Title: Chroniques de J. Froissart, tome 01/13, 2ème partie
1307-1340 (Depuis l'avénement d'Édouard II jusqu'au siége de Tournay)
Author: Jean Froissart
Editor: Siméon Luce
Release date: May 2, 2015 [eBook #48855]
Language: French
Credits: Produced by Hélène de Mink, Clarity and the Online
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IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CH. LAHURE
Rue de Fleurus, 9, à Paris
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE
PAR SIMÉON LUCE
TOME PREMIER
1307-1340.
(DEPUIS L'AVÉNEMENT D'ÉDOUARD II JUSQU'AU SIÉGE DE TOURNAY)
IIe PARTIE
A PARIS
CHEZ MME VE JULES RENOUARD
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, No 6
M DCCC LXIX
CHRONIQUES
DE JEAN FROISSART.
Afin que les grans merveilles et li biau fait d'armes,
qui sont avenu par les grans guerres de France et
d'Engleterre et des royaumes voisins, dont li roy et
leurs consaulz sont cause, soient notablement registré
et ou tamps present et à venir veu et cogneu, je
me voel ensonniier de l'ordonner et mettre en prose 5
selonch le vraie information que j'ay eu des vaillans
hommes, chevaliers et escuiers, qui les ont aidiés à
acroistre, et ossi de aucuns rois d'armes et leurs mareschaus,
qui par droit sont et doient estre juste inquisiteur
et raporteur de tels besongnes. 10
Voirs est que messires Jehans li Biaus, jadis canonnes
de Saint Lambert de Liège, en fist et cronisa
à son tamps aucune cose à se plaisance; et j'ai ce livre
hystoriiet et augmenté à le mienne, à le relation
et conseil des dessus dis, sans faire fait, ne porter 15
partie, ne coulourer plus l'un que l'autre, fors tant
que li biens fais des bons, de quel pays qu'il soient,
qui par proèce l'ont acquis, y est plainnement veus
et cogneus, car de l'oubliier ou esconser, ce seroit
pechiés et cose mal apertenans, car esploit d'armes
sont si chierement comparet et achetet, che scèvent 5
chil qui y traveillent, que on n'en doit nullement
mentir pour complaire à autrui, et tollir le glore et
renommée des bienfaisans, et donner à chiaus qui
n'en sont mies digne.
Or ai je mis, ou premier chief de mon proisme, 10
que je voel parler et trettier de grans mervelles. Voirement
se poront et deveront bien tout chil qui ce
livre liront et veront, esmervillier des grans aventures
qu'il y trouveront. Car je croi que, de puis le
creation dou monde, et que on se commença premierement 15
à armer, on ne trouveroit en nulle hystore
tant de merveilles ne de grans fais d'armes, selonch
se quantité, comme il sont avenu par les
guerres dessus dittes, tant par terre com par mer, et
dont je vous ferai ensievant mention. Mais ançois 20
que j'en commence à parler, je voel un petit tenir et
demener le pourpos de proèce, car c'est une si noble
vertu, et de si grant recommendation, que on ne
le doit mies passer trop briefment, car elle est mère
materièle et lumière des gentilz hommes, et, si com 25
la busce ne poet ardoir sans feu, ne poet li gentilz
homs venir à parfaite honneur ne à le glore dou
monde, sans proèce.
Or doient donc tout jone gentil homme, qui se
voellent avancier, avoir ardant desir d'acquerre le 30
fait et le renommée de proèce, par quoi il soient mis
et compté ou nombre des preus, et regarder et considerer
comment leur predicesseur, dont il tiennent
[leurs] [1] hyretages et portent espoir les armes, sont
honnouré et recommendé par leurs biens fais. Je sui
seurs que, se ilz regardent et lisent en ce livre, que
il trouveront otant de grans fais et de belles apertises 5
d'armes, de durs rencontres, de fors assaus, de fières
batailles et de tous autres maniemens d'armes qui se
descendent des membres de proèce, que en nulle
hystore dont on puist parler, tant soit anchiienne ne
nouvelle. Et ce sera à yaus matère et exemples de 10
yaus encoragier en bien faisant, car la memore des
bons et li recors des preus atisent et enflament par
raison les coers des jones bacelers, qui tirent et tendent
à toute perfection d'onneur, de quoi proèce
est li principaus chiés et li certains ressors. 15
Si ne voel je mies que nulz bacelers soit excusés
de non li armer et sievir les armes par defaute de
mise et de chavance, se il a corps et membres ables
et propisses à ce faire, mès voel qu'il les aherde de
bon corage et prende de grant volenté. Il trouvera 20
tantost des haus signeurs et nobles qui l'ensonnieront,
se il le vaut, et le aideront et avanceront, se il
le dessert, et le pourveront selonch son bien fait.
Ossi en armes aviennent tant de grans merveilles et
de belles aventures que on n'oseroit ne poroit penser 25
ne imaginer les fortunes qui s'i boutent, se com
vous verés et trouverés en ce livre, se vous le lisiés,
comment pluiseur chevalier et escuier se sont fait et
avanciet, plus par leur proèce que par leur linage.
Li noms de preu est si haus et si nobles et la vertu 30
si clère et si belle que elle resplendist en ces sales et
en ces places où il a assamblée et fuison de grans
signeurs, et se remoustre dessus tous les autres, et
l'ensengn'on au doi et dist on: «Velà cesti qui mist
ceste cevaucie ou ceste armée sus, et qui ordonna 5
ceste bataille si faiticement et le gouverna si sagement,
et qui jousta de fier de glave si radement, et
qui tresperça les conrois de ses ennemis par deus ou
par trois fois, et qui se combati si vassaument ou
qui entreprist ceste besongne si hardiement, et qui 10
fu trouvés entre les mors et les bleciés navrés moult
durement, et ne daigna onques fuir en place où il
se trouvast.»
De telz grains et de telz semences sont servi et
alosé li vaillant homme et li preu par leur vaillance. 15
Encores avant on voit le preu baceler seoir à haute
honneur à table de roy, de prince, de duch et de
conte, là où plus nobles de sanch et plus rices d'avoir
n'est mies assis. Car, si com li quatre ewangeliste
et li douze apostele sont plus proçain de Nostre 20
Signeur que ne soient li autre, sont li preu plus priès
d'onneur et plus honnouré que li aultre; et c'est bien
raisons, car il acquèrent et conquèrent le nom de
proèce en grant painne, en sueur, en labeur, en soing,
en villier, en travillier jour et nuit sans sejour. Et 25
quant leurs biens fais est veus et cogneus, il est ramenteus
et renommés, si com dessus est dit, et escrips
et registrés en livres et en cronikes. Car, par les
escriptures troeve on le memore des bons et des
vaillans hommes de jadis, si com les neuf preus qui 30
passèrent route par leur proèce, les douze chevaliers
compagnons qui gardèrent le pas contre Salehadin
et se poissance, les douze pers de France qui demorèrent
en Raincevaus, et qui si vaillamment s'i vendirent
et combatirent, et ensi de tous les autres que
je ne puis mies tous nommer, ne determiner leurs
biens fais ne ramentevoir, car trop poroie ma principal 5
matère empeechier. Ensi se diffère et dissimule
li mondes en pluiseurs manières. Li vaillant homme
traveillent leurs membres en armes, pour avancier
leurs corps et acroistre leur honneur. Li peuples parolle,
recorde et devise de leurs estas, et de leur fortunes. 10
Li aucun clerch escrisent et registrent leurs
avenues et baceleries.
Or ay je eu pluiseurs fois imagination sus l'estat
de proèce, et penset comment et où elle a regnet et
tenu signourie et domination, et salli d'un pays en 15
aultre. Sus ses ordenances meismement, en ay je oy
parler et deviser en ma jonèce aucuns vaillans hommes
et bons chevaliers, qui otant bien s'en esmervilloient
adonc comme je fai maintenant: si vous
en voel declarer aucune cose. Verités est, selonch 20
les anciiennes escriptures, que, apriès le deliuve et
que [Noés] [2] et se generation eurent repeuplé le monde,
et que on se commença à armer et à courir et à pillier
l'un sus l'autre, proèce regna premierement ou
royaume de Caldée, par le fait dou roy Ninus qui
fist fonder et edefiier la grant cité de Ninivée qui
contenoit trois journées de lonc, et ossi par la royne
Semiramis sa femme qui fu dame de grant valour.
Apriès, proèce se remua et vint regner en Judée et
en Jherusalem, par le fait de Josué, de David et des 30
Machabiens. Et quant elle eut là regné un temps,
elle vint demorer et regner ou royaume de Perse et
de Mède, par le fait de Cyrus, le grant roy, par Asserus
et par Xerses. Après, revint proèce regner en
Gresce, par le fait de Hercules, de Tezeus, de Jazon 5
et de Acilles et des aultres preus chevaliers; apriès,
en Troies, par le roi Priant, par Hector et par ses
frères; apriès, en le cité de Romme et entre les Rommains,
par les nobles senatours et concilles, tribons
et centurions. Et furent cil et leurs generations en 10
tel poissance, environ cinq cens ans, et firent priès
que tout le monde rendre trebus à yaus jusques au
tamps Julius Cesar, qui fu li premiers emperères de
Romme, et de qui tout li aultre sont descendu et
venu. 15
Apriès, se tanèrent li Rommain de proèce, et s'en
vint demorer et regner en France, par le fait premierement
dou roy Pepin et dou roy Charle, son
fil, qui fu rois de France et d'Alemagne et emperères
de Romme, et par les autres nobles rois ensievant. 20
Apriès, a regné proèce un grant tamps en Engleterre,
par le fait dou roy Edowart et dou prince de Galles,
son fil; car, de leur règne, li chevalier englès et li
aultre qui avoech yaus se sont mis et acordé, ont
fait otant de belles apertises d'armes et de grans bacheleries25
et de hardies emprises que nul chevalier
pueent faire, si com il vous sera declaré avant en ce
livre.
Or, ne sai je mies se proèce voet encores cheminer
oultre Engleterre ou reculer le chemin que elle a 30
fait, car, si com chi dessus est dit, elle a cerchiet et
environné ces royaumes et ces pays dessus nommés,
et regné et conversé entre les habitans une fois plus
et l'autre mains, à se ordenance en soit; mais j'en
ay un petit touchiet pour les mervilleusetés dou
monde. Si m'en tairai à tant et me retrairai à le matère
dont j'ai fait men commenchement, et declarrai 5
assés tost par quel manière et condicion la guerre
s'esmut premierement entre les Englès et les François.
Et pour che que ou temps à venir on puist savoir
qui a mis ceste hystore sus, et qui en a esté actères,
je me voel nommer. On m'appelle, qui tant 10
me voet honnerer, sire Jehan Froissart, net de le
conté de Haynau et de la bonne, belle et friche ville
de Valenchiènes.
§ 1. Premierement, pour mieus entrer en le matère
et hystore dessus ditte, voirs est que, apriès l'apaisement
des guerres de Flandres qui furent si grandes,
et dont tant de vaillant homme furent mort à
Courtrai et ailleurs, et que li biaus rois Phelippes eut 5
mariet sa fille en Engleterre au roy Edouwart, li quelz
rois d'Engleterre ne fu mies de si grant sens ne de si
grant proèce plains comme avoit esté li bons rois
Edouwars ses pères, qui tant eut à faire as Danois et
as Escos et les desconfi par pluiseurs fois en bataille, 10
et ne peurent onques avoir victore à lui; et quant
il fu trespassés, ses filz de son premier mariage, qui
fu pères au roy Edouwart sur qui ceste hystore est
ordenée, pas ne le ressambla de sens ne de proèce.
Car, assés tost apriès çou qu'il fu couronnés, li rois 15
Robers de Brus, qui estoit rois d'Escoce, et qui par
pluiseurs fois avoit moult donnet à faire au bon roy
Edouwart, chevauça tantost efforciement sur lui et
reconquist toute Escoce et la bonne cité de Bervich,
et ardi et gasta grant partie dou royaume d'Engleterre 20
bien quatre journées ou cinq par dedens le pays,
et desconfi celi roy et tous les barons d'Engleterre en
une place en Escoce que on dist Struvelin, par bataille
rengie et arrestée. Et dura la cace de ceste desconfiture
par deus jours et par deus nuis. Et s'en
afui li rois englés à moult peu de ses gens jusques à
Londres. Mès, pour ce que ce n'est mies de nostre 5
matère, je m'en tairai à tant.
§ 2. Chilz rois englès, dont je parloie maintenant,
qui reçut ce grant damage en Escoce, avoit deus
frères de remariage. Si fu li uns nommés li contes
Mareschaus et fu de diverse et de sauvage manière; 10
li autres fu appellés messires Aymes et estoit contes
de Kent, moult preudons, douls et debonnaires et
moult amés des bonnes gens. Chils rois eut de madame
sa femme, fille au biau roy Phelippe, deus filz
et deus filles. Des quelz filz li ainsnés eut nom Edouwars,15
et fu rois d'Engleterre par l'acort de tous les
barons très le vivant son père, si com vous orés avant
en ce livre. Li secons des filz eut nom Jehans de
Eltem et morut jones. Li ainsnée des deus filles eut
nom Ysabel et fu mariée au jone roy David d'Escoce, 20
filz au roi Robert de Brus. Et li fu donnée en mariage
de jonèce par l'acord de[s] deus royaumes d'Engleterre
et d'Escoce et par pais faisant. Li autre fille fu
mariée au duch de Guerle. Chilz eurent deus filz et
deus filles, Renault et Edowart; et les filles, li une 25
fu contesse de Blois de par monsigneur Jehan de
Blois son mari, et li aultre duçoise de Jullers.
§ 3. Li biaus rois Phelippes de France eut trois filz
avoech ceste belle fille ma dame Ysabel qui fu royne
d'Engleterre. Et furent cil troi fil moult bel et grant 30
chevalier. Si eut à nom li ainnés Loeis, et fu au vivant
dou roy son père rois de Navare, et l'appella
on le roy Hustin. Li secons eut à nom Phelippes li
Biaus, et li tiers Charles. Et furent tout troi roi de
France apriès le mort dou roy Phelippe, leur père, 5
par droite succession, li uns apriès l'autre, sans avoir
hoir marles de leurs corps engendrés par voie de mariage:
si ques, apriès la mort del daarrain roy Charle,
li douze per et li baron de France ne donnèrent
point le royaume à le sereur qui estoit royne d'Engleterre,10
par tant qu'i[l] [3] voloient dire et maintenir,
encores voelent, que li royaumes de France est bien
si nobles que il ne doit mies aler ne descendre à fumelle
ne par consequense à fil de fumelle. Car, ensi
comme il voelent dire et maintenir, li filz de fumelle 15
ne poet avoir droit ne succession de par sa mère,
venant là où sa mère n'a point de droit: si ques,
par ces raisons, li douze per et li baron de France
donnèrent, de commun acort [le royaume de France] [4],
à monsigneur Phelippe de Valois, fil jadis à monsigneur 20
Charle le conte de Valois, frères à che biau
roy Phelippe deseure dit, et en ostèrent le royne
d'Engleterre et son fil qui estoit hoirs marles et neveus
au roy Charlon, et li rois Phelippes n'estoit que
cousins germains. C'est li poins par quoi les guerres, 25
les pestilenses et les tribulations sont de puis incourutes
et eslevées, et li grant meschief avenu par le
cause dou calenge et de le deffense, si com il vous
sera recordé chi apriès, quant tamps et lieus venront
que j'en deverai parler. Mais je m'en tairai encores
un petit et me retrairai à le droite matère des Englès,
si com je l'ay commencie.
§ 4. Il est bien voirs que cils roys d'Engleterre, 5
pères à ce roy Edouwart sur qui nostre matère est
fondée, gouvrena moult diversement son royaume et
fist pluiseurs diverses justices et pluiseurs merveilles
par le conseil et enhort de monsigneur Huon, c'on
dist le Despensier, qui avoit esté nouris avoecques 10
lui d'enfance. Et avoient tant fait cilz messires Hues
et messires Hues ses pères qu'il estoient li plus grant
baron d'Engleterre, en tant que de mise et de rikèce.
Et par especial messires li filz avoit si mené le roy et
si atrait à ses oppinions que sans lui n'estoit riens 15
fait, et par lui estoit tout fait, et le creoit li rois plus
que tout le monde. Et voloient li doi signeur Despensier
mestriier et sormonter tous les signeurs et
les barons d'Engleterre. Pour quoi, avinrent de puis
ou pays et à yaus meismes moult de maulz et de 20
tourmens.
Car, apriès la grande desconfiture de Struvelin, là
où li rois Robers de Brus, rois d'Escoce, avoit desconfi
che roi d'Engleterre et toutes ses gens, si com
ci dessus est dit, grant hayne et grant murmure
monteplia ou pays d'Engleterre entre les nobles barons 25
et le conseil le roy meismement encontre le
dit monsigneur Huon le Despensier. Et li mettoient
sus que par son conseil il avoient esté desconfi et
que, par tant qu'il estoit favourables au roi d'Escoce, 30
il avoit tant conseilliet et tenu le roi d'Engleterre en
negligense que li Escot avoient reconquis le bonne
cité de Bervich et ars quatre journées ou cinq par
deus fois dedens leur pays, et yaus desconfis en bataille
et mis en cace, et porté très grant damage. Et
sus ce li dit baron d'Engleterre eurent pluiseurs fois 5
parlement ensamble pour aviser et regarder qu'il en
poroient faire; des quelz li contes Thumas de La[n]castre
estoit chiés et souverains. Et li desplaisoit li
usages que li rois avoit empris, et en parla par deus
ou par trois fois assés ouvertement au dit Despensier. 10
Or, se perchut li dis messires Hues comment
on murmuroit sur lui et sus son afaire. Si, se doubta
trop fort que maulz ne l'en venist, ensi qu'il fist;
mès che ne fu mies si trestos. Ançois eut il fait moult
de coses damagables ou pays, si com vous orés chi 15
après.
§ 5. Cilz qui estoit bien dou roy, et si proçains qu'il
voloit, et plus creus tous seus que tous li mondes,
s'en vint au roy et li dist que cil signeur avoient fait
alliance encontre lui, et qu'il le metteroient hors de 20
son royaume, se il ne s'en prendoit garde. Tant fist,
par son enhort et par son soubtil pourcach, que li
rois fist à un jour prendre tous ces signeurs à un parlement
là où il estoient assamblé, et en fist decoler
sans delay et sans cognissance de raison jusques à 25
vingt et deus des plus grans barons d'Engleterre, et
tout premiers le conte Thumas de Lancastre, qui estoit
ses oncles, preudons et sains homs, et fist puis
moult de biaus miracles ou lieu où il fu decolés.
Pour le quel fait, li dis messires Hues acquist grant 30
hayne de tout le pays, et par especial de la royne
d'Engleterre et dou conte de Kent, qui estoit frères
au dit roy.
Encores ne se cessa pas li dis messires Hues de
enhorter le roi mal à faire. Car, quant il perchut
qu'il estoit mal de le royne et dou conte de Kent, il 5
mist si grant descort entre le roy et le royne, par
son malisce, que li rois ne voloit point venir en lieu
où elle fust, et dura cilz descors assés longement. Et
fu qui dist à le royne et au conte de Kent tout secretement,
pour les perilz eschiewer où il estoient par 10
le fait dou Despensier, que, se il demoroient longement
ens ou pays, li rois, par hastieu conseil et male
information, leur feroit souffrir dou corps haschière,
si com cil avoient entendu.
Dont, quant il avint que la royne et li contes de 15
Kent oïrent ces nouvelles, si se doubtèrent, car il
sentoient le roy hastieu et de diverse manière et che
messire Hue si bien de lui qu'il faisoit tout ce qu'il
voloit, sans avis et sans regart de nulle raison. Si s'avisèrent
la ditte dame et li contes de Kent qu'il se 20
partiroient d'Engleterre et s'en iroient en France veoir
le roi Charlon que la royne, qui sa sereur germainne
estoit, n'avoit veu de puis que elle fu envoiie en Engleterre;
et en menroit avoecques lui son jone fil
Edouwart, et lairoit couvenir ce roy et le Despensier 25
au sourplus. Espoir, hastement s'amenderoit leurs
estas, et y pourveroit Diex de remède et de conseil.
Ce pourpos tinrent la dame et li contes de Kent
et ordonnèrent leurs besongnes secretement et envoiièrent
devant le plus grant partie de leur arroi 30
par le rivière de Tamise en nefs en Flandres. Et
prist la ditte dame excusance de venir en pelerinage
à Nostre Dame de Boulongne. Et se parti, si com
vous poés oïr, d'Engleterre à petite mesnie, son jone
fil avoech lui, le conte de Kent son serourge et monsigneur
Rogier de Mortemer. Et montèrent à Douvres
et arrivèrent à Boulongne. 5
§ 6. Quant la royne d'Engleterre fu arrivée à Boulongne
et toute se route, elle regratia Nostre Signeur
et s'en vint tout à piet jusques à l'eglise Nostre Dame
en devotion, et fist sen offrande et sen orison devant
l'image. Li abbes de laiens et tout li monne le recuellièrent10
liement; et fu laiens herbergie et toute se
mesnie; et s'i reposèrent et rafrescirent par cinq
jours. Au sizime, il montèrent tout as chevaus et sus
hagenées qu'il avoient amené d'Engleterre, et se partirent
de Boulongne o tout leur arroi. Si fu la dame 15
aconvoiie et acompagnie d'aucuns chevaliers de là
environ, qui l'estoient venu veoir et festiier, pour la
cause de ce que elle estoit soer au roy leur signeur.
Tant esploita la dame par ses journées que elle approça
Amiens. Chil de la cité vinrent contre lui moult 20
reveramment. Et par tout où elle passoit, as cités et
as bonnes villes, on li faisoit feste et honneur, car li
rois Charles l'avoit ensi ordonné, qui estoit enfourmés
de sa venue.
Et tant chevauça la ditte dame que elle vint à Paris. 25
Si estoient jà issut contre lui moult de noble
gent, pour le recueillier et son jone fil. Et les amenèrent
jusques au palais messires Robers d'Artois, li
contes de Dammartin, li sires de Couci, li sires de
Montmorensi et pluiseur aultre. Si descendirent devant 30
le perron et montèrent les degrés dou palais,
chil signeur François devant qui menoient la dame,
son fil et le conte de Kent; et vinrent jusques au roi
qui se tenoit en une cambre, bien acompagniés de
prelas et de chevaliers.
Quant li rois de France vei sa serour qu'i[l] en grant 5
tamps n'avoit veu [5], et elle deut entrer en la cambre,
il vint contre lui et le prist par le main droite et le
baisa et dist: «A bien vigne ma belle suer et mes
biaus niés!» Si les tint tous deus et les mena avant.
La dame, qui pas n'avoit trop grant joie fors de ce 10
que elle se trouvoit dalés le roy son frère, s'estoit jà
volue agenoullier par deus ou par trois fois, mais li
rois ne le laioit et le tenoit toutdis par le main droite,
et li demandoit moult doucement de son estat et de
son afaire. Et la dame l'en respondoit très sagement, 15
et tant furent les parolles que elle dist: «Monsigneur,
se nous va moy et mon fil assés petitement.
Car li rois d'Engleterre, mes maris, m'a pris en trop
grant hayne, et se ne scet pour quoi, fors par l'enhort
d'un chevalier englès qui s'appelle Hues li Despensiers. 20
Chilz chevaliers a telement atrait le roi à ses
volentés que tout ce qu'il voet dire et faire il est. Et
jà ont comparet pluiseur haut baron d'Engleterre sa
mauvesté, car il en fist sus un jour prendre au commandement
dou roy et en fist decoler jusques à 25
vingt et deus sans loy et sans cause, et par especial le
bon conte Thumas de Lancastre, dont ce fu trop
grans damages, car il estoit preudons et loyaus et
plains de bon conseil. Et n'est nulz en Engleterre,
tant soit nobles ne de grant afaire, qui l'ose couroucier30
ne desdire de cose que il voelle faire. Et m'a telement
tourblet devers le roy, et le conte de Kent
men frère, que veci qu'il nous fu dit en grant amisté
par chiaus qui savoient aucunes coses dou conseil ce
dit chevalier, que nous estions en grant peril de nos 5
vies. Si nous sommes parti en grant doubtance et
venu par deça vous veoir, que je desiroie moult.»
Et li rois dist: «Ma belle suer, grant merchis.»
§ 7. Quant li rois Charles eut oy et entendu les
complaintes de sa suer, et comment elle estoit demenée 10
par le fait dou Despensier, si en eut grant pité et
le reconforta moult doucement et li dist: «Ma belle
suer, vous demorrés dalés nous; si ne vous esbahissiés
ne desconfortés de riens: nous avons assés pour
nous et pour vous. Et si meterons remède et conseil 15
à vos besongnes.» Et la dame s'agenoulla et dist:
«Monsigneur, grans mercis!» De puis la venue de
la dame, de son fil et dou conte de Kent, et que li
rois Charles eut recueilliet moult liement les dessus
dis, il se tinrent à Paris dalés le roy. Et leur faisoit 20
li dis rois faire leur delivrance de toutes coses; et estoit
souvent la royne d'Engleterre avoech le roy son
frère et la royne de France, et ooit à le fois des nouvelles
d'Engleterre qui pas trop plaisans ne li estoient.
Car, cilz messires Hues li Despensiers croissoit tous
jours en poissance et en amour devers le roy. Et
avoit telement attret et atournet le dit roy que tous
li pays s'en esmervilloit; et n'avoit nulz que faire en
le court dou roy, se il n'estoit de son acord. Si fist 30
il de puis moult de diversetés et de cruaultés as pluiseurs
en Engleterre, dont il estoit moult hays. Mais
nulz ne li osoit dire ne moustrer, car se il se doubtast
de qui que fust, conte ou baron, tantost il le fesist,
sus l'ombre dou roy, prendre et decoler sans nule
remède. Si estoit si doubtés, et des pluiseurs tant 5
hays, que merveilles. Et regardèrent aucun baron et
sage homme dou pays que ce ne faisoit mies à souffrir,
et que ses outrages et mauvaistés il ne poroient
plus porter. Si se traisent tout secretement ensamble
à conseil, et eurent avis et volenté que il remanderoient10
leur dame la royne d'Engleterre, qui jà avoit
demoret en France bien priès par l'espasse de trois
ans, et tout dis dedens le cité de Paris. Se li escrisirent
et segnefiièrent, se elle pooit trouver voie ou
sens par quoi elle peuist avoir aucune compagnie de 15
gens d'armes de mil armeures de fier ou là environ,
et elle vosist ramener son fil et toute se compagnie
ou royaume d'Engleterre, il trairoient tantost vers
lui et obeiroient à lui et à son fil comme à leur
signeur, car il ne pooient ne voloient plus porter les 20
desrois ne les fais que li rois faisoit ou pays, par le
conseil monsigneur Huon, et de chiaus qui de son
accort estoient.
Quant la royne entendi ces nouvelles, elle s'en
consilla secretement au roy Charle, son frère, qui 25
bien volentiers l'entendi, et li respondi adonc que
elle l'entrepresist hardiement, car il li aideroit et li
presteroit de ses gens telz que elle vorroit avoir. Et
avoech che il li presteroit de son or et de son argent
ce qu'il l'en besongneroit. Sour ce, la royne se parti 30
de lui, et s'en revint à son hostel et se pourvei si
com elle peut. Et pria secretement des plus grans
barons de France ceulz dont elle se fioit le plus, et
qui le plus volentrieu estoient pour tel afaire, et en
pensoit estre bien certainne. Puis le fist ensi à savoir
secretement à ces barons d'Engleterre qui avoient
vers lui envoiiet. 5
Mais on ne le peut si celer que li dis messires
Hues li Despensiers ne le sceuist. Si fist puis tant, le
terme perdant, par ses messages et par dons et prommesses,
que li rois Charles de France fu si enhortés
par son conseil que il manda sa sereur la ditte royne 10
Ysabiel, qui se tenoit à son hostel entre ses gens, et
li desconsilla et deffendi si haut et si acertes qu'il
peut, que elle demorast quoie et se relaiast de ce que
elle avoit empris. Et quant la dame entendi le roy
son frère, elle fu toute esbahie et abaubie, ce ne fu 15
point de merveilles. Si perchut bien que ses frères
estoit mal infourmés, car riens que elle peuwist dire
à l'encontre ne li pooit valoir ne aidier. Si se parti
adonc de lui moult triste et esmarie, et revint arrière
à son hostel, et ne se relaia point pour ce à appareillier.20
Li rois ses frères le sceut; s'en fu courouciés,
quant sus sa deffense elle voloit ouvrer. Si fist,
par le conseil qu'il eut, commander, sus corps et sus
avoir, que nulz de son royaume ne se meuist, ne
alast avoech la ditte royne, sa suer.
25
Quant la dame seut ce, elle fu assés plus triste que
devant, ce fu bien raisons. Si ne sceut que faire ne
que penser, car toutes ses besongnes li venoient au
contraire, et estoient venues de lonch tamps. Et se
li falloit, ce li sambloit, par mauvais conseil, cilz qui30
mieus li devoit aidier à son besoing. Et si approçoit
li termes que elle avoit mandet à chiaus que elle tenoit
pour ses amis en Engleterre. Si demora moult
esgarée, sans nul confort, comme celle qui ne savoit
que elle peuist faire ne que devenir. Et requeroit
souvent Dieu estroitement en soi meismes, et li prioit
que il le vosist aidier et consillier. 5
§ 8. Ne demora pas gaires de temps que on li dist,
fiablement et par grant bien, que, se elle ne se gardoit
sagement, li rois, ses frères, le feroit prendre et
mener en Engleterre, pour relivrer à son mari, le roi
d'Engleterre, et detenroit son fil avoecques lui, car il 10
ne li plaisoit plus que elle eslongast ensi son mari.
De ces nouvelles fu la dame plus esbahie que devant,
car elle amast mieus estre morte et desmembrée que
venir ou pooir ne ou dangier son mari ne le Despensier.
Si eut bien mestier d'avoir bon conseil. Si 15
s'avisa que elle vuideroit France et s'en avaleroit en
Haynau, pour veoir le conte et monsigneur Jehan de
Haynau son frère, qui estoient signeur plain de toute
honneur et de grant recommendation. Espoir, trouveroit
elle en yaus tout confort et bonne adrèce, et 20
si estoit lor cousine moult proçainne.
Si ordonna la ditte dame ses besongnes, et fist ses
gens sages de son departement, et comptèrent et
paiièrent par tout. Adonc, se parti au plus tost et au
plus quoiement que elle peut de son hostel, avoech 25
li ses filz en l'eage de quinze ans ou environ, li contes
de Kent, li sires de Mortemer, et tout li aultre
chevalier d'Engleterre, qui estoient afuioit apriès lui.
Et fist tant par ses journées que elle passa France,
Vermendois et Cambresis, et vint en Ostrevant, en 30
Haynau, en un chastiel que on appelle Buignicourt,
dont messires Nicoles d'Aubrecicourt estoit sires. Et
li quelz bachelers et sa femme rechurent liement et
bellement en leur hostel la ditte royne d'Engleterre
et son fil et leurs gens; et trouvèrent apparilliet tous
les biens de laiens. 5
Ces nouvelles furent tost venues à Valencienes, où
li contes de Haynau et messires Jehans de Haynau
ses frères estoient, que la royne d'Engleterre estoit
herbergie à Buignicourt chiés le chevalier. Et quant
li doi signeur dessus dit oïrent ce, si furent tantost 10
consilliet quel cose il en apertenoit à faire. Premierement,
messires Jehans de Haynau se parti de Valenchiènes,
li moult bien acompagniés de chevalier
et d'escuiers, et chevauça tant qu'il vint à Buignicourt,
en Ostrevant, et trouva la dessus ditte dame, 15
à qui il fist toute l'onneur et reverense qu'il peut, car
bien le savoit faire. La dame, qui estoit moult triste
et esgarée, et en sus de tous consaulz, fors de Dieu
et de lui, commença à complaindre au dit signeur
de Byaumont, en plorant moult piteusement, ses besongnes,20
et recorder ses dures avenues, de cief en
cor, tout ensi que avenu li estoit jusques à ores:
premierement, comment elle estoit dechacie d'Engleterre,
et ses filz, et venue en France sus le fiance de
son frère le roy; et comment elle cuidoit [estre] [6]25
pourveue de gens d'armes par le conseil de son frère,
pour aler plus poissamment et en mener son fil en
son royaume, si com si ami d'Engleterre li avoient
mandet; et comment ses frères, puissedi, fu telement
conseilliés qu'il avoit brisiet tout ce voiage et 30
deffendu à tous gentilz hommes que nulz ne se mesist
avoech lui, sus à perdre leurs terres et le royaume.
Et li compta comment, et à quel mescief, elle
estoit là afuie à tout son fil, comme celle qui ne savoit
à cui ne en quel pays trouver confort ne soustenance. 5
§ 9. Et quant li gentils chevaliers messires Jehans
de Haynau eut oy la dame complaindre si tenrement,
et que toute fondoit en larmes et en plours, si en
eut grant pité et li dist, pour lui reconforter, moult 10
doucement: «Certes, dame, veés ci vostre chevalier
qui ne vous faurront pour morir, se tous li mondes
vous falloit. Ains, ferai tout mon pooir de vous
et de vostre fil conduire, et de vous et de lui remettre
en vostre estat en Engleterre, en l'ayde de vos 15
amis qui delà le mer sont, ensi que vous dittes. Et
je, et tout cil que je porai priier, y enventurrons les
vies, ançois que vous ne soiiés au dessus de vos besongnes.»
Et quant la dame l'eut oy parler une si haute et 20
si noble parolle, et si reconfortans ses besongnes,
elle qui seoit, et messires Jehans de Haynau devant
lui, se dreça en estant et se volt engenoullier, de le
grant joie et de le grasce qu'il li offroit; mès li gentilz
chevaliers ne l'euist jamais souffert; ains se leva 25
moult apertement, et prist la dame entre ses bras et
dist: «Ne place jà à Dieu que la royne d'Engleterre
face ce, ne ait empenset à faire, que de li engenillier
devant son chevalier! Mais, dame, reconfortés
vous, et vostre gent ossi, car je vous tenrai vo prommesse.30
Vous venrés veoir monsigneur mon frère et
ma dame ma suer, vostre cousine, la contesse de
Haynau, qui vous en prient; et en sui cargiés de
vous dire, et de vous mener par devers yaus.» Et la
dame li ottrie et dist: «Certes, sire, je trueve en
vous plus de confort et d'amour que en tout le 5
monde. Et, de ce que vous me dittes et offrés, cinq
cens mille mercis. Jamais ne l'arons desservi moy ne
mes filz; mès, se li tamps vient que nous soions en
nostre estat, si com jou espoire bien, par le confort
et grasce de Dieu et de vous, il vous sera grandement 10
remuneret.»
Assés tost apriès ces parolles, prist li sires de
Byaumont congiet de la ditte dame, de son fil et
dou conte de Kent et des autres chevaliers, et s'en
vint ce soir herbergier à Denaing. Et la royne demora 15
à Buignicourt, grandement reconfortée, et bien
y avoit raison, en le pourveance de monsigneur Nicole
d'Aubrecicourt, qui en faisoit ce qu'il pooit. Et
tant en fist que la royne l'en sceut grant gré. Et demora
tous jours de puis ses chevaliers, et si enfant 20
et leur generation ossi, si com vous orés recorder en
avant en ceste hystore.
§ 10. Quant ce vint au matin, apriès messe et boire,
messires Jehans de Haynau se parti de Denaing, et
chevauça de rechief à Buignicourt; si trouva que la 25
royne estoit jà toute apparillie et ses gens ossi. Si se
partirent tout ensamble, et ses filz et leur route, ou
conduit le signeur de Byaumont, qui les amena
adonc à Valenciennes. Et y furent liement et bellement
rechut; et estoit la Salle dou Conte toute appareillie 30
pour la ditte dame et ses gens. Car, à ce donc,
li contes se logoit en l'ostel de Hollandes, et tous ses
hosteulz. Si descendi la royne d'Engleterre à le Salle,
et y fu logie et herbergie bien et aisiement. Et le
vint là veoir la contesse de Haynau, qui li fist toute
honneur et reverense, car bien le savoit faire. Et 5
ossi fist li contes Guillaumes de Haynau, mais il estoit
maladieus de gouttes, si ne chevauçoi[t] mies à
sen aise. Toutes fois, i[l] l'honnoura et festia grandement,
le terme que elle sejourna à Valenciennes, environ
trois sepmainnes. 10
Entroes, elle fist apparillier son oirre et ses besongnes.
Et li dis messires de Byaumont fist escrire
lettres moult affectueuses as chevaliers et as compagnons
de cui il se fioit le plus, en Haynau, en Hasbaing
et en Braibant; et les prioit, tant qu'il pooit, 15
et cescun sur toutes amistés, qu'il venissent avoech
lui en ceste emprise. Si en y eut grant plenté, de
l'un pays et de l'autre, qui y aloient pour l'amour
de li, et ossi grant plenté qui n'i alèrent mies, comment
qu'il en fuissent priiet. Et meismement li dis 20
messires Jehans en fu durement repris de son frère,
et de aucuns de son propre conseil, pour tant qu'il
leur sambloit que li entrepresure estoit si haute et si
perilleuse, selonch les descors et les grandes haynes
qui adonc estoient entre les haus barons et les communs 25
d'Engleterre, et selonch ce que li Englès sont
communement envieus sour toutes estragnes gens,
quant il sont à leur deseure et meismement en leur
pays, que cescuns avoit paour et doubtance que li
dis messires Jehans ne nulz de ses compagnons peuist 30
jamais revenir. Mais, quoi que on li blasmast ne
desconsillast, li gentilz chevaliers ne s'en volt onques
relaiier. Ains, dist que il n'avoit que une mort à
souffrir, qui estoit en le volenté de Nostre Signeur;
mais il avoit prommis à celle gentilz dame de lui
conduire jusques en son royaume; si ne l'en fauroit
pour morir. Et ossi chier avoit il à prendre le mort 5
avoecques celle noble dame, qui ensi estoit dechacie,
se morir y devoit, que autre part. Car tout chevalier
doient aidier à leur loyal pooir toutes dames et pucelles
à leur besoing, especialment quant il en sont
requis. 10
§ 11. Ensi se parti la royne d'Engleterre de le ville
de Valenciènes, quant elle et ses gens furent apparilliet
de che qu'il leur falloit; et prist congiet au gentil
conte Guillaume de Haynau et ma dame Jehane
la contesse, sa femme, et les remercia grandement, 15
humlement et doucement de le bonne, lie cière et
de la belle recueilloite que il li avoient fait. Si se
mist à voie sus le segureté et conduit del gentil chevalier,
le dit monsigneur de Byaumont. Si fisent tant
par leurs journées que il vinrent à Dourdresk, en 20
Hollandes. Là endroit se pourveirent de naves et de
vaissiaus grans et petis, ensi qu'il les peurent trouver,
et misent dedens leurs chevaus, leurs harnas et
leurs pourveances. Et quant il eurent par avis vent
bon pour eulz, il se commandèrent en le garde de 25
Nostre Signeur, et entrèrent en leurs vaissiaus, et
desancrèrent et se misent en mer. Et n'estoient non
plus de trois cens armeures de fier.
Or, considerés le hardie et haute emprise que li
sires de Byaumont faisoit, que de aler conquerre et 30
entrer en un royaume par force où il ne [cognissoit] [7]
nullui, et ne savoit qu'il y trouveroit, mais il
le faisoit de si grant corage et avoit tel esperance en
Dieu, qu'il li estoit avis que bien furniroit et à sen
honneur le voiage. Si estoit il adonc ou commencement
de son venir, et en le droite fleur de se jonèce; 5
si l'entreprendoit plus volentiers et plus hardiement.
Or vous nommerai aucuns des chevaliers de Haynau
qui alèrent avoecques lui, et à se priière, en ce
voiage: premierement, messires Henris d'Antoing, 10
messires Robers de Bailluel, qui puis fu sires de
Fontainnes, messires Fastrés dou Rues, messires Mikieus
de Ligne, messires Sausses de Boussoit, messires
Perchevaus de Semeries, messires Sanses de
Biauriu, li sires de Wargni, li sires de Potelles, 15
li sires de Montegni, li sires de Gommegnies, li sires
d'Aubrecicourt, et aucun aultre baceler, qui se voloient
enventurer avoech le dit chevalier et leurs
corps avancier. Si y eut aucuns Braibençons et Hesbegnons,
mès ce ne fu pas gramment. 20
Si singlèrent par mer. Et avoient entendu et avisé
qu'il prenderoient terre à un port où il avoient entente
d'arester, mais il ne peurent. Car uns grans
tourmens les prist en mer, qui les mist hors de leur
chemin, qu'il ne sceurent dedens deus jours là où il 25
estoient. De quoi Di[e]x leur fist grant grasce, et leur
envoia belle aventure. Car, se il fuissent embatu à
ce port que il avoient chuesi ou auques priès, il estoient
perdu davantage, et escheu ens ès mains de
leurs ennemis, qui bien savoient leur venue et les 30
attendoient là endroit, pour yaus mettre tous à mort
et le jone roy et la royne ossi; mais Di[e]x ne le volt
mies adonques consentir. Si les fist, ensi que par
droit miracle, destourner, ensi que vous avés oy.
Or avint que, au chief des deus jours, cilz tourmens5
cessa, et veirent li maronnier terre en Engleterre.
Si se traisent celle part moult joiant, et prisent
terre sus le sablon et sus le rivage de le mer,
sans havene et sans droit port. Si demorèrent sus cel
sablon par trois jours, à petit de pourveances de 10
vivres, en descargant leurs chevaus et leurs harnas;
et si ne savoient en quel endroit d'Engleterre il estoient
arrivet, ou pooir d'amis ou d'anemis. Au
quatrime jour, il se misent à le voie, à l'aventure de
Dieu, comme cil qui avoient eu toute mesaise de 15
fain et de froit par nuis, avoecques les grandes paours
qu'il avoient ewes et avoient encores. Si chevaucièrent
tant amont et aval qu'il trouvèrent aucuns petis
hamelés, et puis apriès si trouvèrent une grande abbeye
de noirs monnes, que on claimme Saint Aymon. 20
Si se herbergièrent et rafreschirent en ceste
abbeye par trois jours. Et fisent penser de leurs
chevaus bien et fort, car il en pensoient temprement
avoir à faire.
§ 12. Nouvelles s'espandirent par le pays tant que 25
elles parvinrent à ceulz par qui seureté et mandement
la ditte dame estoit rapassée. Si se apparillièrent, dou
plus tost qu'il peurent, de venir vers li et vers son
fil qui il voloient avoir à signeur. Et li premiers qui
vint encontre lui, et qui plus grant confort donna à 30
chiaus qui estoient venu avoecques lui, che fu li
contes Henris de Lancastre au Tors Col, qui fu frères
au conte Thumas de Lancastre qui fu decolés, si com
vous avés oy par dessus, et fu pères au duch de Lancastre
qui fu si bons chevaliers et si recommendés,
si com vous porés oïr en ceste hystore, ains que vous 5
venés à le conclusion. Chilz contes Henris de Lancastre
dessus dis vint à grant compagnie de gens
d'armes. Apriès, tant d'uns et d'autres vinrent contes,
barons, chevaliers et escuiers, à tout gens d'armes,
qu'il leur sambla bien qu'il fuissent hors de 10
tous perilz. Et tous les jours croissoient gens d'armes,
ensi qu'il aloient avant.
Si eurent conseil entre yaus ma dame la royne, et
li baron, chevalier et escuier, qui venu estoient encontre
li, que il iroient droit à Bristo, à tout leur 15
pooir, là où li rois se tenoit adonc et li Despensier,
qui estoit bonne ville, grosse et rice et fortement
fremée, seans sus un bon port de mer. Et si y a un
chastiel trop durement fort, seant sus mer, si ques li
mers flote tout au tour. Là endroit se tenoit li rois, 20
messires Hues li Despensiers, li pères, qui estoit
priès en l'eage de quatre vins et dis ans, messires
Hues, li filz, li mestres consillières le roy, qui tous
les mauvais consaulz et mauvais fais li enhortoit, li
contes d'Arondiel, qui avoit à femme la fille monsigneur 25
Huon le Jone, et ossi pluiseur chevalier et escuier,
qui repairoient entours le roy et entours le
court, ensi que gens d'estat repairent volentiers entours
leurs signeurs. Si se misent ma dame la royne
et toute sa compagnie, messires Jehans de Haynau, 30
chil conte et chil baron d'Engleterre et leurs routes,
au dit chemin, pour aler celle part. Et par toutes les
villes là où il entroient, on leur faisoit feste et honneur.
Et toutdis leur venoient gens, à destre et à senestre,
de tous costés. Et tant fisent par leurs journées
qu'il parvinrent devant le ville de Bristo. Si le
assegièrent à droit siège fait. 5
§ 13. Li rois et messires Hues li Despensiers li filz se
tenoient ou chastiel. Li vielles messires Hues li pères
et li contes d'Arondiel se tenoient en le ville de
Bristo, et pluiseur aultre qui estoient de leur acord.
Quant cil aultre et cil de le ville veirent le pooir le 10
dame si grant et si enforciet, et priès que toute Engleterre
estoit de leur acord, et veoient le peril et le
damage si apparant, il eurent conseil qu'il se renderoient
et le ville avoech, salve leurs vies, leurs membres
et lor avoir. Si envoiièrent trettier et parlementer 15
devers la royne et son conseil, qui ne s'i veurent
mies acorder ensi, se la dessus ditte ne pooit faire
dou dit monsigneur Huon et dou conte d'Arondiel
sa volenté, car pour yaus destruire estoit elle là
venue.
20
Quant li homme de le ville de Bristo veirent que
autrement il ne pooient venir à pais ne sauver leurs
biens ne leurs vies, au destroit il s'i acordèrent et
ouvrirent les portes, si ques ma dame la royne,
messires Jehans de Haynau et tout li baron, chevalier 25
et escuier entrèrent ens, et prisent leurs hosteulz
dedens la ville de Bristo. Et cil qui ne s'i peurent
logier, se herbergièrent dehors. Là fu pris li dis messires
Hues li pères, et li contes d'Arondiel, et amené
par devant le royne, pour faire d'yaus se pure volenté. 30
Et ossi li furent amené li sien aultre jone enfant,
Jehans ses filz et ses deus fillètes, qui furent là
trouvées en le garde monsigneur Huon. De quoi la
dame eut grant joie, quant elle vei ses enfans que
veus n'avoit de grant tamps, et ossi eurent tout cil
qui point n'amoient les Despensiers. Et s'il avoient 5
grant joie entre yaus, selonc ce pooient avoir grant
duel li rois et messires li Despensiers li filz, qui estoient
en ce fort chastiel enclos, et qui veoient leur
meschief si grant, qui leur couroit seure si apparamment.
Et veoient tout le pays tourner avoecques le 10
royne et avoecques son ainnet fil, et dreciet et esmeut
encontre yaus. Dont, se il eurent dolour et
paour et assés à penser, ce ne fait point à demander.
§ 14. Quant la royne et tout li baron et li aultre
furent herbergiet à leur aise, il assegièrent le chastiel,15
au plus priès qu'il peurent. Et puis fist la royne ramener
monsigneur Huon le Despensier le vielle et le
conte d'Arondiel devant son ainsnet fil, et devant
tous les barons qui là estoient, et leur dist que elle
et ses filz leur feroient droit et loy et bon jugement, 20
selonch leurs fais et leurs œuvres. Adonc respondi
messires Hues et dist: «Ha! dame, Diex nous voelle
donner bon juge et bon jugement; et se nous ne le
poons avoir en ce siècle, si le nous doinst en l'autre!»
Adonc se leva messires Thumas Wage, bons 25
chevaliers, sages et courtois, qui estoit mareschaus
de l'ost, et leur racompta tous leurs fais par escript,
et tourna en droit sus un viel chevalier qui là estoit,
afin qu'il raportast sus se feauté que à faire avoit de
telz personnes, par jugement, et de telz fais. Li chevaliers30
se consilla as autres barons et chevaliers, et
raporta par plainne sieute que il avoient bien mort
desservie, par pluiseurs horribles fais qu'il avoient là
endroit oys racompter, et les tenoient pour vrais et
tous clers. Et avoient desservi, par le diversité de
leurs fais, à estre justiciés en trois manières, c'est à 5
savoir, premiers traynés, et puis decolés, apriès pendus
à un gibet. Tout en tel manière qu'il furent jugiet,
furent il tantost justiciet par devant le chastiel
de Bristo, veant le roy, et veant le dit monsigneur
Huon le fil, et tous ceulz de laiens qui grant despit 10
en eurent. Et puet çascuns savoir que il estoient à
grant meschief de cuer. Ceste justice fu faite l'an de
grasce mil trois cens vingt et six, le jour saint Denis,
en octembre.
§ 15. Apriès ce que ceste justice fu faite, si com 15
vous avés oy, li rois et messires Hues li Despensiers, qui
se veoient assegiet à tèle angousse et à tel meschief,
et ne savoient nul confort qui leur peuist là endroit
de nulle part venir, se misent à une matinée, entre
yaus deus, à peu de mesnie, en un petit batiel, en 20
mer, par derrière le chastiel, pour aler ou royaume
de Galles, s'il peuissent, comme cil qui volentiers se
fuissent sauvé. Mais Diex ne le volt mies souffrir,
car leurs pechiés les encombra. Si lor avint grant
merveille et grant miracle, car il furent onze jours 25
tous plains en ce batelet, et s'efforçoient de nagier
tant qu'il pooient, mais il ne pooient si lonch nagier
que tous les jours li vens, qui leur estoit contraires
par le volenté de Dieu, les ramenoit çascun jour,
une fois ou deus, à mains de le quarte partie d'une 30
liewe priès dou dit chastiel dont il estoient parti; si
ques tous les jours les veoient bien cil de l'ost le
royne.
Au daarrain, avint que messires Henris de Byaumont,
filz au visconte de Byaumont en Engleterre,
entra en une barge, et ossi avoec lui aucuns compagnons, 5
et se fist nagier devers ceulz, et nagièrent
tant et si fort que onques li maronnier le roy ne
peurent tant fuir devant yaus que finablement il ne
fuissent rataint, et pris à tout leur batiel, et ramenet
en le ville de Bristo, et livrés à ma dame la royne et 10
à son fil comme prisonniers, qui moult en eurent
grant [joye] [8], et ossi eurent tout li aultre, et à bonne
cause, car il avoient acomplit et achievet leur desir,
à l'ayde de Dieu, tout à leur plaisir.
§ 16. Ensi reconquist la ditte royne tout le royaume 15
d'Engleterre pour son ainsné fil, sour le confort et
conduit de monsigneur Jehan de Haynau et de se
compagnie. Par quoi ilz et tout si compagnon, qui
en ce voiage furent avoech lui, furent tous tenus
pour preus, par le raison de le haute emprise que 20
fait avoient. Car il ne furent tout comptet, quant il
entrèrent en mer à Dourdresch, si com vous avés oy,
que trois cens armeures de fier, qui fisent si hardie
entrepresure, pour l'amour de le ditte royne, comme
d'entrer en naves et passer mer à si peu de gens, 25
pour conquerre tel royaume comme est Engleterre,
maugré le propre roy et tous ses aidans.
§ 17. Ensi com vous avés oy, fu celle haute et hardie
emprise achievée; et reconquist ma dame la royne
Ysabiel tout son estat, par le confort et conduit del
gentil chevalier monsigneur Jehan de Haynau et de
ses compagnons, et mist à destruction ses ennemis.
Et fu pris li rois meismes par tèle mescheance et 5
fortune que vous poés entendre. Dont tous li pays
communalment eut grant joie, hors mis aucuns qui
estoient de le faveur le dit monsigneur Huon le Despensier.
Quant li rois et li dis messires Hues li
Despensiers furent amené à Bristo par le dessus dit 10
monsigneur Henri de Byaumont, li rois fu envoiiés,
par le conseil de tous les barons et les chevaliers,
ens ou fort chastiel de Bercler, seant sus le grosse
rivière de Saverne, et recommendés au signeur dou
dit chastiel de Bercler que il en fesist bonne garde; 15
et il dist que ossi feroit il; et fu ordonné à lui servir
et garder bien et honnestement, et gens d'estat
entours lui, qui bien savoient que on en devoit faire,
mais point ne le devoient laissier partir dou pourpris.
Ensi fu il enjoint et commandé. Et li dis messires 20
Hues fu tantost livrés à monsigneur Thumas
Wage, mareschal de l'host.Apriès çou, se partirent la royne et toute son host
pour venir droit à Londres, qui est li chiés d'Engleterre,
et se misent au chemin. Li dis messires Thumas 25
Wage fist bien et fort loiier monsigneur Huon
le Despensier sour le plus petit magre et chetif cheval
qu'il pot trouver, et li fist faire à viestir un tabar
et afubler par dessus son abit le dit tabar, semet
de telz armeures qu'il soloit porter, et le faisoit ensi 30
mener par derision apriès le route et le conroi le
royne, par toutes les villes où il devoient passer, à
trompes, à trompètes et flahutes, pour lui faire plus
grant despit, tant qu'il vinrent à Harfort, une bonne
cité. Là fu la royne moult reveramment recheue et
à grant solennité, et toute li compagnie ossi. Et tint
là sa feste de le Toussains moult grande et moult 5
bien estoffé[e], pour l'amour de son fil et des signeurs
estragniers qui estoient avoecques lui.
§ 18. Quant li feste fu passée, li dis messires Hues
qui point n'estoit amés, là endroit fu amenés par devant
le royne et tous les barons et chevaliers, qui là 10
estoient assamblet. Là li furent recordet tout si fet
par escript, que onques ne dist riens à l'encontre: si
ques là endroit il fu jugiés, par plainne sieute, de
tous les barons et chevaliers, à mort, et à justicier,
en tel manière com vous orés. Premierement, il fu 15
traynés sour un bahut, à trompes et à trompètes, par
toute la ville de Harfort, de rue en rue. Et puis fu
amenés en une grant place, en le ville, là où tous li
peuples estoit assamblés. Là endroit fu il loiiés haut
sus une eschielle, si ques çascuns, petis et grans, le 20
pooient veoir. Et avoit on fait en le ditte place un
grant feu. Quant il fut ensi loiiés, on li copa tout
premiers le vit et les coulles, par tant qu'il estoit
herites et sodomites, ensi que on disoit meismement
del roy. Et pour ce avoit decaciet li rois la royne 25
ensus de lui et par son enhort. Quant li vis et les
coulles li furent coppées, on les getta ou feu, et furent
arses. Apriès, on li fendi le ventre, et li osta on
tout le coer et le coraille, et le getta on ou feu pour
ardoir, par tant qu'il estoit faulz de coer et traittes, 30
et que, par son traitte conseil et enhort, li rois avoit
honni son royaume et mis à meschief, et avoit fait
decoler les plus grans barons d'Engleterre, par les
quels li royaumes devoit estre soustenus et deffendus.
Et avoech ce il avoit si enhortet le roy qu'il ne pooit
ou ne voloit veoir la royne sa femme, ne son ainsnet 5
fil, qui devoit estre leurs sires; ains les avoit decaciés,
par doubtance de leurs corps, hors dou
royaume. Apriès, quant li dis messires Hues fu ensi
atournés, comme dit est, on li coppa le teste, et fu
envoiie en le chité de Londres; et puis fu il decopés 10
en quatre quartiers. Et furent tantost envoiiet as quatre
milleurs cités d'Engleterre apriès Londres.
§ 19. Apriès ceste justice faite, si com vous avés oy,
la royne et tout li signeur, et grant fuison dou commun
dou pays, se misent au chemin vers Londres, et 15
fisent tant par leurs petites journées qu'il y parvinrent
à grant compagnie. Et issirent communement
tout cil de Londres, grans et petis, encontre le royne
et son ainsnet fil, qui devoit estre leurs drois sires,
et lor fisent grant feste et grant reverense, et à toute 20
leur compagnie ossi. Et donnèrent cil de Londres
grans dons à le ditte royne, et à ceulz là où il leur
sambloit mieus emploiiet.
Quant il furent ensi receu et si grandement festiiet,
si que dit est, et il eurent là sejourné environ 25
quinze jours, li compagnon qui passet estoient avoech
monsigneur Jehan de Haynau, eurent grant talent de
retourner cescuns en se contrée, car il leur sambloit
qu'il avoient bien fait le besongne et acquis grant
honneur, si qu'il avoient. Si prisent congiet à ma 30
dame la royne et as signeurs dou pays. Ma dame la
royne et li signeur leur priièrent assés de demorer
encores un petit de tamps, pour veoir que on vorroit
faire dou roy, qui en prison estoit, ensi que oy
avés; mais il avoient si grant desir de retourner cescuns
en se maison que priière n'i valu riens. Quant 5
la royne et ses consaulz veirent chou, il priièrent de
coste à monsigneur Jehan de Haynau qu'il vosist
encores demorer jusques apriès le Noel, et qu'il detenist
de ses compagnons avoech lui ceulz qu'il en
poroit detenir. Li gentils chevaliers ne volt mies 10
laissier à parfaire sen service, et otria courtoisement
le demorer jusques à le volenté de ma dame le royne.
Si detint de ses compagnons ce qu'il en peut detenir;
mais petit fu, car li aultre ne vorrent nullement
demorer, dont il fu moult courouciés. Toutes fois, 15
quant la royne et ses consaulz veirent que cil compagnon
ne voloient demorer pour nulle priière, il
leur fisent toute l'onneur et le reverense qu'il peurent.
Et leur fist la royne donner grant argent pour
leurs frès et pour leur service, et grans joiaus, et 20
cescun selonch son estat, si grandement que tout
s'en tinrent à bien content. Et avoech ce elle leur
fist rendre l'estimation de leurs chevaus qu'il vorrent
laissier, si haut que cescuns voloit estimer les
siens, sans debat et sans dire ne trop ne peu. Et 25
tout furent paiiet en deniers appareilliés.
Si demora messires Jehans de Haynau, à le priière
de le royne, à petite maisnie et à peu de compagnons,
entre les Englès qui li faisoient toutdis toute
l'onneur et le compagnie qu'il pooient. Ossi faisoient 30
les dames dou pays, dont il y avoit grant fuison,
contesses et autres grandes et gentilz dames et pucelles,
qui venues estoient compagnier ma dame la
royne, et venoient de jour en jour, car il leur sambloit
que li gentilz chevaliers l'euist bien deservi, si
com il avoit.
§ 20. Apriès ce que li plus des compagnons de Haynau 5
se furent parti et li sires de Byaumont demorés,
la royne d'Engleterre donna congiet as gens de son
pays, que çascuns s'en ralast à se maison et en ses
besongnes, hors mis aucuns barons et chevaliers que
elle detint pour lui consillier; et lor commanda que 10
tout revenissent à Londres, au jour dou Noel, à une
grant court que elle voloit tenir. Et tout cil qui se
partirent li eurent en couvent, et encores pluiseur
autre à qui la feste fu mandée. Quant ce vint au
Noel, elle tint une grant court, ensi que elle l'avoit 15
dit. Et y vinrent tout li conte, baron et chevalier et
tout li noble d'Engleterre, et li prelat et li consaulz
des bonnes villes. A ceste feste et à ceste assamblée
fu ordonné, par tant que li pays ne pooit longement
demorer sans signeur, que on metteroit en escript 20
tous les fais et les oevres, que li rois qui en prison
estoit avoit fait par mauvais conseil, et tous ses usages
et ses mauvais maintiens, et comment il avoit
gouvrenet son pays, par quoi on le peuist lire, en
plain palais, par devant tout le pays, et que li sage 25
dou pays peuissent sur ce prendre bon avis et acord
comment et par cui li pays seroit gouvrenés de donc
en avant. Ensi que ordonné fu, il fu fait. Et quant
tout li cas et li fait, que li rois avoit fais et consentis
à faire, et tout si maintien et si usage furent leu 30
et bien entendu, li baron et li chevalier et tous li
consaulz dou pays se trairent ensamble à conseil. Et
se acordèrent li plus sainne partie, et meismement li
grant baron et li noble avoech les consaulz des bonnes
villes, selonch ce que il avoient là oy lire, et
qu'il en savoient le plus grant partie de ces fais et 5
de ces maintiens, de certain et par pure verité. Et
dirent que telz hons n'estoit mies dignes de jamais
porter couronne, ne d'avoir nom de roy. Mais il s'acordèrent
à che que ses ainnés filz, qui estoit ses
drois hoirs, fust couronnés et tantost ou lieu dou 10
père, mais que il presist bon conseil et sage entours
lui et feable, par quoi li royaumes et li pays fust, de
donc en avant, mieus gouvrenés que esté n'avoit; et
que li pères fust bien gardés et honnestement tenus,
tant que vivre poroit, selonch son estat. 15
§ 21. Ensi que acordé fu par les plus haus barons
et par les consaulz des bonnes villes, fu il fait. Et fu
adonc couronnés de couronne royal, ens ou palais de
Wesmoustier, dalés Londres, li jones rois Edowars,
qui tant fu de puis ewireus et fortunés en armes. Ce 20
fu l'an de grasce Nostre Signeur mil trois cens vingt
et sis, le jour dou Noel. Et pooit avoir adonc environ
seize ans; il les eut à le Conversion saint Pol. Et
là fu très grandement servis et honnourés li gentilz
chevaliers messires Jehans de Haynau de tous les 25
princes et de tous les nobles et non nobles dou pays.
Et là [lui] [9] furent donnet grans joiaus et très rices,
et à tous les compagnons qui demoret estoient dalés
lui. Et demora de puis il et si compagnon, en grandes
festes et en grans solas des signeurs et des dames
qui là estoient, jusques au jour des Trois Rois
que il oy dire que li rois de Behagne, li contes de
Haynau, ses frères, et grant plenté de signeurs de
France se ordonnoient, pour estre à Condet sour Escaut, 5
à un tournoi qui là estoit criés.
Adonc ne volt messires Jehans de Haynau plus
demorer, pour priière que on li peuist faire, pour le
grant desir qu'il avoit de venir à ce tournoi, et de
veir son gentil frère, le conte de Haynau, et les aultres10
signeurs qui là devoient estre, et especialment
le plus noble et le plus gentil roy en larghèce qui
regnast à ce temps, le gentil roy Charlon de Behagne.
Quant li jones rois Edowars, ma dame la royne
sa mère et li baron, qui là estoient, veirent que il ne 15
voloit plus demorer, et que priière ne pooit valoir,
il li donnèrent congiet moult à envis. Se li donna li
jones rois, par le conseil de ma dame sa mère, quatre
cens mars d'estrelins, un estrelin pour un denir,
de rente, hyretablement, à tenir de lui en fief, et à 20
paiier çascun an en le ville de Bruges. Et donna encores
à Phelippe de Castiaus, son mestre escuier et
son souverain consilleur, cent mars de rente à l'estrelin,
et ensi à paiier d'an en an que dit est. Et li
fist avoech ce delivrer grant somme d'estrelins, pour 25
paiier les frès de lui et de toute se compagnie, pour
revenir en leur pays. Et le fist conduire, à grant
compagnie de chevaliers, jusques à Douvres; et li fist
apparillier et delivrer tout son passage. Et les dames
meismes, la contesse de Garanes, qui estoit suer au 30
conte de Bar, et aucunes des aultres dames li donnèrent
grant fuison de biaus jeuiaus et riches au departir.
Quant li dis messires Jehans de Haynau et se compagnie
furent venu à Douvres, il montèrent tantost
en naves pour passer oultre, pour le desir qu'il
avoient de venir à temps et à point à ce tournoy,
qui devoit estre à Condet. Et en mena avoech lui 5
quinze jones et preus chevaliers d'Engleterre, pour
estre à ce tournoy avoech lui, et pour yaus acointier
as signeurs et as compagnons qui là devoient estre.
Si leur fist toute l'onneur et le compagnie qu'il peut,
et tourniièrent deus fois celle saison à Condet, puis 10
qu'il furent venu. Or, me voel taire de monsigneur
Jehan de Haynau jusques à tant que poins sera, et
revenrai au jone roy Edouwart d'Engleterre.
§ 22. Apriès chou que messires Jehans de Haynau se
fu partis dou jone roi et de ma dame sa mère, li dis 15
rois et la royne gouvrenèrent le pays par le conseil
dou conte de Kent, oncle au dit roy, et par le conseil
ossi monsigneur Rogier de Mortemer, qui tenoit
grant terre en Engleterre bien siept mille livrées de
revenue, un estrelin pour un denir. Et avoient 20
tout doi esté bani et escaciet hors d'Engleterre avoec
le royne et le dit roy, si com avés oy. Et usèrent
ossi assés par le conseil de monsigneur Thumas
Wage, et [par le conseil de plusieurs autres] [10] que on
tenoit les plus sages dou royaume, comment que
aucun aultre en euissent envie. Car on dist ensi que 25
envie ne poet morir en Engleterre. Ossi règne elle et
voet regner en pluiseurs aultres pays. Ensi passa li
yviers et li quaresmes jusques à Pasques. Et furent li
rois, ma dame se mère et li pays tous en pais, che
terme.
Avint que li rois Robers d'Escoce, qui avoit esté
moult preus, et qui moult avoit souffert contre les
Englès, et moult de fois avoit esté decaciés et desconfis 5
au tamps le bon roy Edowart, tayon à ce jone
roy Edowart, estoit devenus moult vieux et malades
de le grosse maladie, ce disoit on. Quant il sceut les
avenues d'Engleterre, comment li rois avoit esté pris
et desposés de se couronne, et ses consaulz justiciés 10
et mis à destruction, si com vous avés oy, il se
pourpensa qu'il deffieroit ce jone roi; car, par tant
qu'il estoit jones et que li baron del royaume n'estoient
mies bien d'acord, si com il cuidoit, et que
on li avoit fait entendant par aventure de par aucuns 15
des ennemis et dou linage les Despensiers, il
poroit bien faire se besongne et conquerre partie
d'Engleterre. Ensi qu'il le pensa, il le fist; et, environ
Pasques, l'an mil trois cens vingt et sept, fist il
deffiier le jone roy Edouwart et tout le pays, et leur 20
manda qu'il enteroit ens ou pays et gasteroit et arderoit
ossi avant qu'il avoit fait autre fois, dou tamps
que li desconfiture fu au chastiel de Struvelin, où li
Englès rechurent si grant damage.
§ 23. Quant li jones rois se senti deffiiés et ses consaulz 25
ossi, il le fisent savoir par tout le royaume et
commander que tout noble et non noble fuissent apparellié
cescuns selonch son estat, et venist çascuns
à tout son pooir au jour de l'Ascension apriès ensiewant
à Evruich, une bonne cité qui siet ou north. 30
Et envoia devant grant fuison de gens d'armes pour
garder les frontières par devers Escoce. Et puis envoia
grans messages par devers monsigneur Jehan de
Haynau, en priant moult affectueusement qu'il le
vosist venir secourir et tenir compagnie à ce besoing,
et que il vosist estre dalés lui à Evruich, au jour de 5
l'Ascension, à tout tel compagnie qu'il poroit avoir
de gens d'armes. Quant li sires de Byaumont oy che
mandement, il envoia ses lettres et ses messages par
tout là où il cuidoit recouvrer de bons compagnons,
en Flandres, en Haynau, en Braibant et en Hasbaing; 10
et leur prioit, si acertes qu'il pooit, que cescuns le
vosist siewir, au mieus montés et apparilliés qu'il
poroit, devers Wissant, pour passer oultre en Engleterre.
Cescuns le sievi volentiers selonc son pooir,
chil qui furent mandet et moult d'aultre qui ne furent 15
point mandet, pour tant que cescuns cuidoit
raporter otant d'argent que li aultre avoient raportet,
qui avoient estet en l'autre chevaucie en Engleterre
avoech lui: si ques, avant que li sires de Byaumont
venist à Wissant, il eut assés plus de gens qu'il ne 20
cuidoit avoir, mais tous les rechut liement et leur
fist grant chière.
Quant il et se compagnie furent venu à Wissant,
il trouvèrent les naves et les vaissiaus tous prés que
on leur avoit amenet d'Engleterre, et misent ens au 25
plus tost qu'il peurent chevaus et harnas, et passèrent
oultre et vinrent à Douvres. Et ne cessèrent de
chevaucier ne d'errer de jour en jour tant qu'il vinrent,
à trois jours priès de le Pentecouste, à le bonne
cité de Evruich, là où li rois et ma dame sa mère 30
estoient et grant plenté de grans barons, pour le
jone roy consillier et compagnier. Et attendoient là
endroit la venue de monsigneur Jehan de Haynau et
de se compagnie. Et ossi attendoient il que toutes les
gens d'armes, li arcier et les communes gens des
bonnes villes et des villiaus fuissent oultre passet. Et
ensi qu'il venoient par grans routes, on les faisoit 5
logier ès villages, à deus liewes priès ou trois de
Evruich, et là environ sus le plat pays, et les faisoit
on oultre passer par devers les frontières.
§ 24. Droit à ce point, vint à Evruich messires Jehans
de Haynau dessus dis et se compagnie. Si furent 10
bien venut et grandement festiiet dou jone roy, de
ma dame la mère et de tous les barons. Et leur fist on
livrer le plus biel fourbourch de le cité, pour yaus
herbergier entirement sans nul entredeus. Et fu delivrée
à monsigneur Jehan de Haynau une abbeye de 15
blans monnes, pour son corps et pour son tinel tenir.
En le compagnie dou dit chevalier vinrent, dou
pays de Haynau, li sires d'Enghien qui estoit appellés
messires Gautiers, li sires d'Antoing, messires
Henris, li sires de Fagnuelles, messires Fastrés dou 20
Rues, messires Robers de Bailluel et messires Guillaumes
de Bailloel, ses frères, li sires de Havrech,
chastellains de Mons, messires Alars de Brifuel, messires
Fastrés de Brifuel, messires Mikieus de Ligne, messires
Jehans de Montegni li jones et ses frères, messires 25
Sausses de Boussoit, li sires de Gommegnies,
messires Perchevaus de Semeries, li sires de Floion.
Dou pays de Flandres y vinrent messires Hectors
Villains, messires Jehans de Rodes, messires Wauflars
de Ghistelles, messires Guillaumes de Strates, 30
messires Gossuins de Le Muele et pluiseur aultre.
Dou pays de Braibant y vinrent li sires de Duffle,
messires Thieris de Wallecourt, messires Rasses de
Grés, messires Jehans de Casebèke, messires Jehans
Pili[s]re, messires Gilles de Coterebbe, li troi frère de
Harlebèke, messires Gautiers de Hoteberge et pluiseur 5
aultre.
Des Hesbegnons y vinrent messires Jehans li Biaus
et messires Henris ses frères, messires Godefrois de
Le Capelle, messires Hues [d'Ohay] [11] et messires Jehans
de Libines, messires Lambers [d'Oppey] [12], messires 10
Gillebers de Hers.
Et si y vinrent aucun chevalier de Cambresis et
d'Artois de leur volenté, pour leurs corps avancier,
tant que li dis messires Jehans de Haynau eut bien
en se compagnie cinq cens armeures de fier, tous 15
bien estoffés et bien montés.
Apriès ens ès festes de le Pentecouste, vinrent
messires Guillaumes de Jullers, qui puis fu dus de
Jullers apriès le dechiès de son père, et messires
Thieris de Heinsberge qui puis fu contes de Los, à 20
belle route, et tout pour faire compagnie au gentil
chevalier dessus dit.
§ 25. Li jones rois d'Engleterre, pour miex festiier
ces signeurs et toute leur compagnie, tint une grande
court au jour de le Trinité, à le maison des Frères 25
Meneurs, là où il et ma dame sa mère estoient herbergiet.
Et tenoient leur tinel, cescuns par li, c'est à
savoir li rois de ses chevaliers, et la royne de ses dames,
dont elle avoit grant fuison en se compagnie.
A celle court, eut bien li rois six cens chevaliers,
seans en salle et en l'enclostre. Et y eut à ce jour
fais quinze nouviaus chevaliers. Et ma dame la
royne tint sa court ou dortoir; et eut bien seans à 5
table soixante dames que elle avoit priies et mandées,
pour miex festiier le dit monsigneur Jehan de
Haynau et ces aultres signeurs. Là peut on veoir
grant noblèce de bien servir de grant plenté de mès
et d'entremès estragnes et si desghisés, que on ne 10
les poroit deviser. Là peut on veoir dames noblement
parées et richement achemées, qui euist loisir.
Mais adonc ne peut on avoir loisir ne lieu de
danser, ne de plus festiier. Car, tantost apriès disner,
uns grans hustins commença entre les Haynuiers 15
garçons et les arciers d'Engleterre, qui entre
yaus estoient herbegiet, en l'ocquison dou jeu de
dés, de quoi grans mauls vint, si com vous orés.
Car ensi que cil garçon se combatoient à aucuns de
ces Englès, tout li aultre arcier qui estoient en le 20
ville, et cil qui s'estoient herbegiet en celi fourbourch
entre les Haynuiers, furent tantost ensamble
à tous leurs ars apparilliés, et se boutèrent ou hahai,
et navrèrent à ce commencement tout plain des garçons
des Haynuiers: si les couvint retraire en leurs 25
hostelz. Li plus des chevaliers et de leurs mestres
estoient encores à court, qui de ce ne savoient riens.
Et tantost qu'il oïrent nouvelles de ce hustin, il se
traisent au plus tost qu'il peurent, cescuns vers son
hostel, qui peut ens entrer. Et qui n'i peut entrer, 30
il le couvint demorer dehors en grant peril. Car cil
archier, qui estoient bien doi mille, avoient le dyable
ou corps et trai[oi]ent [13] despersement, pour tous
tuer, signeurs et varlès.
Et veult on dire et supposer que c'estoit tous fais,
avisés et pourparlés de aucuns des amis les Despensiers
et le conte d'Arondiel, qui avoient esté mis à 5
fin par monsigneur Jehan de Haynau, si com vous
avés chi dessus oy recorder. Si s'en voloient contrevengier
as Haynuiers, et meismement à monsigneur
Jehan de Haynau, se il peuissent; et bien s'en
misent en painne, si com vous orés. Car encores li 10
Englès et les Englesses, de qui li hostel estoient,
clooient et baroient leurs huis et leurs fenestres au
devant des Haynuiers, et ne les laissoient ens rentrer.
Toutes fois, il en y eut aucuns qui y rentrèrent
par derrière leurs hosteulz, et s'armèrent moult 15
vistement. Quant il furent armet, il n'osèrent issir
hors par devant pour les saiettes; ains issirent hors
par derrière, par les courtilz, et rompirent les enclos
et les paufis. Et attendirent li uns l'autre, en une
place qui là estoit, tant qu'il furent bien cent ou 20
plus, tout armet, et bien otant tous desarmet, qui
ne pooient rentrer en leurs hostelz.
Quant cil armé furent ensi assamblé, il se hastèrent
pour secourre les aultres compagnons, qui deffendoient
leur hostelz en le grande rue, au mieus 25
qu'il pooient. Et passèrent cil armet parmi l'ostel
au signeur d'Enghien, qui avoit grandes portes derrière
et devant sour le grande rue, et se ferirent
estoutement en ces archiers. Dou trait y eut fuison
des Haynuiers navrés et blechiés. Et là furent bon 30
chevalier messires Fastrés dou Rues, messires Perchevaus
de Semeries et messires Sauses de Boussoit.
Car cil troi chevalier ne peurent onques rentrer
en leurs hostelz pour yaus armer; mais il y
fisent otant d'armes que tel [qui] [14] estoient armet. Et 5
tenoient grans lons leviers et gros de kesne, qu'il
avoient pris en le maison d'un carlier. Et donnoient
les horions si grans que nulz ne les osoit approcier,
et en abatirent plus de soixante ce jour, si com on
dist. Finablement, li arcier qui là estoient furent 10
desconfi. Et en y eut bien mors, en le place que as
camps, trois cens ou environ, qui tout estoient de
l'eveskiet de Lincolle.
Si croi que Diex ne envoia onques si grant fortune
à nulle gent, qu'il fist à monsigneur Jehan de 15
Haynau et à se compagnie. Car ces gens ne tendoient
fors toutdis à yaulz mourdrir et desrober,
comment qu'il fuissent là venu pour la besongne le
roy; ne onques gens ne furent ne ne demorèrent en
si grant peril ne en tel angousse, ne paour de mort 20
qu'il fisent, le terme qu'il sejournèrent à Evruich.
Et encores ne furent il onques bien aseur, jusques à
tant qu'il se trouvèrent à Wissant. Car il escheirent,
pour ce fait, en si grant hayne et malinvolence de
tout le remanant des arciers, qu'i[l] les haioient plus 25
assés que les Escos, qui tous les jours leur ardoient
leur pays! Et disoient bien li aucun chevalier et baron
d'Engleterre as signeurs de Haynau, qui point
ne les haioient, pour yaus aviser et mieus garder,
que chil maleoit arcier et aultre commun d'Engleterre 30
estoient cueilliet et alloiiet plus de six mil ensamble,
et maneçoient les Haynuiers que d'yaus venir
tous ardoir et occire en leurs hosteulz, de nuit ou
de jour; et ne trouveroient personne de par le roy
ne des barons, qui les osast aidier ne souscourre. 5
Dont, se il estoient en grant mesaise de coer et en
grant hideur, quant il ooient ces nouvelles, ce ne
fait point à demander. Ne ilz ne savoient que penser,
ne que aviser que il peuissent faire selonc ces
nouvelles; ne il n'avoient esperance nulle de retourner 10
en leur pays, ne il n'osoient eslongier le roy ne
les haus barons; et si ne pooient sentir nul confort,
pour yaus aidier ne garantir. Si n'avoient aultre entente,
fors que d'yaus bien vendre et leurs corps
deffendre, et cescuns aidier li uns l'autre. 15
Si fisent li chevalier de Haynau et leurs consaulz
pluiseurs bonnes ordenances, par grant avis, pour
yaus mix garder et deffendre, par les quèles il couvenoit
toutdis jesir par nuit armés, et par nuit gettier
par connestablies les camps et les chemins d'entours 20
le ville et les fourbours, et envoiier aucunes
escoutes demi liewe ensus de le ville, pour escouter
se ces gens venroient, ensi que enfourmet estoient
et que on leur raportoit. Et leur disoient çascun
jour gens creable, chevalier et escuier, qui bien le 25
cuidoient savoir. Par quoi, si ces escoutes oïssent
gens esmouvoir pour traire par devers le ville, il se
devoient retraire viers chiaus qui gardoient les
camps, pour yaus manthe[n]ir [15] et aviser, par quoi il
fuissent plus tost montet et apparilliet et venu ensamble,
cescuns à se banière, en une place qui pour
ce faire estoit avisée.
§ 26. En celle tribulation, demorèrent il en ces fourbours,
par l'espasse de quatre sepmainnes, que tous 5
les jours on leur raportoit telz nouvelles ou pieurs
assés, et telz fois pires un jour que l'autre. Et en
veirent pluiseurs apparans, qui durement les esbahissoit.
Car, au voir dire, il n'estoient que une puignie
de gens ens, ou regard de le communauté 10
d'Engleterre qui là estoit assamblée. Ne il n'osoient
eslongier leurs hosteulz ne leurs armeures, ne entrer
en le cité, hors mis les signeurs qui aloient veoir le
roy et le royne et leur conseil, pour festiier et pour
aprendre des nouvelles, ne com longement on les 15
tenroit en cel estat ne en celle angousse.
Et, se li meschief de le mesaventure et li perilz ne
fust, il sejournoient assés aisiement. Car li cités et li
pays d'entours yaus estoit si plentiveus que, dedens
plus de six sepmainnes, que li rois et tout li signeur 20
d'Engleterre et li estragnier et leur gens, dont
il y avoit plus de soixante mille hommes, sejournèrent
là, onques ne renchierirent li vivre, que on
n'euist la denrée pour un denir, ossi bien que on
[avoit] [16] en avant qu'il y venissent, bons vins de 25
Gascongne, d'Aussay et de Rin, à très bon marchiet,
poullalle et toutes manières de aultres vivres ensi.
Et leur amenoit on devant leurs hostelz le fain, l'avainne
et le litière, dont il estoient bien servi, et à
bon marchiet.
30
§ 27. Quant il eurent là sejourné par l'espasse de
trois sepmaines après le bataille, on leur fist à savoir
de par le roy et les mareschaus que cescuns se pourveist,
dedens celle aultre sepmainne, de charètes et
de tentes pour gesir as camps, et de tous aultres 5
hostilz necessaires, pour aler oultre par devers Escoce,
car li rois ne voloit là plus sejourner. Adonc se pourvei
cescuns, au mieulz qu'il peut, selonch son estat.
Quant on fu apparilliet, li rois et tout si baron se
traisent hors, et alèrent logier six liewes en sus de le 10
ditte cité. Et messires Jehans de Haynau et se compagnie
furent logiet toutdis au plus près del roy
pour honneur, et par tant aussi que on ne voloit
mies que li archier, qui tant les haioient, euissent
nul avantage sus yaus. Si sejournèrent li rois et ces 15
premières routes deus jours, pour attendre les daarrains,
et pour miex aviser cescun, se il li falloit
riens.
Au tierch jour apriès, toute li hos qui estoit là se
desloga et se traist avant de jour en jour, tant que 20
on vint oultre le cité de Durem, une grande journée
à l'entrée d'un pays que on claimme Northombrelande,
qui est sauvages pays, plains de desiers et de
grandes montagnes, et durement povres pays de
toutes coses fors que de bestes. Si keurt parmi une 25
rivière, plainne de cailliaus et de grosses pières, que
on nomme Thin. Sus celle rivière, siet d'amont li
ville et li chastiaus que on claimme Carduel en Galles,
qui fu jadis au roy Artus, et où il se tenoit moult
volentiers. Et d'aval la ditte rivière, siet là une bonne30
ville, que on claimme le Noef Chastiel sur Thin. Là
estoit li mareschaus d'Engleterre, à tout grant gent
d'armes, pour garder le pays contre les Escos, qui
gisoient as camps pour entrer en Engleterre. Et à
Carduel gisoient ossi grant fuison de Gallois, dont li
contes de Herfort et li sires de Montbrai estoient
conduiseur et gouvreneur, pour deffendre le passage 5
de le rivière. Car li Escot ne pooient entrer en Engleterre
sans passer le ditte rivière.
Et ne peurent savoir li Englès certainnes nouvelles
des Escos, jusques adonc que il vinrent à l'entrée de
ycelui pays. Mès adonc peut on veoir apparamment 10
les fumières des hamelés et des villiaus, qu'il ardoient
en vallées de celui pays. Et avoient passet
celle rivière si paisievlement que onques cil de Carduel
ne cil dou Noef Chastiel sur Thin n'en seurent
nouvelles, ce disoient. Car, entre Carduel et le Noef 15
Chastiel, poet avoir environ vingt et quatre liewes
englesces. Mès, pour mieus savoir le manière des
Escos, je me tairai un petit des Englès, et deviseray
aucune cose de le manière des Escos, et comment il
sèvent guerrier. 20
§ 28. Li Escot sont dur et hardit durement, et fort
travillant en armes et en guerre. Et à ce temps de
donc il amiroient et prisoient assés petit les Englès, et
encores font il au temps present. Et quant il voelent
entrer ou royaume d'Engleterre, il mainnent bien 25
leur host vingt ou vingt et quatre liewes loing, que
de jour que de nuit, de quoi moult de gens se poroient
esmervillier, qui ne saroient leur coustume.
Certain est, quant il voelent entrer en Engleterre,
il sont tout à cheval uns et aultres, fors mis li ribaudaille30
qui les sièvent à piet. Assavoir, sont chevalier
et escuier bien montés sour bons gros roncins, et les
aultres communes gens del pays tout sour petites
hagenées. Et si ne mainnent point de charoy, pour
les diverses montagnes qu'il ont à passer, et parmi
che pays dessus dit que on claimme Northombrelande. 5
Et si ne mainnent nulles pourveances de pain
ne de vin, car leurs usages est telz en guerres et leur
sobrietés, qu'il se passent bien assés longement de
char cuite à moitiet, sans pain, et de boire aigue de
rivière, sans vin. Et si n'ont que faire de chaudières 10
ne de chauderons, car il cuisent bien leurs chars ou
cuir des bestes meismes, quant il les ont escorcies.
Et si sèvent bien qu'il trouveront bestes à grant fuison
ou pays là où il voellent aler. Par quoi il n'en
portent aultre pourveance que cescuns emporte, 15
entre le selle et le peniel, une grande plate pière. Et
se tourse derrière lui unes besaces plainne de farine
en celle entente que, quant il ont tant mangiet de
char mal quitte que leur estomach leur samble estre
wape et afoiblis, il jettent celle plate pière ou feu et 20
destemprent un petit de leur farine d'yawe. Quant
leur pière est cauffée, il jettent de ceste clère paste
sus ceste chaude pière, et en font un petit tourtiel à
manière de une oublie de beghine, et le menguent
pour conforter l'estomach. Par ce n'est point de 25
merveilles se ilz font plus grandes journées que aultres
gens, quant tout sont à cheval hors mis le ribaudaille.
Et si ne mainnent nul charoi ne aultres
pourveances, fors ce que vous avés oy.
En tel point estoient il entré en celi pays dessus 30
dit. Si le gastoient et ardoient, et trouvoient tant de
bestes qu'il n'en savoient que faire. Et avoient bien
trois mille armeures de fier, chevaliers et escuiers,
montés sus bons roncins et bons coursiers, et vingt
mille hommes armés à leurs guises, appers et hardis,
montés sus ces petites hagenées qui ne sont ne loiies
ne estrillies; ains les envoi-on tantost paistre c'on en 5
est descendu, en prés, en fries et en bruières. Et si
avoient deus très bons chapitaines, car li rois Robers
d'Escoce, qui estoit moult preus, estoit adonc durement
viex et chargiés de le grosse maladie. Si leur
avoit donnet à chapitainnes un moult gentil prince 10
et vaillant en armes, c'est assavoir le conte de Moret
qui portoit un escut d'argent à trois orilliers de
geules, et monsigneur Guillaume de Douglas, que on
tenoit pour le plus hardi et le plus entreprendant de
tout les deus pays, et portoit un escut d'asur à un 15
chief d'argent et trois estoilles de geules dedens l'argent.
Et estoient cil doi signeur li plus haut baron
et li plus poissant de tout le royaume d'Escoce, et li
plus renommé en biaus fais d'armes et en grans
proèces. Or voel jou revenir à nostre matère. 20
§ 29. Quant li rois englès et ses gens veirent les fumières
des Escos, si que dit est par devant, il sceurent
bien que c'estoient li Escot qui entré estoient en
leur pays. Si fisent tantost criier as armes, et commander
que cescuns se deslogast et siewist les banières. 25
Ensi fu fait. Et traist cescuns armés sus les
camps, si que pour tantost combatre. Là endroit furent
ordonnées trois grosses batailles à piet, et cescune
bataille avoit deus èles de cinq cens armeures
de fier qui devoient demorer à cheval. Et saciés que 30
on disoit que il y avoit bien huit mille armeures de
fier, chevaliers et escuiers, trente mille hommes armés,
li moitiés montés sur petites hagenées, et l'autre
moitiet sergans à piet, envoiiés par election de par
les bonnes villes à leurs gages, çascune bonne ville
pour se rate. Et si y avoit bien vingt et quatre mille 5
arciers à piet, sans le ribaudaille.
Tout ensi que les batailles furent ordonnées, on
chevauça tous rengiés apriès les Escos, à l'assent des
fumières, jusques à basses viespres. Adonc se loga li
hos en un bois, sus une petite rivière, pour yaus 10
aaisier, et pour attendre le charoi et les pourveances.
Et tout le jour avoient ars li Escot, à cinq liewes
priès de leur host, et ne les pooient raconsiewir.
L'endemain, au point dou jour, cescuns fu armés,
et trairent les banières as camps, cescuns à se bataille 15
et desous sa banière, si com ordonné estoit.
Si chevaucièrent les batailles ensi rengies, tout le
jour, sans desrouter, par montaignes et par vallées;
ne onques ne peurent approcier les Escos, qui ardoient
devant yaus, tant y avoit de bois, de marès, 20
de desiers sauvages et malaisiés, montaignes et valées.
Et si n'estoit nuls qui osast, sus le tieste à coper,
fourpasser ne chevaucier devant les banières,
fors mis les mareschaus.
§ 30. Quant ce vint apriès nonne sus le viespre, gens, 25
cheval et charoi, et meismement gens à piet, estoient
si travilliet que il ne pooient mès avant [aller] [17]. Et
li signeur se perçurent et veirent clerement qu'il se
travilloient en tel manière pour nient. Et fust encores
ensi que li Escot les vosissent attendre, si se metteroient
il bien sour tel montagne, ou sour tel pas,
qu'il ne se poroient à yaus combatre, sans trop grant
meschief. Si fu commandé, de par le roy et les mareschaus,
que on se logast là endroit, cescun ensi 5
qu'il estoit, jusques à l'endemain, pour avoir conseil
comment on se maintenroit. Ensi fu toute li hos logie
ceste nuit en un bois, sour une petite rivière. Et
li rois fu logiés en une povre court d'abbeye qui là
estoit. Ses gens d'armes, uns et aultres, chevaus, 10
charoi et li hostes sieuwans furent logiet moult ensus,
travilliet oultre mesure.
Quant cescuns eut pris pièce de terre pour logier,
li signeur se traisent ensamble pour avoir conseil
comment il se poroient combatre as Escos, selonch 15
le pays là où il estoient. Et leur sambla, selonch ce
qu'il veoient, que li Escot en raloient leur voie en
leur pays, tout ardant; et que nullement il ne se poroient
combatre à yaus entre ces montagnes, fors
que à grant meschief; et si ne les poroient raconsiewir, 20
mais passer leur couvenoit celle rivière de Thin.
Et fu là dit en grant conseil que, se on se voloit lever
devant mienuit, et l'endemain un petit haster,
on lor torroit le passage de le rivière; et couvenroit
que il se combatissent à leur meschief, ou il demorroient25
tous cois en Engleterre, pris à le trappe.
A celle entente que dit vous ay, fu adonc ordonnet
et acordet que cescuns se traisist à se loge, pour
souper et boire ce qu'il pooit avoir, et desist chescuns
à ses compagnons que, si tost que on oroit le 30
trompète sonner, cescuns mesist ses selles et appareillast
ses chevaus; et, quant on l'oroit le seconde
fois, que cescuns s'armast; et à le tierce fois que cescuns
montast sans atargier et se traisist à se banière,
et que cescuns presist sans plus un pain et le toursast
derrière lui à guise de brakenier; et ossi que
cescuns laissast là endroit tous harnas, tous charois et 5
toutes pourveances, car on se combateroit l'endemain,
à quel meschief que ce fust: si aroit on ou
tout perdut ou tout gaegniet. Ensi que ordonné fu,
ensi fu fait. Et fu cescuns armés et montés à le droite
mienuit. Petit y eut de chiaus qui dormirent, comment 10
que on euist durement travilliet le jour.
Ançois que les batailles fuissent à leur droit ordonnées
et assamblées, commença li jours à apparoir.
Lors commencièrent les banières à chevaucier
en haste desparsement par bruières, par montagnes, 15
par vallées et par rokaille malaisies, sans point de
plain pays. Et par dessus des montaignes et ou plain
des vallées estoient crolières et grans marès, et si divers
passages que merveilles estoit que cescuns n'i
demoroit. Car cescuns chevauçoit toutdis avant, sans 20
attendre signeur ne compagnon. Et sachiés que qui
fust encrolés en ces crolières, il trouvast à malaise
qui li aidast. Et si y demorèrent grant fuison de banières,
à tout les chevaus, en pluiseurs lieus, et grant
fuison de sommiers et de chevaus, qui onques puis 25
n'en issirent. Et moult souvent on cria celi jour as
armes, et disoit on que li premier se combatoient as
ennemis; si ques cescuns, qui cuidoit que ce fust
voirs, se hastoit quanqu'il pooit parmi marès, parmi
pières et cailliaus, et parmi valées et montaignes, le 30
hyaume apparilliet et l'escut au col, le glave ou l'espée
ou poing, sans attendre père ne frère ne compagnon.
Et quant on avoit ensi courut demi liewe ou
plus, et on venoit au lieu dont chilz hus ou cilz cris
naissoit, on se trouvoit deceu. Car ce avoient esté
chierf ou bisses ou ours, ou aultres bestes sauvages,
de quoi il y avoit grant fuison en ces bos et en ces 5
bruières et en ce sauvage pays, qui s'esmouvoient et
fuioient devant ces banières et ces gens à cheval, qui
ensi chevauçoient, et que onques n'avoient veu.
Adonc huioit cescuns apriès ces bestes, et on cuidoit
que ce fust aultre cose. 10
§ 31. Ensi chevauça li jones rois englès celi jour et
tous ses hos parmi ces montagnes et ces desers, sans
chemin tenir, sans voie et sans sentier, et sans villes
trouver, fors que par avis, selonch le soleil. Et
quant ce vint à basses vespres, que on fu venu sus 15
celle rivière de Thin, que li Escot avoient passet et
leur couvenoit rapasser, ce cuidoient et disoient li
Englès, il s'arrestèrent un petit si travilliet et si fourmenet
que cescuns poet penser, et puis passèrent
oultre le ditte rivière à gués, moult à malaise, pour 20
les grandes pières qui dedens gisent. Et quant il furent
passet, cescuns s'ala logier selonch celle rivière,
ensi qu'il pot prendre terre. Mais ançois qu'il euissent
pris pièce de terre pour logier, solaus commença
à esconser. Et si y avoit petit de chiaus qui euissent 25
happes ne cuignies, ne fierement ne estrumens, pour
logier ne pour coper bois. Et s'en y avoit pluiseurs
qui avoient perdus leurs compagnons, et ne savoient
qu'il estoient devenu; dont, s'il estoient mesaisié, ce
n'est point de merveille. Et meismement les gens de 30
piet estoient derrière demoret; et si ne savoient en
quel lieu ne à cui demander leur chemin, dont il
estoient tout fourmesaisiet. Et disoient cil qui le
miex cuidoient cognoistre le pays, qu'il avoient cheminé
celi jour vingt et huit liewes englesses, ensi
courant com vous avés oy, sans arrester, fors que pour 5
pissier, ou son cheval recengler. Ensi travilliés hommes
et chevaus les couvint là le nuit gesir sour celle
rivière tous armés, cescuns son cheval en sa main
par le frain, car il ne le savoit à quoi loiier, par defaute
de jour, et pour deffaute de leur charoi qu'il 10
ne peuissent avoir menet parmi tel pays que deviset
vous ay. Ensi ne mengièrent toute le nuit li cheval,
ne le jour devant, de avainne nulle ne de fourage.
Et eulz meismes ne goustèrent, tout le jour ne le
nuit, que cescun son pain qu'il avoit derrière lui 15
tourset, ensi que dit vous ay, qui estoit de le sueur
dou cheval tous soulliés et ordes; ne il ne burent
d'autre buvrage que de le rivière qui là couroit, fors
mis aucuns signeurs qui avoient boutelles, ce leur
porta grant confort. Et n'eurent toute le nuit ne feu 20
ne lumière, et ne le savoient de quoi faire, hors mis
aucuns signeurs qui avoient tortis aportés sus leurs
sommiers.
Ensi que vous oés, et à tel meschief, passèrent il
le nuit, sans oster selles à leurs chevaus, ne yaus 25
desarmer. Et quant li desirés jour fu venus, en quoi
il esperoient à avoir aucun confort et aucune adrèce,
pour yaus et pour leurs chevaus aisier, pour mengier
et pour logier, ou pour combatre as Escos que
il desiroient si, pour le desir qu'il avoient de issir 30
de celle mesaise et povretet là où il estoient; adonc
commença à plouvoir et pleut toute le journée si
ouniement et si fort que, anchois nonne passée, la
rivière sour la quèle il estoient logiet, devint si grande
que nuls ne pooit envoiier pour veoir ne savoir là
où il estoient cheu, ne où il poroient recouvrer de
fourage ne de littière pour leurs chevaus, ne pain, 5
ne vin, ne autre cose, pour yaus soustenir. Si les
couvint juner tout le jour ensi que la nuit, et les
chevaus mengier terre pour le wason, ou bruière et
fuelles d'arbres, et coper plançons de bois à leurs
espées et leurs baselaires, tous ploians, pour leurs 10
chevaus loiier, et verghes pour faire huttelètes pour
yaus mucier. Entours nonne, aucun povre dou pays
furent trouvet. Si leur fu demandé là où il estoient
cheu et embatu. Chil respondirent qu'il estoient à
quatorze liewes englesses priès dou Noef Chastiel sur 15
Thin, à onze liewes priès de Carduel en Galles. Et
si n'avoit nulle ville plus priès de là, où on peuist
riens trouver, pour yaus aisier. Tout ce fu nonciet
au roy et as signeurs. Et envoia cescuns ses messages
celle part, et ses petis chevaus et ses sommiers, pour 20
aporter pourveances. Et fist on savoir, de par le roy,
à la ville dou Noef Chastiel que, qui vorroit gaegnier,
si amenast pain, vin, avainne et aultres denrées,
on li paieroit tout sech, et le feroit on conduire
à sauf conduit jusques à l'ost. Et leur fist on 25
savoir que on ne se partiroit de là entour, jusques à
tant que on saroit que li Escot estoient devenu.
§ 32. A l'endemain, entour heure de nonne, revinrent
li message que li signeur et li aultre compagnon
avoient envoiiés as pourveances, et en raportèrent 30
che qu'il peurent, pour yaus et leurs mesnies: grandement
ne fu ce mies. Et avoecques yaus vinrent
gens pour gaegnier, qui amenoient sous petis chevalés
et petis mulés, pain mal cuit en paniers, povre
vin en grans barilz, et aultres denrées à vendre,
dont moult de gens et grant partie de l'host furent 5
durement apaisiés; et ensi de jour en jour, tant qu'il
sejournèrent là huit jours sour celle rive, entre ces
montagnes, en attendant çascun jour le sourvenue
des Escos, qui ossi ne savoient que li Englès estoient
devenu, non plus que li Englès savoient d'yaus. Ensi 10
furent il trois jours et trois nuis sans pain, sans
vin, sans candeilles, sans avainne et sans fourage ne
aultres pourveances; et apriès, par l'espasse de quatre
jours, qu'il leur couvenoit acater un pain mal
quit six estrelins, qui ne deuist valoir qu'un paresis, 15
et un galon de vin vingt et quatre estrelins, qui n'en
deuist valoir que six. Encores y avoit on si grant
rage de famine que li uns le tolloit hors des mains
de l'autre, dont pluiseur hustin et grant debat vinrent
des compagnons, des uns as aultres. 20
Encores avoech tous ces meschiés, il ne cessa point
de plouvoir toute celle sepmainne. Par quoi leurs
selles, peniaus, contreçaingles furent tout pouri, et
tout li cheval ou li plus grant partie quassés sus les
dos. Et ne savoient de quoi chiaus ferrer qui estoient 25
defferret, ne de quoi couvrir, fors que de leurs tournikiaus
d'armes. Et ossi n'avoient li plus grant partie
que vestir, ne de quoi couvrir pour plueve, ne
pour le froit, fors que de leurs auketons et de leurs
armeures. Et n'avoient de quoi faire feu, fors que de 30
verde laigne, qui ne poet ardoir fors à grant dur, ne
durer encontre le plueve.
§ 33. A tel meschief, mesaise et povreté demorèrent
il entre ces montaignes et le ditte rivière, sans oïr ne
savoir nouvelles des Escos qu'i[l] cuidoient qu'il
deuissent par là passer ou assés priès, pour retourner
en leur pays. De quoi grant murmurations commença 5
entre les Englès. Car li aucun voloient amettre
as autres qui avoient donnet ce conseil de là
venir en tel point, que il l'avoient fait, pour le roy
trahir et toutes ses gens: si ques pour çou fu ordonné
entre les signeurs que on se mouveroit de là, 10
et rapasseroit on la ditte rivière sept liewes par deseure,
là où elle estoit plus aisieule à passer. Et fist
on criier que cescuns se apparillast, pour deslogier
l'endemain, et siewist les banières. Et si fist on
adonc criier que, qui se vorroit tant travillier qu'il 15
peuist raporter certainnes nouvelles au roy là où on
poroit trouver les Escos, li premiers qui ce li aporteroit,
il aroit cent livrées de terre à hiretage à l'estrelin,
et le feroit li rois chevalier.
Quant ces nouvelles furent esparses par l'ost, toutes 20
gens en furent grandement resjoy. Adonc se departirent
de l'host aucun chevalier et escuier englès
jusques à quinze ou seize, pour le convoitise de gaegnier
celle prommesse, et passèrent le rivière en
grant peril, et montèrent sus les montagnes; et puis 25
si se departirent li uns chà et li aultres là; et se mist
cescuns à l'enventure par lui. L'endemain, tous li
hos se desloga. Et chevaucièrent ce jour assés bellement,
car li cheval estoient foulet, et mal livret et
mal fieret, et quoissiet as çaingles et sour le dos. Et 30
fisent tant qu'il rapassèrent le rivière en grant malaise
car elle estoit grosse pour le plouviage, par
quoi il en y eut assés de bagniés et des Englès noiiés.
Quant tout furent rapasset, il se logièrent là endroit,
car il trouvèrent fourages ès prés et as camps, pour
le nuit passer, dalés un petit village que li Escot
avoient ars à leur passer. Si leur sambla droitement 5
qu'il fuissent cheu à Paris. L'endemain, il se partirent
de là et chevaucièrent par montagnes et par
vallées toute jour jusques priès de nonne que on
trouva aucuns hamelés ars, et aucunes petites campagnes
où il y avoit blés et prés; si ques toute li hos 10
se loga là endroit celle nuit. Et le tierch jour, chevaucièrent
il en tel manière, et ne savoient li plus
où on les menoit, et le quart jour ossi jusques à
heure de tierce.
Adonc vint uns escuiers devers le roi et dist: 15
«Sire, je vous aporte nouvelles. Li Escot sont à trois
liewes priès de ci, logiet sus une montagne, et vous
attendent là; et y ont bien esté ja huit jours; et ne
savoient nouvelles de vous, non plus que vous ne
saviés nouvelles de yaus. Che vous fai je ferme et 20
vrai. Car je m'embati si priès de yaus, que je fui pris
et menés en leur host, devant les signeurs, pour prison.
Si leur di nouvelles de vous, et comment vous
les queriés, pour combatre à yaus. Et tantost li signeur
me quittèrent me prison, quand je leur euch 25
dit que vous donriés cent livrées de terre à l'estrelin
à celui qui premiers vous raporteroit certainnes nouvelles
d'yaus, par tèle condition que je leur creantai
que je n'aroie repos, jusques à tant que je vous aroie
dit ces nouvelles. Et dient, ce sachiés, que ossi grant 30
desir ont il de combatre à vous, que vous avés à
yaus; et les trouverés là endroit sans faute.»
§ 34. Tantost que li rois entendi ces nouvelles, il fist
toute l'ost là endroit arrester en uns blés, pour leurs
chevaus paistre et recengler, d'encoste une blanche
abbeye, qui estoit toute arse, que on clamoit dou
temps le roy Artus le Blance Lande. Là endroit, se 5
confessa et adreça cescuns à son loyal pooir. Et fist
là endroit li rois dire grant fuison de messes, pour
acumeniier chiaus qui devotion en aroient. Et assena
tantost bien et souffissamment à l'escuier les cent livrées
de terre que prommis avoit, et le fist chevalier 10
par devant tous. Apriès, quant on fu un peu reposé
et desjuné, on sonna le trompète; cescuns ala monter.
Et fist on les banières chevaucier, ensi que cis
nouviaus chevaliers les conduisoit, et toutdis cescune
bataille par lui, sans desrouter par montagne ne par 15
vallée, mès toutdis rengies ensi que on pooit, et que
ordonné estoit. Et tant chevaucièrent en celi manière
que il vinrent, entours miedi, si priès des Escos que
il les veirent tout clerement, et li Escot yaus ossi.
Si tost que li Escot les veirent, il issirent de leurs 20
logeis tout à piet, et ordonnèrent trois bonnes batailles
faiticement, sour le devaler de le montagne,
là où il estoient logiet. Par desous celle montagne,
couroit une rivière forte et rade, plainne de cailliaus
et de si grosses pières, que on ne le peuist 25
bonnement en haste passer, sans grant meschief,
maugret yaus. Et encores, plus avant se li Englès
ewissent le rivière passet, si n'avoit point de place
entre le rivière et la montagne, là où il peuissent
avoir rengiet leurs batailles. Et si avoient li Escot 30
leurs deux premières batailles establi sour deux crupes
de montagne, c'on entent de roce, là où on ne
pooit bonnement monter ne ramper pour yaus assallir;
mès estoient en parti que pour les assallans
tous confroissier et lapider de pières, s'il fuissent
passet oultre le rivière; et ne peuissent li Englès nullement
retourner. 5
Quant li signeur d'Engleterre veirent le couvenant
des Escos, il fisent toutes leurs gens traire à piet, et
oster les esporons, et rengier les trois batailles, ensi
que ordonné avoient en devant. Là endroit, furent
fait grant fuison de nouviaus chevaliers. Quant ces 10
batailles furent rengies et ordonnées, aucun des signeurs
d'Engleterre amenèrent le jone roy à cheval
par devant toutes les batailles, pour les gens d'armes
plus resbaudir. Et prioit moult très gracieusement
que cescuns se penast de bien faire, et de garder sen 15
honneur. Et faisoit commander, sus le tieste, que
nulz ne se mesist par devant les banières des mareschaus,
ne ne se meuist jusques à tant que on le
commanderoit. Un petit apriès, on commanda que
les batailles alaissent avant par devers les ennemis, 20
tout bellement le pas. Ensi fu fait. Si ala bien cescune
bataille en cel estat, un grant bonnier de terre
avant, jusques au devaler de le montaigne sus la
quèle il estoient. Che fu fait et ordonné pour veoir
se li ennemi se desrouteroient point, et pour veoir 25
comment il se maintenroient; mais on ne peut perchevoir
qu'il se meuissent de riens, et si estoient si
priès li uns de l'autre que il recognissoient partie de
leur armoierie.
Adonc fist on arrester tout quoi, pour avoir aultre 30
conseil. Et si fist on aucuns compagnons monter sus
coursiers pour escarmucier à yaus, et pour aviser le
passage de le rivière, et pour veoir leur couvenant
de plus priès. Et leur fist on à savoir par hiraus que,
s'il voloient passer oultre le rivière et venir combatre
au plain, on se retrairoit arrière, et leur liveroit on
bonne place, pour le bataille rengier, et tantost ou 5
à l'endemain au matin; et, se ce ne leur plaisoit,
qu'il volsissent faire le kas parel. Quant il oïrent ces
trettiés, il eurent conseil. Yaus consilliet, et tantost
il respondirent as hiraus là envoiiés, qu'il ne feroient
ne l'un ne l'autre. Mais li rois et tout si baron 10
veoient bien comment il estoient en son royaume, et
li avoient ars et gasté. S'il l'en anoioit, si le venist
amender, car là demorroient il, tant qu'il leur plairoit.
§ 35. Quant li consaulz le roy d'Engleterre veirent
qu'il n'en aroient aultre cose, il fisent criier et 15
commander que cescuns se logast là endroit où il
estoit, sans reculer. Ensi se logièrent il celle nuit,
moult à mesaise, sour dure terre et pières sauvages,
et toutdis armés. Et à grant meschief li garçon recouvrèrent
de peulz et de verges pour loiier leurs 20
chevaus, ne fourage ne littière, pour yaus aisier, ne
laigne pour faire feu. Et quant li Escot aperçurent
que li Englès se logoient en tel manière, il fisent demorer
aucuns de leurs gens sus les places où il
avoient establi leurs batailles, puis se retraisent à 25
leurs logeis, et fisent tantost tant de feus que merveilles
estoit à regarder. Et fisent entre nuit et jour
si grant bruit de corner de lors grans cors, tout à
une fie, et de juper apriès, tout à une vois, qu'il
sambloit proprement as Englès que tout li dyable 30
d'infier fuissent là venu, pour yaus estrangler. Ensi
furent il logiet celle nuit, qui fu le nuit Saint Pière, à
l'entrée d'aoust, l'an de grasce mil trois cens vingt et
sept, jusques à l'endemain que li signeur oïrent messe.
Quant ce vint le jour Saint Pière que messe fu
ditte, on fit cescun armer et aler à se banière, et les 5
batailles rengier, ensi que le jour devant. Quant li
Escot perchurent chou, il s'en vinrent rengiet, ossi
bien comme le jour devant. Et demorèrent les deus
hos tout le jour ensi rengiet, jusques apriès miedi,
que onques li Escot ne fisent samblant de venir vers 10
les Englès, et ossi li Englès d'aler vers yaus, car il
ne les pooient bonnement approcier sans trop grant
meschief. Pluiseur compagnon englès qui avoient
chevaus dont il se pooient aidier, passèrent le rivière,
et aucun à piet, pour escarmucier à yaus. Et 15
ossi se desroutèrent aucun Escot, qui couroient et
racouroient tout escarmuçant li un à l'autre, tant
qu'il y eut des mors, des navrés et des prisons des
uns as autres. Ensi que apriès miedi, li signeur
d'Engleterre fisent à savoir que cescuns se retraisist 20
à se loge, car bien leur sambloit qu'il estoient là
pour nient. Si se retraist cescuns à son logeis.
En cel estat furent il par trois jours, et li Escot
d'autre part sus leur montagne, sans departir. Toutes
fois, tous les jours y avoit gens escarmuçans 25
d'une part et d'autre, et souvent des mors et des
pris. Et toutes les viesprées, à le nuit, li Escot faisoient
par coustume si grans feus, et tant, et faisoient
si grant bruit de juper et de corner tous à
une vois, qu'il sambloit proprement as Englès que 30
ce fust uns drois infiers, et que tout li dyable fuissent
là assamblé par droit avis. Li intention des
signeurs d'Engleterre estoit de tenir ces Escos là endroit
comme assegiés, puis qu'il ne se pooient bonnement
à yaus combatre. Et les cuidoient bien
affamer, car nulle pourveance ne leur pooit venir,
et si ne se pooient de là partir, si qu'il cuidoient, 5
pour raler en leur pays. Et si savoient bien li Englès,
par les prisons qui pris estoient, que li Escot n'avoient
nulle pourveance de pain, de vin ne de sel.
Bestes avoient il à grant fuison, qu'il avoient pris
ens ou pays. Si en pooient mengier en l'ewe et en 10
rost à leur plaisir, sans pain et sans sel, à quoi
il n'acontent nient gramment, mais qu'il ewissent
un peu de farine dont il usent, ensi que dit vous
ai par deseure. Et ossi en usent bien aucun Englès,
quant il sont en leurs chevaucies, et il leur touche. 15
Or, avint que, le quatrime jour au matin que li
Englès avoient esté là logiet, il regardèrent par devers
le montagne, si ne veirent nullui, car li Escot
s'en estoient partit à le mienuit. Si en eurent li signeur
grant merveille, et ne pooient apenser qu'il 20
estoient devenu. Si envoiièrent tantost gens à cheval
et à piet par ces montagnes, qui les trouvèrent, entours
heure de prime, logiés sus une aultre montagne
plus forte que celle devant n'estoit, sus celle
rivière meisme. Et estoient logiet en un bois, pour 25
estre plus repus, et pour plus secretement aler et venir,
quant il vorroient. Si tost qu'il furent trouvet,
on fist les Englès deslogier et traire celle part tout
ordonneement, et logier sus une aultre montagne,
droit à [l'encontre] [18] d'yaus. Et fist on les batailles30
rengier, et faire samblant que d'aler vers yaus. Mais
si tretost qu'il veirent l'ordenance as Englès et yaus
approcier, il issirent hors de leurs logeis, et s'en vinrent
rengiet faiticement assés priès de le rivière contre
yaus, mais onques ne vorrent descendre, ne venir 5
vers les Englès. Et li Englès ne pooient aler jusques
à yaus, qu'il ne fuissent tout mort ou tout perdu davantage,
ou pris à grant meschief. Si se logièrent là
endroit encontre yaus. [Et demourarent dix huit jours
entiers sur celle froide montaigne, et tous les jours 10
rengé[s] encontre eulx.] [19] Si envoioient li signeur d'Engleterre
bien souvent leurs hiraus par devers yaus
parlementer, que il vosissent livrer place et pièce de
terre, ou on leur liveroit; mais onques à nulles de
ces pareçons il ne se veurent acorder. Si vous di bien 15
pour verité que li une host et li aultre, en ces sejours,
eurent moult de mesaises.
§ 36. Le première nuit que li Englès furent logiet
sus celle seconde montaigne à l'encontre des Escos,
messires Guillaumes de Douglas, qui estoit moult 20
preus et entreprendans et hardis chevaliers, prist entours
le mienuit environ deus cens armeures de fier,
et passa celle rivière bien loing de leur host, par quoi
on ne s'en perchuist; si feri en l'ost des Englès moult
vassaument en criant: «Douglas! Douglas! vous y 25
morrés tuit, signeur baron englès». Et en tua il et
se compagnie plus de trois cens, et feri des esporons
jusques proprement devant le tente le roy, toutdis
criant et huant: «Douglas! Douglas!» et copa deus
ou trois des cordes de le tente dou roy, puis s'en
parti à tant. Bien puet estre qu'il pierdi aucuns de ses
gens à se retraite, mais ce ne fu mies gramment, et
retourna arrière devers ses compagnons en le montagne.
5
De puis, n'i eut riens fait, mais toutes les nuis li
Englès faisoient grans gès et fors, qui se doubtoient
dou resvillement des Escos. Et avoient gardes et escoutes
en certains lieus par quoi, se cil sentissent ne
oïssent riens, il le segnefiassent en l'ost. Et gisoient 10
priès que tout li signeur en leurs armeures. En cel
estat furent il vingt et deus jours sus ces deus montagnes,
li uns devant l'autre. Et tous les jours y avoit
des escarmuces, et escarmuçoit qui escarmucier voloit.
Si en y avoit souvent des mors, des pris, des navrés, 15
des blechiés et des mesaisiés des uns et des aultres.
§ 37. Le daarrain jour des vingt et deus, fu pris uns
chevaliers d'Escoce à l'escarmuce, qui moult à envis
voloit dire as signeurs d'Engleterre le couvenant des
leurs. Se fu il tant enquis et examinés qu'il dist que 20
leur souverain avoient entre yaus acordé le matin
que cescuns fust armés au vespre, et que cescuns
sievist le banière monsigneur Guillaume de Douglas,
quel part qu'il vorroit aler, et que cescuns le tenist
en secret; mais li chevaliers ne savoit de certain 25
qu'il avoient empenset. Sur çou eurent li signeur
d'Engleterre conseil ensamble et avisèrent que, selonch
ces parolles, li Escot poroient bien par nuit
venir brisier et assallir leur host à deus costés, pour
yaus mettre en aventure de vivre ou de morir, car 30
plus ne pooient endurer leur famine. Si ordonnèrent
li Englès entre yaus trois batailles, et se rengièrent
en trois pièces de terre devant leurs logeis, et fisent
grant fuison de feus, pour veoir plus cler entour
yaus. Et fisent demorer tous les garçons en leurs logeis,
pour garder leurs chevaus. Si se tinrent ensi 5
celle nuit tout armé, cescuns desous se banière ou
sen penonciel, si com il estoit ordonnés, pour attendre
l'aventure. Car il esperoient assés bien, selonch
les parolles dou chevalier, que li Escot les resvilleroient,
mès il n'en avoient nul talent; ançois fisent 10
par aultre ordenance bien et sagement.
Quant ce vint sus le point dou jour, doi trompeur
d'Escoce s'embatirent sus l'un des gés qui gaitoient
as camps. Si furent pris et amenet devant les signeurs
dou consel le roy et disent: «Signeur, que 15
gettiés vous ci? Vous perdés le temps. Car, sus l'abandon
de nos tiestes, li Escot en sont ralet très devant
le mienuit, et sont jà quatre ou cinq liewes
loing. Et nos emmenèrent avoech yaus bien une
liewe loing, pour doubtance que nous ne le vous 20
noncissions, et puis nous donnèrent congiet de le
vous venir dire.» Et quant li signeur englès entendirent
chou, il eurent conseil et veirent bien qu'il
estoient decheu en leur cuidier. Et disent que li caciers
apriès les Escos ne leur pooit riens valoir, car 25
on ne les poroit raconsiewir. Et encores, pour doubtance
de decevement, li signeur detinrent les deus
trompeurs tous quois, et les fisent demorer dalés
yaus, et ne rompirent point leur ordenance, ne l'establissement
de leurs batailles, jusques apriès prime. 30
Et quant il veirent que c'estoit verités, et que li Escot
estoient parti, il donnèrent congiet à tout
homme de retraire à se loge et de lui aisier. Et li
signeur alèrent à conseil, pour regarder que on feroit.
Entrues, aucuns des compagnons englès montèrent
sus leurs chevaus et passèrent le dessus ditte
rivière en grant peril, et vinrent sus le montaigne 5
dont li Escot estoient parti le nuit. Et trouvèrent
plus de cinq cens grosses bestes grasses tantost mortes,
que li Escot avoient tuet, pour tant que elles ne
les peuissent siewir; et si ne les voloient mies vives
laissier as Englès. Et si trouvèrent plus de trois cens 10
chaudières, faites de cuir à tout le poil, pendues sus
le feu, plainnes de char et d'yawe, pour faire boulir,
et plus de mille hastiers, plains de pièces de char
pour rostir, et plus de dix mille viés solers usés,
fais de cuir tout crut à tout le poil, que li Escot 15
avoient là laissiet. Et trouvèrent cinq povres prisons
englès, que li Escot avoient loiiet tous nus as arbres
par despit, et deus qui avoient les gambes brisies.
Si les desloiièrent et laissièrent aler, et puis revinrent
en l'ost si à point que cescuns se deslogoit et 20
ordonnoit pour raler vers Engleterre, par l'acord
dou roy et tout son conseil. Si siewirent tout ce jour
les banières des mareschaus, et vinrent logier de
haute heure en un biel pré, où il trouvèrent assés à
fourer pour les chevaus, qui leur vint bien à point. 25
Car il estoient si faible, si fondut et si affamet, que
à painnes pooient il avant aler.
L'endemain, il se deslogièrent et chevaucièrent
encores plus avant, et s'en vinrent logier de haute
heure dalés une grande court d'abbeye, à deus 30
liewes priès de le cité de Duremmes. Si se loga li
rois le nuit en celle court, et li hos contreval les
prés. Si trouvèrent assés à fourer, qui leur vint bien
à point, herbes, vèches et blés. L'endemain, se reposa
li hos là endroit tous quois, et li rois et li signeur
alèrent vers l'eglise de Duremmes. Et adonc
fist li rois feaulté à l'eglise et à l'evesque, et ossi à le5
cité et as bourgois, car faite ne l'avoit encores. En
celle cité, trouvèrent il leurs charetons et leurs charètes
et tout leur harnas, que il avoient laiiet trente et
deus jours en devant en un bois, à mienuit, si com
il est contenu chi dessus. Et les avoient li bourgois 10
de le cité de Duremmes, qui trouvet les avoient ens
ou bois, amenet dedens leur ville à leur coust, et
fait mettre en wides granges, çascune charette à tout
son penonciel, pour recognoistre. Si furent moult
liet tout li signeur, quant il eurent trouvet leurs charètes15
et leur harnas, et reposèrent deus jours dedens
le cité de Durem, et li host tout autour, car mies ne
se peuist toute logier en le ditte cité. Et fisent leurs
chevaus referer, et puis se misent à voie devers
Evruich. Si esploita tant li rois et toute son host, 20
que dedens trois jours il y vinrent. Et là trouva li
rois ma dame sa mère qui le reçut à grant joie. Et
ossi fisent toutes les dames et li bourgois de le ville.
Là donna li rois congiet à toutes manières de gens
de raler cescun en son lieu, et remercia grandement 25
les contes, les barons et les chevaliers, dou service
qu'i[l] li avoient fait. Et retint encores dalés lui
monsigneur Jehan de Haynau et toute se route, qui
furent grandement festiiet de ma dame la royne par
especial, des signeurs et de toutes les dames. Et relivrèrent30
li Haynuier leurs chevaus, qui tout estoient
effondut et afolet, au conseil dou roy. Et fist cescuns
somme pour li de ses chevaus, mors et vis, et de
ses frais. Si en fist li rois sa debte envers le dit
monsigneur Jehan. Et li dis messires Jehans s'en
obliga envers tous les compagnons. Car li rois et ses
consaulz ne peurent si tost recouvrer de tant d'argent 5
que li cheval montoient; mais on lor en delivra
assés par raison pour paiier leurs menus frès, et pour
retourner au pays. Et puissedi, dedens l'anée, furent
il tout paiiet de ce que li cheval montoient.
Quant li Haynuier eurent relivré leurs chevaus, il 10
rachatèrent cescuns des petites hagenées pour chevaucier
miex à leur aise, et renvoiièrent leurs garçons
et leur harnas, sommes et males et bahus, par
mer, et misent tout en deus nefs que li rois leur fist
delivrer. Si arrivèrent ces besongnes droit à l'Escluse, 15
en Flandres. Et il prisent congiet au roy, à ma dame
se mère, au conte de Kent, au conte Henri de Lancastre
et as barons, qui grandement les honnourèrent.
Et les fist li rois acompagnier de douze chevaliers
et deus cens armeures de fier, pour le 20
doubtance des archiers, dont il n'estoient mies bien
asseguret, car il les couvenoit rapasser parmi leur
pays, l'evesquié de Lincolle.
Si se partirent messires Jehans de Haynau et toute
se route, ou conduit des dessus dis. Et chevaucièrent 25
tant par leurs journées qu'il vinrent à Douvres.
Là montèrent il en mer, en nefs et en vaissiaus
qu'il trouvèrent appareilliés. Et li Englès se partirent
d'yaus, qui aconvoiiet les avoient, et retournèrent
cescuns en son lieu. Et li Haynuier arrivèrent à Wissant.30
Là se reposèrent il par deus jours, en mettant
hors leurs chevaus et le demorant de leur harnas.
Entrues, vinrent messires Jehans de Haynau et aucun
chevalier en pelerinage à Nostre Dame de Boulongne.
Depuis s'en retournèrent il en Haynau, et se
departirent tout li un de l'autre, et se retraist cescuns
chiés soy. Mès messires Jehans de Haynau s'en 5
vint deviers le conte son frère, qui se tenoit à Valenchiènes,
qui le reçut liement et volentiers, car
moult l'amoit. Et adonc li recorda li sires de Byaumont
toutes nouvelles, si avant que il les savoit.
§ 38. Ensi fu celle chevaucie departie, que li rois 10
Edowars, le premier an de se creation, fist contre
les Escos, li quèle fu si grande et si dure que vous
avés oy. Ne demora mies gramment de temps apriès,
que cilz rois, ma dame se mère, li contes de Kent,
li contes Henris de Lancastre, messires Rogiers de 15
Mortemer et li aultre baron d'Engleterre, qui estoient
demoret dou conseil le roy, pour lui aidier à conseillier
et gouvrener, eurent avis et conseil de lui
marier. Si envoiièrent un evesque, deus chevaliers
banerès et deus bons clers à monsigneur Jehan de 20
Haynau, pour lui priier qu'il vosist aidier et mettre
conseil à che que li jones rois, leurs sires, fust mariés,
et qu'il vosist boins moiiens estre, par quoi
messires, ses frères, li contes de Haynau et de Hollandes,
li volsist envoiier une de ses filles, car il l'aroit 25
plus chière que nulle aultre, pour l'amour de
lui. Li sires de Byaumont festia et honnoura ces
messagiers et commissaires de par le roy englès,
quanques il pot, car bien le savoit faire. Quant bien
festiiés les eut, il les amena à Valenchiènes par devers 30
son frère, qui moult honnourablement les rechut
ossi, et les festia si souverainnement bien que
longe cose seroit à raconter.
Quant assés festiiet furent, il fisent leur message
sagement et à point, ensi que chargiet leur estoit.
Li contes leur respondi moult courtoisement, par le 5
conseil de monsigneur Jehan son frère, et de ma
dame la contesse, mère à la damoiselle, et leur dist [20]
que moult grans mercis à monsigneur le roy et à
madame la royne et as signeurs par cui conseil il
estoient là venu, quant tant leur estoit que de li 10
faire tèle honneur, que pour tel cose il avoient si
souffissans gens à lui envoiiés, et que moult volentiers
s'acorderoit à leur requeste, se nostres Sains
Pères, li papes, et Sainte Eglise s'i acordoit.
Celle response leur souffi assés grandement. Puis 15
envoiièrent tantost deus de leurs chevaliers, et deus
clers de droit, par devers le Saint Père, à Avignon,
pour impetrer dispensation de celi mariage acordet.
Car, sans le congiet dou Saint Père, faire ne se poroit,
pour le linage de France dont il estoient moult 20
prochain, si com en tierch degré, car leurs deus
mères estoient cousines germaines, issues de deus
frères. Assés tost apriès ce qu'il furent venu à Avignon,
il eurent faite lor besongne. Car li Sains Pères
et li collèges s'i consentirent assés benignement, 25
pour le haute noblèce dont tout doy estoient issut.
§ 39. Quant cil message furent revenu de Avignon
à Valenciènes, à toutes leurs bulles, chilz mariages
fu tantos otroiiés et affremés d'une part et d'aultre.
Si fist on le devise pourveir et appareillier de tout ce
qu'il falloit, si honnourablement que à tèle damoiselle,
qui devoit estre royne d'Engleterre, affreoit.
Quant appareillie fu, si com dit est, elle fu espousée
par le virtu d'une procuration [apparant] [21] souffissamment,5
qui là fu aportée de par le roy d'Engleterre.
Et puis si fu mise à le voie pour emmener en
Engleterre par devers son mari, qui l'attendoit à Londres,
là où on le devoit couronner. Et monta en mer
la ditte damoiselle Phelippe de Haynau à Wissant, et 10
arriva et toute se compagnie à Douvres. Et la conduisi
jusques à Londres chilz gentils chevaliers messires
Jehans de Haynau, ses oncles, qui grandement
fu recheus, honnourés et festiiés dou roy, de ma
dame la royne se mère, des aultres dames, des barons 15
et des chevaliers d'Engleterre. Si eut adonc à
Londres grant feste et grant noblèce des signeurs,
contes, barons et chevaliers, des hautes dames et des
nobles pucelles, de riches atours et de riches paremens,
de jouster et de behourder pour l'amour de 20
elles, de danser et de caroler, de grans et biaus mengiers
çascun jour donner. Et durèrent ces festes par
l'espasse de trois sepmainnes.
Au chief de ces jours, messires Jehans de Haynau
prist congiet et s'en parti, o toute se compagnie de 25
Haynau, bien furnis de biaus jeuiaus et riches, que
on leur avoit donnés d'un costé et d'autre, en pluiseurs
lieus. Et demora li jone royne Phelippe, à petite
compagnie de son pays, fors mis un damoisiel,
que on clamoit Watelet de Mauni, qui y demora
pour servir et taillier devant li. Li quelz acquist
puissedi si grant grasce au roy et à tous les signeurs
dou pays, qu'il fu del secré conseil le roy, au gret
de tous les nobles dou pays. Et fist de puis si grandes 5
proèces de son corps, en tant de lieus, que on
n'en pooit savoir le nombre, si com vous orés avant
en l'ystore, se il est qui le vous die. Or nous tairons
nous de lui à parler, tant qu'à present, et des Englès,
et retournerons as Escos. 10
§ 40. Apriès chou que li Escot se partirent par
nuit de le montagne, là où li jones rois Edowars et
li signeur d'Engleterre les avoient assegiés, si com
vous avés oy, il alèrent vingt et deus liewes de celui
sauvage pays, sans arrester, et passèrent celle rivière 15
de Thin assés priès de Cardueil, en Galles. Et à l'endemain,
il revinrent en leur pays, et se departirent
par l'ordenance des signeurs, et en rala cescuns en
se maison. Assés tost apriès, signeur et aucun bon
preudomme pourcacièrent tant entre le roy d'Engleterre 20
et son conseil et entre le roy d'Escoce, que une
triewe fu acordée entre yaus, à durer par l'espasse
de trois ans.
