The Project Gutenberg eBook of Nouveau Glossaire Genevois, tome 2/2

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Title: Nouveau Glossaire Genevois, tome 2/2

Author: Jean Humbert

Release date: February 13, 2013 [eBook #42088]

Language: French

Credits: Produced by Hélène de Mink, H.V. and the Online Distributed
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK NOUVEAU GLOSSAIRE GENEVOIS, TOME 2/2 ***

Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.

Cette version électronique contient également «L'Explication des Abréviations et des signes employés dans l'Ouvrage», qui figure dans le Tome Premier du Nouveau Glossaire Genevois, mais qui n'a pas été reprise dans la version imprimée du Tome Second.

NOUVEAU
GLOSSAIRE GENEVOIS

GENÈVE.—IMPRIMERIE DE FERD. RAMBOZ & Cie.

NOUVEAU
GLOSSAIRE GENEVOIS

PAR

JEAN HUMBERT,
PROFESSEUR DE LANGUE ARABE A L'ACADÉMIE DE GENÈVE,
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, MEMBRE DES ACADÉMIES
DE NANCY, BESANÇON, MARSEILLE, TURIN, ETC.

TOME SECOND.

GENÈVE
CHEZ JULLIEN FRÈRES, LIBRAIRES,
Place du Bourg-de-Four, 71.


1852

1

NOUVEAU
GLOSSAIRE GENEVOIS.

I

† ICI, adv. Ces jours-ici, ces temps-ici, cette semaine-ici. Faute fréquente, qui est une tradition du vieux français. On parlait encore de la sorte à la cour de Louis XIV, vers 1645. Dites: Ces jours-ci, ces temps-ci, cette semaine-ci.

ICI-DESSOUS, loc. adv. Dites: Ci-dessous. Dites de même: Ci-dessus; ci-après; ci-contre, et non pas: Ici-dessus; ici-après; ici-contre.

IDÉE, s. f. Très-petite quantité, tant soit peu. Tu as du tabac, donne m'en une idée. Mes nouveaux souliers sont une idée étroits. Nous eûmes pendant notre promenade une idée de pluie.

IDÉE (AVOIR). J'ai idée, j'ai bien idée que nous aurons beau temps demain matin. As-tu idée de faire cette course avec nous? Tous les gens de l'équipage ont péri: a-t-on idée d'une pareille catastrophe? Français populaire. Dites: Avoir l'idée. J'ai l'idée de. A-t-on l'idée de, etc.

IDÉE, s. f. Avoir de l'idée, signifie: Avoir de l'intelligence, 2 avoir un esprit fécond en expédients et en ressources. Votre nouvelle domestique n'est pas très-active, mais elle a de l'idée. Expression qui nous est très-familière.

IDOINE, s. m. Idiot, hébété. Il demeurait là planté comme un idoine. Terme curieux, qui doit appartenir au vieux français, et sur lequel pourtant les vieux lexiques que j'ai pu consulter ne donnent aucun renseignement. Dans les dictionnaires usuels, «Idoine» a le sens banal du mot latin idoneus (propre à, capable de).

ILAI, s. m. Jeu d'écolier, où tous les joueurs, moins un ou deux, se cachent aussi bien qu'ils le peuvent, tandis que les autres cherchent à les découvrir et à les atteindre. Jouer à ilai. Ilai courant; ilai cachant; ilai à la ramasse.

† IMAGE (UN). Tu auras un bel image à Pâques. Solécisme répandu partout, et qui a son origine dans le vieux français.

IMPROMPTU, s. m. Prononcez ein-pronp-tu.

† INCAN ou INQUANT, s. m. Encan, vente publique à l'enchère. Terme suisse-roman, savoisien, lyonnais, dauphinois, languedocien et vieux français. R. in quantum.

† INCANTER ou INQUANTER, v. a. Acheter à l'encan. La Mélanie a incanté un ébaragnoir, un guindre, et deux ou trois autres raufferies. Terme vieux français.

INCENDIE (UNE). Ce mot est masculin. «Un grand incendie.»

INCLINAISON DE TÊTE, s. f. Je lui faisais inutilement plusieurs inclinaisons de tête. On doit dire: Inclination de tête.

INCOMBANCE, s. f. Charge, inconvénient, conséquence désagréable. Vous avez là une fâcheuse incombance. En piémontais, incombensa. Le verbe neutre incomber, écheoir, ne se trouve que dans le dictionnaire de M. Bescherelle.

INDEMNISER, v. a. Prononcez la syllabe dem comme vous prononcez le mot dame (indamniser). R. damnum.

3 INDEMNITÉ, s. f. Prononcez ein-dame-ni-té.

INDIGESSION, s. f. Avoir une indigession. «Cette faute est tellement répandue en France, dit le grammairien Charles Martin, que les acteurs mêmes, au théâtre, prononcent de la sorte, sans soupçonner la faute grossière où ils tombent.» Il faut écrire et prononcer: «Indigestion.»

INDIVIS, adj. m. Prononcez ein-di-vi.

† INDUCATION, s. f. Éducation. Je veux que notre garçon reçoive une excellente inducation.

† INDUQUER, v. a. Induquer un enfant, élever un enfant.

INGRAT, ATE, adj. Désagréable, peu attirant, et qui inspire peu de confiance. Ne se dit en ce sens que dans les expressions suivantes: Figure ingrate; visage ingrat; air ingrat; mine ingrate. Ce sens, qui manque dans les dictionnaires modernes, n'a point d'équivalent exact en français.

INGRÉDIEIN, s. m. Orthographe et prononciation vicieuses du mot «Ingrédient,» lequel rime avec expédient.

† INORME, adj. Énorme.

INSOLENTER, v. a. Injurier, insulter. Là-dessus, trois bandits nous bavardèrent et nous insolentèrent.

INSTITUT, s. m. Institution, pensionnat, maison d'éducation. Un institut de garçons; un institut de jeunes demoiselles; un chef d'institut. Le mot «Institut» n'a pas ce sens. Voyez les dictionnaires.

INTENTION (ÊTRE D'). Nos dames sont d'intention de faire une partie de char. Dites: «Nos dames ont l'intention de, ou: Sont dans l'intention de,» etc.

INTENTIONNÉ DE. Qui a l'intention de. «Mme de Sév.*** étant intentionnée de partir pour Vienne en Autriche, désirerait trouver une personne qui,» etc. [Feuille d'Avis, année 1846.]

INTÉRÊT, s. m. Nous disons, et on le dit dans le français populaire: Mettre de l'intérêt à une chose, pour: «Prendre 4 de l'intérêt à une chose.» Tu ne mets point d'intérêt à tes leçons d'écriture, ni à tes leçons de musique. Dites: Tu ne prends point d'intérêt, etc.

INTERFEUILLER, v. a. Un volume interfeuillé. Il faut que j'interfeuille cette brochure. Dites: Un volume interfolié; il faut que j'interfolie cette brochure. L'infinitif de ce verbe s'écrit: «Interfolier.»

INTIMÉMENT, adv. Moi et Victorine nous sommes intimément liées. Écrivez «Intimement» sans accent sur l'e.

INTITULÉ, s. m. L'intitulé d'un livre, l'intitulé d'un ouvrage. Dites: Le titre d'un livre; le titre d'un ouvrage.

† INTRINSECTE, adj. Ta montre, Jaquinet, a une valeur intrinsecte de trente francs. Dites: Valeur intrinsèque.

INTRUE, adj. et s. f. Il faudra bien nous débarrasser promptement de cette intrue. Dites: «Intruse.» Une intruse; une femme intruse.

INVECTIVER, v. a. Invectiver quelqu'un. Dites: Invectiver contre quelqu'un.

INVENTORISER, v. a. Inventorier, dresser un inventaire. Inventoriser un mobilier. Terme suisse-roman et savoisien.

INVERSION VICIEUSE. Je n'ai personne vu, je n'ai personne entendu, sont des phrases mal construites, des phrases mal sonnantes, et qui, très-familières à nos voisins du canton de Vaud, commencent à se répandre chez nous.

† IRAGNE ou IRAIGNE, s. f. Araignée. Iragne appartient au vieux français, et se dit dans le Berry, en Languedoc et sans doute ailleurs. Voyez ARAGNE.

† IRRUPTION, s. f. Éruption (à la peau). Après cette fièvre, il lui sortit une forte irruption.

ISCARIOLE ou ESCARIOLE, s. f. Escarole, sorte de chicorée à fleur large.

ISERABLE, s. m. Du bois d'iserable. Terme vaudois, savoisien et dauphinois. Dans le patois bourguignon on dit: 5 ôzeraule; dans le patois de la Franche-Comté, iseraule ou euzeraule. Le mot français est: «Érable.»

ITALIEN, s. m. Pâtissier. Aller chez l'Italien. Expression connue à Paris, et sans doute ailleurs. La plupart de nos pâtissiers sont originaires de la vallée de l'Engadine (canton des Grisons), vallée où l'on parle italien. En Normandie, les pâtissiers sont appelés Suisses.

IVRER, v. a. Terme de charpentier. Cheviller, lier les joints d'un plancher au moyen de chevilles qui s'emboîtent d'une planche dans une autre. [P. G.]

IVRER (S'), v. pron. S'enivrer. Sais-tu une chose?—Eh quoi?—C'est que la Fanchette s'ivre.—Elle s'ivre! Ce n'est pas croyable. Terme languedocien, berrichon, etc.

Chacun s'ivre à sa manière
D'amour et de vin.
[Dancourt, Les trois Cousines, I, 1.]

J

JABOT, s. m. (fig.) Se donner du jabot, signifie: Se pavaner, se glorifier, faire parade de son propre mérite. En voilà un qui ne se donne pas mal de jabot. Locution fréquente chez nous et chez nos proches voisins, mais qui ne se trouve pas dans les dictionnaires.

JACASSE, s. f. Babillarde, causeuse fieffée. Terme parisien populaire, normand, etc.

JACQUES DÉLOGE ou DES LOGES, nom propre d'homme. Prendre Jacques Des Loges est une expression facétieuse qui signifie: Déloger, détaler sans bruit, s'échapper à la sourdine. Je devais le trouver chez lui ce matin, et recevoir mon loyer: bernique! il avait pris Jacques Des Loges. 6 L'expression française populaire est: Il a pris Jacques Déloge pour son procureur.

JAIRE ou JARRE, s. m. Terme de boucherie. Jaire de veau, jarre de veau. Dites: «Jarret de veau.»

JAMBETTE, s. f. Jambon de l'épaule.

JANOT, nom propre d'homme. Battre Janot, déraisonner, radoter. [P. G.]

JAQUETER, v. n. Jacasser, caqueter.

JARAVATTE, s. f. Langue, au sens propre. Mener sa jaravatte, faire aller sa jaravatte, signifient: Jaser, bavarder.

JARICLE, s. f. Babillage, loquacité, verbiage. [P. G.]

JARJET, s. m. Terme de tonnelier. Jable, rainure pratiquée aux douves d'un tonneau pour arrêter les pièces du fond.

JARLE ou GERLE, s. f. Sorte de corbeille ronde. Voyez GERLE et JERLE.

JARLOT, s. m. Cuvier ou grand baquet, destiné principalement à saler la viande de cochon. En Normandie on dit: Jalot; en vieux français, jale.

JARRETOU, s. m. et adj. Cagneux, qui a les genoux rapprochés et les pieds jetés en dehors. Dans la langue provençale, jarretier se dit des personnes et a le même sens.

JARRETOULE, s. fém. et adj. Cagneuse.

JASERON, s. m. Chaîne d'or à très-petits anneaux. En vieux français: Jaseran.

JASPINER, v. n. Disputer, taquiner, contredire. Terme rouchi, normand, etc. En français, «Jaspiner» signifie: Causer à tort et à travers.

JEAN-JEAN (UN). Un niais, un imbécile. En Normandie on dit: Un Janot.

JERLE, s. f., et JERLON, s. m. Cuve, petite cuve. Dans le Berry on dit: Jarlée.

JE T'EN MOQUE! Sorte de locution adverbiale, qui équivaut à: Point du tout, bernique. Nous comptions sur une 7 lettre d'Alfred: mais je t'en moque! c'est un négligent. Benoît devait me payer ce matin: je t'en moque! Français populaire.

JETER (SE), v. pron. Se dit du bois et signifie: Se déjeter, se tourmenter, se courber, s'enfler, s'étendre. La fenêtre, faite d'un bois peu sec, s'était jetée. Terme français populaire.

JETON, s. m. Forcet, petite corde fort menue et fort pressée, que les cochers et les charretiers mettent au bout de leur fouet.

JICLER, v. a. Voyez GICLER.

JOINTE (UNE). Terme d'ouvrier. Le quart d'une journée de travail. Faire une jointe. La journée se compose de quatre jointes. Le charpentier ne viendra qu'après la première jointe.

JOLERIE, s. f. Poissonnaille, fretin, alevin. En languedocien, jol signifie: Petit poisson.

JOMBRER, v. n. Attendre, attendre avec ennui et avec impatience; nonchalanter; être privé d'une chose. Vous nous avez bien fait jombrer. Que jombres-tu là? Pourquoi jombres-tu ici au lieu d'aller travailler? Tu en jombreras de ces beaux abricots. Se dit aussi des choses. Quand vous aurez coupé ces branchages, laissez-les jombrer pour en ôter plus facilement les feuilles. Terme universellement connu dans les campagnes, et qui a des sens très-divers.

JONCHE, s. f. Arure, attelée de labour, espace de temps durant lequel on laboure sans dételer. Terme savoisien et dauphinois. En provençal on dit: Jhoûncho.

JORAN, s. m. Vent du nord-ouest. Voyez VENT.

JORDONNER, v. n. et a. L'expression: Une Madame Jordonne, une demoiselle Jordonne, une servante Jordonne, est dans quelques dictionnaires modernes. De cette expression s'est formé notre verbe jordonner. Qu'a-t-elle donc à 8 jordonner? Que vient-elle nous jordonner? Est-ce à elle de jordonner ici? Excellent mot de la langue familière, et qui exprime une nuance précise et délicate, savoir le commandement exercé avec sottise et vanité, à tout propos et hors de propos. M. Bescherelle et M. Francis Wey appellent cette expression un affreux barbarisme. M. Victor Hugo, au contraire, l'emploie et l'apprécie.

JOT, s. m. Endroit du poulailler où se perchent les poules. Les poules sont sur le jot; les poules sont à jot. A Rennes on dit: Joc; en Champagne, en Languedoc et en vieux français, jouc. De ce mot jouc s'est formé le verbe «jucher.»

JOTTU, TUE, adj. Qui a de grosses joues, joufflu.

JOU (EN.) Mettre en jou, coucher quelqu'un en jou. Écrivez et prononcez «En joue.» Mettre en joue, coucher en joue.

JOUAILLER, s. m. Orthographe et prononciation vicieuses (ou plutôt vieillies) du mot «Joailler.»

JOUAILLON, s. m. Jouereau, celui qui ne joue pas bien à quelque jeu ou qui joue petit jeu. [P. G.]

JOUFFLARD, ARDE, adj. et s. Joufflu. Une grosse joufflarde.

JOUIN, s. m. Écrivez et prononcez «Juin.»

JOUISSERIE, s. f. Jouissance, plaisir. Notre voisin Z*** s'est donné la jouisserie d'aller voir la grande Exposition de Londres.

JOUR, s. m. Dans le langage populaire: Au jour d'aujourd'hui signifie: Dans les circonstances actuelles, par le temps qui court. Au jour d'aujourd'hui toutes les carrières sont difficiles. Expression redondante, fort critiquée des grammairiens, mais énergique et d'un emploi continuel.

JOUR, s. m. Nous disons: On voit jour, on y voit jour, pour dire: Il fait jour, on y voit clair. Ces expressions, qui n'ont rien de choquant, manquent dans les dictionnaires.

9 JOUR, s. m. Au lieu de dire: Vivre du jour au jour; gagner sa vie du jour au jour, il faut dire: Vivre au jour la journée; gagner sa vie au jour la journée; ou bien: Vivre au jour le jour; gagner sa vie au jour le jour. Mais cette dernière expression est moins bonne, quoique reçue dans le dictionnaire de l'Académie.

JOUR, s. m. Nous disons: Du jour au lendemain, pour dire: D'un jour à l'autre. En été le poisson se gâte du jour au lendemain. Cette expression n'est pas française.

JOUR, s. m. Voyez D'UN JOUR L'UN.

JOUR SUR SEMAINE, s. m. Dites: Jour ouvrable. Ne venez pas me voir le dimanche, venez les jours sur semaine. Les Parisiens ne s'expriment pas différemment, et ils opposent aussi la semaine au dimanche. Ils affichent, par exemple, que: «Dans tel ou tel omnibus on paie vingt centimes en semaine, et trente centimes le dimanche.» Un parisien me disait: «En semaine les bals des Champs-Élysées sont plus tranquilles que les dimanches et jours de fête

JOURS, s. m. pl. Nous distinguons l'habit des jours de l'habit des dimanches. Quand tu rentres, Alfred, aie soin de mettre ta veste des jours. Le peuple de Paris dit dans le même sens: Cet habit est pour à tous les jours, c'est-à-dire: Pour mettre tous les jours ouvrables.

JUSTE (À), adv. Être à juste de pain, signifie: En avoir tout juste la quantité strictement nécessaire. Si tu invites toute la famille, nous serons à juste de couverts d'argent.

L

LA, pron. pers. Les gens de la campagne, soit dans notre canton, soit en Savoie, emploient d'ordinaire ce pronom à la place 10 du pronom «lui» (à elle). Je m'aperçois que la Claudine part déjà pour le marché: dites-la de m'attendre. Drion a pris une tisanne qui la fera du bien. Notre Mariette n'a rien dormi cette nuit: c'est ses dents qui la font mal. Voyez LES.

LA, LE, LES. Ces articles sont mal à propos substitués aux pronoms personnels «notre» et «nos» dans les phrases suivantes et phrases analogues: Sais-tu comment se porte la tante? As-tu des nouvelles de l'oncle? Crois-tu que nous dînerons dimanche chez la cousine? Expressions fort triviales, et peu dignes d'une bouche de laquelle sort habituellement un langage correct.

† LA, art. La Rosalie va au Conservatoire. L'Émélie nous jouera du piano, et la Jenny nous citera. La, article, ajouté ainsi devant un nom propre de femme, est de la dernière vulgarité.

LABOURAGE, s. m. Chevaux de labourage. Dites: Chevaux de labour.

LÂCHER QUELQU'UN. L'abandonner, le planter là. Nous causions tranquillement avec Alphonse; mais quand il vit venir cette pége de N***, il me lâcha et disparut. Expression parisienne, etc.

LADIÈRE, s. f. Terme de couturière. Sorte de chanteau. Madame veut-elle qu'on lui fasse des chemises à ladière ou des chemises à l'allemande?

LADIÈRE, s. f. Voyez LIADIÈRE.

LAGNER (SE), v. pron. Terme des campagnards. S'ennuyer de, faire avec dégoût. Cet enfant se lagne d'aller à l'école. Ça me lagne d'avoir demain un exercice au Plan-les-Ouates. R. vieux français, lanier, mou, lâche, paresseux.

LAIDERON (UN). Cette jeune fiancée que vous me vantez si fort n'est qu'un laideron. Dites: Une laideron.

LAIDERONNE (UNE). Auriez-vous jamais cru qu'une semblable 11 laideronne trouverait un mari? Terme parisien populaire, etc. Dites: «Une laideron.»

LAIRE, s. f. Alouette. Chanter comme une laire, signifie: Chanter sans relâche, ne pas discontinuer son chant. En allemand, Lerche, en anglais, lark, veulent dire: «Alouette.»

LAISSER (S'EN). Ne pas faire une chose, s'en abstenir. Tu ne veux pas nous accompagner, Henri: eh bien! laisse-t'en, c'est-à-dire: Eh bien! demeure, fais à ta convenance. Vous refusez de scier ce bois pour cinquante sous: eh bien! laissez-vous-en, d'autres le scieront. Cette locution est dès longtemps critiquée par les grammairiens; mais le peuple, qui ne lit pas les grammairiens, continue de s'en servir, et il n'a pas excessivement tort.

LAIT, s. m. Lait de lotte, lait de carpe, etc. Terme savoisien, dauphinois et limousin. Dites: Laite ou lactance. C'est le nom qu'on donne à cette partie des entrailles de poisson qui ressemble à du lait caillé.

LAIT DE SERPENT, s. m. Tithymale, plante.

LAIT DE SON, s. m. Laiteron, plante dont les lapins sont friands. Nos campagnards disent: Laiteçon.

LAITIER, s. m. Endroit de la fromagerie où l'on tient le lait.

LAMBINERIE, s. f. Lenteur, nonchalance. Finiras-tu avec tes lambineries? Terme français populaire.

LAMBINOCHER, v. n. Augmentatif de lambiner. Qu'as-tu tant à lambinocher? Expression très-bonne et très-usitée à Genève.

LAMBOURET ou LAMBORET, s. m. Nombril. Terme savoisien. En provençal, on dit: Embourigo, d'où nous avons fait, par addition de l'article, l'embourigo, et ensuite lambouret.

LA MÊME CHOSE. Locution adverbiale qui signifie: Également, de même, tout de même, d'ailleurs, néanmoins, 12 comme, de même que. Il pleut, et la même chose je sortirai. Ne lui demandez pas ce service: la même chose il ne vous l'accorderait pas. Malgré qu'on ne se voye pas souvent, la même chose on s'aime. Comment se porte Madame votre sœur?—Toujours la même chose. Faute générale. La même chose n'est jamais ni adverbe, ni conjonction. Mais on s'exprimerait correctement si, à cette question: Comment se porte votre sœur? on répondait: C'est toujours la même chose, c'est-à-dire: «C'est toujours le même état de chose; c'est toujours le même état de santé.»

† LA MIEN, LA TIEN, LA SIEN. Ces expressions barbares sont souvent mises à la place des trois pronoms personnels féminins: «La mienne, la tienne, la sienne,» dans le langage le plus populaire. Rends-moi cette plume, c'est la mien.—Non, ce n'est pas la tien. Cette faute se retrouve en Savoie et dans quelques provinces du nord de la France.

LANCHEBROTAGE, s. m. Flux de paroles inutiles et mal articulées; discours hors de propos, confus et embrouillé.

LANCHEBROTER, v. actif. Parler beaucoup et peu intelligiblement, jargonner. Finalement que t'a-t-il dit?—Il ne m'a rien dit: Il m'a lanchebroté un tas de bêtises auxquelles je n'ai rien compris. Voyez ENCHEBROTER.

LANDE ou LENDE, s. f. Lente, petit œuf d'où naissent les poux, et qui se colle aux cheveux. La tête du pauvre enfant était toute couverte de lendes. Français populaire et vieux français. A Neuchâtel et dans l'évêché de Bâle on dit: Un lent. R. lat. lens, lendis.

LANDINE, s. f. Lente. Voyez LANDE.

LANDRILLE, s. f. Voyez ANDRILLE.

LANGUIR DE, suivi de l'infinitif. Désirer, souhaiter ardemment. Je languis d'avoir achevé ce grand travail. Nous languissions tous de revoir notre beau lac. Te voilà, Édouard; je languissais de te rencontrer. Expression remarquable, 13 connue en Suisse, en Savoie et dans le Midi.

LANGUIR QUE. Souhaiter ardemment que. Vous languissez bien que les vacances arrivent. En provençal on dit: Se languir, v. imp. Il me languissait de te voir, c'est-à-dire: Il me tardait de te voir.

LANI, s. m. Sac d'un tissu grossier. Un lani de riz. Terme savoisien et piémontais.

LANTERNE, s. f. Se dit d'une personne nonchalante, lambine, paresseuse, tant homme que femme. Notre associé, on peut le dire, est une lanterne, une lanterne magique. Terme parisien populaire, etc.

LANVOUI, s. m. Anvoie, orvet, serpent aveugle, anguille de haie. Les lanvouis ne sont pas venimeux. Ce terme a été formé du mot «Anvoie.» On a dit d'abord, avec l'article: L'anvoie; puis, faisant de l'article et du substantif un seul mot, on a dit: Lanvoie (une lanvoie); puis enfin, un lanvoui. R. anguis?

LAPAIS ou LAPAY, s. m. Grande oseille sauvage, patience, plante très-propre à purifier le sang. Tisane de lapais. En provençal on dit: Lapas, s. m.; en latin, lapathum.

LAPIDER QUELQU'UN, v. a. (fig.) Le fatiguer par des demandes réitérées, par des instances importunes. Finissez, enfants: vous me lapidez.

LARD (UN). Un cochon, un porc. Tuer un lard; saler un lard; élever des lards; engraisser des lards. Expression savoisienne et limousine, qui se retrouve en Sologne (département de Loir-et-Cher), et sans doute ailleurs.

LARGE, s. m. ou f. Mélèze, arbre bien connu. Bois de large; échalas de large. En vieux français: Larege. [Voyez Roquefort, Glossaire de la langue romane, t. II, p. 64.] R. lat. larix.

LARGE, s. m. Espace, place. Donner du large, signifie: Donner de l'espace. Mettez les trois enfants à une table 14 à part, cela nous donnera du large. Expression très-connue, mais qui n'est pas dans les dictionnaires.

LARGEUR, s. f. Terme de couturière. Lé. Vous ajouterez une largeur à cette robe. Une demi-largeur (un demi-lé) suffira pour cette jupe.

LARMETTE, s. f. (fig.) Très-petite quantité. Une larmette de vin; une larmette d'eau de cerise. Employé au sens propre, le mot de larmette appartient au vieux français, et se trouve dans quelques dictionnaires.

LARRON, s. m. Terme des campagnards. Sorte de fourche de fer à deux cornes, destinée surtout à décharger les chariots de fumier.

LARRON, s. m. (fig.) Mouchon, filament enflammé de la mèche et qui fait couler le suif. Ôter un larron. Terme suisse-roman, signalé aussi dans le Dictionnaire du patois de Valenciennes.

LAVOIR, s. m. A Genève ce mot a deux sens, dont un n'est pas exact. Nous appelons lavoir l'endroit de la cuisine où on lave la vaisselle: ce sens est français. Nous appelons aussi lavoir, la pierre en forme de table, et légèrement creusée, sur laquelle on lave la vaisselle, et qui a un trou pour l'écoulement des eaux. Ce sens n'est-pas français; il faut dire: «Évier. Jeter des eaux par l'évier, par la pierre d'évier.» [Acad.]

LAVOIR, s. m. Nous disons figurément: Être dans le lavoir, pour: Être à même de réussir, être dans une position à faire son chemin. Expression fribourgeoise et savoisienne.

LAYETTE, s. f. Rayon, étagère. Ranger des livres sur une layette. Le mot de «Layette» est français; mais il n'a pas la signification qu'on lui donne chez nous.

LÉCHÉE (UNE). Très-petite quantité d'une chose qui se mange. Je te demande un morceau de ce pâté, et tu m'en donnes une léchée. «Lèche,» s. f., est français.

15 LÉCHEPOT, s. m. Se dit, par dérision, d'un homme qui va autour des marmites, tâtant les viandes et goûtant les sauces.

LÉCHEPOTER, v. a. Faire le léchepot. L'enfant se glissait dans la cuisine pour y léchepoter. Que viens-tu léchepoter ici, Janot?

LÉCHEPOTEUR, s. m. Voyez LÉCHEPOT, qui a le même sens.

LÉCRELET ou LÉKERLET, s. m. Voyez ÉCRELET.

LÉGAT, s. m. Terme des campagnards. Don laissé par testament. Faire un légat. Il a eu pour sa part un légat de deux mille francs. Terme savoisien, méridional et vieux français. R. legatum. Le mot français est «Legs,» qu'on doit prononcer lai, comme la dernière syllabe du mot délai.

LÉGREFASSE, s. f. Grande tonne, tonneau monté sur place. Terme suisse-roman. En allemand, Lägerfass a le même sens.

LEIZETTE, s. f. Petit lézard. Voyez LINZETTE.

LÉMENTE, s. f. C'est sous ce nom que les campagnards désignent la chouette effraie, strix flammea de Linné, laquelle aime à vivre dans nos habitations. Les autres espèces de chouettes, celles qui ne sont pas stationnaires, vivent dans les bois. R. lamenter.

LE MOINS DES MOINS. Le moins, au moins. Combien de temps durera ton voyage?—Six semaines pour le moins des moins. Expression curieuse, usitée sans doute ailleurs, mais que je n'ai vue consignée nulle part.

LENDE, s. f. Voyez LANDE.

LENT, s. m. Cette viande sent le lent. Le lard prend très-vite un goût de lent. On dit en français: Un goût de relent.

LENTILLÉ, ÉE, adj. Lentilleux, semé de taches. Visage lentillé; peau lentillée. Notre mot de lentillé a un sens plus étendu que le mot français correspondant. Nous disons 16 qu'une robe est lentillée, lorsqu'elle est tachée de boue. Me voilà toute crottée et lentillée. En français, lentille signifie: Tache de rousseur.

LE PLUS SOUVENT. Expression railleuse et populaire, par laquelle on nie ou on infirme ce qu'une personne vient d'avancer. Eh bien, Pierroton, est-il vrai que ce fameux héritage dont tu nous parlais, te passera loin du nez?—Oui, mon cher, le plus souvent. Ne partez pas avant moi, Messieurs; vous avez promis de m'attendre.—Oui, oui, le plus souvent; c'est-à-dire: N'y compte pas; ne t'imagine pas qu'on t'attende. Dans le français populaire on dit en ce même sens: Plus souvent.

LES, pron. pers. Les paysans emploient sans cesse les (accusatif) pour «leur» (à eux). Les blés souffraient beaucoup: cette pluie les aura fait du bien. Si ces messieurs aiment les croûtes dorées, on les en fera manger. Vos deux bouèbes font bien du train, maître Antoine.—Je les ai pourtant bien dit de se taire; mais je vais les parler sur un autre ton. Voyez LA, t. II, p. 9.

LÉSINEUX, EUSE, adj. et subst. Être lésineux; devenir lésineux. Ce riche Oswald est un lésineux. Dites: «Lésineur, lésineuse.»

LESSIVE, s. f. Prononcez lé-ci-ve et non pas le-ci-ve.

LESSIVE, s. f. Ne dites pas: Avoir la lessive. Nous avons la lessive après-demain. Dites: Faire la lessive. Nous faisons la lessive après-demain.

LEUR, LUI, pron. pers. C'est parler mal que de dire avec les Méridionaux: Je leur suis parent, vous lui êtes cousin, etc.; il faut dire: Je suis leur parent, vous êtes son cousin.

LEURRE (UNE). Ce mot est aujourd'hui masculin; il était féminin dans l'ancien français. [Voyez le Dictionnaire français-anglais de Cotgrave.]

17 LEVAINS, s. m. pl. Mettre des levains aux pieds. Expression suisse et savoisienne. On dit en France: Sinapisme. Mettre des sinapismes.

LÉVE, s. f. Terme de chasse. Oiseau qui sert d'appeau.

LÉVE, s. f. Terme de certains jeux de cartes. Levée.

LÉVE, s. f. Terme des campagnards. Trouvaille, bénéfice. Faire une léve. S'emploie d'ordinaire ironiquement. Oh! la belle léve! C'est-à-dire: La belle chose! Le beau venez-y-voir! Le beau rien-du-tout!

LEVER LA TABLE. Desservir, dégarnir la table, ranger le couvert. Il faut lever la table, Josette; mais vous laisserez la nappe.

LEVER LE COUDE. Hausser le coude, boire beaucoup, faire excès de boissons enivrantes. Français populaire.

LE VOICI QU'IL... Dites: «Le voici qui. Le voici QUI vient. La voici QUI approche. Les voici QUI nous cherchent. Les voici QUI arrivent par le bateau.» Remarque importante et trop négligée.

LEVRAUT, s. m. Instrument à peser, peson, sorte de romaine. Terme suisse-roman et jurassien. En Savoie on dit: Levré ou levrai; en vieux français, lièvre. R. libra. Le Dictionnaire français-anglais de Cotgrave, lequel a enregistré une foule de provincialismes, n'a pas oublié levrault.

LIADIÈRES, s. f. pl. Nom que l'on donne, sur le lac de Genève, à certains courants irréguliers qui se forment parfois dans les eaux à différentes époques de l'année, et entraînent les bateaux malgré les efforts des rameurs. Ces courants vont tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, et n'ont aucun rapport avec le courant qui amène les eaux du Valais à Genève. [P. G.]

LIASSE DE CLEFS, s. f. Trousseau de clefs, trousse.

LIASSE DE LINGES, s. f. Trousse de linges.

LIASSE D'OGNONS. Glane. Liasse de porreaux, liasse de 18 radis, liasse de raves, liasse de scorsonères, etc. Dites: Botte de porreaux, botte de radis, botte de raves, botte de scorsonères. En français, «Liasse» signifie: Paquet de papiers, amas de papiers liés ensemble.

LICHEFRITE, s. f. Lèchefrite, ustensile de cuisine.

† LIERRE (LA). Boire sur la lierre. Ce féminin est un reste du vieux français. Depuis le commencement du dix-septième siècle on dit: «Le lierre.»

† LIÈVRE (UNE). Ce solécisme nous vient du patois (nă lîvră) et du vieux français. Dans le canton de Vaud, en Savoie et en Franche-Comté, les campagnards disent aussi: Une lièvre. En provençal, lèbre (lièvre) est féminin. Une des vallées des Vosges s'appelle vallée de la Lièvre.

LIGNU, s. m. Ligneul, fil poissé des cordonniers. On dit à Lyon: Ligneux; en Languedoc et en Provence, lignoou. Tirer le lignu, c'est: Exercer l'état de cordonnier.

LIMACE, s. f. Se dit figurément d'une personne lente, molle et nonchalante. Je vois venir notre limace. Arriveras-tu enfin, limace que tu es?

LIMOGE, s. m. Coton filé rouge, dont on se sert pour marquer le linge, etc.

LIN, s. m. Nous disons proverbialement: Se faire au lin de quelqu'un, pour: Se faire à ses habitudes, à ses goûts, à ses manières; adopter ses sentiments et ses opinions. Ce terme nous vient des campagnards. Lin est un mot patois qui signifie: «Lien.»

LINCEUIL, s. m. Linceul, drap de toile, drap mortuaire. Linceuil appartient au vieux français.

LINGE, s. m. Nous disons proverbialement d'une personne très-pâle: Elle est blanche comme un linge. Expression inconnue aux dictionnaires.

LINGÈRE, s. f. Ouvrière en linge. En France on appelle «Lingère» celle qui fait le linge et qui le vend.

19 † LINZARD, s. m. Lézard. Regarde voir ce linzard, Jacques.—Ensauve-toi, nigaud, c'est une serpent. Le féminin est linzarde.

LINZETTE, s. f. Petit lézard.

LIONS, s. m. pl. Terme des campagnards. Se dit d'un mélange de légumes secs, comme fèves, haricots, lentilles, pois, dont on fait une soupe, qui s'appelle soupe aux lions, parce que le bouillon en est bien lié et très-farineux. [P. G.]

† LIQUERNE, s. f. Lucarne.

LIQUETTE, s. f. Très-petit bateau à pointe carrée; batelet pour une seule personne. Dans le canton de Vaud on dit: Liquette, loquette et lequette; à Neuchâtel, loquette. Ces divers termes semblent formés du mot patois likà ou lekà, lequel signifie: «Glisser.»

LIQUEURISTE, s. m. Liquoriste.

LISERET, s. m. Poser un liseret; mettre un liseret. Terme de couturière. Écrivez et prononcez «Liseré.»

LISIER ou LISIÉ, s. m. Eau de fumier, eau grasse. Dans le canton de Vaud on dit: Lisier, lisé ou lusé.

† LISSIVE, s. f. Lessive. Mettre la lissive; tremper la lissive; couler la lissive. Terme suisse-roman, savoisien, franc-comtois et parisien populaire. R. lixivia. A la fin du seizième siècle on écrivait encore avec un x, lexive.

LISSU, s. m. Lessive, eau de cendres, eau détersive, rendue telle par la cendre ou par la soude. Du lissu sec. La couleuse, avant les chaudes, lave dans le lissu les ustensiles de cuisine les plus communs. Terme suisse-roman. En Savoie, à Lyon et en Dauphiné, on dit: Lissieu; en Provence, lissiou; en Franche-Comté et dans le Berry, lessu; à Bordeaux, lessif. R. lat. lix, licis.

LISTE, s. f. Bande mince de bois, règle de bois mince et étroite. Ajuster une liste. Terme suisse-roman, savoisien, méridional et vieux français.

20 LITEAU, s. m. Latte, morceau de bois refendu selon son fil, long, mince et étroit. Mettre des liteaux, clouer des liteaux. Les liteaux du plafond. Ce terme, peu usité en France, et qui ne figure point dans le dictionnaire de l'Académie, n'a pas, dans les dictionnaires qui l'ont recueilli, la signification genevoise.

LITELAGE, s. m. Lattis, ouvrage de lattes.

LITELER, v. a. Latter, poser des liteaux. Liteler une paroi; liteler un plafond. Paroi litelée. Dans le patois limousin on dit: Listela.

LOIN (ÊTRE). Être parti, s'être retiré. Les sauteurs de corde sont loin. Nos deux voyageurs étaient à peine loin que l'incendie éclata. Expression très-répandue.

† LOINTEUR, s. f. Éloignement, distance. J'avais marché sans le savoir sur le nid de ces guêpes, et elles me poursuivirent à une très-grande lointeur.

† LOIRIE, s. f. Hoirie, héritage, succession. Sur le conseil de Mr le notaire, nous avons accepté la loirie. Expression des campagnards.

LONG, s. m. S'étendre de tout son long. Les dictionnaires disent: «S'étendre tout de son long.»

LONGE, s. f. Une voiture à longe. Terme suisse-roman et savoisien. En France on dit: «Une voiture à flèche.»

† LONGE (À LA), loc. adv. A la longue. Un peu de patience, Monsieur, à la longe vous en viendrez à bout.

LONGEOLE, s. f. Terme de boucherie. Andouille. En patois: Landiùle. Au sens figuré, longeole se dit d'une femme ou d'une fille très-grande et très-maigre. Se dit aussi des choses. Quelle longeole de pipe tu as là. Nos jardiniers donnent plus particulièrement le nom de longeole à une sorte de longue pomme de terre.

LONG FEU. Au sens figuré, faire long feu en quelque endroit, signifie: Y demeurer longtemps, s'y arrêter, y séjourner. 21 J'ai dû me rendre à l'invitation d'Ambroise, mais je n'y ai pas fait long feu.

† LOQUET, s. m. Hoquet. Avoir le loquet. Souffrir du loquet. Terme parisien populaire, etc. Loquet s'est formé de «hoquet,» par addition de l'article le en tête du mot.

LORGNE, s. m. Oiseau de notre lac, espèce de plongeon.

† LOTON, s. m. Laiton. Une montre en loton. On lit dans une Ordonnance du Petit Conseil sur les monteurs de boîtes, en l'an 1710: «Est défendu à tous maîtres de faire aucun mélange dans leurs ouvrages d'or avec du loton.» Terme suisse-roman, savoisien et piémontais.

† LOTTE (UNE). Une hotte. Il tomba, ayant sur le dos sa lotte pleine de terraille. Terme suisse-roman et savoisien. Après avoir dit: «La hotte,» en aspirant l'h, on a dit: L'hotte, sans aspiration; puis beaucoup de personnes s'imaginant que lotte était le substantif lui-même, elles y ont joint l'article, et nous avons eu l'expression la lotte.

LOUETTE, s. f. Luette, épiglotte. Avoir la louette basse. Terme français populaire.

LOUISE, s. f. Jeton de cuivre à l'usage des enfants dans certains jeux. Payer avec des louises. Au jeu de l'oie on marque d'ordinaire avec des louises.

LOUP, s. m. (fig.) Terme des campagnards. Écuyer, faux bourgeon qui croît au pied d'un cep.

LOURD, adv. Beaucoup, considérablement. Tu as là de bien beaux pistolets, mais ils doivent t'avoir coûté lourd.

LOURDEUR, s. f. Pesanteur. Elle se plaignit tout à coup d'une lourdeur dans la tête qui nous inquiéta. Ce sens du mot lourdeur n'est pas dans les dictionnaires.

LOURDISE, s. f. Lourderie, faute grossière contre le bon sens ou contre la bienséance. Faire lourdise sur lourdise. Les dictionnaires disent que ce mot a vieilli. On s'en sert habituellement chez nous.

22 LOURIOU, s. m. Loriot, oiseau.

LOUSTIQUE, adj. Gai, content, joyeux, gaillard. Les premiers jours de printemps nous rendent loustiques. Nous n'étions que six à ce repas, mais tous six en belle humeur et loustiques. Comment vous portez-vous, voisin?—Sans être tout à fait loustique, je suis déjà beaucoup mieux. Les dictionnaires français qui ont recueilli ce mot ne lui donnent pas cette signification, laquelle pourtant est la véritable. R. all. lustig.

LOVAT, s. m. Tique de marais, insecte qui s'attache aux oreilles des bœufs et des chiens. Nous disons aussi: Louvat et lovet.

LUC, s. m. Sizerin, sorte de linotte.

† LUCAIRNE, s. f. Voyez LUQUERNE.

LUCHERAN, s. m. Nom que les campagnards donnent à la chouette et au chat-huant. Dans le patois vaudois on dit: Lutzerou et lutzerein.

LUGE, s. f. Sorte de traîneau sans ferrure, en usage dans les montagnes qui nous avoisinent, et qui sert à transporter le blé, le foin, le bois, etc.

LUGER (SE), v. pron. Terme des enfants. Aller en luge, aller sur un grand ferron. Dans le patois vaudois on dit: Ludji ou liuzi; et dans le dialecte du Jura, se lutchi signifie: Glisser sur la glace.

† LUI LA. Tu crois que je lui la donne, cette belle paume: je lui la prête. Dites: Je LA lui donne, je LA lui prête. Prends ces dix sous, et tu lui les donneras. Dites: Tu LES lui donneras.

LUIRE, v. n. Briller, éclairer. Les yeux des chats et ceux des loups luisent dans la nuit. Expression méridionale, etc.

LUISET, s. m. Petite lucarne. On a dit anciennement: Huiset (diminutif de huis, porte); de là, l'huiset avec l'article, et le luiset.

23 LUMIGNON, s. m. Sorte de petit lampion, sorte de veilleuse. J'irai me coucher sitôt que vous aurez préparé le lumignon. Expression connue dans le Berry et sans doute ailleurs. En français, «Lumignon» signifie: Bout de la mèche d'une chandelle ou d'une bougie qui achève de brûler.

† LUMINON, s. m. Orthographe et prononciation vicieuses du mot «Lumignon.» Une boîte de luminons. Terme valaisan, savoisien, limousin, berrichon, etc.

LUNE, s. f. Lunaison, intervalle d'une lune à une autre. Il pleuvra toute cette lune. Faute générale dans le Midi.

LUNE, s. f. Terme d'écolier. Lorsque deux palets ou deux boules se trouvent à une égale distance du but, les joueurs disent: C'est lune. [Glossaire de Gaudy.]

LUPPE, s. f. Huppe, oiseau. Terme vaudois.

LUQUERNE ou LUCAIRNE, s. f. Raccommoder la luquerne. Terme suisse-roman et lyonnais. En français: «Lucarne.» R. lucerna.

M

MÂCHE-MOLLE, s. f. Se dit d'une personne apathique, flasque, lâche au travail, et qui indique par ses allures cette disposition. Ce terme, que nous regardons comme très-expressif, est formé du verbe mâcher et de l'adverbe mollement. On dit aussi quelquefois: Mâche-mou, en parlant d'un homme.

MÂCHILLER, v. a. Mâchonner, mâcher avec difficulté ou avec négligence. Mâchiller du papier. Terme français populaire.

MÂCHILLON, s. m. Objet que l'on mâchille.

MÂCHILLIÈRE, adj. Dent mâchillière. Dites: «Mâchelière.»

24 MACHIN, s. m. MACHINE et MACHINANTE, s. f. Mots d'un grand secours dans la conversation familière, et qui suppléent à tous les noms quelconques d'objets ou de personnes qui ne se présentent pas promptement à la mémoire. Tends-moi ce machin. Donne-moi cette machinante, pour faire un trou à la cloison. Français populaire.

MÂCHURE, s. m. Nous appelons taches de mâchure, les taches que l'on se fait autour des marmites. On les appelle aussi mâchuron (du mâchuron). Terme connu chez nos proches voisins. Le verbe «Mâchurer,» v. a., est français.

MADOTE, s. f. Poire madote. Dites: Poire amadote: terme formé par corruption du mot Damoudot ou plutôt dame Oudet, «laquelle dame était du village de Demigni, entre Beaune et Châlons, et eut la première de ces fruits en ce pays-là.» [Voyez Lacombe, Dictionnaire du Vieux langage, t. Ier, p. 23.]

† MADOU, s. m. Amadou.

† MAGINER, v. a. Voyez ÉMAGINER.

MAGNIN, s. m. Drouineur, chaudronnier ambulant. Quand le temps est très-sombre et le ciel très-chargé, nous disons figurément et facétieusement: Il va pleuvoir des magnins. Magnin est un terme suisse, savoisien, franc-comtois et vieux français. En Bourgogne on dit: Maignier; en Berry, mignan; à Metz, magni; en Normandie, magnan. La première édition du dictionnaire de l'Académie française [1694] dit: Maignen. En vieux français, magnan signifie: «Chaudron.»

MÂGNU ou MAGNU, s. m. Lourdaud, homme épais de corps et d'esprit, butor. Un gros mâgnu. Voyez donc ce mâgnu qui m'a brisé ce miroir.

MAIGRIR, v. a. La maladie t'a maigri. Les chagrins vous ont beaucoup maigri. «Maigrir» est un verbe neutre. Il faut dire: «Amaigrir.» La maladie t'a amaigri.

25 MAIGROLET, ETTE, adj. Maigrelet. La femme est une grosse pitaude; le mari est écouairu et maigrolet.

MAIGRULE, s. f. Fille ou femme très-maigre.

MAILLER, v. neutre. Se dit de la viande qui a été cuite trop fraîche, et qui s'aplatit, s'étend, s'écrase sous la dent plutôt que de se couper. Ce veau est d'une bonne qualité: c'est dommage qu'il maille.

MAILLER, v. actif. Tordre, tortuer, fausser, froisser, marteler. Mailler une clef. Mailler une branche de chêne pour en faire une rioute (un lien). Tout en croyant plaisanter, il a fini par mailler le bras de sa sœur. Terme franc-comtois. R. malleus. «Mailler» est français dans des acceptions différentes.

MAILLOT, s. m. Maillet, mailloche, gros marteau de bois. On dit à Bordeaux: Mailloc.

MAIN, s. f. Nous disons figurément d'une personne ouverte et loyale: Elle a le cœur sur la main. L'Académie dit: «Elle a le cœur sur les lèvres.»

MAINS CHAUDES. Sorte de jeu. Jouer à mains chaudes. On dit en France: Jouer à pied de bœuf.

MAINS NOIRES. Nous disons, sous forme d'encouragement, à un ouvrier qui se rebute d'une occupation pénible: Les mains noires font manger le pain blanc, c'est-à-dire: Le travail procure l'aisance.

† MAIRERIE, s. f. L'hôtel de la mairerie. Français populaire et vieux français. On dit aujourd'hui: «Mairie.» Hôtel de la mairie.

MAIS, adv. Terme des campagnards. De nouveau, derechef, encore une fois, en sus. Voyez cette coffe qui a mais sali sa robe. Voilà beaucoup de niolles dans le Jura, il pleuvra mais. Oh! la maladroite, la voilà mais par terre. Ton ouvrage est mal fait, Joson, il faudra mais le recommencer. Ce sens n'est pas dans les dictionnaires.

26 MAL, adj. des 2 genres. Mauvais. Ce vin n'est pas mal. Ton thème de prix n'est pas mal. En vieux français, mal était adjectif. On disait, par exemple, male femme, pour: Méchante femme: male bouche, pour: Mauvaise bouche; male mort, pour: Mort funeste; male fortune, pour: Infortune; et nous disons encore à Genève: Male vie, pour: Mauvaise vie. Le mot «Malheur» n'est autre chose que la réunion des deux mots male heure, mauvaise heure. En provençal, mal an signifie: Mauvaise année.

MAL, s. m. Nous disons: Se faire mal, pour: Se blesser. Elle s'était fait mal au doigt. Il s'est fait mal au pied. Cette expression, fort connue en Suisse, en Savoie, en Provence et ailleurs, n'est pas mentionnée dans les dictionnaires.

MAL, s. m. Plaie, ulcère. L'enfant du pauvre Doguet est plein de mal. Français populaire.

MALADIE, s. f. L'expression faire une maladie, est si répandue, si claire et si commode, qu'elle mériterait presque d'être française. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette phrase: «J'ai eu une maladie,» forme une cacophonie horrible, dont l'oreille délicate du peuple ne s'accommodera jamais. J.-J. Rousseau a dit: «Il est singulier que je n'ai jamais fait de grandes maladies à la campagne.» [Confessions, liv. VI.]

MALADIER, v. n. Être malade, languir, traîner. La pauvre Alix ne veut pas maladier longtemps. T. des campagnards.

MALADISTE, adj. Enfant maladiste; jeune fille maladiste. Dites: Maladif, maladive.

MALAGNOU ou MARAGNOU, s. m. Muscardin, petit mammifère rongeur, du genre des loirs.

MALAISE, adj. Ne dites pas: Je me sens tout malaise; dites: J'ai beaucoup de malaise, ou employez une expression équivalente. Voyez AISE.

27 MALAISÉE, s. f. Dans le langage le plus familier, faire danser à quelqu'un la malaisée signifie: Lui administrer une correction, le rosser, l'étriller.

† MALATRU, TRUE, substantif. Malotru, malotrue. Un malatru nous vint au rencontre et nous agonisa.

MALATRU, TRUE, adjectif. Se dit des choses et signifie: Usé, délabré, en mauvais état. Des malatrus souliers; un malatru chapeau. Voyez, mon bon Monsieur, l'état misérable où je suis; je n'ai que cette malatrue veste et ce crouye pantalon. Dans le vieux français, malotru ou plutôt malostru et malestruz, adjectifs, signifiaient: Chétif, misérable. R. malè structus. Dans le langage français actuel, «Malotru» n'est pas adjectif.

MALCOMMODE, adj. Incommode, peu commode. Voiture malcommode; fauteuil malcommode.

MALCOMPLAISANT, ANTE, adj. et s. Peu complaisant, qui manque de complaisance. Tu es une malcomplaisante, Fanny.—Malcomplaisante toi-même. Terme généralement connu et usité, mais que nul dictionnaire n'a encore admis.

MALCONTENT, ENTE, adj. Mécontent. L'Académie dit que le mot de malcontent a vieilli. Il est fort habituel chez nous.

MAL DU PAYS, s. m. Maladie du pays, nostalgie. Avoir le mal du pays; succomber au mal du pays. Terme suisse-roman et savoisien. C'est la traduction littérale du mot allemand: Heimweh.

MALEMPARÉE, s. f. Mauvaise tournure d'un événement, mauvaise tournure d'une affaire. Quand il a vu la malemparée, et que la querelle s'échauffait, il a prudemment levé le pied. Terme vaudois, savoisien, etc.

MAL EN TRAIN, adj. Peu en train, mal disposé, détraqué, sans courage au travail. Je me sentais tout mal en train. Voyez ENTRAIN, s. m.

MALET, s. m. Convulsions nerveuses des enfants au maillot. 28 Le malet bleu; le malet blanc. Le rire du malet. Sirop pour le malet. Terme suisse-roman et savoisien.

MALEVIE, s. f. Ce mot signifie littéralement: Mauvaise vie, et se dit de certaines choses qui sont à la fois très-mauvaises et excessives dans leur genre. Ainsi, un vacarme de malevie, est: Un vacarme épouvantable. Une faim de malevie, est: Une faim dévorante. On dit de même: Une colère de malevie, un désordre de malevie, etc. On se sert aussi du mot de malevie pour éviter celui de «diable.» Cet enfant a la malevie pour faire tout ce qu'on lui défend. C'est bien la malevie si je ne viens pas à bout de ce travail. Faire ces tours d'escamotage, ce n'est pas la malevie. Terme suisse-roman.

MALHONNÊTE, substantif des 2 genres. Impoli, indiscret. Vous êtes un malhonnête, Monsieur: passez votre chemin. Voyez ces deux malhonnêtes, qui ne daignent pas nous saluer. «Malhonnête» n'est jamais substantif.

MALICE, s. f. Donner une malice, signifie, dans le langage des campagnards: Donner un sort, jeter un sort, ensorceler. Les paysans, non-seulement de notre canton, mais encore de toute l'Europe, croient qu'on peut ensorceler eux, leur bétail et leurs récoltes, au moyen de paroles, de drogues ou de plantes. [P. G.]

MALIN, LIGNE, adj. Difficile, en parlant des choses. Grimper au haut de cet arbre, voilà qui est malin! c'est-à-dire: Voilà une belle prouesse!... Français populaire.

MALINE, adj. et s. f. Orthographe et prononciation vicieuses du mot «Maligne.» La fièvre maline. Terme français populaire et vieux français. Nous disons de même: Consiner, manifique, companie, cliner les yeux, etc.

MALLE, s. f. Nous disons trivialement d'un homme ivre: Il a sa malle.

MALMÛR, ÛRE, adj. Qui n'est pas assez mûr. Fruit malmûr. Terme de la Suisse romane, etc.

29 MALOTTE, s. f. Motte de terre. En Savoie, malotte se dit non-seulement des mottes de terre, mais aussi des boules de neige que font les enfants.

MANCHE, s. f. Nous disons proverbialement d'un homme ferme, habile, résolu et qui sait ce qu'il se veut: Il ne se mouche pas de la manche. L'Académie dit: Il ne se mouche pas SUR la manche.

MANCHE, s. m. Queue. (fig.) Nous disons figurément: Tenir le manche de la poêle, pour signifier: Conduire une affaire, en avoir la direction principale. C'est Monsieur tel qui est le grand meneur; c'est lui qui tient le manche de la poêle. On dirait en français: C'est Monsieur tel qui tient la queue de la poêle.

MANCHE DE VESTE, s. f. Avoir les jambes en manche de veste, est une expression burlesque qui signifie: Avoir les jambes torses et contrefaites; être mal bâti; «avoir les jambes en faucille,» comme s'exprime le Dictionnaire du Bas langage, t. Ier, p. 378.

MANCHETTES, s. f. pl. Nous disons proverbialement d'un vêtement, d'un ajustement quelconque qui est trop beau pour la personne qui en est parée: Cela lui va comme des manchettes à un cochon.

MANDEMENT (LE). Habiter le Mandement. S'établir dans le Mandement. Les principaux villages du Mandement sont: Bourdigny, Peney, Satigny, Dardagny et Russin. Voici l'origine de ce terme. Au commencement du seizième siècle, l'évêque de Genève possédait à quelques lieues de sa résidence trois petits territoires ou mandements, savoir ceux de Thiez, de Jussy et de Peney, et chacun d'eux avait son châtelain qui administrait au nom du prélat. Le mandement de Thiez fut perdu après la Réformation. Ceux de Jussy et de Peney sont restés à la république; celui de Peney seul a conservé le nom de mandement. Ainsi l'expression de mandement 30 signifie: District, juridiction, territoire confié par l'évêque à l'administration d'un châtelain ou d'un bailli. Aucun dictionnaire usuel, ni même le Glossaire roman de Roquefort, n'ont signalé cette signification, assez notable, du mot mandement. Le district d'Aigle (canton de Vaud), était anciennement divisé en quatre mandements. Dans le latin du moyen âge, on disait: Mandamentum.

MANGEOIRE, s. f. Auget de cage, petit bocal où l'on place la mangeaille d'un oiseau. «Mangeoire,» en français, ne se dit que de l'auge où mangent les chevaux. En languedocien, manjhadou a le sens de notre mot mangeoire.

MANGER, v. a. Nous disons proverbialement d'une personne fort riche: Elle mange l'or à la cuiller. On dit en français: «Elle remue l'argent à la pelle,» expression moins énergique peut-être que la nôtre.

MANGER, v. a. (fig.) Mordre, piquer, dévorer. Se dit de certains insectes qui s'attachent à la peau de l'homme et des animaux. La pauvre enfant était mangée des puces. Expression méridionale, etc.

MANGER, v. a. (fig.) Employer, faire perdre. Je renoncerai à cette excursion: elle me mangerait trop d'argent. La fête d'Interlaken fut brillante; mais elle nous mangea environ trois jours. Ce sens, un peu trivial, du verbe manger, n'est pas dans les dictionnaires.

MANGER UN ORDRE. Oublier un ordre, oublier une commission. Je lui avais prescrit de m'attendre au débarcadère, mais il a mangé l'ordre. Français populaire.

MANGER (SE), v. pron. Se ruiner en folles dépenses. C'est un homme qui se mange, et auquel il ne restera bientôt pas un écu.

MANGER (SE), v. réc. Se quereller. Les entendez-vous qui se mangent? Ils ne se rencontrent jamais sans se manger.

MANIANCE, s. f. Maniement, administration, jouissance. 31 Ne s'emploie guère que dans cette expression: Avoir en maniance, c'est-à-dire: Manier, avoir le maniement de, administrer. Du moment que ce jeune homme eut toute sa fortune en maniance, il se dérangea. Terme vieux français, etc.

MANICLE, s. f. Gabegie, manigance, mystère, manœuvre secrète et artificieuse. Être dans la manicle, veut dire: Être dans le secret, être initié à l'intrigue. On dit dans le même sens: Connaître la manicle, savoir la manicle.

MANIÈRE (DE). Ne dites pas: De manière à ce que, dites: «De manière que,» ou: «De sorte que.» De manière à ce que est un barbarisme qui a passé insensiblement du langage populaire dans le style des romanciers et des feuilletonistes, et qui est aujourd'hui installé et achalandé. Dire que M. Bescherelle, si indulgent pour les néologismes, condamne absolument cette expression traînarde, c'est en faire, il me semble, une suffisante critique.

† MANIFIQUE, adj. Orthographe et prononciation vicieuses du mot «Magnifique,» dont l'articulation gn est mouillée. On nous servit une fricassée manifique. Cette faute, qui se fait en Lorraine et sans doute ailleurs, est une tradition du vieux français.

MANILLE, s. f. (ll mouillés.) Anse. La manille d'un pot. La manille lui est demeurée à la main. Terme suisse-roman, savoisien, languedocien et vieux français. En Dauphiné on dit: Maneille; à Lyon, manillon; en provençal, maneyo; en rouchi, manique. R. manus.

MANNE, s. f. Drogue purgative. On doit prononcer mâne.

† MANQUABLEMENT, adv. Immanquablement.

MANQUE À TOUCHE, s. m. (fig.) Manque à toucher, manque de tact, gaucherie. Faire un manque à touche. Son manque à touche le mit dans un embarras cruel. Au sens propre, les dictionnaires disent: «Un manque de touche,» 32 ou: «Un manque à toucher;» mais l'expression manque à touche n'est jamais française.

MANQUER, v. n. Ils ont manqué être pris. Il a manqué tomber; elle a manqué s'estropier. Un cheval a manqué l'écraser. Tous les dictionnaires et la majorité des grammairiens veulent qu'on ajoute la préposition de, et qu'on dise: Il a manqué DE tomber. Elle a manqué DE s'estropier.

MANQUER (SE). Manquer, se tromper, faillir. Notre jeune écolier s'est manqué deux fois en récitant sa leçon. Suivez ce chemin, mes amis, vous ne pouvez pas vous manquer. Terme suisse-roman, savoisien et méridional.

MANQUER (SE). Manquer, être de moins. Quand le commissionnaire fut parti, et que je voulus reconnaître la somme, il s'y manquait dix francs.

