fût un spectacle peu propre à développer chez cet enfant le sentiment de la vie de famille. J'en conclus donc que l'internat, qui a été funeste à tant de petits garçons, eût peut-être été le salut de celui-là; et qu'en matière d'éducation il n'est point de système qui formellement l'emporte sur les autres... Tout dépend de l'homme qu'on est, de la femme qu'on a, du métier qu'on fait, de l'appartement qu'on habite, des gens qu'on fréquente, des qualités natives de l'enfant, de ses défauts, de son tempérament. C'est une grave affaire, madame, que de former un homme...»
*
* *
Grave affaire et lourde responsabilité! Ainsi, il y a au Tyrol un père et une mère qui, s'ils ont une conscience et lisent les journaux, ont dû vivre ces jours-ci, comme disait Dumas, de supérieures minutes d'émotion. Ce sont les parents de ce jeune Rinaldo Agostini, dit Eitar Amor, arrêté pour vagabondage, et à propos de qui la question se posa, devant les magistrats et les philologues, de savoir s'il n'existait point au monde une langue si jeune que personne ne la connût encore, ou si vieille que tout le monde, sauf ce miraculeux vagabond, l'eût oubliée.
Qu'était-ce que l'agrach? Personne ne savait; et le faux Eitar demeurait, pendant une semaine, l'impassible spectateur des discussions dont sa personne et son aventure étaient l'objet. Il répondait aux questions avec politesse, s'efforçait visiblement d'aider ses juges dans l'éclaircissement d'un mystère qui avait fini par affoler tout le monde. Une fiche trouvée dans les dossiers de M. Bertillon fit connaître le nom véritable de Eitar; que ce «déraciné» dont l'histoire avait ému Paris était un simple aventurier; que la langue qu'il parlait, sans en pouvoir préciser l'origine ni la grammaire, était un argot de son invention.
Cet Agostini me trouble. Je pense à ce qu'une telle aventure suppose
d'audace, de volonté, de finesse, d'intelligence, de sang-froid chez le
gamin qui en fut le héros et aux très belles choses, aux très grandes
choses peut-être, dont eût été capable --orienté vers un idéal
noble--cet esprit-là. Je songe aux petites causes mystérieuses, au
tragique mystère d'influences de quoi il dépend qu'un enfant paré de
tels dons les emploie à conquérir de la gloire ou à mériter de la
prison... Et je suis bien contente de n'avoir pas de fils à élever.
J'aurais trop peur.
Sonia.
D'après le tableau de M. Dagnan-Bouveret.
Le talent grave et doux de M. Dagnan-Bouveret ne s'est peut-être jamais exprimé de façon plus complète que dans cette calme et mélancolique figure, d'une sobre harmonie, d'une pénétrante expression.
Femme de pêcheur, fiancée dont le «promis» vogue au hasard des mers brumeuses ou veuve à tout jamais inconsolable, pour quel absent, quel disparu, prie, de son front grave, de ses yeux navrés, de ses lèvres mornes, de ses longs doigts égrenant d'un mouvement machinal un pauvre chapelet, cette femme blanche et noire, en habits de deuil?
La dernière photographie de M. Godefroy
Cavaignac (juin 1905).
Depuis quelque temps déjà, M. Godefroy Cavaignac vivait très retiré et il avait annoncé sa résolution de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat législatif.
Comment nous avons pu nous procurer la photographie du nouveau canon à tir rapide et à bouclier que les Allemands construisent pour l'opposer à notre 75, alors que l'artillerie allemande cache son nouveau matériel à tous les yeux, aussi soigneusement que l'artillerie française dissimulait autrefois son canon actuel, c'est ce que nous croyons inutile de faire connaître. Philippe de Macédoine prétendait jadis qu'il n'existait point de ville si bien gardée où ne pût entrer un mulet chargé d'or; nous donnons aujourd'hui la preuve qu'il ne se trouve point de quartier ou de champ de manoeuvres où ne puisse pénétrer le photographe chargé de renseigner les lecteurs de L'Illustration.
Cette nouvelle pièce est destinée à remplacer le canon à tir accéléré que les Allemands adoptèrent en 1896, sur les renseignements erronés que leur fournit à cette époque leur service d'espionnage habilement aiguillé sur une fausse piste par le général Deloye, alors directeur de l'artillerie au ministère de la Guerre. Persuadés que nous allions construire un canon de ce genre, ils réarmèrent en quelques mois toute leur artillerie, et quel ne fut pas leur désappointement quand ils nous virent, un an après, adopter un canon très supérieur au leur et surtout quand ils eurent pu constater en Chine les qualités si remarquables de ce matériel[1].
[Note 1: Voir L'Illustration du 30 août 1902]
Un «secret militaire»: le nouveau canon, à tir rapide et à
bouclier, adopté par l'armée allemande. Photo. X.
Aussi, depuis cinq ou six ans, leurs ingénieurs et leurs officiers d'artillerie n'ont-ils cessé de travailler à la construction d'un véritable canon à tir rapide, mais leurs recherches avaient été si mal orientées dans les débuts qu'ils n'ont pu encore rattraper les dix ou douze années d'études qui constituaient notre avance.
On sait en quoi consiste le problème du tir rapide. Il s'agit de construire une bouche à feu qui, après chaque coup tiré, revienne exactement à la même position, si bien qu'on n'ait pas besoin de la repointer. Pour y arriver, le meilleur procédé jusqu'ici a paru être de réunir le canon proprement dit, le tube, à son affût par un frein et un ressort. L'affût est fixé au sol par une bêche qui le maintient immobile; au départ du coup, le canon recule seul en glissant sur l'affût; il est retenu dans ce mouvement par un frein et il comprime en même temps un ressort. Quand il a fini de reculer, le ressort, qui s'est bandé, le ramène à sa première position et l'on peut tirer à nouveau.
Le système en lui-même n'était pas nouveau; il avait déjà été appliqué aux canons de marine, pour lesquels il est facile de trouver des points d'attache. Mais dans l'artillerie de terre il n'en est point de même; la bêche qui fait partie des nouveaux affûts ne peut maintenir ceux-ci immobiles qu'à une condition, c'est que l'effort exercé par elle sur le terrain ne soit pas trop grand, sinon elle laboure le sol en reculant. Il faut donc que le canon ne tire pas trop fort sur l'affût par l'intermédiaire de son frein. Comment arriver à ce résultat? Tout simplement en allongeant le frein. Au lieu de faire reculer le canon de 60 centimètres en exerçant un effort de 2.000 kilos, on le fait reculer d'une longueur double et l'effort devient de 1.000 kilos seulement. Dans ces conditions, la bêche ne bouge plus, et l'affût pas davantage. Ce n'est pas tout, il faut encore que l'affût ne se soulève pas au choc du départ, il ne faut pas qu'il se cabre, sinon il se détériorerait en retombant et, de plus, se dépointerait. On l'empêche de se cabrer en le faisant suffisamment lourd et suffisamment long.
Le canon à tir rapide diffère donc des bouches à feu précédentes en ce que son affût est long, bas et peu incliné; il doit être de plus suffisamment lourd, résultat qu'on obtient en partie en faisant asseoir dessus deux hommes pendant le tir.
Sur l'affût devenu immobile, on peut alors fixer ce que l'on veut, en particulier des boucliers en acier à l'épreuve de la balle, sans que ceux-ci risquent d'être détériorés par le tir. On obtient ainsi le canon à tir rapide et à bouclier. (Ce bouclier s'aperçoit sur la figure entre les deux canonniers assis sur les sièges d'affût. Le haut et le bas se rabattent pendant la marche sur la partie centrale qui est peu élevée et par suite peu visible.) Le ressort ou récupérateur qui ramène à chaque coup le canon à sa place peut être soit un ressort en caoutchouc, soit un ressort en acier, soit même un ressort en air. La première solution est celle des Russes, la seconde celle des Allemands, la troisième est celle du matériel français. Or, jusqu'ici, le ressort en caoutchouc s'est montré carrément mauvais; le ressort en acier est lourd, fragile et peu puissant; le ressort en air est aussi léger que puissant et peu encombrant, mais il ne peut être employé qu'à condition d'avoir trouvé un truc, un tour de main, un joint empêchant l'air de se sauver malgré la pression énorme à laquelle il est soumis. Ce truc, qui constitue le secret du 75, les Allemands ne l'ont pas et ils ont dû remplacer notre matériel à pneumatiques par un matériel à ressorts. Or leurs ressorts sont aussi bons qu'on peut les faire, ils cassent rarement et sont du reste très faciles à remplacer, mais ils ramènent lentement le canon à sa place et sont exposés à ne pouvoir le faire si les glissières sont sales ou détériorées et le canon très incliné. Ce manque de puissance des récupérateurs des Allemands empêche leur canon de 75 d'atteindre la puissance du nôtre. Il possède une vitesse initiale légèrement moindre, un projectile plus léger (soit 13 livres au lieu des 14 livres 1/2 du nôtre), des balles moins lourdes et, par suite, moins efficaces.
