The Project Gutenberg eBook of Jusqu'à l'extrême regard: Poésie

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Title: Jusqu'à l'extrême regard: Poésie

Author: Huguette Bertrand

Release date: October 1, 2003 [eBook #4565]
Most recently updated: December 17, 2022

Language: French

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK JUSQU'À L'EXTRÊME REGARD: POÉSIE ***

 

Première partie

Suis en amour avec le jour qui passe
près de ma fenêtre
par-dessus ma chair ruisselante d'avenir
sous un amoncellement de gestes fous
que l'histoire raconte pour bercer la petite fille

Suis en amour avec la nuit qui passe
près de mon lit
dans les hauts-fonds de mon âme
parmi les spasmes et tous ces bruits
arrachés au plaisir d'être là
comme un fruit dans son nectar

Suis en amour avec les mots d'amour
près de la vie
comme des semences d'éternité

Devant toi comme quelqu'un qui attend
qui attend que la nuit soit consommée
en attendant que tu sois là
l'âme à nue
en plein coeur du rire
envoyée dans tous les sens
débridée par les mots écrits comme ça
en plein jour
en pleine nuit
alors que les coeurs s'entrechoquent
à travers les ondes
provoquent des signes amourachés tendres

Comment résister aux mots désordonnés
sans faux pli
des mots qui provoquent la rencontre l'amitié
la vie jusqu'au bord du risque
le risque de perdre son âme dans l'âme
de l'autre
cet autre soi-même accordé à la vie
ses rythmes
ses accords à travers les saisons provocantes
une provocation d'images chauffées à blanc
pour le bonheur de l'instant

Comment résister aux heures arrogantes
ce trajet de l'esprit en voyage sur les sens
quand le regard touche les courbes brûlantes
du délire
quand la main vient se poser sur le cri

Un silence dérobé à l'envie d'être là
jusqu'au bout

Parmi les feux de la nuit
ce parcours du silence de ton âme secrète
s'abreuve à la source de nos avenues intimes
jusqu'au tréfonds de nos corps lancinants
comme un puits si profond
d'où surgissent les vertiges du matin
ses accords sur la portée du coeur
à n'en plus finir

L'amour se consume
à travers une nuée de caresses étonnées

Les doigts du ciel effleurent
le sanctuaire de la folle amante
gonflée dans la poitrine du vent
et d'inutiles colères se heurtent
aux douleurs des griffes
emprisonnées dans les veines du temps

Les lèvres s'habituent aux désirs
quand la crue des souffles inonde l'espace
jusqu'à l'épuisement des gestes

Cernées les images passent
l'amour délire

Le temps
mon frère
vient d'arriver avec en poche
le poids de ma fragilité
déposée aux pieds de la tendresse
parfois emportée par le vent du large
ses milliers de p'tits papiers
accrochés au fil des jours
et du printemps venu râteler
ses émotions
éparpillées sur le gazon
Dans la prison du désir
je tue les heures une à une
sans blesser les instants
de l'espace amoureux
sans piétiner les sourires
sans mélanger la couleur
des gris trop gris
sans mourir sous le toit indigné
par la caresse des jours
sans suivre le cours du rêve inachevé
des lendemains avides de temps

À même cette prison
j'habitue mes mots au délire
pour contrôler les enchantements
pour nager dans les attentes trop vives

Oui je rêve que je ne rêve pas
dans le délire de tes nuits
dans la conscience du jour
cette envie de colorer tes arcs-en-ciel
aux prises avec les nuages
assise sous le chêne
à brouter des impatiences
dans la gueule du temps
ce temps empanaché d'étoiles
de fils d'araignée
quand la voix cherche les contours
d'une présence
pour la suite du jour
Ma vie se berce au creux de la mémoire
d'un amour retrouvé comme un mystère
entre les seins affolés
par une nuée d'interdits

En proie aux fièvres
mes rêves glissent sous le poids de la démesure
sur les rives chaudes et parfumées du sommeil
quand mes pores se tordent
dans la nuit peuplée de sueurs
de doux désirs entr'ouverts
entre le souffle et les ongles

Les bouches lasses se cueillent
devant la lune éclose

Demain est toujours un autre jour
qui nous suit pas à pas
dans les décombres de la nuit
ses rêves immobiles sous l'oreiller
poursuivis dans le plein des silences
qui charrient à distance les feux de l'âme
cette distance que l'oeil inonde
pour nettoyer les passions refoulées
dans les abîmes d'un poème
qui ne veut pas se taire
un poème à la mesure du coeur
aiguisé par la lenteur des heures
à bout de cris
À l'approche de ton corps nu
ma chair goûte tes fièvres
de la courbe de tes rêves à la pointe du vertige
et l'ivresse de mes lèvres déclenche le délire
cette sauvage volupté
quand mon souffle te parcourt satiné