MANTEAU, s. m. Le manteau d'un chat, le manteau d'un cheval, le manteau d'un chien. On dit en français: «La robe.»

MANTILLAGE, s. m. Linge de table, assortiment de linge de table. Un beau mantillage; un mantillage usé. En vieux français, mantil ou mantiz ont le même sens. Dans le canton de Vaud, en Savoie et à Besançon, manti signifie: «Nappe.» En latin, mantile veut dire: Essuie-mains, serviette.

MÂPELU, s. m. Malotru, bélître. Ce terme, qui nous vient du patois, signifie: «Mal pelé.» En vieux français, pelu ou pellu veut dire: Rempli de poils, sale, malpropre.

MÂPIS ou MÂPI, s. m. Bille, gobille, chique, petite boule de grès ou de marbre dont s'amusent les jeunes enfants. Jouer aux mâpis. Le jeu des mâpis. A Genève, ceux qui veulent mieux parler disent: Marbron.

MÂPU, s. m. Butor, lourdaud, malotru.

MARAGNOU, s. m. Muscardin. Voyez MALAGNOU.

MARAIN, s. m. Gravois, plâtras. Un tombereau de marain. Terme lyonnais, etc.

33 MARATAGE, s. m. Brocantage, troc.

MARATER, v. a. Brocanter, troquer, échanger. En provençal, barata a le même sens. En vieux français, barater signifie: Tromper, frauder.

MARATEUR, MARATEUSE, s. Brocanteur, brocanteuse.

MARBRON, s. m. Bille, gobille, mâpis. Jouer aux marbrons. Le jeu des marbrons.

MARC DE CAFÉ, MARC DE RAISIN, s. m. Le c final du mot marc ne se prononce pas, et la syllabe ar est très-brève.

MARCHANDEUR, MARCHANDEUSE, s. Celui ou celle qui dispute sur le prix d'une marchandise. Il est très-riche, et pourtant très-grand marchandeur.

MARCHER, v. a. Quand une Genevoise dit à quelqu'un: Vous me marchez, ou: Vous me marchez dessus, cela signifie: Vous marchez sur ma robe. L'expression: Vous me marchez, est un peu étrange, mais elle n'est pas particulière à notre ville. [Voyez les Glossaires méridionaux.]

MARCORET, s. m. Mercuriale, plante. Dans le canton de Vaud on dit: Mercoret.

MARGALLE, s. f. Sorte de petite cerise noire.

MARGOT, s. f. Femme ou fille inepte, sotte, stupide. S'emploie quelquefois adjectivement. Votre Marianne est plus margot que je ne sais quoi. En français, «Une margot» signifie: 1o Une bavarde; 2o Une éhontée.

MARGOTTE, s. f. Marcotte. Une margotte d'œillet; planter des margottes. Français populaire.

MARGOTTER, v. a. Marcotter.

MARGUERITES, s. f. pl. (fig.) Cheveux grisonnants.

MARIAGE, s. m. Au mariage et à la mort, le diable fait son effort. Proverbe genevois qui signifie qu'à chaque mariage et à chaque mort les caquets et les médisances vont grand train.

MARIAUDER ou MARIAUTER, v. a. Ne s'emploie guère 34 que dans cette phrase: Mariauder un enfant, c'est-à-dire: Le manier, le porter sans précaution, le faire sauter brusquement. Ne lui donnez pas cette petite fille à mariauder.

MARIER, v. a. Se marier avec, épouser. Sais-tu que Jacques, le célibataire, va marier la fille à Truchet? Français populaire.

MARMANGER (SE), v. réc. Se quereller vivement, s'entre-manger. Nos deux voisines sont toujours à se marmanger. Terme peu noble, mais énergique.

MARMOTTEUR, MARMOTTEUSE, s. Celui ou celle qui a l'habitude de marmotter, de répliquer, de se plaindre sans raison. Tu es une marmotteuse, Jenny, et je te punirai.

MARMOTTINE, s. f. Terme de modiste. Marmotte, sorte de mouchoir qui enveloppe la tête.

MARMOUNER, v. n. Marmonner, marmotter, marronner.

MAROQUIN, s. m. (fig.) En vouloir au maroquin, signifie: Ambitionner, convoiter les hautes places de la République. Expression figurée qui se prend d'ordinaire en mauvaise part.

MARQUAINE ou MARQUÉE, s. f. Craie rouge ou blanche.

MARTEAU, s. m. Dent mâchelière, grosse dent. Souffrir d'un marteau; se faire tirer un marteau. Terme populaire, fort usité dans la Suisse française, en Savoie, à Lyon et en Franche-Comté, mais qui n'a été recueilli jusqu'à présent par aucun dictionnaire français.

MARTEAU, s. m. Capron, grosse fraise ronde que l'on cultive dans nos jardins. [P. G.]

MARTÉRISER, v. a. Martyriser. Elle se martérise pour gagner quelques pauvres sous. A Neuchâtel on dit: Marturiser.

MARTINATIER, s. m. Propriétaire ou directeur d'un martinet, c'est-à-dire, d'une usine.

MARTIN VIT, s. m. Sorte de jeu qu'on appelle en France: 35 «Petit bonhomme vit encore.» Martin vit.—Vit-il toujours?—Toujours il vit.

MARTIROLET ou MARTIROLAT, s. m. Martelet, martinet de murailles, espèce d'hirondelle.

MARTYRE, s. m. (fig.) Nous disons, en retranchant l'article: Souffrir martyre. Son bavardage incessant nous faisait souffrir martyre. Les dictionnaires disent: «Souffrir LE martyre.»

MAS, s. m. Ce que nous appelons Mas de maisons s'appelle en français: «Île.» Et quand nous disons: Trente poses de vigne en un seul mas, les Français disent: «——en un même clos.» Dans le vieux français, mas signifiait: Territoire appartenant à un même seigneur.

MÂSILLES, s. f. pl. Voyez MÂZILLES.

MAT (prononcez matt), MATTE, adj. Se dit surtout du linge et signifie: «Qui a quelque humidité, qui est un peu mouillé.» Des serviettes mattes. Les draps restent mats, lorsque, après la lessive, ils n'ont pas été suffisamment exposés au soleil. Nous le disons aussi de la peau. La transpiration commence, et la peau devient un peu matte. En français, mat, adjectif, n'a aucun de ces deux sens. Dans le pays d'Enhaut (canton de Vaud), matzo signifie: «Humide.»

MATAFAN, s. m. Lourdaud, bélître. Matafan que tu es, feras-tu une fois en ta vie quelque chose de bien? Voyez MATE-FAIM.

MATAGASSE, s. f. Pie-grièche, et au figuré: Femme dont l'humeur est aigre et querelleuse. Dans le canton de Vaud on dit: Matagasse et montagasse; en Languedoc, amargasse; en Provence, darnagasse. R. agasse (pie).

MATE ou MATTE, s. f. Terme des campagnards. Tas, monceau. Une matte de foin. Voyez MATOLLE. En Languedoc, mate signifie: Une touffe, une fane.

MATE-FAIM, s. m. Terme culinaire. Sorte de crêpe fort 36 nourrissante, et qui, par conséquent, mate la faim. Mate-faim aux pommes. Terme suisse-roman, savoisien et français populaire. En patois on dit: Matafan.

MATERAT, s. m. Bécassine sourde. Quelques-uns écrivent matras.

MATIN, s. m. C'est parler mal que de dire: J'irai grand matin; on se lèvera bon matin. Il faut dire: «J'irai DE grand matin; on se lèvera DE bon matin.» C'est parler mal aussi que de dire: Venez du matin; on partira du matin. [Voyez t. Ier, p. 159.]

MATINIER, IÈRE, adj. Matinal. Tu es bien matinier, Victor. «Matinier» est français, mais dans une acception un peu différente.

MATOLLE, s. f. Masse de beurre ordinairement ronde. Une grosse matolle; une petite matolle. Le beurre destiné à être fondu se vend en matolles. Terme connu aussi dans la Suisse romane, en Chablais et dans le Faucigny. A Aigle (canton de Vaud), à Chambéry, et ailleurs sans doute, on dit: Malotte. Or, ce mot de malotte est notre mot de matolle, dont les lettres sont transposées. Dans le Jura, matolle signifie: Boule de neige façonnée entre les mains. R. matte, terme patois, qui veut dire: Tas, monceau.

MATOQUE, s. f. et adj. Nigaude, sotte, bécasse. Tu es bien matoque, ma pauvre Thérèse, de croire tous les contes que ce jeune homme vient te faire. Oh! la matoque de fille, qui ne sait pas distinguer un lapin d'un lièvre! Terme connu en Suisse et en Savoie. Quelquefois matoque se dit en parlant des choses. Voyez cette matoque de cafetière, qui met une heure de temps à cuire! A Reims, mastoque signifie: Lourdaud, grossier.

MATRAS, s. m. Engrais, fumier, [P.G.] Terme usité aussi dans le Jura. [Voyez Monnier, Vocabulaire de la langue rustique du Jura.]

37 MATRASSER, v. a. Fumer un terrain, y épandre de l'engrais ou du fumier, [P. G.]

MAUVAIS, MAUVAISE, adj. Cet adjectif, pris dans le sens de «méchant,» se dit quelquefois des animaux, et surtout des bêtes à cornes. Prenez garde, Messieurs: cette vache est mauvaise, elle donne.

MAUVAISES RAISONS. Paroles offensantes, propos injurieux. Dire des mauvaises raisons. Je lui parlais avec douceur et sans me fâcher; mais lui, il s'est monté, et a fini par me dire un tas de mauvaises raisons. Expression dauphinoise, etc.

MAYÔLE, s. f. (Prononcez maïôle.) Exclamation ironique, terme de moquerie, usité surtout parmi les enfants. Oh! la mayôle, qui s'est laissé battre par une petite fille! Faites-lui tous mayôle! Ce mot vient par corruption de mariole, qui, dans plusieurs dialectes de France, signifie: Un homme dont on ne fait point de cas, un homme de rien, un témoin peu digne de foi. En vieux français, mariolet voulait dire: Enfant inepte, jeune homme inconséquent. [Voyez le Dictionnaire roman-wallon de Don François, et le Dictionnaire français-latin de Robert Estienne, 1605, in-4o.]

MAZILLES ou MAZILS, s. f. pl. L'argent que possède une personne. Avoir des mazilles. Compter ses mazilles. Le peuple parisien dit: Avoir de la mazille. Dans le Berry et en Picardie, mazille signifie: Mauvaise monnaie de cuivre.

MÉCANIQUE (UN). Le mécanique de l'horloge s'est dérangé. «Le mécanique est palpable.» [Ch. Bonnet, Contemplation de la nature, XIe partie, ch. 27.] Ce mot est féminin.

MÉCREDI, s. m. Écrivez et prononcez «Mercredi.»

† MEDAILLE, s. f. Regarde, papa, j'ai la medaille. Écrivez et prononcez «MÉdaille.»

MÉDECINAL, ALE, adj. Écrivez «Médicinal.» Herbe médicinale, potion médicinale. [Acad.]

38 MÉDILLON, s. m. Sorte de rigole pavée. L'eau séjournait dans le médillon.

MEICLE, s. m. (Prononcez mey-clle, ll mouillés.) Terme rural qui signifie: Mélange, et plus particulièrement: 1o Un mélange de seigle et de blé, soit Méteil. Pain de meicle; farine de meicle; semer du meicle. 2o Un mélange de paille et de foin, que les campagnards font manger en hiver à leurs vaches et à leurs chevaux. En Languedoc on dit: Mescle. Le verbe provençal mescla signifie: Mêler, mélanger.»

MÉLÈZE (LA). La mélèze dure bien plus que le sapin. Ce mot est masculin. Le genre féminin appartient au vieux français, et s'est conservé en Savoie et sans doute ailleurs. Nos campagnards prononcent melèze.

MELIZE, s. f. Plante médicinale. Une infusion de melize. Terme savoisien et lyonnais. Écrivez et prononcez «Mélisse.»

MÊLON-MÊLETTE, adv. Pêle-mêle. En Picardie on dit: Melon-melette; dans le patois bourguignon et en Franche-Comté, maulin-maulo; en Normandie, mêli-mêlo.

MEMBRÉ, ÉE, adj. Un homme vigoureux et bien membré. Terme français populaire. Dites: Membru, c'est-à-dire: Qui a les membres gros et puissants.

MÉMORISATION, s. f. Voyez MÉMORISER.

MÉMORISER, v. n. Apprendre par cœur et retenir ce qu'on a appris. Les orateurs ont souvent une peine extrême à mémoriser. Le travail de la mémorisation est pour beaucoup de prédicateurs un travail ingrat et difficile. Termes excellents.

MÉNAGE, s. m. Nous disons: Se mettre à son ménage. Nous disons également: Se mettre dans son ménage. Aussitôt mariés, les futurs époux se mettront dans leur ménage; se mettront à leur ménage. Le dictionnaire de l'Académie dit: «Se mettre EN ménage.»

39 MÉNAGÈRE, s. f. Petit tablier de femme.

MENÉ, NÉE, adj. Se dit des choses, et signifie: «Usé.» Un habit mené; des serviettes menées.

MENER, v. a. (fig.) Dans le langage des campagnards: Un tel mène sa soixantième année, signifie: Un tel est dans sa soixantième année; il court sa soixantième année.

MENER SA LANGUE. Jaser, bavarder, médire.

MENER UNE CONDUITE. Ce jeune homme ne mène pas une conduite qui lui fasse honneur. On dit en français: Tenir une conduite. Mais il est correct de dire: Mener une vie. Ce jeune homme mène une vie dissipée.

MENIÈRES, s. f. pl. Lisières, bandes d'étoffe ou cordons attachés aux robes des petits enfants pour les soutenir quand ils s'essaient à marcher. Votre petit John marche-t-il?—Vous m'excuserez, Monsieur: il va encore avec les menières.

MENILLE, s. f. Jeu de cartes, espèce de brelan. Au sens figuré nous disons de quelqu'un qui est dupe dans une affaire: Il est menille.

MENTEUR, s. m. Le proverbe suivant: On attrape plus vite un menteur qu'un voleur, signifie: Que les mensonges se découvrent facilement. Ce dicton, très-répandu à Genève et chez nos voisins, ne se trouve dans aucun des dictionnaires que j'ai consultés.

MENTON À TAPETTE, s. m. Menton pointu et recourbé, menton DE galloche, et non pas menton à galloche, comme nous le disons ordinairement.

MENUSAILLE, s. f. Menuaille, petite monnaie. Il ne m'a payé qu'en menusaille. Dans la Franche-Comté on dit: Menuisaille.

MENUSERIE, s. f. Menuiserie. MENUSIER, s. m. Menuisier.

† MÉNUTIE, s. f. Minutie. MÉNUTIEUX. Minutieux.

MÉPHIBOSET, s. m. Petit homme mal bâti. «La chambre 40 de Milice pourra dispenser du service les malades et les méphibosets.» [Troisième Visite de l'aristocrate; brochure genevoise anonyme, année 1791.] On dit quelquefois au féminin: Méphibosette. Une petite méphibosette.

MÉPRISER (SE), v. pron. Mépriser, dédaigner; se refuser par fierté à faire une chose. Oui, Monsieur le pasteur, je dois vous le dire: Ma fille se méprise de porter l'eau; elle se méprise même d'aller promener avec nous. Ton père est cordonnier, et tu te méprises de prendre cette profession?

MERANDE ou MERENDE, s. f. Terme des campagnards. Petit repas qui se fait à quatre heures de l'après-midi; goûter. Dans plusieurs de nos villages, ce repas s'appelle goûtairon. Le repas de onze heures ou midi s'appelle goûta; le repas du matin, din-na ou déna; le repas du soir, s'pă ou ch'pă. Le mot merande, connu dans toute la Suisse romane, en Chablais, en Faucigny et dans les trois quarts de la France, appartient au vieux français. R. lat. merenda.

MERCI DE. Merci de la peine; merci du compliment; merci de votre bon souvenir. Cette expression familière, très-usitée chez nous et probablement dans tous les pays où l'on parle français, n'est consignée nulle part. Les dictionnaires disent: «Merci,» sans ajouter de régime.

MERDAILLON, s. m. Terme injurieux, dont on qualifie quelquefois un bambin ridicule, un blanc-bec, un petit bonhomme qui veut se donner de grands airs. Terme français populaire.

MÈRE, s. f. Nous disons proverbialement: C'est tout ma mère m'a fait, pour signifier: C'est tout un; il n'y a aucune différence entre ces choses; c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Prenez l'oncle, prenez le neveu: c'est tout ma mère m'a fait; c'est-à-dire: Ils ne valent pas mieux l'un que l'autre.

MÉRÉDI, s. m. Raifort sauvage. Ce terme, connu dans le 41 canton de Vaud, vient de l'allemand Meerrettig, qui a le même sens que mérédi.

MÉRIDIEN (LE). Régler une pendule au méridien. Terme dauphinois et provençal. Dites: À la méridienne.

MERINGUÉ, ÉE, adj. Terme de pâtissier. Tôfet meringué; biscuit meringué; bâton meringué. «Meringue» est français.

MERISE, s. f. Ce que nous appelons à Genève merise, s'appelle en français: «Griotte.» La merise est une cerise sauvage. La merise douce est une «Guigne.»

MERISIER, s. m. Griottier, guignier.

MERVEILLES, s. f. pl. Rubans de pâte cuits dans le beurre. Un plat de merveilles. On nous servit à goûter des croûtes dorées et des merveilles.

MESAILLE, s. f. Terme des collégiens. Argent. Voyez MESUAILLE.

MÉSENTENDU, s. m. Malentendu, c'est-à-dire: Paroles ou actions prises dans un autre sens que celui où elles ont été dites ou faites. Éclaircir un mésentendu. «Par un mésentendu survenu dans ce voyage, le prince royal eut le malheur de tomber dans la disgrâce du roi son père. [Seigneux de Correvon, Mémoires sur Frédéric le Grand, t. Ier, p. 12.] Terme universellement connu et usité en Suisse, en Savoie et en France, mais non admis jusqu'à présent dans les dictionnaires.

MÉSENTENTE, s. f. Malentendu. Arrangeons-nous de manière qu'il n'y ait point de mésentente. On lit dans le Journal de Genève de 1848, no 84: «La proposition de Mr V** est adoptée. (Discussions, bruit, mouvements et mésentente prolongée.)» Je pense qu'ici mésentente signifie: Le fait de ne pas entendre.

MESONS, s. m. pl. Voyez MEZONS.

MESSELIER ou MESSALIER, s. m. Messier, garde champêtre 42 temporaire. Terme vaudois et lyonnais. On disait en vieux français: Messilier et messeillier.

MÉTAN ou plutôt MEYTAN, s. m. En patois ce mot signifie: Milieu. Terme franc-comtois. Dans le patois bourguignon, dans le patois du Berry, à Reims, en Normandie et en vieux français on dit: Mitan. Dans le patois de l'évêché de Bâle on dit: Mitan et moïtan. Le dictionnaire de Monet [1636] donne comme synonymes les trois mots: Meilieu, milieu et mitan. En allemand, Mitte.

MÉTEGUETTE (À LA). Locution adverbiale qui signifie: Chichement. Tu m'en donnes à la méteguette. Tu me sers à la méteguette; c'est-à-dire: Tu me regrettes ce que tu me sers. Dans le canton de Vaud, meteguet se dit d'un homme minutieux, lambin, doucereux. Dans les Alpes le verbe metegà signifie: Assigner, dans une famille, à chacun sa portion du bien commun. R. mitigare?

MÉTIAFOU ou MATIAFOU, s. m. Demi-fou, cerveau timbré, original. En patois, matî-ă ou meytî-ă signifient: «Moitié.»

METTRE À COIN, v. a. Serrer, mettre de côté, tenir en réserve. Son mari lui a pris et a fioulé les quatorze écus qu'elle avait mis à coin.

METTRE DES DENTS. Nous disons d'un petit enfant: Il met ses dents. On dit en français: Les dents lui percent, ou: Les dents lui viennent, ou: Il fait ses dents. De ces trois expressions, les deux premières sont les plus correctes.

METTRE SUR QUELQU'UN. Terme d'encan. Enchérir. Il a mis trois francs sur moi, et je n'ai pas eu cette belle commode. Faisons un accord: je ne mettrai pas sur vous, ni vous sur moi. Expression neuchâteloise. [Voyez Guillebert, Vocabulaire du dialecte neuchâtelois, 2e édition, p. 295.]

METTRE (SE), v. pron. Se mettre d'une société; se mettre 43 d'une confrérie. Il s'est mis du complot. Dites: Entrer dans une société; entrer dans une confrérie; entrer dans un complot.

METTRE (SE), v. pron. Se mettre dans les dettes. S'endetter. Expression très-adoptable et vraisemblablement très-répandue.

† MEUR, MEURE, adj. Mûr, mûre. Un fruit mal meur. Meur appartient au vieux français, et se dit encore vulgairement dans tout le nord de la France, en Savoie et dans la Suisse romane.

MEURAISON, s. f. Terme des campagnards. Maturité.

MEURE, s. f. Mûre, sorte de fruit. Une seille de meures. Cueillir des meures. Aux meures! Aux belles meures! est le cri de nos revendeuses à la fin du mois de juillet. Terme français populaire et vieux français.

MEURIER, s. m. Mûrier.

MEURON, s. m. Mûre sauvage, baie de ronce. Piquer des meurons. Terme vaudois, bressan et vieux français. A Rumilly (Savoie) on dit: Mûron; en Franche-Comté, mavuron.

MEZONS, s. m. pl. Espèces sonnantes, argent. Il est riche, celui-là; il a des mezons. Dans le langage des collégiens, mezon signifie: Petit morceau de cuivre.

† MIALER, v. n. Miauler. Le minon enfermé mialait. Terme parisien populaire, etc.

MIDI, suivi du pluriel. Midi ont sonné. Nous dînons à midi précises. Je vous attends vers les midi. Toutes ces phrases sont vicieuses, et il faut dire: Midi est sonné; nous dînons à midi précis; je vous attends vers midi.

MIE, s. f. Terme rural. Meule ou pile de foin ou de paille, de forme conique, qu'on fait en plein air dans le voisinage des maisons qui ne sont pas assez grandes pour contenir toute la récolte. [P. G.] En Franche-Comté, en Bourgogne 44 et dans le nord de la France on dit: Moie. Chez nos campagnards, mouë signifie: «Monceau.»

† MIENNE (LE). Le mien. Rends-moi ce mâpis, c'est le mienne.—Le tienne! tu es-t-un menteur. Notre prononciation, dans ces mots mienne et tienne, est très-nasale, s'éloignant ainsi de la prononciation française et s'approchant beaucoup de la prononciation patoise (mein-nà).

MIES, s. f. pl. Mies de pain, miettes de pain.

MIEUX, adv. Plutôt. Finiras-tu de nous ennuyer, Jacot?—C'est bien mieux toi qui nous bassines.

MIEUX DE. Plus de. Il a hérité mieux de cent louis. La Josette a mieux de trente ans. Locution savoisienne, lyonnaise et méridionale.

MIEUX (LA). Le mieux. Au dernier bal, c'était notre Clémentine qui était la mieux, c'est-à dire: Qui était la plus jolie, qui était LE mieux.

MIEUX VALUE, s. f. Il nous fallut encore payer cent francs pour la mieux value. Dites: La plus value. Terme neuchâtelois, savoisien, franc-comtois, lorrain, etc. Value, en vieux français, signifie: «Valeur.»

MIFFE, s. f. Terme de boucherie. Rate. Je te prie, Isabeau, de ne plus te laisser donner de la miffe pour garneçon. Nos campagnards, et ceux du canton de Vaud, disent: La mefă, d'où ils ont formé le verbe em'fà, essouffler.

MIGNON, adj. Aller de son pied mignon, signifie chez nous: Aller à pied, voyager lestement et sans frais. L'Académie dit: «Aller de son pied gaillard.»

MI-LAINE, adj. Robe mi-laine, robe qui est moitié laine et moitié coton.

MILLE-PIEDS, s. m. Scolopendre, insecte.

MILLION, s. m. Terme de maçon. Brisures, éclats de cailloux.

MILLIONNER, v. a. Émier, émietter. S'emploie le plus souvent 45 avec le pronom personnel, et signifie: S'émier, s'émietter, se briser, se séparer en petits morceaux comme le fromage persillé, ou comme certaines sucreries et pâtisseries. [P. G.]

† MIMERO, s. m. Numéro. En Picardie ont dit: Limero.

MIMEROTER, v. a. Numéroter.

MINAGE, s. m. Défoncement. Le minage d'une vigne. Faire un minage. Terme savoisien.

MINÇOLET, ETTE, adj. et s. Se dit des personnes et des choses, et signifie: Maigre, petit, chétif, mince. Une jeune fille minçolette. Tu me coupes là un morceau de pain qui est bien minçolet. Terme savoisien.

MINE, s. f. Visage. Se laver la mine. Regarde-toi au miroir, tu as la mine bien sale.

MINER UN TERRAIN. Terme d'agriculture. Défoncer un terrain, le fouiller à deux ou trois pieds de profondeur, en ôter les pierres, y mettre du fumier ou de la terre nouvelle.

MINON, s. m. Sorte de palatine, fourrure que les dames portent sur le cou en hiver. Français populaire.

MINON, s. m. Terme des campagnards. Chaton, fleur pendante et en forme de chenille, que portent certains arbres, comme le coudrier, le noyer, le chêne et le saule. [P. G.] A Genève nous appelons minons (s. m. pl.), cette poussière qui s'agglomère sous les lits, sous les armoires, sous les commodes, et qui y revêt la forme de chatons. Balayer les minons; enlever les minons; pannosser les minons.

MINUIT, suivi du pluriel. Sur les minuits. L'orage commença contre les minuits. Ce pluriel, quoique d'un fréquent usage, n'est pas correct. On doit dire: Sur LE minuit. On peut dire aussi: «L'orage commença vers minuit.»

MINUIT (LA). C'est ainsi qu'on parlait anciennement. Ce mot est aujourd'hui masculin; on dit: Le minuit et le midi.

MIOTISE, s. f. Thym, plante aromatique.

46 MIRER, v. a. (fig.) Viser, avoir en vue certaine fin. Il mire une riche et belle veuve. Je crois que tu mires ta cousine. Dans la comédie de Fanchon la Vielleuse, on lit cette phrase: «Il VISE la jeune personne.» [Acte Ier, scène 9.]

MIROLON ou MEROLON, s. m. Pinson des Ardennes, pinson de montagne.

MISE, s. f. Dans le langage des écoliers, Faire mise ou faire mise ensemble, signifient: Mettre en commun les enjeux, s'associer. N'est-ce pas, Isaac, on est ami, et on fera toujours mise ensemble?

MISER, v. a. Enchérir, mettre une enchère. Si tu viens demain à l'encan, tu auras soin de ne pas miser sur moi. Qu'as-tu misé au dernier encan? J'ai misé un placard, six tablats et deux escabelles. Terme suisse-roman et savoisien.

MISSER-JEAN, s. m. Poire de misser-Jean. On dit en français: Poire de messire-Jean.

MITE, s. f. Mitaine, miton long. Tricoter des mites. Terme suisse, savoisien, lyonnais, limousin, etc.

MITENANDRE, s. f. Cortége, suite, séquelle. Le mari, la femme, le beau-frère, et toute la mitenandre. Terme vaudois, formé des mots allemands mit einander, qui signifient: Ensemble, de compagnie.

MODÀ, v. n. Terme patois fort connu. S'en aller, quitter l'endroit où l'on est. No-z alin modà (nous allons partir.) Dans le Berry, Moder est verbe actif, et signifie: Lâcher les bestiaux, les mener paître; en languedocien mudà veut dire: Déménager, déloger.

MOGEON, s. m. Veau, veau d'un an. Terme suisse-roman et savoisien. Au figuré, mogeon se dit d'une fille ou d'une femme épaisse de corps et d'esprit. Votre Albertine est un peu mogeon, elle a l'air mogeon.

MOGLION, s. m. Voyez MOLION.

47 MOGNON, s. m. Moignon.

MOINDRE, adj. Malingre, faible, indisposé. La jeune Caroline est toute moindre aujourd'hui: elle garde la chambre.

MOINDROLET, ETTE, adj. Diminutif de moindre. Se dit surtout des personnes et signifie: Petit, maigre, chétif. L'enfant a une excellente nourrice, et pourtant il reste bien moindrolet.

MOINEAU, s. m. (fig.) Homme dont on fait peu de cas. Quel sot moineau que votre Mr Dubreuil!

MOINEAU SOLITAIRE, s. m. Merle de rocher.

MOINS, adv. Voyez DU MOINS, t. Ier, p. 159.

MOIRE, s. f. Voyez MOUARE.

MOIS D'AVRIL, s. m. Poisson d'avril. Donner un mois d'avril. Terme suisse-roman et savoisien.

MOIS DE MAI, s. m. Aubépine. A Bordeaux, dans le Berry et ailleurs, on dit: Du mai (du mai en fleurs).

MOISIR, v. n. (fig.) Faire trop lentement une chose, lambiner dans un message. Va-t'en faire cette commission, et tâche surtout de n'y pas moisir. Expression triviale.

MÔLAN, s. m., ou MÔLAN-NE, s. f. Vent d'est. Voyez VENT.

MOLETTE, s. f. Pierre à aiguiser des faucheurs. Terme suisse-roman et savoisien. R. mola.

MOLIÈRE, s. m. Terme des campagnards. Émouleur, rémouleur, gagne-petit, aiguiseur. Le terme patois est: Molaire ou moliàre, dont molière est une corruption, ou plutôt un raffinement. Dans le canton de Vaud on dit: Molâre, et à Chambéry, molaire. Dans notre patois le verbe molà signifie: Aiguiser.

MOLION, s. m. Salamandre, reptile amphibie.

MOLLACHE, subst. et adj. féminin. Personne flasque, molle, lâche au travail, dénuée de toute énergie. On dit en français, dans un sens analogue: Mollasse. «Un individu lourd et mollasse.» [Voyez Bescherelle, Dict. National.]

48 MOLLASSE, s. f. Sorte de grès tendre. Un parpaing de mollasse; un escalier de mollasse. Terme suisse-roman, savoisien et dauphinois.

MOLLE, s. f. Avoir la molle, signifie: N'avoir pas le cœur au travail, être plus disposé à flâner qu'à s'occuper. J'ai la molle; la molle me gagne; la molle me tient.

MÔMASSE, s. f. et adj. Augmentatif de môme.

MÔME, s. f. et adj. Fille ou femme inepte, sotte, stupide. Je ne sais pas ce que j'ai; mais je suis toute môme aujourd'hui. Dans le patois vaudois on dit: Moum[(a].

MÔMICHON, s. m. Nigaud. Mômichon que tu es! Avoir peur d'une levrette, d'une petite levrette.

MÔMIER, MÔMIÈRE, subst. Dénomination inconvenante par laquelle on désigne quelquefois les membres de l'Église dissidente. C'est un mômier. Il donne dans la mômerie. Il s'emmôme; il s'est emmômé.

MÔMIÈRE, s. f. Cabas, sorte de panier en tresses de paille, plat sur sa hauteur et terminé par deux anses.

MONETIER. Village près de Genève, dans le mont Salève. Ce nom peut s'écrire indifféremment: Monetier, Mounetier, Moneti et Mouneti, la terminaison i (pour ier) appartenant au patois. De Saussure écrit Monetier. Dans l'origine de la langue française, monstier, montier, moustier et moutier, ont signifié: 1o Couvent; 2o Église cathédrale; 3o Paroisse. R. monasterium.

MONPÈR! Sorte d'exclamation fort usitée en Suisse et en Savoie. Monpèr, que c'est beau! Monpèr, que tu es patet! Monpèr, que vous arrivez tard! Cette expression n'est autre chose que les deux mots mon père! mal prononcés, et substitués, par convenance, à l'exclamation. «Mon Dieu!»

MONSIEUR DE TROP. Se dit d'une personne surnuméraire, et par cela même embarrassante. Mme N**, qui avait six 49 filles, vient d'accoucher d'un garçon: cet enfant ne sera certes pas Mr De Trop. On dit dans le même sens: Mlle De Trop.

MONTAGNE (LA). Le Salève, la montagne par excellence (pour les Genevois). Dis donc, Bernard: que fait-on jeudi matin?—Ne sais-tu pas? On va déjeuner à la Montagne, et l'on revient avant midi par la Croisette.

MONTAGNES (LES). Nos horlogers désignent par ce nom les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds, situées toutes deux dans les montagnes du canton de Neuchâtel. S'établir aux Montagnes. Travailler pour les Montagnes. La fabrique de Genève soutient avec les Montagnes une concurrence journalière et difficile.

MONTANT, s. m. Encouragement, stimulant, courage, cœur. Donner du montant. Avoir du montant. Notre Samuel était découragé; ce petit succès lui redonnera du montant.

MONTÉE (LA). La maison. Est-ce dans cette montée que loge Mr le docteur N**? Connaissez-vous Mr le dizenier Z**?—Si je le connais! Il reste dans notre montée. «Montée,» en français, signifie entre autres: 1o Petit escalier dans une maison de pauvres gens; 2o Chaque marche d'un escalier. [Acad.]

MONTER SUR... Nous disons: Monter sur une échelle; on doit dire: «Monter À une échelle.»

MONTEUR DE BOIS, s. m. Scieur de bois.

MONTICULE (UNE). Ce mot est masculin. Il est formé du mot latin monticulus, qui est masculin.

MONTURE, s. m. Mauvaise plaisanterie, tour malin, malice concertée entre des camarades contre un d'entre eux. Faire une monture. Préparer une monture. La monture a échoué. Terme de bonne fabrique, et qui n'a pas d'équivalent exact en français.

MOQUE, s. f. Chose de peu d'importance, bagatelle. S'emploie 50 d'ordinaire avec la négation. Ce n'est pas de la moque, ce n'est pas peu de chose. Terme neuchâtelois et vieux français.

MOQUER (SE), v. pron. Proverbialement: Donner à plus riche que soi, le diable s'en moque, signifie: Que les largesses faites à des riches, étant rarement désintéressées, le diable ne peut ni ne doit en tenir compte. On donne souvent une tout autre signification à ce proverbe.

MORAINE ou MORÈNE, s. f. Falaise, terres escarpées au bord d'un torrent, d'un fleuve, d'une rivière. Les moraines de Champel; les moraines de Pinchat; les moraines de Cartigny; les moraines du bois de La Bâtie. Dans les Alpes de Savoie on appelle moraine une enceinte de pierres au pied des glaciers.

MORBIER, s. m. Pendule ou horloge à poids, qui se fabriquait anciennement au village de Morbier, département du Jura.

MORFER, v. a. Bâfrer, manger avec avidité. Dans le vieux français, on disait: Morfier; et l'on trouve dans Rabelais morfiailler, en ce même sens.

MORGILLER, v. a. Mordre par petites entamures, mordiller. Morgiller son pain.

MORIGINER, v. a. Morigéner. Son père l'a convenablement moriginé. Terme suisse-roman, savoisien, français populaire et vieux français.

MORSILLER, v. a. Mordre légèrement et à plusieurs reprises, mordiller. Morsiller une pomme. Terme savoisien et lyonnais.

MORTAISE, s. f. (fig.) Avoir sa mortaise, signifie: «Être ivre.» Le cocher avait sa mortaise. Expression triviale.

MORT-À-PÊCHE, s. f. (Prononcez mor-ta-pêche.) Crin de Florence, crin d'empile, crin très-fort sur lequel on monte l'hameçon.

MORTUAIRE, s. m. Acte de décès, extrait mortuaire. Il devait 51 se procurer le mortuaire de son grand-oncle. Ce mot, très-usité chez nous, mais inconnu aux dictionnaires, se trouve dans le Glossaire de l'ancien Droit français, de MM. Dupin et Laboulaye.

MOTET, s. m. Visage. Un vilain motet.

MOUARE ou MOIRE, s. f. Saumure. Nous disons d'un mets et d'un assaisonnement quelconque où le sel domine trop: Cela est salé comme de la moire. Terme suisse-roman et savoisien. En Franche-Comté on dit: Muire; en Languedoc, mière. Dans le patois vaudois, le verbe mouairi signifie: «Saler avec excès.» R. lat. muria, saumure.

MOUCHE, s. f. De la mouche de chandelle. Dites: De la mouchure de chandelle. A Lyon, à Nancy et sans doute ailleurs, on dit: Du mouchon; en Dauphiné, du mouc.

MOUCHET, s. m. Signifie: 1o Houppe, bouffette, freluche, floccon, assemblage de plusieurs filets de soie, d'or, d'argent, de laine, liés ensemble par un bouton en forme de gland à sa partie supérieure. Les mouchets d'une bourse; les mouchets d'une canne. Nos bonnets de nuit sont ordinairement surmontés d'un mouchet. Voltaire a dit: «Un chapeau de pourpre... auquel pendaient quinze houppes d'or.» [Lois de Minos, note 96e.] Nous aurions dit à Genève: Quinze mouchets. Mouchet signifie: 2o Touffe, bouquet. Un mouchet d'arbres; un mouchet de cerises; un mouchet de noisettes (un trochet de noisettes). 3o Mouchet se dit pour: Groupe, peloton. Un mouchet d'abeilles; un mouchet de curieux. Les émeutiers étaient par mouchets sur la grande place. Terme suisse-roman et savoisien. En Normandie, mouchet a le sens de «Monceau.» [Voyez le Dictionnaire du patois normand, par MM. Duméril.]

MOUCHETTE (LA). Les mouchettes.

MOUCHILLON, s. m. Moucheron. Être inquiété par les mouchillons. En vieux français, on disait: Mouscaillon.

52 MOUCLAR, s. m. Hameçon. Des mouclars rouillés. Dans le canton de Vaud on dit: Moclar; en provençal, mousclaou; dans le Jura, bouclard, (selon le dictionnaire de M. Monnier).

MOUFFE, s. m. Moufle, gros gant. Une paire de mouffes. Terme lorrain, parisien populaire, etc.

MOUGNE, s. f. Faire la mougne, signifie: Faire la moue, être de mauvaise humeur, bouder. A Chambéry, on dit: Faire la mogne. En provençal, mougno veut dire: Moue, grimace.

MOUGNON, s. m. Moignon. En provençal, mougnoun. Dans le reste de la France, mognon.

MOUGONNER, v. n. Bougonner, murmurer, gronder entre les dents.

MOUILLE, s. f. Mouillure, humidité. Ne laissez pas cet enfant dans la mouille. Terme suisse-roman, savoisien, franc-comtois, etc. Nous disons dans le même sens: Mouillon. Laisser un enfant dans le mouillon.

MOUILLES, s. f. pl. Nous appelons ainsi des sources qui ne font que suinter dans les prairies, et qui, fournissant à l'herbe de ces prairies une température plus élevée pendant l'hiver, y produisent une herbe précoce et excellente, très-propre à refaire les vaches qui ont vêlé, etc. [P. G.]

MOULE, s. m. Mesure de capacité pour le bois: c'est un carré dont le côté a cinq pieds quatre pouces. Terme suisse-roman et lyonnais.

MOULER, v. n. Caponner, se comporter lâchement, saigner du nez. D'entrée il faisait le rodomont, et quand il a fallu se battre, il a moulé. En provençal, moulà signifie: Mollir.

MOULETON, s. m. Molleton, étoffe de laine moelleuse. «Une camisole de molleton; un gilet doublé de molleton.» [Acad.]

MOULU, LUE, part. Émoulu. Notre Théodore est tout frais 53 moulu de l'Académie, c'est-à-dire: Est tout nouvellement sorti de l'Académie. Terme méridional, etc.

MOURGET, s. m. Vent soufflant de Morges pour les habitants du Chablais.

MOURMÉ, MÉE, adj. Stupide, abruti.

C'était Monsieur son fils, un pauvre rapélu,
Plus matafan, plus mourmé, plus mâpu!
[Ch.]

En Normandie, mourmaud signifie: Songe-creux, morose.

† MOURVE, s. f. Morve.

MOURVEUX, EUSE, adj. et subst. Morveux. Voyez cette mourveuse, de quel ton elle réplique à sa mère!

MOUSET ou MUSET, s. m. Petite souris des champs, à courte queue, à museau fort pointu, et que les chats ne mangent pas, quoiqu'ils lui donnent volontiers la chasse. Terme suisse-roman et savoisien. Le nom français est Musette ou Musaraigne. Le dictionnaire de Bescherelle donne une fausse définition de ce mot.

MOUSTACHES, s. f. pl. Il relevait ses moustaches; il essuyait ses moustaches; il admirait ses moustaches. Dans ces exemples et dans les exemples analogues, il est infiniment plus correct d'employer le singulier et de dire: Il relevait SA moustache; il essuyait SA moustache; il admirait SA moustache. La phrase suivante est tirée de Gil-Blas, livre II, ch. V: «Un nez fort épaté lui tombait sur une moustache rousse.» L'exemple suivant est tiré de J.-J. Rousseau: «Fantasque fut enfin mariée à un roi voisin qu'elle préféra, parce qu'il portait la plus longue moustache. [La reine Fantasque.] Tous les dictionnaires s'accordent en ce point, mais il faut avouer que beaucoup de bons écrivains, surtout parmi les modernes, ont fait usage du pluriel.

MOUSTACHON, s. m. Celui qui porte moustache et qui, par 54 cela même, fait l'homme d'importance et le fier-à-bras. Tu te crois un fameux moustachon, et tu n'as que seize ans!

MOÛT, s. m. Nous disons proverbialement d'un potage ou d'un mets quelconque mal assaisonné: Cela n'a ni goût ni moût, et cette locution est aussi employée figurément. Il nous racontait ses voyages longuement et platement, cela n'avait ni goût ni moût, c'est-à-dire: Ni goût ni piquant.

MOUTAÎLE ou MOUTELLE, s. f. Motelle, sorte de poisson.

MOUTELÉ, LÉE, adj. Tacheté, étoilé. Ce terme, qui appartient à la langue de nos campagnards, ne s'emploie guère qu'en parlant des bestiaux. Une vache moutelée; un bœuf moutelé. Terme suisse-roman et savoisien.

MOYENNÉ, NÉE, adjectif. Riche, aisé. Le cadet est plus moyenné que son frère. Terme signalé dans le Dictionnaire rouchi-français de Hécart, 3me édition.

MULÂTRE, adj. Métis. Un canari mulâtre.

MULE, s. f. Sorte d'engelure. Avoir la mule aux talons. En français ce mot ne s'emploie qu'au pluriel. «Avoir les mules au talon.» [Acad.]

MULE, s. f. Faire mule, terme du jeu de cartes, signifie: Faire capot. [P. G.]

MURGUET ou MEURGUET, s. m. Muguet, fleur. Cueillir des murguets. Un bouquet de murguets.

MUSAILLE, s. f. Quantité de petite monnaie, menuaille.

MUSCADET (UN). Dites: Une muscadelle. Espèce de poire qui sent un peu le musc.

MUSCATE, s. f. et adj. Noix muscate; rose muscate. La muscate dominait trop dans ce ragoût. Dites: «Muscade.»

MUSILIÈRE, s. f. Muselière.

MYRTRE, s. m. Myrte, arbrisseau. Une branche de myrtre. Terme suisse-roman, limousin, lorrain, etc.

55

N

NACRE (DU). Ce mot est féminin.

NAGEOTTER, v. n. Nager un peu, nager avec difficulté. Mon chien a les pattes fort courtes, et il ne peut que nageotter.

NAGER, v. n. Nous disons proverbialement d'une personne qui est dans l'abondance, d'une personne qui est riche, ou qui est en voie de le devenir: Elle nage en pleine eau. L'Académie dit: «Elle nage en grande eau;» et c'est ainsi que s'exprime Le Sage dans son roman de Guzman d'Alfarache: «Quand j'ai nagé en grande eau, j'ai toujours eu le malheur de m'y noyer.» [Livre VI, chap. VIII.]

NAILLER, v. a. Terme des campagnards. Casser les noix et les trier. Nous irons ce soir nailler les noix chez M. l'adjoint. [P. G.]

NAIMBOT, BOTE, subst. Nabot, nabote. Celui ou celle qui est d'une taille ridiculement petite. Un petit naimbot, une pauvre naimbote. Terme vieux français. On dit en Savoie: Nambot.

NAINNAIN, s. f. Terme enfantin. Nourrice.

NAISER (SE), v. pron. Se moisir. On le dit principalement du linge. Un linge naisé est celui qui a souffert de l'humidité et qui en a contracté des taches; ces taches s'appellent taches de naisé. Terme suisse-roman. En Dauphiné, en Franche-Comté, chez nous et sans doute ailleurs, naiser le chanvre c'est: Le faire rouir.

NÂNE, s. f. Nourrice. L'enfant pleure; appelez la nâne. Notre Lili ne veut pas quitter sa nâne.

NANQUINET, s. m. Dites: Nanquinette, s. f.

† NANSE, s. f. Nasse, instrument d'osier ou de fil de fer servant à prendre du poisson. Tendre des nanses; lever les 56 nanses. Terme suisse-roman, savoisien et vieux français.

NANT, s. m. Ravin boisé au fond duquel coule un petit ruisseau. Le nant de Frontenay; le nant de Jargonand; le nant d'Avenchet; le nant de Roulave. Dans le Faucigny (Savoie), un nant est Un torrent; et on le dit particulièrement de certains torrents impétueux qui descendent du Mont-Blanc ou des montagnes voisines; tels sont: le Nant-Noir, le Bon-Nant, le Nant-Bourant. Le dictionnaire de Bescherelle traduit le mot de nant par celui de: Cascade; c'est une grande erreur. Dans le vieux français, nant signifiait: «Vallée,» s'il faut en croire le Dictionnaire du Vieux langage, de Lacombe.

NANT DE BRAILLE, s. m. Usure; usurier. Faire le nant de Braille. Être nant de braille. Cette expression, purement locale, vient d'un nant, près de Coppet, où se commettaient jadis des vols et des assassinats. [Glossaire de Gaudy.]

NANZOU, s. m. Mallemolle, espèce de mousseline ou de toile de coton blanche, claire et très-fine, qui est apportée des Indes orientales.

NAPPAGE, s. m. Linge de table, c'est-à-dire: Nappes et serviettes. Nappage uni; nappage damassé. Terme suisse-roman, lorrain, etc.

NARCISSE (UNE). Une belle narcisse. Ce mot est masculin.

NATOURI, s. m. Batelier. Ce terme vieillit.

NAVETTE, s. f. Petite brioche sucrée.

NAYER, v. a. et SE NAYER, v. pron. Ancienne orthographe et ancienne prononciation des mots «Noyer» et «Se noyer.»

NE, part. négat. Tu as payé ce châle plus qu'il vaut. Dites: Plus qu'il NE vaut.

NÈFE ou NEIFE, s. f. Nèfle, fruit du néflier. Une grosse nèfe; une nèfe molle. Terme parisien populaire, etc.

NEIGEOTTER, v. n. Diminutif de «Neiger.» Le temps devient 57 froid et sombre, il neigeotte, c'est-à-dire: Il neige un peu.

NEIZÉ, ÉE, adj. Voyez NAIZÉ.

NÉNET, s. m. Terme enfantin. Sein. Se dit en Savoie, dans le Limousin et ailleurs.

NERTIF, adj. m. Musclé. Un lurron nertif.

NETTAYER, v. a. Nettayer des meubles; nettayer un appartement. Ancienne orthographe et ancienne prononciation du mot «Nettoyer.» Dites: Je nettoie; je nettoierai, etc.

NETTAYEUR, s. m. Ne viens pas me rendre visite demain, Adeline, j'ai les nettayeurs. Dites: «J'ai les frotteurs.»

NEUF (À), locut. adv. L'expression genevoise: S'habiller à neuf, appartient au français populaire. Il faut dire: «S'habiller DE neuf.» [Acad.]

NEURET, nom propre d'homme. Nous appelons feinte à Neuret, ou feinte à la Neuret, une feinte grossière et qui saute aux yeux, une grosse bourde, une craque, telle qu'en pourrait faire le plus effronté gascon. Tu crois m'en imposer? Va, va, c'est une feinte à Neuret; tu fais la feinte à Neuret. Cette locution proverbiale, très-connue dans la rue du Rhône et dans les rues avoisinantes, tire son origine de feu Neuret, grand chasseur et grand hâbleur.

NEZ, s. m. (fig.) Nous disons d'une plaisanterie plate et insignifiante, qu'elle n'a point de nez, c'est-à-dire: point d'esprit, point de piquant. Faire des malices à cette pauvre revendeuse, cela n'a véritablement point de nez. Expression savoisienne et méridionale.

NEZ, s. m. Nous disons: À son nez et barbe, pour dire: En sa présence, en face de lui. Elle osa tenir ce langage énergique et franc à son nez et barbe. L'Académie dit: «À son nez et À SA barbe.»

NEZ, s. m. Nous disons proverbialement et dérisoirement à 58 une personne qui se flatte d'un succès qu'elle n'a aucune chance d'obtenir: Tâte voir si le nez te branle.

NEZ DE BOIS. Trouver nez de bois, signifie: Trouver la porte fermée quand on va chez quelqu'un; trouver visage de bois. Nous disons dans le même sens: Avoir nez de bois.

NIÂCE, s. f. Terme enfantin, qui signifie: Caresse, et qui ne s'emploie que dans cette expression: Faire niâce, c'est-à-dire: Caresser. Fais niâce au minon, Antoinette; fais niâce à ce joli chat.

NIÂCER, v. a. Caresser, faire niâce.

NIAFFE ou GNIAFFE, s. m. Savetier. Terme de dénigrement, connu à Paris, en Normandie et sans doute ailleurs. A Chambéry on dit: Niaffre.

NIAFFE ou GNIAFFE, adj. Se dit des personnes et signifie: Flasque, sans énergie, sans courage. Je me sens tout niaffe aujourd'hui. Expression triviale.

NIÂNIOU, s. m. et adj. Niais, dadais, nigaud, personnage dont la démarche et le maintien annoncent déjà la bêtise. Va-t'en, niâniou; va-t'en, bobet, qui ne sais pas seulement relever des quilles. Prenez-y garde, Messieurs: avec son air niâniou il n'est pas aussi bête que vous le pensez. Terme suisse et savoisien. Dans le Berry, Nioniot; en Normandie, niot. A Genève on dit quelquefois dans le même sens: Niânion.

† NIARGUE, s. f. Terme de dépit, de raillerie ou de mépris. Faire la niargue à quelqu'un, c'est le braver avec dédain, lui faire nargue.

NIARGUER, v. a. Faire nargue. Tu me niargues, André, parce que tu es avec ton grand frère, mais tu verras demain.

NIAU ou NIÔ, s. m. Nichet, œuf qu'on met dans un nid pour que les poules y aillent pondre. Dans les dialectes populaires de France on dit: Niai, nieu, niot et niaou.

59 NIAUQUE, s. f. Voyez NIÔQUE.

† NIERFE ou NIARFE, s. m. Nerf.

† NIFLER, v. a. Flairer, sentir. Nifler un ragoût. Nifle voir cette rose. Terme savoisien et méridional, recueilli par Cotgrave, qui lui donne le sens de «Renifler.» Dans le patois limousin, niflo, s. f., veut dire: La narine. Au figuré, nifler est synonyme de: Fureter.

NIFFLET, s. m. Nigaud, benêt. Oh! le niflet, qui a peur d'une chèvre.

NIFLE-TANTÔT, s. m. Dadais, nigaud, niais.

NIGODÊME, s. m. Se dit d'un homme simple et borné. Il faut écrire et prononcer: Nicodème.

NIGUEDOUILLE ou NIGUEDANDOUILLE, s. m. Idiot, hébêté, sot, niais, dadais, homme simple et innocent. Niguedouille n'est qu'une légère altération de «Niquedouille,» qu'on trouve dans quelques dictionnaires français.

NILLE, s. f. Articulation, jointure, phalange. En glissant, il s'écorcha la nille du pied. Terme suisse-roman et savoisien.

NILLE, s. f. Terme de boucherie. Nille d'aloyau.

NILLON, s. m. Pain de noix.

NINA, s. f. Ce terme ne s'emploie que dans cette expression populaire: Avoir sa nina, c'est-à-dire: Être ivre.

NINE, s. f. et adj. Naine. Une petite nine; un rose nine. On parlait ainsi en France il y a deux cents ans.

† NINOTTE, s. f. Ninotte royale, ninotte de vignes. La chasse aux ninottes. Le changement de l en n est continuel. Ainsi, dans le langage parisien populaire, on dit: Nentille pour lentille; caneçon pour caleçon; falbana pour falbala; et à Genève nos grand'mamans ne disent-elles pas indifféremment une chaftane et une chaftal? D'autre part le l est souvent mis pour le n. Exemple: Calonnier pour canonnier.

60 NIOLLE, s. f. Nuage. Les niolles qui s'élèvent lentement et en fuseaux contre les flancs du Jura annoncent la pluie. Terme suisse-roman, savoisien, dauphinois, franc-comtois, etc. En provençal: Nioulo. En français, Nielle signifie: Brouillard, petite pluie froide.

NIOLLE, s. f. Nielle, plante à fleur rouge, laquelle croît dans les blés.

NIOMET, s. m. Niais, benêt. En Normandie, Nio.

NION-NION, s. m. Dadais, hébêté. Faire le nion-nion.

NIÔQUE, s. f. Femme ou fille bête, bornée, sans expérience ni savoir. Ce mot s'emploie aussi adjectivement. Votre apprentie est bien niôque de m'avoir estropié mon corset. Oh! la niôque, à qui on fait croire tout ce que l'on veut. Terme suisse. A Lyon et à Chambéry, on dit: Nioche.

NIÔQUASSE, s. f. Augmentatif du mot niôque.

NIÔQUERIE, s. f. Nigauderie, bêtise.

NIOSET, ETTE, s. et adj. Sot, niais, nigaud. Ce mot de nioset ne serait-il point une corruption du mot Dioset, qui, en patois, est le nom propre Joseph, lequel nom s'emploie souvent comme synonyme de Homme simple et borné?

NIOTTE, s. f. Cache, cachette, réduit. Je trouvai une excellente niotte, et j'y cachai le boursicaut. Ils découvrirent la niotte et enlevèrent le sac.

NI PEU NI TROP, loc. adv. Beaucoup, considérablement. Toute l'école vient d'être punie ni peu ni trop. La pluie nous a surpris à une demi-lieue de la ville, et nous avons été rincés ni peu ni trop.

NIQUER, v. a. Terme d'écolier. Tout gagner, mettre à sec. Être niqué, être flambé, avoir tout perdu, [P. G.]

NIQUET, s. m. Nigaud. En Normandie, niquet signifie: Simple et un peu niais.

NITON. Ne dites pas: Les pierres du Niton, mais: «Les pierres DE Niton,» parce que le nom de Niton est une altération 61 de celui de «Neptune.» Ce sont deux énormes pierres qui se voient à Genève, dans le lac, en face et tout près des Eaux-Vives. [P. G.]

NI VU NI CONNU. Expression elliptique et familière, qui revient à celles-ci: C'est fini; n'en parlons plus; qu'il n'en soit plus question.

NOCE, s. f. Terme enfantin, qui signifie: Petit morceau, petit carré de pain sur lequel on place un peu de tomme ou un peu de chocolat, ou quelque petite sucrerie. Faire des noces. Si vous êtes sages, mes enfants, vous aurez des noces après votre goûter.

† NOËL, s. f. À la Noël. Faute fréquente en Suisse, en Savoie et en France. Dites: A Noël, aux fêtes de Noël.

NŒUD-COURANT, s. m. Nœud coulant, nœud qui se serre ou se desserre sans se dénouer. Le chat fut pris dans le nœud-courant. Terme savoisien et méridional.

NOGAT, s. m. Nougat, gâteau d'amandes au miel ou au caramel. Terme méridional. «Nougat» vient du mot languedocien nougue, sorte de grosse noix dont on faisait originairement ce gâteau. R. nux.

NOGET, s. m. Nigaud, dadais. En Normandie: Nigeon.

NOIR, s. m. (fig.) Avoir du noir, signifie: Broyer du noir, se livrer à des réflexions tristes, à des pensées sombres et mélancoliques. Nous disons dans le même sens: Être dans ses noirs. Hier il était dans ses noirs, le voilà loustique aujourd'hui.

NOIX, s. f. Nous disons figurément et proverbialement à une personne qui fait un plan baroque, une combinaison saugrenue et inexécutable: Vous avez rangé tout cela comme des noix sur un bâton.

NONANTE, adj. numéral. Quatre-vingt-dix. Nous étions à cette assemblée nonante et quelques. L'Académie indique ce mot de nonante comme vieilli, et Boiste l'appelle inusité. Il 62 est d'un usage universel en Suisse, en Savoie et dans le midi de la France. «Il est fâcheux, dit M. Bescherelle, qu'on ait laissé vieillir le mot nonante, et qu'on lui ait substitué un terme aussi barbare et aussi irrégulier que «quatre-vingt-dix.» [Dictionnaire National.]

NONNET, s. m. Homme simple et même un peu nigaud.

NON-NETTE, s. f. C'est ainsi que nous prononçons le mot «Nonnette,» terme peu répandu en France, mais enregistré dans le dictionnaire de Bescherelle et dans le Complément de l'Académie. En Valais on dit: Nanette.

NÔNÔ, s. m. Terme enfantin. Couchette, berceau. Faire nônô, dormir. Aller nônô, aller dormir. Nônô, Fanfan, etc., est un refrain de chanson sur un air ou une note très-capables d'endormir l'enfant le plus éveillé. Terme vaudois, savoisien et provençal. Dans le Limousin on dit: Faire na-na.

NON PAS, loc. adv. Au contraire. Eh bien, André, le concert a été, dit-on, bien mauvais?—Il a été délicieux, non pas.

NON-PLUS (LE). Ne s'emploie que dans cette expression: Être au non-plus, c'est-à-dire: Être dans une position fort critique, être dans une perplexité cruelle, être à quia, être aux abois.

† NOUËL. Noël. À la Nouël prochaine. Cette expression des campagnards est un reste de l'ancien français, et le savant Ménage préférait ce terme (Nouël) à celui de Noël.

NOUER, v. a. (fig.) Joindre. Nous disons figurément et familièrement: Nouer les deux bouts, pour signifier: Avoir de quoi suffire à toutes les dépenses de l'année. Locution méridionale. L'Académie dit: «Joindre les deux bouts.»

NOURME, s. f. Vieux conte, litanie, vieille histoire qui n'a pas le sens commun. Dans l'ancien patois genevois, nourma signifiait: Règle. À voutra nourma, à votre volonté.

63 NOURRISSAGE, s. m. Les dictionnaires français définissent ce mot: «Soin et manière d'élever les bestiaux.» A Genève, nourrissage signifie: Le temps pendant lequel la mère ou la nourrice allaitent l'enfant. Mme N** s'est mieux portée pendant son nourrissage que jamais auparavant. Nourrissage à la bouteille. Nourrissage au biberon. Le dernier mois du nourrissage se paie double. Expressions utiles, connues à Lyon et sans doute ailleurs.

NOUVEAU (UN), Ce mot signifie: 1o Une nouvelle, c'est-à-dire: Le premier avis qu'on donne d'un événement tout récent; 2o Une chose inaccoutumée, une nouveauté. Eh bien! Messieurs, nous apportez-vous quelque nouveau? Je m'ennuie loin de Genève; écrivez-moi tous les nouveaux que vous pourrez. Quel nouveau de vous voir à cette heure-ci chez nous? Terme suisse-roman et savoisien. Dans le patois rouchi: Un nouviau. En français, on dira fort bien: «Y a-t-il du nouveau? Voici du nouveau.» Mais un nouveau est une expression très-incorrecte et inconnue aux dictionnaires.