Sa rapidité de tir, dans de bonnes conditions, est comparable à celle de notre 75, vingt-cinq coups au maximum, quinze à seize coups en temps normal. Encore faut-il que le canon allemand se trouve dans de bonnes conditions, c'est-à-dire que le canon soit pointé dans la direction exacte de l'axe de l'affût. S'il se trouve tant soit peu à droite ou à gauche, l'affût se déplacera de plus en plus latéralement à chaque coup et il faudra refaire le pointage, ce qui ralentira le tir.
Pour tous les autres détails, les Allemands ont copié notre matériel. Ils ont adopté notre cartouche à obus, notre caisson blindé qu'on place près de la pièce pour avoir les munitions sous la main, nos sièges fixés à la flèche d'affût, notre ligne de mire indépendante, nos galeries porte-sacs, placées contre les dossiers des coffres, etc. Ils étudient nos méthodes de tir qu'il faut s'attendre à les voir démarquer.
Tout cela n'est pas pour nous inquiéter, car, tout compte fait, ils n'arrivent qu'à imiter à peu près ce que nous avons. Mais ce qui doit par contre nous préoccuper, c'est la supériorité numérique écrasante qu'aura bientôt l'artillerie allemande sur la nôtre.
Les Allemands auront en effet, en 1906, 144 canons par corps d'armée alors que nous n'en avons que 96, c'est-à-dire qu'ils disposeront d'un nombre de bouches à feu supérieur de moitié au nôtre.
Dans ces conditions, la lutte ne serait pas possible.
X.
A quelles conceptions stratégiques ont obéi les états-majors français et allemand dans la préparation des grandes manoeuvres de 1903? Nos lecteurs pourront les déterminer de façon très précise en consultant les schémas que nous publions ci-dessous. Les cartes I et II montrent le lieu de concentration des divers corps d'armée et la direction générale qu'ils ont suivie pour s'y rendre. Les cartes III et IV font voir le thème général des manoeuvres pour les troupes des deux pays.
Mode et lieux de concentration par voies ferrées.
Du 5e corps: entre Brienne et Bar-sur-Aube; du 20e corps: en avant de Doulevant-le-Château; du 6e corps (moins la 12e div.): à Vitry-le-François; du corps provisoire (12e div., 5e brigade coloniale et 5e brigade métropolitaine): à Châlons-sur-Marne.
Du 3 au 6 septembre, se sont déroulées les manoeuvres de «corps d'armée contre corps d'armée» et, du 6 au 10, les manoeuvres dites «d'armée contre armée» (deux corps de chaque côté).
Pendant la première période, les combats ont eu lieu dans le sens est-ouest: le 5e corps (Orléans) est en lutte avec le 20e (Nancy), entre Brienne et Doulevant. Le corps provisoire (Paris-Reims) se déploie contre le 6e corps (privé de sa 12e division), entre Châlons et Vitry.
Dans la seconde période, les combats se déplacent dans le sens nord-sud; le 6e corps et le corps provisoire s'unissent contre le 5e et le 20e, devenus alliés, et la bataille finale se livre dans le triangle Vitry-Brienne-Doulevant. C'est l'armée ennemie qui, d'une façon générale, a remporté le plus de succès.
Bien que ces deux périodes de manoeuvres paraissent répondre à un double thème qui serait celui-ci: 1° combats isolés entre corps d'armée français et corps d'armée allemand, placés l'un en face de l'autre; 2° combat final de deux armées, l'une allemande, venant du nord-nord-est, dans la direction Sedan-Châlons, l'autre française, paraissant venir du centre de la France, on doit considérer le thème général des manoeuvres françaises comme beaucoup plus complexe qu'il ne semblerait à première vue.
Le thème général des manoeuvres françaises.
En réalité, les deux périodes de manoeuvres (3-10 septembre) répondaient à l'unique hypothèse que voici: un groupe d'armées allemandes a envahi la France par l'Argonne, et a réussi à traverser la Meuse. Sur la gauche de ce groupe d'armées, une force considérable, opérant de flanc, et venant du Palatinat, s'est avancée entre Nancy et Lunéville, entre Toul et Épinal, jusque dans la vallée supérieure de l'Ornain, petit affluent de la Marne. Là, cette armée détache en avant deux corps, l'un vers Vitry, l'autre vers Doulevant et Brienne, de façon à explorer les deux routes (route de l'Aube, route de la Marne) qui conduisent dans le bassin de Paris. Mais une armée française s'est concentrée derrière la Loire et s'est avancée jusqu'à Troyes. De là, pour riposter à la manoeuvre ennemie, l'armée française lance en exploration un corps vers Châlons, un autre vers Brienne. Des combats d'avant-garde se livrent pendant trois jours entre ces corps d'armée; puis les deux armées, concentrant leurs forces, s'avancent, l'une (l'armée allemande), de la vallée supérieure de l'Ornain vers Vitry, et l'autre (l'armée française), de Troyes vers Brienne, sur la rive droite de l'Aube, où se disputera la bataille décisive, dans un engagement général qui mettrait face à face les Allemands adossés aux Ardennes et les Français ayant derrière eux le plateau de Langres.
Il est à remarquer que l'hypothèse d'une invasion de la France par l'Argonne est une hypothèse fréquemment envisagée par les stratégistes et qui fut, du resté, réalisée une fois dans l'histoire. Quatre fois, en un siècle, la France a été foulée par le pied de l'envahisseur, en 1792, en 1814, en 1815 et en 1870, et chacune de ces invasions s'est acheminée vers Paris par une route différente. En 1792, les Prussiens, conduits par le maréchal de Brunswick, empruntèrent justement cette route de l'Argonne, et ne furent arrêtés qu'à Valmy, en Champagne.
En 1814, Blucher et Schwarzenberg, poursuivant Napoléon, envahirent la France par les vallées de l'Aube, de la Marne et de la Seine.
En 1815, l'armée anglo-prussienne de Wellington, Blucher et Bulow, venant de Waterloo, se dirigea vers Paris par les vallées de l'Escaut, de l'Oise et de l'Aisne.
En 1870, les armées du prince Frédéric-Charles et du Prince Royal purent, après les journées de Sedan et de Metz, atteindre la capitale, sans coup férir, en suivant le cours de tous les affluents de la Seine.
On est en droit de dire que les manoeuvres françaises étaient la répétition, sur une plus vaste échelle, de la campagne désormais fameuse de 1792, où fut battu Brunswick, et où s'immortalisèrent Kellermann et Dumouriez.
En Allemagne: concentration du 8e corps (plus la 25e
brigade de Munster): à Coblentz; du 18e corps (plus
la 28e division de Carlsruhe): à Hambourg.
Après une revue du 8e corps à Coblentz et du 18e à Hambourg par l'empereur, les manoeuvres allemandes ont commencé le 12 septembre entre le corps d'armée national (8e corps) et l'ennemi (18e corps). Elles ont duré quatre jours. Le 8e corps mettait en ligne 6 brigades d'infanterie ou 12 régiments, 2 brigades de cavalerie ou 4 régiments, et 2 brigades d'artillerie ou 24 pièces. Le 18e corps, accru de la 28e division (55e et 56e brigade d'infanterie) lui opposait 6 brigades ou 12 régiments, 3 brigades de cavalerie ou 6 régiments, 3 brigades d'artillerie ou 34 pièces. La supériorité du 18e corps en cavalerie et artillerie lui a valu la victoire hypothétique. L'hypothèse stratégique mise en avant par le grand état-major allemand était l'exacte contre-partie de celle qu'avait adoptée l'état-major français:
Une armée française venant des environs de Nancy a franchi la frontière allemande, s'est engagée dans ce qu'on appelle la trouée de Sarrebruok, c'est-à-dire dans le couloir assez large compris entre les forteresses de Metz et de Strasbourg, entre les Vosges et leur prolongement, le Hardt d'un côté, et de l'autre le Hunsruck. Elle franchit sans encombre le plateau d'Alzey et assiège Mayence. Poursuivant sa route, le long du Mein, entre le Taunus et l'Odenwald, elle va pénétrer dans la Hesse ou la Franconie, quand une armée nationale, se concentrant à Marbourg, détache en avant vers Coblentz un ou plusieurs corps d'armée, avec mission de franchir le Rhin et de tomber sur les derrières de l'armée d'invasion dont une fraction assiège Mayence. Mais l'envahisseur a prévu le danger. Arrêtant un moment sa marche, il dépêche son aile gauche, à travers les contreforts du Taunus, attaquer de flanc l'avant-garde de l'armée allemande détachée vers Coblentz. Notre carte IV montre très exactement la double direction suivie inversement par les deux avant-gardes, ainsi que les manoeuvres fictives ou réelles auxquelles ce thème a donné lieu.