Se cambre ta raison
sous mes doigts agités
sans rancune
de laisser échapper ce mouvement ondulé
cette vague
comme un spasme
au bout du cri

L'amour veille dans le silence advenu
ce silence ému par le vertige des jours
jours de peurs
jours des alentours défaits
jours qui parlent tout bas
jours évidés des sens
jour dans la descente du jour
long cortège des jours
abandonnés à leurs songes
Ce jour n'en peut plus de dormir si tard
dans son lit
cette âme qui dort tout bonnement dans sa nuit
un pan de nuit accrochée à la vie
quand la vie se mesure à nos pas piétinés
quand la vie nous rassure
dans le délire des ombres

De toutes ses coutures elle craque
dans la charpie des heures
s'effiloche en petites rivières nocturnes
se rabat dans la dorure d'un soleil emprisonné
dans un espace trop étroit
un espace de temps trop vieux
que la main pose sur la détresse du jour

Le soleil me joue des tours
projette dans mon regard
les jours étourdis
par de trop grandes extases
accrochées au clou de mon âme
en attente du prochain soir violacé

Par une fenêtre du coeur
gémissent des musiques
des gestes interrompus
dans ce piège adossé au réveil

Tu peux toujours croquer quelques mots
pour déjeuner
pour accrocher les soucis
dans l'oeil figé du temps qu'il fait dehors
les branches tendues aux quatre vents
Quand un grand vent souffla
sur la peau de l'automne
elle prit la fuite
et une chemise au hasard
en parlant de rentrer dans un portrait
de famille
sans parlure
sans ambiance
puis revint ranger cette randonnée
là où elle l'avait laissée
juste sous le ciel étoilé de son lit

Elle rêvait tout simplement

Suite de nuits
que l'amour embrase de toute éternité
pourchassée par le crime de n'être pas assouvie
quand le souffle brusquement s'arrête
dans le regard plongé au coeur
d'un arbre d'automne
comme une bête blessée
fouettée par le vent
et toutes ses feuilles qui gisent sur le sol défait

Vive mémoire emportée par les rafales du temps

Il pleut des joies dans mes yeux
des arcs-en-ciel sur mes épaules
des délires crachés par la mer
ramassés par une vague silencieuse
à la lumière d'un vieux rêve taillé sur mesure

Il pleut des odeurs de cheminées
à l'image des hautes forêts
des murmures échappés du rire
qui bousculent mon espace intime
pour tuer la peur
ses durs reflets

Connectés à l'amour
aux cordes des guitares
celles trempées dans l'acier de l'aujourd'hui
les lendemains paralysent le retour
de quelques larmes
appuyées sur les murs
des maisons de novembre

Que viennent les musiques à pleines mains
sur la portée du coeur
dans les sillons du jour accordés au plaisir d'être enfin

Dans la blancheur de l'être
le coeur cultive un rêve abandonné
dans les couloirs de la nuit
parmi les angles
et les assauts du regard
venus explorer les fractures de l'âme
ces traces fragiles qu'un silence inonde
Froid comme un hiver
le bonheur se cherche un abri
dans le bleuté des nuits
porte le vague souvenir d'une main affolée
comme une caresse sur l'éveil du jour
en attendant une brassée de coeurs flottants

L'amour et ses trouvailles
ont rendu la brise à l'hiver

Côté coeur
y a rien d'neuf
à part le feu qui ronge ma langue
quand les jours se cachent dans l'ombre

Y a rien d'neuf au bout du jour
quand les images s'ensablent dans ma mémoire
que les nuits brûlent sous ma peau

Y a rien d'neuf au bout d'la semaine
à part les bruits
les graffiti
mes pieds en tête au bout d'la rue

Y a rien d'neuf au bout du coeur
à part tes yeux
à part tes rêves
pour caresser le bout d'ma vie

Quand tes musiques folles m'écoutent
trop longtemps
j'ai envie de faire trembler le jour
qui se promène dans ma nuit
d'envoyer mon âme en voyage
pour la faire durer
de chatouiller le soleil
en faisant ma valise
d'écrire des mots d'avance
en cas de panne
te parler au creux de mes phrases
te chuchoter mes souvenirs ramassés
en petits paquets d'émotions

À travers la buée de mes espérances
et la poussière des routes
je m'abandonne dans un respir

Derrière les montagnes
on aperçoit des regards vagabonder çà et là
entre les arbres
comme des sourires prolongés
jusqu'au faîte de l'âme