NOUVEAU (À), adv. De nouveau, derechef, une seconde fois. La muraille était à peine finie, qu'il fallut l'abattre et l'établir à nouveau. Cet habit n'est pas acceptable, vous le ferez à nouveau. Selon l'Académie et selon tous les dictionnaires, à nouveau est un terme de banque, un terme de commerce, qui signifie: Sur un nouveau compte. «Créditer à nouveau; débiter à nouveau; porter à nouveau.»

NOYAUX (DES), (fig.) De l'argent. Terme connu aussi en Savoie.

NOYER (SE), v. pron. Nous disons proverbialement de quelqu'un qui se laisse effrayer par le moindre obstacle, ou par la moindre difficulté: Il se noie dans un verre d'eau. L'Académie dit: «Il se noie dans un crachat.»

NUIT, s. f. Les expressions: Se mettre de nuit, ou: Se 64 mettre à la nuit, veulent dire: «S'anuiter,» s'exposer à être surpris en route par la nuit. [P. G.]

NUIT, s. f. La nuit tous les chats sont gris. Dites avec le dictionnaire de l'Académie: «La nuit TOUS CHATS sont gris.» Et, avant de faire usage d'un proverbe quelconque, ayez soin de le connaître parfaitement.

† NUMERO, s. m. J'hasarda cinq francs, et j'attrapa un excellent numero. Écrivez et prononcez «Numéro,» avec un accent sur l'é.

O

OBÉISSANCES, s. f. pl. La formule suivante de salutation: Je vous présente mes obéissances, n'est pas française. Il faut dire au singulier: Je vous présente mon obéissance.

† OBELONS, s. m. pl. Houblons. Cueillir des obelons. Manger des obelons en salade. Terme savoisien et vieux français.

OBLIGEANCE, s. f. Ce mot signifie: Penchant à obliger, disposition à obliger. Ainsi nous parlons incorrectement quand nous disons: Ayez l'obligeance de me prêter un parapluie. Auriez-vous l'extrême obligeance de m'accompagner ce soir? Mr N** a eu l'obligeance de me promettre des billets de concert. Mais on sera exact en disant: «Votre ami Gustave est un homme d'une grande obligeance; il met dans ses procédés, et dans toute sa manière de faire, une excessive obligeance; on ne saurait porter plus loin l'obligeance et le dévouement.» Remarque un peu délicate et subtile.

OBSERVATION, s. f. Nous disons: Je vous ferai une observation, c'est que..... Permettez-moi une observation. 65 J'ai voulu faire quelques observations à notre jeune avocat, mais il les a mal prises. Il faut dire: Je vous ferai faire une observation, une réflexion, c'est que..... Permettez que je vous fasse remarquer, etc. On ne dit pas non plus: Je vous observerai que..... Il faut dire: Je vous ferai observer que.....

OCCASION, s. f. Nous disons: Auriez-vous occasion d'excellente toile? Si vous aviez occasion de café, je sais un bon coup à faire. Quand vous aurez occasion de maculature, adressez-vous à moi, ou à mon ami Z. Z**. Cette expression, qui n'a point d'équivalent exact en français, est un anglicisme. Occasion, en anglais, signifie: «Besoin.» Mais on dira fort bien: Marchandise d'occasion; livres d'occasion; acheter un piano d'occasion.

OCHON, s. m. Hoche, entaillure, coup. Se donner un ochon; se faire un ochon; recevoir un ochon.

OCHONNER, v. a. Faire des hoches, entailler. S'OCHONNER, v. pron. Se meurtrir. En gravissant la moraine du bois de La Bâtie, notre gamin s'est tout ochonné.

ŒILLETON, s. m. Mignonnette, mignardise, petit œillet dont on garnit les plates-bandes. Dédoubler des œilletons. «Œilleton,» en français, signifie: Rejeton d'œillet, marcotte d'œillet.

ŒUF DE FOURMI, s. m. Dites: Ver de fourmi, nymphe de fourmi. Les œufs de ces insectes sont beaucoup plus petits et presque imperceptibles; ce sont les vers qui en sortent et qui passent ensuite à l'état de nymphes, que nous donnons aux rossignols et à quelques autres oiseaux. [Glossaire de Gaudy.]

ŒULE, s. f. Ou plutôt œulă et oûlă, sont des termes patois qui signifient: «Marmite.» Dans le patois du canton de Vaud on dit: Aulă et eulă; dans le patois de l'Isère, olla; en provençal, oulo; en latin, olla.

66 ŒUVES ou UVES, s. f. pl. Laite, laitance. Les œuves d'une carpe, les œuves d'une lotte, etc. Dans beaucoup de poissons les œuves sont une nourriture très-estimée. Ce mot a été recueilli par Cotgrave, dans son Dictionnaire français-anglais. Terme vaudois et savoisien. Nous disons aussi: Lait. Voyez ce mot, tome II, p. 11.

OFFRE (UN). Un offre gracieux; un offre avantageux. Ce mot était autrefois des deux genres; il est actuellement féminin. Il faut dire: Une offre gracieuse, une offre généreuse, etc.

OFFRIR À..., suivi de l'infinitif. Offrir de. On lit journellement dans nos Petites Affiches: On offre à vendre une bibliothèque; on offre à vendre un canapé et six chaises, etc. Dites: «On offre de vendre;» ou, ce qui revient au même: «On offre à acheter.»

OGNE, s. f. Terme d'écolier. Coup porté par un mâpis sur les articulations des doigts. Être condamné aux ognes; recevoir les ognes.

OGNON, s. m. Tape, coup, contusion. Recevoir un ognon; se donner un ognon; se faire un ognon.

OGNON, s. m. Nous disons d'une personne excessivement propre: Elle est propre comme un ognon.

OH ALORS! Exclamation de surprise. Sais-tu l'aventure de la ménagerie?—Non.—Eh bien! Écoute. Quand les spectateurs y pensaient le moins, le singe, dans un accès de gaîté, s'est jeté sur une belle dame, lui a enlevé son chapeau de velours et s'en est coiffé.—Oh alors! voilà qui est plaisant.

OH! VOILÀ, locution adverbiale qui marque le doute. Combien de temps seras-tu absente, Suzon?—Oh! voilà, un mois ou deux. Aimes-tu ton état de tailleuse, Lisette?—Oh! voilà, on gagne peu, mais l'ouvrage ne manque jamais. Es-tu fatigué de ta course de montagne, Émile?—Oh! 67 voilà, je serai bien aise de me reposer. Cette expression est d'un emploi universel chez nous.

OISEAU, s. m. Fête ou réjouissance, appelée aussi «Papegai.» L'Académie et tous les dictionnaires disent: «Tirer l'oiseau.» On dit à Genève: Tirer à l'oiseau.

† OLIFE, s. f. Olive. Du bon huile d'olife. Dans le patois rouchi on dit: Olife et oulife; en vieux français, olif. [Voyez Roquefort, Supplément au Glossaire roman.]

OLIVE, s. f. Primevère des prés, primevère à fleur jaune. Une plante d'olives; un bouquet d'olives.

OMBRÉE, ÉE, adj. Une promenade ombrée est: Une promenade où l'on est à l'ombre; une promenade où les arbres procurent de l'ombre. Parc ombré; prairie ombrée; sentier ombré. Ce sens du mot «ombré» aurait bien droit, peut-être, de figurer dans les dictionnaires. «Ombragé» n'est pas synonyme d'ombré. «Ombreux» s'en approcherait davantage.

OMBRE-CHEVALIER, s. m. Sorte de poisson particulière à notre lac.

OMBRETTE, s. f. Ombrelle, petit parasol. Terme français populaire et vieux français.

† OMNIBUS, s. f. La grande omnibus. Ce mot est masculin.

OMNIBUS, s. m. Petite dose d'eau-de-vie et de sirop mêlés ensemble dans un verre qu'on remplit d'eau chaude, et qu'on sert chez les débitants de boissons. [P. G.]

OMNIBUSSIER, s. m. Conducteur d'omnibus.

ON, pron. pers. indéfini. Ce pronom tient la place de «nous» ou de «je» dans le langage des gamins. Jacques! Jacques! On va au bois des Frères: en es-tu? On dérochera des nids et l'on avantera des gaules. On a un jardin, nous, avec des poules et un lard. On est sage, nous: on va ramasser du bois pour la grand'mère.

† ONCORE, adv. Encore. Pas oncore.

68 ONDE, s. f. Se dit de l'eau qui bout. Cuire à grandes ondes, signifie: «Cuire à gros bouillons.» Il faudra deux ondes à cette tisane. Il suffit d'une onde à ces petites herbes. Terme méridional, etc.

ONGLE (UNE). Tu as les ongles bien longues, Alexis. Ce mot est masculin.

ONGLÉES, s. f. pl. Engourdissement douloureux au bout des doigts, causé par un grand froid. Avoir les onglées. Dites: «Avoir l'onglée.»

† OPÉNIÂTRE, adj. et s. Opiniâtre. S'OPÉNIÂTRER, v. pron. S'opiniâtrer.

OPIÂTRE, s. m. Opiat, confection.

ORA, s. f. Air, vent qui souffle. Terme patois, connu en Savoie et en Dauphiné. Dans le canton de Vaud on dit: Aurra, eura et oura. En latin, aura.

† ORAGAN, s. m. Ouragan. Les affreux ravages d'un oragan. Terme savoisien et lyonnais.

ORANGE, s. f. Eau de fleur d'orange. Voyez l'expression: FLEUR DE PÊCHE, t. Ier, p. 211.

ORBET, s. m. Bouton à la paupière, orgelet.

ORDON, s. m. Terme des campagnards. Portion de tâche. Un petit ordon; un grand ordon. Mener l'ordon, signifie: Être à la tête des faucheurs; être à la tête des vendangeurs. Cette expression, qui appartient au vieux français, est fort connue en Savoie, dans le Dauphiné, dans le Berry, à Reims et ailleurs.

ORGANE, s. fém. Une belle organe. Ce mot est masculin. Un bel organe; un organe flatteur; un organe musical.

ORGE D'ULM, s. m. Orge mondé; orge perlé.

ORIGINE (À L'), loc. adv. Dans l'origine, originairement. «À l'origine ce vaste pays (le Brésil) fut peu estimé des Portugais.» [Brédow, Histoire universelle, t. II, p. 116.]

69 ORIOL, s. m. Loriot, oiseau. En Languedoc: Loriol; à Chambéry, louriot.

ORTEUIL, s. m. Le gros orteuil. Écrivez et prononcez «Orteil.» Le gros orteil; le petit orteil.

† ORTHOGRAPHE, s. m. Un mauvais orthographe. J'ai fait huit mois de Septième, et je n'ai jamais pu attraper un bon orthographe. Ce mot est féminin.

ORTHOGRAPHER, v. a. Orthographier.

ORTHOPÉDISTE, s. m. Ne signifie pas: Redresseur de pieds. Il signifie, d'après l'étymologie grecque: Médecin qui corrige ou qui prévient dans les enfants les difformités du corps. «Orthopédiste» est formé des mots orthos, droit, et païss, païdoss, enfant.

ORVAT, s. m. Plante fort commune, appelée en français: Orvale. Ce que nous nommons orvat des prés, s'appelle: Sauge des prés.

OS, s. m. Se donner un coup là où les Allemands n'ont point d'os, signifie: Se donner un coup à ce nerf du coude que les médecins appellent «Nerf cubital.»

OSSAILLES, s. f. pl. Os de porc. On se régala d'une platelée d'ossailles. Terme savoisien.

OSTRUCTION, s. f. Terme de médecine. Obstruction. Avoir des ostructions au foie. Cette faute nous vient probablement du Midi, où l'on retranche le b dans une quantité de mots, et où l'on dit: par exemple: Oscurité, ostacle, ostination, ostiné.

OT. Dans tous les mots qui se terminent par ot, comme pot, marmot, cachot, sabot, haricot, fagot, huguenot, nous prononçons l'o très-bref, et c'est aussi la prononciation des Méridionaux. Les Parisiens, au contraire, le prononcent long, Pōt, marmōt, cachōt, sabōt, haricōt, tripōt, huguenōt, etc., et c'est la prononciation reçue dans les dictionnaires.

ÔTU-BÔTU, adv. Voyez AUTU-BÔTU, t. Ier, p. 29. Ce mot 70 est aussi substantif. Faisons de toutes ces marchandises un ôtu-bôtu. Terme vaudois et jurassien.

OUÂBLIĂ, s. f. Terme patois. Clématite commune, nommée aussi «Herbe aux gueux» et «Viorne des pauvres.» Certains mendiants roués écrasent les feuilles de cette plante pour se faire des excoriations qui ont l'apparence d'ulcères, afin d'exciter la pitié des personnes auxquelles ils demandent l'aumône, et qui ne sont pas au fait de cette manœuvre. [P. G.]

OUA-OUA, s. f. Terme enfantin. Chien. Regarde le joli oua-oua; caresse un peu ce oua-oua.

OUBLI, s. m. Pain à cacheter. Oubli noir, oubli vert. Boîte d'oublis. Terme suisse-roman et savoisien.

OUBLIEUR, adj. m. Oublieux.

† OÙ CE QU'IL EST? Où est-il? Où ce qu'il demeure? Où demeure-t-il? Où ce qu'il va? D'où ce que tu viens? Français populaire.

OUÏE (L'). Ne dites pas: Avoir l'ouïe fin, avoir l'ouïe délicat, etc. Ce mot est féminin. Ouïe fine, ouïe délicate.

OUÏE, s. f. Nous disons et nous écrivons: À l'ouïe de ces paroles; à l'ouïe de cette déclaration des juges; à l'ouïe d'un semblable aveu, etc. Cette expression, qui manque à la langue française, est à la fois claire et concise, et il y a plus d'un siècle qu'elle est entrée dans le domaine du style réfugié. «A l'ouïe d'un nom aussi respectable que celui de la vertu, il me semble,» etc. [Lenfant, Premier Sermon.] «A l'ouïe de ces mêmes sons,» etc. [Ch. Bonnet, Contemplation de la nature, XIIme partie, ch. 28.] «A l'ouïe de ce qui venait de se passer à Lausanne,» etc. [Mr ***, Le 14 Février, p. 40, 41.]

OURIOU et mieux HOURIOU, s. m. Petit enfant. Expression de la conversation la plus familière. Et les ourious, voisin, 71 comment sont-ils? En Bourgogne, hairai, et en vieux français hoir et hoiret, ont le même sens.

OURIOU, s. m. Loriot, oiseau. On dit aussi: Oriol.

OURLE, s. f. Terme de couturière. Ourlet, repli que l'on fait au bord d'une étoffe. Ourle ronde; ourle plate. En vieux français: Orle.

OURLES, s. f. pl. Oreillons, inflammation des glandes voisines de l'oreille. Prendre les ourles; avoir les ourles. Terme suisse-roman, savoisien et dauphinois.

OURTIE, s. f. Ortie.

OURTILLIÈRE, adj. Nous appelons fièvre ourtillière ce que les gens de l'art appellent en France: Fièvre ortiée, fièvre urticaire.

OU SINON, conjonct. Sinon. Obéis à l'instant, ou sinon... gare! Français populaire.

OUSTE. Le mois d'ouste; à la fin d'ouste, etc. Orthographe et prononciation vicieuses du mot «août,» lequel se prononce outt selon le dictionnaire de l'Académie, et selon d'excellents grammairiens. Dans le vieux français, on disait: Awouste. R. augustus.

OUTA, s. f. Terme des campagnards. Cuisine. Dans le canton de Vaud on dit: Outo, otto et otau. Dans le Valais, outto, s. f., signifie: Auberge, cabaret. En vieux français, ost et ostau, logis, maison, hôtel. R. hospitium.

† OUVRAGE (UNE). Ton ouvrage est-elle finie, Joséphine? Tu as fait là vraiment une belle ouvrage! Ce solécisme, qui est une tradition du vieux français, se fait à Paris et sans doute ailleurs.

OVAILLE ou OVALE, s. f. Accident arrivé par une force majeure; désastre qu'on ne pouvait prévoir. Ce terme n'est employé que dans l'expression suivante: Cas d'ovaille. «Les dégâts causés à un fermier par une grêle, par une gelée, par un ouragan, par une inondation, par une invasion ennemie, 72 sont autant de cas d'ovailles.» Terme vaudois. Le tremblement de terre qui détruisit, en 1584, le village d'Yvorne, (canton de Vaud), s'appelle: La grande ovaille. A Neuchâtel et en Franche-Comté on dit: Orvale.

P

PACHE, s. f. Accord, transaction, marché. Bonne pache; mauvaise pache. La pache est faite. Terme suisse-roman, savoisien, méridional et vieux français. Dans le vieux français, pache était masculin. R. pactum.

PACOT, s. m. Boue épaisse, gâchis. S'enfoncer dans le pacot. Terme suisse-roman et savoisien.

PACOTER, v. a. et n. S'enfoncer dans le pacot. Nous pacotions dans ce chemin. SE PACOTER, v. pron. Se salir de boue, entrer dans le pacot.

PACOTEUX, EUSE, adj. Plein de pacot. Sentier pacoteux; route pacoteuse.

PAFFE, adj. Signifie: 1o Gorgé de nourriture; 2o Ivre, plein de vin. Ils s'en revinrent tellement paffes, qu'ils avaient peine à se soutenir. Terme trivial. Dans le dialecte rouchi, s'empaffer signifie: Se bourrer d'aliments; et dans le dialecte lorrain, ce même verbe signifie: Boire avec excès de l'eau-de-vie ou d'autres liqueurs.

PAGNON, s. m. Gros morceau de pain. Terme suisse-roman et savoisien. En vieux français: Paignon. R. panis.

PAGNOT, s. m. Nigaud, dadais. Un vrai pagnot; un franc pagnot. Dans le vieux français, pagnote signifiait: Homme de rien, chenapan, lâche, poltron; et ce terme, subsiste encore dans le patois du Dauphiné (pagnota).

PAGNOTERIE, s. f. Sottise, bêtise, stupidité. Dans le vieux français, pagnoterie signifiait: Lâcheté, action lâche.

73 PAILLASSON, s. m. Banneton, panier à pâte, sorte de jatte de paille où l'on met la pâte pour donner la forme au pain. Terme savoisien et méridional.

PAILLER, v. a. Pailler une chaise, pailler un tabouret, c'est: Les garnir de paille. On dit en français: Empailler.

PAILLEUR DE CHAISES, s. m. Empailleur de chaises.

PAIN, s. m. Nous disons figurément de quelqu'un qui peut vivre sans travailler: Il a du pain sur la planche. On dit en français: «Il a du pain cuit; il a son pain cuit.» [Acad.]

PAIN CUIT. Ce qu'on appelle en français «Panade,» s'appelle à Genève: Soupe au pain cuit. Terme savoisien, marseillais, etc.

PAIN DE LOUP, s. m. Baie ou fruit de la viorne.

PAIR, s. m. Nous disons: Jouer à pair ou impair; on dit en français: «Jouer à pair ou non.»

† PAIRE (UN). Un paire de bas, un vieux paire de grolles. Il n'y a qu'un paire de jours que je le rencontra en rue. Ce solécisme, très-fréquent en Savoie et dans le Midi, appartient au vieux français.

PAIR ET COMPAGNON. Nous disons de deux hommes qui, étant d'une condition fort différente, vivent néanmoins dans une grande intimité: Ils sont pairs et compagnons; ils vivent comme pairs et compagnons. L'Académie dit: «Ils vivent DE pair À compagnon.»

PÂLET, ETTE, adj. Pâlot, un peu pâle. Notre Louisa était pâlette ce matin.

PALETTE, s. f. Abécédaire, petit livre destiné à l'enseignement de l'alphabet. Terme suisse-roman et savoisien.

PALOURD, OURDE, s. Terme de mépris. Balourd, pataud, homme grossier.

PAN, s. m. Mesure de longueur. Au sens figuré: Cela fait le pan, signifie: Cela solde, cela balance. La mesure appelée pan est encore connue dans le Midi.

74 PAN, s. m. Terme d'écolier. Brin de paille pour mesurer une petite distance.

PANACHE (UNE). Ce mot est masculin. «Panache ondoyant.»

PANCHER D'EAU. Faire de l'eau.

PANER, v. a. Terme des campagnards. Torcher, essuyer. Voyez plus bas, PANNER.

PANET, PANÉ ou PANAIS, s. m. Sorte de millet dont certains petits oiseaux sont friands. Terme suisse-roman et savoisien. On dit en français: Panic ou Panis.

PANETIER, s. f. Vannier, faiseur de paniers, [P. G.]

PANFU, UE, s. Terme des campagnards. Ce mot n'est autre chose que le mot français «Pansu,» la lettre s se changeant fréquemment en f, dans le patois, comme nous l'avons remarqué plus haut, tome Ier, p. 61. Panfu se dit d'un homme qui a une grosse panse. Nous disons aussi: Panflu.

PANIER, s. m. Figurément et proverbialement, nous disons d'un homme très-maladroit: Il est lourd comme un panier.

PANIÈRE, s. f. Sorte de grande corbeille à anses. Ce terme, très-répandu en France, et principalement à Lyon et dans le Midi, manque dans les dictionnaires. Nous appelons aussi panière un grand cabas, un grand panier couvert.

PANIÉRÉE, s. f. Panerée, le contenu d'un panier extrêmement rempli. En provençal: Panieirado.

PANNER ou PANER, v. a. Terme des campagnards. Essuyer. Ce verbe paner se retrouve non-seulement dans les divers patois de la Suisse romane et de la Savoie, mais aussi dans le Berry, en Dauphiné, en Franche-Comté et dans le vieux français. Dans le patois des Vosges, panneur veut dire: Balai; en Normandie, pannas, plumeau; dans le canton de Vaud, panaman, essuie-mains.

PANOSSE, s. f. Torchon, vieux morceau de linge servant dans les cuisines à frotter et à nettoyer les meubles et ustensiles sales. Terme suisse-roman. En provençal: Panoucho. Dans 75 le vieux français, panoseux signifiait: Couvert de haillons. R. pannus, drap, linge, chiffon.

PANOSSER, v. a. Laver avec une panosse. N'écurez pas ce plancher, Jeannette, mais contentez-vous de le panosser.

PANTALON, s. m. Râle d'eau, oiseau.

PANTET, s. m. Signifie: 1o Un pan de chemise, un bout de chemise qui pend; 2o La chemise elle-même. Être en pantet, être en chemise, avoir une simple chemise. On criait: Au feu! à l'eau! Les voisins y coururent en pantet. Terme suisse, savoisien et franc-comtois.

PANTOMINE, s. f. Écrivez et prononcez «Pantomime.»

† PA-ONNE, s. f. Se dit d'une femme qui s'attife ou qui fait la glorieuse. A-t-on rien vu de pareil à cette Jenny? Elle se met comme une guignauche à la maison, et comme une pa-onne dès qu'elle sort. Le féminin de «Paon» est bien «Paonne,» mais ce mot doit se prononcer panne.

PAPACOLON, s. m. Joubarbe, plante grasse et toujours verte, dont l'espèce la plus commune croît ordinairement sur les toits et sur les murs.

PAPEROCHES, s. f. pl. Paperasses.

PAPET, s. m. Soupe très-épaisse, telle qu'est celle qu'on donne aux moissonneurs. Terme suisse, savoisien, dauphinois et languedocien. Figurément, Il ne peut plus dire papet, se dit d'un homme qui a tellement bu, qu'il ne peut plus parler distinctement. Dans l'évêché de Bâle et en Franche-Comté on dit: Paipay; en Belgique, pape, etc.

PAPET CORDET, s. m. Soupe à la courge. Dans le vieux français, coorde ou cohorde signifiait: Gourde, citrouille. En latin, cucurbita, dont on a fait d'abord coucourde. [Voyez Robert Estienne, Dictionnaire français-latin, édition de 1605.] Nos campagnards appellent une courge, nă courdă ou kœurdă.

PAPETTE, s. f. Voyez PAPET, qui a le même sens.

76 PAPIER CASSÉ, adj. m. Nous appelons papier cassé ce qu'on appelle, en français: Papier brouillard, papier qu'on emploie à sécher l'encre d'une écriture fraîche. Une compresse de papier cassé. Terme parisien populaire.

PAPIER DE POSTE, s. m. Papier à lettres. Une rame de papier de poste. Terme neuchâtelois, etc.

PAPIERS, s. m. pl. J'ai lu dans les papiers. Dites: J'ai lu dans les Papiers publics, c'est-à-dire: Dans les journaux, dans les feuilles publiques, dans les gazettes.

PAPILLOTES, s. f. pl. Figurément: Avoir les yeux en papillotes, signifie: Ne pas les avoir bien ouverts en se réveillant.

PAQUET, s. m. Fagot, faisceau de menu bois. J'aime mieux brûler des paquets que des fascines. Un cent de paquets coûte de huit à douze francs.

PAQUET, s. m. Nous disons: Donner à quelqu'un son paquet, pour: Le congédier, le renvoyer. Les dictionnaires ne mentionnent pas cette expression, mais bien la suivante: «Recevoir son paquet,» c'est-à-dire: Être congédié.

PAQUETIER, IÈRE, s. et adj. Cancanier, faiseur de paquets, tripotier, médisant. N'ayez plus rien de commun avec ce paquetier. Terme savoisien.

PAQUIS, s. m. Terme des campagnards. Troisième coupe du foin.

PAR, prépos. Il vendit brique par brique (brique à brique) tout son mobilier. Vous arracherez ces herbes brin par brin (brin à brin). Dictez-moi votre nom de famille lettre par lettre (lettre à lettre).

PAR, prépos. Il y a deux ans jour par jour (jour pour jour) que Mr N** est mort. Vous me copierez ce manuscrit page par page (page pour page), etc. Mais on dira fort bien: Écrivez jour par jour toutes vos dépenses, etc.

PARAFE (UNE). Une belle parafe. Ce mot est masculin.

77 † PARAÎTRE (SE), v. pron. Paraître, être aperçu, s'apercevoir. Pour raccommoder les manches et le collet, vous prendrez dans le pan de l'habit: cela ne veut pas se paraître.

PARAPEL, s. m. Parapet. Français populaire.

PARBOUILLIR, v. a. Faire bien bouillir. Des épinards parbouillis. Terme vieux français.

PAR CONTRE, adv. Si le vin est cher cette année, par contre il est bon. Le petit Ernest a une figure peu attrayante, mais il a par contre une belle santé. Le paysan gagne peu, mais par contre il ne hasarde guère. Dans ces exemples, et dans les exemples analogues, dites: En revanche, en récompense.

PAR-CONTRE (LE). L'équivalent. Recevoir le par-contre. Terme suisse-roman et savoisien.

PAR-DESSUS, adv. Nous disons d'un homme adroit, rusé, et qui se tire toujours d'affaire dans les circonstances les plus critiques: Il les sait toutes et une par-dessus. Expression qui se prend d'ordinaire en mauvaise part.

PÂRE, s. f. Croûte, pelure du fromage et de la tomme. Ôter la pâre, manger la pâre; donner la pâre aux poulets. Terme suisse-roman et savoisien. Voyez PÂRER.

† PAR ENSEMBLE, adv. En commun, en société. On achètera ces deux lards par ensemble. Terme vieux français.

† PAR ENSUITE, adv. Ensuite. Terme vieux français.

PAREPLUIE, s. m. Parapluie.

PÂRER, v. a. Pârer son fromage, pârer sa tomme, en ôter la croûte. Terme très-connu dans les Alpes qui nous avoisinent. En Languedoc, parer le lait signifie: «En ôter la crême.» Dans le vieux français, parer veut dire: Peler.

PARESOL, s. m. Parasol.

PAREVENT, s. m. Paravent.

78 † PAR HASARD, loc. adv. En revanche, en compensation, du moins. Il n'a pas grand'chose, lui; mais sa femme, par hasard, a beaucoup de terrain. Comment donc, ce drôle de Joigne vous a répondu si insolemment!—Oui, Monsieur, mais je l'ai remouché par hasard, c'est-à-dire: Mais à mon tour je l'ai arrangé. Que vous est-il donc arrivé, Monsieur Pattey?—Il m'est arrivé que je me suis mis quatre vessicatoires, sans l'ordonnance du médecin; mais j'en ai souffert, par hasard, et l'on ne m'y reprendra pas. Expression fréquente chez les campagnards.

PARIURE, s. f. Pari, gageure. J'en ferais bien la pariure. Terme français populaire.

PARLENTIN, subst. et adj. Grand parleur, babillard, bavard. Comment as-tu la patience d'écouter ce parlentin? Le féminin parlentine, d'autres disent parlenteuse, est peu usité.

PARLER LE RHUME. Expression consacrée chez nous et qui signifie: Parler avec un son de voix qui dénote un rhume.

PARLER MAL et MAL PARLER, sont deux expressions différentes. «Parler mal,» c'est: Manquer aux principes de la grammaire. «Mal parler,» c'est: Dire des paroles offensantes, médire. [Acad.] Mais nos grands écrivains n'ont pas observé scrupuleusement cette distinction, et les exemples à l'appui ne manqueraient pas.

PARMI, adv. Au milieu, dans le milieu, dans l'intérieur. Ce foin paraît sec, mais il est encore mouillé parmi. Cette paille est mouillée parmi. Cette expression, qui nous vient du vieux français, est fréquente dans la bouche des campagnards.

PARMI, prép. S'emploie souvent en sous-entendant son complément. Vos moutons sont chétifs; il y en a pourtant d'assez bons parmi. Expression inconnue aux dictionnaires et blâmée par les grammairiens.

79 PAROI, s. f. Paroi litelée; paroi gyssée; paroi en carrons. Le mot paroi est français, mais vieux et inusité dans le sens qui lui est donné chez nous. Le terme véritable est: «Cloison.»

PAROLI, s. m. Babil facile, élocution abondante. Ce jeune homme n'a que du paroli. En provençal, parouli signifie: Langage flatteur et séduisant; dans le vieux français: Paroler, discourir.

† PAR PEU QUE, locut. conj. Pour peu que. Par peu que tu lambines, tu arriveras trop tard. Par peu que tu sois diligent, tu pourras nous rattraper. Faute fréquente, mais qui passe inaperçue, à cause de la ressemblance des sons par peu et pour peu.

PARPILLOLE, s. f. Monnaie genevoise du seizième siècle, valant les trois quarts d'un sou, soit neuf deniers. Elle s'appelait aussi parpayole.

PARPILLON, s. m. Terme des campagnards. Papillon. Fais voir à ces Monsieurs ton beau parpillon. En Franche-Comté, en Auvergne, en Languedoc et en Gascogne, on dit: Parpillot; en provençal, parpaihoun; en Dauphiné, parpaillou.

PARTERET, s. m. Couperet, hachette, sorte de couteau de boucherie fort large, lequel sert à couper la viande. A Rumilly (Savoie), on dit: Partelet; en Dauphiné, partou. R. vieux français, parter, diviser, partager.

PARTICIPER, v. a. Communiquer, faire part de, informer de. Participer une nouvelle, participer un événement. Mr N** a négligé de nous participer le mariage de sa fille.

† PARTICULIARITÉ, s. f. Que dis-tu de ce bon rencontre, Christophe? N'est-ce pas une particuliarité? Terme vieux français. Écrivez et prononcez «Particularité.»

PARTIE, s. f. Ne dites pas: Faire une partie aux boules, faire une partie aux quilles, etc. Dites: Faire une partie 80 DE boules, faire une partie DE quilles, une partie DE billard.

PARTI-MEYTI. Locution moitié patoise, moitié barbare, qui revient à: «Partageons,» et qui se dit ordinairement après une trouvaille faite en commun. Partir ou parter, en vieux français, signifie: «Partager,» et meyti ou meytîa, en patois, veulent dire: «Moitié.»

PARTI ROULANT, s. m. Se dit d'un jeune homme qui est mûr pour le mariage, riche ou en position de le devenir. Mr N** est un parti roulant. Il y avait à ce bal trois ou quatre partis roulants. Cette expression, qui appartient à la conversation familière, n'est pas inconnue en Savoie et dans le canton de Vaud. Je demandais à une bonne paysanne du Chablais quel âge à peu près devait avoir un riche célibataire pour être appelé parti roulant: «Tant plus vieux, tant meilleur,» me répondit-elle.

† PAS, adv. interrogatif. N'est-ce pas? C'est après-demain la foire à Gaillard, pas? Dis-donc, Moïse, les raisins sont mûrs, on ira à la picôte, pas? Terme des gamins.

PAS MOINS, conj. Cependant, néanmoins. Elle avait dit et répété: «Je n'irai plus au bal,» et pas moins elle y retourne. Terme français populaire.

PAS PLUS, loc. adv. Non certes, point du tout, aucunement. Votre cousin a-t-il réussi dans sa requête?—Pas plus. On dit que vous pensez à vous marier, Mamzelle Gothon.—Moi, Monsieur, pas plus: et qui est-ce qui me voudrait?

PAS RIEN QUE, est une expression incorrecte dans les phrases suivantes: Il n'y a pas rien que lui qui souffre. Il n'y aura pas rien que vous deux de punis, etc. Dites: Il n'est pas le seul qui souffre. Il y en aura d'autres que vous deux de punis.

PASSAGER, ÈRE, adj. Passant, passante; fréquenté, fréquentée. Chemin passager, rue passagère. Terme français populaire.

81 PASSÉE, s. f. Terme de vigneron. Le temps de la floraison des vignes. Il faut beaucoup de chaleur pour que la passée se fasse bien. [Glossaire de Gaudy.]

PASSÉE, subst. f. Tournée, passage de quelqu'un. Première passée, deuxième passée du facteur de la poste aux lettres. As-tu soin, Octavie, de cueillir mes graines de capucines?—J'ai déjà fait ce matin deux passées.

PASSE-GENT, s. m. Nos jeunes garçons appellent ainsi un jeu qui consiste à sauter, de distance en distance, les uns par-dessus les autres. Jouer à passe-gent. Terme languedocien. En français, ce jeu s'appelle Coupe-tête.

PASSER AU BLEU, v. a. (fig.) Tuer, faire mourir. Quelle nouvelle a-t-on de notre lieutenant?—Il a été passé au bleu. Français populaire.

PASSE-ROSE (UN). Un beau passe-rose. Ce mot est féminin.

PASSET ou PASSEY, s. m. Échalas. La plupart des dialectes populaires de France, de Suisse et de Savoie ont ce terme, plus ou moins modifié. Dans le vieux français on disait: Pesseau; en grec, passalos, et en latin, paxillus.

PASSIONNER, v. a. Ce verbe n'est pas français, dans le sens de: Aimer avec passion. Ne dites donc pas: Cette dame passionne les romans. La jeunesse passionne les voyages. Nous passionnons tous la paix et la liberté.

PASSIORET, s. m. Petit passage, ouverture pratiquée dans une haie pour les piétons. Terme savoisien. Dans le dialecte du Berry, passière veut dire: «Chemin.»

PASSON, s. m. Terme des campagnards. Échelon. En Champagne, passet veut dire: Petit marche-pied.

PATACHE ou PATASSE, adj. et subst. Lambin, lambine.

PATACHER ou PATASSER, v. n. Lambiner.

PATACHERIE et PATASSERIE, s. f. Lenteur extrême, nonchalance.

82 PATAPOUF, s. m. Homme corpulent et lourd. Un gros patapouf. Terme savoisien, picard, rouchi, etc.

† PATARAFE, s. f. Mettre sa patarafe. Terme français populaire. L'expression véritable est: Mettre son parafe.

† PATARAFER (SE). Faire son parafe.

PATENAILLE, s. f. Pastenade, carotte jaune. Plucher des patenailles. Salade aux patenailles. Terme vaudois, valaisan et jurassien, usité aussi dans le Chablais et le Faucigny. A Rumilly (Savoie), on dit: Parsenaille; en vieux français, pastenaille. R. lat. pastinaca.

PATENOCHAGE, s. m. ou PATENOCHERIE, s. f. Lambinerie.

PATENOCHE, s. f. Lambin, lambine; nonchalant, nonchalante.

PATENOCHER, v. n. Lambiner.

PÂTÈRE (UN). Un pâtère à vis. Assujettir un pâtère. Dites: «Une patère» (a bref). Sorte de crochet qui sert dans l'ameublement à différents usages. R. lat. patera, coupe.

PATET, ÈTE, subst. et adj. Lambin, qui fait tout lentement et mollement. Un écolier patet; une servante patète. Il est si patet qu'il vous ferait grimper les murs. Terme suisse-roman, savoisien, lyonnais et méridional. Dans le Midi, patet signifie plutôt: Vétilleur, chipotier, tatillon, scrupuleux à l'excès, difficile à contenter. A Genève, patet se dit aussi des choses. Un travail patet est celui qui exige des soins très-minutieux. Une bouilloire patète est celle qui met beaucoup de temps à cuire.

PATETAGE, s. m. Lambinerie, acte d'un lambin.

PATETER, v. n. Lambiner, s'occuper longuement de minuties.

PATÈTERIE, s. f. Lambinerie, barguignage, tatillonnage. Cesse tes patèteries, Joseph, et viens nous aider à scier le bois.

83 PATIENCE, s. f. Sorte de petite pâtisserie ronde, de la grandeur d'une pièce de cent sous et de la nature des massepains. Un cornet de patiences.

PATIN, s. m. Braie, linge dont on enveloppe les petits enfants, et par-dessus lequel on met le lange. Faire sécher des patins. Terme suisse-roman et savoisien.

PATIÔCAGE, s. m. Lambinerie.

PATIÔQUER, v. n. Lambiner. Augmentatif du verbe pateter.

PATI-PATA. Onomatopée par laquelle on exprime les redites et le bavardage étourdissant d'une personne qui babille sans cesse.

PATOCHON, s. m. Lambin.

PATOUFLE, s. m. Lourdaud. Un gros patoufle. Terme savoisien. En rouchi: Patouf. Dans le patois du bas Limousin, patouflé signifie: Joufflu; en provençal, patufeou veut dire: Dadais, benêt.

† PATRACLE, s. f. Patraque.

PATRACLER, v. n. Travailler avec mollesse et lenteur; ne pas avancer dans son ouvrage. [P. G.]

PATRIGOT, s. m. Patrouillis, margouillis, boue liquide. Se mettre dans le patrigot. Terme suisse-roman et savoisien. Patrigot s'emploie aussi figurément et signifie: Tracas, embarras dont on ne pourra sortir que difficilement; affaire épineuse et désagréable. Le voilà depuis six mois, et par sa faute, dans un fameux patrigot. En provençal, patrigo et patricot signifient: 1o Mic-mac, manigance, pratique secrète; 2o Tracasserie, embarras.

PATRIGOTER, v. n. Patauger, marcher ou s'enfoncer dans la boue épaisse, dans le patrigot.

PATRIMONIAL, s. m. Doyen d'un cercle, doyen d'une confrérie. Mr N**, patrimonial du cercle des Anonymes, vient de mourir. Le mot patrimonial est français, mais dans une acception différente.

84 PATTE ou PATE, s. f. Chiffon, morceau de vieux linge, lambeau de linge usé et qui n'est bon qu'à faire du papier. Il mit sur sa coupure des toiles d'araignée en guise de patte. Ici on loue la Feuille d'Avis et on achète les pattes. Proverbialement, Avoir son béguin de patte, signifie: Être mort, être ployé, être dans le linceul. Terme suisse, savoisien, franc-comtois et méridional. En Lorraine, patte signifie: Étoupes de chanvre. A Lausanne, à Neuchâtel, à Lyon, à Besançon, le pattier est Celui qui ramasse les chiffons dans les rues. En français on appelle pattière, La femme qui trie les chiffons à papier. Nous appelons patte aux aises ou patte des aises, La lavette, c'est-à-dire: le bout de torchon qui sert à laver la vaisselle. Nous appelons patte soufrée, Une mèche soufrée; patte à bleu ou patte au bleu, Le sachet pour l'indigo.

PATTE À COU, loc. adv. Porter quelqu'un à patte à cou, signifie: Porter à dos une personne qui se tient à notre cou avec ses bras, ou ses pattes. Cette expression est surtout familière aux campagnards. A Genève nous disons: A cocochet. [P. G.]

PATTE MOUILLÉE, s. f. Se dit d'une personne flasque, molle, lâche au travail et sans énergie. Je ne peux rien faire de votre apprenti: c'est un paresseux, c'est une patte mouillée. Terme suisse, savoisien et lyonnais. On dit en français, dans le même sens: «Un linge mouillé.»

PAUFER, s. m. (Prononcez le r.) Levier en fer, avant-pieu. On plante les saules au paufer. Terme suisse. En Savoie: Paufer et pafer; dans le Dauphiné et le Languedoc, palfer. En vieux français, pau signifie: Pieu. Quelquefois, par exagération, nos dames appellent paufer, Une grosse aiguille.

PAUME, s. f. Balle, sorte de pelote ronde servant à divers jeux. Lancer une paume. Renvoyer la paume. Terme méridional. 85 En français, «Paume» se dit du jeu lui-même et non de la balle.

PAUME DE NEIGE, s. f. Pelote de neige, boule de neige. Jeter des paumes de neige. Se battre à coups de paumes de neige. Terme suisse. Paumer les passants, c'est: Leur lancer des paumes de neige.

PAUNER ou PÔNER, v. a. Payer sa quote-part, acquitter sa dette; contribuer. On saura bien le faire pôner comme les autres. En vieux français, poner signifie: Poser, mettre, déposer. R. pono.

PAUVRE, s. m. Nous disons proverbialement: Rire comme des pauvres, pour: Rire de bon cœur, rire à ventre déboutonné. La soirée fut divertissante: nous y avons ri comme des pauvres. En Bretagne, Être gai comme des peillotoux, signifie: Être gai comme des déguenillés.

PAUVRE (UNE). Une mendiante. Ne renvoyez pas cette pauvre. Les dictionnaires disent: «Une pauvresse,» expression inconnue chez nous, et probablement ailleurs.

PAVANE, subst. fém. Farce. Regarde ces déguisés, Joson! quelle pavane! S'emploie aussi adjectivement. Que cette chanson est pavane! c'est-à-dire: Qu'elle est plaisante; qu'elle est bouffonne!

† PAVIR, v. a. Paver.

† PAVISSEUR, s. m. Paveur. Terme savoisien.

PAYER, v. a. (fig.) Il me la payera! Vous me la payerez tous! Il faut qu'on me la paye! Dites, avec le masculin: «Il me LE payera! Vous me LE payerez! Il faut qu'on me LE paye!» c'est-à-dire: J'aurai ma revanche.

PAYER UN GAGE. Terme de certains jeux. Dites: Donner un gage. Ma lourdise fut grande à tous ces jeux, et l'on me fit payer quatre gages. Expression méridionale. Le gage n'est pas un payement, c'est une garantie du payement: on ne paye que quand on retire le gage.

86 PEAU DE SOURIS, s. f. Se mettre en peau de souris pour quelqu'un, signifie: Se dévouer à lui corps et biens; embrasser ses intérêts chaleureusement et quoi qu'il en puisse coûter.

PEBLACHE, adj. des 2 genres. Terme des campagnards. Sec et mou. Se dit d'un légume de la famille des crucifères, qui n'a plus sa fraîcheur primitive; qui s'est durci en perdant sa saveur. Un ravonet peblache. Des raves peblaches. On dit aussi: Bllache (ll mouillés).

PÊCHERONGE, s. f. Pavie, sorte de pêche.

PÊCHE SANGUINE. Voyez SANGUINE

PÊCHIER, s. m. Pêcher, arbre qui porte la pêche. Des pêchiers en plein vent. Terme français populaire et vieux français.

PÉCLET, s. m. Loquet d'une porte. Trouvant la porte fermée, nous commençâmes à sigougner le péclet. Terme suisse et savoisien. En Franche-Comté on dit: Pècle.

PÉCLET, s. m. Montre, petite horloge de poche. Terme badin.

PÉCLOTIER, s. m. Horloger. Terme badin ou dérisoire. Un pauvre péclotier; un mauvais péclotier.

PECOU ou PÉKEU, s. m. Terme des campagnards. Le pédoncule, la queue d'un fruit. Le pecou d'une poire; le pecou d'une cerise, etc. Mot provençal et vieux français. On dit à Lyon: Picou, et en Languedoc, pecoul.

PÉCUGNE, s. f. Pécune, argent comptant.

PÈGE ou PÈGUE, s. f. Poix, matière résineuse. Ces mots pège et pègue appartiennent aux dialectes du Midi et au vieux français. Nous disons figurément d'une personne dont les conversations ou les visites fatiguent par leur longueur: C'est une pège. Quelle scie! quelle pège que ce Dorival! Pège s'emploie aussi adjectivement. T'aperçois-tu que le papa N** devient un peu pège?

87 PÉGEUX, EUSE, subst. Lambin, traînard.

PÉGUER, v. n. Enrager, pester. Regardez tous comme il bisque! Regardez comme il pègue! Terme trivial.

PEIGNE, s. m. Nous disons proverbialement: Être sot comme un peigne, pour: Être ébahi, être stupéfait. Il persistait à nier; mais quand on lui montra sa signature, il demeura sot comme un peigne.

PEIGNER (SE), v. récip. Se battre. Nous disons figurément et proverbialement: Voilà où les chats se peignent, pour: Voilà où est la difficulté, voilà où est l'obstacle.

PEIGNETTE, s. f. Peigne fin.

PEILLE, PEILLOT, PEILLON, et PEILLOU, s. m. Brou, écale, coque, couverture extérieure des noix, des noisettes et des amandes. Terme vaudois et savoisien. Dans le canton de Vaud, piller des noix signifie: Écaler des noix; et noix pillettes veut dire: Noix débarrassées de leur enveloppe. En Lorraine, piller des pois, piller des fèves, signifie: Les écosser.

PÈLE, s. m. Nom que les enfants des environs de Genève donnent à une noix ou à un noyau de pêche, qu'ils façonnent et polissent avec du grès, et dont ils se servent pour jouer à la droite, aux noix ou aux noyaux de pêche. [P. G.]

PÈLERINE, s. f. Biscuit long et mince, très-léger, qu'on appelle à Paris: Biscuit à la cuiller. Saucer des pèlerines dans du sirop. Terme savoisien.

PELLE, s. f. Rame, aviron. Aller à la pelle, signifie: Ramer, naviguer à l'aide des rames. En français, «Pelle d'aviron» se dit quelquefois de la partie plate de l'aviron, laquelle entre dans l'eau quand on rame.

PELLE, s. f. Bêche. Labourer à la pelle, c'est: Labourer à la bêche. Le Complément du dictionnaire de l'Académie dit: «Pelle-bêche, espèce de bêche.»

P'ENCORE, loc. adv. Pas encore. [P. G.]

88 PENDEAU, s. m. Trochet, bouquet, glane, botte. Un pendeau de cerises s'appelle en français: Un trochet de cerises. Un pendeau de poires s'appelle: Une glane de poires. Ce terme de pendeau est connu à Moudon (canton de Vaud), à Neuchâtel et sans doute ailleurs.

PENDILLON, s. m. Morceau d'étoffe, ruban qui pendille et annonce le désordre ou le manque de goût.

PENIN, s. m. Salaire, argent qui est le produit d'un travail.

PENNE, s. f. Panne, graisse du ventre d'un porc. Une penne de lard. Terme suisse et savoisien.

PENOT, OTTE, adj. (o bref.) Penaud, penaude. A cette rencontre imprévue, elle demeura penotte et interdite.

PENSER DE. Projeter, avoir l'intention de, avoir dans l'idée de. Penses-tu de sortir dimanche, s'il fait beau?—Sans doute, je pense de t'accompagner à la Bellotte. Dites: Je pense à t'accompagner. [Acad.]

PENSER (SE). Penser, croire, s'imaginer. Quand on a frappé à la porte, nous nous sommes bien pensé que c'était toi. En voyant les hirondelles voler si bas, je m'étais bien pensé qu'il pleuvrait. Cette locution, fort répandue en Suisse, en Savoie, en Franche-Comté, en Dauphiné et dans tout le Midi, appartient au vieux français. Ce n'est donc point une locution qui soit particulière à notre patois, comme le dit M. Sainte-Beuve, dans la Biographie de Töpffer.

PENSION, s. f. L'expression: Prendre pension, si connue, si usitée chez nous, ne se trouve dans aucun dictionnaire, ni dans aucun Glossaire. Vous voilà donc, Monsieur, pour quelque temps à Genève: où prendrez-vous pension? c'est-à-dire: Où prendrez-vous vos repas?

PENTE, s. f. (fig.) Se donner une pente de quelque chose, signifie: En prendre autant que l'on peut, en user largement et à cœur joie. Se donner une pente de travail; se 89 donner une pente de petit blanc; se donner une pente de bals masqués, une pente de concerts, etc. Expression qui appartient au style le plus familier.

PENTECÔTE, s. f. Nous disons comme les Gascons: La fête de Pentecôte; le jour de Pentecôte, etc.; et je trouve dans SENEBIER la phrase suivante: «Les décisions du Synode de Lausanne sur les fêtes de Noël, de l'Ascension et de Pentecôte.» [Histoire littéraire de Genève, t. Ier, p. 186.] Il faut dire, en ajoutant l'article: La fête de LA Pentecôte, le jour de LA Pentecôte; les sermons de LA Pentecôte.

PÉPINÉRISTE, s. m. Un pépinériste achalandé. Terme français populaire. On doit écrire et prononcer Pépiniériste.

PERCE-NEIGE (UN). Sorte de plante qui fleurit en plein hiver. Ce mot est féminin. «Une perce-neige.»

PERCER, v. a. Nous disons d'un petit enfant à qui les premières dents viennent: Il a percé ses premières dents. L'expression française est: Les premières dents ont percé à cet enfant; les premières dents sont venues à cet enfant.

PERCET, s. m. Foret, vrille, perçoir, percerette. On dit en Valais: Perceret.

PERCHETTE, s. f. Sorte de menu poisson, petite perche.

PERCLUE, adj. f. Cette pauvre femme était perclue de froid, perclue de douleurs. Terme français populaire. L'adjectif «perclus» fait au féminin «percluse» et non pas perclue.

PERDRE, v. n. Quand nous disons d'une jeune fille, d'une jeune dame: Elle perd, elle a perdu, elle commence à perdre, cela signifie que: Sa beauté, sa fraîcheur, son éclat diminuent, ont diminué, commencent à diminuer. Ce sens du verbe «Perdre,» si usité chez nous, n'est pas dans les dictionnaires.

PERDRIGONE, adj. f. Une prune perdrigone. Dites: Une prune de perdrigon, ou: Un perdrigon. Un perdrigon blanc, un perdrigon violet. Dans le Languedoc, le Limousin et le 90 Dauphiné, on dit: Une perdigone; à Marseille, une prune pardigone.

PERD-TEMPS, s. m. Se dit de tout objet qui invite à muser et à perdre le temps. Un chien, un oiseau, un chat, une pipe, deviennent quelquefois un perd-temps, un agréable perd-temps.

PÉRIN ou PÉRAIN, s. m. Canepin, pessonure, rognures de peau blanche et fine, pour effacer les traits au fusain.

PERNETTE, s. f. Petit scarabée, d'un beau rouge moucheté de noir. C'est la définition qu'en donne Töpffer lui-même dans le Presbytère.

PÉRORER, v. a. Pérorer une assemblée. Il nous pérora de son mieux, mais il ne parvint pas à nous convaincre. «Pérorer» est un verbe neutre. «Voyez comme il pérore! Écoutez-le pérorer.»

PERRUQUE, s. f. (fig.) Remontrance, mercuriale. On lui a donné sa perruque.

PERRUTIER, s. m. Orthographe et prononciation vicieuses du mot «Perruquier.»

PERSÉCUTER DE, suivi de l'infinitif. Je le persécute de partir; il me persécute de le suivre, etc. Ce régime du verbe «persécuter» est inconnu aux dictionnaires: ce qui ne veut pas dire qu'il soit vicieux.

PESATU, s. m. Terme rural. Blé, seigle et vesces (pesettes) que l'on sème pêle-mêle et que l'on récolte à la fois sans faire de triage. Farine de pesatu; pain de pesatu. [P. G.]

PERTANTAINE, s. f. Courir la pertantaine. Dites: Courir la pretantaine.

PÉTALE (UNE). Ce mot est masculin: «Un pétale,» c'est-à-dire: Chacune des pièces qui composent la corolle d'une fleur.

PETARD, s. m. (fig.) Nous appelons front de petard, le front d'un homme qui ne rougit plus, le front d'un homme 91 éhonté. Insensible à ce reproche, il continua de se défendre avec un front de petard, c'est-à-dire: Avec une audace et une effronterie achevées. Expression fort triviale, mais fort répandue.

PETARD, s. m. (fig.) Horion, mornifle. Donner un petard; flanquer un petard; appliquer un petard.

PETARD, s. m. Canonnière, tube de sureau dont on ôte la moelle, et dont les enfants se servent pour chasser, par le moyen d'un piston, de petits tampons de papier mâché. Terme méridional.

PÉTAVIN, s. m. Espèce de framboise noire, qui croît dans les lieux humides et surtout le long des rivières. Selon le Vocabulaire dauphinois de Mr Champollion aîné, peitavin signifie: Osier.

PETÉE, s. f. Foule, quantité. Une petée de monde; une petée de curieux. Vite, vite, tire ton cerceau: tu as une petée de perchettes.

PETER, v. n. Faire peter son fouet. Dites: Faire claquer son fouet.

PETER, v. n. Nous disons d'un vin dur et acide: C'est un vin à faire peter les chèvres. Les dictionnaires disent plus décemment: «C'est un vin à faire danser les chèvres.»

PETEUX, s. m. Lâche, poltron, pleutre, couard, peteur. Dans le plus fort de la dispute, il s'alla cacher comme un peteux. Terme français populaire.

PÉTIAFFE, adj. des 2 genres. Sans force, sans vigueur, faible, bon à rien. Je suis encore tout pétiaffe, et je puis à peine me soutenir. Se dit aussi d'un fruit pourri: Une pomme pétiaffe.

PETIOLET, ETTE, adj. Très-petit, très-chétif.

PETIOT, OTE, adj. Petit, très-petit, exigu. Tu me donnes là un morceau de pain bien petiot. Terme vieux français. Petiot est aussi substantif. Où sont vos petiots? (où sont vos 92 jeunes enfants?) Montrez-nous donc vos braves petiots? Petiou se dit quelquefois pour: Petiot.

PETIT (LE). Terme du jeu de boules. Le but, le cochonnet. Lancer le petit; s'approcher du petit; baucher le petit. Terme méridional, etc.

PETIT, s. m. Jeune enfant, jeune fils d'un tel. Vos petits sont-ils en bonne santé?—Notre petit a la rougeole. Petit, dans ce sens, n'est pas français. Le féminin petite pourrait mieux se dire.

PETIT-BOIS, s. m. Menu bois.

PETIT-LOUIS, s. m. Courlis ou courlieu, oiseau aquatique.

PETIT-PEU (UN). Très-peu, tant soit peu.

PETOLLE, s. f. Crotte, fiente de certains animaux, comme chèvres, brebis, lapins, souris. En vieux français: Petelle; en provençal, peto.

PETON, s. m. Terme enfantin. Le pied d'un petit enfant. Elle a bobo à son peton. Dans le canton de Vaud on dit: Piéton ou pioton.

PÈTRÀ ou PEITRÀ, s. m. Manant, rustre, pacant, butor, grossier personnage. Terme normand, breton, etc.

PÈTRE ou PEITRE, s. m. Gésier, estomac. Le pètre d'une poule; le pètre d'une dinde. Terme suisse et savoisien. On le dit quelquefois, mais trivialement, en parlant des personnes. Nos individus ne quittèrent la table qu'ayant le pètre bien garni. Pètre se dit aussi d'un gros goître.

PÉTREUX, s. m. Goîtreux.

PÉTRISSOIRE, s. f. Pétrin, huche, coffre à pétrir le pain. Terme suisse, savoisien, franc-comtois, etc. Quelques dictionnaires modernes disent au masculin: «Un pétrissoir.»

PÉTRONER (SE), ou SE PÉTROGNER, v. pron. Se dit d'un enfant qui, dans les bras de sa nourrice ou de sa mère, a l'air de se dorloter, et témoigne son contentement par un certain bruit du gosier.

93 PETTE, s. f. Bagatelle, chose de nulle valeur. Pour toutes vos peines, vos courses, vos écritures, vos correspondances, la famille du défunt vous a envoyé deux couverts d'argent: la belle pette! Voilà vraiment une belle pette! Ils ont fait là une belle pette! Ce terme, très-familier et même trivial, se retrouve dans le patois rouchi, où il signifie: Peu de chose, rien. [Voyez le Dictionnaire rouchi-français de Hécart, 3me édition.] Voyez aussi le mot peto, dans le Dictionnaire provençal de M. J.-F. Avril.

PEU (UN), s. m. N'est pas français dans le sens de: Un peu de temps. Il y a un peu que je n'ai vu ton frère. Il y a un peu que la diligence est partie.

PEU (UN). Prête-moi un peu ton couteau. Donne-moi un peu cette échelle, etc. Dans cette phrase et les phrases analogues, un peu est inutile et vicieux.

PEUGET, s. m. Suc ou jus qui se forme dans le tuyau et le fond d'une pipe par la salive et la vapeur du tabac.

PEUR, s. f. À moi la peur si..... Espèce d'affirmation qui revient à la suivante: Je veux être pendu si..... Tu veux donc toujours me désobéir, Janot; mais à moi la peur si je ne t'enferme pas dimanche prochain. Puisque Du Rosier refuse obstinément de me payer, à moi la peur si je ne lui envoie pas une assignation.

PEUR, s. f. Qu'as-tu peur? Qu'avez-vous peur? Expressions fort usitées chez nous et ailleurs. Pour parler grammaticalement il faut dire: De quoi as-tu peur? De quoi avez-vous peur?

PHIBOSETTE, s. f. Fille ou femme démesurément petite et contrefaite. Voyez MÉPHIBOSET.

PIÂLER, v. n. Piailler, piauler.

PIAILLARD, ARDE, adj. et s. Piailleur, criard. Français populaire.

94 PIAILLÉE, s. f. Piaillerie, criaillerie. Faire des piaillées. Finissez donc vos piaillées.

PIANOTTER, v. n. Terme dérisoire. Jouer du piano.

PIAPEU, s. m. Renoncule des champs. Terme connu aussi dans le canton de Vaud. Le dictionnaire de Mr Bescherelle dit: «Piapan.»

† PIASTRE (UN). Une piastre. Aimer le piastre, aimer l'argent. Goûts piastreux, goûts excessifs de s'enrichir. Homme piastreux, homme riche.

PIAUTE, s. f. Voyez PIÔTE.

PIC, s. m. Terme français, qui signifie: Pivert. Nous disons proverbialement d'une personne maigre et sèche: Elle est maigre comme un pic. Cette expression est sans doute moins usitée ailleurs que chez nous, puisqu'elle n'est pas consignée dans les dictionnaires.

PICAILLONNER, v. n. Liarder, lésiner, faire des économies mesquines, mettre avaricieusement sou sur sou. Son plus grand bonheur est de picaillonner. Le picaillon était une petite monnaie en usage dans le Piémont et la Savoie, et qui valait un centime. Nous disons encore d'une chose de nulle valeur: Cela ne vaut pas un picaillon; je n'en donnerais pas un picaillon.

PICAILLONNEUR, s. m. Liardeur, avare.

PICÂTA ou PECÂTA. Terme injurieux dont les paysans savoisiens se servent pour désigner les habitants de Genève et particulièrement les protestants. On explique très-diversement l'origine de cette dénomination. Dans le Berry, peccata signifie: «Baudet.»

PICAIRNE, s. f. Voyez PIQUERNE.

PICATALON, s. m. Fourmi. Un nid de picatalons.

PICHE, s. f. Chopine, petite mesure du pays. En français, «Pichet» est une sorte de vase à vin.

PICHENETTE, s. f. Coup, taloche. Flanquer une pichenette.

95 PICHOLETTE, s. f. Chopine, petite mesure du pays. Une picholette de vin. Boire picholette. Payer picholette. Terme vaudois et savoisien.