Dedens celle triewe, avint que li rois Robers d'Escoce,
qui moult preus avoit esté, estoit devenus 25
viex et foibles, et si cargiés de le grosse maladie, ce
disoit on, que morir le couvint. Quant il senti et
cogneut que morir le couvenoit sans retour, il manda
tous les barons de son royaume ens ès quelz il se
fioit le plus par devant lui; si leur dist que morir le 30
couvenoit, si qu'il veoient. Si leur pria moult affectueusement
et leur carga, sour leur feaulté, que il
gardaissent feablement son royaume en ayde de David
son fil; et, quant il seroit venus en eage, qu'il
obeisissent à lui et le couronnaissent à roy, et le mariassent
en lieu si souffissant que à lui apertenoit. En 5
apriès, il en appella le gentil chevalier monsigneur
Guillaume de Douglas, et li dist devant tous les aultres:
«Monsigneur Guillaume, chiers amis, vous savés
que j'ai eu moult à faire et à souffrir en mon
temps que j'ai vescu, pour maintenir les drois de 10
cesti royaume. Et quant jou euch le plus à faire, je
fis un veu que je n'ai point acompli, dont moult me
poise. Je voai que, s'il estoit ensi que jou ewisse ma
guerre achievée, par quoi je peuisse cesti royaume
gouvrener en pais, jou iroie aidier à guerriier les 15
ennemis Nostre Signeur et les contraires de le foy
crestienne, à mon loyal pooir. A ce point a toutdis
mon coer tendu, mais Nostres Sires ne l'a mies volu
consentir. Si m'a donné tant à faire à mon temps, et
a darrains si entrepris si griefment de si grant maladie 20
qu'il me couvient morir, si com vous veés. Et
puis qu'il est ensi que li corps de mi n'i poet aler,
ne achiever ce que li coers a tant desiré, jou y voel
envoiier le coer ou lieu del corps, pour mon veu
achiever. Et pour çou que je ne sçai en tout mon 25
royaume nul chevalier plus preu de vostre corps, ne
miex tailliet de mon veu acomplir en lieu de mi, je
vous pri, très chiers et très especiaulz amis, tant com
je puis, que vous cest voiage voelliés entreprendre,
pour l'amour de mi, et me ame acquitter envers Nostre 30
Signeur. Car je tieng tant de vostre noblèce et de
vostre loyauté que, se vous l'entreprendés, vous n'en
faurrés nullement; et si en morrai plus aise, mais
que ce soit par tèle manière que je vous dirai. Je
voel, sitos que je serai trespassés, que vous prendés
le coer de mon corps et le faites bien embasmer, et
prendés tant de mon tresor que vous samblera que 5
assés en aiiés pour parfurnir tout le voiage, pour
vous et pour tous chiaus que vous vorrés emmener
avoech vous; et emportés mon coer avoech vous,
pour presenter au Saint Sepulcre, là où Nostres Sires
fu ensepelis, puis que li corps n'i poet aler; et le 10
faites si grandement, et vous pourveés si souffissamment
de tèle compagnie et de toutes aultres coses
que à vostre estat apertient; et que partout là où
vous venrés, que on sace que vous emportés oultre
mer, comme messagiers, le coer le roi Robert d'Escoce, 15
et à son commandement, puis qu'ensi est que
li corps n'i poet aler.»
Tout cil qui là estoient prisent à plorer de pité
moult tenrement. Et quant li dis messires Guillaumes
peut parler, il respondi et dist: «Gentilz sires, 20
cent mille mercis de le grande honneur que vous me
faites, quant vous si noble et si grant cose et tel tresor
me chargiés et recommendés. Et je ferai volentiers
et de cler coer vostre commandement, à men
loyal pooir, jamais n'en doubtés, comment que je 25
ne sui mies dignes ne si souffissans que pour tel cose
achiever.»—«Ha! gentilz chevaliers, dist adonc li
rois, grans mercis, mès que vous le me creantés.»—«Certes,
sires, moult volentiers, dist li chevaliers».
Lors li creanta tantost, comme loyaus chevaliers. 30
Adonc dist li rois: «Or soit Diex graciiés, car je
morrai plus à pais d'ore en avant, quant je sçai que
li plus souffissans et li plus preus de mon royaume
achievera pour mi ce que je ne poi onques achiever».
Assés tost après, trespassa de cest siècle li preus
Robers de Brus, rois d'Escoce. Et fu ensevelis si honnourablement5
que à lui affrei, selonch l'usage dou
pays. Et fu li coers ostés et embasmés, ensi que commandé
l'avoit. Si gist li dessus dis rois en l'abbeye
de Donfremelin, en Escoce, très reveramment. Et
trespassa de ce siècle, l'an de grasce Nostre Signeur 10
mil trois cens vingt et sept, le septime jour de novembre.
En ce temporal, assés tost apriès, trespassa
ossi li vaillans contes de Moret, qui estoit li plus
gentilz et li plus poissans princes d'Escoce, et s'armoit
d'argent à trois orilliers de geules. 15
§ 41. Quant li prin tamps vint et li bonne saisons
pour mouvoir, qui voelt passer oultre mer, messires
Guillaumes de Douglas se pourvei, ensi qu'à lui apertenoit,
selonch che que commandé li estoit. Il monta
sus mer au port de Morois, en Escoce, et s'en vint 20
en Flandres droit à l'Escluse, pour oïr nouvelles, et
pour savoir se nulz par de deça la mer s'apparilloit
pour aler par devers le Sainte Terre de Jherusalem,
afin qu'il peuist avoir milleur compagnie. Si sejourna
bien à l'Escluse par l'espasse de douze jours, ançois 25
qu'il s'en partesist; mès onques ne volt mettre piet
à terre, tout le terme des douze jours. Ains demoroit
toutdis sus se nave, et tenoit toutdis son tinel
honnourablement, à trompes et à nakaires, comme
se ce fust li rois d'Escoce. Et avoit en se compagnie 30
un chevalier banereth, et sis aultres chevaliers des
plus preus de son pays, sans l'autre mesnie. Et avoit
tout vaisselement d'or et d'argent, pos, bachins, escuielles,
hanaps, bouteilles, barilz et aultres si faites
choses. Et avoit jusques à vingt et sis escuiers, jones
et gentilz hommes des plus souffissans d'Escoce, 5
dont il estoit servis. Et devés savoir que tout cil qui
le voloient aler veoir, estoient très bien festiiet de
deus manières de vins, et de deus manières d'espisses,
mès que ce fuissent gens d'estat.
Au daarrain, quant il eut sejourné là endroit, à 10
l'Escluse, par l'espasse de douze jours, il entendi que
li rois Alphons d'Espagne guerrioit au roi de Grenate,
qui estoit Sarrasins. Si s'avisa qu'il iroit celle
part, pour miex emploiier son temps et son voiage.
Et quant il aroit là faite sa besongne, il iroit oultre 15
pour parfaire et achiever ce que cargiet et commandet
li estoit. Si se parti ensi de l'Escluse, et s'en ala
droit par devers Espagne, et arriva premiers au port
de Valence le Grant; et puis s'en ala droit vers le
roy d'Espagne, qui estoit en host contre le roy de 20
Grenate. Et estoient assés priès l'un de l'autre, sus
les frontières de leurs pays.
Avint, assés tost apriès çou que li di messires
Guillaumes de Douglas fu là venus, que li rois d'Espagne
issi hors as camps, pour plus approcier ses 25
ennemis. Li rois de Grenate issi hors ossi d'autre
part, si ques li uns rois veoit l'autre à tout ses banières.
Et se commencièrent à rengier leurs batailles,
li un contre l'autre. Li dis messires Guillaumes
de Douglas se traist à l'un des costés, à toute se route,30
pour miex faire se besongne, et pour miex moustrer
son effort. Quant il vei toutes les batailles rengies
d'une part et d'autre, et vei la bataille le roy un
petit esmouvoir, il cuida que elle alast assambler.
Il, qui miex voloit estre des premiers que des daarrains,
feri des esporons, et toute se compagnie avoech
lui, jusques à le bataille le roy de Grenate, et ala as 5
ennemis assambler. Et pensoit ensi que li rois d'Espagne
et toutes ses batailles le sievissent, mès non
fisent, dont il en fu laidement deceus, car onques
celi jour ne s'en esmurent. Là fu li gentilz chevaliers,
messires Guillaumes de Douglas enclos, et 10
toute se route, des ennemis. Et y fisent merveilles
d'armes, mès finablement il ne peurent durer, ne
onques piés n'en escapa, que tout ne fuissent occis
à grant meschief. De quoi ce fu pités et damages et
grant lasqueté pour les Espagnolz, et moult en furent 15
blasmet de tous chiaus qui en oïrent parler, car
bien ewissent rescous le chevalier et une partie des
siens, s'il vosissent. Ensi ala de ceste aventure et
dou voiage monsigneur Guillaume de Douglas.
Ne demora mies gramment de tamps, apriès çou 20
que li dessus dis chevaliers se fu partis d'Escoce
pour aler en son pelerinage, si com vous avés oy,
que aucun signeur et preudomme, qui desiroient à
nourir pais entre les Englès et les Escos, trettièrent
et pourcacièrent tant que mariages fu fais del jone 25
roi David d'Escoce et de la sereur le jone roy d'Engleterre.
Si fu cilz mariages acordés. Et espousa la
dame li dessus dis rois à Bervich, en Escoce. Et là
y eut grans festes, de l'une partie et de l'autre. Or,
me voel jou taire un petit des Escos et des Englès, 30
et me retrairai au roi Charlon de France, et as ordenances
de celui royaume.
§ 42. Li rois Charles de France, filz au biau roy
Phelippe, fu trois fois mariés, et si morut sans hoir
marle, dont ce fu damages pour le royaume, si com
vous orés ci après. Li première de ses femmes fu li
une des plus belles dames dou monde, et fu fille la 5
contesse d'Artois. Celle garda mal son mariage et se
foursist. Par quoi elle en demora lonch temps ens
ou Chastiel Gaillard, en prison et à grant meschief,
ançois que ses maris fust rois. Quant li royaumes
li fu escheus, et il fu couronnés, li douze per de 10
France ne vorrent nient, s'il peuissent, que li royaumes
demorast sans hoir marle. Si quisent sens et
avis par quoi li rois Charles fust remariés, et le fu à
le fille l'empereur Henri de Lussembourch et suer
au gentil roy de Behagne, et par quoi li premiers 15
mariages fust deffais et anullés de celle dame qui en
prison estoit, et tout par le declaration dou pape,
nostre Saint Père, qui adonc estoit. De celle seconde
dame de Lussembourch, qui estoit moult humle et
moult preude femme, eut li rois un fil qui morut 20
moult jones, et assés tost li mère apriès, à Ysodon
en Berri. Et morurent tout doi souspeçonneusement.
De coi aucunes gens en furent encoupées en derrière
couvertement. Apriès, cilz rois Charles fu remariés
tierce fois à le fille de son oncle de remariage, le 25
fille de monsigneur Loeis, le conte d'Evrues, le
royne Jehenne, et sereur au roi de Navare qui adonc
estoit. Puissedi, avint que celle dame fu enchainte.
Et li dis rois, ses maris, s'acouça malades au lit de
le mort. Quant il perchut que morir le couvenoit, 30
il devisa que, s'il avenoit que li royne se acouçast
d'un fil, il voloit que messires Phelippes de Valois,
ses cousins germains, en fust mainbours et regens
de tout son royaume, jusques adonc que ses filz seroit
en eage d'estre rois; et, s'il avenoit que ce fust
une fille, que li douze per et li hault baron de
France euissent conseil et avis entre yaus de l'ordonner, 5
et donnaissent le royaume à celi qui avoir
le deveroit par droit. Sur chou, li rois Charles ala
morir environ Paskes, l'an de grasce Nostre Signeur
mil trois cens vingt et huit.
Ne demora mies gramment apriès, que la royne 10
Jehenne acouça d'une fille, de quoi li plus del
royaume en furent durement tourblé et courouciet.
Quant li douze per et hault baron de France sceurent
çou, il se assamblèrent à Paris au plus tost qu'il
peurent, et donnèrent le royaume, de commun 15
acord, à monsigneur Phelippe de Valois, filz jadis
au conte de Valois, et en ostèrent le royne d'Engleterre
et le roy son fil, qui estoit demorée soer
germainne au roy Charle daarrainement trespasset,
par le raison de che qu'il dient que li royaumes de 20
France est de si grant noblèce qu'il ne doit mies par
succession aler à fumelle, ne par consequense à fil
de fumelle, ensi que vous avés oy chà devant, au
commencement de ce livre. Et fisent celi monsigneur
Phelippe couronner à Rains l'an de grasce 25
mil trois cens vingt et huit, le jour de le Trinité.
Dont, puissedi, grant guerre et grant desolation
avint au royaume de France en pluiseurs pars, si
com vous porés oïr en ceste hystore.
Assés tost apriès çou que cilz rois Phelippes fu 30
couronnés à Rains, il semonst ses princes, ses barons
et toutes ses gens d'armes, et ala à tout son
pooir logier en le vallée de Cassiel, pour guerriier
les Flamens, qui estoient rebelle à leur signeur, et
meismement ciaus de Bruges, chiaus d'Ippre et
chiaus dou Franch. Et ne voloient obeir au conte de
Flandres, leur dit signeur, mais l'avoient decaciet. 5
Et ne pooit adonc nulle part demorer en son pays,
fors tant seulement à Gand, et encores assés escarsement.
Si desconfi adonc li rois Phelippes bien
seize mille hommes flamens, qui avoient fait un
chapitainne qui se nommoit Colins Dennekins, hardi 10
homme et outrageus durement. Et avoient li dessus
dit Flamench fait leur garnison de le ville de Cassiel,
au commandement et as gages des villes de Flandres,
pour garder ces frontières là endroit.
Et vous dirai comment cil Flamench furent desconfit, 15
et fu par leur oultrage. Il se partirent un
jour, sus l'eure dou souper, de Cassiel, en entente
que pour desconfire le roy et toute sen host. Et s'en
vinrent tout paisievlement, sans point de noise, ordonné
en trois batailles, des quèles li une en ala 20
droit as tentes le roy, et eurent priès le roy souspris,
qui seoit au souper, et toutes ses gens. Li aultre
bataille s'en ala droit as tentes le roy de Behagne,
et l'eurent priès trouvet en tel point. Et la
tierce bataille s'en ala droitement as tentes le conte 25
de Haynau, et l'eurent ossi priès souspris, et le hastèrent
si que à grant painne peurent pas ses gens
estre armé, ne les gens monsigneur de Byaumont,
son frère. Et vinrent ces trois batailles si paisievlement
jusques as tentes, que à grant meschief furent 30
li signeur armés, ne leurs gens assamblet. Et ewissent
tout li signeur et leurs gens esté mort, se Diex
ne les ewist, ensi que par droit miracle, secourut et
aidiet. Mais, par le grasce de Dieu, cescuns des signeurs
desconfi se bataille si entierement, et tous à
une heure et en un point, que onques de tous ces
seize mille Flamens n'en escapa mil, et fu leur chapitainne 5
mors. Et si ne seut onques nulz de ces signeurs
nouvelle li uns de l'autre, jusques adonc qu'il
eurent tout fait. Et onques des quinze mille Flamens,
qui mors y demorèrent, n'en recula uns seuls,
que tout ne fuissent mort et tuet en trois monchiaus 10
l'un sus l'autre, sans issir de le place là où cescune
bataille commença, qui fu l'an de grasce mil trois
cens vingt et huit, le jour saint Bietremieu.
Adonc, apriès ceste desconfiture, vinrent li François
à Cassiel, et y misent les banières de France. 15
Et se rendi li ville au roy, et puis Popringe, et puis
Ippre, et tout cil de le chastelerie de Berges, et cil
de Bruges ensiewant. Et rechurent le conte Loeis,
leur signeur, adonc amiablement et paisievlement,
et li jurèrent foy et loyauté à tenir à tous jours mès. 20
Quant [22] li rois Phelippes de France eut remis le
conte de Flandres en son pays, et que tout li eurent
juré feaulté et hommage, il departi ses gens, et retourna
cescuns en son lieu; et il meismement s'en
vint en France et sejourner à Paris ou là environ. 25
Si fu durement prisiés et honnourés de celle emprise
qu'il avoit fait sus les Flamens, et dou service
ossi au conte Loeis son cousin. Si demora en grant
prosperité et en grant honneur, et acrut grandement
l'estat royal; et n'i avoit onques mès eu en France,
si com on disoit, roy qui ewist tenu l'estat parel au
roy Phelippe. Et faisoit faire tournois, joustes, festes
et esbatemens moult souvent et à grant plenté. Or 5
nous tairons nous un petit de lui, et parlerons des
aucunes des ordenances d'Engleterre et dou gouvrenement
le roy.
§ 43. Li jones rois englès se gouvrena un grant
tamps, si com vous avés oy chi dessus recorder, par 10
le conseil de ma dame se mère, dou conte Aymon
de Kent, son oncle, et de monsigneur Rogier de
Mortemer. Au daarrain, envie commença à naistre
entre le conte de Kent dessus dit, et le signeur de
Mortemer. Et monta puis li envie si haut que li sires 15
de Mortemer enfourma et enhorta tant le jone
roy, par le consentement de ma dame se mère le
royne, et li fisent entendant que li dis contes de
Kent le voloit empuisonner, et le feroit morir temprement,
s'il ne s'en gardoit, pour avoir sen royaume, 20
comme li plus proçains apriès lui, par succession;
car li jones frères le roy, que on clamoit messire
Jehan d'Eltem, estoit nouvellement trespassés. Li
jones rois, qui creoit legierement che dont on l'enfourmoit,
ensi que jone signeur, telz a on souvent 25
veus, croient legierement çou dont cil qui les doient
consillier les enfourment, et plus tost en mal qu'en
bien, fist, assés tost après chou, son dit oncle le
conte de Kent prendre, et le fist decoler publikement,
que onques il n'en peut venir à escusance. 30
De quoi tout cil dou pays, grans et petis, nobles et
non nobles, en furent durement tourblet et couroucié,
et eurent puissedi durement contre coer le signeur
de Mortemer. Et bien pensoient que, par son
conseil et pourcach et par fausse amise, avoit ensi
esté menés et trettiés li gentilz contes de Kent, cui 5
il tenoient tout pour preudomme et pour loyal. Ne
onques apriès ce, li sires de Mortemer ne fu tant
amés, comme il avoit esté en devant.
Ne demora mies de puis gaires de temps que grant
fame issi hors sus la mère dou roy d'Engleterre, ne 10
sai mies se voirs estoit, que elle estoit [enchainte] [23];
et en encoupoit on plus de ce fait le signeur de Mortemer
que nul aultre. Si commença durement chilz
escandeles à montepliier, tant que li jones rois en
fu enfourmés souffissamment. Et avoech tout ce il fu 15
enfourmés souffissamment que, par fausse amise et
par envie dou signeur de Mortemer, faite plus par
trahison que par raison, il avoit fait mettre à mort
son oncle le conte de Kent, que tout cil dou pays
tenoient et avoient toutdis tenu pour preudomme et 20
pour loyal. Dont, se li jones rois fu tristes et courouciés,
ce ne fait mies à demander. Si fist tantost
prendre le dit signeur de Mortemer, et le fist amener
à Londres, par devant grant fuison des barons
et des nobles de son royaume. Et fist conter par un 25
sien chevalier tous les fais le signeur de Mortemer,
ensi que escrire et registrer les avoit fais. Et quant
il furent tout dit et conté, li dis rois d'Engleterre
demanda à tous, par manière de conseil et de jugement,
quel cose en estoit bon à faire. Li jugemens
en fu assés tost rendus, car cescuns en estoit jà par
fame et par juste information tous avisés et infourmés.
Si en respondirent au roy, et disent que il devoit
morir en tel manière, comme messires Hues li 5
Despensiers avoit fait et esté justiciés. A ce jugement
n'eut nulle dilation ne de merci. Si fu tantos trainés
parmi la cité de Londres sus un bahut, et puis loiiés
sus une eschielle en mi le place, et puis li vis copés
à toutes les coulles et jettées en un feu qui là estoit. 10
Et puis li fu li ventres ouvers et li coers trais hors,
pour tant que il en avoit fait et pensé le trahison,
et jettés ou dit feu, et ensi toute se coraille. Et puis
fu esquartelés, et envoiiés par quatre mestres cités
en Engleterre, et la tieste demora à Londres. Ensi 15
fina li dis messires Rogiers de Mortemer, Dieus li
pardoinst tous ses fourfais!
Tantos apriès ceste justice faite, li rois d'Engleterre,
par le conseil de ses hommes, fist ma dame sa
mère enfermer en un castiel, et li bailla dames et 20
camberières et toutes gens assés, pour lui garder et
servir et faire compagnie, chevaliers et escuiers
d'onneur, ensi comme à si haute dame que elle
estoit apertenoit. Et li assigna et delivra grant terre
et belle revenue, pour lui souffissamment gouvrener, 25
selonch son noble estat, tout le cours de se vie, et
la ditte revenue au plus priès de celi castiel que il
peut par raison. Mais il ne vot mies souffrir ne consentir
que elle alast hors, ne s'amoustrast nulle part,
fors en aucuns esbas qui estoient devant le porte 30
dou chastiel, et qui respondoient à le maison. Si usa
la ditte dame là sa vie de puis assés bellement. Et le
venoit veoir, deus ou trois fois l'an, li jones rois
Edouwars, ses filz. Nous nos soufferons à parler de
la dame, et parlerons dou dit roy son fil, et comment
il persevera en signourie.
§ 44. Apriès ce que cilz rois Edowars, qui estoit 5
en son jone eage, eut fait faire ces deus grandes justices,
si com vous avés oy chi dessus recorder, il
prist nouvel conseil des plus sages et des mix creus
de tout son royaume, et se gouvrena moult bellement,
et maintint son royaume en pais, par le bon 10
conseil que il avoit dalés lui.
Or avint que, environ un an apriès que li rois
Phelippes de Valois eut esté couronnés à roy de
France, et que tout li baron et li tenant dou dit
royaume li eurent fait feaulté et hommage, excepté 15
li jones rois Edowars d'Engleterre, qui encores n'estoit
trais avant, et ossi il n'avoit point esté mandés;
se fu li rois de France consilliés et enfourmés que il
mandast le dit roy d'Engleterre et venist faire hommage
et feaulté, ensi comme il apertenoit. Adonc en 20
furent priiet d'aler en Engleterre faire ce message et
[sommer] [24] le dit roy, li sires d'Aubegni et li sires de
Biausaut et doi clerch en droit, mestre en Parlement
à Paris, que on appelloit pour ce temps mestre Symons
d'Orliens et mestres Pières de Maisières. Chil 25
quatre, au commandement et ordenance dou roy, se
partirent de Paris bien estoffeement, et cheminèrent
tant par leurs journées qu'il vinrent à Wisan. Là
montèrent il en mer, et furent tantost oultre, et arrivèrent
à Douvres, et sejournèrent là un jour, pour
attendre leurs chevaus et leur harnas que on mist
hors des vaissiaus. Quant il furent tout prest, il montèrent
sus et esploitièrent tant par leurs journées
qu'il vinrent à Windesore, où li rois d'Engleterre et 5
la jone royne sa femme se tenoient. Li quatre dessus
nommet fisent à savoir au roy pour quoi il estoient
là venu, et ossi de qui il se rendoient. Li rois d'Engleterre,
pour l'onneur dou roy de France, son cousin,
les fist venir avant et les reçut moult honnourablement; 10
et ossi fist ma dame la royne sa femme,
ensi que bien le savoient faire. En apriès, il comptèrent
leur message; il furent volentiers oy. Et en
respondi li rois adonc que il n'avoit mies son conseil
dalés lui, mais il le manderoit; si se retraisent 15
en le cité de Londres; et là il en seroient respondu
telement que bien deveroit souffire. Sus ceste parolle,
quant il eurent disné en le cambre dou dit
roy et de la royne moult aise, il s'en partirent et
vinrent ce soir jesir à Colebruch, et l'endemain à 20
Londres.
Ne demora mies gramment de puis que li rois
d'Engleterre vint à Londres, en son palais de Wesmoustier.
Et là eut il, sus un jour qu'il y ordonna,
son conseil assamblé, present qui li messagier dou 25
roy Phelippe de France furent appellé. Et là remoustrèrent
il pour quoi il estoient là venu, et les lettres
qui leur avoient esté baillies dou roy leur signeur.
Quant il eurent parlé bien et à point, il vuidièrent
hors de le cambre, et lors demanda li dis rois à 30
avoir conseil sus ceste requeste. Il me samble que li
rois fu adonc si consilliés de respondre que voirement,
par l'ordenance et seelé de ses predicesseurs,
rois d'Engleterre et dus d'Acquitainnes, il en devoit
foy, hommage et loyauté faire au roy de France, ne
del contraire on ne l'oseroit ne vorroit point consillier.
Chilz pourpos et consaulz furent arresté, et li 5
messagier de France appellé. Si vinrent en le chambre
de rechief de conseil. Là parla li evesques de
Londres pour le roy et dist: «Signeur, qui ci estes
envoiiés de par le roy de France, vous estes li bien
venu. Nous avons oy vos parolles et leues vos lettres 10
et bien examinées à no pooir et consillies. Si vous
disons que nous consillons monsigneur qui ci est,
qu'il voist en France veoir le dit roy, son cousin,
qui moult amiablement le mande, et dou sourplus
de foy et d'ommage il s'acquitte et face son devoir, 15
car voirement y est il tenus. Si vous retrairés en
France, et dirés ensi au roy vostre signeur que nos
sires li rois d'Engleterre passera par de là temprement,
et fera tout ce qu'il doit faire sans nul estri.»
Ceste response plaisi grandement bien as dessus dis 20
messagiers de France, et prisent congiet au roy et à
tout son conseil; mais ançois il leur couvint disner
ens ou palais de Wesmoustier. Et les festia là li dis
rois moult grandement, et leur donna au departir,
pour l'onneur et amour dou roy de France, son cousin, 25
grans dons et biaus jeuiaus. De puis ce fait, il
ne sejournèrent gaires de temps à Londres et s'en
partirent. Et esploitièrent tant par leurs journées
qu'il revinrent en France, et droitement à Paris, où
il trouvèrent le dit roy Phelippe, à qui il comptèrent 30
toutes leurs nouvelles, et comment il avoient esploitié,
et en quel estat il estoient parti dou dit roy
d'Engleterre, et ossi com grandement et honnourablement
il les avoit receus, et, à leur departement
et congiet prendre, donné de ses biens. De toutes
ces coses et esplois se contenta grandement li rois
Phelippes, et dist que moult volentiers il veroit le 5
roy Edouwart d'Engleterre, son cousin, car onques
ne l'avoit veu.
Ces nouvelles s'espardirent parmi le royaume de
France, que li rois d'Engleterre devoit venir en
France, et faire hommage au dit roy. Si se ordonnèrent 10
et apparillièrent moult richement et très
poissamment duch et conte de son sanch, qui le
desiroient à veoir. Et proprement li rois de France
en escrisi au roy Charle de Behagne, son cousin, et
au roy Loeis de Navare, et leur segnefia le certain 15
jour que li rois d'Engleterre devoit estre devers lui,
et leur pria que il y vosissent estre. Cil doi roy, ou
cas que priiet en estoient, ne l'euissent jamais lassiet,
et se ordonnèrent au plus tost qu'il peurent, et
vinrent en France en grant arroy devers le roy. Li 20
rois de France fu adonc consilliés que il recueilleroit
le dit roy d'Engleterre, son cousin, en le bonne
cité de Amiens. Si fist là faire ses pourveances
grandes et grosses, et aministrer salles, cambres,
hostelz et maisons pour recevoir lui et toutes ses 25
gens, où il se comptoit, parmi le roy de Behagne et
le roy de Navare qui estoient de se delivrance, et le
duch de Bretagne, le duch de Bourgongne, le duch
de Bourbon, à plus de trois mille chevaus, et li rois
d'Engleterre, qui y devoit venir à sis cens chevaus. 30
Il avoit adonc à Amiens, et a encores bien, cité pour
rechevoir aisiement otant de princes et leurs gens et
plus assés. Or parlerons dou roy d'Engleterre, qui
passa le mer, et vint en celle anée, l'an mil trois
cens vingt neuf, environ le mi aoust, en France.
§ 45. Li jones rois d'Engleterre ne mist mies en
oubli le voiage que il devoit faire ens ou royaume 5
de France, et se appareilla bien et faiticement, et si
souffissamment que à lui apertenoit et à son estat;
si se parti d'Engleterre, quant jours fu dou departir.
En se compagnie avoit deus evesques, cesti de Londres
et cesti de Lincolle, et quatre contes, monsigneur 10
Henri conte Derbi, son cousin germain, fil
monsigneur Thumas de Lancastre au Tors Col, le
conte de Sallebrin, le conte de Warvich, et le conte
de Herfort; sis barons, monsigneur Renault de Gobehem,
monsigneur Thumas Wage, mareschal d'Engleterre, 15
monsigneur Richart de Stanfort, le signeur
de Persi, le signeur de Mauné et le signeur de Montbray,
et plus de quarante aultres chevaliers. Si estoient
en le route et à le delivrance dou roy d'Engleterre
plus de mille chevaus, et misent deus jours 20
à passer entre Douvres et Wissan. Quant il furent
tout oultre, et leurs chevaus trais hors des nés et des
vaissiaus, li rois monta acompagniés, ensi que je
vous ay dit, et chevauça tant que il vint à Boulongne,
et là fu il un jour. 25
Tantos nouvelles vinrent au roy Phelippe de France,
et as signeurs de France, qui jà estoient à Amiens,
que li rois d'Engleterre estoit arrivés et venus à Boulongne.
De ces nouvelles eut li rois Phelippes grant
joie, et envoia tantos son connestable et grant fuison 30
de chevaliers devers le roy d'Engleterre, lequel
il trouvèrent à Monstruel sus Mer; et là eut grans
recognissances et approcemens d'amour. De puis
chevauça li jones rois d'Engleterre en le compagnie
del connestable de France; et fist tant o toute se route
que il vint en le cité d'Amiens, où li rois Phelippes 5
estoit tous appareilliés et pourveus de lui rechevoir,
le roy de Behagne, le roy de Navare et le roy de
Mayogres dalés lui, et si grant fuison de dus, de
contes et de barons que merveilles seroit à recorder.
Car, là estoient tout li douze per de France venu, 10
pour le roy d'Engleterre festoiier, et ossi pour estre
personelment, et faire tesmoing à son hommage. Se
li rois Phelippes reçut honnourablement et grandement
le jone roy d'Engleterre, son cousin, ce ne fait
mies à demander; et ossi fisent tout li roy, li duc et 15
li conte qui là estoient. Et furent tout cil signeur
adonc, en le cité d'Amiens, jusques à quinze jours.
Là en dedens eut tamainte parolle et ordenance
faite et devisée. Et me samble que li rois Edouwars
d'Engleterre fist adonc hommage, de bouce et de 20
parolle tant seulement, sans les mains mettre entre
les mains dou roy de France, ou prince ou prelat
deputé de par lui. Et n'en volt adonc li dis rois
d'Engleterre, par le conseil qu'il eut, dou dit hommage
proceder plus avant, si seroit retournés en Engleterre 25
et aroit veus, leus et examinés les previlèges
de jadis, qui devoient esclarcir le dit hommage, et
moustrer comment et de quoi li rois d'Engleterre
devoit estre homs au roy de France. Li rois de
France, qui veoit le roy d'Engleterre son cousin jone, 30
entendi bien toutes ces parolles, et ne le volt adonc
de riens presser, car bien savoit assés que bien y
recouveroit, quant il vorroit, et li dist: «Mon cousin,
nous ne vous volons pas decevoir, et nous plaist
bien ce que vous en avés fait à present, jusques à
tant que vous serés en vostre pays et enfourmés, par
les seelés de vostres predicesseurs, quel cose vous en 5
devés faire.» Li rois d'Engleterre respondi: «Chiers
sires, grans merchis.»
De puis se jeua, esbati et demora li rois d'Engleterre
avoecques le roy de France, en le cité d'Amiens.
Et quant tant y eut esté que bien deubt par raison 10
souffire, il prist congiet et se departi dou roy moult
amiablement, et de tous les aultres princes qui là estoient,
et se mist au retour pour revenir en Engleterre.
Et rapassa le mer, et fist tant par ses journées
qu'il vint à Windesore, là où il trouva la royne 15
Phelippe sa femme qui le rechut liement, et qui li
demanda nouvelles dou roy Phelippe, son oncle, et
de son grant linage de France. Li rois, ses maris,
l'en recorda assés et dou grant estat qu'il avoit trouvet,
et comment on l'avoit recueilliet et festiiet grandement,20
et des honneurs qui estoient en France, as
quèles dou faire ne de l'entreprendre à faire, nulz
aultres pays ne s'apertient.
§ 46. Ne demora gaires de temps, puissedi, que
li rois de France envoia en Engleterre, de son plus 25
especial conseil, l'evesque de Chartres et l'evesque
de Biauvais, et ossi monsigneur Loeis de Clermont,
duch de Bourbon, le conte de Harcourt et le conte
de Tankarville, et des aultres chevaliers et clers en
droit, pour estre as consaulz le roy d'Engleterre, qui 30
se tenoient à Londres sus l'estat que vous avés oy,
ensi que li rois d'Engleterre, lui revenut en son pays,
devoit regarder comment anchiennement si predicesseur,
de ce qu'il tenoient en Aquitainnes et dont
il s'estoient appellé duch, en avoient fait hommage.
Car jà murmuroient li pluiseur en Engleterre que 5
leurs sires estoit plus proçains de l'iretage de France
que li rois Phelippes. Nequedent, li rois d'Engleterre
et ses consaulz ignoroient de toutes ces coses. Mais
grant parlement et assamblées sus le dit hommage
furent en celle saison, en Engleterre. Et y sejournèrent 10
li dessus dit envoiiet dou roy de France, tout
l'iver, et jusques à l'issue dou mois de may ensievant,
qu'il ne pooient avoir nulle diffinitive response.
Toutes fois, finablement, li rois d'Engleterre,
par l'avis de ses privilèges as quels il ajoustoit grant 15
foy, fu consilliés de escrire ensi lettres pattentes,
seelées de son grant seel, en recognissant l'ommage
tel qu'il le doit et devoit adonc faire au roi de
France; la quèle teneur de la lettre s'ensieut ensi:
§ 47. «Edouwars, par la grasce de Dieu roys d'Engleterre,20
signeur d'Irlande et dux d'Aquitainnes, à
tous ceulz qui ces presentes lettres veront et oront,
salut. Savoir faisons, comme nous feissons à
Amiens hommage à excellent prince nostre chier
signeur et cousin Phelippe roy de France, lors 25
nous fu dit et requis de par lui que nous recognissions
le dit hommage estre lige, et que nous, en
faisant le dit hommage, li promissions expressement
foy et loyauté porter, la quèle cose nous ne
fesimes pas lors, pour ce que nous estions enfourmés 30
que point ne se devoit ensi faire. Et fesimes
lors au dit roy de France hommage par parolles
generales, en disant que nous entrions en son
hommage, par ensi comme nostre predicesseur,
dux de Giane, estoient de jadis entrés en l'ommage
des rois de France, qui avoient esté pour le 5
temps. Et, de puis enchà nous soions bien enfourmés
et acertenés de la vérité, recognissons, par
ces presentes lettres, que le dit hommage que nous
fesimes à Amiens au roy de France, comment que
nous le fesimes par parolles generales, fu, est et 10
doit iestre entendu lige, et que nous li devons foy
et loyauté porter, comme dux de Aquitainne et
pers de France, et contes de Pontieu et de Moustruel.
Et li prommetons des or en avant foy et
loyauté porter. 15
«Et pour ce que ou temps à venir de ce ne soit
jamais descors ne question à faire le dit hommage,
nous prommetons en bonne foy, pour nous et nos
successeurs, dus de Giane, qui seront pour le
temps, le dit hommage se fera en ceste manière. 20
Li rois d'Engleterre, dux de Gyane, tenra ses
mains entre les mains dou roy de France. Et cilz
qui adrecera les parolles au roy d'Engleterre, dux
d'Aquitainne, et qui parlera pour le roy de France,
dira ensi: «Vous devenés homme lige au roy de 25
France, mon signeur, qui ci est, comme dus de
Gyane et pers de France, et li prommetés foy et
loyauté porter. Dittes: voire.» Et li rois d'Engleterre,
duch de Giane, et si successeur diront:
voire. Et lors li rois de France recevera le dit roy30
d'Engleterre et duch de Gyane au dit hommage
lige, à la foy et à la bouce, sauf son droit et l'autrui.
De rechief, quant le dit roy et duch entera
en l'ommage dou roy de France, et de ses successeurs
rois de France, pour la conté de Pontieu et
de Moustruel, il mettera ses mains entre les mains
dou roy de France. Et cils qui parlera pour le roy 5
de France, adrecera ses parolles au dit roy et duc,
dira ensi: «Vous devenés homme lige au roy de
France, mon signeur, qui ci est, comme contes de
Pontieu et de Moustruel, et li prommetés foy et
loyauté porter. Dittes: voire.» Et le dit roy et 10
duch, conte de Pontieu, dira: voire. Et lors li dis
rois de France recevera le dit roy et conte au dit
hommage lige, à la foy et à la bouche, sauf son
droit et l'autrui.
«Et ossi sera fait et renouvelé, toutes fois que 15
l'ommage se fera. Et de ce baillerons nous et nos
successeurs, dux de Giane, fais les dis hommages,
lettres patentes seelées de nostres grans seaulz, se
le roi de France le requiert. Et avoech ce nous
prommetons tenir et garder affectuelment les pais 20
et acors fais entre les rois de France et dus de
Giane. Et en ceste manière sera fait, et seront renouvelées
les dittes lettres par les dis rois et dus
et leurs successeurs, dux de Giane et contes de
Pontieu et de Moustruel, toutes les fois que le roi 25
d'Engleterre, dus de Giane, et ses successeurs, dux
de Giane et contes de Pontieu et de Moustruel, qui
seront pour le temps, enteront en l'ommage dou
roy de France, et de ses successeurs, rois de France.
En tiesmoing des quèles coses, à cestes nos avons 30
fait mettre nostre grant seel. Données à Eltem, le
trentisme jour de marc mil trois cens et trente.»
Ces lettres raportèrent en France li dessus nommet
signeur, quant il se departirent d'Engleterre, et
il eurent le congiet dou roy; et les baillièrent au roy
de France, qui tantost le[s] fist porter à se cancelerie,
et mettre en garde, avoec ses plus especiaulz coses, 5
à le cautèle dou temps à venir. Nous nos soufferons
à parler dou roy d'Engleterre un petit, et parlerons
d'aucunes aventures qui avinrent en France.§ 48. Li homs del monde, qui plus aida le roy
Phelippe à parvenir à le couronne de France, ce fu 10
messires Robers d'Artois, qui estoit li uns des plus
haus barons de France, le mieus linagiés et estrais
des royaus. Et avoit à femme la sereur germainne
dou dit roy Phelippe. Et avoit toutdis esté ses plus
especiaulz compains et amis en tous estas. Et fu, 15
bien l'espasse de trois ans, que en France estoit tout
fait par lui, et sans lui n'estoit riens fait. Apriès,
avint que li rois Phelippes emprist et acqueilla ce
monsigneur Robert d'Artois en si grant hayne, en
l'ocquison d'un plait qui esmeus estoit devant lui, 20
dont la conté d'Artois estoit cause, que li dis messires
Robers voloit avoir gaagnié, par le vertu d'une
lettre que messires Robers mist avant, qui n'estoit
mies bien vraie, si com on disoit, que, se li dis rois
l'euist tenu en son aïr, il l'euist fait morir sans nul 25
remède. Et comment que li dis messires Robers fust
li plus proçains de linage et d'amour à tous les haus
barons de France, et serourges au dit roy, se li couvint
il vuidier France, et venir à Namur dales le jone
conte Jehan, son neveu, et ses frères, qui estoient 30
enfant de sa sereur. Quant il fu partis de France, et
li rois vei que il ne le poroit tenir, pour miex moustrer
que la besongne li touchoit, il fist prendre sa
suer, qui estoit femme au dit monsigneur Robert et
ses deus filz, ses neveus Jehan et Charle; si les fist
mettre en prison bien estroitement, et jura que jamais 5
n'en isteroient, tant qu'il viveroit. Et bien tint
ce sierement, car onques de puis, pour personne
qui en parlast, il n'en vuidièrent, dont il en fu de
puis moult blasmés en derrière.
Quant li dis rois de France sceut de certain et fu 10
enfourmés que messires Robers d'Artois estoit arrestés
à Namur dalés ses sereurs et ses neveus, il en fu
moult courouciés. Et envoia caudement devers l'evesque
Aoulz de Liège, en priant qu'il deffiast et
guerriast le conte de Namur, se il ne mettoit huers 15
de son pays monsigneur Robert d'Artois. Cilz evesques,
qui moult amoit le roy de France, et qui petit
amiroit ses vosins, manda au jone conte de Namur
que il mesist ensus de lui son oncle, monsigneur
Robert d'Artois; aultrement il li feroit guerre. Li 20
contes de Namur fu si consilliés que il mist hors de
sa terre son oncle. Ce fu moult à envis, mais faire li
couvenoit ou pis attendre.
Quant messires Robers d'Artois se vei en ce parti,
si fu moult angousseus de coer, et se avisa que il 25
iroit en Braibant, pour tant que li dus, ses cousins,
estoit si poissans que bien le soustenroit. Si vint devers
le duch, son cousin, qui le reçut moult liement,
et le reconforta de ses destourbiers. Li rois le sceut,
si envoia tantost messages au dit duch, et li manda 30
que, se il soustenoit ou souffroit à demorer ne à repairier
en sa terre monsigneur Robert d'Artois, il
n'aroit pieur ennemit de lui, et le greveroit et porteroit
damage en toutes les guises qu'il poroit. Li
dus ne le volt ou n'osa plus soustenir ouvertement
en son pooir, pour doubtance que de avoir et acquerre
le hayne dou dit roy de France. Ains l'envoia 5
couvertement tenir en Argentoel, jusques à tant que
on verroit comment li rois s'en maintenroit.
Li rois le sceut, qui par tout avoit ses espies; s'en
eut grant despit. Si pourcaça tant, en moult brief
temps, que li rois de Behagne, qui estoit cousins 10
germains au dit duc, li evesques de Liège, li arcevesques
de Coulongne, li dus de Guerles, li marchis
de Jullers, li contes de Bar, li contes de Los, li sires
de Faukemont, et pluiseur aultre signeur furent tout
alloiiet contre le dit duch, et le deffiièrent tout, au 15
pourcach et requeste del dessus dit roy. Et entrèrent
tantost en son pays parmi Hesbaing, et en alèrent
droit à Hanut. Et ardirent à leur volenté par deus
fois, demorant ens ou pays, tant que bon leur sambla.
Et envoia avoech yaus li dis rois le conte d'Eu, 20
son connestable, à tout grant compagnie de gens
d'armes, pour miex moustrer que la besongne estoit
sienne, et faite à son pourcach, et tout ardant son
pays.
Si en couvint le conte Guillaume de Haynau ensonniier; 25
et envoia ma dame sa femme, sereur au
roy Phelippe, et le signeur de Byaumont, son frère,
en France, par devers le dit roy, pour impetrer une
souffrance et une triewe de lui, d'une part, et dou
duch de Braibant, d'autre part. Trop à envis et à 30
dur y descendi le roy de France, tant avoit il pris la
cose en grant despit. Toutes fois, à le priière dou
conte de Haynau, son serourge, li rois s'umelia et
donna et acorda triewes au duch de Braibant, parmi
tant que li dus se mist dou tout en l'ordenance dou
propre roy de France et de son conseil, de tout ce
qu'il avoit à faire au roy et à çascun de ces signeurs 5
qui deffiiet l'avoient. Et devoit mettre, dedens un
certain jour, qui nommés y estoit, monsigneur Robert
d'Artois hors de sa terre et de son pooir, si com
il fist moult à envis; mais faire li couvint, ou autrement
il euist eu trop forte guerre de tous costés, si 10
com il estoit apparans: si ques, entrues que cil
toueillement et ces besongnes se portoient, ensi que
vous oés recorder, li rois englès eut nouvel conseil
de guerriier le roy d'Escoce, son serourge, je vous
dirai à quel title. 15
§ 49. Vous avés bien oy recorder chi dessus de le
guerre le roy Robert d'Escoce et dou roy d'Engleterre,
et comment unes triewes furent prises à durer
trois ans, là en dedens cilz rois Robers morut; en
apriès, dou mariage qui fu fais de la serour au roi 20
englès et dou fil ce roy Robert, qui fu rois d'Escoce
apriès le mort de son père, et le clamoit on le roy
David. Le temps que ces triewes durèrent, et encores
un an de puis ou environ, furent li Englès et li Escot
bien à pais, che que on n'avoit point veu en devant, 25
passet avoit deus cens ans, qu'il ne se fuissent
guerriiet et heriiet.
Or, avint que li jones rois d'Engleterre fu infourmés
que li rois d'Escoce, ses serourges, estoit saisis
de le bonne cité de Bervich, qui devoit estre de son 30
royaume, et que li rois Edouwars, ses taions, l'avoit
tous jours tenue paisevlement et francement, et ses
pères apriès, un grant temps. Et fu infourmés que li
royalmes d'Escoce mouvoit en fief de lui, et que li
jones rois d'Escoce, ses serourges, ne l'avoit encores
relevet ne fait hommage. Il en ot indignation, et envoia 5
assés tost apriès grans messages et souffissans au
jone roy David, son serourge, et à son conseil. Et li
fist requerre que il vosist oster se main de le bonne
cité de Bervich et lui resaisir, car c'estoit ses bons
hiretages, et avoit tous jours esté ses ancisseurs rois 10
d'Engleterre; et qu'il venist à lui, pour faire hommage
del royaulme d'Escoce, qu'il devoit tenir de
lui en fief.
Li jones rois David se consilla à ses barons et à
chiaus de son pays, par grant deliberation de conseil. 15
Et quant il fu assés consilliés sour ces requestes,
il respondi as messages et dist: «Signeur, jou et
tout mi baron nous mervillons durement de ce que
vous nous requerés, de par le roy nostre serourge.
Car nous ne trouvons mies à nos anciiens, ne ne tenons 20
que li royaumes d'Escoce soit de riens subgès
ne doit estre au roy d'Engleterre, ne par hommage,
ne autrement. Ne onques messires li rois, nos pères,
de bonne memore, n'en volt faire hommage à ses
ancisseurs, rois d'Engleterre, pour guerre que on l'en 25
fesist. Ossi, n'ai jou point conseil ne volenté dou
faire. En apriès, nos pères, li rois Robers conquist
la cité de Bervich, par droite guerre, sur le roy son
père, et le obtint comme son bon hyretage, tout le
cours de se vie. Et ossi le pense jou bien à tenir, et 30
en ferai mon pooir. Si vous requier que vous voelliés
priier au roi, cui sereur nous avons, qu'il nous voelle
laissier en celle franchise que no devantrain ont esté,
et goïr de ce que li rois, nos pères, conquist et maintint
toute se vie paisievlement, et que encontre ce
ne voelle croire nul mauvais conseil. Car, se uns
aultres nous voloit faire tort, si nous deveroit il aidier5
à deffendre, pour l'amour de sa sereur cui nous
avons à femme.» Li message respondirent: «Sire,
nous avons bien entendu vostre response. Si le reporterons
volentiers à nostre signeur le roy, en tel
manière que dit l'avés.» Puis prisent congiet, et 10
revinrent arrière à leur signeur, le roy d'Engleterre,
et à son conseil. Si recordèrent toutes les parolles
que li jones rois d'Escoce avoit respondu à leur requeste.
Li quels rapors ne plaisi mies bien au roy
Edowart, ne à son conseil. Ains fist mander à Londres, 15
au jour de Parlement, tous les barons, chevaliers
et consaulz des bonnes villes de son royalme,
pour avoir sur ce conseil et meure deliberation.
Ce terme pendant, vint messires Robers d'Artois
en Engleterre, à guise de marcheant, qui estoit decaciés 20
dou roy Phelippe de France, si com vous avés
oy. Et li avoit li dus de Braibant, ses cousins, conseilliet
qu'il se traisist celle part, ou cas qu'il ne
pooit nulle part demorer paisievlement en France,
ne en l'Empire. Si le rechut li jones rois englès liement,25
et le retint volentiers dalés lui et de son conseil.
Et li assena le conté de Ricemont, qui avoit esté
ses ancisseurs. Or me retrairai as dessus dis Parlemens,
qui furent à Londres, sus l'estat dou royaume
d'Escoce. 30
§ 50. Quant li jours de Parlement approça que
li rois englès avoit establi, et tous li pays fu assamblés
au mandement le roy à Londres, li rois leur fist
demoustrer comment il avoit fait requerre au roy
d'Escoce, son serourge, que il vosist oster se main
de le cité de Bervich qu'il detenoit à tort, et qu'il 5
vosist venir faire hommage à lui de son royalme
d'Escoce, ensi qu'il devoit; et comment li rois d'Escoce
avoit respondu à ses messages. Si pria à tous
que cescuns le volsist sour ce si consillier que sen
honneur y fust gardée. Tout li baron, li chevalier, 10
li consaulz des cités et des bonnes villes, et tous li
communs pays se consillièrent sur çou et raportèrent
leur conseil, tout d'un acord. Li quelz consaulz fu
telz que il leur sambloit que li rois ne pooit plus
porter par honneur les tors que li rois d'Escoce li 15
faisoit. Ains conseillièrent que il se pourveist si efforciement,
qu'il peuist entrer ou royaume d'Escoce
si poissamment, que il peuist ravoir la bonne cité
de Bervic, et qu'il peuist si constraindre le roy d'Escoce
qu'il fust tous joians, quant il poroit venir à son 20
hommage et à satisfation. Et disent qu'il estoient tout
desirant de aler avoech lui, à son commandement.
Li rois Edowars fu moult joians de celle response,
car il veoit le bonne volenté de ses gens. Si les en
regratia moult grandement, et leur pria que cescuns 25
fust apparilliés selonch son estat, et fuissent à un
jour, qui adonc fu nommés, droit à Noef Chastiel sur
Thin, pour aler reconquerre les droitures apertenans
à son royaulme d'Engleterre. Cescuns se habandonna
à celle requeste, et en rala en son lieu pour 30
lui pourveir, selonch son estat. Et li rois se fist pourveir
et apparillier si souffissamment que à tèle besongne
apertient. Si envoia encores aultres messages
à son dit serourge, pour lui souffissamment sommer,
et apriès pour deffiier, se il n'estoit aultrement consilliés.
§ 51. Li jours qui denommés estoit approça; et
vint li rois Edouwars, à tout son host, au Noef 5
Chastiel sour Thin. Si attendi par trois jours ses gens
qui venoient en siewant l'ost. Au quart jour, il s'en
parti et s'en ala à toute son host par devers Escoce,
et passa la terre le signeur de Persi et cesti de Noefville,
qui sont doi grant baron de Northombrelande, 10
et marcissent as Escos. Et ossi font li sires de Ros,
li sires de Lusi et li sires de Montbrai. Si se traist li
rois englès, et toute son host, par devers le cité de
Bervich. Car li rois d'Escoce n'avoit volut respondre 15
aultrement as secons messages qu'il avoit fait as premiers,
si qu'il estoit souffissamment sommés et deffiiés.
Tant esploita li rois englès, à toute son grant host,
qu'il entra en Escoce, et passa le rivière qui depart 20
Escoce et Engleterre; et n'eut mies adonc conseil de
lui arrester devant Bervich, mais de chevaucier avant
et ardoir et exillier le pays, si com ses taions avoit
fait jadis. Si esploita tant en ceste cevaucie qu'il
foula grandement toute le plainne Escoce, et ardi et 25
exilla moult de villes fremées de fossés et de palis,
et prist le fort chastiel de Haindebourch, et y mist
gens et gardiens de par lui, et passa le seconde rivière
d'Escoce desous Struvelin. Et coururent ses
gens tout le pays de là environ, jusques à Saint-Jehans-ton,30
et jusques en Abredane. Et ardirent et
exillièrent le bonne ville de Donfremelin, mais il ne
fisent nul damage villain à l'abbeye, car li rois le
deffendi. Et conquisent tout le pays jusques à Dondieu
et jusques à Dubretan, un très fort chastiel, sus
le marce de le sauvage Escoce, où li rois estoit retrès 5
et li royne d'Escoce, sa femme. Ne nulz n'aloit
au devant des Englès, mais s'estoient mis et retret
tout dedens les forès de Gedours, qui sont inhabitables
pour chiaus qui ne cognoissent le pays. Et
avoient là attrait tout le leur et mis à sauveté, et ne 10
faisoient compte dou demorant.
Che n'estoit mies merveilles s'il estoient esbahi,
et s'il fuioient devant les Englès. Car il n'avoient nul
bon chapitainne ne sage guerrieur, si com il avoient
eu dou temps passé. Premierement, li rois David, 15
leurs sires, estoit jones en l'eage de quinze ou de
seize ans, li contes de Moret encores plus jones, et
uns damoisiaus qui s'appelloit Guillaumes de Douglas,
neveus à celui qui estoit demorés en Espagne,
de cel eage: si ques li pays et li royaumes d'Escoce 20
estoit tous despourveus de bon conseil, pour aler ne
resister contre les Englès, qui adonc estoient si poissamment
entré en Escoce. Pour quoi, toute li plainne
Escoce fu courue, arse et gastée, et pluiseurs bons
chastiaus pris et conquis, et que li rois englès retint 25
pour lui. Et s'avisa que par chiaus il guerrieroit le
remanant, et constrainderoit ses ennemis dou leur
meismes.
§ 52. Quant li rois englès eut esté et sejourné,
couru et chevaucié le plainne Escoce, et arresté ou 30
pays le terme de sis mois et de plus, et il vit que
nulz ne venoit contre lui pour veer sen emprise, il
se retraist tout bellement par devers Bervich. Mès, à
son retour, il conquist et gaegna le chastiel de Dalquest,
qui est de l'hiretage le conte de Douglas, et
siet à cinq liewes de Haindebourch; et y ordonna 5
chastellain et bonnes gardes pour le garder. Et puis
chevauça à petites journées, et fist tant qu'il s'en revint
devant le bonne et le forte cité de Bervich, qui
est à l'entrée d'Escoce, et à l'issue dou royaume de
Northombrelande. Si le assega et environna li rois 10
de tous poins, et dist que jamais n'en partiroit, si
l'aroit à se volenté non, se li rois d'Escoce ne le venoit
combatre et lever par force.
Si se tint là li rois un grant temps devant Bervich,
ançois qu'il le peuist avoir, car la cité est durement 15
forte, et bien fremée, et environnée d'un lés d'un
brach de mer. Et se y avoit dedens bonnes gens en garnison
de par le roy d'Escoce, pour le garder et deffendre
et consillier les bourgois de le cité. Si vous di
qu'il y eut par devant Bervich, le terme pendant que 20
li rois englès y sist, maint assaut, maint hustin et
mainte dure escarmuce et priès que tous les jours,
et mainte apertise d'armes faite. Car, cil de dedens
cuidoient toutdis estre aidié et conforté, mais nulz
apparans n'en fu. Si en est verités que aucun preu 25
chevalier et bacheler d'Escoce chevauçoient à le fois,
et venoient par vesprées et par ajournemens resvillier
l'ost as Englès, mais petit y faisoient. Car li hos
le roy englès estoit si souffissamment bien gardée et
escargetie, et par si bonne manière, et si grant avis, 30
que li Escot n'i pooient entrer, fors à leur damage,
et y perdoient souvent de leurs gens.
Quant cil de Bervich veirent que il ne seroient secouru
ne conforté de nul costé, et ossi que li rois
englès ne partiroit point de là s'en aroit eu se volenté,
et que vivre leur amenrissoient, et leur estoient
clos li pas de mer et de terre, par quoi nulz 5
ne leur en pooit venir, si se commencièrent à aviser,
et envoiièrent devers le roy englès trettier que il leur
volsist donner et acorder une triewe, à durer un
mois; et se, dedens ce mois, li rois David leurs sires,
ou aultres pour lui, ne venoit là si fors que il 10
levast le siège, il renderoient le cité, salve leurs corps
et leurs biens; et que li saudoiier qui dedens estoient
s'en peuissent aler, s'il voloient, en leur pays d'Escoce,
sans recevoir point de damage.
Li rois englès et ses consaulz entendirent à ces 15
trettiés; et ne furent mies si tost acordé, car li rois
englès les voloit avoir simplement pour faire des aucuns
se volenté, pour tant qu'il s'estoient tant tenu
contre lui. Mais finablement il se laissa à dire par le
bon avis et conseil qu'il eut de ses hommes. Et ossi 20
messires Robers d'Artois y rendi grant painne, qui
avoit esté en ces chevaucies toutdis avoech lui, et
qui li avoit jà dit et demoustré, par pluiseurs clères
voies, com proçains il estoit de le couronne de
France, dont il se devoit tenir hiretiers, par le succession25
de monsigneur Charlon le roy, son oncle,
daarrainnement trespasset. Si veist volentiers li dis
messires Robers que li rois englès esmeuist guerre as
François, pour lui contrevengier des despis que on
li avoit fais, et que li rois englès se fust partis d'Escoce,30
à quel meschief que ce fust, et retrais vers
Londres: si ques ces parolles et pluiseurs aultres enclinèrent
grandement le roy à çou que cilz trettiés
de Bervich se passa. Et furent les triewes acordées
de chiaus de dehors à chiaus de dedens, le mois tout
acompli. Et le segnefièrent cil de Bervich à chiaus
de leur costé bien et à point, au roi d'Escoce, leur 5
signeur, et à son conseil, qui ne peurent veoir ne
imaginer voie ne tour qu'il fuissent fort pour combatre
le roy englès ne lever le siège.
Si demora la cose en cel estat, et fu la cité de
Bervich rendue, au chief dou mois, au roy englès, 10
et ossi li chastiaus, qui est moult biaus et moult
fors, au dehors de le cité. Et en prisent li mareschal
de l'host le saisine et le possession, de par le roy
englès. Et vinrent li bourgois de le cité en l'ost faire
hommage et feaulté au dit roy, et jurèrent et recogneurent15
à tenir le cité de Bervich de lui. Apriès, y
entra li rois à grant solennité de trompes et de nakaires;
et y sejourna de puis douze jours, et y ordonna
un bon chevalier à gardiien et à souverain,
qui s'appelloit messires Edouwars de Bailluel. Et 20
quant il se parti de Bervich, il laissa avoecques le dit
chevalier pluiseurs jones chevaliers et escuiers, et
pour aidier à garder le terre conquise sus les Escos,
et les frontières de celui pays.
Si s'en retourna li rois vers Londres, et donna à 25
toutes manières de [gens] [25] congiet, et s'en rala cescuns
en son lieu. Et il meismes s'en revint à Windesore,
où le plus volentiers se tenoit, et messires
Robers d'Artois dalés lui, qui ne cessoit nuit ne
jour de lui remoustrer quel droit il avoit à le couronne 30
de France. Et li rois y entendoit volentiers.
§ 53. Ensi ala en ce temps de le chevaucie le roy
englès sus les Escos. Il gasta et exilla le plus grant partie
de leur pays. Et y prist pluiseurs fors chastiaus, 5
que ses gens obtinrent sus les Escos de puis un grant
temps, et principaument le bonne cité de Bervich.
Et estoient demoret de par le roy englès, pour tenir
les frontières, pluiseur apert bacheler, chevalier et
escuier, entre les quelz messires Guillaumes de Montagut 10
et messires Gautiers de Mauni en font bien à
ramentevoir. Car, de le partie des Englès, cil doi
en avoient toute le huée; et faisoient souvent sus les
Escos des hardies emprises, des belles chevaucies,
des meslées et des hustins. Et par usage, le plus il 15
gaegnoient sus yaus, dont il acquisent grant grasce
devers le roy et les barons d'Engleterre.
Et pour mieus avoir leur entrées et leurs issues en
Escoce et à mestriier le pays, messires Guillaumes
de Montagut, qui fu appers, hardis et entreprendans 20
chevaliers, durement fortefia le bastide de Rosebourch,
sus le marce d'Escoce, et en fist un bon
chastiel, pour tenir et deffendre contre tout homme.
De quoi li rois englès li sceut grant gré, et acquist
si grant renommée et si grant grasce en ces entrepresures,25
dou roy Edowart, que li rois le fist conte de
Salbrin, et le maria moult hautement et très noblement.
Ossi fist messires Gautiers de Mauni, qui devint
en ces chevaucies chevaliers, et fu retenus dou
plus secret conseil le roi, et moult avanciés en se 30
court. Et fist de puis li dis messires Gautiers tant de
belles appertises et de grans fais d'armes, si com
vous orés avant en l'ystore, que li livres est moult
renluminés de ses proèces.
Bien est voirs que aucun preu chevalier d'Escoce
faisoient souvent anoi as Englès, et se tenoient toutdis 5
par devers le sauvage Escoce, entre grans marès
et grandes hautes forès, là nuls ne les pooit siewir.
Et sievoient à le fois les Englès de si priès que tous
les jours y avoit puigneis ou hustin. Et toutdis messires
Guillaumes de Montagut et messires Gautiers de 10
Mauni, adonc nouviel chevalier, y estoient renommé
pour les miex faisans et les plus enventureus. Et y
pierdi à ces hustins et puigneis li dis messires Guillaumes,
qui estoit hardis et durs chevaliers mervilleusement,
un oel, par ses hardies emprises. 15
En ces grans marès et en ces grans forès, là où cil
signeur d'Escoce se tenoient, s'estoit jadis li preus
rois Robers d'Escoce tenus par pluiseurs fois, quant
li rois Edouwars, taions à celui dont nous parlons
presentement, l'avoit desconfit, et conquis tout le 20
royaume d'Escoche. Et pluiseurs fois fu il si menés
et si decaciés qu'il ne trouvoit nullui qui l'osast herbegier,
ne soustenir en chastiel ne en forterèce, pour
le doubtance de ce roy Edouwart, qui avoit si nettement
conquis toute Escoce qu'il n'i avoit ville, 25
chastiel ne forterèce qui n'obeisist à lui. Et quant
cilz rois Edouwars estoit arrière revenus en Engleterre,
chilz preus rois Robers rassambloit gens d'armes,
quèle part que il les pooit trouver, et reconqueroit
tous ses chastiaus, ses forterèces et ses bonnes 30
villes jusques à Bervich, les unes par force et par
bataille, et les aultres par biaus parlers et par amours.
Et quant li rois Edouwars le savoit, il en avoit grant
despit, et faisoit tantost semonre ses os, et ne cessoit
jusques à tant qu'il l'avoit de rechief desconfit, et
reconquis le royaulme d'Escoce comme devant.
Ensi avint entre ces deus rois, si comme jou ay 5
oy recorder, que cilz rois Robers reconquist son
royaume, par cinq fois. Et ensi se maintinrent cil
doi roy, que on tenoit à leur temps pour les deus
plus preus del monde, tant que li bons rois Edowars
fu trespassés, et trespassa en le bone cité de Bervich. 10
Et avant qu'il morut, il fist appeller son ainnet
fil, qui fu rois apriès lui, par devant tous ses hommes.
Et li fist jurer sus Sains que, si tost qu'il seroit
trespassés, il le feroit boulir en une caudière, tant
que li char se partiroit des os, et feroit le char mettre15
en terre et garderoit les os. Et toutes fois que li
Escot reveleroient contre lui, il semonroit ses gens
et assambleroit et porteroit avoech lui les os de son
père. Car il tenoit fermement que, tant qu'il aroit
ces os avoech lui, li Escot n'aroient point victore 20
contre lui. Li quels ne acompli mies che qu'il avoit
juret. Ains fist son père raporter à Londres, et là ensepelir
contre son sierement. Pour quoi il li meschei
de puis en pluiseurs manières, si com vous avés oy,
et premierement à le bataille de Struvelin, là où li 25
Escot eurent victore contre lui.
§ 54. Apriès ce que li jones rois d'Engleterre eut
fait hommage au roy Phelippe de France, de le conté
de Pontieu et de tout ce qu'il li apertenoit à faire,
eut li dis rois Phelippes grasce et devotion de venir 30
veoir le Saint Père pape Benedic, qui pour le temps
regnoit et se tenoit en Avignon, et de viseter une
partie de son royaulme, pour lui deduire et esbatre,
et pour aprendre à cognoistre ses cités, ses villes et
ses chastiaus, et les nobles de son royaume. Si fist
faire en celle istance ses pourveances grandes et 5
grosses, et se parti de Paris en très grant arroi, le
roi de Behagne et le roi de Navare en se compagnie,
et ossi grant fuison de dus, de contes et de signeurs,
car il tenoit grant estat et estoffet, et faisoit grans livrées
et grans despens. Si chevauça li rois ensi parmi 10
Bourgongne, et fist tant par ses petites journées qu'il
vint en Avignon, où il fu moult solennelment receus
dou Saint Père et de tout le Collège, et l'onnourèrent
dou plus qu'il peurent. Et fu de puis grant terme là
environ avoech le pape et les cardinauls, et se logoit 15
à Ville Nove dehors Avignon. Si vint li rois d'Arragon
en ce meisme temps ossi en court de Romme,
pour lui veoir et festiier. Si y eut grans festes et
grans solennités à leurs approcemens et à leurs assamblées.
Et furent là tout le quaresme ensievant. 20
Donc il avint que certainnes nouvelles vinrent en
court de Romme que li ennemi de Dieu estoient
trop fort revelé contre le Sainte Terre, et avoient
reconquis priès que tout le royaume de Rasse, et
pris le roy qui s'estoit de son temps crestiennés, et 25
fait morir à grant martire. Et maneçoient encores li
incredule grandement sainte Crestienté. De ces nouvelles
fu li papes moult courouciés, ce fu bien raisons,
car il estoit chiés de l'Eglise, à cui tout bon
crestien se doivent ralloiier. Si preeça, le jour dou 30
Saint Venredi, present les rois dessus nommés, le
digne souffrance de Nostre Signeur, et enhorta et remoustra
grandement le crois à prendre et encargier,
pour aler sus les ennemis de Dieu. Et si humblement
fourma se predicacion, que li rois de France, meus
en grant pité, prist là le crois, et requist au Saint
Père qu'il li volsist acorder. Adonc li papes Benedic, 5
qui vit le bonne volenté dou roy de France, li acorda
benignement et le confirma, par condition que il
absoloit de painne et de coupe vrais confès et vrais
repentans, le roi de France premierement, et tous
chiaus qui avoech lui iroient en ce saint voiage. 10
Adonc, par grant devotion, et pour l'amour dou roi,
et lui tenir compagnie en ce pelerinage, li rois Charles
de Behagne, li rois de Navare et li rois Pières
d'Arragon le prisent, et grant fuison de dus, de contes,
de barons et de chevaliers qui là estoient, et 15
ossi quatre cardinal, li cardinaulz Blans, li cardinaus
de Naples, li cardinaulz de Pieregorth, et li cardinaulz
d'Ostie. Si fu tantost celle crois publiie et preecie
par le monde, et venoit à tous signeurs à grant
plaisance, et especialment à chiaus qui voloient le 20
tamps dispenser en armes, et qui adonc ne le savoient
bien raisonnablement où emploiier.
Quant li rois de France et li roi dessus nommet
eurent esté un grant temps dalés le pape, et il eurent
retté et avisé et confermé le plus grant partie 25
de leurs besongnes, il se partirent de court, et prisent
congiet au Saint Père. Si s'en rala li rois d'Arragon
en son pays. Et li rois de France et se compagnie
s'en vinrent à Montpellier, et là furent il
un grant tamps. Et fist adonc li rois Phelippes une 30
pais, de grant hayne qui se mouvoit entre le roy
d'Arragon et le roy de Maiogres. Apriès celle pais
faite, il s'en retourna en France à petites journées et
as grans despens, visetant ses cités, ses villes, ses
chastiaus et ses forterèces, dont il avoit sans nombre;
et rapassa parmi Auvergne, parmi Berri, parmi
Biausse et parmi le Gastinois, et revint à Paris, où il 5
fu receus à grant feste. Adonc estoit li royaumes de
France gras, plains et drus, et les gens riches et possessans
de grant avoir, ne on n'i savoit parler de
nulle guerre.
§ 55. Ens l'ordenance de le crois, pour aler oultre 10
mer, que li rois de France avoit empris et encargiet,
et dont il se faisoit chiés, se avisèrent pluiseur signeur
par le monde, et l'emprisent ossi li aucun
par grant devotion. Car li papes absoloit tous chiaus
de painne et de coupe, qui en ce saint voiage iroient. 15
Si fu la ditte crois manifestée et preecie par le monde;
et venoit à pluiseurs chevaliers bien à point, qui se
desiroient à avancier. Si fist li rois Phelippes, comme
chiés de ceste emprise, le plus grant et le plus biel
apparel qui onques euist estet fais pour aler oultre 20
mer, ne dou temps Godefroi de Buillon, ne d'aultre.
Et avoit retenu et mis en certains pors, c'est assavoir
de Marselle, de Aiguemortes, de Lattes, de Nerbonne
et d'environ Montpellier, tel quantité de vaissiaus,
de naves, de carrakes, de gallé[es] et de barges, que 25
pour passer et porter soissante mil hommes et leurs
pourveances. Et le fist tout le temps pourveir de
bescuit, de vins, de douce aigue, de chars sallées, et
de toutes aultres coses neccessaires pour gens d'armes,
et pour vivre, et si grant plenté que pour durer 30
trois ans, s'il besongnoit.
Et envoia encores li dis rois de France grans messages
par devers le roy de Hongerie, qui estoit moult
vaillans homs, en lui priant que il fust appareilliés,
et ses pays ouvers, pour recevoir les pelerins de Dieu.
Cils rois de Hongerie y entendi volentiers, et dist 5
que il estoit tous pourveus et ses pays ossi, de recevoir
le roy de France, et tous chiaus qui avoech lui
iroient. Tout en tel manière, le segnefia li rois de
France au roy de Cippre, monsigneur Huge du Luzegnon,
un vaillant roy durement, et ossi au roy de 10
Cecille, qui volentiers y entendirent, et se pourveirent
selonch ce bien et souffissamment, à le priière
et requeste dou roy de France. Encores envoia li dis
rois devers les Venissiens, en priant et requerant
que leurs mètes fussent ouvertes, gardées et pourveues. 15
Cil obeirent volentiers au roy de France, et
acomplirent son commandement. Ossi fisent li Geneuois
et tout cil de le rivière de Gennes. Et fist
li rois de France passer oultre en l'ille de Rodes le
grant prieus de France, pour aministrer vivres et 20
pourveances sus leurs mètes. Et fisent cil de Saint
Jehan, par acord avoech les Venissiiens, pourveir
moult souffissamment le isle de Crète, qui est de
leur signourie. Briefment, cescuns estoit appareilliés
et rebraciés de faire tout ce que bon estoit et sambloit,25
pour recueillier les pelerins de Dieu. Et prisent
plus de trois cens mil personnes le crois, pour aler
oultre en ce voiage.
§ 56. En ce tempore que ceste crois estoit en si
grant fleur de renommée, et que on ne parloit ne 30
devisoit d'aultre cose, se tenoit messires Robers
d'Artois en Engleterre, escaciés de France, dalés le
jone roy Edouwart, et avoit esté avoech lui au conquest
de Bervich et en pluiseurs chevaucies d'Escoce:
si estoient nouvellement retourné en Engleterre. Et
enhortoit et consilloit li dis messires Robers tempre 5
et tart le roy qu'il vosist deffiier le roy de France,
qui tenoit son hyretage à grant tort. Dont li rois
englès eut pluiseurs fois conseil, par grant deliberation,
à ceulz qui estoient si plus secré et especial
consilleur, comment il s'en poroit maintenir dou 10
destort que on li avoit fait dou royaume de France,
en sa jonèce, qui par droite succession de proismeté
devoit estre siens par raison, ensi que messires Robers
d'Artois l'en avoit infourmet. Et l'avoient li
douze per et li baron de France donnet à monsigneur 15
Phelippe de Valois, d'acort et ensi que par jugement,
sans appeller ne adjourner partie adverse. Si n'en
savoit li dis rois que penser, car à envis le lairoit, se
amender le pooit. Et se il le calengoit, et le debat
en esmouvoit, et on li deveoit, si com bien faire on 20
poroit, et il s'en tenist tous quois, et point ne l'amendoit
ou son pooir n'en faisoit, plus que devant
blasmés en seroit. Et d'autre part, il veoit bien que,
par lui ne par le poissance de son royaume, il poroit
à mesaise mettre au desous le grant royaume de 25
France, se il n'acqueroit des signeurs poissans, en
l'Empire et d'autre part, par son or et par son argent.
Si requeroit souvent à ses especiaulz consilleurs
qu'il li volsissent sur ce donner bon conseil et bon
avis, car sans grant conseil il n'en voloit plus avant 30
entreprendre.
A le parfin, si consilleur li respondirent d'acord
et li disent: «Ciertes, sire, la besongne nous samble
estre si grosse, et de si haute entrepresure, que
nous ne nos en oserions cargier ne finablement consillier.
Mais, chiers sires, nous vous consilleriens, se
il vous plaisoit, que vous envoiissiés souffissans messages,5
bien infourmés de vostre intention, à ce gentil
conte de Haynau, cui fille vous avés, et à monsigneur
Jehan, son frère, qui si vassaument vous a
servi, en priant en amisté que sur che il vous voellent
consillier, car mieulz sèvent que à tel afaire affiert 10
que nous ne faisons, et sont bien tenu de vostre
honneur et de vostre raison garder, pour l'amour
de la dame que vous avés. Et s'il est ensi qu'il s'acordent
à vostre entente, il vous saront bien consillier
des quelz signeurs vous vos porés le mieus aidier, 15
et les quelz, et comment vous les porés le miex
acquerre.»—«A ce conseil, dist li rois, me accorde
jou bien, car il me samble estre biaus et bons. Et
ensi que consilliet le m'avés, sera fait.»
Adonc pria li rois à ce prelat, l'evesque de Lincolle, 20
qu'il volsist entreprendre ce message à faire
pour l'amour de lui, et à deus chevaliers banerès qui
là estoient, et à deus clers de droit ossi, qu'il volsissent
faire compagnie à l'evesque en ce voiage. Li
dessus dis evesques, li doi chevalier banereth, li doi 25
clerch de droit ne veurent mies refuser le requeste
dou roy, ains li ottriièrent volentiers. Si se apparillièrent
au plus tost qu'il peurent, et se partirent dou
roy et montèrent en mer, et arrivèrent adonc à Dunkerke.
Si reposèrent là, tant que leur cheval furent 30
mis hors des vaissiaus, et puis se misent au chemin
et chevaucièrent parmi Flandres, et esploitièrent tant
qu'il vinrent à Valenciènes. Là trouvèrent il le
conte Guillaume, qui gisoit si malades de gouttes
artetikes et de gravielle, qu'il ne se pooit mouvoir,
et trouvèrent ossi monsigneur Jehan de Haynau, son
frère. S'il furent grandement festiiet et honnouret, 5
ce ne fait point à demander. Quant il furent si bien
festiiet comme à yaulz apertenoit, il comptèrent au
dit conte de Haynau et à son frère leur entente, et
pour quoi il estoient là envoiiet par devers yaus. Et
leur exprimèrent toutes les raisons et les doubtances, 10
que li rois meismes avoit mises avant par devant
son conseil, si com vous avés ci dessus oy recorder.
§ 57. Quant li contes de Haynau eut oy ce pour
quoi il estoient là envoiiet, et il eut oy les raisons
et les doubtances que li rois englès avoit mises avant 15
à son conseil, il ne les oy mies à envis. Ains dist
que li rois n'estoit mies sans sens, quant il avoit ces
raisons et ces doubtances si bien considerées. Car,
quant on voet entreprendre une grosse besongne,
on doit aviser et considerer comment on le poroit 20
achiever, et au plus priès de le fin peser à quel chief
on en poroit venir. Et dist ensi li gentilz contes:
«Se li rois y poet parvenir, si m'ayt Dieus, jou en
aroie grant joie. Et poet on bien penser que je l'aroie
plus chier pour lui, qui a ma fille, que je ne seroie 25
pour le roy Phelippe, qui ne m'a nient fait tout
à point, comment que jou aie sa sereur espousée.
Car, il m'a destournet couvertement le mariage del
jone duch de Braibant, qui devoit avoir espouset
Ysabiel, ma fille, et le a retenut pour une sienne 30
aultre fille. Par quoi je ne faurrai mies à mon chier
et ainsnet fil le roi d'Engleterre, s'il troeve en son
conseil qu'il le voelle entreprendre. Ains li aiderai
de conseil et d'ayde, à mon loyal pooir. Ossi fera
Jehans, mes frères, qui là siet, qui aultre fois l'a siervit.
Mais saciés qu'il li faurroit bien avoir aultre 5
ayde, plus forte que n'est la nostre. Car Haynaus est
uns petis pays, ce savés, ou regard dou royaume de
France; et Engleterre gist trop loing pour nous souscourre.»—«Certes,
sire, vous nous donnés très
bon conseil, et nous moustrés grant amour et grant 10
volenté; de quoi nous vous regrations, de par nostre
signeur le roy», ce respondi li evesques de Lincolle,
pour tous les aultres. Et dist encores: «Chiers
sires, or nous consilliés des quelz signeurs nos sires
se poroit mieus aidier, et des quelz il se poroit miex 15
fiier, par quoi nous li puissions reporter vostre conseil.»—«Sour
l'ame de mi, respondi li contes, je
ne saroie aviser signeur si poissant, pour lui aidier
en ces besongnes, comme seroit li dux de Braibant,
qui est ses cousins germains, ossi li evesques de 20
Liège, li dus de Guerles, qui a sa sereur à femme, li
arcevesques de Coulongne, li markis de Jullers, messires
Ernoulz de Bakehen, et li sires de Faukemont.
Ce sont cil qui plus aroient grant fuison de gens
d'armes, en brief temps, que signeur que je sace en 25
nul pays del monde. Et si sont très bon guerrieur.
Et fineront bien, se il voellent, de huit mille ou de
dis mille armures de fier, mais que on leur doinst
de l'argent à l'avenant. Et si sont signeur et gens
qui gaagnent volentiers. S'il estoit ensi que li rois 30
mes filz vos sires euist acquis ces signeurs que je dis,
et il fust par deça le mer, il poroit bien aler requerre
le roy Phelippe oultre le rivière d'Oise et
combatre à lui.»
Cilz consaulz pleut grandement à ces signeurs
d'Engleterre; puis prisent congiet au conte de Haynau
et à monsigneur Jehan de Haynau, son frère. Si 5
s'en ralèrent viers Engleterre porter au roy le conseil
qu'il avoient trouvet ou dessus dit conte et à son
frère. Quant il furent venu à Londres, li rois leur
fist grant feste. Et il li racontèrent tout ce qu'il
avoient trouvet au conseil et à l'avis dou gentil conte, 10
et de monsigneur Jehan de Haynau, son frère. Dont
li rois eut grant joie et en fu grandement reconfortés,
quant il eut entendu tout ce que ses sires li eut
mandet et consilliet.
Or vinrent ces nouvelles en France et montepliièrent 15
petit à petit, que li rois englès supposoit et entendoit
à avoir grant droit à le couronne de France.
Et fu li rois Phelippes enfourmés et avisés de ses
plus especiaulz et grans amis que, s'il aloit ou voiage
d'oultre mer qu'il avoit empris, il metteroit son 20
royaulme en très grant aventure, et qu'il ne pooit
faire ne esploitier milleur painne que de garder ses
gens et ce qui sien estoit, et dont il tenoit le possession,
et qui devoit retourner à ses enfans. Si se refroida
grandement de celle crois emprise et preecie. 25
Et contremanda ses officiiers qui ses pourveances faisoient,
si grandes et si grosses que merveilles seroit
à penser, jusques à tant qu'il aroit veu de quel piet
li rois englès vorroit aler avant, qui mies ne se refroidoit
de lui pourveir et appareillier, selonch le 30
conseil que si homme li avoient raporté dou conte
de Haynau, et fist, assés tost apriès ce qu'il furent
revenu en Engleterre, ordonner et apparillier dis
chevaliers banerès et quarante aultres chevaliers jones
bachelers. Et les [envoya] [26] à grans frès par deça
le mer, droit à Valenciènes, et le evesque de Lincolle,
qui fu moult vaillans homs, avoec eulz, en 5
cause que pour trettier à ces signeurs de l'Empire,
que li contes de Haynau leur avoit denommés, et
pour faire tout ce qu'il et messires Jehans, ses frères,
en consilleroient. Quant il furent venu à Valenciènes,
cescuns les regardoit à grans merveilles, pour 10
le biel et grant estat qu'il maintenoient, sans riens
espargnier nient plus que li corps dou roy d'Engleterre
y fust en propre personne, dont il acqueroient
grant grasce et grant renommée. Et si y avoit entre
yaus pluiseurs bachelers, qui avoient cescun un oel 15
couvert de drap, pour quoi il n'en peuist veoir. Et
disoit on que cil avoient voet entre dames de leur
pays, que jamais ne verroient que d'un oel jusques
adonc qu'il aroient fait aucunes proèces de leurs
corps ens ou royaume de France, les quelz il ne voloient 20
mies cognoistre à chiaus qui leur en demandoient.
Si en avoit cescuns très grant merveilles.
Quant il furent assés festiiet et honnouret à Valenciènes
dou conte de Haynau, de monsigneur Jehan
de Haynau, son frère, et des signeurs chevaliers 25
dou pays, et ossi des bourgois et des dames de Valenciènes,
li dis evesques de Lincolle et li plus grant
partie d'yaus se traisent par devers le duch de Braibant,
par le conseil dou conte dessus dit. Si les festia
li dus assés souffissamment, car bien le savoit 30
faire. Et puis se accordèrent si bellement au duch
que il eut en couvent de soustenir le roy, son cousin,
et toutes ses gens, en son pays, car à faire l'avoit,
car c'estoit ses cousins germains: si pooit venir,
et aler et demorer, armés et desarmés, toutes 5
fois qu'il li plairoit. Et avoec ce il leur eut en couvent,
par tout son conseil et parmi une certaine
somme de florins, que, se li rois englès, ses cousins,
voloit le roy de France deffiier souffissamment, et entrer
à force en son royalme, et se il pooit avoir l'acord 10
et l'ayde de ces signeurs d'Alemagne deseure
nommés, il le deffieroit ossi et iroit avoech lui, à
tout mille armeures de fier. Ensi leur eut il en couvent
par son creance. De quoi il cancela et detria
puis assés, si com vous orés avant en l'ystore. 15
§ 58. Adonc furent cil signeur d'Engleterre moult
aise, car il leur sambla qu'il avoient moult bien besongnié,
tant comme au duch. Si retournèrent à Valenciènes,
et fisent, par messages et par l'or et l'argent
le roy d'Engleterre leur signeur, tant que li dus 20
de Guerles, serourges au dit roy d'Engleterre, li markis
de Jullers, pour lui et pour l'arcevesque de Coulongne
Walerant, son frère, et li sires de Faukemont vinrent
à Valenciènes parler à yaus, par devant le conte de
Haynau, qui ne pooit mès chevaucier ne aler, et par 25
devant monsigneur Jehan, son frère. Et esploitièrent
si bien devers yaus que, parmi grandes sommes de
florins que cescuns devoit avoir pour lui et pour ses
gens, il eurent en couvent de deffiier le roi de France,
avoech le roy englès, quant il li plairoit, et que cescuns30
d'yaus le serviroit, à un certain nombre de
gens d'armes à hyaumes couronnés. En ce temps
parloit on de hyaumes couronnés; et ne faisoient li
signeur nul compte d'aultres gens d'armes, s'il n'estoient
à hyaumes et à timbres couronnés. Or est cilz
estas mués maintenant; on parolle de lances ou de 5
glaves et de jakes. Et vous di que cil signeur dessus
nommet eurent en couvent as gens le roy d'Engleterre,
que il leur aideroient à aultres signeurs d'oultre
le Rin, qui bien avoient pooir de amener grant
fuison de gens d'armes, mais que il ewissent souffissamment10
le pourquoi. Puis prisent congiet li dessus
dit signeur alemant, et en ralèrent en leur pays.
Et li signeur d'Engleterre demorèrent encores à
Valencienes et en Haynau, dalés le conte, par quel
conseil il ouvroient le plus. Si priièrent et envoiièrent15
encores souffissans messages devers l'evesque de
Liège, monsigneur Aoulz, et l'euissent volentiers attrait
de leur partie; mais li dis evesques n'i volt onques
entendre, ne riens faire encontre le roi de
France, à cui il estoit devenus homs et entré en se 20
feaulté. Li rois de Behagne ne fu point priiés ne
mandés, car on savoit bien qu'il estoit si conjoins
au roi de France, par le mariage de leurs deus enfans,
dou duc Jehan de Normendie, qui avoit à femme
ma dame Bonne, fille au dessus dit roy, que 25
pour celle cause il ne feroit riens contre le roy de
France. Or me tairai un petit d'yaulz, et parlerai
d'une aultre matère, qui à ceste se rajoindera chi
apriès.
§ 59. En ce temps dont jou ay parlet, avoit grant 30
dissention entre le conte Loeis de Flandres et les
Flamens, car il ne voloient point obeir à lui, ne à
painnes ne s'osoit il tenir en Flandres, fors en grant
peril. Et avoit à ce donc un homme à Gand, qui
avoit estet brassères de mielz. Chilz estoit entrés en
si grant fortune et si grant grasce, que c'estoit tout 5
fait quanqu'il voloit deviser et commander par toute
Flandres, de l'un des corons jusques à l'autre. Et n'i
avoit nullui, com grans qu'il fust, qui de riens osast
trespasser ses commandemens ne contredire. Il avoit
toutdis, apriès lui alans aval le ville de Gand, soissante10
ou quatre vingt varlès armés, entre les quelz
il en y avoit deus ou trois qui savoient aucuns de
ses secrès. Et quant il encontroit un homme qu'il
avoit en souspeçon ou qu'il haioit, cilz estoit tantos
tués, car il avoit commandé à ses secrès varlès et 15
dit: «Sitos que jou encontre un homme, et je
vous fai un tel signe, si le tués sans deport, com
grans ne com haulz qu'il soit, sans attendre aultre
parolle.»
Ensi avenoit souvent, et en fist en celle manière 20
pluiseurs grans mestres tuer. Par quoi il estoit si
doubtés que nulz n'osoit parler contre cose qu'il volsist
faire, ne à painnes penser de lui contredire. Et
tantost que cil soissante varlet le avoient raconduit
à son hostel, cescuns aloit disner à se maison; et 25
tantost apriès disner, il revenoient devant son hostel,
et beoient en le rue, jusques adonc qu'il voloit aler
aval le rue jouer et esbatre parmi le ville; et ensi
le conduisoient jusques au souper. Et saciés que cescuns
de ces saudoiiers avoit, cescun jour, quatre 30
compagnons ou gros de Flandres, pour ses frès et
pour ses gages. Et les faisoit bien paiier, de sepmainne
en sepmainne. Et ossi avoit il, par toutes les villes
et les chasteleries de Flandres, sergans et saudoiiers
à ses gages, pour faire tous ses commandemens, et
espiier et savoir s'il avoit nulle part personne qui
fust rebelle à lui, ne qui desist ne enfourmast nullui 5
contre ses volentés. Et si tost qu'il en savoit aucuns
en une ville, il ne cessast jamais, si l'euist fait banir
ou fait tuer sans deport: jà cilz ne s'en peuist garder.
Et meismement tous les poissans de Flandres,
chevaliers, escuiers et bourgois des bonnes villes, 10
qu'il pensoit qu'il fuissent favourable au conte en
aucune manière, il les banissoit de Flandres, et levoit
le moitiet de leurs revenues, et laissoit l'autre
moitiet pour le doaire et le gouvrenement de leurs
femmes et enfans. Et cil qui ensi estoient banit, des 15
quelz il estoient grant fuison, se tenoient à Saint-Omer
le plus, et les appelloit on les avollés ou les
oultre avollés.
Briefment à parler, il n'eut onques en Flandres, ne
en aultre pays, conte, duch, prince, ne aultre, qui 20
peuist avoir un pays si à se volenté, com cilz avoit
et eut longement. Et estoit appellés Jakemars d'Artevelle.
Il faisoit lever les rentes, les tonnieus, les
winages, les droitures et toutes les revenues, que li
contes devoit avoir et qui à lui apertenoient, quèle 25
part que ce fust parmi Flandres, et toutes les maletotes:
si les despendoit à se volenté et en donnoit,
sans rendre nul compte. Et quant il voloit dire que
argens li falloit, on l'en creoit par sen dit, et croire
l'en couvenoit, car nulz n'osoit dire encontre. Et 30
quant il en voloit emprunter à aucuns bourgois sour
son paiement, il n'estoit nulz qui le osast escondire
à prester. Or voel jou retourner as messagiers d'Engleterre.
§ 60. Chil signeur d'Engleterre, qui estoient envoiiet
par deça le mer, et estoient si honnourablement
à Valenciennes, com vous avés oy, se apensèrent
entre yaus que ce seroit grans confors pour leur 5
signeur le roy, selonch ce qu'il voloient entreprendre,
se il pooient avoir l'acort des Flamens, qui
adonc estoient mal dou roy de France et dou conte,
leur droit signeur. Si s'en consillièrent au conte de 10
Haynau, qui leur dist que voirement seroit ce li plus
grans confors qu'il peuissent avoir. Mais il ne pooit
veir que il y peuissent pourfiter se petit non, se il
n'avoient premierement acquis le grasce et le faveur
de celui Jakemart d'Artevelle. Il disent qu'il en feroient15
leur pooir temprement.
Assés tost apriès çou, il se partirent de Valenciènes,
et s'en alèrent vers Flandres, et se departirent en
trois, ne sai, en quatre routes, s'en alèrent partie à
Bruges, partie à Ippre, et li plus grant partie à Gand, 20
et tout despendant si largement qu'il sambloit que
argens leur pleuist des nues. Et queroient acord par
tout, et prommetoient as uns et as aultres, là où on
les consilloit, et où il creoient miex emploiier, pour
parvenir à leur entente. Toutes voies, li evesques de 25
Lincolle et se compagnie, qui alèrent à Gand, fisent
tant, par biel parler et autrement, qu'il eurent l'acord,
l'acointance et l'amisté de Jakemart d'Artevelle,
et grant grasce en le ville, et meismement
d'un vaillant chevalier anciien, qui volentiers demoroit 30
à Gand, et y estoit durement amés. Si le appelloit[on] [27]
monsigneur le Courtrisien, et estoit chevaliers
banerès, et le tenoit on pour le plus preu chevalier
de Flandres, et pour le plus vaillant homme,
et qui le plus hardiement avoit toutdis servi ses signeurs.
5
Cilz sires Courtrissiens compagnoit et honnouroit
durement ces signeurs d'Engleterre, ensi que vaillant
homme doient toutdis honnourer estragnes chevaliers,
à leur pooir. Mais il en eut, au darrain, mauvais
loiier. Car il en fu [28] accusés de celle honneur10
qu'il faisoit as Englès, enviers le roy de France, si
ques li rois commanda très estroitement au dit conte
de Flandres qu'il fesist tant, comment que ce fust,
qu'il ewist le dessus dit chevalier, se tant l'amoit, et
qu'il li fesist coper le tieste. Li contes, qui n'osa 15
trespasser le commandement le roy, ains fist tant,
je ne sai comment ce fu, que li sires Courtrisiens
vint là où li contes le manda. Si fu tantost pris et
tantost decolés. De quoi moult de gens furent durement
dolant de pitié, car il estoit moult amés et 20
honnourés ou pays, et en seurent moult mal gret au
conte.
Tant esploitièrent cil signeur d'Engleterre en Flandres,
que cilz Jakemars d'Artevelle mist pluiseurs
fois les consaulz des bonnes villes ensamble, pour 25
parler de le besongne que cil signeur d'Engleterre
queroient, et des franchises et amistés qu'il leur offroient
de par le roi d'Engleterre leur signeur, sans
cui terre et acord il ne se pooient bonnement
longement chevir. Et tant parlementèrent ensamble
qu'il furent d'acort en tel manière, qu'il plaisoit
bien à tous le consaulz de Flandres que li rois englès 5
et toutes ses gens pooient bien venir et aler, à
gens d'armes et autrement, par toute Flandres, ensi
qu'il li plairoit. Mais il estoient si fortement obligiet
envers le roy de France qu'il ne le poroient grever
ne entrer en son royalme, qu'il ne fuissent attaint 10
de une si grande somme de florins, que à grant malaise
en poroient il finer. Et leur priièrent que ce
leur volsist souffire jusques à une aultre fois. Ces responses
et cil esploit souffirent adonc assés à ces signeurs
d'Engleterre, puis s'en revinrent arrière à 15
Valenciènes, à grant joie. Et souvent envoioient leurs
messages devers le roi, leur signeur, et li signefioient
ce qu'il avoient besongniet. Et li rois leur renvoioit
grant or et grant argent, pour paiier leurs frais, et
pour departir à ces signeurs d'Alemagne, qui ne 20
convoitoient aultre cose.
En ce temps, trespassa de ce siècle li gentilz contes
Guillaumes de Haynau, sept jours ou mois de
juing, l'an de grasce mil trois cens trente sept. Si fu
ensepelis as Cordeliers, à Valenciènes; et li fist on là 25
son obsèque. Et chanta le messe li evesques Guillaumes
de Cambrai. Si y eut grant fuison de dus, de
contes et de barons, ce fu bien raisons, car il estoit
grandement amé et renommés de tous. Apriès son
trespas, se traist à le conté de Haynau, de Hollandes 30
et de Zelandes, messires Guillaumes, ses filz, qui
eut à femme la fille au duch Jehan de Braibant. Et
fu ceste dame, qui s'appelloit Jehane, doée de le
terre de Binch, qui est un moult biaus hiretages et
pourfitables. Et ma dame Jehane de Vallois, sa mère,
s'en vint demorer à Fontenielles sus Escaut, et là
usa sa vie comme bonne et devote en le ditte abbeye, 5
et y fist moult de biens.
§ 61. De toutes ces devises et ces ordenances, ensi
com elles se portoient et estendoient, et des confors
et des alliances que li rois englès acqueroit par deça
le mer, tant en l'Empire comme ailleurs, estoit li 10
rois Phelippes tous infourmés; et euist volentiers
veu que li contes de Flandres se fust tenus en son
pays et euist attrais ses gens à son acord. Mès cilz
Jakemars d'Artevelle avoit jà si sourmonté toutes manières
de gens en Flandres que nulz n'osoit contredire 15
à ses oppinions, meismement li contes, leurs
sires, ne s'i osoit clerement tenir, et avoit envoiiet
ma dame, sa femme, et Loeis, son jone fil, en France,
pour le doubte des Flamens.
Avoec tout ce, se tenoient en l'ille de Gagant aucun 20
chevalier et escuier de Flandres, en garnison,
dont messires Ducres de Halluin et messires Jehans
de [Rodes] [29] et li enfant de Le Trief estoient chapitain
et souverain; et là gardoient le passage contre les
Englès, et faisoient guerre couvertement: dont li 25
chevalier d'Engleterre, qui se tenoient en Haynau,
estoient tout infourmet que, se ilz s'en raloient par
là en leur pays, il seroient rencontré; pour quoi, il
n'estoient mies bien aseur. Non obstant ce, se chevauçoient
il et aloient à leur volenté parmi le pays
de Flandres, et par les bonnes villes, mais c'estoit
sus le confort Jakemon d'Artevelle, qui les portoit
et honnouroit en toutes manières, ce qu'il pooit.
Or retourrons nous un petit au duch de Braibant. 5
§ 62. Quant li dus de Braibant ot fait ses couvenences
à ces signeurs d'Engleterre, si com vous avés
oy, il s'avisa que li rois de France aultre fois li avoit
fait contraire. Si se doubta qu'il ne fust durement 10
infourmés contre lui, à l'ocquison des Englès et, se
il avenoit que li entrepresure que li rois d'Engleterre
avoit emprise ne venist avant ou ne venist à bon
chief, que li rois de France ne le volsist guerriier, et
li faire comparer che que li aultre aroient acordet. 15
Si envoia de son conseil au roy de France monsigneur
Loeis de [Cranahen] [30], sage chevalier durement,
et pluiseurs aultres avoech lui, pour lui excuser,
et pour priier au roy qu'il ne volsist croire nulle
mauvaise information contre lui; car moult à envis 20
il feroit nulle alliance ne couvenence contre lui,
mais li rois d'Engleterre estoit ses cousins germains:
se ne li pooit bonnement escondire sa revenue dedens
son pays, de lui ne de ses gens, leurs frais
paians; mais plus avant il n'en feroit riens qui deuist 25
estre au desplaisir dou roy. Li rois le crey à celle
fois, si s'en apaisa atant. Et toutes voies li dux ne
laissa mies pour ce, qu'il ne retenist des gens d'armes
en Braibant et ailleurs, là où il les pooit ne
pensoit à avoir, jusques à le somme que couvenenciet
avoit au roi d'Engleterre.
Et quant li dessus dit signeur d'Engleterre eurent
fait en partie ce pour quoi il avoient passet mer, il
se partirent de Valenciènes, où il tenoient leur souverain5
sejour, premierement li evesques de Lincolle,
messires Renaulz de Gobehen et li aultre. Et vuidièrent
Haynau, et vinrent à Dourdresch, en Hollandes.
Et montèrent là en mer, pour eschiewer le passage
de Gagant, où li dessus dit chevalier de Flandres se 10
tenoient en garnison, de par le roy de France et le
conte de Flandres, si com on disoit. Et s'en revinrent
au mieus qu'il peurent, et au plus couvertement,
arrière en leur pays, devers le roy englès, leur
signeur, qui les rechut à grant joie. Se li recordèrent 15
tout l'estat des signeurs de par de dechà, premierement
dou duch de Braibant, dou duch de Guerles,
dou conte de Jullers, de l'arcevesque de Coulongne,
de monsigneur Jehan de Haynau, dou signeur de
Faukemont, et des alloiiés, comment et sus quel 20
point il s'estoient alloiiet et accordé à lui, et à
quelle quantité de gens d'armes cescuns le devoit
servir, et ossi quel cose cescuns devoit avoir. A ces
parolles entendi li rois englès volentiers, et dist que
ses gens avoient bien esploitiet. Mais trop durement 25
plaindi le mort le conte de Haynau, qui fille
il avoit, et disoit qu'il avoit perdu en li un très
grant confort: se li couvenoit il porter et faire à l'avenant.
Encores recordèrent li dit signeur au roi le couvenant 30
de chiaus qui se tenoient en le garnison de Gagant,
et qui herioient ses gens tous les jours; et
comment, pour le doubte d'yaus, il estoient revenu
par Hollandes, et avoient eslongiet grandement leur
chemin. Donc dist li rois que il y pourveroit temprement
de remède. Si ordonna assés tost apriès le
conte Derbi, son cousin, et monsigneur Gautier de 5
Mauni, qui y avoit tant fait de belles bacheleries, en
Escoce, qu'il en estoit durement alosés, et ossi aucuns
aultres chevaliers et escuiers englès, qu'il vosissent
traire devers Gagant, et combatre chiaus qui
là se tenoient. Li dessus dit obeirent au commandement 10
le roi, leur signeur, et fisent leurs pourveances
et lor amas de gens d'armes et d'arciers à Londres,
et chargièrent leurs vaissiaus en le Tamise. Quant il
furent tout venu et apparilliet, il estoient environ
cinq cens armeures de fier et deus mille arciers. Si 15
entrèrent en leur navie, qui estoit toute preste, et
puis si se desancrèrent. Et vinrent, de celle marée,
le première nuit, gesir devant Gravesaindes. A l'endemain,
il desancrèrent et vinrent devant Mergate.
A le tierce marée, il tirèrent les voiles amont, et 20
prisent le parfont, et nagièrent tant par mer qu'il
veirent Flandres. Si arroutèrent leurs vaissiaus, et
misent en bon couvenant. Si vinrent assés priès de
Gagant, à heure de nonne. Che fu le nuit Saint Martin
en hyvier, l'an mil trois cens trente sept. 25
§ 63. Quant li Englès veirent le ville de Gagant,
où il tendoient à venir, et combatre chiaus qui par
dedens se tenoient, si se avisèrent et regardèrent
qu'il avoient vent et le marée pour yaus, et que ou
nom de Dieu et de saint Jorge il approceroient. Donc 30
fisent il sonner leurs trompètes, et s'armèrent et apparillièrent
vistement, et ordonnèrent leurs vaissiaus,
et misent les arciers devant, et singlèrent fors viers
le ville.
Moult bien avoient les gettes et les gardes, qui en
Gagant se tenoient, veu approcier ceste grosse armée. 5
Si supposoient assés que c'estoient Englès; pour quoi
il s'estoient jà tout armet et rengiet sus les dikes et
sus le sablon, et mis leurs pennons par ordenance
devant yaus, et fait entre yaus des nouviaus chevaliers
jusques à seize. Et pooient estre environ cinq 10
mille tout comptet, bien apert baceler et compagnon,
ensi qu'il le moustrèrent. Et là estoit messires Guis
de Flandres, frères au conte Loeis de Flandres, uns
bons et seurs chevaliers, mès bastars estoit, qui
amonnestoit et prioit tous les compagnons de bien 15
faire. Et là estoient messires Ducres de Halluin, messires
Jehans de Rodes, messires Gilles de le Trief,
qui fu là fais chevaliers, messires Symons et messires
Jehans de Brukedent, qui y furent fait ossi chevalier,
et Pières d'Englemoustier, et maint compagnon baceler 20
et escuier et appert hommes d'armes, ensi qu'il
le moustrèrent, et qui moult desiroient le bataille as
Englès.
Et estoient tout cil ordenet et rengiet à l'encontre
des Englès. Et n'i eut riens parlementé ne devisé, 25
car li Englès, qui estoient en grant [soucy] [31] de yaus
assallir, et cil de deffendre, criièrent leurs cris et fisent
traire leurs arciers moult roit et moult fort, et
tant que cil qui le havene deffendoient en furent si
ensonniiet que, vosissent ou non, il les couvint reculer.30
Et en y eut dou tret à ce premiers moult de
mehagniés. Et prisent terre li baron et li chevalier
d'Engleterre, et s'en vinrent combatre as haces, as
espées et as glaves, li un à l'autre.
Et là y eut pluiseurs belles baceleries et apertises 5
d'armes faites. Et moult vassaument se combatirent
li Flamench. Ossi moult bachelereusement les requisent
li Englès. Et là fu moult bons chevaliers li contes
Derbi, et s'avança de premiers si avant qu'il fu,
en lançant de glaves, mis par terre. Et là, li fu messires10
Gautiers de Mauni bons confors, car par apertises
d'armes il le releva et osta de tous perilz, en
escriant: «Lancastre au conte Derbi!» Et adonc
approcièrent il de tous lés. Et en y eut pluiseurs
mehagniés, et par especial plus des Flamens que 15
des Englès. Car li arcier d'Engleterre, qui continuelment
traioient, leur portoient trop grant damage.
§ 64. A prendre terre ou havene de Gagant, fu li
bataille dure et fière. Car li Flamench qui là estoient, 20
et qui le ville et le havene gardoient et deffendoient,
estoient très bonne gent, et de grant apertise plain.
Car, par election, li contes de Flandres les y avoit
mis et establis, pour garder cel passage contre les
Englès. Si s'en voloient acquitter bacelereusement, et 25
faire leur devoir en tous estas, ensi qu'il fisent. Là
estoient li baron et li chevalier d'Engleterre: premierement,
le conte Derbi, filz au conte Henri de
Lancastre au Tors Col, li contes de Sufforch, messires
Renaulz de Gobehen, messires Loys de Biaucamp, 30
messires Guillaumez filz Warine, li sires de
Bercler, messires Gautiers de Mauni et pluiseur aultre,
qui très vassaument s'i portoient et assalloient
les Flamens.
Là eut dure bataille et fort combatue, car il estoient
main à main. Et là fisent li pluiseur moult de belles 5
apertises d'armes, et de l'un lés et de l'autre; mais
finablement li Englès obtinrent le place. Et furent li
Flamench desconfi et mis en cace. Et en y eut plus
de trois mille mors, que sus le havene, que sus les
rues, que ens ès maisons. Et là fu pris messires Guis, 10
bastars de Flandres, et mors messires Ducres de Halluin,
et messires Jehans de [Rodes] [32], et li doi frère de
Brukedent et messires Gilles de le Trief et pluiseur
aultre: environ vingt six chevaliers et escuiers y furent
mort en bon couvenant. Et fu la ville prise, 15
pillie et robée, et tous li avoir aportés et mis ens ès
vaissiaus avoecques les prisonniers. Et puis fu la ville
toute arse et sans deport. Et retournèrent li Englès
arrière, et sans damage, en Engleterre, et recordèrent
au roy leur aventure. Li quelz fu moult joians, 20
quant il les vit, et sceut comment il avoient esploitiet.
Si fist à monsigneur Gui de Flandres creanter
se foy et obligier prison. Li quels se tourna englès
en celle meisme anée, et devint homs au roy d'Engleterre.
De quoi li contes de Flandres, ses frères, fu 25
moult courouciés.
§ 65. Apriès le desconfiture de Gagant, ces nouvelles
s'espardirent en pluiseurs lieus. Si en furent
cil de le partie le roy d'Engleterre tout joiant, et cil
de le partie dou conte tout courouciet. Et disoient
bien cil de Flandres que sans raison, hors de leur
conseil et volenté, li contes les avoit là mis. Si se
passa ensi ceste cose. Qui plus y eut mis, plus y eut
perdut, fors tant que d'Artevelle, qui avoit sourmonté 5
tous chiaulz de Flandres et en avoit pris le gouvernement,
ne vosist nullement que la besongne se fust
aultrement portée. Si envoia tantost ses messages en
Engleterre devers le roy Edowart, en lui recommendant
de coer et de foy; et li segnefia que en avant 10
il li consilloit qu'il passast le mer et venist en Anwiers,
par quoi il s'aquintast des Flamens, qui moult le desiroient
à veoir. Et supposoit assés que, s'il estoit
par deçà le mer, ses besongnes en seroient plus clères,
et y prenderoit grant pourfit. 15
Li rois englès à ces parolles entendi volentiers, et
fist faire ses pourveances grandes et grosses. Et tantost
que cilz yviers fu passés, à l'esté ensieuwant, il
monta en mer, bien acompagniés de contes et de
barons et d'aultre chevalerie, et passa le mer et arriva 20
en le ville de Anwiers, qui adonc se tenoit pour
le duc de Braibant. Si tost c'on sceut qu'il estoit descendus,
gens vinrent de tous costés, pour lui veoir
et considerer le grant estat qu'il maintenoit. Quant
il eut esté assés honnourés et festiiés, il eut advis 25
qu'il parleroit volentiers au duch de Braibant, son
cousin, au duch de Guerles, son serourge, au markis
de Jullers, à monsigneur Jehan de Haynau, au
signeur de Faukemont, et à chiaus dont il esperoit à
estre confortés, et qui estoient à lui acouvenenciet, 30
pour avoir leur conseil comment et quant il poroient
commencier à faire çou qu'il avoient empris. Ensi le
fist. Et vinrent tuit à son mandement à Anwiers,
entre le Pentecouste et le Saint Jehan.
Là, furent cil signeur festiiet grandement, à le
manière d'Engleterre. Apriès, les traist à conseil li
rois, et leur demoustra moult humlement se besongne, 5
et volt savoir d'yaus le certainne intention; et
leur pria qu'il s'en volsissent delivrer, car pour çou
estoit il là venus, et avoit ses gens tous apparilliés.
Se li tourneroit à grant damage, se il ne l'en
delivroient apertement. Cil signeur eurent grant conseil 10
ensamble et lonch, car la cose les estraindoit, et
si n'estoient point d'acord. Et toutdis avoient regart
sour le duc de Braibant, qui n'en faisoit nient
bien boine cière, par samblant. Quant il furent longement
consilliet, il respondirent au roy Edouwart et 15
disent: «Chiers sires, quant nous venins ci, nous
y venins plus pour vous veoir que pour aultre chose.
Si n'estions mies pourveu ne avisé de vous respondre
sur ce que requis nous avés. Si nous retrairons
arrière vers nos gens, cescuns vers les siens, et revenrons20
à vous à un certain jour, quant il vous plaira.
Et vous responderons adonc si plainnement, que li
coupe n'en demorra point sour nous.»
Li rois vey bien qu'il n'en aroit aultre chose, à
celle fois. Si s'en apaisa atant; et se acordèrent d'une 25
journée estre ensamble pour respondre le milleur
avis, apriès le Saint Jehan trois sepmainnes. Mais
bien leur moustra li rois englès les grans frès et les
grans damages qu'il soustenoit cescun jour pour leur
attente; car il pensoit qu'il fuissent tout pourveu de 30
lui respondre, quant il vint là, si com il estoit. Et
leur dist qu'il ne s'en retourroit jamais en Engleterre,
jusques adonc qu'il saroit leur intention tout
plainnement. Sur ce, cil signeur se departirent. Li
rois demora tous quois en l'abbeye Saint Bernard,
jusques apriès le journée. Li aucun des signeurs et
des chevaliers d'Engleterre demorèrent en Anwiers, 5
pour lui faire compaignie. Li aultre aloient esbaniant
et esbatant parmi le pays, à grans frais, li uns
à Brouxelles, li aultres en Haynau, li pluiseur aval
les bonnes villes de Flandres, là où il estoient durement
bien venut et bien festiiet. Li dus de Braibant 10
s'en ala à le Leuvre, et se tint là un grant temps.
Et renvoioit souvent par devers le roi de France,
pour lui escuser, et pour priier qu'il ne cruist nulle
information senestre encontre lui.
§ 66. Li jours approça et vint que li rois englès 15
attendoit le response de ces signeurs; mais il se fisent
souffissamment escuser et mandèrent au roi qu'il
estoient tout appareilliet yaus et leurs gens, ensi que
couvens estoit, mais qu'il fesist tant au duch qu'il
se apparillast, qui estoit li plus proçains, et qui le 20
plus froidement, ce leur sambloit, se apparilloit. Et
ossi tost qu'il saroient de certain que li dus seroit
apparilliés de mouvoir, il se mouveroient et seroient
ossi tost au commencement de le besongne que li
dus de Braibant seroit. 25
Sus ces responses, li dis rois englès fist tant qu'il
parla au duch de Braibant, son cousin, et li demoustra
le mandement que cil signeur li avoient mandet.
Si le pria en amisté et requist, par linage, qu'il se
volsist sour ce aviser, par coi nulle deffaute n'en fust 30
trouvée en lui, car il, endroit de lui, se apercevoit
bien que il se apparilloit froidement. Et se il n'en
faisoit aultre cose, il doubtoit qu'il ne perdist l'ayde
et confort de ces signeurs d'Alemagne, par le deffaute
de lui. Quant li dus oy çou, il en fu tous confus
et dist qu'il s'en consilleroit. Quant il fu longement 5
consilliés, il respondi au roy qu'il seroit assés
tost apparilliés, quant besoins en seroit; mès il aroit
ançois parlé à tous ces aultres signeurs, et leur prieroit
qu'il volsissent estre à Halle, ou à Destre, encontre
lui. 10
Quant li rois englès veï çou, il perchut bien qu'il
n'en aroit aultre cose, et que li courouciers ne li pooit
riens valoir; si accorda au duch son pourpos, et dist
qu'il envoieroit encores à ces signeurs certains messages
de par lui qu'il fuissent, à une journée certainne, 15
contre lui, là où il leur plairoit le mieus.
Ensi se departirent li rois et li dus d'ensamble. Message
furent envoiiet devers les signeurs de l'Empire,
et li certains jours assignés qu'il venroient: ce fu à
le Nostre Dame mi aoust. Et fu mis et assis cilz parlemens20
par tous communs acors, à Halle, pour le
cause dou jone conte de Haynau, monsigneur Guillaume,
et fu avoech monsigneur Jehan de Haynau,
son oncle.
§ 67. Quant cil signeur de l'Empire furent assamblé, 25
si com dessus est dit, en le ville de Halle, il eurent
grant parlement et lonch conseil, car li besongne
leur estraindoit durement; à envis poursievoient
leurs couvenans, et à envis en deffalloient pour leur
honneur. Quant il furent très longement consilliet, 30
il respondirent d'un acord au roi englès, et disent
ensi: «Ciers sires, nous nos sommes longement consilliet,
car vostre besongne nous est assés pesans. Car
nous ne veons mies, tout consideré, que nous aions
point de cause de deffiier le roi de France à vostre
occoison, se vous ne pourchaciés que vous aiiés l'acord 5
de l'Empereur, et qu'il nous commande que
nous deffions le roi de France de par lui, car il ara
bien droite ocquison et vraie par raison, si com nous
vous dirons. Et, de donc en avant, ne demorra nulle
deffaute en nous que nous ne soions apparilliet de 10
faire ce que prommis vous avons sans nulle excusance.
La cause que li Emperères poet avoir de deffiier
le roi de France est tèle. Il est certain que couvenenciet
a esté de lonch temps, et seelet et juret,
que li rois de France, quiconques le soit, ne puet ne 15
ne doit tenir ne acquerre riens sus l'Empire. Et cilz
rois Phelippes, qui à present règne, a fait le contraire
contre son sairement. Car il a acquis le chastiel
de Crievecuer, en Cambresis, et le chastiel de
Alues, en Pailluel, et pluiseurs aultres hyretages, en 20
le ditte conté de Cambresis, qui est terre de l'Empire
et haus fiés et relevée de l'Empereur, et l'a attribuet
au dit royaume de France. Par quoi li Emperères a
bien cause de lui deffiier et de faire deffiier par nous
qui sommes [33] si soubgès: si ques nous vous prions25
et consillons que vous y voelliés painne mettre au
pourcacier son acord, pour nostre pais et honneur.
Et nous y metterons painne volentiers au pourcacier
ossi, à nostre loyal pooir.»
Li rois englès fu tous confus quant il oy ce raport,
et bien li sambla que ce fust uns detriemens. Et bien
pensa que ce venoit de l'avis le duch de Braibant,
son cousin, plus que des aultres. Toutes voies, il
considera assés qu'il n'en aroit aultre chose, et que li 5
courechiers ne li pooit riens valoir. Si en fist milleur
samblant qu'il peut, par emprunt, et leur dist:
«Certes, signeur, je n'estoie mies avisés de ce point;
et se plus tost en fuisse avisés, je en ewisse volentiers
fait par vostre conseil, et encores voel faire. Si 10
m'en aidiés à consillier, selonch ce que je sui deçà
le mer en estragne pays apassés. Et si y ay longement
sejourné, et à grant fret. Si m'en voelliés donner
bon conseil, pour vostre honneur et pour le miène.
Car saciés, se jou ay en ce cas nul blasme, vous n'i 15
poés avoir honneur.»
§ 68. Longe cose seroit à raconter tous leurs consaulz
et toutes leurs parolles. Acordé fu entre yaus,
à le parfin, que li marchis de Jullers iroit parler à
l'Empereur; et iroient des chevaliers et des clers le 20
roy avoec lui, et dou conseil [du duc] [34] de Guerles
ossi, et feroient le besongne à le milleur foy qu'il
poroient. Mais li dus de Braibant n'i volt point envoiier,
mais presta le chastiel de Louvaing au roy,
pour demorer, s'il li plaisoit, jusques à l'estet; car li25
rois leur avoit bien dit que nullement il ne s'en retourneroit
en Engleterre, car hontes et virgongne li
seroit, s'il s'en retournoit sans avoir fait partie de sen
emprise, de quoi si grant fame estoit, se li deffaute
et negligense n'en demoroit en yaus. Et leur dist
qu'il manderoit le jone royne se fame, et tenroient
leur hostel ens ou chastiel de Louvaing, puis que li
dus, ses cousins, li avoit offiert. Ensi se departi cilz
parlemens, et creantèrent tout cil signeur, li un en 5
le presence de l'autre, que jamais il ne querroient
nulle excusance ne detriement que, de le feste Saint
Jehan Baptiste, qui seroit l'an mil trois cens trente
neuf, en avant, il seroient ennemi au roy Phelippe de
France, et seroit cescuns apparilliés, ensi que prommis 10
avoit. Cescuns en rala en son lieu. Li marcis de
Jullers meut à toute se compagnie pour aler vers
l'Empereur. Si le trouvèrent à Floreberg.
Pourquoi feroi je lonch sermon de leurs parolles,
ne de leurs requestes? Je ne les saroie raconter toutes 15
entirement, car je n'i fui mies. Mais li dis marcis
de Jullers parla si gracieusement à monsigneur Loeis
de Baivière, empereur de Romme pour le temps, qu'il
fisent toutes leurs besongnes et ce pour quoi il estoient
là alet. Et y rendi ma dame Margerite de Haynau, sa 20
femme, grant painne. Et fu adonc li marcis de Jullers
fais marcis de Jullers, qui en devant estoit contes de
Jullers; et li dus de Guerles, qui estoit appellés contes,
fais dus de Guerles. Et le impetrèrent ceste augmentation
de nom ses gens qui là estoient. Et ossi li 25
Emperères donna commission à quatre chevaliers et
à deus clers de droit, qui estoient de son conseil, et
pooir de faire le roy englès son vicaire par tout
l'Empire; et li donna grasce par quoi il peuist faire
monnoie d'or et d'argent, el nom de lui, et commandement 30
que cescuns de ses soubgès obeisist à
lui, comme au vicaire et comme à lui meismes. Et
de ce prisent li dessus dit instrumens publikes, confremés
et saiellés souffissamment de l'Empereur.
Quant li dis marcis de Jullers eut fait toutes ses besongnes,
il et se compagnie se misent au retour.
§ 69. En ce temporal, li jones rois David d'Escoce, 5
qui avoit perdu grant partie de son royaulme,
et ne le pooit recouvrer, pour l'effort dou roy d'Engleterre,
son serourge, se parti d'Escoce priveement
avoech le royne sa femme, et se misent en mer; si
arrivèrent à Boulongne. Et puis fisent tant qu'il vinrent10
en France, et droitement à Paris, où li rois Phelippes
se tenoit pour le temps, attendans tous les jours
que deffiances li venissent dou roy englès et des signeurs
de l'Empire, selonch chou qu'il estoit infourmés.
De la venue dou roi d'Escoce fu li rois de France 15
moult resjoys, et le conjoy grandement, pour tant
qu'il en entendoit à avoir bon confort. Car bien
veoit li rois de France et ooit dire tous les jours que
li rois d'Engleterre se apparilloit, quanqu'il pooit,
pour lui guerroiier, et pour lui oster de son royalme, 20
se il pooit: si ques, quant li rois d'Escoce li eut remoustré
sa besongne et sa neccessité, et en quel istance
il estoit là venus, il fu tantost tous aquintés de
lui, car moult bien se savoit acointier de chiaus dont
il esperoit à avoir pourfit, ensi que pluiseur grant 25
signeur sèvent faire. Se li presenta ses chastiaus pour
sejourner à se volenté, et de son avoir pour [despendre] [35],
mais qu'il ne volsist faire nul acord ne pais au
roi d'Engleterre, fors par son conseil.
Li jones rois d'Escoce reçut en grant gré ce que li
rois de France li offri, et li creanta ce qu'il requist
tout plainnement. Si sambla adonc au roi de France
que c'estoit grans confors pour lui, et grans contraires
pour le roi d'Engleterre, se il pooit tant faire que 5
li signeur et baron, qui estoient demoret en Escoce,
vosissent et peuissent si ensonniier les Englès qu'il
n'en peuist venir par deça le mer, se petit non, pour
lui grever, ou qu'il couvenist le roi d'Engleterre repasser,
pour garder son royaume. Pour ce et en celle 10
intention, il retint ce jone roy d'Escoce et la royne
sa femme dalés lui, et les soustint par lonch temps,
et leur fist delivrer quanqu'il leur besongnoit, car
d'Escoce leur venoit il assés petit, pour leur estat
parmaintenir. Et envoia li dis rois de France grans 15
messages en Escoce à ces signeurs et barons, qui là
guerrioient contre les garnisons dou roy d'Engleterre;
et leur fist offrir grant ayde et grant confort,
mais qu'il ne volsissent faire pais ne donner nulles
triewes as Englès, se ce n'estoit par se volenté et par 20
son conseil, et par le volenté et conseil de leur signeur
le roy d'Escoce, qui tout ce li avoit juret et
prommis à tenir.
Sus les lettres et requestes dou roy de France,
chil signeur d'Escoce se consillièrent. Quant il furent 25
bien consilliet, et il eurent consideret parfaitement
toutes leurs besongnes, et le dure guerre qu'il avoient
as Englès, il s'i acordèrent liement, et le jurèrent et
seellèrent avoech le roy leur signeur. Ensi furent les
alliances de ce temps faites entre le roy Phelippe de 30
France et le roi David d'Escoce, qui se tinrent fermes
et estables un lonch temps. Et envoia li dis rois de
France gens d'armes en Escoce, pour guerriier les
Englès. Et par especial messires Ernoulz d'Andrehen,
qui puis fu mareschaus de France, et li sires de Garensières,
avoech pluiseurs chevaliers et escuiers, y
furent envoiiet, et y fisent tamainte belle apertise 5
d'armes, si com vous orés avant en l'ystore. Or me
tairai à present de ceste matère, et me retrairai à
nostre matère devantrainne.
§ 70. Quant li rois Edowars et li aultre signeur à
lui alloiiet se furent parti del parlement, si com vous 10
avés oy, li rois se retraist à Louvaing, et fist apparillier
le chastiel pour demorer. Et manda à le [roine] [36]
Phelippe, sa femme, se elle voloit venir par deça le
mer, ce li plairoit bien, car il ne pooit de là rapasser
toute celle anée. Et renvoia grant fuison de ses 15
chevaliers oultre, pour garder son pays, meismement
sus le marce d'Escoce. La royne dessus ditte prist
en grant plaisance les nouvelles dou roy, son signeur,
et se apparilla, au mieus et au plus tost que
elle peut, pour rapasser le mer. Entrues que ces besongnes20
se detrioient, li aultre chevalier englès, qui
estoient en Braibant dalés le roy, s'espardirent aval
le pays de Flandres et de Haynau, en tenant grant
estat et en faisant grans frais. Et n'espargnoient ne
or ne argent, non plus qu'il leur pleuist des nues, et 25
donnoient grans jeuiaus as signeurs, as dames et as
damoiselles, pour acquerre le grasce et le loenge de
ceulz et de celles entre qui il conversoient; et tant
faisoient qu'il l'avoient de tous et de toutes, et meismement
dou commun peuple à qui il ne donnoient
riens, pour le biel estat qu'il menoient.
Or revinrent de l'empereur monsigneur Loeis de
Baivière, environ le Toussains, li marcis de Jullers
et se compagnie. Si segnefia et escrisi, par certains 5
chevaliers, au roy Edouwart de sa venue, et li manda
ossi que, Dieu merci, il avoit bien esploitié. De ces
nouvelles fu li rois tous joians, et rescrisi au dit
marcis que, à le feste Saint Martin, il fust devers
lui, et que à ce jour tout li aultre signeur y seroient. 10
Avoech tout çou, li rois englès se consilla au duc de
Braibant, son cousin, et li demanda où il voloit que
cils parlemens se tenist. Li dus fu avisés de respondre,
et ne volt mies adonc qu'il fust en son pays;
et si ne volt mies aler jusques à Tret, où la journée 15
euist esté bien seans, pour le cause des signeurs de
l'Empire. Ains ordonna et volt que elle fust assise à
Herkes, qui siet priès de son pays, en le conté de
Los. Li rois englès, saciés, avoit si grant desir de se
besongne avancier, qu'il li couvenoit poursiewir et 20
attendre tous les dangiers et les volentés le duch,
son cousin, puisqu'il s'i estoit embatus; et se acorda
à çou que li journée fu assignée à Herkes. Si le fist
savoir à tous ses alloiiés, qui tout y vinrent à son
mandement, au jour de le Saint Martin. 25
Quant tout furent là venu, saciés que li ville fu
durement plainne de signeurs, de chevaliers et d'escuiers,
et de toutes aultres manières de gens. Et fu
li halle de le ville, là où on vendoit pain et char,
qui gaires ne valoit, encourtinée de biaus draps 30
comme la cambre le roy. Et fu li rois englès assis,
le couronne d'or moult rice et moult noble sus son
chief, plus hault cinq piés que nulz des aultres, sur
un banc d'un boucier, là où il vendoit et tailloit se
char. Onques tèle halle ne fu à si haute honneur. Là
endroit, par devant tout le peuple qui là estoit, et
par devant tous les signeurs, furent leutes les lettres 5
l'Empereur, par les quèles il constituoit le roi d'Engleterre
Edouwart son vicaire et son lieutenant pour
lui, et li donnoit pooir de faire droit et loy à çascun,
el nom de lui, et de faire monnoie d'or u d'argent,
ossi el nom de lui. Et commandoit par ses dittes lettres 10
à tous les princes de son Empire, et à tous aultres
à lui soubgès, qu'il obeisissent à son vicaire
comme à lui meismes, et li fesissent feaulté et hommage
comme au vicaire de l'Empire.
Quant ces lettres furent leutes, cescuns des signeurs 15
fist feaulté et sairement au roi englès, comme
au vicaire de l'Empereur. Et tantost, là endroit, fu
clamet et respondut entre parties, comme devant
l'Empereur, et jugiet droit à le semonse de lui. Et fu
là endroit renouvelez et affremés uns jugemens et 20
estatus, qui avoit estet fais en le court de l'Empereur
dou temps passet, qui telz estoit: que, qui voloit
aultrui grever ou porter damage, il le devoit segnefiier
souffissamment, trois jours devant son fait; et
qui aultrement le feroit, il devoit estre attains com 25
de mauvais et de villain fait. Chilz estatus sambla
estre bien raisonnables à cescun, mais je ne croi
mies que de puis il ait estet par tout bien gardés.
Quant tout çou fu fait, li signeur se departirent et
creantèrent li uns à l'autre de estre apparilliet sans 30
delay à toutes leurs gens, ensi que couvenenciet estoient,
trois sepmainnes apriès le Saint Jehan, pour
aler devant Cambray, qui doit estre de l'Empire, et
estoit tournée par devers le roy de France.
§ 71. Ensi se departirent cil signeur; cescuns en
rala en son lieu. Et li rois Edouwars, vicaires de
l'Empire, s'en revint à Louvaing, dalés ma dame la 5
royne sa femme, qui nouvellement estoit là venue à
grant noblèce, et bien acompagnie de dames et de
damoiselles. Si tinrent à Louvaing leur tinel moult
honnourablement, tout cel yvier. Et fist faire monnoie
d'or et d'argent en Anwiers, à grant fuison. 10
Mais pour ce ne cessa mies li dus de Braibant de
renvoiier songneusement devers le roy de France
monsigneur Loeis de [Cranehen] [37], son plus especial
chevalier et consilleur, en lui excusant. En le fin, il
le fist demorer tout quoi dalés le roy. Et li carga et 15
enjoindi expressement que toutdis il l'escusast devers
le roy, et contredesist toutes informations qui
pooient venir au dit roi à l'encontre de lui. Li dis
monsigneur Loeis n'osa escondire le commandement
del duch son signeur; ains en fist toutdis bien son 20
devoir, à son pooir. Mais au darrain il en eut povre
guerredon, car il en morut en France de duel, quant
on vei apparamment le contraire de ce dont il escusoit
le duch si certainnement; et en devint si confus
qu'il n'en volt onques puis retourner en Braibant. Si 25
demora tous cois en France, pour lui oster de souspeçon,
tant qu'il vesqui: ce ne fu pas longement, si
com vous orés en avant recorder en l'ystore.