On aperçoit dans le tard des nuits
quelques espaces de tendresse
pour étouffer l'ennui
quand le coeur fauve vient s'échouer
aux abords des yeux ensablés
par de trop longues heures d'attente

Les jours nous regardent dormir
entre les branches

Dans la cambrure du geste apparenté
à l'infinie démesure
ce temps passé tout contre vous
enjolive les anciens printemps
demeurés soudainement muets
par temps de grands vents
quand le destin fait rage

Le corps comme un oiseau partage les tempêtes
sur le chemin pavé de mots
d'ardeurs arrachées à l'histoire

Comme une brise roucoulante
venue s'échouer dans le cou de l'aube
le corps transperce les nuages de mon âme
et la chair de l'image
qu'au loin je contemple tout près
pour étancher la soif
pour apprivoiser les battements du coeur
dans l'instant
 

 



© Éditions En Marge et Huguette Bertrand
Dépôt légal / mai 1997, 70 p.
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN 2-921818-14-0 - Tous droits réservés

 

 

 

JUSQU'À L'EXTRÊME REGARD

poésie de Huguette Bertrand

 

Deuxième partie

 

Déchirée par les départs toujours présents
la douleur s'apaise
quand le souffle rejoint le geste
ce battement de vie
à même ton âme greffée à la mienne

Coincée entre l'espace et le temps
mes mots en se taisant crient à tue-tête
dans ce rêve sorti tout droit des nues
habitat du coeur devenu oxygène

À travers une verrière
l'univers s'incline à genoux sur la nuit

Allongée sur les paumes du quotidien
une femme de connivence avec le bonheur
s'abandonne dans un fou rire
pose délicate comme un fruit incandescent
qu'enrobent les désirs
venus valser sur ses nuits apprivoisées
une femme moulée dans ses parures
pour une fête empirique
transparente parfumée
visitée par les saisons
inscrite au calendrier
revue et corrigée par le mouvement perpétuel
de la tendresse

On imagine aussi les mains déployées
d'un homme à plaisir
venu raser ce rêve dans le jus des sens
devant une bière enivrée d'illusions
quand le temps forge des douleurs sous nos pieds désarmés
échange l'amour contre la mort
ses pitiés naissantes au bord des lèvres
pour inquiéter nos nuits

Quand la vie m'étire à n'en plus finir
j'étire l'avenir jusqu'à demain
j'étire demain pour en finir avec l'avenir
j'étire mes mots pour allonger le verbe
je m'étire dans mon verbe pour conjuguer le désir
à l'être
et n'être plus que l'étirement d'un désir
sur une distance allongée posée sur le temps
un temps étiré par le hasard d'une rencontre
une rencontre qui s'étire sur le devenir
comme si demain n'existait pas

Pour en finir
le verbe me plonge dans ce désir de l'être
en son devenir

Juste un peu plus de vie
pour prendre l'amour par le goût
quand le goût a le goût d'aller dormir
près de la nuit
cette nuit qui veille sur l'amour
comme une vieille amante
échevelée au goût du jour
pas trop tannée
juste encore en vie
pour goûter aux nuits
échevelées par l'amour
Elle est venue
elle était peut-être déjà là
debout en pyjama sur son destin
dans sa chambre virginale
appuyée sur un dégoût
en attendant la conquête
des seins des reins
et autres viscères
dépliant sa nuit
sur le coeur englué
dans son imagerie

Finalement
elle est peut-être venue
mais je n'y étais pas

Devant les jours de banlieues
le temps s'attriste
ces îles roses à l'intimité fragile
îles boiteuses à des années-lumière
îles poisseuses dans le varech des regards
îles érigées à la gloire de l'éphémère
îles savantes pour dérouter le mouvement
des foules
îles languissant comme des pluies
îles mortes déclarées sans avenue
îles ennuyeuses remplies de crépuscules
îles éclatées en plein visage de la vie
Vous avez dit amour
quand on vous aperçoit aujourd'hui
plongé dans un bain de tendresse
pour savonner les mercredis oubliés
vous écrivez amour sur le bout d'une table
entre deux feuilles grises
deux colères
et vos gestes dévastés
par de trop longues heures

Se grave enfin sur la chair de l'autre
votre coeur démesuré
et vous buvez l'amour
quand le corps presse la détente
comme au premier jour
en cette mi-temps de février

Je bois à la source de vos mots délivrés
temporaires
quand la vague soupire
quand le corps n'en peut plus
de vous regarder dans l'embrasure
des montagnes
à travers le songe de vos regards
venus si près de toucher l'indécence
ce velouté du coeur
jusqu'au vacillement des sens
déboutonnés jusqu'à l'os