Le thème général des manoeuvres allemandes.
L'état-major allemand, sans doute pour frapper les esprits, avait conféré la supériorité numérique au 18e corps (représentant l'armée française). La victoire est restée, en conséquence, à l'envahisseur.
On fera à ce propos une remarque qui n'est pas dénuée d'intérêt:
Sans parler de la campagne d'Iéna, en 1806, trois exemples anciens ont pu guider l'état-major allemand dans la conception de cette hypothèse stratégique:
1° La marche de Hoche sur le Palatinat en 1793, son échec devant Kaiserslautern et sa revanche devant les lignes de Wissembourg. Le général républicain réussissait à rejeter les Austro-Prussiens au-delà du Rhin, après avoir débloqué Landau;
2° La prise de Cologne, Coblentz et Dusseldorf par le général Jourdan, commandant de l'armée de Sambre-et-Meuse en 1794, et sa victoire d'Altenkirchen;
3° La seconde campagne de Hoche, à la tête de l'armée de Sambre-et-Meuse en 1797, et sa victoire de Neuwied.
Du côté allemand comme du côté français, on a donc trouvé sur ce terrain
historique des leçons à méditer.
J. Delaporte.
Carte montrant les lignes de la Compagnie française des
Câbles télégraphiques sur la côte vénézuélienne.
M. Taigny, chargé d'affaires
de France à Caracas.
Un singulier chef d'État de l'Amérique du Sud, le président Castro, dictateur de la république vénézuélienne, vient de se signaler par une nouvelle fantaisie qui, cette fois, touche directement la France.
Le président Cipriano Castro.
Sous prétexte que la Compagnie française des Câbles ne remplissait pas complètement les obligations de son cahier des charges et n'avait pas assuré de façon parfaite les services télégraphiques avec l'Amérique du Nord, il a fait prononcer la déchéance par les tribunaux à sa dévotion et ordonné la fermeture immédiate de tous les bureaux de la côte, à l'exception de celui de la Guaira, dont il avait besoin pour ses communications avec l'Europe. Ce n'est pas tout: aux réclamations courtoises de M. Désiré Brun, représentant de la Compagnie, il a répondu brutalement par un arrêté d'expulsion.
Ces actes arbitraires, ces abus de pouvoir, constituent à tous égards des illégalités flagrantes; la légitimité de l'annulation du contrat fût-elle admise, qu'elle n'impliquerait nullement une spoliation, et la mesure coercitive prise contre M. Brun, en violation des conventions internationales, ne se justifie pas davantage. Notre gouvernement a donc chargé M. Taigny, remplissant les fonctions de ministre de France à Caracas pendant l'absence de M. Wiener, de remettre au président Castro une protestation et d'exiger de lui les satisfactions que l'affaire comporte.
A Anvers: une crevasse produite par le glissement
des quais dans le port.--Phot. A. Pierre.
Il vient de se produire, dans le port d'Anvers, un accident assez peu ordinaire: dans la nuit du 17 au 18 septembre, les quais du Sud étaient entraînés vers l'Escaut par un mouvement de glissement. Les murs, ne pouvant résister à la pression des terres, s'écroulaient sur une longueur de 150 mètres. Les terres n'étant plus retenues continuaient leur marche au fleuve et, en quarante-huit heures, se déplaçaient d'un mètre et demi. Sous cette poussée, les conduites d'eau actionnant les grues hydrauliques étaient rompues, les rails des voies ferrées tordus, arrachés, et, enfin, un hangar destiné à recevoir les marchandises s'affaissait à ce point qu'on dut le démolir. Les ingénieurs multiplient les travaux pour enrayer le mal et de nombreuses équipes d'ouvriers sont nuit et jour occupées sous leurs ordres. On évaluait les dégâts à plus de deux millions de francs.
A Paris: Sa Béatitude Mgr Elias Hoyek, patriarche
maronite, en fiacre.
Paris compte depuis quelque temps parmi ses hôtes de marque Mgr Elias Hoyek, patriarche' maronite d'Antioche et de tout l'Orient, commandeur de la Légion d'honneur. Il vient de Rome, où il est allé présenter ses hommages au pape Pie X; le rite dont il est le plus haut dignitaire et qui compte la majeure partie de ses adeptes au Liban appartient en effet, on le sait, à la religion catholique. Mgr Hoyek est âgé de soixante et un ans; il a été élu en 1899. C'est un homme robuste, de belle prestance; son visage ouvert, encadré d'une barbe épanouie, blanche comme la neige, porte l'expression de l'intelligence, de la finesse et de la bonté; il est vêtu d'une longue soutane, par-dessus laquelle se drape une ample houppelande aux longues manches, et coiffé d'une sorte de turban de soie noire.
L'éminent prélat a déjà visité Paris, antérieurement à son élévation au patriarcat. Il y revient aujourd'hui pour affirmer la fidélité des maronites à la France, au service de laquelle il a toujours mis l'influence considérable qu'il exerce dans cette région de l'Orient; aussi notre gouvernement, à son arrivée, l'a-t-il reçu avec les plus grands égards, et c'est le ministère des Affaires étrangères qui a pourvu à son installation durant le séjour que fait chez nous «Sa Béatitude», accompagnée de trois autres prélats et d'une suite nombreuse.
Maison du riche arménien Toumanoff détruite par les Tatars. | Maison du riche tatar Alieff bombardée par les cosaques. |
Rue de la Marine: une victime.
Les désordres terribles qui ont ensanglanté et ruiné Bakou semblent avoir pris fin. Le calme paraît rétabli. La troupe est enfin maîtresse de la ville. On a annoncé que les belligérants, Arméniens et musulmans, avaient fait la paix, comme après une campagne. On va pouvoir évaluer les tristes résultats de l'émeute, en attendant qu'on songe à réparer les ruines qu'elle a causées.
Mais, sans doute, n'aurons-nous, sur les scènes effroyables de violence, de meurtre, qui se sont déroulées pendant des semaines entières, que peu de documents. Les habitants terrifiés ne songeaient qu'à fuir, à quitter en toute hâte, sans regarder derrière eux, cette ville livrée à toutes les horreurs de la guerre civile. Les amateurs photographes les plus fanatiques sentaient bien que ce n'était guère l'heure ni le lieu d'augmenter leur collection d'un «bel instantané». Il leur eût fallu une vaillance peu commune pour l'oser. A peine, de-ci de-là, quelqu'un dut-il avoir le sang-froid de photographier, à la dérobée, quelque cadavre étendu dans une rue balayée par la trombe des émeutiers et attendant au grand soleil la sépulture, ou encore cet attelage de boeufs abattu à coups de fusil--après son conducteur--par une troupe de furieux.
Un réservoir de naphte incendié.
On a surtout photographié des ruines, qui attestent d'ailleurs assez éloquemment quelle fut la violence de la lutte et à quels excès on s'est porté.
Aucun des deux camps n'a montré moins de passion sanguinaire et destructrice que l'autre. On s'entre-tuait en conscience; on brûlait, on pillait, on démolissait les maisons, les exploitations industrielles avec un pareil entrain.
Attelage d'un Arménien assassiné.
Entre les deux partis--contre les deux serait plus juste--avec cette consigne de «rétablir l'ordre», les cosaques tiraient à l'aveuglette tour à tour sur les Tatars et sur les Arméniens. Et si la maison de Toumanoff, un des plus riches Arméniens de Bakou, a été incendiée par les Tatars, en revanche, la maison du Tatar Alieff, un notable, aussi, parmi les siens, a été bombardée par les cosaques eux-mêmes.
Les pertes matérielles qui résultent de cette émeute sont incalculables, et les compagnies qui exploitaient les sources de naphte, comme celles qui leur servaient d'auxiliaires, compagnies de transports, par exemple, ont subi des dommages presque irréparables.
Un des chariots boers que les Allemands utilisent pour
leurs convois de ravitaillement dans le Sud-Ouest africain.
Une dépêche du Cap, en date du 20 septembre, annonçait un nouvel et grave échec des troupes allemandes dans la campagne entreprise pour la répression des indigènes rebelles: pendant la marche du général de Trotha contre Henrik Witboï, celui-ci, se dérobant à la colonne principale, attaqua son long convoi près de Keetmansoop surprit l'escorte et l'anéantit complètement: mille têtes de bétail, une centaine de fourgons de munitions, quantité de fusils auraient été pris.