§ 72. Or passa cilz yviers; li estés revint; li feste
Saint Jehan Baptiste approça. Chil signeur d'Alemagne
se commencièrent à apparillier, pour achiever
leur emprise. Li rois de France se pourvei à l'encontre,
car il savoit partie de leur entente, comment 5
qu'il n'en fust point encores deffiiés. Li rois englès
fist toutes ses pourveances faire en Engleterre, et ses
gens d'armes apparillier et apasser par deça le mer,
si tost que li Saint Jehan fu passée. Et se ala tenir il
meismes à Vilvort; et faisoit ses gens, ensi qu'il 10
apassoient oultre et qu'il venoient, prendre hostelz
en le ville de Vilvort. Et quant li ville fu plainne, il
les fist logier contreval ces biaus prés, selonch le rivière,
en tentes et en trés. Et là se logièrent il et demorèrent,
de le Magdelainne jusques apriès le Nostre 15
Dame en septembre, en attendant de sepmainne en
sepmainne le venue des aultres signeurs, et par especial
celle dou duch de Braibant, apriès qui tout li
aultre s'attendoient. Quant li rois englès vei que cil
signeur ne venoient point ne apparilliet estoient, il 20
envoia certains messages viers çascun, et les fist semonre,
sour leur creant, qu'il venissent sans nul delai,
ensi que creanté avoient, ou il venissent au jour
Saint Gille pour parler à lui en le ville de Malignes,
et lui dire pour quoi il targoient tant. 25
Li rois Edouwars sejournoit à Vilvort à grant fret,
ce puet çascuns savoir, et perdoit son temps; se li
anoioit, et ne le pooit amender. Il soustenoit tous les
jours sous ses frès bien seize cens armeures de fier,
fleur de gens, tous venus de oultre le mer, et bien 30
dix mille arciers, sans les aultres poursiewans à çou
apertenans. Se li pooit bien ce peser, avoech le grant
tresor qu'il avoit donnet à ces signeurs qui ensi le
detrioient par parolles, ce li pooit bien sambler, et
avoecques les grandes armées qu'il avoit establis sour
mer contre Geneuois, Normans, Bretons, Pikars et
Espagnolz, que li rois Phelippes faisoit gesir et nagier 5
sour mer à ses gages, pour les Englès grever;
dont messires Hues Kierés, messires Pières Bahucés
et Barbevaires estoient amiraut et conduiseur, pour
garder les destrois et les passages entre Engleterre et
France. Et n'attendoient cil dessus dit escumeur de 10
mer aultre cose que les nouvelles leur venissent que
li rois englès, si com on supposoit, euist deffiiet le
roy de France, qu'il enteroient en Engleterre, où que
ce fust, il avoient jà aviset où et comment, pour porter
au pays grant damage. 15
§ 73. Quant cil signeur d'Alemaigne, à le semonse
dou roi englès, li dus de Braibant et messires Jehans
de Haynau vinrent à Malignes, il n'amenèrent pas
leurs gens avoech yaus, ne leurs pourveances, pour
hostoiier; mais se traisent par devers le roy, pour 20
parlementer encores un petit ensamble. Et là il s'acordèrent
communement, apriès tout plain de parolles,
que li rois englès pooit bien mouvoir à le quinsainne
après ou environ, et seroient adonc tout
appareilliet. Et pour tant que leur guerre fust plus 25
belle, et que bien apertenoit à faire, puis qu'il voloient
guerroiier le roi de France, il se acordèrent de
envoiier les deffiances au roi Phelippe: premierement,
li rois d'Engleterre Edouwars, qui se fist chiés
de tous et de chiaus de son royaulme, ce fu raisons, 30
ossi li dus de Guerles, li marcis de Jullers, messires
Robers d'Artois, messires Jehans de Haynau, li marcis
de Misse et d'Eurient, li marcis de Blankebourc,
li sires de Faukemont, messires Ernoulz de Bakehen,
li archevesques de Coulongne, messires Galerans, ses
frères, et tout li signeur de l'Empire, qui chief se 5
faisoient de le besongne avoech le roi englès. Si furent
ces deffiances escriptes et seellées de cescun, excepté
dou duch Jehan de Braibant, qui encores s'escusa,
et ne se volt mies adonc conjoindre en ces
deffiances, et dist qu'il feroit son fait à par lui, à 10
tamps et à point. De ces deffiances aporter en France
fu priiés et cargiés li evesques de Lincolle, qui bien
s'en acquitta, car il les aporta à Paris, et fist son
message bien et à point, tant qu'il ne fu de nullui
repris ne blamés. Et li fu delivrés un saufconduis 15
pour retourner arrière devers le roy, son signeur,
qui se tenoit à Malignes.
Or vous voel je parler de deus grans entrepresures
d'armes que messires Gautiers de Mauni fist, en le
propre sepmainne que li rois de France fu deffiiés. 20
Si tretost comme il peut sentir et percevoir que li
rois de France devoit ou pooit estre deffiiés, il pria
et cueilla environ quarante lances de bons compagnons
seurs et hardis, et chevauça tant de nuit que
de jours, qu'il vint en Haynau, et se bouta ens ès 25
bos de Blaton. Et encores ne savoit nulz quel cose il
voloit faire, mès il s'en descouvri là à aucuns de ses
plus secrès, et leur dist qu'il avoit prommis et voé
en Engleterre, present dames et signeurs, que ce seroit
li premiers qui enteroit en France et y feroit 30
guerre, et prenderoit chastiel ou forte ville, et y feroit
aucune apertise d'armes: si estoit sen entente
que de chevaucier jusques à Mortagne, et de sousprendre
le ville qui se tient dou royaume.
Chil à qui il s'en descouvri li acordèrent liement.
Adonc recenglèrent il leurs chevaus et restraindirent
leurs armeures, et chevaucièrent tout sieret, et passèrent5
les bos de Blaton et de Brifuel, et vinrent
droit à un ajournement, un petit devant soleil levant,
à Mortagne. Si trouvèrent d'aventure le guicet ouvert.
Adonc descendirent il messires Gautiers de
Mauni tout premiers, et aucuns des compagnons, et 10
entrèrent en le porte tout quoiement, et establirent
aucuns des leurs pour garder le porte, par quoi il ne
fuissent souspris; et puis s'en vinrent tout contreval
la rue, messires Gautiers de Mauni et son pennon
tout devant, devers le grosse tour et les chaingles. 15
Si le cuidièrent ossi trouver mal gardée, mais il fallirent
à leur entente, car les portes et li guicet estoient
fremet bien et estroitement. Ossi la gette dou
chastiel oy la friente et les perçut de sa garde. Si fu
tous esbahis, et commença à sonner et à corner en 20
sa buisine: «Trahi! trahi!» Si esvillièrent toutes
gens et li saudoiier dou chastiel, mais point ne vuidièrent
de leur fort.
Quant messires Gautiers de Mauni senti les gens
de Mortagne esmouvoir, il se retraist tout bellement 25
devers le porte, mais il fist bouter le feu en le rue
contre le chastiel, qui tantost s'esprist et aluma. Et
furent bien à ceste matinée soixante maisons arses,
et les gens de Mortagne moult effraet, car il cuidièrent
estre tout pris. Mais li sires de Mauni et ses 30
gens se partirent de le ville, et chevaucièrent arrière
devers Condet, et passèrent là l'Escaut et le rivière
de le Haine; et chevaucièrent le chemin de Valenciènes
et le costiièrent à le droite main, et vinrent à
Denaing, et se rafreschirent en l'abbeye. Et puis
passèrent oultre devers Bouchain, et fisent tant au
chastellain de Bouchain que les portes leur furent 5
ouvertes, et passèrent là une rivière qui y keurt, qui
se refiert en l'Escaut, et vient d'amont devers Alues,
en Pailluel.
Apriès ce, quant il furent tout oultre Bouchain et
le rivière, il s'en vinrent à un fort chastiel, qui se tenoit10
de l'evesque de Cambrai et de Cambresis, et
l'appelloit on Thun l'Evesque, et siet sus le rivière
d'Escaut. En che chastiel, n'avoit adonc nulle garde
souffissans, car li pays ne cuidoit nient estre en
guerre. Si furent cil de Thun soubdainnement souspris, 15
et li chastiaus pris et conquis, et li chastelains
et sa femme dedens. Et en fist li sires de Mauni une
bonne garnison, et y ordonna à demorer un sien
frère chevalier, qui s'appelloit messires Gilles de
Mauni, c'on dist Grignart, li quelz fist de puis ce jour 20
pluiseurs destourbiers à chiaus de Cambresis et de le
cité de Cambrai, car li chastiaus siet à une liewe de
Cambrai. Quant messires Gautiers de Mauni eut fait
ses emprises, il s'en retourna francement en Braibant
devers le roy englès, son signeur, et le trouva 25
à Malignes; se li recorda une partie de ses chevaucies.
Li rois les oy volentiers et les retint à grant
vasselage.
§ 74. Vous avés bien ci dessus oy recorder sus
quel estat li signeur de l'Empire se partirent dou roy 30
englès et dou parlement qui fu à Malignes, et comment
il envoiièrent deffiier le roy de France. Sitos
que li rois Phelippes se senti deffiiés dou roy englès
et de tous ses alloiiés, il vei bien que c'estoit acertes
et qu'il aroit le guerre. Si se pourvei selonch ce bien
et grossement, et retint gens d'armes et saudoiiers à 5
tous lés, et envoia grans garnisons en Cambresis, car
il pensoit bien que de [ce] [38] costé il aroit premierement
l'assaut. Et envoia monsigneur le Galois de
le Baume, un bon chevalier de Savoie, dedens
Cambrai, et l'en fist chapitainne, avoecques monsigneur 10
Thiebaut de Moruel et le signeur de Roie. Et
estoient bien, Savoiien que François, deux cens lances.
Et envoia encores li dis rois Phelippes saisir le
conté de Pontieu, que li rois d'Engleterre avoit tenu
en devant de par ma dame, se mère. Et manda et 15
pria à aucuns signeurs de l'Empire, telz que le conte
de Haynau, son neveu, le duch de Loerainne, le
conte de Bar, l'evesque de Mès, l'evesque de Liège,
monsigneur Aoulz de le Marce, que il ne fesissent
nul mauvais pourcach contre lui ne à son royalme. 20
Li plus de ces signeurs li mandèrent que ossi ne feroient
ilz. Et adonc li contes de Haynau li rescrisi
moult courtoisement et li segnefia qu'il seroit appareilliés
à li et à son royalme à aidier, à deffendre et
à garder contre tout homme. Mais, se li rois englès 25
voloit guerriier en l'Empire, comme vicaires et lieutenans
de l'Empereur, il ne li pooit refuser son pays
ne son confort, car il tient en partie sa terre de
l'Empereur; se li doit, ou à son vicaire, toute obeissance.
De ces rescripsions se contenta li rois de 30
France assés bien, et les laissa passer legierement, et
n'en fist nul grant compte, car il se sentoit fors assés
pour resister contre tous ses ennemis.
Si tretost que messires Hues Kierés et si compagnon,
qui se tenoient sus mer, entendirent que les 5
deffiances estoient, et la guerre ouverte entre France
et Engleterre, il en furent tout joiant; si se departirent
avoecques leur armée, où il avoit bien vint
mille combatans de toutes manières de gens, et singlèrent
vers Engleterre, et vinrent un dimence au 10
matin ou havene de Hantonne, entrues que les gens
estoient à messe. Et entrèrent li dit Normant et Geneuois
en le ville et le prisent et le pillièrent et robèrent
tout entirement, et y tuèrent moult de gens,
et violèrent pluiseurs dames et pucelles, dont ce fu 15
damages; et chargièrent leurs naves et leurs vaissiaus
dou grant pillage qu'il trouvèrent en le ville, qui
estoit plainne et drue et bien garnie, et puis rentrèrent
en leurs nefs. Et quant li flos de le mer fu revenus,
il desancrèrent et singlèrent à l'esploit dou 20
vent devers Normendie, et s'en vinrent rafrescir à
Dièpe; et là departirent il leur butin et leur pillage.
Or retourrons nous au roy englès, qui se tenoit à
Malignes, et se apparilloit fort pour venir devant
Cambray. 25
§ 75. Li rois englès se parti de le ville de Malignes
et vint à Brousselles pour parler au duch de Braibant,
son cousin, et toutes ses gens passèrent au dehors.
Donc s'avalèrent Alemant efforciement, li dus
de Guerles, li marcis de Jullers, li marchis de Blankebourch,30
li marchis de Misse et d'Eurient, li contes
des Mons, li contes de Saumes, li sires de Faukemont,
messires Ernoulz de Bakehen et tout li signeur
de l'Empire alloiiet au roy englès; et estoient
bien vint mille hommes. D'autre part, estoit messires
Jehans de Haynau, qui se pourveoit grossement 5
pour estre en ceste chevaucie, mais il se tenoit dalés
le conte de Haynau, son neveut. Quant li rois englès
et messires Robers d'Artois furent venu à Brousselles,
et il eurent parlé au duc de Braibant assés et de
pluiseurs coses, il demandèrent au dit duch quelle 10
estoit se intention, de venir devant, ou dou laissier.
Li dus à ceste parolle respondi et dist que, si tretost
que il poroit savoir que il aroit assegiet Cambray, il
se trairoit de ceste part à douze cens lances, bien
estoffés de bonnes gens d'armes. Ces responses souffirent15
bien au roy englès adonc et à son conseil.
Si se parti li dis rois de Brousselles et passa parmi
le ville de Nivelle, et là jut une [nuyt] [39]. A l'endemain,
il vint à Mons en Haynau, et là trouva le jone
conte, son serourge, et monsigneur Jehan de Haynau, 20
son oncle, qui le reçurent moult liement, et monsigneur
Robert d'Artois qui estoit toutdis dalés lui et
de son plus secret conseil, et environ seize ou vint
grant baron et chevalier d'Engleterre que li dis rois
menoit avoech lui, pour sen honneur et son estat et 25
pour lui consillier. Et si y estoit li evesques de Lincolle,
qui moult estoit renommés, en ceste chevaucie,
de grant sens et de proèce. Si se reposa li rois englès
deux jours à Mons en Haynau, et y fu grandement
festiiés dou dit conte et des chevaliers dou pays. Et 30
toutdis passoient ses gens et se logoient sus le plain
pays, ensi qu'il venoient, et trouvoient tous vivres
apparilliés pour leurs deniers; li aucun paioient et li
aultre non.
Ensi se approchièrent les besongnes dou roy englès, 5
et s'en vint à Valenciènes, et y entra tant seulement
li douzime de chevaliers. Et jà y estoient
venu li contes de Haynau et messires Jehans de Haynau,
ses oncles, li sires d'Enghien, li sires de Fagnuelles,
li sires de Wercin, li sires de Haverech, et 10
pluiseur aultre chevalier, qui se tenoient dalés leur
signeur, et rechurent le roy englès moult liement.
Et l'en mena li dis contes par le main jusques en la
Salle, qui estoit toute arrée et appareillie pour lui rechevoir.
Donc il avint que, en montant les degrés 15
de le Salle, li evesques de Lincolle, qui là estoit presens,
leva sa vois et dist: «Guillaume d'Ausonne,
evesques de Cambrai, je vous amonneste, comme
procurères de par le roy d'Engleterre, vicaire de
l'empereur de Romme, que vous voelliés ouvrir le 20
cité de Cambray; aultrement, vous vos fourfaites, et
y enterons de force.» Nulz ne respondi à ceste parolle,
car li evesques n'estoit point là presens. Encores
parla li dis evesques de Lincolle et dist: «Contes
de Haynau, nous vous amonnestons, de par 25
l'empereur de Romme, que vous venés servir le roy
d'Engleterre, sen vicaire, devant Cambrai, à ce que
vous devés de gens.» Li contes, qui là estoit, respondi
et dist: «Volentiers.» Apriès ces parolles, il
entrèrent en le Salle et menèrent le roy englès en sa 30
qui fu grans et biaus et bien ordonnés. A l'endemain,
au matin, se parti li rois englès de Valenciènes,
et s'en vint à Haspre; et là se loga et reposa
deux jours, attendans ses gens qui venoient, dont il
en y avoit grant fuison, tant d'Engleterre comme
d'Alemagne. 5
§ 76. Quant li rois englès eut esté deux jours à
Haspre, et que là moult de ses gens furent passet et
venu à Nave et là environ, il s'en parti et s'en vint
devers Cambray, et se loga à Yvuis, et assega la cité
de Cambray de tous poins, et toutdis li croissoient 10
gens. Là vint li jones contes de Haynau en très grant
arroy, et messires Jehans de Haynau, ses oncles, et
se logièrent assés priès dou roy; apriès, li dus de
Guerles et ses gens, li marchis de Jullers et se route,
li marchis de Misse et d'Eurient, li marcis de Blankebourch15
et leurs routes, li contes des Mons, li contes
de Saumes, li sires de Faukemont, messires Ernoulz
de Bakehen, et ensi tout li aultre; et toutdis
leur croissoient gens.
Au sixime jour que li rois englès et tout cil signeur 20
se furent logiet devant Cambray, vint li dus
de Braibant en l'ost, moult estoffeement et en grant
arroy. Et avoit bien neuf cens lances, sans les aultres
armeures de fer, dont il avoit grant fuison. Et se loga
devers Ostrevan sus l'Escaut, et fist on un pont sus 25
le rivière, pour aler de l'une host à l'autre. Lors que
li dus de Braibant fu venus, il envoia deffiier le roy
de France qui se tenoit à Compiègne. De quoi messires
Loys de Cranehen, qui toutdis l'avoit escuset,
en fu si confus qu'il en morut de duel, dont ce fu 30
damages pour ses amis.
Che siège durant devant Cambray, il y eut pluiseurs
assaus, escarmuces et paletis. Et chevauçoient
par usage messires Jehans de Haynau et li sires de
Fauquemont ensamble: dont il ardirent et foulèrent
durement le pays. Et vinrent cil signeur, un jour, et 5
leurs routes, où il avoit bien cinq cens lances et
mille aultres combatans, au chastiel de Oisi, en Cambresis,
et y livrèrent un très grant assaut. Et, se ne
fuissent li chevalier et li escuier qui dedens estoient,
il l'euissent pris et de force. Mais si bien se deffendirent10
cil de dedens, qui là estoient de par le signeur
de Couci, qu'il n'eurent point de damage. Et retournèrent
li dessus dit signeur et leurs routes en leurs
logeis.
§ 77. Encores ce siège durant par devant Cambray, 15
vint par un samedi li contes Guillaumes de Haynau,
qui estoit moult bacelereus, à tout chiaus de son
pays, dont il y avoit très bonne gent devant le cité
de Cambray, à le porte de Saint Quentin, et y livra
grant assaut. Et là fu Jehans Chandos, qui adonc estoit 20
escuiers très appers et bons bacelers, et se jetta
entre les barrières et le porte oultre au lonch d'une
lance; et là se combati à un escuier de Vermendois
moult vaillamment, qui s'appelloit Jehans de Saint
Digier. Et fisent adonc li uns sus l'autre pluiseurs 25
belles apertises d'armes. Et conquisent de force li
Haynuier le baille. Et là estoit li contes de Haynau,
en très bon couvenant, et ses seneschaus messires
Gerars de Wercin, et messires Henris d'Antoing et
tout li aultre qui s'avançoient et enventuroient hardiement30
pour leur honneur.
A une porte, c'on dist le porte Robert, estoient li
sires de Byaumont, li sires de Fauquemont, et messires
Gautiers de Mauni et leurs gens, et y fisent un
très fort et dur assaut. Mais, se il assalloient fortement
et durement, chil de Cambray, et li saudoiier 5
que li rois de France y avoit ossi envoiiés, se deffendoient
vassaument et par grant avis. Et fisent tant
que li dessus dit assallant n'i conquisent riens, mais
retournèrent bien lasset et bien batu à leurs logeis;
si se desarmèrent et pensèrent dou reposer. Et vint 10
là li jones contes Guillaumes de Namur servir le
conte de Haynau, par priière; et disoit qu'il se tenroit
de leur partie bien et volentiers, tant qu'il seroient
sus l'Empire; mais, si tretost qu'il enteroient
sus le royaume de France, il s'en iroit devers le roy 15
Phelippe qui l'avoit retenu ossi. C'estoit li intentions
dou conte de Haynau; et commandoit estroitement
à ses gens que nulz, sus le hart, ne fourfesist riens
au royaume de France.
§ 78. Entrues que li rois d'Engleterre seoit devant 20
le cité de Cambray, à bien quarante mille hommes,
et que moult les constraindi d'assaus et de pluiseurs
fais d'armes, faisoit li rois Phelippes de France son
mandement à estre à Perronne, en Vermendois, et
là environ, car il avoit intention de chevaucier contre 25
les Englès, qu'il sentoit moult efforciement en
Cambresis. Donc les nouvelles en vinrent en l'ost
d'Engleterre, que li rois Phelippes faisoit un grant
amas des nobles de son royalme. Si regarda li rois
englès et considera pluiseurs coses. Et se consilla
principalment à chiaus de son pays, et à monsigneur 30
Robert d'Artois, en qui il avoit moult grant fiance;
et leur demanda lequel il estoit le milleur à faire, ou
d'entrer ou royaume de France et venir contre son
adversaire le roy Phelippe, ou de lui tenir devant
Cambray, tant que par force il l'euist conquise. 5
Li signeur d'Engleterre et ses estrois consaulz imaginèrent
pluiseurs coses, et regardèrent que la cité
de Cambray estoit malement forte, et bien pourveue
de gens d'armes et d'artillerie, et ossi de tous vivres,
selonch leur espoir, et que longe cose seroit de là 10
tant sejourner et estre que il l'euissent conquis. Dou
quel conquès il n'estoient mies encores bien certain.
Et si approçoit li yviers, et si n'avoient encores fait
nul fait d'armes, ne apparant n'estoit dou faire, et
sejournoient là à grant frait. Se li consillièrent, tout 15
consideré, que il se deslogast et chevauçast avant ou
royaume. Là trouveroient il largement à vivre et
mieus à fourer.
Cilz consaulz fu creus et tenus. Donc s'ordonnèrent
tout li signeur à deslogier, et fisent tourser tentes 20
et trés et toutes manières de harnois. Et se deslogièrent
tout communalment, et se misent à voie et
chevaucièrent devers le Mont Saint Martin, qui à ce
costé est li entrée de France. Et chevauçoient ordeneement,
et par connestablies, cescuns sires entre 25
ses gens. Et estoient marescal de l'host englesce li
contes de Norhantonne et de Clocestre et li contes
de Sufforc, et connestables d'Engleterre li contes de
Warvich. Et passèrent assés priès dou Mont Saint
Martin, li Englès, li Alemant et li Braibençon le rivière30
d'Escaut, tout à leur aise, car elle n'est mies là
endroit trop large.
§ 79. Quant li contes de Haynau eut conduit et
acompagnié le roy d'Engleterre jusques au departement
de l'Empire, et qu'il devoit passer l'Escaut et
entrer ou royaume, il prist congiet à lui et li dist,
tant qu'à celle fois, il ne chevauceroit plus avoecques 5
lui; et que il estoit priiés et mandés dou roy,
son oncle, à cui il ne voloit point de hayne, mais
l'iroit servir ou royaume en tel manière comme il
l'a voit servi en l'Empire. Et li rois dist: «Diex y
ait part!» Donc se parti li contes de Haynau dou roy 10
d'Engleterre, et toutes ses routes, et li contes de Namur
avoeques lui, et s'en revinrent arrière au Kesnoy.
Et donna li contes congiet le plus grant partie
de ses gens, mais il lor dist et pria qu'il fuissent tout
pourveu, car il voloit aler, dedens brief jour, devers 15
le roy son oncle. Et il li respondirent que ossi seroient
il. Or parlerons nous dou roy d'Engleterre, et
de tous ses alloiiés, comment il perseverèrent.
Si tretost que li rois englès eut passet le rivière
d'Escaut, et il fu montés sus le royaume, il appella 20
Henri de Flandres, qui estoit jones escuiers, et le fist
là chevalier, et li donna deux cens livres de revenue
à l'estrelin çascun an, et li assigna bien et souffissamment
en Engleterre. De puis, vint li rois logier en
l'abbeye dou Mont Saint Martin, et là se tint par 25
deux jours; et toutes ses gens estoient espars sus le
pays environ lui. Si estoit li dus de Braibant logiés
en l'abbeye de Vaucelles.
Quant li rois de France, qui encores se tenoit à
Compiègne, entendi ces nouvelles que li rois englès 30
approçoit Saint Quentin, et estoit logiés sus le royaume,
si renforça son mandement par tout, et envoia
son connestable le conte Raoul d'Eu et de Ghines, à
tout grant gent d'armes, à Saint Quentin, pour garder
le ville et le frontière sus les ennemis, et renvoia
le signeur de Couci en sa terre et le signeur de Hen
en le sienne. Et envoia encores grant gent d'armes 5
en Guise et en Ribeumont, à Bohain et as forterèces
voisines, sus le royaume, pour les garder des ennemis.
Et descendi devers Perronne en Vermendois, à
grant fuison de gens d'armes, de dus, de contes et
de barons avoech lui. Et toutdis li croissoient gens 10
de tous lés, et se logoient sus celle belle rivière de
Somme, entre Saint Quentin et Peronne.
§ 80. Entrues que li rois englès se tenoit en l'abbeye
dou Mont Saint Martin, ses gens couroient tout
le pays là environ jusques à Bapaumes, et bien près 15
de Perronne et de Saint Quentin. Si trouvoient le
pays plain et gras, et pourveu de tous biens, car il
n'a voient onques mès eu point de guerre. Or avint
ensi que messires Henris de Flandres, en se nouvelle
chevalerie, et pour son corps avancier et accroistre 20
sen honneur, se mist un jour en le compagnie et
cueilloite de pluiseurs bons chevaliers, des quels
messires Jehans de Haynau estoit chiés. Et là estoient
li sires de Faukemont, li sires de Berghes, li sires de
Baudresen, li sires de Kuc et pluiseur aultre; tant 25
qu'il estoient bien cinq cens combatans. Et avoient
aviset une ville assés priès de là, que on appelle Honnecourt,
où li plus grant partie dou pays estoient
retret, sus le fiance de le forterèce, et y avoient mis
tous leurs biens. Et jà y avoient esté messires Ernoulz 30
de Bakehen, et messires Guillaumes de Duvort
et leurs routes, mès riens n'i avoient fait. Donc, ensi
que par arramie, tout cil signeur dessus nommet
s'estoient queilliet en grant desir de là venir, et de
faire lor pooir dou conquerre.
A ce donc avoit dedens Honnecourt un abbet, 5
de grant sens et de hardie entrepresure, et estoit
moult hardis et vaillans homs as armes. Et bien apparut,
car il fist, au dehors de le porte de Honnecourt,
faire et carpenter en grant haste unes bailles,
et mettre et assir au travers de le rue; et y avoit, 10
entre l'un bauch et l'autre, environ demi piet de
crues et d'ouvreture. Et puis fist armer toutes ses
gens, et cescun aler as garites, pourveu de pières,
de cauch et de tèle artillerie qu'il apertient pour deffendre.
Et si tretost comme cil signeur dessus nommet 15
vinrent à Honnecourt, ordonné par bataille, et
en grosse route et espesse de gens d'armes durement,
il se mist entre les bailles et le porte de le
ville, en bon couvenant, et fist le porte de le
ville ouvrir toute arrière, et moustra et fist bien cière20
et manière de deffense. Là vinrent messires Jehans
de Haynau, messires Henris de Flandres, li sires de
Faukemont, li sires de Berges et li aultre, qui se misent
tout à piet. Et approcièrent ces bailles, qui estoient
fortes durement, cescuns son glave en son 25
poing. Et commencièrent à lancier, et à jetter grans
cops à chiaus de dedens; et cil de Honnecourt, à
yaus deffendre vassaument. Là estoit dans abbes,
qui mies ne s'espargnoit, mais se tenoit tout devant,
en très bon couvenant, et recueilloit les horions 30
moult vaillamment, et lançoit à le fois ossi grans
cops moult apertement. Là eut fait tamainte belle
apertise d'armes, et assaut très dur et très fier, et
tamaint homme mort et bleciet, car cil qui estoient
as murs et as garittes jettoient contreval pières et
baus et pos plains de cauch, pour plus ensonniier
les assallans. Là estoient li baron et li chevalier devant5
les barrières, qui y faisoient merveilles d'armes.
Et avint ensi que messires Henris de Flandres, qui
se tenoit tout devant son glave empuignié, lançoit
les horions grans et perilleus. De quoi dans abbes, 10
qui estoit fors et hardis, apuigna le glave au dit
monsigneur Henri. Et tout paumiant et en tirant
vers lui, il fist tant que, parmi les fendures des barrières,
il vint jusques au brach le dit monsigneur
Henri, qui ne voloit mies son glave laissier aler, 15
pour sen honneur. Adonc, quant li abbes tint le
brach dou chevalier, il le tira si fort à lui qu'il l'encousi
ens ès bailles, jusques as espaules, et [le] tint là
à grant meschief, et l'euist sans faulte sachiet ens, se
les bailles fuissent ouvertes assés. Si vous di que li 20
dis messires Henris ne fu mies, le temps que li abbes
le tint, à sen aise, car il estoit fors et durs et le tiroit
sans espargnier. D'autre part, li chevalier tiroient
contre lui pour rescourre monsigneur Henri. Et dura
ceste luite et chilz tireis moult longement, et tant 25
que messires Henris fu durement grevés. Toutes fois,
de force, il fu rescous, mais sa glave demora par
grant proèce devers l'abbet qui le garda, de puis,
moult d'anées, et encores est elle, je croi, en le salle
de Honnecourt. Toute fois, elle y estoit, quant je 30
trettai ce livre, et me fu moustrée, par un jour que
je passai par là; et m'en fu recordée la verité et li
manière de l'assaut, comment il fu fais; et le gardoient
encores [les moynes] [40] en grant parement.
§ 81. Ce jour eut à Honnecourt moult fier assaut
et dura jusques au vespre. Et en y eut pluiseur des
assallans mors et blechiés. Et par especial, messires 5
Jehans de Haynau y perdi un chevalier de Hollandes,
qui s'appelloit messires Hamans, et s'armoit à
une fasse copenée de geules, et à trois fremaus d'azur
ou chief de sen escut. Quant Haynuier, Flamench,
Englès, Alemant, qui là estoient assallant, veirent le 10
bonne volenté de chiaus dedens, et qu'il n'i pooient
riens conquester, mais estoient batu et navré et
moult foulé, si se retraisent arrière, sus le soir, et
emportèrent à leurs logeis les bleciés.
A l'endemain, au matin, se departi li rois englès 15
dou Mont Saint Martin, et commanda sus le hart, à
son departement, que nuls ne fesist mal à l'abbeye.
Ses commandemens fu tenus. Et puis entrèrent en
Vermendois, et s'en vinrent ce jour logier de haute
heure droit sus le Mont de Saint Quentin, et là furent 20
en bonne ordenance. Et les pooient bien veoir cil de
Saint Quentin, se il voloient; mais il n'avoient nul
talent de issir hors de le ville. Si vinrent li coureur
d'Engleterre courir jusques as barrières de Saint
Quentin, et escarmucier à chiaus qui là se tenoient, 25
li connestables de France et messires Charles de
Blois, qui fisent leurs gens ordonner devant les barrières,
et mettre en bon couvenant. Et quant li Englès
qui là estoient, li contes de Sufforch, li contes
de Northantonne, messires Renauls de Gobehen,
messires Gautiers de Mauni et pluiseur aultre en veirent
le manière, et que riens il n'i pooient gaagnier,
si se retraisent arrière devers l'ost le roy, qui se tenoit
sus le Mont Saint Quentin, et furent là logiet 5
jusques à l'endemain à prime. Si eurent li signeur
conseil ensamble quel cose il feroient, se ilz se trairoient
avant ou royaulme, ou se il se retrairoient en
le Tierasse. [Ce fut conseillé et regardé pour le meilleur,
par l'advis du duc de Brebant, qu'ilz se tireroient 10
en] [41] Tierasse, costiant Haynau, dont les pourveances
lor venoient tous les jours; et, se li rois
Phelippes les sievoit à host, ensi qu'il supposoient
bien qu'il le feroit, il l'atenderoient en plains camps,
et se combateroient à lui sans faute. 15
Adonc se parti li rois englès dou Mont Saint Quentin,
et s'arroutèrent toutes ses gens; et chevaucièrent
en trois batailles moult ordonneement: li mareschal
et li Alemant avoient le première, li rois englès le
moiienne, et li dus de Braibant la tierce. Si chevauçoient20
ensi, ardant et essillant le pays, et n'aloient
non plus de trois ou de quatre liewes le jour, et se
logoient de haute heure. Et passèrent une route
d'Englès et d'Alemans le rivière de Somme, desous
l'abbeye de Vermans, et entrèrent en ce plain pays 25
de Vermendois; si l'ardirent et exillièrent moult durement,
et y fisent moult grant damage. Une autre
route, dont messires Jehans de Haynau, li sires de
Faukemont et messires Ernoulz de Bakehen estoient
chief et meneur, chevauçoient un aultre chemin, et 30
vinrent à Oregni Sainte Benoite, une ville assés
bonne, mais elle estoit foiblement fremée. Si fu tantost
prise par assaut, pillie et robée, et une bonne
abbeye de dames, qui là estoit et est encores, violée,
dont ce fu pités et damage, et la ville fu toute 5
arse. Et puis s'en partirent li Alemant, et chevaucièrent
le chemin devers Guise et vers Ribeumont. Si
se vint li rois englès logier à Behories, et là se tint
un jour tout entier, et ses gens couroient et ardoient
le pays de là environ. 10
Si vinrent nouvelles au roy englès, et as signeurs
qui là estoient avoecques lui, que li rois de France
estoit partis de Perronne en Vermendois, et le approçoit
à plus de cent mille hommes. Adonc se parti
li rois englès de Behories, et prist le chemin de le 15
Flamengrie, pour venir vers Leschielle en Tierasse.
Et si mareschal et li evesques de Lincolle de leur
route, à plus de cinq cens lances, passèrent le rivière
de Oise à gué, et entrèrent en Laonnois et vers le
terre le signeur de Couci, et ardirent le Fère, et 20
Saint Goubain et le ville de Marle, et s'en vinrent un
soir logier à Vaus desous Laon. Et l'endemain, il se
retraisent devers leur host, car il sceurent de certain,
par aucuns prisonniers qu'il prisent, que li rois de
France estoit venus à Saint Quentin, et que là passeroit 25
il le rivière de Somme: si se doubtèrent qu'il
ne fuissent rencontré. Nonpourquant, à lor retour,
il ardirent une bonne ville, c'on dist Creci sus Selle,
qui point n'estoit fremée, et grant fuison de ville et
de hamiaus là environ. 30
§ 82. Or vous parlerons de le route monsigneur
Jehan de Haynau, où il avoit bien cinq cens combatans.
Si s'en vint à Guise, si entra en le ville, et le
fist toute ardoir, et abatre les moulins. Dedens le
forterèce estoit ma dame Jehane sa fille, femme au
conte Loeis de Blois, qui fu moult effraée de l'arsin 5
et dou couvenant monsigneur son père. Et li fist
priier que, pour Diu, il se volsist deporter et retraire,
et qu'il estoit trop dur consilliés contre li, quant il
ardoit l'iretage à son fil le conte de Blois. Nonobstant
ce, li sires de Byaumont ne s'en volt onques 10
delaiier, si eut fait se entrepresure. Et puis s'en retourna
devers l'ost le roy, qui estoit logiés et arrestés
en l'abbeye de Femi.
Entrues couroient ses gens tout le pays. Et vinrent
bien sis vint lances d'Alemans, dont li sires de Faukemont15
estoit chiés, jusques au Louvion en Tierasse,
une bonne grosse plate ville. Si estoient les gens dou
Louvion communement retret et boutet ens ès bos,
et y avoient mis et porté le leur à sauveté. Et s'i estoient
fortefiiet de roullies et de bois copet et abatut 20
environ yaus. Si chevaucièrent li Alemant celle part.
Et y sourvint messires Ernouls de Bakehen et se
route, et assallirent chiaus dou Louvion, qui ens ou
bos s'estoient boutet, liquel se deffendirent ce qu'il
peurent. Ce ne fu mies gramment, car il ne tinrent 25
point de conroi, et ne peurent durer à le longe contre
tant de bonne gent d'armes. Si furent ouvert, et
leurs fors conquis, et mis en cace. Et en y eut bien,
mors que navrés, quarante, et perdirent tout ce que
là aporté avoient. Ensi estoit et fu cilz pays de Tierasse30
adonc courus et sans deport. Et en faisoient li
Englès leur volenté.
Si se parti li rois Edouwars de Farvakes, où il s'estoit
logiés, et s'en vint à Moustruel, et se loga un
soir. Et l'endemain, il vint et toute sen host logier à
le Flamengrie. Et fist toutes ses gens logier environ
lui, où il avoit plus de quarante mille hommes. Et 5
eut conseil qu'il attenderoient là le roy Phelippe et
son pooir, et se combateroient à lui, comment qu'il
fust.
§ 83. Li rois de France, qui estoit partis de Saint
Quentin, sievoit vistement le roy englès en grant 10
desir que dou trouver et le combatre. Et estoit partis
de Saint Quentin o tout son plus grant effort, et
toutdis li croissoient et venoient gens de tous pays.
Si s'esploita tant li dis rois et toutes ses hos qu'il
vint à Buironfosse, et là s'arresta, et commanda à 15
toutes gens logier et à arrester; et dist qu'il n'iroit
plus avant, si aroit combatu le roy englès et tous ses
alloiiés, puis qu'il estoit à deus liewes priès.
Si tretost que li contes Guillaumes de Haynau,
qui se tenoit au Kesnoy, tous pourveus de gens d'armes, 20
peut savoir que li rois de France, ses oncles,
estoit logiés à Buironfosse, en espoir que de combatre
les Englès, il se parti dou Kesnoi à plus de cinq
cens lances, et chevauça tant qu'il [vint] [42] en l'ost le
roy de France, et se representa au dit roy son oncle, 25
qui ne li fist mies si lie chière que li contes vosist,
pour le cause de ce qu'il avoit esté devant Cambray
avoech son adversaire le roy englès, et fortement
apovri et cuvriet Cambresis. Nompourquant li contes
s'en porta assés bellement, et s'escusa si sagement au
roy son oncle, que li rois et tous ses consaulz, pour
celle fois, s'en contentèrent assés bien. Et fu ordonnés
des mareschaus, le mareschal Bertran et le mareschal
de Trie, à soi logier au plus priès des ennemis. 5
§ 84. Or sont li roi de France et d'Engleterre logiet
entre Buironfosse et le Flamengrie en plain pays,
sans nul avantage, et ont grant desir, si com il moustrent,
que d'yaus combatre. Si vous di pour certain 10
que on ne vit onques si belle assamblée de grans signeurs
qu'il y eut là, car li rois de France y estoit,
lui quatrime de rois: premierement avoecques lui li
rois de Behagne, messires Charles li rois de Navare
et li rois d'Escoce, ossi de dus, de contes et de barons 15
tant que sans nombre. Et toutdis li croissoient
gens de tous lés.
Quant li rois englès fu arrestés à le Capelle en Tierasse,
ensi que vous avés oy, et il sceut de verité que
li rois Phelippes de France, ses aversaires, estoit à 20
deus petites liewes de lui, et en grant volenté de
combatre, si mist les signeurs de son host ensamble:
premierement le duch de Braibant son cousin, le
duch de Guerles, le conte de Jullers, le marchis de
Blankebourch, le conte des Mons, monsigneur Jehan 25
de Haynau, monsigneur Robert d'Artois et tous les
barons et les prelas d'Engleterre, qui avoecques lui
estoient, et à qui il touchoit bien de le besongne, et
leur demanda conseil comment à sen honneur il se
poroient maintenir, car c'estoit se intention que de 30
combatre, puis qu'il sentoit ses ennemis si priès de
lui. Adonc regardèrent li signeur l'un l'autre et priièrent
au duch de Braibant qu'il en volsist dire sen
entente. Et li dus en respondi que c'estoit bien ses
accors que dou combatre, car aultrement à leur honneur
il ne s'en pooient partir. Et consilla adonc que 5
on envoiast hiraus devers le roy de France, pour demander
et accepter le journée de le bataille. Adonc
en fu cargiés uns hiraus dou duch de Guerles, et qui
bien savoit françois, et enfourmés quel cose il devoit
dire. Si se parti li dis hiraus de ses signeurs, et chevauça10
tant qu'il vint en l'ost françoise, et se traist
devers le roy de France et son conseil, et fist son
message bien et à point; et dist au roy de France
comment li rois englès estoit arrestés sur les camps,
et li requeroit à avoir bataille, pooir contre pooir. 15
A laquelle requeste li rois de France entendi volentiers
et accepta le jour. Si me samble que ce deut
estre le venredi ensiewant, dont il estoit merkedis.
Si s'en retourna li hiraus arrière devers ses signeurs,
bien revestis de bons mantiaus fourés, que li rois de 20
France et li signeur li donnèrent, pour les riches
nouvelles qu'il avoit aportées. Et recorda le bonne
cière que li rois li avoit fait et tout li signeur de
France.
§ 85. Ensi et sus cel estat fu la journée accordée 25
de combatre, et fu segnefiiet à tous les compagnons
de l'une host et de l'autre. Si se abillièrent et ordonnèrent,
cescuns selonch ce qu'il besongnoit. Le joedi,
au matin, avint que doi chevalier au conte de Haynau
et de se delivrance, li sires de Fagnoelles et li 30
sires de Tupegni montèrent sus leurs coursiers rades,
fors et bien courans, et se partirent de leur host, entre
yaus deus tant seulement, pour aler veoir l'ost as
Englès et wardemaner. Si chevaucièrent un grant
temps, à le couverte, toutdis en costiant l'ost as Englès.
Or eschei que li sires de Fagnuelles estoit montés 5
sus un coursier trop merancolieus et mal affrenet:
si s'effrea en chevauçant, et prist son mors as dens,
par tel manière qu'i[l] [43] s'escuella et se demena tant
qu'i[l] fu mestres dou signeur qui le chevauçoit, et
l'emporta, volsist ou non, droit en mi les logeis le 10
roy d'Engleterre. Et chei d'aventure entre mains d'Alemans,
qui tantost cogneurent qu'il n'estoit mies de
leurs gens, si l'encloirent de toutes pars et le cheval
ossi. Et demora prisonniers, à cinq, ne sai, sis gentilz
hommes alemans, qui tantost le rançonnèrent et li 15
demandèrent dont il estoit; et il respondi: «de Haynau.»
Adonc li demandèrent il se il cognissoit monsigneur
Jehan de Haynau, et il dist: «oil.» Et requist
que par amours on le menast devers lui, car il
estoit tous seurs que il le raplegeroit bien, se il voloient.20
De ces parolles furent li Alemant tout joiant et
l'amenèrent devers le signeur de Byaumont, qui tantost
avoit oy messe. Et fu moult esmervilliés, quant
il vey le signeur de Fagnuelles. Se li recorda cils sen 25
aventure, si com vous avés ci dessus oy, et ossi de
combien il estoit rançonnés. Adonc demora li sires
de Byaumont pour le dit chevalier devers ses mestres,
et le raplega de sa raençon. Si se parti sur ce li
sires de Fagnuelles, et revint arrière en l'ost de Haynau
devers le conte et les signeurs, qui estoient tout
courouciet de lui, par le relation que li sires de Tupegni
en avoit faite; mais il furent tout joiant, quant 5
il le veirent revenu. Si se remercia grandement au
conte de Haynau de monsigneur Jehan, son oncle,
qui l'avoit raplegiet et renvoiiet sans peril et sans
damage, fors de sa raençon tant seulement. Car ses
coursiers li fu rendus et restitués, à le priière et ordenance10
dou dessus dit monsigneur Jehan de Haynau.
Ensi se porta ceste journée, et n'i eut riens fait,
non cose qui à recorder face.
§ 86. Quant ce vint le venredi, au matin, les deus
hos se apparillièrent et oïrent messe, cescuns sires 15
entre ses gens et en son logeis. Et se acumenièrent
et confessèrent li pluiseur, et se misent en bon estat,
ensi que pour tantost morir, se il besongnoit. Nous
parlerons premierement de l'ordenance des Englès,
qui se traisent sus les camps, et ordonnèrent trois 20
batailles bien et faiticement et toutes trois à piet, et
misent leurs chevaus et tout leur harnois en un petit
bois qui estoit derrière yaus, et arroutèrent tout leur
charoy par derrière yaus, et s'en fortefiièrent.
Si eurent li dus de Guerles, li contes de Jullers, 25
li marchis de Blankebourch, messires Jehans de Haynau,
li marchis de Misse, li contes des Mons, li contes
de Saumes, li sires de Faukemont, messires Guillaumes
de Duvort, messires Ernoulz de Bakehen et
li Alemant la première bataille. Et avoit en ce première 30
route vint et deus banières et soissante pennons,
et estoient bien huit mille hommes de bonne
estoffe.
La seconde bataille avoit li dus de Braibant. Si
estoient avoecques lui tout li baron et li chevalier de
son pays: premierement li sires de Kuk, li sires de 5
Berghes, li sires de Bredas, li sires de Roselar, li sires
de Vauselare, li sires de Baudresen, li sires de
Borgneval, li sires de Sconnevort, li sires de Witem,
li sires d'Asko, li sires de Boukehort, li sires de Casebèke,
li sires de Duffle, messires Thieris de Wallecourt, 10
messires Rasses de Grés, messires Jehans de
Casebèke, messires Jehans Pili[sr]re, messires Gilles
de Coterebbe, li troi frère de Harlebèke, messires
Gautiers de Hoteberge et messires Henris de Flandres,
qui fait bien à rementevoir, car il y estoit en grant 15
estoffe; et pluiseur aultre baron et bon chevalier, et
aucun de Flandres qui s'estoient mis desous le banière
dou duch de Braibant, telz que li sires de Halluin,
messires Hector Villains, messires Jehans de
Rodes, li sires de Grutus, messires Wauflars de Ghistelle,20
messires Guillaumes de Strates, messires Gossuins
de le Muelle, et pluiseurs aultres. Si avoit li
dus de Braibant jusques à vint et quatre banières
et quatre vint pennons. Si estoient bien sept mille
combatans, toutes gens de bonne estoffe. 25
La tierce bataille et la plus grosse avoit li rois
d'Engleterre, et grant fuison de bonnes gens de son
pays dalés lui; et premiers ses cousins, li contes Henris
Derbi, filz à monsigneur Henri de Lancastre au
Tors Col, li evesques de Lincolle, li evesques de Durem, 30
li contes de Sallebrin, li contes de Norhantonne
et de Clocestre, li contes de Sufforch, li contes de
Kenfort, monsigneur Robert d'Artois qui s'appelloit
contes de Ricemont, messires Renaus de Gobehen,
li sires de Persi, li sires de Ros, li sires de Montbrai,
messires Loeis et messires Jehans de Biaucamp, li
sires de le Ware, li sires de Lantonne, li sires de 5
Basset, li sires de Filwatier, messires Gautiers de
Mauni, messires Hues de Hastinges, messires Jehans
de Lille, et pluiseurs aultres que je ne puis mies tous
nommer.
Et fist là li rois englès pluiseurs nouviaus chevaliers, 10
entre lesquels il fist monsigneur Jehan Chandos,
qui de puis de proèce et chevalerie fu plus recommendés
que nulz chevaliers de son temps, si com
vous orés avant en ceste hystore. Si avoit li rois
vint et huit banières et environ quatre vint et dix 15
pennons, et pooient estre environ six mille hommes
d'armes et six mille arciers. Et avoient mis une aultre
bataille sus èle, dont li contes de Warvich et li
contes de Pennebruch, li sires de Bercler, li sires de
Mulleton et pluiseur aultre bon chevalier estoient 20
chief. Si se tenoient chil à cheval, pour reconforter
les batailles qui branleroient. Et estoient en celle arrière
regarde environ trois mille armeures de fier.
§ 87. Quant tout li Englès, li Alemant, li Braibençon
et tout li alloiiet furent ordonné, ensi que vous 25
avés oy, et cescuns sires mis et arrestés desous se
banière, ensi que commandé fu de par les mareschaus,
si fu dit encores et commandé, de par le roy,
que nuls n'alast ne se mesist devant les banières des
marescaus. Adonc monta li rois englès sus un petit 30
palefroi moult bien ambiant, acompagniés tant seulement
de monsigneur Robert d'Artois, de monsigneur
Renault de Gobehen et de monsigneur Gautier
de Mauni, et chevauça devant toutes les batailles.
Et prioit moult doucement as signeurs et as compagnons
que il vosissent aidier à garder sen honneur, 5
et cescuns li avoit en couvent. Apriès ce, il s'en revint
en se bataille et se mist en ordenance, ensi
qu'il apertenoit. Or vous recorderons l'ordenance
dou roy de France et de ses batailles, qui furent
grandes et bien estoffées, et vous en parlerons otant 10
bien que nous avons fait de ceste des Englès.
Il est bien verités que li rois de France avoit si
grant peuple et tant de nobles et de bonne chevalerie
que merveilles seroit à recorder. Car, ensi que je
oy dire chiaus qui y furent et qui les avisèrent tous 15
armés et ordonnés sus les camps, il y eut onze vint
et sept banières, cinq cens et soissante pennons,
quatre rois et six dus et trente six contes et plus de
quatre mille chevaliers, et de commugnes de France
plus de soixante mille. Avoech le roy de France estoient 20
li rois de Behagne, li rois de Navare et li rois
d'Escoce, li dus de Normendie, li dus de Bourgongne,
li dus de Bretagne, li dus de Bourbon, li dus de
Loeraingne et li dus d'Athènes; des contes, li contes
d'Alençon, frères au roy de France, li contes de Flandres,25
li contes de Haynau, li contes de Blois, li contes
de Bar, li contes de Forès, li contes de Fois, li
contes d'Ermignac, le dauffin d'Auvergne, li contes
de Genville, li contes d'Estampes, li contes de Vendome,
li contes de Harcourt, li contes de Saint Pol, 30
li contes de Ghines, li contes de Boulongne, li contes
de Roussi, li contes de Dammartin, li contes [de
Valentinois] [44], li contes d'Aubmale, li contes d'Auçoirre,
li contes de Sansoire, li contes de Genève, li
contes de Dreus, et de celle Gascongne et de la Languedoch
tant de contes et de viscontes que ce seroit
uns detris à recorder. Certes c'estoit très grans biautés 5
que de veoir sus les camps banières et pennons
venteler, chevaus couvers, chevaliers et escuiers armés
si très nettement que riens n'i avoit à amender.
Et ordonnèrent li François trois grosses batailles, et
misent en çascune quinze mille hommes d'armes et 10
vint mille hommes de piet.
Si se poet on et doit grandement esmervillier
comment si belle gent d'armes se peurent partir sans
bataille, mais li François n'estoient point d'acord.
Ançois en disoit cescuns sen oppinion. Et disoient, 15
par estrit, que ce seroit grant honte et grant deffaute
se on ne les combatoit, quant li rois et toutes ses
gens savoient leurs ennemis si priès de lui, et en son
pays rengiés et à plains camps, et les avoit sievis à
l'entente que de combatre à yaus. Li aucun des aultres 20
disoient à l'encontre que ce seroit grant folie se
il se combatoit, car il ne savoit que cescuns pensoit,
ne se point de trahison y avoit. Car, se fortune li
estoit contraire, il mettoit son royaume en aventure
de perdre; et se il desconfisoit ses ennemis, pour ce 25
n'aroit il mies le royaume d'Engleterre, ne les terres
des signeurs de l'Empire, qui avoecques lui estoient
alloiiet.
Ensi estrivant et debatant sus ces diverses oppinions,
li jours passa jusques à grant miedi. Environ 30
petite nonne, uns lièvres s'en vint trespassant parmi
les camps, et se bouta entre les François. Donc commencièrent
cil qui le veirent à criier et à huer et
faire grant haro. De quoi cil qui estoient derrière
cuidoient que cil de devant se combatissent, et li 5
pluiseur qui se tenoient en leurs batailles tous rengiés
fesissent otel. Si misent li pluiseur vistement
leurs bacinès en leurs testes et prisent leurs glaves.
Là y eut fais pluiseur nouviaus chevaliers. Et par
especial li contes de Haynau en fist quatorze, que on 10
nomma tous jours depuis «les chevaliers dou lièvre».
En cel estat se tinrent les batailles, ce venredi, tout
le jour, et sans yaus esmovoir, fors par le manière
que j'ai dit.
Avoech tout ce et les estris qui estoient entre pluiseurs15
dou conseil le roy de France, estoient aportées
en l'ost lettres et recommendations au roy de France
et à son conseil, de par le roy Robert de Sezille, li
quelz rois Robers, si com on disoit, estoit uns grans
astronomiiens, et plains de grant prudense. Si avoit 20
par pluiseurs fois jettés ses sors sus l'estat et les avenues
dou roy de France et dou roy d'Engleterre. Et
avoit trouvé en l'astrologe et par experiense que, se
li rois de France se combatoit au roy d'Engleterre,
il couvenoit qu'il fust desconfis. Donc, il, com rois 25
plains de grant cognissance, et qui doubtoit ce peril
et le damage dou roy de France, son cousin, avoit
envoiiés jà de lonch temps moult songneusement
lettres et episteles au roy Phelippe et à son conseil,
que nullement il ne se mesissent en bataille entre les 30
Englès, là où li corps dou roy Edouwart fust en present.
Pour quoi, ceste doubte et les escripsions que li
rois de Sesille en faisoit, detrioient grandement pluiseurs
signeurs dou dit royaume. Et meismement li
rois Phelippes estoit tous infourmés de ce conseil.
Mais non obstant ce que on li desist et remoustrast
par belles raisons les deffenses et les doubtes dou 5
roy Robert de Sezille, son chier cousin, si estoit il
en grant volenté et en bon desir de combatre ses
ennemis; mais il fu tant detriiés que li journée passa
sans bataille, et se retray çascuns à son logeis.
Quant li contes de Haynau vei que on ne combateroit 10
point, il se parti, et toutes ses gens, et s'en
vint ce soir arrière au Kesnoy. Et li rois englès et li
dus de Braibant et li aultre signeur se misent au retour,
et fisent cargier et tourser tout leur harnois,
et vinrent gesir, ce venredi, bien priès d'Avesnes, 15
en Haynau, et là environ. Et l'endemain, il prisent
congiet tout l'un à l'autre. Et se departirent li Alemant
et li Braibençon, et s'en ralèrent cescuns en
leurs lieus. Si revint li rois englès en Braibant, avoecques
le duc de Braibant, son cousin. Or vous parlerons 20
dou roy de France comment il persevera.
§ 88. Che venredi que li François et li Englès furent
ensi ordonné pour bataille à Buironfosse, quant
ce vint apriès nonne, li rois Phelippes retourna en
ses logeis tous courouciés, pour tant que la bataille 25
n'estoit point adrecie; mais cil de son conseil le rapaisièrent
et li disent ensi que noblement et vassaument
il s'i estoit portés, car il avoit hardiement poursievis
ses ennemis et tant fait qu'il les avoit boutés
hors de son royaulme, et que il convenoit le roi englès 30
faire moult de telz chevaucies, ançois qu'il euist
conquis le royaume de France. Le samedi, au matin,
donna li rois Phelippes toutes manières de gens d'armes
congiet, dus, contes, barons et chevaliers, et remercia
les chiés des signeurs moult courtoisement,
quant si appareilliement il l'estoient venu servir. Ensi 5
se deffist et rompi ceste grosse chevaucie; si se retrest
cescuns en son lieu.
Li rois de France s'en revint à Saint Quentin, et
là ordonna il une grant plenté de ses besongnes, et
envoia gens d'armes par ses garnisons, especiaument 10
à Tournay, à Lille et à Douay, et en toutes les forterèces
marcissans sus l'Empire. Et envoia dedens
Tournay monsigneur Godemar dou Fay souverain
chapitainne et regard de tout le pays là environ, et
monsigneur Edouwart de Biaugeu dedens Mortagne. 15
Et quant il eut ordonné une partie de ses besongnes,
à sen entente et à sa plaisance, il se retraist devers
Paris.
Or parlerons nous un petit dou roy englès, et
comment il persevera avant. Depuis qu'il fu partis de 20
le Flamengrie et revenus en Braibant, il s'en vint à
Brousselles. Là le raconvoiièrent li dus de Guerles,
li contes de Jullers, li marcis de Blankebourch, li
contes des Mons, messires Jehans de Haynau, li sires
de Faukemont, et tout li signeur de l'Empire qui estoient25
alloiiet à lui, car il voloient aviser et regarder
li un parmi l'aultre comment il se maintenroient de
ceste guerre où il s'estoient bouté. Et pour avoir certainne
expedition, il ordonnèrent un grant parlement
à estre en le ditte ville de Brousselles. Et y fu priiés 30
et mandés Jakemes d'Artevelle, li quelz y vint liement
et en grant arroy, et amena en se compagnie
tous les consaulz entièrement des bonnes villes de
Flandres. A ce parlement, qui fu à Brouxelles, ot
pluiseurs coses dittes et devisées. Et me samble que
li rois englès fu si consilliés de ses amis de l'Empire
qu'il fist une requeste à chiaus de Flandres que 5
il li volsissent aidier à parmaintenir se guerre, et
deffiier le roi de France, et aler avoecques lui, par
tout où il les vorroit mener; et se il voloient ce
faire, il leur aideroit à recouvrer Lille, Douay et
Bietune. 10
Ceste parolle entendirent li Flamench volentiers;
mais de le requeste que li rois lor faisoit, il demandèrent
à avoir conseil entre yaus tant seulement, et
tantost à respondre. Li rois leur acorda. Si se consillièrent
à grant loisir; et, quant il se furent consilliet, 15
il respondirent et disent: «Chiers sires, aultre
fois nous avés vous fait ces requestes. Et saciés vraiement
que, se nous le poions nullement faire, par
nostre honneur et nos fois garder, nous le ferions.
Mès nous ne poons esmouvoir guerre au roy de 20
France, quiconques le soit, car nous sommes obligiet
à çou, par foy et par sierement, et sus deus millions
de florins à le cambre dou pape, et sus escheir
en sentense, se nous esmouviens guerre contre le dit
roy de France. Mais se vous voliés faire une cose que 25
nous vous dirons, vous y pourveriés bien de remède
et de conseil. C'est que vous voelliés enchargier les
armes de France et esquarteler d'Engleterre, et vous
appellés rois de France, et nous vous tenrons pour
roy et obeirons à vous comme au roy de France, et 30
vous demanderons quittance de nos fois, et vous le
nous donrés comme rois de France. Par ensi serons
nous absolz et dispensés, et irons par tout là où vous
vorrés et ordonnerés.»
§ 89. Quant li rois englès eut oy ce point et le
requeste des Flamens, il eut besoing d'avoir bon
conseil et seur avis, car pesant li estoit de prendre 5
les armes et le nom de ce dont il n'avoit encores
riens conquis. Et ne savoit quel cose il l'en avenroit,
ne se conquerre le poroit. Et d'autre part il refusoit
envis le confort et l'ayde des Flamens, qui plus li
pooient aidier à se besongne que tous li remanans 10
dou siècle. Si se consilla li dis rois au duc de Braibant,
au duc de Guerles, au conte de Jullers, à monsigneur
Robert d'Artois, à monsigneur Jehan de
Haynau et à ses plus secrès et especiaulz amis: si
ques finablement, tout peset, le mal comme le bien, 15
il respondi as Flamens, par l'information des signeurs
dessus dis, que, se il voloient jurer et seeler qu'il li
aideroient à parmaintenir se guerre, il emprenderoit
tout et de bonne volenté; et ossi il leur jurroit à ravoir
Lille, Douay et Bietune, et il respondirent: 20
«Oil.»
Donc fu pris et assignés uns certains jours à Gand,
li quels jours se tint, et y fu li rois d'Engleterre et le
plus grant partie des signeurs de l'Empire dessus
nommés, alloiiés avecques lui. Et là furent tous li 25
consaulz de Flandres generaument et especialment.
Là furent toutes les parolles en devant dittes relatées
et proposées, entendues et acordées, escriptes,
jurées et seellées. Et encarga li rois d'Engleterre les
armes de France et les esquartela d'Engleterre, et 30
emprist en avant le nom dou roy de France; et le
obtint tant que il le laissa, par certainne composition,
ensi com vous orés en avant recorder en ceste
hystoire, s'il est qui le vous recorde.
§ 90. A ce parlement, qui fu à Gand, y eut pluiseurs
parolles dites et retournées. Et consillièrent 5
adonc [les seigneurs] [45], proposèrent et acouvenencièrent
qu'il assegeroient le cité de Tournay. De ce furent
li Flamench tout resjoy, car il leur sambla qu'il
seroient fort et poissant assés de le conquerre. Et se
elle estoit conquise, et en le signourie dou roy englès, 10
de legier il conquerroient et recouveroient Lille,
Douay et Bietune et toutes les appendances, qui
doient estre tenues de le conté de Flandres. Encores
fu là proposé et regardé, entre ces signeurs et leurs
consaulz des bonnes villes de Flandres et de Braibant, 15
qu'i[l] leur venroit trop grandement à point
que li pays de Haynau fust de leur acord, pour avoir
y leur retour. Si en fu priiés, pour venir à ce parlement,
li contes, mais il s'escusa si bellement et si
sagement que li rois d'Engleterre et tout li signeur 20
s'en tinrent pour content. Ensi demora la cose sus
cel estat, et se departirent li signeur, et s'en retourna
cescuns en son lieu et en son pays. Et li rois englès
prist congiet à son cousin, le duch de Braibant, et
s'en revint en Anwiers. Ma dame la royne, sa femme, 25
demora à Gand, et tous ses hostelz, qui souvent estoit
visetée et confortée de d'Artevelle et des signeurs,
des dames et des damoiselles de Gand.
Assés tost apriès, fu li navie dou roy englès appareillie,
sus le havene d'Anvers. Si monta là en mer
et le plus grant partie de ses gens, en ystance que de
retourner en Engleterre, et de viseter le pays. Mais il
laissa ou pays de Flandres deus contes, sages chevaliers
et vaillans durement, pour tenir à amour les 5
Flamens, pour mieus moustrer que leurs besongnes
estoient siennes. Che furent messires Guillaumes de
Montagut, contes de Sallebrin, et li contes de Sufforch.
Chil s'en vinrent en le ville de Ippre, et tinrent
là leur garnison, et guerriièrent tout cel yvier 10
moult fortement chiaus de Lille et de là environ. Et
li rois englès naga tant par mer qu'il arriva à Londres,
environ le Saint Andrieu, où il fu moult conjois
de chiaus de son pays qui desiroient sa revenue,
car il n'i avoit esté en lonch temps. Se vinrent à lui 15
les plaintes de le destruction, que li Normant et li
Pikart avoient fait de le bonne ville de Hantonne. Si
fu li rois englès moult courouciés de le desolation
de ses gens, che fu bien raisons, mais il les rapaisa
au plus biel qu'il peut. Et leur dist que, se il venoit 20
à tour, il leur feroit chier comparer, ensi qu'il fist
en ceste anée meismement, si com vous orés recorder
avant en l'ystore.
§ 91. Or vous conterons dou roy Phelippe de
France, qui estoit retrais viers Paris, et avoit donnet 25
congiet toutes ses grans hos, et fist durement renforcier
se grosse navie qu'il tenoit sur mer, dont messires
Hues Kierés, Bahucés et Barbevaire estoient chapitaines
et souverain. Et tenoient cil troi mestre
escumeur grant fuison de saudoiiers geneuois, normans, 30
pikars et bretons, et fisent en cel hyvier pluiseurs
damages as Englès. Et venoient souvent courir
jusques à Douvres, et à Zandvic, à Wincesée, à Rie
et là environ, sur les costes d'Engleterre. Et les ressongnoient
durement li Englès, car cil estoient si
fort sus mer que plus de quarante mille saudoiiers. 5
Et ne pooit nuls issir ne partir d'Engleterre, qu'il
ne fust veus et sceus, et puis pilliés et robés, et
tout mettoient à bort. Si conquisent cil dit saudoiier
marin au roi de France, en cel yvier, sus les Englès
tamaint pillage. Et, par especial, il conquisent le 10
belle grosse nave, qui s'appelloit Cristofle, toute
cargie d'avoir et de lainnes que li Englès amenoient
en Flandres, la quèle nave avoit cousté moult d'avoir
au roy englès au faire faire. Mès ses gens le perdirent
sus ces Normans, et furent tout mis à bort. 15
Et en fisent depuis li François tamaint parlement,
comme cil qui furent grandement resjoy de ce conquès.
Encores soutilloit et imaginoit li rois de France,
nuit et jour, comment il se poroit vengier de ses ennemis,20
et par especial de monsigneur Jehan de Haynau,
qui li avoit fais, si com il estoit enfourmés,
pluiseurs despis, que [d'avoir conduit et] [46] amené le
roy englès en Cambresis et en Tierasse, et ars tout le
pays. Si escrisi et commanda li dis rois à monsigneur 25
Jehan de Beaumont, signeur de Vrevins, au visdame
de Chaalons, à monsigneur Jehan de la Bove, [à monsigneur
Jehan] [47] et à monsigneur Gerart de Lore, que
il mesissent sus une chevaucie et armée de compagnons,
et entrassent en le terre monsigneur Jehan
de Haynau, et le ardissent sans deport. Li dessus dit
obeirent au [mandement] [48] dou roy, ce fu raisons, et
se cueillièrent secretement tant qu'il furent bien cinq
cens armeures de fier. Et vinrent devant le bonne ville 5
de Chymay, et acuellièrent toute le proie dont il en
y trouvèrent grant fuison, car les gens dou pays ne
s'en donnoient garde; et ne cuidassent jamais à nul
jour que li François deuissent passer les bos de Tierasse,
ne chevaucier si avant oultre les bos, mais si 10
fisent. Et ardirent tous les fourbours de Chimay, et
grant fuison de villages là environ, et priès que toute
la terre de Cimay, excepté les forterèces. Et puis se
retraisent en Aubenton en Tierasse, et là departirent
il leur pillage et leur butin. Ces nouvelles et les complaintes15
en vinrent à monsigneur Jehan de Haynau,
qui se tenoit adonc en Mons en Haynau, dalés le
conte, son neveu. Si en fu durement courouciés, ce
fu bien raison; et ossi fu li contes, ses cousins, car ses
oncles tenoit ceste terre de lui. Nompourquant il s'en 20
souffrirent tant c'à celle fois, et n'en moustrèrent nul
samblant de contrevengance au royaume de France.
Avoech ces despis, il avint que il saudoiier, qui
se tenoient en le cité de Cambray, issirent hors de
Cambray et vinrent à une petite forte maison, dehors 25
Cambrai, qui s'appelloit Relenghes, la quèle
estoit à monsigneur Jehan de Haynau. Et le gardoit
uns siens filz bastars, que on nommoit monsigneur
Jehan le Bastart. Et pooient estre avoecques lui environ
vint et cinq compagnon. Si furent assalli un
jour tout entier, et trop bien se deffendirent. Au
soir, cil de Cambrai se retraisent en leur cité, qui
manecièrent à leur departement grandement chiaus de
Relenges. Et disent bien que jamais n'entenderoient 5
à aultre cose, si les aroient conquis et le maison
abatue. Sus ces parolles, li compagnon de Relenghes
s'avisèrent et regardèrent le nuit que il n'estoient
mies fort assés, pour yaus tenir contre chiaus
de Cambray, puis qu'il les voloient ensi accueillier. 10
Car, avoech tout ce qui bien les esbahissoit, il estoit
si fort gellé que on pooit bien venir jusques as murs
sus les fossés tous engellés. Si eurent conseil qu'il se
partiroient, ensi qu'il fisent, et toursèrent tout ce qui
leur estoit. Et widièrent environ mienuit, et si boutèrent15
le feu dedens Relenges. A l'endemain, au matin,
cil de Cambray le vinrent par ardoir et abatre.
Et messires Jehans li Bastars et si compagnon s'en
vinrent à Valenciènes, et puis se departirent il. Si
s'en rala cescuns en son lieu. 20
§ 92. Vous avés chi dessus oy recorder comment
messires Gautiers de Mauni prist, par proèce et par
grant fait d'armes, le chastiel de Thun l'Evesque, et
y mist dedens en garnison un sien frère que moult
amoit, que on clamoit monsigneur Gillion Grignart, 25
c'on dist de Mauni. Chilz faisoit tamainte envaye
et mainte sallie sus chiaus de Cambray, et leur portoit
pluiseurs destourbiers, et couroit priès que tous
les jours devant leurs barrières. En cel estat et en
celle doubte les tint il un grant temps, et tant qu'il 30
avint que un jour il estoit partis de se garnison de
Thun, environ six vint armeures de fier en se compagnie,
et s'en vint courir devant Cambray, et jusques
as barrières. La noise et li haros monta en le
ville, et tant que pluiseurs gens en furent moult effraet.
Si s'armèrent, cescuns qui mieuls mieulz, et 5
montèrent à cheval cil qui chevaus avoient, et vinrent
à le porte là où li escarmuce estoit, et où messires
Grignars de Mauni avoit rebouté chiaus de Cambray.
Si issirent, cescuns qui miex miex, contre
leurs ennemis. 10
Entre les Cambrisiens avoit un jone canonne, appert
homme d'armes, durement fort, dur, hardi et
apert. Et estoit cilz Gascons, et s'appelloit Guillaumes
Marchant. Si se mist hors as camps avoech les aultres,
montés sus bon coursier, le targe au col, le glave 15
ou poing, et armés de toutes pièces. Si esporonna
tout devant, de grant corage. Et quant messires
Gilles de Mauni le vit venant vers lui, qui ne desiroit
autre cose que le jouste, si en fu tous joians, et
esporonna ossi vers lui moult radement. Si se consievirent20
de leurs glaves, sans espargnier, moult
mervilleusement; dont ensi eschei à Guillaume Marchant
qu'il consievi monsigneur Gillion de Mauni si
roidement, qu'il perça le targe de son glave et toutes
ses armeures, et li mist le glave dalés le coer, et li 25
fist passer le fier à l'autre lés, et l'abati jus de son
cheval, navré à mort. De ceste jouste furent si compagnon
moult esbahi, et chil de Cambray trop resjoy:
si se recueillièrent tout ensamble. Là eut, je vous di,
de premières venues, très bon puigneis et fort, et 30
pluiseur des uns et des aultres reversé par terre, et
tamainte apertise d'armes faite.
Finablement, chil de Cambray obtinrent le place
et reboutèrent leurs ennemis, et en navrèrent et mehagnièrent
aucuns, et les cacièrent bien avant. Et
retinrent monsigneur Grignart de Mauni, ensi navrés
qu'il estoit, et l'emportèrent en Cambray à grant 5
joie, et le fisent tantost desarmer et regarder à sa
plaie et bien mettre à point. Et euissent volentiers
veu qu'il fust rescapés de ce peril, mès il ne peut;
ançois morut dedens le second jour apriès. Quant il
fu mors, il regardèrent qu'il en estoit bon à faire. Si 10
eurent conseil que le corps il renvoieroient devers
ses deus frères Jehan et Thieri, qui se tenoient adonc
en le garnison de Bouçain, en Ostrevant. Car, quoi
que li pays de Haynau ne fust en point de guerre, si
se tenoient les forterèces sus les frontières de France 15
toutes closes, et sus leur garde. Si ordonnèrent adonc
un sarcu assés honnourable, et le recommendèrent à
deus frères Meneurs, et envoièrent le corps monsigneur
Grignart de Mauni à ses deus frères, Jehan et
Thieri, qui le reçurent en grant dolour. De puis il le 20
fisent aporter as Cordeliers à Valenciènes; et là fu il
ensepelis. Apriès ces ordenances, li doi frère de Mauni
s'en vinrent logier ou chastiel de Thun l'Evesque, et
fisent forte guerre à chiaus de le cité de Cambray,
en contrevengant le mort de leur frère. 25
§ 93. Vous devés savoir qu'en ce temps, de par
le roy de France, estoit messires Godemars dou Fay
tous chapitainne de le cité de Tournay et de Tournesis
et des forterèces environ. Et ossi adonc estoit
li sires de Biaugeu dedens Mortagne sus Escaut, li 30
seneschaus de Charcassonne en le ville de Saint
Amant, messires Aymers de Poitiers en Douay, messires
li Galois de le Baume, li sires de Villars, li mareschaus
de Mirepois et li sires de Maruel en le cité
de Cambray. Et ne desiroient cil chevalier et chil saudoiier,
de par le roy de France, aultre cose que courir 5
en Haynau, pour pillier et gaegnier, pour le pays
mettre en guerre. Ossi li evesques de Cambray, messires
Guillaumes d'Ausonne estoit tous quois à Paris
dalés le roy Phelippe, et se complaindoit à lui,
quant il cheoit à point, trop amerement des Haynuiers. 10
Et disoit bien que li Haynuier li avoient fait
plus de contraires et de damages, ars, pillet et courut
son pays que nuls aultres. Si se portèrent telement
les besongnes, et fu li rois si dur consilliés sus
son neveu le conte de Haynau et sus ses gens, que li 15
saudoiier de Cambresis eurent congiet et acord d'entrer
en Haynau et de faire y aucune envaye et chevaucie
au damage dou pays.
Quant ces nouvelles furent venues à chiaus qui
ens ès garnisons de Cambresis se tenoient, si en furent 20
moult joiant, et misent sus une chevaucie de
cinq cens armeures de fier. Et se partirent un samedi,
après jour fallant, de Cambray cil qui ordonné
y estoient, et ossi à tèle heure, cil dou Chastiel en
Cambresis et cil de le Malemaison. Et se trouvèrent 25
tout sus les camps et vinrent en le ville de Haspre,
qui lors estoit une bonne ville et grosse et bien foucie,
mais point n'estoit fremée. Et si n'estoient les
gens en nulle doubte, car on ne les avoit point avisés
ne escriés de nulle guerre. Si entrèrent li François 30
dedens et trouvèrent les gens, hommes et femmes,
en leurs hostelz; si les prisent à leur volenté
et tout le leur, or, argent et jeuiaus, et leurs bestes,
et puis boutèrent le feu en le ville, et le ardirent
si nettement que riens n'i demora fors les parois.
Par dedens Haspre a une prevosté de noirs monnes,
et grans edefisses avoech le moustier, qui se tient de 5
Saint Vaast d'Arras. Si le pillièrent li François et robèrent,
et puis boutèrent le feu dedens, et le ardirent
moult villainnement. Quant il en eurent fait
leur volenté, il cargièrent tout leur pillage, et cacièrent
tout devant yaus, et s'en retournèrent en Cambray. 10
Ces nouvelles furent tantos sceues à Valenciènes.
Et proprement elles vinrent jusques au conte Guillaume
de Haynau, qui se dormoit en son hostel c'on
dist à le Salle; si se leva, vesti et arma moult appertement,15
et fist resvillier toutes ses gens, dont il
n'avoit mies grant fuison dalés lui, fors tant seulement
son senescal monsigneur Gerart de Wercin,
monsigneur Henri d'Antoing, messire Henri de Husfalise,
monsigneur Thieri de Wallecourt, le signeur 20
de Potielles, le signeur de Floion et aucuns chevaliers
qui se tenoient dalés lui, ensi que tout gentil
homme se tiennent volentiers dalés leur signeur.
Mais il estoient couciet en divers hostelz; si ne furent
mies si tost appareilliet, ne armé, ne monté à 25
cheval, que li contes fu, car il n'atendi nullui; ains
s'en vint ou marchiet de Valenciènes, et fist sonner
les cloches ou berfroi à volée. Si s'estourmirent toutes
gens et s'armèrent et sievirent leur signeur à effort,
qui s'estoit jà mis hors de la ville et chevauçoit 30
radement devers Haspre, en grant volenté de trouver
ses ennemis. Quant il eut chevauciet environ une
lieuwe, il li fu dit qu'il se travilloit en vain, et que
li François estoient retrait. Adonc se retray li contes
en l'abbeye de Fontenelles, qui estoit assés priès de
là, où ma dame sa mère demoroit, qui fu toute ensonniie
de lui rapaisier, tant estoit il escauffés et 5
aïrés; et disoit bien que cesti arsin de Haspre il le
feroit temprement cier comparer au royaume de
France. Sa dame de mère li acordoit tout, et euist
volentiers de ceste mespresure escuset son frère le
roy de France; mès li contes n'i voloit entendre, 10
mès disoit: «Il me fault regarder comment hasteement
je me puisse vengier de ce despit que on m'a
fait, et otretant ou plus ardoir en France.»
Quant li contes de Haynau eut esté une espasse à
Fontenelles dalés ma dame sa mère, il prist congiet, 15
puis s'en parti et retourna à Valenciènes. Et fist tantost
lettres escrire par tout as chevaliers et as prelas
de son pays, pour avoir conseil comment il se poroit
chevir de ceste avenue, et mandoit par ses lettres
que tout fuissent à Mons en Haynau au certain 20
jour qui assignés y estoit. Ces nouvelles s'espardirent
parmi le pays, et les sceut messires Jehans de Haynau,
qui se tenoit à Byaumont, pensans et imaginans
comment il poroit ossi l'arsin de se terre de Chymay
contrevengier. Si ne fu mies courouciet quant il oy 25
dire et recorder le grant desplaisir que on avoit fait
à son neveut le conte, et ossi en quel desdain il l'avoit
pris, et ne le sentoit mies si souffrant que il vosist
longement porter ceste villonnie. Si monta à
cheval et vint au plus tost qu'il peut à Valenciènes, 30
où il trouva le dit conte à le Salle; si se traist vers
li, ensi que raisons estoit.
§ 94. Sitost que li contes de Haynau vey monsigneur
Jehan de Haynau, son oncle, il vint contre
lui et li dist: «Biaus oncles, vostre guerre as François
est grandement embellie.»—«Sire, ce respondi
li sires de Byaumont, Diex en soit loés! De 5
vostre anoi et damage seroi je tous courouciés,
mais cilz ci me vient assés à plaisance. Or avés vous
[cecy] [49] de l'amour et dou service les François que
vous avés tout le temps portet. Or nous fault faire
une chevaucie sus France; regardés de quel costet.» 10
Dist li contes: «Vous dittes voir, et si sera bien
briefment.» Si se tinrent de puis, ne sai quans jours,
à Valenciènes. Et quant li jours de parlement, qui
estoit assignés à estre à Mons en Haynau, fu venus,
il y furent. Là fu tous li consaulz dou pays, et ossi 15
de Hollandes et de Zelandes.
A ce parlement qui fu en le ville de Mons en Haynau,
eut pluiseurs parolles proposées et remoustrées.
Et voloient li aucun des barons dou pays que on
envoiast souffissans hommes devers le roy de France, 20
à savoir se il avoit acordé ne consenti à ardoir en
Haynau, ne envoiiet les saudoiiers de Cambresis en
le terre dou conte, ne à quel title cil l'avoient fait,
pour tant que on n'avoit point deffiiet le conte ne
le pays. Et li aultre chevalier, qui proposoient à l'encontre,25
voloient tout le contraire, mais que on se
contrevengast en tel manière com li François avoient
commenchiet.
Entre ces parolles des unes as aultres eut pluiseurs
detris, estris et debas. Mès finablement il fu 30
regardé, tout consideret et imaginet, que li contes
de Haynau et li pays ne pooient nullement issir de
ceste besongne, sans faire guerre au royaume de
France, tant pour l'arsin de le terre de Cymai que
pour cesti de Haspre. Si fu là ordonné que on deffieroit 5
le roy de France, et puis enteroit on à effort
ou royaume. Et de porter ces deffiances fu priiés et
cargiés li abbes de Crespin, qui pour le temps s'appelloit
Thiebaus. Si furent les lettres de deffiances
escrites et seellées dou conte et de tous les barons et 10
chevaliers dou pays. En apriès, li dis contes remercia
grandement tous ses hommes pour le bonne volenté
dont il les vey, car il li prommisent confort et
service en tous estas.
Je n'ai que faire de demener ceste matère longement. 15
Li abbes de Crespin se parti et vint en France
aporter au roy Phelippe les deffiances, qui n'en fist
pas trop grant compte et dist que ses neveus estoit
uns folz oultrageus, et qu'il marchandoit bien que
de faire ardoir tout son pays. Li abbes retourna arrière 20
devers le conte et son conseil, et leur compta
comment il avoit esploitiet, et les responses que li
rois en avoit faites. Assés tost apriès, se pourvei li
contes de gens d'armes, et manda tous chevaliers et
escuiers parmi son pays, et ossi en Braibant et en 25
Flandres, et fist tant qu'il eut bien dix mille armeures
de fier, de bonne estoffe, tout à cheval. Si se partirent
de Mons en Haynau et de là environ, et chevaucièrent
vers le terre de Cymai, car li intentions
dou conte et de son oncle, li signeur de Byaumont, 30
estoit tèle que il iroient ardoir et essillier la terre
le signeur de Vrevins, et ossi Aubenton en Tierasse.
§ 95. Bien se doubtoient cil de le ville de Aubenton
dou conte de Haynau et de son oncle. Si l'avoient
segnefiiet au grant baillieu de Vermendois,
que il leur volsist envoiier gens pour yaus aidier à
tenir et deffendre contre les Haynuiers, qui leur estoient5
trop proçain voisin. Et bien leur besongnoit
que il euissent avoec yaus bonne gent d'armes, car
leur ville n'estoit fremée que de palis. Donc li dis
baillieus de Vermendois y avoit envoiiés des bons
chevaliers de là environ: premierement, le visdame 10
de Chaalons, monsigneur Jehan de Beaumont, monsigneur
Jehan de la Bove, le signeur de Lore et pluiseurs
aultres. Si s'estoient li dessus dit chevalier et
leurs routes, où bien avoit trois cens armeures de
fier, mis dedens Aubenton, et le pensoient bien à tenir 15
contre les Haynuiers, et le remparèrent. Et fortefiièrent
encores aucuns lieus de le ditte ville où il
veirent et sentirent que elle estoit le plus foible; et
estoient tout conforté et pourveu de attendre les
Haynuiers qui ne fisent point un lonch sejour, de 20
puis qu'il furent assamblé à Mons en Haynau, mais
se partirent vistement en grant arroi, si com ci dessus
est dit, et s'aceminèrent vers Chimay et passèrent,
par un venredi, le bois c'on dist de Tierasse,
et esploitièrent [tant] [50] qu'il vinrent à Aubenton, qui25
estoit une grosse ville et bonne et plainne de draperie.
Ce venredi, li Haynuier se logièrent assés priès
et le avisèrent et considerèrent au quel lés elle estoit
le plus prendable. A l'endemain, il vinrent tout ordonné
par devant pour le assallir, leurs banières 30
moult faiticement tout devant, et les arbalestriers
ossi; et se partirent en trois connestablies, et se traist
çascuns à sa banière. Dont li contes de Haynau eut
le première bataille, avoech lui grant fuison de bons
chevaliers et escuiers de son pays; li sires de Byaumont, 5
ses oncles, la seconde livrée, ossi à tout grant
fuison de bonne gent d'armes; et li sires de Faukemont
avoech grant fuison de bonne gent de son
pays, Alemans et Braibençons, une aultre. Et se traist
cescuns sires desous se banière et entre ses gens, 10
celle part où il furent ordonné pour assallir.
Si commença li assaus grans et fors durement; et
s'emploiièrent arbalestrier et dedens et dehors au
traire moult vigereusement, par lequel trait il en y
eut pluiseur bleciés des assallans et des deffendans. 15
Li contes de Haynau et se route, où moult avoit de
appers chevaliers et escuiers, vinrent jusques as bailles
de l'une des portes. Là eut grant assaut et forte
escarmuce. Là estoit li visdames de Chaalons, uns
appers chevaliers, qui y fist merveilles d'armes, et 20
qui moult vassaument se combati et deffendi. Et fist
là à le porte meismement trois de ses neveus chevaliers,
qui ossi se acquittèrent moult bien en leur
nouvelle chevalerie, et y fisent pluiseurs apertises
d'armes. Mais il furent si fort requis et assalli dou 25
conte de Haynau qu'il les couvint retraire en le
porte, car il perdirent les barrières. Là eut un moult
dur assaut, sus le pont meismement. A le porte devers
Cimay, estoit messires Jehans de Haynau et se banière,
qui assalloit moult fierement. Et celle porte gardoient 30
messires Jehans de Be[a]umont et monsigneur
Jehan de la Bove. Là eut très grant assaut et forte
escarmuce, et couvint les François retraire dedens le
porte, car il perdirent leurs bailles, et les conquisent
li Haynuier et le pont ossi. Là eut dure escarmuce
et forte et grant assaut et felenès, car cil qui estoient
monté sus le porte jettoient baus et mairiens contreval, 5
et pos plains de cauch, et grant fuison de pières
et de cailliaus, dont il navroient et mehagnoient
gens, se il n'estoient fort armet et paveschiet. Et là
fu consievis à meschief d'une pière grosse et villainne
uns bons escuiers de Haynau, qui se tenoit tout devant 10
pour son corps avancier, Bauduins de Biaufort,
et reçut un si dur horion sus sa targe, que on li esquartela
et fendi en deus moitiés, et eut romput le
brach dont il le portoit. Et le convint retraire, pour
le villain horion, et porter as logeis, ensi que celi 15
qui ne se peut de puis armer en grant temps, jusques
à tant qu'il fu sanés et garis.
§ 96. Le samedi, au matin, fu li assaus moult
grans et très fiers à le ville de Aubenton en Tierasse;
et se mettoient li assalant en grant painne et en grant 20
peril pour conquerir la ville. Ossi li chevalier, li escuier
et cil qui dedens estoient rendoient grant entente
et diligense à yaus deffendre, et bien le besongnoit.
Et, saciés, se ce ne fuissent li gentil homme qui
dedens Aubenton se tenoient et qui le gardoient, elle 25
euist estet tantost prise et de saut, car elle estoit fort
et dur assallie de tous costés et de grant fuison de
bonne gent d'armes. Si y couvenoit tant plus grant
avis et plus grant hardement pour le deffendre, et en
fisent li chevalier de dedens, au voir dire, bien leur 30
devoir; mais finablement elle fu conquise par force
d'armes, et les garites qui n'estoient que de palis
rompues et brisies. Et entra en la ville tout premierement
messires Jehans de Haynau et se banière, en
grant huée et en grant fouleis de gens et de chevaus.
Et adonc se recueillièrent en le place, devant le 5
moustier, li visdames de Chaalons et aucun chevalier
et escuier, et levèrent là leurs banières et leurs pennons,
et moustrèrent de fait bien samblant et corage
de yaus combatre, et tenir tant que par honneur il
poroient durer. Mais li sires de Vrevins se parti et 10
se banière, sans arroi et sans ordenance, et n'osa demorer,
car bien sentoit monsigneur Jehan de Haynau
si aïret sur lui qu'il ne l'euist pris à nulle raençon:
si monta au plus tost qu'il peut sus fleur de
coursier et prist les camps. Ces nouvelles vinrent à 15
monsigneur Jehan de Haynau que ses grans ennemis,
et qui tant avoit porté le damage à se terre de Chymay,
estoit partis, et s'en aloit devers Vrevins. Adonc
li sires de Byaumont monta sus son coursier et fist
chevaucier se banière et vuida Aubenton, en entente 20
de raconsievir ses ennemis. Ses gens le sievoient, cescuns
qui mieus mieus; et li aultre demorèrent en le
ville, li contes de Haynau et se bataille, et se combatirent
asprement et fierement à chiaus qui s'estoient
arresté devant le moustier. Là ot dur hustin et 25
fier, et tamaint homme reversé et mis par terre. Et là
furent très bons chevaliers li visdames de Chaalons et
si troi fil, et y fisent tamainte belle appertise d'armes.
Endementrues que cil se combatoient, messires
Jehans de Haynau et ses gens caçoient et encauçoient 30
le signeur de Vrevins, au quel il avint si bien que il
trouva les portes de se ville toutes ouvertes et entra
ens en grant haste; et jusques à là le poursievi sus
son coursier, l'espée en le main, messires Jehans de
Haynau. Quant il vit qu'il li estoit escapés et rentrés
en se forterèce, si en fu trop courciés, et retourna
tout le grant chemin de Aubenton. Si encontrèrent 5
ses gens le[s] gens le signeur de Vrevins qui le sievoient
à leur pooir. Si en occirent et misent par
terre grant fuison, et puis retournèrent dedens Aubenton.
Si trouvèrent leurs gens, qui jà avoient delivré
le place de leurs ennemis. Et estoit pris li visdames 10
et durement navrés, et mort deus de ses neveus,
ce jour fais chevaliers, et ossi pluiseur aultre. Ne
onques chevaliers qui là fust n'en escapa ne escuiers,
fors cil qui se sauvèrent avoecques le signeur de Vrevins,
qu'il ne fuissent tout mort et tout pris, et bien 15
deux cens hommes de le ville, et fu toute pillie et robée;
et li grans avoirs et pourfis, qui dedens estoient, chargiés
sus chars et sus charettes et envoiiés à Chimay.
Avoecques tout ce, la ville d'Aubenton fu toute arse.
Et se logièrent ce soir li Haynuier sus le rivière, et 20
l'endemain il chevaucièrent devers Mauberfontainnes.
§ 97. Apriès le desolation et destruction de Aubenton,
ensi que vous avés oy, s'acheminèrent li
Haynuier et leurs routes devers Mauberfontainnes. Si
tost qu'il y parvinrent, il le conquisent, car il n'i 25
avoit point de deffense, et le pillièrent et robèrent,
et puis l'ardirent et, apriès, le ville de Aubencuel et
Segni le Grant et Segni le Petit, et tous les hamiaus
et villages de là environ, dont il en y eut plus de
quarante. Ensi se contrevengièrent li Haynuier des 30
damages que on leur avoit fais, tant en le terre de
Chimay comme à Haspre. Mais de puis li François
leur fisent cier comparer, si com vous orés avant en
l'ystore. De puis ceste chevaucie faite, li contes de
Haynau se retraist deviers le ville de Mons et donna
congiet toutes manières de gens d'armes, et les remercia 5
grandement et bellement cescun de son bon
service, et fist tant que tout se partirent bien content
de lui; si s'en rala cescuns en son lieu.
Assés tost apriès, vint il en volenté et en pourpos
au dit conte que d'aler esbatre en Engleterre et faire 10
certainnes alliances au dit roi, son serourge, pour estre
plus fors en sa guerre, car bien pensoit et disoit
que la cose ne pooit demorer ensi, et que li rois, ses
oncles, ne fesist aucune armée contre lui. Et pour
estre plus fors, bon li sambloit, et à son conseil ossi, 15
que il euist l'amour et l'alliance des Englès, des Flamens
et des Braibençons. Si manda li dis contes
tout son conseil à Mons en Haynau, et leur remoustra
sen entente. Et ordonna et institua là monsigneur
Jehan de Haynau à estre bauls et gouvrenères de 20
Haynau, de Hollandes et de Zelandes. Et se parti de
puis assés tost, à privée mesnie, et vint à Dourdresch
en Hollandes, et là monta en mer pour arriver
en Engleterre. Or nous tairons nous à parler dou conte
de Haynau, et parlerons des besongnes de son pays, 25
et des avenues qui y avinrent entrues qu'il fu hors.
§ 98. Vous avés bien oy recorder comment messires
Jehans de Haynau demora baulz et gouvrenères
des trois pays, par l'ordenance dou conte. Si obeirent
en avant tout li baron et li chevalier et li 30
homme dou pays à lui, comme à leur signeur, jusques
à son retour. Si se tint li dis messires Jehans de
Haynau en le ville de Mons, et pourvei le pays et
garni bien et souffissamment de toutes bonnes gens
d'armes, especialment sus les frontières de France,
et envoia quatre chevaliers en le ville de Valenchiènes, 5
pour aidier à garder et consillier le ville et les
bourgois. Che furent li sires d'Antoing, li sires de
Wargni, li sires de Gommegnies et messires Henris
de Husphalize. Et envoia le senescal de Haynau,
monsigneur Gerart de Wercin, à tout cent lances 10
de bonne gent d'armes, en le ville de Maubuege; et
mist le mareschal de Haynau, monsigneur Thieri de
Walecourt, en le ville dou Kesnoi, et le signeur de
Potielles en le ville de Landrecies. Apriès, il mist en
le ville de Bouçain trois chevaliers alemans, qui tout 15
troi se nommoient messires Conrars, et envoia à Escauduevre
monsigneur Gerart de Sassegnies, et ossi
en le ville de Avesnes le signeur de Faukemont, et
ensi par toutes les forterèces de Haynau, voires sus
les frontières dou royaume; et pria et enjoindi à 20
cescun de ces chapitainnes qu'il fuissent songneus,
pour leur honneur, d'entendre à che qui leur estoit
recargiet, et cescuns li eut en couvent. Si se tray
cescuns sires et chapitains avoecques ses gens en se
garnison, et entendirent dou remettre en point, garnir 25
et pourveir che dont il estoient garde. Or revenrons
nous au roy de France, et recorderons comment
il envoia une grande chevaucie de gens d'armes en
Haynau, pour ardoir et exillier le pays, et en fist le
duch de Normendie son fil chief.
FIN DU PREMIER VOLUME.
VARIANTES.
VARIANTES.
Page 1, ligne 1: Afin.—Ms. d'Amiens: Affin que li grant fait d'armes qui par les guerres de Franche et d'Engleterre sont avenu, soient notablement registré et mis en memore perpetuel, par quoy li bon y puissent prendre exemple, je me voeil ensonnier dou mettre en prose. Voirs est que messires Jehans li Biaux, jadis canonnes de Saint Lambiert de Liège, en croniza à son temps auqune cose. Or ay je che livre et ceste histoire augmenté par juste enqueste que j'en ay fait en travaillant par le monde et en demandant as vaillans hommes, chevaliers et escuyers, qui les ont aidiés à acroistre, le verité des avenues, et ossi à aucuns rois d'armes et leurs mareschaus, tant en Franche comme en Engleterre où j'ay travillié apriès yaux pour avoir la verité de la matère; car par droit tels gens sont juste inquisiteur et raporteur des besoingnes, et croy que pour leur honneur il n'en oseroient mentir. Et sour ce je ay ce livre fait, dictet et ordonnet parmy l'ayde de Dieu premierement et le relation des dessus dis, sans coulourer l'un plus que l'autre, mès li bien fais dou bon, douquel costet qu'il soit, y est plainnement ramenteus et cougneus, si comme vous trouverés en lisant. Et pour ce que ou temps advenir on sace de verité qui ce livre mist sus, on m'apelle sire Jehan Froissart, priestre, net de le ville de Vallenchiennes, qui mout de paine et de travail en euch em pluiseurs mannierres, ainchois que je l'euisse compillé ne acompli, tant que de le labeur de ma teste et de l'exil de mon corps; mais touttes coses se font et acomplissent par plaisance et le bonne dilligence que on y a, ensi comme il apparra avant en cest livre. Fo 1.
Mss. A: Donc ainsi, pour attaindre et venir à la matière que 210 j'ay emprinse de commencier premierement par la grace de Dieu et de la benoite glorieuse Vierge Marie, dont tout confort et avancement viennent, je me vueil fonder et ordonner sur les vraies croniques jadis faites et rassemblées par venerable homme et discret seigneur monseigneur Jehan le Bel, chanoine de Saint Lambert du Liège qui grant cure et toute bonne diligence mist en ceste matière et la continua tout son vivant au plus justement qu'il pot, et moult lui cousta à acquerre et à l'avoir. Mais quelque fraiz qu'il y eust ne fist, riens ne plaingny, car il estoit riches et puissans, si les povoit bien porter, et de soy mesme larges, honnourables et courtois, et qui le sien voulentiers despendoit. Aussi il fut en son vivant moult amy et secret à très noble et doubté seigneur monseigneur Jehan de Haynault qui bien est ramenteus de raison en ce livre, car de pluseurs et belles avenues il en fut chief et cause, et des roys moult prochain. Pourquoy, le dessus dit messire Jehans le Bel pot delez lui veoir et congnoistre pluseurs besoingnes, lesquelles sont contenues ensuivant.
Voirs est que je, qui ay emprins ce livre à ordonner, ay, par plaisance qui à ce m'a tousjours encliné, frequenté pluseurs nobles et grans seigneurs, tant en France comme en Angleterre, en Escoce [51] et en autres pais, et ay eu congnoissance d'eulx. Si ay tousjours à mon povoir justement enquis et demandé du fait des guerres et des aventures qui en sont avenues, et par especial depuis la grosse bataille de Poitiers où le noble roy Jehan de France fut prins, car devant j'estoie encores jeune de sens et d'aage. Et ce non obstant si emprins je assez hardiement, moy yssu de l'escolle, à dittier et à rimer les guerres dessus dites et porter en Angleterre le livre tout compilé, si comme je le fis. Et le presentay adonc à très haulte et très noble dame, dame Phelippe de Haynault, royne d'Angleterre, qui doulcement et lieement le receut de moy et me fist grant proffit.
Or puet estre que cest livre n'est mie examiné ne ordonné si justement que telle chose le requiert. Car fais d'armes, qui si chierement sont comparez, doivent estre donnez et loyaument departis à ceulx qui par prouesce y traveillent. Donc, pour moy acquitter envers tous, ainsi que drois est, j'ay emprinse ceste histoire à poursuir sur l'ordonnance et fondation devant dite, à 211 la prière et requeste d'un mien chier seigneur et maistre, monseigneur Robert de Namur, seigneur [de Beaufort] [52], à qui je vueil devoir amour et obeissance, et Dieu me laist faire chose qui lui puisse plaire! Ms. A 1, fo 1 vo.
P. 6, l. 22: Edowart.—Ms. de Rome: et de la bonne royne Phelippe de Hainnau, sa fenme. Fo 1 vo.
P. 6, l. 22: Galles.—Ms. d'Amiens: li doi duchs de Lancastre, messires Henris et messires Jehans qui eut sa fille, li comtes de Warvich, messires Regnau[s] de Gobehen, messires Jehans Camdos, messires Wautiers de Mauni, messires Jamez [53] d'Audelée [54] et pluiseurs autres dont je ne puis mie de tout parler. Et ossi li royaummez de Franche ne fu oncquez si desconfi que li Englès n'y trouvaissent grant fuison de bonne chevalerie. Et fu li roys Phelippes de [Valois] [55] ungs vaillans homs et hardis durement, et li roys Jehans ses fils, li ducs de Bourgoingne, messires [Charles de Blois] [56], li dus de Bourbon, li comtez d'Allenchon [57] et pluiseurs hauls barons et bacelers. Fo 1.
Mss. A: le duc de Lancastre, messire Gaultier de Mauny en Haynault, messire Regnault de Gobehan, messire Jehan Chandos, messire Franque de Halle et pluseurs autres qui se ramenteveront pour le bien et la prouesce d'eulx dedens ce livre. Car, par toutes les batailles où ilz ont esté, ilz ont eue renommée des mieulx faisans par terre et par mer; et s'i sont moustrez si vaillamment que on les doit bien tenir pour souverains preux, mais pour ce ne doivent les autres, qui avecques eulx furent, pis valoir.
Aussi en France a esté trouvée bonne chevallerie, roide, forte 212 et appert, car le royaume de France ne fut oncques si desconfis que on n'y trouvast tousjours bien à qui combatre. Et fut le noble roy de Valois, appellé Phelippe, ung très hardy et chevallereux chevallier, et le roy Jehan son filz, Charles roy de Behaigne, le conte d'Alençon, le conte de Foix, messire Saintré, messire Arnoul d'Andrehen, messire Boucicault, messire Guichart d'Angle, monseigneur de Beaugeu le père et le filz et pluseurs autres. Ms. A 1, fo 2.
P. 7, l. 7: François.—Ms. de Rome: selonch ce que j'en fus enfourmés, car casqune des parties dist que sa querelle est bonne, otretant bien le deffendant comme le demandant. Fo 1 vo.
P. 7, l. 11: Froissart.—Ms. de Rome: Je Jehans Froissars, tresoriers et channones de Chimay. Fo 1.
§ 1. P. 9, l. 5: ailleurs.—Ms. de Rome:.... par l'orguel d'un conte d'Artois qui s'apelloit Robers. Fo 1 vo.
P. 9, l. 5: li biaus.—Ms. B 6: Pour che tamps estoit rois en France ung roy qui s'apelloit Phelippe. Et pour che qu'il estoit beaus de corps et de viaire et de tous autres menbres communement, on l'apelloit le biel roy Phelippe. Fo 3.
P. 9, l. 6: Edouwart.—Ms. d'Amiens: Et li avoit li rois de Franche donné sa fille par envie, si comme on disoit, pour tant que li comtes Guis de Flandres, qui regnoit pour le temps, li avoit volut donner sa fille sans le congiet et ordonnance dou roy de France, et il ne li plaisoit mies que il s'aliast as Englès. Et quant chils biaux roys Phelippes sceut que chils mariaiges se devoit faire, il manda au comte de Flandres qu'il li envoyast veoir sa fille qui estoit sa filloeille. Li comtes, qui nul mal n'y penssoit, li envoya tantos et sans delay. Quant li roys Phelippes le vit, il le prist et le fist emprisounner par tel manière c'oncques depuis ne rentra en Flandres. Pour laquelle avenue, moult de batailles furent en Flandres et en France, et la grosse bataille de Courtray où il eut tant de vaillans seigneurs mors et desconfis, et ailleurs ossi. Or maria chils biaux roys Phelippes sa fille [Ysabel] [58] au roy d'Engleterre, et li dounna en mariaige toutte la comté de Pontieu et encoires....... [59] revenus ailleurs. Fo 1 vo.
P. 9, l. 13: Edouwart.—Ms. A: qui fut couronnez à Londres, l'an de grace mil trois cens et vingt sis, le jour de Noel, au vivant du roy son père et de la royne sa mère. Ms. A 1, fo 2.
Ms. de Rome: Et pour ce que ses fils nommés Edouwars n'eut point celle grasce ne bonne aventure d'armes, car tous ne sont pas ne ne pueent estre aourné de bonnes vertus, escei ils en haine et indignacion de son peuple, mais on ne li remoustra pas 214 ses folies sicrètes, avant ot il fait moult de grans mauls et de crueuses justices des nobles de son roiaume. Englès sueffrent bien un temps, maiz en la fin il paient si crueusement que on s'i puet bien exempliier, ne on ne puet jeu[e]r à eulz. Et se lieuve et couce uns sires en trop grant peril qui les gouverne, car jà ne l'ameront ne honneront, se il n'est victorieus, et se il n'ainme les armes et la guerre à ses voisins, et par especial à plus fors et à plus riches que il ne soient. Et ont celle condicion, et tiennent celle opinion et ont tous jours tenu et tenront, tant que Engleterre sera terre habitable. Et dient generaulment, et ce ont il veu par experiense par trop fois que, apriès un bon roi, il en ont un qui n'est de nulle vaillance. Et le tiennent à endormi et à pesant, quant il ne voelt ensievir les oeuvres de sen père ou de sen predicesseur, bon roy qui a resgné en devant de li. Et est lor terre plus plainne de riçoisses et de tous biens, quant il ont la gerre, que en temps de paix. Et en cela sont il né et obstiné, ne nuls ne lor poroit faire entendant le contraire.
Englès sont de mervilleuses conditions, chaut et boullant, tos esmeu en ire, tart apaisié ne amodé en douçour; et se delittent et confortent en batailles et en ocisions. Convoiteus et envieus sont trop grandement sus le bien d'autrui, et ne se pueent conjoindre parfaitement ne naturelment en l'amour ne aliance de nation estragne, et sont couvert et orguilleus. Et par especial desous le solel n'a nul plus perilleus peuple, tant que de hommes mestis, comme il sont en Engleterre. Et trop fort se diffèrent en Engleterre les natures et conditions des nobles aux hommes mestis et vilains, car li gentilhomme sont de noble et loiale condition, et li communs peuples est de fèle, perilleuse, orguilleuse et desloiale condition. Et là où li peuples vodroit moustrer sa felonnie et poissance, li noble n'aueroient point de durée à euls. Or sont il et ont esté un lonch temps moult bien d'acort ensamble, car li noble ne demande au peuple que toute raison. Aussi on ne li soufferroit point que il presist, sans paiier, un oef ne une poulle. Li homme de mestier et li laboureur parmi Engleterre vivent de ce que il sèvent faire, et li gentilhomme, de lors rentes et revenues; et si li rois les ensonnie, il sont paiiet, non que li rois puist taillier son peuple, non, ne li peuples ne le vodroit ne poroit souffrir. Il i a certainnes ordenances et pactions assisses sus le staple des lainnes, et de ce est li rois aidiés au desus de ses rentes et revenues; et quant ils fait gerre, celle paction 215 on li double. Engleterre est la terre dou monde le mieulz gardée. Aultrement il ne poroient ne saueroient vivre, et couvient bien que uns rois qui est lors sires, se ordonne apriès euls et s'encline à moult de lors volentés; et se il fait le contraire et mauls en viengne, mal l'en prendera ensi que il fist à ce roi Edouwart, dont je parloie maintenant, liquels fu fils au bon roi Edouwart qui tant fu de proèce plains que il desconfi par pluisseurs fois en bataille les Escoçois et conquist sus euls la chité de Bervich et la frontière d'Escoce jusques en la chité d'Abredane; et prist et tint Haindebourch et le fort chastiel de Struvelin.
Et qant chils bons rois Edouwars fu trespassés, ses fils, nommés aussi Edouwars, fu rois, mais il n'ensievi pas ne en riens la villance dou roi son père. Car assés tos apriès ce que il fu couronnés, li rois d'Escoce, qui se nouma Robers de Brus, desfia ce roi Edouwart et cevauça tantos efforciement sur lui et reconquist toute Escoce, celle que li bons rois Edouwars avoit conquis, et reprist la chité de Bervich et passa la rivière de Taie, et entra ens ou pais de Norhombrelande et ardi et essilla moult dou roiaulme d'Engleterre jusques à la rivière dou Thin; et vinrent li dit Escoçois mettre le siège devant le chastiel de Struvelin. Adonc s'esmurent chils rois Edouwars, fils au bon roi Edouwart, et toute la chevalerie d'Engleterre, pour lever ce siège. Et là les atendirent li rois Robers de Brus et ses gens, et i ot une bataille arestée très grande. Et là furent desconfi les Englois et mis en cace, et en i ot biau cop de mors et de pris. Et dura ceste cace des Escoçois sus les Englez jusques oultre la rivière dou Hombre. Et se sauva à grant painne li rois Edouwars, et ne fu onques asegurés en chité ne en ville ne chastiel que il euist sus tout son cemin, si se trouva en la chité de Londres. Et quant il vei et congneut la vaillance de ce roi Robert de Brus, il fist paction et acordance à lui, et demo[rè]rent li doi roiaulme d'Engleterre et d'Escoce en trieuves, ung grant tempore. Fo 2.
P. 9, l. 16: Robers de Brus.—Ms. B 6: En ce tamps regnoit ung roy en Escoche qui s'apielloit le roy Robert de Brus. Che roy Robert avoit esté du vivant le père de ce roy Edouart durement vexés et travilliés par guerre et tout son royaume: sy que, quant che bon roy Edouart fu mors et son filz, le roy Edouart vint à le couronne, qui ne fu mie de sy grant vaillance que son père. Che roy Robert, qui entendy le foible conseil que il creoit et le discort que il avoit entre le roy et les hauls barons 216 d'Engleterre, s'avisa que il se contrevengeroit des anoy et despit que les Englez ly avoient fait. Et avoit à che donc sy nettement perdu son roialme d'Escoche que il se tenoit entre les montaignes devers Abredanne et n'osoit entrer en le Doulche Escoche. Sy assambla tous ses amis, monseigneur Guillaume de Douglas, monseigneur le conte Patris, le conte de Mouret, monseigneur Robert de Versy, monseigneur Simon Fresiel et pluiseurs autres. Et chevauchèrent avant à grant esploit et reconquirent villez et chasteaulx en Escoche que les Englès tenoient, et reprirent la bonne cité de Bervich. Et reconquirent briefment tous les casteaulx d'Escoche, Handebourch, Dubertain, Dondieu, Dombare, Dalquest, Saint Jehanston, Donfremelin, Abredane et pluiseurs autres. Et vinrent finablement mettre le siège devant le fort castel de Struvelin en Escoche, et apressèrent moult cheaux de dedens.
Ces nouvelles vinrent en Engleterre que les Escochois avoient tout reconquist leur pais, excepté le castel de Stourvelin. Dont s'esmurent le roy et tous les barons et communaulté d'Engleterre pour venir en Escoche. Et esploitèrent tant que il vinrent assés priès de Struvelin. Le roy Robert de Brus et ly barons d'Escoche qui là se tenoient à siège, si tost que il entendirent que le roy d'Engleterre et sa puissance estoient venus pour y aulx combatre et lever le siège, il se rengièrent et ordonnèrent tantost devant eulx et combatirent caudement le roy d'Engleterre et les Englès, ainchois que il se peuissent logier ne aviser plache. Et là ot grant bataille, cruelle et dure, qui dura longement. Mais finablement les Englès furent desconfis. Et convint le roy fuir et mesire Hue le Despensier; autrement il euissent esté pris. Et dura ceste cache des Escochois as Englès trois jours, et furent racachiet jusques à la rivière de Thin. Et y ot des Englès mors plus de quarante mille, et moult de vaillans hommes. Et au retour que ly rois d'Escoche fist, il prist le fort chastel de Struvelin, car ly Englès quy le tenoient le rendirent, sauve leur vies. Fos 5 à 7.
§ 2. P. 10, l. 14: femme.—Mss. A: qui estoit une des plus belle[s] dame[s] du monde. Ms. A 1, fo 2 vo.
P. 10, l. 15: li ainsnés.—Mss. A: est le gentil et le preux roy. Ms. A 1, fo 2 vo.—Ms. d'Amiens: qui tant fu vaillans homs. Fo 1 vo.
217 P. 10, l. 15 et 16: Edouwars.—Ms. B 6: de Windesort. Fo 4 vo.
P. 10, l. 17: barons.—Ms. de Rome: prelas et communautés d'Engleterre. Fo 2 vo.
P. 10, l. 22: l'acord.—Ms. de Rome: des hauts barons de l'un roiaulme et de l'aultre, et pour venir à plus grande aliance d'amour. Fo 2 vo.
P. 10, l. 23: fille.—Ms. B 6: ot nom Marie. Fo 4 vo.—Ms. de Rome: ot nom Jehane. Fo 2 vo.
P. 10, l. 24: duch.—Ms. B 6: duc de Gherles nomé Renault. Fo 4 vo.—Mss. A 7 à 36: conte Regnault de Gerlles qui de puis fu apellé duc de Guèle. Fo 2.—Ms. de Rome: conte de Guerles. Fo 2 vo.—Mss. A 1 à 6: comte Regnault de Guerles. Fo 2 vo.
P. 10, l. 25: Renault.—Ms. d'Amiens: messire Ernaut et messire Edouwart quoi tant fu bons chevaliers. Fo 1.
P. 10, l. 25: filles.—Ms. d'Amiens: De ses deux filles, l'une eut li contes de Mons, et l'aultre eult depuis li comtes Jehans de Blois, comme vous orés avant en l'istoire. Et que on l'entende, chils comtes des Mons fu marcis [60]...... et puis par l'ordounnance l'empereeur Loeys de Baivière, comtes de Jullers et des Mons...... fils enssuiwant par le decoellance l'enpereur d'Allemaigne et de Romme monseigneur...... de Jullers. Fo 1.—Ms. de Valenciennes: Et de ses deux filles, l'une eut le conte de Clèves, et l'autre le conte de Jullers. Fo 2 vo.—Ms. de Rome: Et des doi filles li ainnée fu femme au conte de Jullers, et li aultre morut sans mariaige. Fo 2 vo.
§ 3. P. 10, l. 28: Li biaus.—Mss. A 7, 18, 19, 23 à 35: ce roi Philippe nommé Beau de France. Fo 2 vo.—Ms. d'Amiens: Encoires, pour mieux esclarchir ceste grande et noble matère, et ouvrir le declaracion des linaiges, je me voeil ung petit ensonniier de mettre ayant dont li roys Edouars qui [assega] [61] Tournay yssi, et com prochains il fu de la couronne de France, tant qu'il vesqui. Il descendi, de par la fumelle, de le droite ordonnance. Fo 1.
218 P. 11, l. 1: chevalier.—Ms. d'Amiens: de membres et de façons. Fo 1.
P. 11, l. 3 et 4: li Biaus.—Mss. A 1 à 6, 8 à 17, 20 à 22, 36 à 38: le Long. Fo 2 vo.—Mss. A 7, 18, 19, 23 à 35: li Grans dit le Lonc. Fo 2 vo.
P. 11, l. 6: l'autre.—Ms. de Rome: et furent tout troi mariet. Fo 3.
P. 11, l. 15: maintenir.—Ms. de Rome: par election et rieule naturel et droiturier que il ont en France, et de laquelle ordenance anciiennement on avoit veu user. Fo 3.
P. 11, l. 19: acort.—Ms. d'Amiens: de leur certain acord.... absoluement, en plain Palais, à Paris. Fo 1 vo.
P. 11, l. 20: fil jadis.—Mss. A 7, 18, 19, 23 à 33: nepveu jadis à ce beau roi Phelippe de France. Fo 2 vo.
P. 11, l. 25: germains.—Ms. d'Amiens et Mss. A: Ensi ala li dis royaummes hors de la droite lignie, che samble il à moult de gens. Fo 1 vo.
P. 11, l. 25: poins.—Ms. d'Amiens et Mss. A: Car [c'est] [62] la vraie fondation de ceste histoire pour raconter les grandes entreprinses et les grans fès d'armez qui avenu en sont. Car, puis le tamps le bon roy Carlemainne qui fu emperères d'Alemaigne et roys de Franche, n'avinrent si grans aventurez de guerrez ou royaumme de France que ellez sont avenues par ce fet chy. Fo 1 vo.
§ 4. P. 12, l. 9: enhort.—Mss. A 11 à 13: d'un mauvais chevalier que on dit monseigneur Huon. Fo 3.
P. 12, l. 11: d'enfance.—Ms. B 6 et ms. de Rome et qui estoit son cousin. Fo 5.—Ms. de Rome:.... et plus encores par l'enort et consel dou fil que dou père, car li pères estoit jà tous anciiens, et li fils se tenoit tous jours dalés le roi. Fo 3.
P. 12, l. 21: tourmens.—Ms. de Rome:.... car, ensi que je ai dit ichi desus, Englès ne se pueent longement tenir ne souffrir de un inconvenient, qant on lor fait; et se il le portent et sueffrent un temps oultre lor volenté, si en prendent il en la fin crueuls paiement. Fo 3.
P. 12, l. 25: murmure.—Ms. de Rome: et coumenchièrent 219 à murmurer li prelat, li baron et li homme des chités et bonnes villes d'Engleterre. Fo 3.
P. 13, l. 7 et 8: Lancastre.—Ms. d'Amiens et mss. A: qui estoit oncles au roy. Fo 1 vo.
§ 5. P. 13, l. 23 et 24: parlement.—Ms. de Rome:...... que il fist venir à Bristo, là où il se tenoit le plus souvent et moult volentiers. Fo 3.
P. 13, l. 29: decolés.—Ms. de Rome:...... et se son frère le conte Ainmon de Qent euist esté à ce parlement, il estoit ordonné dou faire morir; mais point n'i fu, car il estoit dehetiés, si s'escusa. Fo 3.
P. 13, l. 31: pays.—Ms. de Rome: Mais nuls n'en osoit parler, là où la congnissance en fust venue au roi, ne au dit messire Hue le Espensier; car il estoient si crueuls en lor fais que nuls, tant hauls ne nobles que il fust, n'estoit espargniés; et voloient resgner en celle ordonnance que nuls ne parlast sur lor estat. Fo 3.
P. 14, l. 2: roy.—Ms. B 6: quy fu preudons et vaillans hons. Fo 9.
P. 14, l. 8: fust.—Ms. de Rome: Et pour tant que le conte Ainmon de Qent en parla et en blama le roi son frère, presens auquns nobles d'Engleterre, pour ces paroles et pour aultres avoecques, tout le mal et discort que messires Hues li Espensiers pooit mettre entre le roi et son frère et la roine, il l'i mist. Et bien le savoient la roine et li contes de Qent, et s'en vinrent demorer en la conté de Qent, et en un biau chastiau dou dit conte que on nonme Lèdes. Et là se tinrent un tempore, car li rois d'Engleterre ne faisoit compte de sa fenme ne de ses enfans. Et couvenoit la roine vivre de son demainne, car les roines d'Engleterre ont grans drois et biaus hiretages de lors doaires en Engleterre. Chils rois ne faisoit compte de veoir la roine. Si estoit elle très belle dame et feminine et doucement enlangagie. Dit fu à ce conte de Qent et à la roine Issabiel d'Engleterre, qui se tenoient en ce chastiel de Lèdes, que li rois les feroit prendre, decoler ou noiier son frère, et la roine enmurer. Fo 3 vo.
P. 14, l. 21: d'Engleterre.—Ms. de Rome: et venroit en Pontieu, car la conté de Pontieu li devoit estre deue, et li avoit esté donnée en mariage avoecques le roi d'Engleterre. Fo 3 vo.
220 P. 14, l. 22: Charlon.—Ms. d'Amiens: qui encoires vivoit. Fo 2.
P. 14, l. 32: pelerinage.—Ms. d'Amiens et mss. A: à Saint Thummas en Cantorbie. Fo 2.
P. 15, l. 4 et 5: Douvres.—Ms. d'Amiens et mss. A: à Winnecesée [63], et là de nuit elle entra en une nef appareillie pour elle et son fil et le conte Aynmon de Kent et messire Rogier de Mortemer, et en une autre nef mirent leurs pourveances. Et eurent vent à souhet, et furent l'endemain devant [64] prime ou havene de Bouloingne. Fo 2.
§ 6. P. 15, l. 10: abbes.—Ms. d'Amiens et mss. A: li cappitainne de la ville et li bourgois et ossi li abbes. Fo 2.
P. 15, l. 12: cinq.—Ms. d'Amiens et mss. A 1 à 14, 18 à 35: deux. Fo 2.—Mss. A 15 à 17: trois. Fo 3 vo.
P. 15, l. 13: sizime.—Ms. d'Amiens et mss. A 1 à 14, 18 à 35: tiers.—Mss. A 15 à 17: quatrime. Fo 3 vo.
P. 15, l. 25 et 26: Paris.—M. de Rome: et ou bois de Viçainnes où, pour ce temps, li rois de France se tenoit. Fo 3.
P. 15, l. 28: palais.—Le ms. d'Amiens et les mss. A omettent:.... li contes de Dammartin,.... li sires de Montmorensi, et ajoutent: monseigneur de Sully et le seigneur de Roye. Fo 2.
P. 17, l. 6: vies.—Ms. d'Amiens et mss. A: Si ne l'ay je pas desservi ne ne vouroie faire nullement, car oncques enviers li je ne pensay ne ne fis cose qui fuist à reprendre. Et quant j'euch oy ces dures nouvellez et si perilleusez pour moy et sans raison, je m'avisay pour le mieux que je partiroie d'Engleterre et vous venroie veoir et remoustrer fyablement comme à mon seigneur et biaufrère l'aventure et le peril où j'ay esté, ossi li comtez de Cain que la veés, qui est frèrez du roy mon marit, qui est en otel parti de haynne comme je sui, et tout par l'esmouvement et faux enort de ce Huon le Espenssier. Si m'en sui chy afuie comme femme esgarée et desconseillie deviers vous pour avoir consseil et confort de ces besoingnes; car, se Dieux premierement et vous n'y remediiés, je ne me sçay vers qui traire. Fo 2 vo.
221 § 7. P. 17, l. 12: doucement.—Ms. de Rome: Li rois Carles de France requelli assés doucement sa serour et son jone fil Edouwart et le vei moult volentiers et le conte de Qent et messire Rogier de Mortemer et ordonna tantos de lor estat, qant il ot entendu recorder sa serour et le conte de Qent la vie, l'affaire et l'ordenance dou roi d'Engleterre et de ce Hue le Espensier; mais il ne dist pas: «Belle serour, pour l'amour de vous, et pour ce que je voi que il se mesuse, je li manderai notorement que il se mète à raison et eslonge de li son mauvais consel et vous tiengne en paix et en estat, ensi que uns rois doit tenir sa fenme, ou je li ferai guerre;» nennil, mais li dist: «Ma belle serour, je vous pourverai courtoisement de vostre estat pour vous et pour vostre fil; et entrues s'avisera vostres maris, ou li amour et la compagnie de li et de ce Hue le Espensier se desrompera.» Il couvint la roine d'Engleterre prendre en bon gré ce que ses frères li rois de France li offroit, et l'en remercia, et aussi fist li contes de Qent. Et se tinrent à Paris que là environ trois ans tous complis, et estoient souvent avec le roi Carle. Et les veoit li rois volentiers et prendoit à la fois grant plaisance ou jone Edouwart, car il estoit biaus fils et rians; et s'esbatoit li rois, qui estoit son oncle, en ses jonèces. Fo 3 vo.
P. 17, l. 16: besongnes.—Ms. d'Amiens et mss. A: Depuis ne demoura guairez que, sus cel afaire que vous avés oy, Carlez li roys de Franche assambla pluiseurs grans seigneurs et barons dou royaumme de France pour avoir conseil et bon avis comment il ordonneroit de le besoingne la roynne sa soer à qui il avoit proummis confort et ayde, et tenir li volloit. Dont fut ainssi conseilliet au roy et pour le mieus que il laissast ma damme sa sereur acquerre et pourchachier amis et confortans ou royaumme et se faindist de ceste emprise; car de esmouvoir guerre au roy d'Engleterre et de mettre son pays en haynne, ce n'estoit pas cose qui fuist appertenant, mais couvertement et secretement l'aidast et confortast dou sien tant que d'or et d'argent, car c'est li metaux par quoy on aquiert l'amour dez gentilz hommes et des povres bacelers. A ce conseil et advis s'acorda li roys et le fist dire ainssi tout quoiement à le roynne d'Engleterre sa sereur par monseigneur Robert d'Artois qui lors estoit li ungs des plus grans de Franche. Sur ce, la bonne damme, toutte resjoie et confortée, persevera et se pourvey d'acquerre amys parmi le royaumme de Franche. Les aucuns prioit; lez autrez proumettoit ou donnoit, et 222 tant que il y eult moult de grans seigneurs, de jouenes chevaliers et escuyers qui tous li acordèrent confort et alianche, pour li remener en Engleterre et de force [65]. Fo 2 vo.
P. 17, l. 24 et 25: estoient.—Ms. de Rome: Pour ce temps que la roine d'Engleterre et ses fils et li contes de Qent estoient en France, avoit deus jones filles en France, des quelles li rois Carles estoit onclez, car elles avoient esté filles à ses deus frères, li roy Loïs que on nouma le roi Hustin, et li autre, fille au roi Phelippe le Grant, qui en sa jonèce avoit esté nonmé contes de Nevers. Ces deus filles, li une fu depuis duçoise d'Orliiens, et li aultre, Margerite, contesse de Flandres et d'Artois. Et fu adonc parolé ens ou consel dou roi de France, et assez s'i acordoit li rois, que ses biaus neveus Edouwars d'Engleterre euist l'une de ses nièces par mariage et que li roiaulmes de France, apriès li, lor retournast, car il venoient de la droite lignie.
Ces nouvelles s'espandirent tant que elles furent sceues en Engleterre. Qant messires Hues li Espensiers en fu enfourmés, si se doubta grandement que la poissance dou roi de France ne le fesist tresbuchier jus de ses estas, car bien imaginoit au fort [que] ses sires li rois d'Engleterre n'oseroit courouchier le roi de France, et encores oultre, se ceste aliance se faisoit, que li jones Edouwars d'Engleterre fust mariés en France et presist sa cousine germainne, il ne poroit longement estre ne demorer que, dou costé de France, il n'euist à faire, avoecques tout ce encores que il sentoit bien que moult estoit haïs en Engleterre par les crueuses justices et sanz raison, que il avoit consenti et consilliet à faire, dont tous les jours il estoit en peril et en aventure des linages de ceuls qui mort estoient. Si se avisa que à tout ce il pourveroit trop grandement, ensi qu'il fist. Ils qui bien savoit que, se chils mariages se faisoit, ce seroit par dispensation don pape, tantos et incontinent il fist le roi d'Engleterre escrire au pape Jehan, qui, pour ce temps, resgnoit et demoroit en Avignon.
Chils papes Jehans estoit gascons et de la nation de Bourdiaus, et tous li linages de ce pape demoroient desous le roi d'Engleterre, et aussi de condition et en toutes ses oeuvres, il estoit englois, 223 et ne vosist pour riens courouchier le roi d'Engleterre. Ces lettres escriptes et seelées, messires Hues li Espensiers, qui avoit escript ensi comme il voloit, espoir n'en savoit riens li rois, prist tantos deus chevaliers de son linage et lez envoia en Avignon deviers ce pape Jehan. Qant li papes vei les lettres dou roy d'Engleterre, ils les rechut et les chevaliers en grant chiereté, et les ouvri et lissi tout au lonc, et tint ces escriptures en secré. Et en avint que, pour ce jone Edouwart d'Engleterre marier à la jone dame, qui fille avoit esté dou roi Loïs de France et de Navare, et on en volt avoir la dispensation, chils papes qui tous enfourmés estoit, et qui complaire voloit au roi d'Engleterre et à messire Hue le Espensier, respondi à ceuls qui envoiiet i furent de par le roi de France, que jà ne dispenseroit ce mariage, car il estoient trop proçain.
Ensi fu chils mariages brissiés et rompus, et aussi pluisseur hault baron de France n'en fissent point grant compte, car jà murmuroient ils que de ce mariage poroient venir trop grant mauls et que, apriès la mort dou roi Carle, qui consentoit à mettre sus et avant ces trettiés, li hiretages de la couronne de France ne devoit ne pooit en riens descendre, ne venir à ces filles, ne as enfans de la roine d'Engleterre, par les previlèges et estatus anciiens de France; et en estoient hiretier li fil au conte de Valois, Phelippes et Carles, jà fuissent ils de plus lontain degré, mais li contes de Valois lors pères avoit esté frèrez au biau roi Phelippe, roi de France. Fo 4.
P. 18, l. 6: merveilles.—Ms. de Rome: Grandes murmurations et escandales commenchièrent à monter en Engleterre à l'encontre dou roi et de ce Hue le Espensier, tant des nobles comme des prelas et marceans, et disoient ensi l'un à l'autre, qant il se trouvoient: «Nostres rois se mesuse trop mallement par l'enort et consel de ce Hue le Espensier. A quoi es çou bon que il ont mis hors d'Engleterre, la roine qui est serour dou roi de France et une vaillans dame, sage, humble et devote, et son jone fil, nostre hiretier, et aussi le conte de Qent, un vaillant homme et de bonne conscience, et ne sot se tenir en ce païs, pour tant que il a parlé à son frère le roi et à messire Hue le Espensier et leur a blamet leurs folies? Telles coses ne font pas à souffrir ne à consentir, et poroient lors œvres porter trop grant prejudisce à ce roiaulme, et seroit bon que on i pourveist.»
224 Li Londriien, qui ont tousjours esté, sont et seront, tant que il seront, li plus poissant de toute Engleterre, considerèrent ces affaires que les coses aloient en Engleterre trop mallement, et que justice n'i avoit point de lieu ne de audiense, ne li marceant n'osoient aler ne ceminer ne ne pooient, fors en grant peril et aventure de perdre lors corps et lors biens, parmi le roiaulme d'Engleterre. Si en parlèrent entre euls et dissent que il i couvenoit obviier, et que de la vie et gouvernance dou roi et de son consel, c'estoit une pure perte. Et sentirent que moult de nobles d'Engleterre s'enclineroient assés tos à ce que on i pourveist. Et couroit secrée renommée que li rois, par ses mesusances et folies, n'estoit point dignes de tenir terre, et que à tort et à pechiet il avoit eslongiet en sus de li sa fenme la roine d'Engleterre et son fil et son frère le conte de Qent, et se tenoit en la marce de Bristo en wiseusses et en deduis, et ne faisoit compte comment li roiaulmes fust menés ne gouvernés, mais que il euist ses plaisances et or et argent assés, et tout donnoit à ce Hue le Espensier et à ses complisces.