PICOLON, s. m. Petit point. Indienne à petits picolons. Terme vaudois. Dîner au picolon de midi, signifie: Dîner au coup de midi, à midi sonnant. Nous disons qu'une montre fend le picolon, lorsqu'elle marche avec une parfaite régularité. Je puis vous donner l'heure exacte, car ma montre fend le picolon.

PICOT, s. m. Sorte d'épingle longue et à grosse tête. En français, «Picot» signifie: Petite pointe qui demeure sur le bois quand ce bois n'a pas été coupé net.

PICÔTE, s. f. Picorée, maraude. Aller à la picôte des raisins, à la picôte des noix. Terme consacré parmi les jeunes garçons.

PIDANCE, s. f. Pitance. Le pain et la pidance. Terme français populaire. Voyez S'APIDANCER.

PIDE, s. f. Semonce, réprimande. Donner une pide. Recevoir une pide. Tu as eu ta pide, et cela te venait. Terme vaudois.

PIDE, s. f. Terme de certains jeux. Mesure, action de mesurer. Je veux de la pide (je veux mesurer).

PIDER, v. n. Mesurer la distance d'un palet à un autre, la distance d'une boule à une autre, etc. Tu t'imagines tenir, mais je pense le contraire, et j'en veux de la pide, je veux pider. Terme vaudois et savoisien. R. lat. pes, pedis.

PIDER, v. n. Abuter, c'est-à-dire: Jeter au but, tirer au but pour savoir qui jouera le premier. À qui est-ce à pider? Commence, Daniel, et ne pidons pas.

PIDER, v. a. Terme des collégiens. Voler, dérober, filouter. Quel est celui de vous qui m'a pidé mon agate?

PIED, s. m. Braie, drapeau, pièce de toile dont on enveloppe les petits enfants, et par-dessus laquelle on met les langes. 96 Sécher un pied; changer un pied. Terme vaudois et savoisien. En Dauphiné, Donner les pieds à un enfant, signifie: Lui donner sa première robe.

PIED, s. m. Tenir pied, est un terme du jeu de boules qui signifie: Piéter, c'est-à-dire: Tenir le pied à l'endroit qui a été marqué pour cela.

PIED POTENT, s. m. Jeu d'écolier.

PIEDS, s. m. pl. Nous disons figurément de quelqu'un qui, par des spéculations ambitieuses ou sottes, a perdu la position aisée où il se trouvait: Il s'est mis aux pieds ce qu'il avait aux mains.

PIEDS, s. m. pl. Ne pas mettre deux pieds dans un soulier, est une expression figurée qui signifie: Agir promptement, mettre à l'exécution d'un message toute la diligence possible. Va nous louer un cabriolet, et surtout ne mets pas deux pieds dans un soulier.

PIEDS AU CHAUD. Tenir à quelqu'un les pieds au chaud. Se dit d'une personne qui en soigne une autre dans des vues intéressées. On dira, par exemple, d'un neveu qui a de grands égards pour un oncle célibataire: Voyez comme il le cajole et le prévient; voyez comme il lui tient les pieds au chaud.

PIEDS BLANCS, s. m. pl. Il a les quatre pieds blancs. Se dit de quelqu'un qui a ses entrées libres et ses coudées franches dans une maison.

PIERRE À BERNARD ou PIERRE À BERNADE. Se dit d'une distribution d'argent ou de bonbons que les riches paysans, le jour de leurs noces, font aux enfants de la commune. L'ancien Glossaire fait erreur quand il dit que cet usage a cessé dans notre canton. [P. G.]

PIERRE À FEU, s. f. Pierre à fusil, pierre à briquet. Les capsules auront bientôt remplacé partout les pierres à feu. Terme suisse et savoisien.

97 PIERRES, s. f. pl. Nous disons figurément d'une personne qui est au comble du malheur: Elle est malheureuse comme les pierres. Expression proverbiale connue en Picardie, et sans doute ailleurs. Les dictionnaires français disent: «Être malheureux comme un chien qui se noie.»

PIF-POUF, s. m. Homme gros, ventru et de petite taille. En français, «Piffre» signifie: Gros, replet.

PIGEONNIÈRE, s. f. Pigeonnier, colombier.

PIGNOCHER, v. n. Peindre à petits coups, peindre sans hardiesse. Dans les dictionnaires, «Pignocher» signifie: Manger négligemment, manger sans appétit et du bout des dents.

PIGNOCHEUR, s. m. Tatillon, patet.

PIGNOLET, s. m. Nom que les campagnards donnent à la plante appelée en français: «Thym.» Brouter le pignolet. Terme vaudois.

PILE, s. f. Volée de coups, étrillée. Donner une pile à quelqu'un, le rosser. Terme connu dans le Berry, en Savoie et ailleurs.

PILON, s. m. Mortier. Pilon de fonte, pilon de marbre. L'escamoteur mit la montre dans le pilon et la brisa. Terme suisse et savoisien. En français, «le Pilon» est l'instrument avec lequel on pile dans le mortier.

PILVINETTE, s. f. Épine-vinette, sorte d'arbrisseau. Tablettes à la pilvinette. Dans le français populaire on dit: Pinevinette.

† PIMPILVINETTE, s. f. Épine-vinette.

† PIMPINIÈRE, s. f. Pépinière. PIMPINIÉRISTE, s. m. Pépiniériste.

PINCE, s. f. Terme de couturière. Troussis, pli fait à une robe, à une jupe pour la raccourcir.

PINÇOTTER, v. n. Terme de nos anciennes fabriques d'indienne. Travailler au pinceau.

98 PINÇOTTEUSE, s. f. Ouvrière qui, dans nos anciennes fabriques d'indienne, mettait les couleurs.

PINIOUF ou PIGNOUF, s. m. Dénomination dérisoire. Soldat du centre dans la réserve.

PINTE, s. f. Cabaret, taverne, gargote, bouchon. Hanter les pintes. S'attabler dans une pinte. Terme suisse-roman. En français, «Pinte» est le nom d'une mesure pour le vin, et «Pinter» signifie: Faire débauche de vin.» [Acad.]

PIOCHAT, s. m. Sittelle torche-pot, oiseau.

PIOGRE ou PIOGUE. Envoyer quelqu'un à Piogre, c'est: L'envoyer promener bien loin, l'envoyer se faire pendre, l'envoyer au di.... Si tu répliques encore, petit drôle, je t'envoie à Piogre, je t'envoie à Piogre ferrer les chats. Ce mot de Piogre est peut-être une altération du mot piautre; car dans le français populaire, Envoyer au piautre, c'est: Envoyer au di.... Peut-être aussi Piogre est-il le nom d'une ville imaginaire, censée fort éloignée de nous. En Languedoc on dit dans ce dernier sens: Envoyer quelqu'un à Pampeligoust: c'est le nom languedocien de la ville de Pampelune.

PION, PIONNE, adj. Être pion, être ivre.

PIONS, s. m. pl. Nom d'un jeu que les petits garçons jouent assis à terre avec neuf petits cailloux, qu'ils font sauter alternativement en l'air pour les recevoir dans la main. On ne peut se faire une idée exacte de ce jeu qu'en le voyant jouer aux enfants. [P. G.]

PIORNE, s. f. Voyez PIOURNE.

PIÔTE, s. f. Patte. La piôte d'un oiseau, la piôte d'un chien, d'un chat, etc. Une écriture en piôtes de mouche. Terme vaudois et savoisien. Les chasseurs donnent les noms de piôtes rouges et piôtes noires à certains oiseaux qui vivent sur les bords du lac.

† PIOTON, s. m. Piéton. Trottoir pour les piotons.

99 PIOTONNER, v. n. Piétiner, remuer les pieds avec vivacité. Se dit des enfants qui s'essaient à marcher. Dans le français populaire on dit: Piétonner.

PIÔTU, UE, adj. et subst. Boiteux, clopinel.

PIOULER ou PIULER, v. n. Piauler, crier comme les poulets. Se dit aussi des jeunes enfants qui pleurent et se lamentent. Piuler appartient au vieux français.

PIOU-PIOU, s. m. Dénomination badine par laquelle on désigne un soldat du centre dans le contingent. On appelle piou, dans le dialecte du Berry, le plus petit poulet d'une couvée. [Vocabulaire du Berry, p. 85.]

PIOURNE ou PIORNE, s. f. Femme ennuyeuse, qui se plaint et qui gronde habituellement. Oh! la sotte piourne! Tais-toi, piourne! Terme vaudois.

PIOURNER et PIORNER, v. n. Se plaindre continuellement. Terme vaudois.

PIPER, v. n. et act. S'emploie surtout avec la négation: Ne pas piper, ne pas piper mot, et signifie: Ne pas souffler mot, ne pas répondre. On l'a fortement réprimandé et il n'a pas pipé mot. Terme français populaire.

PIPETTE, s. f. Pipe de tabac, petite et mauvaise pipe. Terme languedocien. A Genève, pipette ne s'emploie que dans cette locution: Cela ne vaut pas pipette, c'est-à-dire: Cela ne vaut rien, cela ne vaut absolument rien. En français on dit: Cela ne vaut pas une pipe de tabac.

PIPI, s. f. Pépie, petite peau blanche qui vient sur la langue des oiseaux et qui les empêche de boire. Avoir la pipi: ôter la pipi.

PIQUÉE, s. fém. Douleur vive et de courte durée. Une piquée de mal de ventre.

PIQUE-PRUNES, s. m. Garçon tailleur. Dénomination badine ou dérisoire.

100 PIQUER, v. a. Picoter. Piquer des raisins. Cueillez des grappes, mes amis, je vous le permets; mais ne piquez pas. Terme savoisien, gascon, etc.

PIQUER, v. a. Se dit des oiseaux, et signifie: Manger. Nos deux chardonnerets commencent à piquer seuls. Expression languedocienne, etc.

PIQUER UNE FAUX. Terme des campagnards. Rebattre une faux, l'aiguiser. Piquer, dans le sens d'affiler, est une expression méridionale.

PIQUE-RAVES, s. m. Tarier, oiseau.

PIQUERNE, s. f. Chassie, humeur gluante des yeux. Terme suisse et dauphinois, formé par corruption du vieux mot français bigane, qui a le même sens, et qui n'est point inconnu dans la Franche-Comté.

PIQUERNEUX, EUSE, adj. Chassieux. Des yeux piquerneux.

PIRE, adv. Dans le langage populaire, pire a souvent le sens de «plus» et de «mieux.» Les deux cousines se chérissent: elles sont pires que des sœurs. Mon domestique fait tout dans la maison: il est pire qu'une servante.

PIRE, adv. Comment va la santé, Guillaume?—Ça va de mal en pire. Dites: «De mal en PISPis est un adverbe qui signifie: «Plus mal.» (Mettre les choses au pis.) «Pire» est un adjectif, qui signifie: «Plus mauvais, plus méchant.» «Mon vin n'est pas bon, j'en conviens: mais le vôtre est pire.»

PISSE, s. f. Urine.

PITATEMENT, s. m. Course au galop, etc. Voyez PITATER.

PITATER, v. n. Courir au galop, prendre le galop. Les jeunes garçons se plaisent à pitater dans la neige. Je les voyais pitater dans les sables limoneux de l'Arve.

PITAUD, AUDE, s. et adj. Pataud, pesant, épais, patu. Un gros pitaud; une grosse pitaude. Quel pitaud d'enfant vous 101 avez là! Dans le vieux français, pitaud signifiait: Rustre, paysan. [Voyez le Dictionnaire de Richelet.]

PITON, s. m. Fouloir de vendange. [P. G.]

PITONNER, v. a. Fouler aux pieds. Pitonner la vendange. Pitonner un duvet, comme font les chats avant de s'y endormir. Dans notre patois, pitenà signifie: Piler, et piton, s. m., signifie: Pilon. A Lyon, pitrogner veut dire: Écraser et broyer d'une manière malpropre.

PIULER, v. n. Voyez PIOULER.

PIVOINE, s. m. Sorte de fleur. Un beau pivoine. Ce mot est féminin.

PLACARD, s. m. Armoire. Remuer un placard; transporter un placard. On appelle en français placard, une armoire pratiquée dans un mur. En Suisse, en Savoie et dans le Midi, on désigne par ce terme toute espèce d'armoire.

PLACARD, s. m. Grosse tache sur un plancher, sur une table, sur un vêtement. Un placard d'huile; un placard de suif; un placard de graisse.

PLACE, s. f. Condition. Aller en place, dans le langage des domestiques, signifie: Aller en condition, aller servir. Entrer en place, signifie: Entrer en condition. L'Henriette part demain pour entrer en place.

PLAINDRE, v. n. Gémir, pousser des gémissements, geindre. La pauvre Colette n'a pas cessé de plaindre toute la nuit; elle plaignait même en dormant; elle plaignait à nous fendre l'âme. Expression suisse, savoisienne et méridionale, qui se retrouve dans l'ancien français, et qui n'a point d'équivalent exact dans la langue des dictionnaires.

PLAIN-PIED, s. m. Rez-de-chaussée. Habiter un plain-pied. Loger au plain-pied. Expression universellement répandue dans notre Suisse et en Savoie. Le mot de «Plain-pied» est français, mais il signifie autre chose. Voyez les dictionnaires.

102 PLAINT (UN). Gémissement d'un malade. Faire des plaints; pousser des plaints. C'étaient des plaints déchirants. Terme vaudois, neuchâtelois, savoisien, limousin, etc. En vieux français, plaint veut dire: Complainte.

PLAISIR, s. m. Se faire plaisir d'une chose, signifie: S'en donner le plaisir et en user largement; en jouir tout à l'aise. Voici une corbeille de cerises, mes enfants: faites-vous-en plaisir. Cette expression familière, très-usitée et très-originale, ne se trouve pas, que je sache, dans les dictionnaires. Ah! Marguerite, comme je t'envie ton joli châle jaune.—Ce châle jaune? tu peux facilement t'en faire plaisir: il ne coûte que 8 francs. J'ai trouvé ton aiguille de bas, Rosine.—Eh bien, fais-t'en plaisir, c'est-à-dire: Garde-la, et qu'elle te serve longtemps.

PLAN ou PLANT, s. m. Laisser quelqu'un en plant, signifie: Le faire attendre fort longtemps, l'abandonner, le laisser dans l'embarras, le planter là. Ils me laissèrent en plant sur la route, c'est-à-dire: Ils me laissèrent sur la route comme si j'étais un plant et comme s'ils voulaient que j'y prisse racine. On dit dans le même sens: Rester en plant, être en plant, mettre en plant. Terme parisien populaire. Aucun dictionnaire n'a recueilli cette expression, qui a bien son mérite.

PLAN, s. m. Gage. Mettre un habit en plan, le mettre en gage. Expression connue aussi à Paris et sans doute ailleurs.

PLANCHER, v. a. Planchéier, garnir de planches le plancher inférieur d'un appartement. Il vaudrait mieux plancher cette cuisine que de la carronner. Terme français populaire. On disait en vieux français: Planchier ou planchéer. [Voyez Glossaire roman de Roquefort.]

PLANELLE, s. f. Sorte de brique, sorte de carron. La plupart de nos cuisines sont carronnées (carrelées) avec des planelles.

103 PLANTAPORET, s. m. Dénomination badine, par laquelle on désigne les habitants de la commune de Plainpalais, et principalement les jardiniers. Plantaporet est un mot patois qui signifie: Plante-porreaux, planteur de porreaux.

PLANTER UN CLOU. Enfoncer un clou, le faire entrer.

PLANTEUR D'ÉCHAPPEMENTS, s. m. Ce terme, de la fabrique d'horlogerie, n'a pas d'équivalent dans la langue des dictionnaires.

PLANTON, s. m. Terme de jardinier. Jeune plant de fleur ou de légume. Planton de salade; planton de chou; planton de viollier. Plate-bande garnie de plantons. On dit en Dauphiné: Plantun.

PLAQUE, s. f. Tache à la peau. Son éruption a entièrement cessé, mais il lui reste quelques plaques aux joues et au front.

PLAQUE, s. f. Palet en cuivre ou en fer. Jouer aux plaques. Sa plaque touchait le but.

PLAQUER, v. neutre. S'appliquer exactement contre. Il est bien fait, ton habit: il plaque bien. Faites bien plaquer ce miroir contre le mur. Ta bretelle ne plaque pas bien sur ton dos.

PLAT, s. m. (fig.) Cancan, commérage, bavardage, médisance. Faire des plats. On vous a dit cela et puis encore cela.—Oui, sans doute.—Eh bien! ce sont autant de plats, autant de mensonges.

PLATAISE, s. f. Platitude, bêtise, sottise. Dire des plataises. N'écoutons plus ces plataises. J.-J. Rousseau a dit dans le même sens: Platise, expression qui a été recueillie par quelques dictionnaires.

PLAT DE LIT (À). Être à plat de lit, être malade au lit. Comment, Dubreuil, tu viens me voir sans ton frère!—Parbleu, mon frère, il est depuis deux jours à plat de lit. Cette expression remarquable, et qui est d'un constant usage 104 à Genève, n'a pas été négligée par J.-J. Rousseau. «Il n'y avait que l'excuse d'être à plat de lit qui pût me dispenser de courir à son premier mot.» Nous disons quelquefois: Être au plat du lit.

PLATE, s. f. Poisson de notre lac, sorte de féra. Selon De Saussure, «la plate vit dans le golfe de Thonon, et se pêche rarement ailleurs.» [Voyage dans les Alpes, t. Ier, p. 16.]

PLATEAU, s. m. Madrier, planche fort épaisse. Terme savoisien, franc-comtois et méridional. Dans le canton de Vaud et à Neuchâtel on dit: Éplateau.

PLATELÉE, s. f. Platée, plat de nourriture chargé abondamment. Une platelée de raves; une platelée de boudins. Terme vieux français.

PLÂTRE, s. m. Nous disons figurément: Faire plâtre de quelqu'un, pour signifier: Le turlupiner, le houspiller malicieusement, en faire le badeau de la compagnie. On a tellement fait plâtre de ce pauvre Delolme, qu'à la fin il s'est fâché tout rouge. Les dictionnaires disent: «Battre quelqu'un comme plâtre,» pour signifier: Le battre à outrance.

PLÂTRIR, v. a. Plâtrer, enduire de plâtre.

PLÂTRISSAGE, s. m. Plâtrage, action d'enduire de plâtre.

PLEIN, prépos. de quantité. Nous disons de quelqu'un ou de quelque chose qui nous a beaucoup ennuyés, fatigués, vexés: J'en ai plein le dos. L'Académie dit: «Je le porte sur mon dos;» mais elle l'applique seulement aux personnes.

PLEURER, v. actif. Pleurer la nourriture à quelqu'un, signifie: La lui reprocher, la lui plaindre. Le riche Mr Colnet est si avare, qu'il pleure le pain à ses domestiques, et qu'il se pleure la vie à lui-même. Léonard vient de faire un magnifique héritage, que personne sans doute ne 105 lui pleurera. Les dictionnaires ne donnent point de complément indirect au verbe «Pleurer.»

PLEURNICHAGE, s. m. Pleurnicherie, larmes feintes, pleurs répandus sans véritable chagrin. Tes pleurnichages sont bien inutiles, tu seras puni.

PLEUVIGNER, PLUVIGNER, PLEUVINER et PLUVINER, v. n. Pleuvoir menu, pleuvoir un peu. Il ne pleut pas, il pleuvigne; il commence à pluvigner. Termes suisses, savoisiens et lyonnais. Le dictionnaire de Robert Estienne (1605) dit: Plouviner. En Franche-Comté on dit: Plevigner: tous mots acceptables et dignes de figurer dans les dictionnaires.

PLIANT (UN). Un lit de sangles. L'auberge était pleine, et tous les lits occupés: il fallut dresser quatre pliants. Terme suisse, franc-comtois, marseillais, etc.

PLIÉ, PLIÉE, partic. (fig.) Mort, morte. Voyez PLOYÉ.

PLIOGE, PLIOZE, ou PLIODZE, s. f. Terme patois fort connu. Pluie. Vaika la plliodze (ll mouillés), voici la pluie. En vieux français: Ploge.

PLOMBETTE, s. f. Terme d'architecture. Plomb.

PLONGEON, s. m. Terme de nageur. Action de plonger, immersion. Faire un plongeon. Il fit deux ou trois plongeons et sortit de l'eau. Terme suisse, savoisien et méridional. L'expression française est: «Faire LE plongeon,» c'est-à-dire: Imiter l'oiseau appelé Plongeon.

PLONGER (SE), v. pron. Terme de nageur. Aimes-tu te plonger, Alexis?—Oui.—Eh bien! allons nous plonger à cette barque. Se plonger n'est pas français. Dites: Plonger, v. neutre. «Aimes-tu plonger? Allons plonger. Lequel de vous vient plonger?»

PLOT, s. m. Billot, tronçon de bois, bloc de bois, tronc de sciage. Couper de la viande sur un plot. Faute de chaises, nous nous reposâmes sur deux plots. Terme suisse, savoisien, 106 franc-comtois, berrichon, provençal, etc. Nous disons au figuré: Dormir comme un plot, pour: «Dormir d'un profond sommeil, dormir comme un sabot.» [Acad.]

PLOT, s. m. Tronc pour les aumônes. La clef du plot. Ce terme a vieilli. Plot est aussi un terme de tir: L'arme sera sans coche sur le plot, et sans double détente. [Glossaire de Gaudy.]

PLOYÉ, ÉE, part. Mort, enveloppé du linceul funèbre. Tu voudrais bien que je fusse ployée, disait brusquement une lavandière à son mari.—Dis plutôt encrottée, répliqua l'époux. «Plié» s'emploie dans le même sens que ployé. Depuis sa chute il ne traîna pas longtemps: après cinq jours il était plié. Expression savoisienne.

PLUCHER, v. a. Éplucher. Plucher du légume; plucher des haricots; plucher de la salade. Cet enfant est toujours à se plucher le nez. En vieux français: Pluchoter.

PLUCHURES, s. f. pl. Épluchures, pelures. On dit aussi: Pluchons et pluches.

PLUMACHE, s. f. Plumes d'ornement, plumet, panache. Un chapeau à plumaches. Terme suisse, savoisien, bressan, provençal, etc.

PLUME, s. f. Mettre la plume à la main signifie: Se mettre à écrire, commencer à écrire. Les dictionnaires disent: «Mettre la main à la plume.»

PLUMER, v. a. (fig.) Ronger, manger, dévorer. Les chenilles plumaient les branches de ce bel arbre.

PLURÉSIE, s. f. Pleurésie. Gagner une plurésie. Terme suisse-roman, savoisien et français populaire.

PLUS, adv. Est mis pour: «Plus de,» dans les phrases suivantes et phrases analogues: J'en ai plus peur qu'envie. Votre mari, Madame Philibert, va, dit-on, passer en Amérique.—A vous dire le vrai, Monsieur, j'en ai plus peur qu'envie. Dites: J'en ai plus DE peur que D'envie.

107 † PLUS BON. Meilleur. Prends ce poire, Vincent; il est bien plus bon que l'autre.

† PLUS PIRE. Pire. Tu trouves ce vin mauvais; tu en bois du plus pire chez ta grand'mère. Français populaire.

PLUVIGNER ou PLUVINER, v. neutre. Pleuvoir un peu. Voyez PLEUVIGNER.

POCHÉ, ÉE, adj. Fruits pochés. Fruits que l'on a portés dans la poche pendant quelque temps. On dit en français: «Pocheté.»

POCHE-L'ŒIL, s. m. Terme des collégiens et des gamins. Coup violent sur l'œil, et qui le fait enfler et bleuir. Recevoir un poche-l'œil.

POCHON, s. m. Cuillère à potage, cuillère profonde et à long manche, dont on se sert à table pour prendre le potage dans la soupière. Pochon d'argent, pochon d'étain. Terme suisse et franc-comtois.

POCHURE, s. f. Coup marqué au visage, meurtrissure au visage avec enflure. Pochure à l'œil; pochure au front. Recevoir une pochure; se faire une pochure. «Pocher» et «se pocher» sont français.

POINT AU CÔTÉ, s. m. Point de côté, mal, douleur que l'on ressent au côté. Au figuré, point au côté (point de côté), se dit: 1o D'une personne qui nous est à charge; 2o D'une affaire embarrassante ou pénible. Français populaire.

POINTET, s. m. Petite flèche qu'on met sur une arbalète pour tirer contre un but. [P. G.]

POINTILLEUR, EUSE, adj. Pointilleux, euse. [P. G.]

POINTU, UE, adj. (fig.) Malin, satirique, caustique, mordant. As-tu remarqué son air pointu? Elle nous répondit d'un ton bien sec et bien pointu: Cela ne vous regarde pas, Messieurs. Expression languedocienne. En vieux français, le mot guille signifie: «Pointe» et «ruse, malice.»

POINTU, s. m. Lâche, insolent.

108 POIRE (UN). Un bon poire; des poires blets. Aux poires! Aux beaux poires! Ce solécisme nous vient du patois, où ce mot est masculin (on peret).

POIRE-À-BON-DIEU, s. f. Alize, fruit ou baie de l'aubépine. On dit aussi: Poire-de-bon-Dieu et poire-au-bon-Dieu. Terme savoisien.

POIRE CHARLON, s. f. Poire gros-romain.

POIRE-ROME, s. f. Poire de bon chrétien.

POIRE SIRE-JEAN, s. f. Poire de Messire-Jean.

POIS EN GRAINS, s. m. pl. Petits pois.

POIS GOURMANDS, s. m. pl. Voyez GOURMANDS.

† POISON (LA). Boire de la poison; prendre de la poison. Ce mot a été féminin jusque vers la fin du dix-septième siècle. C'est une poison, se dit d'une femme très-méchante. Français populaire.

POITE, s. f. Méchante femme.

POLAILLE, s. f. Terme des campagnards. Poule. Une belle polaille. Une polaille grasse et dodue. En français, «Poulaille» signifie: Volaille.

POLAILLON, s. m. Sobriquet que l'on donne populairement à un homme qui s'occupe des soins du ménage ou de choses trop minutieuses. Fanchette, ton Monsieur est un polaillon. On dit en français: «Un tâte-pouls.»

POLATAILLE, s. f. Oiseaux d'une basse-cour, volaille.

POLICE (LA), ou LA POLISSE. Les polissons, les enfants qui courent les rues pour y faire des espiègleries. Il faudra pourtant une fois mettre à la raison toute cette police. N'est-il pas vrai qu'étant gamins nous faisions la police ensemble? Terme parisien populaire, etc.

† POLIE, s. f. Poulie. Ajuster une polie. Français populaire.

POLIR, v. a. Dépenser en folles dépenses. Il a su en quatre années polir une fortune de 150,000 francs.

POLITESSE (UNE). A Genève, faire une politesse à quelqu'un, 109 veut dire: Lui offrir une collation, un dîner, un thé; l'inviter à une soirée dansante, à une partie de montagne, etc. Expression consacrée.

† POLMON, s. m. Poumon. Un ragoût de polmons. En vieux français on dit: Poulmon; en Languedoc, palmon; en Franche-Comté et à Paris, pomon; à Chambéry et dans la Bresse, pormon.

POMMEAU, s. m. Terme injurieux, qui équivaut à: Homme pesant, homme ennuyeux, homme sciant.

POMMEAU, s. m. Nous disons: Une canne à pommeau d'argent; une canne à pommeau d'or. Il faut dire: Une canne à pomme d'argent, une canne à pomme d'or. Mais on dit très-bien: Le pommeau d'une épée, le pommeau d'une selle.

POMMEAU, s. m. C'est ainsi qu'on désigne souvent un petit messager dans une fabrique ou dans un comptoir.

POMME EN CAGE, s. f. Pomme enveloppée de pâte et cuite au four.

POMME RAINETTE, s. f. Rainette, ou pomme DE rainette.

POMMIER D'AMOUR, s. m. Tomate, sorte d'arbrisseau, dont le fruit s'appelle: Pomme d'amour.

POMPE À FEU, s. f. Ne signifie point en français: «Pompe à incendie.» Une pompe à feu est une machine hydraulique mise en jeu par la vapeur. Ne dites donc pas: Les pompes à feu arrivèrent quand le bâtiment était déjà consumé. Faute fréquente en Suisse et en Savoie.

POMPER, v. n. Ce mot se dit d'un poêle ou d'une cheminée où le feu est allumé, et il signifie: Attirer l'air. Tu as bien de la fumée dans ta chambre, Édouard.—En effet, c'est que mon poêle ne pompe pas assez.

POMPON, s. m. À nous le coq, à nous le pompon. Expression un peu vulgaire qui signifie: A nous le fion, à nous la supériorité. Voyez COQ.

110 PONT, s. m. Terme de maçon et de plâtrier. Dresser un pont; enlever un pont. Choisissez pour votre pont des planches solides. En France on dit: Échafaudage. Dresser un échafaudage.

PONTENAGE, s. m. Payer les droits de pontenage. Terme suisse, savoisien et vieux français. On dit actuellement: Pontonage.

PONTET, s. m. Chantier, pièce de bois sur laquelle on pose les tonneaux dans une cave. Établir des pontets. Terme suisse-roman.

PORPE ou POURPE, s. f. Poulpe, partie charnue de la viande. Prenez ce morceau, Madame, c'est tout pourpe.

PORPU, UE, adj. Charnu, garni de chair. Au sens figuré, nous disons d'une chose excellente, d'une chose très-belle en son genre: C'est du chenu et du porpu, c'est-à-dire: C'est du très-beau, c'est du très-bon.

PORTAIL ou PORTAL, s. m. Grille. Portail en fer; portail en bois. Ouvrir les portails. Terme méridional. En français, «Portail» se dit de la façade ou de la principale porte d'une église.

PORTÉE, s. f. Distance convenable. Mettez-vous à portée (à la portée) afin de pouvoir entendre. Ne lâche pas encore ton coup de fusil: tu n'es pas à portée (à la portée). Mettez ce fumier à portée, c'est-à-dire: Mettez-le près de l'endroit où il doit être employé. Les canons n'étaient pas à portée. Selon les dictionnaires, «Être à portée» se dit des personnes et signifie: Être dans une situation convenable pour faire quelque chose.

PORTER PERTE. Nuire, être nuisible, tourner à préjudice. Ce nouveau magasin nous portera perte. Si tu renvoies Marguerite, elle cherchera à nous porter perte. Expression consacrée.

PORTEUR, s. m. Terme de vigneron. Cource, bout de sarment 111 d'environ demi-pouce de longueur, qu'on laisse au sommet d'un cep de vigne pour rapporter des raisins. [P. G.]

PORTILLON, s. m. Petite porte basse dans la fermeture d'une boutique.

PORTION, s. f. (Prononcez por-cion.) Potion, remède liquide qu'on boit. Prends ta portion, mon valet, tu auras du bonbon ensuite. Terme français populaire.

PORTRAIT EN TROIS QUARTS. Dites: Portrait DE trois quarts. Dites aussi: Se faire peindre DE trois quarts, et non: Se faire peindre en trois quarts.

† PORVISION, s. f. Provision. Vous faites votre petit marché, Madame Dulignage?—Vous le voyez, Monsieur: je fais une petite porvision de raves et de patenailles.

POSE ou PAUSE, s. f. Mesure agraire, qui équivaut à 400 toises de Genève, c'est-à-dire, à un peu moins d'un arpent. Notre plaine de Plainpalais a trente poses; la plaine du Pré-l'Évêque en a trois et un tiers. Terme vaudois et jurassien.

POSÉE, s. f. Écriture moyenne. Écrire en posée. Passer de la posée à la fine.

POSER, v. a. Quitter. Poser son habit, poser son chapeau. Si Monsieur voulait poser son manteau, les chevilles sont là.

POSER LE DEUIL. Quitter le deuil. A Genève, une veuve ne pose qu'après quatre ans le deuil de son mari.

POSER LES SCELLÉS. Apposer les scellés, mettre les scellés.

POSSÉDÉE (UNE). Nous disons d'une femme qui se démène et qui jette des cris perçants: Elle s'agite comme une possédée; elle crie comme une possédée. Ce féminin, qui manque dans les dictionnaires, est fort admissible.

† POTACHE, s. f. Potasse.

POT À EAU, s. m. Pot à l'eau; c'est-à-dire: Pot destiné à recevoir de l'eau.

POT À LAIT, s. m. Pot AU lait.

112 POTET, s. m. Terme des campagnards. Petit pot. En vieux français: Poutet.

POTRINGUE, s. f. Médecine, breuvage purgatif, drogue. Se dit aussi de toute mauvaise boisson. Votre cidre a un goût de potringue; c'est une vraie potringue. Le docteur voulait me purger: je l'ai dispensé de sa potringue. Être toujours en potringues, signifie: Être toujours dans les remèdes. Terme suisse, savoisien et méridional.

POTRINGUER, v. a. Droguer, médicamenter. Dis voir, Michel, on dit comme ça que tu te laisses potringuer par ta cauque (par ta femme); pour moi, je ne me potringue jamais, et je n'en suis pas plus malade pour tout ça.

POTTES, s. f. pl. Lèvres. S'essuyer les pottes; se lécher les pottes. Je vois bien, gouillard, que tu as touché à mes confitures: il t'en reste encore par les pottes. Terme suisse, savoisien, méridional, lorrain, etc. Ce ragoût est à sa potte, signifie: Ce ragoût lui plaît. La soupe était à sa potte, et il s'en est piffré.

POTTE, s. f. Moue, mine refrognée, grimace. Faire la potte, c'est faire la moue, bouder, témoigner de la mauvaise humeur par son silence et par son air. On dit à un enfant qui pleurniche: Tu fais là une bien vilaine potte; va donc te cacher avec ta potte.

POTTU, UE, adj. Qui fait la moue, qui a mauvaise grâce, qui rechigne. Terme vaudois et savoisien.

POU, s. m. Chercher les poux parmi la paille, est une locution proverbiale qui signifie: Vétiller, s'attacher à des minuties, chercher noise à propos de rien. On dit à Paris, dans le langage populaire: Chercher des poux à la tête de quelqu'un. Expression plus triviale que la nôtre, mais qui a le même sens.

POUARE, POUAIRE ou POUAI, s. m. Sale, malpropre, sagouin, porc. Fi donc, le pouaire!... Va-t'en, pouaire, 113 te ronger les ongles ailleurs. Terme vaudois, savoisien, jurassien et provençal. En vieux français, pouerc signifie: Pourceau. Dans le français populaire, pouacre signifie: Homme mal propre, et «pouah!» est une interjection qui indique le dégoût.

POU DE SERPENT, s. m. Insecte à corps très-long, qui fréquente surtout les cours d'eau, et qui s'appelle en français: «Une demoiselle.» [P. G.]

POUFFE ou POUF, s. m. Faire du pouffe, signifie: Déployer de l'ostentation, s'étaler, tirer vanité de son costume. On dit en français: «Faire pouf.»

POUGNE ou POGNE, s. f. Poignet, force du poignet. Avoir de la pougne; avoir une bonne pougne. Dans le français populaire on dit: Poigne ou pogne.

POUINE, s. f. et adj. Femme ou fille malicieuse, taquine, espiègle, pie-grièche, chipie. Elle fait la pouine. Elle est jolie, mais pouine. C'est une méchante pouine. Terme suisse.

POUINET, ETTE, adj. et subst. Se dit des personnes et des choses. Un ton pouinet est un ton tranchant, aigre, malin, pointu. Air pouinet, mine pouinette.

POULAINE ou POULINE, s. f. Pouliche, cavale nouvellement née. Terme vaudois, savoisien, etc.

POULAINTE ou POULINTE, s. f. Farine de maïs, gaudes. Soupe à la poulainte. En provençal: Poulento; en Valais et en Italie, polenta.

POULET, s. m. Robinet, clef d'un robinet. Tourner le poulet. Terme vaudois et neuchâtelois. Le mot allemand Hahn signifie tout à la fois un coq et un robinet, et c'est de là probablement qu'est venue notre expression: Poulet.

POUPONNER (SE), v. pron. Se pomponner, s'ajuster avec un soin minutieux, mettre à sa toilette du temps et de la recherche. On ne le rencontre jamais que pouponné, musqué 114 et tiré à quatre épingles. A Lyon et dans le Midi, se pouponner signifie: Se choyer, se traiter délicatement et comme un poupon.

POUR BON, loc. adv. Tout de bon. Ne jouons plus pour semblant, jouons pour bon; jouons pour de bon. Français populaire.

POUR ÇA, loc. adv. Assurément, certainement. Moi, t'accompagner par cette pluie battante! Ah! pour ça, non.—Pour ça, oui, tu m'accompagneras. Ne s'emploie que suivi de oui ou de non.

POUR DIRE, loc. adv. À vrai dire, à dire vrai, pour m'exprimer exactement. Notre petite Caroline n'est pas menteuse, pour dire, mais elle pourrait être plus franche.

POURE, adj. m. POURA, adj. f. Terme patois qui signifie: pauvre. Poûră fénă, vă-z-ive don bein fan (pauvre femme, vous avez donc bien faim). Terme vaudois, savoisien, berrichon, normand et vieux français. En anglais: Poor.

POURPE, s. f. Pulpe. Voyez PORPE.

POUR QUANT À, loc. adv. Quant à. Partez, vous autres, par le bateau: pour quant à moi, je prendrai la diligence. Terme savoisien et lyonnais.

POURREAU, s. m. Soupe aux pourreaux. Terme suisse, savoisien, lyonnais, etc. On dit en français: «Porreau» ou «Poireau.»

† POUR TANT QU'À, loc. adv. Quant à. Jouez aux boules vous deux; pour tant qu'à moi, je préfère de jouer aux guilles. Expression très-répandue.

POUSSÉE, subst. fém. Se dit des arbres et des plantes et signifie: Pousse. La poussée des acacias est chaque année d'environ six pieds. Terme suisse, savoisien, dauphinois, lorrain, etc.

POUSSÉE, subst. fém. Éruption à la peau. Terme connu de tous ceux qui fréquentent les établissements d'eau thermales. 115 Il n'est pas prudent, dit-on, d'interrompre les bains quand une fois la poussée a commencé.

POUSSER (SE), v. pron. S'éloigner, se retirer, se reculer. Pousse-toi, John, tu me gênes. Poussez-vous un peu, Messieurs, et faites place aux dames.

POUSSETTE, s. f. Lycopode, plante dont les capsules sont remplies d'une poussière abondante qui prend feu comme la résine.

POUSSIÉRÉ, ÉE, adj. Chemin poussiéré. Dites: Poussiéreux, ou plutôt dites: Poudreux. Chemin poudreux.

POUTET, s. m. Mâle de la fouine. Noir comme un poutet; noir comme le poutet. Terme savoisien.

POUTET, s. m. Enfant joufflu, pottu et d'une figure désagréable. Quel poutet! J'ai bien vu des poutets dans ma vie, mais jamais de pareils à celui-ci. Terme fort connu de nos campagnards.

POUTRAISON, s. f. Charpente d'un édifice. La poutraison qui était fort vieille, a consenti. Terme neuchâtelois, etc.

† POUTRE (UN). Un gros poutre. Aide-nous à mettre ce poutre en place. Dites: «Une poutre.»

PRAILLE, s. f. Prairies, pâturages. La praille de Carouge; la praille de Lancy; la praille de Chêne-Thônex. Dans le patois du canton de Vaud, prahia signifie: Pièce de terre avec un fenil. En vieux français: Praillet, petit pré, prairie. Du mot de praille nous avons formé celui d'emprailler, qui veut dire: Gazonner, semer du gazon, mettre en prairie.

PRÊCHER, v. n. Prêcher à un converti. Dites: «Prêcher un converti.»

PRÉCIPITÉE (À LA), loc. adv. Précipitamment, en toute hâte. Partir à la précipitée. Les choses qu'on fait à la précipitée sont rarement bien faites. Expression savoisienne et dauphinoise, digne de prendre place dans les dictionnaires.

116 PRÉCO, s. m. (Prononcez prœcau.) Celui qui est le principal personnage dans un petit endroit, celui qu'on y écoute le plus et y exerce le plus d'influence. Le préco du village; le préco de la paroisse; le préco du cercle. Terme savoisien. En français, ce personnage s'appelle figurément et familièrement: «Le coq.» Le coq du village; un coq de paroisse, etc.

PRÉFÉRER, suivi de l'infinitif. Je préfère partir. Elle préféra ne pas nous suivre, etc. Dites, avec les dictionnaires et les meilleurs auteurs: Je préfère DE partir; elle préféra DE ne pas nous suivre. «J'eusse préféré D'être jeté aux crocodiles.» [Chateaubriand, Atala, les Chasseurs.]

PREMIÈRE CHOSE (LA), loc. adv. En premier lieu, d'abord. Tu iras la première chose à la boucherie, et ensuite chez la gagère de Longemalle.

PREMIÈRE MAIN (DE), J'ai eu ce meuble et ces beaux draps de première main. Il achète ses vins de première main. Dites avec l'article: «De LA première main.»

PREMIÈRE VUE (À), loc. adv. Dites, en employant l'article: À la première vue. «Elle déchiffrait les plus difficiles musiques à LA première vue.» «Je les reconnus tous deux à LA première vue.»

PRENDRE, v. n. L'idée lui a pris de voyager. Si l'idée te prend de m'écrire, tant mieux. Quand l'idée vous en prendra, venez me voir. Dans ces diverses phrases et dans les semblables, dites: L'idée lui est venue de voyager. Si l'idée te vient de m'écrire, tant mieux, etc.

PRENDRE, v. a. Nous disons: Un tel a pris la fièvre; il a pris un mal de dents, un gros rhume, une extinction de voix, etc. Nous disons de même: Prendre froid; prendre la coqueluche; prendre des convulsions; prendre un catarrhe: toutes expressions qui ne sont pas françaises. Les 117 dictionnaires disent: La fièvre l'a pris; il lui a pris un mal de dents; il a gagné un rhume, etc., etc.

PRENDRE FEU. Employé impersonnellement. Il a pris feu à la maison de l'Escarcelle; il a pris feu au Molard, etc. Dites avec les dictionnaires français: Le feu a pris à telle et telle maison, à tel et tel quartier, etc.

PRENDRE MAL. Se trouver mal, tomber en faiblesse, s'évanouir. Mme N*** prit mal à l'église, et fut transportée chez elle.

PRENDRE PEUR. Prendre de l'épouvante, s'effrayer. Georgette a pris peur. Si tu prenais peur, appelle-moi. Dites: La peur LE prit. Si la peur LE prenait, etc. [Dictionnaire de Poitevin, p. 787.]

† PRENDRE (S'EN). S'y prendre. Il faudra s'en prendre de bien bonne heure, si l'on veut trouver ce soir des places au Cirque olympique. Notre Joseph ne sait pas s'en prendre; il est encore bien emprunté et bien maladroit. Cette opération, pour dire, n'est pas difficile; tout dépend de la manière qu'on s'en prend.

PRÈS, employé adjectivement, est un barbarisme. Ne dites donc pas: Un tel est mon plus près parent; un tel est leur plus près cousin; nous étions leurs plus près voisins. Substituez, dans ces phrases, l'adjectif «proche» à l'adverbe près, et dites: «Un tel est mon plus proche parent,» etc.

PRESSER, v. a. Pressurer, mettre sous le pressoir. Presser la vendange; presser les raisins; presser les poires et les pommes pour en faire du cidre.

PRESSER, v. neutre. Nous disons à un ouvrier: Faites-moi promptement cette table et ce canapé, car ils me pressent, c'est-à-dire: Car je suis pressé de les avoir. Nous disons de même: Ces cravates pressent, ces robes pressent, ces souliers pressent. Il faut dire: Ces cravates sont pressées, 118 ces robes, ces souliers sont pressés, etc.; ou: Nous sommes pressés de les avoir.

PRESSON, s. m. Barre de fer, levier. Terme savoisien et lyonnais.

PRESSURE, s. f. Présure, acide pour faire cailler le lait. Plus on garde la pressure, meilleure elle est. Terme français populaire et vieux français. A Genève on dit aussi: Presure.

PRÊTER, v. a. À table, on entend souvent dire: Prêtez-moi la carafe; prêtez-moi la salière; veuillez me prêter l'huilier, etc. Cette locution est un gasconisme, qu'il faut remplacer par l'expression toute simple: Donnez-moi la carafe; donnez-moi la salière; veuillez me passer l'huilier.

PRÊTER À RIRE. Apprêter à rire. La jeune Adélaïde avait une toilette qui prêtait un peu à rire. Terme suisse, savoisien, etc. Mais on dira fort bien: Prêter au ridicule, prêter à la critique, etc.

† PRÉVENIR, v. n. Provenir.

PRIÉ À. Nous disons: Être prié à un enterrement; être prié à une cérémonie; être prié à une fête. Il faut dire: Être prié D'un enterrement; être prié D'une fête, etc.

PRIER QUE. Je prie que l'on se taise. Le président agitait la sonnette et priait qu'on l'écoutât. Dites: Je demande que l'on se taise. Le président demandait qu'on l'écoutât.

PRIEUR, s. m. Nous appelons prieur ou prieur d'enterrement, celui des porteurs que la famille du défunt charge d'aller prier au convoi les parents et les amis du défunt.

PRIEUSE, s. f. Nous appelons prieuse, la femme dont l'emploi est, dans les enterrements protestants, de marcher à la tête du cortége. A côté d'elle marchent, vêtus de noir, les deux porteurs d'escabelle.

PRIMBÊCHE, s. f. Pimbêche. C'est une primbêche. Quelle 119 primbêche! Les campagnards ne s'expriment pas autrement.

PRIMÒ D'ABORD, loc. adv. L'un de ces deux mots est inutile à côté de l'autre, puisque d'abord, en français, a le même sens que primò en latin. Dans le langage parisien populaire on dit: Premièrement d'abord; ce qui ne vaut pas mieux.

PRIN, adv. Dans le langage des campagnards, Parler prin signifie: Parler du bout des lèvres et avec affectation. Voyez donc cette primbêche: quels airs elle se donne, et comme elle s'étudie à parler prin!

PRIN ou PRIN BOIS, s. m. Menu bois, brins de fagot. Pour mettre ce feu en train, il nous faudrait du prin bois. Terme suisse, savoisien, lyonnais, franc-comtois, etc. Prin ou prim (primus), appartiennent au vieux français, et signifient: 1o Premier; 2o Menu, fin, mince, délié. Nos campagnards appellent primes graines, Les graines qu'on sème au printemps; ils appellent prin terrain, Un terrain léger, etc. Dans le patois du canton de Vaud: Prin bec, blanc bec; primes bêtes, menu bétail.

PRIN-FORT, s. m. La petite absinthe. Terme vaudois et savoisien.

PRIS, PRISE, adj. Entrepris, embarrassé, endolori, perclus. Avoir la tête prise; avoir la gorge prise; être pris des deux bras, etc. Terme méridional.

PROCURE, s. f. Procuration. Ils envoyèrent les deux procures au notaire. Terme vieux français, conservé chez nos proches voisins.

PROFITAGE, s. m. Faire un profitage (un profit).

PROFITER DE, suivi d'un infinitif. Je profite de venir te voir pendant que mes marmots dorment. Nous profiterons de faire notre voyage pendant les vacances de l'Académie. Tu dois profiter d'aller au théâtre pendant qu'on joue le 120 Domino noir. Cette expression, qui me semble claire, commode et concise, n'est dans aucun dictionnaire français.

PROMENER, v. actif. (fig.) Il m'a promené deux ans avant que de me payer. Les dictionnaires disent: Il m'a traîné deux ans.

† PROMONTIONS, s. f. pl. Promotions, distribution solennelle des prix aux écoliers du collége dans la cathédrale de Saint-Pierre. Le jour des Promontions; la fête des Promontions.

PROPREMENT, adv. Entièrement, à fond. Hier soir, Jean Couzineau s'est soûlé proprement. Français populaire.

PROPRÎTAIRE, s. m. Propriétaire.

PROPRÎTÉ, s. f. Propriété.

PROVIGNURE, s. f. Provin, rejeton d'un cep de vigne provigné. Terme vaudois et savoisien.

PRUNEAU, s. m. Nous appelons pruneau une espèce de grosse prune très-allongée. Cueillir des pruneaux; abattre des pruneaux; sécher des pruneaux. En français, «Pruneau» signifie: «Prune sèche.» L'espèce de prune que nous appelons pruneau, se nomme «Île verte.»

PRUNEAULIER ou PRUNEAUDIER, s. m. Arbre qui porte les pruneaux. Voyez l'article précédent.

PSAUME (UN). Il faut dire: Des psaumes, ou: Un psautier, quand on parle du recueil des cantiques de David. Les phrases suivantes sont donc, à ce point de vue, incorrectes. Tu te placeras auprès de moi, Betsi, et nous chanterons sur le même psaume. Fais donc relier ton psaume. Achète-toi un psaume plus sortable que celui-là. Dites: Fais relier tes psaumes. Achète-toi des psaumes plus sortables, etc.

PUCER, v. a. Épucer, ôter les puces.

121 PUIQUE. Prononciation vicieuse de la conjonction «puisque,» dont le s doit se faire entendre. Les grammaires sont toutes d'accord sur ce point.

PUISERANDE, s. f. Danaïde, roue à augets établie dans le Rhône, près de Genève: elles sont au nombre de deux, et servent aux irrigations de plusieurs jardins potagers. Ce mot de puiserande nous vient du Midi. Dans le Languedoc, pouzarangue signifie: «Puits à roue.» Nous appelons aussi puiserande, des puits à roue établis à une très-petite distance de l'Arve, et dont un cheval est la force motrice. [Voyez Villa, Nouveaux Gasconismes corrigés, t. II, p. 164.]

PUNAIS, AISE, adj. En français, ce mot ne se dit que des personnes. A Genève on l'emploie surtout en parlant des choses, et comme synonyme de désagréable, incommode, et qui affecte péniblement. Nous disons: Un vent punais, un air punais, un froid punais, un temps punais, etc. Rue punaise est le nom que portait, il y a quelques années, la rue appelée aujourd'hui «Traversière.»

PURE, s. f. Le moment de la plus grande abondance d'un légume, d'un fruit, d'un poisson. La pure des abricots, la pure des cerises, des melons, des féras, etc. J'attends la pure des framboises pour faire mes confitures. Quelques-uns écrivent l'apure. Voyez APURE.

† PURÉZIE, s. f. Pleurésie. La purézie se déclara et il fallut en venir à une saigne. Terme savoisien, lyonnais et bas limousin. En Languedoc et en Franche-Comté on dit: Un purézi.

PURGE, s. f. Purgation, purgatif. Prendre une purge. Ce terme, fort usité en Suisse, en Savoie et en France, appartient au vieux français.

PURPURALE, adj. fém. Fièvre purpurale. Dites: Fièvre puerpérale. R. lat. puerpera.

122 PUSSIN ou PUCIN, s. m. Poussin, poulet nouvellement éclos. La poule et ses pussins. Terme suisse, lorrain, vieux français, etc.

PUSSINE, s. f. Jeune poule, poulette. Ce joli mot «pussine» manque à la langue française, puisque «Poulette» ne s'emploie guère qu'au sens figuré. Dans le patois vaudois on dit: Pudjena ou puzene.

PUTRIFIER, v. a. Putréfier, faire pourrir.

Q

QUAND, conj. En même temps que, aussitôt que. J'y serai quand toi, c'est-à-dire: J'y serai aussitôt que toi. Tu partiras quand nous. Vous sortirez quand les autres, c'est-à-dire: Vous sortirez quand les autres sortiront. Ce tour elliptique appartient au vieux français. Le dictionnaire de l'Académie dit: «Il est parti quand et quand nous,» pour signifier: Il est parti en même temps que nous.

QUAND QUE..., loc. conj. À quelque moment que. Quand que tu viennes, tu me feras plaisir. Oui, viens, viens, quand que ce soit.

QUANTE, adv. Prononciation vicieuse de l'adverbe «quand.» Quante l'occasion se présente, saisissez-la. Français populaire. Prononcez Kan.

QUANTIÈME, s. m. Le quantième avons-nous? Le quantième tenons-nous? Le quantième du mois sommes-nous? Ces trois expressions sont vicieuses, et l'on doit y substituer les suivantes: Quel quantième avons-nous? Quel est le quantième du mois?

QUARANTAIN, s. m. Un bouquet de quarantains. Terme savoisien, rouchi, etc. Le mot français est: Quarantaine.

QUART, s. m. Nous disons, en supprimant l'article «Un»: 123 Il est deux heures et quart; il est midi et quart; il est trois heures et quart. Les dictionnaires et le bon usage veulent qu'on dise: Il est deux heures et UN quart; il est midi et UN quart. Ou bien, en retranchant la conjonction et: Il est deux heures UN quart; il est midi UN quart, etc. Dites de même: Cet objet pèse trois livres et UN quart; ou: Cet objet pèse trois livres UN quart.

QUART, s. m. Nous disons d'un objet qui n'a aucune valeur: Il ne vaut pas six quarts; il ne vaut pas deux quarts. Le quart était une de nos monnaies valant un centime environ. Il y avait des pièces de six quarts, des pièces de trois quarts, et des pièces de deux quarts.

QUART, s. m. Mesure de capacité pour les grains, laquelle équivaut à un quart de coupe, soit deux décalitres ou à peu près. Un quart de blé; un quart d'avoine.

QUARTE ou CARTE, s. f. Mesure de capacité pour les grains, laquelle équivaut à un seizième de la coupe. Voyez ce mot. A la page quatre-vingtième du tome Ier, il est dit, par erreur, un sixième (de la coupe) au lieu de: «Un seizième.» Voyez CARTE.

QUARTERON, s. m. Mesure de capacité pour les liquides, laquelle équivaut à un vingt-quatrième du setier, soit deux pots, soit deux litres et un quart.

QUARTERON, s. m. Un quarteron de paille équivaut à huit quintaux de paille, soit vingt-cinq grosses gerbes, chacune d'environ sept pieds de tour.

QUE, dans les phrases suivantes, est une particule d'impatience et de dépit. Sonne que te sonne! Crie que te crie! Pleure que te pleure! Phrases elliptiques et originales, qui équivalent à: Peste de celui qui ne fait que sonner! La peste soit du bambin qui crie! La peste soit de l'enfant qui pleure!

† QUE, sorte de conjonction. Si ce n'est, excepté. Tous ont 124 menti que mon garçon. Tous ont payé que toi. On peut tout racheter que la mort, est un proverbe de nos campagnards.

† QUE. Dont. Dis-voir, Tronchet, comment appelles-tu cette femme d'ici vis-à-vis que son mari est tailleur? (dont le mari est tailleur). Connais-tu Prosper?—Quel Prosper?—Eh! pardine, Prosper Flammel, que sa femme est tant méchante (dont la femme est si méchante). Quel chemin faut-il prendre pour accourcir?—C'est tout simple: le chemin qu'on va au vieux pont (par lequel on va au vieux pont). Expression savoisienne, etc.

QUEBER, v. a. Terme d'écolier. Voyez CHEBER.

QUEL. Quelque. J'irai te voir après-demain quel temps qu'il fasse. Dites: Quelque temps qu'il fasse. À quel moment que tu viennes (à quelque moment que tu viennes), tu me trouveras. Viens à quelle heure que ce soit (à quelque heure que ce soit.) Faute répandue même parmi des personnes qui se piquent de bien parler.

QUEL, QUELLE. À quelle heure dînerons-nous, Antoine?—À quelle heure tu voudras. Dites: À l'heure que tu voudras. À quelle place nous asseyerons-nous?—À quelle place tu voudras. Dites: À la place que tu voudras.

QUELQUES, s. m. plur. Nous étions à ce concert quarante et quelques. Le nombre des morts, dans cet horrible incendie, s'éleva à soixante et quelques. Cette expression, très-usitée chez nous, et qui n'a rien de choquant, ne se trouve pas dans les dictionnaires.

† QUE NON PAS. Il nous vaut mieux suivre la grand'route que non pas nous perdre. Dites: «Que de nous perdre.» C'est plus sage à nous de patienter que non pas recourir à un procès. Dites: «Que de recourir à un procès.»

QUET, adj. masc. Terme d'écolier. Ruiné, qui a tout perdu au jeu. Je ne joue plus, je suis quet.

125 QUEUE, s. f. Nous disons figurément: Il n'y a pas la queue d'un chat, pour signifier: Il n'y a personne. Le temps fut si mauvais, si désastreux, qu'il n'y eut pas la queue d'un chat à la soirée du casino. Les dictionnaires disent: «Il n'y eut pas un chat.»

QUEUE CUITE. Dans notre langage populaire: Avoir la queue cuite, signifie: Être penaud, être tout honteux, tout mortifié. Il s'en retourna la queue cuite.

QUI, pron. rel. Que. Faites ce qui bon vous semblera. Dites: Faites ce QUE bon vous semblera.

† QUIBLE, s. m. Passer au quible. Dites: Crible.

† QUIBLER, v. a. Cribler.

† QUIBLURE, s. f. Criblure.

† QUINAR, s. m. Quinar en bois. Dites: Quina. Quina en bois.

QUINARRODON, s. m. Cynorrhodon, fruit de l'églantier.

QUINCONCHE, s. m. Planter des arbres en quinconche. Terme vieux français. On dit actuellement: «Quinconce.»

QUINE, s. fém. Dites: Un quine, combinaison de cinq numéros pris ensemble à la loterie.

QUINER, v. a. Terme d'écolier. Tout gagner, mettre à sec son adversaire.

, s. f. Femme malingre, souffrante et qui se plaint toujours.

QUINQUERNAGE, s. m. Rabâchage, répétition fatigante. Veux-tu donc continuer toute la semaine avec ces quinquernages?

QUINQUERNE, s. f. Vielle, instrument de musique. Les sons monotones d'une quinquerne. Au sens figuré, quinquerne, adjectif et substantif, se dit d'une personne ennuyeuse et qui ne fait que rabâcher. La sotte quinquerne que votre dame Du Terrail! Tu es bien quinquerne aujourd'hui, ma petite Rosalie. Terme vaudois et savoisien. En Valais, 126 quinquerne se dit d'une femme vaine et coquette. Dans le dialecte rouchi, quinch'terneux se dit d'un ménétrier qui fait danser dans les guinguettes. En vieux français, quiterne, guiterne et guinterne signifiaient: Guitare.

QUINQUERNER, v. a. et neutre. Rabâcher, fatiguer par d'insipides redites, gronder, sermonner. Qu'as-tu tant à nous quinquerner? Elle quinquerne son mari toute la sainte journée.

QUINQUERNEUR, s. m. Rabâcheur, celui qui fatigue en répétant ou en demandant toujours la même chose.

QUINQUET, adj. masc. Se dit d'un homme faible de corps et malingre. Il est tout quinquet. Voyez QUINQUE.

QUINQUET, s. m. (fig.) Œil. Prends donc garde, Félix, tu vas me crever le quinquet. Terme badin.

QUINSON, s. m. Pinson. Un nid de quinsons. Élever des quinsons. Terme vaudois, savoisien et méridional. En Franche-Comté on dit: Quinzon, et dans notre patois, quichon.

QUINZE, adj. num. Nous disons de deux faits, de deux événements, tout à fait semblables: Cela revient tout à quinze. On dirait en français: C'est tout un; c'est blanc bonnet, bonnet blanc; c'est absolument la même chose. Partir aujourd'hui, partir demain, cela revient tout à quinze.

QUIQUAGEON, s. m. Maisonnette, habitation chétive, réduit. Terme dérisoire et badin.

QUIQUE, s. f. (Prononcez kike.) Jeu d'enfant, lequel se joue de la manière suivante. On place, derrière un morceau de tuile ou de pierre, de la monnaie, des boutons ou des clous. On prend un palet qu'on tire contre un but pour savoir qui jouera le premier. Celui dont le palet est le plus près du but fait une raie et lance de là son palet contre le morceau de tuile ou de pierre, afin d'amener l'enjeu le plus près possible de son palet. Chaque joueur en fait autant à tour 127 de rôle. Une fois que le petit (ou cochonnet) est renversé, chaque mise ou partie de mise échoit au palet qui s'en approche le plus. Si par hasard le palet d'un joueur s'arrête sur ou contre le petit, et le touche, on dit qu'il vougne; c'est un mauvais coup pour tous les joueurs, lesquels ne peuvent rien gagner tant qu'il n'a pas été dévougné, c'est-à-dire, tant que le petit n'a pas été remué par un palet rejoué de nouveau. [P. G.]