Une rue indigène à Swakopmund,
sur la côte de l'Atlantique.
C'est, on s'en souvient, au commencement de l'année dernière, qu'éclata la révolte des Herreros, une des peuplades de la colonie allemande du Sud-Ouest africain, dont elle occupe la partie septentrionale, le long du littoral de l'océan Atlantique, jusqu'à la colonie portugaise de Mossamedès [2] Les Herreros ou Beest-Damara (Damara du bétail) appartiennent à une des plus belles races de l'Afrique; ils sont de haute stature, vigoureux, de physionomie assez ouverte, mais de caractère irritable et, pour peu que la lutte les surexcite, enclins à la férocité. Au nombre de cent mille, ils ont pu mettre sur pied environ trente mille guerriers, aujourd'hui bien entraînés; quoique la plupart d'entre eux aient conservé la tenue sommaire des sauvages, ils ont emprunté aux Européens certaines de leurs façons de combattre et savent faire «parler la poudre», le fusil à la main.
[Note 2: Voir L'Illustration du 30 janvier 1904.]
Un beau type de Herreros.
Il fallait compter sérieusement avec de pareils adversaires, favorisés d'ailleurs par les conditions naturelles du pays et par l'agitation belliqueuse de peuplades voisines, Hottentots, Ovambas. L'Allemagne l'a constaté à ses dépens: depuis bientôt deux ans que dure cette campagne, elle lui a déjà coûté la vie de près de deux mille soldats et plus de trois cents millions de francs; à diverses reprises, et récemment encore, elle a dû expédier là-bas des renforts considérables, hommes, chevaux, artillerie, matériel, service d'ambulances.
Le général de Trotha va, il est vrai, avoir un successeur en qualité de gouverneur de la colonie: M. de Lindiquist, ancien consul général au Cap, qui se fait fort de réaliser promptement la pacification par des mesures énergiques; un avenir prochain nous apprendra si sa tâche est aussi aisée qu'il le présume.
En somme, au bout de vingt ans, l'Allemagne n'a pas réussi à consolider définitivement sa domination dans le Sud-Ouest africain. Après s'y être établie en 1884, elle n'y a ménagé ni les hommes, ni les capitaux; elle y a multiplié les ouvrages fortifiés, les casernes; elle s'est efforcée d'y attirer les Boers, notamment à l'époque de la guerre du Transvaal, et, malgré tout, son oeuvre coloniale n'est guère plus avancée qu'au début. Aussi, ces soulèvements d'indigènes, cette résistance prolongée des Herreros, ne sont-ils pas, à l'heure présente, un des moindres soucis du gouvernement de Berlin.
Le gouvernement de la République prépare à Savorgnan de Brazza des funérailles solennelles. En attendant, il a veillé à ce qu'aucun honneur ne fût marchandé à la dépouille mortelle du grand explorateur, amenée à Marseille par le paquebot les Alpes, au moment où elle allait toucher la terre de France. Mais, quelques devoirs qu'on lui prodigue, rien ne saurait effacer, dans le souvenir de ceux qui accompagnaient de Brazza dans son voyage, la vision de son débarquement à Dakar lorsque, terrassé par la maladie, il dut quitter la Ville-de-Maceio, qui le rapatriait, laissant les compagnons de son dernier labeur poursuivre leur route vers la patrie, tandis qu'il s'en allait expirer à l'hôpital, sur cette terre d'Afrique où il avait accompli une si grande oeuvre, au temps de sa belle vigueur.
Maison occupés par M. de Brazza, à Brazzaville.
Le vapeur Dolisie amenant la mission de Brazza à
Brazzaville.
Il prévoyait, dès ce moment, sa fin prochaine, et ses adieux calmes et touchants à M. Hoarau-Desruisseaux, inspecteur général des colonies--à qui il confiait la direction de la mission--montrèrent qu'il ne conservait aucune illusion sur le sort qui l'attendait.
C'était déjà un agonisant que des marins tout blancs transportèrent, le 13 septembre, du bord dans une chaloupe à vapeur et débarquèrent sur le wharf de Dakar; un moribond qui ne pouvait déjà plus supporter la lumière du jour, et qui gisait presque inanimé sur ce brancard, drapé comme d'un poêle funèbre, pour le protéger contre le grand soleil.
Le petit vapeur transbordant M. de Brazza malade à
l'appontement de Dakar.
Le retour: en vue de Dakar.--La civière de M. de Brazza
accrochée au palan qui va descendre l'explorateur, du paquebot à bord du
petit vapeur côtier.
M. Gentil. Mme de Brazza. M. de Brazza.
L'arrivée à Brazzaville.--Mme de Brazza, au bras de M. Gentil, et suivie
de Savorgnan de Brazza, débarque du Dolisie.
Le débarquement de M. de Brazza mourant, à l'appontement
de Dakar.
L'hôtel du commissaire général, M. Gentil, à
Brazzaville.
Tandis que son cercueil s'en venait vers la France, des polémiques regrettables--à tout le moins intempestives--se sont élevées au sujet de ce Congo, dont M. de Brazza était chargé de préparer l'organisation définitive. Une lettre de lui a été livrée à la publicité, qui adresse à M. Gentil, commissaire général du Congo, des reproches assez vifs. M. Émile Gentil, qui avait précédé le retour de la mission, est défendu énergiquement par ses amis, car, malade en ce moment, il est dans l'impossibilité de se défendre lui-même. Nous nous garderons de prendre parti dans ce débat: les rapports de la mission Brazza sont aux mains de M. le ministre des Colonies. Il entendra M. Gentil. Les pièces du procès seront publiées. Alors seulement on pourra prononcer équitablement.
Ce sont deux bons Français que cet incident oppose l'un à l'autre. Il faut souhaiter que leur gloire à tous deux sorte indemne de ce débat.
Un des principaux indigènes reçus par M. de Brazza: le chef Bankoy, du village M'Pili, et sa suite. |
M. Hoarau-Desruisseaux, inspecteur général, qui a présenté les rapports de la mission au ministre des Colonies. |
Sur l'appontement, de Dakar.--Le transport de M. de
Brazza à la voiture d'ambulance qui va le conduire à l'hôpital.
Campement de la population de Pizzo, sur le
rivage.--Phot. A. Croce.
Campement dans un train.
--
Phot. comm. par M. de Mouy.
Il faudra de longs mois, sans doute, avant que la vie ait repris son cours normal aux champs désolés de la Calabre. Le sol y tremble encore, on y vit toujours dans l'inquiétude, dans les transes, et chaque soleil qui se lève éclaire là-bas des scènes navrantes, des drames quotidiens de misère et de douleur. A-t-on, même, pu évaluer jusqu'à présent, d'une façon précise, les désastres causés par la catastrophe?
Aux pays ravagés par le tremblement de terre, la plupart des maisons, comme on sait, ont été détruites. C'étaient, le plus souvent, en certains endroits dans la campagne, de misérables huttes aux murs de terre, de pisé, aux toits fragiles. Les bâtiments solidement construits, les gares de chemin de fer, par exemple, édifiées en bonnes briques, ont presque partout résisté. Les cabanes des paysans se sont écroulées, dès les premières secousses sismiques, plus facilement que des châteaux de cartes, ensevelissant trop souvent sous leurs décombres ceux qu'elles abritaient.
Mais, même parmi les demeures qui ont échappé à la destruction immédiate, combien sans doute ont dû et doivent encore être abattues, parce qu'elles n'assuraient plus à leurs hôtes un logement assez sûr, et que leurs murailles, ébranlées par les premiers assauts, menaçaient ruine. L'épisode que reproduisent d'une façon si saisissante trois de nos photographies, où l'on voit s'écrouler en trois temps, comme dans un cinématographe, un pan de mur d'une maison de Parghelia, est une scène de tous les jours, à laquelle doivent commencer à s'accoutumer les malheureux sinistrés. Que de pauvres gens qui, au premier examen, s'imaginaient pouvoir réoccuper le soir la maison qu'il leur avait fallu fuir, affolés, dans la nuit du désastre, ont dû renoncer à cet espoir chimérique et se sont trouvés, le lendemain, sans abri, comme les voisins!
Le théâtre de Martirana transformé en hôtellerie
commune.--Phot. A. Croce.
Chute d'un pavillon à Parghelia (1re phase). | Chute du pavillon (2e phase). | Chute du pavillon (3e phase): un nuage de poussière. |
Instantanés communiqués par le vicomte Roger de Mouy, consul de France.
L'une des premières préoccupations du roi Victor-Emmanuel, au cours de son voyage à travers la contrée dévastée, avait été d'assurer des asiles momentanés à ces populations sans feu ni lieu et, sur son ordre, dans les bourgades qu'il traversait, des soldats --dont le dévouement dans ces circonstances si pénibles a été héroïque et touchant--s'occupaient à construire des baraquements pour recevoir ces malheureux.