Si regardèrent que on i pourveroit, et eurent un certain consel secret en samble li auqun noble d'Engleterre et prelas, qui ne pooient plus souffrir ce que il veoient, et li Londriien, que il remanderoient la roine Issabiel lor dame et son fil et le conte de Qent, et fesissent tant que il euissent jusques à trois cens armeures de fier; mais que il fuissent arrivé en Engleterre, il trouveroient confort et aide assés des nobles d'Engleterre et des Londriiens. Et certefioient les lettres que tout ce que il venroit en Engleterre de gens d'armes, il seroient tout paiiet, et en faisoient li Londriien lor fait. En ce consel, furent les lettres escriptes et seelées, et chil esleu, qui feroient le message, et couvenoit bien que tout ce fust tenu en secré; il le fu. Et vinrent chil, qui envoiiet i furent, à Paris, et trouvèrent la roine et son fil et le conte de Qent. Si leur baillièrent à part les lettres; il les lisièrent. Si en furent tout resjoï, quant il veirent que la plus saine partie dou pais et li Londriien les mandoient, mais le plus fort pour euls estoit à trouver gens d'armes. Et ne s'osa, de ces lettres ne des mandemens, la roine d'Engleterre descouvrir à son frère le roi de France, ne à baron qui fust en France. Et ce li consellièrent li contes de Qent et messires Rogiers de Mortemer. Fo 4 vo.
P. 19, l. 7: sceuist.—Ms. d'Amiens et mss. A: Lors se 225 doubta que de force li rois de France ne le renvoiast en Engleterre; et s'avisa que, par dons, il atrairoit si le roy de France et son conseil qu'il n'aroient nulle volenté de la dame aidier, ne lui porter contraire. Donc envoya, par messaiges secrès et afaitiés de ce faire, grant plentet d'or et d'argent et jeuiaux rices et especiaux deviers le roy et son plus privet conseil. Et fist tant, en brief termine, que li roys et tous ses conssaulx furent ossi froit d'aidier la dame comme il avoient estet en grant desir. Et brisa li roys tout ce voiaige et deffendy, sus à perdre le royaumme, qu'il ne fuist nuls qui avoecques la roynne d'Engleterre se meist à voie, pour elle aidier à remettre en Engleterre à main armée. Dont li pluiseur chevalier et bachelier du dit royaumme en furent moult courouchiet, et s'esmervillièrent entre yaus pourquoi si soudainement li rois avoit fait ceste deffensce. Et en murmurèrent li aucun et disent bien que ors et argens i estoit efforcheement acourus d'Engleterre [66]. Fo 3.
P. 19, l. 8: messages.—Ms. d'Amiens et mss. A: Encoires vous diray je, se j'ay loisir, de quoy chilx messires Hues li Espenssiers s'avisa. Quant il vit qu'il n'avoit garde dou roy de Franche ne de ce costé, pour embellir et florir se mauvaitié et ratraire la roynne en Engleterre, et remettre en son dangier et dou roy son marit, il fist le roy d'Engleterre escripre au Saint Père en supliant assés affectueusement que il volsist escripre et mander au roy Charle de Franche que il lui volsist renvoiier sa femme, car il s'en voloit acquiter à Dieu et au monde, et que ce n'estoit mie sa couppe que elle estoit partie de lui, car il ne li voulloit que toutte amour et bonne loyaulté, telle que on doit tenir en mariaige. Avoecq ces lettrez que li dis messires Hues fist le roy d'Engleterre escripre au pape et as cardinaus en lui escusant, comme vous avés oy, et encorrez par pluiseurs soubtieves voies qui cy ne puevent mie estre touttes descriptez, il envoya grant or et grant argent à pluiseurs cardinaux et prelas les plus secrès et prochains du pape, et aussi les [messagiers sages [67] et advisez] et bien ydonne et taillié de faire ce messaige. Et mena tellement le pape, par ses dons et par ses fallasses, qu'il contournèrent dou tout la roynne Ysabiel d'Engleterre et 226 condempnèrent en son tort, et misent le roy d'Engleterre et son conseil à son droit. Et escripsi li papes par le conseil d'aucuns cardinaulx, qui de l'acord le dessus dit Espenssier estoient, au roy Carlon de Franche que, sour painne et sentensce d'escumeniement, il renvoyast sa serour la roynne Ysabiel en Engleterre devers le roy son marit. Ces lettrez veues et apportées devers le roy de Franche [68] et par si especial messagier que par l'evesque de Saintes en Poitau que li pappez y envoiioit en legacion, li roys fu durement esmeus sur sa sereur, et dist qu'il nel volloit plus soustenir à l'encontre de l'Eglise. Et fist dire à sa seur, car jà de grant temps ne parloit il plus à elle, que elle widast tost et hastivement son royaumme, ou il l'en feroit widier à honte [69]. Fo 3.
§ 8. P. 20, l. 12: nouvelles.—Ms. d'Amiens et mss. A: Si (la royne) ne seut que dire ne quel advis prendre, car jà l'eslongoient chil de Franche par le commandement dou roy, et n'avoit à nullui conseil ne retour, fors seulement à son chier cousin monseigneur Robert d'Artois. Mèz chilx secretement le consseilloit et confortoit che qu'il pooit, non à veue, car il ne l'osast fère pour le roy qui deffensce y avoit mis et en quel haynne et malivolensce la roynne estoit esceue, dont moult li anoioit, et savoit bien que par mal et par envie elle estoit ainssi decachie. Si estoit chils messires Robiers d'Artois si bien dou roy qu'il volloit; mès il ne l'en osoit parler, car il avoit oy dire le roy et jurer que chilx qui l'em paroit, quelx qui fust, il lui torroit sa terre et son royaumme. Si entendi il secretement que li roys estoit en vollenté de faire prendre sa soer, son fil, le comte de Cam et messire Rogier de Mortemer, et de remettre eus ès mains dou roy d'Engleterre et dou dit Espenssier. Et ensi le vint il dire de nuit à le roynne d'Engleterre, et le avisa dou peril où elle estoit. Dont fu la damme moult esbahie et requist, tout en plorant, conseil à monseigneur Robert d'Artois quel cose elle poroit faire ne ù traire à garant et à conseil: «En non Dieu, damme, dist 227 messires Robiers, li royaumme de Franche vous loe je bien à widier et retraire deviers l'Empire. Là a il pluiseurs grans seigneurs qui bien aidier vous poroient, et par especial li comtes Guillaummes de Haynnau et messirez Jehans de Haynnau ses frèrez. Chil doy sont grant seigneur, preudomme et loyaul, cremu et redoubté de leurs ennemis, amés de leurs amis et pourveu de grant sens et de parfaite honneur. Et croy bien que en yaux vous trouverés toutte adrèce de bon conseil, car autrement il ne le saroient ne voroient faire.» Fo 3.
P. 20, l. 28: apriès lui.—Ms. de Rome: La dame se ordonna apriès le consel de son serourge le conte de Qent, et prist congiet à son frère le roi de France. Li rois li donna assés legierement, mais il voloit que ses neveus Edouwars demorast avoecques lui, mais la dame l'escusa et dist que, sans son fil, point elle n'oseroit retourner en Engleterre. Li rois n'en parla plus avant, et li fist delivrer par ses chevaliers d'ostel deus mille florins, pour paiier ses menus frès sus son cemin. Et pour lorz estoit servis li rois d'un chevalier de Cambresis, qui se nonmoit li sires d'Esne. Li chevaliers s'offri à cevauchier avoecques la roine et en demanda congiet au roi, et li rois li acorda..... Et les conduisoit li sires d'Esne et aconduisi et amena en Cambresis, et furent un jour et une nuit en son chastiel, et de là vinrent à Buignicourt. Fo 5.
P. 20, l. 31: chastiel.—Ms. d'Amiens et mss. A 1 à 7, 9, 15 à 35: en l'ostel d'un petit chevalier. Fo 3.—Mss. A 11 à 13: en la maison d'un vaillant chevalier. Fo 5 vo.—Ms. de Rome: Pour ces jours i avoit ung chevalier et une dame de trop grant gouvernement. Fo 5.
P. 20, l. 31: Buignicourt.—Mss. A 7, 18, 19, 23 à 33: Aubrechicourt. Fo 5.—Mss. A 36 à 38: Chambresicourt. Fo 3.—Mss. A 34 et 35: Ambixecourt. Fo 6.
P. 21, l. 9: Buignicourt.—Mss. A: Aubrecicourt. Ms. A 1, fo 6.
P. 21, l. 9: chevalier.—Ms. de Rome: Et vint li sires d'Esne, sitos que la roine fu descendue à Buignicourt où elle fu dou chevalier et de la dame très joieusement requelloite, en la ville de Valenchiennes, car il n'i a pas de là longe voie à cevauchier: pour ces jours s'i tenoient li contes et la contesse et messires Jehans de Hainnau, sires de Biaumont, lors frères; et vint deviers euls en la Salle de Valenchiennes, et lor recorda ces nouvelles 228 desquelles il furent tout resjoi. Adonc dist li contes à son frère: «Jehan, cevauciés jusques à Buignicourt, et nous amenés nostre cousine la roine d'Engleterre: nous le volons festoiier en nostre pais.» Li sires de Biaumont respondi: «Volentiers.»
Tantos chevaus furent ensellé, et montèrent messires Jehans de Hainnau et sa route, car il estoit bien acompagniés, et issirent de Valenchiennes. Derechief li contes de Hainnau, qui fu uns moult honnourablez sires, et qui voloit requellier honnourablement la roine d'Engleterre et estre acompagniez de barons et chevaliers de son pais, mist messagiers en oevre et manda le signeur d'Antoing, le senescal de Hainnau, le signeur de Ligne, le signeur de Bailluel, le signeur de Barbançon, le signeur de Haverech, le signeur de Gonmegnies, le signeur de Vertain et moult d'autres, que tantoz et sans delai, il venissent à Valenchiennes. Il vinrent tout en bon arroi, et le plus vestis des draps de la livrée que li contes donnoit; et aussi dames et damoiselles vinrent dalés la contesse.
Messires Jehans de Hainnau cevauça et vint à Denaing oultre Valenchiennes, et là s'aresta. Et renvoia le signeur d'Esne à Buignicourt, et estoit moult tart, et li dist: «Je serai, à quelle heure que ce soit, encores à nuit dalés madame la roine. Dites li ensi.» Et fist tout ce pour mains cargier l'ostel, car il sentoit le chevalier et la dame de tout oultre bonne volenté. Li sires d'Esne vint à Buignicourt, et compta à la roine tout ce que il avoit veu et trouvé, dont la dame fut moult contente, et se reconforta mieuls que devant. Messires Jehans de Hainnau soupa à Denaing entre les damoiselles de l'abeie, gentils fenmes qui là estoient. Et tantos apriès souper, il prist Phelippe de Chastiaus, le plus proçain esquier que il euist; et montèrent as chevaus et deus pages, et cevaucièrent tous les plains et tantos furent à Buignicourt; et missent piet à terre, et entrèrent ens ou chastiel, car on les atendoit.
Messires Jehans de Hainnau se traist en une cambre où la roine d'Engleterre estoit, li contes de Qent, messires Rogiers de Mortemer et toutes les gens d'onnour, qui issu estoient d'Engleterre avoecques la ditte roine, laquelle estoit toute droite, et messires Jehans de Hainnau s'enclina moult bas contre lui. La dame le prist par la main, et le leva et l'enmena arrière; et qant la roine parloit au chevalier, il s'enclinoit tout bas, car des honnours de ce monde, messires Jehans de Hainnau estoit tous 229 fais et nouris. Là furent les aquintances douces et courtoisses; là remoustra la ditte dame au chevalier moult doucement toutes ses mesestances. Fo 5.
§ 9. P. 22, l. 11: doucement.—Ms. de Rome: Et qant la roine vint à la parole de dire comment li Londriien, par le consentement de pluisseurs prelas et barons d'Engleterre, le mandoient que elle retournast en Engleterre, et que elle fesist tant que elle euist trois cens ou quatre cens armeures de fier, car li langages dou prononchier pour le temps de lors estoit tels, et les amenast ou pais, et li Londriien les delivreroient de tous poins et se meteroient en lor compagnie: «car par ma foi, messire Jehan et biau cousin, je n'ai de quoi faire ce paiement: je n'ai finance fors que pour mes menus frès;» il respondi promptement et dist: «Madame, vechi vostre chevalier qui n'a pour le present que faire, ne à quoi entendre. Si voel estre en vostre service, et n'entenderai jamais à autre cose, si vous aurai remis en Engleterre. Monsigneur mon frère et moi, avons finance assés, chevaliers et esquiers qui desirent les armes, et qui ne sont pour le present de riens cargiet ne ensonniiet: si ne vous fault point doubter que, par faute de mise et de chevalerie, vostres voiages soit requlés, car à l'aide de Dieu et de saint George, nous l'acheverons.»
A ceste parole, plora moult tendrement la dame de joie et de pité, et l'en remerchia de bon coer. Et puis li dist messires Jehans de Hainnau: «Madame, monsigneur mon frère et madame ma soer la comtesse de Hainnau vous prient par moi que vous les venés veoir et lors enfans.» La roine respondi et dist que, de ce faire elle estoit toute preste et tenue dou faire, et que pour euls veoir principaument, elle estoit avalée et venue de France jusques à là. Ensi se portèrent les premières acquointances entre la roine d'Engleterre et messire Jehan de Hainnau; et fu là environ deus heures, et parlèrent de pluisseurs coses assés, et prissent vins et espisces par deus fois.
Tout ce fait, messires Jehans de Hainnau prist congiet à la roine et à son fil et au conte de Qent et à tous et à toutes, et issi hors dou chastiel, et monta à ceval et son esquier et leur page. Li sires d'Esne, li sires d'Aubrecicourt et trois dez enfans de Mauni qui là estoient, Gilles, Jehans et Tieris, le reconvoiièrent. Watiers et Willaumes de Mauni demorèrent dalés la roine. Et 230 s'en revinrent messires Jehans et li aultre à Denaing, et là demorèrent la nuit; mais chil qui acompagniet avoient le signeur de Biaumont, retournèrent à Buignicourt dalés la roine d'Engleterre. Fo 5 vo.
P. 23, l. 11: remuneret.—Ms. d'Amiens et mss. A: Je devenroie vostre serve, et mes fils vostres sers à tous jours, et mettriens tout le royaume d'Engleterre à vostre abandon, et à bon droit. Fo 3.
P. 23, l. 13: Byaumont.—Ms. d'Amiens et mss. A: qui estoit en le fleur de son eage. Fo 3.
§ 10. P. 23, l. 24: se parti.—Ms. de Rome: Qant messires Jehans de Hainnau eut dormi et reposé tout à son aise en l'abeie de Denaing, il se leva et apparilla, et puis monta à cheval, et prist congiet à dames et à damoiselles qui pour ces jours i estoient. Et s'en vint à Valenchiennes, et descendi à la Sale dou Conte, et trouva jà des barons et des chevaliers de Hainnau qui estoient venut. Il se traist deviers son frère qui devoit aler à table; se li recorda, avant que il s'aseist, tout ensi comme il avoit fait, et l'estat et l'ordenance de la roine et des paroles et requestes que elle avoit misses avant, et aussi de celles que il avoit respondu. De tout se contenta li contes et dist que il avoit moult bien fait, et li savoit très bon gré de ce que il s'estoit offers et mis ens ou service de la roine d'Engleterre et de son fil, et que point il ne li faudroit, fust de gens, fust de finance: «En nom Dieu, biau frère, respondi li sires de Biaumont, sus la fiance de vous ai je parlé si hardiement; et aussi certainnement je ai eu si grant pité de la bonne dame et ai encores, que je ne li poroie fallir pour mettre toute ma cavance.» Adonc lavèrent li signeur et se asissent à table.
Apriès disner, ordonné fu que messires Jehans de Hainnau, li sires d'Enghien, li sires d'Antoing, li sires de Ligne et li sires de Havrech chevauceroient ce soir et iroient à Bouchain souper, et à l'endemain il iroient querir la roine d'Engleterre à Buignicourt et son fil et le conte de Qent et toute lor compagnie, et les amenroient disner à Bouçain; et puis apriès disner, il s'en departiroient, et venroient par Haspre et tout le grant chemin de Cambrai, et enteroient à Valenchiennes, par la porte c'on dist Cambrissienne, et les amenroient à la Sale; et là les recheveroient li contes, la contesse, signeurs, dames et damoisellez qui 231 lor venroient à l'encontre. Celle ordenance sambla bonne, et, se li hostels dou Conte estoit bien pourveus, encores fu ils renforciés; et furent envoiies, à chars et à chevaus, grandes pourveances à Bouchain. Et là vinrent messires Jehans de Hainnau et li signeur desus nommé ce soir souper et jessir. Qant ce vint à l'endemain, tout montèrent qant il orent oy messe, et puis cevauchièrent moult ordonneement tout cel pais et plain d'Ostrevant, et vinrent au chastel de Buignicourt. Et jà estoit la roine d'Engleterre segnefiie de lor venue et toute ordonnée pour partir, car bien savoit que on le venoit querre de par le conte de Hainnau; et li avoit madame Jehane de Valois, contesse de Hainnau, envoiiet son char ordonné et apparilliet ensi que pour lui. Chil baron de Hainnau vinrent à la roine d'Engleterre, et l'onnou[rè]rent grandement, ensi que bien le sceurent faire, et elle euls.
Adonc prist la roine congiet à la dame de Buignicourt et à tous ses enfans, dont elle avoit assés, fils et filles, et li dist et proumist que, pour la bonne chière que elle avoit trouvé en li et en son mari, elle se sentoit grandement tenue à euls, et que si enfant, ou temps à venir, en vaudroient mieuls. La bonne dame de Buignicourt et d'Aubrecicourt, comme sage et discrète, se humelia et remerchia de tout. Adonc entra la roine ou char la contesse de Hainnau, et mist son fil Edouward en coste li et une dame d'Engleterre qui l'avoit acompagniet, que on nonmoit la dame de Briane, et avoient li rois et li Espensiers fait decoler son mari; et puis se departirent de Buignicourt et cevauchièrent tout souef à belle compagnie, tous jours messire Jehan de Hainnau dalés la roine au char, et vinrent à Bouchain et là disnèrent. Apriès disner, tout s'en departirent et se missent au cemin et passèrent Haspre, qant tous et toutes orent beu un cop, et prissent le cemin de Valenchiennes.
Ensi que la roine et chil signeur desus nonmé descendoient ens ès praieries de Fontenielles, jà estoient venu chevaliers et esquiers, qui bouté s'estoient et armé pour la jouste, ens ès bois de Fontenielles, et aultres officiiers de par le conte, qui presentèrent à la roine et à son fil et au conte de Qent et à messire Rogier de Mortemer, chevaus et palefrois si bien aournés de tout ce que à euls apertenoit, que riens n'i avoit espargniet, laquelle cose la roine d'Engleterre vei moult volentiers. Aussi fist ses fils et toutes lors gens, et les avoit on là amenés et envoiiés pour la roine et la dame de Briane et les damoiselles monter sus et 232 renouveler de monteure, mais la ditte roine ne la dame, qui ens ou char estoient, n'en issirent point, si furent venu en la Sale à Valenchiennes; mais li jones Edouwars monta sus un palefroi tout preparé et ordonné pour lui. Toute la compagnie montèrent sus les camps, en aprochant le bos de Fontenelles. Et dou bois issirent chevaliers et esquiers armés pour la jouste, et là joustèrent moult radement devant la roine et les signeurs. Et tout en venant et en chevauçant vers Valenchiennes, chevalier et esquier joustoient sans euls espargnier, tels que li sires de Gonmegnies, li sires de Vertain, li sires de Mastain, li sires de Biellain, li sires de Hordain, li sires de Potelles, li sires de Vendegies, li Borgnes de Robertsart, Gilles de Mauni, dis Grignars, Gilles de Soumain et Ostes ses frères, et plus de quarante chevaliers et esquiers. Et tout ce veoit la reine d'Engleterre moult volentiers, et aussi faisoit ses fils. Et durèrent ces joustes jusques à moult priès de Valenciennes.
Si issirent hors de la ville grant fuisson de bourgois de Valenchiennes, bien montés et aournés et en bonne ordonnance [70], et vinrent contre la roine et son fil et les signeurs. Et fu ensi la roine d'Engleterre amenée honourablement jusque en la Salle de Valenchiennes, et issi au piet des grès hors dou char. Et encontrèrent à l'entrée de la Salle amont le conte de Hainnau, tout à nu chief, la contesse sa femme et lors enfans, Margerite, Jehanne, Phelippe, Isabiel et lor frère Guillaume, qui tout estoient jone; si honnourèrent la roine, et elle, euls. Et la conjoirent et la requellièrent moult doucement li contes et la contesse, ensi comme il apertenoit et que bien le sceurent faire. Et vous di que toute la Salle fu adonc laissie pour la roine d'Engleterre logier et ses gens; et li contes et la contesse estoient logiet en l'ostel de Hollandes, et lors enfans, à Malaunoit, et aussi avoient il là par jour lor retret.
La roine d'Engleterre veoit que li contes de Hainnau et la contesse li faisoient tant d'onnour que plus ne l'en pooient faire; si en looit Dieu et regratioit grandement en soi meismes, car elle esperoit bien que par euls et les Hainnuiers, elle seroit confortée et adrechiée, eusi que elle fu si grandement, comme 233 vous orés recorder avant en l'histoire. Et fu la ditte roine et ses fils et li contes de Qent grandement tenu au conte de Hainnau et à messire Jehan de Hainnau, son frère, et as Hainnuiers, car elle ne trouvoit en France, ne aultre part, nul confort, ne qui se vosist ensonniier de ses besongnes, qant li gentils chevaliers messires Jehans de Hainnau emprist le faix et le carge. Dont pluisseurs gens, en Hainnau meismement, l'en tenoient à fol et à mal consilliet, qant à tout une poignie de gens, il se mist en l'aventure d'aler en Engleterre à rencontre dou roi, dou signeur Espensier et de ceuls de lor sieste. Au voir dire, se li Londriien n'euissent esté, et auquns nobles dou pais qui furent dou confort et aliance la roine, jamais piés n'en fust retournés. Fo 6.
P. 24, l. 5: faire.—Ms. d'Amiens et mss. A: Adonc, avoit li comtes Guillaumme quatre fillez, Margherite, Phelippe, Jehanne et Ysabiel. De quoy li jones Edouwars, qui fu puis roys d'Engleterre, s'adonnoit le plus et s'enclinoit de regart et d'amour sus Phelippe que sus lez autrez. Et ossi la jonne fille le connoissoit [71] plus, et lui tenoit plus grant compaignie que nule de sez sereurs. Ainsi l'ay je oy depuis recorder la bonne damme qui fu roynne d'Engleterre, et dallés qui je demouray et servi; mès ce fu trop tart pour my. Si me fist elle tant de biens que j'en sui tenus de priier à tous jours mès [72]. Fos 3 vo et 4.
P. 24, l. 10: trois sepmainnes.—Ms. d'Amiens et mss. A: huit jours. Fo 4.
P. 24, l. 14 et 15: Hasbaing.—Ms. A 7: Bashaingne. Fo 5 vo.—Mss. A 18, 19, 23 à 35: Behaigne. Fo 7.
P. 24, l. 15: prioit.—Ms. de Rome: En ces sejours, joies et esbatemens où li contes Guillaumes de Hainnau tint et rechut la roine d'Engleterre en la ville de Valenchiennes, fu ordonné de messire Jehan de Hainnau comment il feroit, ne quel carge de gens d'armes il aueroit. Pluisseur jone chevalier et esquier de Hainnau s'offroient à messire Jehan et li disoient: «Sire, menés nous avoecques vous, nous vous volons servir sus ce voiage à nostres costages.» Li gentils chevaliers respondoit et disoit: «Grant merchis, biau signeur, j'en aurai avis. Je ne vous refuse 234 pas; mais le carge que je aurai, monsigneur mon frère le me fera.» Ensi s'escusoit li chevaliers. Fo 7.
§ 11. P. 25, l. 11: Ensi.—Ms. et Amiens et mss. A: Enssi estoit meus et encoragiés messires Jehans de Haynnau, et faisoit se semonse et se priière des Haynuyers à estre à Hal, et les Braibenchons à estre à Bredas, et les Hasbegnons au Mont Sainte-Getrud, et les Hollandois, dont il eut aucuns, à estre à Dourdrecq. Lors prist congiet la roynne d'Engleterre au comte de Haynnau et à la contesse, et les remerchia grandement et doucement de l'honneur, de le feste et de le bonne chierre et belle recoeilloite qu'il li avoient fet, et le baisa au partir et la contesse et leurs biaux enfans. Ainssi se parti la damme et ses filz et toutte leur routte, acompaigniet de monsigneur Jehan de Haynnau, qui à grant dur et moult envis avoit eut congiet de monseigneur son frère, quoy qu'il se fuist de premiers acordés et asentis ad ce voiaige; mès finablement il li dounna de bonne vollenté. Et li dist ensi messires Jehans par trop biau langaige: «Monseigneur, je sui jones et encorrez à faire. Si croy que Dieux m'ait pourveu de ceste emprise pour mon avanchement; et, se Dieux me vaille, li couraige m'en siet trop bien que nous en venronz à nostre deseure; car je quide et croy de verité que par peciet, à tort et par envie, on a ceste bonne roynne decachie et son fil hors d'Engleterre. Si est aumousne et gloire à Dieu et au monde d'adrecer et reconforter les desconfortéz et desconfortées, et especialment si noble et haute damme comme cesti est, qui fu fille de roy et est descendue de royal lignie, et sommes de son sancq et elle dou nostre. Je aroie plus cher à renuncher à tout che que j'ay vaillant, et aler servir Dieu oultre mer, sans jammais retourner en ce pays, que la bonne damme fust partie de nous sans comfort et ayde. Si me layés aller et donnés congiet de bonne volenté; si ferés bien et vous en saray gré, et s'en esploiteront mieux mes besoingnes.»
Quant li bons comtez de Haynnau eut oy son frère et perchut le grant desir qu'il a de faire ce voiaige, qui à très haulte honneur li puelt retourner et à ses hoirs à tous jours mès, et congnoist bien qu'il dist verité, si en eult grant joie et li dist: «Biau frère, ne plaise jà à Dieu que vostre bon pourpos je vous brise ne oste, et je vous donne congiet ou nom de Dieu.» Lors le baisa et li estraindi le main en signe de grant amour. Ensi se 235 parti messires Jehans de Haynnau, et s'en vint ce jour jesir à Mons en Haynnau, et ossi la roynne d'Engleterre. Que vous eslongeroie la matère? Il lisent tant par leurs journées qu'il vinrent à Dourdrech en Hollandez où li especiaux mandemens estoit fès. Fo. 4.
Ms. de Rome: Li jours fu assignés le dix septième jour du mois de septembre à estre à Dourdresc. Et tout se ordonnèrent et apparillièrent, chil qui aler i devoient. Et vinrent devant le jour li pluisseurs en la ville de Dourdresc, et là atendirent tout l'un l'autre. Là estoient gens d'office de par messire Jehan de Hainnau, qui faisoient les pourveances de mer et apparilloient barges et balenghiers, pour passer oultre en Engleterre. Toutes ces coses furent sceues deviers le roi d'Engleterre et le signeur Espensier et lors complisces, comment la roine d'Engleterre et ses fils et li contes de Qent estoient descendu de France en Hainnau et avoient tant fait deviers le conte et son frère que messires Jehans de Hainnau, à poissance de gens d'armes, les devoit ramener et remettre en Engleterre, maugré tous lors nuissans. Adonc i pourveirent il pour obviier à l'encontre de euls, et fissent garder pors, havenes et passages à grant fuisson de gens d'armes et d'archiers. Et lor estoit estroitement commandé que tout ce que il veroient, qui prendre terre vodroient en Engleterre, fuissent mort, sans nului prendre à merchi.
Qant messires Jehans de Hainnau senti que toutes les pourveances estoient faites, et ses gens desquels ils se voloit aidier, venu à Dourdresc, et plus encores que il n'en euist pris et retenus, il dist à la roine d'Engleterre: «Dame, il est temps que nous nos metons à voiage, car ceuls que je pense amener avoecques nous en Engleterre, sont tout prest et nous attendent au passage.» La dame respondi: «Dieus i ait part!» Adonc prist elle congiet au conte de Hainnau et à la contesse, et les remerchia moult doucement de la bonne et honnourable requelloite que fait li avoient. Là fu pris li congiés, et baissa la roine à son departir tous les enfans, l'un apriès l'aultre, de Hainnau, et aussi fist son fil Edouwars. Phelippe de Hainnau, qui puis fu roine d'Engleterre, commença trop fort à plorer, qant li jones Edouwars prist congiet. On li demanda pourquoi elle ploroit: «Pour ce, dist elle, que mon biau cousin Edouwars d'Engleterre se depart de moi, et je l'avoie jà apris.» Dont commenchièrent li chevalier qui là estoient, à rire, et depuis li 236 fu ramenteu, qant li mariages fu tretiés de lui et de l'anfant d'Engleterre. Et elle en respondi adonc sagement et dist que son coer s'i traioit trop grandement, et pensoit bien que elle seroit encorez sa fenme.
Ensi se departi la roine d'Engleterre du conte de Hainnau et de la contesse. Et estoient, pour ce jour que li congiés fu pris, à Mons en Hainnau, et vinrent jessir à Binch, et à l'endemain à Nivelle, et à l'endemain à Villevort. Et esqievèrent Brousselles et passèrent à destre, et fissent tant que il vinrent à Mont Sainte-Gertrut et de là à Dourdresc. Et n'i sejournèrent que demi jour que il entrèrent ens ès vassiaus, car il gissoient ou havene à l'ancre et estoient tous prês. Et qant li ceval furent tout guidé ceuls que mener on en voloit, et la mer fu revenue, tout par ordenance entrèrent ens ès vassiaus. Et estoit marescaus de le ost messires Jehan de Hainnau et messires Fasterés dou Rues. Qant tout furent entré, il desancrèrent et puis traissent les voilles amont; si esquipèrent et se departirent, et avoient vent et marée pour euls. Pour ce temps, estoit messires Jehans de Hainnau en la droite flour de sa jonèce, et de si grant volenté que nuls chevaliers pooit estre. Et pour ce entreprist il le dit voiage si liement, et ne resongnoit painne ne peril qui li peuist avenir. Aussi il n'i pensoit point, et estoit et fu tout dis ens ou vassiel la roine d'Engleterre et de son fil. Fo 7.
P. 26, l. 10: d'Antoing.—Le ms. d'Amiens omet: Robers de Bailluel, et il ajoute: li sires de Havrech castelain de Mons, messires Robiers de Biaufor. Fo 4.—Le ms. d'Amiens et les mss. A omettent: Fastres dou Rues,.... Sanses de Biauriu, li sires de Wargni, et ils ajoutent: li sirez de Villers, li sirez de Henin, li sirez de Sars, li sirez de Bousiez [73], li sirez de Vertaing [74],.... li sirez d'Estrumel [75], messires [Waflars] [76] de Gistellez. Fo 4.—Le ms. de Rome ajoute:.... messire Gerart de Vendegies,.... le signeur d'Espinoit, le Borgne de Robertsart, messire Gille Grignart de Mauni, Willaume dou Casteler, Oste et Gille de Soumain et pluisseurs aultres. Et estoit li sires de Fagnuelles 237 compains à banière à messire Jehan de Hainnau, et marescaus de l'oost messires Fasterés dou Rues. Fo 7.
P. 26, l. 13: Ligne.—Mss. A 15 à 17: Ligny. Fo 7 vo.
P. 26, l. 13: Boussoit.—Mss. A 11 à 13, 34, 35: Bouffort. Fo 7.
P. 26, l. 14: Semeries.—Mss. A 1 à 6, 8 à 17, 20 à 22: Sameries. Fo 7 vo.—Ms. A 23: Smeriz. Fo 8 vo.
P. 26, l. 16: li sires de Montegni.—Ms. d'Amiens: li Estandars de Montegni. Fo 4.—Ms. de Rome: le signeur de Montegni en Ostrevant. Fo 7.
P. 26, l. 17: d'Aubrecicourt.—Mss. A 2, 20 à 22: d'Ambrecicourt. Fo 8.—Ms. A 18: d'Aubregicourt. Fo 8.
P. 26, l. 19 et 20: Hesbegnons.—Mss. A 1 à 6, 11 à 13, 15 à 35: Behaignons. Fo 7.
P. 26, l. 21: par mer.—Ms. d'Amiens et mss. A: Quant il furent parti dou havene de Dourdrec, moult estoit la navie belle seloncq la quantité et bien ordonnée, et li tamps biaux et souefs, et li airs assez moistes et atemprés; et mirent à l'ancre ceste première marée devant les dicques de Hollande sus le departement de le terre. L'endemain, il se desancrèrent et sachièrent les singles amont, et se missent au chemin en costiant Zellandes. Fo 4.
P. 26, l. 24: tourmens.—Ms. de Rome: (Il) orent ce premier jour et le second assés bon vent, et avoient jetté lor avis signeurs et maronniers que par la grasce de Dieu il iroient prendre terre au port à Orvelle, en la marce de Exsesses. Or lor revint un fors vens contraires qui les rebouta moult arrière de ce port, et ce fu tout à lor pourfit et droite grasce que Dieus lor fist; car se il fuissent arivé à Orvelle, il euissent trouvé plus de vint mille hommes, qui là les atendoient, archiers et aultres, et pour euls tous ocire et destruire. Ensi estoit il commandé et ordonné dou roi et dou signeur Espensier et dou conte d'Arondiel qui estoit de lor aliance. Et estoient les pors et les havenes d'Engleterre si bien gardés à l'encontre de Flandres et de Hollandes que on n'i pooit venir ne entrer, fors par la bataille. Chils vens contraires lor dura deus jours, et costiièrent Frisse; et ne savoient bonnement à dire li maronnier où il estoient.
Au tierch jour, vens lor revint à droit souhet, et qui les mena et bouta droit contre Engleterre, et tant que li maronnier en orent la congnissance. Si demandèrent à la roine et as signeurs quel cose 238 il voloient faire, et se il prenderoient terre à l'aventure en Engleterre, car il disoient que il estoient trop en sus de Orvelle et de Clocestre et des pors et des havenes de celle bende. Il dissent: «Oil» et presissent terre où que fust, au plus tost que il peuissent, car prendre lor couvenoit pour euls rafresqir et lors chevaus. Et vous di que tout chil maronnier estoient de Hollandes et de Zellandes, et ne connissoient pas bien tout le pais et encores ce que la mer les avoit tourmentés.
Adonc singlèrent ils à l'adrèce, ensi que li vens les menoit et que Dieus proprement les conduisoit et voloit que ils euissent ce cemin et non aultre, et s'adrecièrent contre Engleterre, que il veoient devant euls. Et s'en vinrent ferir lors nefs tout de une flote sus le sabelon en terre descongneue, où il n'avoit ne havene ne port; mais le sabelon estoit assés ferme et bon pour ancrer et sans peril. Et si veoient assés plain pais et ouni devant euls, fors tant que il i avoit grant fuisson de genestres et de petis buissons, ensi comme en lieu où nuls ne nulle ne demeure ne ne converse. Toutesfois il prissent la terre, et furent trop resjoi qant il se veirent à ferme terre et hors des dangiers de la mer, et missent lors chevaus petit à petit hors des vassiaus et toutes lors pourveances, et traissent tout hors en sus de la mer, et là où elle ne pooit monter ne venir. Et trouvèrent un rieu d'aige moult clère, qui venoit d'amont de fontevis; et ce fist grant bien à euls et à lors chevaus, car il en furent rafresqui.
Et ne savoient li contes de Qent, messires Rogiers de Mortemer, ne nuls Englois qui là fuissent, où il estoient arivet, fors tant que il disoient que il estoient en Engleterre. Toutesfois il se logièrent entre ces broussis, car il faisoit biel, chaut et cler, ensi comme il fait ou mois d'aoust. Si portoient l'un par l'autre lor painne et travel, assés liement et legierement, et ne savoient à dire se il estoient en pooir d'amis ou d'ennemis. Et orent, en trois jours que il furent là, tamainte imagination pour sçavoir se il renteroient en lors vassiaus, et costieroient Engleterre par mer, tant que ils trouveroient havene ou port. Toutesfois tout consideré, li plus des signeurs ne s'acordoient point de rentrer en mer pour la cause de lorz chevaus, mais se voloient mettre au cemin parmi Engleterre, à l'aventure. Chils consauls fu arestés et tenus, et furent les nefs recargies de tout ce que il veoient que point mener il n'en pooient. Et fu dit as maronniers: «Retournés ent arrière en Hollandes, et se on vous demande de nous, si dittes ce que 239 vous en savés, et riens oultre, car il n'i a nul en nostre compagnie qui sace à dire où nous sonmes, fors en Engleterre; et achevirons che pourquoi nous i sonmes venu, ou nous i demorrons tout.» Li maronnier respondirent: «Dieux i ait part, mais encores serons nous ichi à l'ancre jusques à demain, que vous dittes que vous vos deslogerés.» Et li signeur respondirent: «Vous dittes bien.»
Quant ce vint au quatrime jour, et que euls et lors cevaus furent tout rafresqi et en grant volenté de ceminer avant pour trouver quelsque aventures, il se departirent et se recommandèrent en la garde de Dieu, et ceminèrent parmi ces broussis. Et les couvint aler tout le pas, car le plus de lors chevaus estoient cargiés de lors armeurez et de pourveances. Qant li maronnier les veirent eslongiés et que la mer fu revenue, il se departirent de là, tout de une flote, et traissent les voilles amont et entrèrent dedens la mer, et retournèrent arrière sans peril et vinrent en Hollandes. Et qant on lor demanda que la roine d'Engleterre et messires Jehan de Hainnau et li chevalier et lors gens estoient devenu, il en respondirent tout ensi et ou parti où il les avoient laissiet en Engleterre. Et qant li contes de Hainnau entendi ces premières nouvelles, si ot pluisseurs dures imaginations, et fu en grant esmai de son frère et de toute la compagnie.
Tant ceminèrent à destre et à senestre la roine d'Engleterre et ses fils et messires Jehans de Hainnau et toute la route que il trouvèrent un petit hamelet, où il n'avoit que sis maissons. Et un petit oultre, il veirent un hault moustier, dont furent il tout resjoi, et dissent: «Nous orons et auerons, se il plaist à Dieu, proçainnement bonnes nouvelles.» Adonc s'arestèrent ils tous sus les camps. Et envoia li contes de Qent, un varlet à cheval au village, pour savoir comment li moustiers, que il veoient, se nonmoit. Li varlés englois cevauça jusques à là, et raporta as signeurs que chils hauls moustiers estoit une abbeie, que on nonme Saint Ainmon, et [de] noirs monnes. Adonc se departirent euls de là, et s'adrechièrent viers l'abeie.
Qant il furent là venu, et il entrèrent dedens le porte, li monne chantoient vespres, mais il orent si grant paour que il lassièrent tout en mi plain, et s'en alèrent reponre, dont chà, dont là; et proprement li abbes s'ala bouter dedens un celier et là enclore. Et quidoient bien chil monne que ce fuissent Escoçois ou Danois, de ces gens d'armes, qui là fuissent venu par mer, pour euls 240 rober. Et ne savoient li signeur à qui parler; toutesfois tant alèrent et vinrent que il trouvèrent un convers, qui issoit hors d'un gardin et venoit en la court. Qant il vei ces gens d'armes, il s'en volt fuir, mais il ne pot. On le prist, mais on l'aseura; et li fu demandé où l'abbé et li monne estoient. Il respondi que il ne savoit, et que il les quidoit ou moustier. Dont li fu dit que il les alast querre et asegurer, car il ne lor voloient que tout bien.
Li convers, suz ceste asegurance, fist tant que il trouva les monnes; si les asegura de par les signeurs, et les fist venir avant. Qant il furent venu, li signeur parlèrent doucement à euls. Et se nonmèrent li contes de Qent et messires Rogiers de Mortemer, et leur dissent: «Alés querre vostre abbé, et li dittes que il ne soit en nulle doubte, et que la roine d'Engleterre et ses fils le demandent.» Sus ces paroles, il quissent tant l'abet que il le trouvèrent; se li comptèrent cez paroles. Qant il entendi ce, si fu tous resjois; et se traist tantos avant, et s'en vint deviers la roine et son fil. Et s'umelia et s'escusa de ce que ils et si monne estoient ensi demuchié et repus, car il quidièrent bien, tel fois fu, à estre tout pris et perdu d'Escoçois ou de Danois ou d'aultres robeours qui venissent rober l'abbeie. On les tint bien pour esqusés et à bonne cause.
Adonc furent il logiet là dedens, selonch l'ordenance de la maiso[n], assez aise. Et eurent li signeur cambres, et trouvèrent grant fuisson de grains et de fourages pour lors chevaus, qui leur fist grant bien. Et bien en avoient li cheval mestier, car il avoient esté travilliet de la mer, et aussi couchiet trois nuis sus les bruièrez; si prissent en grant gré cel aise et che repos. Et aussi fissent la roine d'Engleterre et li signeur et lors gens, et se rafresqirent dedens l'abeie de Saint Ainmon de tous poins, et i furent trois jours. Et lor amenistra li abbes varlès, pour aler là où il les envoiièrent. Premierement il segnefiièrent lor venue au conte Henri de Lancastre au Tors Col, qui frères avoit esté au conte Thomas de Lancastre, qui fu decolés, ensi que vous avés oy; secondement, au maire et à la ville de Londres, au conte de Warvich, au baron de Stanfort, au signeur de Briane, au signeur de Manne, au signeur de Persi et à tous les barons, sus laquelle seureté il estoient venu en Engleterre. Fos 7 vo et 8.
P. 26, l. 29: davantage.—Ms. B 6: car messire Hues le Despensier, qui savoit tout le couvin et le conduite de la damme, et comment à gens d'armes elle volloit venir ou pais, avoit prouveu 241 sur le pasaige plus de dix mille hommes, qui tous estoient aparliet de mettre à l'espée le royne d'Engleterre, son filz et tous les autres, sans nulluy prendre à merchy. Fo 12.
§ 12. P. 27, l. 29: premiers.—Ms. de Rome: Li contes Henris de Lancastre au Tors Col fu tous li premiers qui vint à grant fuisson de gens d'armes et d'archiers. Puis vinrent de Northombrelande li sires de Persi, li sires de Noefville, li sires de Montbrai et li sires de Lussi. Puis vint li sires de Stanfort; et ensi chevaliers et esquiers et archiers venoient de tous lés. Sitos que les nouvelles furent sceues sus le pais que la roine d'Engleterre et ses fils estoient arivet et venu à belle compagnie de gens d'armes, li Londriien furent trop grandement resjoi de la venue de la roine, et ordonnèrent tantos à aler à l'encontre de li. Et se departirent de Londres en bon arroi deus mille hommes d'armes et quatre mille archierz, et li maires meismes en fu menères et conduisières. Tout ne peurent pas venir à l'abeie de Saint Ainmon, avant que la roine s'en departesist; mais sitos que li contes Henris de Lancastre fu venus, qui grandement honnoura messire Jehan de Hainnau et les Hannuiers, dou grant et biau service que il faisoient à la roine d'Engleterre et à son fil et au pais, il eurent avis et consel que il s'en iroient tout droit vierz Bristo, là où li rois d'Engleterre, et chils Hues li Espensiers et ses pères et li contes d'Arondiel se tenoient. Si se missent au cemin, et tous les jours venoient gens de tous costés ens ou service de la roine, et tant que il se trouvèrent bien, qant li Londriien furent venu, quatre mille hommes d'armes et vint mille archiers.
Cez nouvelles furent sceues à Bristo, qui est une bonne ville et forte, et bon port de mer. Et là se rentre la rivière de la Saverne, qui depart le roiaulme de Gallez et Engleterre, en la mer. Et est la ville de Bristo forte et bien fremée. Et encores est li chastiaus plus fors, qui sciet sus la mer, car il est environnés de la Saverne et de la mer. Qant li rois et li sires Espensiers entendirent que la roine et ses fils venoient là à poissance de gens d'armes, et estoit li contes Henris de Lancastre en la compagnie, et li maires de Londres et li Londriien en lor compagnie, si furent tout esbahi et trop esmervilliet par où il estoient entré ne arivé en Engleterre, qant les pors et les havenes estoient partout si bien gardé. Il lor fu dit et compté toute la manière, 242 ensi que il lor en estoit avenu. Adonc demanda li rois consel au comte d'Arondiel, liquels avoit la fille au signeur Espensier, et au signeur Espensier le père et le fil, comment il se poroit tenir de ceste avenue et resister à l'encontre de euls, car fuirs ne eslongiers ne lor estoit pourfitable, ne honnourable. On li dist: «Sire, envoiiés messages à tous lés et faites un commandement que toutes gens viennent et sans delai, et sus la painne que de perdre corps et avoir, et especiaument mandés en Galles: li Galois ne vous faudront point. Nous nos tenrons bien en ceste ville, car elle est forte assés, tant que seqours vous sera venus de tous costés. Et les gens d'armes et les archiers que vous avés establis sus les pors et sus les havenes, il ne puet estre que il ne soient ores enfourmé de ces nouvelles; et creons bien que il viennent efforciemment et que proçainnement il seront chi, ou il combateront la roine et ses gens sus son cemin.» Li rois tint ce consel, autre ne pooit avoir, et envoiia ses messages et ses varlès partout là où il pensoit à avoir gens et par especial en Galles, car ce li estoit la terre la plus proçainne.
Vous devés sçavoir que chil qui furent escript et mandé dou roi, qant il entendirent que la roine venoit à poissance de gens d'armes et d'archiers, et estoient li Londriien en sa compagnie, ne se hastoient point de venir, mais se dissimuloient, car il veoient bien que les besongnes se porteroient mal pour le roi et ses complisses. Messires Henris de Biaumont, un grant baron d'Engleterre, et messires Thomas Wage, son oncle, qui venoient servir la roine d'Engleterre, trouvèrent d'aventure sus les camps des varlès dou roi, liquel estoient parti de Bristo et aloient au commandement dou roi semondre chevaliers et esquiers et euls dire que tantos et sans delai il venissent à Bristo deviers le roi, et commandoit que à ce besoing nuls ne le fausist, sus la painne de estre pugnis de corps et d'avoir. Furent requis que il alaissent celle part, il respondirent et demandèrent: «Et de qui se doubte li rois?» et ignorèrent que il n'en savoient riens. Chil varlet et messagier dou roi leur dissent que nouvelles estoient venues au roi et à messire Hue l'Espensier et au conte d'Arondiel, que la roine, ses fils et li contes de Qent avoit pris terre en Engleterre; et estoient en sa compagnie grant fuisson de gens d'armes que li contes de Hainnau lor avoit delivrés. Chil doi chevalier fissent l'esmervilliet et dissent: «Alés, alés, 243 nous alons celle part.» Il disoient verité, mais c'estoit en confortant la roine. En ce meisme jour, il trouvèrent la roine et toute sa route. Si recordèrent ces nouvelles; on n'en fist nul compte, car li seigneur savoient bien que il ne seroient grevé ne rencontré de nului. Et sitos que chil doi chevalier furent venu, messires Thomas Wage fu ordonnés à estre marescaus de toute l'oost; et chevaucièrent tant, en traversant le pais, que il aprocièrent Bristo. Et par toutes les villes là où il venoient et entroient, on lor faisoit feste et honnour; et tout dis leur venoient gens, à destre et à senestre, de tous costés. Et tant fissent par lors journées que il vinrent devant la ville de Bristo, qui est forte assés; si le assegièrent à droit siège fait. Fos 8 vo et 9.
P. 28, l. 3: au duch.—Ms. d'Amiens et mss. A: Henri. Fo 4 vo.
P. 28, l. 22: quatre vins et dis.—Ms. de Valenciennes: quatre vingt et douze. Fo 10 vo.
§ 13. P. 29, l. 7: tenoient.—Ms. d'Amiens et mss. A: volentiers. Fo 4 vo.—Ms. de Valenciennes: Quant le roy et messire Hue le fil virent leur ville ainsi assise, si se mirent ou chastel. Fo 10 vo.
P. 29, l. 12: acord.—Ms. de Rome: car là où li Londriien s'accordent et aloient, nuls n'ose resister. Il pueent plus que tous li demorans d'Engleterre; ne nuls ne les ose au fort courechier, car il sont trop poissant de mise et de gens. Fo 9.
P. 29, l. 16: royne.—Ms. de Rome: et messire Jehan de Hainnau, car riens ne se faisoit ne passoit, fors par le dit signeur de Biaumont. On ne voloit point ceuls de Bristo prendre à nulle merchi, mais leur proumetoit on que seroient tout mort, se on ne lor rendoit le conte d'Arondiel et messire Hue l'Espensier le père. Fo 9.
P. 29, l. 18: d'Arondiel.—Ms. d'Amiens: lesquels elle hayoit souverainement [77]. Fo 4 vo.
P. 30, l. 1: Jehans.—Mss. d'Amiens et de Valenciennes: Jehans de Eltem. Fo 4 vo.
§ 14. P. 30, l. 24 et 25: l'autre.—Ms. de Rome: Il furent tout doi mis en la garde de messire Thomas Wage qui bien ensongna 244 dou garder, puisque reconmandé il li estoient, tant que la reine aueroit consel quel cause en seroit bonne à faire. Et regardèrent là li signeur ensamble que on renvoieroit lez Londriiens, et que il estoient au desus de lors besongnes, car otretant bien aueroit on le roi et messire Hue le Espensier le jone que on avoit eu les aultres. Si fu appellez li maires de Londres et remerciiés de la roine et de son fil, de ce que fait avoit, et que bien s'en pooient partir, qant il voloient, et retraire viers Londres. A tout ce s'accordèrent li Londriien, et se ordonnèrent de departir et de retourner en lor lieu. Le secont jour, apriès ce que il se furent departi, on ot consel en l'oost de la roine que on deliveroit par jugement le conte d'Arondiel et messire Hue le Espensier le viel. Si furent amené en place devant les barons d'Engleterre, liquel furent ordonné pour euls juger. Fo 9 vo.
P. 31, l. 1: sieute.—Ms. de Valenciennes: par acort de tous et par jugement. Fo 11.
P. 31, l. 4: clers.—Ms. A 2: herites. Fo 9.
P. 31, l. 13: et six.—Ms. de Rome: un vendredi. Fo 9 vo.
P. 31, l. 14: en octembre.—Ms. d'Amiens: le onzième jour de octembre. Fo 5.—Ms. de Valenciennes: le neuvième jour de novembre. Fo 11.
§ 15. P. 31, l. 20: yaus deus.—Ms. d'Amiens: et yaux dixime seullement. Fo 5.—Ms. de Rome: et n'estoient que euls sept dedens celle barge. Fo 9 vo.
P. 31, l. 21: aler.—Ms. de Rome: à l'aventure, là où la marée et li vens les menroient, fust en Galles ou en Irlande. Fo 9 vo.
P. 31, l. 23: sauvé.—Ms. de Rome: sans che que cil de l'oost en seuissent riens. Et tout che il pooient bien faire, car au derrière dou chastiel la mer bat assés priès; et là a un courant qui entre dedens le chastiel, et de ce courant [on va] en la mer. Fo 9 vo.
P. 31, l. 25: onze.—Ms. de Valenciennes: neuf. Fo 11 vo.—Ms. B 6: quatre. Fo 16.
P. 31, l. 27: si lonch.—Ms. de Rome: plus hault de deus lieues en mer. Fo 9 vo.
P. 32, l. 2: royne.—Ms. d'Amiens: De premiers il cuidoient que ce fuissent pescheur, mais quant il lez virent tant variier sur mer et qui bien ewissent pris terre ou havene de Bristo 245 s'il volsissent, mais il mettoient painne à yaux de fuir et eslongier et si ne pooient, si souppechonnèrent li pluiseur que ce estoit li roys ou messires Hues li Espenssiers. Adonc, par le consseil de monseigneur Jehan de Haynnau, aucun maronnier et compaignon de Hollandes se misent en batiaux et en bargettes qu'il trouvèrent là, et nagièrent apriès yaux tant qu'il peurent. Fo 5.
Ms. de Rome: ... Et s'en conmenchièrent à esmervillier et à parler l'un à l'autre, et à dire li auqun par imagination: «Nouz veons mervelles; nous avons veu celle barge, passet à? sept jours, estriver contre le vent, et se voelt bouter en la mer et se ne puet. Il fault que ce soit cose à soupeçon, car chil qui sont dedens, ne voellent point venir à Bristo, mais l'esqievent et fuient ce que il pueent.» Messires Henris de Biaumont, qui estoit uns jones chevaliers et de grant volenté, s'asaia et dist que il iroit veoir que c'estoit. Et entra dedens une barge grosse assés, et environ trente archiers en sa compagnie; et se fist à force de rimes mener jusques à la barge dou roi. Qant il furent là venu, il l'arestèrent et veirent que li rois estoit dedens, et son consillier messires Hues li Espensiers. En euls, ne en lors gens n'i ot point de deffense: la barge, par ceuls meismes qui le menoient et par auquns des hommes à messire Henri, fu ramenée ou havene de Bristo.
Toutes joies i furent de toutes gens qui là vinrent au devant, qant il sceurent que ce estoit li rois et messires Hues li Espensiers, et dissent: «Considerés comment Dieus est pour madame la roine et son fil, qant il ne voelt point, ne n'a volu ne consenti que il soient eslongiet, ne escapet. Il appert que il sont mauvais, et que il est temps que il soient pugni et corrigiet de lors mesfais les quels ils ont fais, et fait morir et decoler en ce pais chi maint vaillant homme, sans cause et sans raison.» Ces nouvelles vinrent à la roine et à messire Jehan de Hainnau que li rois et li Espensiers estoient pris, et que ce estoient chil qui waucroient par mer en la barge. De ces nouvelles fut la roine grandement resjoie, et en loa Dieu, à jointes mains, de che que ses besongues venoient à si bon chief; et se la roine fu resjoie, aussi furent tout li aultre, tant Englois comme Hainnuiers. Fo 10.
P. 32, l. 5 et 6: compagnons.—Ms. B 6: luy douzième d'archiers. Fo 17.
246 § 17. P. 33, l. 13: Bercler.—Ms. d'Amiens: très fort, très bel et très puissant, seant sus la belle rivière de Saverne, ou assés priès que je n'en mente. Fo 5.
P. 33, l. 14: recommendés.—Mss. A 18 et 19: et baillié à garder à monseigneur Henry de Beaumont, et enjoint qu'il en feist bonne garde. Fo 10.
P. 33, l. 15: garde.—Ms. B 6: et le tenist tout ayse de boire et de mengier tant qu'il viveroit, car bien savoient ly barons du pays que tout che que il avoit fait, c'estoit par l'ennort et consail de messire Hue le Despensier. Le sire de Bercler, à tout grant armée, en mena le roy d'Engleterre avoecq lui en son chastiel de Bercler. Fo 17.
P. 33, l. 18: faire.—Ms. d'Amiens: jusquez à tant que li communs pays aroient aviset comment on s'en maintenroit. Fo 5.—Ms. de Rome: Et se missent li signeur ensamble à savoir quel cose on en feroit. Et à ce consel fu tous premiers appelés messires Jehans de Hainnau. Et li fu demandé quel cose il consilloit à faire dou roi, fust de mort ou de prison. Il respondi et dist: «Puisque vous tournés ceste demande sur moi, je vous en responderai. Li rois a esté rois d'Engleterre; et quoi que il se soit mesfais, ensi comme il est apparans, par ses oeuvres, il a tout ce fait par mauvais enort et consel; il n'est nuls, ne moi, ne aultres, qui le doient jugier à mort. Mais avissés une place et un chastiel et un chevalier, et le recargiés à celi; et li faitez avoir son estat et vivre raisonnablement toute sa vie. Encores se pora il amender en consience, de qoi, tant c'à Dieu, il en vaudra grandement mieuls: c'est le jugement que je li ordonne.» Tout respondirent li baron, et de une sieute, qui là estoient: «Vous avés bien et loiaument parlé, et il sera fait ensi.» Adonc fu appellés li sires de Bercler, un grant baron en Engleterre, et de la marce de Bristo; et a un chastiel biel et bon et fort, seant sus la rivière de Saverne. Et li fu dit et commandé, de par la roine et son fil, que il presist en garde le roi d'Engleterre, et l'euist tel et sez gens que il en seuist à rendre compte, quant il en seroit demandés, et que de son estat on ordonneroit. Li sires de Bercler, qui s'appelloit Thomas, respondi et dist que il en feroit bien son acquit et tout che que madame la roine et ses consauls avoient ordonné. Si se departi tantos et sans delai de Bristo et en mena le roi, bien acompagniés de gens d'armes et d'archiers; et vint chiés soi ens ou chastiel de Bercler, et mist le roi en bonne garde. 247 Et en fu tous jours si au desus que, se on li euist demandé, il l'euist rendu, mais on le mist en oubli. Et ne vesqui puis li rois, que il fu venus à Bercler, trop longement. Et comment euist il vesqu, par la manière que je vous dirai? car je Jehans Froissars, actères de ceste histore, fui ens ou chastiel de Bercler, l'an de grasce Nostre Signeur mille trois cens soixante six, ou mois de septembre, en la compagnie de messire Edouwart le Espensier, liquels fu fils dou fil de ce mesire Hue le Espensier, dont je parlerai assés tos; et fumes, dedens le chastiel que ens ès esbatemens là environ, trois jours. Si demandai de che roi, pour justifiier men histore, que il estoit devenus. Uns anciiens esquiers me dist que dedens le propre anée que il fu là amenés, il fu mors, car on li acourça sa vie. Ensi fina chils rois d'Engleterre, et ne parlerons plus de li, mais de la roine et son fil. Fo 10.
P. 33, l. 23: Apriès çou.—Ms. de Rome: Qant la roine d'Engleterre fu au desus de ses besongnes, elle donna une grant partie de ses gens d'armes congiet, et en retint auquns; et tous jours estoient li Hainnuier logiet au plus priès de li, et li plus especial de sa court et le mieuls delivret. Or fu avisé et ordonné que la roine se departiroit de là, et se retrairoit viers Londres. Messires Thomas Wage, au departement de la roine, avoit ordonné un tabar armoiiet des armes le signeur Espensier, et ce tabar semet de cloquètes, on le vesti et afubla le dit messire Hue; et fu montés sus un magre cheval, et chevauça en la compagnie et en sievant la roine ensi. Et par toutes les villes où il passoient, par devant le dit messire Hue, on sonnoit grant fuisson de tronpes et de tronpètes et de taburs, et tout par manière et ordenance de derision. Avoecques tout ce, en toutes les villes où il venoient, on lissoit publiquement par un rolet les fais dou dit messire Hue en la presense de li. Fo 10 vo.
P. 33, l. 24: Londres.—Ms. B 6: car les bonnes gens de la cité le volloient veoir; sy s'en allèrent celle part à grant pooir et à grant arroy. Fo 17.
§ 18. P. 34, l. 10: royne.—Ms. de Rome: et son fils et messires Jehans de Hainnau. Fo 10 vo.
P. 34, l. 11: assamblet.—Ms. B 6: tant pour veoir monsigneur Jehan de Haynaut, qui estoit chief et avoit esté de ceste emprise, que pour estre à le justice de messire Hues le Despensier. Fo 18.
248 P. 34, l. 12: escript.—Ms. de Rome: Là furent recordé et leu au lonch et tout hault. Fo 10 vo.
P. 35, l. 10: Londres.—Ms. de Valenciennes: pour monstrer au peuple. Fo 12 vo.—Ms. B 6: en ung cercle, au debout d'une lanche. Fo 20.—Ms. de Rome: et mise sus une glave au pont de Londres; et les quartiers, li uns en demora à Harfort, li aultres fu envoiiés à Iorch, li tiers à Cantorbie et li quars à Sasleberi. Ensi furent il espars ens ès quatre parties d'Engleterre. Fo 10 vo.
§ 19. P. 35, l. 13: Apriès.—Ms. de Rome: Apriès ceste justice faite, la roine et tout li signeur et grant fuisson dou commun dou pais, se missent au cemin pour venir à Londres, et fissent tant par lors journées que il i parvinrent à grant compagnie. Qant la roine et si enfant et li signeur deurent entrer dedens Londres, toutes ordenances de gens issirent hors à l'encontre, casquns parés et vestis si trez ricement comme on pooit estre, et tous montés à chevaus. Et estoient les rues parées et couvertes de draps et de jeuiauls moult estofeement. Et s'esforçoient toutes gens de honnourer lor dame la roine, ce que il pooient, et messire Jehan de Hainnau et tous les chevaliers de sa route; et fu, en ce jour, moult regardés de toutes gens, et seoit sus un noir hault palefroi moult bien aourné, que la chité de Londres li avoit donné; et fu moult prissiez en arroi, en persone et en contenance. Et disoient toutes gens que il avoit bien fourme et regard de vaillant homme; et portoit sus son chief tout nu un capelet de pières presieuses moult rices, qui trop bien li estoit seans. Et par especial la grant rue de Cep estoit parée et aournée oultre mesure. Et donna ce jour la fontainne, tout au lonc dou jour, par les brocerons, vins blanc et vermel à tous ceuls qui en peurent ou vorrent avoir.
Et fu ensi la roine aconvoiie jusques au chastiel, et là descendi et si enfant Edouwars et Jehans de Eltem, et sez deus filles, Isabiel et Kateline. Et messires Jehans de Hainnau estoit et fu tout dis dalés la roine, et ses corps logiés ens ou chastiel, et toutes ses gens au plus priès de li que on pooit. Et estoient toutes coses ouvertes et apparillies à lor commandement. Toutes gens les honnouroient et conjoissoient. Il estoit ensi ordonné et commandé de par les officiiers la roine et le maire de Londres. Et n'estoient que festes, solas et esbatemens aval Londres, et ne furent un grant 249 temps, et parellement parmi tout le roiaulme d'Engleterre. Et estoit avis au peuple que il estoient quite d'un grant encombrier et delivré d'un pesant faix, qant il se veoient delivré dou roi et de son consel. Et disoient à Londres et parmi Engleterre: «Il nous fault refourmer et prendre une nouvelle ordenance, car celle que nous avons eu, nous a trop hodé et travilliet; ne chils roiaulmes chi ne vault riens sans un bon chief, et nous l'avons eu si mauvais que nous le poions avoir. Il nous fault le jone Edouwart couronner et faire roi, et mettre dalés li hommes de sens et de vaillance, par quoi il soit espers et resvilliés, car nous n'avons que faire d'un roi endormit ne pesant, qui trop demande ses aises et sez deduis. Nous en ocirions avant un demi cent, tout l'un apriès l'autre, que nous n'euissions un roi à nostre seance et volenté.» Ensi disoient il generaument en Londres, et parmi toute Engleterre.
Qant chil chevalier et esquier de Hainnau, qui en la compagnie de la roine d'Engleterre estoient venu, veirent que lor emprise estoit achievée et que il ne faisoient là que boire et mengier, dormir et reposer, danser et caroler, quoi que on les veist très volentiers, et que tout estoit paiiet qanque il prendoient, si se conmenchièrent il à hoder et à taner et à dire l'un à l'autre: «Nous en volons retourner en Hainnau. Nous ne faisons riens chi; nous cargons trop madame la roine et le pais. Il est heure dou departir, car toutes nostres emprisses sont achievées.» Il s'en vinrent generaument à messire Jehan de Hainnau, lor chief, et li remoustrèrent lor pourpos sus la fourme que je vous di. Qant messires Jehans de Hainnau les vei en celle volenté, et senti que il remoustroient raison, si leur dist: «Biau signeur, je parlerai à madame la roine, et prenderai congiet, et me departirai avoecques vous. Attendés encores un petit.» Li dis messires Jehans, qant il vei que heure fu, parla à la roine et au conte de Qent, et lor remoustra que ses gens se voloient departir et retourner en Hainnau.
Ces paroles vinrent moult au contraire à la roine, et fist appeller les chevaliers de Hainnau devant li; et qant il furent venu, elle lor demanda: «Biau signeur, pourquoi vous anoie il en ce pais? On vous i voit volentiers. Demorés dalés nous, tant que li iviers soit passés.» Li chevalier de Hainnau, à la parole de la roine respondirent courtoisement et dissent: «Madame, nous veons et savons bien que moult volentiers vous et li vostre nous voient 250 en ce pais. Mais, madame, nous regardons et considerons que ce pour quoi nous partesimes de Hainnau avoecques vous, est tout achievé. Car se nous sentions que vous, ne li vostre, euissiés nuls besoings de nostres servisces, li departemens ne nous touche pas de si priès ne tant, que nous ne demorisions tant que tout seroit acompli. Mais nous cargons vostre hostel et le pais de nous et à riens faire, et nous avons bien ailleurs mestier; et si verions volentiers nostres fenmes et nostres enfans, et savons bien que il nous desirent à veoir. Si vous prions que vous nous donné[s] congiet, et nous nos offrons à vous et disons de bonne volenté que, se besoings vous croist ne touce, et nous en soions segnefiiet, nous venrons tantos et sans delai en vostre service.» La roine respondi: «Grant merchis!» et puis se retourna deviers messire Jehan de Hainnau et li dist: «Biaus cousins, vous ne vos poés partir encores de moi jusquez apriès Noel, car contre les festes dou Noel, tous li consauls d'Engleterre, prelas, barons, chevaliers et bonnes villes doient estre à Wesmoustier, et là aueront il avis et consel quel cose on fera dou roi, qui est à Bercler, ensi que vous savés. Si retenés auquns de vostres chevaliers dalés vous pour vostre estat, car je voel que vous soiiés à ce parlement, et que chil qui point ne vous ont encores veu, vous voient; et li demorans de vostres gens se departiront dedens quatre jours, puis que partir voellent.» Li gentis chevaliers respondi et dist: «Madame, volentiers.» Depuis ceste parole, parla messires Jehans de Hainnau à ses gens et ordonna ceuls que il voloit que il demorassent avoecques lui, et as aultres dist: «Vous vos partirés dedens tel jour. Madame le m'a dit; mais, au departir, elle voelt parler à vous et paiier vostre bien alée.»
La roine d'Engleterre, qui se sentoit tenue enviers ces chevaliers et esquiers de Hainnau pour le biel et grant servisce que fait li avoient, qant elle vei que plus demorer il ne voloient, elle s'en vint à Eltem à sept milles de Londres et sus le cemin de la mer et de lor retour; et amena là ses enfans et le conte de Qent et son estat un petit plus esforchiet que une aultre fois. Et là furent segnefiiet tout li chevalier et esquier de Hainnau à estre, qui partir voloient, et i furent, et messires Jehans de Hainnau aussi. Qant il furent tout venu, la roine tint son estat et sist à table solempnement en la sale. Là furent assis à table tous chevaliers et esquiers de Hainnau qui partir voloient, et servi de 251 tous mès grandement et largement, selonch l'usage d'Engleterre. Et sus la fin dou disner, entrues que on entendoit à regarder la roine, entrèrent dedens la sale troupes et menestrels qui faisoient lor mestier, et tantos apriès euls, douse chevaliers parés et vestis tous parellement et d'une livrée très rice. Et les sievoient douse esquiers parés et vestis aussi de une livrée; et portoient chil esquier, deus et deus, casquns, une grande corbille à deus aniaus, toutes plainnes de vaselle d'argent, de pos, de plas, de dragioirs, de coupes, de hanas, d'esquelles, de temproirs et de toute vasselle. Et alèrent li menestrel et li chevalier et li esquier qui ces corbilles portoient, au tour des tables; et qant il orent fait lor tour, il s'arestèrent devant la table des plus grans signeurs. Et ne seoit nuls à table fors chil qui partir se devoient, reservé messires Jehans de Hainnau. Chils seoit à la table de la roine. Là furent misses ces corbilles jus. Et sus casqune vinrent doi chevalier, tout avisé de ce que il devoient faire; et departirent tous ces jeuiauls as chevaliers et as esquiers, et casquns selonch son estat. Tout en furent servi, et mis devant euls sus les tables. Et depuis, li mestre d'ostel de la roine issirent hors de la salle et vinrent en la court, et fissent venir avant tous les varlès et pages de ces chevaliers et esquiers de Hainnau qui partir devoient; et là avoient en un sach cent livres d'estrelins, monnoie d'Engleterre, car adonc il n'estoit encores nulles nouvelles de nobles. Et qant chil varlet furent venut, li mestre d'ostel dissent tout hault, en prenant le sac qui estoit de quir: «Tenez, entre vous, varlès des Hainnuiers, qui partir devés, madame la roine vous donne cent livres d'estrelins: priiés pour lui.» Tout ou en partie respondirent et dissent: «Dieux doinst à madame la roine bonne vie!» Se lor demora chils argens, et le departirent entre euls à grant joie. Il en i ot auquns qui bien le gardèrent ce que en lor pareçon en eschei, et en devinrent puis rice, pour mettre en bonne moutepliance; et li aultre le jeuèrent as dés, qui ne s'en savoient conment delivrer.
Che disner fait, et ces signeurs, chevaliers et esquiers de Hainnau servis en la fourme et manière que je vous di, et tous ces jeuiauls requelliés et mis en paniers et en bonne ordenance pour le plus aise porter et sans froissier, il prissent congiet de madame la roine, de son fil et dou conte de Qent. Et les aconvoia jusques en mi la court à Eltem li sires de Biaumont, messires Jehans de Hainnau; et tout un et un prissent congiet à lui, et il lor donna. 252 Adonc montèrent ils et messires Thomas Wage, aussitos comme il fissent; et se departirent de Eltem, et jà estoit tout tart, et vinrent jessir à Dardeforde, et à l'endemain à Rocestre, et au tier jour à Saint Thomas de Cantorbie, et fissent là lor offrande au corps saint. Et apriès disner, il cevauchièrent et vinrent à Douvres, et tout partout estoient delivré de par les gens la roine. Qant il furent venu à Douvres, on lor pourvei vassiaus de par la roine. Il esqipèrent lors chevaus, et puis entrèrent ens ès vassiaus passagiers. Et là prist messires Thomas Wage congiet à euls, et retourna deviers la roine, et le trouva à son retour à Eltem et messire Jehan de Hainnau. Et li Hainnuier singlèrent par mer, et furent tantos à Wissan. Pour ce temps, il i avoit une très bonne ville, et sciet entre Boulongne et Calais. Et devés savoir que, avant que li Hainnuier issirent de Londres, il furent paiiet en deniers apparilliés, ensi que couvenance se porta au departir de Hainnau entre la roine et euls, et si largement que tout s'en contentèrent. Et retournèrent en Hainnau tout fouci d'argent et de jeuiaulz, et vinrent à Valenchiennes deviers le conte et la contesse qui les veirent volentiers, et lors recordèrent des nouvelles d'Engleterre. Et sus mains de quatre mois orent il fait tout ce voiage. Nous retournerons à parler de la roine d'Engleterre et des ordenances dou pais. Fos 11 et 12.
P. 35, l. 15: Londres.—Ms. B 6: et là furent recheu à grant joye du maieur de la ville et des bonnes gens, qui moult desiroient à veoir la damme et le filz le jouène Edouart. Sy rechut le foyalté des hommes de la ville la ditte roynne, ou nom de son filz. Asés tos après, le vinrent veoir ou palais de Wesmoustier où elle se tenoit, dehors Londres, tout ly prelat et les chevaliers d'Engleterre, qui encore ne l'avoient veu. Et ly firent grant reverense et ossy à che gentil chevalier monsigneur Jehan de Hainau, desquels il fu grandement honnourés. Fo 20.
P. 36, l. 3: estoit.—Ms. d'Amiens: ens ou castel de Bercler. Fo 5.
P. 36, l. 14: petit fu.—Ms. B 6: mais le plus grant partie des chevaliers de Haynau, qui avoecques luy avoient esté venus, retournèrent, tels que messire Robert de Bailleuel, messire Sanses de Bieaurieu, le sire de Floyon, le sire de Gonmegnies, le sire de Aubechicourt, le sire de Mastain, messire Sanses de Boussut, le sire de Mongtiny et pluiseur autre. Fo 21.
253 P. 36, l. 26: paiiet.—Ms. d'Amiens: en argent tout seck et tantost en purs estrelins d'Engleterre. Fo 5.
P. 36, l. 28 et 29: compagnons.—Ms. de Valenciennes: aucuns de ses plus privez. Fo 13.
§ 20. P. 37, l. 11: Noel.—Ms. de Rome: Environ siis jours devant la feste dou Noel, que on apelle en France Calandes, furent venu en la chité de Londres de toutes les parties d'Engleterre li signeur et li prelat et li consauls des bonnes villes. Et là ot un grant parlement au palais de Wesmoustier, presente la roine et son fil. Et estoient tout li fait dou roi Edouwart, liquels estoit ens ou chastiel de Bercler, ensi que chi desus est dit, tous par articles mis en escript. Et là ot un clerc qui les lissi tout en publ[i]c, oant le peuple. Qant il furent tout leu, li arcevesques de Cantorbie se leva et demanda, de par la roine d'Engleterre, quel cose en estoit bonne à faire; et prioit, par la bouce dou dit arcevesque, que elle fust si consillie que elle et li roiaulmes d'Engleterre i euissent honnour et pourfit, car de ces cas elle en cargoit tous ses hommes et en descargoit sa consience. Fo 12.
P. 37, l. 18: feste.—Mss. A 20 à 22: Celle feste dura huit jours. Fo 25.—Ms. B 6: Sy dura la feste plus de quinze jours. Fo 22.
P. 38, l. 8: de roy.—Ms. de Rome: Et pour ce que li roiaumes ne puet estre sans chief et sans gouverneur, et que il apertient que en Engleterre ait roi, ordonné fu et aresté que Edouwars ses fils seroit rois couronnés et solempniiés à roi le jour de la Nativité Nostre Signeur, et presist consel bon, sage et meur dalés lui, par quoi li roiaulmes et li pais fust en avant mieuls gouvrenés que esté n'euist, par quoi en nul tourble ne disension li dis roiaulmes ne se peuist esmouvoir. Adonc fu chils consauls ouvers, et revinrent li vaillant homme et li sage et li prelat, sus lesquelz on avoit assis et tourné ce consel, en la presence de la roine et de son fil et de mesire Jehan de Hainnau et dou conte de Qent et aussi dou consel des bonnes villes. Et fu tout ce publiiet generaulment. Et se departi li consauls sus celle entente et volenté que li jones Edouwars seroit rois enoins et sacrés le jour de la Nativité Nostre Signeur. Et demorèrent tout signeur et tout prelat et toutes gens, qui là estoient venu à la priière et ordenance la roine, pour estre à celle solempnité. Et furent toutes ordenancez aministrées, qui apertenoient à estre et 254 à avoir, tant d'abis que d'autrez coses, pour le dit jone roi, et li eglise de Wesmoustier apparillie très reveranment. Fo 12.
§ 21. P. 38, l. 19: Edowars.—Ms. de Rome: Edouwars de Windesore, liquels en son temps a eu tant de belles aventures d'armes et victorieuses, ensi que elle[s] vous seront remoustrées et recordées ensievant en l'istore; et fu consacrés et oins solempnement selonch l'ordenance d'Engleterre. Et furent à sa comsacration deus archevesques et douse evesques et quarante wit abbés d'Engleterre. Et rechut li rois toutes les dignités et solempnités que rois doit et puet recevoir, et estoit pour lors ou sessime an de son eage; il les ot complis à la Conversion saint Pol apriès. Et porta ce jour la couronne de saint Edouwart, laquelle est moult digne et moult riche; et furent fait à sa coronation nouviauls chevaliers quatre cens et quinze, et vellièrent le nuit dou Noel, toute la nuit, en l'eglise de l'abeie de Wesmoustier. Et qant li rois vint de l'eglise au palais, montés sus un blanc coursier, paré et vestis de sambuc jusques ens ès fellons des piés, armoiiés des armes d'Engleterre d'une part, et des armes de saint Edouwart de l'autre part, chevauchièrent tout chiel nouviel chevalier devant lui. Et fu ensi amenés de l'eglise dedens le Palais, liquels estoit aournés si ricement comme on pooit. Et sist à table, deus arcevesques, de Cantorbie et d'Iorch, au desus de li, et puis li rois, et puis la roine sa mère et puis mesires Jehans de Hainnau, et puis li contes de Qent, et puis li contes Henris de Lancastre. Fo 12, vo.
P. 38, l. 20: armes.—Mss. A 11 à 13: tant par mer comme par terre. Fo 10.
P. 38, l. 23: saint Pol.—Ms. d'Amiens: en l'eage de seize ans à l'entrée, car il les devoit avoir en janvier eusuivant, le jour de le Conversion saint Pol l'apostle. Fo 6.
P. 38, l. 24: li gentilz.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: du gentil. Fo 11.
P. 39, l. 3: Behagne.—Ms. d'Amiens: li gentils et nobles Carles. Fo 6.
P. 39, l. 4: frères.—Le ms. et Amiens ajoute: .... li dus de Bourbon, messires Robiers d'Artois, li comtes Raoulx [d'Eu] [78], li comtes d'Auçoirre, li comtes de Sansoire. Fo 6.
255 P. 39, l. 6: criés.—Ms. de Rome: et ma dame la roine et li rois vinrent tenir lor mancion à Windesore, et en ama li rois grandement le lieu et la place, pour tant que il i fu nés; et tout partout où il aloient, messires Jehans de Hainnau aloit. Tantos apriez l'Aparition des Rois, nouvelles vinrent à messire Jehan de Hainnau que li rois de Behagne, son chier et amé cousin, avoit fait criier un tournoi et assis à estre sus le sabelon, à Condet en Hainnau. Qant les nouvelles furent venues en Engleterre et messires Jehans de Hainnau en ot la congnissance, nuls ne l'euist retenu en Engleterre, car li rois de Behagne li escripsoit que à ce tournoi il devoient estre compagnon ensamble. Et moustra li gentils chevaliers les lettres à la roine et au roi aussi, et dist que il le couvenoit partir, et tous jours estoit il prês de faire service au roi là où il en seroit requis. Fos 12 vo et 13.
P. 39, l. 13 et 14: Behagne.—Ms. d'Amiens: qui durement l'amoit. Fo 6.
P. 39. l. 18 et 19: quatre cens.—Ms. B 6: seize cens mars de revenue, sa vie durant, et les florins delivrés à Bruges et là paiiez. Fo 23.
P. 39, l. 24: dit est.—Ms. de Rome: Et avoech les dons on bailla les lettres toutes seelées dou seel dou roi, qui tesmongnoient et certefioient ces dons. Encores fu il delivré au mestre d'ostel de messire Jehan de Hainnau grant fuisson de blance monnoie d'Engleterre, pour paiier lors menus frès sus le cemin. Adonc se departi messires Jehans de Hainnau dou roi et de sa mère, dou conte de Qent et de mesire Rogier de Mortemer. Si fu acompagniés et aconvoiiés de messire Thomas Wage et des chevaliers dou roi. Et li maires de Londres et plus de cent hommes d'onneur de Londres l'acompagnièrent jusques à Dardeforde; et prisent là congiet à lui, et puis retournèrent. Mais li chevalier dou roi et de la roine l'accompagnièrent jusques à Douvrez, et paioient partout les frès de li et de ses gens; et leur pourveirent vassiaus passagiers qui les passèrent à Wissant. Fo 13.
P. 40, l. 6: d'Engleterre.—Ms. de Rome: Et les amena messires Jehans de Hainnau à Valenchiennes deviers le conte son frère et la contesse qui les conjoirent et requellièrent bellement, pour l'onnour et amour dou roi d'Engleterre et de madame sa mère. Si se tint li tournois à Condet sus Escaut, ensi que nonchiet et criiet fu; et i ot deux cens et soissante chevaliers tournians. Si en i ot des bien batus. Des François en ot le pris, pour 256 le mieuls tournoiant et p[r]enant painne, li sires de Biausaut dalés Montdidier, et des Hainnuiers messires Miqiez de Ligne. Fo 13.
P. 40, l. 8: estre.—Ms. B 6: Retourna le chevalier en Hainau où il fut grandement rechut du conte son frère et de tous les barons. Et bien le valloit, car au vray dire il avoit fait ung biel voiage et une haulte emprise. Dont il en devoit bien estre honnourés, et osy fust il tout son vivant et est encores de tous cheaus qui en oient parler. Fos 23 et 24.
P. 40, l. 10: deus fois.—Ms. de Valenciennes: Et pour l'amour d'eulx, refist on en celui an encore ung aultre tournoy à Condet. Fo 14.
§ 22. P. 40, l. 14: Apriès.—Ms. de Rome: Apriès ce que messires Jehans de Hainnau se fu departis d'Engleterre, li jones rois et madame sa mère gouvrenèrent le pais par le consel dou conte de Qent et de messire Rogier de Mortemer et de messire Thomas de Wage, et par le consel de pluisseurs aultrez que on tenoit le plus sages d'Engleterre. Et fu tous li roiaulmes reconciliiés et remis en bon estat, et estoit justice gardée souverainnement.
Celle première anée dou resgne le jone roi Edouwart, avint que la fenme à mesire Hue l'Espensier, qui justichiés fu, ensi que vous avés oy, se traist deviers le roi et son consel et amena un moult biau fil, que elle avoit de l'eage de neuf ans, et estoit nonmés Edouwars; et mist en avant par un avocat une plainte. Et dist ensi la dame par la parole de l'avocat que, se son mari avoit fourfait le sien, il ne pooit fourfaire l'iretage de la dame, et le couvenoit vivre li et son fil. Or estoit avenu que on avoit confixset et atribuet à la couronne d'Engleterre tous meubles et hiretages que li Espensier avoient, li pères et li fils, par tout le roiaulme d'Engleterre, et tenoient bien soissante mille [mars] de revenue. La roine d'Engleterre et li rois ses fils eurent pité de la dame, car elle estoit des plus nobles d'Engleterre; si s'enclinèrent à ce que la dame fust aidie et ses fils aussi. Et li furent rendu et restitué tout li hiretage qui venoient de son costé, et par especial en la contrée de Gallez, et retourna bien la dame à quatre mille mars de revenue par an. Et depuis avint que, qant li fils ot eage, li rois le maria, mais ce ne fu pas selonc le linage dont il estoit issus; ce fu à la fille d'un sien chevalier baceler, que on nonma messire Raoul de Ferrières. Chils Edouwars 257 li Espensiers et sa fenme ne furent que chinq ans en mariage, car il fu ocis ens ès gerres de Bretagne, ensi que vous orés recorder en l'istore, mais ce sera bien avant, [et] orent quatre filz: li troi en furent chevaliers, Edouwars, Hues et Thomas, et li quars ot nom Henris et fu evesques de Nordvich.
Je Froissars, actères de ces croniques, le di pour tant que, en ma jonèce, je fui moult bien et tous sus amés de l'ainnet frère Espensier, que on nonma Edouwart, ensi que son père, et ot en mariage la fille à messire Bietremieu de Bruhés, un moult vaillant chevalier. Et fu cils sires Espensiers, de son temps et dou mien, li plus jolis chevaliers, li plus courtois, li plus honnourables et amoureus et bacelereus assés qui fust en toute Engleterre, et li plus larges de donner le sien là où il veoit que il estoit bien emploiiet, et qui mieuls sceut vivre et dou plus biel estat et bien ordonné. Et oy dire en mon temps les plus hautez et nobles dames dou pais que nulle feste n'estoit parfaite, se li sires Espensiers n'i estoit. Et pluisseurs fois avint que, qant je cevauchoie sus le pais avoecques lui, car les terres et revenues des barons d'Engleterre sont par places et moult esparses, il m'apelloit et me dissoit: «Froissart, veés vous celle grande ville à ce haut clochier?»—Je respondoie: «Monsigneur, oil: pourquoi le dittes vous?»—«Je le di pour ce: elle deuist estre mienne, mais il i ot une male roine en ce pais, qui tout nous tolli.» Et ensi par pluisseurs fois m'en moustra il semées en Engleterre plus de quarante; et appelloit la roine Issabiel, mère au roi Edouwart, le male roine, et ausi faisoient si frère.
En ce temps dont je parole, et que li roiaulmes d'Engleterre estoit tous en paix et ou gouvrenement de la roine Issabiel et dou conte de Qent et dou jone roi et de lor consel, avint que Robers de Brus, rois d'Escoce, qui en son temps ot moult à faire contre les Englois, et qui tous jours les tint en gerre et reconquist sus euls ce que si predicesseur avoient perdu encontre le bon roi Edouwart, et les desconfi par bataille devant Struvelin, et dura la cace jusques oultre la rivière du Thin, et reprist Bervich, Dombare et pluisseurs chastiaus que li Englois tenoient en Escoce, chils rois Robers de Brus entendi conment li rois d'Engleterre avoit esté pris et desposés de sa couronne, et ses consauls justichiés; si s'apensa que il desfieroit ce jone roi Edouwart, et supposa que grandes hainnes estoient nouries et engendrées en Engleterre par les mors des signeurs Espensiers et le conte d'Arondiel, 258 et que, qant ses gens se meteroient sus les camps, li linages des desusdis se bouteroient en lor compagnie, pour contrevengier lors amis. Si envoia desfiier le roi Edouwart et toute sa poissance. Et aporta la desfiance uns hiraus d'Escoce, lequel on nonmoit Glas. Et estoit contenu en la lettre seelée dou roi d'Escoce et des barons de celi pais, que jamais il n'entenderoit à aultre cose, si aueroit si avant courut en Engleterre que passet la rivière dou Thin et le Hombre et contrevengiet tous ses torsfais; et se combatre on le voloit, il li asignoit journée devant Ewruich.
Qant li jones rois d'Engleterre ot recheu ces desfiances ou premier an de sa creation, li coers li conmença à engrossier, et ne moustra pas ne ne dist au hiraut toute sa pensée, mais li fist donner un mantiel qui bien valoit cent florins; et aussi la roine, li contes de Qent, messires Rogiers de Mortemer, et li signeur li donnèrent [tant] que il fu tous rices. Et li fu dit de l'un des chevaliers dou roi: «Glas, vous vos poés bien partir, qant il vous plaist, car li rois et li pais se tient à tous desfiiés sus les lettres que vous avés aporté.» Adonc se departi li hiraus, et li rois et ses consauls et toute Engleterre demorèrent en ces desfiances. Et bien sentirent toutes gens, as quels la congnissance en vint, que de par les Escoçois il aueroient la guerre. Fos 13 vo et 14.
P. 40, l. 17: roy.—Ms. d'Amiens: et le comte Henry de Lancastre au Tors Col. Fo 6.
P. 40, l. 23: Thumas.—Ms. de Valenciennes: Wautier. Fo 14.
P. 41, l. 7: malades.—Ms. d'Amiens: de gouttes. Nonpourquant ses coers estoit encoires assés fors et en grant desirier de guerrier, mès que il veyst son plus biel. Fo 6.
P. 41, l. 8: disoit on.—Mss. A 11 à 13: Et disoit on qu'il en mourroit, car nulle guarison trouver il n'en povoit. Fo 10 vo.
P. 41, l. 21: manda.—Ms. B 6: par ses hiraus que il vendroit mettre le siège devant la bonne cité de Ewruich, et que il ne s'en partiroit sy l'aueroit, ou on luy leveroit le siège. Fo 24.
§ 23. P. 41, l. 30: Evruich.—Mss. A 18, 19, 34, 35: Bruich. Fo 12.—Mss. A 30 à 33: Bervich. Fo 98 vo.—Mss. A 23 à 29: Vervich. Fo 14.—Mss. A 11 à 13: Warvich [79]. Fo 10 vo.
259 P. 41, l. 30: north.—Ms. d'Amiens: sus les marches de Norhombrelant. Fo 6 vo.
P. 42, l. 2: messages.—Ms. de Rome: Or fu consillié en la cambre dou roi que, tantos et sans delai, li rois envoiast ses messages et ses lettres deviers messire Jehan de Hainnau, et li priast que il le venist veoir et servir, et se pourveist de cinq cens armeures de fier, chevaliers et esquiers, et tout seroient delivret et bien paiiet, et li escripsist que c'estoit pour aler en Escoce, car li rois d'Escoce et li Escoçois l'avoient desfiiet. Et fu dit ensi, en la cambre dou roi et en consel, que on ne pooit mieuls emploiier lettres ne messages, que d'envoiier en Hainnau. Tout ensi comme il fu ordonné, il fu fait. Et escripsi li rois d'Engleterre à messire Jehan de Hainnau et envoia ses messages, qui passèrent la mer et vinrent en Hainnau, et trouvèrent le gentil chevalier que il demandoient, en la ville de Biaumont dont il portoit le nom, et li baillièrent les lettres que il li aportoient, tant de par le roi que de par la roine d'Engleterre. Il les lissi, qant il les ot ouvertes, et considera conment on le prioit et mandoit. Si fu tous resjois de ces nouvelles, et dist que il estoit tenus de servir le roi et le pais d'Engleterre, puis que il s'estoit ahers et aloiiés à euls de foi et d'ommage; et rescripsi au roi d'Engleterre et à la roine par ceuls meismes qui cez lettres avoient aporté. Et fu contenu ens ès dittes lettres que il seroit en Engleterre, et à ce n'aueroit nulle defaute, dedens le jour que on li avoit assis, et à otant de gens ou plus que on ne li avoit escript. Li messagier d'Engleterre retournèrent.
Messirez Jehans de Hainnau se pourvei, et escripsi et manda as chevaliers et esquiers autours de li, des quels il pensoit à estre acompagniés et servis, tant en Hainnau, en Braibant, en Flandres et en Hasbaing. Tout furent apparilliet à sa priière et ordenance, et se pourveirent tantos et sans delai de tout ce que à lor estat apertenoit, et se departirent de lors lieus, et vinrent li auqun à Wissant, et li aultre à Calais. Toutes fois, messires Jehans de Hainnau vint à Wissan; et passèrent oultre, car il trouvèrent les vassiaus passagierz que li rois d'Engleterre lor avoit envoiiés, et tant fissent qu'il furent oultre et en Engleterre. Et atendirent tout l'un l'autre à Cantorbie, et entendirent que li rois et la roine et li signeur s'en aloient à grant esfort viers Escoce. Si se esploitièrent li Hainnuier ce qu'il peurent, et passèrent Rocestre et Dardeforde et vinrent à Londre. Et là se rafresqirent de tout ce 260 que il lor besongnoit, de chevaus, de sellerie, d'armeures et de toutes aultres coses qui apertiennent à gens d'armes. Et là trouvèrent le tresorier des gerres dou roi, qui lor delivra monnoie et paiement bien et largement. Et puis il se departirent et missent au cemin, et passèrent le Ware et Lincole. Et partout où il venoient, il estoient requelliet liement, conjoi et festiiet. Et passèrent à Danfront et à Dancastre, et vinrent à Evreuich, une grose chité et bonne, qui sciet en bon pais; et passe la rivière dou Hombre tout parmi, qui va ceoir en la mer.
Jà savoient li rois d'Engleterre, madame sa mère et li baron d'Engleterre que messires Jehans de Hainnau venoit à belle compagnie de gens d'armes, encores plus assés que on ne li euist escript et mandé. Si en estoient tout resjoy et atendoient sa venue. Et devés sçavoir que li Escoçois avoient passet la rivière dou Thin amont viers les montagnes qui departent Galles et Engleterre, et moult priès de une chité que on nonme Carlion, et estoient venu entre la chité de Durames et Evruich, et ardoient le plat pais, tant que on en pooit bien veoir les fumières. Et n'estoit point li rois Robers d'Escoce en celle chevaucie, mais se tenoit à Haindebourch en Escoce sus la litière, car il estoit si atains de la grose maladie que il ne pooit mais cevauchier. Et là estoient pour lui li contes de Moret et messires Guillaumes Douglas, doi vaillant chevalier qui conduisoient les Escoçois, où moult avoit de bons chevaliers et esquiers et vaillans as armes. Fo 14.
P. 42, l. 6: compagnie.—Ms. B 6: à cinq ou six cens lances. Fo 24.
P. 42, l. 8: mandement.—Ms. B 6: sy en fu tous resjois et dist aus messaigiers que il estoit tout aparliés ou serviche du roy d'Engleterre et de madame sa mère. Fo 25.
P. 42, l. 23: Wissant.—Ms. B 6: et là sejourna deus jours. Fo 26.
P. 42, l. 27: Douvres.—Ms. B 6: et là sejourna deus jours. Fo 26.
P. 42, l. 28: jour.—Ms. d'Amiens: tant qu'il passèrent le bonne chité de Londres, et chevauchièrent à esploit tout le grant chemin d'Escoche parmy le comté de Lincelle, et vinrent à Dancastre et puis à Ewruich, quatre jours devant le Pentecouste. Fo 6 vo.
P. 42, l. 30: Evruich.—Ms. B 6: une moult riche cité seant sur le rivière de Hombre, ou nort. Fo 27.
261 P. 42, l. 31: barons.—Mss. A 11 à 13: de gens d'armes, et d'archiers. Fo 11.
§ 24. P. 43, l. 18: Haynau.—Les mss. A, B 6 et de Rome ajoutent aux noms mentionnés dans le texte: messire [Sanse] [80] de Biaurieu [81]. Ms. de Rome, fo 14 vo.—Les mss. d'Amiens et de Rome ajoutent: ... li sirez de Potelles, li sirez de Waregny. Fo 6 vo.—Le ms. de Rome ajoute: ... le signeur de Vertain, ...... le signeur de Blargnies, le signeur de Mastain, messire Nichole d'Aubrecicourt, le signeur de Flosies, le Borgne de Robertsart. Fo 14 vo.
P. 43, l. 20 et 21: dou Rues.—Ms. d'Amiens: dou Roelx. Fo 6 vo.—Ms. B 6: dou Ruelt. Fo 25.
P. 43, l. 21: Bailluel.—Ms. d'Amiens: qui puisedi fu sirez de Fontainnez l'Evesque, de Morriaumés. Fo 6 vo.
P. 43, l. 23: Brifuel.—Mss. A 1 à 6, 8, 9, 11 à 19, 23 à 33: Briseul, Brisuel ou Brisueil.
P. 43, l. 24: Fastres de Brifuel.—Ce chevalier n'est mentionné que dans les mss. B 1 à 3.
P. 43, l. 24: Ligne.—Mss. A 15 à 19: Ligny ou Ligney. Fo 12.
P. 43, l. 26: Boussoit.—Mss. A 1, 3 à 6, 23, 25 à 29, 34, 35: Bussort ou Boussort.—Mss. A 2, 24: Buissat ou Boussat.
P. 43, l. 27: Semeries.—Mss. A 11 à 13: Sameries. Fo 11.—Mss. A 34, 35: Surenes. Fo 12 vo.—Mss. A 30 à 33: Fevreries. Fo 99.
P. 43, l. 27: Floion.—Mss. A 15 à 19, 34, 35: Florion, Floron ou Flouron.
P. 43, l. 28: Flandres.—Le ms. d'Amiens ajoute aux noms mentionnés dans le texte: ... li sirez de Halluin, li sires de Brughedent. Fo 6 vo.
P. 43: l. 29: Rodes.—Mss. A 1, 3 à 6: Condes. Fo 12.—Ms. A 2: Rondes. Fo 12 vo.—Ms. B 6: Robais. Fo 25.
P. 43, l. 30: Ghistelles.—Les éditions de D. Sauvage ajoutent: et messire Jaques de Guistelle son frère. Édition de 1559, p. 14.
P. 44, l. 2: Rasses.—Mss. A 20 à 22: Roches. Fo 27 vo.
P. 44, l. 3: Grés.—Ms. B 6: Gros. Fo 25.
262 P. 44, l. 3: Casebèke.—Mss. A 18, 19: Cassebelie. Fo 13.—Mss. A 34, 35: Gastebolie. Fo 13.
P. 44, l. 4: Pilisre.—Mss. A 18, 19, 34, 35: Pelisce. Fo 13.—Mss. A 1, 8, 11 à 13, 23 à 33: Pilistre, Philistre, Philleste ou Pilestre.—Mss. B, mss. A 2, 3 à 7, 9, 15 à 22 et mss. d'Amiens et de Rome: Pilifre, Pelifre, Pilliffe, Philiffre.—Ms. de Valenciennes: Pillesore. Fo 15.
P. 44, l. 4: Gilles.—Mss. A 11 à 13: Jehan. Fo 11.
P. 44, l. 4: Coterebbe.—Ms. A 7: Contereble. Fo 10.—Mss. A 18 et 19: Courterebles. Fo 12.—Mss. A 20 à 23: Cotherelle, Courtelle, Courterelle.—Ms. de Valenciennes: Quaderobe. Fo 15.
P. 44, l. 5: Harlebèke.—Ms. de Valenciennes: Harbecque. Fo 15.
P. 44, l. 7: Hesbegnons.—Mss. A 1 à 7, 11 à 19, 23 à 35: Behaingnons. Fo 12 vo.
P. 44, l. 7: li Biaus.—Ms. d'Amiens: canonnes de Liège. Fo 6 vo.—Ms. B 6: le Viauls. Fo 25.—Mss. A 23 à 33: de Libeaux. Fo 15.
P. 44, l. 9: d'Ohay.—Mss. A 1 à 10, 15 à 35: de Hay. Fo 12 vo.—Ms. de Valenciennes: Hue de Hary. Fo 15.—Ms. de Rome: Hues Hay. Fo 14 vo.—Mss. A 11 à 13: messires Huon de Hainault, bastart. Fo 11.
P. 44, l. 10: Libines.—Ms. d'Amiens: qui tous quatre devinrent là chevalier. Fo 6 vo.—Ms. B 6: Librues. Fo 25.—Mss. A 2, 23 à 33: Livines. Fo 12 vo.—Mss. A 34, 35: Libidines. Fo 13.
P. 44, l. 10: d'Oppey.—Mss. d'Amiens et de Rome, mss. B et mss. A: du Pel, du Pal, du Pelz.—Ms. A 3: de Duxel. Fo 19.
P. 44, l. 11: Gillebers.—Mss. A 11 à 13: Robert. Fo 11.—Ms. B 6: Guillame. Fo 25.
P. 44, l. 11: Hers.—Mss. A 11 à 13: Hars.—Ms. B 6: Hors.
P. 44, l. 13: d'Artois.—Ms. B 6: et de Vermendois. Fo 26.
P. 44, l. 18: Guillaumes de Jullers.—Mss. A 1 à 6: Jaques de Juilliers [qui depuis fut duc de Juilliers] [82] après le deceps de son père. Fo 12 vo.
263 P. 44, l. 20: conte de Los.—Mss. A 20 à 22: qui depuis fut connestable de l'ost [83]. Fo 27 vo.
§ 25. P. 45, l. 2: six cens.—Mss. A: cinq cens.—Ms. A 24: cent. Fo 21.—Ms. B 6: plus de cinq cens. Fo 27.
P. 45, l. 4 quinze.—Mss. A 11 à 13 dix huit. Fo 11 vo.
P. 45, l. 6: soixante.—Mss. A 11 à 13: quatre vingt.—Mss. A 20 à 22: deux cens. Fo 28.—Ms. B 6: cinq cens dames et demoiselles. Fo 27.
P. 45, l. 6 et l. 7: mandées.—Ms. de Rome: là environ et ou pais de Northombrelant. Fo 14 vo.
P. 45, l. 16: arciers.—Ms. B 6: du conté de Linchelles. Fo 28.
P. 45, l. 19: car.—Ms. de Rome: Car ensi que chil garçon se combatoient à auquns de ces Englois, la noise se conmença à monter en la ville, et criièrent: «Lincole!» Chil de la nation de Lincole estoient là grant fuisson: si se missent tantos ensamble et prissent lors ars et se rengièrent, et entrèrent en la rue où li Hainnuier estoient logiet; et couvint ceuls qui là estoient des Hainnuiers retraire dedens lors hostels. Fo 15.
P. 45, l. 32: doi mille.—Mss. A 23 à 29: trois mille. Fo 15 vo.
P. 46, l. 20: cent.—Ms. d'Amiens: deus cens. Fo 7.
P. 46, l. 24: compagnons.—Ms. d'Amiens: Là fu messires Jehans li Biaux, cannonnes de Liège, sus les quelx cronicques et par quel relacion de ce fet et d'autrez j'ay fondé et ordonné ce livre, en grant peril; car tous desarmés il fu enmy yaux ung grant terme. Si volloient saiettes à tous lés, et il meismes en fu consievris et navrés, et pluiseurs de ses compaignons, priès jusques à mort. Fo 7.
P. 47, l. 2 et 3: Boussoit.—Le ms. d'Amiens ajoute aux noms mentionnés dans le texte: .... messires Jehans de Montegny, li sirez de Vertaing, li sirez de Potelles, li sirez de Wargny, messires Hectors Villains, messires Jehans de Rodes, messires Wafflars de Ghistelles, messires Thieris de Wallecourt, messires 264 Rasses de Grés, messires Jehans Pilifre, messires Gille de Coterèbe, messires Lambers dou Pels, très bon chevalier. Fo 7.
P. 47, l. 7: carlier.—Ms. de Rome: chiés un archier. Fo 15.
P. 47, l. 11: mors.—Ms. d'Amiens: Et en tuèrent bien seise vingt ou environ, tout archier, le plus qui estoient de l'evesquet de Lincelle. Et encoires en ewissent plus ocis en l'eur, qui les ewist layet convenir, car c'estoit leur entente que d'iaux tous mettre à l'espée et de prendre à otel merchy que les archers les ewissent pris, se il en ewissent estet maistre; mais ly roys y envoya monseigneur Thumas Wage, marescaul de l'ost, monseigneur Richart de Stamfort et le seigneur de Moutbray, en yaus priant que il se volsissent retraire et souffrir, et que le roys leur feroit amender ceste forfaiture.
A le priière et ordonnance dou roy, se retrairent li Haynuyer et leur compaignon bellement et sagement. Et s'en vinrent parmy la grant rue et encontrèrent monseigneur Jehan de Haynnau bien armet et ses bannièrez devant lui, acompaigniet de messire Guillaume de Jullers, de monseigneur d'Enghien, de monseigneur Henry d'Antoing, de monseigneur Robert de Bailloel, de monseigneur Alart de Briffoel, de monseigneur Micquiel de Ligne, de monseigneur de Gonmignies, de monseigneur Guillaume de Strate, de monseigneur Gossuin de le Meule, de monseigneur Jehan de Ghasebecques, de monseigneur Wautier de Heteberge, de monseigneur Jehan de Libines, de monseigneur Gillebiert de Hers, de monseigneur Fastret dou Roelx et de pluiseurs autres compaignons qui tous s'estoient mis en se routte, et encorrez en y avoit as hostelx qui s'armoient toudis qui mieux mieux. Quant messires Jehans de Haynnau eult encontrés ses compaignons et chiaux de se kecke ensanglentés et ensonniiés d'ocire et de mehaygnier ces feleurs archers, enssi comme vous avés oy, et avoecq yaux les barons d'Engleterre à laquelle ordonnance et priière il retournoient, si leur demanda, en arestant tous quois sour le rue et toutte se routte, comment il leur estoit. Et il li disent: «Monseigneur, bien seloncq l'aventure: si avons estet en grant peril de nos vies, mès cil qui les bargignoient y ont plus mis et laiiet que pris.»—«En non Dieu, sire, dist monseigneur Thumas Wage, se nous ewissiens veu que vos gens en ewissent eu dou pieur, nous les ewissiens grandement aidiés et confortés, car il nous estoit commandez de par monseigneur le 265 roy et me damme se mère; mès, Dieu merchy, li honneurs et li victoire leur en est demourée, car il les ont cachié jusquez as camps et en ont grant plentet mort.»—«Che poise moy que de si peu,» ce respondi monseigneur Jehan de Haynnau. Adonc se retrairent en leurs hostelz paisiblement, et se desarmèrent li pluiseur et regardèrent as navrés comment il leur estoit. Si penssèrent li Haynuyer, pour les blechiés yaux medeciner et garir, et ceux qui mort estoient ensepvelir. Che propre soir, on commanda par le noble roy que nuls Englès ne se meuist contre les estrangiers, sus le teste à perdre. Fo 7.
Ms. de Rome: La cose ne se fust point passée ensi, mais i fust encores avenus un trop grans meschiés, se li rois ne se fust ensonniiés. Mais qant les nouvelles en vinrent à madame la roine, elle tantos dist au roi: «Biaus fils, montés à cheval et alés celle part, et vous traiiés avoecques les Hainnuiers; et faites un conmandement très fort et très cruel que nuls Englois, sus la painne à perdre la teste, ne se mueve et ne face fait ne debat, et prendés la cose sus vous.» Li rois obei à madame sa mère et monta à cheval. Et montèrent plus de soissante barons et chevaliers, et trouvèrent sus les rues messire Jehan de Hainnau, qui venoit tous armés, et plus de trente cevaliers avoecques lui, et crioient: «Hainnau!» et estoient en volenté de ocire tous les archiers que il trouveroient ens ès fourbours où lors gens estoient logiet. Considerés le grant meschief que il fust tantos avenus, car ces Englès, archiers et aultres communautés, se requelloient et metoient ensamble; et estoit lor intension d'entrer en ces fourbours et tout ocire ou bouter le feu dedens et tout ardoir. Premierement li rois s'aresta sus la rue, car on li dist: «Sire, vechi messire Jehan de Hainnau et grant fuisson de Hainnuiers avoecques lui, et viennent en ordenance de bataille, banières et pennons tous desvolepés. Arestés les et apaisiés, et prendés la cose sur vous, et leur dittes que vous lor ferés amender ce mesfait si grandement comme ils vodront; et leur priiés que il ne facent pas cose par quoi vostres voiages soit rompus.»
Li rois entendi à ses hommes, et fist ensi que il li consellèrent. Messires Jehans de Hainnau, qui avoit l'aïr en la teste, et qui moult dur estoit enfourmés sus ces archiers, dist en hault: «Sire, sire, nous sommes venu en ce pais pour vous servir et vostre pais contre vostres ennemis; et vostres communs, entrues que nous sommes en esbatemens dalés vous, esmuevent debas et 266 voellent nos gens ocire et nous aussi. Nous ne le poons sousfrir, et n'en savons prendre milleur amendement, que sus ceuls qui ont esmeu la rihote.» Donc dist li rois: «Messire Jehan, sousfrés vous, et faites tenir en paix vostres gens. Je ferai tenir en paix aussi tous ceuls de ceste nation; et se ce venoit à la bataille, je demorroie dalés vous, car je congnois bien que par vous et par vos gens ai je recouvré mon roiaulme. Si vous pri que vous me donnés ceste besongne, et retournés et ne venés plus avant; car je meterai partout telle atemprance et par si bonne ordenance que vous et li vostre vous en contenterés.» Ces douces paroles, que li rois dist, apaisa grandement messire Jehan de Hainnau et les Hainnuiers. Or voloit li rois que il ne venist plus avant, mais il respondi à che et dist: «Sire, sire, et ne fust riens dou debat et dou hustin de ma gent, puis que vous estes hors de vostre hostel, il apertient que je voie et demeure dalés vous, car espoir vous et vostrez consauls, ne savés pas bien le fons de ceste matère: otretant bien puet estre contre vous que contre nous.» Donc respondi messire Thomas Wage, marescal dou roi, et dist au roi en son langage: «Sire, il parole sagement, et puet estre tout ce qu'il dist.»
Adonc chevauchièrent li rois et toute sa route et vinrent ens ès fourbours, où li logeis des Hainnuiers estoit; si trouvèrent la rue moult esmeue, et des mors couchiés sus les cauchies. Donc ala li rois tout oultre et sus les camps où li grans hustins avoit esté, et encontrèrent pluisseurs Englois qui trop fort se plaindoient des Hainnuiers, et on lor disoit: «C'est à bon droit, se vous avés esté batu. Pourquoi les aliiés vouz asallir à lors hostels?» Encores avoecques tout ce, leur disoit messires Thomas Wage: «Li rois s'enfourmera de ce fait, et chierement le comparront chil qui ont conmenchiet la meslée.» Quant chil archier veirent que il n'estoient aultrement plaint et que on les maneçoit encores, et que inquisition et information se feroit sus euls, si se doubtèrent dou roi et de sa justice, et ensepelirent les mors et entendirent as bleciez. Li rois retourna à son logeis, et messires Jehans de Hainnau avoecques lui.
Si fu, de par le roi, fais uns bans et un cris d'un sergant d'armes à cheval tout parmi la ville et chité de Evruich, que nuls, sus la teste à perdre, ne fesist debat ne rihote, ne ne s'emeuist jamais de ce fait qui avenu estoit, ens ne hors. Encores avoecques tout che, li rois envoia deus de ses banières ens ès logeis des 267 Hainnuiers et quatre chevaliers. Et furent ordonné à euls tenir tous quois, nuit et jour, et garder lez banières le roi, par quoi archier englois ne communaulté ne se esmeuissent, de jour ne de nuit. Car vous devés sçavoir [que] chil qui avoient eu lors frères, lors pères, lors enfans, cousins ou proismes mors, avoient grant felonnie ou coer; et disoient, qant il veoient les Hainnuiers aler ensamble sus les rues: «Velà ceuls qui nous ont ocis nos amis, et si n'en poons aultre cose avoir; et par Dieu si auerons, avant que il retournent en lor pais.»
Et disoient bien li auqun baron et chevalier d'Engleterre as chevaliers de Hainnau, qui point n'entendoient le langage des Englois, et liquel ne haioient point les Hainnuiers, mais le disoient pour euls aviser, à la fin que il fuissent le mieuls sus lor garde: «Chil archier de Lincole, et moult d'aultres communs, pour l'amour d'euls, vous ont quelliet en grant haine; et se il n'estoient brisiet de par le roi, il le vous mousteroient et de fait.» Li chevalier de Hainnau respondoient: «Il nous en fault atendre l'aventure; et se là venoit que nous fuissiens asalli, des quels vous tourneriiés vous?»—«Il nous est conmandé et ordonné, respondoient li chevalier d'Engleterre, sus qanq que nous tenons dou roi, que, se rihote conmenche par euls, que nous soions avoecquez vous. Et bien nous lor disons et remoustrons que il se tiengnent en paix, car se la rihote conmence, nous serons pour vous avoecques euls et contre euls, et nous est conmandé dou roi. Et pour ce que il voient que li rois et nous vous volons aidier et porter à l'encontre de euls, il se refrènent de moustrer de fait lor mautalent; et à ce que nous entendons, il sont bien euls siis mille de une aliance.» Fos 15 et 16.
P. 48, l. 1: alloiiet.—Ms. d'Amiens: en ung village, à douse lieuwes d'Ewruich. Fo 7 vo.
§ 26. P. 49, l. 16: angousse.—Ms. d'Amiens: Mès li grant seigneur de Haynnau, qui estoient souvent dallés le roy, reconfortoient lor mesnies; et lor disoient que li roys lez asseuroit, et qui mal leur voroit, il le feroit à lui meysmes. Et est cose assés creable que, se li roix et ses conssaux n'y ewissent mis trop grant remède, il n'en fuissent jammais partis sans dammaige, car entre trois cens ne seise vingt hommes mors, et encoires de gens estrangniers, il ne puet y estre qu'il n'y ait grant plenté de lors proismes qui dolent en sont, et qui vollentiers les contrevengeroient, 268 se il veoient leur plus bel et il osoient. Fo 7 vo.—Ms. de Rome: Et qant il aloient veoir le roi et la roine et les dames et les damoiselles, il estoit ordonné de par le roi, à quelle heure que ce fust, il fuissent raconvoiiet et mis dedens lors hostels. Fo 16.
P. 49, l. 24: n'euist.—Ms. d'Amiens: un gros capon pour trois estrelins, douse frès hairens pour un estrelin, un gallon de bon vin de Rin pour huit estrelins, et celi de Gascoingne pour sis estrelins, de quoy li gallons fet les deus quartes de pois. Fo 7 vo.—Ms. de Rome: le potel pour trois estrelins et les milleurs cervoisses dou monde. Fo 16.
P. 49, l. 26: d'Aussay.—Mss. A 1, 3, 20 à 35: Ausoie. Fo 13 vo.—Mss. A 11 à 13: Ausoy. Fo 12 vo.—Mss. A 18, 19: Aussy. Fo 14.
P. 49, l. 29: litière.—Ms. de Rome: à milleur marchiet que en Hainnau ou en Vermendois. Fo 16.
§ 27. P. 50, l. 2: trois.—Ms. d'Amiens et mss. A 1 à 6, 8, 9: quatre. Fo 7 vo.
P. 50, l. 10: hors.—Mss. d'Amiens et de Rome: de Ewruic. Fo 7 vo.—Ms. B 6: Si se party de Ewruich, et laissa là madamme sa mère. Fo 29.
P. 50, l. 12: del roy.—Ms. de Rome: tant pour honneur que pour les archiers de Lincole, qui ne pooient ne ne voloient oubliier le ocision et la perte de lors amis; et volentiers se fuissent pris as Hainnuiers, se il euissent veu que point d'avantage il euissent eu sus euls. Fo 16 vo.
P. 51, l. 1: Escos.—Ms. de Rome: Et ne savoient encores li Englois là où li Escoçois estoient. Et disoient li auqun: «Il sont retrait en lor pais: il ont usage que il guerrient en courant; et qant il ont fait celle course, et il sentent que gens viennent sus euls à pooir, il se retraient.» Mais pour ces jours il n'estoient pas retrait, avant ardoient en Northombrelant, et avoient ars en Gallez et jusques à Carduel, et tout le pais de là environ. Et tant alèrent chil de l'avant garde que, de desus les montagnes, il veirent les fumières d'auquns petis hamelès que li Escoçois faisoient. Et li auqun Englès disoient que ce n'estoient pas fumières des feus des Escos, mais des ouvriers qui faisoient carbon ens ès bois. Fo 16 vo.
§ 28. P. 53, l. 1: trois mille.—Mss. A 18, 19, 23 à 29: quatre mille. Fo 15.—Mss. A 1 à 6: deux mille. Fo 14 vo.
269 P. 53, l. 2 et l. 3: vingt mille.—Ms. d'Amiens: dix mille. Fo 7 vo.
P. 53, l. 6: bruières.—Ms. de Rome: Et je Froissars, actères de ces croniques, fui en Escoce en l'an de grasce mil trois cens soissante et cinq, car la bonne roine, madame Philippe de Hainnau, roine d'Engleterre, m'escripsi deviers le roi David d'Escoce, liquels fu fils au roi Robert de Brus, et au conte de Douglas qui pour le temps resnoit, et à mesire Robert de Versi, signeur de Struvelin, et au conte de la Mare, liquel, pour l'onnour et amour de la bonne roine desus ditte qui tesmongnoit par ses lettres seelées que je estoie uns de ses clers et familiiers, me requellièrent tout doucement et liement. Et fui en la compagnie dou roi un quartier d'un an, et euch celle aventure que, ce que je fui en Escoce, il viseta tout son pais, par laquelle visitation je apris et considerai moult de la matère et ordenance des Escoçois, et sont de toute tèle condition que chi desus vous est devisé. Fo 17.
P. 53, l. 9: maladie.—Ms. et Amiens: tant estoit il fort astrains de gouttes et de forte maladie, ains se tenoit à Donfremelin, une moult bonne ville seloncq le pays en Escoche, et où tous leur ancestrez gisent en une abbeye qui là est. Fo 7 vo.—Ms. de Valenciennes: car il ne pooit chevauchier pour deux grandes maladies, l'une de goutte et l'autre d'escaupine. Fo 17.
P. 53, l. 11: Moret.—Mss. A 11 à 14: le conte de Moret en Escoce, non mie en Gastinois. Fo 13 vo.
P. 53, l. 12: orilliers.—Mss. A 1 à 6, 20 à 29: oreilles. Fo 14 vo.
P. 53, l. 20: proèces.—Ms. d'Amiens: Encoires estoient là li comtez de Surlant, li comtes Patris, li contez de Mare, li comtes de Fi, li comtes d'Astredène et moult de bons chevalliers et escuiers. Fo 8.
§ 29. P. 53, l. 29: bataille.—Ms. d'Amiens: En chacune avoit bien huit mille hommes d'armes et seize mille de piet. Fo 8.—Ms. de Valenciennes: Et avoit bien en chacune huit cens hommes d'armes et seize mille de piet, Fo 17.
P. 54, l. 1: trente mille.—Mss. A 11 à 14: vingt quatre mille. Fo 13 vo.
P. 54, l. 6: vingt et quatre.—Ms. B 6: vingt mille. Fo 29.—Ms. de Rome: vint trois mille. Fo 17.
270 P. 54, l. 6: sans le ribaudaille.—Ms. de Rome: sans les archiers à cheval. Fo 17.
P. 54, l. 8: rengiés.—Ms. de Rome: on cevauça tout rengiet sievant les banières le roi. Et en i avoit quatre; et les portoient li sires de Sées, li sires de Ferrièrez, li sires de Morlais et li sires de Hastinghes. Fo 17.
P. 54, l. 12: cinq.—Mss. A 11 à 14: deux. Fo 13 vo.
§ 30. P. 55, l. 9: d'abbaye.—Mss. A 11 à 14: de moines noirs. Fo 14.
P. 55, l. 14: ensamble.—Ms. d'Amiens: et là fu messires Jehans de Haynnau appelés, ce fu bien raison. Fo 17 vo.
P. 55, l. 16: estoient.—Ms. d'Amiens: Tout consideret, entr'iaux il disoient malement, car encorres n'en avoient il nuls veus ne ilx ne savoient où il gisoient, ne se jà point les trouveroient, pour le fort pays où il estoient enbatu. Si sambla as aucuns seigneurs qui là estoient, tels que le seigneur de Persi, le seigneur de Ros, le seigneur de Moutbray et le seigneur de Luzi, qui congnissoient auques le pays; et disent à l'avis des Escos pour certain que il s'en raloient en leur pays, et que nullement.... Fo 8.—Ms. de Rome: et fu avis à auquns que li Escot s'en raloient en leur pais, et que on ne les aueroit point; et pooit estre que il savoient bien tout le couvenant des Englois, mais on ne savoit riens dou leur. Fo 17 vo.
P. 56, l. 18: marès.—Ms. d'Amiens: car chilx pays de Norhombrelant se diffère assés de diverseté à le marce d'Engleterre. Et ossi font les gens: il sont enviers les Englès ensi que demy sauvaige. Fo 8.
P. 56, l. 22: crolières.—Ms. d'Amiens: ne en ces cras marès plains de bourbe. Fo 8.
P. 56, l. 29: marès.—Ms. d'Amiens: crolièrez et autrez plassis. Fo 8.
P. 56, l. 31: au col.—Ms. d'Amiens: le targe sus le dos. Fo 8 vo.
P. 57, l. 9: bestes.—Ms. d'Amiens: et chil derière cuidoient que ce fuissent li annemy. Fo 8 vo.
§ 31. P. 57, l. 15: vespres.—Ms. de Rome: en ces lons jours d'esté. Fo 17 vo.
P. 57, l. 17: rapasser.—Ms. d'Amiens: che disoient chil 271 dou pays pour certain, car ailleurs n'y avoit point de gué ne de passage, fors que droit là. Fo 8 vo.
P. 58, l. 4: vingt et huit.—Ms. B 6: vingt et deus. Fo 30.
P. 58, l. 16: tourset.—Ms. de Rome: ou bouté en lor sain. Fo 17 vo.
P. 58, l. 22: tortis.—Mss. A 2 et 8: alumez. Fo 16 vo.
P. 59, l. 1: nonne.—Mss. A 1 à 6, 9, 20 à 22: ainçois que le jour feust passé. Fo 16.
P. 59, l. 12: nonne.—Ms. de Rome: Environ heure de nonne, auqun povre homme, ouvrier de carbon au bois, furent trouvé des varlès qui estoient alés as verghes au bois, pour euls logier: il furent amené devant les signeurs, liquel orent de lor venue trez grant joie. Il lor fu demandé où il estoient: il respondirent que il estoient à quatorze lieues englesces priès dou Noef Chastiel sur Thin, et à onze lieues de Carduel en Galles; et si n'avoit nulle ville plus priès de là, où on peuist riens trouver pour euls aisier.
On prist ces hommes, on les monta sus chevaus pour ensengnier le chemin. On envoia tantos et sans delai de par le roi nonchier au Noef Chastiel sus Thin que, qui voloit gaegnier, on venist avitaillier le ost. Et i furent de le ost envoiiés plus de deux cens petis chevaus, pour aporter vivres pour lors mestres. Mais li cheval estoient si foullé et si lassé que il ne pooient aler que le pas; et fu toute nuis, avant que il venissent au Noef Chastiel.
Qant ces nouvelles furent sceues au Noef Chastiel que li rois, lors sires, et lors gens estoient en tel lieu et en tel dangier, toutes manières de gens se prissent priès que de tourser vins et viandes et cervoises et fains et avainnes pour les chevaus, et se missent tantos à voie, non sus les chevalès que il avoient amenés, mais sus autrez qu'il prissent tous reposés. Environ mie nuit, vinrent li premier en le ost, dont on ot grant joie, car hommes et chevaus estoient si afamet que plus ne pooient. Fo 18.
P. 59, l. 15: quatorze.—Ms. B 6: quinze. Fo 31.
P. 59, l. 16: onze.—Mss. A 11 à 14: douze. Fo 15.—Ms. B 6: vingt cinq. Fo 31.
P. 59, l. 23: avainne.—Mss. A 11 à 14: poulailles, eufs, fromaiges. Fo 15.
§ 32. P. 59, l. 28: A l'endemain.—Ms. de Rome: A l'endemain, 272 dedens heure de tierce, fu li hoos assés avitaillie. Et quisièrent celle nuit toute nuit li four, et s'i hastèrent à faire dou pain. A painnes estoit la paste escaufée, qant il le traioient hors dou four, et le metoient en sas et en paniers; et puis sus petis chevalès il vinrent en le ost. Tout estoit requelliet en bon gré et vendu. Et furent chil de le ost grandement apaisiet. Et fist li rois donner à trois povres hommes que lors gens avoient trouvé, dont il avoient eu celle adrèche, vint livres à l'estrelin. Et sejournèrent là li rois et toute li hoos, sus la rivière de Thin, wit jours tous entiers, attendans que li Escoçois retournaissent, mais ils n'en avoient ne ooient nulles nouvelles. Aussi li Escoçois ne savoient riens des Englès et les esqievoient par avis de pais che qu'il pooient; et se tenoient en la marche de Carduel, entre roces et montagnes, et pais inhabitable.
Ces uit jours que les Englez sejournèrent sus la rivière de Thin, atendans la revenue des Escoçois, il travillièrent tellement le pais de pourveances et si les quissent que, un pain d'un estrelin, on lor vendoit siis. Encores le toloient il l'un l'autre. Vin tout bahuté, le galon qui ne valoit en devant que siis estrelins, il l'achatoient vingt quatre estrelins. Chars avoient il assés, mais toutez aultres coses lor estoient si chières et si court tenues qu'il n'en pooient recouvrer. Et encores avoecques tout ce meschief, il ne cessoit point de pleuvoir, par quoi lors selles, penniauls et contreçaingles furent tout pourit, et tout li cheval ou la plus grant partie quassé sus le dos; et ne savoient de quoi cheuls ferrer qui estoient desferret, ne de quoi couvrir fors que de leurs tourniqiaus d'armes. Ne euls meismes encontre la plueve il ne se savoient conment desfendre; et passoient bien souvent, qant il aloient et venoient pour querir pourveances ou pour veoir l'un l'aultre, en la bourbe jusques as qievilles.
Et encores l'avoient li Hainnuier trop pluz dur parti que li Englois, car depuis basses vespres il ne s'osoient desfouchier, mais tenir ensamble et faire doubles gais toute nuit, pour la doubtance des archiers de Lincole, qui volentiers les euissent couru sus et fait grant damage, se il ne dobtaissent le roi et les signeurs à courouchier. Et n'avoient de quoi faire feu, forz que de verde lagne qui ne voloit ardoir; et n'avoient ne pot, ne chaudière, ne caudron, car tous lors charois estoit demorés derrière, qui ne pooit venir par nul cemin jusques à euls pour la diverseté dou pais; et rotissoient toutez lorz carz, et avoient trop 273 grant defaute de sel; et ne savoient à quoi boire de l'aige ou de l'autre buvrage, qant il en pooient avoir, fors en vasselles que il avoient fais dez escorces des auniaus et d'aultres arbes dou bois. Fo 18.
P. 60, l. 4: barilz.—Ms. B 6: Et sy coustoit le denier quatre. Fo 32.
P. 60, l. 7: huit jours.—Ms. d'Amiens et mss. A: environ huit jours. Fo 9.—Ms. B 6: En cel estat furent dix huit jours. Sy vous dy que les Englès eurent moult de disettes et de pouvreté, car toudis nuit et jour il gisoient en leur armure. Et faisoient les Haynuers deus gait, l'un pour les Escochois, et l'autre pour les archiés de Linchelle. Fo 32.
P. 60, l. 15: six estrelins.—Ms. d'Amiens: sis estrelins ou sept. Fo 9.
P. 60, l. 15: un paresis.—Ms. d'Amiens: une obole estreline. Fo 9.
P. 60, l. 16: de vin.—Mss. A 18 et 19: sis esterlins qui ne deust valoir que sis parisis. Fo 17 vo.
P. 60, l. 17: six.—Ms. d'Amiens: quatre. Fo 9.
§ 33. P. 61, l. 4: passer.—Ms. de Rome: mais li Escoçois qui sont soutil de gerre, sceurent bien prendre un aultre cemin; car il congnoissent otant bien toute la marce où il estoient, aloient et venoient, que il font lor pais d'Escoce. Fo 18 vo.
P. 61, l. 5: De quoi.—Ms. de Rome: et n'i avoit si fort, si jone, ne si joli, qui ne fust tous pesans de merancolie. Fo 18 vo.
P. 61, l. 11: sept.—Ms. de Rome: sept lieues plus hault viers Carduel, au desus de la rivière. Fo 18 vo.—Mss. A 18, 19: six lieues. Fo 17 vo.
P. 61, l. 18: cent livrées.—Ms, de Rome: en deniers apparilliés cent livres d'estrelins. Fo 18 vo.
P. 61, l. 21: Adonc.—Ms. B 6: Adonc montèrent à cheval pluiseur escuiiers qui desiroient à avoir che prouffit et honneur, et se mirent en esqueste. Dont il avint à ung escuier englès, qui s'apelloit Thomelin Housagre, que il chevaucha si avant que d'aventure il s'enbaty entre les Escochois, qui estoient logiet sur une montaigne, à sept petites lieues priès des Englès, et riens n'en savoient. Sy fut pris l'escuyers et amené devant messire Gillame de Douglas et le conte de Mouret, chief et meneurs des gens d'armes, car le roy d'Escoche n'y estoit mye presens.
274 Quant les seigneurs et les barons d'Escoche virent l'escuier englès devant yaulx, il luy demandèrent dont il venoit et quel cose il queroit. Et il leur dist toute la verité, et comment le roy d'Engleterre et ses gens les avoient quis et demandé jà le terme de vingt jours. Dont dist mesirres Gillame de Douglas, qui ot grant joie de ces nouvelles: «Chertes, compains, puisque vous estes venus jusques à chy pour chelle cause, nous vous quiterons vostre prison, car nous vollons que vous soiés chevalier, et que vous gaigniés cent livres de terre à l'estrelin. Et se dirés ensy au roy et à vos seigneurs que, se il nous quièrent et ont quis, et nous les querons; et que droi chy il viengnent, et il nous trouveront.» L'escuiier fut moult joieus de ceste response, et leur dist: «Signeur, grant merchy, et je le diray au roy et as barons par delà.»
Adonc se party d'eulx, et chevaucha tant que il vint en l'ost devers le roy d'Engleterre. Et là vinrent tout li baron, pour oïr nouvelles. «Sire, dit l'escuiier au roy, je ay veut et trouvé les Escos et parlé à iaus. Et sont bien logiet sur une montaigne, à sept petites lieues de chy. Et vous ont quis et là atendu ung grant temps, et vous desirent à trouver otant bien que vous faites eulx. Et demain au matin je vous menray à celle part et les vous monstreray, se il vous plaist, car il dient que il vous atenderont.» De ces nouvelles fut le roy et tous les barons resjoy. Fos 33 et 34.