C'est de l'amour
dans le concentré des jours
quand l'impuissance du geste
s'étire à n'en plus finir
pour espacer les désirs qui se heurtent
aux vives absences

C'est de l'amour
comme un fruit arraché haut et court
à l'automne
un fruit d'hiver mûri à même les délicaresses
quand le printemps s'allume allègrement
aux abords de l'été

Qu'avons-nous à dérober ces gestes
qui ne craignent plus la pudeur
d'embrasser le poète
dans les eaux grouillantes du délire
ni même de tremper nos doigts
dans le suc de l'amour
comme une rosée sur le bonheur
d'être assouvie par de tendres ébats
ce repas que le coeur attend avidement
à travers la bruine des jours
ce doux mensonge pour un monde
inventé par la blessure
de ne pouvoir aimer à n'en plus finir
Quand il fait trop nuit
un nouveau regard vient border mes rêves
abandonnés sur le rivage
qu'une simple lueur vient consteller

Mémoire de la main qui effleure la mémoire
mémoire des yeux qui arpente la nuit
mémoire de la nuit qui parfume l'ennui

Une flamme ardente vient chanter sous ma lampe
des airs sauvages
accompagnés de petites ronflettes
hallucinées

Ne pillez plus ces nouveaux jours
quand le soleil verse son or
sur nos chairs attendries par l'âge des pierres
quand nos yeux pavoisent devant ce rêve
emmitouflé dans un rayon de lune
quand le galbe soyeusement apprivoisé
cherche les contours de la main qui effleure

Sous l'écorce de nos vies
le temps est à l'oeuvre
sculpte dans cette argile
des lumières frêles
que les mots épuisent aux confins de la mémoire

Surgissent alors des amours effrontées

Dans la savane de nos âmes
des loups s'y promènent
avec un goût de représailles
à portée de hurlement
étrangeté qui ressemble à une vocation
jusque-là étendue sur une plage
devant une mer de naufrages
de cris douteux
En vérité
c'est de toi cette senteur du jardin
jusqu'à l'extrême regard incendiaire
à la poursuite des patiences
et des pluies venues

Encore toi
ce pays sans avenue
que l'on transporte en soi
dans la terre fertile du désir

Toujours toi
à la cadence des jours
blottis entre chaque phrase
sans mesure
comme une certitude du présent

L'hiver ne pensait pas qu'il était rendu
là où il était
sous une pluie de glaçons barbares
venue blesser la conscience
des arbres nus
leurs bras ballants
comme chômeur sans cause
et pour cause

L'hiver venu a dérapé sur sa neige fondante
à la dérive
sur la noire habitude de nos gestes gelés

Encore tout chaud
mon jour incendié par l'abondance du rêve
sème dans les sillons de l'amour
un visage habité de réels immenses
une gueule à désir
flanqué d'un sourire limité par la séduction
d'un regard efficace
une peau de sable fin arrachée aux plages

Entre des pieds acrobates
un vertige se répand sur le droit fil funambule

Les yeux assoupis dans une vague d'espoir
retournent au rivage
cette écume de l'émoi

Dérive des jours insensés
vers l'abîme des tendresses
où le galbe rocheux s'étale
sur la surface des eaux
dans l'ébène du soir
d'un enfant infini projeté
dans le regard de l'aube

Ce corps inouï emprisonne le soleil
dans un doute
que supporte mal le ciel blafard

Ciel de tous les regards portés sur la chose
ciel enculé par des évidences
semences du ciel dans le ventre du passé
enfants éventrés dans les décharges du ciel
ciel baisé en silence par des nuits épousées
ciel de vie détrempée dans la sueur des jours

De feu de sang
le ciel me désire

Après maints combats
le coeur essoufflé s'endort ensoleillé
porte en moi ce plaisir de brûler dans l'ombre

Ces seules lignes décochées sur la cible
ressemblent à une coïncidence
quand la raison perd la tête

Posez un timbre de voix sur le mot
envoyez cette bizarrerie au hasard
comme un mot d'amour à la mer

Assoupis
des fragments d'été brûlent sous la peau
comme une promesse aux herbes folles
dans un corps à corps avec les étoiles

Lents mouvements inclinés sur l'âme affamée
suspendue sur un mur de glace
dans lequel résonne un cri d'enfant
assassiné par de trop longues années