Il en était qui, sous la frayeur encore que leur avaient causée les événements dramatiques dont ils venaient d'être témoins, n'eussent consenti qu'à grand'peine à se réfugier sous un toit. Ils s'établirent comme ils purent, campèrent dans des wagons de chemin de fer, ou s'endormirent en plein champ. A Pizzo, la population s'installait, au lendemain du désastre, sur la plage, au bord des flots.
A Martirana, on transforma en hôtel le théâtre de la petite ville. Des familles y logèrent comme elles purent, au milieu du parterre, sur la scène, dans les couloirs. Les plus favorisés de ces infortunés furent ceux qui purent, arrivés les premiers, retenir quelque loge, bien étroite sans doute, et y improviser leur chambre à coucher.
Et dans quelles conditions inconfortables, dans quel dénûment, pour tout dire, il faut vivre! On a tout perdu. Les ustensiles les plus indispensables sont demeurés ensevelis sous les débris des maisons écroulées.
Tant qu'il fait jour, aidés par la troupe, les pauvres sinistrés vont et viennent sur les ruines de leurs anciennes demeures, essayant de retirer du milieu des décombres les morceaux de leurs lits, quelques pièces de vêtements, souvent dans quel état, grand Dieu! ou quelque pièce de leur mobilier rustique. Et c'est un spectacle étrangement poignant que de voir circuler, entre des murailles branlantes, ces sauveteurs emportant des planches fendues, quelque panneau d'armoire, le tiroir d'un buffet, des chaises bancales, un sac de linge, des vaisselles sorties ébréchées à peine de ce cataclysme, et risquant leur vie pour sauver ces épaves! Une atmosphère pestilentielle plane sur ces maisons éboulées, sur ces murs qui vacillent, sur ces amoncellements de pierres, de poutres, qui recèlent encore des cadavres en décomposition, et que fouillent et déblayent des soldats, défaillant parfois devant les douleurs dont ils sont les témoins. C'est vraiment le pays de l'épouvante et de la désolation.
Comment décrire, encore, ces hôpitaux pleins de gémissements et de râles, regorgeant de blessés, de malades, de patients demi-fous et qui conservent encore dans leurs yeux hagards les visions effroyables qui les frappèrent dans la nuit du désastre? Ce sont des impressions qu'on ne peut supporter qu'à condition d'avoir les nerfs solides, le coeur cuirassé du triple airain du poète! E. M.
APRÈS LE TREMBLEMENT DE TERRE.--Femmes blessées à
l'hôpital de Catanzaro.
--Phot. A. Croce.
Croquis exécuté en 2 minutes 55 secondes, pendant l'éclipse totale, à Sfax (Tunisie). | Dessin de reconstitution de l'éclipse totale exécuté d'après le croquis ci-contre. |
M. l'abbé Moreux, directeur de l'observatoire de Bourges, était à la tête de celle des missions françaises qui avait choisi Sfax, en Tunisie, pour observer l'éclipse totale du 30 août dernier. Il a bien voulu nous communiquer le croquis qu'il a exécuté pendant l'éclipsé même et le dessin qu'il a fait ensuite d'après ce croquis, en expliquant à nos lecteurs «comment--et pourquoi--on dessine une éclipse de soleil».
Malgré tout ce que les journaux ont publié, nous ne pensons pas faire injure à nos lecteurs en supposant que bien peu d'entre eux se font une idée nette d'une éclipse totale. On pense généralement que la beauté d'un semblable phénomène est réservée aux seuls initiés, aux astronomes surtout, munis de puissants instruments. En réalité, c'est exactement le contraire. Beaucoup de ceux qui sont attachés aux missions scientifiques céderaient volontiers leur place derrière un instrument pour pouvoir observer à leur aise et en dilettanti le spectacle merveilleux d'une éclipse totale.
A ceux qui m'interrogent à ce sujet, je me plais toujours à citer les paroles du célèbre Warren de La Rue. On lui demandait un jour quel instrument il préférait pour observer une éclipse: «Un coussin», répondit-il.
C'est qu'en effet le spectacle d'une éclipse totale ne revêt jamais dans un instrument le caractère de grandeur et de beauté du phénomène vu à l'oeil nu. La moindre lentille interposée entre l'oeil et la couronne solaire suffit à enlever une partie de la faible luminosité de ce voile léger et ténu auréolant le soleil à la façon d'une gloire et dont la constitution intime est le but de toutes les missions scientifiques.
L'un des points les plus essentiels est l'extension de cette lumière coronale qui varie avec l'activité solaire; or, il est d'expérience que la plaque photographique est impuissante à déceler les dernières limites de la couronne atteintes par un oeil expérimenté.
De là la nécessité, quand on le peut, de mettre au programme le dessin du phénomène pour fixer la forme des régions lointaines de cette sorte d'atmosphère cométaire.
Les lecteurs de L'Illustration ont donc sous les yeux la représentation de l'éclipse telle qu'un spectateur doué d'une bonne vue pouvait l'apercevoir le 30 août à Sfax.
Le premier dessin est le croquis de l'éclipse exécuté en 2 minutes 55 secondes.
La durée de la totalité à Sfax, quoique supérieure de plusieurs secondes à ce chiffre, ne m'a pas permis de consacrer au dessin tout le temps disponible, car je devais noter l'heure exacte des contacts et mon programme se doublait en quelque sorte.
Plusieurs minutes avant la totalité, j'ai pu suivre l'empiétement du disque lunaire sur le disque brillant du soleil à l'aide d'une lunette équatoriale. Les pics de la lune se découpaient très nettement sur le fond d'un jaune d'or éclatant. En même temps l'éclat du croissant diminuait peu à peu et, 30 secondes avant la totalité, le verre noir qui protégeait l'oeil devenait inutile.
Je pus alors constater que le mince croissant solaire se déchiquetait, offrant de nombreuses solutions de continuité. On eût dit les grains d'un chapelet brillant disposés en demi-cercle autour du disque noir de la lune. Ce phénomène est connu sous le nom de grains de Baily et, sur mon croquis, je l'ai indiqué comme atteignant sa visibilité maximum 5 secondes avant la totalité.
A ce moment la couronne apparut sur le côté opposé lançant ses rayons dans le ciel déjà obscurci; puis les derniers grains brillants disparurent, je pressai le bouton électrique du chronographe: l'éclipse était commencée.
On n'imagine guère l'activité qu'il faut déployer alors pour faire l'esquisse sommaire que vous avez sous les yeux.
Il ne peut être question de rendre l'effet produit. Il faudrait toute la gamme des couleurs et un temps beaucoup plus long que celui des plus longues éclipses atteignant 6 minutes au maximum.
On doit donc se borner à noter sur un papier préparé à l'avance et où l'on a tracé des circonférences éloignées entre elles d'un demi-diamètre solaire, les formes de la couronne. Cette esquisse doit se faire comme tous les dessins à main levée, c'est-à-dire que l'on indique d'abord les grandes lignes, se réservant ensuite le dessin de détail, s'il reste du temps.
Afin de laisser l'oeil s'habituer aux teintes faibles de la couronne extérieure, je commence par les parties basses et voisines du soleil. Elles étaient limitées, cette année, par un anneau brillant de couleur dorée, dont l'intérieur avait une teinte lumineuse d'un bleu pâle rappelant celui de certains globes électriques.
A mesure que le dessin avance, il ne faut pas oublier que les secondes s'écoulent et l'on est obligé de jeter de temps en temps les yeux sur le chronomètre dont les aiguilles sont soumises à l'inexorable loi du temps. Souvent c'est un aide qui vous indique le nombre de secondes écoulées. Cette fois je n'avais pas même cette ressource, mes collaborateurs étant occupés à d'autres travaux; mais l'éclipsé fut tellement lumineuse que, pendant toute la durée de la totalité, je pus lire l'heure du chronomètre à 1m,50 de distance.
Les chiffres inscrits au crayon sur le croquis ne sont autres que les secondes indiquées au chronomètre à mesure que le dessin avançait. Une minute et demie avant la fin je pus aborder le dessin de détail; mon oeil habitué à l'obscurité put saisir certains rayons à un diamètre et demi du soleil. L'extension n'a pas été très grande, ainsi qu'on pouvait le prévoir en raison de la période de maximum d'activité solaire coïncidant avec l'époque de l'éclipse. J'ai omis les protubérances roses, dont deux étaient argentées au sommet, et qui donnent une belle coloration rouge à la partie voisine du soleil. Ce détail n'aurait aucun intérêt puisque les formes protubérantielles sont parfaitement obtenues à l'aide de la photographie.