P. 61, l. 23: seize.—Mss. A 11 à 14: jusques à seize ou dix huit. Fo 15 vo.
P. 61, l. 27: L'endemain.—Ms. de Rome: le bon matin. Fo 18 vo.
P. 62, l. 2: rapasset.—Ms. de Rome: une petite lieue en sus. Fo 19.
P. 62, l. 6: à Paris.—Ms. d'Amiens: à Londrez ou à Paris. Fo 9.—Mss. A: en paradiz.—Ms. A 1, fo 17.
P. 62, l. 9: ars.—Ms. de Rome: mais il ne veoient homme ne fenme; tout s'en estoit fui et repus pour la doubtance d'euls. Fo 19.
P. 62, l. 13: menoit.—Ms. de Rome: et n'ooient nulles nouvelles des Escos. Considerés la grant painne et diligense que il rendoient à trouver les maleois Escoçois. Et se contentoient mal li auqun de ce que on les pourmenoit ensi, et dissoient: «Nennil, nous travillons en vain: les Escos sont retrait, grans 275 jours sont passé; car aultrement, se il ne fuissent enclos en terre, nous en euissions oy nouvelles.»
Au quart jour, sus l'eure de tierce, evous revenu trois esquiers deviers les marescaus, qui les Escoçois avoient trouvés et parlé à euls. Tantos li doi marescal, mesire Thomas Wage et messires Lois Hay fissent cesser l'oost, dont dissent toutes gens: «Nous avons nouvelles: chil chevauceour ont trouvé les Escos.» Messires Thomas Wage amena ces esquiers deviers le roi. Qant il furent venu jusques au roi, il li dissent: «Sire, certainement nous avons veu les Escos, et la place là où il sont logiet et aresté; et à ce que il moustrent, il vous atendent. Et avons parlé à l'un de lors hiraus, et disoit que il venoit de Durames; et vous quidoit là trouver, et vous portoit la bataille. Et nous mena si avant sus son conduit que nous avons veu une partie de lor couvenant; et là vous menrons, se vous volés.»—«Oil, dist li rois, nous ne desirons aultre cose.»—«Et sont il lonch de chi?» demanda li rois.—«Sire, nennil: environ siis lieues englesces.» Fo 19.
P. 62, l. 18: huit jours.—Ms. de Valenciennes: six journéez. Fo 19.
§ 34. P. 63, l. 2: arrester.—Ms. B 6: à heure de vespres. Fo 35.
P. 63, l. 2: blés.—Ms. de Rome: et fu li rois logiez en une abbeie que on clainme ou pais le clostre Saint Pière, et est de blans monnes. Et ne l'avoient point ars li Escoçois, pour tant que l'abbé estoit cousins à un baron d'Escoce, le signeur de Lindesée, et estoit chils en celle cevauchie.
Encores fu demandé à ces trois esquiers pourquoi li hiraus n'estoit venus parler au roi, qant si mestre l'avoient envoiiet jusquez à Duramez pour li trouver et les signeurs, et fait son message. Il respondirent à ce et dissent: «Nous li remoustrasmes bien et le volions amener avoecques nous, mais il nous pria que nous vosisions faire son message, et se moustroit à estre dehetiés: c'est la cause pour quoi il s'en retourna deviers ses signeurs.» En celle abbeie se loga li rois celle nuit, et toute li hoost là environ; et pooit avoir quatre lieues englesces de là où li Escoçois estoient logiet. Fo 19.
P. 63, l. 11: Apriès.—Ms. de Rome: Qant ce vint au matin. Fo 19.
P. 63, l. 14: conduisoit.—Ms. de Rome: Et aloient li troi 276 esquier, qui les nouvelles avoient aporté des Escoçois, devant, et menoient les banières. Fo 19 vo.
P. 63, l. 17: chevaucièrent.—Ms. de Rome: en tournant deus montagnes. Fo 19 vo.
P. 63, l. 22: montagne.—Ms. B 6: ronde et ague de tous lés, excepté du costet par où les Escochois estoient montés. Fo 35.
P. 64, l. 11: ordonnées.—Ms. d'Amiens: messires Jehans de Haynnau et cinq des plus grans seigneurs d'Engleterre amenèrent.... Fo 9 vo.
P. 65, l. 14: plairoit.—Ms. de Rome: et se il ne pooient venir par là, il alaissent autour des montagnes querre la voie. Fo 19 vo.
§ 35. P. 65, l. 16: commander.—Ms. de Valenciennes: par les marissaulx. Fo 20.
P. 65, l. 29: juper.—Ms. de Valenciennes: huer à plaine geulle tout à une fois. Fo 20.
P. 66, l. 4: Pière.—Ms. d'Amiens: li solaux leva biaux et clers, et fu li airs assés atemprés et en boin point. Fo 9 vo.
P. 66, l. 32: avis.—Ms. de Rome: mais li Englès, qui congnoissent lor manière, n'en font compte; bien dient: Olà! les diables qui se resvellent, qui nous quident esfreer et eshider par lor juperie. Fo 20.
P. 67, l. 10: en l'ewe.—Mss. A 1 à 6, 11 à 19: en pot. Fo 18.
P. 67, l. 12: gramment.—Ms. de Rome: mès que il aient de la farine et une plate pière à faire des oublies. Et aussi ne font auquns Englois ne Gallois: il sont tout de une painne et de une matère et condition. Fo 20.
P. 67, l. 23 et 24: montagne.—Ms. B 6: à quatre lieues en sus. Fo 37.
P. 67, l. 26: repus.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: pour plus estre à repos. Fo 18 vo.—Mss. A 18, 19: pour estre plus repont. Fo 19 vo.
P. 68, l. 9: yaus.—Ms. d'Amiens: Li Englès estoient logiés de une part de le rivierre, et li Escot d'aultre; et demorèrent en tel estat, dis huit jours et dis huit nuis, sus celle seconde montaingne, et tous les jours rengiés l'un contre l'autre. Si y eult pluiseur escarmuches, en le rivierre et sus le rivaige, d'aucuns archiers et legiers compaignons qui s'aventuroient. Fo 10.
277 P. 68, l. 15: acorder.—Ms. d'Amiens: de quoy li roys et li signeur d'Engleterre estoient tout courchiet, et si ne le pooient amender que ce ne fuist trop à leur grant dammaige. Fo 10.
P. 68, l. 9: dix-huit.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: huit. Fo 18 vo.
P. 68, l. 17: mesaises.—Ms. d'Amiens: Si n'eurent oncquez li Escot, tout ce temps que je vous compte, pain, ne vin, ne sel, ne quir tanet ne conret pour faire estivaulx, ne sorlers; ains faisoient sorlers de quir tous crus à tout le poil. Et li Englès, de l'autre part, n'estoient mie trop à aise, car il ne savoient de quoy yaux logier, ne de quoy couvrir, ne où aller fourer fors en bruiièrez. Si puet chacuns savoir que il avoient grant faute et grant mesaise de leurs tentes et de leur caroy, de leurs coses et de leurs hostilz qu'il avoient en devant fès, ordonnés et achatés, pour yaux servir et aaisier. Et si les avoient en ung bois laissiet sans garde, et ne savoient où c'estoit; ne il n'y pooient venir ne envoiier.
Ensi en celle cache et poursuilte des Escos, furent li Englès ung mois tout plain, à tel meschief et à tel mesaise que vous avés oy, que touttes leurs pourveanches leur estoient fallies à leur plus grant besoing. Et comment que pourveanchez leur venist à vendre tous les jours de pluiseurs costés, sy n'eurent il oncques si bon marchiet que uns pains mal quis et de mauvais bled ne leur coustast trois estrelins englès, qui ne dewist valloir que ung denier parsis à le ville, et ung galon de povre vin escauffet douse estrelins, qui ne valloit au tounel que trois. Ensi vivoient il à dur et en grant meschief, et livroient leurs garchons par portion bien escarsement, car encoires avoient il paour de plus grant fammine, et que argens ne leur fausist par trop loinge demorée. Fo 10.
Ms. de Valenciennes: Mais onques les Escos ne s'i vaurent acorder ne prendre le parchon; et si vivoient en tel povreté qu'il n'est homme qui n'en deuist avoir pitié, et pareillement les Englès, nonobstant que un pau euissent il mieulx que les Escos. Fo 20 vo.
§ 36. P. 68, l. 22: deux cens.—Mss. A 11 à 14: trois cens. Fo 17 vo.—Ms. B 6: quatre cens. Fo 37.
P. 68, l. 24: si feri.—Ms. de Rome: et se feri moult vassaument en l'oost des Englois, en criant: «Glas! Glas!» Et conmenchièrent il et si compagnon à faire une grande envaie, et à coper et mehagnier gens et à abatre, car ce fu sus le point dou premier sonme. Fo 20 vo.
278 P. 68, l. 26: baron.—Mss. A 7 à 10, 15 à 19: larron. Fo 16.
P. 68, l. 27: trois cens.—Ms. B 6: deux cens. Fo 37.
P. 69, l. 4 et 5: montagne.—Ms. de Rome: Celle envaie fist li chevaliers, dont il acquist trez grant renommée, des Englès meismement. Fo 20 vo.
P. 69, l. 12: vingt et deus.—Ms. B 6: cinq. Fo 38.
P. 69, l. 16: aultres.—Ms. d'Amiens: En tel mannierre que je vous ay compté, demorèrent li Englès vingt deus jours sus ces deus montaingnes devant les Escos, toudis escarmuchant qui escarmuchier volloit, et priès que tous les jours rengiés les ungs contre les autres, une foix ou deus. Et moult souvent quant on estoit retrais et desarmés, recrioit on: «As armes! Li Escot sont passet.» Si les couvenoit armer de rekief, et puis trouvoit on que c'estoit bourde. En apriès, il couvenoit getter touttes lez nuis par connestablies sus lez chans en trois lieux et à trois costéz de l'host, apriès ce que messires Guillaumes de Douglas eut fait ceste envaiie que vous avés oyt. Et commandoit on bien et à çascun gart deus cens armeurez de fier, car çascun jour dounnoit on à entendre à ces seigneurs d'Engleterre que li Escot estoient tout ordounnet de venir par nuit courre sour yaux, car il ne se pooient plus ensi tenir, ne endurer telle fammine. Ces nouvelles faisoient plus ententievement gaitier les Englès que nulle autre cose, et estoient de ces ghais durement travilliés, avoecq le mesaise et le povreté qu'il enduroient.
De quoy li Haynuiers et chil qui estoient là avoecques monseigneur Jehan de Haynnau, estoient là en ung dur parti, car il leur couvenoit faire deus gais, l'un avoec les seigneurs d'Engleterre par l'ordounnanche dez mareschaux, et l'autre pour les archiers d'Engleterre qui plus les heoient que il ne fesissent les Escos, et bien leur disoient et leur reprouvoient souvent le fier et le dure bataille qu'il leur avoient fet à Ewruich, enssi que vous avés oy, et souvent les appelloient mourdreours. Ensi estoient il toudis, par jour et par nuit, en troix grandez paours, en paour des Escos qui si priès leur estoient, en paour des archiers englèz qui entre yaux se logoient, et en paour de plus grant fammine et grant mesaise avoir par trop loinge demourée. Fo 10 vo.
§ 37. P. 69, l. 17: vingt et deus.—Ms. d'Amiens: le dix huitième jour. Fo 10 vo.—Mss. A 20 à 22: le derrenier jour 279 des huyt. Fo 36 vo.—Mss. A 30 à 33: le derrenier jour des vingt quatre. Fo 104 vo.—Ms. B 6: le sixième jour. Fo 38.
P. 69, l. 20: leurs.—Ms. d'Amiens: et toutteffois tant fu il enquis et examinés qu'il s'en descouvri ung petit, car on li eut en couvent à faire douche raenchon. Fo 10 vo.
P. 69, l. 21: souverain.—Ms. de Valenciennes: les capitaines des Escos. Fo 21 vo.
P. 70, l. 6: armé.—Ms. d'Amiens: et jurent toutte celle nuit chacuns tous sus armes, en le place devant le feu et desoubz les bannierrez, le teste sour le cul ou sour les jambes de son compaignon. Fo 10 vo.—Ms. de Rome: et proprement li rois i estoit, et le couvint villier aussi bien comme les aultres. Et attendirent les Escoçois en cel estat, qui point ne vinrent, mais ordonnèrent autrement bien et sagement. Car, si tos que la nuis fu venue, il furent tout prest et se departirent, sans faire noise ne cri; et furent moult eslongié, avant que il fust jours. Fos 20 vo et 21.
P. 70, l. 13: d'Escoce.—Ms. de Rome: qui trop avoient dormi. Fo 21.
P. 71, l. 3 et 4: montèrent.—Ms. B 6: environ sollail levant. Fo 39.
P. 71, l. 4: englès.—Ms. d'Amiens: et haynuyers. Fo 10 vo.
P. 71, l. 8: bestes.—Ms. de Rome: vaces, buefs et viauls. Fo 21.
P. 71, l. 11: chaudières.—Ms. de Rome: caudrons pendans à havès de bois. Fo 21.
P. 71, l. 14: hastiers.—Ms. d'Amiens: mil chartiers. Fo 10 vo.
P. 71, l. 24: mareschaus.—Ms. d'Amiens: Et au soir il se logièrent en un biel pret et trouvèrent assés à fourer, qui bien besongnoit à leurs chevaux, qui estoient si foullet et afammet, si esfondut de froit et de pleuve, et si desfroissiet de leurs povrez selles que à grant meschief les pooient il cachier avant, ne seoir sus pour le froissure, car il n'avoient peniel à cengle, ne contrecengle, culière, bride, ne poitral, que tout ne fuissent desromput et pourri. Ains en couvenoit le plus fairre peniaux de viés wanbais ou de viés pourpoins ou de viés flassars, qui avoir en pooit, pour mettre desoubz leurs sellez et cengles de sourcengles. Et avoecq, li plus de leurs cevaux estoient defferet par deffaulte de fier et de marescaux; et y vendi on mil claux de fier, chacun claux sis estrelins: encoires tous liés qui les pooit avoir. Par 280 quoy on poroit bien dire, qui tous les meschiefs, les mesaises, les travaux et les paours seroit considerer de le première chevauchie et de ceste autre, que oncques si jouènes prinches comme li gentilz roys estoit, n'avoit empris ne enduret deus si durez, si travillans ne si perilleuses chevauchies comme ces deux avoient estet, et ambedeux dedens une année emprises et achievées; et si n'avoit li roys que seize ans. Ainssi le disoient tous li plus preux de l'ost, et cil qui plus avoient veut. Ensi furent il celle nuit logiet en cel biel pret, dalléz ung biel park. Fo 11.
P. 72, l. 4: l'eglise.—Ms. de Rome: catedral. Fo 21.
P. 72, l. 4: Durem.—Ms. B 6: Et le prumière ville que il trouvèrent, che fu Durem où il y avoit grant foison de leur harnas. Sy s'en vint le roy au Noef Castel, et là se rafresqui trois jours. Et au quatrième il se party et s'en vint à Durem, et là donna il le plus grant partie de ses gens congiet. Mais il retint dalés luy monseigneur Jehan de Haynau et les Hainuiers; et chevauchèrent en la compaignie du roy jusques à la cité de Ewruich. Fo 40.
P. 72, l. 14: recognoistre.—Ms. d'Amiens: s'il furent liet et joiant quant il oïrent ces nouvelles, che ne fet point à demander, car tous leurs draps et leurs avoirs estoit sus les charettes. Si n'avoient que vestir fors leurs pourpoins puans et flairans, tous pouris de pleuve et de sueur, et pures brayes pouriez et mal buées. Si se renouvellèrent celle nuit de touttes coses, qui bien leur besongnoit. Fo 11.—Ms. de Rome: Si se tinrent là trois jours et s'i rafresqirent, et fissent ferrer lors chevaus qui grant besongne en avoient. Et tant en chei à referrer que li fiers falli, et se couvint aidier de ceminiaus, de bendes de chars et de hastiers de fier et de qievilles. Et coustoit uns fiers pour un cheval, d'un seul piet, siis estrelins. Encores i eut si grant presse, sus les trois jours que il furent à Durames, que bien la tierce pars des chevaus furent encloés. Fo 21.
P. 72, l. 20: Evruich.—Ms. de Rome: et li rois vint à Uruich c'on dist Iorch. Fo 21 vo.
P. 73, l. 4: compagnons.—Ms. de Rome: Et ne furent pas adonc tout hors paiiet en denierz apparilliés, car li receveur et officiier dou roi avoient trop mis hors d'argent pour ce voiage. Et qant finance fu revenue, on en fist paiement à Bruges. Si fu çasquns paiiez et satisfais selonch sa porsion. Fo 21 vo.
P. 73, l. 16: Flandres.—Ms. de Rome: Environ sept jours, 281 se tinrent messires Jehans de Hainnau et li Hainnuier à Wruich, c'on dist Iorch, depuis la revenue dont je vous ai parlé, dalés le roi et madame la roine et les signeurs d'Engleterre. Fo 21 vo.
P. 73, l. 19: douze.—Mss. A 11 à 14: deux. Fo 18 vo.
P. 73, l. 21: archiers.—Ms. d'Amiens: pour le doubtance des archiers, qui trop les hayoient, et qui au departir de l'ost trop fort manechiet les avoient. Pour celle cause, et que li roys ne volsist nullement que messires Jehans de Haynnau ne se routte ewissent rechupt nul dammaige, les fist il aconduire de douse chevaliers et de bien trois cens armurez de fer, dont messires Regnaulx de Goben et messires Thumas Waghe estoient chief; et les amenèrent tout sauvement à Douvres. Fo 11.—Ms. de Valenciennes: Et en conduit que le roy y envoia, pour le grant soing qu'il avoit, furent douze chevaliers et trois cens hommes d'armes. Premiers y fu messire Regnault de Gobeham et messire Thomas Waghe, qui estoient meneur de le route. Fo 22.—Ms. de Rome: Ensi se departirent le Hainnuier dou roi et des signeurs; maiz il envoiièrent par la rivière dou Hombre, qui rechiet en la mer, et par vassiaus, la grignour partie de lors harnois et de lors varlès, liquel vinrent depuis, à l'aide de Dieu et dou vent, à l'Escluse en Flandres; et il ceminèrent par terre, et vinrent à Londres. Et les fist li rois aconvoiier et acompagnier de messire Thomas Wage, marescal d'Engleterre, pour la doubtance des archiers de Lincole, car il les couvenoit rapasser parmi lor pais; et ne trouvèrent, Dieu merchi, nul encombrier. Et orent li Hainnuier moult à cevauchier de Iorch jusques à Londres. Et qant il furent là venu, il s'i rafresqirent deus jours, et puis s'en departirent et se missent au cemin. Et ne les laissa messires Thomas Wage, si furent à Douvres; et là montèrent il en mer, et arivèrent à Wissan. Fo 21 vo.
P. 74, l. 2 et 3: Boulongne.—Ms. de Rome: et li aultre vinrent à Saint Omer. Fo 21 vo.
P. 74, l. 3: Haynau.—Ms. de Rome: Messirez Jehans de Hainnau vint deviers son frère le conte et madame la contesse, qui les veirent volentiers, li, le signeur de Ligne et les barons et chevaliers, qui en sa compagnie avoient esté. Fo 21 vo.
P. 74, l. 9: savoit.—Ms. d'Amiens: En telle mannière comme je vous recorde, fu ceste dure grande chevauchie sus les Escos departie, et s'en ralla chacun en son lieu. Et remerchia 282 grandement messires Jehans de Haynnau lez compaignons qui en ceste cevaucie avoient estet avoecq lui, et especialment et premierement les plus lontaings, les Hasbegnons et les Braibenchons et ossi tous lez Haynnuiers; et li proummissent au departir toutte amour et bon service, se il lui besongnoit. Fo 11 vo.
§ 38. P. 74, l. 13: Ne demora.—Ms. de Rome: Depuis ne demora pas demi an que madame la roine d'Engleterre et tous li consauls de li et de son fil le roi avisèrent l'un parmi l'autre que il couvenoit le jone Edouwart roi d'Engleterre marier. Et ne pooient veoir lieu ne hostel, par l'avis et imagination de tous et de toutes, où il euist fenme mieuls à la plaisance de li, car on l'en demanda, que en l'ostel de Hainnau, à l'une des filles le gentil conte Guillaume de Hainnau. Et qant il li fu demandé, il conmença à rire et dist: «Oil, il me plaist mieuls là que d'aultre part, et à Phelippe, car elle et moi nous concordions trop bien ensamble; et plora, je le sçai bien, quant je pris congiet à lui, et je me parti.» Adonc dist madame se mère: «Biaus fils, vous dittes voir, et nous sonmes moi et vous grandement tenu à nostre cousin de Hainnau; et vous verai là plus volentiers mariet que ailleurs. Et i envoierons soufissans messages, car la damoiselle le vault bien; et escriprons et prierons à messire Jehan de Hainnau que il s'en voelle dou tretiier, comme bons moiiens, ensonniier.»
On ne recula point de ce pourpos, mais furent ordonné li evesques de Durames et doi baron d'Engleterre, le signeur de Biaucamp et messire Renault de Gobehem. Et leur furent delivret lettres, et dou sourplus qanq que ou dit voiage pooit apertenir. Et passèrent la mer à Douvres, et vinrent à Wissan; et ne cessèrent, si vinrent à Valenchiennes. Si se traissent à hostels sus le marchiet, au Chine, à le Bourse et à la Clef. Pour ces jours, estoient li contes de Hainnau et la contesse et si enfant au Kesnoi. Il demandèrent où messires Jehans de Hainnau estoit. On leur dist que il en oroient nouvelles à Biaumont en Hainnau. D'aventure, il trouvèrent Phelippe de Castiaus, qui estoit venus à Valenchiennes. Tantos que il sceut lor venue, il se trest viers euls. Il le recongneurent, car il l'avoient veu en Engleterre; et estoit li plus proçains de mesire Jehan de Hainnau. Il en demandèrent à lui; il l'en dist la verité, et cevauça à l'endemain avoecques euls, et les amena à Biaumont.
283 Messires Jehans de Hainnau fu très grandement resjois de lor venue. Et le trouvèrent pourveu et aourné de chevaliers et d'esquiers, et madame sa fenme, contesse de Soissons et dame de Dargies, aussi pourveue de dames et de damoiselles. Là estoient li sires de Fagnuelles, li sires de Haverés, li sires de Wargni, il sires de Potelles et li sires de Montegni. Chil signeur d'Engleterre reconmendèrent grandement l'estat de li et de sa fenme. Il moustrèrent les lettres, que il avoient de par madame d'Engleterre, et le jone roi son fil, et lors consauls. Messires Jehans de Hainnau rechut les lettres, et les ouvri et lissi tout au lonch. Et quant il ot veu et entendu la matère dont elles parloient, et que c'estoit pour l'avancement et mariage de sa cousine de Hainnau, si en fu grandement resjois; et dist à l'evesque et as chevaliers qui là estoient, que il obeiroit volentiers à tout ce que on li avoit escript, car il i estoit tenus de foi et d'onmage. Li gentils chevaliers fist à ces signeurs d'Engleterre la milleur chière que faire lor pot, car bien le savoit faire, et tant que tout s'en contentèrent; et les tint à Biaumont deus jours tout aise.
Et puis au tierch jour, il s'en departirent tout ensamble, et vinrent à Maubuege et de là au Kesnoi; et trouvèrent le conte et la contesse bien acompagniet de chevaliers et d'esquiers, de dames et de damoiselles dou pais, qui requellièrent toute la compagnie moult doucement et liement, ensi que bien le savoient faire. Messires Jehans de Hainnau fu promotères de ce mariage et s'en aquita bien, ensi que escript on l'en avoit, et tant que li contes de Hainnau acorda Phelippe, sa fille, en cause de mariage, au jone roi d'Engleterre, voires là où li papes les vodroit dispenser pour le linage, car il estoient moult proçain, lors deus mères cousines germainnes. En tant que de la dispensation, li ambasadour d'Engleterre s'en cargièrent, et envoiièrent en Avignon deus chevaliers et deus clers de droit.
Pour ce temps, resgnoit papes Jehans, qui descendi tantos à la dispensation faire dou mariage d'Engleterre et de Hainnau. Et li fu avis et à tout le colège que c'estoit une cose bien prise. Et retournèrent arrière à toutes les bulles de dispensation, et vinrent à Valenchiennes deviers les signeurs, l'evesque de Durames et les aultres qui là les atendoient. Si en orent toutes les parties grant joie. Et fu la damoiselle espousée par la vertu de une procuration; et puis retournèrent en Engleterre nonchier ces nouvelles. Pour lors estoit Phelippe de Hainnau, ou tressime an 284 de son eage. Longe et droite estoit, sage, lie, humle, devote, large et courtoise; et fu en son temps aournée et parée de toutes nobles vertus, et amée de Dieu et dou monde. Fos 21 vo et 22.
P. 74, l. 14: li contes.—Ms. B 6: Aimon. Fo 41.
P. 74, l. 14: de Kent.—Ms. d'Amiens: ses oncles. Fo 11 vo.
P. 74, l. 19: marier.—Ms. B 6: Sy regardèrent où, et dirent adonc entr'eulx que on ne le povoit mieulx assener ne marier que à l'une des filles de che vaillant et honnouré prinche, le conte Guillame de Haynau qui sy grant amour et courtoisie avoit fait à la royne d'Engleterre et à son filz, et que aydiet luy avoit, quant tout le monde luy avoit failly, et envoiet son frère et ses gens pour luy aydier à reconquerre son pais, ou aultrement il estoit perdus. Chel avis et consauls fu tenus, et fut demandet au jone roy quelle chose il en diroit. Ilz respondy que il n'y sentoit que tout bien, et que plus vollentiers le prenderoit yl que aultre part. Et lors luy fu demandé à laquelle il avoit mieus son plaisir, car le conte de Haynau avoit trois filles à marier. Et le roy respondy: «à la plus jouène, exsepté unne, qui s'apelle Phelippe,» car celle luy avoit toudis moustré plus d'amour que nulle des aultres, du tamps que il fut en Haynau. Fos 41 et 42.
P. 74, l. 19: un evesque.—Ms. d'Amiens: l'evesque de Nordvich. Fo 11 vo.—Ms. B 6: deus evesques et ung conte et six chevaliers. Fo 42.
P. 74, l. 25: filles.—Ms. et Amiens: madammoiselle Phelippe sa fille. Fo 11 vo.
P. 74, l. 27: lui.—Ms. B 6: Adonc passèrent l'ambassade la mer à Wisant, où le passaige estoit lors tout commun. Fo 43.—Ms. d'Amiens: Chil messagier de par le roy, ensi que je vous di, vinrent à Vallenchiennes en grant arroy, et trouvèrent monseigneur Jehan de Haynnau à son hostel de Biaumont; et se traissent premierement deviers lui, et li disent tout ce dont chargiet estoient: «Chiers sirez, nous sommes chy envoiiet de par nostre seigneur le jouène roy d'Engleterre et madamme se mère et tout son consseil de delà. Et vous priient que vous voeilliéz adrechier à ceste besoingne et estre dallés nous, et priier à monseigneur le comte vostre frère que il voeille acorder en cause de mariaige madammoiselle Phelippe sa fille, car il l'aroit plus chier que nul autre, tant pour l'amour de vous que dou noble sancq dont elle est extraite.» Fo 11 vo.
285 P. 74, l. 29: faire.—Ms. B 6: Le gentil chevalier respondy que vollentiers il y seroit pour yauls, et que che n'estoit mie petite chose de sa nièche, car sa seur ly mainsnée auroit à mari le roy d'Allemaigne qui jà tiroit à estre empereur de Romme. Fo 43.
P. 74, l. 31: frère.—Ms. B 6: le conte qui estoit en la ville de Valenciennes où adonc il se tenoit. Fo 43.
P. 74 et 75: rechut—Ms. B 6: grandement, car bien le savoit faire, mieulx que nul prinche. Fo 43.
P. 75, l. 16: deus de leurs chevaliers.—Ms. B 6: quatre chevaliers. Fo 44.
P. 75, l. 17: Saint Père.—Ms. B 6: pape Jehan. Fo 44.
§ 39. P. 76, l. 4: Quant.—Ms. de Rome: Qant li contes et la contesse de Hainnau orent ordonné et entendu à l'estat de madamoizelle Phelippe lor fille, et aourné ensi comme à lui apertenoit, qui devoit estre roine d'Engleterre, on pourvei chevaliers et esquiers qui avoecques lui devoient partir. Adonc prist elle congiet à son signeur de père et à madame sa mère et à Guillaume de Hainnau, son frère, et à Jehane et à Issabiel, ses serours, car Margerite, li ainnée, n'estoit point là; avant estoit en Alemagne et acouvenenchie à l'empereour le roi Lois de Baivière, roi d'Alemagne et empereour de Ronme. Après tous ces congiés, la jone roine Phelippe d'Engleterre, en l'eage entre trèse et quatorse ans, se departi de Valenchiennes en la compagnie de messire Jehan de Hainnau son oncle, dou signeur de Fagnuelles, dou signeur de Ligne, dou signeur de Brifuel, dou signeur de Haverech, dou signeur de Wargni et plus de quarante chevaliers et esquierz de Hainnau. Et servoit devant lui adonc uns jones esquiers qui se nonmoit Watelès de Mauni, qui puis fu messires Watiers, vaillans homs et preus as armes, ensi que vous trouverés ses grans proèces escriptes en ceste histoire, car ce fu uns homs qui fist en son temps par sens et par proèce le corps et la cavance. Et se departirent de Hainnau pluisseur jone esquier, en entente que pour demorer en Engleterre avoecquez la roine. Si cheminèrent tant que il vinrent à Wissan; si furent esqipé lors chevaus et mis ens ès vassiaus passagiers d'Engleterre qui là les atendoient. Si furent tantos oultre, et là estoient li sires de Biaucamp et messire Renault de Gobehem, liquel avoient atendu la venue de la jone roine bien quatre jours. Si entra la ditte roine Phelippe 286 de Hainnau en Engleterre à si bonne heure que tous li roiaulmes en deubt estre resjois et fu; car depuis le temps de la roine Genoivre qui fu fenme au roi Artus et roine d'Engleterre que on nonmoit adonc la Grant Bretagne, si bonne roine n'i entra, ne qui tant d'onnour reçuist, ne qui si belle generation euist, car elle eut dou roi Edouwart son mari, en son temps, sept fils et cinq filles. Et tant comme elle vesqui, li roiaulmes d'Engleterre eut grasce, prosperité, honnour et toutes bonnes aventures; ne onques famine ne chier temps, de son resgne, ni demorèrent, ensi que vous orés recorder en l'istore.
Tant esploita la jone roine d'Engleterre et sa compagnie que il vinrent en la chité de Cantorbie, et alèrent veoir le corps saint Thomas et i fissent lor offrande, et puis passèrent oultre. Et par toutes les villes où il passoient, on lor faisoit feste et honnour, dons et presens, et passèrent à Rocestre et puis à Dardeforde; et vinrent à Eltem, et là s'arestèrent. Et là estoit li evesques de Durames qui par procuration l'avoit espousé à Valenchiennes ou nom dou roi, et grant fuisson de signeurs et de damez d'Engleterre, qui requellièrent doucement la roine et toute sa compagnie. Et m'est avis que messires Jehans de Hainnau pour celle fois, ne li chevalier et esquier qui la roine avoient acompagniet, n'alèrent plus avant, fors chil et celles qui avoecquez lui devoient demorer, car li rois, pour ces jours, et madame sa mère et li contes de Qent estoient en la marce de Northombrelande. Si regardèrent li signeur d'Engleterre que li Hainnuier aueroient trop de painne à aler si lonch, et en furent deporté, et là donnés et pris li congiés de toutes parties. Et plora la jone roine Phelippe assés, qant son oncle et li cevalier de Hainnau le laissièrent. Toutes fois ensi fu fait. Il s'en retournèrent en Hainnau, et li signeur et les dames d'Engleterre, qui de ce faire estoient cargiet, ordonnèrent lor jone dame et l'enmenèrent. Et passa tout parmi Londres, mais adonc point n'i aresta; car on voloit que li Londriien la rechuissent une aultre fois, qant li rois l'aueroit espousé, et elle seroit roine d'Engleterre, de tous poins et à telle solempnité comme il estoient et sont tenu dou faire qant une roine d'Engleterre, et li rois l'a espousé, entre la première fois en la chité de Londres.
Tant esploitièrent chil qui la jone roine menoient, que il vinrent à Evruich. Là fu elle recheute très solempnement et grandement. Et issirent en bonne ordenance tout li signeur 287 d'Engleterre qui là estoient, à l'encontre de li, et meismement li jones l'ois qui le trouva sus les camps montée sus une hagenée très bien amblans et très ricement aournée et parée, et le prist par la main et puis l'acola et baisa; et cevauchièrent coste à coste, et à grant fuisson de menestrandies et d'onnours il entrèrent dedens la chité; et ensi fu amenée jusques au lieu où li rois et madame sa mère estoient logiet. La roine, mère dou roi, rechut celle jone roine moult doucement, car elle savoit d'onnours tout qanq que on en pooit sçavoir. Je n'ai que faire de plus demener ce pourpos. Li jones rois Edouwars espousa Phelippe de Hainnau en l'eglise catedral, que on dist de Saint Guillaume. Et les espousa li arcevesques dou lieu par la vertu de la dispensation que on avoit empetré en Avignon; et fu le jour de la Conversion saint Pol. Et avoit li rois disse sept ans d'eage, et la jone roine sus le point de quatorze ans; et fu en l'an de grace Nostre Signeur mille trois cens vingt sept. Si poés et devés sçavoir que toutes solempnités et festes, sans riens espargnier, furent à ces jones, et hiraut et menestrel largement paiiet. Et se tint depuis ces espousailles li rois Edouwars, madame sa mère et la jone roine lor fille, à Evruich ou là environ, jusques au temps Pasqour, que il vinrent à Londres et à Windesore. Et furent de rechief là toutes festes faites; et i ot ou mois de mai que la roine entra en Londres, grandes joustes faites. Et i furent grant fuisson de Hainnuiers; et par especial messires Jehans de Hainnau et messires Guillaumes de Jullers i furent, et li sires d'Enghien qui fourjousta lez joustes. Je me tairai un petit à parler de ceste matère, et parlerai des Escoçois. Fos 22 vo et 23.
P. 76, l. 4 et 5: espousée.—Ms. B 6: Lors espousa ly evesque de Linchelle la fille du conte de Haynau ou non du roy d'Engleterre. Fo 44.
P. 76, l. 10: Wissant.—Ms. B 6: Et la convoia l'on parmy Artois jusqu'à Wissant. Là trouva on les nefs d'Engleterre toute aparlies qui estoient venus querre toute la compaignie..... Sy arivèrent à Douvres, et là se reposèrent, tant que les nefs furent toute deschergies. Et puis se partirent et chevauchèrent devers Saint Thomas en Cantorbye..... Ensy fu la jone dame, en le aige de quatorze ans, amenée jusques à la cité de Londres. Fo 45.
P. 76, l. 22: festes.—Ms. d'Amiens: Durèrent ces grandes 288 et nobles festes plus de trois sepmainnes, ainchois que elles se departesissent. Fo 11 vo.
P. 76, l. 25: s'en parti.—Ms. d'Amiens: et fu là en Engleterre messires Jehans de Haynnau ung grant tierme, ains qu'il s'en peuist partir. Fo 11 vo.
P. 76, l. 29: damoisiel.—Ms. d'Amiens: ung jouène escuyer de Haynnau, qui s'apelloit adonc Gautelés de Mauny, qui fu puis messires Ghautiers de Mauny, bons chevaliers, rades, preux, hardis, sages et bachelereux, et mout amés dou roy et de tout le pays. Fo 12.—Ms. de Valenciennes: ung josne escuier de Haynnau pour ly servir, que on appeloit Watelet de Maugny, qui puis fu messire Wautier de Maugny, bon chevalier, preux et hardis, qui moult fu amez en le court et ou pays. Fo 23.—Ms. B 6: ung jone escuiers, qui s'apelloit Wastelet de Masny, que monseigneur son père luy donna. Fo 46.
§ 40. P. 77, l. 16: Galles.—Ms. de Rome: Qant il se veirent si eslongiet des Englois, et il sentirent lors chevaus foullés, il se logièrent entre montagnes et bois, et furent là toute la nuit. Et ne mengièrent ne mengiet n'avoient, quinse jour estoient passet, les trois pars de l'oost, ne pain ne paste, fors que chars, et beu de l'aige; et se li Englès avoient eu painne de euls poursievir, li Escoçois, pour euls garder et sauver, avoient eu painne et souffreté de toutes coses au double. Fo 23.
P. 77, l. 19: Assés.—Ms. de Rome: Assés tost apriès ce que les nouvelles furent venues en Escoce que li jones rois Edouwars estoit mariés à la fille dou conte de Hainnau, et encore se tenoit ils à Evruich là où les noces et festes avoient esté, auqun baron d'Escoce et de Northombrelande se missent ensamble sus asegurances et vinrent sus une place que on dist la Mourlane, entre Escoce et Engleterre. Et là parlementèrent tant li un à l'autre que unes trieuvez furent prisses, à durer trois ans entre Engleterre et Escoce. Et pour ce se tint li jones rois d'Engleterre si longement à Evruich que li trettié de ces trieuves estoient. Et qant elles furent données et acordées de toutes parties, li rois d'Engleterre, contre le mois de mai, retourna en la marce de Londres, et ma dame sa mère et la jone roine Phelippe. Et furent les festes adonc à Londres à la venue de la roine, ensi comme il est contenu ichi desus. Fo 23.
P. 77, l. 23: trois ans.—Ms. B 6: pour tant que le roy 289 d'Escoche quey en grant maladie et ne pooit mais chevaucier, et le roi d'Engleterre estoit jouènes. Sy furent celle[s] trièves prises six ans durant, et furent bien tenues le vivant du roy d'Escoche. Fo 47.
P. 77, l. 30: devant lui.—Ms. de Rome: Qant il furent devant li, si leur dist: «Biau signeur, je voi bien que il m'en couvient aler la voie conmune: à cela n'i a nul remède. Je vous reconmande David, mon fil. Li enfes est jones et auera mestier d'avoir bon consel. Se li bailliés tel que li roiaulmes en vaille mieuls, et le couronnés tantos apriès ma mort, et le mariés en lieu à vostre samblant, dont il vaille mieuls. Et à vous, messire Guillaume Douglas, compains et trez grans amis, je vous ai tous jours trouvé fiable, de bon consel et de haute emprise; je vous pri que vous me voelliés donner un don que je vous demanderai; et qant vous le m'auerés accordé, j'en morrai plus aise.» Li gentils chevaliers, tout en plorant, li accorda et li dist: «Monsigneur, dites et demandés: je le vous accorde, mais que ce soit cose licite, et que je puisse faire.»—«Oil, respondi li rois. Chiers compains et amis, je voai une fois à Dieu, et ce veu, je l'ai tous jours tenu en secré, que, se je pooie jà veoir le temps et les jours que le roiaulme d'Escoce je peuisse obtenir en paix à l'encontre des Englois, en l'onnour de Jhesu Cris, qui volt mort recevoir en crois pour nous et son sanch espandre, je voloie faire un voiage sus les ennemis de Dieu et là exposse[r] mon corps et mes biens. Or ay je tous jours eu tant à faire encontre les Engloiz, ensi que vous savés, que je sui devenus vieuls et cheus en debilité de corps et de maladie, par quoi je ne puis mon veu acomplir. Et puis, chiers compains et amis, que li corps ne puet faire le voiage d'oultre mer, ne aler au Saint Sepulcre, ne espanir mes pechiés, sus les ennemis de Dieu, laquelle cose me touce de trop priès, je vous pri que, qant je serai trespassés de ce siècle, que vous faites ouvrir mon corps et prendre le coer et metre en telle ordenance comme il apertient, et que vous le portés oultre la mer sus les mescreans et jusques au Saint Sepulcre, et là le laissiez, se l'aventure poés avoir d'aler si avant. Or me respondés se vous m'accomplirés mon darrain desiriier.» Messires Guillaumes Douglas respondi tout en plorant et dist: «Monsigneur, puis que vous me volés cargier de si grant cose, jà soit que point ne le vaille, j'en ferai mon devoir et mon pooir.» Et li rois respondi et dist: «Grant merchis.» Fo 23 vo.
290 P. 78, l. 17: crestienne.—Ms. B 6: et visseter le saint mont de Calvaire, et Dieu merchy les besoignes au lés par dechà de mon royaume sont assés en bon estat. Fo 48.
P. 80, l. 4: siècle.—Ms. d'Amiens: Lui trespasset, on l'ouvri, ensi que ordonnet l'avoit, et prist on son coer, et fu boulis et enbaumés. Fo 12.—Ms. de Rome: Depuis ceste ordenance faite, li rois Robers de Brus ne vesqui que trois jours. Si fu ouvers et enbaupsumés, et son coer pris et enbaupsumés et couchiez en un petit vasselet d'or si ricement ouvré que on ne pooit mieuls, et mis en une chainne d'or. Et tout cela encarga li gentils chevalier de Douglas, au jour que on fist l'obsèque dou roi Robert, en l'abeie de Donfremelin en Escoce. Là fu li rois Robers ensepelis; et, presens les barons, les prelas et les chevaliers, messires Guillaumes de Douglas encarga la çainne et le vasselet d'or où li coers dou roi Robert estoit enclos, et le mist en son hateriel; et dist que jamais de là ne partiroit, de nuit ne de jour, si l'aueroit porté oultre mer, et sus les mescreans, et laissiet au Saint Sepulcre en Hierusalem, ensi que proumis avoit. Fo 23 vo.
P. 80, l. 9: Donfremelin.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: d'Estrumelin. Fo 21 vo.
P. 80, l. 9: reveramment.—Ms. d'Amiens: et y furent tout li noble de son pays. Apriès ceste ordonnanche fète, li gentilz chevaliers messires Guillaumme de Douglas se coummencha à pourveyr et à appareillier pour mouvoir, quant temps et saison seroit, pour achiever ce que proummis avoit. Fo 12 vo.
P. 80, l. 11: le septime.—Ms. B 6: le neuvième jour de septembre. Fo 49.
P. 80, l. 12: novembre.—Ms. de Rome: Et trespassa de ce siècle li rois Robers de Brus en l'an de grasce Nostre Signeur mil trois cens vingt huit, le septime jour dou mois de jullé, qui fu la nuit dou Saint Sacrement. Et le jour saint Jehan Baptiste ensievant, fu couronnés à roi David ses fils; et li fissent tout li baron d'Escoce feaulté et honmage, les hommes des chités et des bonnes villes, des pors et des havenes; et estoit en onsime an de son eage, et demora ou govrenement dou conte de Moret, de mesire Robert de Versi et d'Arcebaut Douglas. Fo 23 vo.
P. 80, l. 13: contes.—Ms. d'Amiens: de Moret d'Escoche. Fo 12 vo.
P. 80, l. 14: d'Escoce.—Ms. d'Amiens: Si en furent grandement 291 afoibli tant dou roy que de ce conte, que de monseigneur Guillaumme Douglas qui wuidoit le royaumme d'Escoce. Fo 12 vo.
P. 80, l. 15: orilliers.—Mss. A 20 à 33: oreilles. Fo 40.—Mss. A 18 et 19: coilliers. Fo 22 vo.
P. 80, l. 15: geules.—Mss. A 1 à 6, 18 à 33: d'or. Fo 21 vo.
§ 41. P. 80, l. 16: prin tamps.—Ms. B 6: au mars ensievant. Fo 49.
P. 80, l. 20: en Escoce.—Ms. d'Amiens: ou havene de Haindebourch, Fo 12 vo.
P. 80, l. 25: douze.—Ms. B 6: quinze. Fo 50.
P. 80, l. 30: d'Escoce.—Ms. d'Amiens: et avoit en se compaignie deux chevaliers bannerèz et sept autre chevaliers des plus preus de son pays, et bien vingt cinq escuiers biaux et jouènes, les plus souffissans qu'il pot eslire en tout son pays, sans l'autre mesnie. Fo 12 vo.—Ms. de Rome: et avoit en sa compagnie un baron et siis chevaliers et trente esquiers, et tous à sa delivrance, sans l'autre mesnie. Fo 24.
P. 80, l. 30: compagnie.—Ms. B 6: luy vingt cinquième, que chevaliers et escuiers. Et y estoit le conte de Mouret. Fo 49.
P. 81, l. 8: vins.—Ms. de Rome: et servis de deus ou trois manières de vins, et casquns selonch son estat. Et le vinrent veoir de Flandres pluisseurs chevaliers et esquiers, et de Hainnau et d'Artois, et à tous il fist bonne chière. Fo 24.
P. 81, l. 11: entendi.—Ms. de Rome: il entendi que Alphons, li rois de Chastelle, avoit guerre contre le roi de Grenade et au roi de Bougie et au roi de Thunes et au roi de Bellemarie, et tout estoient Sarrasin. Fo 24.
P. 81, l. 17: l'Escluse.—Ms. B 6: et singla devers Castille et tant esploita que il ariva, en la compaignie de aucuns Espaignos, au port de Seville. Là se reposèrent par quatre jours. Au cinquième, il se partirent et puis yssirent des bateaulx, et montèrent à cheval, et allèrent devers le roy Alphons qui estoit devant Arsesille. Fos 50, 51.—Ms. de Rome: et puis se departi de l'Escluse, et orent li maronnier vent à volenté, et singlèrent sans peril et sans damage, et vinrent à la Calongne en Galise. Et là, qant il furent issu de lor vassiel qui estoit grans et biaus, et l'avoit fait faire et ouvrer li rois Robers de Brus, et 292 il furent sus terre, il se pourveirent de chevaus, et puis s'en alèrent deviers le roi d'Espagne qui se tenoit à Burs en Espagne, et s'aquintièrent de li. Li rois avoit bien oï parler de messire Guillaume Douglas et de ses proèces. Se li fu li très bien venus, et le rechut à grant joie et toute sa compagnie, et li fist avoir sa delivrance et son estat bien et grandement, et le plus à ses coustages. Avint que li rois Alphons d'Espagne entendi que li rois de Grenade, lui quatrime de rois, estoit venus à poissance logier à l'entrée de son pais. Jà avoit mandé ses hommes, et se mist aussi à poissance à l'encontre de ses ennemis. Fo 24.
P. 81, l. 22: pays.—Ms. d'Amiens: sept jours apriès ce que li dis messires Guillaummez de Douglas fu là venus. Fo 12 vo.
P. 81, l. 26: ennemis.—Ms. de Valenciennes: et dalez lui estoit venus aussi en bon arroy le sire d'Engien en Haynnau pour honneur acquerre, et jà avoit esté grant espasse en Espaigne. Fo 25.
P. 81, l. 28 et 29: batailles.—Ms. B 6: et estoient bien trente mille hommes en trois batailles. Fo 51.
P. 81, l. 30: route.—Ms. B 6: ot bien cinq cens armés de fier. Fo 51.
P. 81, l. 32: effort.—Ms. de Valenciennes: et aussi fist le dit seigneur d'Engien sur les costés où il furent ordonné à tout leur charge. Fo 25.
P. 82, l. 14: meschief.—Ms. de Valenciennes: Et aussi y demoura la banière le seigneur d'Engien, que portoit Gille de Hembisse, et pluiseurs autres, mais le sire d'Engien se sauva.... et sachiés que ceulx qui là demourèrent très bien se vendirent. Et parmi le mort il acquirent très grant honneur et le salvement de leurs ames. Fo 25.
P. 82, l. 15: Espagnolz.—Ms. B 6: Les Espaignos qui là estoient, et qui bien les oïrent assambler as Sarasins, se tinrent tout cois sur leur pas, ne oncques ne s'en partirent ne firent samblant de conforter les Escochois. Et les bons chevaliers messire Guillaume de Douglas et le conte de Mouret et bien dix chevaliers d'Escoche, qui s'estoient mis en che voyage pour l'amour de messire Gillame, furent tout mors, ne de tout leur gens n'en escapa nul. Dont che fut pité et domaiges et defaulte, et tout par les Castelens qui bien les eusent secourut, se il eusent vollut. Et ensy demoura le cuer du roy d'Escoche en Castille, ne il ne fu porté plus avant. Fos 51 et 52.
293 P. 82, l. 16: blasmet.—Ms. de Rome: Considerés la grant mauvesté des Crestiiens qui laissièrent perdre ce vaillant homme ensi et tous les siens; car il furent là tout mort; ne onques ce jour li rois d'Espagne ne li sien ne se combatirent. Mais messires Guillaumes Douglas et li Escoçois i fissent mervelles d'armes, et ocirent et abatirent moult grant fuisson de Sarrasins. Finablement, il demorèrent là tout mort sus la place, dont ce fu damages et grant mauvesté pour les Espagnols; mais li auqun dient que il le fissent tout volentiers et par envie. Ensi demora li coers dou roi Robert de Brus là, et li gentils chevaliers qui l'i portoit, et toute la route des Escos, reservé les varlès.
Considerés entre vous qui entendés raison, le povre aventure chils gentils chevaliers messires Guillaumes Douglas eut et rechut en roiaulme estragne et lontain, pour bien faire. Pluisseur voellent dire et supposer que li Espagnol orent envie sur lui et sus ses compagnons, pour tant que il s'avanchièrent de estre li premier requerant les ennemis et assallant, et que il vodrent avoir celle honneur devant euls. Qant les nouvelles furent sceues en Escoce de la mort dou gentil chevalier, tout chil dou roiaulme en furent courouchié, car il avoient perdu un trop grant chapitainne, et le regretèrent moult. Et li fissent faire si parent et li baron et chevalier d'Escoce, son obsèque aussi solempnement que donc que li corps fust presens. Et chanta la messe, en l'abeie de Sainte Crois, en l'abeie de Haindebourch, li evesques de Saint Andrieu en Escoce. Et i furent tout li baron et li prelat d'Escoce.
En cel meisme an, trespassa aussi sus son lit li contes de Moret d'Escoce. Ensi fu li roiaulmes d'Escoce afoiblis de deus vaillans hommes et d'un vaillant roi, le roi Robert de Brus, père au roi David. Fo 24.
P. 82, l. 24: trettièrent.—Ms. d'Amiens: aucun vaillant homme d'Escoce. Fo 12 vo.—Ms. de Valenciennes: aucuns vaillans seigneurs et sages. Fo 25 vo.
P. 82, l. 25: fu fais.—Ms. d'Amiens: Et envoya li roys d'Engleterre madamoiselle Ysabel sa soer moult honnerablement deviers le jone roy David d'Escoche, liquelx le rechupt liement et l'espousa à grant joie. Fo 12 vo.
P. 82, l. 26 et 27: d'Engleterre.—Ms. B 6: mademoiselle Isabiel. Fo 49.
P. 82, l. 28: Bervich.—Mss. A 11 à 14: Warvich. Fo 21.—Mss. A 15 à 19: Ewruich. Fo 21 vo.
294 P. 82, l. 28: en Escoce.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: en Gales. Fo 22.
P. 82, l. 29: l'autre.—Ms. de Rome: Qant li demorant des barons et chevaliers d'Escoce veirent que il estoient ensi afoiblis de vaillans hommes et avoient un jone roi, si orent consel ensamble à savoir là où il poroient lor roi marier et asener en lieu dont il vausissent le mieux. Bien sçavoient chil qui congnisoient le roiaulme d'Engleterre, que li jones rois Edouwars avoit une jone soer à marier. Si regardèrent et jettèrent lor visée à ce que, se lors sires li rois Davids pooit avoir à fenme et espeuse la serour le roi d'Engleterre, par ceste aliance ou temps avenir, il en deveroient mieuls valoir, et que paix raisonable en poroit bien venir, au pourfit de l'un roiaulme et de l'autre, car la guerre avoit trop longement duré. Si s'en ensonniièrent auquns vaillans hommes d'Escoce, prelas et autres, et en tretiièrent premierement deviers le conte Ainmon de Qent et mesire Rogier de Mortemer, qui pour lors avoient en gouvrenement le roiaulme d'Engleterre. Chil doi signeur assés legierement s'enclinèrent as requestes et tretiés des Escoçois et delivrèrent la serour dou jone roi d'Engleterre, madame Isabiel, à ambassadours dou roi d'Escoce; et lor fu menée au Noef Chastiel sur Thin, sans ce que prelas, barons, ne li consauls des chités et bonnes villes d'Engleterre en seuissent riens, ne fuissent apellé.
Pour laquelle cose, grant murmuration s'en esleva en Engleterre contre le conte de Qent et messire Rogier de Mortemer. Et disoit la renonmée dou pais que il ne deuissent pas cela avoir fait, ne le mariage acordé si legierement, de la fille d'Engleterre à lor adversaire le roi d'Escoce, que il n'euissent convoqiet l'especial et general consel dou pais; et couvenoit que il i euist entre ceuls qui de ce mariage s'estoient ensonniiet, auqune cautelle secrée qui se descouveroit, qanq que ce fust. Vous devés sçavoir que pour celi cause pluisseur en Engleterre entrèrent en doubte et en soupeçon mauvaise, jà n'i euist nulle cause, à l'encontre des desus dis le conte de Qent et mesire Rogier de Mortemer, et les [prissent] à grant haine, car Englès sont mervilleus et croient plus legierement le mal que le bien. Toutes fois, la jone dame d'Engleterre fu delivrée as barons et prelas d'Escoce, et le prissent au Noef Chastiel sur Thin et l'enmenèrent en la chité de Bervich, c'on dist en Escoce. Et là l'espousa li rois Davids d'Escoce, et vint faire sa feste depuis en Haindebourch en Escoce, et 295 i ot joustes noncies et publiies tout parmi le roiaulme d'Engleterre; mais moult petit de chevaliers d'Engleterre i furent, car il considerèrent la vois conmune dou pais que chils mariages n'estoit pas fais à la plaisance dou pais d'Engleterre, fors que de eulz deus. Fo 24 vo.
§ 42. P. 83, l. 18: estoit.—Ms. d'Amiens: et qui en dispenssa le roy de Franche. Fo 13.
P. 83, l. 26: d'Evrues.—Ms. d'Amiens: et fu noummée la damme la bonne roynne Jehanne. Fo 13.
P. 83, l. 27: au roi.—Ms. de Rome: Lois de Navare. Fo 25.
P. 83, l. 30: Quant.—Ms. de Rome: Qant il senti et congneut que morir le cuvenoit, il manda les nobles de son roiaulme, ceuls que en haste on peut avoir, tant des douse pers de France comme des autres; et qant il furent en la presence de li, il leur dist: «Biau signeur, vous estes tout mi obeissant et de mon linage. Je sent bien et congnois que aler m'en couvient en la conmune voie, ensi que li aultre vont. Je vous laisse ma fenme la roine enchainte. Se il avient que Dieus li donne un hoir male, ce que la couronne de France desire à avoir, je vous pri que vous en faites bonne garde et le couronnés à roi, qant il vous samblera que il apertiengne à estre; et, se elle est fenme, si ordonnés de la couronne de France à juste election, car bien sçai, se elle est fille, par les estatus et ordenance de France, elle ne le poet avoir.» Tout li orent couvenant que loiaument s'en acquiteroient. Fo 25.
Ms. B 6: Quant le roy Carles deubt mourir, il manda les douze pers de France et les barons; si leur dist ensy: «Signeurs, vous veés que mourir me couvient, ensy que il plaist à Nostre Seigneur. Je vous rechergeray ma femme la royne; elle est ençainte de moy. S'elle porte hoir malle, ilz sera roy. Se c'est une fille, sy ordonnés de la couronne de France à vostre consienche et avis, et le donnés au plus prochain hoir masle. Autrement n'en saroie ordonner.» Il respondirent tout que ensy le feroient.
Et puis après ung pau de temps, le roy Charles morut et fut ensevely à Saint Denis en Franche. Ne demoura gaire de tamps après, que ly douze pers et les saiges du royalme de France s'asamblèrent à Paris, et regardèrent qui seroit manbours, tant 296 que la royne Jehenne seroit acouchie. Sy ordonnèrent par coumun acort messire Phelippes de Vallois, filz jadis au conte de Vallois. Fos 52 et 53.
P. 84, l. 8: Paskes.—Mss. A 8 à 17: environ la Chandeleur, l'an mil trois cens vingt sept. Fo 20 vo.—Ms. d'Amiens: le dix septiesme jour dou mois de march, l'an mil trois cens vingt huit. Fo 13.—Ms de Rome: la nuit de la Pentecouste, l'an de grasce mil trois cens vint huit. Fo 25.
P. 84, l. 15: royaume.—Ms. B 6: Sy eslurent pour le plus prochain, à leur avis, de par le coumun acort de tout le royalme. Fos 53 et 54.
P. 84, l. 18: son fil.—Ms. de Rome: Et fu bien nouvelle de Edouwart le jone roi d'Engleterre, fil de sa serour, mais la querelle fu debatue et point longement soustenue. Fo 25.
P. 84, l. 24: livre.—Ms. d'Amiens: Li douze per de Franche et li vois des haux barons de celi royaumme s'asentirent et acordèrent à courounner le roy Phelippe de Vallois, fil au comte de Vallois, liquelz comtez de Vallois avoit estet frères au biel roy Phelippe, pèrez à ce roy Charlon, par lequelle sucession il eut le royaumme.
Apriès le eslecton fète, gramment ne demoura mies que li nouviaus roy Phelippes s'en vint deviers Rains pour lui faire consacrer et courounner, et fist là son mandement à estre y le merquedi de le Pentecouste; et le jour de la Trenité enssuiwant, il devoit recepvoir se consacration. Dont s'esmurent tout li grant signeur dou royaumme et pluiseur de l'Empire; et là vinrent, pour lui honnourer, Carles, li roys de Boesme, et Phelippes, li roys de Navarre, qui à ce jour l'adestrèrent. Et là furent li dus de Braibant, li comtez de Haynnau, messires Jehans de Haynnau, li dus de Bretaingne, li dus de Bourgoingne, li comtez de Blois, nepveux au roi Phelippe, li comtez d'Alençon, li comtes de Flandrez, messires Robers d'Artois, qui mis avoit grant painne à che couronnement, li dus de Lorainne, li comtes de Bar, li comtes de Namur, li comtez d'Auçoire, li ducs de Bourbon, li sirez de Couchy, li comtez de Saint Pol, li comtez d'Aumale, li comtes de Halecourt et tant d'autrez seigneurs que li recorders seroit ungs grans detris.
Avint que, au jour de le Trenitet, ensi que ordonnet estoit, fu li roys Phelippes courounnés et consacrés en le grant eglise de Nostre Damme de Rains, present tous ces seigneurs devant noumméz 297 et moult d'autres. Et là estoient li grant et li hault seigneur qui devoient servir le roy de leur offisce, li ungs de çaindre l'espée, li autre de li chauchier ses esperons et enssi de touttes coses. Et bien estoient appareilliet de faire chacuns son devoir, excepté le comte de Flandres, mès il se traioit arrière. Dont fu il appelléz en hault, et dist on par deus fois: «Comtes de Flandres, se vous estes ceens ou personne de par vous, si venés faire vo devoir;» et li comtes, qui bien oy ces parolles, se tut tous quois. Lors fu il de rechief apellé le tierche fois et amonestés, de par le roy, qu'il venist avant, sour quanque qu'il pooit fourfaire.
Adonc, quant il s'oy ensi conjurer, il vint avant et enclina le roy et dist: «Monseigneur, se on m'ewist appellés Loeys de Nevers et non comtez de Flandres, je me fuisse très avant.»—«Coumment, dist li rois, non estes vous comtez de Flandres?»—«Sire, dist il, j'en porte le nom et non le prouffit.» Dont vot li roys savoir comment che pooit estre. «Monseigneur, dist li contez, chil de Bruges, d'Ippre, de Popringe et de Berghes et de le castelerie de Cassel m'ont boutet hors, et ne me tiennent point à comte ne à seigneur. Encoires assés escarssement m'ose jou veoir à Gand, tant troeuve jou le pays plain de rebellion.» Dont parla li roys Phelippes, et dist: «Loeis, biaux cousins, nous vous tenons pour comtez de Flandres, et par le digne ungction et sacrement que nous recevons hui, jammais ne renterons en Paris si vous arons mis en possession paisieulle de le comtet de Flandres.» Lors s'engenouilla li comtez et dist: «Monseigneur, grant merchis.» Depuis fist li comtez son devoir, et fu tous resjoys de ceste proummesse, et ce fu bien raisons. Fo 13.
P. 84, l. 26: Trinité.—Ms. de Rome: A celle concordation de la couronne de France donner et Phelippe de Valois couronner, rendirent grant painne li contes de Hainnau, li contes Guis de Blois et messires Robers d'Artois, car chil troi prince avoient ses trois serours espousées. Fo 25.
P. 84, l. 32: ala.—Ms. d'Amiens: et s'en vint à Arras et là se tint ung tamps; apriès s'en vint il à Aire, car on li dist que li Flamencq estoient enssamble dessus le mont de Cassiel. Fo 13 vo.—Ms. de Rome: et vint de Rains à Pieronne, et puis à Arras, et là atendi tous ceuls que il avoit mandés. Li contes de Hainnau, ses serouges, et messires Jehans de Hainnau, son frère, le vinrent servir par priière et par amours, et 298 amenèrent belle route de genz d'armes, chevaliers et esquiers. Aussi fissent li signeur de France, qui estoient tenu de ce faire.... Li rois Phelippez à poissance s'en vint d'Arras à Lens en Artois, et de là à Bietune et puis à Aire. Et se loga entre Aire et le mont de Cassiel, et avoit le plus belle hoost et plus belle gent dou monde. Et avoient li signeur tendu tentes, trés, auqubes et pavillons sus lez camps, et sembloit que ce fuissent grandes villes de lors logeis. Et là estoit li bons rois de Boesme en grant arroi, li contes de Hainnau et messires Jehans de Hainnau ses frères, li contes Guis de Blois, li dus de Lorrainne, li dus de Bar, messires Robers d'Artois. Et tenoient li signeur là grant estat et noble. Fo 25 vo.
P. 85, l. 3: Bruges.—Ms. de Rome: non que Gant, Bruges, Courtrai, Granmont et Ippre en fesissent fait, mais s'en dissimuloient et consentoient bien que une congregation de fourbanis de Flandres fuissent à l'encontre dou dit conte. Fo 25.
P. 85, l. 3: d'Ippre.—Ms. B 6: et de le chastelerie de Bergues et de Cassiel. Fo 54.
P. 85, l. 7 et 8: escarsement.—Ms. B 6: Sy que, à la complainte du dit conte, le roy Phelippes esmeut ses gens et fit ung grant mandement. Et vint logier à Aire et là environ, et puis desoubz le mont de Cassel. Et là furent les Franchois, je ne say quans jours, à tentes et pavillons. Fo 54.
P. 85, l. 9: seize mille.—Mss. A 15 à 17: environ sèze mille. Fo 22.—Mss. A 20 à 22 et B 6: bien quinze mille. Fo 41 vo.—Mss. A 11 à 14: dix huit mille. Fo 21 vo.—Mss. A 1 à 6, 18, 19, 23, 25 à 36: onze mil. Fo 22 vo.—Ms. A 24: douze mil. Fo 33.
P. 85, l. 10: chapitainne.—Ms. d Amiens: Et avoient fet ung cappittainne qui s'appielloit Clais de Dennequin [84]. Chilz estoit mervilleusement orguilleux, hardis et outrageux. Et li proumetoient li aultre qui à lui obeissoient que, se il pooient desconfire le roy de Franche, qu'il le feroient ung très grant seigneur. Et bien s'en misent en aventure, ensi que vous orés. Fo 13 vo.—Ms. de Rome: Qant le chapitainne de ces Flamens, qui se nonmoit Clais Dennequins, entendi que li rois de France, en sa nouvelleté, avoit juré que jamais il n'enteroit en Paris, ne entenderoit 299 à aultre cose si aueroit remis en Flandres le conte Lois et confondus tous ses ennemis et nuisans, si s'en enfellonnia grandement et dist que chils rois poroit bien fallir à ses pourpos, et toutes fois pour lui brisier, ils s'en meteroit en painne. Et asambla tous ceuls des quels il pensoit à estre aidiés, car chil de Bruges, d'Ippre et de Courtrai l'aidoient couvertement, et avoient banis et mis hors de lors villes des fors et jones compagnons, tisserans et aultres, qui tous estoient de l'aliance ce Clai Denneqin. Et s'en vint logier sus le dit mont de Cassel. Et pooient estre en sa compagnie environ seize mil hommes, tous des plus crueuls et envenimés de Flandres, et tous as gages des bonnes villes de Flandres, reservet Gant. Car chil là, tant que des rices hommes de Gant, s'en dissimuloient et ne faisoient point partie à l'encontre dou conte. Fo 25 vo.
P. 85, l. 16: se partirent.—Ms. de Rome: Li Flamench estoient sus le mont de Cassiel et logiet d'aultre part au lés deviers Yppre, et veoient tout contreval les logeis dou roi de France, et eurent espies qui lor vinrent raporter tout le couvenant des François, et conment il estoient logiet espars.... Et s'avalèrent un jour sus l'eure de bassez vespres dou mont de Cassiel, et s'en vinrent tout droit, sans euls tourner ne bestourner. Fo 25 vo.
P. 85, l. 21: le roy.—Ms. de Rome: Clais Denneqins iroit tout droit devant lui à la tente dou roi de France; et le trouveroient soupant. Fo 25 vo.
P. 85, l. 22: souper.—Ms. de Rome: et furent sus le point li François que de estre souspris, qant on cria: «A l'arme! Monjoie Saint Denis!»
P. 85, l. 26: de Haynau.—Ms. B 6: Le conte de Haynau et messire Jehan son frère, qui là estoient à tout grant compaignie de Haynuiers, lequel estoient logiet à l'un des bous de l'ost et furent les prumiers qui virent les Flamens, sy s'armèrent incontinent et toute leurs gens, et firent adonc ung très grant secours au roy de France et as Franchois. Car, se il ne fussent sy tos venus au devant des Flamens qu'il firent, et que il leur coppèrent la voie, pour certain il euissent au dit roy porté moult grant damaige. Fo 55.
P. 85, l. 31: assamblet.—Ms. B 6: Sy avallèrent le dit mont sy coyement que oncques nul ne s'en donna garde. Sy furent tous jus et bien avant en l'ost. Et tuèrent ung chevalier de 300 Franche, en venant, qui s'apelloit messire Renault de Lore, que d'aventure il encontrèrent. Fo 55.
P. 86, l. 2: de Dieu.—Ms. de Rome: Toutes fois Dieus ne volt pas consentir que li signeur fuissent là desconfi de tel merdaille. Fo 25 vo.
P. 86, l. 5: escapa.—Ms. d'Amiens: De tout ces seize mil Flamens n'en escappa mil; et eurent li Haynnuyer, li comtes de Haynnau et messires Jehans ses frèrez premiers desconfis leur bataille, car ossi ce furent li premier assailli. Et les encloirent li Haynnuier par derière tellement que, quant li Flamencq quidièrent retourner, il ne peurent. Là y eult grant bataille, grant lancheis et grans fereis, et trop bien s'i vendirent, car il avoient hacez et espaffus et gros bastons fieréz à pickot, dont il donnoient grans horions. Et là rechurent li doy frèrez de Haynnau moult de painne, et y furent trop bien batus. Et y eult li comtes de Haynnau mors deus coursiers desoubz lui; et à touttes ces deus fois fu il relevés de monseigneur Jehan de Haynnau, son frère. Et fisent tant li Haynnuyers, avoecq lor seigneur, qu'il desconfirent celle bataille dez Flamens tout nettement; et encloirent lez autrez qui le roy de France avoient assailli, en escriant: «Haynnau! Haynnau!»
Là eut grant ocision et grant mortalité de Flamens, car on n'en prendoit nul à merchy. Et là fu ocis Colins Dennekins, cappittainne d'iaux, et ossi fu ungs bons escuiers de Haynnau qui s'apielloit li Borgnes de Robersart; mès ce fu par son outraige, car il tous seux encachoit six Flamens qui portoient longhez pickez, et leur escrioit en chasçant: «Retournés, laron, car je vous ocirai tous.» Enssi les poursuiwy une longhe espasse; et quant il le virent aseullet et arrière de touttes aiies pour lui, il retournèrent tout à une fois sour lui. Et le feri li uns de se picke desous son bachinet, et li enbara le fer en le cervelle, et le reversa à terre. Ensi fu mors li escuyers, dont ce fu dammaigez, et mout fu plains de chiaux de son pays.
Ceste bataille fu moult felenesse et moult dure. Et bien se vendirent Flamencq tant qu'il peurent durer; mès finablement il furent si assailli de tous costéz et si courageusement combatu, qu'il furent desrout et desconfi et ocis, et mis par mons ensi que bestes. Et en y eut bien mors quinze mil. Et furent li Haynnuyer premier qui portèrent les bannierrez de Haynnau, de monseigneur le comte et de monseigneur Jehan sen frère, sus le mont 301 de Cassiel; et lez misent sus lez murs de le ville, et haut sus le tour dou moustier. Depuis y furent aportées les bannièrez dou roy de France, qui envoiia saisir le ville, et y mist garde de par lui. Ceste bataille fu en l'an de grace Nostre Seigneur mil trois cens vingt huit, le jour Saint Bretremieu en aoust. Fo 13 vo.
P. 86, l. 6: mors.—Ms. B 6: Adonc le conte de Haynau et messire Jehan son frère se combatirent moult vaillanment, et rechurent de ces plançon de Flandres maint pesant horions. Finablement, les Flamens furent desconfis et près que tous mors. Et demorèrent toute leur capitaines ochis sur la plache. Et furent les banières du roy de Franche portées sur le mont de Cassiel. Fo 56.
P. 86, l. 13: Bietremieu.—Ms. de Rome: au soir. Fo 26.
P. 86, l. 15: Cassiel.—Ms. d'Amiens: se tint li rois de France là toutte le nuit, et l'endemain ossi. Fo 13 vo.—Ms. de Rome: Qant ce vint à l'endemain, li rois de France envoia ses marescaus, le signeur de Montmorensi et le signeur de Trie, et ses banières sus le mont. Fo 26.
P. 86, l. 16: Popringe.—Ms. d'Amiens: Cez nouvelles vindrent à Bruges, à Yppre, à Popringhe et ès villez voisinnez, qui rebellez estoient au conte, que Clays Dennekins estoit mors et desconfis et toute se routte. Dont baissièrent lez testes chil de se partie, et n'osèrent moustrer nul samblant d'aler à l'encontre dou roy et de leur seigneur. Et disent que Clais Dennekins estoit folz et outrageux, et que sans leur consseil il s'estoit combatus, car il li avoient mandet qu'il ne se combatesist point encorres; et pour ce qu'il l'a fet oultre leur deffensce, il l'en est mesavenu. Si n'en fait nient à plaindre. Ensi fu il plorés des Flamens qui, devant ce, li avoient esqueilli à faire ceste emprise.
Et li rois de Franche chevaucha, et toutte li os deviers Yppre. Dont vint li castelains de Berghes; et aporta les clefs dou castel, avoecq grant fuison des gens de ceste castelerie, au roy de Franche. Et li rois les prist, et en rendi le seignourie au comte de Flandres. Puis chevaucha li rois vers Yppre. Et quant cil de Ippre oïrent nouvellez de se venue, il vinrent contre lui à grant pourcession, et li offrirent les clefs de le ville. Li roys les prist et les rendi au comte; et fist jurer chiaus de le ville d'Ippre foy et loyaulté à leur seigneur. Puis entra li roys dedens Yppre, et y fu très honnerablement recheus. Et tant s'i tint que cil de Bruges et dou Francq de Brughes furent venu faire feaulté et hoummaige 302 au comte Loeys, et li jurèrent et proumissent qu'il le tenroient à pès et à seigneur. Et li contez ossi en tel mannierre leur jura. Ensi fu il remis en le possession de se terre, et par le puissanche et confort dou roy de Franche. Fo 14.
P. 86, l. 23: juré.—Ms. de Rome: mais depuis le relenqirent et boutèrent hors de Flandres, ensi que vous orés recorder en l'istore; et ne le peurent onques parfaitement amer; et disoient que il estoit trop françois, et que il ne savoit estre en paix et en amour avoecques ses gens. Fo 26.
P. 86, l. 25: Paris.—Ms. d'Amiens: Quant li roys Phelippes entra premierement en Paris comme roys, il y fu très noblement et solempnelment recheus et à grant joie. Et furent touttez lez rues par où il passa, tant qu'il vint au Pallais, couvertes et parées de draps d'or. Et estoit li rois de France adestré dou roy de Behaingne et dou roy de Navarre, et acompaigniés de tant de grans seigneurs que sans nombre. Che seroit unes tanissonz de recorder les festez et les honneurs et les grans solempnités c'on li fist, tant à Paris comme ailleurs, où il prist en ceste année le feaulté de ses bonnes villes et le hoummaige de tous ses hommes. Tout obeyrent à lui comme à roy, et ce fu raisons, car, par le election et acors des douse pères de Franche et des haulx barons de celui royaumme, il en fu roys. Fo 14.
Ms. de Rome: Qant li rois Phelippes de France eut remis le conte de Flandres en son pais et desconfi les Flamens, il s'en retourna à Aire et remercia les signeurs qui l'estoient venu servir, le conte de Hainnau son serourge et le signeur de Biaumont son frère, le duch de Bar, le duch de Lorrainne et les lontains, et donna à tout homme congiet de retourner en son lieu. Et ils meismes prist le cemin de France, et esploita tant par ses journées que il vint à Compiengne, et là se tint, car il volt ordonner une grande feste à estre à Paris à sa bien venue, car encores il n'i avoit point entré comme rois. Et qant il i entra, ce fu à très haute solempnité. Et fu adestrés dou roi de Boesme et dou roi de Navare, et cevauça tout premiers à l'eglise Nostre Dame de Paris. Et de là il retourna au Palais, et là tint son estat; et aussi fist la roine sa fenme. Et i ot tant de noblèces, ce jour, que mervelles seroit à penser ne à recorder.
Chils rois Phelippes augmenta grandement l'estat roial de France, et ama à faire joustes et tournois et tous esbatemens. Et avoit un jone fil, lequel on appelloit Jehan, et le fist duch de 303 Normendie, et le maria à la fille dou bon roi de Boesme. Chil rois Phelippes, en son jone temps, avoit esté uns rustes, et poursievoit joustes et tournois; et encores amoit il moult les armes, quoi que son estat fust moult aucmenté. Mais il creoit legierement fol consel, et en son aïr il fu crueuls et hausters. Et aussi fu la roine sa fenme et perilleuse, la mère dou roi Jehan, qui fille fu au duch Oede de Bourgongne.
Chils rois fist en son temps tamainte hastieve justice dont il se fust bien deportés, se il vosist. Il fist pendre à Montfaucon messire Engherant de Maregni, un très vaillant et sage chevalier, et qui tamaint bon consel li avait donné. Et tout ce fist faire la roine de France sa fenme. Qant elle avoit aquellié en haine un baron ou un chevalier, quels qu'il fust, se il estoit tenus ne trouvés, il en estoit ordonné, [et] il couvenoit qu'il fust mors. Trop male et perilleuse fu celle roine de France, la mère dou roi Jehan, et aussi elle morut de male mort. Fo 26.
§ 43. P. 87, l. 11: mère.—Ms. d'Amiens: monseigneur Henry de Lancastre au Tors Col. Fo 14.
P. 87, l. 15: Mortemer.—Ms. de Rome: Et tout se passoit par ces deus, liquel avoient esté si bien d'acort ensamble tous jours que nul different on ni avoit point veu. Or avint que messires Jehans d'Eltem, frères mainnés dou roi, et que li rois amoit otant que soi meismes, ala morir assez soudainnement. De laquelle mort on fu moult esmervilliet et courouchiet. Et en parlèrent pluisseurs gens assés estragnement et murmurèrent sus le conte Ainmon de Qent, pour tant que li enfes estoit en sa garde. Et meismement li rois en fu trop grandement courouchiés sus son oncle.
Avint, assés tos apriès, que discorde et haine s'esmurent entre le conte de Qent et messire Rogier de Mortemer, et si groses paroles que il desmentirent l'un l'autre. Et sentoit bien li dis messire Rogiers que li contes de Qent n'estoit pas bien en la grace dou roi, car se il i euist esté, les paroles fuissent aultrement tournées; et ne l'euist osé courouchier li dis messire Rogier. Avoecques tout ce, la roine, la mère dou roi, portoit trop grandement messire Rogier à l'encontre dou conte de Qent. Et se moutepliièrent tellement ces haines entre ces deus signeurs que la conclusion en fu très male; car li rois fu enfourmés de messire Rogier de Mortemer et d'autrui que li contes de Qent 304 voloit enpuisonner le roi et faire morir, ensi que il avoit fait messire Jehan d'Eltem, et pour venir à la couronne d'Engleterre. Li rois crut ces paroles legierement, et en parla à madame sa mère. La roine Issabiel, qui mieuls amoit messire Rogier que le conte de Qent, ne l'escusa aultrement que elle dist: «Ce poroit bien estre, biaus fils, on ne scet en qui avoir fiance aujourd'ui. On li donne en ce pais povre renonmée de vostre frère; et se vouz estiés mors, il seroit rois d'Engleterre: c'est li plus proçains.»
Ces paroles entrèrent tellement ou coer le roi d'Engleterre qui estoit jones, que onques depuis elles ne li porent issir, et fist prendre son oncle et mener en la Tour à Londres, et de là au palais de Wesmoustier. Li contes de Qent, qui avoit esté tenus tous jours à preudomme et sage et vaillant homme, ot cel incouvenient si grant contre li que morir le couvint. Et fu decolés ens ès gardins de Wesmoustier, là où li rois Edouwars, ses frères, en avoit fait decoler des plus grans barons d'Engleterre jusques à vint deux. Et ce greva et apesa trop grandement le conte Ainmon de Qent en la grace et renonmée des Londriiens, que il avoit sa cousine la soer au roi d'Engleterre donné et acordé en mariage au roi David d'Escoce, sans ce que li pais en seuist riens; et n'en fu point tant plains que il euist esté et aidiés, se il n'euist fait ce marcié. De ce conte de Qent mort et decolé, demora une jone fille. Pour lors, elle pooit avoir sept ans. Se le prist la jone roine Philippe dalés lui, qui en ot pité et euist volentiers aidié à son père que il ne fust point mors; mais qant chil qui le haihoient veirent que elle s'en voloit ensonniier, il le hastèrent, et le couvint morir, ensi que vous avés oy. Celle jone damoiselle de Qent estoit cousine germainne dou roi Edouwart d'Engleterre; et fu en son temps la plus belle dame de tout le roiaulme d'Engleterre, et la plus amoureuse; mais toute sa generation vint à povre conclusion par les fortunes de ce monde qui sont moult diversez, ensi que vous orés recorder avant en l'istore.
De la mort et decolation le conte Ainmon de Qent fu li roiaulmes d'Engleterre moult afoiblis, et li rois en pluisseurs lieus grandement blamés, qant il avoit fait morir son oncle, et tout chil qui ce consel li avoient donnet et par especial messires Rogiers de Mortemer. Fo 26 vo.
P. 87, l. 19: empuisonner.—Mss. A 1 à 10, 15 à 19: emprisonner. Fo 23.
305 P. 88, l. 15: enfourmés.—Ms. de Rome: et li fu dit pour sen honnour, il couvenoit que il i pourveist. Fo 26 vo.
P. 88, l. 24: à Londres.—Ms. d'Amiens: à Wesmoustier, son palais. Fo 14 vo.—Ms. de Valenciennes: en son palais, à Westmenster, hors de Londres. Fo 30.
P. 88, l. 25: nobles.—Ms. d'Amiens: et dez prelas. Fo 14 vo.
P. 88, l. 27: fais.—Ms. d'Amiens: Et compta li roys meysmes par devant tous chiaux qui là estoient mandet et assamblet, les fès et les oeuvrez le seigneur de Mortemer, ensi que imfourmés en estoit et que trouvet l'avoit souffissamment, si ques grant partie en apparroit. Fo 14 vo.
P. 89, l. 1: à faire.—Ms. de Rome: Adonc entrèrent tout chil signeur en une aultre cambre et parlèrent ensamble. Fo 27.
P. 89, l. 3 et 4: infourmés.—Ms. d'Amiens: et ainchois lonch terme que li roys en seuwist riens. Fo 14 vo.
P. 89, l. 6: justiciés.—Ms. de Rome: car il estoit fauls, mauvais et traites contre son signeur. Fo 27.
P. 89, l. 8: bahut.—Ms. de Rome: et puis amenés en la grande rue de Cep. Fo 27.
P. 89, l. 13: coraille.—Ms. d'Amiens: Et apriès on li coppa le teste, et puis fu pendus par lez costés. Fo 14 vo.—Ms. de Rome: et puis fu mis jus de l'escelle, et estendus sus un estal de bouchier, et copés la teste et esquartelés. Fo 27.
P. 89, l. 15: tieste.—Ms. de Rome: et la teste de lui fu misse sus une glave au pont de Londres. Fo 27.
P. 89, l. 20: castiel.—Ms. B 6: sur les marches de Galles, moult belle place. Fo 58.
P. 89, l. 25: revenues.—Ms. de Rome: et rentes et revenues et bien paiies de terme en terme. Fo 27.
P. 89, l. 28: raison.—Ms. d'Amiens: Et ordonna li rois que nullement elle ne vuidast point dou castiel plus avant que à le barrière, mais là dedens presist ses esbatemens en vergier et en gardins qui mout bel y estoient, et par lez edefficez dou castiel dont il y avoit grant fuison. Fo 14 vo.—Ms. de Rome: Li rois d'Engleterre, par le consel qu'il ot, fist ma dame sa mère envoiier en un castiel et là tenir sans point issir de la pourprise. Fo 27.
P. 89, l. 32: bellement.—Ms. de Rome: Depuis vesqui la roine Issabiel là en cel estat, bien trente quatre ans. Fo 27.
306 § 44. P. 90, l. 20: feaulté.—Ms. B 6: de la duché d'Aquitaine et de la conté de Pontieu et de la conté de Monstreul. Fo 58.—Ms. de Rome: tant de la ducée de Guienne comme de la conté de Pontieu. Fo 27.
P. 92, l. 24: grandement.—Ms. d'Amiens: et les fist sejourner par l'espasse de quinze jours. Fo 14 vo.
P. 93, l. 23: cité.—Ms. A 2: en la bonne chité d'Arras ou d'Amiens. Fo 25 vo.—Ms. de Rome: et que là tenroit li rois son estat, et i seroient à ce jour li douse per de France ou chil qui i poroient estre. Fo 27.
P. 94, l. 3: mi aoust.—Cette date fausse ne se trouve pas dans les mss. A 11 à 14. Fo 23 vo.
§ 45. P. 94, l. 7: estat.—Ms. de Rome: et envoia ses lettres en Hainnau deviers le signeur de Biaumont, et li manda que il fust à Amiens en ce jour, car il i seroit. Messires Jehans de Hainnau ne l'euist jamais laissiet que il n'i fust venus. Fo 27.
P. 94, l. 18: quarante.—Mss. A 11 à 14: quarante quatre. Fo 23 vo.—Mss. A 20 à 22: cincquante. Fo 45.—Ms. B 6: à cinquante chevaliers. Fo 59.
P. 94, l. 23: monta.—Mss. A 11 à 14: à cheval. Fo 24.
P. 95, l. 5: d'Amiens.—Ms. de Rome: Che prope jour que le roi vint, entra en la chité d'Amiens messires Jehans de Hainnau, de quoi li rois et tout li Englois furent moult resjoi. Fo 27.
P. 95, l. 17: quinze.—Mss. A 23 à 29: seize. Fo 31 vo.—Mss. A 11 à 14: dix huit. Fo 24.—Ms. de Rome: environ huit. Fo 27.
P. 96, l. 1: vorroit.—Ms. de Rome: La nature des Englès est telle que tous jours il se crienment à estre decheu et repliquent tant apriès une cose que mervelles; et ce que il aueront en couvenant un jour, il le deliieront l'autre. Et à tout ce les encline à faire ce que il n'entendent point bien tous les termes dou langage de France; ne on ne lor scet conment bouter en la teste, se ce n'est tout dis à lor pourfit. Et encorez en avint adonc ensi. Dont li signeur et li per de France, qui là estoient venu et asamblé pour celle matère, en furent trop fort esmervilliet; et en parlèrent especiaument à mesire Jehan de Hainnau, et li remoustrèrent tous les poins et les articles dou dit honmage conment il se devoit faire.
307 Messires Jehans de Hainnau, qui estoit ensi que moiiens entre ces parties, remoustra ce au consel le roi d'Engleterre, et les paroles des François, et quel cose il disoient, conment il deuissent estre là venu aultrement pourveu que il n'estoient. Il respondirent à ce et s'escusèrent que il apertient et convient que as parlemens qui sont à la Saint Michiel à Wesmoustier, où tous li consauls generauls d'Engleterre est, soient remoustrées tels coses, car bonnement il ne le poroit faire sans le sceu de tout le pais; et se li rois fait l'avoit, il en seroit blamés, et aussi seroient tout chil qui conselliet li aueroient; et n'en vodroient riens tenir en Engleterre, et diroient que il aueroient esté decheu: si ques, sus cel estat, messires Jehans de Hainnau en fist response à ceuls qui cargiet l'en avoient. Et qant il veirent que soufrir leur couvenoit, il le portèrent et passèrent courtoisement, et li rois de France trop plus doucement encores que son consel, car il avoit en imagination que d'enprendre la crois et aler au Saint Sepulcre et delivrer des mescreans; ouquel voiage il en menroit avoecques lui, ce disoit, son cousin le jone roi d'Engleterre; si le voloit tenir en amour et faire pour li tout che que il poroit. Fo 27 vo.
P. 96, l. 23: s'apertient.—Mss. A 1 à 6, 18 à 33: s'acomparage. Fo 25.—Mss. A 11 à 14: ne fait à comparer. Fo 24 vo.
§ 46. P. 96, l. 31: à Londres.—Ms. de Rome: au palais de Wesmoustier. Fo 27 vo.
§ 48. P. 100, l. 9: Li homs.—Ms. d'Amiens: Vous avés bien oy chy devant dire et recorder le trespas dou roy Charlon de Franche, et coumment li père et li hault baron del royaumme de Franche eslisirent et couronnèrent à roy Phelippe, fil jadis au comte de Vallois. Et sachiés que à celle election faire messires Robiers d'Artois, ses serourges, qui adonc estoit li ungs des plus grans et mieux oy en parlement del royaumme de Franche, y mist et rendi grant painne. Fo 19.
P. 100, l. 20: lui.—Ms. de Valenciennes: entre le contesse d'Artois et le duc de Bourgogne. Fo 38.
P. 100, l. 21: d'Artois.—Ms. d'Amiens: laquelle comté messires Robiers callengoit et demandoit contre le duc de Bourgoingne. Fo 19.—Ms. de Rome: laquelle comté messires Robers d'Artois proposoit et calengoit comme sienne, car il en 308 venoit d'estration, mais la male roine de France, fenme au roi Phelippe, aidoit trop fort son averse partie et tant que elle li moustra et prouva mervilleusement à fause une lettre, laquelle li dis messires Robers d'Artois mist avant, et s'en voloit aidier. Et fu celle lettre condampnée en parlement à Paris, et une damoiselle d'Artois arse, que on clamoit la damoiselle Divion, et messires Roberz d'Artois jugiés à morir honteusement, se on l'euist tenu; ne onques li rois Phelippes ne le volt sousporter, tant fu il dur enfourmés contre li, et tout par la roine de France. Fo 28 vo.
P. 100, l. 26: remède.—Ms. B 6: Et à che avoit la royne de France grant couppe, car le plait estoit contre le duc Oede de Bourgoigne, son frère. Sy y bouta sy fort que le roy le fist banir publicquement. Fo 60.
P. 100, l. 29: France.—Ms. d'Amiens: Il wuida le royaumme au plus tost qu'il peult, et s'en vint en Haynnau deviers le comte Guillaume, qui adonc regnoit et se tenoit en l'ostel de Hollandes, à Vallenchiennes, maladieus et travilliés par heures de gouttes. Et recorda au comte sen avenue, et coumment li rois de France l'avoit aqueilliet en grant haynne. Si l'en demanda à avoir consseil. Li comtes de Haynnau, qui ses serourges estoit, car il avoient deux serours espousées, fu durement esmervilliéz de ces nouvelles, et li dist que vollentiers pour l'amour de lui il envoieroit deviers le roy de Franche, et li aideroit à faire sa pais. Si em pria monseigneur Jehan de Haynnau, son frère, et l'evesque de Cambrai, qui estoit pour le temps, que il y volsissent aller. Cil li acordèrent vollentiers et vinrent en Franche deviers le roy, pourveu et avisé de lettres de par le comte de Haynnau, et de biel langaige pour excuser le dit monseigneur Robert, en lui priant que il lui vosist pardonner son mautalent et li rendre ses enfans et sa terre. Mès li roys n'y volt oncques de riens entendre, ains manda au comte de Haynnau, par monsigneur Jehan de Haynnau son frère que, se il soustenoit ne tenoit ne comfortoit en riens le dit messire Robert, il n'aroit pieur ennemit, ne plus grant de lui.
De quoy li comtez de Haynnau fu moult corouchiés, quant il oy ces nouvelles et si fors mandemens dou roy. Et s'en consseilla as pluiseurs grans barons de son pays qu'il en estoit bon à faire, car il amoit durement le dit monseigneur Robert; et bien disoit que, se il fuist hetiés et que il pewist chevauchier, il li cuideroit bien faire se pès, avoec l'ayde dou duc de Braibant. Dont dissent 309 li baron de Haynnau que il n'avoit que faire d'entrer en haynne, ne mettre son pays en guerre contre le roy de Franche pour messire Robert d'Artois; mès, se il le volloit aidier et comforter de misse secretement, faire le pooit, et le laissast pourcacher et querre amis là où bon li sambloit, car il avoit bien des plus prochains qu'il ne li fust. Li comtes crut son consseil et fist delivrer à messire Robert secretement six mille viés escus pour paiier ses frès; et li donna draps, chevaux et jeuiaux au departir, et le recoummanda à Dieu. Et s'en vint adonc le dit messires Robiers d'Artois à Namur veoir sa soer la comtesse de Namur et le jouène comte Jehan de Namur, son nepveult et les autrez, Guillaume, Robert et Loeis, qui estoient adonc mout jone damoizel. Sa serour le rechupt à joie, et li fist feste ce qu'elle peult; che ne fu nient longement, car li roys de Franche y mist remède.
Quant li roys Phelippes oy dire que messires Robiers d'Artois se tenoit à Namur dalés le jouène comte son nepveult, si en fu courouchiéz et manda et coummanda outreement et très especialement au comte que, se il ne li faisoit wuidier sa terre, il le courouceroit hasteement, et li torroit tout ce que il tenoit de lui en Franche, et li feroit ardoir et courir son pays de ses voisins meysmes. Quant li jouènes comtez de Namur et ses conssaux oïrent che, si ne vorent pas courouchier le roy, et obeirent à ses mandemens. Lors se parti messires Robers et s'en vint en Braibant deviers le duc Jehan son cousin, qui lors se tenoit à le Leuwre et qui le rechupt à joie, à qui messires Robiers d'Artois dist toutte sen aventure et coumment li roys le decachoit et faisoit decachier de pays en pays, et ne savoit mès où aller, s'il li falloit. Dont li dist li ducs de Braibant: «Biaux cousins, ne vous esbahissiéz de riens, car j'ai terre et mise asséz pour vous conforter, ne je ne sui de riens tenu de obeir au roy de Franche. Si vous tenés dallés moy, et je regarderay et pensseray à vos besoingnes.» Fo 19 vo.
Ms. de Rome: Et couvint le dit messire Robert soudainnement laissier fenme et enfans, des quels li rois de France estoit oncles, et partir dou roiaulme et venir en l'Empire. Et se tint à Namur un petit de temps, car la contesse estoit sa serour. Et de là il vint en Braibant, et le quida li dus de Braibant apaisier au roi de France, mais il ne peut.
Adonc vint il en Hainnau, car li contes et li avoient deus serours [espousées]. Li contes se mist en painne de remettre à paix messires Robers d'Artois au roi de France, et i envoia sa feme, 310 qui serour estoit dou roi Phelippe, et messire Jehan de Hainnau, son frère; mais il retournèrent sans riens faire.....
Qant messires Robiers d'Artois se vei ensi aquelliés dou roi Phelippe et de la roine, et que à la priière dou duch de Braibant, dou conte de Hainnau et dou conte de Blois, il ne pooit venir à paix, et estoient sa fenme et si enfant enprisonné, il li deubt tenir et tourner à grant desplaisance, car encores n'avoit il de quoi vivre, se li signeur ne li aidoient. Si s'avisa, puis que ensi estoit, il honniroit tout, et meteroit tel tourble et descort en France que les traces i demorroient deus cens ans à venir. Il prist congiet au conte de Hainnau et à la contesse. Ce fu li darrains hostels adonc, dont il se parti. Li contes, qui fut moult amis et honnourables, et qui avoit grant pité de li, et aussi avoient tout signeur et toutes dames de bien, li fist delivrer et baillier or et argent pour paiier ses menus frès, car il s'en voloit aler en Engleterre; mais il s'avisa que il iroit prendre congiet aussi au duch de Braibant, qui moult l'amoit, et li contes de Hainnau li consella.
Si se departi de Valenchiennes et vint à Mons, et puis à Halle et à Brouselles, et là trouva le duch de Braibant. Se li remoustra, quoi que li dus en seuist assés, toutes ses tribulations. Li dus en ot pité et li dist: «Biaus cousins, on vous fait tort, et li rois de France est mal consilliés. Bien veons et entendons qu'il est aournés et parés de mauvais consel: se l'en pora bien mesceir. Nous avons terre et pais assés pour vous tenir à l'encontre de tous vos nuisans.» De ces proumesses se resjoi messires Robers d'Artois et se tint dalés le duch de Braibant, son cousin, pour tant que il en pensoit mieuls à valoir, et que li dis dus, qui rices et poissans estoit, le deuist mettre à coron de tous ses incouveniens, mais non fist; car la poissance dou roi de France est trop grande et avoit en trop grande haine encargié le dit messire Robert d'Artois, ensi que il fu apparans. Fos 28 vo et 29.
P. 101, l. 27: soustenroit.—Ms. B 6: Sy le soustint le plus longement le ducq Jehan de Brabant, qui ly presta son chastel d'Argentuelle. Mais le roy Phelippes fist deffier le duc de Brabant pour celle cause, et envoia douze prinches qui ardirent le pais. Et y furent les Lygois adonc jusques à [Hanut] [85]. Fo 61.
311 P. 102, l. 2: poroit.—Ms. d'Amiens: Li dus de Braibant ne fist comte de ces manaces et remanda au roy, par ses messagiers meysmez, que messires Robiers d'Artois estoit ses cousins bien prochainz et ung des plus nobles de sancq du monde. Si le devoit aidier et conforter par linage. Et encoires li mandoit il que il ne creoit mies que messires Robiers d'Artois euist cause nulle à ce dont il l'amettoit, et que il faisoit mal et pechiet, quant ainssi pour amise il le deshonneroit et tolloit son hiretaige. Fo 19 vo.
P. 102, l. 9: tant.—Ms. de Rome: par son or et par son argent dez grans amis en Alemagne. Fo 29.
P. 102, l. 11: Liège.—Ms. d'Amiens: messire Awous de le Marce, qui estoit evesque pour le tamps. Fo 19 vo.
P. 102, l. 12: Coulongue.—Les mss. de Valenciennes et de Rome ajoutent: l'arcevesque de Trièves. Fo 40.—Le ms. d'Amiens ajoute: le arcevesque de Maience. Fo 19 vo.
P. 102, l. 12: li dus.—Ms. de Rome: le conte de Gerlles. Fo 29.
P. 102, l. 13: Jullers.—Le ms. d'Amiens ajoute: le comte de le Marche, le comte des Mons, messire Ernoul de Bakehen. Fo 19 vo.—Ms. de Valenciennes: conte de Jullers. Fo 40.
P. 102, l. 15: tout.—Ms. de Rome: sus un jour et à une fois. Fo 29.
P. 102, l. 16: roy.—Ms. d'Amiens: et leur donna grant or et grant argent, affin que il vosissent deffiier le duc de Braibant et le gueriier; et il s'i asentirent parmy les grans dons qu'il en eurent. Encoires y vot mettre et bouter li roys le jouène comte de Namur, mais il s'en excusa bellement et dist qu'il serviroit le roy de France en touttes autrez manièrez, fors en ceste. Fo 19 vo.
P. 102, l. 18: Hanut.—Ms. de Rome: et demorèrent deus jours. Fo 29.
§ 49. P. 103, l. 16: Vous avés.—Ms. de Rome: Vous sçaves, si com il est contenu ichi desus en nostre histore, conment les trieuwes furent prisses et données entre Engleterre et Escoce, et aussi conment li mariages fu fais dou jone roi David d'Escoce à la serour le roi d'Engleterre. De quoi li Escoçois en quidièrent trop grandement mieuls valoir, mais li Englès ne l'entendoient pas ensi, eulz qui ne pueent amer les Escos, ne 312 ne fissent onques, ne jà ne feront. Qant les trieuwes furent fallies entre euls et les Escos, qui avoient duret trois ans, il ne vodrent point sousfrir par nulle voie que les trieuwes fuissent reprisses, car il voloient avoir la guerre, car li sejourners lor desplaisoit trop grandement, Englès sont de celle nature: il ne sèvent, ne pueent, ne voellent longement sejourner sans euls ensonniier en gerre; et demandent les armes, n'ont cure à quel title, et trop grandement s'i dilitent et abilitent. Encores estoient les Escoçois assés au desus de lors besongnes et tenoient la chité de Bervic, que li rois Robers de Brus, qant il leva le siège de Struvelin, avoit conquis sus le roi Edouwart, père au jone roi Edouwart, dont il desplaisoit grandement as Englès. Et pour ce avoient li auqun parlé vilainnement en Engleterre sus le conte de Qent, qant il acorda si tos sa cousine, Isabiel d'Engleterre, par mariage, au roi d'Escoce, lor adversaire.
Qant les trieuves furent fallies d'Engleterre et d'Escoce, li Escoçois, qui quidièrent trouver auqune amour et aliance deviers le roi d'Engleterre et son consel, pour la cause de ce que lors sirez avoit à fenme la serour le roi d'Engleterre, envoiièrent ambassadours d'Escoce, tels que l'evesque de Saint Andrieu, l'evesque d'Abredane, messire Robert de Versi, messire Arcebaut Douglas, messire Simon Fresel et messire Alixandre de Ramesai, deviers le roi d'Engleterre et son consel. Et vinrent chil prelat et chil chevalier d'Escoce, sus bonnes asegurances, en la chité de Londres. Pour lors, li rois d'Engleterre et la roine Phelippe tenoient leur hostel, une fois à Eltem, et l'autre fois à Windesore. Pour ces jours que li Escoçois vinrent, estoient li rois et la roine à Eltem; si se traissent deviers euls tout premierement, ensi que pour mieuls valloir. Car au voir dire, il avoient plus chier à entendre à unes longes trieuves ou avoir paix que la guerre; car lor poissance en Escoce estoit trop afoiblie, tant dou roi Robert qui mors estoit, que de mesire Guillaume Douglas et dou conte de Moret.
Li rois d'Engleterre et la roine et li chevalier d'ostel requellièrent assez courtoisement ces signeurs d'Escoce, pour la cause de ce que li rois Davis, lors sires, avoit à fenme leur serour; et remoustrèrent au roi moult doucement ce pourquoi il estoient là venu et envoiiet de par tout le pais. Li rois respondi à ce et dist que il fuissent li bien venu, et que volentiers il meteroit son consel ensamble et là seroit; et toute l'adrèce que il poroit 313 faire, fust de trieuves ou de paix, salve l'onnour de li et de son roiaulme, il i meteroit. Ceste response souffi assés as Escoçois, et retournèrent en la chité de Londres. Fo 29.
P. 104, l. 14: barons.—Ms. d'Amiens: Lors assambla tout son consseil, les nobles et les grans barons d'Escoce et ossi les prelas. Fo 14 vo.—Ms. de Valenciennes: Lors assambla tout son conseil, prelas, barons et citoiens. Fo 30 vo.
P. 105, l. 12: conseil.—Ms. d'Amiens: qui desiroient à avoir le guerre as Escos, et contrevengier le mort de lor proismes, qui furent ochis devant Struvelin et en le cache qui fu assés dammagable et honteuse pour les Englès. Fo 15.
P. 105, l. 20 et 21: decaciés.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: de Braibant. Fo 27.
P. 105, l. 25: l'Empire.—Ms. d'Amiens: Enssi ne se peult messires Robiers d'Artois tenir ne en France ne en l'Empire. Si eult avis et consseil qu'il s'en yroit en Engleterre veoir le jouène roy Edouwart, et li metteroit avant tel cose dont gaires ne se dounnoit garde, qui coustèrent au royaumme de Franche. Si prist congiet au duc de Braibant qui li fist au partir delivrer six mille viés escus pour paiier ses frès, et se parti couvertement de Braibant et vint en Anwerz. Là entra il en ung gros vaissiel et toutte se mesnie, et fist tant et naga par mer qu'il ariva à Zanduch [86] en Engleterre, en ce tamps que li rois englès estoit en Escoce, ensi que vous avés oy chy devant.
Quant messires Robiers d'Artois oy ces nouvelles que li roys d'Engleterre estoit en Escoce, qui gherioit là les Escos, si n'en fu mie plus liés. Nonpourquant il prist ghides pour lui mener celle part, et se parti de Zandvich o toutte se routte, et prist l'adrèce pour venir vers Stanfort et vers Lincelle et tout le droit chemin d'Escoche; et passa ces villes que je vous nomme et pluiseurs autrez, et vint à Dancastre et de là à Yorch [87] c'on dist Ebruich, où la roynne Phelippe d'Engleterre sa cousine et sa nièche estoit toutte enchainte du biau fil, qui depuis fu noummés Edouwars et princhez de Galles [88]. Quant la roynne seut la venue de monseigneur Robert d'Artois son oncle, si en eult grant joie, et le requeilli et festia grandement, enssi que bien le seut faire, 314 et le retint dalléz lui environ six jours. En ce termine, vinrent certainnes nouvellez à le roynne que li roys sez maris avoit pris le castel de Haindebourch, et s'estoient chil dedens rendu au roy, sauve leurz viez, par les enghiens qui nuit et jour jettoient à le fortrèche. Ensi eult la roynne double joie.
Lors se parti messires Robiers d'Artois, et dist que il volloit aller deviers Escoce, et veoir le roy comment il s'i maintenoit. Dont fist la roynne appareillier grans gens d'armes et bien trois cens archiers, dont messires Henris de Biaumont fu chiéz, pour aconduire le plus sauvement jusques au roy monseigneur Robiert son biel oncle, liqués chemina et esploita tant avoecq se route qu'il vint à Bervich en Escoche qui se tenoit de par le roy d'Engleterre. Et rechurent chil qui dedens estoient, par le congnissance qu'il eurent de monseigneur Henry, le dit monseigneur Robert et touttes ses gens à grant joie, et se rafreschirent en Bervich trois jours. Là eurent il nouvelles que li roys estoit partis de Haindebourch, et avoit mis grant garnison ou castel, et en estoit allés devant Struvelin et l'avoit asegiet. Lors se parti li dis messires Robiers d'Artois de Bervich, et chevaucha à esploit celle part.
Tant esploita messires Robiers que il approcha l'ost le roy. Et quant il fu ensi que environ trois lieuwes englesces priès, messires Henris de Biaumont qui le conduisoit, chevaucha devant, et vint deviers le roy, et li dist les nouvelles de monseigneur Robiert qui venoit. Liquelx roys fu moult liés, et fist monter aucuns de ses barons et venir contre lui; et l'amenèrent tout parlant et devisant en l'ost et en le tente dou roy, qui vint contre li bien avant et le festia grandement et li demanda: «Biaux cousins et oncles, quelz besoingnes vous amainnent maintenant en ce pays?»—«El non Dieu, sire, dist messires Robers, vous le saréz, car c'est raisons.» Adonc li compta il toutte se fortunne et sen aventure, et coumment li roys Phelippes, à qui il avoit fait tant de biens, li avoit tollut sa terre et emprisonnet ses deus fieux, Jehan et Carle, et bani publiquement du royaumme de Franche. Plus avant il ne le laioit en nulle place delà le mer demourer; ne il n'estoit comtes de Haynnau, ne duc de Braibant, ne comtes de Namur, ne autrez sirez qui, pour le doubtance dou roy de France, le pewist ne osast conforter, ne tenir dalés li.
De ces parolles et de pluiseurs autres que messires Robiers li 315 recorda, fu li rois moult esmervilliéz. Si recomforta le dit monseigneur Robiert et li dist: «Biaux oncles, nous avons assés pour nous et pour vous. Ne vous sousiiés ne esbahissiés de riens, car se li royammez de France vous est petis, li royaummes d'Engleterre vous sera grans assés.»—«Monsigneur, che dist messires Robiers, toutte men esperance gist en Dieu et en vous, et me confesse chi que, à tort et à pechiet, je consenti jadis vostre deshiretance. Et [89] fis en partie celui roy dou noble royaumme de Franche, qui nul gret ne m'en set, et qui pas n'y a si grant droit comme vous advés. Car, par droit, et par proismetet de le sucession monseigneur Carlon, roy de Franche, vostre oncle, vous deveriés tenir l'iretaige et en estes sans cause eslongiés; car cils qui l'est estoit plus lontains de vous ung point: il n'estoit que cousins germains, et vous nepveus.» De ces parolles fu li rois tous penssieux, et touttesfois il les oy vollentiers; mès, tant qu'adonc, il n'en fist mies trop grant compte, car [90] bien savoit qu'il y retouroit quant il vouroit. Si fist le dit messire Robert pourveyr de logeis et de toutte ordonnanche qu'il li appertenoit. Fo 20.
P. 105, l. 27: Ricemont.—Ms. de Rome: De rechief, pour tant que tous li consauls d'Engleterre estoient là asamblés, li clers meismes, liquels avoit parlé et remoustré les besongnes qui touçoient au roi et au roiaulme par le conmandement et ordenance dou roi, parla là pour le asignation de mesire Robert d'Artois avoir, qui estoit li uns des plus gentils homs de ce monde. Et remoustra li dis clers tout au lonc conment Phelippes de Valois l'avoit de fait et de poissance banit et escachiet hors dou roiaulme de France. Se avoit il sa serour espousée, laquelle il tenoit en prison et ses enfans. Or voloit li rois d'Engleterre, qui l'avoit retenu et de son consel, puisque on li avoit osté et pris le sien en France, que en Engleterre il euist terre et revenue, pour lui deduire et tenir son estat.
A ceste requeste et ordenance descendirent et s'enclinèrent tout li signeur legierement. Regardé fu que il i avoit une conté en Engleterre qui estoit en la main dou roi; et pooit par an valoir la revenue trois mille mars, et la conté est nonmée Beteforde. 316 Si fu dit et acordé que il seroit contes de Beteforde, et en leveroit tous les pourfis. Messires Robers d'Artois remercia le roi de ce don et tous les signeurs, et devint là homs au roi d'Engleterre de la conté de Beteforde. Fo 34 vo.
§ 50. P. 106, l. 8: messages.—Ms. d'Amiens: Quant li roys d'Engleterre eut oy les hommes de bien qu'il avoit envoiiet en Escoche devers le roy son serourge, et les responsses tellez que li rois li avoit fait, se li samblèrent d'un lés assés durez contre l'onneur de lui et de son royaumme, et ossi assés raisonnables tant qu'à fraternité, car voirement estoit il tenus à souffrir de lui, pour le cause de sa sereur que il avoit espousée; et assés legierement s'en fust souffers, sauve l'onneur de lui et de son pays. Mais chil qui dallés lui estoient, et par qui consseil en partie il ouvroit de ceste besoingne, ne li laiièrent guairez longement endormir; ains li disent pour lui esmouvoir et escauffer: «Sire, vous avés juret solempnelment, par dignité de roy, à tenir, maintenir, soustenir, deffendre et garder et acroistre lez drois de vostre royaumme. Dont, se vous laissiéz celle bonne chité de Bervich et ce bel castel de Rosebourch, qui sont sus marce et clefs de vostre pays à l'encontre del royaumme d'Escoche, ens ès mains des Eschos, vous ne vos acquittés mies bien contre vo sierment, et en afoiblissiéz vostre honneur et vostre hiretaige; et mains en seréz doubtéz et honneréz, qui estes jouène et en vo venir. Et poront dire tout chil qui parler en oront, que faute de hardement et faintize de coer, che qui n'est pas bien seans en jouène seigneur, le vous vont faire. Encorres plus avant tous les jours, li Escochois poevent, par l'entrée de Bervich et par le castel de Rosebourch, entrer et courir en vostre royaumme bien avant, ce que pas ne feroient se chil hiretaige, qui jadis fuirent à vos predicesseurs, estoient racquis à vous, enssi que de legier le pourés faire se vous vollés, car li forche des Escos est moult amenrie et afoiblie puis trois ans en enchà. Si sont il grant et orguilleux, et qui petit amirent ne prisent vostre pays. Encorez tous les jours sus marche, ensi que nous sommes enfourmet souffissamment par nos voisins qui les marchissent, chiaux dou Noef Castiel sur Tin, de Branspes, de Persi, de Urcol et des autres castiaus voisins, li Escochois les manachent [91] et dient qu'il chevaucheront encorres 317 plus avant en vostre pays que li roys Robiers ne fist oncques, mais que li rois David leur sires ait ung peu plus d'eage; et que pour ce que vous volliés nourir pès à yaux et tenir vostre terre sans guerre, acordastez vous le mariaige de medamme vo soer à yaux. Dont telx coses et plus assés que touttes ne poons mies recorder, mès tous les jours en oons nouvelles par les marchissans, ne font mies à souffrir ne à conssentir. Si aiiés sour ce bon advis et hastieu consseil, nous vous en prions.»
Quant fu li rois Edouwars d'Engleterre conseillés et enfourmés contre les Escos que il fist criier une moult belle feste à Londrez, et furent de trente chevaliers de dedens et ossi de trente escuyers, et manda que tous nobles et prelas fuissent à Londres ou environ à le Purification Nostre Damme qui fu l'an mil trois cens trente et un, tout y furent ensi que ordounnet estoit. Et fu la feste mout noble, bien festiée et bien joustée; et à celle feste fu messires Jehans [92] de Haynnau, lui douzime de chevaliers. Et eut adonc, de chyaux de dehors, le pris des joustes li sires de Fagnoellez, qui estoit de le compaignie monseigneur de Biaumont; et des escuyers de dehors, Francque de Halle qui encoires n'estoit mies chevaliers, mès il le fu celle année ens ès armées d'Escoce, en le compaignie dou roy. Tout les huit jours, on jousta et festia grandement à Londrez; et grant fuison de seigneurz, de dammes et de dammoiselles il y eut. Au chief des huit jours, sus le departement de le feste, li roys assambla tout son consseil, prelas, comtes, barons, chevaliers et bourgois sagez et honnestes des bonnes villez. Et là leur fist li roys remoustrer par ce vaillant prelat le evesque de Lincolle, coumment il avoit fait requerre au roy d'Escoce son serourge que il volsist oster se main de le chité de Bervich et dou castel de Rosebourch que il detenoit à tort, et qu'il volsist faire hommaige à lui de son royaumme d'Escoce, ensi qu'il devoit, et ossi coumment li roys d'Escoce avoit respondu à ses mesages. Si pria à tous li rois, par le bouche dou dessus dit evesque, que chacuns le volsist sur chou si consiller que se honneur y fuist gardée.
Adonc tout li baron, li chevalier, li conssaulx des chités et 318 dez bonnes villez et tous li communs pays se consseillièrent sur chou, et raportèrent leur consseil tout d'un acord. Liquelx consseils et rappors fu telx que il leur sambloit que li roys ne pooit plus porter par honneur les tors que li rois d'Escoche li faisoit: «car il est bien sceu et est tout cler que anchiennement li roys d'Escoche faisoit houmage au roy d'Engleterre, car jà n'ont il en leur pays nulle provinse, mès sont enexé et conclavé en le provinse de Evruich, qui est archevesquiet et dou royaumme d'Engleterre. Encoires avant il prendent le fourme de leur monnoie sus les communez et ordonnanches d'Engleterre, et ont touttez telx loix et telx coustummez que li Englèz ont, et ung meysme langage. Dont il appert que li royaummes d'Escoche se depent et descent dou royaumme d'Engleterre. Et troevent bien li Englèz que ychil doy pays furent jadis tout à ung seigneur roy d'Engleterre, liquelx rois eut deus filz. Si departi ens ou lit de le mort, presens tous les noblez des deus pays qui à ce devoient y estre appellés, les deus royaummes; et donna l'ainet Engleterre et au maisnet Escoce, parmy tant qu'il le devoit tenir en fief et hoummaige de son frère le roy d'Engleterre. Or ont li Escot, qui sont dur à entendre, tenu depuis une aultre opinion, liquelle ne fet mie à souffrir. Si conseillonz et voullons, chiers sirez, que ces coses soient encorrez remoustrées au roy d'Escoce et à son consseil, et y metons cel loisir et grace pour l'onneur et amour de medamme vostre sereur qu'il a espousée; et s'il ne vient à voie de congnissance des requestez que on li a faittez et fera, il soit deffiiés; et vous pourveés si efforchiement que pour entrer ou royaumme d'Escoce apriès les deffianches faittez, si poissamment que pour ravoir et raquerre le bonne cité de Bervich, qui est de vostre hiretaige; et ayés tel par forche et par constrainte le roy d'Escoce qu'il soit tous joians s'il puet venir à vous à hoummaige et faire satifation des tors et des outraiges qu'il vous a fès ou li rois ses pères. Et enssi nous sommes tous desirans d'aller avoecq vous à vostre commandement.»
Quant li rois d'Engleterre eut oy le responce de son consseil, et il eut veut le bonne volenté de ses hommes, si fu moult liés et les en remerchia grandement. Dont fu là regardé et avisé qui yroit en Escoce. La besoingne et li voiaiges fu assis sus l'evesque de Durem et sus le seigneur de Persi et le seigneur de Moutbray et le seigneur de Felleton. Chil prelas et chil troy hault baron, qui là estoient presens, acordèrent, à le priière et requeste dou 319 roy, ce voiaige. Encores pria li roys à tous que il se volsissent pourveir et appareillier à ung jour qui adonc fu nommés, chascuns seloncq son estat, à estre au Noef Castel sur Tin; et il li disent qu'il y seroient bien et volentiers, et n'y aroit point de deffaulte. Ensi se departi li conssaulx del roy, et s'en ralla chacuns en son lieu. Et ossi messires Jehans de Haynnau prist congiet au roy, et se presenta à lui de bon coer et de grant vollenté. De quoy li roys l'en seut grant gret, et li dist: «Biaux oncles, très grant merchis à vous, et à vostre aye ne renunche jou pas; et se besoings me croist ne touche, je vous manderay.» Sur che se parti li dis messires Jehans del roy et de le roynne, se nièche, qui moult doucement l'acolla au partir, et li pria qu'il le volsist recoummander à monseigneur son père et à madamme se mère, et saluer ses bellez soers; et il li dist qu'il le feroit vollentiers. Sour ce, se parti li dis messires Jehans et toutte se compaignie, et s'en revint en Haynnau. Fo 15.
Ms. de Rome: Depuis ne demorèrent point lons jours que li rois d'Engleterre auna tous les barons et prelas d'Engleterre qui ordonné estoient à lui consellier, et les hommes des bonnes chités et villes, qui par droit estatut y devoient estre convoqiet, car il estoit ensi acordé que riens ne se devoit ne pooit passer sans euls. Qant tout furent venu à Londres, li parlement et li consel conmenchièrent à Wesmoustier, et furent li ambassadour d'Escoce apellé. Il vinrent et entrèrent tout en la cambre dou consel, et là estoit li rois d'Engleterre presens. Là lor fu demandé quel besongne les amenoit pour ces jours en Engleterre. Li evesques de Saint Andrieu d'Escoce, qui fu uns moult sages et discrés homs, remoustra la parole pour tous, et bien le sceut faire. Qant il ot parlé, on les fist issir de la cambre, pour euls consillier et faire response. Il alèrent petiier le parvis et le clostre, tant qu'il fuissent rapellé.
Or conmenchièrent chil dou consel à parler et à proposer pluisseurs coses, et ne peurent estre d'acort, et furent li Escoçois appellé; il vinrent. Qant il furent venu, li archevesques de Cantorbie lor dist que il ne pooient estre si tos definitivement respondu, mais il le seroient au plus tos que on poroit, et que lor demande ne requeroit pas si brief consel. Il n'en porent aultre cose avoir, et se departirent de là et retournèrent à lors hostels. Et li consauz demora; et parlèrent d'aultres besongnes qui lor touçoient, car il n'estoient pas asamblé tout pour une cose. 320 Et li rois s'en vint à Cènes, assés priès de Wesmoustier, un hostel roial qui sciet sus la Tamise. Chil Escoçois demorèrent plus d'un mois à Londres et ne pooient estre respondu, car li consauls ne voloit, et tant que il furent si hodé et si tané que il requissent et priièrent que, fust pour euls ou contre euls, il fuissent respondu.
La cause qui metoit detriance ou consel dou roi, je le vous dirai. Il consideroient generaulment entre euls deus coses: li une si estoit que lors sires li rois estoit jones et à faire, et ne le voloient pas tenir ne nourir en wiseuses, mais en painne et en travel d'armes; car, par les wiseusses que ses pères avoit eu, estoit d'onneur li roiaulmes d'Engleterre requlés, à laquelle cose il voloient retourner ou tout parperdre. Li secons articles estoit que li Escoçois tenoient la chité de Bervich et Struvelin, Dombare, Dalquest, Haindebourch et tout le pais jusques à un pas que on dist Quinnesferi, où la mer d'Escoce doit departir les deus roiaulmes, et que li Escoçois l'aueroient trop bon parti, se uns si grans hiretages lor demoroit pasievlement, et que ce ne faisoit pas à requerre ne à sousfrir: «Voire, disoient li auqun vaillant homme ou consel dou roi, li Escoçois sont bien fol et ignorant, qui quident, pour une fenme qui est serour de nostre roi, que nous doions cest, que est hiretages à la couronne d'Engleterre, quiter. Il nous tourneroit à grant blame et reproce, et aussi nous ne le poons faire. Nous avons cause raisonnable de respondre as Escoçois et dire ensi: Il nous rendent Bervich et tout le pais, ensi que li bons rois Edouwarz le tint en son temps; et puis dou sourplus, nous entenderons à lors tretiés. »
Ensi fu conclu ens ou consel d'Engleterre, et li Escoçois respondu, qant il orent sejourné à Londres bien un mois. Qant li Escoçois oïrent ceste response, il furent tout abus et veirent bien que li Englès voloient la guerre. Toutes fois, il respondirent et dissent que il n'estoient pas cargié de proceder sus tels trettiés, et que les paroles, que il avoient oy et entendu, seroient reportées au pais. Si issirent hors dou consel, et montèrent sus lors cevaus, et se departirent dou palais de Wesmoustier. Et cevauchièrent au lonch de Londres, et vinrent à Saint Jehan Lane en Griscerche, là où il estoient descendu. Et fissent par tout lors hostels compter et paiier, et puis issirent de Londres; et cevauchièrent tant par lors journées que il retournèrent en Escoce.
On estoit trop esmervillié pourquoi il demoroient tant. Qant il 321 furent revenu, li baron et li signeur d'Escoce vodrent savoir des nouvelles. Ils ne les publiièrent pas sitos que il furent revenu, mais fissent venir à Haindebourc tous ceuls qui tailliet estoient d'en savoir. Qant tout furent venu en la presence dou roi meismes, li evesques de Saint Andrieu parla et remoustra toute l'ordenance de lor voiage, et quel et conment il avoient trouvé le roi d'Engleterre et son consel, et que plus d'un mois il avoient atendu à avoir response. En la fin il l'eurent tèle. Adonc lor remoustra li dis evesques toute l'ordenance des paroles que li consauls d'Engleterre avoient respondu.
Qant chil qui là estoient entendirent que les besongnes se portoient ensi, si furent tout abus, et dissent li plus sage: «Nous auerons la gerre, il manque dou pourveir. A celle fois ichi, li Englès nous rueront jus, ou nous les meterons en ce parti. Nostres rois est jones, et aussi est le leur. Il fault que il s'asaient. Desous le solel, n'a plus orguilleus ne presomptieus peuple que le peuple d'Engleterre est.» Li jone chevalier et esquier d'Escoce, qui amoient les armes, et qui se desiroient à avanchier, furent tout resjoy de ces nouvelles, car il avoient assés plus chier la guerre que la paix. Fos 29 vo et 30.
§ 51. P. 107, l. 5: Li jours.—Ms. d'Amiens: Or revenrons à le matère des Englès et des Escos. Li jours, qui denommés estoit, aprocha; et vint li noblez rois Edouwars à tout son ost au Noef Castiel sur Tin, et encoirez toudis li croissoient gens. Et là se tint par l'espasse de huit jours, attendans chiaux qu'il avoit envoiiés en Escoche deviers le jouène roy David et son consseil, liquel revinrent deviers lui au neuvième jour, comme chil qui ne raportèrent aultre responsce que le premierre. Et disent bien au roy d'Engleterre que li Escot estoient tout appareilliet de lui recepvoir, puisque gueriier les voloit: «Dont, sire, quant nous veysmes l'ordonnanche d'iaux et le affection qu'il ont de tenir leur oppinion, nous deffiamez le roy et les siens de vous et des vostrez. Si poés d'ores en avant, et sans fourfet, entrer sur yaux. Or, regardés de quel costet.» Dist li roys: «J'en aray avis.» Adonc, s'en consseilla, et on li dist que premiers on alaist deviers Rosebourch [Bervich], et le assiegast on de tous lés, car c'est ungs castiaus qui siet sus marche, et que li Escos tiennent pour concquès. Ceste cose fu acordée.
Dont se parti li nobles roys Edouwars dou Noef Castiel, et fist 322 ses marescaux chevauchier devant, le comte de Sufforch et monseigneur Thummas Waghe. Che premier jour, s'en vint li rois jesir à Urcol, ung castel et une ville qui est au seigneur de Persi. Li ville estoit toutte gastée des Escos, mais li castiaux n'avoit garde. L'endemain, vint li roys dinner à Persi, et se tint là tout le jour, en atendant ses os et ses gens, qui encoires estoient par derière. Fo 15 vo.
Ms. de Rome: Environ la Saint Jehan Baptiste, que on compta l'an de grasce mil trois cens trente et un, li jones rois Edouwars d'Engleterre et la roine s'en vinrent à Evruich euls tenir et lor estat, et cachier as cerfs, as dains et as cheviruels. Et entrues se ordonnoient les pourveances, et se faissoient très grandes et très grosses, pour aler ens ou roiaume d'Escoce. Et fist li rois faire un mandement que toutes gens tenans de li, portans armes, fuissent, le premier jour d'aoust, à Evruich. Li mandemens dou roi s'estendi par toutes les parties d'Engleterre jusques ens ou fons de Cornuaille, et tout vinrent à Evruich. Adonc se desloga li rois et vint à Durem; et ensi que il ceminoit, la roine sa fenme le sievoit. Et vint li rois au Noef Chastiel et là s'aresta, pour tant que tous ceuls des lontainnes marces d'Engleterre n'estoient point encores venu.
Ces nouvelles estoient bien sceues en Escoce, conment li rois d'Engleterre, à poissance de gens d'armes et d'archiers, les venoit veoir. Les auquns en faisoient grant doubte, et li aultre non. Toutes fois, ils pourveirent les villes et les chastiaus tenables, et par especial la chité de Bervic. Et i ordonnèrent li signeur d'Escoce à chapitainne, mesire Alixandre de Ramesai, un trez vaillant et sage chevalier, et des aultres chevaliers et esquiers assés avoecques lui. Et li rois et la roine se tinrent en la marce de Haindebourch. Et n'avoient pas li Escoçois entension que d'atendre le roi d'Engleterre, et de combatre à lui poissance contre poissance, car il n'avoient pas gens pour resister encontre les Englois. Il laisseroient bien perdre une partie de lor pais et puis le recouveroient; et aussi il poursievroient les Englès sus lors logeis, de nuit ou de jour, et lor poroient bien par ce parti porter aucun damage. En ce consel s'arestèrent il. Et li rois d'Engleterre se tenoit au Noef Chastiel sur Thin, et toutes ses gens estoient logiet autour de li; mais point n'avoient encores passé la rivière, pour la doubtance des Escos.
Entrues que li rois d'Engleterre estoit sus ce voiage, vint deviers 323 lui messires Robers d'Artois, ensi conme uns chevaliers tous desconfortez, et il le savoit bien où prendre. Li rois d'Engleterre et la roine le requellièrent moult doucement, car il lor estoit moult proçains de linage. Et li dist li rois: «Messires Robert, biaus cousins, nous avons assés pour nous et pour vous. Puis que vostre amic de delà la mer vous deffallent, nous ne vous faudrons point à vostre besoing.» Et messires Robers li avoit respondu et dit: «Monsigneur, grant merchis.» Li intension dou roi et de son consel estoit tèle que, le roi retourné de ce voiage et venu en la marce de Londres, il [li] asigneroit en Engleterre terre, rentes et revenues, pour vivre honnourablement et tenir son estat.
Qant li rois ot sejourné au Noef Chastiel sur Thin environ douse jourz, et toutes ses gens furent venu, moult i avoit grant peuple. On nombra les hommez d'armes, chevaliers et esquiers, à siis mille hommes, et les archiers à chienqante mille. Si passèrent tout oultre la rivière dou Thin, sus le pont dou Noef Chastiel; ailleurs ne le pooient passer. Et passèrent chil de l'avantgarde, laquelle li connestables d'Engleterre et li marescal menoient; et s'en alèrent logier sus le pais encontre la frontière de Northombrelande, et ne prissent pas le cemin pour aler viers Bervich, mais viers Rosebourch; et vinrent à Anwich et en la terre le signeur de Persi.
Ensi que li rois d'Engleterre estoit logiés en la ville de Anwich et toutes ses gens là environ, uns hiraus d'Escoce, qui s'apelloit Dondée, vint deviers le roi et deviers les signeurs, et pria que il peuist estre oïs; il le fu. Il dist au roi, presens ceuls qui le peurent oïr: «Très chiers sires, je sui chi envoiiés de par aucuns prelas et barons d'Escoce, qui sont venu jusques à la Mourlane, et là me doient il atendre tant que je soie retournés deviers euls; et venroient volentiers parler à vous et à vostre consel, sauf venant et sauf retournant.» Li rois regarda sus le conte Henri de Lancastre, et sus auquns barons et prelas qui là estoient. Adonc fist on traire le hiraut arrière, tant que li rois fu consilliés. Acordé fu que li hiraus les nonmast là par noms, liquel c'estoient, qui venir voloient: on lor acordoit volentiers la venue et le retour. Li hiraus les nonma: il en i avoit sept, deus prelas, et chevaliers jusques à chiench. Tantos, une lettre de sauf conduit fu escripte et seelée et delivrée au hiraut, qui se departi de là et retourna à ses mestres, et leur bailla le sauf conduit.
324 Qant il l'orent, il i ajoustèrent foi; et se departirent de la Mourlane, et cevaucièrent tant que il vinrent à Anwich. Li rois d'Engleterre, à l'eure que li Escos vinrent, estoit alés logier ou chastiel, et là tenoit son estat. Quant li Escoçois furent venu et descendu de lors chevaus, il furent logiet de par les officiiers dou roi. Adonc vinrent auqun chevalier d'Engleterre qui les requellièrent, et qui à ce faire estoient conmis; et les enmenèrent deviers le roi et les signeurs, qui atendoient lor venue. Tout li signeur d'Engleterre, qui là estoient en la presence dou roi, s'ouvrirent et laissièrent les Escoçois passer. Il enclinèrent le roi, et non plus avant. Li rois les requelli de une parole tant seullement, ce fu que il dist en son langage: «Bien venant.» De trop petit se disfèrent li uns langage de l'autre.