Où veux-tu que je dépose mes caresses
lorsque la lune est rouge
lorsque mon cri échevelé vient te dire
que l'amour fermente sous le lichen
lorsque tu danses près d'un gouffre de lumière
lorsque tu marches sur des plages garnies d'apothéoses
et de galets hors saison
lorsque la mer me confie son silence me propose
ses regrets
comme la terre ses alarmes
lorsque tu ruisselles sous l'écorce de tes nuits inventées
lorsque je traverse le pont de tes rires téméraires
lorsque enfin nos mains fleurissent
sous un grand pin argenté
Dans les chairs roses du ciel
une lune magique pose sous le regard des jours irrités
par la rage des heures folles

Heures de plomb à l'épaule
heures des portes battantes
heures tranchées dans le sens du cadavre
heures lacérées par les visages fuyants
heures déshabillées dans un respir
heures qui se bousculent à la porte des foules
heures bleues heures grises comme des pierres étranglées
vive douleur des heures incendiées
heures fragiles et nues dans les chairs roses
du ciel

Votre folie m'habille comme un gant
si près de la lumière
si près des heures libérées par la foudre
de vos rires en relief
sur mes mots éventrés par les silences
les oubliances que je suis
à même ce jour
imprégnée d'alliances
d'enfances étalées sur mes crépuscules
ce foutu mensonge
J'ai les écluses fragiles dans le regard de l'aube
quand mes mains s'abandonnent au vertige
des mots
devant ce phare absent
devant l'image rebelle d'une nuit furieuse
pluvieuse
Au passage
les baisers creusent des habitudes
au hasard des fatigues
lèchent le destin étroit d'un visage oublié
dans le givre des heures
visage abandonné sous le doux regard
d'une étoile lointaine
quand la fête déjoue les ruses
d'un soir exténué
Une promesse de chairs odorantes
provoque des printemps délurés
des échanges de rêves effrontés
derrière une foule triste
essuie gestes et marées sur les visages
à portée de l'esclave
Sur ma page
des mots ondulés me respirent
jusqu'au sein du rêve
me ramènent au coeur des choses
à travers le cristallin de l'âme
ses ébats
dans la chaleur des sexes poétiques
évanouis comme des mystères
déraisonnables
Un cheptel de mots avance lentement
vers l'écrin fertile de mes pensées
en meuglant des souvenirs désespérés
sous le dernier quartier d'une lune d'hiver

Ce brasier du coeur brûle les ailes
d'un horizon étonné
invente des poursuites
dans la brousse des prunelles
des déesses éplorées

Femmes de bois
fibres de terre
de sang trop mûr
assises sur l'humus des âges sacrés
fiançailles englouties dans un bleu éternel

Frémissante
elle reconnaît les cris
comme une exaltation secrète de la source
ses passions qu'elle boit à même la bouche
des échos rythmés
des instants convertis à l'être
autrefois bafoués
sans mémoire
rejette par ses paumes entrouvertes
la raison trébuchante
qu'aucune foi ne peut atteindre
dans l'aube assassinée
Il fait jaune feu dehors
à travers les arbres déchus et mauves
devant ce jour poudré d'indifférence
égaré dans le vin de l'aube
ennivrée

Comme un rendez-vous avec la mémoire
ce feu à côté de moi
me projette dans le plein des choses à écrire

Tranquillement demain me lira
apaisera le fer à 23 heures pile
mais comment en être sûre ?

Une mémoire constellée
glane les langues assoiffées
mystère des mots sanctifiés par le poète
sous l'emprise d'un verre offert
pour évaporer les désirs inconscients de l'Être
dévorantes failles engorgées de désirs
décapsulés
bus jusqu'à la lie
Au coeur de l'essentiel
le silence mijote des réponses
condamnées à éblouir les peurs
à hauteur du vrai
en ce jour dessiné
inévitable
aux aguets
Rage folle des amours punitives
doux labeur de questions
pour nos âmes affamées 

Rage folle des amours démembrées
par les jours indomptés
d'un coeur fauve insondable

Rage folle des amours déchiquetées
ensevelies sous les bruits
de nos pas inévitables

Rage folle des amours libertaires
abandonnées dans un cri

Cette femme désertique apprend en silence
mais le silence ne lui répond pas

Elle se chuchote les mots amoureux du temps
répand ses cris en rafales
sur des tissus brodés d'étoiles
retenant la pluie d'un visage abruti

Elle rêve
elle rêve aux doux gémissements amarrés
au quai d'un grand lit
sème sur des pierres
les fines herbes de son coeur éclaté

Abandonnée devant un soleil trop pur
la joie s'écrira peu à peu
sur le blanc de l'âme imaginée trop grise
que les couleurs transporteront
sur les ailes du vent

Le meilleur s'en vient !

 


© Éditions En Marge et Huguette Bertrand
Dépôt légal / mai 1997, 70 p.
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
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