Il sera intéressant dans quelques jours de comparer cette esquisse et le dessin terminé avec la représentation photographique.
Nos plaques obtenues avec des poses relativement longues et des objectifs extra-lumineux vont être développées de manière à obtenir le rendement maximum dans les parties faiblement impressionnées.
Avant de clore cette note, je tiens à parler d'une conclusion très intéressante résultant de nos expériences: il y a grand intérêt à calculer exactement la durée de la totalité et à la comparer à la durée observée afin de vérifier certaines données astronomiques.
Pour m'aider dans cette vérification, M. Paul Ditisheim, dont la réputation de chronométrie est connue du monde entier, a bien voulu construire et mettre à ma disposition un chronographe enregistreur au centième de seconde. La précision réclamée par les faits était dépassée, mais l'appareil, qui a fonctionné merveilleusement, nous a montré que nous devions désormais introduire de sérieuses corrections dans nos tables des diamètres lunaires servant à calculer les éclipses; la différence entre le calcul et l'observation atteignant près de 3 secondes sur la durée de la totalité.
Ce fait a été confirmé d'une manière indirecte par deux observateurs
qui, placés l'un à Sousse, l'autre à Gabès, n'ont pas joui de l'éclipse
totale alors que ces deux localités étaient comprises dans la zone de
totalité indiquée par le Bureau des longitudes. Nous avons donc besoin
de quelques éclipses pour connaître le soleil et rédiger nos tables
astronomiques.
Abbé Th. Moreux.
LE DÉBARQUEMENT ET LA PESÉE DES MORUES A GRANVILLE
Voici un épisode de la vie maritime qui a bien souvent retenu et amusé les oisifs baigneurs en villégiature ou les touristes de passage à Granville. La balance énorme, à plateaux de bois soutenus par de robustes filins, est installée sur le navire même qui s'amarre à quai, le fléau suspendu à un gui, à une vergue. On pèse d'abord 50 kilogrammes de morues équilibrées avec des poids marqués, puis, ces poids retirés, on les remplace par un poids égal de poissons, auxquels fait contrepoids la charge de l'autre plateau. Alors, dès qu'on a débarrassé celui-ci --et tandis que les femmes, échelonnées sur les barreaux de l'échelle, se passent les morues, en les comptant d'une voix monotone, jusqu'à la charrette qui les attend au haut du quai--on le charge de nouveau d'une quantité suffisante pour équilibrer ce que porte le second plateau, si bien que le travail peut se poursuivre sans interruption, sans perte de temps.
On a procédé récemment à l'inauguration de deux monuments destinés à perpétuer la mémoire d'illustrations nationales ayant des titres divers à ce définitif hommage.
A Paris d'abord, le 22 septembre, date anniversaire de la proclamation de la première République, en 1792, la statue de Camille Desmoulins, dont, au cours d'une cérémonie solennelle, M. Henry Maret, député, président du comité; M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts, et M. Clémentel, ministre des Colonies, furent les éloquents panégyristes. Le nom seul du tribun journaliste suffit pour évoquer la fameuse scène historique racontée par les moindres précis scolaires et popularisée par l'image: au Palais-Royal, le 12 juillet 1789, un jeune avocat juché sur une table, jetant à la foule irritée du renvoi de Necker un vibrant appel aux armes, arborant la cocarde verte qu'aussitôt ses auditeurs cueillent aux branches des arbres; faisant, en un mot, le geste décisif qui entraîna le peuple à l'assaut de la Bastille. Le souvenir matérialisé de cet épisode avait sa place dans le jardin du Palais-Royal, à l'endroit même où l'orateur révolutionnaire prononça ses paroles enflammées, en face du passage central conduisant à la galerie d'Orléans; c'est là que, exhaussé d'un socle de granit assez bas, debout, le bras droit étendu, la jambe et le bras gauches appuyés sur une chaise, se dresse le Camille Desmoulins de M. Boverie, à qui on doit déjà une statue remarquée de Baudin.
Hippolyte Taine, lui, n'a pas participé à l'histoire comme acteur; mais, homme d'étude, investigateur patient et sagace, esprit indépendant, il l'a rigoureusement passée au crible de la critique et sa méthode, son enseignement, ont exercé une influence considérable sur plus d'une génération. Au-dessous des dates de sa naissance et de sa mort, 1828-1893, l'inscription lapidaire du monument qui vient de lui être érigé à Vouziers, devant sa maison natale, dans la rue maintenant baptisée de son nom, résume d'une façon aussi exacte que concise le caractère du penseur et de l'écrivain: elle atteste la sérénité, la fermeté d'une intelligence appliquée, avec l'unique amour de la vérité, à la recherche des causes les plus hautes des choses en matière philosophique, historique et littéraire. Dimanche dernier, en présence de M. Dujardin-Beaumetz et des notabilités locales, on découvrait l'oeuvre du sculpteur ardennais Stanislas Martougen, un buste sévère, supporté par une stèle au pied de laquelle une Muse est accoudée sur une pile de volumes représentant l'énorme labeur de l'auteur de Thomas Graindorge et des Origines de la France contemporaine.
Monument de Taine, à Vouziers. |
Monument de Camille Desmoulins, au Palais-Royal. |
Comment on repeint un mât de pavillon au sommet d'une
maison gratte-ciel à New-York.--Phot. Grantham Bain.
Nous constatons chez nous, depuis quelques années, une tendance marquée à bâtir dans les grandes cités, à Paris surtout, des maisons beaucoup plus hautes qu'autrefois; mais, sous ce rapport, la France est encore bien loin d'égaler l'Amérique: nos immeubles à sept ou huit étages ne sont que des jouets lilliputiens auprès de ces constructions gigantesques qui en comptent douze, dix-huit et même davantage. A New-York, par exemple, le Park-Row building, l'édifice privé le plus élevé de la ville, domine tous les autres de son dôme décoré de statues colossales et couronné d'une lanterne au sommet de laquelle flotte un drapeau. S'agit-il de réparer la toiture, de repeindre le mât terminal: après l'ascension à l'intérieur, où ne manquent sans doute ni les ascenseurs ni les échelles, l'ouvrier chargé de ce soin est obligé de se hisser extérieurement jusqu'au faîte et de s'accrocher dans le vide au moyen de cordes. Voilà certes un homme qui doit faire preuve d'une rare agilité de gymnaste, avoir la tête solide et n'être point sujet aux terribles affres du vertige.
L'établissement de l'influence française au Maroc aurait-il une répercussion sur les intérêts des chasseurs français? C'est bien possible et voici comment. La caille est un oiseau migrateur, qui passe l'hiver au Maroc et en Égypte, et qui, en été, monte en Europe et en France particulièrement. Les plus belles sont celles qui viennent du Maroc: celles d'Égypte sont moins grasses, leur long voyage aérien les ayant fatiguées. Mais il n'en vient pas autant qu'il devrait. Ceci tient à ce que des industriels anglais et allemands se rendent en Égypte et au Maroc pour capturer les oiseaux au moment où ils vont prendre leur vol vers le nord. Les cailles, venant de l'intérieur du pays, un peu éprouvées par leur premier vol, se reposent quelques jours. C'est à ce moment que des bandes d'Arabes, payés par les industriels en question, pourchassent les oiseaux, les étourdissent avec des branchages et les prennent vivants pour les expédier aussitôt en Angleterre et en Allemagne en évitant la France où ce trafic est défendu. C'est ce qui fait que nos champs sont privés d'une partie du contingent de cailles qui, autrement, seraient venues nous rendre visite. Si l'influence française devient prépondérante au Maroc, il faudra voir à mettre fin à ce trafic et à empêcher des industriels étrangers de venir, non nous couper l'herbe sous le pied, mais nous retirer la caille au moment où elle allait prendre le chemin de notre bouche. Cela fera l'affaire des chasseurs et aussi du consommateur français. Un prétendu signe de la race mongole.
Chez la plupart des nouveau-nés japonais, on constate, au niveau de la région sacro-coccygienne, une ou plusieurs taches bleues, dont les dimensions varient entre celle d'un petit pois et celle de la paume de la main. Il n'est pas rare d'en trouver également dans la région des épaules. Au bout de quelques mois, ces taches disparaissent.
Considérées d'abord comme propres aux Japonais, ces taches ont été ensuite retrouvées chez d'autres peuples mongols, et on leur attribua alors la valeur d'un caractère de race. Mais voici que plusieurs observateurs contestent cette conclusion.