QUIQUERIKI, s. m. Chant du coq, ou plutôt, sons par lesquels nous imitons ce chant. Terme savoisien. En certaines provinces de France on dit: Coquerico; dans d'autres, coquélicot; ailleurs, cacalaka et quiquelikika. Il en est du chant du coq comme des cloches, auxquelles on fait dire tout ce qu'on veut.

QUITTE, adj. Nous disons: Jouer à quitte ou double. Les dictionnaires disent: Jouer à quitte ou À double.

QUITTE AVEC. Me voilà enfin quitte avec toi. On n'est jamais quitte avec son pays. Dites: Me voilà quitte ENVERS toi: on n'est jamais quitte ENVERS son pays.

QUOIQUE ÇA, loc. adv. Malgré cela, néanmoins, pourtant. Elle le trompe ouvertement, et quoique ça il l'aime toujours. Français populaire.

R

R. Cette lettre joue un grand rôle dans le langage de nos campagnards: ils l'introduisent entre deux voyelles pour éviter les cacophonies. Ainsi, au lieu de dire: À un coin, à une heure, à un village, etc., le paysan dira: À r'un coin, à r'une heure, à r'un village; d'ici à r'un moment. La petite chambre est à r'Auguste. Quel est le prix de 128 vos cerises, brave homme?—Oh là, Monsieur, j'en ai à r'un sou la livre et à deux sous. L'introduction de ce r euphonique est fréquente aussi dans le langage populaire de la ville.

RABATTRE, v. a. Rebattre, répéter jusqu'à satiété. Que viens-tu encore nous rabattre? N'as-tu pas assez rabattu tes ennuyeuses anecdotes et tes vieux contes?

RABISTOLER, v. a. Raccommoder. Voyez RAPISTOLER.

RABISTOQUER, v. a. Rapiécer, rapiéceter, raccommoder tant bien que mal. Rabistoquer des grolles; rabistoquer un broustou.

RABLET ou RABLIET, s. m. Râble, racloir à long manche.

RABOBINER, v. a. Raccommoder tant bien que mal, rajuster. Rabobiner une casaque. Terme vaudois et vieux français. S'emploie souvent au sens figuré. Un verre de vin a suffi pour le rabobiner et le remonter. Se rabobiner veut dire: Se rétablir, revenir en santé.

RABOTTE, s. f. Pomme enveloppée de pâte, et que l'on cuit au four. Terme connu à Reims, et sans doute ailleurs. En vieux français, rabote signifie: Boule. Nos rabottes ont, en effet, la forme d'une boule.

RABOTU, UE, adj. Raboteux. Chemin rabotu.

RABOUCLER, v. a. Boucler. Raboucler un soulier.

RABOUTONNER, v. a. Boutonner.

RACAUQUER, v. a. Attraper, recevoir dans la main une chose jetée en l'air. Jette-moi ta paume: je la racauquerai. Terme de la Suisse romane. A Rumilly (Savoie) on dit: Recauquer.

RACCORDER, v. a. Raccorder un piano, raccorder un violon, etc. Dites: Accorder.

RÂCHE, s. f. Teigne, gale plate et sèche, qui vient à la tête et dont on guérit difficilement. Mr Bescherelle, en enregistrant 129 ce mot dans son dictionnaire, dit qu'il est inusité. Mr Bescherelle devait dire que ce terme appartient au vieux français, et qu'il est encore usité en Suisse, en Savoie, en Bourgogne, dans le Berry et dans quelques autres provinces de France.

RÂCHE, s. f. Cuscute ou barbe de moine, plante parasite. Terme vaudois, méridional, etc.

RACHE-PIED (DE), loc. adv. D'arrache-pied, sans interruption, sans discontinuité, sans relâche. Travailler de rache-pied. Terme français populaire.

RACINAGE, s. m. Terme collectif par lequel on désigne les raves, les carottes, les scorsonères, les navets, les betteraves, etc.

RÂCLE, s. m. Instrument propre à racler, racloir, râble. Le proverbe suivant: Le râcle se moque de l'écovet, se dit de deux personnes également ridicules et qui se moquent l'une de l'autre. Les dictionnaires français disent: «La pelle se moque du fourgon.»

RÂCLE ou RÂCLE-CHEMINÉE, s. m. Ramoneur. Terme jurassien, savoisien, méridional, etc.

RACLER, v. a. Racler des scorsonères, racler des radis, racler des navets, ne sont pas des expressions françaises; il faut dire: Râtisser.

Que faites-vous, Marguerite?
Râtissez-vous des navets?
[Théâtre de la Foire, t. III, p. 100.]

RACLER, v. a. Racler un poisson. Dites: Écailler un poisson, c'est-à-dire: Lui enlever l'écaille avec un outil tranchant.

RACLER, v. a. Toucher légèrement, frotter contre. J'ai raclé la muraille en passant.

130 RÂCLER, v. n. Grasseyer, parler gras et d'une manière traînante.

RACLETTE (À LA), loc. adv. À la rigueur, tout juste. L'examen de mathématiques fut médiocre et l'étudiant ne fut admis qu'à la raclette. Dans le canton de Vaud, raclette, s. f. (en français, «Racloire,» s. f.), se dit de la planchette qui sert à racler le dessus d'une mesure de blé pour la rendre rase, au lieu d'être comble.

RACLON, s. m. Se dit de certains objets en mauvais état et usés. Ainsi, un raclon de fusil, un raclon de couteau, un raclon de canif, sont: Un mauvais fusil, un mauvais couteau, un mauvais canif.

RACÔQUER, v. a. Voyez RACAUQUER.

RACOQUILLER, v. a. Recoquiller, retrousser en forme de coquille.

RAFATAILLE, s. f. Vieilleries, objets usés ou de nulle valeur, restes d'un choix qu'on a fait. Un tas de rafatailles.

On voyait dans un plat coineux
Nager, sur du bouillon sans yeux,
Des raves, de la patenaille,
De l'ognon, de la rafataille.
[Ch.]

Terme suisse et méridional. S'emploie figurément comme synonyme de canaille, racaille, rebut.

RAFFE, s. f. Diarrhée, cours de ventre.

RAFFER, v. n. Avoir la diarrhée.

RAFFEUX, adj. masc. Nous appelons raisin raffeux, celui dont la gousse se détache lorsqu'on le mange. On appelle en Anjou, raffard, une sorte de mauvais raisin.

RAFFISTOLER, v. a. Raccommoder, rapiéceter, remettre en état. Raffistoler un manteau; raffistoler un chariot. Terme parisien populaire, etc. Dans le vieux français, affistoler signifie: Parer, orner, embellir, endimancher.

131 RAFLÉE, s. f. Rafle. Les voleurs firent une complète raflée; c'est-à-dire: Emportèrent tout sans rien laisser. Terme français populaire.

RAFOUILLER, v. a. Fouiller, farfouiller.

RAFOUR, s. m. Four à chaux. Établir un rafour; allumer le rafour. Terme vaudois, savoisien, dauphinois, bressan, franc-comtois et vieux français.

† RAFROIDIR, v. a. Refroidir. Le temps s'est rafroidi. Laissons rafroidir la soupe. Français populaire et vieux français.

RAGÂCHE ou RAGASSE, adj. Taquin, tenace, avare. En italien: Ragazzo.

RAGON, s. m. Salade romaine printanière. Les habitants de la ville appellent ragon la «Petite laitue verte.»

RAGOTANT, ANTE, adj. Ragoûtant, appétissant.

RAISIN, s. m. Nous disons: Cueillir un raisin, manger un raisin, offrir un raisin. Cette locution gasconne n'est autorisée par aucun grammairien, ni aucun dictionnaire. «Un raisin» ne se dit qu'en parlant de toute une espèce (le muscat est un bon raisin). Dans les exemples ci-dessus, il faut dire: Cueillir une grappe de raisin, ou: Cueillir du raisin; manger du raisin; offrir du raisin, ou des raisins, etc.

RAISINS DE MARS, s. m. pl. Groseilles rouges.

RAISINÉE, s. f. Un pot de raisinée. La raisinée est sujette à se moisir. Terme suisse et savoisien. Le mot français est: «Raisiné.» Du raisiné.

RAISON, s. f. Se faire une raison, signifie: Accueillir des idées raisonnables, adopter des mesures sages et prudentes. Tu as eu là une grande épreuve, mon cher Antoine; mais ne t'abandonne pas au découragement, et sache te faire une raison. Terme français populaire.

RAISONNER À. Répliquer à. Tu veux nous raisonner, bambin! Raisonner à ton père et à ta mère!... tu verras. Le verbe «Raisonner» a bien le sens de répliquer, mais 132 il ne prend pas de régime. On peut dire à un enfant qui ergote: Ne raisonne pas; cesse de raisonner. Mais il n'est pas correct de lui dire: Ne me raisonne pas.

RAISONNER QUELQU'UN. Le faire raisonner, chercher à l'amener à une sage détermination. Il vaut souvent mieux raisonner un enfant que de le gronder. On disait en vieux français: Arraisonner quelqu'un. Se raisonner, v. pron., veut dire: Accueillir des idées raisonnables; soumettre son esprit à la raison. Tu ne sais pas te raisonner, Julie; tu te désoles pour un rien.

RAISONS, s. f. pl. Altercation, contestation, démêlés, difficultés, paroles vives. Avoir des raisons avec quelqu'un. Ils ont eu des raisons ensemble. Je me garderai bien d'avoir des raisons avec lui. Expression connue en France, mais qui n'a pas été, jusqu'à présent, admise dans les dictionnaires.

RAISSON, s. m. Sciure de bois. Une seille de raisson. Terme vaudois et savoisien. En Franche-Comté on dit: Rasson; dans l'évêché de Bâle, rasun: termes formés du vieux mot resse; en patois rasse, qui signifie: Une scie.

RAISSONNET, s. m. Sciure de bois. Au raissonnet! au bon raissonnet! est le cri des paysans qui viennent nous vendre de la sciure de bois.

RAJOUTER, v. a. Ajouter de nouveau. Cette salade n'a pas assez d'huile: rajoutez-en. Terme français populaire.

RAMASSÉE, s. f. Volée de coups, rossée. Une bonne ramassée le contraignit enfin à se taire. Terme vaudois. Dans le vieux français, donner la ramasse, signifiait: Donner le fouet. Dans le français populaire, ramasser veut dire: Maltraiter de coups.

RAMASSER UN MAL. Gagner un mal, gagner une maladie. La phthisie est, dit-on, une maladie qui se ramasse.

133 RAMELÉE, s. f. Ribambelle, grand nombre, quantité. Une ramelée de badauds. Terme vaudois.

RAMONÉE, s. f. Forte réprimande. Faisons les gattes, François: on en sera quitte tous deux pour une ramonée. Terme dauphinois, etc.

RAMONER, v. a. (fig.) Gronder, tancer. Dans le dialecte rouchi, ramoner signifie: Rosser.

RAMPON, s. m. Mâche, herbe potagère. Salade au rampon. Terme suisse-roman et savoisien.

RAMURE, s. f. Toiture, couverture d'un édifice.

RAMURES, s. f. pl. Terme de jardinier. Rames, menues branches d'arbres qui servent à soutenir les pois et les haricots. Mettre des ramures.

RANCHE, s. f. Rangée, ligne. Une longue ranche. Terme lyonnais.

RANCHÉE, s. f. Rangée, ligne, rang, suite de plusieurs choses mises sur une même ligne. Une ranchée de livres; une ranchée d'arbres, etc.

RANCO ou RANKO, s. m. Dernier râlement d'un mourant. Être au ranco. Terme vaudois et jurassien. Dans le dialecte provençal, rangouiha veut dire: Râler, c'est-à-dire: Respirer avec bruit et d'une manière pénible. Dans le patois du Jura, le verbe rancasser, et dans le patois de l'Isère, rancheisié, ont le même sens.

RANG ou RANG DE BOIS, s. m. Bûche ronde, rondin. Une douzaine de rangs. Des têtes de rang. A Genève on vend le fayard (le hêtre) soit au moule, soit par rangs.

RANGER, v. a. Tranquillisez-vous, nous rangerons bien votre affaire. Va te ranger, Émile, et nous sortirons; mais aie soin de bien ranger ta cravate et tes cheveux. On peut dire: Ranger une chambre, ranger une armoire, ranger des livres; mais dans les exemples ci-dessus, ranger est une expression incorrecte; il faut dire: «Arranger.»

134 RANGUILLE. Jeu d'écolier, qui consiste à placer une pierre, une boule ou une tuile sur un piquet ou sur une butte quelconque, et à tâcher de les abattre à coups de pierre.

RANGUILLER, v. a. Terme du jeu de quilles. Relever et replacer les quilles abattues. Terme vaudois.

RANGUILLEUR, s. m. Celui qui ranguille.

RANQUEMELER, v. n. Râler, être poussif, respirer avec bruit et peine. On dit aussi: Roncemeler.

RAPATIN, s. m. Sittelle, genre d'oiseaux grimpeurs.

RÂPELU ou RAPÉLU, s. m. Se dit d'un homme qui est vêtu d'habits vieux et râpés, et qui a l'air excessivement misérable.

RAPERCHER, v. a. Chercher avec une sorte de soin, trouver, déterrer, raccrocher. Rapercher des bouquins. Où as-tu donc raperché cette vieille hallebarde? Tu as perdu là, par ta faute, une excellente pratique: il faut essayer de la rapercher. Se rapercher, v. pron., signifie: Se rattraper, recouvrer ce qu'on avait perdu.

RAPETISSIR, v. a. Rapetisser.

RAPETOUILLER, v. a. Raccommoder.

RÂPI, s. m. Râpé de copeaux, c'est-à-dire: Certaine quantité de copeaux (belues) qu'on met dans un tonneau pour éclaircir le vin. Boire sur le râpi, signifie: Boire du vin éclairci par les copeaux. Au sens figuré, Être sur le râpi, veut dire: Être harrassé, être rendu, être sans force et sans courage, baisser, décliner.

RAPIAMUS. Terme latin qui signifie: Enlevons, prenons tout. Faire rapiamus, signifie: Enlever tout. Terme normand, etc.

RAPICOLER, v. a. Ravigoter, ranimer. Repicoler a le même sens.

RAPIDE, adj. Roide, escarpé, qui a beaucoup de pente. Chemin rapide; montée rapide; côte rapide.

135 RÂPIN, s. m. Avare, ladre, homme dur à la détente. Je te plains d'avoir pour maître de maison un pareil râpin. Terme vaudois. Dans le dialecte normand (arrondissement de Bayeux), un râpin est un homme qui enlève tout ce qu'il peut dans les champs. R. rapio.

RAPISTOLER, v. a. Raccommoder grossièrement, rapiécer, rapiéceter, rajuster. Rapistoler une robe. On dit aussi, mais plus rarement: Rafistoler.

RAPLATIR, v. a. Rendre plus plat, rendre plus uni, amincir. Terme français populaire.

RAPPELER (S'EN), v. pron. Dites: Se LE rappeler. T'en rappelles-tu, Toinette?—Non, Madame.—Eh bien, moi, je m'en rappelle: et voici la troisième fois que tu sors de nuit sans ma permission.

RAPPELER DE. Rappeler d'un jugement, rappeler d'un arrêt, rappeler d'une sentence, ne sont pas des expressions correctes. Il faut dire: Appeler d'un jugement; appeler d'un arrêt, appeler d'une sentence.

RAPPONDRE, v. a. Joindre, rejoindre deux choses séparées. Rappondre une ficelle. Fil rappondu. On rappond une sauce, en y ajoutant du bouillon ou de l'eau. Terme suisse-roman, savoisien et jurassien.

RAPPORT, s. m. Dans notre langage populaire, par rapport que, signifie: Parce que, par la raison que. Fanchette n'est pas allée te voir dans ta maladie, par rapport que toi le premier tu l'avais depuis longtemps négligée. Français populaire.

RAPPORT À. Par rapport à, ayant égard à, en considération de, à cause de. Rapport à nos deux cousins, j'ai voulu changer l'heure du goûter. Rapport à vous, je prêterai la somme en question. Français populaire.

RAPPORTAPET, s. m. Terme d'écolier. Rapporteur, celui qui rapporte, celui qui dénonce les étourderies de ses camarades. 136 Défiez-vous de lui, ce n'est qu'un rapportapet. Dans le canton de Vaud: Un redipet.

RAPPROPRIER, v. a. Approprier, nettoyer. Rapproprier une chambre. Au réfléchi, se rapproprier, veut dire: Se faire propre, se reblanchir, faire sa toilette. Terme français populaire.

RAPSODAGE, s. m. Mauvais raccommodage, rhabillage. Vous deviez me raccommoder ce gilet, et je n'y vois qu'un rapsodage. Le verbe «rapsoder,» raccommoder grossièrement, se trouve dans quelques dictionnaires modernes.

RARIFIER, v. a. Raréfier.

RARRANGER, v. a. Arranger de nouveau, rajuster.

RARRIVER, v. n. Tu ne fais que jeter des pierres, Alexis; mais si cela te rarrive, gare! Vous avez fait les gattes, petits drôles: que cela vous rarrive et vous verrez. Je suis sorti hier sans ma bourse; cela ne me rarrivera pas. Ce terme fort commode n'est pas dans les dictionnaires.

RAS, adv. Couper les cheveux ras, tondre un chien ras, etc., ne sont pas des expressions françaises, quoique fort usitées en France, en Savoie et chez nous. Il faut dire: Raser les cheveux; raser un chien; raser une moustache, etc. Couper à ras, tondre à ras, couper à ras terre, couper à ras de terre, sont également des expressions vicieuses. Ne dites donc pas: Les hirondelles volaient à ras terre; ni: Elles volaient ras terre; ni: Elles volaient à ras la terre. Dites: Elles volaient en rasant la terre; ou: Elles volaient rez terre. «Rez,» en effet, est une préposition qui signifie: Tout auprès, tout contre, tout joignant, rien entre deux. Abattre une maison REZ terre; couper un arbre REZ terre, etc.

RASSIS, participe du verbe rasseoir, ne fait pas au féminin rassie, comme beaucoup de personnes le croient. Il ne faut pas dire: Cette femme est rassie, c'est-à-dire: Calme, 137 posée, réfléchie; il faut dire: Cette femme est rassise. «La jeune Éveline, qui n'a pas encore dix-huit ans, est déjà une personne rassise, prudente et circonspecte.»

RASSUJETTI, IE, subst. Jeune homme ou jeune fille qui, ayant fini son apprentissage, travaille encore avec un maître ou une maîtresse pour se perfectionner.

RAT, s. m. Nous disons proverbialement: Être trempé comme un rat, pour signifier: Être tout trempé. L'Académie dit: «Être mouillé comme un canard.»

RATAPIOLE, s. f. Ribote du lendemain. Faire la ratapiole.

RATAQUO, s. f. Voyez RATE, no 5.

RATASSER, v. a. Signifie: 1o Fouiller, chercher; 2o Chicaner, taquiner, rabâcher, repasser.

RATE, s. f. Souris. Un nid de rates. Prendre des rates. Avoir un sommeil de rate. Le Complément du dictionnaire de l'Académie, en enregistrant ce mot, dit qu'il est peu usité. J'ose assurer qu'il est d'un usage journalier en Suisse, en Savoie, en Franche-Comté, dans les Vosges et dans tout le Midi. Nous disons figurément et facétieusement: Avoir les rates au ventre, pour signifier: Avoir grand'faim, avoir le ventre qui grouille de faim.

RATE, s. f. Rat, marque blanche, que les écoliers et les gamins font malicieusement sur les habits des passants, au moyen d'un morceau d'étoffe frotté de craie et taillé en forme de rat.

RATE, s. f. Dent de petit enfant, quenottes. Montre-nous tes petites rates, Fanny. Laisse-toi arracher cette rate qui branle, et nous la mettrons sous le chenet. Terme vaudois, franc-comtois, limousin, etc. En Languedoc et en Provence on dit: Ratète et ratounette.

RATE (FAIRE). Rater, faire faux feu. Son fusil avait fait rate deux fois de suite. Ce mot est une onomatopée.

RATE ou RATAQUO, s. f. Réflexion du soleil sur un miroir 138 ou sur un corps quelconque réverbérant. Faire la rate aux passants. Ces petits polissons nous aveuglaient avec leur rate, avec leur rataquo. Les vitres de ta fenêtre me font la rate.

RÂTE, s. f. Un mal de râte. Souffrir de la râte. Prononciation vicieuse du mot «Rate,» dont l'a est bref.

RÂTEAU, s. m. Grille, fermeture, et principalement d'une porte de ville. Fermer le râteau; ouvrir le râteau; enfoncer le râteau.

RÂTELET DE MOUTON, s. m. Terme de boucherie. Carré de mouton, haut côté. Terme suisse et savoisien.

RÂTELIER, s. m. Terme d'économie domestique. Dressoir, espèce de buffet sans porte, à plusieurs rayons.

† RATENIR, v. a. Retenir. Ratiens-moi, David, je tombe! Tâche de te ratenir à ce poutre. Terme vaudois, etc.

RATER, v. n. Se dit des chats, et signifie: Prendre les rats, poursuivre les rats. Notre chat rate bien. Les chasseurs le disent aussi des chiens qui s'amusent à poursuivre les rats, au lieu de s'attacher au gibier.

RATIONNER, v. a. Faire la part, donner la ration, mettre à la ration. Ces garçons ont un si terrible appétit, qu'il faudra véritablement les rationner.

RATIN, s. m. Odeur des rats. Sentir le ratin.

RÂTISSOIR (UN). Instrument de fer pour râtisser les allées des jardins. Râtissoir usé, râtissoir démanché. Ce mot est féminin. Une râtissoire usée, une râtissoire démanchée.

RATOULIVE ou RATOLIVE, s. f. Chauve-souris. Ce mot ratoulive est une contraction des mots rate-volive, qui signifient: Rate volante, souris qui vole. A Rumilly (Savoie) et en Valais on dit: rate-volière; dans le patois vaudois, ratta volaire; à Lyon, rate-volage; dans le Jura, ratevolate; dans les Vosges, volant-rette.

RAUFE, s. f. Rotengle, poisson du genre de la tanche.

139 RAUFÉE, s. f. Algarade, grognerie, gronderie. Faire une raufée. Recevoir une raufée.

RAUFER, v. a. Gronder, grogner. Raufer ses domestiques; raufer ses enfants. Son mari ne cesse de la raufer. Terme suisse-roman. En allemand, raufen signifie: 1o Tirer par les cheveux; 2o Chamailler.

RAUFERIE, s. f. Gronderie, grognerie.

RAUFERIES, s. f. pl. Vieux chiffons, vieilles hardes, objets sales et inutiles.

RAUFIN, FINE, subst. Grognard, celui ou celle qui gronde par habitude ou par caractère.

RAVANTER, v. a. Aveindre, avanter de nouveau. Tâche de me ravanter mon cerf-volant.

RAVAUDAGE, s. m. Action de ravauder, de marchander.

RAVAUDER, v. n. Marchandailler, mésoffrir, offrir d'une marchandise beaucoup moins qu'elle ne vaut.

RAVAUDERIE, s. f. Bagatelle, brimborion. As-tu payé ton tailleur?—Je ne lui dois plus qu'une ravauderie. Ta mère a-t-elle acheté quelque chose à cette vente publique?—Oui, quelques ravauderies.

RAVAUDEUR, DEUSE, subst. Celui ou celle qui marchandaille, qui aime à marchander, et qui déprécie la marchandise. Allez, ma mie: je vois bien que vous n'êtes qu'une ravaudeuse, et que vous ne voulez rien m'acheter. Terme suisse et franc-comtois.

RAVE, s. f. (fig.) Objet de nulle valeur, chose de rien. Se dit des personnes et des choses. Deux francs à votre fils pour ses étrennes! La belle rave! Vous mariez votre Tiennette à Jean Des Verres? La belle rave de mari que vous lui donnez là! On dit de même: Le beau fusil de rave! La belle campagne de rave! etc.

RAVE. Employé adverbialement, ce mot est synonyme de: Néant, rien du tout, non, point du tout. Tu ne veux pas ces 140 pommes pour ton goûter?... Eh bien, rave, c'est-à-dire: Eh bien, tu t'en passeras, tu n'auras rien autre. Terme vaudois. On dit quelquefois dans le même sens: Une rave. Père, mère, prête-moi les tenailles.—Une rave, c'est-à-dire: Tu ne les auras pas.

RAVE, s. f. Nous disons proverbialement: Remettre à quelqu'un ses raves dans le sac, pour: Lui rétorquer ses arguments, lui prouver son erreur ou son ignorance, le réduire à se taire.

RAVÉ, ÉE, adj. Terme des campagnards. Cassant, qui se casse facilement. Une branche ravée, est une branche pourrie, et que le moindre effort, le moindre ébranlement pourrait casser.

RAVOIR (S'EN). Revenir de sa surprise, se remettre d'un grand étonnement. Vous me racontez là une chose si curieuse et si extraordinaire, que je ne puis m'en ravoir. En français, «se ravoir» signifie: Se calmer, reprendre ses forces.

RAVONNET, s. m. Radis, sorte de petite rave. Une liasse de ravonnets. Terme suisse-roman.

RAYER, v. a. Rayer un écolier, signifie: Lui rayer son papier, le lui régler. Viens ici, Fanny, je te rayerai, afin que tu écrives droit. Notre petit Eugène écrit déjà sans se rayer. Dites: Sans régler son papier.

REBÂCHER, v. a. Rabâcher, répéter souvent et inutilement la même chose.

REBÂCHEUR, CHEUSE. Rabâcheur, rabâcheuse.

REBARBARATIF, IVE, adj. Rébarbatif, rude, rebutant, repoussant. Visage rebarbaratif, figure rebarbarative. Terme français populaire.

REBATTE, s. f. Meule d'un pressoir à huile ou à fruit. Terme savoisien. En patois, rebatta signifie: Rouler, et rebat, rouleau.

141 REBATTE, s. f. Ressac, action des vagues battant contre un mur ou un rocher, et retournant violemment vers le large. Dans le vieux français, rebattre avait le sens de: Répercuter, réverbérer, et rebattement signifiait: Répercussion.

REBÉQUER ou REBECQUER, v. n. Se dit des aliments et signifie: Être antipathique, dégoûter, soulever le cœur. Les choux me rebecquent. Le fromage rebecque à beaucoup de personnes.

REBIOLON, s. m. Seconde pousse des choux, seconde pousse de la vigne. Terme suisse-roman.

REBLOCHON, REBLOSSON ou REBLAICHON, s. m. Sorte de fromage de Savoie.

REBOUILLER ou RABOUILLER, v. a. Remuer, ravauder, farfouiller. Rebouiller un tiroir, rebouiller un pupitre. Il a l'estomac rebouillé. Terme vaudois, fribourgeois, berrichon, etc. Nos campagnards appellent rabouillé-beuze, le bouzier, sorte d'insecte volant qui vit de préférence dans la bouze (en patois, la beuze).

REBOURRÉE, s. f. Accueil dur, rebuffade. Faire une rebourrée. Recevoir une rebourrée.

REBOURRER, v. a. Rebourrer quelqu'un, c'est: L'accueillir avec des paroles dures, le maltraiter en paroles, le rembarrer.

RECAFFÉE ou REKIAFFÉE, s. f. Gros éclat de rire, éclat de rire très-bruyant, forcé et commun. Faire des recaffées. De ce groupe de bonnes d'enfants et de domestiques sortaient, par intervalles, d'énormes recaffées. Riez, si cela vous plaît, mesdemoiselles, mais ne faites pas des recaffées.

RECAFFER, v. n. Faire de gros éclats de rire.

RECAPER (SE), v. pron. Terme des campagnards. Se dit des femmes et signifie: Se recoiffer, se requinquer. L'opposé de ce verbe est (en patois), se décapà. R. cape, manteau, etc.

142 RECHANGE (À), loc. adv. À tour de rôle, tour à tour. Va à pied, je monterai sur le mulet, et nous ferons à rechange.

RECHANGER (SE), v. récipr. Se relayer, se relever l'un l'autre. Pour monter jusqu'à la cime du Jura, Mme N** prit quatre porteurs qui se rechangeaient. Terme franc-comtois, etc.

RECHAT, s. m. Terme des campagnards. Repas donné aux ouvriers à la fin d'un travail fait en commun. Dans le canton de Vaud on dit: Ressat. Faire le ressat.

RECHIEN ou RECHEIN, s. m. Mauvais accueil, répartie dure, affront, rebuffade. Faire un rechien. Il m'a fait un rechien et une regauffrée de mâlevie. Dans le vieux français, rechin est un adjectif qui signifie: Triste, mélancolique, de mauvaise humeur. «Rechigner» est français.

RECHIGNÉE, s. f. Rechignement, action de rechigner. Faire une rechignée. Voyez RECHIEN.

RECHINCHÉE, s. f. Prise de tabac.

RECHUTER, v. n. Avoir une rechute, faire une rechute, retomber, être attaqué de nouveau d'une maladie dont on paraissait guéri. Tu le croyais au-dessus, mais il a rechuté. S'il rechute encore, c'est fait de lui. Terme suisse-roman et méridional.

RECORDAIN, s. m. Terme des campagnards. Deuxième regain. En latin, cordum ou fenum cordum veut dire: Regain.

RECOU, s. m. Terme patois. Regain, deuxième coupe du foin.

Quand il pleut à la mi-oû
Y a (prou) raves et prou recou.

RECOUVERT, ERTE, partic. Recouvré, récupéré. La maison de commerce N** a recouvert, en trois ans, les sommes qu'elle avait perdues. Dites: Elle a recouvré. Dites aussi: Un tel a recouvré son crédit. Mme Z** pourra recouvrer une partie de l'héritage.

143 RECRÉER, v. a. Réjouir, divertir. Cette promenade vous a-t-elle un peu recréé? Écrivez et prononcez avec trois accents: «Récréé.» Le verbe «Recréer» (re sans accent) est français, mais avec une autre signification.

RÉCRÉPIR UN MUR. Dites: Crépir un mur. Voltaire, en se servant du mot récrépir, dans le passage suivant, le souligne. «M. le curé, vous savez que j'ai récrépi à mes dépens l'église du Tilloi.» [Lettre à M. de l'Écluse, dans les Facéties.] «Recrépir» est français, dans le sens de: «Crépir de nouveau.»

RÉCRÉPISSAGE, s. m. Crépissure, crépi. Dans notre pays les récrépissages faits avant le milieu de mai ne sont pas solides.

† RECTAL, adv. Recta, ponctuellement, avec régularité. Valentin est un homme qui paie rectal.

† RECTALEMENT, adv. Recta, ponctuellement.

RECUITE, s. f. Masse de lait caillé qu'on tire du petit-lait bouilli.

RÉCURAGE, s. m. Second écurage.

REDASSE, s. f. Draine, espèce de grive plus grosse deux fois que l'ordinaire, et la moins délicate de toutes. Au figuré redasse se dit injurieusement d'une femme maigre et sèche. Cette redasse, cette vieille redasse n'a-t-elle pas encore des prétentions! Terme vaudois. En provençal, radasso signifie: 1o Une rossinante; 2o Une vieille et mauvaise bête de somme.

REDIT, s. m. Ne s'emploie guère que dans cette expression: Les dits et les redits, c'est-à-dire: Les cancans. Avec ces dits et ces redits, on ne manquera pas de brouiller toute la famille. Terme bordelais, etc.

REDONDER, v. n. Ressauter, rebondir. Regarde cette paume, Albin, comme elle redonde! Le verbe redonder se 144 trouve dans les dictionnaires, mais avec une signification différente.

REDOUX, s. m. Dégel, retour d'une température plus douce après quelques jours de gelée. Le baromètre descend, nous allons avoir du redoux, c'est-à-dire: Il va dégeler. Terme vaudois et savoisien.

RÉDUIRE, v. a. Serrer, resserrer, enfermer en lieu convenable, ôter de devant les yeux. Réduire la vaisselle; réduire le relavage; réduire des vêtements; réduire des outils. Le mauvais temps peut arriver quand il voudra, ma récolte est toute réduite. Nous étions tous réduits avant minuit, c'est-à-dire: Avant minuit nous étions tous rentrés dans nos maisons. Terme consacré en Suisse et en Savoie. R. reducere, remettre en place, replacer. En Languedoc, au lieu de réduire, on dit: Conduire. Conduisez ce pain. Conduisez cette bouteille et ces verres.

REFAIRE, v. a. Nous disons figurément et proverbialement d'une chose qu'on nous présente comme avantageuse, mais qui en effet ne l'est pas: Cela ne me refait pas la taille. On dit en français: Cela ne me rend pas la jambe mieux faite. [Acad.]

REFAIT, FAITE, part. Nous disons ironiquement, à l'occasion d'un mécompte, d'un contre-temps, d'un désagrément qui nous arrive: Me voilà bien refait! c'est-à-dire: Me voilà bien avancé! Me voilà mis dans de beaux draps! Te voilà bien refait, Théodore, de chicaner ton petit frère: il t'a égratigné et tu saignes. Terme languedocien, etc.

REFALLOIR, v. imp. Falloir de nouveau. Tu as acheté trop peu d'étoffe; il t'en refaut une demi-aune. Notre provision de fascines touche à sa fin: il en refaudra un demi-cent.

REFENTE, s. f. Un mur de refente. Terme français populaire. Dites: Un mur de refend.

145 REFIER (SE), v. pron. Se fier, compter sur. Il se refie trop sur sa mémoire. Ne vous refiez pas sur cet homme.

RÉFLÉCHIR, v. actif. Ce verbe est neutre. Ne dites donc pas: J'ai réfléchi une chose. Dites: J'ai réfléchi À une chose; j'ai réfléchi À un moyen de tout arranger, etc.

REFONFONNER ou REFONFOUNER, v. n. Reprendre dans la cafetière, dans le pot, dans la marmite, etc. Gouillarde que tu es! Après avoir bu tes deux écuelles, tu refonfounes encore. On donne aussi à ce verbe le sens de: Mettre de l'eau sur le marc de café, dans une bouteille de vin, etc.

REFRÂCHAIS, s. m. Terme d'agriculture. Refroissis, récolte faite sur des jachères. Terre que l'on fait porter une troisième année.

RÉFROIDIR, v. a. La prononciation de réfroidir, avec accent sur l'é, est habituelle chez nous. Il faut écrire et prononcer: «Refroidir.»

REFROUGNÉ, ÉE, adj. Mine refrougnée; visage refrougné. Le mot français est: Refrogné. Visage refrogné.

REGAILLARDIR, v. a. Ragaillardir, remettra en bonne humeur, remettre en gaîté. Cette bonne nouvelle les avait tous regaillardis. Français populaire et vieux français.

RÉGALE, s. fém. Régal, régalade, festin, gala. Faire une régale; faire une superbe régale. Ce terme appartient à l'ancienne langue française; mais il était alors du genre masculin (un régale). Voyez la 1re édition du dictionnaire de l'Académie [1698].

REGAUFFRÉE, s. f. Gronderie, paroles de dépit, rebuffade. Faire une regauffrée à quelqu'un; recevoir une regauffrée. Dans le canton de Vaud, on dit: Regauffée.

RÉGLET, s. m. Terme de calligraphie. Transparent. Écrire avec un réglet. Se passer de réglet. Terme méridional.

RÉGITRE, s. m. Écrivez sans accent sur l'e, «Regître» ou «Registre.»

146 RÉGLEUSE, s. f. Terme de la fabrique d'horlogerie. Ouvrière dont la profession est de régler les montres. À Genève, une habile régleuse peut gagner jusqu'à huit francs par jour.

REGLISSE, s. f. Écrivez et prononcez: «Réglisse.» De la réglisse. La réglisse est adoucissante.

REGORGE (À), loc. adv. Excessivement, à satiété, jusqu'au rassasiement. Manger à regorge. Avoir des écus à regorge.

REGRETTER, v. a. Dans notre langage: Regretter une chose à quelqu'un, signifie: La lui envier, être fâché, être triste de voir qu'il en est le possesseur. Chacun lui regrette cette aubaine. Ne regrettez pas cette jeune et jolie femme à ce vieux barbon, c'est une pouine, une diablesse. Expression méridionale.

REGROLLAGE, s. m. Raccommodage de vieux souliers.

REGROLLER, v. a. Raccommoder grossièrement de vieux souliers. Grolle, dans notre langage, signifie: «Savate.»

† REGUINGOTTE, s. f. Redingote. J'acheta cette reguingotte à l'encan. Terme dauphinois, rouchi, etc.

† RÉGULIARITÉ, s. f. Régularité. Le mot réguliarité appartient au vieux français, et on l'emploie encore dans diverses provinces du nord de la France.

REINE, s. f. Nous appelons la reine du bal celle des danseuses dont la beauté ou la grâce y est le plus remarquée. En France, la reine du bal, c'est la personne pour qui se donne le bal.

REJICLÉE, s. f. Éclaboussure, rejaillissement. En Dauphiné et en Languedoc, on dit: Un rejiscle.

REJICLER, v. a. et n. Éclabousser, faire rejaillir. L'eau lui rejicla dessus. Fais donc attention, Gaspard: ne vois-tu 147 pas que tu me rejicles? Terme suisse-roman, savoisien et méridional.

RELÂCHER LE VENTRE. Lâcher le ventre.

RELATIONNÉ, ÉE, adj. Se dit de celui ou de celle qui a des relations. L'établissement que vient de fonder Mr Z** ne peut manquer de réussir, car c'est un jeune homme actif, intelligent et bien relationné.

RELAVAGE, s. m. Lavage de la vaisselle après le repas.

RELAVER, v. a. Laver la vaisselle après le repas. Terme vaudois, neuchâtelois, lorrain, wallon, etc.

RELAVURES, s. f. pl. Lavure, eau grasse qui provient du lavage de la vaisselle.

RELEVER, v. a. Terme de lingère. Reprendre. Relever une maille à un bas. Expression dauphinoise, etc.

RELEVER, v. a. Saisir, prendre en contravention. Le garde champêtre de la commune a relevé un chasseur qui foulait du blé noir. À la campagne les enfants se font souvent relever par les gardes. [P. G.]

RELEVER (S'EN), v. pron. En relever, se rétablir, en parlant d'un malade. On ne croit pas que notre cousine s'en relève. Dites: On ne croit pas que notre cousine EN relève.

RELIQUAT, s. m. On prononce relika.

RELOIN, adv. Ne s'emploie que dans cette expression très-familière: Il est loin et reloin, c'est-à-dire: Il est parti, il est depuis longtemps parti.

RELUCHER, v. a. Reluquer, lorgner attentivement et du coin de l'œil. Relucher de belles pêches, relucher de beaux raisins. Dans notre langage, relucher une demoiselle, c'est: La regarder avec un tendre intérêt, et chercher à attirer son attention.

REMAGNONS, s. m. pl. Reste d'aliment, vieux reste de fricot. Terme vaudois. Dans notre patois, remagni veut dire: Rester. R. lat. remanêre.

148 REMAIGRIR, v. n. Ton beau-père avait repris un peu d'embonpoint, mais le voilà qui remaigrit. Dites: «Ramaigrit.» L'infinitif est: «Ramaigrir.»

REMARQUER À QUELQU'UN. Dites: Faire remarquer à quelqu'un, lui faire observer. Je vous remarquerai que, est un barbarisme.

REMBOURS, s. m. Remboursement. Terme suisse, parisien populaire et vieux français.

REMERCIER POUR. Remercier de. Remerciez votre oncle pour toute la peine qu'il s'est donnée.

REMÉMORIER (SE), v. pron. Se remémorer. Tâche de te remémorier une partie de ce beau discours. Français populaire.

REMOLLION, s. m. (ll mouillés.) Terme de lessiveuse, se dit essentiellement du linge de couleur et des vêtements de laine qui ne se coulent pas au lissu. Madame a-t-elle préparé les remollions? Y a-t-il beaucoup de remollions? Le remollion n'est pas encore compté. R. remouiller.

REMOLLION, s. m. (ll mouillés.) Réveillon, lendemain de noces; petit repas que l'on fait après un autre plus grand.

REMONTANT (UN). Un stimulant, une chose qui ranime et fortifie soit le corps, soit l'esprit. Pour beaucoup d'estomacs, un verre de bon vin est un remontant. L'arrivée de son père tirera notre jeune écolier de son apathie, et lui donnera un peu de remontant.

REMONTER, v. a. Ravigoter, raviver, redonner des forces, remettre en meilleur état. Un petit verre de curaçao les a tous réjouis et remontés. Ce petit legs a remonté cette pauvre famille. Cinq cents francs remonteraient bien votre fermier. Terme méridional, etc. Les dictionnaires disent: «Remonter le courage, remonter l'imagination,» et rien de plus. A Genève, ce verbe remonter a des significations plus étendues.

149 REMOUCHÉE, s. f. Remontrance sévère, algarade. Faire une remouchée. En provençal: Remouchinado.

REMOUCHER, v. a. (fig.) Gourmander, rabattre le caquet, réprimander sévèrement, rembarrer. Il voulait élever la voix, mais son bourgeois l'a remouché. Terme neuchâtelois, etc. En lorrain, moucher quelqu'un signifie: Le battre, l'étriller; et dans le patois du bas Limousin, moutsa, s. m., veut dire: Un soufflet, une mornifle.

REMUER, v. n. Déménager, changer d'appartement. Quand remuez-vous, voisin?—Je remue après Pâques. Terme suisse-roman, savoisien et lyonnais. Dans le Limousin, à Bordeaux et en d'autres endroits du midi de la France, on dit: Se remuer. C'est demain qu'il se remue (c'est demain qu'il déménage). En vieux français, remuer, v. n., signifiait: Changer.

REMUEUR, s. m. Déménageur. Les remueurs sont payés quatre à cinq francs par jour. Tous les Genevois connaissent le joli conte des Remueurs, de Gaudy.

RENAILLER, v. n. Renarder, vomir après une orgie.

RENARDS, s. m. pl. (fig.) Vomissements d'un homme ivre. Faire les renards, vomir après une orgie. Dans le français populaire, on dit en ce même sens: Écorcher le renard.

RENASQUER, v. n. Regimber, refuser, récalcitrer, renâcler, faire quelque chose en rechignant. Tu as beau renasquer, mon pauvre Alfred, il faudra bien que tu en passes par là. Terme vieux français, admis dans la 1re édition du dictionnaire de l'Académie [1694], mais rejetée depuis.

† RENCONTRE (UN). Tu n'as payé ce bois de lit que trois francs; c'est un bon rencontre. Dis-voir, Guillaume, tu me viendras ce tantôt au rencontre. Ce mot, qui est aujourd'hui du genre féminin, était autrefois des deux genres.

RENCONTRER (SE), v. pron. Être, se trouver, se rendre dans quelque endroit. M'étant rencontré là par hasard, je 150 prêtai main-forte au gendarme. Tâche de te rencontrer sur la Treille à midi précis. Il se rencontra tout à point un honnête paysan qui nous hébergea. Expression vaudoise et méridionale.

RENDEMENT, s. m. Rendement de compte. Reddition de compte. [P. G.]

RENETTE, s. f. Écrivez et prononcez: Rainette ou Reinette. Pomme rainette ou pomme reinette. En vieux français, raine signifie: «Grenouille.» Or les pommes rainettes sont tachetées comme les grenouilles.

RENEVIER, IÈRE, adj. Terme des campagnards. Économe, ménager, qui tient en réserve. Comment donc! à Pâques il vous offrait encore des raisins!—Oui, sans doute, parce qu'il est renevier, lui, et qu'il conserve quand les autres prodiguent. Dans le patois vaudois, Renevei veut dire: Prêteur sur gages, usurier, accapareur. Chez nous ce terme ne se prend qu'en bonne part, mais il est peu répandu. Dans le patois dauphinois, renevie signifie: Regrattier, revendeur.

† RENFORCIR, v. a. Enforcir, renforcer, donner des forces. Les bains d'Arve ont renforci notre garçon. Terme parisien populaire et vieux français.

RENFROGNÉ, ÉE, adj. Visage renfrogné. Dites: Refrogné.

RENITENT, ENTE, adj. et subst. Mutin, récalcitrant. Faire le renitent. Punir les renitents. Gare aux renitents! Expression remarquable, fort usitée à Genève, mais inconnue en France, quoique recueillie par Boiste, etc. Dans le dialecte des environs de Valenciennes, renicter signifie: Trouver des difficultés où il n'y en a pas. R. lat. reniti.

RENONCE, s. f. Rassasiement, dégoût. Boire à renonce. On menait une vie de chanoine; on avait du vin à renonce, c'est-à-dire: On en avait à gogo et jusqu'à n'en plus vouloir.

151 RENONCER, v. a. Se dégoûter de, prendre en dégoût. Notre André est un brave garçon qui ne renonce jamais le travail. Expression des campagnards.

RENOTER, v. n. Redire sans cesse, répéter fastidieusement, rabâcher. C'est la dixième fois que tu me renotes la même chose. Ces deux écoliers me renotent toujours que l'étude du grec les ennuie.

RENOUVELER, v. n. Se renouveler, en parlant de la lune. La lune renouvelle demain.

Quand la lune renouvelle en beau,
Trois jours après on a de l'eau.

RENRHUMER, v. a. Enrhumer de nouveau. J'ai quitté mon gilet de flanelle, et me voilà renrhumé.

RENTER, v. a. Renter des bas. Dites: Remonter des bas.

† RENTOURNER (SE), v. pron. S'en retourner. Ne pleure plus, mon vâlet, et rentourne-t'en chez vous.—Ma mama ne veut pas que je m'en rentourne seul. Barbarisme vaudois, lyonnais, etc.

RENTRER, v. a. Rentrer une couture. Terme français populaire. Dites: Rentraire une couture.

† RENVENIR (S'EN), v. pron. S'en revenir. Lequel de vous veut s'en renvenir avec moi? Renviens-t'en, Michel. Barbarisme lyonnais, etc.

RENVERSER, v. n. Verser, parlant d'une voiture. Nous heurtâmes contre le boute-roue, et le chariot renversa. Terme français populaire.

REPAILLER, v. n. Rempailler, garnir d'une nouvelle paille. Voilà des chaises mal repaillées.

REPAILLEUSE, s. f. Rempailleuse.

REPAS DU LOUP, s. m. Terme des campagnards. Repas donné le troisième jour de la noce aux personnes avec lesquelles on est moins en relation.

152 REPATRIER, v. a. Rapatrier, réconcilier des personnes brouillées. Terme méridional, etc.

REPÊCHER (SE), v. pron. Se rattraper, retrouver son gain, prendre sa revanche.

....... Je laisse le bouli,
Comptant me repêcher bientôt sur le rôti.
[Ch.]

† REPENTU, UE, part. Elle s'est bien vite repentue d'avoir menti. Barbarisme qui appartient au français populaire. On doit dire: Repenti, repentie.

REPETASSER, v. a. Rapetasser, raccommoder grossièrement de vieilles hardes. Terme méridional.

REPICOLER ou RAPICOLER, v. a. Ravigoter, ranimer, rendre les forces, remettre en vigueur, refaire. Notre pauvre petite Linotte était crevotante, un peu de vin l'a repicolée. Depuis que j'ai pris ce bouillon bien chaud et bien succulent, je me sens repicolé. Terme suisse et savoisien. Dans le patois du Jura, et dans le dialecte provençal, revicouler et reviscoula ont le même sens.

REPIPER, v. a. Répliquer, répondre. Quand je lui ai dit son fait, il n'a rien repipé, il n'a pas repipé mot.

REPIT, s. m. Avoir du repit; donner du repit. Écrivez et prononcez «Répit,» avec un accent sur l'é.

REPLAT, s. m. Plateau, terrain plat sur une élévation. Nous ferons une halte au premier replat. Terme suisse. Dans le dialecte du Berry, replat signifie: Terrain déprimé.

REPLIQUER, v. a. Garde-toi de repliquer. Si tu repliques, je te punis. Prononciation habituelle chez nous. Ce mot s'écrit avec un accent sur l'é: «Répliquer.» Ne réplique pas.

REPLUMER (SE), v. pron. Se remplumer. S'emploie surtout figurément et signifie: 1o Revenir en santé; 2o Rétablir ses affaires, regagner de l'argent.

153 REPOCHONNER, v. n. Reprendre avec la cuiller à pot. Repochonner la soupe. [G. G.]

REPRIN, s. m. Recoupe, son de première qualité. Terme suisse, savoisien et méridional.

REPRISE, s. f. Terme d'horticulture. Joubarbe des jardins.

REPROCHER, v. n. Donner des rapports, occasionner de ces vapeurs acides et désagréables qui s'élèvent de l'estomac dans la bouche. Les choux et les radis lui reprochent. Terme français populaire.

REQUÊT, s. m. Terme des campagnards. Se dit d'un repas ou gala donné à des femmes par une nouvelle mariée le lendemain de ses noces.

REQUINQUILLER, v. a. Ranimer, ragaillardir. Allons, allons, une goutte de rikiki, ça requinquille. Employé comme verbe pronominal, se requinquiller signifie: Se requinquer, se parer, faire sa toilette. Qu'y a-t-il de nouveau, Magdelon, que tu es si requinquillée et si belle? Terme vaudois et méridional.

RESILLER, v. n. (ll mouillés.) Se dit du vin et signifie: Tourner, devenir aigre.

RÉSILLER, v. a. (ll mouillés.) Orthographe vicieuse du mot résilier. Résiller un bail, résiller une vente. Cette mauvaise orthographe conduit à des fautes plus graves: Nous disons au présent de l'indicatif: Je résille, au lieu de dire: Je résilie. Nous disons au futur: Je résillerai, au lieu de dire: Je résilierai. Nous disons au subjonctif: Que je résille; permettez que je résille ma location, au lieu de dire: Que je résilie. Permettez que je résilie ma location.

† RÉSIPÈLE, s. f. Érésipèle.

RESSAUTER, v. n. Signifie: 1o Tressaillir; 2o Rebondir; 3o Rejaillir. Ressauter de peur. Je dormais profondément lorsqu'un cri d'à l'eau! me fit ressauter dans mon lit. Sa paume élastique ressautait jusqu'à la hauteur du deuxième 154 étage. Prends garde, Édouard, tu me fais ressauter de l'eau. Terme français populaire.

† RESSEMBLER QUELQU'UN. L'aînée (des deux sœurs) ressemble son père, et la cadette ressemble sa mère. Cette expression appartient au français populaire et au vieux français. On doit dire: L'aînée ressemble à son père et la cadette à sa mère.

RESSEMBLER, v. n. Ne dites pas: Voilà un portrait qui ressemble, dites avec un régime indirect: Voilà un portrait qui ressemble à Mr un tel, à Mme une telle; ou: Voilà un portrait qui est ressemblant.

RESTER, v. n. Nos amis restent bien à venir. Dites: Tardent bien à venir.

RESTER, v. n. Demeurer, loger. Dans quelle rue restez-vous, Monsieur Michaux?—Je reste actuellement à la rue de Toutes-Ames. Français populaire.

RESTER, v. n. Employer, mettre. Les maçons restèrent deux ans et demi à élever ce bâtiment colossal. Expression méridionale.

RESTER DEVOIR. Devoir encore, redevoir. Tu me restes devoir vingt-cinq francs. Expression méridionale.

RESTOUPAGE, s. m. Action de restouper. Ces deux termes, fort usités en Suisse, mais peu connus en France, ne se trouvent que dans le dictionnaire de Bescherelle, qui leur donne un sens plus restreint. Gattel, en citant le mot restoupage, dit qu'il est usité en Flandre! Dans le dialecte rouchi, restouper signifie: Remplir un trou, combler un trou. Et le dictionnaire de l'Académie [édition de 1694], dit: Estouper, boucher un trou avec de l'estoupe (ou étoupe).

RESTOUPER, v. a. Terme de couturière. Raccommoder, reprendre, rentraire, rejoindre les parties qui sont rompues. Restouper des bas. Gilet restoupé.

RESTOUPEUSE, s. f. Couturière qui restoupe.

155 RESTOUPURE, s. f. Reprise qu'on fait à une étoffe, à un tissu, à de la dentelle, etc.

RETACONNER, v. a. Rapiécer, rapiéceter, raccommoder grossièrement. Un habit tout retaconné; retaconner des bottes; retaconner un manteau. Terme suisse et savoisien. Dans le dialecte picard, et en vieux français, rataconer a le même sens. Ces deux termes viennent de l'ancien mot tacon, lequel signifie: Pièce, morceau, et spécialement morceau de cuir. A Genève, la place nommée aujourd'hui Taconnerie était autrefois un marché aux cuirs.

RETAMER ou RÉTAMER, v. a. Remettre l'étamure. Retamer une casserole; rétamer un pochon. Terme français populaire.

RETARDER (SE), v. pron. Être retardé. Notre petite Amélie commençait à marcher, mais le froid est survenu, et elle s'est retardée. Quand le dîner se retarde, nos Messieurs me font devenir folle. La garde était arrêtée pour le 1er de septembre, mais notre maîtresse s'est beaucoup retardée.

RÉTENDRE, v. a. Vous m'apportez là du linge qui est à peine sec: allez le rétendre. Rétendre, écrit avec un é, est un barbarisme. Pour être correct, on doit écrire et prononcer «Retendre.»

RETENIR, v. a. Réparer un objet qui est peu gâté, peu endommagé. Retenir un habit; retenir des bas. Après la lessive, la maîtresse fait retenir tout le linge. Une journée suffira aux couvreurs pour retenir tous les toits du bâtiment.

RETORDU, UE, subst. Mot populaire du bassin de Genève et d'ailleurs, qui s'emploie pour: Retors, matois, renard. Exemple: Méfiez-vous de cet homme, de cette femme, parce que c'est un retordu, une retordue.

RETOUR, s. m. Ce que nous appelons voiture de retour, 156 s'appelle en France: Voiture de renvoi. Nos voyageurs trouvèrent à point nommé une voiture de retour pour se rendre à Berne. Terme méridional.

RETOURNER, v. a. Terme mercantile. Renvoyer. Retourner une marchandise. Le colis était avarié, et on le retourna à l'expéditeur. Terme français populaire.

RETRANCHER À. Retrancher de. Retrancher un couplet à une chanson. Retranche un paragraphe à ton discours. Dites: Retranche un paragraphe de ton discours, etc.

† REVANCHE (UN). Prendre son revanche. «Revanche» est français, mais ce mot est féminin.

REVANGE, s. f. Revanche. Prendre sa revange. Avoir sa revange. Demander sa revange. Terme français populaire.

REVANGER, v. a. Revancher, prendre la défense d'une personne attaquée. Sois tranquille, je saurai bien te revanger. Terme français populaire et vieux français.

RÈVE ou RAIVE, adj. Terme des campagnards. Se dit du bois qui commence à pourrir sur l'arbre et qui se casse très-facilement. Ne grimpe pas jusqu'à cette branche: elle est raive.

RÉVEILLON, s. m. Lendemain d'une fête. «Réveillon» est un mot français, mais il a un autre sens.

REVENDRE QUELQU'UN. (fig.) Lui en revendre, le surpasser, être plus fin que lui.

REVENETTE, s. f. Terme d'écolier. Ricochet, bricole. Dis donc, Louis, la revenette n'en est pas.—Si fait bien, la revenette en est.

REVENEZ-Y, s. m. C'est du revenez-y. Expression familière que l'on emploie en parlant d'un aliment quelconque qui plaît au goût, et auquel on aime à revenir. Ces confitures ont un goût de revenez-y. Votre vin n'est pas du revenez-y, c'est-à-dire: Votre vin ne rappelle pas son buveur. 157 Ce terme n'est pas inconnu en France, puisqu'il figure dans le Dictionnaire du Bas langage, t. II, p. 309.

REVENEZ-Y, s. m. Ce substantif composé, qui ne se trouve pas dans les dictionnaires français, s'emploie à Genève et ailleurs dans le sens de récidive. Exemple: Il m'a joué un tour, mais je l'attends au revenez-y.

REVENGE. Voyez REVANGE.

REVENIR, v. n. Redevenir. Cette étoffe revient à la mode. Quelle bonne figure tu as, Joubert! En vérité, tu reviens jeune. Français populaire.

REVENIR QUELQU'UN. Lui faire reprendre ses esprits. Elle tomba en défaillance, et il fallut la revenir avec du vinaigre. Terme dauphinois, etc.

REVENIR (EN). Abandonner l'opinion dont on était, pour se ranger à l'avis d'un autre. Ludovico est un opiniâtre achevé, et quand il a décidé une chose, il n'en revient pas. Dites: Il NE revient pas. [Acad.] «Que la Cour ait raison ou qu'elle ait tort, elle NE revient pas.» [Marmontel, Bélisaire, ch. VI.]

REVENUE, s. f. Retour. L'allée et la revenue. Terme vieux français, qu'on trouve déjà dans le Roman de la Rose.

RÊVER APRÈS. Deux nuits de suite, Monsieur Isaac, j'ai rêvé après vous. Dites: J'ai rêvé de vous, ou (ce qui est moins correct sans être fautif): J'ai rêvé à vous.

REVERBÈRE, s. m. Écrivez et prononcez «Réverbère.»

REVERCHON, s. m. Envie, petits filets qui se détachent de la peau autour des ongles. [G. G.]

REVERCHON, s. m. La partie du drap de lit qu'on retrousse près de la tête, par-dessus la couverture. Se dit surtout quand on parle des couchettes d'enfant.

REVERS, s. m. Le revers d'une étoffe; le revers du drap, etc. Dites: L'envers, c'est-à-dire: Le côté d'une étoffe, le côté du drap qui ne doit pas être exposé à la vue.

158 REVIRE, s. m. Ce mot de revire se joint à main et à pied, pour exprimer une mesure naturelle prise de la largeur de l'une et de l'autre. Ainsi revire-main signifie: Largeur de la main; revire-pied signifie: Largeur du pied. Depuis cette boule jusqu'au but, il y a un pied et un revire-pied.

REVIRÉE, s. f. Ruban que les garçons de la campagne mettent à leur habit quand ils sont de noce. [P. G.]

REVIRÉE, s. f. Mornifle, soufflet, volée de coups. Donner une revirée. Terme vaudois. S'en donner deux tours et la revirée, signifie: À outrance, le plus possible. On dit de deux personnes qui se sont violemment battues, qu'elles s'en sont donné deux tours et la revirée. Jacques, as-tu bien dansé hier?—Ah! je t'en réponds; on s'en est donné deux tours et la revirée.

REVIRE-MARION, s. m. Mornifle, soufflet violent qui fait virer sur elle-même la personne qui le reçoit. Il voulut se mêler de la dispute, et il y attrapa pour sa part un revire-marion soigné. Terme vaudois.

RÉVISER, v. a. Réviser une loi; réviser la Constitution, etc. Écrivez et prononcez «Reviser;» mais écrivez et prononcez «vision.»

REVOLIN, s. m. Quinte, caprice, changement subit de volonté, de projet ou d'humeur. Il lui a pris un revolin, et il a congédié les trois domestiques et le cocher. Terme vaudois. Au sens propre, revolin signifie: Coup de vent subit. Nos campagnards disent: Revolet. On ne sait quel revolet lui a pris. R. volo.

REVOIR (À), loc. adv. Au revoir. À revoir, Messieurs, à revoir, Mesdames. Terme français populaire.

REVOYANCE, s. f. Terme très-familier, et qui n'est guère usité que dans cette expression: À la revoyance, c'est-à-dire: Au revoir. Adieu, Jeannot; adieu, Rambosson; adieu, jusqu'à la prochaine revoyance. Les Champenois 159 disent: À la revoyure. [Vocabulaire du Bas langage rémois, par Mr E. Saubinet.]