Or vous nonmerai les deus prelas et les chienc chevaliers, l'evesque de Saint Andrieu et l'evesque d'Abredane, messire James Douglas, frère à messire Guillaume qui porta le coer dou roi Robert de Brus en Grenade et là morut, messire Arcebaus Douglas son fil, le conte de Qarrich, mesire Robert de Versi et mesire Simon Fresiel. Li evesques de Saint Andrieu fu chils qui remoustra la parole et dist: «Sire rois, et vous baron et prelat d'Engleterre, qui chi estes, nous sonmes ichi envoiiés de par toute la generalité dou roiaulme d'Escoce, et sonmes esmervellié, euls avoecques nous, et nous avoecquez euls, à quel title si soudainnement apriès les trieuves fallies entre Escoce et Engleterre, vous estes esmeu à nous faire gerre, qant nostres sires li rois d'Escoce a, sire rois d'Engleterre, espousé vostre soer. Nous i adjoustions au dit mariage grans aliances, et fuimes generaulment en toute Escoce moult resjoi, qant la dame nous demora roine. Et nous torne à grant mervelle celle dureté que vous avés empris à faire à vostre frère, nostre roi, et vostre serour, nostre roine, qant ce tant de petit hiretage que Dieus lor a donné, vous volés destruire. Si vous prient, par nous, nostres sires li rois et madame la roine que vous ne voelliés pas faire celle cruaulté que d'ardoir et essillier lor hiretage; et retraiiés vous et faites retraire vos hommes, et leur donné[s] congié çasqun de retourner en son lieu. Et prenés trois ou quatre prelas des vostres et otant des vostres barons d'Engleterre, et nostres sires li rois en metera otretant à l'encontre; et ce que chil trouveront ou decré de lor disposition, il deposeront sus l'ordenance des deus roiaulmes. Et sera tenu à ferme et à estable, pour tous jours 325 mès, ce que deposé en sera; et demorrés, vous et vostre frère, en paix, et ensi vostre hiretage. C'est la parole que nous vous remoustrons, et pour qoy nous sonmes venu, et sur ce nous demandons à avoir response.»
Qant li evesques de Saint Andrieu d'Escoce ot ensi parlé, il fu moult bien oïs et entendus. Donc fu dit as Escoçois que il se traissent arrière, on conselleroit lor parole, et puis aueroient response. Il le fissent; et s'en alèrent li Escoçois tout ensamble en une aultre cambre qui estoit ordonnée pour euls. Encores fu conmandé que tout widassent de la cambre dou roi, reservé ceuls dou consel. Il widièrent chil qui là n'avoient que faire. Là repliqièrent li signeur, en la presence dou roi, toutes les paroles et requestez des Escoçois, et demandèrent: «Or sus, qui fera la response, et qui parlera à point sus che que il ont dit et proposé?» Donc parla messires Renauls de Gobehen, uns moult sages et vaillans chevaliers, pères à mesire Renault, qui fu depuis aussi uns moult preus et vaillans chevaliers, et dist: «A tout ce que chil Escoçois reqièrent et demandent, ne fault pas trop grant consel. Il seront respondu ensi, pour ce que il ont demandé à quel title li rois nostres sires et nous lor faissons gerre: c'est por le mauvesté et rudèce de euls. Car jà sèvent il et ont sceu leur père, passé sont li terme de cinq ans, que li rois d'Escoce doit tenir et relever et faire honmage au roi d'Engleterre de tout le roiaulme d'Escoce, reservé auquns isles qui marcissent à l'encontre d'Irlande et de Norvègue, les quels isles sont nonmé les sauvages Escos, et ont un signeur pour euls, qui se nonme Jehans des Adultilles. Chils obeist au roi d'Escoce, et non à nous. Et ceste raison, on lor metera en termes tout premiers, car elle est toute clère; et bien le scèvent, quoi que il en ignorent. Secondement, pour reconquerre ce qui est nostre, la chité de Bervich et tout le pais jusques à la mer c'on dist d'Escoce; et se ce il nous voellent rendre debonnairement, et que li rois viengne à honmage au roi nostre sire et recongnoise l'onmage à estre lige, presens les barons d'Engleterre et ceuls d'Escoce, et que de ce soient lettres escriptes et seelées dou roi d'Escoce et des barons d'Escoce, il demorront en paix.» Adonc fu dit à messire Renault de Gobehen: «Sire, il plaist au roi que vous fachiés la response, car avés la matère toute pourveue.» Donc respondi messires Renauls et dist: «Je le ferai volentiers.»
Adonc furent appellé li Escot. Il vinrent avant et entrèrent 326 dedens la cambre, et nuls fors euls. Li consauls dou roi se mist sus deus èles, et les Escoçois enmi euls. Qant il furent tout aquoisié, messirez Renauls de Gobehem parla et dist: «Entre vous, signeur d'Escoce, vous demandés à avoir response et non aultre cose, et vous l'auerés, et bien briefment. Vous avés demandé à quel title nous vous volons presentement faire guerre. Vous le savés bien, quoi que vous ignorés; mais puis que il faut que nous renouvellons la parole, je parole pour nostre sire le roi et pour tout le pais generaument d'Engleterre. Et dissons que vostres rois est tenus, et ont esté tout si predicessour, roi d'Escoce, et seront li successour, à faire honmage au roi d'Engleterre, à ceuls qui furent et seront. Et cela avoech le calenge nous volons tenir en droit, et le demandons et requerons comme le bon hiretage à la couronne d'Engleterre. Avoecques tout ce, nous disons, et pour ce sonmes nous logiet sus les camps, que vous, qui estes d'Escoce des plus grans et li consauls dou roi, tenés contre l'onnour et majesté roial dou roi d'Engleterre et de ses hoirs, la chité de Bervich et grant pais qui s'estent jusques à bonnes de la mer d'Escoce, et volés demorer en celle tenure par manière de conquès. Sachiés que nostres sires li rois ne le puet sousfrir ne voelt. Et se il le voloit par auqune dissimulacion, pour tant que avés mis en termes que il deveroit tenir en pais ce tant de petit hiretage que son frère le roi d'Escoce et sa serour ont, et tient à present, se ne le sousferroient pas si homme, et sont tout conforté que toutes ces coses vous remeterés arrière. Et fera vostres sires li rois foi et hommage lige à nostre sire le roi d'Engleterre, se il voelt demorer en paix. Et le feront aussi tout chil qui sont enexsé et conclavé ens ès terres, qui sont et doient estre tenues et relevées de foi et d'onmage de nostre signeur le roi d'Engleterre. Et se vous estez fort, de par vostre roi et les vostres, de acorder toutes ces coses recordées, si ditez oil; et nous entenderons à la paix.» Donc respondirent li Escoçois et dissent: «Nennil, ne nous n'en sonmes ne cargié ne introduit.» Donc respondi li chevaliers englois et dist: «Vous perdés aultrement vostre langage; et puis que vous volés proceder dou contraire, retraiiés vous viers les vostres, et lor dites ce que vous avés trouvé en nous, car vous n'enporterés aultre cose.»
Qant li Escoçois orent entendu messire Renault de Gobehem ensi parler et soustenir la querelle des Englois par celle voie, si 327 furent tout abus et ne sceurent que dire, ne que repliqier, mais il prissent congiet dou retraire; on lor donna. Et issirent dou chastiel, et retournèrent là où lor cheval estoient; et burent un cop et mengièrent, car des biens de l'ostel dou roi on lor envoia assés. Et puis montèrent sus lors chevaus, et partirent de Anwich; et chevauchièrent tant que il trouvèrent le roi et auquns des signeurs d'Escoce, par lequel consel il estoient venu deviers le roi d'Engleterre et son consel. Si lor recordèrent tout au lonch quel cose il avoient trouvé, et la response grande et orguilleuse que il avoient eu des Englois. Et moustroient bien en lor parole que li rois d'Engleterre n'avoit en toutes ces coses nulle poissance, et que li pais et roiaulmes d'Engleterre faisoit fait et partie dou calenge et dou proceder avant; et avoient bien entendu que, se li rois d'Engleterre se voloit dissimuler, taire tous quois et quiter l'onmage et le calenge, se ne le quiteroient pas ses gens. Adonc dissent ils entre euls: «Confortons nous et faisons dou mieuls que nous poons. Nous auerons la gerre, et ne l'euimes onques si dure ne si folle que nous auerons pour le present.»
Ensi demorèrent les coses en cel estat, ne depuis n'i ot trettié nul quelconques, pour celle saison, entre Engleterre et Escoce; mais se departi li rois d'Engleterre et toute sa poissance de Anwich et de là environ, où ses gens estoient logiés. Cil avoient encores cent mille chevaus; et ensi que il ceminoient, pourveances les sievoient à esfort, as sonmiers et à charroi. Et prissent li Englois pour celle fois le cemin de Rosebourch et de Miauros. Encore s'esten toute Engleterre jusquez à là. Miauros est une abbeie de Saint Benoit; et là se depart, à une petite rivière qui i court, li roiaulmes d'Escoce d'un lés, et li roiaulmes d'Engleterre d'aultre. La première ville que on trueve en alant en Escoce, c'est la Mourlane: là vinrent logier li connestables d'Engleterre, li contes de Norhanton et li marescal, li sires de Felleton et messires Thomas Wage. Qant ce vint à l'endemain, toute li hoos fu logie en Escoce, et laièrent Bervich à la bonne main. Bien savoient que il i retourneroient qant il aueroient fait lor emprise; mais il voloient veoir se il trouveroient à qui parler, car il ne demandoient que la bataille. Si esploitièrent tant li rois d'Engleterre et ses hoos que il foullèrent grandement la plainne Escoce, et ardirent et essillièrent moult de villes et de hamiaus.
Moult petit de villes fremées sont en Escoce: il i a grant fuisson 328 de chastiaus, et non pas tant de diis fois que il i a en Engleterre. Et ont li Escoçois celle manière et condition, qant il sentent les Englois venir à poissanche telle que pour lors il avoient, il tiennent les camps. Et ne s'encloent point li signeur en lorz chastiaus; et dient que uns chevaliers, qui là est enclos, ne puet non plus faire que un aultre homme. Li Englois quidièrent trouver le roi en Haindebourc, car c'est Paris en Escoce, mais non fissent; car il en estoit alés oultre et mené sa fenme sus la sauvage Escoce. Et li chevalier et esquier dou pais s'estoient requelliet et mis ensamble, et avoient fait mener tous lors meubles et cachier lors bestail, dont il ont grant fuisson, ens ès forès de Gedours qui sont inhabitables; et bien scèvent que les Englès ne les iroient jamais là querre, car point ne congnissoient les entrées et les issues, et sont fortes à cevauchier.
Si vinrent li rois d'Engleterre et ses gens en la ville de Haindebourc, qui est grande et plentiveuse, et point n'est fremée. Si se loga li rois en l'abeie de Sainte Crois, et tout li signeur là où le mieuls il peurent; et i furent quinse jours, pour tant que on entendi à prendre le chastiel, liquels se rendi, salve lors vies de ceuls qui dedens estoient. Donc le fist li rois d'Engleterre remparer grandement et ravitaillier et rafresqir de nouvelles pourveances; et i mist un chevalier à chapitainne, dou pais de Northombrelande. Et fu li entension dou roi et de son consel que il le tenroient, et en feroient frontière contre les Escoçois. Aussi prissent li Englois un aultre chastiel fort assés, à cinq petites lieues englesces de Haindebourc, lequel on clainme Dalquest, et est hiretages à ceuls [de] Douglas; et en fissent garnison, et de pluisseurs aultres. Et ardirent li Englois toute l'Escoce jusques à la ville de Saint Jehan en Escoce, ne nuls ne lor ala au devant; et ne savoient chil dou pais à dire où li rois et la roine estoient.
Qant li rois d'Engleterre et ses gens orent chevauchié et couru toute la plainne Escoce et ars, et exsillié tout le plat pais, et n'estoit nulle nouvelles des Escos qui lor contredesissent lor cemin, et il veirent que li iviers aproçoit, et il orent pourveu et rafresqi tous les chastiaus que il pensoient à tenir pour guerriier et heriier le demorant dou pais, il se missent tout souef au retour. Et fu li rois logiés en une moult belle petite ville, que on apelle Donfremelin. Et là a une abbeie de noirs monnes, qui est assés grande et belle; et là dedens celle abbeie sont les sepultures 329 conmunelment des rois d'Escoce. La ville fu arse, mais li rois desfendi à non ardoir l'abeie, pour tant que il i avoit esté logiés. Puis se missent li rois et ses hoos au retour; et ne prissent pas le cemin que il estoient venu, mais celi desus la marine, car ce fu lor intension que, de ce voiage, il meteroient le siège devant Bervich. Et esploitièrent tant les Englois que il vinrent devant Dombare, qui sciet sus la mer. Et furent là et environ chinq jours; et se missent en grant painne de le prendre et de l'avoir. Et i fissent li archier pluisseurs assaus, et ne le peurent avoir. Fos 30 à 32.
§ 52. P. 109, l. 14: li rois.—Ms. d'Amiens: Li roys d'Engleterre avoit bien en celle armée dix mil hommez à cheval et vingt mil à piet, archiers et gallois, sans le autre ribaudaille, qui sieuvoient l'ost. Et esploita tant li os que il vinrent devant [Bervich] [93]. Donc se logièrent que mieux mieus, et environnèrent le castel et assiegièrent de tous costés. Et envoiièrent lors foureurs chevaucier, fourer et ardoir en Escoche, et prendre prisonniers et bestez grant fuison, et ramener en l'ost. Et fist li rois d'Engleterre drechier enghiens grans et haulx au plus priès dou castiel qu'il peult, liquel jettoient souvent nuit et jour sus lez tours du castel et dedens ossi. Et ce durement les travilloit, car li enghien leur abatirent les offechinnez de laiens et meysmes lez comblez des sallez et des cambrez; et n'y avoit mès que deux grosses tours où il se peuissent tenir. Moult furent chil qui le fortresse gardoient et tenoient, bonne gent et bien deffendant; mais enfin, quant il parchurent qu'il estoient si cuvriiet dez enghiens, et que longhement ne pooient souffrir tel assault, car lez grosses pièrez que on leur jettoit desrompoient et froissoient trop durement leur castel, si eurent avis de tretier deviers le roy d'Engleterre. Et traitièrent une souffrance de quinze jours, et que li ungs de 330 chiaux dedens peuist aller deviers le roy d'Escoche remonstrer en quel parti il estoient; et se, au seizième jour de le souffranche durant, li roys d'Escoche ne les avoit confortéz et levet le siège, il devoient mettre et rendre le castel en le vollenté le roy d'Engleterre, et cil s'en devoient partir sauve yaus et le leur. Li roys leur acorda ceste besoingne, et fist cesser les enghiens; et laissa passer et paisivlement ung escuier des lors qui devoit fère ce messaige.
Or dist li comtes que chilx escuyers, qui partis estoit de [Bervich], esploita tant qu'il vint à Saint Jehans Tonne, une bonne vile seant sus ung brach de mer, où li roys d'Escoce se tenoit et li roynne, et li jouènes comte de Moret, et messires Guillaumme de Douglas qui estoit adonc escuiers, nepveux au bon messire Guillaume de Douglas de qui vous avés oy chy dessus, et messires Robiers de Versi, et messires Simons Fresel, et grant fuison de jouène bachelerie d'Escoche; car li roys avoit fet son especial mandement comme chil qui volloit chevauchier contre lez Englèz et deffendre son pays. Lorsque li escuyers fu venus, il s'engenilla devant le roy. Et li dist, tout ensi que vous avés oy chy devant, en quel parti li castiaux de [Bervich] estoit; et se briefment il n'estoit confortéz dedens le terme qui mis y estoit, on le devoit rendre. Dont dist li rois d'Escoche: «Oil, s'il plaist à Dieu, nous chevaucherons celle part.» Adonc renforcha il son mandement, et se parti de Saint Jehans Tonne, et s'en vint deviers Haindebourch; et touttes ses gens le sieuwirent, qui mieux mieux et à effort. Lors se parti li roys de Haindebourch, et se mist as champs o touttez ses os, pour venir deviers [Bervich]. Tant s'esploita li roys d'Escoce que, l'endemain à heure de relevée qu'il se fu partis de son castel [de] Haindebourch, il s'en vint à une grande abbeie de noirs moinnez qui dou tempz le roy Artus estoit noummée li Noire Combe, pour ce que elle gist en ung val et sus une noire rivierre qui depart anchiennement Escoce et Engleterre. Et est celle abbeye exens de le guerre des deux pays, et de ces ont il bien cartre et bien burle. Là se loga li roys d'Escoche et ses gens tout sus ceste rivierre, qui est à neuf lieuwes englesses de Rosebourch, à dix huit de Bervich.
Celle nuit, enssi c'à soleil esconssant, se parti li jouènes messires Guillaume de Douglas et li jouènes comtes de Moret et messires Robers de Versi et messires Simons Fresel, à bien quatre cens armurez de fer bien montéz et bien abilliés. Et chevauchièrent 331 fort par voies couvertez et landez nient antéez; et vinrent environ mienuit assés priès de [Bervich], en ung biel pret, environ une petite lieuwe englesce de l'ost. Là descendirent il et restraindirent leurs armures, et recenglèrent leurs chevaux et se rabillièrent bien de tous poins; et puis montèrent et ordonnèrent coumment il se maintenroient. Bien veoient les feux de l'ost et chiaux que li gait faisoient. Si eurent advis que point n'yroient celle part, mais s'adrecheroient à l'autre costet; et ne diroient mot tant qu'il seroient ferut en l'ost. Et quant il seroient entré dedens, il criroient tout d'une vois: «Douglas! Douglas!»; et si trestos qu'il veroient les pignonchiaux de Douglas et de Moret retourner, il les sieuwissent. Tout furent enfourmé de ceste besoingne, et chevauchièrent autour de l'ost englesce, et si coiement, que oncques nulz ne s'en donna garde. Si furent li Escot entré dedens, puis escriièrent d'une vois: «Douglas! Douglas!» et disant: «Tout y morés, larron d'Engleterre!» Lors coummenchièrent à ferir et à frapper, et à decopper et reverser tentez et logies, et à abattre, navrer et tuer Englès et mettre en grant mescief.
Celle nuit, faisoient le gait doi seigneur d'Engleterre, li sirez de Felleton et li sirez de Moutbray, à cinq cens hommez d'armes et cinq cens archiers [94]. A le vois et à le huée et à l'abateis des loges, et au meschiés de chiaux qui crioient où li Escot estoient embatu, s'estourmy li os; et s'armèrent par tout coumunaument qui mieux mieux. Meysmes li roys s'arma moult vistement, et se mist devant se tente; et fist lever bannierres et pignons, et fu moult courchiés des Escos que ensi souspris l'avoient. Là se rassamblèrent dalléz le roy et en son logeis li seigneur et li baron d'Engleterre; et li gèz s'efforcha et avancha che qu'il peult de venir celle part où li noise estoit. Mais ainchois qu'il y pewissent parvenir, li Escochois qui avoient en partie achievet leur emprise, se retournèrent tout sagement et enmenèrent bien quarante [95] prisonniers, dont il y eult sept [96] chevaliers et douze escuiers; et entrèrent ens ès bois sanz dammaige, comme chil qui n'avoient garde puisque là estoient, car il savoient tous lez chemins et adrèches, che que li Englès ne savoient point. Quant che vint au matin, on regarda en l'ost quel dammaige li Escot y avoient fait. Si 332 fu trouvet qu'il avoient bien, que mors que navréz, treize vingt [97] hommes et s'en menoient plus de quarante [98]. Moult en fu li roys courouchiés, mès amender ne le peut, tant que à celle foix. Si ordonna que, d'orez en avant, il feroient deux ghais ossi grant chacun que il avoient acoustummet de faire, et aroient gettes et escouttes pour gettier et garder les chemins, affin que il ne fuissent plus ainssi souspris. Tout ce fu ordonné et accordé de par le roy et les mareschaux.
Or vous paurai des Escos qui liet et joiant revinrent l'endemain, environ heure de primme, devers le roy et leurs gens, à qui il recordèrent leur aventure. Moult acquisent chil quatre jouène seigneur d'Escoche, de ceste première chevauchie, grant grace de leurs amis; et ossi fissent il grant renoummée de leurs ennemis, car depuis toudis il en furent le plus doubtet. Or eult li rois David consseil de deslogier et d'aprochier lez ennemis. Et chevauchièrent li Escot, le second soir que li Englèz avoient estet resvilliet, et se partirent de leurs logeis apriès soleil esconssant; et chevauchièrent tout secretement devers [Bervich]. Et avoient, très dont qu'il se partirent de l'abbeie, ordounné coumment il se maintenroient, comme chil qui congnissoient le pays. Il pooient y estre tout comptet environ seize mille hommes, et tout à cheval seloncq leur usaige, chevaliers et escuyers montés sus bon coursiers et gros ronchins, le demourant sus haghenées bien apertez et bien travillans. Et yaux venus en ung bois, à deus lieuwes en glesces ès preis de [Bervich], chil devoient partir leurs gens en deus moitiés, le mendre part envoiier resvillier l'ost et escarmuchier, et leur plus grosse bataille retenir et mettre sus elle, et venir, apriès ce que li os seroit esmeute, sur costet et ferir ens; et chevauchoient en cel estat que je vous di. Or fu leur venue sceue en l'ost par les escoutes et gettez que li Englès tenoient sus les chemins de touttes pars; et vinrent en l'ost mout hasteement, en disant: «Armés vous! Armés vous! car li Escot chevauchent à tout leur effort et seront, s'il voellent, tantost chy.» Adonc s'estourmy li os de tous costéz. Et li doi get se missent enssamble, et se tinrent tout quoiement sur les chans tant que touttes lors gens fuissent armé, et pour requeillier lez Escos, s'il fuissent venut, enssi que dit leur estoit.
Si tost que li roys d'Engleterre fu armés et toutte li os, il se 333 partirent de leur logeis tout bellement sans criier et sans noisier, et vinrent enssus, environ le tretie [99] de trois ars. Et avoient ordonné qu'il lairoient les Escos entrer en leur logeis, et yaux ensonniier de prendre et de toursser che que laissiet y avoient; et puis tout à ung fès venroient acourant sur yaulx. Et enssi comme il l'ordonnèrent, il le fisent. Et li Escot, d'autre part, prisent le avantaige dou bos et d'une petitte montaigne dallés le bois; et affin qu'il ne fuissent decheu, il envoiièrent trois escuiers, montéz sur trois hongres chevaux trop appers, pour savoir se li gés estoit de ce lés là où il volloient entrer en l'ost. Chil vinrent à chevauchant jusques as loges des Englès, et si priès que droit à l'entrée; et ne virent ne oïrent personne: dont il furent tout esmervilliet, car encoirez dedens l'ost n'y avoit point de lummierre. Si disent entre yaux: «Ou il s'en sont fui et parti, ou il sont tous endormy.» Enssi le raportèrent il à leurs gens en le montaingne où il estoient, dont li pluiseur eurent assés grant merveille.
Quant li rois d'Escoche et ses conssaux qui daléz lui estoit, eurent oy le rapport que li escuier eurent fet, si se consseillièrent l'un par l'autre coumment il se maintenroient. Si disent li plus anchien, et chil qui le plus avoient uset les armes, au roy: «Sire, ne penssés jà que si vaillant chevalier que li roys d'Engleterre a avoecques lui, s'en soient fui ne parti en tel mannière; mès puet y estre qu'il ont sceu nostre affaire et venue. Si se tiennent tout armé couvertement dedens leurs logeis, pour nous atraire où il sont, à bataille rengie, mis sus les chans, et ont pris leur avantaige. Si aiiés avis sur che.» Adonc demanda li roys à ses mareschaux qu'il en estoit bon affaire. Il conseillièrent qu'il se tenissent là tout quoy, tant que clers jours fuist venus et qu'il veroient entour yaux; et mesissent tous lors chevaux dedens le bois paistre. Enssi fisent il. Tout se misent à piet et chachièrent lors chevaux et haghenées ens el bois, et les fisent garder de leurs varlèz; et se rengièrent et misent tout en une bataille sus le montaingne, qui n'estoit pas trop grande. Et estoit ceste montaigne, d'un lés, si roste que nulx ne peuist de che costé venir à yaux; de l'autre part, elle estoit plus plainne, et touttes voies y avoit grant terre à monter. Au plus plain par où on les pooit aprochier, il chouchièrent grant foison d'arbres et de bois, dont trop 334 bien se fortefiièrent. Et ne les pooit on que par une entrée aprochier ne venir à yaux; et ceste entrée estoit bien gardée des marescaux de leur ost. Ensi se tinrent il tout quoy, tant que li jours fu venus biaux et clers, et qu'il veirent environ yaux, et les Englès tous rengiés et ordonnés sus ung terne, ensi que dit est chy devant.
Ossi li Englès les pooient bien perchevoir et avisser, si comme il fisent. Lors eurent consseil entre yaux coument il se maintenroient; et envoiièrent ung [100] hirault des leurs de par le roy d'Engleterre deviers le roy d'Escoche, liquelx y vint et li dist ensi comme vous orés ensuiwant: «Sire, li nobles roys d'Engleterre m'envoie devierz vous et vous mande que, se li journée d'ui se part sans bataille, et que par forche vous ne levés le siège à le bonne chité de Bervich, n'atendés jammais riens, car elle sera sienne toutte liège pour tousjours mès. Et pour tant que vous y estes venus si avant que vous monstrés que vous voeilliéz nostre roy combattre, afin que vostre desir et emprise soient accompli, voeilliés descendre de celle montaigne là où vous estez et li vostre: il vous laira tout paisieuvlement en ces biaux plains ordounner, et vous combatera sans avantaige. Et se che vous ne voullés faire, eslisiés des vostres vingt [101] ou trente ou quarante ou cent ou deux cens, li roys d'Engleterre otant, et chil se combateront pour son droit et pour le vostre; et à qui li place demoura il en ait l'onneur, et li chité li demeure.» A ces parollez respondi bien briefment li consseil le roy d'Escoche et dist enssi: «Hiraux, vous soiiés li bien venus, qui si biaux fais d'armes nous aportéz. Mès vous diréz à vostre roy de par le nostre, qu'il n'a nul droit de sejourner en che pays; mais s'il nous voelt combattre, il nous voit à yeux: si viègne à nous, et nous le requeillerons. Car au descendre de ceste montaingne, nous n'en sommes point maintenant bien conseilliet, ne des vingt [102], ne des trente, ne des cent, ne des deux cens combattre ossi corps à corps, ne de mettre le droit que li roys nos sirez [a] à le chité de Bervich en tel pareçon; et serons chy tant qu'il nous plaira. Et quant bon nous samblera, nous savons bien voie pour descendre et pour combattre, non à l'entente de nos anemis, mès de nos amis.» Che fu toutte la responce que li hiraux eult adonc, et laquelle il raporta au roy d'Engleterre et à son consseil.
335 Quant li roys englès vit et oy dire par son hirault que li Escot ne descenderoient point de le montaingne se bon ne leur sanbloit, si eut vollenté et coummanda que on lez alast veoir de plus priès et escarmuchier, car il sont chault et boullant, si lez poroit on bien par ceste mannière jus atraire. Li advis et commandement dou roy ne fu point brisés; et furent ordené mil archiers [103], cinq cens d'un lés et cinq cens d'un autre, et cinq cens hommes d'armes enmy yaux, qui les vinrent escarmuchier. Et fist là li roys pluiseurs nouviaux chevaliers: le seigneur de Willebi, le seigneur de Brasetonne [104], le fil le seigneur de le Ware, messire Edouwart le Despenssier, fil au seigneur Despenssier darrain mort, le seigneur de Gresop qui là leva bannierre, et pluiseurs autrez d'Engleterre. Encoires furent là fet chevalier messires Gautiers de Mauny et messires Guillaumez de Montagut, qui estoient compaignon enssamble et très appert bacheler. Dont se partirent chil seigneur englès et chil archier, et aprochièrent les Escos moult vistement; et li roys et ses bataillez demourèrent là où il estoient ordonné, sans yaux en riens desroiier. Et fu coummandé de par le roy, et sour le teste, que nulz ne se partesist de le montaingne, ne se mesist devant lez bannierrez des marescaux.
Quant li Escot virrent aprochier les Englès et venir de celle part là où il estoient le plus ouviers, sachiés que il ne furent pas trop effreet; mais se misent apertement li plus hardit et li plus bachelereux à cel lés et ce qu'il eurent d'arciers devant yaux, et fisent leur roy tenir tout quoy à ses bannierrez. Evous venus les Englèz qui coummenchièrent à traire as Escos, et li Escos à yaux. Là y eult grant escarmuche et tamainte belle appertise d'armes, mainte aventureuse prise et mainte belle rescousce. Et avint ensi que, sus le plus fort de l'assaut, li marescal d'Engleterre fisent tout à ung fès retourner leurs pignons, pour yaux faire chachier et les Escos jus atraire. Mais li Escot, et par especial leurs cappittainnes, qui sont assés sage de guerre et de telx fès, ne se desroiièrent pour ce noiient; ains se tinrent en leur parti, enssi qu'il devoient. Et quant li Englès virent qu'il n'en aroient autre cose, si se sont retret devers leurs grosses bataillez, car à l'escarmuchier pooient il plus mettre que prendre, yaulx fouller et faire navrer, et peu grever les Escos.
336 Enssi se tinrent li Englès, tout le jour, leurs batailles ordounnées, et li Escochois d'autre part. Et, sus le soir, li roys d'Engleterre se retraist à ses logeis; et soupèrent en grant haste et tout armet, et fisent celle nuit leur ost bien escargaitier et priès garder. Quant ce vint environ mienuit, li Escot, qui sont trop biel resvilleur de gens, envoiièrent leurs nouviaux chevaliers et aucuns compaignons qui aventurer se vorent, devers l'ost as Englès, mais bien leur besoingna qu'il fuissent bien monté, car il furent cachiet et reboutet; et en y eut des leurs pris, ainschois que il se pewissent estre remis en leur montaigne. Depuis ceste envaie n'y eut riens fet, car li Escot se partirent assés tost apriès, car il virent bien qu'il n'estoient mie fort pour combattre le roy englèz ne se puissance. Si eurent plus chier à perdre le chité de Bervich [105] à ceste foix que yaux mettre en l'aventure de plus perdre.
Quant ce vint au matin, li Englès regardèrent deviers le montaingne où li Escot s'estoient tenu le jour devant, et n'en virent nul; si le nonchièrent au roy. Adonc y envoya li rois veoir se c'estoit verité; et on trouva qu'il estoient parti et avoient laissiet petit remannant, car il ne mainnent point de charoy. Si raportèrent ces nouvellez certainnez au roy, chil qui envoiiet y avoient estet.
Et che jour devant, estoit close li trieuwe à chiaux de Bervich. Si envoya li roys deviers yaux [106] quatre chevaliers assavoir quel cose il volloient faire. Chil respondirent qu'il tenroient leur couvent, tel qu'il l'avoient au roy. Li couvens estoit que il devoient rendre le chité et le castiel au roy, et il s'en devoient partir tout chil et celles qui partir s'en volloient, salve leur corps et le leur, enssi qu'il fisent; et [107] aportèrent les clefs au roy d'Engleterre, et entra en le ville et puis ou castiel, à grant joie, et tout chil qui entrer y peurent; et qui n'y peult entrer, si se loga dehors. Enssi concquist li roys d'Engleterre le chité et le castel de Bervich, et y entra en l'an de grasce mil trois cens trente trois, le septième jour de jullet. Fo 15 vo à fo 17 vo.
Ms. de Rome: Si passèrent oultre et ceminèrent tant que il vinrent devant la chité de Bervich. Si l'asiegièrent, et se logièrent 337 au plus priès que il porent. Pour ces jours, en estoit chapitainne uns vaillans chevaliers d'Escoce, qui se nonmoit Alixandres de Ramesai. Et avoit avoecques lui des aultres chevaliers d'Escoce et esquiers, qui tout estoient vaillant homme. Si se logièrent les Englois au lonc de la rivière de Taie, qui rentre en la mer desous Bervich. Et est uns havenes de mer, et par là par mer venoient moult de pourveances au roi d'Engleterre et à ses gens, dont il estoient tous les jours rafresqi. Et sciet Bervich en bon pais et pourveu de bleds, d'avainnes et d'autres grains et de bons fains; et i trueve on grant fuisson de venissons et de volilles. Et avoit là li rois d'Engleterre ses chiens et ses oiziaus où il prendoit ses deduis; ne nuls ne li aloit au devant, ne brisoit ses esbatemens. Car tous les jours, qant il voloit faire ce mestier, li connestables d'Engleterre, li contes de Norhanton, avoit bien chinq cens lances et mille archiers, qui costioient les bois et les rivières toute jour, tant que li rois retournoit arrière.
Considerés conment les saisons s'i portent et diffèrent de l'une à l'autre. Vous trouvés ichi desus en ceste histore, le roi Robert de Brus d'Escoce resgnant, père à ce roi David, que il donna moult à faire as Englois; et se il euist vesqu, et messires Guillaumes de Douglas qui fu ocis par sa vaillance en Grenade, et li contes Jehans de Moret, li rois d'Engleterre n'euist osé avoir ensi pris ses deduis de chiens ne d'oisiaus en Escoce, ne chevauchiet sans avoir eu des grans rencontres. Mais les Escoçois conmençoient à doubter ce roi Edowart. Et disoient li anciien et li sage en Escoce que il feroit un vaillant homme, et en avoit bien la chière et la manière. Et en celle vaillance si homme d'Engleterre l'introduisoient et nourissoient: si faissoient bien, car uns rois, puisqu'il voelt tenir terre et signourir peuple, doit estre de hardies et grandes emprises.
Encores disoient les Escoçois, liquel congnissoient assés parfettement la nature des Englois, et l'un à l'autre, par manière de colation: «Et pensés vous pour ce, se nos rois a à fenme la serour dou roi d'Engleterre, que nous en doions mieuls valoir et estre deporté à non estre guerriiet, mais Dieus, nennil! Il fault que li rois d'Engleterre obeise à son peuple, et face tout ce qu'il voellent. Et s'i[l] fait le contraire, et qu'il fuie et hée les armes et soit precheus et endormis, et quière et demande ses deduis, il ne le poront amer, mais le disfameront et querront sur lui voies et adrèces obliques, jà soit il preudons en consience, 338 par quoi il le destruiront. Et trop grans perils est en Engleterre d'un roi qui vient en la posession dou roiaulme, qant i auera eu un vaillant predicesseur devant lui, car se il n'ensieut ses oevres, il est tous les jours en peril et en aventure d'estre mors de son peuple meismes, ensi comme il en est esceu et pris au roi Edouwart, père de cesti qui resgne en present, que si homme ont fait morir de male mort ens ou chastiel de Bercler, et ont son fil couronné à roi. Ce sont grant exemple pour lui, et pour tous les rois qui par succession pueent avenir et venir à la couronne d'Engleterre.»
Ensi disoient li Escoçois, et non pas euls tant seullement, mais toutes aultres nations, qui congnoissent la nature et condition des Englois; car, desous le solel, ne sont gens plus perilleus ne mervilleus à tenir, ne plus divers que sont Englois. Il sont de belles aquintises et de biau samblant; mais nulz qui sages est, n'i doit avoir trop grant fiance.
Tant fist li rois Edouwars en celle saison, devant la chité de Bervich, que par poissance il les constraindi et mena si avant que messires Alixandres de Ramesai, qui chapitainne en estoit, entra en trettiés deviers euls, c'est à entendre deviers le roi et son consel, car il vei que secours ne confors ne li apparoit de nulle part; et estoient fort amenries lors pourveances et lors artellerie, pour les grans assaus que on lor avoit bailliet et livrés, car priès que tous les jours i estoient avenu fait d'armes et escarmucez; et en avoit parlé à ses compagnons, car sans l'acort et consentement de euls, il n'en euist jamez riens fait. Si se porta tretiés que il avoient trieuves quinse jours, et dedens ce terme, il devoient envoiier deus de lors cevaliers deviers le roi d'Escoce et son consel pour compter lor estat; et se li rois d'Escoce voloit là venir, si poissans que pour lever le siège, la chité de Bervich li demoroit; et se dedens les quinse jours il ne venoit, il se devoient rendre au roi d'Engleterre, et de ce jour en avant demorer bon Englois; et se pooient chevalier et esquier, qui dedens estoient, partir segurement sans riens perdre dou leur; et devoient li manant de Bervich demorer en bonne paix sans estre foullé ne pressé, ne avoir auqune violense de lors corps et de lors biens. Les trieuves furent bien tenues; ne onques, tous les quinse jours, il n'i eut assaut ne escarmuce. Et envoia messires Alixandres de Ramesai deviers le roi d'Escoce et son consel, qui se tenoit en Abredane, et là environ sus la sauvage Escoce, deus 339 chevaliers. Je les vous nonmerai: messire Guillaume de Glaudiguin et messire Robert Bourme. Chil chevalier se departirent de la chité de Bervich, et cevauchièrent parmi l'Escoce; et trouvoient en cevauçant tout le pais ars et destruit, et ne savoient à qui parler. Tant esploitièrent que il vinrent en la chité d'Abredane, et là trouvèrent le roi et la roine et auquns chevaliers d'Escoce qui lor faisoient compagnie.
Qant li rois vei les chevaliers venus, il senti tantos que il aportoient nouvelles; si leur dist: «Bien venant! Conment vous portés vous dedens Bervich?» Adonc li recordèrent li chevalier toute l'ordenance dou tretié ensi que il se portoit. Et qant li rois l'ot entendu, si pensa un petit, et vei bien que il n'i pooit pourveir, si dist: «Il me fault Bervich perdre, la souverainne chité de mon roiaulme. A ce ne puis je aidier.» Et puis il dist encores ensi: «Se nous le perdons pour ce temps, uns aultres retournera que nous le recouverons.» Et dist ensi as chevaliers: «Messire Guillaume et vous messire Robert, je vous remerchie grandement de ce que si vaillanment vous vos estes tenu en Bervich. Vous veez bien que il n'est pas en ma poissance que je puisse amender à ce tretié. Il n'i a nului en Escoce, depuis la mort de messire Guillaume de Douglas et dou conte Jehan de Moret; il n'i a gaires de cevaliers qui se doient ne puissent relever contre la poissance d'Engleterre. Englois sont male gent. Li baron de ce pais tretiièrent jadis, et n'i a pas encores chinq ans, dou mariage de ma fenme et de moi, au conte de Qent qui fu uns vaillans preudons et à la roine Isabiel d'Engleterre, pour tant que il quidoient que je et toute Escoce en deuissions mieuls valoir, mais nennil: nous avons plus forte guerre assés que devant. Et chil qui s'acordèrent au mariage, la roine, la mère ma fenme, li contes de Qent et messires Rogiers de Mortemer en sont venu à povre conclusion, et tout par envie et le mauvesté des Englois. Robert et vous, Guillaume, vous retournerés et ferés dou mieuls que vous porés; je voi bien que il fault que je perde Bervich.»
Depuis ceste response que li rois David d'Escoce fist à ses chevaliers, il ne demorèrent que deus jours que il se missent au retour, et ceminèrent tant par lors journées que il vinrent à Bervich, et passèrent tout parmi l'oost as Englois paisieuvlement, et rentrèrent en la ville. Euls revenus, il parlèrent au capitainne et as tous ceuls de la ville, bourgois et autres, et lor [recordèrent] [108] 340 en general tout ce que il avoient trouvé ou roi d'Escoce et en son consel, et la response tèle que faite on lor avoit; et sur ce [orent] consel et avis. Donc dissent il l'un par l'autre: «Il n'i a aultre cose; il nous fault tenir le trettié tel que nous l'avons deviers les Englès. Aultrement ne poons nous finer. Et à tout considerer, voirement ne le puet li rois amender, car il n'a pas à present gens ne poissance pour combatre les Englois.»
Les chevalierz d'Escoce retournés sus la fourme et estat que je vous di, li rois d'Engleterre et sez consaulz vorrent sçavoir quel cose il avoient raporté. Il leur dissent que Bervich estoit lour, parmi les couvenances acomplies. Li rois d'Engleterre lor tint et acompli de point en point. Et s'en departirent tout chevalier et esquier qui en garnison i avoient esté, et enportèrent tout che qui lour estoit et sans rihote. Et li bourgois de la ville demorèrent en paix, parmi tant que il jurèrent solempnement à estre bons et loiaus Englois, à tous jours mès, et eussent li Englois la posession. Et i entra li rois d'Engleterre à grant fuisson de trompes et de trompètes et de menestrandies. Et i tint son tinel et son estat, et la roine Phelippe sa fenme avoecques lui, laquelle estoit enchainte, et ce fu de Edouwart son ainné fil, qui puis fu princes de Galles et si vaillans homs, comme vous trouverés dedens ceste histore, qant temps et lieus seront à parler de lui. Avoecques la chité de Bervich, ot li rois d'Engleterre le castiel qui est biaus et fors et oevre sus les camps et en la ville. Et tout fu mis ens ou tretié dou rendage. Et furent la chité de Bervich et li chastiaus ravitailliet et rafresqi de pourveances et de gens d'armes et d'archiers et de bon chapitainne. Et fu toute la marce et la terre de là environ recargie et mise en garde, de la bouce dou roi, au signeur de Persi qui resgnoit pour ce temps.
Toutes ces coses faites et ordonnées, li rois d'Engleterre commença à donner de sa gent congiet. Et se departirent li plus lontain premierement. Et ils meismes s'en retourna au Noef Chastiel sur Thin, et i institua à chapitainne le signeur de Noefville; et puis s'en parti, et vint un jour disner en un chastiel priès de là seant, et la roine aussi. Et le castel on l'apelle Branspes, et est dou signeur de Persi. Et furent là li rois et la roine deus jours. Et entrues passoient ses gens, et se retraioient casquns en son lieu. Et où que li rois et la roine aloient, messires 341 Robers d'Artois estoit tous jours en lor compagnie. Qant li dis rois et la roine et ses gens, voires ceuls liquel estoient ordonné pour son corps, eurent esté en Branspes deus jours, et li sires de Persi et la dame les orent bien festoiiés, il prissent congiet et se departirent. Et vinrent à Durem, et là se tinrent trois jours; et puis s'en departirent, et vinrent à Evruich. Et là furent li rois et la roine et tous li hostels un temps jusques à la Pasque ensievant, que on compta l'an de grasce mille trois cens trente deus. Et là fist la roine sa jesine de Edouwart, son premier fil, qui depuis fu nonmés prinches de Galles et dus d'Acquitainnes, et qui tant fu preus et vaillans homs, ensi que vous orés dire en l'istore. Fo 33.
P. 111, l. 10: au chief.—Mss. A 18 et 19: en la fin. Fo 30 vo.—Mss. A 20 à 36: au bout. Fo 50 vo.
§ 53. P. 112, l. 3: Ensi.—Ms. d'Amiens: Apriès le concquès de Bervich, li roys eult consseil et advis qu'il yroit devant le castel de Rosebourch, qui estoit à douze lieuwes de là, et qui est de ce costet li entrée d'Escoche et li departemens dou royaumme d'Engleterre et de Norhombrelande; car en ce castiel pooient li Escot mettre une grant garnison, et trop fort grever Bervich, et yaux aidier à deffendre et garder le marce, s'il estoit de leur accord. Dont fu criiet et coummandet de par le roy que on s'en allast de celle part, ainssi que on fist. Et sieuwirent touttes pourveanches l'ost; et s'en vinrent devant Rosebourq, et l'asegièrent de tous costéz, car c'est ung castiau sus une roce en plain pays. Et y a fossés assés profons, mès peu d'aighe y descent ne se tient. Dedens ce castel y avoit ung très bon escuier d'Escoce, que on clammoit Alixandre de Ramesay, qui dou garder fist bien son devoir. Et avoit touz les jours l'assault, jusquez as murs, de traire et de lanchier; et il se deffendoit si bien qu'il en avoit le grace de chiaux de dedens et de dehors ossi. Or vous dirons ung peu dou couvenant et de l'ordonnance le roy David d'Escoce et de son consseil, et coumment il se maintinrent depuis le departement, si comme vous avés oy.
Quant li Escot se furent parti de le montaigne, si comme il est dit chy devant, il chevauchièrent ce jour tout à leur aise, car bien sentirent que li Englès n'avoient nul talent d'iaux pourssuiwir; et se logièrent, de haulte nonne, sus une petite rivierre, 342 que on claimme ou pays la Boée [109]. Et là se traissent tout li seigneur d'Escoche à consseil quel cose il feroient, et coumment le plus honnerablement de ceste guère as Englès il se maintenroient. Là y eut pluiseur parollez dittez, devisées et remoustrées. Et ne sambloit pas bonne as aucuns ceste ordonnance d'ensi fuir devant lez Englèz, et qu'il se metoient en parti de tout perdre, leur honneur et leur pays. Dont disoient li plus sages que nullement il ne se veoient fort de combattre le roy englès, qui avoit avoecq lui bien soixante mille hommes d'eslite, et que il leur valloit mieux ensi maintenir que tout aventurer et perdre. Dont eurent consseil et pour le mieux que li jouènes roys leurs sirez s'en alast à Dubretan, ung très fort castel sus le sauvaige Escoche, et là se tenist, il y seroit tout aseur, et la roynne avoecq lui; et li jouènes messires Guillaume de Douglas et li comtes de Moret et li comtez de Surlant [110] et messires Robiers de Verssi et messires Simons Fresel [111] et tel route de gens qu'il voroient prendre, se tenissent ens ès forès de Gedours; et costiaissent lez Englès et les heriassent: par celle voie il les gueriroient sagement et leur porteroient à le fois grant dammaige; et li autre se maintenissent au plus bel que il pewissent.
Chilz conssaux fu creus et tenus. Et se departirent leurs os, et s'en ralla chacuns en son lieu, sans faire ne moustrer aultre deffensce au pays, fors par le mannierre que j'ay dit chy devant, fors tant qu'il envoiièrent grant garnison en Haindebourch, en Saint Jehanston, en Abredane, en Dondier, en Darquest, en le ville de Saint Andrieu et ensi par les fortressez, et gastèrent yaux meysmes tout le plain pays. Et se retraissent hommes et femmez et enfans ens ès montaingnez et ens ès bois et ens ès forès; et là menèrent tout le leur et s'i amasèrent. Et li chevalier et seigneur dessus dit, qui estoient estaubli et ordonné pour gueriier lez Englès, messires Guillaumes de Douglas, li comtes de Moret, li comtez de Surlant, messires Simons Fresel et pluiseur autre se retraissent devers le forest de Gedours qui est forte, sauvaige et grande sans nombre, où nulle gens estranges ne se oseroient ne poroient embattre, s'il ne voulloit y estre perdu davantaige [112]. Et li roys et li roynne d'Escoce s'en allèrent à Dubretan, 343 ensi qu'il est dit chy devant, et laiièrent leur pays gueriier en la mannierre comme vous orés.
Ensi seoit li roys d'Engleterre devant le fort castel de Rosebourch, en Escoche, et y fu ung grant temps; et le fist par pluiseurs fois assaillir. Mes li bons escuiers Alixandres de Ramesay s'aquitta très bien et loyaument dou garder et dou deffendre; et vint avoecq ses compaignons par pluiseurs fois à le barrière, et escarmuchier et combattre as Englèz. Et y fissent li Escot pluiseurs belles appertisses d'armes, de tant que li roys y sist, qui disoit qu'il ne s'en partiroit mès jusqu'à tant qu'il aroit le castel par deviers lui, et en seroit sirez. Et là eut devant le castel ung fet d'armes d'un chevalier d'Engleterre, qui s'apelloit messires Guillaumes de Montagut, et de cel Alixandre de Ramesay, liquelx ne fait mie à oubliier. Et pour ce ai je che livre coummenchiet que j'en doie et voeil recorder lez bellez avenues, et à ce je me sui acouvenenchiéz. Si n'est pas chilx fès d'armez escrips ne contenus ens ès cronicquez messire Jehan le Bel; mès j'en fui enfourméz dez signeurs dou pays, quant je fui en Escoche.
Chils messires Guillaume de Montagut, qui puis fu comtes de Sallebrin par le vasselage et proèce de lui, et qui estoit fès nouviaux chevaliers, queroit les armes et lez aventurez che qu'il pooit. Dont, le siège durant devant Rosebourch, à une escarmuche qui estoit une foix à le barière dou castel, il estoit tout devant, une glaive en son poing, et faisoit là moult de bellez appertises d'armes; et li cappitainnez de layens, Alixandres de Ramesay, yssi contre li. Avint que li dis messires Guillaumez li dist: «Alixandre, Alixandre, nous nos hairions chy tout le jour au lanchier et au traire; et nous mettons en aventure d'estre ocis, et sans grant proèce. Si voeilliés faire une cose que je vous diray: armés vous demain, du mieux que vous poés, et jou ossi; et montés sus ung cheval, le milleur que vous aiiés. Et, se vous n'en advés nul qui bon ne vous samble, je vous en feray ung prester, et prendés vostre targe et vostre glave. Si, vous venés esprouver à moy, en ces biaux plains, devant le roy men seigneur et les barons d'Engleterre, par couvent, se vous me conqueréz par vostre proèche, ensi que bien faire polrés, vous enporteréz devant vous mil nobles; et se je vous conquiers, je vous feray bonne compaignie.»—«Par me foy, respondi li escuiers, il ne seroit mies drois hommes d'armes, qui refuseroit che parti, et je le vous accorde liement.»
344 Ensi fu li bataille fianchie à l'endemain, et li escarmuche lessie. Chacuns se pourvey en droit de lui, dou mieux qu'il peult. Et pour l'amour de le bataille, li rois d'Engleterre donna triewez à tous chiaux dou castel de Rosebourch, le jour entier, et l'endemain jusques à soleil levant. Quant ce vint au matin, messires Guillaume de Montagut s'arma très bien, fort et ablement, pour estre plus legiers. Et tous armés il monta sus son cheval, le glave ou poing, l'espée au costet et le targe au col; et s'en vint, ensi qu'il devoit, desus lez camps assés priès dou castel. Et là estoit li roys et li plus des barons d'Engleterre. Assés tost apriès, vint Alixandrez de Ramesay, armés fricement et gentement de touttez pièches seloncq son usaige, montés sus ung bon coursier, le bachinet en le teste, le glave ou poing, et acompaigniés de chiaux dou castel. Quant il se virent sur les camps, oncques ne parlementèrent de riens enssamble, ains abaissièrent les glaives et coindirent les targes à leurs poitrinnes, et ferirent chevaux des esperons, et s'en vinrent au plus droit l'un contre l'autre qu'il peurent, sans yaux nient espargnier. Et s'asenèrent, de premier encontre, de leurs glaives si roidement que chacun rompi le sienne en plus de troix pièces; et s'encontrèrent de leurs espaulles si dur que leur targe en passant se desbouclèrent et leur pendoient contre val assés à malaise; mais chacuns à se partie mist remède et aye. Et quant on leur eult rebouclé et remis à leur droit, il sachièrent les espées et ferirent chevaux des esperons; et vinrent l'un sus l'autre très fierement, et se requisent, sans yaux espargnier, de grant couraige. Et là mout vassaument et longhement se combatirent, et donnèrent li ung à l'autre sus leur bachinés à visière tamaint pesant horion. Et quant des espées il se furent ung grant temps combatu, il les jettèrent à terre avoecq les fouriaux, et puis se prisent as bras, et luitièrent sus leur chevaux; et fourmenèrent en luitant tant yaux et leurs chevaux que moult estoient afoibli de leur force. Dont dist li roys: «Chil doy bacheler se sont bien esprouvet, et fricement et vassaument se sont gouverné en leurs armures. Pour riens je ne vouroie qu'il mescheist à mon chevalier, et que li Escot ewist ossi trop grant dammaige de son corps. Dittez leur de par moy que je voeil qu'il cessent, car leur esbatemens nous doit bien souffire.» Dont vint celle part li sirez de Gresop, li comtes de Sufforch, li sirez de Ferières; et disent as champions che que li rois leur mandoit, et qu'il volloit qu'il fesissent. Ensi se departi 345 li bataille des deux bachelers qui vollentiers fu regardée, car vassaument et hardiement il s'estoient requis et combatu. Li Escochois en remenèrent leur cappittainne qui durement estoit travilliéz et lassés; et li Englèz, monseigneur Guillaumme de Montagut qui n'en avoit mies plentet mains.
Chilz jours passa, la nuit ossi; et l'endemain au matin, à soleil levant, fu la trieuwe à chiaux de Rosebourch espirée. Si recoummenchièrent li assault fort et fier au castiel, et chil de dedens à yaux bien deffendre. Chilz sièges dura de l'entrée d'aoust jusquez à le Toussaint. Adonc fu li castiaux rendus, car plus ne le peurent chil qui s'en partirent, tenir. Et se sauvèrent yaux et le leur seullement, et en peurent aller quel part qu'il veurent, che fu deviers Dubretan li aucun, et li autre deviers le forest de Gedours, là où li bon chevalier et escuier d'Escoche se tenoient, qui souvent resveilloient les Englèz, messires Guillaume de Douglas, li comtez de Moréz et li autres.
Quant li roys d'Engleterre fu entréz ou castel de Rosebourch, il se reposa à grant joie; et y tint se feste le jour de Tous les Sains, et y donna grans dons as chevaliers estranges, as hiraux et as menestrels [113]. Au huitième jour, il s'en parti et laissa bonne cappittainne et souffissant ou castel, cent hommes d'armez et deux cens archiers, puis chevaucha deviers Haindebourch, ung très bel castel et fort, seant sus une haulte roche, pour veoir le pays tout environ, et priès de le mer; mès, ains qu'il y parvenissent, il eurent mainte envaye des Escos et maint assault. Et ossi furent li Escot par pluiseurs fois cachiéz et reboutet de messire Guillaumme de Montagut et de messire Gautier de Mauni, qui estoient compaignon enssamble, et qui grant painne et grant soing mettoient et rendoient à yaux avanchir et aloser, et à adammagier lez Escos qui grant contraire leur portoient.
Ainchois que li roys englèz et ses os parvenissent devant le fort castel de Haindebourch, li marescal de son ost coururent toutte le conté de Mare et contreval le marinne jusques à Donbare et à Ramesée, et tout contreval le marine jusques à le ville de Saint Andrieu. Et puis reprissent ung bras de mer contremont, et s'en vinrent à une ville sur cel bras de mer que on appelle Kuinnesferri [114], et robèrent et ardirent le ville, puis s'en 346 partirent; et montèrent contremont, et vinrent jusques à Donfremelin. Et là eut ung grant assault, car grant fuisson des gens del pays d'Escoche s'i estoient retret, qui si bien gardèrent celle ville, parmy l'ayde le seigneur de Lindesée et ses gens, que elle n'eut garde. Et y fu là durement navrés li comtez de Sufforch et messires Edouwars li Despenssiers et messires Thummas Bisés et messires Ostes de Pontchardon. Et s'en partirent [115] li Englèz quant il virent qu'il n'y feroient riens, et s'en revinrent tout autour par desoubs Haindebourch; et trouvèrent le roy à siège devant Dalquest, ung castiel [116] au seigneur de Douglas, qui siet à cinq lieuwes de Haindebourch.
Chilx castiaux de Dalquest n'est pas trop grans, mès il est bien herbregiés de cambrez et de edeffices qui sont edeffiiet en une grosse tour quarée, votée deseures, qui ne crient nul assault d'enghiens ne d'espringallez; et siet sus une petitte roche bien taillie, environnée d'une rivierre qui n'est pas trop grans, se ce n'est par habundanche de pleuves. Et est li basse court ung peu ens sus, laquelle chil de layens avoient toutte arse et mise par terre, affin que elle ne leur portast point de dommage. Et avoit dedens le fort de Dalquest mis messires Guillaumez de Douglas bons compaignons et appers. Et estoient environ trente six, bien pourveu d'artillerie et de vivres, pour yaux tenir ung grant temps. Et avoient une cappittaine qui s'appielloit Patris de Hoclève [117], qui estoit bons hommes d'armes et seurs; et s'armoit d'argent à trois clés de sablez, car par pluisseurs fois il fu à le barrière dou castel armés de touttes pièches, escarmuchans as Englès bien et vassaument; et tant y vint escarmuchier qu'il l'en mesavint, si comme vous oréz.
Li rois d'Engleterre, qui seoit devant Dalquest, ne s'en volloit nullement partir si ewist pris le fortrèche; et y fu tout l'iver enssuivant. Dont il avint sur le printamps que les aighes se coummenchent à retraire, et plus une saison que une autre, et que li coraige dez preux bacelers par nature se raverdissent et resjoissent, adonc se fist ungs assaus des Englès à chiaux de dedens, grans et fiers et bien ordonnés; et avisèrent li seigneur d'Engleterre coumment il poroient dechevoir che chastelain. Bien savoient que, à tous les assaus que on faisoit, il s'abandonnoit 347 moult avant; et entendoit toudis que il pewist prendre et retenir dez plus grans de l'ost par son advis, que il veoit devant lui à l'assault. Si lisent yaux huit des plus grans de l'ost, armer huit de leurs varlès en leurs propres tourniquiaus et parures d'armes, pour mieux veoir. Et les lisent assés foiblement acompaigniet de gens venir devant le pont leveis du castiel, et ung hiraut d'Engleterre, en une rice cote d'armes dou roy, vesti par parement devant yaux, qui crioit à chiaux dedens: «O Patris! Patris! regarde le belle aventure d'armes qui vous vient. Vechi ces seigneurs barons d'Engleterre, qui voèrent her soir après vin qu'il volloient hui escarmuchier à vous, sans autre ayde que de yaux meysmez. Se vous les poyés par biau fait d'armes prendre ne retenir, vous y ariés bien de prouffit cent mil florins [118].»
Et quant li castelains oy ces parolles et il recongnut les armes au comte de Lancastre, au comte de Pennebrucq, au comte de Herfort, au comte de Sufforch, au comte de Warvich, au seigneur de Persi, au seigneur de Gresop, au seigneur de Nuefville et au seigneur de Felleton, et il lez vit tant seulement yaux huit à l'entrée dou pont, si quida bien que li hiraux li deist verité, et qu'il fuissent là venu par voie de veu. Si dist à ses compaignons: «Seigneur, qui troeve saint Pière à l'uis, il ne l'a que faire d'aller querre à Romme. Vechy nostre recouvranche, se eur et fortune y a venue, pour tousjours mès: plus vassaument ne nous poons nous combattre ne aventurer, que à ces noblez seigneurs d'Engleterre, qui nous en requièrent. Il en y a tel quatre qui paieroient deus cens mille florins, sans yaux grever. Avallons le pont, et nous hastons d'yaux combattre, et de mettre ceens par force d'armez. Si ferons une des bellez aventurez qui avenist oncques mès en Escoche.» Et chacuns dist: «Che soit fait.» Dont avallèrent le pont vistement tous jus, rés à rés de terre, et ouvrirent leur portes; et vinrent de plain cours sur ces varlès, qu'il cuidoient grans seigneurs. Liquel se coummenchièrent à deffendre faintement, et à reculer jusques à le jointure dou pont, et yaux laissier tirer et abattre, et dire: «Rendés vous» et respondre: «Non ferons.» Entroes qu'il s'ensonnioient ainssi, Englèz, qui estoient tous pourveu et avisé quel cose il devoient faire, vinrent à cours de cheval celle part; et montèrent sour le pont si efforciement que oncques puis ne s'en 348 partirent, et en furent maistre; et prisent Patris le cappittainne et dix huit [119] de ses compaignons, et tuèrent tous les autrez. Et entrèrent en le porte qui estoit toutte ouverte, et se saisirent le castiel; et en rendirent les clés au roy englès, qui en eult grant joie.
Tout ainssi comme vous m'avés oy compter, fu li castiaux de Dalquest pris [120]. Et y mist li roys englès garnison, pour le tenir et deffendre contre tous hommez, et le rafresqui de pourveanches. Puis s'en parti li rois et tout sen ost, et s'en vinrent en Haindebourch. Et se loga li rois en une abbeie de noirs moinnes, assés priès de le ville, que li Escot avoient toutte arse, pour ce qu'il ne volloient point que li Englès s'i herbergaissent. Et environnèrent le castel, qui siet hault sus une roche de tous costés. Et y fist li roys pluisseurs assaulx grans et fiers et mervilleux, mès peu y conquist, car il y avoit dedens bonne bachelerie qui bien le deffendoient à tous venans. Lors eult consseil li roys qu'il le feroit assaillir d'enghiens, enssi qu'il fist. Et fist deus grans enghiens, haus et bien ordounnés, drechier devant le castel, qui ouniement nuit et jour y jettoient; et rompirent et debrisièrent chil enghien toutte le basse court. Ensi estoient chil de Haindebourch assailli et travillié des Englès. Et li coureur et foureur d'Engleterre, dont messires Guillaume de Montagut et messires Gautiers de Mauny, qui nouvelement estoit devenu chevalier, estoient cappittainne, coururent le plainne Escoche bien souvent jusques à Struvelin [121] et jusques à Donfremelin; mès noient ne trouvèrent à fourer, car li Escot avoient yaux meysmes destruit et ars tout leur plain pays, et retret le leur et leur bestez ens ès foriès. Et euissent eu li Englès mout de malaise et de povreté de faminne, se il ne leur fuissent venu vivre par mer; mès il leur en venoit d'Engleterre assés et par raison, qui grandement recomfortoit leur ost. Or lairons ung peu à parler des gherres del royaumme d'Escoche, et paurons des avenues de Franche.... Fos 17 vo à 19.
.... Or revenrons au roy d'Engleterre qui estoit devant Struvelin, en Escoche. Struvelin [122] si est ungs castiaux biaux et fors, seans sus une roche et haulte assés de tous costés, horsmis de l'un, et est à vingt lieuwez de Haindebourg, à douze de Donfremelin, et 349 à trente lieuwes de le ville Saint Jehan. Et fu chilz castiaus anchiennement, dou tamps le roy Artus, nommés Smandon. Et là revenoient à le fois li chevalier de le Reonde Table, si comme il me fu dit quant g'i fui, car ens ou castiel je reposay par trois jourz avoecq le roy David d'Escoche, si comme je poray bien dire sour le fin de ce livre. Et estoit li dis castiaux, pour le temps que g'i fui, à messire Robert de Verssi, ung grant baron d'Escoce, qui l'avoit aidiet à reconcquerre sus les Englès. Et vous di que li roys d'Engleterre, de tant qu'il y sist, y fist faire pluiseurs assaulx grans et fors. Et chil de dedens se deffendoient bien et loyaument, dont il annioit au roy que tant se tenoient; car messires Robiers d'Artois li disoit souvent: «Sire, laissiés che povre pays. Que mau feu l'arde, et entendés à vostre plus grant prouffit, le noble courounne de Franche, dont vous estes drois hoirs, et de quoy on vous fait tort. Il n'est si grans perilz que de gheriier povres gens. Chy poés vous bien perdre et nient gaignier.» Li rois entendi vollentiers à ses parollez, quoyqu'il poursuiwist le guerre d'Escoche, car il l'avoit empris à toutte destruire jusquez à le sauvage Escoche; et euist fait, se chilx soings ne li fuist creus.
Endementires que il seoit devant Struvelin, nouvelles li vinrent que la roynne sa femme estoit acouchie d'un biau fil, en le chité de Ewruich, et que il y volsist envoiier certains messages et le nom qu'il porteroit à fons. Mout fu li rois joyans de ces nouvellez; et donna au chevalier, qui aportées li avoit, cent librez d'estrelins et ung biau courssier. Et envoya celle part messire Edouwart de Bailloel, ung bon chevalier qui le tint à fons, et contre qui il eult à non Edouwars, le nom dou roy sen père. Et fu puis chils enfez prinche de Gallez, et très bons, hardis et entreprendans chevaliers, et qui durement et fierement guerria tant qu'il vesqui [123]; mès il mourut dès le vivant le roy son père, ensi comme vous oréz en ceste histoire.
Tant sist li rois d'Engleterre devant Struvelin que li castiaux fu si apressés, grevés et demenés d'assaux de grans enghiens qui nuit et jour y jettoient, que chil de dedens, qui loyaument s'estoient deffendu et tenu, ne se peurent plus tenir; car il ne veoient apparant point de comfort de nuls costéz, ne nulle assamblée des 350 Escos qui se fesist pour combattre le roy ne lever le siège. Si tretièrent unez trieuwes deviers le roy à durer quinze jours [124]; et se dedens ces quinze jours, autres comfors ne leur apparroit, il devoient rendre le fortrèce au roy, sauve leurs corps et le leur. Li rois s'i acorda, et tint le trieuwe bien et paisivlement; mès oncques n'appari homs vivans, pour combattre les Englès. Quant li quinzième jours fu passés, li rois fist requerre à chiaux dou castiel que il tenissent leur couvent, et ossi fissent il. Dont se partirent dou castiel enssi qu'il devoient; et en portèrent tout le leur, hors mis les vitailles et le artillerie dou castiel. Tout ce estoit reservet en le devise. Et s'en allèrent li Escot là où bon leur sambla. Et li rois prist le possession dou castel de Struvelin, et y mist bonne garnison de gens d'armes pour le garder et deffendre.
Quant li roys d'Engleterre eut pris le castel de Struvelin et toute le plainne Escoche courut, et pris et ars pluiseurs villes freméez de fossés et de palis, si demanda consseil à ses hommes comment il se maintenroit, car l'imfourmation que il avoit de monseigneur Robert d'Artois li touchoit moult. Et souvent y penssoit, et en avoit jà parlé as plus secrès de son consseil et à ses plus prochains de linages, à telx comme au comte de Lancastre, au comte de le Marce, au comte de Sufforch, au comte de Herfort, au comte de Warvich, au seigneur de Perssi et as pluisseurs autres. Si trouvoit en consseil li rois que il pourveist les fortrèces que il avoit prises en Escoce, bien et souffissamment, de bonne bachelerie apperte et legière [125], pour les tenir et garder contre les Escos; et s'en revenist arrière viers le cité de Londres, et fesist là assambler son parlement des nobles, des prelas et de ses bonnes villes; et leur remoustrast ou fesist remoustrer sen intention, et ce dont messires Robiers l'avoit enfourmet. Li roys s'acorda à ce consseil, et fist de rechief pourveir et rafrescir [126] Bervich, Dalquest, Rossebourch, Dondieu, Astrebourch, le bastide de le Mare, le fort Saint Pierre, Haindebourch et Struvelin; et mist en chacun de ces castiaux grant fuisson de bonnes gens d'armes et de archiers. Et fist souverains de tous ce pays concquis et de touttes gens d'armes [127] messire Guillaumme de Montagut 351 et messire Gautier de Mauny. Puis se desloga et parti, et s'en revint arrierre vers Rossebourc, et dounna ses gens congiet. Et ordonna ung certain jour de parlement qui seroit à Londrez, et pria et enjoindi à tous barons, prelas et chevaliers qu'il y fuissent, et chacun li eut en couvent.
Tant s'esploita li rois englès, apriès che que ses os furent departi, qu'il rapassa le royaumme de Norhombrelant, Urcol, Persi, le Noef Chastiel sur Tin, Durem, et s'en vint à Ewruich. Si trouva la roynne sa femme qui se devoit, dedens cinq jours, relever de sa gesinne. Là sejourna li rois tant que elle fu relevée; et y eut au jour de se purification grant feste. Puis se parti li roys assés briefment, et la roynne et messires Robiers d'Artois et tout leur arroy; et s'en revint arrière deviers le chité de Londrez. Et se tint à Wesmoustier, et à Cènes et à Eltem, et là environ Londres; et toudis messires Robiers d'Artois dallés lui, à qui il faisoit grant feste et moustroit grant amour. Et fist li rois faire as [128] Augustins, à Londres, les obsèque et l'offisce de Monseigneur Jehan de Eltem, son frère, qui nouvellement estoit trespassés. Or vous paurons ung peu des Escos, et de chiaus que li roys englès avoit laissiet en Escoche.
Vous avés bien oy recorder chy devant coumment, à une assamblée des Escochois qui se fist devant Bervich, là où li roys David d'Escoce fu presens et que venu y estoient pour lever le siège, que point ne fissent, car il n'estoient mies fort pour le faire, si ordonnèrent messire Guillaumme de Douglas et le jouène comte de Moret à gheriier sus les frontierrez les Englès, et à heriier ce qu'il poroient. De quoy, tantost qu'il seurent le retour dou roy d'Engleterre, il s'asamblèrent et coummenchièrent à courre sus chiaux que li roys d'Engleterre avoit laissiet ou pays; et leur portèrent souvent pluisseurs dommaiges, car il congnissoient leurs marches et leur pays. Si en avoient de tant plus grant avantaige et mieux lieu de gheriier, et souvent resvilloient les Englès et leur portoient doummaige. Ossi à le fois il estoient cachiet et racachiet mout avant; mès li Escos se tenoient et mettoient en si fort pays de marès et de crolières et de drus bois, que, quant il estoient là retret, il estoient assés bien asseur. Et vous di que, de ces chevauchies et puigneis qui adonc estoient et se faisoient en Escoce, en avoient toutte le huée et le plus grant 352 renoummée des Escos quatre chevaliers d'Escoce, messire Guillaumme de Douglas, messires Robers de Versi, li comtes de Moret, messires Simons Fresel; et de le partie as Englès, messires Gautiers de Mauny et messires Guillaumme de Montagut, qui depuis fu comtes de Sassebrin et en eut madamme Aelis à femme, qui en estoit hoirs et de se jonèce de l'ostel le roynne d'Engleterre. Et li donna li roys, pour le bien et le proèche de lui, car en ces gherres il se porta très vassaument. Or lairons à parler des besoingnes d'Escoche, et paurons dou roy d'Engleterre, et coumment il parsevera sus le infourmation qu'il avoit de monseigneur Robert d'Artois. Fos 20 vo et 21.
P. 112, l. 21 et 22: Rosebourch.—Ms. B 6: Et fist en che tamps messire Guillame de Montagu faire une fortresse contre les Escochois qui se nome de Rosebourcq, qui n'estoit que devant une bastille, qui siet sur les marches des deux royalmes de l'une partie d'Escoche. Fo 64.
§ 54. P. 114, l. 31: Benedic.—Ms. d'Amiens: Encorres envoya li roys de Franche devotement devers le pappe Benedicq en Avvignon, en lui priant comme ses filx que le voiaige d'outre mer et le croix il li volsist confremmer, et le fesist preechier parmy sainte Crestienneté. Li papes li acorda doucement, et fu ceste croix preschie parmy le monde où li foy de Dieu est creue; et prisent pluiseur vaillant homme et preudomme le croix, qui devotion avoient d'aller en ce saint voiaige. Fo 20 vo.
Ms. de Rome: En ce temps, vint il en devotion au roi Phelippe d'aler en Avignon veoir le pape Benedich qui resgnoit pour ce temps, et de parler à lui, et par son consel entreprendre le voiage d'outre mer et conquerre la Sainte Terre, car pour lorz il n'avoient que faire et ne savoient à quoi entendre, fors as joustes et as tournois et à tous aultres esbatemens. Et pour ce li rois Phelippes avoit celle devotion de convertir ces armes et esbatemens à aler sus les Incredules et conquerre la sainte chité de Jherusalem et le roiaulme de Surie, et tant faire par poissance que de oster hors des mains dou Soudan et des Incredules. Fos 35 vo et 36.
P. 115, l. 6: grant arroi.—Ms. d'Amiens: Quant li rois de Franche eut en partie acompli ses vollentés de monseigneur Robert d'Artois [129], ensi comme vous avés oy, et que il se vit en 353 pès et en repos en ce noble royaumme de France, si en carga grant estat [130], et bien le pooit faire. Et tenoit trois roys de son hostel: le roy Carlon de Behaigne, le roy Phelippe de Navare et le roy de Mayogrez, et dus et comtes et barons sans nombre; et n'y avoit oncques mès eut roy en Franche dont il souvenist, qui euist tenu l'estat pareil au dit roy Phelippe. Et faisoit faire festes, joustes, tournois et esbatemens, et il meismes les devisoit et ordounnoit. Et estoit ungs rois plains de toutte honneur, et congnissoit bien que c'estoit de bachelerie; car il avoit estet bachelers et saudoiiers en son venir en Lombardie, dou vivant le comte de Vallois son père. Si en amoit encorrez mieux les petis compaignons. Par especial, il amoit et tenoit le plus dou tamps dalléz lui le gentil roy de Behaingne et le roy de Navarre, le comte d'Alençon, sen frère, monseigneur Jehan de France, duc de Normendie, son aisné fil, le duc Oedon de Bourgoingne, le comte Loeys de Flandrez, le comte Loys de Blois et messire Charle de Blois, car il estoient si nepveut, le comte de Bar, le duc de Bourbon et le duc de Lorainne [131]. Et n'estoit oncques li rois si priveement, fust à Paris ou ou bois de Vicesnes, que chil seigneur ne fuissent dallés lui, et tout de son hostel à delivrance, et encoires grant fuisson d'autre baronnie et chevalerie. Moult estoit li estas dou roy Phelippes de Franche grans et renoummés en tous pays, et tousdis croissoit sans amenrir. Fo 20.
P. 115, l. 10: Si chevauça.—Ms. de Rome: Pour ces jours, estoit li rois Phelippes jà avalés et venus à Lion sus le Rosne. Qant on li dist que li rois Robers estoit en Prouvence, si se departi tantos et vint tout contreval la rivière dou Rosne en une nef en Avignon, pour ceminer plus aise. Et li aultre, c'est à entendre ses gens, vinrent par terre une partie; et se logièrent tout à Villenove dehors Avignon, et li rois de France ausi. Li papes, li cardinal et toute li cours furent grandement resjoi de la venue dou roi de France et dou roi Robert de Cecille, quant il estoient là venu; et furent graces ouvertes à tous clers qui empetrer voloient. Et donna li papes par pluisseurs fois à diner en son palais, liquels, pour le temps dont je parole, n'estoit pas 354 si biaus ne si raemplis de cambres et d'edefisces comme il est pour le present. Fo 36.
P. 115, l. 16 et 17: d'Arragon.—Ms. de Rome: Et jà en avoit li rois de France escript au roi Robert de Cecille, son cousin, et priiet que il se vosist avaler en Prouvence dont il estoit sires, et que sans faute en tel temps, se li nonma, il seroit en Avignon. Les quelles nouvelles et segnefiances furent à ce roi Robert moult plaisans, car il s'escripsoit rois de Cecille et de Naples et de Jherusalem, dus de Puille et de Calabre et contes de Prouvence. Si pensoit à recouvrer son hiretage de la Saincte Terre par la poissance dou roi de France et des Crestiiens, puis que li voiages de la vermelle Crois seroit empris. Et se departi de Sesille et de Puille, et esploita tant par ses journées que il vint en Prouvence. Fo 36.
P. 115, l. 30: Si preeça.—Ms. de Rome: Et là furent faites grandes predications et belles devant les rois, et toutes touchans à la Crois vermelle emprendre. Et l'emprisent ou nom de Dieu et le jurèrent et voèrent à porter oultre mer en la Saincte Terre, en la capelle dou pape, li doi roi desus nonmé, li contes d'Alençon, frères au roi de France, li contes de Savoie, li contes d'Ermignac, li daufins de Viane, li daufins d'Auvergne, li dus de Bourbon, li contes de Forois, li cardinauls de Naples, li cardinauls d'Otun, li cardinaus de Melans et li cardinaus d'Urgel. Et tant que à ce jour, en issant dou palais, il furent plus de deus cens grans signeurs qui tous emprisent le vermelle Crois à porter; et voèrent que, au plus tart dedens deus ans, il seroient en l'ille de Rodes. Fo 36.
P. 116, l. 14: d'Arragon.—Le ms. B 6 ajoute: le roy de Mayogres. Fo 69.
P. 116, l. 26: se partirent.—Ms. de Rome: Qant li doi roi desus nonmé orent assés sejourné en Avignon, tant que bon lor fu, il prissent congiet au pape et as cardinauls, et aussi li un à l'autre, et se departirent. Et s'en retourna li rois Robers en Cecille, et li rois Phelippes en France. Fo 36.
§ 55. P. 117, l. 22: pors.—Ms. d'Amiens: Et fist li roys, sus le port de Marselle et de Aiguezmortes, appareillier ses vaissiaux et ses gallées et pourveir de touttez pourveanches, qui appertenoit à lui et pour trente mil combatans, parmy les grans seigneurs qu'il en volloit mener de son hostel. Et estoient de 355 toutte ceste navie souverain li comtes de [Nerbonne] [132] et messire Carles Grimaus, ungs Geneuois [133]. Fo 20 vo.
P. 118, l. 2: Hongerie.—Ms. d'Amiens: ossi deviers le roy d'Allemaigne Loeys de Baivière, qui resgnoit pour le tamps, emperèrez de Romme, quoy que li Roummain li contredesissent, et liquelx avoit sa nièche espousée, madamme Margherite, fille au comte de Haynnau. Li quelx rois d'Alemaigne li accorda le voiaige et se terre à ouvrir jusquez en Hongrie, se par là volloit passer; et li amenistroit vivrez, et pour tous ciaux qui le Croix porteroient, et qui les Incredullez voroient destruire et la foy crestienne essauchier. Fo 20.
Ms. de Rome: En ce temps, estoit avenu que messires Lois de Baivière avoit tenu son siège devant la ville de Aix, en Alemagne, quarante jours. Et l'avoient li eslisseur esleu à estre emperères de Ronme; mais li rois Phelippes et li signeur de France i metoient un grant empecement, et voloient que Carles de Boesme, fils au roi de Boesme et dus de Lucembourc, fust emperères. Li Alemant se traioient au Baivier, et ne s'acordoient point à Carle de Boesme. Et très donc se conmenchièrent à engendrer et nourir haines entre les Alemans et les François; car li uns voloit d'un, et li aultres d'autre. Et faisoient partie avoecques le roi de France et les François, li Sains Pères Benedic et tout li cardinal. Et ne pooit Lois de Baivière, rois d'Alemagne, finer que li papes envoiast à Ronme un cardinal en legation et li donnast poissance pour li consacrer, et s'escusoit par voies obliques.
Qant Loys de Baivière vei ce que il n'en aueroit aultre cose, et que il estoit dez cardinaus et dou pape menés d'uiseuses et de frivoles, et veoit tout clerement que li François s'enclinoient à Carle de Lucembourc, et non à lui, il i pourvei, je vous dirai conment. Il cevauça à poissance, et à grant fuisson de gens d'armes, parmi la Lombardie, et vint à Melans; et fist son devoir de tout che que à roi d'Alemagne apertenoit à faire. Et institua l'arcevesque de Melan, qui pour le temps resgnoit, à gouvrener Melan et la visconté, parmi une somme de florins que il en devoit rendre tous les ans, et puis passa oultre. Et partout où il venoit, il estoit courtoisement requelliés, et tenoit grant estat et estofé 356 et poissance de gens d'armes, par quoi il estoit le plus doubtés; et vint à Ronme, et là fu recheus comme rois d'Alemagne. Et avoit envoiiet en Avignon, son cemin faissant, soufissans messages pour sonmer le pape et les cardinauls; et lor segnefioit, par ses lettres et par ses conmissaires, que ils vosissent envoiier à Ronme un cardinal pour li consacrer à empereour; et de ce il supplioit affectueusement le pape et les cardinauls. Chil qui i furent envoiiet, fissent bien lor devoir de faire lor message, mais il ne pooient avoir nulle response; avant estoient menet de paroles. Et tout lor estat et couvenant, il escripsoient songneusement à lor signeur le roi Loys de Baivière. Qant il vei che que il n'en aueroit aultre cose, et que on li empeçoit sa consacration, il i pourvei, car il fist un pape et douse cardinauls, par l'acort des Ronmains; et se fist consacrer et couronner de ce pape et de ces cardinauls, et prononchier à estre emperères. Qant il ot recheu celle dignité par la voie que je vous di, assés tos apriès, il se departi de Ronme.
Li Alemant, qui servi l'avoient sus tout son voiage, et as quels il devoit grant finance, li demandèrent à estre paiiet: il s'escusa et dist que il n'avoit point d'argent là aporté, fors que pour ses menus frès paiier. Il li dissent de rechief, tout generaument, que, se il n'estoient paiiet, il se paieroient. Il lor acorda; et n'avoit cure conment, mais que il demorast en paix et en lor grace. Sitos que Loys li Baiviers fu issus de Ronme, li Alemant demorèrent derrière. Il avoient ordonné à courir Ronme, ensi que il fissent. Et pillièrent et prissent li Alemant sus les Ronmains tant et oultre ce que on lor devoit, et n'en porent avoir aultre cose; et retournèrent, tout fouci d'or et d'argent et de jeuiauls, devierz l'empereour de Baivière qui les atendoit à Viterbe. Si aquellièrent li Ronmain ce Baivier en grant haine, et dissent que il lor avoit fait faire; ne onques depuis il ne rentra à Ronme. Et li papes et li cardinaul, qui le consacrèrent, n'orent point de durée, et se vinrent rendre au pape d'Avignon; mais ce ne fu pas si tos.
Loys de Baivière qui s'escripsi, tant que il vesqi, rois d'Alemagne et empereour de Ronme, maugré tous ses malvoellans, s'en retourna en Alemagne, et là se tint. Et avoit à fenme madame Margerite, fille au conte Guillaume de Hainnau; et en ot de li un grant mout de biaus enfans, fils et filles. Fo 36 vo.
P. 118, l. 6 et 7: recevoir.—Mss. A 11 à 14: moult benignement son cousin. Fo 29 vo.
357 P. 118, l. 11: Cecille.—Mss. A 11 à 14: son cousin. Fo 29 vo.
P. 118, l. 17: Ossi fisent.—Ms. d'Amiens: Et fist on garnir et pourveir touttes les costières de mer de le rivière de Gennes [134], mouvant jusques en Napplez, et revenant en Venise et en l'ille de Crette. Et fist li roys de Franche pourveir l'ille de Rodes, et y envoya le grant prieur de Franche à qui li Templier obeissent. Fo 20 vo.
P. 118, l. 17 et 18: Geneuois.—Ms. B 6: Il avoit donné à entendre qu'il paseroit, et par espesial as Geneuois, dont il avoit trait avant sur les costes de Franche grant foison de gallées, de nefs et de barges toutez apparillies. Fo 70.
P. 118, l. 28: voiage.—Ms. de Valenciennes: Mais pau greva aux Sarrasins, car le roy n'en fist riens. Fo 41.
§ 56. P. 119, l. 4: Engleterre.—Ms. de Rome: en la marce de Londres. Une fois tenoit (li rois d'Engleterre) son hostel à Eltem, et l'autre à Windesore. Et vivoient li rois et la roine en grans esbatemens; et faisoient faire festes, joustes et behours en Engleterre, et passoient ensi le temps. Fo 33 vo.
P. 119, l. 5: consilloit.—Ms. de Rome: Et disoit ensi et moult souvent li dis messires Robers d'Artois au roi d'Engleterre: «Monsigneur et biaus cousins, vous estes jones et à venir: si ne vous devés pas refroidier de demander vostre droit et de calengier. Vous avés deus ou trois coses qui grandement vous i pueent aidier et valoir avoecques le droit. Vous avés mise et cavance assés, et peuple de bonne volenté, qui desirent les armes, et qui point ne voellent estre wiseus. Si avés très grant conmencement de requerir et calengier ce qui est vostre. Et si vous di encores que vous trouverés dez bons amis par delà la mer, qui vous aideront, conselleront et conforteront en vostre calenge, si tretos que vous auerés conmenchié la guerre, se guerriier vous en fault. Car il n'est riens, en ce monde, que li Alemant desirent si que d'avoir auqune cause et title de guerriier le roiaume de France, pour le grant orguel qui i est abatre, et pour partir à la riçoise. Très chierz sires et biaus cousins, soiiés tous segurs: quoi que Phelippes de Valois fust couronnés 358 à roy de France, et que li douse per de France l'eslisirent et eslevèrent, si fustes vous bien mis en doubte; et se vous l'euissiés debatu ou envoiiet debatre, jà on n'euist procedé ens ou couronnement. Vous en ferés ce que bon vous en samblera; mais se vous perdés vostre hiretage par estre trop mols, vous qui estes à venir, vous en serés mains prisiés et doubtés; et se sera à vostre grande confusion et condampnation de corps et d'ame. A tout le mains, faites asambler vous honmes et vostre consel; et euls venu, soit chi à Eltem, ou ailleurs, je, en la presence de vous, leur remousterai et esclarchirai de point en point le droit que vous avés à la couronne de France. Se orés quel cose il en diront et responderont, qant vous demanderés à avoir consel sur ce, par quoi il ne puissent dire ou temps à venir que vous ne vos soiiés aquités de euls remoustrer le droit que vous avés au calenge de France. Car se vous estiiés de vostre peuple reprociés que, par defaute de corage et par paour, vous aueriés laissiet aler le vostre, et vous seriés endurchis en ce pechiet, il le vous tourneroient en grant prejudisce et lasqueté de coer, et diroient que vous ne seriés pas dignes de porter couronne; et demorriés tous jours, le demorant de vostre vie, soupeçonnables deviers euls et en grant peril encores, se partant vous poiiés issir de ce dangier.»
Tant dist, tant promeut et tant esploita messirez Robers d'Artois que li jones rois d'Engleterre ouvri les orelles et se resvilla, et entendi à ce que il li disoit et remoustroit. Et voellent bien li auqun dire que il ne l'osa laissier, car jà grande murmuration se montoit en Engleterre des nobles et dou menu peuple, et disoient: «Nostres sires, li rois, a trop grant droit à l'iretage et couronne de France. Et messirez Robers d'Artois li a bien sceu dire, remoustrer et esclarcir de point en point conment, par droite succession et menbres d'iretage, il deveroit estre rois de France, dont on l'a arrieré à fraude et par cautèle, car il est fils de la serour le roi Carle de France; et celi que il eut couronné à roi, Phelippe de Valois, n'est que cousins germains. Nous verons que il en vodra dire. Se le demande et calenge demeure en sa proèce, et que il s'aherde à wiseusses, ensi que fist ses pères, il vivera en peril et en haine deviers nous; et se il ahert de bon corage son droit à poursievir, nous l'aiderons de nostres corps et dou nostre.» Si fu dit fiablement au roi: «Sire, ensi dient li noble de ce pais et li peuples; il fault que 359 vous aiiés avis. Conmune renonmée qeurt par toutes vos signouries d'Engleterre que vous devés estre rois de France, se en vous [proesse] ne demeure. Et sont toutes gens, asquels les paroles viennent, esmervilliet pourquoi vous detriiés tant que vous n'en faites vostre devoir, puisque vous en estes soufissanment enfourmés.» Fo 34.
P. 119, l. 8: conseil.—Ms. d'Amiens: Li roys avoit ordonné ung grant parlement à estre à Londres [135], des barons, prelas et bonnes villes d'Engleterre; duquel parlement tout chil, qui priiet et semons en furent, y vinrent. Et là fu remoustré et parlementé quel droit et quel prochainnetet li roys Edouwars avoit à l'hiretaige de France. Et leur remoustra messires Robiers d'Artois, de point en point et de degret en degret, coumment et par quelle ordounnanche ce pooit estre. Là eut pluisseurs paroles dittes, devisées et retournées; car de entreprendre ung si grant fait que de volloir bouter le possessant de le courounne de Franche hors del possession dou royaumme, c'estoit fort affaire, et y couvenoit grans sens, pourcach et advis. Fo 21.
Ms. de Rome: Adonc li jones rois d'Engleterre, qui veoit le bonne volenté de ses hommes, par le bon consel qu'il ot, fist une grande assamblée à Londres pour avoir un parlement, au palais de Wesmoustier, des prelas, des nobles et des consauls des bonnes villes d'Engleterre, et pour avoir consel sur ce à savoir que il en poroit et deveroit faire. Qant tout furent venu, Londres fu moult fort garnie de peuple; car encores avoecques tous ceuls qui estoient escript et mandé, vinrent moult d'aultre peuple pour aprendre des nouvelles, car la matère lor sambloit moult grande.
Or se fist chils consauls ou palais de Wesmoustier; et fu toute la plus grant sale raemplie de prelas, des nobles et des consauls des chités et des bonnes villes d'Engleterre. Et là fist on tout honme seoir sus escamiaus, pour casqun veoir le roi plus aise, liquels estoit assis en pontificalité, en draps roiiaus, et la couronne en chief, tenant un septre roial en sa main. Et plus bas deus degrés, seoient prelat, conte et baron; et encores en desous avoit plus de siis cens chevaliers. Et de ce rieule seoient les honmes des chienq pors d'Engleterre, et les consauls des chités 360 et bonnes villes dou pais. Qant tout furent auné et assis par ordenance, ensi que il devoient estre, on fist silense.
Adonc se leva uns clers d'Engleterre, licensiiés en drois et en lois, et moult bien pourveus de trois langages, de latin, de françois et dou langage englès; et conmença à parler moult sagement. Et estoit messires Robers d'Artois dalés lui, liquels l'avoit enfourmé, trois ou quatre jours devant, de tout ce que il devoit dire. Si parla atempreement et remoustra tout en hault, et [en] englois, à la fin que il fust mieuls entendus de toutez gens, car tous jours sçut on mieuls ce que on voelt dire et proposer ens ou langage où on est d'enfance introduit qu'en un aultre, tous les poins et les articles desquels messires Robers d'Artois les avoit, le roi, le clerc et auquns signeurs, enfourmés; et con proçains li rois, lors sires, en quelle istance il estoient là venu et asamblé, estoit de l'iretage et de la couronne de France. Et qant il ot remoustré la parole tout au lonch, par grant avis et par bon loisir, tant que tout l'avoient volentierz oï, il demanda ens ou nom dou roi à avoir consel de toutes ces coses.
Li signeur et li prelat regardèrent l'un l'autre, et fissent silense une espasse que nuls ne parloit, mais grande murmuration avoit entre euls. Il m'est avis, selonch ce que je fui enfourmés, que la response à faire fut cargie et tournée sus le conte Henri de Lancastre pour le plus proçain que li rois euist là. Il qui fu bien avisés de respondre et tantos consilliés, dist ensi, en honnourant le roi et tous les signeurs, ce fu raison: «Je conselle de ma partie que ceste besongne soit mise en sousfrance, tant que li rois nostres sires ait soufissans hommes de son roiaulme envoiiet par delà la mer pour parler au conte de Hainnau, qui fille il a, qui pour le present est nostre chière dame roine d'Engleterre, et à messire Jehan de Hainnau, son frère, qui sont doi prince sage, vaillant et de bon consel; et tout ce que chil doi en conselleront, les ambassadours retournés en ce pais, et nous remis ensamble et la response et parole des desus dis oïe, nous procederons sus sans nulle faute.» Qant li contes Henris de Lancastre au Tors Col ot parlé, il respondirent tout d'une vois: «Il dist bien.» Fo 34 vo.
P. 120, l. 5 et 6: messages.—Ms. d'Amiens: as seigneurs telz comme estoit ly comtez de Haynnau, messires Jehans de Haynnau ses frères, li ducs de Braibant ses cousins germains, li ducs de Guerlez ses serourges, et que chil l'en volsissent conseillier 361 et adviser quel cose en seroit bon affaire; et les mesages revenus et l'intention des dessus dis sceue, il fesist de rechief ordounner et assambler ung parlement en ce meysme lieu, et on li donroit tel consseil qui li souffiroit. Fo 21.
P. 120, l. 7: de Haynau.—Ms. B 6: lequelz estoit ung prinche saiges et ymaginatif. Fo 66.
P. 120, l. 20: Adonc pria.—Ms. d'Amiens: et fist li roys d'Engleterre, si comme conssilliés estoit, escripre et fourmer toutte sen intention et demande par le imfourmation et advis de monseigneur Robert d'Artois. Et ordonna et eslisi quatre chevaliers sages et preudommes pour venir en Haynnau, en Braibant et en Guerles, telx que le seigneur de Biaucamp, le seigneur de Persi, le seigneur de Stanfort et monseigneur Gobam [136]. Fo 21.—Ms. de Rome: Il m'est avis que li evesques de Lincole i fu nonmés et li esleus d'Asquesufort, clerc en drois et en lois, mestre Robert Weston, avoecques euls mesires Renauls de Gobehem et mesires Richars de Stanfort. Chil quatre emprisent le voiage à faire. Fo 34 vo.—Ms. B 6: Adonc y envoia-t-on une esbasade; et y ala messire Thumas Waghe, marisal de Engleterre, le sire de Persy, le sire de Neufville, le sires de Mauné et deus clers en droit. Fo 66.
P. 120, l. 27 et 28: apparillièrent.—Ms. d'Amiens: Quant li baron dessus noummés et doy clercq de droit [137], avoecq yaux envoiiés de par le roy d'Engleterre, furent arivet à l'Escluze en Flandres, il eulrent consseil lequel chemin premiers des trois il tenroient. Si s'acordèrent et pour le milleur que de venir [138] en Haynnau; si enquissent où li comtes se tenoit, et on leur dist à Valenchiennes. Lors esploitièrent il tant par leurs journées qu'il vinrent à Vallenchiennes, et descendirent sus le marchiet; et eut chacuns des barons son hostel par lui. Et quant il se furent appareillié et de draps renouvelléz, il s'en vinrent très ordonneement deviers le comte de Hainnau, qui adonc se tenoit en le Salle à Vallenchiennes. Et leur chei si bien que messires Jehans ses frèrez estoit dallés lui, desquelx seigneurs il furent convignablement recheu, car bien le savoient faire.
Quant li baron d'Engleterre eurent le comte salué et encliné, et monseigneur Jehan son frère, li ungs pour yaux coummencha 362 à parler, en lui tournant sus le comte, et dist: «Monseigneur, vostre biaus filz li roys d'Engleterre nous envoie par deviers vous en grant especialité avoecq ces lettrez que baillies vous avons, pour avoir consseil et advis de ceste besoingne qui à son honneur grandement li touche, si comme les lettrez font mention; car il est emfourmés, et de certain et par pluiseurs clères voies et raisons on li moustre et a on remoustré, que li royaummes de Franche deveroit de droite hoirie, et par le sucession dou roy Charlon son oncle, estre siens. Or considère li rois les perilx, les adventures, les haynnes et les fortunnes qui en puevent naistre et descendre, car il ne vouroit pas cose esmouvoir qui à sen deshonneur li peuist venir. Ossi il ne vorroit mies que, par faute de courraige, d'emprise et de vollenté, ses drois li fust tollus ne ostés; car il troeve en bonne vollenté et en grant desir tout son royaumme d'Engleterre de lui aidier. Et bien li ont dit que il ne se delaie mies de son droit à poursuiwir, pour doubte d'avoir peu de gens et de chevanche, car il l'en feront assés avoir. Or est li emprise si grande et si haulte que dou tout seullement il ne se velt mies fonder ne arester sur lui, ne sur l'envayssement de ses hommes. Si sommes envoiiet par deviers vous, comme à son père, que de ces besoingnes vous en voeilliéz dire vostre entente.» Fo 21 vo.
Ms. de Rome: Et montèrent en mer à Douvres, et vinrent à Wissan. Et là issirent des vassiaus, et cevauchièrent toute l'Aleqine; et vinrent à Tieruane et puis à Aire, et puis à Bietune, à Lens et à Douai, et puis à Valenchiennes. Il pooient bien faire tout ce cemin sans peril ne reprise, car encores n'avoit entre France et Engleterre nul mautalent; et joissoit çasquns de ce que il devoit tenir, c'est à entendre li rois d'Engleterre tenoit la conté de Pontieu et en levoit lez pourfis, et ensi en Giane.
Qant chil ambassadour furent venu à Valenchiennez, il se logièrent sus le marchié à leur aise en trois hostels, au Chine, à le Bourse et à l'ostel à la Clef. Pour ces jours, estoit li contes de Hainnau en l'ostel de Hollandes, et gissans au lit de la maladie des goutes. Tantos il fu segnefiiés que chil signeur d'Engleterre estoient venu; si envoia deviers son frère qui estoit à l'ostel de Biaumont, et là se tenoit aussi. Pour l'amour dou conte, messires Jehans de Hainnau vint tantos deviers son frère, qui li dist la cause pour quoi il l'avoit mandé, et que il aueroient nouvelles, 363 car là estoient venu ambassadours d'Engleterre de par le roi son fil. Ensi que li contes le dist, en avint. Car li evesques de Lincolle et li esleus d'Asquesuforch et li doi baron, qant il se furent rafresqi et apparilliet, ensi comme à euls apertenoit, il s'en vinrent en l'ostel de Hollandes. Si trouvèrent le conte de Hainnau, et son frère, et madame la contesse, ot des chevaliers dou pais, qui les requellièrent doucement, ensi que bien le sceurent faire. Et entrèrent chil signeur d'Engleterre en la cambre dou conte, li quels estoit pour celle heure levés, vestis et parés moult ricement; et seoit sus une chaière moult bien aournée, car il ne se pooit soustenir sus ses piés. Si rechut ces signeurs d'Engleterre l'un apriès l'autre moult humlement. Et aussi tout l'enclinèrent et li fissent la reverense, et à la contesse aussi et à mesire Jehan de Hainnau; et puis moustrèrent les lettres de creance que il avoient aporté. Li contes les fist lire devant li par un sien clerc; et qant il ot oy la creance, il fist toutes gens widier hors de la cambre, reservé son frère et les Englès. Et qant il furent à lor requoi, il lor dist: «Or sus dites ce dont vous estes cargiés, et vous serés oy.»
Li evesques de Lincolle conmença à parler pour tous, et dist: «Très chiers sires, nous sonmes chi envoiiet de par vostre fil le roi d'Engleterre et son consel, à savoir que vous dirés de une nouvelleté qui est promeue en l'ostel d'Engleterre, et que vous en consellerés à faire. Li rois, nostres sires, est enfourmés moult avant et tout acertes de mesire Robert d'Artois, qui pour le present se tient et demeure dalés le roi en Engleterre, que de la couronne de France et de l'iretage, il deveroit estre escauciers, qui droit et raison li feroit. Et les poins de la proimeté, il sont tout cler, ensi que bien les savés, car li rois, vostres fils, est fils de la serour au roi Carle de France, darrainnement mort. Ensi par ce point est il son neveu, et plus proçains d'un degré de la couronne de France ne soit li rois Phelippes, fils au conte de Valois; car il n'estoit que cousins germains au roi Carle, ensi que bien le savés. Et pour celi cause, nous sonmes envoiiet deviers vous, pour veoir et sçavoir que vous en responderés; car vostres fils, nostres sires li rois, est consilliés et esmeus à mettre avant le calenge de France. Tout si homme li offrent corps et cavance, mais ils ne voelt pas emprendre si très grant cose que de deffiier le roi de France, et de renvoiier son honmage de terres que il a relevées à Phelippe de Valois comme à roi de 364 France, se vous ne le conseillés, car de ce et de toutes coses il voelt ouvrer par vostre consel.» Fo 37.
§ 57. P. 121, l. 13: Quant.—Ms. de Rome: Qant li contes de Hainnau ot oy l'evesque de Lincole ensi parler, si feri sa main sus la poiie de la chaiière sus laquelle il seoit, et pensa un petit, et puis respondi et dist: «Vous tout ensi que chi estes, vous nous soiiés li bien venu. Vous demorrés dalés nous, trois ou quatre jours, et vous rafreschirés; et nous penserons sus ces besongnes et regarderons, en considerant toutes coses, lequel en est bon à faire, et adonc vous en serés respondu.» Il respondirent tout de une sieute: «Monsigneur, nous ferons vostre plaisir.» Apriès, il entrèrent en aultres paroles; et lor demanda li contes de l'estat de son fil le roi et de sa fille, et des ordenances d'Engleterre, et conment on s'i ordonnoit. A toutes ses demandes et paroles, li evesques de Lincole et li baron respondirent bien et sagement, et tant que li dis contes s'en contenta. Adonc vint là la contesse, qui estoit retraite en ses cambres, qant li signeur se missent ensamble pour parler de consel; et honnoura moult grandement ces signeurs d'Engleterre, et leur demanda de son fil et de sa fille, et à tout il respondirent bien et à point. Et demorèrent ce jour au disner dalés la contesse et messire Jehan de Hainnau, qui leur fist là et ailleurs la milleur compagnie que il peut; et lor donna deus disners et deus soupers moult solempnes, sus chienq jours que il furent là. Et tous les jours, il estoient de disner et de souper ou avoech le conte, ou la contesse sa fenme, ou messire Jehan de Hainnau.
Au chinquime jour, il furent respondu de la bouce dou conte, qui leur dist apriès les requestes que fait avoient: «Biau signeur, vous dirés ensi à nostre fil d'Engleterre que nous li savons bon gré de ce que il a envoiiet deviers nous fiablement pour remoustrer l'entrée de son information; et que il poise la matère et fait doubte des avenues, car ce n'est pas petite cose voirement à desfiier le roiaulme de France. Mais, en venant au fait, il est tout cler que mon fils li rois d'Engleterre est plus proçains voirement un degré de la couronne de France et de l'iretage ne soit Phelippes de Valois. Et plus chier auerions ce pourfit pour nostre fil, qui a nostre fille, et pour ses enfans, que nous ne ferions pour Phelippe de Valois; et qui onques riens n'emprist, riens n'achieva. Vous dirés ensi à nostre fil d'Engleterre, 365 de par nous, et à son consel, que tout le bon droit que ils sent à avoir en l'iretage et couronne de France, il le demande et calenge. Nous le aiderons et conforterons en toutes coses. Nous i sonmes tenu, et le volons faire si avant que nostre poissance se pora estendre; mais c'est petite cose, de nous et de nostre pais, encontre la poissance dou roiaulme de France. Pour ce fault il que vostres sires nostres fils, avant que il entreprende si grant cose que de renvoiier son honmage au roi de France et li desfier, que il viengne par deçà la mer, acompagniés de son consel, et il auera avoecques li Jehan mon frère qui le adrecera de ce que il pora; et iront deviers le duch de Braibant, cousin germain à mon fil d'Engleterre, et à son frère de par sa serour le conte de Gerlles, et aussi au marqis de Jullers, et aquière amour et aliance à euls. Et se il puet avoir le confort et l'aide des Alemans avoecques la sienne, il pora bien adonc desfiier le roi de France et demander son droit; mais toutes fois nous disons et mettons avant que riens n'en face, si sace la volenté de ceuls que je vous ai nonmés. Et velà le consel et la response sus vostre demande, que je vous donne.» Chil signeur d'Engleterre generaument respondirent et dissent: «Grant merchis, et nous ouverrons apriès vostre consel.»
Si prissent depuis congiet au conte et à la contesse et à messire Jehan de Hainnau, et se departirent de Valenchiennes, et retournèrent arrière à la mer par le cemin que il estoient venu; car on quidoit partout que li rois d'Engleterre les euist envoiiet en Hainnau pour veoir le conte, liquels n'estoit pas bien hetiés. Si vinrent à Wissan, et entrèrent là ens ès vassiaus d'Engleterre qui les atendoient; et puis se desancrèrent, et singlèrent viers Engleterre, et furent tantos à Douvres. Et esploitièrent tant que il vinrent deviers le roi et son consel; et leur recordèrent tout ce que il avoient oy, veu et trouvé ens ou conté de Hainnau. Fo 37 vo.
P. 121, l. 24: grant joie.—Ms. d'Amiens: Et escei si bien à point adonc, pour le roy d'Engleterre, que li dis comtes estoit en grant haynne contre le roy Phelippe de Franche. Et je vous dirai pour quoy, car je n'y voeil riens oubliier non qui à recorder face. Li comtez de Hainnau avoit traitiet ung mariaige de madamme Ysabiel, se fille, à l'ainnet fil le ducq de Braibant. Et quant li roys de Franche le seult, il esploita tant que li mariaiges fu deffès; et le fiancha ailleurs, che fu à sa fille. Pour quoy, li 366 comtes Guillaummes fu durement courrouchiés sus le roy Phelippe.
Encoires, en ce meysme temps, eschei en vendaige li castiaux et li terre de Crievecoer. Et l'acata li comtes de Haynnau, et en presta as vendeurs grans deniers. Et le quidoit tenir et ajouster à le comté de Haynnau, comme sen bon hiretaige; et en avoit grant joie, car ceste terre li estoit trop bien seans, pour estre ensi comme clés, sus les frontierres de Cambresis et le departement de Haynnau. Et quant li roys Phelippes seut che, il en fu moult courouchiés et manda le vendeur; et li amenda son marchiet, et li fist [139] renonchier le vendaige. Et le prist pour lui, et le dounna le duc de Normendie, son fil, liquelx s'en mist en possession; et fu depuis atribués au royaumme de Franche, comme de l'hiretaige. Et ensi, par tel mannierre, li fors castiaux de Alues en Pailluel, sus le marce de Ostrevant et de Douay, fu hostéz au comte de Haynnau, qui le cuidoit avoir acatet pour acroistre son pays et clore sus les frontières de France.
Ces trois coses estoient assés nouvellement advenues entre le roy de Franche et le comte de Haynnau, liquelx en avoit indination, et n'en amoit mies mieux le roy ne son consseil. Et disoit bien que il li remousteroit, quant il venroit à point. Fos 21 vo et 22.
Ms. de Rome: Pour ce temps, avoit li contes de Hainnau une haine couverte moult grande deviers son serourge, le roi Phelippe de France; je vous dirai quelle et pourquoi. La terre et signourie de Crievecoer, en Cambresis, avoit couru à vendage. Et qant elle i fu mise, les premières offres en furent données au conte de Hainnau, et ensi de la terre et signourie dou chastiel c'on dist Alues en Pailluel, seant sus la rivière de la Sensée, sus les frontières d'Artois et de Douai. Et quidoit bien li contes de Hainnau ces deux terres avoir acatées; et estoient li denier tout prest pour les paiier. Qant li rois Phelippes fu enfourmés de ceste marceandise, Jehans ses fils, qui estoit dus de Normendie et daufins de Viane, se traist avant et referi sus ce marchié par le conmandement dou roi son père, et acata en l'Empire ces terres desus dictes. Dont li contes de Hainnau fut trop grandement courouchiés; et dist et jura que, de le vilennie que ses serourges li avoit fait, il l'en souvenroit et li remousteroit durement qant il cheiroit à point.
367 Et eschei que les nouvelles de ces promotions dou roi d'Engleterre à calengier l'iretage de France se boutèrent avant; et desquelles coses on li demandoit le consel, en l'année proprement, qant li vendage et li achat des hiretages desus dis furent fait. Si en estoit li contes plus tenres et plus enclins à estre tos courouciés, et lors secretement il remoustra son mautalent. Car, se il euist aussi bien, ens ou commencement de ces nouvelles, abatu les paroles et les oppinions des Englois que il les esleva, pluisseurs gens dient que, de la guerre de France et d'Engleterre qui tant a duret et coustet, riens net n'euist esté; mais, ensi que on puet dire et supposer, ce qui doit avenir, nuls ne puet brisier ne oster. Fo 38 vo.
P. 122, l. 17: respondi.—Ms. B 6: Je luy conseille que il se traie en Allemaigne, et s'acointe de mon filz le roy d'Allemaigne, et du marquis de Jullers et des barons de l'Empire. Fos 67 et 68.
P. 122, l. 21: dus de Guerles.—Ms. d'Amiens: comte de Guerlez. Fo 21 vo.
P. 122, l. 30: volentiers.—Ms. d'Amiens: Et vous revenu en Engleterre, si dittes enssi au roy de par my que, par priière ou par constrainte, il fache tant qu'il ait à acord et pour comfort le pays de Flandrez: se li sera ungs très grans avantages. Ossi il ne s'espargne mies d'aller ou d'envoiier deviers le roy d'Allemaingne, Loeys de Baivière, qui en ceste besoingne le poelt mout aidier et par pluiseurs cas. Fo 21 vo.
P. 123, l. 3: consaulz.—Ms. d'Amiens: Quant li baron d'Engleterre eurent oy les responscez dou comte de Haynnau et le consseil qu'il leur dounnoit, si l'oïrent volentiers; et dirent que grant merchis, et que par son advis il useroient. Depuis, furent il avoecquez le comte et monseigneur Jehan son frère, cinq jours, qui trop bien les festiièrent. Au sixième, il se partirent et s'en vinrent en Braibant; et trouvèrent à le Leuwre le ducq Jehan de Braibant qui courtoisement les rechupt, pour l'amour dou roy leur seigneur à qui il estoit cousins germains, et à qui il contèrent tout leur messaige. Li ducs en respondy que par linaige il ne devoit mies faillir au roy d'Engleterre, et que il le comforteroit, aideroit et conseilleroit en tous cas si avant que il vorroit son droit repoursuiwir, car il y estoit tenus et avoit bonne vollenté de le faire. De ce furent li messagier tout joyant. Et vinrent depuis en Guerles, et esploitièrent si bien que li comtez de Guerles s'abandonna dou tout, son corps, ses hommes et son pays, 368 ou service le roy englès. Lors retournèrent li baron d'Engleterre arrière, et rapportèrent au roy et à son consseil tout che que trouvet avoient.
Ainsi se pourveoit li rois d'Engleterre quoiement et secretement, et aqueroit amis en l'Empire cheux que avoir en povoit. Et souvent parloit à monseigneur Robert d'Artois, au comte de Lancastre, au comte de le Marce, au comte de Pennebrucq, au comte de Northantonne et à ses plus privés et especials amis, coumment de ceste haulte et grande entrepresure qu'il desiroit et esperoit affaire, il se maintenroit. Si l'en consseilloient loyaument, chacun selonc son avis. Fo 22.
P. 123, l. 17: France.—Ms. d'Amiens: et coumment il le proposoit à ghueriier, et que il acquerroit amis de tous lés en l'Empire. Si se doubta ung peu li roys de Franche. Nonpourquant il n'en fist mies trop grant compte, car [140] ghaires n'amiroit à che donc les Englès ne leur puissanche. Fo 22 vo.
P. 123, l. 25: preecie.—Ms. d'Amiens: Ossi li Sains Pères li deffendi et dispenssa et tous chiaux qui le Croix avoient pris. Fo 22 vo.
P. 123, l. 26: pourveances.—Ms. d'Amiens: Et furent les pourveanches, qui à Marselle, à Aigremortes, à Nerbonne et au port de Lates estoient, ailleurs emploiiées. Fo 22 vo.
P. 123, l. 29: li rois.—Ms. d'Amiens: Et quant li roys d'Engleterre vit entamet si grandement les coers de telx troix grans seigneurs comme chil estoient, en recomfortant ses besoingnes, si en fu plus liés et tous ses conssaux. Et se fondèrent en partie sus les parollez et advis dou comte de Haynnau, et conseillièrent au roy que, s'il volsist envoiier hasteement deviers le roy d'Alemaigne ung prelat et deus ou trois grans barons et sagez, pour aidier à tretier ceste besoingne et pour savoir quel samblant li dessus dis en feroit, il le fist. Et en fu cargiés especialment li evesque de Lincolle [141], qui vollentiers et liement entreprist le voiaige pour l'amour dou roy. Et avoecques lui allèrent messires Richars de Stamfort, li sire de le Ware et li sires de Multonne [142]. Et montèrent en mer ou havene de Tamisse à Londres, et singlèrent tant qu'il arivèrent en Hollandes à Dourdrech; et fissent mettre 369 lors chevaux et leur harnas hors des nefs, et se rafreschirent là par deus jours. Au tierch, s'en partirent et chevaucièrent tant par leurs journées qu'il vinrent à Convalence, là où li Emperères et li Empereis se tenoient, qui les messagiers le roy d'Engleterre rechurent à grant joie.
Loeis de Baivière, rois d'Allemaigne et empereurs des Roummains pour le tamps, n'avoit mies adonc en trop grant chiereté le roy de France, ensi que li coer sont de divierses oppinions; et se acorda assés tos à comforter et conseillier le roy d'Engleterre. Et respondi as messagiers englès, si tost comme il eurent dit et comptet che pour quoy il estoient là venut, que, seloncq l'ordounnanche d'Allemaigne [143], li roys d'Engleterre avoit grant droit à le courounne de France; et, puisque li rois englès se retraioit deviers lui par fiableté, et pour sen droit aidier à soustenir et à garder, il ne l'en devoit mès faillir: «Si dirés, ce dist li Emperères, au roy d'Engleterre que fiablement il me viègne veoir, et juer et esbattre dallés moy; si s'aquintera des Allemans qui bien en ceste besoingne le polront aidier, et je l'en aideray à aquintier.» Li evesque de Lincolle et li chevalier d'Engleterre furent de ces responsces tout joyant, et se partirent amiablement de l'Empereur et de l'Empereis madamme Margherite de Haynnau, qui au partir en eurent biaux dons et grans jeuiaux [144]. Et s'en revinrent arrière en Engleterre, et recordèrent au roy coumment il avoient esploitié; et donnèrent au roy lettres de par l'Empereur et aucuns seigneurs de l'Empire, telz que le marchis de Misse et d'Eurient, le marchis de Blanquebourch et l'archevesque de Maiienche et celi de Couloigne. Si trouva li roys en leurs escripsions salus et amistés et touttes proummesses de confort. De quoy il fu moult resjoys, et bien y eut cause....
En ce tamps, se tenoit li comtez Loeys de Flandrez à Gand, et tenoit à amour les Flammens ce qu'il pooit; car li roys de Franche l'en prioit et li enjoindoit, et qu'il gardast bien les frontières de le mer à che costet, par quoy li Englès n'y ewissent nul avantaige. Chilx comtes de Flandres estoit bons Franchois et loyaux, et moult amoit le roy Phelippe. Et bien y avoit raison, car li roys avoit le comte remis en Flandres par puissance, quant il desconfi les Flammens à Cassiel, sy comme vous 370 avés oy chy devant en l'ystoire del couronnement le roy Phelippe.
Li roys d'Engleterre, qui aqueroit amis à tous lés pour ses besoingnes enbellir, entendy que li comtes de Flandres tenoit couvertement saudoiiers et escumeurs sur mer, qui costioient à le foix Engleterre; et quant il veoient leur plus biel, si s'abandonnoient à gaignier ung vaissiel ou deux, se il le trouvoient. Dont mist li roys d'Engleterre gens sur mer, pour son pays et les marcheans deffendre et garder des perilx as escumeurs de mer. Encoires fist li roys englès, par l'ordounnanche de son consseil et pour constraindre les Flammens et mettre en son dangier, clore tous les pas d'Engleterre et deffendre que nulx ne envoiast, vendesist ne amenast nulles lainnes englescez en Flandres, ne as Flammens, affin [145] que il n'ewissent de quoy drapper. Et les fist li roys touttes en son non achater et amener en certains lieux pour lui et sur lui et ses gens paiier. Mais nulles n'en venoient en Flandres, dont li drapperie et li gaagne dou mestier commencha moult à afoiblir et à amenrir et moult de menues gens à apovrir, car on n'avoit en Flandres de quoy drapper, et sans le drapperie c'est ungs pays qui petitement se puet deduire. Et wuidoient li honnest homme del comté de Flandrez et venoient en Haynnau [146], en Artois et en Cambresis, mendiant par deffaulte dou gaignage. Et mandoit bien li roys d'Engleterre, tous les jours, as Flammens que il leur toroit leur prouffit et le marchandise, s'il n'estoient de son accord. De quoy les bonnes villez de Flandres eurent par pluiseurs fois moult de parlemens enssanble, assavoir coumment il s'en maintenroient. Et volsissent bien li aucun que il tenissent à amour le roy d'Engleterre, car plus de prouffit leur pooit venir de ce costet que de Franche. Mès li comtes de Flandres leurs sires estoit le plus à leurs conssaux et parlemens, et brisoit tous les proupos qui bons estoient au commun proufit dou pays, en tant que d'estre contraire à le courounne de Franche.
Encorres n'y avoit entre les deus roys nullez deffianches, fors que murmurations et suppisions de guerre. Et posessoit encoirez li rois d'Engleterre le comté de Pontieu, qu'il tenoit de par medamme se mère, et pluiseurs terrez ailleurs en Gascoingne et 371 en Normendie. Et vous di bien pour certain que il avoit pluiseurs ymaginasions sus ceste emprise, quoyque messires Robiers d'Artois li consseillast et fust sus le col qu'il y envoiast son hoummaige au roy Phelippe et le deffiast appertement, car li roy d'Engleterre sentoit son royaumme petit ou regard del royaumme de Franche: si voloit ceste cose faire par grant deliberation et bon advis de consseil, ainchois que il esmeuist cose où il pewist recepvoir point de doummage.
Or avint ensi que li papes Benedich et li collèges de Romme, qui lors se tenoient en Avignon, par le promotion et pourcach d'aucuns bonnes gens, seigneurs et dammes, de quoy g'i oy noummer le roy de Behaingne, le ducq de Lorainne, le comte de Bar et le comte de Namur, et medamme Jehanne de Vallois, comtesse de Haynnau, et madamme la comtesse de Soissons, femme à monsieur Jehan de Haynnau, et medamme de Garanez, soer au comte de Bar, qui estoit mariée en Engleterre au comte de Pennebrucq, qui les perilz et les gherrez redoubtoient entre leur prochains de France et d'Engleterre et les mesavenues qui venir en pooient, envoiièrent deus cardinaux à Paris pour tretier deviers le roy Phelippe que il se volsist acorder à che que uns parlemens des deux roys se fesist et mesist enssamble de leurs plus grans barons et plus sagez, et oyssent les Franchois les demandez dou roi d'Engleterre; et se aucuns drois avoient en l'iretaige de Franche, par le bon avis de chiaux qui cargiet en seroient, satifation et apaisemens l'en fuissent fais. Tant traitièrent li cardinal au roy de Franche, avoecq leurs bons moiiens, que il s'asenti ad ce que parlemens s'en fesist. Et fu ceste cose tant demenée que li rois d'Engleterre s'i acorda; et devoit envoiier à Vallenchiennes gens souffissans pour lui, à oyr et respondre as ententes des Franchois. Et li rois de France devoit ossi là envoiier gens de par lui, bien fondés et advisés de respondre as oppinions et demandes des Englès. Et devoient chil y estre puissant d'acorder les deus roys, par l'avis et consseil dou comte Guillaumme de Haynnau, devant qui touttes les besoingnes seroient proposées.
Adonc envoya li roys d'Engleterre par dechà le mer dix chevaliers banerès de sen pays et dix autres et l'evesque de Lincolle et cesti de Durem; et vinrent à Vallenchiennes, et se representèrent au comte qui les rechupt à joie. Et faisoient chil seigneur d'Engleterre grans frès et grans despens, et tenoient bon estat et tant 372 de larghèches qu'il en acquisent grant grasce. En ce meysme temps, fist li comtez de Haynnau Guillaumme son fil chevalier, à le Salle, à Vallenchiennes. Et y eut grant feste et grant joustes des Englès et des Haynnuyers et des Braibenchons; et fu à une Pentecouste, l'an mil trois cens trente et six. Assés tost apriès, fu fès li mariaiges de ce jouène seigneur, le fil dou comte, à medamme Jehanne, ainnée fille au duc Jehan de Braibant.
Enssi se tenoient chil seigneur d'Engleterre en Vallenchiennes et aloient de l'un à l'autre, et souvent visetant le comte Guillaume de Haynnau, qui par heures estoit mout agrevés de le maladie des gouttes, et se logoit en l'ostel de Hollandes. Et atendoient chil signeur les barons et seigneur de Franche que li roys Phelippes y devoit envoiier et point ne venoient, dont il estoient durement esmervilliet à quoy ce tenoit qu'il ne venoient. Si en parlementèrent par pluiseurs fois ensamble et devant le comte auquel il priièrent que il volsist medamme la comtesse sa femme et monseigneur Jehan de Haynnau son frère enviers le roy de Franche envoiier, pour savoir à quoy il tendoit, ne que il esperoit ne volloit faire. Si empria li dis comtes madamme sa femme et le seigneur de Biaumont, son frère, que il volsissent aller en che voiaige; et il li acordèrent vollentiers.
Lors se partirent de Haynnau medamme Jehanne de Vallois et messires Jehan de Biaumont; et chevauchièrent en bon arroy deviers Franche, et tant esploitièrent par leurs journées qu'il vinrent à Paris. Et là trouvèrent il le roy qui lez rechupt à joie; et festia et honnoura moult madamme sa soer et monseigneur Jehan de Haynnau. Adonc disent il au roy le matère pour quoy il estoient là venu; et que en partie, pour sen honneur escuzer et le consseil d'Engleterre apaisier, qui à grans fret sejournoient en Vallenchiennes et là environ, li comtes de Haynnau les avoit envoiiés. Dont respondy li roys de France et dist: «Ma belle soer et vous, sires de Biaumont, voirs est que, par aucuns moiiens et especialment des gens de l'eglise qui de ce se sont ensonniiet, [je m'acorday] [147] ad ce que d'envoiier à Vallenchiennes aucuns noblez de mon royaumme, pour parlementer as Englèz. Or me sont depuis autres nouvellez revenues; et ay eu pluiseurs parlemens de mes plus especiaulx amis sur ces besoingnes. De quoy, tout consideré et ymaginé lez affaires, j'ay trouvet en mon consseil que 373 de là envoiier je ne sui en riens tenus; et que, se je le faisoie ou ewisse fet, che euist estet ou seroit à mon blamme et grandement au prejudisce de mon royaumme. Car li roys d'Engleterre n'a nul droit de calenge, ne de partir à mon hiretaige: j'en sui en possession et y fui mis par l'assent et acord et le election des douze pères de Franche, des barons, et le consseil et acord des prelas et bonnes villez. Si tenray pour my, et le deffenderay à mon pooir contre tout homme. Et ces raisons j'ay envoiies proposer devant le Saint Père et le collège de Romme, qui assés bien maintenant s'en contentent; et ne troeve, par nul clercq de droit, que j'en doie autre cose faire.» A ces parolles respondi madamme Jehanne de Vallois, qui les perilx doubtoit entre son frère le roy et son fil le roy d'Engleterre, et dist: «Monseigneur, je ne tieng mies que li roys d'Engleterre tire ne voeil tendre ne entendre dou tout entirement à le courounne de Franche. Mès se, par proismeté de medamme se mère, il y a aucuns droix, et qu'il n'ait point estet bien partis des hiretaigez, salve vostre honneur amenrir, vous feriés bien se vous y volliéz regarder, par quoy vous demorissiés bien amic enssamble. Car, se Dieux me vaille, la gherre et la haynne entre vous, qui estez li doi plus grant roy de tout le monde, y seroit trop mal seant. Si vous pri chierement que vous voeilliés descendre ad ce que je soie oïe; et que vous envoiiés vostre consseil à Vallenchiennes, pour aprochier toutte bonne amour entre vous et le roy d'Engleterre.» Lors respondi li roys de Franche qu'il en aroit advis.
Sus ceste darrainne responsce, se departirent del roy la comtesse de Haynnau et messires de Biaumont, et revinrent à leurs hostelx; et laissièrent depuis le roy de Franche, par l'espasse de trois jours, adviser et conseillier. Liquelx finablement ne trouva point en son consseil que il y envoiast, car, se il le faisoit, il donroit à entendre au roy d'Engleterre que il aioit aucun droit en ceste querelle; et tout ensi en respondi à sa soer et au seigneur de Biaumont. Et quant il virent qu'il n'en aroient autre cose, si prissent congiet au roy et se partirent de lui; et s'en repairièrent arrière en Haynnau, et tout droit à Vallenchiennes. Et trouvèrent le comte en l'ostel de Hollandes, à qui il disent et recordèrent leurs nouvellez. Et quant li comtez les oy, il manda lez Englès et fist, present yaux, à madamme se femme et à monseigneur Jehan son frère, dire et compter tout che qu'il avoient trouvet en Franche. Si en furent li Englès bien esmervilliet et malcontent 374 sus le roy de France et son consseil, mais il ne le peurent amender. Lors demandèrent consseil au comte de Haynnau qu'il en estoit bon affaire. Et li comtes leur respondi qu'il savoient bien sur quel estat il estoient parti dou roy leur seigneur et que seloncq ce il s'avisasent, ou il desissent touttez leurs ententions ou au plus priès que dire le poroient, il lez en aideroit vollentiers à conseillier. Adonc respondi li evesques de Lincolle et dist ensi: «Sire, c'est li entention del roy nostre seigneur et de son plus especial consseil de par delà que, se li roys de Franche ewist chy envoiiet barons, prelas et son consseil de par lui, et nous n'ewissiens estet d'acord, que nous seuissiens, present vous, quel affection li seigneur de l'Empire, qui comfort et ayde li ont proummis, ont de lui aidier, par quoy il se pourveist seloncq che; car, nous revenu en Engleterre, il ne vora point plentet sejourner qu'il ne guerie. Or en i a chy aucuns de l'Empire; et tout n'y sont mies chil que nous voullons avoir et veoir. Si verions volentiers qu'il fuissent mandet au title de vous et de nous ossi, et ewissiens parlement enssamble, par quoy nostre voie fuist emploiiée en aucunne mannière.» Lors respondi li comtez de Haynnau et dist: «Vous parlés bien, et c'est une bonne voie; si le ferons enssi, et sans sejour.»
Dont escripsirent et d'un acord li comtez de Haynnau et li baron d'Engleterre, comme messgier de par le roy englès, à aucuns seigneurs de l'Empire et à telz comme au comte [148] de Guerles, au marchis de Jullers, à l'arcevesque de Couloigne, à monseigneur Gallerant son frère, au marchis de Blancquebourch, que il volsissent venir en Haynnau et jusques à Vallenchiennes devant le comte, à ung parlement qui estre y devoit. Chil qui priiet en furent, ne se vorent point escuzer; et rescripsirent qu'il y seroient bien et vollentiers, au jour qui ordounnés y estoit. Fos 22 et 23.
Ms. de Rome: Avisé fu, telle fois fu, ou commencement de lor consel, que li rois d'Engleterre passeroit la mer à une qantité des nobles de son pais, et venroit en Hainnau et en Braibant, en Gerles et en Jullers. Et feroit ils meismes tous ces pourcas par le consel que il aueroit de son grant signeur le conte de Hainnau. Et puis fu chils consauls brissiés. Et regardèrent chil qui le consilloient, que il n'i avoit encores que faire jusques à tant que on aueroit tretié deviers euls, et que on saueroit la volenté des Alemans. 375 Si furent ordonné li evesques de Lincolle et li evesques de Durem, li contes de Sasleberi, li contes d'Arondiel, li contes de Northanton et li contes de Warvich, messires Renauls de Gobehen, messires Richars de Stanfort, li sires de Felleton et li sires de Sulli, à passer la mer et venir à Valenchiennes et parler au conte, et faire apriès son consel, et tretiier au duch de Braibant et à tous ceuls desquels il poroient estre aidié et conforté.
Si ordonnèrent tout chil signeur lors besongnes, et cargièrent lors vassiaus sus la rivière de la Tamise de tout ce que il lor besongnoit. Et estoit lor intension que de prendre terre en Anwiers, car point ne voloient passer par France. Et en portoient chil signeur, en deniers tous apparillés, cent mille florins, pour tenir lor estat et pour donner des dons là où il apertenroient à faire, car bien savoient que Alemant sont durement convoiteus et ne font riens, se ce n'est pour les deniers. Qant toutes lors besongnes furent aparillies et li vassiel cargiet, il entrèrent dedens et esqipèrent en mer, et ancrèrent de ceste marée devant Gravesaindes. Et qant la mer fu revenue, il desancrèrent et se departirent; et orent vent à volenté, et entrèrent en la mer et singlèrent. Et ne furent depuis que deus jours sus mer que il vinrent à Dourdresc, en Hollandes; et là issirent il des vassiaus, et furent li bien venu en la ville. On mist hors les chevaus petit à petit, et se rafresqirent en la ville de Dourdresc quatre jours; et se pourveirent de chevaus chil qui nuls n'en avoient. Et qant toutes lors besongnes furent prestes, il se departirent en grant arroi. Et moustroient bien, à l'estat que il tenoient, que il avoient or et argent assés; et cevaucièrent à petites journées, et à grans despens. Et ne s'arestèrent chil signeur nulle part, si furent venu à Valenchiennes; car de tout ce que il avoient à faire, il se voloient ordonner de par le conte de Hainnau.
Qant il furent venu à Valenchiennes, il se logièrent à leur aise et i furent recheu à joie. Et les regardoient toutes gens à mervelles, pour le grant estat que il tenoient; car il n'espargnoient nulles riens, non plus que argens lor apleuist des nues, et acatoient toutes coses le pris que on lor faisoit. Dont il avint que, qant li signeur qui la ville de Valenchiennes gouvrenoient pour ce temps, en veirent la manière, il missent par ban et sus painne à toutes coses fuer et pris raisonnable, et tant que li Englois s'en contentèrent grandement. Et estoit li evesques de Lincole logiés as Jacobins, et li evesques de Durem as Frères Meneurs.