C'est d'abord M. Adachi, qui a constaté l'existence de cellules pigmentaires spéciales dans la région sacro-coccygienne chez le singe et chez les enfants de toutes races, colorées ou non. Il suffit que ces cellules soient un peu plus abondantes que normalement pour que les taches apparaissent. Et, en effet, M Kocko Fujisawa, à Munich, a retrouvé ces taches chez plusieurs enfants nouveau-nés, dont les familles étaient exemptes de tout mélange mongol.
Il est bon que l'on connaisse l'existence et le caractère passager de ces taches; car le chirurgien pourrait être tenté de les enlever et, à leur place, on provoquerait des cicatrices indélébiles.
Petit problème de physique: un corps quelconque pèse-t-il, chaud, autant, plus, ou moins que le même corps froid? Remarquez que ceci peut avoir de l'importance en physique du globe: l'attraction entre corps, qui se manifeste par la gravitation, pourrait changer et varier. L'idéal serait de pouvoir mesurer cette attraction entre corps identiques à des températures très différentes; mais l'expérience ne peut guère se faire. Alors un physicien anglais, M. Poynting, a procédé autrement. Il a cherché à voir si un corps, pour lequel on a pris la tare à la balance à une température donnée, conserve le même poids à une autre température beaucoup plus basse ou plus élevée. L'expérience est très délicate et demande beaucoup de soins. Elle a montré que le corps solide échauffé à plus de 100° est un peu plus léger que le même corps à 15°. La différence est très faible: 3 millièmes de milligramme pour un solide de 208 grammes de poids. De façon générale, la différence de poids n'est pas même de 1 pour dix puissance dix pour un degré de température de différence. La différence existe, mais elle est infinitésimale. Pendant réchauffement ou le refroidissement du corps en expérience, il se fait des variations (apparentes) de poids assez considérables; mais ceci est éphémère: le corps échauffé qui d'abord semble perdre une proportion assez importante de son poids en récupère la plus grande partie et se montre, une fois échauffé, n'avoir qu'un poids très légèrement inférieur à celui qu'il avait à basse température.
Devant la cabane Vallot. | A l'observatoire de M. Janssen. |
UN GROUPE D'OFFICIERS ITALIENS AU SOMMET DU MONT-BLANC.--Photographies Brocherel
Le 2 septembre dernier, une caravane de dix-sept personnes accomplissait l'ascension du Mont-Blanc par le versant orienté du côté de l'Italie, en suivant la route du Dôme, de beaucoup plus longue et plus fatigante que celle de Chamonix. Il ne s'agissait pas de touristes ordinaires; elle se composait, en effet, en majeure partie, de militaires italiens, dont huit officiers: le colonel Canton, les lieutenants Feretti, Sarti, Allosio, Baccon, Blanchi, Morello, Vignola et six soldats, accompagnés de deux guides de Courmayeur et M. Brocherel, auquel nous devons les vues photographiques reproduites ici. Cette caravane se dirigea d'abord vers le refuge Vallot, où elle s'arrêta pour se restaurer; puis, continuant son itinéraire, elle gagna les Bosse?, où elle trouva un sentier tracé par les porteurs de l'observatoire Janssen. Après avoir atteint victorieusement la calotte du mont, elle reprit à la descente le même chemin qu'à la montée, ayant, pendant toute cette expédition accidentée, affronté les passages difficiles et les violentes tourmentes de neige avec la vaillance et l'endurance d'alpinistes déterminés.
Un arbre phénomène (170 mètres de circonférence) non loin
de Pretoria.--Phot. Lasne.
Le fameux figuier de Roscoff, en Bretagne, apparaîtrait comme un chétif buisson auprès de l'arbre phénoménal dont nous donnons ici la vue, et qui ombrage un coin de terre au Transvaal, non loin de Pretoria. Il a 20 mètres de hauteur, 55 de diamètre et 170 de circonférence. Comme le figuier breton, il a plusieurs troncs, et telles de ses branches, retombées vers le sol, y ont pris racine. Mais le pied principal mesure seul 25 mètres de circonférence, et tous ses troncs sont parfaitement solidaires les uns des autres, de sorte qu'il s'agit bien, en réalité, d'un seul arbre.
Quant à l'âge exact de ce géant, on l'ignore, mais il dépasse certainement quatre cents ans, car les premiers émigrants arrivés dans le Sud-Africain après la révocation de l'édit de Nantes, le connurent, ainsi que l'attestent des pièces retrouvées aux archives de Pretoria, dans le même état où il est actuellement.
Personne n'a oublié la recette qui, dans une scène mémorable de la Cagnotte, est donnée par un des personnages de la pièce contre le mal de dents. «Vous prenez une taupe, dit-il, une jeune taupe de cinq à six mois.» Mais la suite de la recette manque, la conversation changeant de sujet. Pour la trouver, il faut chercher dans le folklore où elle a d'ailleurs été prise.
Le «dogme de la taupe» n'est point une invention de dramaturge: c'est une réminiscence, c'est le rappel d'une superstition qui a eu longtemps cours. Au pays de Baugé, M. C. Fraysse a recueilli l'histoire tout au long, et il l'a racontée dans la Revue des traditions populaires. Le procédé dont il s'agit, aussi cruel qu'imbécile, ce qui n'est pas peu dire, consistait à prendre une taupe mâle--il n'est rien dit de l'âge qu'elle devait avoir--et à lui inciser la peau. Puis on introduisait l'index entre cuir et chair jusqu'à ce que la malheureuse bête mourût, ce qui pouvait être assez long, soit dit en passant. La taupe morte, on retirait l'index et on le posait sur la dent malade qui aussitôt cessait d'être douloureuse.
En réalité, par ce procédé, on faisait prendre patience aux gens, en même temps qu'on les amenait à s'auto-suggestionner. Tout a une fin, même le mal de dents; et, en imposant au malade une occupation qui devait certainement durer quelques heures, on courait quelque chance de voir le mal cesser vers le moment où l'occupation prenait fin par la mort de l'animal. Pourtant la taupe pouvait être, et était, employée aussi d'une façon plus expéditive: façon plus cruelle encore, tout en restant aussi imbécile. On coupait les quatre pattes à une taupe vivante et on les mettait sur la tête de l'enfant atteint du mal de dents. En réalité, disait la tradition, une seule patte suffit. Mais on ne savait pas bien si l'une des quatre n'avait pas plus de vertu que les autres et, pour plus de sécurité, on employait les quatre.
La taupe servait encore à combattre les convulsions des enfants. On en attachait une vivante au cou du malade. Sans doute, il en éprouvait quelque frayeur qui le remettait d'aplomb; trouvant le remède pire que le mal, il se décidait à guérir: chose facile dans le cas de convulsions d'ordre hystérique.
Cette médecine populaire, à la fois niaise et cruelle, n'est pas encore morte dans les campagnes: elle existe toujours, elle a ses adeptes et ses fervents: des survivants attardés du moyen âge.
Cette substance, à joindre à plusieurs autres qui ont aussi la propriété précieuse de supprimer la douleur, porte un nom de dimensions redoutables. C'est le chlorhydrate de benzoïl-tétraméthyle-éthyle-diéthyle carbinol. Tel est son nom rationnel et scientifique. Mais, pour les conversations courantes, on a voulu quelque chose de plus court et l'on s'est arrêté au mot: «alypène».
L'alypène est une substance pulvérulente, facilement soluble dans l'eau, pouvant être sans inconvénient bouillie, c'est-à-dire stérilisée; on peut l'adjoindre à l'adrénaline ou à l'antipyrine sans qu'aucun des corps n'entrave l'action de l'autre. L'alypène aurait sur la cocaïne un grand avantage. Elle est aussi fortement analgésique que cette dernière, mais beaucoup moins toxique: elle ne dilate pas la pupille et ne trouble en rien la vue.
Les solutions d'alypène à 1 ou 2% insensibilisent la cornée et la conjonctive, en une minute ou 75 secondes, au plus. Avec la solution à 4% on a une anesthésie plus rapide, qui dure 8 ou 10 minutes. L'alypène, qui paraît devoir rendre de grands services en ophtalmologie, sert aussi pour l'anesthésie locale du nez, du pharynx et du larynx.
On emploie des solutions à 10%.
Elles suffisent, employées en applications successives, à rendre parfaitement indolores les cautérisations à l'acide chromique ou au galvanocautère. L'alypène ne détermine aucune intoxication et a l'avantage de coûter sensiblement moins cher que la cocaïne. Cet anesthésique, qui présente de nombreuses et sérieuses qualités, a été découvert par un médecin allemand, M. Impens, et étudié de très près par plusieurs médecins qui en disent tous grand bien.
Mettre au monde cinq jumeaux n'est pas chose fréquente, et la science n'a enregistré qu'un très petit nombre de cas semblables.