REZASSER, v. a. Que viens-tu nous rabâcher et nous rezasser? Écrivez «Ressasser,» et prononcez la première syllabe comme celle du mot ressortir. R. sas.

RHABITUER (SE), v. pron. S'habituer de nouveau. Mot utile, que les dictionnaires modernes n'ont pas relevé, mais qui est sans doute fort connu.

† RHUMATISME MÂLE. Douleur de rhumatisme mâle. Dites: Douleur rhumatismale.

† RHUMATISSE, s. m. Rhumatisme. La Drouillon a un rhumatisse au cœur. Par une faute analogue, on dit, à Reims: Un catéchisse, pour: Un catéchisme.

RIBAMBÉE, s. f. Grande troupe, ribambelle. Une ribambée de monde. Oh! quelle ribambée!

RIBANDELLE, s. f. Ribambelle.

RICHE, adj. (fig.) Se dit du temps, c'est-à-dire, de la disposition de l'air. Un riche temps est celui qui hâte et favorise la végétation, celui qui est propre à combler les vœux du laboureur et à l'enrichir. Si après ces huit jours nous avions une pluie de quarante-huit heures, ce serait un riche temps. Cette signification particulière de l'adjectif «riche» n'est pas dans les dictionnaires.

RIC-RAC, adv. Payer ric-rac, c'est: Payer avec une exactitude rigoureuse, payer jusqu'au dernier sou. Mr N** ne fait jamais de dettes: il paie tout ric-rac. Terme français populaire. Nous disons dans le même sens: Ric-et-rac. Le terme français est: Ric-à-ric. Nous le ferons payer ric-à-ric. [Acad.]

RIDICULE, adj. Ce mot appliqué aux personnes signifie: Sévère, difficile, dur à la desserre. Un maître d'école ridicule. Un propriétaire ridicule est celui qui se refuse aux 160 réparations les plus urgentes. Nos campagnards disent: Rédicul. On le dit aussi en Savoie, dans le Jura, en Champagne et sans doute ailleurs. Refuser à un locataire de lui ôter la fumée, de lui cimenter les vitres, ou de mettre des seuils aux portes, c'est être ridicule. Cette expression est connue en Savoie et dans plusieurs provinces de France. Appliqué aux choses, ridicule signifie: Difficultueux, scabreux, pénible, peu satisfaisant. Chemin ridicule; sentier ridicule; saison ridicule. Mais ce sens est moins usité à Genève que chez nos voisins de Savoie et du Jura.

RIEN, adv. Point, pas, pas beaucoup, nullement. Vous m'apportez là un poulet qui n'est rien gros. Ton frère n'est rien complaisant. Vous n'avez rien d'appétit, cousin? Et avec l'interrogation: N'est-ce rien toi qui a pris mon parapluie? «La session du Grand Conseil est prorogée au 5 janvier: ne serait-ce rien que les deux projets de loi à présenter ne peuvent soutenir l'examen?» [L'Ami du Pays, numéro du 9 décembre 1847.] Terme français populaire et vieux français.

RIEN, adv. La construction des phrases suivantes n'est pas correcte: Je ne veux rien qu'on me dise. Je ne veux rien qu'on achète sans ma permission, etc. Dites: Je veux qu'on ne me dise rien; je veux qu'on n'achète rien sans ma permission.

RIEN DU TOUT, s. m. Homme méprisable, homme de rien. Lui! lui! c'est un rien du tout, c'est de la drâchée.

RIFFLE RAFFLE, s. f. Ils ont tout volé, il n'est resté ni riffle ni raffle.

RIFFLER, v. a. Effleurer, raser, toucher à peine, passer près. La pierre lui riffla le front; la balle lui avait rifflé la jambe. Terme suisse, savoisien, rouchi, etc. En vieux français, riffler a le sens d'égratigner, écorcher. A Reims, ériflure signifie: Légère écorchure, et s'érifler, s'écorcher légèrement.

161 RIFFLETTE (À LA), loc. adv. En effleurant, en rasant. Lancer sur l'eau des pierres à la rifflette.

RINCÉE, s. f. Averse, pluie subite et forte. Recevoir une rincée. En montant le Pas de l'Échelle, nous eûmes une bonne rincée.

RINCÉE, s. f. Réprimande sévère. Recevoir une rincée, être fort grondé. Ce sens du mot rincée n'est pas dans les dictionnaires.

RINCER DU LINGE. Aiguayer du linge. À ce moment-là, trois femmes rinçaient du linge au bateau. Expression fort répandue en France, mais blâmée des grammairiens, qui veulent que rincer ne se dise que des verres, tasses, cruches et vases semblables, et de la bouche.

RINGOLET, ETTE, adj. Propret, avenant, bien vêtu. Se dit surtout des personnes qui n'ont pas l'habitude de soigner leur mise. Vous voilà bien ringolet aujourd'hui, Monsieur Maillard. Terme suisse.

RINGUER, v. a. Battre, rosser. Se ringuer, v. réc. Se battre. Dans le canton de Vaud, ringuer, et en allemand, ringen, signifient: Lutter.

RIOLE ou RIOLLE, s. f. Liseron des champs, plante.

RIÔLE, s. f. Rabâchage, grognerie. C'est toujours la même riôle, toujours la même chanson.

RIÔLER, RIOULER ou RIULER, v. n. Gronder, rabâcher, ron-ner, pleurnicher. Pendant tout le goûter les enfants et le chien rioulaient à qui mieux mieux. Terme connu surtout des campagnards.

RIOUTE ou RIOTTE, s. f. Débauche de vin. Faire la rioute. Terme vaudois et fribourgeois.

RIOÛTE ou RIÛTE, s. f. Branche flexible et tordue dont on lie les gerbes et les fagots. Terme suisse-roman et savoisien. On dit proverbialement: Il faut mailler la rioûte pendant 162 qu'elle est verte, pour dire: Il faut corriger un enfant pendant qu'il est jeune. Selon plusieurs dictionnaires, le mot français est: Rouette. A Limoges et en Languedoc: Reorte; dans le Jura et en vieux français, riorte. R. retortus.

RIPES (LES). Dénomination attachée à certaines localités désertes, sauvages. Les ripes de Dardagny. Aux environs de Lons-le-Saunier (département du Jura), les ripes de Saint-Laurent, les ripes d'Artenas, etc.

RIQUIQUI, s. m. Eau-de-vie, liqueur spiritueuse. Boire le riquiqui. Terme bas-limousin, dauphinois, etc. En provençal on dit: Requiqui. Dans le dialecte rouchi on appelle riquiqui, ce que nous appelons: Gloria.

RISETTE, s. f. La racine du riz. Balai de risette; brosse de risette.

RISOLE ou REZOLE, s. f. Rissole, pâtisserie.

RISOLET, ETTE, adj. et subst. Celui ou celle qui rit aisément et pour des motifs frivoles. Allons, petite risolette, c'est assez se moquer. Votre fils aîné serait le meilleur écolier de ma classe, s'il n'était pas un peu risolet. Terme suisse et savoisien. En Languedoc: Rizoulié.

† RIZU, partic. Ri. No-zein preu rizu (nous avons assez ri). Barbarisme usité chez les paysans de notre canton et du canton de Vaud.

RITE ou RITTE, s. f. Filasse, filaments que l'on tire de l'écorce du chanvre ou de celle du lin. Quenouille de rite. Toile de rite. Filer la rite. Terme suisse, savoisien, jurassien et dauphinois.

RIVER LES CLOUS À QUELQU'UN. Lui répondre adroitement et vivement, lui parler ferme et de manière qu'il n'ait rien à répliquer. En français on dit, avec le singulier: «River le clou à quelqu'un.»

ROBER ou ROBÀ, v. a. Terme des campagnards. Dérober, voler, filouter. On m'a robà mon bouey s'ta ney (on m'a 163 volé mon bois cette nuit). Terme qu'on retrouve dans le vieux français et dans le patois vaudois.

ROCANDER ou ROGANDER, v. a. Demander avec indiscrétion, en revenant sans cesse à la charge. Votre dame Pérollet rocande soi-disant pour une famille pauvre, mais on sait bien que c'est pour elle. Va-t'en petit fainéant, et travaille au lieu de rocander. Terme suisse. Dans le canton de Vaud on dit aussi: Roukan-ner.

ROCANDEUR, EUSE, subst. Celui ou celle qui rocande. Les jours de marché nos maisons sont envahies par des rocandeuses venues des villages voisins. La demoiselle N** est en effet pauvre, mais c'est une rocandeuse. Dans le canton de Vaud on dit: Roukan, roukan-ne.

RÔDAILLER et RÔDASSER, v. n. Augmentatif de «rôder.» Veille-toi cet homme en blouse, qui ne fait que rôdasser par les Pâquis depuis dix jours. Terme remarquable. Dans le patois rouchi on dit: Rôdailler.

RÔDER (SE). Tu es là à te rôder, à te trancanner sans but d'un quai à un autre. Rôder est un verbe neutre. On doit donc dire: Je rôde, et non: Je me rôde, comme nous le disons fréquemment.

RÔDINER, v. n. Rôder.

ROGÂTION, s. m. Rogaton, vieux reste de pain, de viande ou d'autres aliments. Ce mendiant portait une besace pleine de rogâtions. Terme vaudois et savoisien.

ROGNE, s. f. Querelle, mauvaise chicane. Chercher rogne à quelqu'un, signifie: Lui chercher noise. Terme suisse. En Languedoc: Chercher rougne.

ROGNE, s. f. Nous disons figurément et proverbialement: Gratter la rogne à quelqu'un, dans le sens de: Le flatter, l'aduler bassement, lui faire une cour servile et intéressée. Ne me parle pas de ce Jean Renard: c'est un personnage qui veut absolument parvenir, et qui gratte la rogne 164 aux hommes de tous les partis. Cette locution est fort triviale, voire même dégoûtante, mais énergique et fort connue.

ROGNEUX, EUSE, adj. (fig.) Crasseux, crapuleux. Se dit d'une personne qui a l'air minable, et dont les habitudes ne relèvent pas l'extérieur. On le dit aussi des choses. Une créance rogneuse, une créance mauvaise ou fort douteuse. Terme bordelais. Selon le dictionnaire de Bescherelle, rogneux signifie: Chétif, mesquin.

ROME, s. f. L'œillet d'Inde. En latin, tagetes.

RONCEMELER ou RONCHEMELER, v. n. Respirer avec oppression et bruit, râler. Pendant deux jours nous l'entendîmes roncemeler. Expression très-usitée. Dans le canton de Vaud on dit: Ranquemeler. R. ranco. Voyez ce mot.

ROND, s. m. Ronde, danse en rond, branle circulaire. Danser un rond. Terme vaudois.

ROND, s. m. Terme enfantin. Jeton rond. On payera avec des ronds.

RONDION, s. m. Able ou ablette; poisson du genre cyprin.

RONDION, IONE, adj. et subst. Se dit des personnes et signifie: Rondelet, qui est tout rond de graisse. Expression badine ou railleuse.

RONDO, adv. Rondement, facilement, sans nul obstacle, à souhait. Notre affaire marche rondo. Terme vaudois.

RONFLE, s. f. Sabot, toupie d'Allemagne, sorte de toupie creuse que l'on fait tourner avec une ficelle ajustée dans une clef et qui ronfle en tournant. Faire zon-ner une ronfle. En provençal: Rounfloun.

RONGEMENT, s. m. (fig.) Regret, tourment, remords. Un rongement d'esprit. Ce souvenir fatal était pour lui un rongement perpétuel. Terme vaudois.

RONGILLER, v. a. Ronger à demi, ronger légèrement et à plusieurs reprises. Rongiller une pomme; rongiller des fruits mal mûrs.

165 RONGILLON, s. m. Reste de fruit rongé. Tu m'as promis une poire, et tu me donnes un rongillon! Garde tes rongillons. Terme vaudois.

RON-NACHER, v. n. et a. Grogner, murmurer, ron-ner.

RON-NÉE, s. f. Action de grogner, de gronder, de ron-ner. Faire une ron-née; faire des ron-nées.

RON-NER, v. n. et act. Se dit: 1o Du grognement de certains animaux et en particulier du chien et du porc. N'approchez pas de Sultan, il vous ron-nera. 2o Appliqué aux personnes, ron-ner signifie: Gronder toujours et sans raison, murmurer, grommeler, rognonner. Bonjour, Pernette: que fait votre monsieur?—Oh là, Monsieur, notre monsieur ron-ne; il est en train de ron-ner, et je crains bien qu'il ne ron-ne toute la sainte journée. Terme vaudois et neuchâtelois.

RON-NEUR, s. m. Celui qui gronde souvent et sans raison, celui qui a l'habitude de ron-ner. Dans le patois de Fribourg, ron-neri signifie: Grondeur, grogneur, et se dit surtout des enfants.

ROQUETAILLE, s. f. Race de roquets. Terme de mépris créé dans le dix-septième siècle, et passé d'usage dans le dix-huitième. Ce ramassis d'étrangers n'était que de la roquetaille, c'est-à-dire: N'était qu'une race de roquets, d'hommes faibles, débiles, sans moyens intellectuels, et, avec tout cela, insolents. Les deux vers suivants sont tirés d'une chanson patoise, fort injurieuse, composée à la fin du dix-septième siècle, quelques années après l'arrivée à Genève des réfugiés français:

Il étion des citoyens véritables;
Mais orendrait y est to roquetaille.

c'est-à-dire: «La nation genevoise se composait jadis de vrais citoyens; mais aujourd'hui elle n'est plus qu'une race de roquets.» Tous ceux qui connaissent l'histoire de cette 166 époque, savent qu'alors nos chefs d'ateliers, nos négociants, nos ouvriers furent très-jaloux de ces réfugiés français, qui, actifs et industrieux pour la plupart, leur faisaient une concurrence redoutable.

ROSE-MOUSSE. Rose mousseuse.

ROSSÉE, s. f. Étrivières, volée de coups. Donner une rossée; recevoir une rossée. Terme dauphinois, etc.

ROSSIGNOL, s. m. Marchandise qui n'est plus de vente, marchandise de rebut. Dis voir, on prétend que N*** va vendre en liquidation son magasin.—Son magasin! dis plutôt ses rossignols, car il n'a rien autre.

ROTE, s. f. Rue, plante médicinale. Terme vaudois.

ROTER, v. n. Terme d'agriculture. Suer. Ce foin n'a pas encore roté. Il faut laisser roter le blé avant de le battre. Voisine, avez-vous fait votre provision de châtaignes?—Non, j'attends qu'elles aient roté.

ROTER, v. n. Terme de cuisine. Signifie: Crever, v. n. Faire roter du riz, c'est: Le faire crever dans l'eau.

ROUCHE, s. m. Enrouement. Vous êtes bien enrhumé, Philibert.—C'est mieux qu'un rhume, Monsieur, c'est un rouche, un mauvais rouche. Terme suisse et savoisien. R. raucus.

ROUET, s. m. En parlant d'un chat qui file, nous disons qu'il fait le rouet, qu'il fait son rouet; expressions justes, puisque en effet le chat, lorsqu'il est content, et qu'il se dorlote à son aise, produit un certain râlement, un certain bruit continu de la gorge au nez, assez semblable au bruit du rouet quand on file.

ROUGEMAND, ANDE, adj. Rougeaud. Une figure rougemande. [G. G.]

ROUGEOTTE, s. f. Cette petite rougeotte lui avait donné dans l'œil. Dites: Rougeaude. Petite rougeaude.

ROUGE-POULET, s. m. Nous disons proverbialement d'une 167 chose ennuyeuse qu'on nous rabâche, et dont on nous bat fastidieusement les oreilles: C'est la chanson du rouge-poulet. Finis donc, Alexis, avec ta chanson de rouge-poulet: c'est assez quinquerné et triôlé. Le rouge-poulet, c'est le coq, dont le chant ne se modifie jamais.

ROUILLE (LE). Ôter le rouille; enlever le rouille. Ce solécisme appartient au français populaire et au vieux français. «Rouille» est féminin.

ROULER QUELQU'UN. Le leurrer, le mystifier, l'attraper, le duper, le mettre dedans. Terme français populaire.

ROUPE, s. f. Houppelande, carrick, sorte de vêtement large, qui se met par-dessus l'habit. Roupe à trois cols. Terme savoisien. Dans le vieux français, roupille signifie: Petit manteau. [Voyez Roquefort, Glossaire de la langue romane.]

ROUSSES, s. f. pl. Rousseurs, taches de rousseur, lentilles. Les pleurs de la vigne ôtent les rousses. Terme suisse.

ROUSSELETTE, adj. fém. Le fruit que nous appelons poire rousselette, s'appelle en français: Poire de rousselet, ou: Rousselet. Un gros rousselet; un petit rousselet; une livre de poires de rousselet.

RUBAN DE QUEUE, s. m. (fig.) Longue route en ligne droite et qui s'étend aussi loin que la vue peut porter.

RUBLONS, s. m. pl. Terme de fripier. Riblons, vieux fer, petits morceaux de fer à refondre, hors de service. Une livre de rublons se vendait autrefois six quarts.

RUBRIQUEUR, s. m. Rubricaire, homme qui sait bien les rubriques du bréviaire.

RUCLON, s. m. Raclon, fumier des rues, boue, immondices ramassées dans les rues ou sur les routes pour servir d'engrais. Un chariot de ruclon.

RUCLONNER, v. a. Étendre du ruclon. Ruclonner un pré.

RUCLONNER, v. neutre. Se dit des chiens, et signifie: 168 Fouiller les ruclons pour y trouver des restes de viande et d'os en putréfaction. Mettez à Azor sa muselière, pour qu'il ne s'arrête pas à ruclonner.

RUDE, adj. Grand, considérable, fameux. Nous avons eu hier une rude peur. Français populaire.

RUDE, adv. Rudement, beaucoup, considérable, très, fort. Il faudra rude de gravier pour graveler cette promenade. On a bien mangé et on a bu rude. Et ton bourgeois, Jean-Pierre, qu'en fais-tu?—Mon bourgeois? Ce que je peux en dire, c'est que c'est un rude bon maître.

RUE (EN). Dans la rue. On se rencontra en rue et l'on se causa. Fais vite tes commissions, Georgine, et ne t'arrête pas en rue. Expression gasconne. On trouve cependant la phrase suivante dans le dictionnaire de l'Académie (t. II, p. 684): L'événement se passa en pleine rue.

RUETTE, s. f. Ruelle, petite rue. La ruette de Saint-Germain. Terme français populaire et vieux français.

RUPER (SE), v. pron. Se dit des gens galeux ou pouilleux, et signifie: Se gratter avec violence, avec rage. Se ruper se dit aussi des chiens, mais sans qu'il s'y attache aucune idée dégoûtante.

RUSSIN, s. m. Voyez HUILE DE RUSSIN.

S

SABOULÉE, s. f. Signifie: 1o Volée de coups, rossée; 2o Forte gronderie. Donner une saboulée; recevoir une saboulée. Terme français populaire. On dit à Valenciennes: Une saboule. Mais aucun de ces mots ne figure dans les dictionnaires.

SAC DE MISÈRE, s. m. Sac où nos dames serrent toutes 169 sortes de chiffons qui peuvent être utilement employés à des raccommodages.

SAC D'OUVRAGE, s. m. Sac à ouvrage.

SACHE (UNE). Sorte de grand sac qui a la forme d'un carré long. Une sache de riz; une sache de charbon; une sache de fenasse. Terme savoisien et méridional. Dans le français populaire, sache signifie: Sachée, c'est-à-dire: Ce que peut contenir un sac.

SÂCRE, s. m. Nous disons d'un homme qui travaille outre mesure: Il travaille comme un sâcre. Expression suisse. En français on dit: Il travaille comme un galérien. Nous disons aussi: Crier comme un sâcre, courir comme un sâcre, jurer comme un sâcre; c'est-à-dire: Crier, courir, jurer comme un perdu. Sur l'origine de cette expression les conjectures ne manquent pas; mais elles ne présentent rien de satisfaisant.

† SACRÉFIER, v. a. Sacrifier. On se sacréfie pour ses enfants, n'est-il pas vrai, Marion? et ils ne font rien pour nous.

SACREMENTATIONS, s. f. pl. Faire des sacrementations, signifie: Faire des jurements, faire des imprécations, blasphémer. Ce mot vient de l'allemand et il aurait dû y rester.

SACRÉPAN, s. m. Sacripan.

SAGATERIE, s. f. Boucherie pour la basse viande. Terme vaudois. En Provence et en Languedoc, sagata signifie: Tuer des animaux pour s'en nourrir.

SAGATIER, s. m. Boucher pour la basse viande. En provençal on dit: Sagataire.

† SAIGNE (UNE). Une saignée. Une forte saigne. Le cérugien voulait m'adménistrer une seconde saigne: mais brenique. Terme savoisien. Dans le patois vaudois on dit: Un sagne.

SAIGNE-NEZ, s. m. Plante appelée en français: Mille-feuilles.

170 † SAINK-ET-SAUF, adj. masc. Prononciation vicieuse de l'adjectif «Sain et sauf.» Le son du k est ajouté pour l'euphonie.

SAINT-FRISQUIN, s. m. Saint-frusquin, ce qu'un homme a d'argent et de nippes. Un tel a mangé tout son saint-frisquin. Terme vieux français. En Languedoc on dit: San-fresquin; en limousin, saint-flusquin.

SAINT-LAMBIN, s. m. Nonchalant, paresseux, traînard. Qui est-ce qui m'a bâti ce saint-lambin? Arriveras-tu, saint-lambin? Quel saint-lambin!

SAISON, s. f. Saison tardive n'est pas oisive, est un des jolis proverbes de nos campagnards. Ce proverbe signifie que: Les printemps tardifs sont les meilleurs dans un climat où les retours du froid sont si habituels et si funestes.

SALADE À. Salade de. Une salade aux racines jaunes; salade à la chicorée; salade aux pommes de terre. Dites: Une salade de chicorée, une salade de pommes de terre, etc.

SALADE, s. f. (fig.) Réprimande, mercuriale. Donner une salade. Il a reçu une salade conditionnée. Terme parisien populaire.

SÂLE, adj. Malpropre. Du linge sâle; des doigts sâles. Tu es un négligent, tu es un sâle. Prononciation vicieuse très-répandue dans la Suisse française. Écrivez et prononcez «sale» (a bref), comme vous prononcez scandale.

SALÉE, s. f. Sorte de galette aux œufs.

SALICHON, s. m. Petit salaud, petit saligaud. En français on dit d'une jeune fille malpropre: C'est une salisson.

SALIÈRES, s. f. pl. (fig.) Dénomination dérisoire donnée à nos milices du centre, par allusion à la forme de leurs gibernes. Être dans les salières.

SALIGNON, s. m. Briquette, motte de tan, motte à brûler. Les salignons servent surtout à entretenir le feu. Terme vaudois.

171 SALIGOT, OTTE, adj. et subst. (o bref.) Voyez cette saligotte, dans quel état elle se met! Écrivez et prononcez «Saligaud, saligaude.»

SALIGOTAGE, s. m. Action de saligoter. Quel saligotage fais-tu là? Terme français populaire.

SALIGOTER, v. a. Salir, tacher. Une robe saligotée. Mes petits amis, ne gadrouillez plus, vous vous saligotez.

SALONGLÉE, s. f. Volée de coups, rossée, raclée.

SALONGLER, v. a. Rosser, rouer de coups.

SALOPIAUD, AUDE, subst. Petit salaud, petite salaude. On dit en Champagne: Salopier.

SALVAGNIN, s. m. Nous appelons salvagnin, ou vin salvagnin, une sorte de vin rouge du pays. Plusieurs personnes écrivent et prononcent sarvagnin et servagnin. Terme vaudois. En France: Sauvignon, sauvignain et servignain.

SANDARAQUE (LE). Ce mot est féminin.

SANG, s. m. Signe, tache brune sur la peau. Avoir des sangs. En limousin: Sen.

SANG, s. m. Nous prononçons encore sanke, comme on le prononçait au treizième siècle et au quatorzième. Des larmes de sanke. On doit prononcer san devant une consonne, et sank devant une voyelle.

SANG, s. m. Nous disons de quelqu'un qui s'inquiète, se tourmente, s'agite sans motif suffisant: Il se fait du mauvais sang. Les dictionnaires disent, en supprimant le pronom personnel: «Il fait du mauvais sang,» ou: «Il fait de mauvais sang.»

† SANGEMENT, s. m. Changement.

† SANGER, v. a. Changer. Tu es bien trempe, Mariette, faut t'aller sanger: oui, sange-toi. Expression signalée dans le Glossaire du Berry, p. 98.

SANGSUER, v. a. Importuner, fatiguer, obséder, vexer. 172 Mais, John, cesseras-tu enfin de nous sangsuer? Ce n'est pas en nous sangsuant que tu obtiendras quelque chose. Dans le français populaire on dit: Sangsurer, ou: Sansurer.

† SANGSUIE, s. f. Sangsue. La femme des sangsuies. Mettre des sangsuies.

† SANGUINAIRE, adj. Tempérament sanguinaire. Dites: Sanguin.

SANGUINE, adj. Nous appelons pêche sanguine, une sorte de pêche violette.

SANS ACOUP ou À COUP, locut. adv. Les ouvriers monteurs de boîtes ont augmenté le prix de la main-d'œuvre sans acoup, c'est-à-dire: Sans secousse ou heurt, sans causer de contre-coup qui ait arrêté les affaires.

SANS POINT DE, locut. prépositive. Il voyageait sans point d'argent. Dites: Sans argent. Il se tira de cette horrible échauffourée sans point de mal. Il marchait au supplice sans point de peur. Français populaire et vieux français.

SARCENETTE, s. f. Lustrine, sorte d'étoffe.

† SARCHER, v. a. Chercher. Va-t'en voir me sarcher mon bonnet, sur le darnier tablat en n'haut du placard. Terme vieux français. [Voyez Roquefort, Glossaire, t. II.]

SARCLORET, s. m. Voyez SERCLORET.

SARPE, s. f. Terme des campagnards. Sorte de hache, qui sert surtout à tailler les arbres et à faire des fagots. Terme fort usité, qu'on trouve déjà dans le vieux français, et duquel s'est formé le mot de Serpe.

† SARPENT (UNE). Un serpent. Dans le patois de l'Isère: Sarpin.

SARVAGNIN, s. m. Voyez SALVAGNIN.

SAÜ ou SAÏU, s. m. Terme des campagnards. Sureau, sorte d'arbrisseau. Du bois de saü; moëlle de saü. En Savoie: Savu; dans le canton de Vaud, sau, sahu ou suau; en 173 rouchi, séu; en Franche-Comté, saivu; dans le patois de l'Isère et en Normandie, seu; dans le Jura, sou; en wallon, saou; dans le département du Tarn, sagut; en Gascogne, sahuc; en vieux français, sahu, séhu, seu.

SAUCE, s. f. Nous disons figurément, d'une personne qui a commis une faute: Elle a fait la faute, qu'elle en boive la sauce, pour dire: Qu'elle en subisse les fâcheuses conséquences.

SAUCE, s. f. Sauce de rôti. Dites: Jus de rôti. Nous disons proverbialement: La sauce vaut mieux que le rôti; l'accessoire vaut mieux que le principal. Les dictionnaires français disent: La sauce vaut mieux que le poisson.

SAULE, s. m. Nos paysans font ce mot féminin. Arve entraînait cette saule que j'ai pu enfin accrocher. Il est pareillement féminin dans le canton de Vaud, en Savoie, en Lorraine, et sans doute ailleurs. R. lat. salix, s. f.

SAUMACHE, adj. et subst. Saumâtre. Vous nous donnez de l'eau qui a un goût saumache, un goût de saumache. [G. G.]

SAUME, s. f. Ânesse. Louer une saume. Galoper sur une saume. Terme savoisien, lyonnais et dauphinois. Dans le patois vaudois: Chouma; dans le dialecte provençal et dans le patois du bas Limousin, saoumo. Saume se trouve dans le dictionnaire de Cotgrave, édition de 1650.

SAUTÉE, s. f. Saut. Ne s'emploie guère que dans l'expression suivante, qui appartient au langage le plus familier: Faire une sautée chez quelqu'un, c'est-à-dire: Y aller très-vite et ne pas s'y arrêter.

SAUTÉE, s. f. Forte réprimande. Faire une sautée à quelqu'un, veut dire: Le tancer vertement.

SAUTIER, s. m. Chef des huissiers. Le sautier loge à l'hôtel de ville et a l'intendance de tout le matériel du bâtiment. Bonivard, dans son livre de L'ancienne et la nouvelle Police, dit que «le Sautier est le maître du guet et l'huissier 174 du Conseil.» Terme neuchâtelois. Il est probable que ce mot s'écrivait anciennement sceautier, et que ce fonctionnaire tenait les sceaux du Conseil.

SAUVAGE, s. m. Sauvagin. Se dit soit du goût, soit de l'odeur de quelques oiseaux de mer ou d'étang. Notre salmis sentait le sauvage. Terme vaudois, neuchâtelois, parisien populaire, lorrain, etc.; à Bordeaux on dit: Sentir le sauvageon; en Languedoc, le sauvageun. Dans le vieux français, salvagine signifiait: «Bête fauve.»

SAUVE, adj. Sauvé, qui a échappé à un péril. Benoît était hier dans le plus grand danger: on l'a saigné à propos, et le voilà sauve. Terme suisse, etc.

SAUVER DE (SE), v. pron. Tu te sauves de moi, Robert?—Et pour quelle raison me sauverais-je de toi, je ne t'ai rien fait? Cette expression, si usitée, se sauver de quelqu'un, c'est-à-dire: Lui échapper par la fuite, manque dans les dictionnaires, quoiqu'elle mérite assurément d'être observée; car l'expression française «fuir quelqu'un» n'est pas l'équivalent de se sauver de quelqu'un, ou, du moins, «fuir quelqu'un» appartient au style relevé, et se sauver de quelqu'un appartient au style familier ou style de la conversation.

SAVATER, v. a. Saveter, déranger, incommoder, gâter, faire un ouvrage malproprement et en dépit du bon sens. Ce vin m'a savaté le cœur; il m'a savaté l'estomac. Vous m'avez savaté cet ouvrage. Il se dit spécialement du linge taché par les cendres de la lessive. Notre linge est bien savaté. En Lorraine on dit d'un mauvais ouvrage: C'est de la savate.

SAVATURE, s. f. Saleté causée par les cendres qui ont filtré avec le lissu dans le linge. Ces draps sont pleins de savature.

SAVIGNON, s. m. Cornouiller sanguin, arbre d'un bois très-dur.

175 SAVOIR, v. a. Nous disons proverbialement, pour nous excuser d'ignorer une chose survenue à notre insu: Qui ne sait rien ne sait guère.

SAVOIR, v. a. Nous disons d'une personne fort habile, et surtout d'une personne subtile et qui trouve des ressources dans les conjonctures les plus épineuses: Elle les sait toutes et une par-dessus.

SAVOIR À DIRE. Faire savoir, informer, marquer, mander, instruire. Si tu te décides à ce voyage, tu me le sauras à dire. Expression suisse, lyonnaise et méridionale.

SAVONNADE, s. f. Savonnage, blanchissage par le savon. Ce n'est pas une lessive, c'est une savonnade. Terme savoisien et méridional.

SAVONNETTE, s. f. Terme d'horlogerie. Une montre à savonnette, ou simplement une savonnette, est une montre dont la boîte a un fond et un couvercle en métal.

SAVOURÉE, s. f. Savorée ou sarriette, plante.

SAVOYET ou SAVOUIET, s. m. Raisin rouge de qualité inférieure, lequel croît dans nos environs et qui rend beaucoup. [G. G.]

SCHLAGUER, v. a. Battre, rosser, donner la schlague. Il fit l'insolent et fut schlagué. En allemand: Schlagen. Les mots Schlague et Schlagueur se trouvent dans quelques dictionnaires modernes.

SCIE, s. f. (fig.) Rabâchage, ritournelle fatigante, répétition sotte et fastidieuse. Faire des scies.

SCIE, s. f. Scierie, moulin à scie, moulin où l'on scie les planches. Nous disons quelquefois: Scie à eau. Terme suisse, savoisien et méridional.

SCORSONÈRES, s. m. De bons scorsonères. Ce mot est féminin.

SE, pron. pers. Les campagnards substituent le pronom se aux pronoms nous et vous dans les verbes pronominaux, 176 et réciproquement: ils disent, par exemple: Vous s'ennuyez chez nous, Messieurs. Adieu, Nicolas; nous se reverrons dimanche. Laissez ces paumes de neige, enfants, vous s'attraperez les yeux. Vous se manquerez, Madame (vous vous manquerez, Madame), en passant par cette route. Expression savoisienne, jurassienne, dauphinoise, etc.

SÉCHARD, s. m. Vent du nord-est.

SECHER, v. a. Écrivez et prononcez, avec un accent aigu, «cher;» et ne dites pas: Secher des pruneaux; secher des z'haricots. Voilà le beau temps, femme; on pourra secher notre lissive. Faute fréquente.

SEC ET SONNANT, s. m. Nous disons d'une personne riche: Elle a du sec et du sonnant, c'est-à-dire: Des écus.

SÉCHOT, s. m. Se dit d'une personne très-maigre et très-sèche. Pourrait-on être plus raide et séchot que cette demoiselle N**!

SÉCHOT, s. m. Chabot, gobio à tête énorme, poisson qui se blottit sous les pierres des eaux claires et courantes. Terme vaudois. A Neuchâtel on appelle ce poisson: Chassot; à Yverdon, tête-à-maillot; en Languedoc, âne; dans d'autres provinces de France, meunier.

SÉCHOTER, v. n. Prendre des séchots. Terme vaudois. Dans les mois de janvier, de février et de mars, pendant que le Rhône est fort bas, nos jeunes garçons séchotent.

SÉCHOTIER, s. m. Harle, oiseau aquatique.

SECONDE MAIN (DE). Des livres de seconde main. Dites: Des livres de la seconde main.

SECOUÉE, s. f. Secousse. Un vomitif, le vomitif Leroy, par exemple, lui donnerait une secouée salutaire. Les fruits tombèrent de l'arbre à la première secouée. Limousin, etc.

SECOUÉE, s. f. Expression adoucie pour dire: Gifle, danse. C'est un drôle, donne-lui une bonne secouée.

SECOUER, v. a. Battre, gifler. Il l'a fièrement secoué.

177 SECOUPE, s. f. Soucoupe. Apportez-nous une jatte, deux tasses et deux secoupes. Terme français populaire. En Lorraine on dit: Sucoupe.

SECRETAIRE, s. m. Nous prononçons tantôt secretaire et tantôt sécretaire. La prononciation véritable est: «SecrÉtaire.»

SÉGNIFIER ou SÉNIFIER, v. a. Signifier. À çà, Mariette, cette fréquentation qui se prolonge, me diras-tu qu'elle ne sénifie en rien? Terme vieux français.

SEICHE, s. f. Sorte de flux et de reflux particulier à notre lac et à celui de Constance. «On voit quelquefois, dit De Saussure, notre lac s'élever tout à coup de 4 ou 5 pieds, s'abaisser ensuite avec la même rapidité, et continuer ces alternatives pendant quelques heures. Ce phénomène, peu sensible sur les bords du lac qui correspondent à sa plus grande largeur, l'est davantage aux extrémités, mais surtout aux environs de Genève, où le lac est le plus étroit.» [Voyage dans les Alpes, t. I, p. 12.]

SEIGLE (LA). Sorte de blé. Les campagnards font habituellement ce mot féminin, parce qu'en patois il est féminin (la sey-la, ou la chăla).

SEILLE, s. f. Sorte de seau en bois, à oreilles, et de forme ronde, avec lequel on porte l'eau et le lait. Prends vite ta seille, Jaqueline: on crie à l'eau! La seille se porte sur la tête avec un coussinet que nous appelons torche. Terme vaudois. M. Bescherelle, en citant ce mot, dit qu'il s'employait «anciennement» dans le sens de: Vase, seau de bois. M. Bescherelle pouvait ajouter que toute la Suisse romane et les trois quarts de la France connaissent ce terme et en font un usage journalier.

SEILLÉE, s. f. Plein une seille.

SEILLOT, s. m. (o bref.) Petite seille, baquet. En 1535, le droit de bourgeoisie s'achetait pour quatre écus d'or et un 178 seillot de cuir. Les dictionnaires de Boiste et de Bescherelle écrivent: «seilleau,» qui est la vraie orthographe; mais ils se trompent quand ils ajoutent que c'est un terme de mer: comme si l'on ne faisait usage de seilleaux qu'à bord des navires. On s'en sert en Suisse, en Savoie et en diverses provinces de France. Dans la Bresse et à Mâcon, on écrit: Seillet; dans le canton de Vaud et en Languedoc, seillon; à Lille, siellot, etc.

SELLE, s. f. Ne dites pas: Aller sur selle, mais: Aller à la selle, aller à la garde-robe.

SEMATURE, s. f. Ce qu'on peut semer dans une certaine étendue de terrain. Trois coupes de semature. Le mot français «contenance» ne rend pas exactement l'expression genevoise.

SEMBLANT, s. m. Ne dites pas: Il a fait cela pour semblant; il se fâchait pour semblant; ils se sont querellés, mais pour semblant. Dites: Il a fait cela pour rire; il se fâchait par manière de plaisanter, etc. Dans notre langage, pour semblant signifie aussi: Une petite quantité, un tantinet, fort peu. Madame boit-elle du vin?—Oui, j'en bois, mais pour semblant; donnez-m'en pour semblant. Dis-moi, Lisette, ne tombe-t-il pas une grosse pluie?—Non, Madame, il pleut pour semblant.

SEMBLER, v. a. Ressembler à. Il semble son père; elle semble sa mère. Terme dauphinois, etc.

SEMBLER À. Ressembler à. Tu sembles beaucoup à ton frère. On dit que je semble à mon oncle. Vieux français.

SEMBLER DE, v. imp. Il me semble de le voir; il me semble d'avoir lu quelque part, etc. Retranchez la préposition de, et dites avec tous les dictionnaires: Il me semble le voir, il me semble avoir lu.

SEMELLE (LA). Jeu d'écolier, qui a du rapport avec le jeu que nous appelons passe-gent.

179 SEMENCES, s. f. pl. Semailles. Le temps des semences. Expression franc-comtoise et méridionale. Semence se dit des grains que l'on sème.

SEMENTS, s. m. pl. Semences, grains que l'on sème. De bons sements; du blé de sement; une coupe de sement. Terme suisse. Vous avez eu l'an dernier de bien belles pommes de terre dans ce petit champ.—Oui, Monsieur, et j'en aurai de plus belles encore cette année-ci: j'ai changé de sements.

SEMOUTER ou CHEMOUTER, v. a. Terme rural, fouler, presser en foulant. Semouter le raisin; semouter le gazon. Ne semoute pas ces petites salades. Terme vaudois.

SÉNIFIER, v. a. Voyez SÉGNIFIER.

SENS DEVANT DIMANCHE. Euphémisme, pour: Sens devant derrière. Qu'est-ce qui te fait rire, Jeannette?—Ah! c'est que Monsieur a mis sa robe de chambre sens devant dimanche. Français populaire. [Voyez Dictionnaire du Bas langage.]

† SENSIBLEMENT, adv. Insensiblement.

SENTIE (LA). Le moment où la mère sent pour la première fois tressaillir l'enfant qu'elle porte dans son sein. Mme N** fut toujours malade, ou du moins très-incommodée jusqu'à la sentie.

SENTIR (SE), v. pron. Se souffrir. Je ne pouvais me sentir dans cette ville de Constance, c'est-à-dire: Le temps me durait, je me déplaisais dans cette ville de Constance. Expression méridionale.

† SENTU, TUE, part. Senti, sentie. Dis-donc, Alexis, l'as-tu sentu ce coup de poing sur l'œil? Ce barbarisme appartient au vieux français et au français populaire.

SEOIR (SE). Les dictionnaires, en enregistrant ce verbe, ajoutent qu'il est vieux. Il est, en effet, fort ancien dans la langue française, mais il est encore vivace et journellement 180 usité à Genève. Madame voudrait-elle prendre la peine de se seoir? Henriette, fais seoir ces dames. Je suis pressée, ma chère, et n'ai pas le temps de me seoir. Mais nous ne l'employons qu'à l'infinitif.

SEPTANTE, nom de nombre. Soixante et dix. Septante poses de terrain. Une compagnie de septante grenadiers. Je lui prêtai septante francs. Ce terme, d'un usage universel dans la Suisse française et dans le midi de la France, appartient au vieux français. Soixante et dix est un terme incommode dans la numération, et tous les grammairiens français s'accordent à désirer que septante lui soit substitué.

SEPT-EN-GUEULE, s. m. Sorte de très-petites poires, dont sept entreraient à la fois dans la bouche. Les sept-en-gueule sont les plus précoces, mais peut-être les moins bonnes, de toutes les poires de nos environs.

SÉRAC ou SERAC, s. m. Voyez SÉRET.

SERACE ou SÉRACE, s. f. Voyez SÉRACÉE.

SÉRACÉE, s. f. Caillebotte, lait caillé dont on a séparé le petit lait, et qui fait masse. «La Fanchon me servit des grus, de la céracée, des gauffres, des écrelets.» [J.-J. Rousseau, Nouv. Héloïse, IVe partie.] Terme vaudois et neuchâtelois. En quelques endroits du canton de Vaud on dit: Du seracé.

SÉRAILLE, s. f. Se dit des armes à feu et signifie: Long feu, faux feu. Faire séraille. Le lièvre était presque à bout portant, mais le fusil fit séraille. Terme vaudois.

SERBACANE, s. f. Sarbacane.

SERCLER, v. a. Sarcler, ôter les mauvaises herbes, au moyen d'un instrument tranchant appelé Sarcloir. Sarcler un bosquet; sarcler les allées d'un jardin. Terme français populaire et vieux français.

SERCLORET, s. m. Sarcloir, petite houe. Emmancher un sercloret. Terme suisse. Dans plusieurs provinces de France on dit: Sercloir, au lieu de: Sarcloir.

181 SÉRET, s. m. Fromage très-maigre qu'on obtient après le fromage gras, en faisant cailler le petit lait. On le mange frais en le trempant dans de la crème. Terme suisse et jurassien.

† SERINGUE, s. f. Pompe à incendie. Les seringues arrivèrent trop tard. On entendait le roulement sinistre des seringues pendant la nuit. Ce mot de seringue se trouve fréquemment employé, en ce sens, dans nos anciennes archives. Le dictionnaire de Furetière dit «qu'on s'est longtemps servi, dans les incendies, de grosses seringues pour élever l'eau en l'air.»

SERINGUER, v. a. (fig.) Ennuyer. Va-t'en et laisse-nous: tu nous seringues.

SERMENT, s. m. Sarment, bois que pousse un cep de vigne. Des fagots de serments. Un feu de serments. Brûler des serments. Terme suisse, savoisien, lyonnais, limousin, dauphinois, gascon, lorrain, parisien populaire et vieux français.

SERMENT, s. m. Plusieurs personnes disent: J'en fais de serment; j'en ferais de serment, etc. Pour être correct, il faut supprimer le de, et dire: J'en fais serment; j'en ferais serment.

† SERPENT (UNE). Un serpent. Cette vieille Arnoux est une mauvaise langue, une poison, une serpent. Ce solécisme, très-commun en Suisse, appartient au vieux français.

SERREMENT D'ESTOMAC. Dites: Serrement de cœur. À la vue de cette douloureuse opération, je fus saisi d'un serrement d'estomac. Terme languedocien.

SERRETTE, s. f. Serre-tête, sorte de bonnet de nuit.

SERTISSEUR, s. m. Terme de joaillier. Celui qui sertit ou enchâsse les pierres précieuses dans un chaton.

SERVANT, s. m. Esprit follet, lutin qui, dans les chaumières, dans les chalets et dans les vieux bâtiments, fait du bruit et des espiégleries. Terme vaudois et fribourgeois.

182 SERVANTE, s. f. Chevrette, instrument de cuisine que l'on suspend à la crémaillère, et qui sert à soutenir la cassette (le poêlon) sur le feu. Cette dénomination une fois donnée à un ustensile d'un ordre très-inférieur, nos cuisinières ne peuvent tolérer qu'on les appelle servantes. Je trouve les lignes suivantes dans une brochure publiée le 1er juillet 1794: c'est une dame qui parle. «Les servantes, disais-je une fois à la mienne, ne doivent-elles pas ménager le bien des maîtres?—Qu'appelez-vous servante, Madame? Les servantes sont à la crémaillère.» [Plaidoyer pour le corps des servantes.]

SERVANTE, s. f. Nous disons proverbialement de quelqu'un qui, par zèle ou par un autre motif, fait plus qu'on ne lui demande: Il fait comme la servante à Pilate (proverbe languedocien). Le dictionnaire de l'Académie dit: Il est comme le valet du diable: il fait plus qu'on ne lui commande.

SERVICE (UN). Un couvert, c'est-à-dire: L'assiette, le verre, le couteau, la cuiller, la fourchette et la serviette. Mettez un service pour Monsieur. Nous appelons plus particulièrement service, la cuiller et la fourchette réunies. Eh quoi! Madelon, vous me donnez une assiette et un verre, et vous oubliez le service! C'est dans ce sens que nous disons: Un service d'étain; un service en métal d'Alger; Benoît a eu pour présent de noces six services d'argent. Terme suisse, savoisien et méridional.

SETIER, s. m. Mesure de capacité pour les liquides. Un setier renferme vingt-quatre quarterons, soit environ 60 bouteilles ordinaires, soit 54 litres 144 centilitres.

SEUJET (LE). Nom d'une de nos rues, située au bord du Rhône, et où sont établis plusieurs ateliers de teinture et de dégraissage. L'origine de ce nom est vraisemblablement le mot languedocien: Sugé, ou sujier, qui signifie: Teinturier.

183 SI, adv. Extrêmement. Si, adverbe, ne peut se placer immédiatement devant un substantif. Il est donc incorrect de dire: J'ai si peur; j'ai si faim; elle avait si froid; ils avaient si honte; elle a si envie d'être mariée; c'est si dommage de détruire ces beaux peupliers! Français populaire.

SI, adv. Tellement, tant. J'ai si affaire aujourd'hui que je ne sais par où commencer.

SIAU, s. m. Seau. Siau en bois; siau en cuir. Un siau d'eau. Terme usité dans une partie de la Suisse et de la Savoie, en Dauphiné, dans le Limousin, en Franche-Comté, en Lorraine, en Champagne, en Bretagne et à Paris. On dit: Séau à Marseille, à Bordeaux, à Chambéry, et sans doute ailleurs.

SI AU CAS ou SI EN CAS, loc. conjonct. Au cas que, si. Si en cas tu sors, Marguerite, laisse la clef chez notre voisine. Si au cas Duperrut venait m'assigner, je saurais bien me défendre.

SI BIEN, loc. adv. Oui, assurément, sans doute. Tu ne te baignes pas aujourd'hui, Samuel?—Si bien. Terme provençal, etc.

SICLARD, ARDE, adj. Criard, perçant. Une voix siclarde; un timbre siclard.

SICLÉE, s. f. Cri aigu, cri perçant. Se dit surtout du cri des enfants, du cri des jeunes garçons et de celui des jeunes filles. Faire des siclées; pousser des siclées.

SICLER, v. n. Pousser des cris aigus, crier avec éclat. Amusez-vous, mes amis, sans crier et sans sicler. En languedocien: Sisclà.

SICLES, s. m. pl. Cris aigus des enfants. Faire des sicles. Leurs sicles nous déchiraient le tympan. Nos quatre mots de sicle, siclée, sicler et siclard sont des onomatopées remarquables.

SIENNES, pron. poss. plur. Un tel a bien les siennes, signifie: 184 Un tel a bien ses mésaventures, ses chagrins, ses malheurs. Après avoir perdu sa fortune, Hector perd sa fille aînée: il faut avouer qu'il a bien les siennes.

SIFFLER (EN), v. a. N'est employé que dans cette expression: Je t'en siffle, par laquelle on donne à entendre que l'espérance de quelqu'un sera déçue. Lui! te prêter son cheval!... Je t'en siffle, bernique. Nous disons dans le même sens: Je t'en moque.

SIFFLET, s. m. Sifflement, vent coulis. Il venait un sifflet par la porte, et j'y attrapai un coup de froid.

SIFFLET, s. m. Instrument pour siffler. Avec de l'argent on a des sifflets à Saint-Claude (ville du département du Jura, renommée pour ses ouvrages en buis), proverbe dont le sens est: Qu'avec de l'argent on se procure tout ce qu'on veut; qu'avec de l'argent tout est possible.

SIGNER (SE), v. pron. Apposer sa signature, signer. Où faut-il que je me signe?—Signe-toi après tes deux oncles. «Calvin se signa souvent dans ses lettres, Charles de Heppeville, ou Happeville. Calvin se signait peut-être ainsi pour,» etc. [Senebier, Histoire littéraire de Genève, t. I, p. 246.] Expression suisse et méridionale. Se signer est français dans le sens de: Faire le signe de la croix.

† SIGNIFIER À, EN et DE. Cela ne signifie à rien; cela ne signifie en rien; cela ne signifie de rien. Trois barbarismes qui ont également cours à Genève, mais dont le deuxième est le plus fréquent. Il faut dire, sans préposition: Cela ne signifie rien.

SIGOUGNÉE, s. f. Tiraillement, ébranlement violent, secousse brutale. Après trois ou quatre fortes sigougnées, la porte fut jetée bas.

SIGOUGNER, v. a. Tirailler, agiter vivement, secouer brutalement. Sigougner un pieu pour l'arracher; sigougner une porte pour l'ouvrir; sigougner un loquet; sigougner 185 quelqu'un. Il m'empoigna et me sigougna le bras jusqu'à m'estropier. Terme énergique, et qui n'a pas de synonyme en français. Les Languedociens disent: Segougnà; en provençal, sagagna.

SIMAGRIE, s. f. Simagrée. Allons au fait, et laissons toutes ces simagries.

SIMOLAT, s. m. Semoule, farine en grains. Soupe au simolat. Terme valaisan et savoisien. En piémontais on dit: Semola.

† SINGULIARITÉ, s. f. Écrivez et prononcez «Singularité.» Singuliarité appartient au vieux français, et se dit encore dans quelques provinces du nord de la France.

SIOÛTE, ou SOÛTE, ou CHOÛTE, s. f. Abri. À la sioûte, à l'abri, à couvert. Se mettre à la sioûte. Dans le patois vaudois: À la chótă; dans le patois de Fribourg, à la sota; dans le patois de l'Isère, à Lyon et en Franche-Comté, à la soute. Dans le dialecte provençal, sousto signifie: Abri.

SIRE-JEAN, s. m. Voyez POIRE.

SIROP MAGISTRAT, s. m. Sirop magistral.

SISSON, s. m. Terme enfantin. Chien, petit chien. Viens, Alfred, viens caresser le sisson.

SISTANCE, s. f. Ce qui est nécessaire à l'homme pour vivre et se sustenter. Ne s'emploie qu'avec la négation. N'avoir pas sistance, signifie: Être dénué de tout. Ce pauvre Guignolet n'a pas sistance au monde. Ce mot de sistance se prend quelquefois dans un sens plus spécial, et signifie: Nourriture, aliment. Ma bonne dame, donnez-moi un morceau de pain, il n'est pas entré sistance dans mon corps aujourd'hui. Terme savoisien. Dans le dialecte rouchi on dit: Sustance. Se dit aussi des choses. Quand les cendres ont donné toute leur sistance, on les ôte, etc.

SI TELLEMENT, si fort, tellement. L'affaire est si tellement 186 embrouillée, que les avocats mêmes n'y voient goutte. Français populaire.

SOBRÉCOT, s. m. Subrécot, le surplus de l'écot, ce qu'il en coûte au delà de ce qu'on s'était proposé de dépenser.

† SOCIALISTE, s. m. Socialisme.

SOCIÉTÉ (LA). Le monde. Nous disons: Aller en société; se plaire en société; s'ennuyer en société. Où étiez-vous hier au soir, Monsieur Artus?—J'étais en société. On dit en français: Aller dans le monde; se plaire dans le monde; s'ennuyer dans le monde, etc. On peut dire aussi: Aller dans la société; se plaire dans la société; s'ennuyer dans la société.

SOCÎTÉ, s. f. Prononciation vicieuse du mot: Société.

† SOFRE, prép. Sauf. Sofre votre respect, permettez que... La Josette fut obligée de vendre tout son bataclan, sofre un lit et un placard.

SOI-DISANT, loc. adv. Dit-il, dit-elle. Ce terme (soi-disant) est mal employé dans les phrases suivantes et les analogues. Il m'emprunta d'excellents livres, soi-disant pour les lire, et il les vendit. On lui a fait soi-disant une injustice criante. Quand l'enfant manque le collége, les parents l'excusent auprès du régent par un soi-disant mal de tête. Mais «soi-disant» est bien placé dans les exemples qui suivent: On m'adressa à un soi-disant chirurgien qui n'était, à vrai dire, qu'un frater. Je me trouvai près d'une dame soi-disant polonaise et qui était de Chambéry. «Soi-disant» demande toujours à être suivi d'un complément, lequel sert de qualification au pronom personnel qu'il renferme.

SOIGNER UNE CHOSE. Soigner un parapluie. Soigner des hardes. Soigne ton manteau, Jules, soigne tes gants et ton chapeau. «Soigner» n'a point ce sens en français. Il faut employer le mot «serrer.» Serrer un habit, serrer un chapeau, etc.

187 SOLET, LETTE, adj. Seulet, lette. Elle s'en retournait toute solette. Terme vaudois.

SOLI, s. m. Fenil, grenier à foin. Terme vaudois et fribourgeois. Dans le Jura on dit: Soulier ou solier; dans les Vosges, slo; dans le Limousin, soulié; en vieux français, solier. R. solarium.

SOLICISME, s. m. Solécisme.

SOLIDE, adj. Se dit du temps qu'il fait, et signifie: Assuré, qui est de durée. Crois-tu ce beau temps solide?

SOLIDER, v. a. Consolider, affermir. Solider une palissade, solider une table. Terme franc-comtois.

SON, pr. pers. Ne dites pas: Il fait son entendu; il fait son homme d'importance, etc., dites: Il fait l'entendu, il fait l'homme d'importance. Ne dites pas non plus: Il fait son embarras, dites: Il fait de l'embarras, beaucoup d'embarras.

SON DE BIÈRE, s. m. Drague, c'est-à-dire: Orge ou tout autre grain cuit, qui a servi à faire de la bière.

SONNÉE, s. f. Se dit d'un fort coup de cloche. Faire une sonnée signifie: Donner un fort coup de cloche. Peut-on faire de pareilles sonnées à la porte d'un malade! Terme languedocien.

SONNETTE, s. f. On ne dit pas: Mettre une sonnette, on dit: Poser une sonnette.

SOPHIE. N'est usité que dans cette locution: Il fait sa sophie, c'est-à-dire: Il fait la demoiselle sage.

SORCILÉGE, s. m. Sortilége. R. sortilegium.

SORT, s. m. Malheur, guignon, sort fâcheux. Ai-je du sort! Faut-il avoir du sort! Il faut convenir que vous avez trop de sort.

SORTE, s. f. Bonne qualité, bon acabit. Être de sorte signifie: Être sortable, être convenable, convenir à l'état et à la condition des personnes. Pour le bal de la vogue, cette robe et ce châle ne sont pas de sorte. Voilà, certes, un feu qui est de sorte. Il faut choisir à votre Bénigne un mari qui soit 188 de sorte. Expression très-répandue chez nos campagnards.

† SORTIR DE PORTE. Sortir de la ville. Où allez-vous, Henriette? Sortez-vous de porte?

SOT, SOTTE, adj. et subst. Qui n'est pas sage, qui fait l'espiègle, le désobéissant, le paresseux. Se dit des enfants et des jeunes adolescents. Tu veux donc toujours faire le sot, Guillaume. Tu es bien sotte, Fanny, de ne pas prêter tes joujoux à ton petit frère. Terme suisse, savoisien, marseillais, etc.

SOTTIFIER, v. a. Désappointer, attrister, rendre sot, rendre penaud. Ce départ subit nous sottifia. Un refus si désobligeant et si inattendu sottifia toute la famille.

SOUCARE, s. m. Voyez SOUQUART.

† SOUCI, s. m. Froncer le souci. Après son érésipèle, les soucis lui sont tombés. Terme français populaire. Écrivez «Sourcil» et prononcez sourci.

SOUCILLER (SE), v. pron. Se faire des soucis, se créer des soucis. Un peu de courage, mère, il ne faut pas te souciller pour si peu de chose.

SOUCILLEUX, EUSE, adj. Soucieux. Qui a du souci, qui marque du souci. Un front soucilleux; un air soucilleux; Vous paraissez bien soucilleux, Monsieur Auguste.

SOUFFLER À. Souffler à un écolier qui récite sa leçon; souffler à un acteur. Il faut dire: Souffler un écolier; souffler un acteur.

SOUHATER ou SOITER, v. a. Écrivez et prononcez «souhaiter,» comme «allaiter,» et ne dites pas: Je vous soite le bonsoir; on vous soite le bonjour.

SOUILLATON, s. m. Les campagnards désignent par ce mot un homme qui est habituellement entre deux vins, ne quittant un cabaret que pour aller boire dans un autre.

SOÛLER, v. a. (fig.) Ennuyer à l'excès, assommer. Elle me soûle avec ses visites répétées et ses conversations sans fin. Expression fort triviale.

189 SOÛLIAUD, s. m. Soulaud, ivrogne, sac-à-vin. C'est un soûliaud, un vilain soûliaud qui boit tout ce qu'il gagne. Terme vaudois.

SOÛLIAUD ou SOÛLIOT, s. m. Terme enfantin. Petite poupée de sureau qui, lors même qu'on la renverse, retombe toujours sur ses pieds.

SOÛLION, s. m. Ivrogne, homme qui ne dessoûle pas. Terme vaudois. A Neuchâtel et dans le Jura on dit: Un soûlon. L'Académie écrit: «Souillon,» et donne à ce terme un sens différent.

SOUMISSION RESPECTUEUSE. Acte extra-judiciaire bien connu. La véritable expression est: «Sommation respectueuse.» Mlle N** vient de faire la troisième sommation respectueuse. [Acad.] Soumission respectueuse est un barbarisme, mais ce barbarisme ne nous est pas particulier. Je le trouve signalé entre autres dans le Vocabulaire du Bas langage rémois, p. 87.

SOUPE, s. f. Nous disons proverbialement d'une personne qui dort longtemps et profondément: Elle dort comme une soupe. On dit en français: Dormir comme une souche; dormir comme un sabot.

SOUPOUDRER, v. a. Saupoudrer. Ce gâteau aurait eu besoin d'être soupoudré de sucre. Français populaire. R. sau, vieux mot français qui veut dire: Sel.

SOUQUART ou SOUCARE, s. m. Terme de lingerie. Gousset de chemise, carré d'étoffe ou de toile, qui se met à la manche d'une chemise à l'endroit de l'aisselle. Terme vaudois et lyonnais.

SOURBE, s. f. Sorbe, fruit.

SOURD-ET-MUET (UN). Dites: Un sourd-muet. L'institut des sourds-muets.

SOURDIAUD, DIAUDE, subst. Sourdaud. Celui ou celle qui n'entend qu'avec peine.

190 SOURDITÉ, s. f. Une complète sourdité. Terme français populaire. Dites: Surdité.

SOUS, prép. Sauf, avec. Sous le respect que je vous dois, Monsieur le juge, je vous dirai que... Sous votre respect, Madame, j'ai eu la fièvre pendant quinze jours. Terme français populaire.

SOUS-MAIN (UN). Terme de calligraphie. Papier que celui qui écrit met sous sa main par mesure de propreté.