376 Pour ces jours, estoit de tous poins alités li contes Guillaumes de Hainnau de la maladie des goutes, mais il avoit tous ses sens avoecques lui; et aussi naturelment donnoit bon consel que onques fait il avoit en devant sa maladie. Et furent chil signeur d'Engleterre requelliet moult doucement de li et de la contesse sa fenme, et de Guillaume lor fil et de messire Jehan de Hainnau. Et aloient li dit signeur, tant des prelas comme des barons, veoir le conte et parler à lui des besongnes pour lesquelles il estoient là envoiiet. Et li contes les en consilloit loiaument à son pooir; et à tous lors consauls estoit apellés messires Jehans de Hainnau, c'estoit raisons, conme honme de fief et d'onmage et de foi et sierement au roi d'Engleterre. Fo 38.
P. 124, l. 24: de Haynau.—Ms. de Rome: et de la contesse et de son fil. Fo 38 vo.
P. 124, l. 27: de Lincolle.—Ms. de Rome: et li contes d'Arondiel et li contes de Norhantonne et messires Renauls de Gobehen et messires Richars de Stanfort et des aultres signeurs d'Engleterre. Fo 38 vo.
P. 124, l. 28: se traisent.—Ms. de Rome: à Louvaing, deviers le duch Jehan de Braibant. Fo 38 vo.
P. 125, l. 1: faire.—Ms. de Rome: Et avoit adonc, entre li et le roi Phelippe de France, un grant disferent. Fo 38 vo.
P. 125, l. 8: florins.—Ms. de Rome: que il devoit avoir pour li et pour ses gens. Fo 38 vo.
P. 125, l. 12: nommés.—Ms. de Rome: se en propre personne il passoit la mer, à mille hiaumes couronnés. Fo 38 vo.
P. 125, l. 15: l'ystore.—Ms. de Rome: Chil seigneur d'Engleterre, qui poissance avoient de tout ce faire, car li rois lors sires lor avoit donnet, escripsirent et seelèrent touttes ces couvenances et ce que li dus de Braibant volt. Et retournèrent en la ville de Valenchiennes, et recordèrent au conte de Hainnau conment il avoient esploitié. Desquels esplois li comtes fu tous resjois et lor dist: «Biau signeur, puisque vous avés d'acord le duch de Braibant, c'est uns grans sires et sages, et bien amés de tous ses voisins. Je espoire que vous auerés assés legierement le conte de Gerlles, le marchis de Jullers, l'arcevesque de Coulongne, mesire Ernoul de Baquehen, le signeur de Fauquemont et tous les Alemans: il couvient tretiier deviers euls.» Fo 38 vo.
§ 58. P. 125, l. 19 et 20: l'argent.—Ms. de Rome: 377 car ce sont coses qui moult i vallent et pueent. Fos 38 vo et 39.
P. 125, l. 20 et 21: dus Guerles.—Ms. d'Amiens: li comtez de Guerlez. Fo 23 vo.—Ms. de Rome: li contes Renauls de Gerles. Fo 39.
P. 125, l. 23: Faukemont.—Le ms. d'Amiens ajoute: li marchis de Blancquebourch, li sirez de Duvort, messires Ernoux de Bakehen [149], li comtez des Mons et li sirez de Kuk ou lieu dou duc de Braibant. Fo 23 vo.—Ms. de Rome: et pluisseur aultre chevalier desus le Rin et fort ruste. Fo 39.
P. 125, l. 24: Valenciènes.—Ms. d'Amiens: par l'espasse de trois sepmainnez. Fo 23 vo.—Ms. de Valenciennes: pluiseurs jours. Fo 50.
P. 125, l. 29: France.—Ms. de Rome: sitos que il saueroient que li rois d'Engleterre l'aueroit deffiiet, ou au plus tart un mois apriès. Fo 39.
P. 126, l. 1: couronnés.—Ms. de Rome: car pour lors on ne parloit point de lances ne de bachinés, fors de hiaumez. Or sont les coses transmuées aultrement, et encores se transmueront. Fo 39.
P. 126, l. 11: le pourquoi.—Ms. d'Amiens: Et disent li Allemant que, ou non de Dieu, li consseil d'Engleterre esmeuissent leur roy à che que il passast le mer et venist en Anwers, tant que il le pewissent veoir et oyr; car il en avoient grant desir, et ses besoingnes en vauroient mieux. Fo 23 vo.
P. 126, l. 12: pays.—Ms. de Rome: Vous devés sçavoir, et c'est cose legière à croire, que de toutes ces besongnes, de ces aliances des Alemans et des sejours que chil signeur d'Engleterre faisoient en Valenchiennes, et de l'estat que il i tenoient, li rois Phelippes estoit enfourmés. Mais il n'en faisoit compte, reservé ce que il li desplaisoit trop grandement de ce que li voiagez d'outre mer en seroit retardés; et se contentoit moult mal dou conte de Hainnau, son serouge, de ce que il soustenoit en son pais ceuls qui li voloient porter damage, et disoit bien: «Mon frère de Hainnau marceande de avoir son pais de Hainnau ars et courut.» Fo 39.
P. 126, l. 29: apriès.—Ms. d'Amiens: Endementroes que li roix d'Engleterre sejournoit à Wesmoustier daléz Londrez, dalés 378 lui sen cousin le comte de Lancastre, messire Robert d'Artois, le comte de Pennebrucq, le comte de Kent et pluiseurs autres, et par uns paskères que on compta l'an mil trois cens trente [150] et sept, le treizième jour d'avril, et avoit adonc tenut court plenière en son palais à Wesmoustier, le mardi de ceste Pasque assés matin, vint ungs hiraux bien conneu dou roy et des barons; et estoit englèz, et l'appelloit on Cardoeil, car li roys meysmez l'avoit jadis fait hiraut en ces voiaiges d'Escoce, et li avoit dounnet ce non. Chilz hiraux avoit demouré hors d'Engleterre jà par l'espasse de cinq ans, travillans le monde; et avoit estet en Prusse, en Ifflant, au Saint Sepulcre, et retourné par ces biaux voiaiges en Barbarie et revenu en Espaingne. Et avoit demouret dalléz le roy d'Espaingne, ung grant temps, sus les voiaiges [151] de Grenade, et raportoit lettres dou roy d'Espaingne au roy d'Engleterre. Si estoit revenus le droit chemin par Navare et par Gascoingne, et le terre que li rois englès tient de sen hiretaige en ce pays de Gascoingne: si avoit ylloec trouvet grans gherrez et grant esmouvemens de castiaux dez ungs as autrez.
Et jà y estoient, de par le roy de Franche, grant fuisson de seigneurs, telz que le comte d'Ermignach, li comtez de Fois, li comtes de Commines, li comtez dauffin d'Auvergne, li comtes de Nerbonne, li senescaus de Toulouse, messires Floton de Reviel, li sires de Biaugeu, li sirez de Tournon, ly sires de Bays [152], li sirez de Calençon [153] et pluiseurs autrez. Et avoient fet deus sièges, dont li ungs estoit devant une fortrèce c'on clamoit Penne [154], et li autres devant Blaves. Et constraindoient moult chiaux de Bourdiaux par le rivierre de Gironde. Et disoient enssi li signeur de France que chilx pays estoit fourfès et raquis au roy de Franche, par sentense ajugie et rendue ou palais à Paris, ensi comme vous orés chy apriès. Et n'y avoit adonc en Gascoingne nul homme qui se meuist, ne fesist fet encontre les Franchois, car il n'estoient mies fort aséz pour resister contre yaux; mès se tenoient les fortresses touttez closes, et se deffendoient à leur pooir. Et avoient le dessus dit hirault cargiet et priiet que il volsist faire bien hastiement ce message deviers le roy son seigneur. Et li avoient li seigneur de Gascoingne, qui pour Englès 379 se tenoient, et li ville de Bourdiaux, cargiet lettrez de creance et enfourmet de tout ce fet, ensi qu'il estoit avenus, et si comme je vous diray. Liquelx hiraux avoit si bien esploitiet que il estoit montéz en mer en le ville de Baione, qui se tient englèce; et estoit venus, en cinq jours et en quatre nuis, ou havene de Hantonne, et puis tant chevauchiet par haghenées que en jour et demy venus à Londres où li roys estoit, et lui remoustrés et touttes ses lettrez; et s'engenilla devant le roy, si comme vous avés oy. Liquelx roys et tuit li baron orent au premiers grant joie, car bien il savoient qu'il aroient de lui pluiseurs nouvellez.
Quant li roys englès vit le hiraut devant lui que, grant temps a, n'avoit veu, se dist: «A bien viengne, Cardoeil. Or nous dittez de delà le mer et des lointains pays où vous avés estet, depuis que nous ne vous veymes, car moult en desirons à savoir.»—«Monseigneur, dist li hiraux, vous lirés ou ferés lire, s'il vous plest, ces lettrez; et puis je vous en diray de pluiseurs, car il en y a de tellez qui mout vous touchent.» Lors ouvri li roys aucunez des lettrez et regarda ens; et vit bien qu'il y avoit autrez coses qui touttes ne pooient pas estre escriptez, et desquellez li hiraux portoit creance. Et vit bien li roys que les besoingnes par de delà, en Gascoingne, n'estoient mies trop bellez pour lui; si en fu de tant plus hastieus dou demander. Et li hiraux li dist ensi: «Chiers sirez, il est ungs chevaliers, par de delà le mer, qui s'apelle li sires de Noielles; et est chilz poitevins. Et dist et maintient que, pour pluiseurs servicez que chilz fist à vostre signeur de père, dont on li doit le somme de trente mille escus [155]. Et l'en fu bailliet en crand et en plège li ville et castelerie de Condon [156], dont, si comme il dist, il ne pooit avoir nul paiement. Si s'en plaindi au roy de Franche, et moustra sez lettrez; et fu remis et envoiiés par le cambre de Parlement. Et li fu jugiés que vous estiés tenus en celle debte, et à rendre tous frès et tous despens; et fu enssi dit par sentence en plain Paris. Dont, pour executer ces esplois et lui faire paiier, il eut une commission generaule à lever, prendre et arester partout en vostre terre de Gascoingne, tant qu'il seroit satisfès de le somme dessus dicte, et des frès que fet y avoit. Et y estaubli li roys, à le priière dou chevalier, ung procureur, liquels s'appielloit maistres 380 Raiemons [157] Fouchaus. Et esploitièrent tant qu'il vinrent à Condon, et se veurent mettre en le possession et saisinne dou dit castiel, par le vertu de le commission dessus dicte. Et en parla li procureur dou chevalier au castelain si orguilleusement que mautalens y monta, car d'un baston gros il donna à ce mestre Raymon ung tel horion, present le seigneur de Noiielle, que il li pourfendi le teste; et prist le chevalier et le mist en prison, et dist qu'il estoit mout outrageux, quant en vostre hiretaige il osoit faire telx esplois. De quoy li roys de France a eut grant indination et despit; et dist que vostre terre par de delà est par ceste advenue toutte fourfaite. Et y font si grant gherre chil qui y sont envoiiet de par le roy et si mortelle, qu'il ont pris Prudaire, Sainte Basille et Saint Malquaire. Et quant je me parti dou pays, il seoient devant Penne [158] et devant Blaves. Si vous prient li chevalier et les bonnes villes de Ghascoingne que vous les confortéz et secourés hasteement; autrement vous poréz moult perdre.»
Quant li roys d'Engleterre eut oy les parollez de l'hirault et les nouvellez qu'il li apportoit de Ghascoingne, et coumment li Franchois et à petitte raison li faisoient gherre, et y estoient si efforchiement que nuls ne pooit resister à l'encontre, si fut mout penssieux une longhe espasse. Et quant il leva le chief, si se retourna deviers ses barons, et demanda que ce estoit bon affaire. «En nom Dieu, sire, che respondirent li plus especial, à cel lés là vous faut envoiier; car, seloncq que vous avés affaire et entendés à parfurnir, li Gascon, qui sont bonnez gens d'armes, vous poroient grandement valloir ou nuire en vostre gherre. Si advisés qui vous en vouléz cargier de faire che voiaige.» Dont respondi li roys: «Or y regardons l'un par l'autre [159]. J'en priroie vollentiers monseigneur Robert d'Artois, et le feroie chief de ceste armée. Car en cel estet qui vient, je n'ay nulle affection ne entention de deffiier le roy de Franche; mès voray touttez pourveanchez adviser et ordonner par bon loisir, et acquerre encoirez tous les amis que je pouray delà le mer, car bien me besongneront à gueriier si grant cose comme le 381 royaumme de Franche.» Lors respondi messires Robiers d'Artois liement au roy, et dist que ce voiaige il feroit très volentiers. Et li roys li dist: «Grans merchis.»
Depuis ne demoura mies loing tamps que messires Robiers d'Artois se parti d'Engleterre à cinq cens armures de fier et trois [160] mille archiers; et montèrent ou havene de Hantonne, bien ordonné et garny de touttez pourveanches. Et estoient adonc avoecq le dit monseigneur Robiers d'Artois li comtez de Hestidonne, li comtez de Sufforch, li comtez de Cornuaille, messires Thummas d'Aghourde, messires Thummas de Hollande, messires Richart de Pennebrug, li sires Despenssiers, li sirez de Ferièrez ses serourgez, li sirez de Multonne, li sirez de Brassetonne et li sirez de Willebi. Si singlèrent tant par mer chil seigneur, à l'ayde de Dieu et dou vent, qu'il arivèrent parmi le Geronde ou havene de Bourdiaux, dont cil de le chité eurent grant joie et en furent grandement reconforté. Et là estoient li doi frère de Pumiers, messires Helyes et messires Jehans, qui vinrent sus le sabelon contre lez nefs englesses; et ossi fisent [161] li plus grant partie de chiaus de le ville, car ce secours il desiroient.
Dont yssirent messires Robiers d'Artois et chil de se route hors des vaissiaux, et s'en vinrent tout à piet jusques à leurs hostelx où il fuirent cunvoiiet à joie. Et sus le soir, quant li mers fu retraite, ont li varlès mis hors leurs chevaux et leur harnois et touttes autres pourveances. Si se rafreschirent par trois jours en le chité de Bourdiaux, et puis se consellièrent quel part il se trairoient. Si eurent consseil et advis que il yroient droit à Penne, pour lever le siège qui là estoit des Franchois. Si s'ordonnèrent et abillièrent une matinée, et sonnèrent les trompettes et aroutèrent le charoy et leurs pourveances. Et fist là messires Robiers d'Artois, marescal de tout son ost le comte de Sufforch. Dont chevauchièrent deviers le castiel de Penne, à huit cens hommes d'armes et trois mille archiers tout à cheval, et quatre mille hommes de piet. Che fu environ l'Assention, l'an mil trois cens trente et sept.
Quant li comtes de Fois, li comtes de Charmain, li comtes de Pieregorch, li mareschaulx de Mirepoix, li comtes de Quersi, 382 messires Floton de Reviel et li autre seigneur, qui là estoient et qui le castiel de Penne assegiet avoient, oïrent ces nouvellez que Englès et Gascons assés efforchiement venoient là pour lever le siège, si eurent consseil coumment il se maintenroient. Tout conssideré entr'iaux, il ne se sentirent mies assés fort que des Englès atendre, car il estoient trop enssus de leur grosse ost qui se tenoit devant Blaves, car li rivière de Dourdonne estoit entre yaux et leur ost: si ne pooient mies legierement passer. Si eurent consseil que de yaux deslogier, ensi qu'il fissent; et se partirent dou siège de Penne, et s'en revinrent au plus droit qu'il peurent vers Blaves. Et les trouvèrent tous partis li Englès et jà esloigniés plus de une grande journée. Et quant messires Robiers d'Artois fu là venus, il et li baron d'Engleterre entrèrent ou castiel où il furent rechupt à joie, et se rafrescierent là par deux jours. Et au tierch, s'en partirent et chevauchièrent ordeneement deviers Saint Malquaire, que li Franchois tenoient; et y avoient mis une bonne et grosse garnison, et le castiel bien pourveu de tout ce qu'il besongnoit, en vollenté que de tenir contre tout homme. Là vint messires Robiers d'Artois et toutte se route, et i basti le siège fort et fier, et dist qu'il ne s'en partiroit jammais, se l'aroit à se vollenté.
Or dist li comtes que, quant messires Robiers d'Artois eult assegiet le castiel de Saint Malquaire et juret qu'il ne s'en partiroit se l'aroit à se vollenté, il le fist assaillir vighereusement d'enghiens et ossi de compaignons archiers, qui tampre et tart y livroient mervilleusement grans assaux. Et chil dedens se deffendoient ablement et vistement, car bien leur besongnoit. Ung jour entre les autres, il y eult ung si grant assaut et de si priès l'aprochièrent li archier, qui si ensonnioient chiaux dou fort, qu'il ne s'osoient apparoir as deffenscez. Et fisent li assallant ou mur ung tel trau qu'il y pooient bien entrer de froncq yaux huit; et fisent lez mures reversser ens ès fossés, et tantost jetèrent sus tant de bois, de terre et d'autre cose, que il peurent bien entrer et sans dammaige dedens le ville, si comme il fisent; et rompirent une porte par où li seigneur y entrèrent. Ensi fu prise li fortresse. Et y tuèrent grant fuison de gens, et y prissent deus chevaliers et sis escuyers gentilz hommes, le seigneur de Poupeestain et le seigneur de Zedulach; et tout le demourant misent à l'espée, excepté femmez et enfans et vieilles hommes, non tailliet d'iaux deffendre ne combattre.
383 Apriès le prinse de Saint Malquaire, il eurent consseil et avis qu'il yroient devant Sebilach [162], ung castel que bidau et Geneuois tenoient; et y avoient mis en garnison ung escuyer, qui s'apelloit Begos de Villars. Bien estoit la fortrèce pourveue et rafreschiée de touttez coses, et chil de dedens en vollenté dou deffendre, maugret que li manant de le ville en ewissent de le tenir. Là vinrent messires Robiers d'Artois et li seigneur d'Engleterre et de Gascoingne et touttez leur routtez; et assegièrent le ville à l'environ, et virent bien que elle estoit forte et mauvaise à prendre. Nonpourquant il disent qu'il ne s'en partiroient nullement, se l'aroient; et y ordonnèrent logez et bastidez et touttez coses appertenans à ost. Et leur venoient souvent pourveanches de Bourdiaux, par terre et par aige, assés plentiveusement. Et toudis se tenoit li sièges, devant Blaves, des seigneurs de Franche dessus noummés: douquel siège je voeil ung petit parler, puis que g'i sui, pour une aventure qui avint à chiaux de le ville, assés contraire pour yaux, et de quoy la ville fu gaegnie, ensi comme vous oréz.
Bien avoient mandés et certainement senefiiet chil de Blaves à chiaux de Bourdiaux que il estoient en grant destroit de faminne, et que vivre leur aloient durement defallant, et que il fuissent comforté, ou longement il ne se pooient tenir. Dont chil de Bourdiaux en avoient jà escript par pluiseurs fois à monseigneur Robert d'Artois qui estoit en ceste chevauchie, si comme vous avés oy; mès li dis messire Robiers et ses conssaux tiroient à che que il pewissent ravoir les fors concquis et acquis en leur cemin; et mandoient et prioient à chiaux de Bourdiaus que il comfortaissent et aidaissent chiaux de Blaves, car bien briement il venroient de celle part apriès le siège de Sebillach; et chil de Bourdiaux le segnefioient enssi à chiaux de Blaves. Or avint que li seigneur de Franche, qui seoient devant Blaves et qui bien savoient le destroit de faminne et le necessité qui dedens le ville estoit, avisèrent coumment il poroient leur siège acourchier. Si ordonnèrent une grant cantité de soummiers cargiés de vitaille, et les fissent une matinée monter sus ung terne assés priès de Blaves, affin que chil de le ville les veissent, et que il yssissent hors apriès pour yaux avitaillier. Et fissent encoirez li Franchois armer jusqu'à deus mille hommez de leur ost; et les fissent enbuscier dedens 384 ung val, entre vignes et haies, pour sousprendre les yssans. Et de ceste embusche estoient souverain doy seigneur de Franche, li comtes daufins d'Auvergne et li mareschaux de Mirepoix avoecq leur routtez; et fisent dou [163] soir tout enssi comme ordounnet fu. Et s'armèrent li seigneur et li compaignon, et se misent en leur embusce couvertement. Et droit au point du jour, li soummier furent tout arouté, dont il en y avoit plus de cent [164], cargiet de touttes pourveanches pour mengier. Et vinrent troi homme villain devant, enssi comme marchant, à le porte de Blaves, et disent: «Seigneur, faittez bonne chière, et vous mettés en aroy; et venés requeillier le belle provision qui vous vient de Miremont, de Bourdiaus, de Coignach et des autrez fortrèches de vostre acord.»
Quant chil de Blaves entendirent ces parolles, si en eurent grant joie, car voirement les veoient il approchier leur ville. Si s'armèrent moult vistement, et yssirent de leur ville environ deus mille hommes; et se misent entre le porte et les cans. Et li soummier coummenchièrent à aprochier, et jà en y avoit entrés en le ville, ne say dis ou douze; et s'ensonnioient moult et par couvreture à l'entrée de le porte. Evous l'enbusce grande et grosse qui vient en criant leur cry, li comtez Daufins et li sirez de Merquel criant: «Fois et Auvergne!» bannierrez et pignons ventellans par devant yaux. Et quant chil de Blaves lez perchurent, si furent tout esbahit et se retraissent vers leur ville, et Franchois apriès abatans gens, navrant et mehaignant. Et chil qui lez soummiers menoient, affin que li porte fuist tenue et empeschie, effondrèrent et reversèrent trois de leurs mulés tous chargiéz desoubz le porte. Là y eut grant pestelit et grant encombrier; car chil qui dedens estoient ne pooient yssir. Et ossi il n'en avoient mies grant vollenté; mès rentroient en leurs maisons et prendoient tout le milleur de leurs coses, et le portoient sus le havene en le Geronde. Et là entroient femmez et enfans en nefs, en barges et en bacques; et s'en sauvèrent par celle mannierre pluiseurs, entroes que li autres se combatoient devant le porte de le ville.
Adonc s'estourmy li os as Franchois, et s'armèrent chacun qui mieux mieux, et vinrent là moult ordonneement et par connestabliez; 385 et se ferirent en chiaux de Blavez, qui assés bien se deffendirent et vendirent seloncq leur pooir. Mais quant li grosse routte des Franchois fu venue, il ne durèrent point longement; et furent finaulement tout mort et tout pris, et li ville de Blave prise adonc et gaegnie. Si s'en partirent et sauvèrent pluiseurs hommes, femmes et enfans, par le Geronde, qui vinrent à Bourdiaux avoecq le marée comme gens desconfis et desbaretés. Et recordèrent leur mesavenue, dont Bourdelois furent moult courouchiés; et segnefiièrent ces nouvelles à monseigneur Robert d'Artoex qui estoit devant Sebilach, liquelx en fu moult courouchiéz, mais amender ne le peult tant que à celle fois.
Quant li Franchois eurent pris et concquis le ville de Blaves, et li pillart l'eurent toutte robée dou demourant de ce que trouvet y avoient, si eurent consseil li seigneur, tel fois fu, qu'il l'arderoient. Et puis fu brisiés chilz conssaux, et disent qu'il le tenroient, dont puis se repentirent, enssi comme vous orés; et prissent consseil de mettre le siège devant Miremont, qui siet sur le rivière de Dourdonne. Lors se partirent et deslogièrent de devant Blaves, et vinrent à Miremont, et misent le siège. Et recoummandèrent le ville de Blaves à deus chevaliers, à messire Jehan Fouquère et messire Guillaumme de Tyris [165]. Or vous dirons dou siège de Sebilach, et comment elle fu prise et par quelle mannierre.
En le ville de Sebilach, avoit adonc une cappittainne, que on appielloit Begot de [166] Villars. Et estoit ungs fetis escuyers et de linage, ables et hardis et très bons compains; mais trop vollentiers jeuoit as dés, et par usaige mout felenès estoit, quant il y perdoit. Li compaignons sauldoiiers et chil de le ville jeuoient à lui, et avoient souvent de son argent. Avint que, ung soir entre les autres, il jeuoit à ung jone homme de le ville, qui s'appelloit Simons Justins. Et avoit chils ung frère mainnet de lui, que on clammoit Climent; et estoient chil doy li plus riche de le ville, et des plus grans amis. Debas s'esmut entre che Simon et ce Begot, par leur jeu de dés, et tant qu'il se desmentirent; et se levèrent tout doy en piés, et sachièrent leurs espées. Et escarmuchièrent li uns as autrez, et tant que Begos consievi che Simon 386 tellement qu'il li fendi toutte le teste et le jeta là mort. Li haros monta; saudoiier acoururent; gens y vinrent de tous lés. Climens Justins i vint acompaigniés d'aucuns de ses amis, qui son frère volloit contrevengier; mais adonc il ne peult, car li saudoiier estoient tout avoecques Begot; et leur convint encorrez le place wuidier, ou il ewissent recheu plus grant doumaige. Toudis depuis, Begos n'aloit point si seuls acompaigniés que il n'ewist soissante ou douze vingt [167] compaignons avoecq lui, dont chilz Climens et ses linaiges avoient grant despit. Et regardèrent et parlementèrent enssamble qu'il n'en poient estre point contrevengiet à leur aise, fors par les Englèz. Si traitiièrent secretement deviers monseigneur Robiert d'Artois et les Englès que il les meteroient en le ville, affin que tous les estraigniers il volsissent mettre à l'espée [168]. On leur acorda liement che marchiet, et souffrirent de nuit li amic dou mort le ville à escieller. Et entrèrent ens bien deus cens archiers englès, et furent maistre de le porte; et le ouvrirent de forche, avoecq l'ayde de Climenth Justin et des siens. Et entrèrent ens li Englès, et furent tout li saudoiier mort et Begos de Villars et li autre. Chilz meschiés avint enssi, et tout par le jeu de dés: ce n'est point li premiers qui en est advenus, ne li darrains qui encorres en avenra. Maudis soit il, car dou jeu de dés, c'est toutte ennemie cose.
Apriès le prise de Sebillach, messires Robiers d'Artois le rafreschy de nouvellez gens et de pourveanches; puis s'en parti et s'en revint vers Bourdiaux, car li prise de Blaves li annoioit trop fort. Et quant il fu revenus à Bourdiaux, il fist sus le havene assambler touttes les nefs et les vaissiaux qui là dormoient à l'ancre; et les fist hasteement ordonner et pourveir de toutte artillerie. Et puis, sur ung soir, il fist entrer ens touttes mannières de gens qui combattre se pooient, et parti dou havene de Bourdiaux; et singla celle nuit avoecq le marée et vint, ung petit apriès [169] mienuit, devant Blave. Et estoit adonc li flos de le mer si hauls et si grans qu'il batoit as murs [170]. Adonc fist il vistement mettre avant eschielles et ordounner archiers, et aprochier les murs et sounner ses trompettes, et assaillir le ville où il n'eult mies grant 387 deffensce, car elle estoit wuide de gens d'armes et de compaignons, pour le deffendre et garder contre tel ost. Nonporquant li doy chevalier, qui dedens estoient, et leur route en fisent bien leur devoir; et le deffendirent, tant qu'il peurent durer. Che ne fu gaires, car archiers traioient si songneusement et si espessement que chil de dedens n'osoient aprochier as garites ne à deffenscez; et en y eut là du tret pluiseurs navrés. Que vous feroie je lonch compte? Eschiellez furent drechies et apoiiées as murs à grans gravés de fier; et compaignon able et legier, et pour yaux esprouver et honnourer, rampèrent et montèrent sus; et entrèrent ens, volsissent ou non li deffendant. Enssi fu la ville gaegnie. Et avoit une eglise moulte forte à l'un des lés de le ville: là se retrairent li doy chevalier et leurs gens, et contrebarèrent les huis et lez fenestrez. Et se tinrent ung jour et une nuit depuis le ville prise; et l'endemain il se rendirent, sauve lors vies. Et furent prisonnier as compaignons à qui il fianchièrent leurs fois.
Ensi et par le vasselaige de monseigneur Robiert d'Artois et de ses aidans, fu li ville de Blaves reprise. Dont li Franchois, qui devant Miremont seoient, furent moult courouchiet; et trop se repentoient de ce qu'il ne l'avoient ars. Quant messires Robiers d'Artois se vit en possession de Blaves, si en fu mout liéz et alla au tour, et regarda se elle estoit à tenir; et vit bien que oil, mès que elle fuist bien pourveuwe et avitaillie. Si le fist de rechief pourveir et avitaillier de tout ce qu'il y besongnoit, et refourbir les fossés, et drechier les murs et remaçonner, et de tous poins rapareillier; et y fist revenir hommes, femmes en enfans, qui parti s'en estoient, pour repeupler et mettre le ville en bon estat.
Encorres que il se tenoit en Blaves, et que li comtez d'Ermignach et li comtes de Fois et li autre seigneurs seoient devant Miremont, doy evesque, c'est assavoir chilx de Saintez et chilz d'Anghouloime [171], aloient de l'un lés à l'autre, traitant ung respit. Et tant le parlementèrent que il se fist entre les pays et leurs aidans, à durer jusques au premier jour d'avril que on atendoit, et de ce jour en ung an. Parmy tant, se deffist li sièges de Miremont; et chacuns se devoit tenir à ce qu'il tenoit, et que concquis ou reconcquis arroit. Et se departirent les deus os, et s'en 388 ralla chacuns en son lieu, li Franchois en Franche et li Gascon en Gascoingne. Et retourna messires Robiers d'Artois avoecq les Englès arrière en Engleterre deviers le roy, à qui il recorda coumment il avoit esploitiet. Li roys en eult grant joie et fu moult liés quant il le vit dalléz lui, parce que il y trouvoit et avoit trouvet pluiseurs foix grant consseil de ses besoingnes. Fos 24 à 26.
§ 59. P. 126, l. 31: dissention.—Ms. B 6: Sy prirent tous ceulx de Gant leur signeur en telle hayne que depuis il ne s'osa tenir clerement ne couvertement en la ville de Gant, mais s'en vint tenir à Terremonde. Fo 87.—Ms. de Rome: En ce temps dont je parole, avoit grande dissention entre le conte de Flandres et les Flamens. Car chils contes Lois, qui eut à fenme Margerite d'Artois, ne se sceut onques avoir ne dissimuler, ne estre en paix entre ses gens en son pais; ne sez gens aussi ne le peurent onques amer. Et le couvint de rechief widier et partir de Flandrez et venir en France, et là amena sa fenme; et se tenoient à Paris dalés le roi, liquels les soustenoit de une partie de son estat. Chils contes fu assés chevalerous; mais ses gens disoient que il estoit trop françois, et que jà nul bien ne lor feroit. Fo 39.
P. 127, l. 3: un homme à Gand.—Ms. d'Amiens: Or revenrons à le matère des Flamens. Vous avés bien oy compter chy devant coumment li roys d'Engleterre avoit clos tous les pas de mer, et ne laissoit riens venir ne ariver en Flandres, et especialment lainnez ne agnelins. De quoy tous li pays de Flandrez estoit tous esbahis, car la draperie est li plus principaux membrez de quoy il vivent; et en estoient jà trop de bonnes gens et rices marchans apovris. Et couvenoit widier hors dou pays de Flandres pluiseurs honnestez hommes et femmez, qui par le labeur de le draperie estoient devant ce bien aisiet; et venoient querir leur chevance en Haynnau et ailleurs là où il le pooient avoir: dont grant murmuration estoient espars et semés par le pays de Flandrez, et especialment ens ès bonnes villes. Et disoient bien qu'il comparoient amerement et dolereusement l'amour que li comtez leur sirez avoit as Franchois [172], car par lui et par ses oeuvres estoient il en ce dangier esceut et en le haine dou roy 389 d'Engleterre; et que ce seroit mieux li communs prouffis de tout le pays de Flandrez, de estre en l'acord et amour dou roi englès que dou roy de France.
Voirs [173] est que de Franche leur viennent bien pluiseur blés; mès quant il ne l'ont de quoy acater ne de quoy paiier, et tout par faute de gaignier, mal pour eux, car muy de bled a denier; dolent celui qui ne l'a. Mès d'Engleterre leur viennent lainnes et grans prouffis, qui tenir leur fait bons estas et vivre en joie. Si ont il de bleds assés dou costé de Haynnau, puisque li pays est de leur acord.
Ensi esmeut et de pluiseurs autres parolez pour le commun prouffit, murmuroient souvent les gens par le pays de Flandres, et especialment en le ville de Gand; car c'est li ville de tout le pays de Flandrez où on drappe le plus, et qui le mains puet vivre sans draperie, et ossi adonc à qui li contrairez estoit plus grans. Si s'asambloient par places, par mons et par fouquiaux, et là en parloient et devisoient en tamainte diverse mannière; et en parloient villainnement, ensi que commune gens ont usage de pledier et parler, sus le partie le comte Loeys, leur seigneur. Et disoient entr'iaux que ce ne faisoit mies à souffrir et que, se ceste povreté duroit longement, tous li plus grans et plus rices s'en doleroit, et en yroit li pays de Flandres à destruction.
Bien savoit li comtes de Flandres que ses gens coummuniment murmuroient sur lui et contre se partie. Si les appaisoit il, et faisoit appaisier ce qu'il pooit; et leur disoit et faisoit dire: «Me bonne gens, sachiés que ceste cose ne poet durer longement, car j'ay oy nouvelles certainnes de par aucuns de mes amis que j'ay en Engleterre. Et dient ensi que li Englès sont en plus grant estrif contre le roy, affin que il puissent faire leur prouffit de leurs lainnes, que vous ne soiiés en desir de l'avoir. Il ne les peuent vendre ne aloiier ailleurs que à vous, se ce n'est à trop grandement leur dammage. Si vous appaisiés, car g'i voy et sens pluiseur biaux remèdes pour vous et dont vous seréz temprement resjoys; et ne penssés ne ne dictez nul contraire 390 ne nulle mauvaistié de ce noble pays de Franche, d'où tant de biens vous habondent.»
Ensi, pour yaux reconforter et apaisier, leur disoit ou faisoit dire li comtez. Mais nientmains tout li plus estoient si batu de celle disette et povreté, et tous les jours leur recroissoit, qu'il ne s'i pooient apaisier; car, quoy que on leur desist, il ne veoient nul apparrant de recomfort ne de prochain waignage. Pour quoy, il s'esmouvoient et s'enmençonnoient de jour en jour et de plus en plus. Et si n'estoit entre yaux si hardis qui osast emprendre le fet pour le cremeur dou comte.
Si demoura ce ung grant tempz et tant comme enssi qu'il s'asambloient par fouquiaux, en places et en quarefours. Et venoient enssamble parlementer de deviers lieux et de pluiseurs rues, parmy le ville de Gand, aucun compaignon [174], qui oy avoient trop sagement parler à leur agrée ung bourgois, qui s'apelloit Jaquèmes d'Artevelle, et estoit brassèrez de miéz. Si reprissent chil compaignon dessus dit ses parolles entre les autrez; et dirent que c'estoit ungs très sages homs, et que il li avoient oy dire que, se il estoit oys et creus, il quideroit dedens brief temps tellement remettre Flandrez en bon estat que il raroient tout leur waignaige et seroient bien dou roy de Franche et dou roy d'Engleterre. Ces parollez coummenchièrent à moutepliier, et tant allèrent des ungs as autrez que bien li quars [175] de le ville en furent enfourmet, especialment petittes gens et communs asquelx li meschiéz touchoit le plus. Lors se coummenchièrent à rassambler des rues et des quarefours, et leurs assamblées à remettre enssamble.
Et avint que, ung jour [176] apriès disner, il s'en partirent plus de cinq cens [177] sieuwans l'un l'autre; et appelloient leur compaignon de maison en maison, et disoient: «Alons, alons oïr le consseil dou saige homme.» Et vinrent enssi jusques à le maison Jakème d'Artevelle, et le trouvèrent apoyant à son huis. De si loncq qu'il le perchurent, il ostèrent leurs capperons, et l'enclinèrent, et li disent: «Ha! chiers sirez, pour Dieu merchi, voeilliés nous oyr. Nous venons deviers vous à consseil, car on nous dist que 391 li grans biens de vous remetera le pais de Flandres en boin point. Or nous voeilliés dire coumment: si ferés aumounne, car il est bien mestiers que vous avés considéré nostre povreté.» Lors s'avancha Jaquèmes d'Artevelle et dist [178]: «Seigneurs compaignon, bien est voirs que j'ay dit que, se j'estoie de tous oys et creus, que je meteroie Flandres en boin point, et se n'en seroit nos sires de riens grevés.» Dont l'acollèrent qui mieux mieux, et l'enportèrent entre yaux, et disent: «Oil, vous serés creus, oïs, cremus et servis.»—«Signeur, seigneur, ce dist d'Artevelle, il besoingne bien que au remoustrer toutte li plus sainne partie de le ville de Ghand soit et que vous me jurés, vous qui chy estez et tout chil qui de vostre acord sont ou seront, que vous me conforteréz et aiderés en tous kas jusques à morir.» Et il dient tout d'unne vois: «Oil.» Dont leur dist que, l'endemain à primme, il fuissent en ung lieu que on apelle le Biloke; et le fesissent à savoir à tous parmy le ville de Ghand; et que là, presens tous, il leur remousteroit publiquement che dont toutte la ville seroit resjoie. Et il respondirent tout d'unne vois: «C'est bien dit, c'est bien dit.»
Enssi ces nouvelles s'espardirent parmy le ville de Gand, et en furent les trois pars de le ville tout sage. L'endemain à heure de prime, toutte li place de le Biloke fu plainne de gens, et le rue où il demouroit toutte plaine ossi. Et l'aportèrent mouvant de se maison, entre leurs bras, et fendans touttes mannières de gens jusquez en le place de le Biloke; et li avoient ordounnet ung biel escaufaut sus lequel il le misent. Et là coummencha il à preschier si bellement et si sagement qu'il converti tous coers en son oppinion [179]. Et estoit sen entente que li pays de Flandrez seroit 392 ouvers et appareilliés pour requellier le roy d'Engleterre et tous lez siens, se venir y volloient, pour paiier tout ce qu'il y prenderoient, car li gherre ne li haynne des Flamens as Englèz ne leur pooit pourfiter, mais trop couster. Et leur remoustra voies et conditions, lesquelles ne puevent mies estre touttes escriptez, car trop y fauroit de parollez. Mès la fin fu telle que il li eurent en couvent, et li jurèrent que de ce jour en avant il le tenroient pour souverain; et se ordonnèrent tout par lui et par son consseil. Et fu rammenés à son hostel si amiablement que à merveilles, et de jour en jour mouteplioit en grant honneur. Che fu environ le Saint Michiel, l'an mil trois cens trente et sept, que li grans parlemens devoit estre à Londres en Engleterre, et dou quel nous vous compterons maintenant et coumment il se porta....
Or revenions as Flammens pour mieux entendre le elevation Jaquemon d'Artevelle, qui gouvrena le comté de Flandrez par le tierme de neuf ans et fist en partie ses vollentéz, enssi que vous orés chy apriès. Vous avés bien oy chy dessus coumment il preecha en le ville de Gand et eult l'acort de toutte le ville, especialment de toutte le coummunalté, à faire ce qu'il voroit.
Quant li roys de France entendi lez nouvellez de lui, se li despleurent durement. Car il suposa assés que, se li Flamencq estoient contraire et ennemit à lui ne à son royaumme, que trop leur poroit grever et mettre le roy d'Engleterre en son royaumme par leur pais. Si manda au comte de Flandrez qui se tenoit à [Bapesmes [180], que nullement il ne laiast resgner ne vivre ce Jaquemon d'Artevelle, car il estoit trop à son prejudisse, et que par lui, se il duroit longement, il perderoit se terre.
De quoy li comtez, qui bien sentoit tous ces mesciéz, acquist 393 amis des plus grans de linage de le ville de Gand; et les jurés avoit il pour lui, car il li devoient foy par sierement. Si fisent pluiseurs aghès et embuscez sus d'Artevelle; mès oncques ne le peurent avoir à leur aise, car toutte li coummunaulté de Gand estoit si appareillie pour lui que, qui li volsist mal faire, il couvenist estre plus fort que de trente mille ou quarante mille hommes. Et estoient touttes mannièrez de gens wiseux, pour lui mieux servir à gré et li deffendre, se mestiers fuist. Fos 26 vo et 27.
Ms. de Valenciennes: Or avint que le conte de Flandres en sot à parler. Si le manda qu'il alast parler à lui en son hostel; mais il y ala à si grant compaignie que le conte n'avoit pooir de resister encontre lui là present. Le conte lui remoustra, par pluiseurs poins, qu'il volsist tenir la main à tenir le peuple en l'amour et pour le roy de France, comme celuy qui en avoit plus d'auctorité que nul autre, et lui offry pluiseurs biens à faire; et entre deulx lui disoit parolles de souppeçon de manaces. Lequel Jaquemon n'avoit nulles doubtes de sa manace leur il estoit; et au surplus, en son corage, il amoit les Englès. Si respondi qu'il feroit ce qu'il avoit promis au commun, comme celui qui n'avoit point de peur, et au plaisir de Dieu il n'en venist bien à chief. Et ainsi se parti dou conte.
Nientmains, le conte se conseilla à ses plus privez comment il feroit de ceste besongne, lequel avoit avec luy aucuns des bourgois de la ville, qui avoient des grans amis et lingnages dedens la ville. Si lui conseillièrent de les laissier convenir, et il le tueroient secretement ou aultrement. Et sur ce s'en misrent en paine par pluiseurs fois, et firent pluiseurs agais sur le dit Jaquemon. Mais riens n'i valoit, car toute le communalté estoit pour luy, tant que on ne lui pooit mal faire, qu'il ne convenist estre puissant de conbattre contre toute la ville et le Franc. Fo 58.
Ms. B 6: Et le roy d'Engleterre, qui tiroit à atraire à amour et à sa cordelle ceulx de Flandres, et qui bien savoit que le conte n'y estoit point bien amés pour le grande justiche que il y avoit fait, et par especial en la ville de Gant, adonc manda à ceulx de Gant que, se il volloient estre de son acort, il leur renderoit l'estaple et la marchandise des lainnes sans lequel il ne povoient vivre, et que la conmunaulté de la ville de Gant estoit, pour la deffaulte de wagnage, en grant dangier.
394 Or se resveilla et leva ung bourgois de Gant, qui s'apelloit Jaques d'Artevelle, saige homme et ymaginatif durement, et qui tantost eult tout le comunaulté de son acort, pour faire et deffaire tout che que ordonner et entreprendre volloit. Cheluy Jaques d'Artevelle estoit durement bien enlangaigiet. Sy fist pluiseurs sermons, et sy s'y porta que par lui fu le conte enchachiés et boutés hors du pais de Flandres. Et disoit bien à son commenchement que plus proufitable leur estoit estre de le partie des Englès que de le partie de Franche, car tous proufis et toutes bonnes marchandises, profitables et necessaires pour eulx, leur venoit d'Engleterre ou par le dangier d'Engleterre, tant que laines pour drapper, dont tout le pais de Flandres estoit soustenus, car sans draperie et marchandise communaument il ne pouroient vivre.
Che Jaques de Hartevelle, en peu de temps, monta en sy grant fortune et en telle grace des Flamens, que c'estoit tout fait quanques il volloit deviser et commander par toute Flandres. Et estoit sy bien enlangaigiet, et de sy saiges parolles et sy vives, que, par sez langaiges et pour che que il moustroit verité, che estoit bien avis à ceux de Gant. Et le firent mestre et souverain prumierement d'eux, et puis de tout le pais de Flandres; car en son commenchement ceux de Bruges, de Ypre et de Courtray furent rebelles à ses oppinions. Mais ceulx de Gant, qui toudis ont esté mestre et souverain de toutes les villes et les pays de Flandres, de forche les firent obeir et estre enclins et obeissant à eulx, et à Jaques de Hartevelle, qui emprist le gouvernement de Flandres. Et convint le conte Lois widier et partir; et s'en vint en Franche dallez le roy Phelippes, son cousin, qui le rechut liement et luy assina rentes, pour luy et madame sa femme vivre et entretenir leur estat; car en le conté de Flandres, le vivant de Jacques de Hartevelle, eurent ilz moult petit. Fos 87 et 89.
Ms. de Rome: Chil de Gand conmencièrent premierement à faire le mauvais, et à voloir suspediter tout le demorant dou pais de Flandres; et avoient de lor aliance Tenremonde, Alos et Granmont. Pour ces jours dont je parole, et entrues que chil signeur d'Engleterre se tenoient à Valenchiennez et faisoient lors pourcas, ensi que che chi desus est dit, avoit à Gant un bourgois qui se nonmoit Jaquemon d'Artevelle, hauster honme, sage et soutil durement; et fist tant par sa poissance que toute la ville de Gand fu encline à lui et à ses volentés. Chil signeur d'Engleterre, qui se 395 tenoient à Valenchiennez, jettèrent lor visée, par le consel et introduction que il orent dou conte de Hainnau et de son frère, que il envoieroient deviers che Jaquemart d'Artevelle et les bourgois de Gand, afin que il vosissent estre de l'aliance et acord dou roi d'Engleterre: par quoi, se il li besongnoit, il peuist avoir, ils et ses gens, entrée en Flandres. Si i envoiièrent l'evesque de Durem et le conte de Norhanton et messire Renault de Gobehem.
Euls venu à Gand, il furent recheu très grandement, conjoi, honnouré et festoiié. Et se portèrent si bien li trettié, par le moiien Jaquemon d'Artevelle, qui i rendi grant painne et qui haioit le conte, que chil de Gand generaument s'acordèrent à ce que, se li rois d'Engleterre passoit la mer et voloit prendre son chemin parmi le pais de Flandres, fust à gens d'armes ou sans gens d'armes, lors deniers paians de toutes coses des quelles on lor feroit aministration, il trouveroient le pais ouvert. Nequedent que chil de Bruges, d'Ippre et de Courtrai lor fuissent contraire et rebelle, il pensoient bien tant à esploitier, et dedens briefs jours, que li pais seroit tous en une unité.
Ces aliances et concordances de Jaquemon d'Artevelle et de ceuls de Gand plaisirent grandement bien à ces signeurs d'Engleterre qui là avoient esté envoiiet; et prisent de toutes ces couvenances lettres seelées dou seel à causes de la ville de Gant. Et puis retournèrent à Valenchiennes, deviers le conte de Hainnau et lors compagnons; et moustrèrent de parole, et par les lettres que il avoient, en quoi et conment chil de Gand estoient de bonne volenté obligiet. Donc dist li contes de Hainnau à ces signeurs d'Engleterre: «Biaus signeurs, vostres besongnes s'avancent grandement, se vous avés les pais de Flandres et de Braibant d'acort. Dites à mon fil d'Engleterre que ce li sera uns grans confors, et que sa gerre en sera plus belle; mais il couvient que il passe la mer à la saison qui retourne, pour aprendre à congnoistre les signeurs et les pais qui le vodront aidier et servir: si ques, vous revenu en Engleterre, esmouvé[s] le à ce que, à une qantité de gens d'armes et d'archiers, il viengne deçà la mer et face venir de la finance; car Alemant sont convoitous et ne font riens, se li denier ne vont premierement devant, car ce sont gens moult convoitous.» Fo 39.
P. 127, l. 11: quatre vingt.—Ms. d'Amiens: six vingt ou sept vingt varlèz arméz, entre lesquelx il y en avoit cinq ou six 396 especialment outrageux et dont il faisoit se bourle, et qui savoient ses secrèz et quel cose il volloient faire. Fo 27 vo.
P. 127, l. 29: au soupper.—Ms. d'Amiens: et faisoient de nuit bon get devant son hostel; car bien savoit qu'il n'estoit mies bien amés de tous et especialment dou comte, car jà en avoit il veu pluiseurs appairans, dont il s'estoit bien sceu oster. Fo 27 vo.
P. 127, l. 30: quatre.—Ms. B 6: six. Fo 90.
P. 128, l. 22: longement.—Ms. d'Amiens: le tierme de neuf ans ou environ le pays de Flandres. Fo 27 vo.
P. 128. l. 26 et 27: maletotes.—Ms. B 6: Sy en despendoit la moitié à sa vollenté, et l'autre moitié metoit en tresor. Fo 92.
P. 130, l. 1: prester.—Ms. d'Amiens: Ensi estoit il fortunés de ses besoingnes. Fo 27 vo.—Ms. B 6: tant estoit redoubtés par my le pais de Flandres. Fo 92.
§ 60. P. 129, l. 22: des nues.—Ms. d'Amiens: Et tenoient grant estat et faisoient grans frèz, et donnoient biaux disners ens ès bonnes villes où il venoient, affin qu'il en fuissent plus aloset, et li rois d'Engleterre mieux recoummandés. Et faisoient semer parolles parmy le pays et les bonnes villez que, s'il estoient amic et acordant au roy d'Engleterre, il seroient très riches et paisieule, et aroient lanagez et drapperie à grant fuison. Fo 23 vo.
P. 130, l. 1: le Courtrisien.—Ms. d'Amiens: monseigneur Simon le Courtrissien, anchien homme et riche, et qui vollentiers faisoit feste, honneur et compaignie à touttez gens estraingiers, especialment as baronz et chevaliers d'onneuret de nom. Fo 23 vo.—Ms. B 6: En che temps, fist justichier le conte de Flandres monseigneur Simon le Courtrisien, qui estoit de Gant; et le fist morir, sans cause de rayson. Et fut pour ce que il avoit compaigniet les Englès en Brabant et en Haynau, et ossi en Flandres. Dont ceulx de Gant furent durement courouchiés sur le conte, car chilz sires Simon Courtrisien estoit bourgois de grant linage, et durement vaillans et saiges homme, et de bonne renommée. Fo 87.
P. 130, l. 19: decolés.—Ms. d'Amiens: li comtes de Flandres le manda en ung certain lieu. Lui venut au mandement dou comte, il fu pris et saisis et delivrés au connestable de Flandrez, 397 et depuis à celui de Franche; et fu assés tost apriès decolés. Fo 23 vo.—Ms. de Rome: Li contes de Flandres, pour ce temps, se tenoit à Compiengne, et la contesse sa fenme. Si entendi que li Englois, li evesques de Durem et grant baron d'Engleterre avoient esté à Gand et moult bellement recheu; et par la promotion et enort d'un bourgois de Gant qui s'apelloit Jaquemart d'Artevelle, toutes gens, en Gant et en pluisseurs villes de Flandres, s'enclinoient assés à l'opinion des Englois; et tant que ses rentes et revenues en estoient esconsées, et çanceloient tous les jours. Et encores en oultre, li contes de Flandres fu enfourmés que uns chevaliers de Flandres, vaillans homs durement, et lequel li contes avoit toujours tenu à loial homme et prudent, qui se nonmoit le Courtrissien, avoit tousjours compagniet et fait feste et honnour, en la ville de Gant où sa residense estoit, ces signeurs d'Engleterre. Desquelles coses, li contes de Flandres fu durement courouchiés sus le chevalier, tant que il li remoustra, et le manda couvertement en France où il se tenoit. Li sires Courtrissiens ala deviers li, qui nul mal n'i pensoit. Sitos que li contes le tint, il li fist remoustrer en la presence de li ce pourquoi il l'avoit mandet. Onques li chevaliers ne se peut esquser, mais le fist decoler. Fo 40 vo.
P. 131, l. 16: à Valenciènes.—Ms. d'Amiens: Depuis le mort dou seigneur Courtrissien, li chevalier d'Engleterre n'osèrent mies si plainement aller ne venir par le pays de Flandrez qu'il faisoient; car ils se doubtèrent que soudainement il ne fuissent pris ou de nuit à lors hostelx, et mort par le puissanche du roy de Franche et dou comte, qui très loyaux Franchois estoit. Si se tinrent en avant en Haynnau dalléz le comte Guillaume, qui bonne chière leur faisoit. Fo 23 vo.
P. 131, l. 22: En ce temps.—Ms. B 6: En cel esté, entretant que les Englès estoient à Vallenchiènes. Fo 84.
P. 131, l. 22: trespassa.—Ms. d'Amiens et ms. B 6: en l'ostel de Hollandez, à Vallenchiennez. Fo 24.
P. 131, l. 23: sept jours.—Mss. A 23 à 29: le sixième jour de juing. Fo 41 vo.—Ms. de Rome: vingt jours ou mois de jun, le jour de la Pentecoste. Fo 40 vo.
P. 131, l. 24: trente sept.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: trente huit. Fo 33 vo.
P. 131, l. 26: obsèque.—Ms. d'Amiens: De le mort dou comte furent pluiseur coer courouchié, car il fu larges, noblez, 398 preux, hardis, courtois, humbles, piteux et debonnaires à touttez gens. Si le plaindirent moult si enfans, messires Guillaummez ses filz, li roynne d'Allemaigne, li roynne d'Engleterre, li comtesse de Jullers, medamme Ysabiel, se maisnée fille, qui depuis eut monseigneur de Namur espouset. Et trop le plaindi et regreta messires Jehans de Haynnau ses biaus frèrez, car il y perdi grant comfort et grant amour, car moult amoient l'un l'autre. Fos 24 et 25.
Ms. de Rome: Qant li rois d'Engleterre et la roine furent segnefiiet de la mort dou conte, lor signeur de père, si en furent grandement courouchié, mais passer lor couvint. Et s'en vestirent de noir; et li fissent faire son obsèque en Engleterre, ens ou chastiel de Windesore, là où il se tenoient. Fo 41.
P. 131, l. 29: de tous.—Ms. B 6: Et avoit le conte ung filz que on nomoit Gillame, lequel fut conte de Hainau après son père et regna poissanment, tant qu'il vesquy. Et ot quatre filles, dont le comte en avoit mariée[s] les trois. Li aisnée ot non Margrite, et estoit pour che tamps roynne d'Allemaigne et empereis de Romme. Le seconde ot nom Jehanne, qui estoit contesse de Jullers. Le tierche ot nom Phelippe, la bonne et noble royne d'Engleterre, et le maisnée Yzabel qui estoit encores à marier, et fu ung grant tamps depuis le trespas son père; et de puis ot elle à marit messire Robert de Namur, et fu dame de Renais en Flandres et de Bieaufort sur Meuse. Fos 84 et 85.
P. 131, l. 32: de Braibant.—Ms. d'Amiens: Et li fissent li noble des trois pays, li prelat et les bonnes villes, foy et sierement et hoummaige; et il leur jura à tenir as us et as coustummes anchiennes. Fo 25.
P. 132, l. 4: sus Escaut.—Ms. d'Amiens: une abbeie de dammez dalléz Valenchiennes. Fo 25.
§ 61. P. 132, l. 20: Gagant.—Ms. de Rome: Vous savés conment li contes de Flandres avoit mis et establi garnison de gens d'armes en l'ille de Gagant, liquel fissent pluisseurs destourbiers et grans anois à ceuls qui voloient par mer venir prendre port à l'Escluse, et tant que tous li pais de Flandres s'en contentoit malement. Car li pourfis de la marceandise en estoit ensi que tous perdus, et especiaulment la draperie, car nulles lainnes ne venoient ne issoient hors d'Engleterre. Jaquèmes d'Artevelle, 399 liquels voloit aidier le roi d'Engleterre, et à che faire il estoit obligiés et avoit fait obligier generaument la ville de Gand, n'estoit pas courouchiés de ce que chil qui herioient la ville de Brugez et le pais de Flandres se tenoient à Gagant; et fist semer paroles à Brughes, à Ippre et à Courtrai et ou Franch de Bruges que, se on voloit entendre à ce que il conselleroit et tout acertes, on en deliveroit le pais. La ville de Bruges et la ville dou Dan et la ville de l'Escluse, qui trop grandement perdoient, car sans la marceandise de la mer il ne pueent avoir çavance ne sèvent vivre, s'enclinèrent à entendre à ses paroles. Et envoiièrent çasqune des dites villes de lors hommes par deviers li à Gant, en li priant que il i vosist pourveir et donner consel conment li wagnages peuist retourner en Flandres. Il lor respondi que aussi feroit il bien et volentiers; et celle response raportèrent à lors gens, chil qui i furent envoiiet. On s'apaisa pour veoir conment se feroit ce que d'Artevelle offroit.
Jaquèmes d'Artevelles, liquels fu moult soubtieus en son temps, envoia messages et lettres deviers le roi d'Engleterre et son consel; et lor segnefia que, se il voloient avoir l'amour dou pais de Flandres et l'entrée generaulment, il envoiassent delivrer le pas et l'ille de Gagant, que les gens dou conte tenoient à l'encontre de euls et des Alemans, et qui là roboient la mer; et n'osoit nuls aler ne venir, ne ariver à l'Escluse. Li rois d'Engleterre et ses consauls regardèrent à ce, et sentirent assés que tout ce estoit raisonnable, et que voirement i pourveroient il. Si fu ordonnés li contes Derbi à estre chiés de ceste armée à tout six cens lances, chevaliers et esquiers, et deus mille archiers. Et li fu dit que il s'en venist par la Tamise à toute sa carge à Gagant, et delivrast l'ille et le pas de ceuls qui le tenoient. Fo 41.
P. 132, l. 21: garnison.—Ms. de Valenciennes: jusques au nombre de deux cens chevaliers et escuiers et bien quatre mille combatans; lesquelx se misrent en l'ille de Gagant, où la ville et toute l'ille leur obeissoit. Et sachiés qu'ilz firent mains maulz et mainte destrousse sur les Englès. Et bien tenoient en cremeur toute le coste d'Engleterre, en monstrant qu'il estoient bonne gent de guerre; et tinrent grant temps le pays en grant subjeccion. Fo 58 vo.
P. 132, l. 23: de le Trief.—Le ms. d'Amiens ajoute: messire Guis, bastars de Flandres, frères au conte, messires Gilles 400 de le Trief [181], messires Jehans et messires Simons de Bruquedent [182]. Fo 28 vo.
§ 62. P. 133, l. 17 et 18: durement.—Ms. d'Amiens: et bien enlangagiet. Fo 30.
P. 134, l. 3: Et quant.—Ms. B 6: Quant ces seigneurs d'Engleterre furent retournés arière en leur pais devers le roy, il luy recordèrent de point en point comment ilz avoient esploitiet; et se escusèrent de che que il avoient tant demouret, car en alant et en venant il avoient bien sejourné neuf mois, mais trop sejournèrent: les raisons y sont et longues à demener, car vous les avés oyes. Mais à ung grant parlement qui se fist à Londres, le roy fut consilliés que il envoiast gens d'armes en Flandres pour combatre aucuns chevaliers et escuiers qui gardoient l'ille de Quagant, les quelz avoient rués jus pluiseurs Englès. Fos 83 et 84.
Ms. d'Amiens: Quant li prelat et li baron d'Engleterre furent retournet en leur pays, il trouvèrent le roy leur seigneur qui les rechupt à joie, monseigneur Robert d'Artois, le comte de Lancastre et les autres barons et seigneurs d'Engleterre, à qui il recordèrent touttes les avenues qui avenu leur estoient et coumment il avoient sejournet à Vallenchiennes, atendans le consseil le roy de Franche, qui point n'estoit venus, et coumment et par priière il envoiièrent monseigneur Jehan de Haynnau et madamme de Valois parler au roy Phelippe, et les responsces telles qu'il eurent del roy, et si comme il leur raportèrent: «Apriès, quant nous veimes que li roys de Franche s'escusoit et que il n'envoieroit point son consseil ne de ses hommes deviers nous, nous eummes advis de mander les seigneurs d'Allemaigne, chiaux qui par bonne alianche se sont mis et acordé à vous. Et vinrent bien et liement; et nous ont juret qu'il vous aideront et conforteront en tous kas, si avant ossi que vous leur tenrés leur couvens. Et vous prient que vous voeilliés ordonner vos besoingnes et passer le mer, par quoi il vous puissent veoir et oïr. Si en esploiteréz, che dient, le miés en touttes vos besoingnes. Encoires, sirez, vous disons nous et segnefions que li comtes de Flandres tient couvertement garnison en l'ille de Gaiant, chevaliers 401 et escuiers et gens d'armes qui gardent le pays de ce costet; et ont jà fait pluiseurs despis et contraires à vos gens, dont bien il vous doit desplaire.»
Quant li roys d'Engleterre oy ces nouvellez, si fut moult penssieux, et n'en y eult nulles qui le peuissent resjoyr, fors celles des Allemans qui li prioient que il volsist passer le mer. Si demanda consseil sus ces besoingnes. Dont respondirent si plus especial amy que, seloncq ce que il pooient entendre et oïr, li roys de France ne quidoit mies que jà il l'osast geriier: «Si vous conseillionz et mettons avant pour vostre honneur que vous voeilliés faire ung parlement, et que nuls parmy vostre royaumme ne s'escuze qu'il ne soit à ceste Saint Michiel à Londrez, prelas, chevaliers et li conssaux des bonnes villez. Et adonc, seloncq ce qu'il vous conseilleront, vous vous ordonnerez.» Li roys s'acorda à che et manda et coummanda à tous comtes, barons et chevaliers, prelas et consaux des bonnes villes, qu'il fuissent à ceste Saint Michiel à Londres, c'om comptera l'an mil trois cens trente sept [183]. Tout obeirent au coummandement dou roy, car ce fu raisons. Et pour ce que riens je n'oublie, car j'ay dit et mis en terme ou coummenchement dou livre que je feray mention de touttes les avenues petites et grandes qui sont avenues où que soit, si vous en paray d'unes qui advinrent en Gascoigne auquez en ce tamps que je vous compte....
A le Saint Michiel, comme dit est, furent li grant parlement à Wesmoustier dehors Londrez, et durèrent troix sepmainnes. Et là furent tout li plus grant et plus sage d'Engleterre, prelat, comte, baron, chevalier et li conssaulx des bonnes villez. Là remoustrèrent li doi evesque, c'est assavoir de Lincelle et de Durem, et li baron et chil qui à Valenchiennes avoient estet, comment il s'estoient maintenu, atendans le consseil de Franche qui oncques ne vot venir, et tout enssi de point en point com vous avés chy dessus oy. Et quant li prelat eurent proposet touttez leurs parollez, li roys se leva en estant, et requist que on le volsist conseillier si à point que ce fust à l'onneur de lui et de son royaumme. Adonc respondirent li plus saige par avis et disent que, tout consideret et imaginet les requests, les voies, les offrez, lez pourkas, les tretiés et lez parlemens que li roys avoit fais et representéz, dont li Franchois ne faisoient nul compte, il ne 402 pooit nullement y estre ne demourer que il ne rendesist son hommage au roy de Franche et le deffiast de lui et de tous ses aidans. Chilx conssaux fu tenus et arestés, et li evesques de Lincelle priiés que de passer le mer et porter les deffianches, liquelx, à le priière et ordounnanche dou roy et des seigneurs, dist que il feroit ce vollentiers.
Encoires fu il dit et arestet que, pour aidier le roy à avoir finance et ses gherres à parmaintenir, chacuns sas de lainne paieroit double imposision, et à durer tant que les gherrez du[re]roient. Et fu là regardé de quel somme on li remforcheroit se mise. Si en respondirent six bourgois, li doi de Londres, li doi de Evruich et li autre doy de Conventre, que on li remforch[er]oit ceste coustumme de trois cens mille nobles par an, et que six cens mille noblez en renderoient il chacun an à trois paiemens.
Encoires fu il consseilliet et arestet que on deffendesist, et sus le teste, parmy le royaumme d'Engleterre, que nuls ne jeuast ne s'esbaniast fors que de l'arch à main et des saiettez, et que tout ouvrier ouvrant ars et saiettes fuissent francq et quittez de touttes debittez.
Encorres fu il ordounnet et aresté que tout chevalier et escuyer et compaignons, servans le roy en se gherre, aroient les saudées dou roy et chacun presist de son paiement seloncq se quantité de demi an; et que tout prisonnier et concquest qu'il poroient faire ne prendre, ce leur demourast à leur prouffit.
Encorres fu ordonné que, sus lez yllez telz que de Cornuaile, de Gernesie, de Wisk, de Hantonne et de Copée, nullez gens d'armes ne de deffensce ne se meuissent, pour semonsce ne mandement que li roys fesist, mais gardaissent leurs marchez et leurs frontières, et presissent et abilitassent leurs enfans à maniier armes et à traire de l'arch, parmy chacun deus estrelins le jour qu'il aroient de pencion sus lez coustummez des lainnez demorans en leurs marchiés.
Encorres fu il ordonné et aresté que tout seigneur, baron, chevalier et honnestes hommes de bonnes villes mesissent cure et dilligence de estruire et aprendre leurs enfans le langhe françoise, par quoy il en fuissent plus able et plus coustummier ens leurs gherres.
Encoires fu il ordonné et deffendu que on ne laisast passer nul cheval outre mer à nulz des lés d'Engleterre, sans le congiet dou cancelier, sus à estre en le indignation dou roy.
403 Encorres fu il ordonnet que de envoiier gens d'armes et archiers en l'ille de Gaiant à l'encontre des Flamens, qui là se tenoient en garnison de par le comte de Flandrez, de quoy messires Guis, bastars de Flandrez, frères au comte, messires Ducrez de Halluin, messires Jehans de Rodes, messires Gillez de le Trief, messires Jehans et messires Simons de Bruquedent estoient chief avoecq pluiseurs autrez. Si en fu priiés messires Henris de Lancastre li jones, qui fu là fès comtes Derbi, cousins germains dou roy, et li comtez de Sufforch, li sires de Bercler, messires Guillaummes Fils Warine, messires Loeis de Biaucamp, messires Richars de Stanfort, messires Gautiers de Mauni qui nouvellement estoit revenus d'Escoce, où pluisseurs bellez baceleries et appertisses d'armes y avoit fait tant qu'il en avoit le grace et l'onnour dou roy et de tous les seigneurs d'Engleterre. Et le retint là li comtez Henris Derbi pour son chevalier et le plus prochain de lui, et fu mis et escrips à estre dou consseil dou roy.
Encoirres fu là ordounnés et confremmés li mariaiges de monseigneur Guillaume de Montagut, qui loyaument avoit servi le roy ens ès gherres d'Escoche et tellement reboutet les Escos avoecq l'ayde de monseigneur Gautier de Mauni, que il ne s'osoient mès apparoir clerement fors en fuiant et en cachant. Et pour lui remunerer ses bons services, li rois li donna le jone contesse de Sassebrin, madamme Aelis, dont il tenoit la terre en se main et en garde, et estoit li une des plus belles jones dammes del monde.
Encoirez y eut pluiseurs ordonnances faittez, devisées et acordées, le parlement seant, qui touttes ne puevent pas estre registrées ne escriptez, et qui furent bien tenues, avoec celles dessus-dittez. Fins de parlemens fu que tout seigneur, comte, prelat, baron, chevalier et bonnes villez se departirent sur l'estat que de yaux pourveir et appareillier, quant requis et semons de par le roy en seroient. Si se parti li evesques de Lincelle pour porter les deffianches par lettrez seellées au roy de Franche, et [fu] enfourmés quel cose il devoit dire....
Or paurons de l'evesque de Lincelle, coumment il vint deffiier le roy de Franche de par le roy d'Engleterre; et puis retourons encore à le matère des Flamens, pour mieux ataindre nostre histoire. Tant esploita li evesques de Lincelle par ses journées que il passa le mer, et chevaucha parmy le royaumme de Franche, et vint à Paris. Et trouva le roy Phelippe bien accompaigniés 404 dou roy de Behaygne, dou roy de Navare, de ducs, de comtez et de baron grant fuison, car che fu à une solempnité de le Toussains, l'an mil trois cens trente sept. Et n'atendoit li roys de France de jour en jour autre cose que de oyr telz nouvellez, seloncq le relation que il avoit oy d'aucuns de ses amis de l'Empire. Et entra li dis evesques de Lincelle en le cambre dou roy, car on li fist voie. Si salua le roy et l'enclina, et tous lez autrez rois enssuiwant; et bailla ses lettrez au roy de France, liquels les rechupt et brisa ung petit signet qui estoit deseure en avant. Elles estoient à ung grant seel pendant, et en parchemin, touttes ouvertez. Si lez regarda li rois ung petit et puis lez bailla à ung sien clercq secretaire; et le fist là lire, lesquellez faisoient mention enssi ou assés priès, si comme j'ay oy recorder depuis chiaux qui aucune cose en devoient savoir, et especialment le seigneur de Saint Venant qui y fu presens:
«Edouwars, par le grace de Dieu roy d'Engleterre et d'Irlande, à Phelippe de Vallois escripsons. Comme ensi soit que par le sucession de nostre chier oncle monseigneur Charlon, roy de France, nous soiions hiretier de l'hiretaige et couronne de Franche par trop plus prochain degré que vous ne soiiés, qui en le possession de nostre hiretaige vous estes mis et le tenés et tenir voulléz de force, si le vous avons nous par pluiseurs fois moustret et fet remoustrer par si digne et si especial avis comme celui de l'Eglise et le saint collège de Romme, et à l'entente del noble Empereour, chief de touttes juriditions; asquelx coses et demandez vous n'avés mies vollut entendre, mais vous estes tenu et tenés en vostre oppinion fondée sus tort. Pour quoy nous vous certefions que le nostre hiretaige de Franche nous requerrons et concquerrons par le puissance de nous et des nostrez; et de ce jour en avant deffions vous et les vostrez de nous et des nostrez, et vous rendons foy et hoummaige que sans raison vous avons fait; et remetons le terre de Pontieu avoecq nostre autre hiretaige en le garde de Dieu, non en le vostre, qui ennemy et adverssaire vous tenons. Donné à nostre palais à Wesmoustier, present nostre general consseil, le dix neuvième jour dou mois de octembre.»
Et quant li rois Phelippes eut oy lire ces lettrez, si se retourna viers l'evesque de Lincelle; et n'en fist par samblant mies trop grant compte, et coummença à sourire et dist: «Evesque, vous avés bien fet che pour quoy vous estiéz chy venus. A ces 405 lettres ne convient point rescripre. Vous vous povés partir quant vous voulléz.»—«Sire, dist li evesque, grans merchis!» Dont prist congiet et retourna à son hostel, et se tint là tout le jour. Sus le soir, li roys li envoya ung bon sauf conduit pour lui et pour tous lez siens, sus lequel sauf conduit il rapassa parmy le royaumme de Franche sans peril; et revint en Engleterre deviers le roy et les barons, à qui il recorda comment il avoit esploitiet. Si en eurent li Englès grant joie.
Or vous dirons dou roy de Franche. Quant il eut veut lez deffianches dou roy d'Engleterre, il les fist coppiier et les envoya en pluiseurs lieux par son royaumme et hors de son royaumme, affin que li seigneur ewissent advis et consideration sus, et especialment au comte de Haynnau, son neveult, et au duch de Braibant. Et leur manda estroitement que il n'ewissent nulle alianche au roy d'Engleterre; et se il l'avoient ou faisoient, il leur arderoit leur pays, ensi au comte de Bar et au duch de Lorainne; mès de cheux n'estoit il nulle doubte, car il estoient bon Franchois et loyal. Et envoya tantost li roix pourveir et regarder en ses garnisons, sus lez frontières de l'Empire, car des Allemans n'estoit il mies trop asseuret. Et manda à chiaux de Tournay, de Lille, de Bietune, d'Arras et de Douay qu'il fuissent sus leur garde, et pourveissent et fortefiassent les villez, pour atendre siège ou assaut, se mestier faisoit; et ossi que il presissent garde as castiaus et ens ès casteleries d'entour yaux, et renouvelassent officiiers, et les rafresquissent de touttez coses necessaires pour le gherre.
Et envoya li roys à Saint Ommer, à Gines, à Kalais, à Boulongne et là environ gens d'armes, pour garder les frontièrez, ossi à Abeville [184], au Crotoi, à Saint Waleri, à Eus, à Dieppe, à Harflues, à Honneflues et en toutte le Normendie, jusques en Bretaigne et Pontorson et mouvant de le Bretaingne jusquez en le Rocelle, et [de] le Rocelle à Saintongle et tout le Poitau en revenant en Limozin, en Roherge, en Aginois et en Thoulousain et tout le Nerbonnois, le Charcasonnois, Bedarioiz, Aigemortes, Biaukaire, Montpellier et Nimes, et jusques as portes d'Avignon 406 et toutte le rivière de Rosne, le Pont Saint Esperit, Viviers, Tournon, Salière, le bourch d'Argental, Viane, Lions et toutte le comté de Foriest, le terre le seigneur de Biaugeu, le comté de Mascons, Tournus et tout jusqu'à Challon sus le Sone, et toutte le comté et le duchié de Bourgoingne, costiant l'Alemaigne, l'Ausay et le terre de Montbliart jusques en l'evesquet de Lengres, et toutte le Campaigne costiant le Lorraine; l'evesquet de Thoul et l'evesquet de Mièz, revenans jusques à Rains et à Chaalons et toutte le comté de Rethers, Doncheri et Massièrez et cez fors castiaux sour le rivière de Meuse, costiant l'Ardenne, l'evesquet de Liège et Flimain et le Haynnau et le terre monseigneur Jehan de Haynnau et toutte le comté de Roussi, de Porsiien, de Brainne et l'evesquet de Laon.
Et escripsi ammiablement et fiablement à ciaus de Cambray que il li fuissent amic et bon voisin en tous cas, et il leur seroit, se mestiers en avoient; et envoya messire Godemar dou Fai à Tournay demourer et sejourner, pour regarder à le chité et ou pays d'environ; et mist le seigneur de Biaugeu en Mortaigne sus Escaut, pour garder che passaige. Et mist encoires sour mer grant cantitet de Normans et de Geneuois, de quoy messires Hues Kierés, messires Pières Bahucés et Barbevaire estoient cappitainne; et leur coummanda et enjoindi que il ardissent en Engleterre, au plus tost qu'il poroient. Et dounna à son chier cousin monseigneur Jaquemon [185] de Bourbon, le comté de Ponthieu et touttes les appendances, en foi et en hommaige et à tenir de lui; liquelx en prist le possession, et y amena medamme sa femme.
Quant li rois de France eut ensi ordonnet et fet pourveir, rapareillier et rafrescir touttez les frontières de son royaumme, tant sur mer comme par terre, si escripsi il et manda fiablement au comte de Flandre sen cousin que il ratresist et tenist à amour ses gens, par quoy li Englès n'ewissent nulle aliance à yaux; et y envoya de par lui le comte de Vendome et le seigneur de Montmorensi, pour tretier à yaux qu'il fuissent amic et bon voisin au royaumme de Franche, et il leur tenroit toudis les pas ouviers de Tournay, de Bietune, d'Aire, de Saint Omer et dou Warneston sus le Lis [186], et aroient à leur vollenté bleds et tous grains pour 407 comforter leur pays. Et allèrent chil seigneur de bonne ville en bonne ville remoustrer touttes ces coses, de par le roy de Franche. Li aucun s'i asentoient, mès li plus non; car li waignages de le drapperie leur touchoit plus au ravoir avoecq les lainnes d'Engleterre, que il ne fesissent adonc bleds ne avainnes [187], car de tout ce avoient il assés et à grant marchiet. Touttes fois lisent tant chil seigneur de Franche que, quant il se partirent de Flandres, il laiièrent le comte Loeys à Gand assés aimablement dalés Jakemon d'Artevelle et chiaux de Gand; mès depuis n'y demoura il mies longement, ensi comme vous oréz. Fos 24, 27 et 28.
P. 134, l. 5: Valenciènes.—Ms. de Rome: Chil signeur d'Engleterre sejournoient en Valenchiennes si honnourablement que vous avés oy. Et qant il veirent que il avoient en partie achievé ce pour quoi il estoit venu à Valenchiennes, car il ne faisoient riens que ce ne fust par le consel dou comte et de son frère, qant il orent esté à Valenchiennes plus de demi an et despendut biau cop d'argent, tant en dons pour avoir l'amour des signeurs de l'Empire que en lors menus frès, il prissent congiet au comte et à son frère, et se missent au retour et vinrent à Louvain. Et là trouvèrent le duch [de Braibant] qui lor fist très bonne chière, et les tint ung jour tout aise dalés li; et parlèrent ensamble de biau cop de coses. Et puis s'en partirent, et vinrent en Anvers; et trouvèrent vassiaus d'Engleterre tous prês pour euls, qui là les atendoient. Li pluz de ces signeurs laissièrent lors cevaus au sejour en Anwiers, car bien savoient que il en aueroient encores à faire; et li auqun passèrent les lours, et li aultre les vendirent. Si entrèrent tout ens ès vassiaus, qui estoient ordonné pour euls; et retournèrent sanz peril et sans damage en Engleterre, et trouvèrent le roi à Windesore et la roine. Si lor recordèrent conment il avoient esploitié, et les bons amis que il avoient delà la mer.
A toutes ces paroles et remoustrances estoit et fu toutdis messires Robers d'Artois, qui trop grandement fu resjois de ces nouvelles, et dist ensi au roi: «Monsigneur, je le vous ai bien tous jours dit: vous trouverés plus d'amis et de bon confort delà la mer que vous ne quidiés, car onques Alemant ne peurent amer
408 les François; il vous feront roi de France, car chils qui l'est, n'i a nulle juste cause. Et les poins et les articles com prochains vous estes de la couronne, je vous ai pluisseurs fois remoustré: se les calengiés et mettés oultre. Puis que on vous voelt aidier à esclarcir vostre droit, ne soiiés pas negligens, mais diligens à demander ce qui est vostre; si en serés prisiés et amés de vostre peuple, car il demandent la guerre. A ce que je puis veoir et percevoir, en Engleterre il ne desirent que la gerre. Et vous avés biau et grant conmencement pour vous, car jà avés vous si sousmis les Escoçois que il ne se poront aidier ne relever en grant temps. Ce sont segnefiances de tous biens, et que les bonnes fortunes seront pour vous. Fo 39 vo.
P. 134, l. 12: disoit.—Ms. de Valenciennes: pour doubte d'estre ruez jus des escumeurs, qui estoient là de par le conte de Flandres. Fo 50.
P. 135, l. 4: Si ordonna.—Ms. d'Amiens: Si en fu priiés messires Henris de Lancastre li jones, qui fu là fès contes Derbi, cousins germains dou roy, et li comtez de Sufforch, li sires de Bercler, messires Guillaummes Filz Warine, messires Loeis de Biaucamp, messires Richars de Stanfort, messires Gautiers de Mauni qui nouvellement estoit revenus d'Escoce où pluisseurs bellez baceleries et appertisses d'armes y avoit fait, tant qu'il en avoit le grace et l'onnour dou roy et de tous les seigneurs d'Engleterre. Et le retint là li comtez Henris Derbi pour son chevalier et le plus prochain de lui; et fu mis et escrips à estre dou consseil dou roy. Fo 27 vo.—Le ms. de Rome ajoute à ces noms: messires Renauls de Gobehen, messires Rogiers de Biaucamp. Fo 41.
P. 135, l. 12: à Londres.—Ms. B 6: Sy se partirent de Gravesaindes, sur le Tamise, là où il avoient fait toute leur pourveanche et leur asamblée. Fo 85.
P. 135, l. 15: cinq cens.—Ms. de Valenciennes: huit cens. Fo 60 vo.—Ms. B 6: mille hommes d'armes. Fo 85.—Ms. de Rome: six cens. Fo 41.
P. 135, l. 18: Gravesaindes.—Ms. d'Amiens: devant Gravesande [188], bien pourveus et abilliés de naves, de vaissiaus, de bourses, de scutes et de hokebos armées et fretées. Fo 28 vo.
P. 135, l. 19: devant Mergate.—Ms. d'Amiens: De le seconde 409 marée, il vinrent devant Mergate et furent là un soir; et, le nuit et environ mienuit, il se desancrèrent et tendirent leurs voillez au plain, car il avoient vent à souhet; et se boutèrent en mer et singlèrent tout jour, et vinrent assés priès de Gaiant à heure de nonne. Fo 28 vo.—Ms. de Rome: A l'endemain, il s'en departirent qant la mer fu revenue, et vinrent devant Mergate et là ancrèrent et furent deus jours, car il avoient vent trop contraire pour entrer en la mer. Au tierch jour, li vens lor revint; si desancrèrent et se boutèrent en la mer et prissent le chemin de Flandres. Fo 41.
P. 135, l. 25: trente sept.—Ms. A 1: trente huit. Fo 34 vo.—Mss. A 20 à 22: trente neuf. Fo 58 vo.
§ 63. P. 136, l. 4 et 5: en Gagant.—Ms. d'Amiens: et sur le mer estoient. Fo 28 vo.
P. 136, l. 10: jusques à seize.—Ms. de Valenciennes: bien dix huit. Fo 60 vo.
P. 136, l. 10 et 11: cinq mil.—Ms. de Valenciennes et ms. B 6: quatre mille. Fo 60 vo.
P. 136, l. 16: de Halluin.—Ms. de Rome: messires Jehans nonmés Ducres de Halluin. Fo 41 vo.
P. 136, l. 20: Pières.—Mss. A 20 à 22: Jehans. Fo 59.—Le ms. de Rome ajoute à ces noms: messire Pière d'Ippre, messires Lois Vilains, messire Bauduin Barnage, mesire Robert Marescal, messire Ernoul de Vors. Fo 41 vo.
P. 136, l. 25: des Englès.—Ms. de Rome: Evous venus les Englois en ordenance de bataille, les archiers tous devant. Qant li vassiel aprochièrent, li chevalier qui dedens Gagant se tenoient, conneurent que chil qui les venoient combatre, c'estoient Englois, car il veirent les banières, les pennons et les estramières des lupars d'Engleterre qui voloient amont sus ces nefs et baulioient au vent. Qant li Englès aprochièrent, il i ot grant noise de tronpètes et de claronchiaus. Donc conmenchièrent archier à traire de grant randon et ensonniier gens, et gens d'armes entre euls à aprochier pour prendre terre. Là ot fort hustin et dur, et traioient arbalestrier à pooir, mès Englès n'en faisoient compte, car archier sont trop plus isniel au traire ne sont arbalestrier. Et furent en cel estat un grant temps, et tant que la mer fu toute retraite, et que les vassiaus d'Engleterre demorèrent tout aresté sus le sabelon. Fo 41 vo.
410 § 64. P. 137, l. 31: filz Warine.—Mss. A 11 à 14: fil Vastier. Fo 34.—Editions de Vérard et de D. Sauvage: fils au comte de Warvich. Ed. de Sauvage de 1559, p. 41.
P. 138, l. 5: main à main.—Ms. de Rome: Au voir dire, li archier ensonnioient trop grandement les asallans et desfendans Flamens; et furent en cel estat bien quatre heures, tousjours desfendans et asallans. Fo 41 vo.
P. 138, l. 8 et 9: plus de trois mille.—Ms. de Valenciennes: de deux à trois mille. Fo 61.—Mss. A 20 à 22 et ms. B 6: trois mille. Fo 59 vo.—Mss. A 8 et 9, 15 à 17: plus de quatre mille. Fo 33.
P. 138, l. 13: Gilles de le Trief.—Mss. A 11 à 14: Guillaume de Lestrief. Fo 34.—Mss. A 15 à 17: Jehan de le Trief. Fo 36.—Ms. de Valenciennes: Gille de le Triest. Fo 61.
P. 138, l. 14: vingt six.—Ms. B 6: dix huit. Fo 86.—Ms. de Rome: jusques à douse chevaliers et bien trente esquiers, tous gentils hommes, que de Flandres, que d'Artois. Et i ot grande occision des aultres hommes; et les caçoient les Englois jusques à la mer et les faisoient sallir dedens, et plus chier ils avoient à noiier que à morir de glave. Fo 41 vo.
P. 138, l. 18: Et retournèrent.—Ms. de Rome: Qant les Englois furent signeur de l'ille et de la ville de Gagant, il le fustèrent et coururent toute et puis boutèrent le feu dedens, qant il s'en deurent partir; et rentrèrent en lors vassiaus, et dormirent là à l'ancre tant et si longement que vens lor revint. Et bien le savoient chil de Bruges, dou Dan et de l'Escluse, mais il estoient tout resjoy de che que on lor avoit delivré le pasage de ceuls qui trop longement l'avoient tenu. Qant li Englois orent vent pour ceminer, il se desancrèrent de là et retournèrent viers Engleterre, et enmenèrent lor butin et lors prisonniers. Et fissent tant par l'esploit dou vent que il entrèrent en la rivière de la Tamise, et prissent terre au kai à Londrez. Et acquist li jones contes Henri Derbi en sa nouvelle chevalerie grant grasce et grant renonmée de celle besongne. Et aussi fissent tout chil qui avoecques li avoient esté, et par especial messirez Gautelés de Mauni. Fo 42.
P. 138, l. 19: en Engleterre.—Ms. de Valenciennes: à tout leur gaignage, nonobstant que ce ne fu point sans perdre de leur gens. Fo 61.
411 P. 138, l. 20: au roy.—Ms. B 6: en ou palais de Wesmoustier. Fo 86.
P. 138, l. 23: prison.—Ms. B 6: et l'onnoura assés selonc son estat, et le laissa aler parmy Londres recreu sur sa foy. Fo 86.
P. 138, l. 23: li quels.—Ms. de Valenciennes: par les promesses que les Englès lui firent. Fo 61.
P. 138, l. 24 et 25: d'Engleterre.—Ms. de Valenciennes: par convoitise. Fo 61.
§ 65. P. 138, l. 27: Apriès.—Ms. d'Amiens: Apriès le desconfiture de Gaiant, ces nouvellez s'espardirent en pluisseurs lieux. Si en furent chil de le partie le comte courouchiet, et chil de le partie le roy d'Engleterre tout joiant. Et disoient bien [cil de Flandres] que, sans raison ne leur volenté, li comtes les avoit là mis. Et eurent advis en Flandrez li conssaulx des bonnes villez, par le pourkac et enort de Jaquemon d'Artevelle, que il envoieroient douze bourgois des six meilleurs villez de Flandrez deviers le roy d'Engleterre, escuzer le pays de ceste besoingne de Gaiant, et que nullement il ne se consentirent oncques que là il se tenissent de leur acord. Et plus avant, se il plest au roy d'Engleterre ariver en Flandrez, où que soit, il en seront tout joiant; et il presteront et ouveront le pays pour passer, sejourner, demourer, partir et retourner par paiier touttes coses, dont il en seront servi et aisiet. Chil douze bourgois partirent enformet et adviset sus le mannière que j'ay dit: et vinrent en Engleterre et trouvèrent le roy adonc à Eltem, liquelx les rechupt assés liement, car il en quidoit grandement mieux valloir, ensi qu'il fist. Et li dissent comment Jacquèmes d'Artevelle et tous li especialz conssaulx de Flandres se recommandoient à lui, et s'escusoient de le ville de Gaiant et des gens d'armes qui trouvet y avoient estet, que ce n'avoit estet point li fais ne li acors dou pays de Flandrez, mès dou comte seullement et dou roy de Franche.
Que vous feroie je loing compte? Tant parlèrent, et si bellement et si sagement remoustrèrent leur messaige, que li rois s'en contenta. Et leur respondi que, dedens le jour dou Noel prochain venant, il seroit en Anwers, car là faisoit on ses pourveanches: si y amenaissent le comte leur seigneur deviers lui, pour savoir quel cose il volloit faire; ou que li pays de Flandrez fust tellement 412 advisés et conseilliéz, se li comtes n'y volloit estre, que jà pour ce ne demorast que il ne fuist leurs boins amis. Et il donnoit parmy tant respit à tous allans et à tous venans, jusques au premier jour de jenvier. Ensi le raportèrent li douze bourgois à Jaquemon d'Artevelle, et au consseil des bonnes villez de Flandres, en le ville de Gand. Si en furent tout liet, quant il seurent que li roys d'Engleterre passeroit, et supposèrent assés que il le trouveroient tretable et aimable; mès, qui en fuist liés, li comtes de Flandres n'en eult point de joie. Fo 29.
Ms. B 6: Tantost après (l'affaire de Cadzand), le roy d'Engleterre fist clore tous les pas de mer, afin que nulles laines ne venissent en Flandres. Adonc le pais de Flandres fut en grant tribulacion, et la draperie toute perdue.... Fo 86 et 87.
Cheluy Jaques d'Artevelle avoit le cuer plus englès que françois, et pressa tant la querelle du roy d'Engleterre par my Flandres que tout le pais fut englèz. Et manda et escripsy au roy d'Engleterre, par my grans consauls et traitiers qui furent entre les Flamens et les Englès, que il venist seurement en Flandres ensy que il luy plaisoit: les Flamens le verroient moult vollentiers, et moult le desiroient à veoir. Le roy d'Engleterre, qui moult desiroit que par moien de aquerre en Flandres, en Haynau, en Brabant des amis, adonc fut moult resjois de l'aliance que il avoit en Flandres; et tint Jaques de Hartevelle en grant amour, car bien savoit que c'estoit par le dit Hartevelle. Sy fist le roy d'Engleterre rendre à Flamens tout les droitures de mer, et laissa courir toute marchandise par my leur pays, et remist l'estaple de laignes à Bruges quy eslongiet leur estoit. Dont les Flamens en eurent grant joie.
Assés tos après, le dit roy d'Engleterre s'avisa, par my le consail et enhort qu'il eut de messire Robert d'Artois, que il vendroient prendre port en Flandres ou en Brabant, auquel lés il plairoit au duc de Brabant son cousin, au duc de Gherdres, au conte de Mons, au marquis de Julers, au seigneur de Faulquemont et à Jaques de Hartevelle et à ceulx qui devoient aydier à faire sa guerre. Fos 92 et 93.
Ms. de Rome: Or s'espardirent ces nouvelles en Flandres, en France et ailleurs, que chil qui en garnison s'estoient tenu un grant temps en l'ille de Gaant, estoient tout desconfi, et la ville tellement arse que on ne savoit où retraire: li contes de Flandres 413 en fu durement courouchiés, et Jaquèmes d'Artevelle et tout chil de sa sexste resjoy.
Pour ce, se l'ille de Gaant fu delivrée des Flamens, chevaliers et esquiers, qui gardé l'avoient un lonch temps au conmandement dou comte de Flandres, ne se retourna pas si tos li wagnages ne la marceandise ou pais de Flandres, car Jaquèmes d'Artevelle i mist empecement, je vous dirai conment. Voirs est que li englois marceant, liquel avoient sus le qai à Londres et ailleurs pluisseurs nombres de sas de lainnes, en desiroient à avoir lor delivranche, pour atraire à euls les deniers. Aussi li marceant de Flandres et de Braibant et li drapier lez desiroient à avoir et à acater, pour faire ouvrer et mettre en la draperie, ensi que usages est que tout pais vivent et s'estofent et gouvernent l'un de l'autre. Et tout ce sentoit et savoit bien de la necessité Jaquèmes d'Artevelle. Et tantos apriès la bataille de Gaiant, il escripsi au roi d'Engleterre et son consel que point ne se hastassent de envoiier en Flandres ne à l'Escluse les marceandises d'Engleterre; et les tenist encores closes, jusques à tant que on aueroit aultres nouvelles de li. Li rois d'Engleterre et ses consauls, qui se voloient rieuler de tous poins par sen ordenance, entendirent à ces lettres et segnefiances dou dit d'Artevelle, pour veoir quel cose il vodroit dire et faire.
Qant chil de Bruges, dou Dan, de l'Escluse, d'Ipre et de Courtrai et dou tieroit dou Franc veirent que la mer n'estoit non plus ouverte apriès la bataille de Gaiant comme en devant, si conmenchièrent à murmurer generaulment, et à dire li uns à l'autre, ens ès villes: «Jaques d'Artevelle nous donnoit anten à entendre que il avoit le wagne de la draperie en la main, et le nous feroit avoir toutes fois qantes fois que il vodroit. Nous quidions que la maladie iessist dou lés deviers Gaiant, et par ceulz qui là se tenoient en garnison. Or en est li pas delivrés, et se ne retourne point la marceandise en Flandres. Ce seroit bon que on alast à Gaind parler à lui, et savoir à quoi il perist.»
Sus cel estat, tout s'acordèrent. Et se quellièrent des bonnes villes de Flandres auquns notables honmes, et vinrent à Gaind; et parlèrent à d'Artevelle, et proposèrent toutes les paroles desus dittes. Il respondi à celles et dist: «Il est verité que je di ensi et encores le dis je. Se vous volez que li proufis et li wagnages vous retourne, il fault que vous aiiés aliances grandes et fortes au roi d'Engleterre, dont li proufis vous puet venir, et qui vous 414 a, des ennemis de la mer qui se tenoient à Gaiant, delivré le pais. Par celle voie, l'ai je toutdis ensi entendu et non aultrement. Et se vous, qui chi estes envoiiet de par la grignour partie des bonnez villes de Flandres, volés venir avoecques moi en Engleterre parler au roi et à son consel, nous esploiterons tellement que nous remeterons le wagnage et le pourfit ou pais de Flandres.» Donc respondirent li plus sage de la compagnie et dissent: «Sire, nous ne sonmes pas cargiet si avant que nous vous acordons le voiage. Nous retournerons casquns en sa ville, et meterons les bonnes gens ensamble, et leur recorderons ce que nous avons oy de vous; et ce que il en vodront faire, on le vous segnefiera et bien briefment.»—«A la bonne heure,» respondi d'Artevelle.
Il prissent congiet; il se departirent de Gaind, et retournèrent casquns en lors lieus. Et missent les consauls des bonnes villes ensamble, et remoustrèrent tout ce que vous avés oy. Euls consilliés bien et par grande deliberation et pour le conmun pourfit de Flandres, avoecques ce que li contes estoit trop grandement haïs ou pais, tant pour l'amour dou signeur Courtrissien lequel il avoit fait decoler que pour aultrez souffissans honmes, ens ès bonnes villes acordé et ordonné fu que, avoecques Jaquemon d'Artevelle, de toutes les bonnes villes de Flandres, iroient en Engleterre deus honmes; et chil qui là seroient envoiiet prieroient au roi d'Engleterre que les marceandises des lainnes, les quelles lor sont moult necessaires, il vossist consentir que elles retournassent en Flandres, tant que il en fuissent aisiet et servi, ensi que dou temps passé avoient esté; et il tenroient generaument par toute Flandres l'ordenance et le trettié que chil de Gaind avoient juret à tenir et proumis par lettres et seelés à l'evesque de Durem et à ses conmis, qant darrainnement il furent à Gaind.
Sus cel estat, s'ordonnèrent chil qui esleu furent, d'aler en Engleterre avoecques Jaquemon d'Artevelle. Et li dis d'Artevelle estoit jà tous pourveus de son estat, grant et estofé aussi bien conme uns contes; et s'en vint à Bruges, et fu là requelliés ensi conme uns sires dou pais. Tout li aultre bourgois des bonnes villes de Flandres vinrent à Bruges, et là s'asamblèrent. Et qant tout furent venu, il vinrent à l'Escluse; et trouvèrent deus vassiaus tous prês, pour euls porter, et deus hoquebos pour lors pourveances. Si entrèrent ens ès dis vassiaus, et se desancrèrent 415 et se departirent de l'Escluse; et esploitièrent tant, à l'aide de Dieu et dou vent, que il entrèrent en la Tamise, et vinrent à Londres. Et issirent sus le qai hors de lors vassiaus, et se logièrent tout à lor aise en la rue de la Riole.
Pour ces jours, se tenoient li rois et la roine à Eltem, à sept lieues englesces de Londres, liquel furent tantos enfourmé de la venue des Flamens. Li rois, qui desiroit à savoir lor entente et pourquoi il estoient venu, leur segnefia que il venissent parler à lui; et si escripsi et envoia ses lettres et ses messages deviers son consel, et lor manda que tantos et sans delai il venissent à Londres. Jaquèmes d'Artevelle et li Flamench vinrent à Eltem tout premierement veoir le roi et la roine, liquel les requellièrent moult courtoisement. Et là lor remoustra li dis Jaques, en la presence de tous ses compagnons, ce pour quoi il estoient venu et là envoiiet. Et prioient les conmunautés des bonnes villes de Flandres que ce fust la plaisance et l'acort dou roi que l'estaple et la marceandise des lainnes peuist venir en Flandres, ensi que aultre fois avoit fait. Li rois respondi à ce et dist que il en aueroit avis et consel, et en seroient de lor demande et requeste respondu dedens un jour que il lor nonma, et seroit la response faite ens ou palais de Wesmoustier. De cez paroles il se contentèrent assés.
Si disnèrent ce jour tout chil Flamenc en la cambre dou roi et de la roine. Et lor fu moustrée la plus grant amour conme on pot, et par especial à Jaquemon d'Artevelle, car bien sentoient li rois et la roine que il estoit tous souverains des aultres, et aussi que de bonne amour il les amoit. Et parla aussi li rois à li, à part, de pluisseurs coses. Et d'Artevelle, qui voloit l'augmentation dou roi d'Engleterre, li remoustra tout bellement la voie et la manière conment il poroit entrer en la grasce dou pais de Flandres, avoech ce que il i rendoit et renderoit grant painne. Qant il orent assés parlé ensamble, li Flamenc prissent congiet pour celle heure; et retournèrent à Londres, et atendirent que li rois vint à Wesmoustier, et que tous ses consauls fu venus à Londres.
Adonc furent li Flamenc mandé au palais; il vinrent. Là furent oy de tout ce que il vodrent dire; il furent respondu si courtoisement que il s'en contentèrent, car il empetrèrent tout ce que il vodrent avoir. Et aussi il proumissent au roi là, ou cas que il vodroit passer la mer à une qantité de gens d'armes et 416 d'archiers, il seroit requelliés en Flandres bellement et doucement. Et se li dus de Braibant, son cousin, et li contes de Gerlles son serouge et li marqis de Jullers et les Alemans qui avoecques lui s'estoient aliiet, voloient desfiier le roy de France, il trouveroit les communautés de Flandres tout apparilliet pour aler, fust devant Tournai ou Cambrai, là où il les vodroit mener. Li rois d'Engleterre, qui très grant desir avoit de faire sen emprise, les oy volentiers parler, et les remercia; et lor dist que sans faute, dedens la Saint Jehan Baptiste, il seroit oultre la mer.
Ensi se portèrent ces ordenances. Li Flamenc eurent dou roi tout ce que ils desiroient à avoir, et retournèrent arrière en Flandres et i raportèrent le wagnage, car la mer fu ouverte. Et vinrent les lainnes en Flandres, à l'Escluse, au Dam et à Bruges; et là les venoient querre et acater li marceant drapier de Braibant, et tout chil qui les voloient avoir. Fo 42.
P. 139, l. 17: grosses.—Ms. d'Amiens: Et jà estoient ses pourveances faitez en Anwiers, car il desiroit à là venir pour savoir bien parfaitement l'entention dou duch de Braibant, son cousin, dou duch de Gerlles et de celi de Jullers et des Allemans. Fo 29.—Ms. de Rome: Tout cel ivier, ordonna li rois d'Engleterre ses pourveances grandes et grosses. Et, qant ce vint à l'esté que on compta en l'an de grasce Nostre Signeur mil trois cens trente et huit, environ la Saint Jehan Baptiste, il prist congiet à la roine Phelippe sa fenme; et li ot en couvenant par sa foi que, se il veoit que sejourner le couvenist longement par deçà la mer, que il le remanderoit. La bonne dame s'apaissa sur ce et demora à Windesore, et là tint son hostel, et jà avoit son fil qui portoit le nom dou père, Edouwart, et fu puis princes de Galles. Et demora la roine ençainte et priès que sus ses jours: ce fu de une fille, qui ot nom Issabiel, et puis fu dame de Couci, ensi que vous orés recorder avant en l'istore.
Qant tout chil que li rois voloit mener avoecquez lui furent venu à Londres, et la navie toute preste, et chil ordonné qui garderoient le pais et la frontière d'Escoce, li rois entra en son vassiel; et tout li aultre entrèrent ens ès vassiaus, qui estoient ordonné pour euls, sus la rivière de la Tamise. Si levèrent li maronnier les voillez, et sachièrent les ancres à mont, et se departirent dou havene de Londres; et entrèrent dedens la mer, et avoient le vent et la merée pour euls. Fo 43.
P. 139, l. 19: acompagniés.—Ms. d'Amiens: le roynne 417 avoecq lui, qui toutte enchainte estoit, messires Robiers d'Artois, li comtez Derbi, li comtez de Warvich, li comtez de Pennebrucq, li comtez de Sufforch, li comtez d'Arondiel, li comtez de Kent, li evesques de Lincolle [189], li evesques de Durem, messires Regnart de Gobehen, messires Richars de Stamfort, li sirez de le Ware, messires Guillaummes Filz Warine, li sirez de Biaucamp, messires Gautiers de Mauni, li sirez de Ferières, messires Phelippes de Hastingez, li sirez de Basset, li sirez de Willebi, li sirez de Brasseton et pluiseur autres; et eurent vent à souhet et arrivèrent ou havene de Anwiers, environ le Saint Obert et Sainte Luce. Fo 29.—Ms. B 6: En sa compaignie fu madamme sa femme, avecques luy messire Robert d'Artois, quy s'apelloit conte de Richemont. Fo 94.—Ms. de Rome: En la compagnie dou roi, avoit grant fuison de barons et de chevaliers d'Engleterre. Et i estoit messires Robers d'Artois, qui toutes ces coses avoit atisies et eslevées. Et esploita tant ceste navie que, sans peril et damage, il arivèrent en Anwiers, la nuit Saint Jaque et Saint Cristofle. Fo 43.
P. 139, l. 23: gens vinrent.—Ms. d'Amiens: Ensi se detria ceste cose ung grant temps, et tant que li roys d'Engleterre assambla ung grant parlement à estre à Anwers. Et y furent li dus de Braibant, li comtez [190] de Gerllez, ses serourges, li marchis de Jullers, li comtez de Clèves, li comtez de Saumes, li marchis de Blancquebourc, li sirez de Fauquemont [191], messires Jehans de Haynnau; mès li comtez de Haynnau n'i fu point, car il dist que il n'y avoit que faire, de quoy li roys de Franche li seult grant gret de ceste excusanche. Fo 30.
Ms. B 6: Quant le duc de Brabant sceut la venue de son cousin le roy d'Engleterre, sy envoia devers luy de ses chevaliers, à cause de les bien vignier. Et ly jones conte de Haynau, ses serouges, le vint veoir. Et osy fist Jaques de Hartevelle. Entre les quelz et le roy il eult grans alianches et aprochemens d'amours. Depuis, vinrent ces seigneurs d'Alemaignes les uns après les autres, qui moult le desiroient à veoir. Sy eult là grant parlement ensamble, as quelz le jone conte de Haynnau ne volloit point estre; mais disoit à che commenchement qu'il demouroit franchois et delés le roy son oncle. Fo 94.
418 Ms. de Rome: Et chils qui premierement i vint, ce fu messires Jehans de Hainnau, dont li rois li sceut grant gret, car par li et par son consel en partie il se voloit ordonner. Apriès, vint li dus de Braibant, son cousin germain, et puis li contes de Gerlez et li marchis de Jullers. Fo 43.
P. 140, l. 1: Anwiers.—Ms. d'Amiens: Assés tost apriès che que li roys englès fu arivéz en Anwiers, la roinne sa femme ajut d'un fil qui fu appeléz Lions [192], et y eut grant feste à le relever. Et y fut li comtez de Haynnau, frères à le roynne, messires Jehans de Haynnau, onclez de la damme et que li roys en ce tamps amoit mout, et grant plenté de chevalerie de Haynnau qui estoient alé veoir le roy et le roynne et qu'il n'avoient veut, trop grant temps avoit.
Endementroes, tretoit Jaquèmes d'Artevelle enviers le conte de Flandrez que il se volsist aviser et aler avoec son plus especial consseil deviers le roy d'Engleterre, et fesist tant que il demouraist ses amis. Mais li comtes n'y avoit nulle plaisanche ne affection de venir ne d'aller, et disoit bien que, pour aperdre toutte le revenue de Flandrez, il ne s'acouvenencheroit jà ne aloieroit au roy d'Engleterre, pour gheriier le roy de Franche son cousin ne le royaumme. Et se doubta li comtez que de forche on ne l'i menast, et li fesist on faire cose dont il fuist courouciés apriès. Si se parti [193] de Flandrez, et enmena le comtesse madamme Margherite sa femme et Loeis leur fil; et s'en vint en France [194] dalléz le roy Phelippe, qui très vollentiers le rechupt, et le [195] asigna d'une somme de florins tous les mois à recepvoir, pour son estat tenir et aidier à parmaintenir.
Quant chil de Flandrez virent que li contez leurs sirez estoit secretement partis et widiéz le comtet et trèz deviers le roy de Franche, et que il n'avoit nulle volenté de y estre de l'alianche des Englès, si se conseillièrent enssamble coumment il poroient parseverer. Et eurent consseil par l'acord de d'Artevelle, qui au voir dire estoit plus favourables au roy englès que il ne fuist au roy de Franche, que il s'en yroit, bien acompaigniés des plus 419 richez et honnerablez bourjois de Flandrez, deviers le roy d'Engleterre qui estoit en Anwiers, et saroient une partie de sen entente.
Et s'en vint adonc d'Artevelle, lui acompaigniés de soissante bourgois des plus grans de Flandrez, en Anwiers deviers le roy, qui liement rechupt d'Artevelle et tous les autres pour l'amour de lui, car on li avoit bien dit qu'il estoit souverains en Flandres, et que deseure lui n'y avoit nul plus grant. Pour ce le festia et requelli li roys amiablement; et li dist que, pour l'amour de lui, toutte Flandrez en vauroit mieux. Et rendi là adonc li roys d'Engleterre as Flammens l'estaple et le marchandise dez lainnez que jà leur avoit tolut plus de troix ans, parmy tant que il pooit et tout li sien aller, armet et desarmet, parmy le comté de Flandre, et ariver où qu'il li plairoit. Et de ce furent faittez lettrez seellées dou roy et des bonnes villes de Flandres.
Encorres requist li roys as Flammens que il volsissent avoecq lui gheriier le royaumme, et entrer en Tournesis et en le castelerie de Lille et de Douay et ardoir; mès li Flammens s'escusèrent à ce donc au roy d'Engleterre. Et dissent que il estoient si fortement obligiet enviers le roy de Franche que il ne le pooient grever, ne entrer de fet en son royaumme, que il ne fuissent ataint d'une si grant somme de florins que à malaise en poroient il finer. Et li priièrent que ce li volsist souffire, jusques à une autre fois, qu'il y aroient mieux cause. Et li roys s'en appaisa, et leur donna au partir grans dons et biaux jeuiaux; et ossi fist li roine.
Si se partirent li Flammencq, et s'en rallèrent chacuns en leurs lieux. Et Jaquèmes d'Artevelle revint à Gand, qui souvent alloit et venoit jusquez en Anwiers viseter le roy Edouwart; et li proummetoit qu'il le feroit seigneur de Flandrez. Et quoyque li Flammencq desissent maintenant, se l'en feroit il avoir cent mille tous armés, quant il vorroit, pour ardoir sus le royaumme auquel lés qu'il li plairoit. De quoy li rois d'Engleterre avoit grant joie; et atendoit de lui grant confort, et ossi de tout le pays de Flandres.
Moult estoit chilz Jaquèmes d'Artevelle prochains et amis dou roy d'Engleterre, cremus et doutés par toutte Flandrez. Car, depuis que li comtez en fu partis, enssi comme vous avés oyt, il y resgna comme sires; et n'y avoit avant lui nul plus grant seigneur, et tenoit grant estat et puissant entre le ville de Gand....
420 Vous avés oy chy dessus recorder coumment li roys de Franche avoit mandet et escript au comte de Haynnau et au duch de Braibant que nulles alianches il n'ewissent au roy d'Engleterre; et se il les y avoient, il leur arderoit leur pays. Nonobstant ce que cil seigneur s'escusaissent deviers le roy de Franche, si estoient il as parlemens le roy d'Engleterre, et par especial li ducs de Braibant, car il s'estoit jà acouvenenchiés au roy d'Engleterre, mais li jones contes de Haynnau non, et disoit bien que il ne gheriroit jà le roy de Franche son cher oncle, se il ne li faisoit desplaisir devant. Fos 29 vo et 30.
P. 140, l. 5: humlement.—Ms. de Valenciennes: doulcement. Fo 64.
P. 140, l. 14: par samblant.—Ms. d'Amiens: Si estoit che (li dus de Braibant) li ungs de ciaus pour quoy li roys d'Engleterre avoit adonc le plus assamblé sen parlement. Fo 30.
P. 141, l. 3: Saint Bernard.—Ms. d'Amiens: Li roys d'Engleterre demoura tous quoys en Anwers, en l'abbeie Saint Bernart [196], et la roynne sa femme avoecq lui, qui nouvellement estoit relevée d'enfant d'un biau fil, que on clamoit Lion; et fu puisedi ducs de Clarence et mariés en Lombardie, ensi comme vous orés avant en l'istoire. Li comtez Guillaummes de Haynnau et messires Jehans de Haynnau venoient à le foix veoir le roy et le roynne; et se tenoient dalléz lui deux jours ou trois, et puis s'en retournoient. Fo 30.
P. 141, l. 9: bonnes villes.—Ms. d'Amiens: à Brouxelles, à Malinnez, à Gand, à Brugez et partout où il leur plaisoit à aler. Fo 30.
P. 141, l. 10: de Braibant.—Ms. d'Amiens: Vous avés bien oy aucunes fois dire et compter que on saut bien si avant dont on ne poelt reculler. Ossi on se oblège bien et acouvenenche tellement que par honneur on ne s'en poet partir. A ce pourpos, li dus Jehans de Braibant s'estoit acouvenenchiés, juréz et obligiéz si avant et si expresseement au roy d'Engleterre que il ne pooit reculler, ne enfraindre ce que proummis li avoit; et, au voir dire, c'estoit ses cousins germains: si le devoit par linaige aidier.
Or avoit à ce donc li dus de Braibant en son pays aucuns barons 421 et chevaliers qui estoient plus enclin, li ung as Englès, et li autre as Franchois, enssi que li coers sont de divierses conditions. Et touttes fois, li plus estoient favourable au roi d'Engleterre, et especialment les bonnes villes de Braibant. Et volsissent bien li plus que, sans arriest, li rois d'Engleterre fust autrement comfortéz qu'il n'estoit. Mès li dus, qui estoit sages et avisés, ne se volloit mies mettre en gherre contre le roy de Franche, sans deliberation de plus grant consseil, car il resongnoit les perils à quoy il en pooit venir; et disoit bien en son secret que il ne seroit jà Englès, se Haynuyers et Flamens ne l'estoient ossi avant comme il.
De legier, Flammencq [197] s'i accordoient, car, au voir dire, d'Artevelle, qui estoit adonc tout en Flandrez, estoit plus enclins et favourablez au roi englèz sans comparison que il ne fust as Franchois. Si prechoit tous les jours chiaux de Gand, de Brugez, de Ippre, de Courtray et de Audenarde et des bonnes villez de Flandres; et leur remoustroit tant de si bellez raisons que il estoient enssi que tout appareilliet, au coummandement d'Artevelle, que de servir le roy d'Engleterre en ceste besoingne.
Ossi ens ès bonnez villez de Haynnau, estoit li rois d'Engleterre trop plus recoummandéz, loés, améz et honnouréz que ne fust li roys de France. Et volsissent bien les coummunaultéz que li comtes de Haynnau, leurs sirez, ewist alianche et faveur au roy d'Engleterre; mès il n'en avoit nul desir et disoit que li roys de France, ses biaux onclez, li estoit plus prochains, et li royaummez de Franche plus amis [198], que li roys d'Engleterre ne ses pays. Et à che premiers li roys de Franche l'en savoit très bon gret, et disoit que il s'en portoit belement et sagement. Fo 30 vo.
§ 66. P. 141, l. 17: escuser.—Ms. de Rome: Li contes de Gerles, li marqis de Jullers, li sirez de Fauquemont, li arcevesques de Coulongne, messire Ernouls de Baquehem et li Alemant envoiièrent, casquns endroit de soi, à la journée euls escuser souffissanment. Fo 43.
422 P. 141, l. 20: plus proçains.—Ms. d'Amiens: de linaige et de conseil dou roy, et à qui tout li autre se atendoient et regardoient. Fo 30 vo.
P. 141, l. 26: responses.—Ms. d'Amiens: Et quant li roys englès oy ces nouvelles, si fu plus penssieux que devant. Si s'en conseilla à monseigneur Robert d'Artois son cousin et au comte Derbi quel cose il estoit bon à faire de ceste besoingne. Il li disent que il mandaist le duc de Braibant et li remoustrast touttez ces escusances. Adonc le manda li rois: il vint en Anwiers parler à lui. Fo 30 vo.
P. 142, l. 6: consilliés.—Ms. de Valenciennes: il dist au roy: «Sire, je n'ay mie conseil que, ainchois que je vous en aye plus avant en convent, je feray ainchois reparler à ces seigneurs d'Alemaigne, et adonc je vous feray response finable.»—Ms. de Rome: Li dus de Braibant respondi et dist: «Sires et biaus cousins, il ne sont que faire d'esquser par mi, car je sui tout prês; et faites que une journée de parlement soit à Halle, et que tout i viengnent. Et je serai là; et, qant nous serons tout l'un devant l'autre, et vous nous requerrés que nous façons ce en quoi nous sonmes obligiet deviers vous, vous verés adonc ceuls qui ont la plus grande affection à la besongne.» Fo 43.
P. 142, l. 8; signeurs.—Ms. de Valenciennes: d'Alemaigne. Fo 65 vo.
P. 142, l. 15: qu'il fuissent.—Ms. d'Amiens: à Halle ou à Destre [199] encontre lui, au jour de Nostre Damme my aoust, s'il ne volloient venir plus priès de lui pour acorder avant de leur emprisse, et pria au duch que il y volsist y estre et que il se pourveist et appareillast dedens ce jour si souffissamment que chil seigneur ne se pewissent excuzer parmy lui. Fo 30 vo.
P. 142, l. 21: à Halle.—Ms. d'Amiens: à Diestre, le jour Nostre Dame mi aoust, l'an mil trois cens trente et huit. Fo 30 vo.—Ms. de Rome: à Halle, à un parlement qui là se tenroit. Tout obeirent et i vinrent, et se logièrent dedens la ville ou ens ès fourbours. Qant tout furent venu, li rois d'Engleterre les remerchia de lor diligense. Et estoit li dis rois d'Engleterre logiés 423 ou chastiel de Halle que li jones contes de Hainnau, son serourge, li avoit presté. Fo 43 vo.
§ 67. P. 142, l. 26: Halle.—Ms. B 6: Entreuls que madame la royne d'Engleterre gisoit, s'en ala le roy de Engleterre à Gant, et fu là environ quinze jours. Et là eult ung parlement. Se i fu le duc de Brabant, le conte de Haynau, ses oncles, le duc de Gueldres, le marquis de Julers, le seigneur de Fauquemont et messires Wallerans de Ligny. Là ne savoient les seigneurs tant consillier ne trouver voie ne manière comment il peuissent avoir cause de guerrier le roy de France ne aydier le roy d'Engleterre, quant uns clers du duc de Brabant, quy s'apelloit Jehan de le Maiière, y trouva voie.
Et fu ses consail creus et oïs, car il dist ensy: «Mes seigneurs, je vous voy trestous arester et abuser sur ung estat que je vous escla[r]chiray vollentiers, se vous vollés, et je vous le declarray. Vechy le roy d'Engleterre, qui chy est en vostre presenche, et demande avoir le confort et ayde de vous. Et vous ne luy povés bonnement donner ne acorder pour guerrier le roy de Franche, se che n'est par ung point que je vous diray: il s'en voist par devers le roy d'Allemaigne, lequel est empereur de Romme, et faiche tant envers luy qu'il le establise es parties de chà vicaire ou envoiez. Son vicaire [a] par deça et devers vous, ou non de l'Empereur, toute obeissance, et il vous menra là où il luy plaira.» Les seigneurs regardèrent adonc l'un l'autre, et puis dirent: «Il dist verité.»
Ensy fut l'avis et consail de Jehan le Maiière. Alors s'arestèrent tout ces seigneurs de l'Empire qui là estoient; et ordonnèrent que le roy d'Engleterre s'en yroit devers le roy d'Allemaigne et espleteroit tant que, par dechà le Rin, seroit vicaires de l'Empereur. Fos 96 et 97.
P. 143, l. 7: de par lui.—Ms. de Valenciennes: pour vostre cause. Fo 66.
P. 143, l. 20: Alues.—Ms. d'Amiens: et toutte le terre et le castiel de Aluez en Pailluel. Fo 31.
P. 143, l. 23: France.—Ms. A 2: et l'Empereur ne l'a mie attribuée au royaume de France. Fo 38.
P. 144, l. 2: detriemens.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: ung detriement pourpensé et venu du duc de Braibant plus que de nul autre. Fo 36 vo.
424 P. 144, l. 8: signeur.—Mss. A 11 à 14: quant je vins ci. Fo 35 vo.
§ 68. P. 144, l. 19: de Jullers.—Ms. d'Amiens: Li marchis de Jullers s'esmeut o toute se compaignie pour aller vers l'empereur de Romme. Si le trouvèrent à Norenbergh [200], et li comptèrent tout ce pour quoy il estoient là venu. Li Emperères, qui mout estoit amis au roy d'Engleterre, les rechupt liement et les festia, et leur accorda touttes lors requestes. Et les fist demourer et sejourner li Emperères avoecq luy, ung grant temps. Endementroes, manda il les eslisseurs de l'Empire et plus hauls barons, telx que le duc de Sassoingne, le marchis de Blancquebourch, le marchis de Misse et d'Eurient, l'arcevesque de Couloingne, l'arcevesque de Trèves et l'arcevesque de Maience. Encorrez manda il le comte de Gerllez et le ducq de Braibant, mès il s'escuza et y envoya le seigneur de Kuk en son lieu. Fo 31.
Ms. de Rome: Donc furent là esleu et ordonné li contes de Gerles et li marquis de Jullers, de par ceuls de l'Empire; et li evesque de Lincolle et messires Renauls de Gobehen et messire Richart de Stanfort, de par le roi d'Engleterre. Et furent cargiet chil signeur esleu de tant esploitier et faire deviers l'Empereur, par priière et par tretiez, que li Emperères ordonneroit le roi Edouwart d'Engleterre à estre son vicaire; et chils vicaires à l'Empereour requerroit ces signours de l'Empire, sus la foi et honmage que il ont à l'Empereour, que tout li fesissent service. Fo 43 vo.
P. 144, l. 23 et 24: envoiier.—Ms. d'Amiens: Mais li ducs de Braibant n'y devoit point envoiier, car il souffissoit assés des dessus dis. Fo 31.
P. 144, l. 25: l'estet.—Ms. d'Amiens: l'ivier enssuiwant. Fo 31.
P. 144, l. 27: en Engleterre.—Ms. d'Amiens: si aroit fait aucune chevauchie en Franche. Fo 31.
P. 145, l. 13: Floreberg.—Chronique de Jehan le Bel: Norumberch. Ed. Polain, t. I, p. 144.—Ms. B 6: Le roy d'Engleterre s'en ala devers l'Empereur, et pria son serouge, le 425 marquis de Jullers, qu'il volsist aller en sa compaignie, et il luy acorda vollentiers. Sy se party le roy d'Engleterre de Gant, et en mena aucuns barons d'Engleterre avec luy et messire Robert d'Artois; et passa tout parmy Brabant et Hazebain, et vint à Tret et à Jullers; là trouva le marquis qui se mist en sa route. Et s'y esploitèrent tant par leur journées que il vinrent à Convalenche, là où l'Empereur estoit, qui le rechut liement. Fo 98.
P. 145, l. 21: Jullers.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 29: Et furent adoncques le marquis de Julliers, et le duc de Guerles, qui adonc estoit conte, fait duc de Guerles; et le marquis, qui paravant estoit marquis, fut fait conte. Fo 36 vo.
P. 145, l. 26: commission.—Ms. d'Amiens: Quant chil seigneur furent venut et assamblé à Norenbergh au mandement de l'Empereur, il fist une feste moult solempnelle, et tint court ouverte par troix jours. Et sist en siège imperial, vestis de draps imperialz; et là renouvella il les estatus de l'Empire, et lesquelz on doit tenir. Et là ordonna il et fist le roy d'Engleterre son vicaire; et li dounna puissance imperial et congiet de forgier parmy l'Empire touttes mannières de florins et de autres mounnoies. Et commanda à tous ses subgès que il obeyssent à lui comme à son propre corps meysmez, et que tout fuissent appareilliet à se semonse sans delay, et pour deffiier le roy de France. Et fist de ce certains procureurs et commissairez, pour renouveller le roy d'Engleterre ces estatus, et lui assir en siège imperial. De quoy li dus de Gerlles, qui devant ce jour estoit noummés comtes, fu li uns, et li comtes de Jullers, qui devant ce estoit noummés marchis, fu li seconds, et li comtes de Warvich et messires Richars de Stanfort et doy clercq de droit. Et avoient chil six coummission, par instrumment publicque, de faire et aemplir tout ce qui dessus est dit. Et enssi se departirent il de l'Empereur, et revinrent au roy d'Engleterre qui lez rechupt à joie. Or vous conterons d'aucunes coses qui avinrent sus mer en Franche et ailleurs, entroex que cil parlement et pourkas se faisoient, qui durèrent plus d'un an, affin que riens je n'y oublie. Fo 31.
Ms. de Valenciennes: En l'an dessus dit, le samedi devant le Nostre Dame en septembre, comme empereur de Romme, Loys de Baivière, en cel jour assis en Convelence en siège imperial, sur ung escafaut de douze piés de hault, vestis de drap de soie 426 cangant, par dessus ces draps d'un daumatique, en ses bras phanons, et estolle devant croisie, à manière de prestre, tout estoffé des armes de l'Empire; et avoit ses piés d'otel drap comme le corps, et avoit son chief atourné de mittre reonde; et sur celle mittre il avoit couronne d'or moult riche; en ses mains avoit deux blancs wans de soie, et en ses dois aneaux moult riches. Si tenoit en sa main destre une pomme d'or, une crois vermeille dessus. En l'autre main, tenoit il le septre. Dalez l'Empereur, à destre, seoit le marquis de Misse, auquel l'Empereur bailla à tenir le pomme d'or. Et assez près seoit le roy d'Engleterre, vestis d'un drap vermeil d'esquerlatte, à ung chastel de broudure en le poitrine. Et au senestre des empereurs, seoit le marquis de Jullers, à qui l'Empereur bailla à tenir le septre. Et environ deux degrez plus bas de l'Empereur, seoient li esliseur. Et deseur de l'Empereur seoit le sire du Cuk, ou lieu du duc de Brabant, en preseance de tous, en se main une espée toute nue.
Donc parla l'Empereur ensi: «Je demande à vous se ung roy d'Alemaingne, esleus et promeus à Empereur, peut amenistrer aucuns des biens de l'Empire sans le confirmacion du pappe.» Ce jugement fu tournez sur l'arcevesque de Coulongne. Lui conseillié de ses pers dist par jugement que oyl. Le seconde demande fu: se ung fievé d'Alemaingne fourfaisoit en l'Empire en amenrissant l'Empire, à quelle amende il doit estre. Ce jugement fu tournez sur le duc de Sasongne. Lui conseillié respondi que celui estoit en le volenté de l'Empereur, de corps et d'avoir. Le tierce demande si fu que: se robeurs estoient sur chemins d'Alemaingne, à quelle amende et à quelle penance il doivent estre. Ce jugement du tournez sur l'arcevesque de Trièves. Lui conseillié dist qu'ilz estoient à le volenté de l'Empereur, de corps et d'avoir, et tous ceulx qui les soustenoient. Le quarte demande fu: comment tous ceulx qui tenoient de l'Empire, le devoient servir. Ce jugement fu tournez sur l'arcevesque de Maience. Lui conseilliet de ses pers dist que tous les hommes de l'Empire doivent servir l'Empereur de leurs corps et de leurs biens, et doivent aler partout où l'Empereur les vorra mener, ou ses lieuxtenans, pour les drois de l'Empire garder. Et la quinte demande fu: comment le tenable de l'Empire doivent deffier l'un l'autre en cas de guerre. Ce jugement fu tournez sur le marquis de Brandebourc. Lui conseillet dist que celui qui deffie, ne peut ne doit porter dommage au deffié dedens trois jours; et 427 où il feroit du contraire, il doit estre deshonourez et mis hors de toutes lois.
Après ces choses ainsi faictes, tantost l'Empereur dist, oyant tous: «J'ay esté couronnez roy d'Alemaigne grant temps, et à Empereur, comme vous savez. Et croy que je n'ay sur nulles de mes gens mespris, ne envers sainte Eglise ne ses menistres; et se nulx pooit faire apparoir que fait l'euisse, je le volroie rendre jusques raison. Si vous dy que je me sui aloiez avec pluiseurs prelas et barons d'Alemaingne au roy d'Engleterre qui cy est, et l'ay fait pour le mieulx faire que laissier. Et cy, en vostre presence, je fay et establi le roy d'Engleterre mon vicaire et lieutenant, partout et en toutes causes. Si veul que tous tenans voisent, aydent et confortent ce roy comme vicaire, partout où mener les volra.» Après ces jugemens ainsi fais, l'Empereur appella tabellions publiques, et leur commanda à faire instrumens, et que toutes ces choses fussent mises ès drois des Empereurs, tenues fermes et estables en temps advenir. Et aussi lui donna puissance impereal de forgier parmi l'Empire toutes manières de florins et aultres monnoies; et commanda à tous subgès qu'ilz y obeyssent comme à son propre corps, et que tous fuissent apparilliés, à sa sommonsse, sans delay, de deffier le roy de France. Et fist de ce certains procureurs et commissaires, pour renouveller le roy d'Engleterre tous estas, et lui i assir en siège imperial. De quoy le duc de Guerles, que paravant on appelloit conte, fu nommez et fais duc, et le conte de Jullers, qui paravant estoit nommez marquis. Ainsi ces choses faictes, prinrent congiet, et en rala chascun en son lieu; et le roy d'Engleterre revint en Brabant. Fos 67 et 68.
Ms. de Rome: Li rois d'Engleterre s'en revint à Anwiers dalés ses gens, et là atendi tant que chil qui furent envoiiet deviers l'Empereour retournèrent, liquel le trouvèrent en Alemagne en une ville que on appelle Florenberghe. Lesquels signeurs il requella moult liement, et fist à tous feste et honnour, tant pour l'amour dou roy d'Engleterre que pour ce que chil de l'Empire estoient si honme. Il esploitièrent sus ce voiage si bien que mesires Lois de Baivière, rois d'Alemagne et emperadour de Ronme, ordonna et institua à estre son vicaire le roi Edouwart d'Engleterre par tout l'Empire; et conmanda à tous signeurs, soubjès à lui, que tout obeisissent à lui conme à son vicaire. Et de ceste ordenance et institution furent ordonnées et levées lettres 428 autentiques, seelées des seauls dou roi d'Alemagne et des esliseurs de l'Empire qui là furent present, et avoech tout ce instrument publique tabellionnet si fort et si bien conme faire se pooient. Et retournèrent avoech toutes ces coses, chil signeur qui en legation avoient esté envoiiet, deviers le roi d'Engleterre qui se tenoit pour ces jours à Malignez; et moustrèrent conment il avoient esploitié. Li rois d'Engleterre, messires Roberz d'Artois, messires Jehans de Hainnau et tous li consauls en furent grandement resjoy, et disent que il avoient bien esploitié.