Le fait vient de se produire à Mourom, en Russie. La mère est une paysanne de vingt-cinq ans, dont le père était né d'une grossesse gémellaire et dont les deux tantes paternelles avaient eu des jumeaux. On voit qu'ici l'hérédité est très marquée.
Cette femme, sur cinq grossesses, en avait d'ailleurs eu déjà deux gémellaires.
Les cinq enfants sont nés vivants, tous du sexe masculin, ayant l'apparence d'enfants presque à terme; mais aucun n'a survécu. Celui d'entre eux qui a vécu le plus longtemps n'a pas dépassé trente-neuf heures.
L'état d'extrême surexcitation nerveuse produit chez la mère à la suite d'un accouchement si inaccoutumé, fit craindre quelque temps pour sa raison; mais, après trois jours, tout était calmé; et, après dix jours, elle sortait de l'hôpital de Mourom en parfaite santé.
MM. Meist et Auer.
MM. Singer, Bebel et Pfannkuch.
M. et Mme Volmar.
Le congrès socialiste allemand s'est tenu à Iéna, du 17 au 23 septembre. Parmi les notabilités du parti, on y remarquait Bebel, Singer, Auer, Meist, Pfannkuch, Volmar, accompagné de sa femme. Au cours des séances qui ont eu lieu à la Maison du Peuple, devant le buste de Karl Marx, entouré de drapeaux rouges et de verdure, on a prononcé force discours, voté force résolutions, concernant l'organisation des groupes, la politique électorale, l'internationalisme, la grève générale, voire la propagande contre l'alcoolisme. Et l'on s'est séparé en décidant que le congrès de 1906 siégerait à Mannheim.
La grande artiste dont la renommée, déjà ancienne, n'est point encore oubliée, bien que sa retraite du théâtre date d'une vingtaine d'années, vient de mourir à Vence, près de Nice, à l'âge de soixante-cinq ans.
Fille du ténor Marié, de l'Opéra, Mme Galli-Marié, après de brillants débuts au théâtre des Arts de Rouen, était entrée en 1862 à l'Opéra-Comique, où elle obtint un vif succès dans la Servante maîtresse, de Pergolèse. Devenue bientôt une des étoiles de la salle Favart, elle devait, durant une longue carrière, conserver la faveur du public, comme principale interprète de divers ouvrages comiques ou dramatiques: Lara, le Capitaine Henriot, Fior d'Aliza, Fantasio, Don César de Bazan, Piccolino, etc. Mais c'est surtout à Mignon, d'Ambroise Thomas, et à Carmen, de Bizet, que son nom demeure associé, et l'on s'accorde à reconnaître qu'en ces deux rôles, personne n'a surpassé leur triomphante créatrice, qui les avait marqués de son empreinte personnelle.
Dans le rôle de Mignon.
Dans le rôle de Carmen.
Mme GALLI-MARIÉ DANS SES DEUX PRINCIPAUX ROLES.
--Phot. Nadar.
Mme Galli-Marié ne se montrait pas seulement habile à tirer parti d'une voix chaude et vibrante de mezzo-soprano; à la virtuosité de la cantatrice elle joignait le jeu expressif, le talent plein de souplesse et d'originalité d'une excellente comédienne.
Le colonel Marchand visite en ce moment l'Espagne en touriste. Accompagné de quelques amis, il accomplit son tour en automobile, ne se contentant pas des haltes dans les sites classiques, dans les villes fameuses, et traversant souvent des bourgades perdues dont le charme pittoresque demeurera à jamais inconnu des pèlerins du «voyage circulaire à prix réduit».
L'autre jour, en allant voir les ruines antiques de Merrida--l'Emerita Augusta des Romains--il dut passer à Castuera, dans l'Estramadure. C'était la première fois qu'y paraissait une automobile. Et l'on imagine sans peine quel succès de curiosité obtinrent, auprès des populations massées en rangs pressés sur leur route, le colonel et ses compagnons, et surtout leur machine.
L'ex-colonel Marchand en Espagne.
Tout le village de
Castuera (Estramadure) autour
de l'automobile du colonel (assis lui-même
à gauche du conducteur).
Les négociations franco-allemandes engagées au sujet de la question marocaine auront singulièrement traîné en longueur. Toutes les difficultés semblaient aplanies, lorsque de nouvelles objections ont surgi du côté de Berlin; il a fallu entamer des pourparlers complémentaires afin de régler divers points restés douteux, de déterminer certaines précisions jusqu'aux plus menus détails.
Deux notables diplomates ont été chargés de cette tâche délicate: pour la France, M. Revoil, directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères; pour l'Allemagne, le docteur Rosen, récemment nommé représentant de cette puissance à Tanger. Celui-ci, qui doit aller remplacer le comte Tattenbach après l'accomplissement de sa mission spéciale à Paris, a fait, jeune encore, une brillante carrière à la chancellerie impériale. Quant à M. Revoil, il était d'autant mieux qualifié en la circonstance qu'avant de devenir gouverneur général de l'Algérie en 1901, il occupait le poste de ministre de France au Maroc.
Ces messieurs se sont abouchés le 8 septembre, au quai d'Orsay, et, depuis cette date, il ne s'est guère passé de jours sans qu'on lût dans les journaux une information concise constatant ou annonçant une entrevue de M. Revoil et du docteur Rosen. Voilà donc trois semaines que dure leur conversation. Que se sont-ils dit au juste? Mystère et secret professionnel! Mais il y a lieu de présumer qu'ils échangèrent des propos intéressants et que les subtilités de la «forme» leur fournirent une rare occasion d'exercer leur patience; car en style diplomatique, on le sait, les moindres mots, une virgule même, prennent parfois une importance capitale. On souhaite que leur commun effort aboutisse enfin à un résultat satisfaisant.
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Cet ustensile consiste en un système à crémaillère s'adaptant à toutes les fenêtres, ainsi qu'aux portes de balcons à ferrure crémone, et permettant de les maintenir entr'ouvertes à volonté pour aérer les appartements, sans crainte qu'un malencontreux coup de vent vienne les ouvrir ou les fermer brusquement, en provoquant, par cela même, un désastre quelconque: carreaux cassés, rideaux déchirés, potiches renversées.
Tout le monde sait qu'un certain nombre de maladies s'entretiennent ou prennent naissance dans l'air vicié, chargé de vapeurs méphitiques qui s'agglomèrent dans des proportions considérables à l'intérieur des habitations tant par la respiration que par tout foyer de combustion, éclairage ou chauffage, etc.
Il convient donc de remédier à ce grave inconvénient en renouvelant l'air pur qui est l'agent principal de la santé. De nos jours l'importance accordée à l'air fréquemment renouvelé est tellement considérable qu'on n'hésite pas à lui attribuer la guérison des tuberculeux à qui les médecins recommandent de conserver leurs fenêtres ouvertes jour et nuit.
On obtient ce résultat par un moyen simple et d'une façon constante en toute saison à l'aide d'un appareil approprié à cet usage et nommé Aérifère, tel que le représente le dessin ci-contre (fig. 1).
Cet appareil, avons-nous dit, est à crémaillère; c'est-à-dire muni de crans permettant de régler l'ouverture suivant les besoins. Ainsi, lorsqu'il est posé seulement au premier cran dans la gâche, la fenêtre est à peine entr'ouverte, mais laisse le passage de l'air en haut et en bas, ce qui constitue une sorte de ventilateur; l'air pur entrant par le bas chasse l'air vicié par le haut. En posant l'Aérifère aux crans plus éloignés, on obtient forcément une plus grande ventilation.
Par son utilité, la sécurité qu'il offre et la modicité de son prix, la place de l'Aérifère est marquée partout, aussi bien dans les appartements privés que dans les salons, salles de réception, etc. Il est surtout indispensable dans les chambres à coucher en toute saison, mais principalement pour les nuits d'été. Cet appareil s'adapte très facilement au moyen de trois vis et se place à une vingtaine de centimètres au-dessus de la poignée de crémone ou quelques centimètres au-dessous. On commence par placer la crémaillère sur le battant du ventail gauche de la fenêtre que l'on tient fermée, on la pose avec la vis à environ un centimètre et demi, du bord (voir la fig. 2), sans oublier de placer la petite rondelle de fer entre le bois de la fenêtre et la crémaillère, afin que le roulement ait lieu fer sur fer, sans détériorer le bois. Après cette première pose, on entr'ouvre la fenêtre, on relève la crémaillère horizontalement et l'un présente la gâche à cheval sur la ferrure de la crémone pour tracer la place des vis qui doivent la maintenir après avoir posé la crémaillère pour s'assurer du niveau.
Le prix de l'Aérifère est de 2 francs chez M. A. Genty, à Pocé (Indre-et-Loire).
Note du transcripteur: ce supplément ne nous a pas été fourni.