SOUS-TASSE ou SOUTASSE, s. f. Soucoupe, le dessous d'une tasse. Terme vaudois, neuchâtelois, rouchi, wallon, etc.

SOUSTER, v. a. Terme de certains jeux de cartes. Garder, accompagner. Son roi de trèfle était bien sousté. On dit encore: Souste. Terme suisse et lyonnais. Peut-être faut-il rapprocher ce mot de SOÛTE. R. lat. subtus stare ou substare.

SOUSTRAIRE, v. a. On entend journellement dire: Nous soustraisons, pour: Nous soustrayons; tu soustraisais, pour: Tu soustrayais; en soustraisant, pour: En soustrayant, etc. Ce verbe se conjugue comme «Traire.» «On admire la promptitude avec laquelle les fourmis SOUSTRAISENT leurs nourrissons au danger.» [Ch. Bonnet, Contemplation de la Nature, XIme partie, ch. XXII.]

SOÛTE, s. f. Abri. Voyez SIOÛTE.

SOUTENIR, v. a. (fig.) Soutenir des relations avec quelqu'un n'est pas une expression correcte, du moins ne se trouve-t-elle pas dans les dictionnaires. Il faut dire: Avoir des relations avec quelqu'un, ou trouver une expression équivalente.

SOUVENT, adv. Promptement, vite. Depuis deux heures de temps que Lise est partie pour le marché, je ne la vois pas souvent revenir, c'est-à-dire: Je ne vois pas qu'elle se presse de revenir. Terme parisien populaire.

SPECTABLE, adj. Titre honorifique dont on qualifiait jadis les ministres du culte réformé.

† SQUELETTE (UNE). Un squelette.

191 STORE, s. m. Jalousie.

SUCLER, v. a. Roussir par le feu, griller, brûler légèrement. En s'approchant trop de la bougie, elle se sucla les cheveux. Notre pauvre minon, qui dormait sur le foyer, s'est complétement suclé la queue. En languedocien et en provençal, on dit: Usclà.

SUCRER (SE), v. pron. Sucrer son café, son thé, son chocolat. S'il vous plaît, Mesdames, sucrez-vous. Tout le monde est-il sucré? Français populaire.

SUCRIÈRE, s. f. Sucrier.

SUGGESSION, s. f. Écrivez et prononcez «Suggestion» (sug-ges-tion), en donnant à la lettre t le son qui lui est propre.

SUPPORTER, v. a. (fig.) Ce vin ne supporte pas l'eau. Dites: Ce vin ne porte pas l'eau.

SUPPOSER, v. a. Nous disons souvent: À supposer que, pour: Supposé que. À supposer que l'hiver soit rigoureux; À supposer que l'Europe demeure en paix, etc. Les dictionnaires ni le bon usage n'autorisent cette expression.

† SUR, prép. Quel âge a votre fils, Monsieur Jacot?—Oh là, Monsieur, il est sur ses vingt-cinq ans.—Et vous-même, s'il vous plaît?—Je suis sur ma septantième année.

SUR, prép. Lire sur le journal; lire sur l'almanach; lire sur l'affiche, etc. Dites: Lire dans le journal, lire dans l'almanach, lire dans l'affiche. Qui t'a raconté ce naufrage?—Qui? Personne. Je l'ai lu sur le Constitutionnel. Faute universelle.

SUR, prép. Je prends la chose sur ma responsabilité. Dites: Sous ma responsabilité.

SÛR, adv. Sûrement, pour sûr, certainement, sans aucun doute. Vous nous promettez de venir chez nous demain.—N'ayez nulle crainte, j'irai sûr, très-sûr. Vous partez dimanche, Monsieur Dubois.—Oui, sûr, bien sûr. Expression gasconne et belge.

192 SURFIN, FINE, adj. Superfin. Étoffe surfine, teinture surfine. Fabrication de liqueurs surfines, au Grand-Lancy, chez Baron-D**.

SURLOUER, v. a. Surlouer une chambre, surlouer un appartement. Terme valaisan, savoisien, parisien populaire, etc. Dites: Sous-louer.

SUROT, s. m. (o bref.) Cueillir du surăt. Infusion de surăt. Petard de surăt. Prononciation suisse du mot «Sureau,» lequel rime avec bureau.

SUSPENTE ou SOUSSEPENTE, s. f. Les suspentes d'un cabriolet. Établir une suspente dans une cuisine. Terme savoisien, franc-comtois, wallon, etc. A Paris et à Reims on dit: Supente. Le terme exact est: Soupente.

† SYNAPISSE, s. m. Synapisme.

T

TABELLE, s. f. Registre, agenda, tableau des devoirs, occupations, charges, incombances d'une société, d'un corps, d'une corporation. Rédiger la tabelle. Consulter la tabelle. Inscrire sur la tabelle. Afficher la tabelle. Terme vaudois.

TABLÂR ou TABLÂT, s. m. Tablette, rayon, planche posée pour mettre quelque chose dessus. Ajuster des tablâts. Écurer des tablâts. S'aguiller sur un tablât. Terme suisse et savoisien.

TABLE, s. f. Nous disons: La soupe est sur la table, pour signifier que le dîner est servi. On doit dire sans article: La soupe est sur table, ou chercher une meilleure expression.

TABLE, adj. Dans une votation, lorsque les voix sont mi-parties (c'est-à-dire également partagées), cela s'appelle: Être table. Les juges étaient tables, et le président fut appelé à 193 détabler. Terme neuchâtelois. [Voyez Guillebert, Glossaire neuchâtelois, 2e édition, p. 243.]

TABLÉE, s. f. Réunion nombreuse de convives (autour d'une table.) Une belle tablée; une joyeuse tablée. Terme suisse et vieux français.

TABLETTE À LA BISE, s. f. Pastille de menthe.

TABOUSSE, s. f. Babillarde.

TABOUSSER, v. n. Babiller. Terme vaudois.

TACHE, s. f. Petit clou de fer à tête ronde que l'on met sous les souliers et les sabots. Terme suisse et méridional. Dans le patois limousin, on appelle tatso toute espèce de clou qui a un pouce et demi de longueur, et au delà.

† TÂCHE, s. m. As-tu fait ton tâche, Bastien? Quand ton tâche sera fini, tu t'amuseras. Ce mot est féminin.

TÂCHER, v. n. Terme des jeunes écolières. Rivaliser de diligence; disputer à qui aura le plus vite fait, dans un temps donné, un certain ouvrage. Mesdemoiselles, voulons-nous tâcher? Tâchons toutes ensemble.

TÂCHER À. Viser à, tâcher d'atteindre une personne ou une chose avec un projectile quelconque. Tu me tâchais, Henri, avec ta paume de neige?—À toi? Pas plus; je tâchais à cette bourguignôte qui passe.

TÂCHER MOYEN. Faire en sorte, tâcher, s'efforcer. Tâche moyen que l'on se promène ensemble dimanche. À çà, Jérôme, tu tâcheras moyen de me rembourser un peu promptement. Terme vaudois et méridional.

TÂCHER QUE. Il faut tâcher que votre maître soit content. Le verbe tâcher ne se construit pas avec que. Dites: Il faut tâcher de contenter votre maître.

TACONNET ou TACOUNET, s. m. Pas d'âne, plante médicinale qui croît principalement dans les terrains improductifs. Terre de tacounet, laisse à qui elle est. Terme vaudois, etc.

194 TAILLARDER, v. a. Taillader, entailler, couper.

TAILLER À LA RUINE, ou EN RUINE. Terme d'agriculture. Se dit ordinairement d'une vigne dont on surcharge la taille de manière à lui faire produire beaucoup de fruit, sans s'inquiéter si on l'épuise. Ce procédé est mis en pratique l'année ou les années qui précèdent l'arrachement. Au figuré, tailler à la ruine, se dit de ceux qui sacrifient l'avenir pour faire face au présent.

TAILLERIN, s. m. Petit morceau de pâte pour la soupe, vermicelle plat. Terme vieux français.

TAILLEUSE, s. f. Couturière. [Voyez Pautex, Recueil de mots, ch. XXII.]

TAILLON, s. m. Grosse tranche, morceau, gros morceau coupé. Un taillon de lard; un taillon de fromage. Ne coupe donc pas ce pain par taillons. Terme méridional et vieux français.

TALAR, s. m. Pelisse, robe fourrée.

TALMOUSSE, s. f. Sorte de pâtisserie, nouvellement introduite chez nous, et qui nous vient de Paris. Le véritable terme est «Talmouse,» avec un seul s.

TAMAGE, s. m. Voyez TAMER.

TAMBOUR, s. m. Sorte de poêle portatif en fer-blanc, à couvercle et de forme ronde. Un tambour et sa bassine. Vous sécherez ces linges dans le tambour.

TAMBOUR D'ONZE HEURES, s. m. (fig.) Rabâchage, répétition ennuyeuse, litanie.

TAMBOURNER, v. n. Tambouriner. Venez tous: on ira tambourner au bastion. Se dit surtout des enfants lorsqu'ils battent de petits tambours qui leur servent de jouet. Terme suisse, jurassien, etc.

† TAMBOURNIER, s. m. Tambour, celui qui bat la caisse. Terme savoisien, jurassien et languedocien.

195 TAMER, v. a. Étamer. Voilà le magnin qui passe; donnez-lui les deux pochons à tamer. Terme vaudois.

TAMPONNE ou TAMPOUNE, s. f. Débauche de table, tapage, grande ribotte avec chants, cris et claquements de mains. Faire la tamponne. Français populaire.

TAMPONNER, v. n. Faire la tamponne, faire une débauche bachique, se livrer bruyamment à tous les plaisirs de la table. Terme méridional.

TANNÉE, s. f. Rossée, frottée, volée de coups. Donner une tannée; appliquer une tannée; recevoir une tannée.

TANNER, v. a. (Prononcez â long.) Battre, rosser, abîmer de coups. Hier au soir ils se sont tannés et giflés à outrance. Terme suisse. Le verbe tanner, pris dans cette acception, ne se trouve dans aucun dictionnaire ni dans aucun glossaire français.

TANT, adv. Si, tellement. Ne lisez pas ce roman, il est tant plat. Ces poires sont tant bonnes. La Fanchette est tant bête. Cette faute nous vient du vieux français.

TANT, adv. Aussi. Va vite! cours! cours tant fort que tu pourras. «Je déployai toutes les voiles et laissai le bateau aller tant vite qu'il voulut.» [Bonivard à Chillon, p. 60.]

TANT, adv. est superflu dans les exemples suivants: Tant plus on sera, tant plus on s'amusera. Tant plus on a d'égards pour Isaac, tant plus il grogne et rechigne. Cette expression appartient au vieux français.

TANT, s. m. On lui a promis le tant pour cent. Vous lui payerez un tant pour mille. Ils auront un tant sur les bénéfices. Tant n'est jamais substantif. Il faut dire, en retranchant l'article: On lui a promis tant pour cent. Vous lui payerez tant pour mille, etc.

TANT MOINS QUE. Le moins que. Il est si apathique qu'il travaille tant moins qu'il peut. Ne fréquente pas les cafés, 196 Eugène, vas-y au contraire tant moins que tu pourras. TANT PLUS QUE est aussi un barbarisme. Combien faut-il scier de ces rondins?—Sciez-en tant plus que vous pourrez. Dites: Le plus que vous pourrez.

TANTÔT, s. m. Après-midi. Le tantôt, l'après-midi. Adieu, Des Thiollaz, on se verra ce tantôt. Vas-tu souvent à ton cercle, Colombier?—Pardine, j'y vais chaque tantôt. Depuis plusieurs jours il pleut tous les tantôts. Cette expression, qui nous vient du vieux français, n'est point particulière à notre dialecte. Le mot «tantôt» est un adverbe. Voyez les dictionnaires.

† TANT PIRE, loc. adv. Tant pis. S'il n'est pas content de ce que je lui offre, tant pire pour lui. Nous aurons de la pluie, Benjamin.—Eh bien! tant pire; partons la même chose. Parisien populaire, etc.

TANT QU'À MOI. Quant à moi. Tant qu'à nous, quant à nous. Tant qu'à eux, quant à eux. Je ne t'ai jamais vu ivre, Chapalay.—Tant qu'à çà, Monsieur, je ne bois jamais plus de demi-pot. Parisien populaire.

TANT QU'À. Jusqu'à. Tant qu'à Genève, tant qu'à Bonneville, etc., signifient: Jusqu'à Genève, jusqu'à Bonneville. Sans nous apercevoir de la fatigue, nous allâmes tant qu'à Rumilly. Les gens de la campagne ne s'expriment pas autrement.

TAPAGE, s. m. Grande quantité. Un tapage de monde; un tapage de vieux bouquins. Dans sa colère, il nous lâcha un tapage de sottises. Français populaire.

TAPAGER, v. n. Faire du tapage. Finissez, mes enfants: c'est bien assez tapagé. Terme marseillais, etc.

TAPASSÉE, s. f. Pluie, averse forte, mais de courte durée. Une tapassée de pluie. Recevoir une tapassée. Cette tapassée nous inonda. Terme suisse et savoisien. La signification 197 primitive du mot tapassée est: Grande abondance d'une chose, grande quantité. Une tapassée d'individus; une tapassée de pommes. D'un seul coup de pierre il déguilla une tapassée de noix.

TAPÉE, s. f. Grande quantité, grande abondance, multitude. Une tapée de monde. Une tapée de marchandises. Une tapée de soupe. Terme français populaire.

TAPÉE, s. f. Coups, gifle. Recevoir une tapée. Nos gamins se donnèrent une bonne tapée. Terme dauphinois, etc.

TAPER DE L'ŒIL. Dormir. Français populaire.

TAPER (SE), v. pron. Se heurter. Elle se tapa contre la cheminée et tomba. Taper et se taper sont français, mais dans une acception un peu différente.

TAPET, s. m. Traquet, oiseau du genre des becfigues.

TAPET, s. m. Langue. Faire cheminer son tapet, signifie: Babiller, bavarder.

TAPETTE, s. f. Battoir de lessive, palette à manche pour battre le linge mouillé. Au sens figuré, tapette se dit de la langue d'une personne babillarde. Mener sa tapette. Tenir sa tapette au chaud. Il se dit aussi de la personne elle-même: Cette jeune fille est une tapette.

TAPIN, s. m. Tape, taloche, coup de la main. Recevoir un tapin; appliquer un tapin. Terme français populaire.

TAPIN, s. m. Tambour, celui qui bat la caisse. Un petit tapin. Voilà les tapins qui s'exercent.

TAPISSEUR, s. m. Tapissier.

TAPISSIER, s. m. Colleur, ouvrier qui colle du papier peint sur les murs d'un appartement. En français: Un tapissier est Celui qui travaille en toutes sortes de meubles de tapisserie et d'étoffe.

TAQUINEUR, EUSE, s. et adj. Taquin, taquine.

TARABUSQUER, v. a. Tarabuster, inquiéter, importuner, 198 contrarier. Voilà une nouvelle qui me tarabusque. Terme connu à Reims et sans doute ailleurs.

TARAMARA, s. m. Vacarme, brouhaha, bruit confus.

TARANTE ou TARENTE, s. f. Terreur panique. Tu as eu là, Gaspard, une fameuse tarente. En jouant sur ce mot, nous disons quelquefois d'un poltron: C'est le duc de Tarente. Voici notre duc de Tarente.

TARARA. Faire tarara signifie: Faire grande envie, faire venir l'eau à la bouche. En voyant ce salmis, ça me faisait tarara.

TARD (À), adv. Venir à tard, arriver à tard, sont des expressions vicieuses. Il faut dire: Venir tard, arriver tard, ou: Venir sur le tard, arriver sur le tard.

TARRE POUR BARRE. Nous disons familièrement de quelqu'un qui s'embrouille dans un discours, ou qui, par inadvertance et par distraction, dit une chose pour une autre: Il dit tarre pour barre; il répond tarre pour barre; il entend tarre pour barre. Expression très-usitée.

TARTIFLE ou TARTUFLE, s. f. Termes par lesquels, aux frontières de notre canton, dans le Faucigny, on désigne les pommes de terre. Planter les tartifles, buter les tartifles. Terme usité aussi en Languedoc. [Voyez le Dictionnaire gascon de Villa, t. II.] En français, tartifle est le nom vulgaire du topinambour.

TARTRE (LA). La tartre des dents. Ce mot est masculin.

TASSON, s. m. Taisson, blaireau. Proverbialement: Suer comme un tasson. Terme suisse-roman, etc.

TATA, s. f. Dans le langage des enfants signifie: Tante. Dis adieu à la tata; touche la main à la bonne tata. Terme usité en Bretagne et sans doute ailleurs.

TATA, s. m. Nous disons d'une personne que nous voyons, contre son ordinaire, bien vêtue et pimpante: Elle s'est mise sur son tata. Le voilà aujourd'hui sur son tata. Expression connue dans la Suisse romane.

199 TÂTE, s. f. Petite bonde faite avec la gouge dans un fromage pour le goûter. Terme jurassien et méridional.

TÂTENITOUCHE, subst. des 2 genres. Sournois, bon apôtre, sainte nitouche.

TÂTE-POLAILLE, TÂTE-À-POLAILLE, ou TÂTE-À-C.. DE POLAILLE, s. m. Se dit d'un homme qui s'occupe minutieusement des détails du ménage, et qui demeure au coin du feu pour veiller le pot. Dans le dialecte picard, tâte mes glaines (tâte mes poules) a le même sens.

TATOUILLE, s. f. Piquette, mauvais vin, ripopée. Boire de la tatouille. Terme français populaire.

TATTE ou TETTE, s. f. Terrain en friche, terre vacante, plaine inculte, lande, steppe. Les tattes de Saint-Georges. Les tattes d'Aire-la-ville.

TAUCHES, s. m. pl. Voyez TÔCHES.

TAULÉE ou TÔLÉE, s. f. Quantité, grand nombre. Une tôlée de chiens; une tôlée de cochons de lait.

TAUPIER, s. m. Se dit familièrement et dérisoirement d'un soldat du corps des mineurs.

TAUQUÉE ou TÔQUÉE, s. f. Gifle, danse.

TAUQUER ou TÔQUER, v. a. Battre, frapper, donner une danse. Jean est rentré soûl chez lui et s'est mis à tôquer sa femme et ses enfants.

TAVAN, s. m. Taon, insecte malfaisant très-connu. La piqûre du tavan. Le dard du tavan. Terme vaudois, savoisien, dauphinois et vieux français. Dans le Languedoc et dans le canton de Neuchâtel on dit: Taban. En latin, tabanus.

TAVELER, v. a. Terme des campagnards. Signifie: Donner au beurre une forme et le marquer d'une empreinte. Taveler le beurre. L'instrument qu'on emploie à cet usage s'appelle: Tavé.

200 TAVILLON, s. m. Bardeau, petite planchette de bois dont on recouvre certaines habitations. Terme vaudois et fribourgeois. Dans le Jura, dans la Franche-Comté et le Chablais on dit: Tavillon et tavaillon.

TAVILLONNER, v. a. Garnir le toit de bardeaux, de tavillons.

TAVILLONNEUR, s. m. Celui qui fabrique les tavillons et qui en garnit les toits. A Carouge (canton de Genève), on lit sur une enseigne de la rue Caroline: B***, couvreur-tavillonneur.

TEICHE ou TÈCHE, s. f. Tas de foin, meule de foin. Construire une teiche; élever une teiche. Terme suisse. Se dit aussi d'un grand tas ou amas. As-tu fait ta provision de fascines?—Oui, j'en ai une fameuse teiche. Quelle teiche de bois! En espagnol: Techo, toit d'où l'eau dégoutte. En Languedoc, técher veut dire: Dégoutter, couler goutte à goutte.

TEL, TELLE, adj. Expression dont on se sert quand on ne veut pas nommer les personnes. Mr tel a demandé de tes nouvelles. Dites: Mr un tel. Tu inviteras Mme telle. Dites: Mme une telle. Que m'importe ce que Mr un tel pense de moi! Au pluriel on doit dire: MM. tels, Mmes telles et telles.

TEL ET QUEL, adj. composé. Intact, sans changement, dans le même état. Je vous rends votre sac d'argent, je vous renvoie votre groupe tel et quel. Voici vos livres tels et quels. Supprimez la conjonction et, et dites: Voici votre argent tel quel. Voici vos livres tels quels.

† TEMPLE (LA). Il se heurta à la temple. Terme vieux français. Dites: La tempe.

TEMPS, s. m. Une heure de temps, deux heures de temps, etc., sont des expressions très-correctes, mais qui appartiennent au langage familier. Quand vous les trouvez censurées 201 par les grammairiens, soyez certains que ces grammairiens-là n'ont pas lu bien attentivement les auteurs classiques; Voltaire, par exemple, s'en est servi fréquemment.

TEMPS, s. m. Qui gagne du temps, gagne tout. Proverbe remarquable et plein de sens, qui manque dans les dictionnaires.

TEMPS, s. m. Dans le langage des campagnards, avoir du temps, signifie: Avoir un mauvais temps, avoir de la pluie ou de l'orage. Les hirondelles volent bas: nous aurons du temps. Terme vaudois. A Neuchâtel et dans le Jura on dit en ce même sens: Il fera du temps.

TEMPS, s. m. Disposition de l'air. Le temps s'essuie, signifie: La pluie va cesser; la pluie semble vouloir cesser.

TEMPS, s. m. Conjoncture favorable, commodité, facilité. Prenez ce sentier, Mesdames, vous aurez meilleur temps, c'est-à-dire: Votre route en sera plus courte et plus facile. Expression suisse.

TEMPS (LE). Nous disons d'une personne extrêmement fière, qu'elle est haute comme le temps. Mais que signifie le mot de temps dans cette phrase? Peut-être s'agit-il des régions supérieures de l'atmosphère.

TENDRE, v. a. (fig.) Faire passer, donner. Tendez-moi la bouteille; tendez-nous le sel; tendez-lui les tenailles.

TENDS-TU? Abréviation de «Entends-tu?» Tu viens demain pêcher avec nous, Robert, et de bonne heure, tends-tu? Tu as promis de venir nous réveiller: n'y manque pas, tends-tu?

TENIR, v. a. (fig.) Avoir. Quel quantième du mois tenons-nous?—Nous tenons le vingt. Dites: Quel quantième du mois avons-nous?—Nous avons le vingt.

TENIR, v. a. Terme de négoce. Dans notre langage, tenir une marchandise, signifie: L'avoir à la disposition des chalands, l'avoir à vendre, la vendre. Tenez-vous des brignoles, 202 Monsieur Philippe? Tenez-vous du simolat et des fidés? Terme méridional.

TENIR DE. Il tient de bise, veut dire: La bise souffle. Il tient de vent, signifie: Le vent souffle.

TENIR PIED. Terme du jeu de boule, du jeu de quilles, etc. Piéter, c'est-à-dire: Tenir le pied à l'endroit qui a été marqué pour cela. Expression suisse et savoisienne.

TENTATIF, IVE, adj. Tentant, tentante, qui tente. Votre proposition est tentative, et je l'accepte. Vous avez là des raisins fort tentatifs. Terme français populaire. Pour être correct, il faut dire: Une proposition tentante; des raisins tentants, etc.; ou, si l'on trouve trop dur à l'oreille ce mot tentant, on peut facilement prendre un autre tour.

TENTE, s. f. Banne, grosse toile que les marchands mettent aux auvents de leurs magasins pour se garantir du soleil. Un coup de vent emporta la tente. Terme méridional.

TENUE, s. f. Direction, conduite. La tenue d'une école; la tenue d'une classe. La tenue de classe a été d'un mois pour chaque concurrent. Nous disons dans ce même sens: Tenir la classe; tenir l'école. Mon collègue, Mr N**, tiendra la classe à ma place pendant deux jours. Ces termes utiles et consacrés chez nous n'ont pas encore trouvé place dans les dictionnaires.

TENUE DE LIVRES, s. f. La tenue de livres est une étude plus importante que difficile. Pour parler correctement, il faut dire: La tenue des livres.

TEPPE, s. f. Plaine inculte, terrain en friche. Défricher une teppe. Terme bressan, etc.

† TÉR'BENTINE, s. f. Tér'bentine commune; tér'bentine falsifiée. Écrivez et prononcez «Térébenthine.»

TERGETTE, s. f. Pousser la tergette; fermer une porte à la tergette. Terme français populaire. Écrivez et prononcez «Targette.»

203 TERRAILLE, s. f. Poterie de terre. Une marchande de terraille. Une fabrique de terraille. Terme suisse, savoisien, méridional et vieux français. Une de nos rues s'appelle le Terraillet. Terrailler voulait dire: Potier de terre. [Voyez Roquefort, Glossaire de la langue romane, t. II, p. 616.]

TERRASSIERS, s. m. Potier de terre. Le chemin des Terrassiers, dans la commune de Plainpalais, tire son nom des potiers de terre qui y étaient établis autrefois, et qui s'y sont maintenus jusque vers l'année 1827. Terme savoisien et méridional. En Bourgogne, dans le Berry et chez nos campagnards, terrasse ou tarasse signifie: Terrine, plat de terre, vase de terre, greulette. Voyez ce mot.

TERRASSIÈRE, s. f. Poterie, fabrique de pots de terre.

TERREAU, s. m. Dans la langue des campagnards ce mot signifie: Fossé. En vieux français on disait: Terrail.

TERRE JAUNE. L'expression terre jaune, employée non-seulement par les campagnards, mais aussi par les gens de la ville, vient de ce que dans les plans de délimitation qui ont été faits après le traité de Turin, on a teint de jaune la bande limitrophe sur laquelle nos voisins ne doivent pas établir de lignes de douanes.

TERTASSE, s. f. C'est le nom que beaucoup de personnes donnent, depuis quelques années, à l'une de nos rues montantes. Son vrai nom est Tartasse. On le trouve tel dans la chanson de l'Escalade et dans les registres latins du seizième siècle (Tartassia ou Tartasia).

TESTICOTER, v. a. et n. Asticoter, contester, tracasser quelqu'un sur de petites choses. Si ma marchandise vous convient, prenez-là, Mamzelle, sinon, pourquoi testicotez-vous? Terme neuchâtelois, lyonnais, limousin, rouchi, etc. A Paris: Tassicoter; en vieux français, tastigoter.

TESTICOTEUR, s. m. Chipotier, taquin, vétilleur.

204 TÊTARD, ARDE, s. et adj. Têtu, opiniâtre.

TÊTE, s. f. Le proverbe suivant s'adresse aux personnes oublieuses, étourdies: Quand on n'a pas bonne tête, il faut avoir bonne jambe; proverbe facile à comprendre, et qui est parmi nous d'un usage universel.

TÊTE-À-MAILLOCHE, s. f. Têtard, grenouille non développée.

TÊTE CARRÉE. Se dit ordinairement d'une personne opiniâtre, obstinée, têtue, inébranlable dans ses volontés. Selon l'Académie, «Tête carrée» se dit d'un homme qui a beaucoup de justesse et de solidité dans le jugement.

TÉTERASSE, s. f. Sorte de bouteille en verre, qui est d'un emploi utile dans le nourrissage.

TÊTIÈRE, s. f. Chevet. La têtière du lit. Terme parisien populaire.

THÉRIACLE, s. m. Sorte d'opiat. Une prise de thériacle. Du thériacle de Venise. Terme français populaire et vieux français. On doit dire: De la thériaque; une prise de thériaque.

† THÉTIÈRE, s. f. Une thétière de porcelaine; une thétière d'argent. Terme français populaire et vieux français. On dit aujourd'hui: Théière.

TIENS-TOI BIEN, s. m. Sorte de jeu, où plusieurs enfants sautent l'un après l'autre sur un d'entre eux, lequel se tient courbé en forme de cheval. Jouer à tiens-toi bien. On dit à Paris: Jouer au cheval fondu.

TIAFFE, s. f. Voyez TIOFFE.

TIETTE, s. f. Tiette! tiette! est le cri par lequel nous appelons les poules. Tiette est pour tiotte; et tiotte est un abrégé de petiote (petite). En Languedoc on dit: Tite! tite! pour: Petite! petite! Dans nos villages on dit: Tîhită ou tîtă.

TIGNACHE, s. f. Tignasse, mauvaise perruque.

205 TIGNON, s. m. Quignon, gros morceau. Un tignon de fromage.

TILLOL, s. m. Arbre. Écrivez et prononcez «Tilleul.» Les campagnards disent: Tillot (o bref). Terme jurassien, berrichon, vieux français, etc.

TINQUET, s. m. Gros morceau de quelque chose qui peut se manger à la main. Un tinquet de pain; un tinquet de châchaud; un tinquet de saucisse. A Neuchâtel on dit: Un tanquin.

TIOFFE ou TIAFFE, s. f. Nigaude, niaise, bécasse. Cette grosse tioffe ne vient-elle pas me marcher dessus!

TIOFFU, UE, adj. et subst. Se dit des personnes et signifie: Lourd, lourdaud, épais.

TIOLE, s. f. Nous disons de quelqu'un qui est ivre: Il a sa tiole; expression qui nous vient des campagnards. Tiole ou tieule, en patois, signifie: Tuile. En vieux français: Tieule.

TIOQUAND, ANDE, subst. Nom propre des habitants du pays de Gex, puis dénomination injurieuse pour dire: Un gros paysan, un homme grossier dans ses manières. C'est un tioquand.

TIOQUE, s. f. Se dit d'une personne sotte et maladroite. Que tu es tioque, ma pauvre Thérèse! Tu as le talent de casser tout ce qui te passe par les mains.

TIOQUER (SE), v. pron. Se choquer, se heurter; donner ou frapper contre. L'enfant se tioqua la tête contre un mur. Ces deux personnes se sont tioquées dans l'obscurité. Voyez TÔQUER.

TIOULÉE, s. f. Larmes abondantes.

TIOULER, v. n. Fondre en larmes.

TIOU-TIOU, s. m. Chevalier aboyeur, sorte de bécassine.

TIPE-TAPE (À), locut. adv. Beaucoup, abondamment, à foison; en veux-tu, en voilà.

206 TIPONNER, v. a. Tirailler, chiffonner, manier une chose comme ferait celui qui pétrit la pâte, pitonner.

TIRAGE, s. m. Tir, place où l'on s'exerce à tirer des armes à feu. Un tirage spacieux. Terme suisse.

TIRAILLE, s. f. La tiraille est un jeu d'écoliers, dans lequel, rangés en deux camps plus ou moins nombreux, ils se tiraillent violemment à l'envi, tâchant d'amener à eux, et de retenir prisonniers, leurs adversaires. Faire à la tiraille.

TIRANT, s. m. Courant d'air. La fenêtre entr'ouverte formait un tirant. C'est le tirant de la porte qui fait ce bruit. Terme vaudois.

TIRANT, s. m. Tiroir. Le tirant de la table. Terme vaudois.

TIRANTE, s. f. Se dit d'une femme qui est dure à la desserre, qui tire tout à elle, qui accapare et ne fait que des marchés à son avantage. Vous êtes bien tirante, ma bonne dame: si tout le monde marchandait comme vous, où en serait-on?

TIRE, s. f. File, rangée, suite, longue suite. Une tire de hutains. Voilà une bonne pluie, Monsieur Colas.—C'est vrai, Monsieur: mais il nous en faudrait deux jours de tire, c'est-à-dire: Deux jours de suite.

TIRE, s. f. Écrire à tire de plume, c'est écrire aussi vite que la plume peut aller. Pourrais-tu écrire à tire de plume le discours entier du prédicateur? On dirait en français: Pourrais-tu écrire à trait de plume?

TIRÉE, s. f. Tire, traite, certaine quantité de chemin que l'on fait sans se reposer. Nos petits voyageurs firent cinq lieues tout d'une tirée. De Genève à Douvaine il y a une forte tirée.

TIRÉE D'OREILLES, s. f. Il a eu sa tirée d'oreilles, sa bonne tirée d'oreilles, c'est-à-dire: On lui a tiré vigoureusement les oreilles.

TIRE-GOUINE, s. f. Mauvaise viande. On dit aussi: Treguigne.

207 TIRE-LÂCHE. Faire à tire-lâche, tirer et lâcher tour à tour. Sorte de jeu ou d'exercice gymnastique entre jeunes garçons.

TIRE-LIGNU, s. m. Sobriquet des cordonniers. Voyez LIGNU.

TIRE-POILS, s. m. Gribouillette, sorte de divertissement d'enfants. Faire à tire-poils, c'est jeter des bonbons, des dragées, de l'argent, au milieu d'une troupe d'enfants, qui cherchent à s'en saisir, et qui ont le droit de prendre aux cheveux ceux qui en sont détenteurs. Terme savoisien et méridional.

TIRER, v. a. Tirer son chapeau (se découvrir), est une expression vicieuse, quoique très-usitée en Suisse, en Savoie et même en France. Sois poli, Janot, et tire ton chapeau à ces messieurs. Je lui tirai poliment mon chapeau, mais il ne daigna pas me rendre le salut. Pour être correct, il faut dire: Ôter son chapeau. Je lui ôtai mon chapeau. Nous faisons une faute semblable quand nous disons: Tirer son habit, tirer sa veste. Il faut dire: Ôter son habit, ôter sa veste.

TIRER, v. a. Aller, poursuivre. Filez, petits drôles, et tirez bien vite votre chemin.

TIRER À L'ARC. Cette expression n'est pas française. On doit dire: Tirer de l'arc, tirer de l'arbalète.

TIRER AU PISTOLET. Les dictionnaires disent: Tirer le pistolet. Les expressions tirer au fusil, tirer à la carabine, tirer au canon, ne se trouvent non plus dans aucun dictionnaire français.

TIRER LES YEUX. Se dit d'un grand éclat de lumière, et signifie: Éblouir, blesser, offenser les yeux. La réverbération nous tirait les yeux. Finis avec cette rataco, tu me tires les yeux. Se tirer les yeux, signifie: Se faire mal aux yeux en travaillant sans clarté suffisante. Il fait presque nuit, ne lis pas davantage, tu vas te tirer les yeux.

208 TIRER (SE), v. pron. S'ôter, se retirer. Tire-toi de là, Michel. Jeunes gens, tirez-vous d'ici. Terme méridional, etc.

TIREVOUGNER ou TRIVOUGNER, v. a. Secouer, tirailler. Dans le dialecte fribourgeois, A tire vougne, adverbe, signifie: Avec difficulté, péniblement.

TIRE-ZYEUX, s. m. C'est le nom que les campagnards donnent à l'insecte que nous appelons en français: Demoiselle.

TOBIE (UN). Un niais, un nigaud, un idoine, un hébêté. Tobie que tu es! Oh! le tobie! Oh! le gros tobie! Terme berrichon, etc.

TOCANTE, s. f. Montre, petite horloge de poche.

TÔCHE ou TAUCHE, s. f. plur. Terme d'écolier. But qu'il faut atteindre, dans certains jeux courants, pour être à l'abri de poursuite. Marquer les tôches; rester aux tôches; arriver aux tôches. Ne frouille pas; j'étais aux tôches quand tu m'as pris.

TÔCHER, v. n. Terme d'écolier. Arriver au but, atteindre les tôches, être aux tôches, toucher. Tôché! tôché! On a tous tôché!

TÔFET, s. m. Sorte de petite pâtisserie. Un plat de magdelaines et de tôfets. Terme jurassien, etc. R. tôt fait, vite fait. Dans le dialecte rouchi, toto fet est le nom d'une sorte de friture.

TOIL, s. m. Toit. Monter sur le toil; réparer le toil. Ce terme appartient au langage le plus négligé.

TOILE, s. f. (fig.) Avoir la toile sur les yeux, signifie: Être agonisant, être à l'article de la mort. Expression bordelaise, etc.

TOISÉ, ÉE, adj. (fig.) Mort, fini, fait. L'oncle Pierre vit-il encore?—Ah! il y a longtemps qu'il est toisé. Après une telle faillite, c'est un homme toisé. Quant à sa fortune, n'en parlons pas, elle est toisée (mangée, dévorée). Eh bien! c'est entendu, c'est une affaire toisée.

209 TOJOTTE ou TEUJOTTE, s. f. Mauvaise taverne, cabaret borgne, cabaret mal approvisionné. Terme vaudois.

TÔLÉE, s. f. Voyez TAULÉE.

TOMBÉE, s. f. Surcroît de convives, affluence de convives qui n'étaient pas attendus. Eh bien! femme, que dis-tu de cette tombée d'hier? Heureusement qu'on avait des œufs et du jambon. Tombée se dit aussi des acheteurs qui arrivent en grand nombre à une foire ou à un marché. Terme méridional.

TOMBÉE (UNE). La plus petite quantité possible d'une chose liquide, un soupçon, un rien. Vous offrirai-je du vin, Caroline?—J'en prendrai une tombée, une apparence. Une tombée de vinaigre ne va pas mal dans les pommes de terre au lait.

TOMBER, v. n. (fig.) Sitôt qu'il l'eut aperçue, il en tomba amoureux, c'est-à-dire: Il en devint amoureux.

TOMBER, v. n. Arriver, parlant des personnes. De la rue Verdaine on tombe dans celle de Rive. Cette expression n'est pas correcte. Tomber ne se dit que de la rue elle-même ou du chemin. Ainsi l'on dira: La rue du Terraillet tombe dans les Rues-basses. Le chemin Vert tombe dans la route de Malagnou, etc.

† TOMBURE, s. f. Chute. Une mauvaise tombure. Qu'as-tu au front, Gautier?—Ce n'est rien, c'est la marque d'une ancienne tombure. En provençal on dit: Toumbaduro.

TOMME, s. f. Petit fromage blanc fait avec du lait de chèvre. Nous déjeûnâmes tout uniment de pain et de tomme. La tomme est moins pesante à l'estomac que le fromage. Un poulet d'horloger, c'est une tomme. Terme suisse, savoisien et jurassien, dauphinois, limousin, provençal et languedocien. Faire la tomme, se dit des enfants à la mamelle, lorsqu'ils vomissent leur lait.

210 TON, s. m. Nous disons proverbialement: C'est le ton qui fait la chanson. Les dictionnaires français disent: C'est le ton qui fait la musique.

TON, s. m. (fig.) Vanité, manières hautaines, goûts de dépense et de faste. Avoir du ton. Prendre du ton. La jeune Octavie est fort simple; sa mère au contraire a beaucoup de ton. Dès que cette famille a été dans une sorte d'aisance, elle a pris du ton. «Prendre un ton» est français, et signifie: Prendre des airs de supériorité.

TONNERRE, s. m. Nous disons: Il fait du tonnerre; il a fait un gros tonnerre; nous aurons des tonnerres. On le dit ainsi en Suisse, en Savoie, dans le Midi et sans doute ailleurs. Mais les dictionnaires se taisent sur ces locutions qu'ils remplacent par les suivantes: Le tonnerre gronde; il a fait un coup de tonnerre; il tonnera.

TOPER, v. n. Taper, donner un coup. Allons, c'est conclu! tope là!

TÔPER DANS ou DEDANS. Donner dans. Es-tu bête, Jean-Pierre! Il t'a poussé une bourde et tu as tôpé dedans.

TÔPER (SE), v. pron. Se heurter. Se tôper, v. récip. Se battre. Ils se rencontrèrent à la nuit tombante et se tôpèrent.

TOPETTE, s. f. Petite fiole, petite bouteille en verre blanc. Une topette de sirop. Une topette de ratafia. Terme français populaire.

TOQUE, s. f. Terme du jeu de mâpis. Petite butte, petite élévation. Jouer à la toque. Une bonne toque.

TÔQUÉE, s. f. Rossée, distribution de coups. Recevoir une tôquée. Donner une tôquée. Voyez TAUQUÉE.

TÔQUER, v. a. Frapper. Se dit des personnes et de certains animaux, des bœufs, par exemple, des vaches, des béliers et des moutons. Retirez-vous, mes enfants, cette vache tôque; elle pourrait vous tôquer. Voyez ces moutons, comme 211 ils se tôquent. La nuit était sombre, je me tôquai contre le mur. Nos campagnards de la rive droite disent: Tiôquer. En vieux français, toquer signifie: Heurter, frapper. Terme normand. Voyez TAUQUER.

TORCHE, s. f. Coussinet, bourrelet, tortillon, linge tortillé en rond, que les femmes se mettent sur la tête quand elles portent un vase, une corbeille, une seille, etc. Terme suisse, savoisien et franc-comtois.

TORCHE, s. f. Terme culinaire. Hachis auquel on donne la forme d'une torche. Voyez ce mot. Nous appelons aussi torche une sorte de pain rond.

TORCHÉE, s. f. Rossée, gifle, volée de coups. Terme vaudois. Torcher est français, dans le sens de «Battre.»

TORCHE-MIRAUD. Voyez GIRAUD, t. I, p. 231.

TORCHER, v. a. Pour exprimer qu'un homme n'aura pas ce qu'il désire, nous disons figurément et proverbialement: Il peut bien en torcher son couteau. Les dictionnaires disent: «Il n'a qu'à s'en torcher le bec.»

TORCHETTE, s. f. Petit torchon. Nous disons d'une assiette bien amassée, ou d'un plat où l'on n'a rien laissé, qu'il est net comme torchette, comme si la torchette y avait passé. Puis adverbialement, net comme torchette, veut dire: Sans faute, sans hésiter, rondement. Tu crois qu'il badine? Détrompe-toi, il le fera net comme torchette.

TORCHON DE PAILLE, s. m. Le terme français est: Bouchon de paille.

TORCHONNER, v. a. Frotter avec un torchon. Terme vaudois et neuchâtelois.

TORCHONNER, v. a. Chiffonner, faire maladroitement ou par accident des plis à sa robe. Ne torchonne pas cette cravate. Voyez la petite sotte, comme elle s'est torchonnée.

TORDRE L'OREILLE, (fig.) Tordre l'oreille à un enfant, signifie: «Sevrer un enfant.» C'est aujourd'hui qu'on tord 212 l'oreille à notre petite Lili. Cette expression, qui appartient au langage le plus familier, fait peut-être allusion au déplaisir, au chagrin extrême qu'éprouve le petit enfant lorsqu'on le sépare de sa nourrice.

TORNIOLE, s. f. Taloche, étrillée. Flanquer une torniole. Il ne se vante pas de la torniole qu'il a reçue. Terme berrichon, etc.

TORTILLER (SE). Se dit quelquefois des personnes et signifie: Marcher avec un mouvement, avec un balancement trop marqué des hanches, affecter une démarche vive, dégagée et gracieuse. Cette jeune ouvrière se donne des airs, elle se tortille en marchant.

TORTOLION, s. m. Craquelin, sorte de pâtisserie en forme de collier. Dans le Dauphiné on dit: Tourtillon. En français, «Tortillon» signifie: Linge tortillé.

TÔTU-BÔTU (UN). Un bloc. Faisons de toutes ces marchandises un tôtu-bôtu. Voyez AUTU-BÔTU, t. I, p. 29.

TOUILLER, v. n. Être rassasié, ne pouvoir plus avaler. Ne s'emploie qu'à l'infinitif.

TOUILLON, s. m. Femme malpropre, femme repoussante par la saleté et le désordre de ses vêtements. Un vieux touillon. Terme vieux français. Dans le Jura on dit: Tolion. Dans le patois picard, touillon signifie: Torchon. A Reims, touiller, v. a., salir.

TOUNIAUD (UN). Nous disons d'une personne qui est habituellement salement vêtue: C'est un touniaud. Votre écureuse est un vrai touniaud. Dans le canton de Vaud, touni veut dire: Idiot, hébété, bélître. En Normandie, tounieux ou touonious signifient: Fainéant, vagabond. [Voyez le Dictionnaire normand de MM. Duméril, p. 207.]

TOUPIN, s. m. Cruche, jarre, pot de terre. Ce mot n'est plus guère employé, à Genève, que dans cette expression figurée: Être sourd comme un toupin, c'est-à-dire: Être sourd 213 comme un pot, être excessivement sourd. Terme suisse et méridional. Dans le Jura on dit: Tepin; en Savoie, topin; dans l'Anjou, tupin. Chez nos campagnards, toupin ou tepin est le nom de la cloche des vaches.

TOUPINAMBOU, s. m. Sorte de plante. Écrivez et prononcez «Topinambour.»

TOUPINE, s. f. Cruche, jarre, grande terrine avec ou sans anse. Une toupine de beurre cuit; une toupine de graisse molle. La toupine glissa de dessus la table et fut ébriquée. Terme suisse et savoisien. En Languedoc, toupine se dit d'un pot à faire nicher les moineaux. Nous disons figurément et très-populairement d'une personne morte depuis un certain temps, qu'elle fait des toupines, c'est-à-dire: Que sa cendre, confondue avec la terre, est redevenue argile. En Languedoc, faire terre signifie: Mourir. [Voyez Villa, Nouveaux Gasconismes corrigés, t. II, p. 379.]

TOUPINER, v. n. Thésauriser, entasser des écus dans une toupine.

TOUR, s. m. Nous disons: Celle nouvelle m'a donné le tour, pour: Cette nouvelle m'a troublé, m'a bouleversé, m'a tourné le sang. La vue de ce cadavre livide m'a donné le tour.

TOUR, s. m. Nous disons: Donner le tour, pour: Faire le tour. Par où dois-je passer pour arriver facilement à ton logis?—Il te faut donner le tour par la cathédrale.

TOUR, s. m. Faire le tour, donner le tour, signifient: Suffire à la dépense de l'année, joindre les deux bouts. Eh bien, Jacques, les affaires vont-elles mieux?—Oui, un peu mieux; avec beaucoup d'économie j'ai pu faire le tour.

TOUR, s. m. S'en donner deux tours, ou s'en donner deux tours et la revirée, signifie: S'en donner à outrance, se divertir à fond, se livrer à ce qu'on fait complétement et sans arrière-pensée. Voyez REVIRÉE.

214 TOURMENTE, s. f. (fig.) Le dernier degré de l'ivresse.

TOURMENTE-CHRÉTIEN, s. m. Celui qui obsède, importune, tourmente quelqu'un. Laisse-moi tranquille, tu n'es qu'un tourmente-chrétien. On retrouve la même forme dans: Un tourmente-enfants, un gâte-enfants.

TOURNE (LA). La retourne. Terme du jeu de cartes. Quelle est la tourne?—Il tourne pique. Français populaire.

TOURNELLE, s. f. Petite tour, tourelle. Un château à quatre tournelles. Terme franc-comtois, berrichon, etc.

TOURNEMENT DE TÊTE, s. m. Tournoiement de tête, vertige. Être sujet aux tournements de tête. «C'est ainsi que l'on peut s'accoutumer à voir sans crainte et sans tournement de tête, les abîmes les plus profonds.» [De Saussure, Voyages dans les Alpes, t. Ier, p. 366.] Terme suisse, savoisien et méridional. J.-J. Rousseau a dit correctement: «Les lieux escarpés me font tourner la tête, et j'aime beaucoup ce tournoiement.» [Confessions, livre IV.]

TOURNER, v. a. Terme de certains jeux de cartes. Que tourne-t-il? Dites: De quoi tourne-t-il?—Il tourne cœur, il tourne carreau.

TOURNER, v. a. Tourner les moutons, tourner les vaches, etc. Les ramener du lieu où ils ne doivent pas paître à celui qui leur est destiné et d'où ils s'étaient écartés. On dit en patois: V'ri; et dans le patois limousin, vira (virer, tourner).

TOURNER, v. n. Au lieu de: La langue lui a tourné, on dit en français: La langue lui a fourché, la langue lui a manqué, c'est-à-dire: Il a prononcé par méprise un mot pour un autre.

TOURNER UN HABIT. Est une expression gasconne et incorrecte. Ne dites donc pas: Habit tourné, pantalon tourné, redingotte tournée. Dites: Habit retourné, pantalon retourné, etc.

215 TOURNER (SE), v. pron. S'altérer, changer en mal, se cailler, tourner. Notre lait s'est tourné. Ce vin se tournera si l'on n'y prend garde. Nous disons aussi, par exagération, d'une personne qui a éprouvé une forte émotion, un saisissement violent et pénible: Son sang s'est tourné. Il faut dire: Le sang lui a tourné, c'est-à-dire: Il s'est fait dans son corps une révolution subite.

TOURNER (SE), v. pron. Nous disons figurément de quelqu'un qui est perplexe, embarrassé dans une affaire et qui ne sait quel parti prendre: Il ne sait de quel côté se tourner. On doit dire: Il ne sait de quel côté tourner.

† TOURNER (S'EN), v. pron. S'en retourner. Tourne-t'en, Gaspard: on serait en peine chez toi. Voici la nuit, tournons-nous-en. Expression languedocienne.

TOURNICOTER ou TOURNILLER, v. n. Tournailler, tourner fréquemment, rôder, virer, faire cent tours et détours. As-tu assez tournillé, assez viré, et t'asseyeras-tu enfin? Le dictionnaire de Bescherelle et le Complément de l'Académie disent que tourniller est peu usité en France. A Genève il est fort connu.

TOURPIN-TOURPINANT, loc. adv. Clopin-clopant. Aller tourpin-tourpinant, signifie: Manquer d'aplomb dans sa démarche, chanceler.

On voyait des trous à ses bas,
Ses souliers acculés. . . . Mais le plus ridicule
C'est qu'à chaque talon il avait une mule
Qui le faisait aller tout tourpin-tourpinant,
Ce qui lui donnait l'air d'un étieurne en marchant.
[Ch.]

Dans le patois vaudois, touerpin ou touarpeun, s. m., se dit d'une personne qui a le pied bot ou tordu, ou dont la démarche est gênée.

216 TOUSSILLER ou TOUSSOTER, v. n. Diminutif de «Tousser.» Tousser légèrement, avoir un peu de toux.

† TOUSSIR, v. n. Mon pauvre Joson a toussi depuis hier à soir jusqu'à ce matin. Terme français populaire et vieux français. Dans notre patois on dit: T'ci, et dans le patois de l'Isère, tussi.

TOUT, adj. Ne dites pas: Une fois pour tout; dites: Une fois pour toutes, c'est-à-dire: Une fois pour toutes les fois subséquentes. Fais bien attention, Albin: je te le dis une fois pour tout, et je ne le répéterai plus. Français populaire.

TOUT, adj. masc. Dans le tout commencement de son mariage, Alexis avait eu quelques égards pour sa femme. As-tu dansé hier à ce bal?—Un peu au commencement, au tout commencement. Cette expression, si fréquente chez nous, n'a point d'équivalent en français.

TOUT DE MÊME, loc. adv. Oui, d'accord, à la bonne heure, volontiers. Eh bien, Messieurs, faisons-nous la partie de billard?—Tout de même.

TOUT DE MÊME, loc. adv. Nonobstant cela, d'ailleurs. Je ne vous conseille pas d'aller au théâtre ce soir: tout de même il est déjà tard. Renoncez à ce grand voyage: tout de même la mauvaise saison n'est pas loin. Français populaire.

TOUT PREMIER (LE). Mes enfants, vous êtes des indiscrets, et toi, Mathurin, le tout premier. À quelle place es-tu dans ton école, Philippine?—Je suis la toute première. Dites: Et toi, Mathurin, tout le premier: Je suis la première. [Voyez le dictionnaire de l'Académie, au mot PREMIER.]

TOUT NOUVEAU, etc. Pour exprimer que les esprits légers et inconstants s'enthousiasment d'abord de tout ce qui est nouveau, mais s'en dégoûtent non moins vite, nous disons 217 proverbialement: Tout nouveau, tout beau, ou tout est beau. En français on dit: Au nouveau, tout est beau.

TRAFI, s. m. Prononciation vicieuse du mot trafic, dont le c doit se faire entendre.

TRAGAL, s. m. Sorte de filet, appelé aussi monte.

TRAGIVERSER ou TRÉGIVERSER, v. n. Tergiverser.

TRÂGUE, s. m. Aide-maçon, porte-mortier.

TRÂGUER, v. a. Porter, traîner, trôler. Se trâguer d'une promenade à une autre. Qu'as-tu fait hier, Lamboteau, qu'on ne t'a pas vu au sarcle?—Ma fiste, hier c'était Pâques, et j'ai fait comme les autres: j'ai trâgué ma cauque et mes ourious. Terme suisse. En allemand on dit: Tragen.

TRAÎNARD, ARDE, adj. Accent traînard, voix traînarde. Dites: Accent traînant, voix traînante.

TRAÎNASSER, v. a. Augmentatif de traîner; transporter sans soin et malproprement. Tu as une belle poupée toute neuve, et tu la traînasses partout. Se traînasser signifie: 1o Se salir en se traînant par terre; 2o Se trimbaler, flâner. En français, Traînasser, v. n., veut dire: Traîner en longueur. Ce mariage a bien traînassé.

TRAÎNE, s. f. État de santé languissant, indisposition qui se prolonge, maladie lente, abattement de force après un gros rhume. Notre Thérèse n'a pas ce qui s'appelle une maladie: elle a une traîne. Depuis cette mauvaise traîne, je n'ai jamais pu me rétablir comme il faut. Terme vaudois.

TRAÎNE-GAÎNE, s. f. Tout ce qui embarrasse la marche et qu'il faut traîner après soi. Ce qui m'ennuie à la promenade, c'est cette traîne-gaîne d'enfants. Dans le Jura, traîner la gaîne signifie: Porter les livrées de la misère. Dans le français populaire, traîne-gaîner, v. n., battre le pavé avec l'épée au côté.

218 TRAIN-TRAIN, s. m. Le train-train des affaires, c'est: Le cours ordinaire des affaires, la manière la plus ordinaire de les conduire. On dit de même: Le train-train de la maison; le train-train du bureau; le train-train du commerce. A Gap on dit: Le trintran. L'expression française est: Le trantran. Le trantran des affaires, etc.

TRAIT, s. m. Traite, étendue de chemin que l'on fait d'un lieu à un autre sans s'arrêter. Nous allâmes tout d'un trait de Genève à Bonneville. Terme méridional.

TRAITER POUR. Les médecins le traitaient pour un engorgement au foie: c'était un anévrisme du cœur. Dites: Les médecins le traitaient D'UN engorgement au foie, c'était, etc.

TRAÎTRISE, s. f. L'action de trahir, trahison. Terme franc-comtois, méridional, etc.

TRALAISON, s. f. Travée, travaison, rang de solives. Terme vaudois.

TRÂLÉE, s. f. Ribambelle, séquelle, quantité. Une trâlée de gamins. Une trâlée de mendiants. Une trâlée d'injures. Il nous lâcha une trâlée de sottises. Terme vaudois et fribourgeois.

TRANCANAGE, s. m. Changement de vase inutile et fâcheux. Quel trancanage me fais-tu? As-tu bientôt fini tous ces trancanages?

TRANCANER, v. a. Transvaser inutilement un liquide, et par là le perdre ou le gâter. Laisse-moi ce vin dans cette bouteille et ne le trancane pas tant. Que trancanes-tu là? Se trancaner, v. pron. Se trimbaler, aller sans but et par flânerie d'un lieu à un autre.

TRANCHER, v. n. Tourner, se cailler. Cette crême est tranchée. La sauce a tranché. Les tonnerres font trancher le lait. Terme suisse, savoisien, berrichon, etc.

TRANCIZION, s. f. Orthographe et prononciation vicieuse 219 du mot «Transition,» lequel se prononce tran-zi-cion.

TRANSPERCER, v. a. Mouiller d'outre en outre, mouiller jusqu'aux os, percer entièrement. Cette pluie battante nous a transpercés. Dans le nord de la France on dit: Trapercer.

TRANSVASAGE, s. m. Soutirage, remuage. Le transvasage du vin blanc se fait chez nous au mois de mars. Terme suisse, lorrain, etc. Transvaser est français.

TRANZI, ZIE, part. Prononciation vicieuse du mot «Transi» (transi de froid), que l'on prononce tran-cy, comme Nancy.

TRAPE, adj. Trapu, court et gros, courtaud. En Dauphiné et en Languedoc on dit: Trapet; à Lyon, trapot.

TRAS ou TRÀ, s. m. Terme des campagnards. Solive, poutre, grosse pièce de bois. Placer un tras; changer un tras; remuer un tras. Terme vaudois, fribourgeois, savoisien et lyonnais. Dans le patois de l'Isère: Trau; dans le patois lorrain, trais; en vieux français, trabe. R. lat. trabs.

TRAVAILLER QUELQU'UN. Se prend en mauvaise part et signifie: Solliciter quelqu'un, chercher à le gagner, à le capter, à le retourner. Travailler un juge. Le sieur N**, proche parent du président de la Cour, l'avait longtemps travaillé. Expression énergique, inconnue aux dictionnaires, mais usitée en Dauphiné, en Lorraine et sans doute ailleurs.

TRAVAILLER DE. Il travaille d'horlogerie. Elle travaille de couturière. Notre cousine travaille de lingère. Mr Mathieu travaille de gypier, etc. Dites: Il travaille en horlogerie; elle travaille en couture; notre cousine travaille en linge, en broderie, etc.

TRAVAILLER SUR. Travailler sur l'or; travailler sur le diamant, etc. Dites: Travailler en or, travailler en diamant, etc.

TRAVERS (LE). Se dit des étoffes et signifie: L'envers. Le 220 travers de ce drap est aussi beau que le droit. Voilà le droit, voilà le travers. Dites: Voilà l'endroit, voilà l'envers.

TRAVERSE, s. f., ou VENT DE TRAVERSE, s. m. Le vent d'ouest.

TRAVERSER UN PONT. Dites: Passer un pont. Le cheval s'abattit en traversant le pont de Carouge (en passant le pont de Carouge).

TREDAINE ou TRIDAINE, s. f. Tiretaine, drap grossier. Un habit de tredaine. Terme vaudois, jurassien, etc.

TREDON ou TREDAN, s. m. Bruit de désordre, tapage, tumulte. Entendez-vous ce tredon? C'est un tredon à essourdeler. Terme suisse. Selon Ch. Nodier, trudon signifie: Tambour. [Dictionnaire des onomatopées, 2e édition, p. 278.]

TREGUIGNE ou TIRE-GOUINE, s. f. Viande dure et filandreuse, viande de très-mauvaise qualité. Au sens figuré, treguigne est l'équivalent des mots canaille, crapule, objet de rebut, chose de néant. On dit aussi: Tregougne.

† TREMBLE, s. m. Tremblement, frisson. Quand je pense à cet horrible espectacle, le tremble me prend. Sa maladie commença par un grand tremble.

TREMBLER, v. a. Secouer, hocher. Trembler un arbre, c'est: Le secouer pour en faire tomber les fruits. On leur abandonna deux pommiers qu'ils tremblèrent à outrance.

TREMPE, adj. Trempé, extrêmement mouillé. Elle arriva toute trempe de sueur. Français populaire.

TREMPE, s. f. Volée de coups, rossée. Donner une trempe. Recevoir une trempe.

TREMPÉE, s. f. Terme des campagnards. Pluie abondante, pluie de durée qui trempe la terre. Il a fait une bonne trempée. Terme lorrain, etc.

TREMPOTTE, s. f. Mouillette, pain trempé dans du vin pur. Faire la trempotte. Terme jurassien. Dans diverses provinces 221 de France on dit: Faire la trempette; ailleurs, faire la trempinette, faire la trempusse.

TRENTE-SIX. Vous en avez trente-six, veut dire: Vous en avez menti. Il en a trente-six, il en a menti.

TRÉPER, v. a. Terme des campagnards. Marcher sur. Tu me trèpes (tu marches sur ma robe). Dans le patois limousin: Trepa lo terro, piétiner la terre, etc. En Lorraine, tripler signifie: Fouler aux pieds. En vieux français on disait: Triper et trepper. R. lat. tripudio.

TRÈS, adv. C'est mal parler que de dire: J'ai très-faim; j'ai très-soif; j'ai très-sommeil; j'ai eu très-peur; tu as très-raison; elle a très-mal au pied. Ce pauvre Nicolin aurait très-besoin d'un chapeau. Je te prête mon joli parapluie, mais tu en auras très-soin. Vos petites friandises ont fait très-plaisir. Tu as très-tort de désobéir, Ferdinand. C'est très-dommage de chapler ce morceau d'étoffe, etc. L'adverbe très ne doit pas modifier un substantif. Les phrases suivantes sont donc aussi incorrectes: Ce jeune homme fait très-l'aimable; il fait très-le gentil et sa sœur fait très-la savante.

TRESSAUT, s. m. Tressaillement. À ce coup de canon, je fis un tressaut. «Je redoublai de sommeil, après avoir été secoué par un énorme tressaut.» [Töpffer, Le Presbytère, p. 36.] En vieux français, tressault signifie: Action de sauter, action d'enjamber. Tressauter est dans quelques dictionnaires.

TRIAILLE, s. f. Triage. Faire une triaille. Ce n'est que de la triaille (ce n'est que du rebut). Terme méridional.

TRICOTER, v. a. Bâtonner, rosser. Terme vieux français. «Tricot,» gros bâton, est français.

TRIÉGE, s. m. Toile ouvrée. Triége uni, triége façonné. Terme suisse, savoisien et franc-comtois.

TRIÉGÉ, GÉE, adj. Ouvré, ouvrée. Serviette triégée.

222 TRIFOUILLER, v. a. Farfouiller.

TRIMAILLEMENT, s. m. Mouvement, trémoussement. Dans le français populaire, «Trimer» signifie: Marcher vite et avec fatigue.

TRINCANAGE, s. m. Voyez TRANCANAGE.

TRINCANER, v. n. Voyez TRANCANER.

TRINGUE, s. f. Tringle. Tringue de rideau. Pourrais-tu m'avanter cette tringue? Terme lyonnais et vieux français.

TRINGUETTE, s. f. Pour boire, petite gratification. La tringuette du cocher. A Neuchâtel on dit.: Le tringuelt; en allemand, Trinkgeld.

TRINQUEBALLER, v. a. Augmentatif de «trimballer,» qui signifie: Traîner, mener, porter partout. Terme français populaire. Dans le canton de Vaud on dit: Tringuemaller.

TRIÔLE, s. f. Répétition d'un air de musique plaintif et ennuyeux, ritournelle fatigante. Ne continue pas cette triôle. Dis-donc, quinquerneur, tu nous impatientes avec ta triôle. Terme suisse. Au figuré, nous appelons triôle, une personne ennuyeuse, et qui rabâche toujours les mêmes choses.

TRIÔLER, v. a. Répéter plaintivement la même chose, importuner par des demandes réitérées. Va-t'en, Alexis, tu me triôles. Que triôles-tu là depuis trois quarts d'heure? Dans le canton de Vaud on dit: Triouler. R. triolet, petite poésie de huit vers dont le premier se répète deux fois.

TRIPOT, s. m. Nous donnons à ce mot un sens qu'il n'a pas en français. Tripotage, manigance, micmac, menée sourde, cancan. Faire des tripots. Se mêler dans un tripot. N'êtes-vous pas dégoûté de leurs tripots? Bescherelle, qui seul fait mention de ce mot, pris dans ce sens, le donne comme peu usité. Il est fort connu chez nous.

TRIPOTEUR, EUSE, subst. Tripotier, tripotière, celui ou celle qui se mêle de tripotages. Terme suisse et savoisien.

TRIURES, s. f. pl. Épluchures.

TRIVOUGNER, v. a. Tirailler quelqu'un ou quelque chose; 223 secouer, ébranler en secouant. Dans le patois vaudois on dit: Trevougni ou tservougni.

TROC. De troc ou de broc. En français: De bric et de broc. [Bescherelle.] Il mène ma vache en champ, et elle se nourrit de troc et de broc.

TROCHER, v. n. Se dit du blé et signifie: Taller, donner trop de tiges. Les blés ont troché. Terme vaudois et fribourgeois. Dans le Jura on dit: Trucher.

TROIS-QUARTS, s. m. Ancienne petite monnaie genevoise, valant trois centimes ou à peu près. Les trois-quarts ont cessé d'être frappés l'an 1610.

TROIS-VINGTS. Nom de nombre. Soixante. Quand j'avais mes trois-vingts, disait un vieillard de Veirier, je labourais encore à la pelle, et je conduisais la charrue. Terme vaudois et vieux français.

TROMPETEUR, s. m. Celui qui s'amuse à sonner de la trompette. Les petits garçons parfois sont d'ennuyeux trompeteurs.

TRONCHE DE NOËL, s. f. Bûche de Noël, souche de Noël. Faire caquer la tronche, signifie: Frapper sur la bûche pour en faire tomber les dragées ou autres friandises que les parents y ont introduites dans le but d'amuser leurs enfants. Le mot de tronche est connu en Suisse, en Franche-Comté et sans doute ailleurs. R. lat. truncus.

TRONC DE CHOU, s. m. Trognon de chou, trou de chou, tige du chou dont on a ôté les feuilles. Dans le Jura on dit: Trôt de chou.

TROP À BONNE HEURE. Dites: De trop bonne heure, et non pas: Trop de bonne heure.

TROTTÉE, s. f. Trotte, course, traite, espace d'un lieu à un autre. Nous fîmes sans nous arrêter une trottée de sept lieues.

TROU, s. m. Trouée, ouverture dans l'épaisseur d'une haie. Terme gascon.

224 TROUILLÉ, LÉE, adj. Se dit principalement des fruits, et signifie: Patrouillé, gâté, mal manié, écrasé, mouillé, qui a perdu toute sa fraîcheur. Des raisins trouillés. En Normandie et dans le Berry, trouiller, v. a., signifie: Salir. En vieux français, ce verbe signifiait: Chiffonner en pressant. Dans le patois limousin, troulia, chiffonner. Notre mot patois trolli (ll mouillés), veut dire: Pressurer.

TROUILLON, s. m. Femme sale et mal vêtue. En patois on dit: Trouye, et dans le français populaire, trouille.

TROUPE, s. f. Grande quantité, ribambelle. Une troupe de sottises, une troupe d'injures. Tu nous débites là une troupe de bêtises. Français populaire. C'est aussi une faute de dire: Une troupe de monde; il faut dire: Une troupe de gens.

TROUPELÉE, s. f. Grande troupe, ribambelle, potée. Une troupelée de badauds. Une troupelée d'enfants. Dans le patois limousin, troupel, et en vieux français, troupelet, signifient: Troupeau, petit troupeau.

TROUSSEPET, s. m. Petit enfant chétif, mais intelligent, agréable et gentil. Dans le français populaire, trousse-pette se dit par mépris en parlant d'une petite fille. En Normandie, troussepin se dit d'un enfant espiègle.

TROUVE, s. f. Trouvaille. Faire une trouve. Quelle fameuse trouve tu as fait là! Terme français populaire.

TRUIASSE ou TRUYASSE, s. f. Femme très-malpropre, femme dégoûtante et repoussante par la saleté et le désordre de ses vêtements. Augmentatif du mot «Truie.»

TRUIE, s. f. Nous disons proverbialement d'une chose qui se détériore considérablement: Elle s'en va en chair de truie. Si la pluie continue de la sorte, toute notre récolte s'en ira en chair de truie. Allusion à la viande des truies portières, laquelle fait beaucoup de déchet.

TRUIERIE, s. f. Vilenie, saleté, ordure, obscénité. Dire des 225 truieries. Balayez-nous ces truieries. Pousser à cet excès la lésine, c'est une truierie. Terme vaudois.

TRUQUER, v. n. Cosser. Se dit des bêtes à cornes et surtout des béliers qui heurtent de la tête les uns contre les autres.

TUBÔTU, s. m. et adv. Acheter du bois, acheter du foin au tubôtu. Faisons de ces diverses marchandises un tubôtu. Terme fribourgeois, etc. Voyez AUTU-BÔTU.

TUFELLE, s. f. Terme des campagnards. Pomme de terre. Planter les tufelles; arracher les tufelles. En Languedoc on dit: Tufère ou tufène, terme formé du mot trufe ou trufle, par lequel on désigna d'abord les pommes de terre dans tout le midi de la France.

TUILE COURBE. Dites: Tuile creuse, tuile faîtière, ou tuile en gouttière.

TUILIÈRE, s. f. Tuilerie, lieu où l'on fait la tuile. La tuilière d'Hermance; la tuilière de Châtelaine; la tuilière Colliard, près de Carouge. Terme suisse, savoisien et méridional.

TUILON, s. m. Tuileau, morceau de tuile cassée. Terme lorrain.

TUNE, s. f. Ribote, gala, débauche de table. Faire une tune. Terme vaudois.

TURBENTINE, s. f. Térébenthine. Huile de turbentine. Terme vieux français. En Dauphiné et en Languedoc plusieurs disent: Tourmentine.

TURLUBERLU ou TURLUBRELU, s. m. Hurluberlu, étourdi, évaporé, écervelé. Quel tapageur que votre neveu! quel étourneau! quel turlubrelu! Terme vaudois, neuchâtelois, lyonnais, bordelais, etc. Voyez HURLUBRELU.

TUTAYEMENT, s. m. Tutoiement, action de dire tu et toi en s'adressant à quelqu'un. Voyez le mot suivant.

TUTAYER, v. a. User des mots tu, te et toi en parlant à 226 quelqu'un. Beaucoup d'amis et de très-bons amis ne se tutayent pas. Dans le dix-septième siècle et dans la première moitié du dix-huitième, on écrivait «tutoyer» et on prononçait tutayer. [Voyez le dictionnaire de l'Académie française, Ire édit., 1694.] Aujourd'hui on écrit et on prononce «tutoyer,» je tutoie, elle tutoyait.

U

ULCÈRE, s. f. Une ulcère. Ce mot est masculin.

UN, UNE, adj. Un est mis abusivement pour «deux» dans l'exemple suivant et dans les exemples analogues: De ces quatre frères il n'y en a pas un qui se ressemble. Dites: Il n'y en a pas deux qui se ressemblent.

UN (LE). Le premier. Quel jour sommes-nous?—Nous sommes le un. Quand partez-vous?—Je pars le un.

UNE, adj. num., suivi du pluriel. Une heure ont sonné, est une de nos plus étranges fautes.

UNIFORME, s. m. Nous disons: Un habit d'uniforme; endosser l'habit d'uniforme, etc. On doit dire: Un habit uniforme, ou: Un uniforme. Endosser l'uniforme; prendre l'habit uniforme.

UN TANT SOIT PEU, s. m. Tu as beaucoup de tabac, donne-m'en un tant soit peu. Dites, en retranchant l'adjectif un: Donne-m'en tant soit peu.

USAGE, s. m. Service, user, s. m. Prenez sans crainte cette étoffe; prenez hardiment ce drap: ils vous feront beaucoup d'usage; ils vous seront d'un bon usage; ils deviendront même plus beaux par l'usage. Dites, avec le dictionnaire de l'Académie: Ils seront de bon user; ils seront de bon service; ils deviendront plus beaux par l'user.

227 USE, adj. Usé. Un pantalon use; une redingotte use. Terme connu dans le Berry, et sans doute ailleurs. Employé figurément, ce mot signifie: Décrépit. Le voisin N** est mort à l'âge de trente-huit ans, et il était déjà tout use. Expression triviale.

USE, s. f. Terme de charron. Esse, cheville en forme de S.

USER, v. n. Nous disons proverbialement: Qui refuse n'use. On doit dire: Qui refuse muse; ce qui signifie: Que celui qui refuse une offre a tort, et perd souvent une occasion qu'il ne retrouvera plus.

UTENSILE, s. m. Ustensile. La pauvre Gothon a vendu jusqu'à son dernier utensile. Terme méridional et vieux français. R. lat. utensile.

UVES, s. f. pl. Voyez ŒUVES, p. 66.

V

VACHE, s. f. Nous disons proverbialement et injurieusement, en parlant d'une personne peu recommandable et qui est revenue d'une maladie grave: Il mourrait plutôt la vache d'un pauvre homme. En Languedoc on dit: Il mourrait plutôt l'âne d'un pauvre homme. Dans le français populaire: Il mourrait plutôt un chien de berger. [Voyez le Dictionnaire du Bas langage, t. Ier, p. 198.]

VACHE, s. f. Vaquette, pied de veau, plante qui fleurit dans les haies pendant les mois d'avril et de mai.

VACHE, s. f. Se dit figurément d'une personne qui est à la fois très-corpulente, très-molle et très-apathique. Terme bas et grossier.

VACHE, s. f. Noyau d'abricot taché de blanc. Terme d'écolier.

228 VACHERIN, s. m. Sorte de fromage à la crême, lequel se fabrique surtout dans le Chablais. «Les vacherins que vous m'envoyez, seront distribués en votre nom.» [J.-J. Rousseau, Lettre écrite de Motiers-Travers à Mr D'Ivernois.]

VACILLER, v. n. (ll mouillés.) On doit prononcer va-cil-ler.

VACILLEMENT, s. m., n'est pas français; on dit: Vacillation, et l'on prononce va-cil-la-tion.

VAILLANT, ANTE, adj. Se dit des domestiques et des ouvriers, et signifie: Actif, diligent, ardent à l'ouvrage, laborieux. Notre Suzette est une fille sage et vaillante. Terme méridional, vieux français, etc.

VADER, v. n. S'esquiver, s'évader, partir à la sourdine.

VAILLE QUI VAILLE, loc. adv. Vaille que vaille, à tout hasard, quelle que soit la valeur de la chose. Acceptez sa promesse, vaille qui vaille. Contentez-vous d'une signature, vaille qui vaille. Dites: Vaille que vaille.

VALÉRIENNE, s. f. Valériane, plante médicinale.

VALET, s. m. Terme d'amitié qu'on donne quelquefois aux petits garçons. Ne pleure pas, tu es mon valet. Viens, mon valet, viens, que je t'embrasse.

VALEUR, s. f. Appoint. Les bordereaux sont ordinairement ainsi conçus: Écus, 60.—Valeur, 3 fr. 50 c. Dites: Appoint.

VALSER, v. n. S'esquiver, s'évader, se sauver, prendre la poudre d'escampette. Français populaire.

VANGERON, s. m. Petit poisson particulier à notre lac et à celui de Neuchâtel. Mr Jurine lui donne le nom de «Rosse.» A Neuchâtel on l'appelle: Vingeron. Mr Grel, dans son Vocabulaire, l'appelle: «Gardon.»

VANNER, v. n. Décamper, s'esquiver, filer, s'échapper. Terme français populaire.

VANTADOUR, s. m. Fanfaron, vantard. Faire le vantadour. Terme neuchâtelois.

229 VANTAU, s. m. Contrevent extérieur. Ouvrir les vantaux; fermer les vantaux; arrêter, fixer les vantaux. Terme vaudois, neuchâtelois, dauphinois et vieux français. Ce mot, recueilli par Gattel (grammairien dauphinois), et copié par Boiste, a été repoussé par Mr Bescherelle, dont le dictionnaire est cependant un lieu de refuge, ouvert à tous les genres de barbarismes. En français, «Vantail,» dont le pluriel est «Vantaux,» signifie: Battant d'une porte, battant d'une fenêtre.

VARIEMENT DE CŒUR, s. m. Défaillance. Voyez le mot suivant.

VARIER, v. n. Avoir des vertiges, défaillir. Le cœur lui varie. Le cœur me variait, c'est-à-dire: J'avais des vertiges. Expression principalement familière aux campagnards.

VARIER, v. n. Corruption de avarier. Parmi les arbres ou arbrisseaux plantés en hiver, il y en a qui varient à la sève du printemps, c'est-à-dire: Qui se détériorent ou périssent.

VASE, s. m. Tonneau, fuste.

VASE, s. m. Ce mot s'emploie chez nous en parlant d'une église, d'une galerie, d'une bibliothèque, et autres grandes pièces d'un bâtiment considérées en dedans. Notre temple de Saint-Pierre est un beau vase. La voix de ce prédicateur remplit aisément les plus grands vases. Dans ces deux exemples, et dans les analogues, dites: Vaisseau. «L'église de Notre-Dame de Cambray est un très-beau vaisseau.» [Pellisson.]

VEAU, s. m. Nous disons d'une vache qui a mis bas: Elle a fait le veau. Dans le Berry on dit: Elle a fait veau. Il faut dire: Elle a vêlé. «Faire le veau» se dit d'une personne qui s'étend nonchalamment.

VEILLER, v. n. Terme consacré pour dire: Passer la veillée, passer la soirée ou l'après-soupée chez un voisin, chez 230 un ami, chez un parent. Femme, où veilles-tu ce soir (où vas-tu à la veillée ce soir)?—Je veille chez ma belle-sœur. Demain on veillera tous chez le grand-papa. Terme languedocien.

VEILLER (SE), v. pron. Veiller, surveiller, observer. Claudine, veille-toi ce rôdeur, veille-te-le bien.

VEINE, s. f. Les veines de dessus la main devenant ordinairement fortes et saillantes par le travail manuel, on dit proverbialement: Qui voit ses veines, voit ses peines. Ce dicton s'étend encore aux personnes dont la main est amaigrie par l'âge ou par la maladie.

VENDAGE, s. m. Sorte de cabaret, où l'on vend le vin en détail, mais où l'on ne donne pas à manger. Établir un vendage. Nous ferons une halte au premier vendage. Terme vaudois et neuchâtelois. En vieux français, vendage signifie: Vente, débit.

VENDANGETTE, s. f. Sorte de grive, grive musicienne.

VENDANGEUSE, s. f. Petite fleur blanche, qui fleurit vers le temps de la vendange.

VENDÔME (FAIRE). Vendre ses hardes, ses effets. Il a été obligé de faire vendôme de tout son butin. [G. G.]

VENDRE, v. a. Ce terme des écoliers, dans leurs divers amusements sur la neige et la glace, signifie: Atteindre, culbuter, faire pirouetter. Gare! gare! tu es vendu. Ne me vends pas, Antoine; s'il te plaît, ne me vends pas!

VENDRE VIN, v. a. Débiter du vin. Terme suisse, berrichon, etc.

VENGERON, s. m. Sorte de poisson. Voyez VANGERON.

† VENIMEUX, EUSE, adj. Malsain, parlant des personnes. Un enfant venimeux, dans le langage très-populaire, est un enfant dont le sang est vicié.

VENIR, v. n. Devenir. Depuis ces bonnes pluies, la campagne 231 est venue bien verte. Je crois, ma chère, que je viens sourde. Terme français populaire.

VENIR (SE), v. réfl. Cet enfant a une excellente nourrice: il se vient bien (il vient bien), c'est-à-dire: Il prospère, il grossit, il prend un air de santé. Notre Émélie, qui était toute moindrolette, il y a deux mois, se vient très-joliment aujourd'hui.

† VENIR (S'EN), v. pron. Ce verbe est français. On dit: Venez-vous-en; t'en viens-tu? etc. Mais on ne dit pas, au parfait indéfini: Elle s'est en venue; ni: Je me suis en venu; elle s'en est en venue; tâchez voir que Jean-Pierre s'en en vienne. On dit: Elle s'en est venue; tâchez que Jean-Pierre s'en vienne, etc.

VENIULE, s. f. Venelle, passage étroit, sentier. Il s'est échappé par la veniule; il a pris une mauvaise veniule; il a manqué la veniule. Au sens figuré: Être dans la veniule, enfiler la veniule, signifie: Être dans la bonne voie; trouver le moyen de réussir.

VENT, s. m. Les vents qui règnent dans le bassin de Genève et sur le lac Léman sont au nombre de huit, savoir: 1o Le Môlan ou la Môlanne (vent d'est), ainsi appelé parce qu'il vient du côté de la montagne du Môle: vent paisible et qui n'est presque jamais orageux. 2o Le Bornand (vent du sud-est), ainsi nommé parce qu'il vient du côté des montagnes du Grand et du Petit-Bornand, en traversant les Bornes et le mont Salève. Il souffle ordinairement par rafales et excite de grands orages. 3o Le Creuseilland (vent du sud), ainsi appelé parce qu'il vient du côté de Creuseille et du mont de Sion. C'est le vent proprement dit. Il souffle le plus souvent par bouffées, et occasionne quelquefois de grands orages. Quand il amène la pluie, elle dure assez longtemps. 4o Le Michailland (vent du sud-ouest), ainsi nommé parce qu'il vient du côté de la Michaille, petit pays 232 situé sur la rive droite de la Valserine, à l'ouest du fort de l'Écluse. Quand il souffle en été, c'est une espèce de sirocco; et s'il règne durant quelques jours aux approches des moissons, il fait venter les blés, qui dépérissent et ne produisent que des grains avortés ou retraits. 5o Le Bourguignon (vent d'ouest), ainsi appelé parce qu'il vient de la Bourgogne, du côté de Chézery et de Lélex. Il traverse le mont Jura, et s'abat quelquefois avec furie sur les villages du pays de Gex situés au pied de cette montagne. 6o Le Joran (vent du nord-est), qui vient du côté de la partie du Jura qui avoisine la ville de Gex. Il souffle ordinairement par bouffées et excite souvent de grands orages. 7o La Bise (vent du nord). Elle amène d'ordinaire le beau temps. Si elle est accompagnée de pluie, on la nomme Vouaret, dans certaines localités. 8o Le Séchard (vent du nord-est), ainsi nommé à cause de sa qualité desséchante. Il nous arrive par le lac et amène presque toujours le beau temps. Quand il règne, le ciel est serein ou peu chargé de nuages. Le peuple du bassin de Genève l'appelle aussi, dans son langage expressif: La Dame de Lausanne, Notre Dame de Lausanne. [P. G.]

VENT (LE). C'est ainsi que nous désignons d'un seul mot le Vent du midi. Le vent s'élève, nous aurons de l'eau. Le vent n'est pas comme les vieilles femmes, il ne court pas pour rien, c'est-à-dire: Qu'en dernier résultat il amène un changement de temps et la pluie.

VENT BLANC, s. m. C'est le nom que nous donnons au vent du midi, quand il souffle sans couvrir le ciel de nuages. Terme neuchâtelois.

VENTER, v. n. Nous disons d'une chandelle allumée qu'elle vente, lorsque la flamme en est agitée par le vent et que le suif se fond plus vite. Nous le disons aussi des rideaux. Les rideaux ventent lorsqu'ils sont mis en mouvement par l'action de l'air.

233 VENTER, v. n. Se dit des blés, et signifie: Être attaqué de la maladie appelée nielle ou carie. Les blés ventent lorsque, étant à peu près mûrs, ils sont surpris par des rosées froides et fortes, sur lesquelles tombe dès le matin un soleil très-chaud.

VENTRAILLE, s. f. Tripaille, intestins des animaux. Terme languedocien, vieux français, etc.

VENTRE, s. m. On dit dérisoirement d'un prodigue à qui il ne reste plus rien: À présent qu'il a tout dépensé, il est obligé de se frotter le ventre avec un carron (une brique). Figurément, Se frotter le ventre avec un carron (voyez CARRON), signifie: Se passer de manger. On dit à Paris dans le même sens: Se serrer le ventre. [Dictionnaire des locutions vicieuses.] Nous disons figurément dans le même sens: Danser devant le buffet.

VENTRE, s. m. Nous disons à un enfant, qui étant servi abondamment d'un mets, ayant son assiette bien garnie ou sa poche pleine, se plaint encore de n'avoir pas assez: Tu as les yeux plus grands que le ventre. Dites: Que la panse.

VERDAÎRULE ou VERDERULE, s. f. Verdule, verdelet, bruant.

VERGILLON, s. m. Petite verge, petite baguette. Se dit surtout de cette baguette de noisetier que les pêcheurs ajoutent à l'extrémité du roseau qui leur sert de ligne. Terme vaudois. En vieux français, verjon.

VERGNE, s. m. Verne, aune, sorte d'arbre qui croît au bord des eaux. Terme vieux français. Nos campagnards lui donnent le genre féminin.

VERNET, s. m. Verney, lieu planté de vernes ou aunes. La campagne des Vernets. L'hospice des Vernets.

VERSÉE, s. f. Signifie: 1o Une rasade, un plein verre; 2o Une averse. Je te demande un peu de vin et tu me flanques une versée.

234 VERSER, v. a. Répandre. Lequel de vous, mes enfants, a versé cette encre? Tu veux te servir toi-même, Ernestine, et tu verses la sauce sur la nappe. Français populaire.

VERSER, v. a. Nous disons figurément d'un marchand, d'un commerçant qui, par sa faute, a fait de mauvaises affaires et s'est ruiné: Il a versé son écuelle.

VERSER, v. n. Se répandre par les bords. Viens vite, Jeannette, ton lait verse; ta cassette va verser. Expression méridionale.

VERSI VERSÀ, loc. adv. Vice versâ, qu'on prononce vicé-versâ; termes latins qui signifient: «Réciproquement.»

VERT, s. m. Faire le vert et le sec, signifie: Se donner toutes les peines du monde pour réussir dans une affaire. L'Académie et les Dictionnaires de proverbes disent: «Employer le vert et le sec.»

VESSICATOIRE, s. m. Écrivez «Vésicatoire» et prononcez vé-zi-ca-toire.

VESTE, adj. À demi ivre, gris. Il est veste.

VESTE, s. f. Nous disons de quelqu'un qui a trop bu: Il a sa veste, la plus belle veste du monde, laissons-le dormir. Il a pris une veste. On dit aussi: SE VESTER, pour: Se griser.

VICAILLE, s. f. Victuaille, provisions de bouche. Il y a assez de vicaille dans leur maison.

VICOTER, v. n. Vivoter, vivre petitement, subsister pauvrement et avec peine. Avec ces quarante francs, ils purent vicoter deux mois. Terme lyonnais, etc. En vieux français, Vicquer signifie: Vivre, être en vie.

VICREUSE (LA). C'est le nom de divers petits chemins dans notre canton. Vicreuse ou Vie-creuse veut dire: Voie creuse, chemin creux. En patois, vî-a ou signifie: Chemin. R. lat. via.

VIDÉE, s. f. Action de vider ou de se vider. S'emploie au 235 sens propre et au sens figuré. Ils sont tous partis! voilà une fameuse vidée!

VIDEUSE (UNE). Terme de la fabrique d'horlogerie, ouvrière qui découpe le coq de la montre.

VIDOLET, s. m. Terme des campagnards. Sentier particulier. Le vidolet de Sierne. Dans le patois de l'Isère et en vieux français on dit: Violet.

VIEILLE, s. f. Vielle; instrument de musique fort connu. Jouer de la vieille. Terme français populaire.

VIEILLOPET, ETTE, adj. et subst. Vieillot, vieillote, qui commence à avoir l'air vieux: Une petite vieillopette.

VIEULIET ou VIEULIER, s. m. Violier, giroflée. Un vieuliet double. Terme savoisien, lyonnais et méridional.

VIEUX FER. Être au vieux fer, est une expression figurée qui s'emploie en parlant des personnes et qui signifie: N'être plus bon à rien. Mettre au vieux fer, veut dire: Rebuter, dédaigner. Ils ne veulent plus rien de moi, et ils me laissent de côté! Ils s'imaginent donc que je suis déjà au vieux fer.

VIEUX JOIN, s. m. Vieux oing, vieille graisse de porc fondue, dont on se sert pour frotter les voitures. «Oing» est le mot latin unctum.

VIGOUREUSE, s. f. Sorte de poire. Voyez VIRGOUREUSE.

VINOCHE, s. f. Mauvais vin, piquette, vin. Retire-toi, Bastian, retire-toi bien vite, tu pues la vinoche.

VIOLETTES, s. f. Être aux violettes est une expression figurée et facétieuse qui signifie: Être pensionnaire de l'Hôpital et placé comme tel chez des campagnards. On dit dans le même sens: Être aux avant-postes.

VIOLONNER, v. n. Jouer du violon. Se dit de celui qui fatigue ses alentours en râclant ou en étudiant.

VIOLONNER, v. a. Répéter toujours la même chose, rabâcher, fatiguer par d'ennuyeuses redites. Terme vaudois.

236 VIOLONNEUR, s. m. Mauvais joueur de violon, râcleur. La peste soit du violonneur! Terme languedocien, etc.

VION-NET, s. m. Terme des campagnards. Petit sentier public. Vous accourcirez en prenant ce vion-net.

VIRABOQUET, VIREBOQUET, ou VIREBREQUET, s. m. Jouet d'enfant. Noyau d'abricot percé, dans lequel on enfile un petit bâton planté dans une pomme de terre et qu'on fait tourner au moyen d'une ficelle ou d'un fil ajusté au noyau.

VIRABOUQUIN, VIREBOUQUIN ou VIREBREQUIN, s. m. Vilebrequin, outil d'artisan qui sert à trouer, à percer du bois, de la pierre, et autres corps durs. On dit à Lyon: Virebroquin.

VIRE-DE-PIED, s. m. Croc en jambe.

VIRE-DE-PIED, s. m. Mesure d'un travers de pied. La largeur de sa chambre était de sept pieds et un vire-de-pied. On dit aussi: Revire-de-pied.

VIRER CASAQUE. Tourner casaque, changer de parti.

VIRER L'ŒIL. Tourner de l'œil, mourir. Regarde cette pauvre truite, comme elle vire l'œil. Expression limousine.

VIRET, s. m. Sorte de miton chaud.

VIRET, s. m. Escalier en limaçon. Dans le patois vaudois, vira, s. f. signifie: Vis de pressoir.

VIREVOÛTE, s. f. Tours et détours, circuits, sinuosités. Les virevoûtes d'un couvent; les virevoûtes d'un bois. Terme vaudois et languedocien. Les mots «virevolte et virevouste» ont la même origine que notre mot de virevoûte, mais ils n'ont pas le même sens. Virer signifie: Tourner, et volte, vouste et voûte sont une corruption du mot latin vultus, visage, face.

VIRGOUREUSE, s. f. Sorte de poire d'hiver, appelée en français: «Virgouleuse.» Virgoulé est le nom d'un village près de Limoges, d'où ces poires se sont propagées.

VIROLET, s. m. Remous, tournant dans une eau courante. 237 Prends garde à ce virolet; ne va pas nager près de ce virolet. Terme vaudois et savoisien.

VIROLET, s. m. Toton, jeu d'écolier.

VIROLET, s. m. Tourniole, panaris qui fait le tour de l'ongle. R. virer.

VIROTTER, v. n. Se prend d'ordinaire en mauvaise part, et signifie: Tourner et virer autour de quelqu'un. As-tu assez virotté? Si tu virottes encore dans cette chambre, je te renvoie.

VIS (UN). Mettre un vis. Dites: Mettre une vis. Ce mot est féminin.

VISAGÈRE, s. f. Le masque d'une poupée. Mettre une visagère; casser une visagère; changer de visagère. Terme suisse et savoisien. Dans l'évêché de Bâle on dit: Visagière. En vieux français, visagière signifie: Visière d'un casque.

VIS-À-VIS, prép. Envers. Il eut des torts graves vis-à-vis de son tuteur. Il se conduisit très-mal vis-à-vis de sa grand'mère. Cette faute choquante n'en sera bientôt plus une, tant elle s'est propagée, et tant l'usage qu'en font plusieurs écrivains l'a sanctionnée. Introduite en France par J.-J. Rousseau, cette expression fut dès l'origine attaquée vivement par Voltaire. Mais le philosophe de Genève, plus lu et plus goûté que le philosophe de Fernex, triompha de son opposant, et le barbarisme trône aujourd'hui.

VISICATOIRE, s. m. Vésicatoire. R. vesica.

VISIÈRE, s. f. Nous disons figurément, en parlant de quelqu'un avec qui nous avons cessé toute relation, tout commerce d'amitié: J'ai rompu en visière avec lui. En français on dit: Je lui ai rompu en visière; et cela signifie: Je l'ai contredit en face et brusquement.

VISITANT, s. m. Visiteur.

VIS OUVERTS (À). À huis ouverts, c'est-à-dire: Avec les 238 portes ouvertes, les portes restant ouvertes. Le mariage civil se fait toujours à vis ouverts. Vis (prononcez visse) est une corruption du vieux mot huis (porte), d'où l'on a fait le mot «huissier.» R. ostium.

† VISSE-VERSÀ, loc. adv. Écrivez «Vice versâ» et prononcez vicé-versâ.

VITAILLE, s. f. Terme des campagnards, provision de bouche, vivres, victuaille. Terme vieux français.

De ses deniers assez li baille
Por achater de la vitaille.

[Voyez Roquefort, Glossaire de la langue romane, t. II, p. 723.] En languedocien on dit: Bitaille.

† VITRE (UN). Une vitre. Femme, fais donc remettre ce vitre. Solécisme franc-comtois, etc.

VIVE, s. f. Alevin, milcanton, réunion de diverses espèces de très-petits poissons. «Il est défendu de pêcher et de vendre du fretin connu sous le nom de vive.» [Règlement de police de 1837.]

VOCATION, s. f. Ce mot ne signifie point, comme plusieurs le croient: État de vie, carrière, profession. Il faut donc éviter les expressions suivantes: Prendre une vocation; choisir une vocation; embrasser une vocation; quitter une vocation; changer de vocation, etc. «Vocation» signifie: Appel, mouvement intérieur, disposition naturelle qui nous porte à tel ou tel genre de vie. On dira donc fort bien: Les jeunes gens n'ont pas toujours la facilité de suivre leur vocation, c'est-à-dire: De suivre l'instinct, le penchant, le goût qui les pousse vers telle ou telle carrière. Notre cousin Salomon n'avait aucune vocation pour la carrière des armes; il a été cependant forcé de servir. «Vocation» est le mot exact dans ces deux exemples.

VOGUE, s. f. Fête patronale, fête de la commune. Les bals 239 de la vogue; les plaisirs bruyants d'une vogue. Terme savoisien, dauphinois et provençal.

VOILÀ, prép. Es-tu contente de ton nouveau cordonnier?—Voilà, c'est-à-dire: Je n'en suis ni contente ni mécontente.

VOIR ou VOIRE, adv. Attends voir, écoute voir, regarde voir, signifient: Attends un peu, écoute un peu, regarde un peu. Dis voir, Pierrot, va-t-on à Divonne dimanche? Ce terme, qui est si connu dans tous les pays où l'on parle français, vient du mot latin verè (vraiment), et joue le rôle que jouent en allemand les mots einmal, ein wenig. On trouve dans les Contes de La Fontaine le vers suivant:

Voire! écoutez le reste de la fête.

Ce qui revient à: Écoute voire.

VOIR (SE), v. pron. impersonnel. Paraître. Il se voit bien que tu es en colère. Il se voit bien que le beau temps ne durera pas. Expression dauphinoise, etc.

VOITURÉE, s. f. Toutes les personnes qui remplissent une voiture. Nous allâmes au pont de la Caille: la voiturée se composait de quatorze amis. Expression fort acceptable.

VOL, s. m. Un vol d'étourneaux; un vol d'hirondelles, etc. Terme méridional. En français on dit: Volée. «On voit des volées de deux ou trois cents pintades.» [Buffon.]

VOL, s. m. Prendre quelqu'un au vol. Dites: Prendre quelqu'un à la volée, c'est-à-dire: Choisir promptement et habilement l'instant fugitif où on peut le voir et lui parler.

VOLAILLE, s. f. C'est le nom qu'on donne en français à tout oiseau qu'on nourrit dans une basse-cour. La phrase suivante est donc tout au moins un peu bizarre. Ce n'est pas un poulet que je vous offre, Messieurs, c'est une volaille.

VOLANT, s. m. Faucille de nos moissonneurs. Aiguiser un 240 volant; emmancher un volant. Terme vaudois, jurassien et berrichon. Dans le patois de l'évêché de Bâle on dit: Voulain; en bas-limousin, voulan; en Dauphiné, volame. Dans le vieux français, voulain et voulant se disaient d'une espèce de serpe. [Voyez Roquefort, Glossaire, t. II, p. 731.]

VOLANT, adj. Nous disons que des oiseaux sont tout volants, lorsqu'ils sont drus comme père et mère. [P. G.]

VOLE, s. f. Mettre un oiseau à la vole, signifie: Le mettre au vol; lui faire prendre son vol.

VOLET, s. m. Les mots de volet et de contrevent ne sont pas synonymes. «Les Volets sont en dedans et s'appliquent sur le châssis des fenêtres, les Contrevents sont en dehors.» [Voy. Pautex, Recueil de mots français, p. 41.]

VOLETTE (À LA), loc. adv. Faire une chose à la volette, signifie: La faire trop vite et avec peu de soin, la faire à la volée et en courant. On dit aussi: Prendre une chose à la volette, saisir une chose à la volette.

VOLEUR, s. m. Filament enflammé de la mèche d'une chandelle, lequel fait couler le suif. Ne voyez-vous pas ce voleur à la chandelle? Ôtez donc ce voleur. Terme connu dans quelques provinces de France, dans la Flandre française, etc. [Dictionnaire roman-wallon, p. 209.]

VOLONTIERS, adv. Ordinairement. La Victorine a volontiers mal aux dents le soir. J'ai volontiers la migraine à la suite d'une grande émotion. Phrases dont chacun peut apprécier le ridicule.

VOUABLE, s. f. Clématite des haies, herbe aux gueux, sorte de plante grimpante qui fleurit au mois de juillet. Terme vaudois, neuchâtelois, franc-comtois, etc.

VOUAFFE, s. f. Au sens propre, boue liquide, bouillon trop clair, sauce mal liée. Leur soupe n'était que de la vouaffe.

241 VOUAFFER, v. n. S'enfoncer dans un liquide épais. La pluie survint, on vouaffa dans le patrigot. Ce mot et le précédent sont des onomatopées dignes de remarque.

VOUAI, s. m. Terme des campagnards. Sorte d'épervier.

VOUARAI ou VOUARET, s. m. Bise noire et pluvieuse.

VOUÂRE, s. f. Terme des campagnards. Mars, larve de hanneton, et le hanneton lui-même. Terme vaudois et savoisien.

VOUAREUX, EUSE, adj. Qui a la morve au nez. Un enfant vouareux.

VOUARGNE, s. m. Terme suisse-roman qui signifie: Sapin blanc. L'ancien Glossaire appelle Vouarme, le Sapin femelle.

VOUÈPE, s. f. Femme maligne, femme méchante. En patois, vouèpe signifie: Guêpe. R. lat. vespa.

VOUÉPETTE, s. f. Diminutif de vouèpe. Voyez ce mot.

VOUGNER, v. n. Se dit de deux boules ou de deux palets qui se touchent. Voyez QUIQUE.

VOUGNER, v. actif. Remuer, fracasser en remuant. S'il vous plaît, Madame, ne vougnez pas tant mes œufs.

VOULOIR, v. a. Nous mettons il veut devant un infinitif, pour marquer le futur. Il veut pleuvoir; il veut faire beau; il veut neiger; il veut geler cette nuit, etc. Cette façon de parler est un germanisme.

VOUI. Mauvaise prononciation de: Oui.

VOULOIR, v. a. Nous employons les expressions: Si vous voulez, si tu veux, dans le sens de: «Médiocrement, honnêtement.» Y avait-il du monde à l'enterrement de Mr N**?—Il y en avait si vous voulez. Expression méridionale.

VOULOIR, v. a. Nous disons d'un homme indécis, d'un homme inconstant dans ses résolutions: Il ne sait pas ce qu'il se veut. L'Académie dit: Il ne sait pas ce qu'il veut.

242 VOULOIR, v. a. La conjugaison de ce verbe offre une grande difficulté dont peu de personnes se doutent. Au présent du subjonctif nous disons: Je ne partirai pas lundi, à moins que vous ne veuilliez partir avec moi. J'accepte votre magnifique melon, pourvu que vous veuilliez le manger avec moi et chez moi, etc. Il faut dire: «Que vous vouliez.» Voyez toutes les grammaires.

VOUSAYER ou VOUSOYER, v. a. Dire vous à quelqu'un, ne pas le tutoyer. Plusieurs maris vousayent leurs femmes. Quelques enfants vousayent leurs pères. Terme connu en France, mais que les dictionnaires, sans aucune raison plausible, n'ont pas accueilli. On disait en vieux français: Vosoyer.

VRAI (DE), adv. Vrai, au vrai, vraiment, véritablement. Parles-tu de vrai? Dis-tu tout cela de vrai? Me donnes-tu cette agate de vrai? Voici de vrai comment toute la chose s'est passée. Français populaire.

VUIDE, adj. Le grammairien Oudin, au commencement du dix-septième siècle, donnait sur ce mot la règle suivante: «Écrivez «vuide» et prononcez vide.» Actuellement on écrit et l'on prononce «vide.» Tonneau vide, estomac vide, bourse vide.

X

X. Dans les mots Deux, Eux et Ceux, le x est muet. C'est donc à tort que beaucoup de personnes prononcent deusse, eusse, ceusse, et disent, par exemple: Tous ceusse qui m'aiment; tous ceusse devant qui je parle; c'est eusse que j'accuse, etc.

243

Y

† Y, pronom personnel. À lui. Je l'y avais recommandé de prendre bien garde. Je l'y ferai ta commission, etc. Faute fort ancienne et fort répandue.

† Y, pronom relatif et démonstratif. Le, cela. Donne-m'y, Vincent.—Y voilà, prends-y tout. Les campagnards disent proverbialement: Qui tout y veut, tout y perd, c'est-à-dire: Que trop d'avidité perd l'homme.

Y, adv. relat. Est superflu dans les phrases suivantes: Il y a plu toute la nuit; il y a neigé sur le Jura; il y a gelé dans quelques bas-fonds. Il y aurait mieux valu se taire.

† Y AVOIR. Dans le langage populaire, Il y a lui, il y a elle, il y a eux, signifient: C'est lui, c'est elle, ce sont eux. M'sieu, il y a lui qui me crache contre. Mamzelle, il y a l'Andrienne qui m'empêche de tricoter.

YEUX, s. m. pl. Beaucoup de personnes, d'ailleurs instruites, disent: Des maux de z-yeux, un mal de z-yeux, une faiblesse de z-yeux. Il faut dire: Des maux d'yeux, un mal d'yeux, etc. Ne donnez donc pas le signalement d'une personne de la manière suivante: Cheveux châtains, front grands, bouche moyenne, z-yeux gris. Ce z-yeux gris, pour: Yeux gris, est une prononciation très-vicieuse.

Z

ZÈRE, s. m. Zéro. Quatre fois cinq font vingt: pose zère et retiens deux. Terme vaudois.

ZIZÉ, s. m. Terme enfantin, qui veut dire: Oiseau. Regarde 244 ce joli zizé; ne fais pas peur à ces zizés. Le mot isé, en patois, a le même sens.

ZON-NÉE, s. f. Retentissement. Le canon faisait des zon-nées terribles.

ZON-NER, v. n. Résonner. Faire zon-ner une ronfle; faire zon-ner une pierre. Les oreilles me zon-nent (les oreilles me tintent). Dans le patois des Vosges, zonna, et en arabe, zanne ou zanna, signifient: Bourdonner. Onomatopées évidentes.

FIN.

245

LISTE ALPHABÉTIQUE
DES
MOTS QUE L'ON POURRAIT CROIRE GENEVOIS,
MAIS QUI APPARTIENNENT À LA LANGUE FRANÇAISE FAMILIÈRE ET SONT ENREGISTRÉS DANS LES DICTIONNAIRES[1].

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

L

M

N

O

P

Q

R

S

T

V

Z

NB. Cette nomenclature pouvait être facilement doublée et triplée.

260

L'INCENDIE.
BAMBOCHADE EN LANGAGE GENEVOIS.

Ah! te voilà, Carisot; eh bien! as-tu été au feu, cette nuit?—Au feu? Est-ce qu'on a crié à l'eau cette nuit? Je ne me suis aperçu de rien, moi, j'ai dormi comme un plot jusqu'à ce matin à huit heures.—Ah! Dieu me damne! il faut être sourd comme un toupin, pour ne s'être aparçu de rien avec un pareil brouhar qui z'y a eu toute la nuit. Moi qui ai le sommeil léger comme une rate, je me lève aux premiers cris d'à l'eau, tout en pantet; j'ouvre la fenêtre et je demande: Où est-ce? où est-ce?—En n'haut la Tour de Boë! qu'on me répond.

Ah! mon Dieu! que je me dis, si c'était chez Goncet le remueur, ou bien chez la Jossau, la vendeuse de biscômes, qui demeure à côté; ces pauvres diables n'auraient pas besoin de ça, y sont assez minables tous les deusse!

Je ne me donne pas le temps de m'habiller. J'enfile un crouye broustou avec ma roupe par-dessus, et je cours en grolles avec ma seille à la main.

Ce n'était pas en n'haut la Tour de Boë, c'était en n'haut de Bêmont, à un certain sacré endroit étroit qui va tout de guingoine comme l'allée du Cul du Chien. Y n'y avait pas une seringue d'arrivée. Quand je vis qu'y sentait le brûle à crever et qu'on voyait la fumée qui sortait par les vantaux d'un certain carcagnou de chambre à plain-pied, je dis: Ah! mon 261 Dieu! voilà un feu qui a gonvé toute la nuit: y aura bien du mal!

Y avait par-là trois ou quatre piournes de femmes tout époulaillées qui faisaient des brâillées de mâlevie, et une troupelée de fichus charoupes qui restaient là plantés comme des idoines tout ébalourdis à regarder la fumée. Je leur dis: Sacribleu! y ne s'agit pas de rester là à patenocher en attendant les seringues; puisqu'on a loqueté à la porte, et qu'on ne répond pas, y faut la mettre en bringue.

Moi qui ai une bonne pougne, je vous chigougne le péclet vigoureusement et fiche la porte en dedans. Quand j'eus avancé quelques pas, la fumée et la flamme étaient si fortes qu'y fallut me rentourner en darnier, avec le col de mon habit et mes cheveux tout suclés.

Heureusement que ces fichus patenoches de pompiers arrivèrent avec la seringue de Chantepoulet. On fit la chaîne avec les siaux et les seilles jusqu'au bourneau du bas de la Cité; et après quelques bonnes jiclées, on fut maître du feu.

M'sieu, quand on entre dans ce croton de chambre, on trouve une femme étendue par terre d'à bouchon, toute brûlée et la moitié du corps en greubons. C'était la chose la plus z'hideuse, la plus z'hideuse qu'on puisse voir. On croyait d'abord que c'était une certaine gourgandine de Lyon qui était venue demeurer dans le quartier; mais on vit ensuite que c'était cette vieille redasse de Pignolet, qui tenait là un bouzin depuis quelque temps. Y paraît qu'on y avait fait la tamponne le soir, et qu'ayant trop fioulé au lieu de se coucher, elle s'était endormie sur son covet en faisant le cafornet, et puis que le feu avait pris à ses z'hardes et à son lit.

J'ai eu là une fière tarente, je t'en réponds; mais enfin, à part une gonfle à la main et un peu de rouche pour avoir gardé mes habits tout trempes, je m'en suis tiré saink-et-sauf.

Pourtant, quand je suis rentré à la maison, y faut bien y 262 dire, j'avais le cœur diablement savaté d'avoir vu ce cadavre tout en greubons. Ma femme me disait: Y faut te faire une saigne, y faut te mettre les sangsuies..... Hé! voui! c'est bien moi qui vais me potringuer pour une peur. Je me suis flâné un verre de riquiqui sur la conscience, et puis n.. i ni, c'est fini, ni vu ni connu. Adieu, Carisot; adieu, mon ami; Je m'en vais au sarcle faire l'heure sèche avec Mottu, qui paye les séchots. Adieu, à revoire.

LES REMUEURS.

(La scène se passe dans une auberge.)

Quel est donc ce fracas, qui, dès l'aube naissante,
Fait retentir ici ma cloison frémissante?
Pourquoi cette poussière et ces ais ébranlés?
D'où partent ces clameurs et ces coups redoublés?
Un créancier, suivi de la noire cohorte,
Peut-être du voisin assiége-t-il la porte:
Le rat de cave actif, son registre à la main,
Soupçonnant dans ces lieux un trafic illicite,
Peut-être exerce-t-il sa fâcheuse visite;
Ou peut-être céans le gendarme inhumain
Arrache-t-il des bras de sa tremblante mère
Un conscrit malheureux, soutien de son vieux père.
Le bruit redouble. Allons, secouons ces pavots
Qui viennent, malgré moi, refermer ma paupière,
Et sachons quels lutins ont troublé mon repos.
263
À l'instant, d'un bras ferme, empoignant la sonnette,
J'appelle à mon chevet la servante Jeannette.
«Quel est donc, s'il vous plaît, cet infernal fracas?
D'où partent tous ces coups frappés à tour de bras?
Et pourquoi, si matin, un pareil tintamarre?
—Monsieur, dans la maison on a les remueurs
(Elle dit et s'en va.....)
Les remueurs, grands dieux! quel est ce nom bizarre
Hélas! serait-ce point quelque troupe barbare,
D'avides maltôtiers, de cruels exacteurs,
De recors, de sergents... ou de voleurs peut-être!
Allons, habillons-nous: près d'eux il faut paraître,
Et calmer, s'il se peut, leurs bruyantes fureurs.
Les remueurs! Ce nom, dans mon âme frappée,
Je l'avoue, excitait les plus vives frayeurs.
Enfin, à tout hasard, muni de mon épée,
Je me rends au salon. Glaces, écrans, flambeaux,
Fauteuils et canapés, commodes et bureaux,
Tout était culbuté. Bon Dieu! dis-je en moi-même,
Ce n'était point en vain que, dans ma crainte extrême,
Un noir pressentiment venait me tourmenter:
La maison est pillée, il n'en faut pas douter.
Puis, passant du salon à la pièce voisine,
Par le bruit attiré, j'arrive à la cuisine.....
Qui vient s'offrir alors à mes yeux ébahis?
Le croirez-vous, Messieurs?... la dame du logis,
La piquante Fanny, ma jeune et vive hôtesse.
Une coiffe de nuit couvre sa blonde tresse,
Sa robe est retroussée, et, sous un court jupon,
D'un mollet arrondi brille le fin coton.
264
Du plus vif incarnat sa joue est allumée.
Dans sa gauche elle tient, elle agite un torchon;
Et d'un balai poudreux, dont sa droite est armée,
Semblable à cet acier qui commande une armée,
Elle ordonne, elle suit les vastes mouvements
Qui font gémir ces murs jusqu'en leurs fondements.
«Allons, dit-elle à l'un, d'une voix animée,
Ébaragnez ici, jetez là du raisson,
Avec cette pannosse essuyez ce pochon;
Prenez ce pot de greube et trempez-y ces pattes;
Ôtez sur ce tablât ces petoles de rates
À l'autre: «Eh bien, voyons, sans tant patenocher,
Rangez-moi ce péclet que je vois brelancher.
Reclouez ce liteau qui va tout de bisingue;
Ébriquez ce toupin, sa manille est en bringue.
Et vous, Jeannette, allons, pour vous émoustiller,
Là-haut, sur ce placard montez vous aguiller,
Et d'un coup d'époussoir ôtez ces rauferies.
Près de ce benaîton que vois-je bambiller?
C'est un guindre entouré d'un tas de truieries.
Vite redescendez. Avantez ce coissin;
Cette căsse est gâtée, il faut chez le magnin
La porter ce tantôt..... Ah! le vilain négoce!
Tout devrait être fait depuis que je bregausse:
Mais avec ces patets j'en ai jusqu'à demain.»
Puis, comme j'approchais, ma pétulante hôtesse:
«Ah! Monsieur, pardonnez, si, dès le grand matin,
Dans cet appartement tout est mis en cupesse,
Tout est écalabré, mais j'ai les remueurs
265
À ce mot, la gaîté fait place à mes frayeurs,
Et contant à Fanny ma risible épouvante,
Je dérobe un baiser sur sa bouche avenante,
Et je cours tout joyeux, rengaînant mon fer nu,
Achever à loisir mon somme interrompu.
Gaudy.

DIALOGUE SUR LA RESTAURATION DE 1814,
ENTRE
LAMBOTEAU ET DELESDERNIER.

Lamboteau. Ah! te voilà, Deladernier, y a longtemps que je t'ai pas vu. Qu'est-ce que tu as? Tu as l'air tout moindre.

Delesdernier. Je ne sais pas; depuis tout ce gandin de cet hivaire, je vais tout crevotant, j'ai une peine de mâlevie à me rapicoler..... Ah! si les mâzilles allaient encore, ce ne serait rien, mais ces sacrés kaiserliques n'ont pas laissé sistance à la maison.

Lamboteau. Voui! Plains-toi, un pauvre gratte-loton, comme moi, qui en ai eu une tapassée le premier soire, et à qui on en flâne deusse ensuite tous les quinze jours. Dieu me damne! quelle avaloire! Ma femme leur fesait à dîner une puissante galimaufrée de polmons et de froissures et un jaire de veau, avec une bonne platelée de tufèles bien diotues; c'était plus vite en bas la gargataine qu'on y avait vu, et puis des tinquets de fromage et de tomme, la pare et tout, et puis la 266 soupe le matin, et puis le riquiqui..... Non, on ne fait pas une idée de la vicaille qui s'est galiaufrée chez nous depuis trois mois.

Delesdernier. Moi, les miennes ne bouffaient pas autrement, mais c'étaient bien les plus fiares gouillards!.... Tu sais bien ce lard que nous avions tué par ensemble avec Bosson et Livache; j'avais encore un couple de longeôles avecque deux jambettes à la cheminée, superbes, y n'y en reste ni riffle ni raffle!.... Mais ce que je regrette le plus encore, c'est une demi-douzaine de bouteilles de sarvagnin de la comète, que j'avais mises à coin pour me rabaubiner un peu l'estomaque, que ces sacrés bouchards m'ont fioulées; et puis à présent qu'on a besoin de se refaire de quèque chose, y faut qu'on boive de la tatouille du cabaret. Mais c'est qu'y sont gouillards et cochons tout à la fois..... Allons! mouche avec les doigts comme des capucins; et puis des clâmauds par terre qu'y vous acrasent avec le pied..... Dieu me damne! s'y n'y avait pas des fois de quoi dégobiller!... et puis une odeur de gonvé sur eusse. Quant ils ont eu déboulé, j'ai vite ébaragné et écalabré par leur chambre; eh bien! quoique ça, y a pué encore le bocan pendant huit jours dans toute la maison. Mais enfin, Dieu marci! nous voilà, une bonne fois pour toutes, débarrassés de ces sacrées sangsuies.

Lamboteau. Voui, c'est des sangsuies, c'est vrai, mais y faut bien y dire aussi, quante l'on n'a une maladie, y faut une purge ou une saigne, et je crois que c'était une maladie qui comptait que ces gabelous et ces rats de cave.

Delesdernier. Et la conscription!... Non, tiens, quante je pense qu'y aurait fallu que mon Jaquet tire cette année! un enfant châcholé et flaironné par sa mère comme cetui-là!... y n'y aurait pas fallu trois semaines de sarvice pour le flanquer à plat de lit, au ranco dans une hopitale. Non pas à présent que toute cette sacrée parade est finie, comme il est assez 267 dégruffé, je m'en vais vous le pousser farme dans la chiffre, pour sarcher ensuite à le placer dans quèque bon commarce d'espiceries ou de crincaillerie.

Lamboteau. Dis voir, et tous ces nants de braille, comme y vont être figeau de tout ça?

Delesdernier. Et toute cette cassibraille de gratte-papier qui vont être d'obligés de vanner.

Lamboteau. Et cette damnable pardition de loto qui ne pompera plus nos ag-nettes.

Delesdernier. Et le câfé qu'on va avoir bientôt aussi bon marché que les faviolons..... Ma sacré gouillarde de femme ne viendra plus me triôler, et me tirer de sous les ongles la moitié du çan mienne pour pouvoir se flâner ses deux écuelles dessus la conscience tous les jours que le bon Dieu a criés.

Lamboteau. Et dis voir, as-tu entendu sonner cette retraite hier à soire? Dieu me damne! si au premier coup de cloche je ne me suis pas tout sentu remuer la farâ.

Delesdernier. Et moi, quante j'ai revu en n'haut des affiches la clef de la cave avec notre moitié de poulet, si je n'étais pas pour faire des cupesses au beau milieu de la rue.

Lamboteau. Crois-tu, toi, qu'on mangera les greffions des pronmontions avec plaisir cette année, quante l'on reverra Monsieur le Premier redonner les prix à tous nos ourious comme du temps du bon glu.

Delesdernier. As-tu vu nos brecaillons avec leur nouvel uniforme comme ça vous a le fion! Je les ai rencontrés sur les ponts de Neuve comme y se renvenaient de l'exarcice. Y sont encore mieux retapés, au moins, que nos anciens volontaires avec leur queue à ras le cochon et leurs petits chapeaux de biscôme. Et ce sacré crottu de Favre, ce n'est pas le plus crouye de tousse au moins, quante y a son habit bien aboutonné, avecque sa gravate noire et poudré à blanc. C'est qu'y n'est ni jartou ni gambion cetui-là, quante même c'est un ancien 268 Genevois, et j'en ai bien vu quèque z'eunes qui le reluchaient et joliment, en passant sous la Corraterie.

Lamboteau. C'est bien à présent qu'on peut dire avec le père Ch....: Lustucru, mon cher compère? ou bien: No le veyains revegni ce temps pleysans tant allégre.

Delesdernier. Ah! je t'en réponds. Y en a bien encore quèque z'uns de ces fichus avenaires qui ont toujours à gongonner et à raufer sur tout, quoi qu'on fasse, qui regrettent encore qu'on ait déguillé Bonaparte, et qui vous disent encore comme ça: Voui, vous êtes frais avec votre ritournelle. A présent que vos gros sont remontés sur leur bête, vous allez les voir fiars comme des boques, qui vont sarcher à acraser la bourgeoisie plus que jamais. Moi je dis que non. Les gros et les petits ont eu leur pide chacun, on est las de se marmanger et de ronger le fêlin. Y n'y a plus ni nâtifs, ni grimauds, ni habitants, ni corniauds, ni englués, ni emmardés; y n'y a plus que des bons Genevois (saufre pourtant ceusse qui ont mis la main au copon, au moins), et je parie, moi, qu'à la première tampoune qu'on fera pour la paix, nous verrons encore Des Arts ou Gourgasse danser avecque les péclotiers autour du bourneau de Saint-Jarvais.

À çà! Adieu, Lamboteau, adieu, m' n'ami, je m'en vais au sarcle faire un conchon avec Mottu et Jaquin qui m'attendent. Adieu, à revoire.

M......, docteur.


EXPLICATION
DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGNES EMPLOYÉS DANS L'OUVRAGE.

Expression ou prononciation très-vulgaire.
[Acad.] Dictionnaire de l'Académie française.
adj. Adjectif.
adv. Adverbe, adverbial, adverbialement.
[Ch.] Mr Chaponnière.
conj. Conjonction.
dém. Démonstratif.
(fig.) Au sens figuré.
[G. G.] Glossaire de Gaudy.
indéf. Indéfini.
invar. Invariable.
interj. Interjection.
loc. Locution.
part. Participe.
[P. G.] Mr Pierre Gaud.
pl. Pluriel.
prép. Préposition.
pron. Pronom.
R. Racine.
rel. Relatif.
s. Substantif.
s. m. Substantif masculin.
s. f. Substantif féminin.
v. Verbe.
v. a. Verbe actif.
v. n. Verbe neutre.
v. pron. Verbe pronominal.
v. récip. Verbe réciproque.
v. réfl. Verbe réfléchi.

NOTES:

[1] Les mots imprimés en caractères italiques ne figurent pas dans le dictionnaire de l'Académie française (édition de 1835): on les trouvera dans Boiste, Gattel, le Complément du dictionnaire de l'Académie, N. Landais, ou Bescherelle, etc.

[2] Ce terme figure à tort dans ce Glossaire, t. Ier, p. 19.

[3] Mauvaise expression, accueillie par Boiste et par Mr Bescherelle; répudiée par l'Académie, par Lavaux, par Gattel, par N. Landais, et par le plus récent des lexicographes, Mr Poitevin.

[4] Mauvaise expression recueillie par Mr Bescherelle.