Or s'espardirent ces nouvelles partout que li rois d'Alemagne instituoit et ordonnoit le roi d'Engleterre à estre son vicaire. Qant chil de la chité de Cambrai entendirent ce, pour tant que Cambrai est la cambre à l'Empereour et est terre de l'Empire, il furent tout abus; et envoiièrent de lors honmes deviers le roi de France pour recorder ces nouvelles. Pour ces jours, estoit li evesques de Cambrai à Paris, liquels s'apelloit Guillaumes d'Ausonne; et estoit de nation de Berri et de la Salongne, et bons françois. Si se representa et ces honmes de Cambrai au roi; et recordèrent les besongnes, ensi que par renonmée elles se portoient en l'Empire, et dou roi d'Engleterre que li rois d'Alemagne avoit ordonné à estre son vicaire; et faisoient doubte que, par ceste institution, il ne vosist venir à Cambrai et saisir la chité, pour faire ent frontière et garnison sus le roiaulme de France. Donc lor fu demandé, en la presence dou roi, se il avoient bonne volenté de requellier en lor ville le roi d'Engleterre conme vicaire à l'Empereur. Il respondirent que nennil, et que, se il vosissent ou se il voloient faire ce tretié, il ne fuissent point là venus; mais il remoustroient ce au roi conme loial et bon François que il sont et voellent estre; et aussi, se li cas cheoit que il fuissent oppresset des Englois et Alemans, que il fuissent secouru et conforté des François. Li rois de France lor ot en couvenant et bien lor tint, ensi que vous orés recorder avant en l'istore.
Quant li signeur de l'Empire furent retourné deviers le roi d'Engleterre qui pour ces jours se tenoit en la ville de Malignes, uns parlemens fu convoqiés à estre là en la dite ville, de tous les signeurs qui couvenance et aliance avoient au roi d'Engleterre. Et tout i vinrent, et aussi Jaquèmes d'Artevelle ne s'i oublia point à estre, tant pour veoir le roi d'Engleterre, que point il n'avoit encores veu par deçà la mer, que pour sçavoir de l'ordenance 429 des signeurs, ne quelle la conclusion dou parlement se mit. Fos 43 vo et 44.
§ 69. P. 146, l. 5: En ce.—Ms. d'Amiens: Or vous parlerons dou roy David d'Escoche et de son consseil coumment il se maintinrent en celle meysme saison. Vous avés bien oy chy devant coumment li rois d'Engleterre avoit tellement menet et ghueriiet Escoche et les Escos que ars et perdut toutte le plainne Escoce et pris et saisi touttes les fortrèces; et encoires les faisoit il de jour en jour gueriier. Et leur portoit messires Guillaumez de Montagut, contez de Sallebrin, trop de contrairez et de dammaige, et se tenoit en Haindebourcq. Et quant il sentoit les Escos chevauchier, il assambloit chiaux des garnisons environ, dont li Englès estoient signeur, et reboutoient trop durement lez Escos. Si se tenoient li roys d'Escoce, li comtez de Moret, messires Guillaummez de Douglas, messires Robers de Verssi, messires Simons Fresiel, messires Alixandres de Ramessay et pluiseurs autrez ens ès foriès de Gedours; et estoit leur souverainne garnison et resors, li fors castiaux de Dubretan. Là estoit li roys d'Escoce ouniement et le roynne d'Escoce sa femme avoecq lui.
Or seurent chil seigneur que li roys englès avoit defiiet le roy de Franche et le volloit gueriier. Si eurent avis et consseil l'un par l'autre que messires Guillaumes de Douglas, li comtez de Surlant [201] et messire Robiers de Versi amenroient le roy leur seigneur en France deviers le roy, et remousteroient le guerre que li Englès leur font; et s'aloieroient à lui et li roys de Franche à yaux, parmy tant qu'il en seroient aidiet et comfortet. Chilx conssaux fu tenus, nefs furent appareillies. Et vinrent li roys d'Escoce et la roynne et li seigneur dessus dit à Abredanne. Et là pourveirent il et cargièrent leurs vaissiaus, et entrèrent en mer; et singlèrent tant, par l'ayde de Dieu et dou vent, que il vinrent à l'Escluse. Mès point ne se nommèrent; ains disent que il estoient pellerin, qui s'en alloient à Saint Jaquème de Galisce, et marchans de Norvèghe avoecq yaux. Sur ce, il ne furent nient plentet examinet. Ossi il ne descendirent point à terre, ains se partirent, quant il se furent rafresqui, et la marée leur revint; 430 et singlèrent, et prisent le parfont, pour aller deviers Bouloingne [202].
Ensi comme li Escochois nagoient par mer, uns vens d'amont si fors et si ounis les prist et les bouta, volsissent ou non, à l'entrée de le Tamisse, encontre Mergate en Engleterre; et ad ce dont estoient li Normant et li Geneuois, waucrant par mer, à savoir se il trouverroient nul Englès; et quant il virent les nefs escoçoisses, si furent tout joiant, et quidièrent que ce fuissent nefs englesses. Si misent hors leurs bannièrez et leurs pignons, et coummenchièrent à cachier forment vers yaux. Et quant li Escot les virent, si furent tout esbahi, car il quidièrent que ce fuissent Englès. Si ne seurent que dire, et n'y avoit si hardi qui ne volsist estre en Jherusalem. Et demandèrent consseil li ungs à l'autre qu'il feroient; car il n'estoient que quatre vaissiaux, et il en veoient bien soissante et quinze. Si n'y avoit nulle parchon, fors que d'iaux bien vendre. Lors s'armèrent il vistement et dissent que il n'y aroit nul d'iaus qui jà se rendesist prisonniers, mais du[re]roient tant que durer poroient; et enssi l'eut là li roys en couvent. Lors se misent à l'ancre, car fuir ne leur valloit noiient; et boutèrent hors, comme bonnes gens, les bannierrez d'Escoce et leurs pignons.
Evous les Normans venus qui demandent quel gens. Che respondi messires Guillaumes de Douglas: «Nous sommes Escochois et au roy d'Escoce; et vous, qui estes, qui le demandéz?» Adonc vint avant messires Hue Kierés et dist: «Et quelx gens estes vous d'Escoce? Noummés vous: autrement vous estes tout mort, car nous mescreons que vous ne soiiés Englès.» Et quant li seigneur d'Escoce oïrent ceste parolle, si furent auques aseuret, car il congnurent bien, par le langaige et à leurs bannierres, qu'il n'estoient mies Englès. Si disent: «Nous sommes telz et telz et li roys meysmes, et en allons en France veoir le roy de Franche. Si nous avés fait grant esmay, car nous quidions ores que vous fuissiés li Englès, nostre ennemy.»
Et quant messires Hues Kierés et si compaignon entendirent et congnurent qu'il disoient voir, si furent moult joyant, et les fissent desancrer; et disent que il les conduiroient jusques à Calais ou à Bouloingne, car il estoient leur amy, et saudoiier au roy de Franche. Lors se desancrèrent et singlèrent tout enssamble, et 431 vinrent ce soir ou havene de Calais. Là ancrèrent li Escot, et li Normant non. Si entra li roys d'Escoche en le ville de Callais et toutte se routte, et y fu rechupt à joie, et s'i rafresci par deus jours; et au tierch, il s'en parti, et prist le chemin pour venir à Tieruanne. Si passa à Tieruanne, Arras, Bapaummes, Peronne en Vermendois; et fist tant par ses journées qu'il vint à Paris, où il trouva le roy de Franche et grant fuison de dus, de contes et de barons avoec lui, car il y avoit ung grant parlement. Pour ce, y avoit estet faite ceste assamblée.
Moult fu li rois de le venue le roy David d'Escoce resjoys, et envoya contre lui des barons et des chevaliers qui l'amenèrent au palais là où li roys se tenoit adonc et li dist: «A bien viègne li rois d'Escoce et toute sa compaignie pour l'amour de lui.» Li roys d'Escoce li respondi: «Chiers sires, vostre bonne merchy.» Lors parlementèrent enssamble de pluiseurs coses, et furent moult tost aquinté et privet l'un de l'autre. Car li roys de France desiroit bien à avoir l'amour et l'aquintance de lui, pour ce qu'il se veoit deffiiés dou roy d'Engleterre et le sentoit dechà le mer en l'Empire, procurans et acquerans seigneurs et amis à tous lés; et entendoit bien que il enteroit temprement en son royaumme. Se li sambloit grans [con]fors, se li roys d'Escoce et li seigneur d'Escoce qui marcissent à Engleterre, le volloient tellement aidier que ensonniier les Englès et ardoir leur pays: se gherre en seroit plus belle. Si offri et delivra li roys de France au roy d'Escoce chastiaux [203] et argent, pour son estat parmaintenir, à celle fin que il n'ewist nulle pès ne trieuwes ne respit au roy englès, fors que par lui et par sa vollenté. Ensi li jura li roys d'Escoche, presens ducs, comtes, prelas, barons et chevaliers. Se le retint li roys de Franche de ses draps et son compaignon, et ses chevaliers de son hostel; et la roynne de France, ensi la roynne d'Escoche, qui estoit soer germaine au roy englès. Et leur fist li roys delivrer tout quant qu'il leur besongnoit.
Et fu renvoyéz assés briefment apriès ce, de par ces deux rois, messires Robiers de Versi, en Escoce. Chils y reporta les alianches comfremmées et seelléez des roys dessus dis. De quoy li seigneur d'Escoce et tous li pays fu moult joyant; et commencièrent à gueriier plus fort et plus asprement que devant. Et quant li roys 432 d'Engleterre le seut, si renvoya l'evesque de Durem et le seigneur de Lussi et le seigneur de Moutbray; et leur pria que il desissent au comte de Sallesebrin, au seigneur de Persi, au seigneur de Noefville, au seigneur de Grisop, à messire Edouwart de Bailloel, cappittainne de Bervich [204], que il entendesissent bien à garder lez frontières contre les Escos et le pays concquis. Chil seigneur dessus dit revinrent en Engleterre et chevaucièrent deviers Iorch, pour faire ce que li roys leur avoit enjoint. Fo 32.
Ms. de Rome: Apriès ce que li rois d'Engleterre eust couru tout ou en partie le roiaulme d'Escoce et pris et saisis dedens le pais pluisseurs chastiaus et mis en garnisons pour guerriier le demorant, et que il se fu partis de la chité de Bervich, laquelle il avoit conquis par lonch siège, et que il l'ot rafresquie et ravitallie de gens d'armes et de pourveances, et que il fu retrais en Engleterre, li rois David d'Escoce, qui se tenoit en la chité d'Abredane et là sus la sauvage Escoce, demora tous esbahis et considera que de sa poissance singulière il ne poroit amender les damages que li Englois li avoient fais. Et jà avoit il entendu, ensi que renonmée court et vole moult tos de pais en aultre, que messires Robers d'Artois enortoit le roi d'Engleterre à calengier la couronne de France, et li metoit en l'orelle par ses informations que li roiaulmes de France li estoit devolus par la mort dou son chier oncle le roi Carle darrain trespasset, et que Phelippes de Valois qui en tenoit la possession, n'avoit pas juste cause à l'iretage de France, selonc ce que messires Robers d'Artois disoit. Si n'estoit pas cose pour le roi d'Engleterre et les Englois legière à esclarcir, car jamais li rois Phelippes, pour lors paroles, demandes ne menaces, ne s'en delairoit dou non tenir et remetre arrière; ne li per et baron de France, qui couronné l'avoient et qui estoient si homme devenu, ne le soufferroient point. Li rois d'Escoce, imaginans ces coses, pensoit bien que, ou temps à venir, se li rois d'Engleterre voloit proceder en ces demandes, guerre s'esmouveroit entre France et Engleterre: pour quoi, de li et de son roiaulme, se bonnes aliances estoient faites entre les Escos et les François, ils et ses pais en seroient grandement reconfortés; et aussi ceste ordenance venroit bien à point au roi de France et as François, car par le roiaulme d'Escoce 433 poroient li François aisiement entrer en Engleterre et faire lor gerre.
Sus ceste imagination, li rois d'Escoce, com jones que il fust, fist asambler auquns prelas et barons d'Escoce et venir en Abredane, là où il se tenoit et sa fenme; et lor remoustra, qant chil furent venu lesquels il avoit mandés, moult sagement de point en point, les articles de ses imaginations. Qant il l'eurent oï et entendu, euls, qui sont de nature et ont esté tousjours plus enclins à estre François que Englois, respondirent et dissent au roi: «Sire, à toutes vos paroles nous ne veons que tout bien; car, ou cas que les Englois nous voellent suspediter par la manière et fourme qu'il moustrent, il nous fault pourveir à l'encontre de euls. Et creons proprement que Dieu vous a envoiiet ceste inspiration pour nous oster dou dangier des Englois; car jà n'avenra, pour retourner toute Escoce ce que desus est au desous, que nous aions roi qui soit hommes au roi d'Engleterre, ne le tiengne à signeur souverain, ne reliève de li; car la couronne d'Escoce et li roiaulmes est de si noble condition que il est tenus de Dieu et de l'Eglise saint Pierre. Si ne vous volons pas brisier vostre imagination et pourpos de aler en France veoir le roi et les estas. Vous estes jones et à venir. Si vous aquointerés des barons et chevaliers de France, et euls de vous; et tousjours ferons nous, à nostre pooir, gerre as Englois. Il ne tenront jà journée paisieuvlement, en ce pais, ce qu'il i tiennent. Se nous l'avons perdu onques, nous le recouverrons, uns temps venra. Onques nous ne pusmes amer les Englois, ne euls, nous; et ont tousjours esté les terres en different, et les hommes, l'un contre l'autre, très le premier temps que elles furent abitées.»
Moult fu pour ces jours li rois d'Escoce resjois, qant il vei ses hommes concordans à son pourpos. Et ordonna ses besongnes au plus bellement et quoiement qu'il peut; et fist au port de Morois en Escoce cargier et apparillier ung vassiel de ce que besongnier lor pooit à lui et à sa fenme et à lor estat. Et qant il furent tout prês, il vinrent là et entrèrent dedens, ils et la roine et messires Guillaumes Douglas, neveus au bon messire Guillaume. Et enmena avoecques lui vingt siis chevaliers et esquiers, tout de son eage; et la roine aussi, des jones dames et damoiselles d'Escoce. Et demorèrent ou pais pour le garder, messires Arcebaus Douglas, messires Robers de Versi, messires Alixandres de Ramesai et messires Simons Fressiel. Et nagièrent 434 li rois et la roine et lor compagnie, et orent vent à volenté, et costiièrent Frise et Hollandes; et eslongièrent toutdis de Engleterre, dou plus qu'il porent. Et s'en vinrent ferir ou havene de l'Escluse, et là issirent de lor vassiel; et ne dissent pas que ce fust li rois d'Escoce ne la roine, mais pelerins et pelerines qui aloient à Saint Mor des Fossés. Et ne sejournèrent pas longement à l'Escluse, mais vinrent à Bruges et tout par aigue; et furent là tant que lors chevaus furent amené, car il les avoient esqipés avoecques euls en lor vassiel, tous ou en partie; et ce que il lor besongna, tant de monteures que d'abis, il s'en pourveirent à Bruges. Et puis si s'en departirent, et vinrent à Lille et de là à Arras, et puis à Esclusiers et à Lihons en Santhers et à Roie et à Qanni et à Reson, et puis à Crai et à Luserches, et là s'arestèrent. Et envoia li rois d'Escoce deus de ses chevaliers, pour segnefiier sa venue au roi de France, et pour sçavoir et veoir quel samblant li rois en feroit. Li chevalier furent messires Guillaumes Douglas et messires David de Lindesée; et s'en vinrent à Paris, et passèrent oultre jusques au bois de Vicènes, car pour ces jours s'i tenoient li rois et la roine et li dus de Normendie leur fils. Et trouvèrent des chevaliers dou roi qui les requellièrent moult doucement, pour tant que il les veirent estrangiers; et les menèrent deviers le roi, auquel il comptèrent tout l'afaire, et conment li rois d'Escoce et la roine le venoient veoir, et avoient pris ombre et escusance de venir à Saint Mor.
De ces nouvelles fu li rois de France trop grandement resjois; et dist as chevaliers d'Escoce que il fuissent li bien venu, et que moult volentiers les veroit et tenroit avoecques li. Li chevalier d'Escoce disnèrent à l'ostel dou Bois. Et tantos apriès disner, il fist monter le signeur de Montmorensi et le signeur de Garensières, et dist: «Chevauchiés avoecques ces chevaliers d'Escoce, et alés à Luserces querre le roi et la roine d'Escoce qui nous viennent veoir; et les amenés ichi, sans entrer en Paris.» Li chevalier respondirent: «Volentiers.» Si se departirent tout quatre dou Bois, et cevauchièrent ensamble, et vinrent à Luserces. Et trouvèrent là le roi d'Escoce et toute lor compagnie, laquelle n'estoit pas trop grande; et leur dissent ce que li rois de France avoit ordonné. Sus les paroles des chevaliers de France, li rois et la roine d'Escoce se partirent de Luserces et cevauchièrent; et vinrent ce jour jesir à Saint Denis. Et à l'endemain, devant la messe dou roi, il furent venu au Bois, et 435 mené deviers le roi et puis deviers la roine, qui grandement furent resjoi de lor venue. Là furent les aquointances de ces deus rois et de ces deus roines moult grandes. Et depuis, demorèrent en France, sus le point de neuf ans. Et leur fist li rois delivrer la ville et le chastiel de Nemouses, pour tenir lor estat. Et estoit ordonné de par le roi de France que, de mois en mois, il auroient mille esqus et bien paiiés, pour paiier lors menus frès. Et venoit à le fois li rois d'Escoce veoir le roi Phelippe, fust à Paris ou aillours; et se tenoit dalés li trois ou quatre jours, et se devisoient de lors besongnes. Et s'enamoura li rois de France dou roi d'Escoce, et li rois d'Escoce de lui. Encores n'estoit il nulles nouvelles en France que li rois d'Engleterre vosist renvoiier son honmage au roi de France ne li desfiier, pour faire calenge de la couronne de France. Fos 34 et 35.
§ 70. P. 148, l. 10: parlement.—Ms. de Valenciennes: l'Empereur. Fo 70 vo.
P. 148, l. 12: manda.—Ms. d'Amiens: et y fist venir la roynne et tout son hostel. Fo 32 vo.
P. 149, l. 4: de Jullers.—Ms. d'Amiens: li ducs de Gerlez, li comtez de Jullers et chil que li roys avoit envoiiés deviers l'Empereur. Fo 32 vo.
P. 149, l. 9: Saint Martin.—Ms. d'Amiens: en yvier, en Braibant. Fo 32 vo.
P. 149, l. 15: à Tret.—Ms. d'Amiens: Tret sur Meuse, où li Allemant l'avoient adviset. Fo 32 vo.
P. 149, l. 18: à Herkes [205].—Ms. de Rome: En la ville de Malignes vinrent biau cop de signeurs, pour tant que li rois d'Engleterre i estoit. Or s'avisa li dus de Braibant, qui se voloit dissimuler de ces besongnes, et ordonna et i trouva une cautelle nouvelle; et dist que li parlemens ne se pooit tenir, pour celle fois, à Malignes ne à Trec. Se euist il esté là moult bien, et pour l'aise des signeurs de l'Empire. Il li fu demandé dou roi et dou conte de Gerles où il voloit donc que il se tenist. Il respondi: à Herkes en Hasbain, qui sciet priès de son pais. Fo 44.
P. 149, l. 24: vinrent.—Ms. de Rome: Et vinrent là tout li signeur, tant de l'Empire conme d'autre pais, qui aliance 436 avoient au roi d'Engleterre, et pluisseur de la conté de Hainnau qui n'i avoient que faire, fors que pour veoir l'estat. Fo 44.
P. 149, l. 27: plainne de signeurs.—Ms. de Rome: et se logièrent moult de signeurs à nu chiel, ou desous fuellies, et contre les haies et les buissons et ens ès jardins au dehors de la ville. Fo 44.
P. 149, l. 29: halle.—Ms. de Valenciennes: grande vielle halle. Fo 70 vo.
P. 150, l. 1: cinq piés.—Ms. d'Amiens: plus hauls ung piet que nuls dez autres. Fo 32 vo.
P. 150, l. 29: li signeur.—Ms. de Rome: en aucgmentacion de title et de nom le conte de Gerles fu transmués en duc, et li marquis de Jullers en conte, et puis grant temps apriès fu il nonmés dus de Jullers. Donc descendi li dis rois d'Engleterre, nonmés vicaires à l'Empereour. Et aussi fissent tout li signeur, et issirent de la halle; et vinrent en une aultre place moult grande, laquelle on avoit apparillie pour euls, et là disnèrent ensamble. Et fu ordonné que de là on se departiroit casquns en son lieu; et, cel ivier passet, sus l'estet, qant li vicaires de l'Empereour semondroit ses honmes, tout se remeteroient ensamble et le venroient servir, et iroient partout où il les menroit. Fo 44.
P. 150, l. 30: creantèrent.—Ms. de Valenciennes: là où ilz se trairoient à l'esté pour guerroier. Fo 70 vo.
§ 71. P. 151, l. 5: à Louvaing.—Ms. d'Amiens: Adonc s'en revint li roys englès à Louvaing dalés le roynne se femme; et se tint là tout l'ivier, et à grant fret; et se faisoit partout appeller vicaire de l'Empereur. Et manda au comte de Haynnau que ses pays li fuist ouvers et appareilliés, pour recepvoir lui et ses gens, et passer parmy comme vicairez de l'Empire. Li comtez, qui bien volloit obeir à l'Empereur si avant que tenus y estoit, et garder ossi sen honneur au roy de Franche, respondi qu'il en aroit avis. Si mist en Mons en Haynnau ung grant parlement enssamble des barons et des chevaliers et des hommes de se terre. Et fu trouvet que il ne pooit contredire à l'Empereur, ne à son vicaire, que [206] il ne le servesist et ouvresist se pays, pour lui et ses gens recevoir. Et enssi le raportèrent au roy d'Engleterre chil qui par lui chargiet en estoient, liquelx roys en fu 437 tous joians et se tint à Louvaing, ensi que je vous ay dit, toudis acquerans amis en l'Empire. Fo 32 vo.
P. 151, l. 6: venue.—Ms. de Rome: Si se departirent chil signeur et prissent congiet au roi d'Engleterre, et li rois à euls, sus l'estat et ordenance que de retourner à l'estet. Et vint li rois d'Engleterre à Louvaing et se loga ou chastiel, car li dus son cousin li presta. Et manda li dis rois d'Engleterre la roine Phelippe sa fenme en Engleterre, laquelle fu moult resjoie de ces nouvelles; et se apparilla dou plus tos conme elle pot. Et se mist en la mer, et monta ens son vassiel au palais de Wesmoustier, et tout chil et toutes celles qui de sa route furent. Et estoit la roine bien acompagnie de dames et de damoiselles d'Engleterre, de chevaliers et d'esquiers. Et nagièrent tant li maronnier, à l'aide de Dieu et dou vent, que il vinrent en Anwiers; et là issirent des vassiaus, et se missent en la ville. Si fu la roine requelloite moult honourablement de ceuls de la ville.
Les nouvelles s'espardirent tantos sus le pais que la roine d'Engleterre estoit venue. Si vinrent contre li, et pour acompagnier et amener à Louvaing deviers le roi, pluisseurs barons et chevaliers d'Engleterre qui estoient espars sus le pais de Braibant; et entra la roine en Louvaing à plus de deus mille chevaus. Se vint li rois contre li et le rechut liement. Si furent moult belles et moult amoureuses les aquintances dou roi et de la roine; et se logièrent ou chastiel de Louvaing tout cel ivier, et tinrent lor estat. Assés tos apriès ce que la roine fu venue à Louvaing, le vinrent veoir li jones contes Guillaumes de Hainnau son frère, et la jone contesse sa fenme. Et aussi fist madame de Valois sa mère, car elle l'amoit de tout son coer plus tenrement que nulles de ses filles. Si fu la roine visetée des chevaliers et des dames de Hainnau et de Braibant; et elle qui estoit pourveue toute sus, les requelloit liement et doucement, et les remercioit de lor bonne visitation. Vous devés sçavoir et croire legierement que li rois d'Engleterre gissoit à grans frès et as grans coustages deça la mer; car il tenoit plus de deus mille chevaliers et esquiers, et environ huit mille archiers. Et tous les mois estoient paiiet de lors gages, sans les grans coustages et frès qui li venoient de costé, à tenir ces signeurs d'Alemagne à amour, car il n'en fesissent riens, ne pour linage ne aultrement, se li denier n'alaissent toutdis devant. Fo 44 vo.
P. 151, l. 13: de Cranehen.—Ms. B 6: Le roy d'Engleterre 438 gisoit en la ville d'Anvers à grant frait et y fu plus d'un an, car le duc de Brabant son cousin le deffreoit che qu'il povoit, et nooit entre deus yawe, car il donnoit à entendre bien souvent au roy d'Engleterre qu'il luy aideroit, et au roy de France que jà ne seroit fors que bon Franchois. Et pour luy escuser et tenir en amour le roy de Franche, il envoia en Franche ung sien chevalier, le plus secret qu'il euist, messire Loys de Granchon, et l'ordonna là demourer et estre tous quoy delés le roy de Franche: lequel chevalier s'en aquita lealment. Car, quant il venoit nouvelles en la court, et le roy Phelippes estoit enfourmés que le duc de Braibant son cousin estoit à tous les parlemens du roy d'Engleterre, et qu'il volloit soustenir la querelle du roy d'Engleterre, le dit chevalier Loys l'escusoit et aloit au devant et disoit: «Ha! chier sire et nobles roy, ne creés nulles parolles, car le duc de Brabant vous est leal, car jà ne sera Englès, quel samblant que il moustre au roy d'Engleterre. Et se il se tient delez luy, c'est pour brisier son opinion; et se luy est sy proçain de sanc et de linage qu'il couvient à le fois que il luy faiche compaignie.» Fo 95 et 96.
Ms. de Rome: Renonmée couroit en Flandres et ailleurs, quoique li dus Jehans de Braibant fust cousins germains au roi d'Engleterre, si se faindoit ils de li aidier, ensi que faire deuist, et estoit moult pesans à esmouvoir. Et disoient auqunez gens que les secrès de ces parlemens estoient par lui sceu en France, car il avoit un sien chevalier le plus secré de tous les aultres et que le plus il amoit, lequel on nonmoit messire Lois de Cranehen, envoiiet à Paris, et là se tenoit tous quois dalés le roi et les signeurs. Et estoit li dis messires Loys cargiés de par le duc, que de li esquser au roi de toute[s] informations senestres qui poroient venir. Et grandement bien s'en aquita li chevaliers. Et tous les jours venoient lettres et nouvelles dou duch de Braibant au chevalier, par quoi il sçavoit tous les secrès qui se faisoient en Braibant.....
Encores se dissimuloit ce qu'il pooit li dus de Braibant, quel amour ne compagnie que il fesist ne moustrast au roi d'Engleterre son cousin. Et faisoit tout quoi tenir son chevalier, messire Lois de Cranehen, à Paris, dalés le roi, qui tousjours esqusoit le duch de toutes imformations senestres qui venoient en la presence dou roi, et disoit au roi: «Sire, n'en creez riens, car monsigneur de Braibant, quel samblant que il moustre ne face 439 à son cousin le roi d'Engleterre, ne vous fera jà guerre pour lui.» Et li rois de France le creoit, et crei tant que on en vei tout le contraire. De quoi li dis chevaliers prist si très grande merancolie, qant li rois Phelippes li dist que il estoit mençonnables, et li dus de Braibant ses mestres aussi, que il en morut d'anoi; ne onques depuis ne retourna en Braibant. Fo 44 ro et vo.
§ 72. P. 152, l. 10: à Vilvort.—Ms. d'Amiens: Or revenons au roy d'Engleterre, qui très grant desir avoit que li saisons venist que il pewist faire se emprise. Et se tenoit à Louvaing, et parloit souvent de son voiaige au duc de Braibant son cousin, au duc de Guerles son serourge, au comte de Jullers et à monseigneur Jehan de Haynnau, qui le visetoient. Et quant li estés fu venus, li Pasques et li Pentecouste passée et li Sains Jehans Baptiste ossi, et li aoust aprocha, il s'en vint à Vilvort et se loga en la ville. Et là s'asambloient li Englès, qui le mer avoient rappasset; et se logoient en le ville, qui logier s'i pooient, ou ens ès marès sour le rivierre. Fo 33.
Ms. de Rome: Li rois d'Engleterre, toute celle saison, petit à petit, fist par deçà la mer et par de delà apparillier ses pourveances. Et qant la Pentecouste fu passée, il se departi de Louvaing; et laissa là la roine sa fenme. Et s'en vint logier à Villevort, à une lieue priès de Brousselles; et remanda toutes ses gens, qui estoient espars en Hainnau et en Braibant. Et là furent tendu, en ces biaus prés qui sont grant et large, au lonc de la rivière, tentes, trefs, auqubes et pavillons, et toutes ordenances de logeis. Et escripsi deviers ces signeurs d'Alemagne; et leur manda conme vicaires de l'Empire, et les semonst, sus lors fois, que tout venissent. Chil signeur s'ordonnoient tout par grant loisir, et ne se delivroient point ensi que li rois d'Engleterre vosist; et prendoient piet sus le duch de Braibant. Et de ces detriances li rois d'Engleterre estoit tous merancolieus, et couvenoit que il portast ce dangier. Fos 44 vo et 45.
P. 152, l. 19: s'attendoient.—Ms. d'Amiens: Lors manda il estroitement à tous ces seigneurs d'Allemaigne que il venissent et avalaissent, ensi que juret et proummis li avoient; et il li remandèrent que il estoient tout appareilliet, mès que li dus de Braibant s'esmeuist. Encorrez detria li dus de Braibant, de le Madelainne à li mouvoir jusque en septenbre; et avoit renvoiiet en France monseigneur Loeys de Cranehen, le plus secret chevalier 440 qu'il ewist, liquelz chevaliers escuzoit toudis le duc de Braibant envers le roy contre touttes imfourmations qui pooient venir. Nonobstant ce, si faisoit li dus de Braibant son mandement, et retenoit chevaliers et escuiers là où il les pooit avoir. Et le detriance qu'il y metoit, elle estoit assés raisonnable, car il veist vollentiers que entre ces deux roys aucuns bons tretiés d'acort se fust fais, ainchois que gherre ne arsins s'en fust esmeus ne commenchiés. Et bien disoit que, se li comtez Guillaummes de Haynnau, qui nouvellement estoit trespassés, vesquesist, il les ewist appaisiéz et mis à acord. Et se li estoient chil doy roy si prochain que à envis s'en mesloit et à envis s'en demoroit; mès il s'estoit jà si avant acouvenenchiéz que par honneur il ne pooit reculler. Ossi li plus grant partie de tous ses chevaliers estoient en coer Englès, qui bien avanchoient et aidoient le roy englès en ses besoingnes. Fo 33.
P. 152, l. 29: seize cens.—Mss. A 11 à 14: dix huit cens. Fo 38.—Ms. B 6: deux mille. Fo 104.
P. 152, l. 31: dix mille.—Ms. d'Amiens: huit mille. Fo 33.—Ms. B 6: quatre mille. Fo 104.
P. 153, l. 9: les passages.—Mss. A 11 à 14: contre les Anglois qu'ilz n'apassassent d'Angleterre par deça la mer pour venir en France. Fo 38.
P. 153, l. 13: France.—Mss. A 11 à 14: avecques ses aliez d'Allemaingne. Fo 38.
§ 73. P. 153, l. 16: Quant cil signeur.—Ms. de Rome: Bien sentoient et congnissoient li signeur d'Alemagne que li dus de Braibant se dissimuloit et se portoit de ces besongnes assés froidement. Et se savoient bien li pluisseur que il avoit envoiiet son chevalier, mesire Lois de Cranehen, à Paris, deviers le roi de France, et le faisoit là tenir tout quoi, pour li escuser de toutes informations senestres qui pooient venir. Nequedent, toutes ces coses misses avant, il se departirent de lors lieus, qant il orent pourveu lors gens; et s'en vinrent à Villevort deviers le roi d'Engleterre et vicaire à l'Empereour. Et ensi que il venoient, il se logoient sus celles belles praieries qui sont entre Brouselles et Villevort; et s'estendoient lors logeis et comprendoient bien avant joindant Brouselles. Et vinrent tout premierement li dus de Gerlles, serouges dou dit roi, li contes de Jullers, li contes des Mons, li contes de Saumes en Saumois, li archevesques de Coulongne 441 et messires Gallerans ses frères, li sires de Fauquemont, messires Ernouls de Baquehen, et pluisseur chevalier et tout ruste d'Alemagne. Messires Jehans de Hainnau estoit tous jours dalés le roi et son consel.
Qant il furent venu, li rois d'Engleterre lor requist que il vosissent escrire et seeler avoecques lui lettres de desfiances à Phelippe de Valois, qui se nonmoit rois de France. Chil signeur d'Alemagne respondirent generaument que il estoient tout prest, mais que li dus de Braibant vosist ce faire; et bien apertenoit que il le fesist, car il estoit li plus proçains de sanc et de linage qui fust là au roi d'Engleterre. Adonc requist li rois d'Engleterre au duch de Braibant, par honmage et par linage, que il vosist seeler. Li dus de Braibant fu consilliés de respondre: si respondi et dist que point pour l'eure il ne escriroit ne seeleroit nulles desfiances avoecques euls, et pas ne s'escusoit que il ne le deuist faire; mais ce que fait en seroit, il le feroit de soi meismes, sans nului mettre en sa lettre.
Donc regarda li rois d'Engleterre sus les signeurs d'Alemagne, et leur dist: «Biau signeur, je me tieng assés contens de ce que mon cousin de Braibant en fera. Nous sonmes en son pais; et qant nous serons dehors, il auera mieuls cause de escrire et seeler les desfiances que il n'ait presentement. Si vous pri chierement que vous ne vos voelliés pas arester sus ce, et seelés avoecques moi.» Il regardèrent tout l'un l'autre. Donc dist li dus de Gerlles: «Contes de Jullers, et vous, contes des Mons, biaus cousins, nous i metons trop de detris sans raison: il le nous fault faire, et à ce nous sonmes aloiiet et obligiet de trop grant temps.» Donc respondirent li Alemant tout de une vois: «Dus de Gerles, vous dittes verité.»
Là fu conclu et acordé que tout seeleroient avoecques le roi d'Engleterre les desfiances à Phelippe de Valois, ensi que il fissent. Li rois d'Engleterre en chief escripsi et seela, pour lui et pour tous ses tenaules d'Engleterre; et puis seelèrent tout li aultre, reservé le duch de Braibant. Chils volt faire son fait à par lui. Les desfiances escriptes et seelées, li evesques de Lincole fu cargiés de la porter et faire le message. Il l'emprist avoecques un hiraut d'Engleterre, liquels cevauça tout devant pour impetrer un sauf conduit pour le dit evesque alant et retournant, et l'atendi à Valenchiennes. Li hiraus qui chevauça devant, esploita si bien que il ot le sauf conduit pour l'evesque de Lincolle et toute 442 sa famille alans et retournans, et l'aporta à Valenchiennes là où li evesques l'atendoit.
Qant li dis evesques l'ot, il se departi de Valenchiennes et vint au Chastiel en Cambresis et puis à Saint Quentin et à Hem et puis à Noion; et fist tant par ses journées que il vint à Paris et se loga au Chastiel Festu, en la rue dou Tiroi, derrière les Innocens. Pour ces jours, estoit li rois Phelippes à l'ostel c'on dist de Neelle, oultre la rivière de Sainne. Et là ala li evesques de Lincolle faire son message et parla au roi, car on li fist voie, et li rois le volt veoir et oïr. Si mist les desfiances avant: adonc regarda li rois la lettre et les seauls qui i pendoient. Si fist dire à l'evesque que il pooit bien partir qant il voloit, car il se tenoit pour tous desfiiés. Et aussi li evesques de Lincole, pour plus deuement faire les desfiances, avoit rendu au roi de France, avant ce que il moustrast ses lettres, l'onmage tout entier et tel que il le tenoit de li, et li rois l'avoit repris. C'estoit la conté de Pontieu, et en Giane auqunes terres, qui s'estendent entre la rivière de la Dourdonne et la Geronde; car ce qui est par de delà, les rois d'Engleterre ont tous jours tenu quitement et liegement, et ensi conme l'iretage d'Engleterre.
Qant li evesques de Lincole ot fait ce pour quoi il estoit venus, il se departi et retourna arrière. Et tantos li rois Phelippes envoia saisir la conté de Pontieu et la conté de Monstruel et toutes les terres que li rois d'Engleterre avoit relevé de la couronne de France, et qu'il tenoit au jour que les desfiances vinrent. Et transmuèrent li officiier, qui conmis i furent de par le roi, tous officiiers, et i remissent aultres selonch les ordenances des lieus; mais il ne tint pas longement la conté de Pontieu, qant il le donna à mesire Jaquème de Bourbon, un sien cousin moult proçain, et liquels estoit issus, et li dus Pières de Bourbon, ses frères, de la droite coste dou roi saint Lois de France. Et ne tenoit pas li dis messires Jaquèmes de Bourbon, au jour que li rois li donna la conté de Pontieu, trop grant terre, et pour ce li augmenta il son hiretage; et bien l'emploia, car li gentils chevaliers fu ausi pourveus de nobles conditions que nuls chevaliers peut estre. Or se tint li rois Phelippes pour desfiés dou roi d'Engleterre et des conjoins et aliers avoecques li en celle gerre. Fo 45.
P. 154, l. 8: Jehan de Braibant.—Ms. B 6: Quant toutes ces choses furent faites et du consail et consentement de l'Empereur, et osy des aliés qui là estoient presens et qui tout y furent 443 appellés; alors le roy d'Engleterre prist congiet et s'en retourna arière en la ville d'Anvers où madamme sa femme estoit encore. De là eult de rechief à sa revenue ung grant parlement, et nus ne s'y oublia de y venir. Et Jaques de Hartevelle, qui soustenoit grandement le partie du roy d'Engleterre, là y fu, le duc de Brabant, le conte de Haynau, messire Jehan de Haynau, le duc de Gueldre, le conte de Jullers, le sire de Fauquemont et tout ly alliés. Et là remoustra le roy d'Engleterre ses lettres et tout che que il avoit enpietré devers l'Empereur. Et requist le dit roy à tous ses seigneurs que il le volsissent servir, ensy que ses lettres contenoient.
Là n'en y eult nul qui se peuist escuser ne volsist, fors le duc de Brabant: mais encore canchela il ung petit et dist: «Sire, nous serons tous aparellié pour aller là où il vous plaira en l'Empire au commandement de l'Empereur, mais només où vous vollés aller?» Et dit le roy de Engleterre: «Devant la cité de Cambray, car elle est de l'Empire, dont elle deuist obeir à l'Empereur; et elle est contraire et obeist au roy de France. Et là vous voel jou là mener, et le conquerrons, sy plest à Dieu, se nous poons.» Che fu bien l'acort de tous. Lors respondy le duc de Brabant et dist encores, qui envis se tournoit Englès et envis le laissoit; mais il avoit là parlet et agambé sy avant que il ne povoit reculler, et avoit tant recheu d'or et d'argent du roy d'Engleterre que il ne s'en povoit escuser; lor dist: «Chier cousin, puis que ensy est que là vous nous vollés mener, sy deffiiés le roy de France bien hastivement et vous traiés celle part. Et sy trestost que je saray que vous serés devant Cambray, je vous y v[e]nray servir à douze cens lanches.» Le roy d'Engleterre, qui veist vollentiers que ses besoingnes fuissent avanchies, dist: «Je le feray vollentiers.»
Ensy se departy le parlement sur cest estat. Et s'en vint adonc le dit roy à Brouselles, avec le duc son cousin, où il fu recheus joieusement. Et s'acointa sy bien de Brusselois et des chevaliers et escuiers de Brabant que tout se mirent à son commandement, mais que leur syre le volsist. Quant le roy d'Engleterre eult là esté bien ung mois, il s'en departy et s'en retourna vers Gant, sur cel estat que pour esmouvoir ses gens et pour aller avant et venir devant Cambray, ensy que l'ordonnanche portoit. Lui venu à Gant, il y trouva la royne sa femme, en l'abeie de Saint Pière, que jà y estoit venue, et là tinrent leur ostel. Sy estoit souvent 444 vissetés de Jaques de Hartevelle et des bourgois de Gant, et madame la royne des bourgoises.
En che temps, envoia deffiier le roy d'Engleterre le roy de France par l'evesque de Lincelle, qui fist bien son messaige en la ville de Paris, et fist que le roy de Franche se tint bien pour deffiiet. Et retourna arière à Gant vers le roy son seigneur, qui le vey vollentiers, et ly demanda au retour quel samblant le roy Phelippe avoit dit ne fait. «Certes, dist l'evesque, il n'en fist que rire, et dist que vous avés songiet que cuidiés estre roy de Franche.» Fos 99 à 102.
P. 154, l. 17: à Malignes.—Ms. B 6: Or reviens au roy d'Engleterre qui se tenoit en la ville de Gant. Osy tost que il eult deffiiet le roy Phelippe, et que le roy Phelippe se tint pour deffiiet, et qu'il eult fait saysir le conté de Poitau par son connestable et le conte de Ghines, le dit roy d'Engleterre cuida tantost partir et venir devant Cambray; mais il n'eut mie ses gens sy tost prest, espesialment le duc de Brabant, et detria les Allemans à venir de le Saint Jehan Baptiste jusques en my aoust et plus avant. En che detriement, fist ung grant envaisement mesire Gautier de Mauny, car il se party de Gant du roy d'Engleterre.... Fos 102 et 103.
P. 154, l. 19: Gautiers de Mauni.—Ms. d'Amiens: qui avoecquez le roy d'Engleterre estoit apassés le mer par dechà et qui en Anwiers se tenoit. Fo 31 vo.—Ms. de Rome: uns bacelers et chevaliers de la conté de Hainnau et tousjours vrais et loiaus Englois. Fo 45 vo.
P. 154, l. 20: fu deffiiés.—Ms. de Valenciennes: Or estoit le roy d'Engleterre revenus en Ampvers. Si vint messire Gautier de Maugny devant le roy; et prist congié de luy et aucuns compaignons, d'aler faire aucune appertise. Fo 69.—Ms. de Rome: le roi d'Engleterre et ses hoos estans à Villevort. Fo 45 vo.
P. 154, l. 23: quarante.—Ms. d'Amiens: environ soixante. Fo 31 vo.
P. 154, l. 23 et 24: compagnons.—Ms. de Rome: hainnuiers et englois. Fo 45 vo.
P. 154, l. 26: Blaton.—Ms. d'Amiens: dallés Condet sus Escaut. Fo 31 vo.—Ms. de Rome: et se boutèrent ens ès bos de Blaton. Li gentils chevaliers avoit voé en Engleterre, oant dames et signeurs, et dit ensi: «Se la guerre s'esmuet entre le 445 roi d'Engleterre, mon signeur, et Phelippe de Valois qui se dist rois de Franche, je serai li premiers qui s'en armera et qui prendera chastiel ou ville sus le roiaume de France.» Et de ce veu point il n'en defalli, car il s'en vint de nuit bouter ens ès bois de Wières, moult priès de Mortagne. Fo 45 vo.
P. 155, l. 7: levant.—Ms. B 6: à Mortaigne sus l'Escaut, à quatre lieues de Tournay. Fo 103.
P. 155, l. 8: à Mortagne.—Ms. de Rome: La ville de Mortagne sus la rivière d'Escaut, quoi que elle soit moult priès gardée, pour ce jour fu en très grande aventure de estre prise, car messires Gautiers de Mauni et sa route vint sus l'ajournée si priès que il se boutèrent en enbusqe ens ès haies et buissons dalés Mortagne. Et orent pourveu cotes et abis de fenmes, les quelles il prissent en un village sus lor cemin, et grans cretins plas, là où ces fenmes qui vont au marchiet mettent bures, oefs et froumages. Et abituèrent quatre de lors honmes de l'abit de ces fenmes et loiièrent entours lors testes belles blances loiures de toille; et prissent ces cretins couvers de blances napes, et moustroient que elles venissent au marchiet vendre lors bures et froumages. Et vinrent sus l'eure de solel levant à la porte, et la trouvèrent close et le guichet entre ouvert, et un homme qui le gardoit; et quida veritablement que ce fuissent fenmes d'un village là priès, qui venissent au marchiet, et ouvri le guichet tout arrière, pour elles entrer et lors cretins. Qant chil honme en abit de fenmes furent dedens, il se saisirent dou portier et traissent lons coutiaus que il portoient desous lors gonnes, et li dissent: «Se tu sonnes mot, tu seras mors.» L'ome fu moult effraé et doubta la mort, et se tint tous quois dalés euls.
Evous messire Gautier de Mauni venu et ses compagnons, qui les poursievoient de lonch; et avoient laissiet lors chevaus, en haies et en buissons, assés priès de Mortagne, en la garde de lors varlès. Et veirent que lor compagnon estoient signeur de la porte; si se hastèrent dou plus qu'il porent, et entrèrent dedens le guichet tout à lor aise. Et s'en vinrent deviers la tour et le dongnon, et le quidièrent trouver mal gardée; mais non fissent, car elle estoit fremée. Adonc se tinrent euls tout quoi, et veirent bien que il avoient fali à leur entente, et que la ville, sans le chastiel, ne lor valloit noient à tenir. Si se retraissent tout le pas là par où il estoient venu, et ne portèrent aultre damage à la ville de Mortagne que il boutèrent le feu en deus ou trois maisons; 446 et puis issirent et montèrent sus leurs chevaus, et se departirent sans aultre cose faire. Moult de gens de la ville de Mortagne estoient encores en lors lis, et ne sceurent riens de celle aventure. Fos 45 vo et 46.
P. 155, l. 8: guicet.—Ms. de Valenciennes: le wiquet de la porte ouvert. Si rompirent le flaiel, et en furent maistre. Fo 69.
P. 155, l. 26: bouter le feu.—Ms. d'Amiens: affin que il souvenist chiaux de le ville que il y avoit estet, et que une autre fois il fuissent plus songneux de garder leur ville. Fo 31 vo.
P. 156, l. 12: Thun l'Evesque.—Ms. d'Amiens: Dont se parti messires Gautiers et toutte se routte, et vint passer l'Escault et le Haynne à Condet; et cevaucha encorres plus avant deviers Cambresis, ensi comme vous orés. Encorres ne se doubtoit on de riens, ens ou pays de Cambresis. Bien supposoit li evesques de Cambrai que li roys d'Engleterre feroit en France se premier voiaige par là; mais il leur estoit encorrez si lontains que ses pays n'en estoit de riens effraés ne pourveus. Or chevaucha li sires de Mauni en celle entente que pour faire y aucune envaye, car bien savoit que li pays de Cambresis estoit et seroit ennemis à yaux. Touttesfois en ceste chevauchie, il s'avisa que il envoieroit deffiier souffissamment l'evesque de Cambray, afin que il ne fuist repris de villain fet. Li evesques n'en fist nul compte, car il ne le cuidoit mie si priès de lui qu'il estoit. Ossi chilz qui porta les deffianches ne li dist mies. Si chevauça li sirez de Mauni, à le couverte, deseure Valenchiennes; et vint à Denaing où il disna, car l'abesse estoit sa cousinne. Et vint à Bouchain et passa là l'Escaut, et ne dist mies à chiaux de Bouchain quel cose il volloit faire; et vint une matinée si à point à Thun l'Evesque, ung castiel seant sour l'Escaut, qui se tient de Cambresis, que de venue, parmy l'ayde de ses gens, il prist le pont, le porte et le castiel et le castelain dedens. Fo 31 vo.
Ms. de Rome: Messires Gautiers de Mauni, pour acomplir son emprise, il et si compagnon, chevaucièrent et rentrèrent en Hainnau; et passèrent l'Escaut à un ponton au desous de Condet. Et vinrent ce jour disner en l'abeie de Vicongne; et là rafresqirent lors chevaus, et s'i tinrent jusques à la nuit. Encores n'estoit li pais de riens effraés. Et montèrent sus lors cevaus à la vesprée, et cevauchièrent amont; et passèrent les bois de Walers, et entrèrent en Ostrevant. Et avoient gides qui les menoient; 447 et vinrent, entre Douai et Cambrai, passer la rivière de la Sensée, qui rentre en l'Escaut à Bouchain. Et cevauchièrent tant que, sus l'eure de solel levant, il vinrent à un chastiel, que on dist Thun l'Evesque, seant sus la rivière d'Escaut; et si à point que les mesnies dou dit chastiel mettoient hors le bestail, pour pasturer ens ès prées qui sont priès de là, et encores estoit li chastellains en son lit. Fo 46.
P. 156, l. 19: Gilles.—Ms. de Valenciennes: Willame. Fo 69.
P. 156, l. 21: destourbiers.—Mss. A 11 à 14: Et faisoit ses courses, trois ou quatre fois la sepmaine, jusques devant la bonne cité de Cambray; et venoit escarmouchier jusques aux barrières, où il faisoit moult grandes et belles appertises d'armes. Fo 39.—Ms. d'Amiens: Or furent chil de Cambray courouchiet et especialment li evesques; et manda au roy de Franche le fet, et coumment ses castiaus li estoit tolus et emblés. Si en fu li roys courouchiés, et bien y eut cause. Fo 31 vo.
P. 156, l. 24 et 25: en Braibant.—Ms. B 6: Et puis s'en retourna le dit Gautier à Gant devers le roy son seigneur, qui le vey vollentier et qui jà avoit oit parler de ses adventures: se luy en savoit bon gré, et le tenoit pour ung des plus aventureus de son ostel et vaillans. Fo 104.
P. 156, l. 25: le roy englès.—Ms. d'Amiens: qui encorres estoit en Anwiers. Fo 31.
P. 156, l. 26: à Malignes.—Ms. de Rome: et i avoit un parlement. Fo 46.
§ 74. P. 157, l. 8: et envoia.—Ms. d'Amiens: Si y envoya grans pourveanches de gens d'armes pour le garder et deffendre contre tous venans, premiers monseigneur Loeys de Savoie, monseigneur le Galois de le Baume, le seigneur de Groulée, le seigneur de Biaugeu, messire [Mille] [207] de Noyers; le seigneur de Saint Venant, le seigneur d'Aubegny, le seigneur de Basentun et le seigneur de Roye, et avoecq cheux bonne bachelerie et grant fuison de Geneuois et d'autres saudoiiers. Chil y fissent tous vivres d'environ amener et akariier, et emplir les greniers de bleds et d'avainnes. Et fisent chil seigneur entierer trois des portes de Cambray, qui point n'estoient necessaires à 448 l'ouvrir. Encorres envoya li roys de France au Castel en Cambresis messire Thieubaut de Moreil, le marescal de Mirepois et le seigneur de Rainneval. Et fist li roys bien garnir Bohaing, le Male Maison, Crievecoer, Aloes et Oizi en Cambresis; et fist son mandement par tout le royaumme de Franche à estre à Peronne en Vermendois, à Bapaummes [208] et à Arras. Fo 33.
P. 157, l. 11: de Roie.—Le ms. B 6 ajoute: le sire de Neufchastel,... le sire de Coucy, le sire de Raineval. Fo 102.
P. 157, l. 12: deux cens.—Ms. B 6: cinq cens. Fo 102.
P. 157, l. 15: manda.—Ms. B 6: Or avint que, quant le roy Phelippe se vit deffiiet du roy d'Engleterre, il n'en fist mie grant conte. Et fist coppiier tantost les lettres de deffianche, et les envoya par tout les hauls seigneurs qu'il pensoit avoir à ende et confort, est à savoir devers le roy de Behaigne, l'evesque de Liège, le duc de Loraine, le conte de Bar et ensy deviers les autres. Fo 102.
§ 75. P. 158, l. 26: Li rois.—Ms. de Rome: Li rois d'Engleterre estoit venus à Malignes à un parlement qui là se tint, car li Alemant, qui le roi d'Engleterre voloient servir, et qui deffiet avoient le roi de France, s'esmervilloient grandement entre euls, de ce que li dus de Braibant ne se apparilloit aultrement pour aidier son cousin germain, le roi d'Engleterre. Et fu là dit, aresté et consellié que tout se departiroient de Villevort, où logiet il estoient, et cemineroient oultre et passeroient parmi Hainnau. Tout ce ne pooit deveer li contes de Hainnau: puis que il en estoit requis dou vicaire à l'Empereour, il couvenoit que il fust en obeissance. Et fu remoustré au roi d'Engleterre que il s'adreceroit parmi Brousselles et iroit parler au duch son cousin, puis que il n'estoit venus au parlement à Malignes, et li remousteroit ces desfautes et aultres, desquelles on estoit tout esmervilliet.
Ensi se conclut li parlemens. Et retournèrent li signeur à Villevort, et se conmenchièrent à deslogier et à tourser tentes et très, auqubes et pavillons et toutes manières de logeis portatis, et à metre sus chars et sus charettes. Tout fu deslogiet et mis à voie et à chemin; et passèrent au dehors de Brousselles. Li rois d'Engleterre, li dus de Gerlles, li contes de Jullers, li arcevesques de Coulongne, li marqis de Misse et d'Eurient, mesires
449 Robers d'Artois, messires Jehans de Hainnau et li sires de Fauquemont entrèrent en Brousselles, et i disnèrent et jurent une nuit; et entrues lors gens passèrent oultre. Fo 46 vo.
P. 158, l. 26: de Malignes.—Mss. A 11 à 14: où il avoit longuement séjourné à grans fraiz et despens, en attendant de jour en jour ces grans seigneurs d'Allemaingne qui point ne venoient, ainsi que promis lui avoient, dont moult lui ennuioit, mais passer il lui en convenoit. Fo 39.—Ms. d'Amiens: de Vilvort. Fo 33.
P. 158, l. 27: à Brousselles.—Ms. B 6: à Willevort. Fo 104.
P. 158, l. 30: marcis de Jullers.—Ms. d'Amiens: duc de Jullers. Fo 33.
P. 159, l. 1: de Saumes.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: le conte de Los. Fo 39.—Ms. A 1: de Sannes. Fo 40.—Ms. de Valenciennes: de Salmes. Fo 72 vo.
P. 159, l. 2: Bakehen.—Ms. A 1: Brakehen. Fo 40.—Ms. de Valenciennes: Blanquenhem. Fo 72 vo.
P. 159, l. 7: son neveut.—Ms. d'Amiens: qui estoit semons que d'estre en celle chevauchie devant Cambray. Fo 33.—Ms. de Valenciennes: qui faisoit son mandement à Valenchiennes. Fo 72 vo.
P. 159, l. 14: douze cens.—Mss. A 11 à 14: deux cens. Fo 36 vo.—Ms. de Rome: douse cens hiaumes et vint mille hommes des villes de Braibant, Fo 46.
P. 159, l. 23: seize ou vint.—Mss. A 8 et 9: quinze ou vingt. Fo 38 vo.—Mss. A 1 à 6, 18 et 19: seize. Fo 40.—Mss. A 11 à 14: vingt. Fo 39 vo.
P. 159, l. 30: festiiés.—Ms. de Rome: pour deux raisons: la première estoit pour che que il avoit sa serour espousée; et l'autre raison: faire li couvenoit, car li rois d'Engleterre estoit vicaires à l'Empereour, ensi que vous savés; se le devoit recevoir, puis que requis en estoit, conme son signeur et faire toute honnour, reverense et obeisance. Si se rafresqirent li rois d'Engleterre et li signeur qui avoecques lui estoient, deus jours en la ville de Mons; et entrues passèrent lors gens et li charois. Ce fu mois de septembre, et avoit on partout miessonné. Et s'avalèrent toutes ces gens d'armes en la marce de Valenchiennes; et se logièrent ens ces villages, et trouvoient des biens assés. Li auqun paioient moult volentiers ce que il prendoient, et li aultre non; car Alemant ne sont pas trop bon paieur, là où il le pueent amender.
450 Li rois d'Engleterre, lui trentime de signeurs d'Engleterre et d'Alemagne, entra en Valenchiennes; et avoit, la nuit devant, jeu à Saint Sauve en la priorié. Et là vinrent li contes de Hainnau et mesires Jehans de Hainnau, son oncle, et pluisseur baron et chevalier de Hainnau, en la compagnie dou conte. Et le jour encores que il entra à Valenchiennes, li rois avoit disné à Saint Sauve, à demi lieue de Valenciennes. Et entrèrent li rois et li signeur en la ditte ville, par la porte Montoise. Et amena li contes le roi en son hostel que on dist en la Salle; laquelle Salle et hostel on avoit ordonnet et apparilliet très ricement, ensi que pour le corps le roi.
Et avint que, en montant les degrés de la Salle, li evesques de Lincole, qui là estoit presens, esleva sa vois et dist: «Guillaumes d'Ausone, evesques de Cambrai, je vous amoneste, comme procureur de par le vicaire au roi d'Alemagne et à l'empereour de Ronme, que vous voelliés ouvrir la chité de Cambrai, et requellier dedens le roi d'Engleterre, vicaire à l'empereour.» A ceste requeste et parole ne respondi nuls. Apriès, tourna li dis evesque sa parole sus le conte de Hainnau, et dist: «Contes de Hainnau, je evesques de Lincolles, procurères dou roi d'Engleterre, vous amoneste de par le vicaire de l'Empereour, que vous le venés servir, là partout sus l'Empire, là où il vous menra, pour lui aidier à corrigier les rebelles.» Li contes respondi et dist: «Je obeirai volentiers si avant que je sui tenus.» Donc respondi li rois d'Engleterre qui estoit d'encoste li: «il nous soufist.»
Apriès ces monitions et requestes, il montèrent les degrés de la Salle. Et fu menés dou conte de Hainnau li rois d'Engleterre en sa cambre, et ensi tout li aultre signeur en lors cambres. Et fu li ostez de la Sale de Valenchiennes ordonnés seullement pour le roi d'Engleterre et son tinel. Et li contes de Hainnau et la contesse furent logiet à l'ostel de Hollandes. Et vint la jone contesse de Hainnau, bien acompagnie de dames et de damoiselles de son pais, veoir le roi d'Engleterre; et li rois le rechut moult doucement, ensi que chils qui bien le sceut faire. Si fu li soupers grans et biaus et bien estofés, et li rois d'Engleterre grandement bien requelliés et honnourés du conte, son serouge, et des chevaliers dou pais.
A l'endemain apriès disner, il se departi de Valenchiennes; et vint à Fontenelles l'abeie, veoir madame de Valois sa grande dame. Et fu avoecques lui li dis rois bien deus heures, et là aussi 451 estoit li contes de Hainnau. Si prist li rois d'Engleterre congiet à la bonne dame, et puis s'en departi; et vint ce soir, au souper et à la giste, à Haspre. Et li contes de Hainnau retourna à Valenchiennes; et jà avoit fait tous ses conmandemens et semons ses honmes, pour venir au serviche le roi d'Engleterre devant Cambrai. Fos 46 vo et 47.
P. 160. l. 7: li douzime.—Mss. A 11 à 14: à tout vint chevaliers et trente escuiers tant seulement. Fo 39 vo.—Ms. B 6: lui quarantième tant seullement. Et toute ses gens prirent le chemin de Haspre, et se logèrent sur la rivière d'Escaillon. Fo 105.
P. 160, l. 17: d'Ausonne.—Ms. B 6: d'Ausoire. Fo 105.
P. 160, l. 19: vicaire.—Ms. B 6: de par monseigneur Lois de Baivière, roy d'Alemaigne et empereur de Romme. Fo 105.
P. 160, l. 23: presens.—Ms. B 6: Ensy fu il requis et amonnesté par trois fois. Fo 106.
P. 160, l. 27: Cambrai.—Ms. B 6: comme homs de l'Empereur, pour aydier et constraindre le dit evesque, qui est en desobeissanche, et tous les rebelles d'icelluy pays. Fo 106.
P. 160, l. 32: ordonnés.—Ms. d'Amiens: et passèrent le nuit en joie. Fo 33.—Ms. B 6: et soupa le roy che soir en la Salle du Conte, et y jut celle nuit. Et l'endemain s'en party, et fu aconvoiiés jusques à Haspres où ses gens l'atendoient. Adonc prist congiet le conte de Haynau au roy et de son oncle; et au prendre congiet luy dirent que il fust tout prest, dedens trois jours, et venist devers luy à tout cinq cens lanches. Fo 106.
P. 161, l. 4: grant fuison.—Ms. d'Amiens: Et devés savoir que tout chil signeur de l'Empire avoient fait suffisamment deffiier le roy de Franche, horsmis li dus de Braibant, qui encorrez estoit derière, et li comtez de Haynnau qui disoit que il serviroit le roy englèz à cinq cens armurez de fier tant qu'il seroit en l'Empire; mais si tost qu'il passeroit sus le royaumme, il yroit deviers le roy de Franche, son oncle, pour lui servir. Fo 33.
P. 161, l. 5: d'Alemagne.—Mss. A 11 à 14: de Hainault et Braibant. Fo 40.
§ 76. P. 161, l. 6: Quant.—Ms. de Rome: Vous savés, si conme il est contenu ichi desus en nostre histore, que chil de la chité de Cambrai avoient esté deviers le roi Phelippe, pour li 452 remoustrer conment il avoient entendu que li rois d'Engleterre, conme vicaires à Loys de Baivière, roi d'Alemagne et empereour de Ronme, venroit à poissance mettre le siège devant lor ville; et avoient priiet au dit roi, conme chil qui se voloient de tous poins tenir avoecques lui, pour tant que il ne se sentoient pas pourveu assés de gens d'armes, que ils lor en vosist envoiier. Li rois estoit descendus à ceste priière et avoit envoiiet en garnison en la chité de Cambrai messire Amé de Genève, le Galois de la Baume, savoiien, messire Jehan de Groulée, le signeur de Vinai, messire Loys de Chalon, mesire Tiebaut de Moruel, le signeur de Roie, le signeur de Fosseur, le signeur de Biausaut, et bien deus cens lances de bonnes gens d'armes, chevaliers et esquiers; et avoit fait pourveir et rafresqir tous les castiaus de Cambresis de bonnes gens d'armes, à la fin que il ne fuissent souspris de nulle male aventure. Li sires de Couci avoit envoiiet à Oisi en Cambresis environ quarante lances de bons compagnons, desquels li sires de Clari estoit chiés. Li pais estoit tous pourveus sus les frontières d'Artois, de Cambresis et de Vermendois. Avoecques tout ce, li rois Phelippes faisoit un mandement très grant par tout son roiaulme et hors, et prioit ses amis et conmandoit à ses subjets, car li intension de li estoit telle que il venroit combatre le roi d'Engleterre, fust devant Cambrai ou ailleurs, et que jamais ne retourneroit à Paris, si l'aueroit combatu, car pour lors il se tenoit à Compiengne et faisoit là son mandement. Fo 47.
P. 161, l. 7: Haspre.—Ms. d'Amiens: et que moult de ses gens furent passé et venu à Avenne et là environ. Fo 33 vo.
P. 161, l. 8: à Nave.—Le ms. de Rome ajoute: à Cacongle Fo 47.
P. 161, l. 9: à Yvuis.—Ms. de Rome: à Iwis en Cambresis. Tout chil signeur d'Alemagne par ordenance passèrent oultre, et vinrent mettre le siège devant Cambrai. Fo 47.
P. 161, l. 11: Là vint.—Ms. de Rome: Le second jour apriès. Fo 47.
P. 161, l. 12: arroy.—Ms. de Rome: à grant compagnie et belle de Hainnuiers. Et estoient plus de cinq cens lances, chevaliers et esquiers, et s'en vinrent logier devant Cambrai. Fo 47.
P. 161, l. 13: apriès.—Les mss. A 11 à 14 omettent: li contes des Mons, et ils ajoutent: les comtes de Vaudemont et de Los. 453 Fo 40.—Le ms. B 6 omet: li marcis de Blankebourch, li contes de Saumes, et il ajoute: le sire Duvort. Fo 107.
P. 161, l. 14: marchis de Jullers.—Mss. d'Amiens et B 6: comtez de Jullers. Fo 33 vo.
P. 161, l. 22: de Braibant.—Ms. B 6: Et encores n'estoit point le duc de Brabant, de quoy tous les autres seigneurs s'esmervilloient pour quoy il demouroit tant, quant il avoit jurés et en convenent par sa foy que il y v[e]nroit sy tost que les seigneurs seroient venus devant Cambray. Adonc renvoia le roi d'Engleterre devers luy, et luy mandant qu'il tenist che qu'il avoit promis et juré. Quant le duc de Brabant vey que c'estoit acertes que aller devant Cambray luy convenoit, ou aultrement il seroit trop reprochiés de son honneur, lors fist son mandement que tous chevaliers et escuiers de son pais venissent à Brouselles; et envoia devant son compaignon le sire de Kuck, pour aviser plache devant Cambray et là où le duc se trairoit et ossy ses gens. Fo 107 et 108.
P. 161, l. 23: neuf cens.—Ms. de Valenciennes: huit cens. Fo 73.—Ms. B 6: douze cens. Fo 108.
P. 161, l. 27: deffiier.—Ms. de Rome: Si environnèrent ces gens d'armes englois, alemans, hainnuiers, tiessons, la chité de Cambrai. Assés tos apriès ce que li dus de Braibant fu venus à hoost devant Cambrai, il fu priiés et requis dou roi d'Engleterre que il envoiast deffiier le roi de France. Li dus respondi à ce et dist que il le feroit tout à temps; et n'en volt encores pour lors riens faire, jusques adonc que il veroit que on vodroit chevauchier sus le roiaume de France. Et demora la cose en cel estat, mais li intension dou roi d'Engleterre estoit bien telle que jamais ne retourneroit arrière si aueroit ars et brui ou roiaume de France. Fo 47.
P. 161, l. 28: à Compiègne.—Ms. d'Amiens: à Peronne. Fo 33 vo.
P. 161, l. 29: Cranehen.—Ms. de Valenciennes: Carennem. Fo 73.
P. 162, l. 2: et paletis.—Ms. de Rome: Et avoient chil de l'oost fait un pont sus la rivière d'Esqaut, pour aler de l'un en l'autre. Et couroient tous les jours les Englois et les Alemans ens ou Cambresis et jusques à Bapaumes. Tous li pais estoit avisés, avant ce que li sièges venist devant Cambrai. Si avoient retrait li plus dou peuple lors biens ens ès forterèces, et lor bestail cachiet devant euls bien avant en Artois et en Vermendois, 454 car ce qui estoit trouvé sus le plat pais estoit perdu. Fo 47 vo.
P. 162, l. 4: Fauquemont.—Le ms. d'Amiens ajoute: li sirez de Mauni. Fo 33 vo.—Ms. de Rome: et auquns chevaliers de Gerles et de Jullers. Fo 47 vo.
P. 162, l. 12: damage.—Ms. de Valenciennes: mais si bien fu deffendus par les gens le seigneur de Couchy qui dedens estoient qu'ilz n'y gaingnèrent c'un pau; mais y perdirent assez de bonne gent, car on ne peut assalir et retraire sans perte. Fo 73 vo.
§ 77. P. 162, l. 16: samedi.—Ms. de Valenciennes: bien matin. Fo 73 vo.
P. 162, l. 19: porte de Saint Quentin.—Ms. de Rome: et descendirent ils et ses gens à piet. La porte desus nonmée estoit gardée des Savoiiens, desquels messires Amé de Genève et li Galois de la Baume estoient souverain. Fo 47 vo.
P. 162, l. 24 et 25: Jehans de Saint Digier.—Ms. d'Amiens: et se combati vallamment au seigneur de Biaugeu.
P. 162, l. 29: Gerars de Wercin.—Ms. d'Amiens: et li sirez de Ligne, li sires de Gommignies, li sirez de Briffoeil, li sirez de le Hammaide, li sirez de Mastain, li sirez de Roysin, messires Henris de Hufalise, li sirez de Berlaimont. Fo 33 vo.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 19: aussi estoient ses mareschaulx appellez messire Erart de Werchin et messire Henry d'Antoing. Fo 41.
P. 163, l. 1: estoient.—Ms. de Rome: aussi en armes li dus de Jullers et li dus de Gerles et lors gens. En la garde de la porte, estoient li sires de Vinai et messires Lois de Chalon et lors gens, et fissent contre ces Alemans à la deffense tamainte appertisse d'armes. A la porte de Douay, estoient li sires de Roie et messires Tiebaus de Moruel; et eurent l'asaut de mesire Jehan de Hainnau et dou signeur de Fauquemont et de messire Weri de Wallecourt. Et furent ce jour trez vaillans gens li assallant et li desfendant, et tant que point ne prissent de damage. Li hoos dou roi d'Engleterre et des signeurs qui là estoient, n'avoient nulle defaute de vivres ne de pourveances; car il lor en venoit grant fuisson pour euls rafresquir, et tous les jours, de la conté de Hainnau et de Braibant, car chil pas là lor estoient ouvert. Fo 47 vo.
455 P. 163, l. 3: Gautiers de Mauni.—Les mss. A ajoutent: li sires d'Anghien.—Le ms. d'Amiens ajoute: li sirez d'Enghien et messires Ernouls de Bakehen [209]. Fo 33 vo.
P. 163, l. 6: envoiiés.—Ms. d'Amiens: Et endementroes c'on asailloit, vint li comtez Raoux d'Eux à tout deux cens [210] lanches, et entra en le chité par le porte deviers Bapaumez, et recomforta et rafreschi durement chiaux de Cambray. Si dura chilz assaux jusques à basses vespres [211], que li assallant se retrayrent à leur logeis. Fo 33 vo.
P. 163, l. 12: par priière.—Mss. A 11 à 14: sanz prière qui lui en eust esté faicte, mais seulement par la grant amour qu'il avoit à lui. Fo 40 vo.—Ms. d'Amiens: à deux cens lanches. Fo 33 vo.
P. 163, l. 19: France.—Ms. d'Amiens: et s'envoya excuzer par le seigneur d'Antoing et le seigneur de Faignuellez au roy de France sen oncle, qui estoit à Peronne en Vermendois, li quelx roys prist bien en gré l'escuzanche et oy vollentiers les messaigez. Fo 33 vo.
P. 163, l. 21: à bien quarante mille.—Ms. de Valenciennes: à plus de quarante mille hommes bien armez. Fo 74.
§ 78. P. 163, l. 30: consilla.—Ms. d'Amiens: Or eult li roys englès consseil de chyaux où plus il s'afioit, de monseigneur Robiert d'Artois, de monseigneur Jehan de Haynnau, dou comte Derbi son cousin et des barons d'Engleterre. Fo 33 vo.
P. 164, l. 6: Li signeur.—Ms. de Rome: Qant li signeur veirent que riens il ne faisoient devant Cambrai et que li iviers aproçoit et les longes nuis, si se avisèrent que il se departiroient de là et cevauceroient en France, et bouteroient le duch de Braibant en la guerre qui encores n'avoit desfiiet le roi de France; et puis que il estoit si avant venus, blame trop grant li seroit, se il ne faisoit ensi que li aultre. Toutes ces coses furent remoustrées à part au roi d'Engleterre et à mesire Robert d'Artois et à mesire Jehan de Hainnau, par lesquels consauls il s'ordonnoit le plus. Et tout respondirent que ce seroit bon de faire ensi; mais tout consideré, il apertenoit que li dus de Braibant en fust segnefiiés, 456 afin que il euist pourveance de desfiier le roi: à tout le mains on oroit sa response, et veroit on quelle chière il en feroit.
Si manda li rois d'Engleterre en sa tente tous les chiés des signeurs, et leur fist dire que il voloit avoir parlement à euls. Tout i vinrent. Qant tout furent venu, li dis rois d'Engleterre les remercia des services que il li faisoient; et puis entra en la matère moult sagement, et leur dist: «Biau signeur, je ne sui pas venus en ce pais et faire les frès et les coustages si grans que vous veés que je fac et ai fais jusques à chi, pour tenir le siège devant Cambrai. C'est li intension de moi et de ceuls qui ont desfiiet le roi de France que nous nos departirons de chi dedens quatre jours, et chevaucerons en France, et verons se nostre adversaire Phelippe de Valois venra sus les camps à l'encontre de nous; si ques, biau cousins de Braibant, vous n'avés pas encore desfiiet le roi de France, et tous jours avés vous dit que vous le desfierés tout à temps. Je le vous remoustre, car il est heure que vous le desfiés, se le desfiier le devés.» Li dus de Braibant se vei pris en parole; et couvenoit que il respondesist, ne plus ne pooit requler, ne faire nulle disimulation; te si estoit li plus proçains que li rois d'Engleterre euist là. Et li fu avis trop grant blame li seroit de dire non; si respondi et dist si hault que tout l'oïrent: «Che que je me sui sousfers jusques à chi à non deffiier le roi de France, la cause principaus estoit tèle que je quidoie et supposoie tous les jours que auquns bons moiiens se deuissent ensonniier de ceste guerre apparant entre France et Engleterre, par quoi casquns des rois euist eu son droit. Et puis que li contraires est, et que vous, biaus cousins d'Engleterre, volés proceder en la guerre, je escrirai et penderai à mes lettres mon seel et ferai pendre les seaus de tous les barons de ma tère, certefians la desfiance qui s'adrecera à Phelippe de Valois qui se dist rois de France.» Tout respondirent: «C'est bien dit et bien parlé, et nous demorrons tout avecques vous.»
Ensi s'espardi chils parlemens, liquels fu en la tente dou roi d'Engleterre devant Cambrai. Et escripsi li dus de Braibant unes lettres de desfiances au roi de France, et seela et fist seeler avecques lui le signeur de Quq, le signeur de Berghes, le signeur de Baudresem, le signeur de Pietresen et tous les barons de son pais. Et furent ces lettres, escriptes et données devant Cambrai, aportées à Pieronne en Vermendois où li rois de France 457 se tenoit, et faisoit là son mandement de toutes parties de son roiaulme.
Qant la congnisance des desfiances vinrent au roi de France, il n'en fist nulle compte et dist que il n'en atendoit aultre cose; mez il demanda: «Où est li chevaliers de mon cousin de Braibant qui tous jours l'a si loiaument escusé, Loys de Cranehen?» On li dist: «Sire, il est demorés à Paris.» Adonc ordonna li rois un de ses cevauceours et dist: «Va à Paris et porte ces lettres à Lois de Cranehen.» Li varlés les prist et monta à ceval et ne cessa, si vint à Paris et trouva le chevalier à son hostel. Si fist son mesage bien et à point, ensi que cargiet li estoit. Qant mesires Lois de Crenehen vei che, si fu si confus que il en entra en merancolie et maladie et en morut. En si grant virgongne prist il ce que son signeur li dus de Braibant l'avoit fait mençonnable.
Or retournons au siège de Cambrai et comptons conment, depuis les desfiances faites et envoiies au duc de Braibant, le troisime jour apriès, tout se deslogièrent et requellièrent tentes et trefs, et mist on tout à charoi et à voiture. Et s'en vint li rois d'Engleterre logier au Mont Saint Martin, une abbeie de blans monnes, laquelle est moult belle et moult bien edefiie. Fos 47 vo et 48.
P. 164, l. 15: frait.—Ms. B 6: Sy fu là le siège devant Cambray environ cinq sepmaines, et près que tous les jours il y avoit escarmuche ou assault. Et travilloient les Haynuiers plus cheulx de Cambray que tous les autres. Fo 109.
P. 164, l. 17: royaume.—Ms. B 6: en requerant bataille, se avoir le povoit, à son adversaire le roy Phelippe. Sy se deslogèrent de devant Cambray. Et donna à Jaques de Hartevelle congiet et as Flamens de retourner en Flandres. Et les remerchya grandement de che que tant s'estoient travilliet de là venir à sa prière. Fo 110.
§ 79. P. 165, l. 4: congiet.—Ms. B 6: Le jone conte de Haynau dit au roy d'Engleterre que, sy avant que l'Empire le porteroit, il yroit. Et quant il deut entrer en Franche, il luy dist: «Sire roy d'Engleterre et bieau frères, je croy que je me suis bien acquités devers vous du commandement de l'Empereur. Vechy delà ceste rivière le royalme de Franche, et le roy est mes oncles, et est à neuf lieues près de chy, et a fait son mandement, 458 et m'a jà mandet et escript que je luy doy serviche et homage: se l'yray servir.»—«Bieau frère, respondy le roy d'Engleterre, vostre compaignie me plaisoit grandement; mais je ne voel pas que vous vos desloyautés pour mon serviche: adieu vous dy jusques au revoir.» Ensy se departirent li uns de l'autre. Le conte de Haynau prist congiet et prist le chemin de Peronne en Vermendois, et le roy d'Engleterre cheluy du Mont Saint Martin. Et osy tost que il furent passez la rivière, ilz entrèrent en Franche. Fo 110 et 111.
P. 165, l. 9: l'Empire.—Ms. de Rome: car il estoit homs au roi de France, voirement estoit de la terre d'Ostrevant, de laquelle madame sa mère estoit doée, se ne li voloit faire point de gerre. Fo 48.
P. 165, l. 13: congiet.—Ms. de Rome: et rentra en son pais et s'en vint à Valenchiennes dalés madame sa fenme. Fo 48.
P. 165, l. 21: de Flandres.—Ms. B 6: de Mauny. Fo 111.
P. 165, l. 24: en Engleterre.—Ms. B 6: en Flandres. Fo 111.
P. 165, l. 26: deux.—Ms. B 6: quatre. Fo 111.
P. 165, l. 26: jours.—Ms. d'Amiens: et li dus de Braibant dallés lui, penssans et ymaginans lequel chemin il tenroient pour entrer en Franche. Fo 34.
P. 166, l. 2: à Saint Quentin.—Ms. d'Amiens: Quant chil de Cambray se sentirent dessegiet, si en furent tout joiant et remerciièrent grandement le comte Raoul [d'Eu] [212] et de Ghinnes qui comfortés les avoit. Liquelx comtez, assés tost apriès le deslogement, s'en parti et toutte se routte, et s'en vint à Peronne, et compta au roy de France des nouvellez, et coumment Englèz et Allemans estoient entré el royaumme et prendoient leur cemin pour entrer en Vermendois. Adonc envoya li roys de France le comte de Blois, sen neveut, à deux cens lanches, à Saint Quentin, pour garder le ville et le frontière contre les Englès; et envoya monseigneur Carlon de Blois à Laon, pour garder le cité et le pays d'environ, et le terre de Guise qui est de leur hiretaige. Fo 34.
P. 166, l. 4: terre.—Ms. d'Amiens: pour regarder à ses fortrèches. Fo 34.
459 P. 166, l. 4: de Hen.—Ms. d'Amiens: et envoya le signeur de Roye à Hem, en Vermendois, à tout quarante lanches, pour garder le ville. Fo 34.
P. 166, l. 6: à Bohain.—Ms. d'Amiens: et envoya monseigneur Moreau de Fiennes à Bohain, pour garder le fortrèche; et renvoya monseigneur Ustasse de Ribeumont à Ribeumont, pour garder le fortrèce. Fo 34.
§ 80. P. 166, l. 24: de Berghes.—Le ms. d'Amiens omet: li sires de Berghes, et il ajoute: messires Gautiers de Mauni et li sires de Vauselare [213]. Fo 34.
P. 166, l. 25: Baudresen.—Ms. d'Amiens: Bodresse.—Ms. de Valenciennes: Bodrehem.—Ms. de Rome: messires Gerars de Baudresem. Fo 48.
P. 166, l. 26: combatans.—Mss. d'Amiens et B 6: lanches. Fo 34.—Ms. de Rome: armeures de fier. Fo 48.
P. 166, l. 27 et 28: Honnecourt.—Ms. B 6: Honnencourt, une ville non pas trop grande, mais bien frumée. Fo 112.—Ms. d'Amiens: Et là eut ung très fort et très grant assault, et dura priès ung jour toutte jour. [Là estoient] [214] li sirez de Honcourt et li sires de Jocourt [215] et li sirez de Wallaincourt et li sires d'Estrumiel et mout bonne bachelerie avoecq yaux, qui trop bien le deffendirent et trop vassaument. Et bien leur estoit mestier, car il furent si dur et si roit assallit qu'il pardirent leurs bailles et furent [ramponnet] [216] jusques as portes et as murs. Fo 34.—Ms. de Rome: c'est une abbeie, mais il i a une petite ville bien fremée de portes, de murs et de fossés; et dedens la ville de Honnecourt estoient requelliet moult de gens dou plat pais, et avoient mis et bouté le leur. Fo 48.
P. 167, l. 7 et 8: apparut.—Ms. de Rome: Li abbes avoit fait armer tous ses honmes, voires ceuls dont on se pooit aidier; et avoit mandé à Saint Quentin des arbalestriers à ses deniers, pour aidier à garder la ville. Fo 48 ro et vo.
P. 168, l. 31: trettai.—Mss. A: escrisi.—Ms. A 7, fo 39 vo.
460 § 81. P. 169, l. 3: Ce jour.—Ms. d'Amiens: Enssi toutte jour dura li assaux à Honnecourt. Et vous di, se ce n'euissent estet li gentil homme qui dedens estoient, li ville ewist estet prise. Si y avoit dedens grant avoir, car tous li pays d'environ s'i estoit requeilliéz. Et quant che vint au soir, li assailant s'en partirent tout lasset et pluiseurs navrés, et s'en revinrent arrière logier vers Goy en Aruwaise. Et l'endemain, se desloga li roys englès dou Mont Saint Martin, et prist le chemin deviers l'abeie de Vaucelles [217], et pour venir sus le Mont Saint Quentin. Et messires Jehans de Haynnau et li dessus noummet qui faisoient leur routte à par yaux, chevauchoient le pays et vinrent bouter les feux jusques bien priès de Saint Quentin, tant que les flamescez en volloient en le ville. Et vinrent passer le Somme desous l'abbeie de Vermans de blans moinnez, et ardirent mout de pays de delà, qui estoit cras et drus; et se logièrent ung soir sus celle meysme rivierre. Et l'endemain vinrent à Oregni, et y livrèrent grant assault et moult felenès. Chil de dedens se deffendirent ce qu'il peurent; mais ce ne fu gairez, car il n'y avoit que vilains et hommes nient acoustumméz de combattre. Dont che fu leur dammaiges, car la ville fu prise d'assault et toutte robée et l'abbeie moult amenrée et violée [218] par les Alemans et lez gens le seigneur de Fauquemont. De quoy messire Jehan de Haynnau fu mout courouchiéz; mès il ne le peult amender, car il deffendoit et gardoit les eglisez à son pooir.
Apriès la destruction de Oregny Sainte Benoite, li Englès chevauchièrent le chemin de le Tieraisse. Et s'en vint li roys englès logier à Behories [219], attendans que il ewist nouvelles dou roy de Franche quel part il se trairoit, car il avoit entention que dou combattre. Liquelx roys de Franche se parti de Peronne et s'en vint à Saint Quentin, à si grant gent que li douzième partie des seigneurs ne se peurent mies logier en le ville. Et toudis li venoient gens; et disoit que, se il plaisoit à Dieu, il combateroit le roy englès. Dont se desloga li roys englès de Behories, et vint à Farvaques et vers Moustroeil les Dammes, et li evesquez de Lincolle et messires Renaus de Gobehem et messires Guillaume Filz-Warine et li sirez de le Ware et li sires de Felleton et messires 461 Richars de Stanfort, à deus cens lanchez et trois cens [220] archiers. Et tout à ceval passèrent Oise, et entrèrent en le terre le seigneur de Couchy; et ardirent Saint Goubain, hors mis le fortrèce, et tous li ammiaux d'environ. Et vinrent vers Nisi et vers Saint Lambert, et passèrent outre jusques desoubs Laon; et fisent en Laonnois moult de destourbiers. Et vinrent à Cresci sus Selle [221], qui estoit une bonne grosse ville sans fremure; et le prissent et pillièrent de tout ce qu'il y trouvèrent, et puis l'ardirent. Fo 34 vo.
Ms. de Rome: Chils assaus dura bien trois heures, et n'i fissent riens li assailant fors euls travillier. Qant il veirent ce, il sonnèrent la retrète, et se departirent de l'assaut; et retournèrent à lors chevaus et montèrent sus, et s'en vinrent en lors logeis.
Aussi ot en ce jour un grant assaut au chastiel de Ronsoit, liquels est à l'entrée de Vermendois et sus le pasage de Saint Quentin en biau plain pais, dou conte de Warvich, connestable d'Engleterre. Et est li dis chastiaus au signeur de Fosseur, voires estoit pour le temps; et i eut des bleciés des Englois asallans, et aussi ot de chiaus de dedens. Et s'en departirent li Englois, sans riens faire, et retournèrent à lors logeis.
Tous les jours ooit nouvelles li rois de France, qui se tenoit à Pieronne en Vermendois, dou couvenant des Englois; et avoit intension très grande et affection que il les combateroit, ne jamais ne retourneroient sans estre combatu. Et sus cel espoir, li rois avoit fait estendre ses mandemens par tout son roiaulme, et asambloit grant gens d'armes. Et en estoient li camp tout cargiet entre Saint Quentin et Pieronne, et entre Bapaumes et Lihoms en Santhers; et tout au lonch de la rivière de Sonme, li rois d'Engleterre. Se deslogièrent dou Mont Saint Martin ils et toutes ses gens et de là environ, et cevauchièrent en trois batailles moult ordonneement, la bataille des mareschaus première, et puis le roi et le duch de Braibant et messire Robert d'Artois, après, le duch de Gerlles, le conte de Jullers, l'arcevesque de Coulongne et mesire Gallerant son frère. En l'arrière garde estoient li marqis de Misse et d'Eurient, li marqis de Blanquebourc, li contes de Mons, li contes des Èles, li contes de Mours, li contez de Saumes, messires Jehans de Hainnau, li sires de 462 Fauquemont, li sires de Quq, messires Ernouls de Baquehem, messires Guillaumes de Duvort. Et estoient bien en l'aide dou roi d'Engleterre quarante mille honmes, toutes gens de fait et d'emprise, à ce que il moustroient. Et ardoient li coureur le pais, et vinrent chil de l'avant garde courir devant les portes de Saint Quentin. Et pour tant que li François savoient bien que li voiages des Englois se tailloit et ordonnoit à passer par là, la ditte ville estoit pourveue de bonnes gens d'armes. Et s'i tenoient li sires de Couchi, li contes de Danmartin, li sires de Montmorensi, li sires de Hangiers, li sires de Qanni, li sires de Saucourt, et tant que il estoient bien chinq cens armeures de fier. Et passèrent les batailles dou roi d'Engleterre à Font Sonme, et costiièrent Saint Quentin; et s'avalèrent à Oregni Sainte Benoite, pour venir sus la rivière d'Oise.
Ces nouvelles vinrent à Pieronne à Vermendois, où li rois Phelippes se tenoit et tous li mondes de gens d'armes avoecques lui, que li Englois, à ce que il moustroient, s'en raloient, et que point il ne se logoient ne logeroient devant Saint Quentin, et ne faisoient autre esploit que de ardoir le plat pais. Donc dist li rois Phelippes: «On face conmandement de par nous que tout honme soient prest, car nous volons aler combatre ces Englois.» Chils conmandemens s'estendi partout les lieus où li Englois estoient logiet; si s'ordonnèrent tantos pour mettre au cemin. Et se departi li rois de Pieronne en grant arroi, et cevauça viers Saint Quentin.
Et li rois d'Engleterre s'avala sus la rivière d'Oise, et vint passer à un village que on dist Brenot; et li avant garde et messires Jehans de Hainnau et li sires de Fauquemont et lors routes, ou bien avoit deus mille armeures de fier, s'en vinrent à Oregni Sainte Benoite. L'abesse d'Oregni et les dames, qui sentoient la venue des Englois, estoient retraites en la forte ville de Ribeumont qui sciet à une lieue de là; et avoient fait mener et chariier tout lor reliquiaire et les biens de l'abeie; aultrement il euissent esté tout perdu. Li avant garde dou roi d'Engleterre entrèrent en Oregni et passèrent oultre, mais à lor departement elle fu toute arse; et par le grant feu qui fu en la ville, li abbeie d'Oregni et la mantion des dames prist grant damages, et fu priès li moustiers tous ars. Chil de l'avant garde passèrent oultre et cevauchièrent jusques à Ribeumont, et l'aprochièrent de si priès que li signeur vinrent devant les barrières; mais point 463 n'i arestèrent ne asallirent, car il veirent bien que il perderoient lor painne, car là dedens s'estoient requelliet auqun chevaliers et esquiers dou pais, pour garder la ville et la tour et lors corps meismes. Si furent tous les foursbours de Ribeumont ars. Il n'i prisent aultre damage, et ne passèrent point oultre Ribeumont li Englois; mais retournèrent viers Behories où li rois d'Engleterre estoit logiés en l'abeie proprement, et li dus de Braibant à Wandaincourt, et tout li signeur là environ selonch la rivière d'Oise.
Li sires de Fauquemont, messires Ernouls de Baquehem, messires Guillaumes de Duvort, et une route d'Alemans où il i avoit bien chinq cens armeures de fier, s'en alèrent à Tupegni, et livrèrent un grant assaut au chastiel. Mais li sires estoit dedens et avoit des bons compagnons avoecques lui, qui li aidièrent à desfendre et à garder, si bien que il n'i prisent point de damage. Et n'i fissent aultre cose li asalant fors que travillier lors corps, car li chastiaus est biaus et fors, mais la basse cours fu toute arse et la ville osi. Si s'en departirent li desus dit Alemant, qant il orent fait lor envaïe; et s'en vinrent à une ville assés priès de là que on dist Esqielles, seans sus la rivière d'Oise.
Et encores se tenoit li rois d'Engleterre à Behories, car ses gens avoient trouvé l'abeie garnie et pourveue de tous vivres, vins et chars, assés fains et avainnes pour lors chevaus batus et à batre, car ceste cevauchie se fist en la plus plentieveuse saison de l'an, ou mois de octenbre. Fos 48 et 49.
P. 169, l. 4: vespre.—Ms. B 6: Sy dura cel assault toute jour ajournée. Fo 113.
P. 169, l. 7: Hamans.—Ms. de Valenciennes: ung bon chevalier almant, qui estoit de le route monseigneur de Beaumont, appellé monseigneur Bernard. Fo 75.—Ms. B 6: Herman Bisses. Fo 113.
P. 170, l. 29: de Bakehen.—Le ms. B 6 ajoute: monseigneur Henry de Flandres. Fo 114.
P. 171, l. 7: Guise.—Ms. B 6: Sy chevauchèrent tout bellement devers Femy et devers Farvacque, pour venir à Lesquelles et à Guise. Fos 114 et 115.
P. 171, l. 17: de Lincolle.—Le ms. B 6 ajoute: messire Renault de Gobehen et mesire Gautier de Mauny. Fo 114.
P. 171, l. 28: Creci sus Selle.—Ms. B 6: où bien avoit trois cens hostelz. Fo 114.—Mss. A 11 à 14: Crecy sur Delle. Fo 43.
464 § 82. P. 172, l. 1: Jehan de Haynau.—Ms. d'Amiens: Et d'autre part, messires Jehans de Haynnau, à tout deus cens lanches, couroit le pays; et avoit pris un autre chemin, et vint à Marle et ardi le ville et tout, hors mis les fortrèces, et ardi les villiaus d'environ sus le rivierre d'Oise. Et prist son tour, et rapassa Oize à Guize, où madamme de Blois sa fille estoit; mès pour ce ne laissa il mies la ville à ardoir, et les moulins à abattre. Et d'autre part, li sirez de Fauquemont chevauchoit à six vingt [222] lanches, et autres compaignons, qui environ Ribeumont fissent moult de doummaiges; et s'en vint autour, costiant leur grosse ost qui aprochoit Buironfosse. Et entendi que li homme [223] dou Louvion en Tieraisse estoient retret ens ès bois, et i avoient là mis et atrait le leur, et s'estoient assés bien fortefiés, en tant que de rouillies et de bois. Si chevaucièrent li Alemant celle part. Et y sourvint messires Ernous de Bakehem chiaux dou Louvion [224] qui en le forest dou Louvion s'estoient boutet, liquel se deffendirent ce qu'il peurent. Che ne fu nient gramment, car il ne peurent à le longhe durer contre tant de bonnes gent d'armes. Si furent ouvers, et leurs fors concquis et mis à cache; et en y eut bien mors que navrés quarante, et perdirent tout ce que là aporté avoient.
Ensi estoit et fu chils pays adonc courus et sans deport. Et li roys d'Engleterre et toutte se grosse os, où bien avoit plus de quarante mil [225] hommes, estoient parti de Farvaques et venu logier à Moustroel les Dames; et l'endemain il chevauchièrent tout souef, et vinrent à le Flammengherie. Et là eut li roys englès consseil qu'il se logeroit et atenderoit le roy Phelippe, qui vistement et de grant volenté le sieuwoit à plus [226] de cent mil hommes; et toudis li croissoient gens à forche. Fo 34 vo.
Ms. de Rome: Le roi d'Engleterre estant à Behories, li avant garde estoit logie oultre le roi une grande lieue; si s'en vinrent à Guise. Et là en celle cevauchie estoient messires Jehans de Hainnau, li sires de Fauquemont, li sires de Quq et mesires Ernouls de Baquehem. Pour lors la ville de Guisse, reservé le chastiel, 465 n'estoit fremée que de palis et de bailles. Et se confioient chil de la ville sus lor dame la contese de Blois, pour tant que elle estoit fille à messire Jehan de Hainnau, que il ne deuissent point estre assalli, mais si furent. Car qant chil de l'avant garde et li chevalier desus nonmé furent venu devant les barrières, il missent tout piet à terre et prissent les lances, et s'en vinrent asallir à ceuls qui as barrières estoient; et tantos furent conquisses, car la force des desfendans n'estoit point parelle as asallans; et toutes fois il s'i portèrent assés bien, et se retraissent petit à petit dedens le fort, et ne prissent point trop grant damage. Tant que de lors honmes, fenmes, enfans et tous lors meubles, il avoient tout retrait ou fort, et tout le bestail cachiet oultre viers Saint Goubain et en la terre de Couchi.
La contesse de Blois entendi que son signeur de père estoit en celle cevauchie; si quida trop bien besongnier, et que pour l'amour de li, son père deuist respiter de non ardoir la ville de Guise. Si descendi aval dou chastiel, et vint à la première porte; et fist tant par priières et par paroles que messires Jehans de Hainnau son père vint parler à lui, et li demanda tout ireusement: «Que voes tu, monsigneur, que ceste ville soit deportée de non estre arse? cela poés vous bien faire, et tout pour l'amour de moi qui sui vostre fille.»—«Et pour ce que tu es ma fille, respondi mesires Jehans de Hainnau, sera elle arse; et remonte là sus ou dongnon, que la fumière ne te face mal.» La contesse de Blois n'en pot aultre cose avoir, car la ville de Guise fu arse.
D'autre part, li evesques de Lincolle et li marescal d'Engleterre et messires Gautiers de Mauni, à bien cinq cens lances, entrues que li rois d'Engleterre estoit à Behories, cevauchièrent oultre viers Venduel et ardirent Clari, sus la rivière d'Oise, Moy et Venduel, le Fère et un grant mout de villages là environ, et la ville de Saint Goubain, mais au chastiel ne portèrent il nul damage. Et s'en vinrent corir jusques à Vaus desous Laon, et l'ardirent et Bruières, car pour lors il n'i avoit nulle fremeté, et s'en retournèrent par Cresci sus Sèle et l'ardirent, et le Pont au Nouvion, et tous les hamiaus de là environ, et la ville de Marle. Et li rois d'Engleterre et toute li hoos, celle cevauchie faisant, se departirent de Waudaincourt et de Behories et de l'Esqielle, et s'en vinrent viers Femi l'Abeie et viers la Capielle en la Tierasse et la Flamengrie. Fo 49.
P. 172, l. 2: à Guise.—Ms. B 6: Et s'en revinrent à Guise. 466 et là trouvèrent il monseigneur Jehan de Haynau et le seigneur de Fauquemont à tout ses gens. Et alors se combatoient à aulcuns Franchois qui gardoient le pont et la rivière de par monseigneur Charles de Blois à qui la ville estoit: si ques, quant ces Englès vinrent de l'autre costé, les François se retrairent ou castel. Et passèrent adonc l'evesques de Lincolle et leur route au pont. Fos 114 et 115.
P. 172, l. 4: sa fille.—Ms. B 6: qui seur estoit à messire Jehan de Haynau, qui là estoit present. Fo 115.
P. 172, l. 13: Femi.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 39, et ms. B 6: Farvaques. Fo 43.—Mss. A 8 et 9, 15 à 17: Femy. Fo 41.
P. 172, l. 15: d'Alemans.—Ms. de Rome: Une route d'Alemans, desquels li sires de Fauquemont estoit chiés et conduisiries, chevauchièrent devant hors de l'avant garde, car il ne trouvoient nului qui lor contredesist lor cemin; et vinrent sus un vilage que on apelle Irçon, et le pillièrent et ardirent, et puis Bonwes. Et chevauchièrent oultre jusques au Louvion en Tierasse, car on lor avoit dit que il i avoit un gros village et rice, liquels estoit hiretages au conte de Blois. Qant il furent venu jusques à là, il ne trouvèrent à qui parler, car toutes gens estoient retrait en la haie dou Louvion et avoient là mené à sauveté, et copé et haiiet le bois de tel manière que on ne pooit venir à euls fors à grant malaise; mais quoi que il se fuissent ensi fortefiiet, pour ce ne se abstinrent pas les Alemans que il ne les alaissent veoir, ensi que gens convoiteus qui sont tous jours enclin au gaegnier.
Messires Ernouls de Baquehem et sa route avoient chevauchiet d'un aultre lés. Si trouvèrent le signeur de Fauquemont et ses gens en la ville dou Louvion qui mengoient et buvoient, car des vins et des pourveances il avoient trouvé assés; si ques par acord il dissent que il iroient ens ou bois, et escarmuceroient cheuls qui i estoient retrait, et lor torroient ce que il i avoient porté. Tant fissent que il trouvèrent le trace et vinrent jusques à euls; et costiièrent tant le bois haiiet et abatu, que il trouvèrent la voie par quoi il vinrent à euls. Qant il furent là venu, il asallirent ces honmes dou Louvion qui se missent à desfense tant que il porent, mais plenté ne fu ce pas. Si en i ot biau cop de navrés et de bleciés, et s'enfuirent et s'espardirent parmi le bois, li uns chà et li aultres là. Chil Alemant ne les poursievirent point plenté, mais prisent et toursèrent tout ce de bon que 467 dou lour il trouvèrent; et retournèrent arrière et poursievirent l'oost le roi d'Engleterre qui estoit logiés à la Flamengrie. Fo 49 vo.
P. 172, l. 29: quarante.—Mss. A 11 à 14: quarante quatre. Fo 43.
P. 173, l. 4: le Flamengrie.—Ms. d'Amiens: à le Chapelle en Tierasse et à le Flamengherie. Fo 34 vo.—Ms. de Valenciennes: à le Cappelle et à le Flamengerie en Teraice. Fo 76 vo.
P. 173, l. 5: quarante mille.—Mss. A 11 à 14: quarante quatre mille. Fo 43.
§ 83. P. 173, l. 12: effort.—Ms. de Rome: et avoit plus de cent mille hommes. Fo 49 vo.
P. 173, l. 18: deus liewes.—Ms. d'Amiens: deux petitez lieuwez. Fo 34 vo.
P. 173, l. 19: Si tretost.—Ms. d'Amiens: ce meysme soir (que le roi de France vint à Buironfosse), vint en l'ost de Franche li comtez Guillaume de Haynnau. Fo 34 vo.
P. 173, l. 24: lances [227].—Ms. de Rome: de Hainnuiers et de Hollandois. Fo 49 vo.
§ 84. P. 174, l. 7: Or sont.—Ms. d'Amiens: Mout desiroit li roys englès à avoir le bataille, car messire Robert d'Artois et messires Jehans de Haynnau et li contez Derbi li consseilloient, ossi li dus de Braibant, li dus de Gerllez, li dus de Julle[r]s et li seigneur d'Allemaigne. Et disoient bien entre yaux que ce seroit grans dammaigez et grans confusions que se si bellez gens d'armes, qui là estoient dez deux costéz, se departoient sans riens faire. Ossi li roys de Franche n'avoit autre entension que dou combattre et que de vengier l'arssin et le doummaige que li [rois] englès et li aloiiés avoec lui li avoient fait. Si demanda à son connestable Raous le comte d'Eu et de Gui[n]e et à ses marescaux, le marescal Bertran et le marescal de Trie, quel nombre de gens il pooit bien avoir; et il li respondirent que il en avoit bien six vingt mille, et tout adrechiet pour combattre. Fo 34 vo.
Ms. B 6: Tant esploita le roy d'Engleterre et tout son ost où bien avoit quarante mille hommes, et s'en vint à la Cappelle 468 en Terrache; et ardirent ses gens toute la ville du Lovio[n], qui estoit au conte de Blois. Et osy ardirent la ville de la Cappelle, et puis s'en vinrent à le Flamengherie. Entre le Flamengrie et Buierfosse, s'en vint logier le roy d'Engleterre. Et dist que il n'yroit plus avant, sy aroit veu ses ennemis et combatu le roy de Franche et sa puissance, qui le sievoient moult efforchiement. Et s'en vint che soir logier le roy de France entre le Cappelle en Terrasse et Buironfosse. Fo 115 et 116.
P. 174, l. 16: nombre.—Ms. de Rome: Li rois Phelippes de France avoit là tout le monde de gentils homes; et furent nombrés les banières en son hoost à deus cens et soissante barons. Fo 50.
P. 174, l. 18: le Capelle.—Ms. de Rome: à la Flamengrie et à la Capelle en Tierasse. Fo 50.
P. 174, l. 21: petites liewes.—Ms. de Rome: et tout plain pais. Fo 50.—Ms. B 6: à mains de deus lieuwes. Fo 116.
P. 174, l. 24: de Jullers.—Le ms. d'Amiens ajoute: le marquis de Misse et d'Eurient...., le comte Derbi,.... le seigneur de Fauquemont, messire Guillaume de Duvort, le comte de Saumes. Fo 34 vo.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: le conte de Los. Fo 43 vo.
P. 174, l. 26: Robert d'Artois.—Mss. A 11 à 14: conte de Richemont en Angleterre, que le roy Edouart lui avoit donnée. Fo 43 vo.
§ 85. P. 175, l. 29: doi chevalier.—Ms. de Rome: deus jones chevaliers et de grant volenté. Fo 50.
P. 176, l. 14: prisonniers.—Ms. d Amiens: et le retint li sirez de Horsteberch [228] comme sen prisonnier. Fo 35.
P. 176, l. 14: sis.—Ms. de Rome: et fu prisonniers à euls siis; çasquns i clama part. Fo 50.
P. 176, l. 15: rançonnèrent.—Ms. d'Amiens: Dont furent il d'acort qu'il se mist à finanche parmy mil viés escus que il devoit porter ou envoyer, dedens le jour dou Noel prochain venant, à Tret sus Meuse, ou là venir tenir prison. Ensi le jura li sirez de Faignuellez. Fo 35.—Ms. de Rome: et se rançonna à douse cens florins et le cheval perdu. Fo 50.
469 P. 176, l. 16 et 17: de Haynau.—Ms. de Rome: de France et de Hainnau. Fo 50.
P. 176, l. 24: messe.—Ms. de Rome: et le trouvèrent que il s'aparilloit pour aler deviers le roi d'Engleterre. Fo 50.
P. 176, l. 28: Byaumont.—Ms. d'Amiens: Si fist disner le seigneur de Faignuellez et le chevalier allemant dallés lui; et apriès disner encorrez parlèrent il de la raenchon. Et dist li sirez de Biaumont à l'Alemant: «Sire, sire de Hosteberch, soiiés ung petit plus doulz au seigneur de Faignuelles, car vous savés en quel convention vous l'avés pris.» Adonc fu li chevaliers d'Alemaigne tous honteux et dist: «Monseigneur, se Dieux le m'amena, j'en avoie bien mestier; car er soir j'avoie perdu tout mon argent as déz.» Dont coumenchièrent li chevalier à rire, et meysmement messires de Biaumont. Lors coummenchièrent li chevalier à aller entre deux, et à brisier le premierre marchandise; et tellement amoiienèrent le besoingne que il le dubt quiter de foy et de prison parmy six cens viés escus que messires de Biaumont li devoit paiier tantost, lesquelx il li fist delivrer dedens le viespre, et les presta au seigneur de Faignuellez. Fo 35.
P. 177, l. 4: courouciet.—Ms. d'Amiens: et especialment li comtes, car moult l'amoit. Fo 35.
P. 177, l. 8: renvoiiet.—Ms. de Rome: et le fist raconvoiier par ses gens meismes jusques bien priès de l'ost as François. Fo 50.
P. 177, l. 10: coursiers.—Ms. de Rome: lequel li Alemant ne li voloient rendre; et disoient que il l'avoient gaegnié. Fo 50.
§ 86. P. 177, l. 25: contes de Jullers.—Ms. de Valenciennes: duc de Jullers. Fo 78 vo.
P. 177, l. 26: Blankebourch.—Mss. A 11 à 14: Frankebourc. Fo 44.
P. 177, l. 27: des Mons.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: li contes de Los. Fo 44.
P. 177, l. 28 et 29: Guillaumes.—Ms. de Valenciennes: Gilles. Fo 78 vo.
P. 177, l. 29: de Duvort.—Mss. A 11 à 14: du North. Fo 44.
P. 177, l. 29: Ernoulz de Bakehen.—Mss. A 11 à 14: Guillaume de Kakehan. Fo 44.
470 P. 177, l. 30: bataille.—Ms. d'Amiens: et avoit en cèle route vingt cinq bannières et quinze pignons, et estoient bien huit mille hommes et de bonne estoffe. Fo 35.
P. 177, l. 31: soissante.—Mss. A 1 à 6: quarante. Fo 44 vo.—Mss. A 15 à 17: soissante deus. Fo 46 vo.
P. 178, l. 5: son pays.—Le ms. d'Amiens ajoute: li comtes des Mons. Fo 35.
P. 178, l. 5: Kuk.—Ms. de Valenciennes: Buck. Fo 78.
P. 178, l. 6: Berghes.—Mss. A 11 à 14: Berguettes. Fo 44.
P. 178, l. 7: Vauselare.—Ms. d'Amiens: Wasenare. Fo 35.—Ms. de Valenciennes: Voscler. Fo 78 vo.
P. 178, l. 8: Sconnevort.—Mss. A 11 à 14: Stonnenorth. Fo 44.
P. 178, l. 9: Boukehort.—Mss. A 11 à 14: Bourquenbourch. Fo 44.—Mss. A 1 à 6, 20 à 29: Boukebourc. Fo 44 vo.
P. 178, l. 12: Gilles.—Mss. A 11 à 14: Jehan. Fo 44.
P. 178, l. 14: Gautiers.—Mss. A 11 à 14: Jehan. Fo 44.
P. 178, l. 18 et 19: Halluin.—Mss. A 11 à 14: Jehan de Halluin. Fo 44.
P. 178, l. 21: Strates.—Mss. A 11 à 14: Trasces. Fo 44 vo.
P. 178, l. 23: vint et quatre.—Ms. d'Amiens: vingt et deux. Fo 35.
P. 178, l. 24: quatre vint.—Ms. d'Amiens: dix sept. Fo 35.
P. 178, l. 24: sept mille.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22 et ms. d'Amiens: huit mille. Fo 44 vo.
P. 178, l. 30: Lincolle.—Le ms. d'Amiens omet: li evesques de Durem,... li sires de Persi,... li sires de Montbrai,... li sires de Lantonne,... li sires de Basset,... messires Jehans de Lille;—et il ajoute: li coens de Warvich...., li comtes de le Marche, li comtes de Pennebrucq, monseigneur Richart de Stanfort, messires Jehans viscontez de Biaumont...., li sirez de Salich [229], li sirez de Felleton [230]...., li sires de Ferierres [231], li sirez de Brasseton [232]...., li sires de Multonne. Fo 35.
471 P. 178, l. 31: Sallebrin.—Ms. d'Amiens: qui estoit marescaux de l'ost. Fo 35.
P. 178, l. 32: Clocestre.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: le conte de Norhantonne et de Lancastre. Fo 44 vo.
P. 179, l. 1: Kenfort.—Mss. A 11 à 14: Kainforth. Fo 44 vo.—Ms. A 2: Kerfort. Fo 46 vo.—Mss. d'Amiens et de Valenciennes: Herfort. Fo 35.
P. 179, l. 2: Ricemont.—Mss. A 11 à 14: en Angleterre, car voirement la lui avoit le roy anglois donnée. Fo 44 vo.
P. 179, l. 3: de Ros.—Ms. d'Amiens: de Northonbrelant qui fu là fès chevalier et leva bannière. Fo 35.
P. 179, l. 5: Lantonne.—Mss. A 11 à 14, 20 à 22: Hantonne. Fo 44 vo.
P. 179, l. 6: li sires de Filwatier.—Ms. d'Amiens: Guillaummes Filz Warine [233]. Fo 35.
P. 179, l. 10: nouviaus.—Ms. de Rome: Mais je Froissars et actères de ces croniques, oï dire plus de une fois le gentil chevalier messire Jehan Caindos que il fu fais nouviaus chevaliers de la main le roi Edouwart d'Engleterre ce venredi que li assamblée fu à Buironfosse; et pour tant que il fu plus vaillans que nuls aultres quiconques s'armast de la partie des Englois, j'en fac enarration. Fo 50.
P. 179, l. 11: Chandos.—Ms. de Valenciennes: qui fu l'un des bons hommes d'armes des deux royalmes. Fo 79.
P. 179, l. 15: vint et huit banières.—Ms. d'Amiens: Et avoit li roys trente deux bannierrez et bien otant de pignons. Fo 35 vo.
P. 179, l. 15: quatre vint et dix.—Mss. A 15 à 17: quatre vint et douze. Fo 46 vo.
P. 179, l. 16: six mille.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: environ huit mille. Fo 45.—Ms. de Valenciennes: dix mille. Fo 79.
P. 179, l. 17: six mille.—Mss. A 20 à 22: huit mille. Fo 73 vo.
P. 179, l. 18: bataille.—Ms. d'Amiens: Et fu là ordounnés à tenir sus destre en une bataille, pour reconforter sus elle lez plus lasséz, messires Robiers d'Artois. Et avoit dalléz lui monseigneur Gautier de Mauny [234], monseigneur de Bercler, le seigneur 472 de Clifort, messire Richart de Pennebruge [235], messire Bietremies de Bruech [236]. Et estoient [237] trois mil hommes d'armes, douze bannières et deus mille archiers. Fo 35 vo.
P. 179, l. 23: trois mille.—Mss. A 11 à 14: environ quatre mille hommes d'armes et deux mille archiers. Fo 44 vo.—Mss. A 15 à 17: environ deux mille. Fo 46 vo.
§ 87. P. 180, l. 5: honneur.—Ms. d'Amiens: car il retenoit sus sen ame que il se combatoit sus son droit. Fo 35 vo.
P. 180, l. 8: apertenoit.—Ms. d'Amiens: ainsi se tinrent il toute le matinée, attendant les Franchois. Fo 35 vo.
P. 180, l. 15: avisèrent.—Ms. d'Amiens: les hiraux qui eurent en escript tous les bannerèz. Fo 35 vo.
P. 180, l. 16: il y eut.—Ms. d'Amiens: onze vingt et sept banièrez, quatre roys, cinq dus, trente six comtes et vingt sept cens et cinq [238] chevaliers, quatre vingt mil hommes d'armes, sans les communes dont il y avoit plus de soixante mille. Fo 35 vo.
P. 180, l. 16 et 17: onze vint et sept.—Mss. A 8 et 9, 23 à 33: onze vingt bannières. Fo 43.—Mss. A 11 à 14: onze vingt et dix huit. Fo 45.—Mss. A 1 à 6: six vingt et sept. Fo 45.—Ms. B 6: onze vingt et quinze. Fo 118.
P. 180, l. 17: cinq cens.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: six cens. Fo 45.
P. 180, l. 17: et soissante.—Mss. A 11 à 14: et quatorze. Fo 45.
P. 180, l. 19: quatre mille.—Mss. A 1 a 6, 20 à 22: quatre cens. Fo 45.—Ms. B 6: dix sept cens. Fo 118.
P. 180, l. 20: plus de soixante mille.—Ms. B 6: Le roy de Franche, à ce que on disoit, avoit bien deus cent mille hommes, que à piet, que à cheval. Fo 117.
P. 180, l. 27: de Bar.—Le ms. d'Amiens omet: li contes de Valentinois,... li contes de Genève, li contes de Dreux;—et il ajoute: li comtez de Pontieu, .... li comtez de Tankarville, li comtez de Waudimont, .... li comtes de Jeni [239], .... li contez de Porsiien [240], li comtez de Brainne, .... li comtez de Biaumont, li 473 comtes de Montfort, li comtez de Nerbonne, li comtes de Pieregort, li comtes de Villemur, li comtes de Conmignes, .... li comtez de Murendon [241], li comtez Douglas d'Escoce et li comtez de Moret.... Fo 35 vo.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: le conte de Namur, ... le conte de Joingny. Fo 45.
P. 181, l. 5: à recorder.—Ms. d'Amiens: Environ heure de tierche, vint li dus Oedes de Bourgoingne à plus de cinq cens lanches [242], et se mist d'un léz sour les camps; et avoit dix neuf banerèz, tous de Bourgongne et de le comtet de Bourgoingne. Là estoient li jonez comtez Guillaummes de Haynnau en très bon arroy et forche, et faisoit se bataille à par lui; et avoit dix huit banerès, tous à bannierre de son pays dallés lui. Fo 35 vo.
P. 181, l. 5 et 6: biautés.—Ms. d'Amiens: Moult fu ceste journée belle et clerre et sans bruine; et resplendisoit li solaux en ces armoiriez, tant que c'estoit grans depors de l'imaginer et veoir. Fo 35 vo.
P. 181, l. 7: couvers.—Ms. d'Amiens: jusqu'au fallon.
P. 181, l. 10: quinze mille.—Mss. A 1 à 6: seize mille. Fo 45 vo.—Mss. A 20 à 22: seize mille hommes à cheval et trente mille hommes à pié. Fo 74.
P. 182, l. 11: dou lièvre.—Ms. d'Amiens: Apriès ceste avenue, les nouvelles vinrent au roy de France comment uns lièvres avoit estourmy ses gens et estoit passés parmy sen ost. Dont li pluiseur eurent sus grant ymagination et dissent que ce n'estoit pas ungs bons signes quant uns lièvres, qui est encontréz de povre estrinne, les avoit ensi estourmis et courut par devant yaux; et quoy que fuist dou samedi, che venredi on ne li consseilloit niens à lui combattre. Ensi parlans et ymaginans pluiseurs paroles et diviers oppinions, s'avancha mout li jours tant que nonne fu passée. Fo 36.
P. 183, l. 8: detriiés.—Ms. B. 6: Ensy furent ches seigneurs tant englès comme franchois, et aloient l'un devant l'autre par ung venredy, et point ne se combatirent. Dont on s'en peult moult esmervillier pour quoy il le laissèrent, car il y avoit de toutes parties grans foison de gens d'armes. Et à che que j'ay depuis ouit recorder, il tint plus en la partie du roy de Franche que en chelui du roy d'Engleterre, car il y avoit tant de fouré 474 chapprons qui estoient du conseil du roy de Franche, les quels brissèrent la journée. Car qui euist crut le roi Phelippe, on se fust combatus sans faulte, et ne desiroit aultre chose. Sy se departy ensy celle journée sans riens faire, qui fu à Buironfosse l'an mil trois cens trente neuf, le vingt cinquième jour du mois d'octobre. Fos 118 et 119.
P. 183, l. 10: Haynau.—Ms. d'Amiens: Quant li comtes Guillaumme de Haynnau, qui estoit sus les camps en bon arroy et friche, vit que nonne passoit et que nulx ne s'aprochoit pour combattre, si appella le seigneur d'Enghien et monsigneur Henry d'Antoing et leur dist: «Alléz deviers monseigneur mon oncle, et li demandéz quel cose il voelt que je fache.» Il respondirent: «Vollentiers.» Dont partirent li doy baron et vinrent deviers le roy de France qui jà se retraioit, et i avoit une si espesse route de seigneurs que jammais ne l'ewissent brisiet. Si trouvèrent monseigneur d'Alençon à qui il adrechièrent leur messaige. Et il respondi: «Ditez à mon nepveut qu'il s'en voist, de par Dieu, car nous n'arons point de bataille.» Ensi le raportèrent li seigneur dessus dit au comte de Haynnau qui se parti de le place et toutte se routte, si tost qu'il oy ces nouvelles; et s'en revint cevauchier [243] vers le Kesnoy. Fo 36.
P. 183, l. 12: englès.—Ms. d'Amiens: Quant li roys d'Engleterre et si aloiiet, qui avoient estet rengiéz enmy les camps tout à piet, dou matin jusques à nonne, sans boire et sans mengier, veyrent bien que li roys de Franche ne ses gens ne descenderoient point jusqu'à yaux pour combattre, si se traisent enssamble pour avoir avis et consseil coumment il se maintenroient. Pluiseurs oppinions et grant estoient eut entre yaulx ossi bien comme entre les Franchois. Et volloient li roys et li baron d'Engleterre, messires Robers d'Artois, messires Jehans de Haynnau et li sires de Fauquemont, chevauchier encorres avant sour le royaumme et nient partir sans combattre. Li ducs de Braibant et pluiseurs de son accord disoient ensi que il ne pooient avoir blasme ne reprochement del partir à tous bons entendeurs; car il avoient offert, à l'entrée del royaume, le bataille au roy de Franche qui leur avoit acordé. Avoecq tout ce, il s'estoient là tenu, enssi que gens d'armes se doient tenir, attendans leurs ennemis qui point n'estoient venus; et se passoit li heure et li tiermes 475 de combattre ossi. D'autre part, vitaille leur coummenchièrent à defallir; et ne savoient mies bonnement, s'il chevauchoient plus avant, coumment il en seroient pourveu: si ques d'iaux enclore ne bouter trop avant et sus l'ivier ou royaume de Franche, il n'y veoient point de bon, car mieux leur en valloit partir à honneur que d'atendre nulle aventure à leur deshonneur. Tout comsideret et regardet l'un contre l'autre, li darrains acors fu que d'iaux departir. Si se deslogièrent et vinrent la nuit gesir bien tart environ Avesnes à tout leur caroy et leur concquès. Fo 36.
Ms. de Rome: Ce venredi au soir, il fu ordonné en l'oost le roi d'Engleterre que on se deslogeroit sus le point de mie nuit, et se retrairoit on tout bellement en Hainnau et en Braibant, et que pour celle saison on en avoit fait assés; car au voir dire, tant que pour la bataille, la pareçon n'estoit pas parelle, car li François estoient trop plus fort et plus poissant sus les camps ne fuissent les Englois. Celle doubte et nulle aultre, ensi que il fu supposé et consideré depuis, i missent li dus de Braibant, li dus de Gerles et li contes de Jullers et auquns aultres de lor aliance; non li rois d'Engleterre et les Englois, car il se fuissent volentiers combatu et pris l'aventure et se tenoient à tout conforté, mais là pour celle fois il les couvint croire consel, car il n'estoient pas signeur des Alemans et des estrangiers. Sus le point de mienuit, sans faire trop grant noise, toutes gens en l'ost le roi d'Engleterre se deslogièrent, et cargièrent chars et charètes, tentes, très, auqubes et pavillons. Fo 50 vo.
P. 183, l. 13: de Braibant.—Ms. B 6: A minuit, le roy d'Engleterre mist tout son consail ensamble pour savoir quel chose il feroit, et comment il se maintenroit. Le duc de Braibant, qui estoit là ses cousins germains, et qui estoit le plus grant de tout son consail, dist et conseilla que on se retrairoit, et que pour celle saison on avoit assés ghuerriiet, car l'yvier aprochoit, et que le roy d'Engleterre avoit fait bien son devoir, et allé et chevauchiet ou royalme de Franche et ars et moult gasté le pais et atendu ses ennemis, et puis avoir esté tous rengiés et ordonnés et mis en bataille, l'un devant l'autre; et point ne furent ses ennemis sy hardis de les venir combatre. Pour laquelle cose, on doit tenir à grant honneur l'emprise d'un roy d'Engleterre. Adonc fut creut le consail du duc de Brabant. Fo 119 et 120.
P. 183, l. 15: ce venredi.—Ms. B 6 et ms. de Rome: le semmedi au matin. Fo 120.
476 P. 183, l. 15: d'Avesnes.—Ms. B. 6: Le roy d'Engleterre et toute sa compaignie passèrent devers Avenues, et tout à travers le pays de Haynau, et desoubz Bieaumont et le Sambre, et au pont à Avesne. Fo 120.
P. 183, l. 19: en Braibant.—Ms. B 6: à Brouselles d'enprès son cousin le duc de Brabant, et là sejourna quinze jours. Fo 120.—Ms. de Rome: Et s'en vint li rois à Louvaing, et là trouva la roine sa fenme; et s'espardirent chil signeur d'Engleterre aval Braibant, ensi que fait avoient en devant celle cevauchie. Et murmuroient li auqun Englois l'un à l'autre et disoient: «On fait bien le roi nostre sire despendre et alever son argent pour noient et perdre le temps: il nous fault faire moult de tèles cevauchies avant que nous aions conquis le roiaulme de France.» Fo 50 vo.
§ 88. P. 183, l. 22: venredi.—Ms. A 7: samedi. Fo 43.
P. 183, l. 24: Phelippes.—Ms. d'Amiens: Quant li roys de Franche, ensi que vous avés oy, se fu tenus tout le jour jusquez à basse nonne sus lez camps en divierses oppinions, parlans et devisans à ses plus haus et grans amis et barons, et il vit que on ne lui consseilloit nient de combattre, tous mautalens et enflammés d'aïr, il retourna vers Buironfosse; et avoit entention que l'endemain, coumment qu'il fust, il se conbateroit. Si appella ses deux marescaux, monseigneur Robert Bertran et le seigneur de Trie, et leur dist: «Ordonnés et coummandés de par nous que nulz ne se parte, et que chacuns se loge, car demain nous nos combaterons, coumment qu'il soit.» Et li marescal le fissent ensi. Et quant il ne trouvèrent le comte de Haynnau, se le disent au roy, affin que il ne fuissent repris.
Adonc regarda li roys sus le comte d'Allenchon son frère et li dist: «De nostre nepveut de Haynnau savés nulles nouvelles?»—«En nom Dieu, monseigneur, oyl, che respondi li comtes d'Allenchon, [car] il [envoia] [244] orains le seigneur d'Enghien et le seigneur d'Antoing assavoir quel cose volliéz qu'il fesist. Il ne peurent parler à vous; si me trouvèrent d'aventure. Et quant je les euch oïs, je leur dis que il n'estoit appairant de combattre, et qu'il s'en allast de par Dieu.» Adonc penssa li rois ung petit et puis dist: «Or le mandéz apertement, car demain nous nos 477 combattrons.» Lors fist on monter ung sergant d'armes et venir vers le Kesnoy, et y vint si à point que li comtes se desarmoit. Et jà estoient tout li baron et li chevalier retrait as hostelx, et li autre partit et rallet vers leurs maisons. Si vint li messaigez dou roy deviers le comte, qui estoit ou castiel, et li dist: «Sire, li roys vous sallue et vous mande que, demain à soleil levant, vous soiiés à Buironfosse, car on se combatera as Englèz.»
Et quant li comtes oy ces nouvelles, si fist sounner ses trompettes et reuvillier chevaliers, et renseller chevaux, et mander apriès chiaux que il cuidoit le mieux ravoir. Et se parti en grant haste dou Quesnoy environ mienuit, et chevaucha tant avoecq ses gens que, le samedi au matin, il fu sus les camps et ou lieu ou auques priès dont il estoit partis le venredi. Et quidoit bien li comtes que on se dewist combattre; mais li roys ses oncles et li Franchois avoient oy autres nouvelles, car le venredi au soir li coureur et li foureur de Franche estoient revenus en leur ost et avoient dit pour certain que li Englès estoient party et jà retret en l'Empire et en le comté de Haynnau, et s'en ralloient arrière; et n'estoit mies apparans que il en fesissent plus ceste saison. Dont disent li baron de France au roy: «Sire, il faura le roy d'Engleterre faire mout de telx chevauchies, ainchois qu'il ait concquis le royaumme de Franche»: si ques li roys avoit jà ordounné et coummandé à deslogier et de raller chacun en son lieu.
Ces nouvelles vinrent jusques au comte de Haynnau qui se tenoit sour les camps, que li roys de Franche se devoit partir, et jà avoit dounnet congiet à touttes mannières de gens, car li Englès estoient esloingiet. Adonc s'en vint li comtes de Haynnau et toutte se routte où bien avoit quatre cens lanches [245], sus ung certain pas où li roys de Franche devoit passer. Et quant li roys vint là et il le vit ensi ordonnet, il demanda à chiaux d'entours lui dou comte qui c'estoit, et on li dist que c'estoit li comtes de Haynnau. Lors l'enclina li comtes en passant, et li roys li dist: «Biaux niés, rallés vous ent; vous vous estes bien acquitéz.» Dont se parti li comtes et prist congiet au roy et à sen oncle d'Allençon et au roy de Behaingne, et à ses cousins germains monseigneur le comte de Blois et monseigneur Charlon de Blois; et retourna arrierre avoecq se cevaucie, et s'en revint disner à Landrechies et jesir au Kesnoy. Or paurons dou roy d'Engleterre et 478 des aloiiés qu'il fissent et qu'il devinrent; car li roys de Franche ne les sieuwi plus avant; ains s'en revint à Saint Quentin, et là donna touttes ses os congiet. Si s'en rallèrent chacuns en leurs lieus et en leur garnisons, ensi que ordonné estoient.
Le samedi [246] au matin, se misent li seigneur enssamble et se conseillièrent quel cose il feroient, car il leur sambloit que ceste cevauchie estoit parfaite. Si trouvèrent en consseil que il donnaissent touttes leur gens congiet, et il s'en alaissent avoecq le roy d'Engleterre jusquez à Brouxelles. Ensi le fisent. Fo 36.
Ms. de Rome: Qant ce vint le samedi au matin, nouvelles vinrent en l'oost le roi de France que les Englois estoient departi et fuioit lor voie; ne on ne savoit que il estoient devenu. De ces nouvelles fu li rois Phelippes trop durement courouchiés; et dist que on l'avoit trahi, qant il n'avoit combatus ses ennemis, et que tout volentiers on lor avoit fait voie. Li plus hault baron et signeur de l'oost le rapaisièrent et li dissent: «Sire, sousfrés vous: on fera ce povre roi d'Engleterre outrequidiet tout despendre et alever le sien, et li tellement endebter deviers ces Alemans, que jamais n'en se vera delivrés. Li dus de Braibant en scet bien jusquez à là; et oultre il le mainne et pourmainne, et suesfre que ses gens amendent trop grandement de ce roi d'Engleterre. Il ne le soustient pour aultre cose que pour le pourfit. Il fault ce roi d'Engleterre faire moult de tels cevauchies, avant que il ait conquis le roiaulme de France. Le quide il donc conquerre par feus et par fumières? mès Dieus! nennil. Mais que il soit retournés oultre la mer, vous ne le verés mès en grant temps revenir. Où, diable, prenderoit il la finance pour seeler ces Alemans? Il a esté mauconsilliés de vous avoir desfiiet et de renvoiier son honmage. Jà a il plus perdu que il ne gagnera en toute sa vie. Les terres que il tenoit deçà la mer li estoient bien apertenans; elles sont fourfaites à tous jours mais. Jamais n'i retournera, ne hoirs qui de li isse.»
Ensi apaisoient li signeur de France le roi Phelippe. Mais, nonobstant toutes ces paroles, il vosist bien avoir combatu le roi d'Engleterre et ses Alemans; car, ensi que il disoit, il avoit gens assés pour ce faire. Qant il vei que il n'en aueroit aultre cose, il donna toutes ses gens congiet de retourner casqun en son lieu. Li contes de Hainnau, son neveu, vint prendre congiet à lui sus 479 les camps, et li rois li donna; et aussi fist li contes d'Alençon, son oncle: si s'en retourna li contes en son pais. Et li rois de France prist le cemin de Saint Quentin. Ensi se desrompirent ces grandes cevauchies et ces assamblées. Fos 50 vo et 51.
P. 183, l. 25: courouciés.—Ms. B 6: et dist, sy comme je oy compter depuis, que il solleroit tous ses amis pour ung denier de pain, Fos 120 et 121.
P. 184, l. 8: Saint Quentin.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 33: Saint Omer. Fo 46.—Ms. B 6: et là se tint plus de quinze jours. Fo 121.
P. 184, l. 13: dou Fay.—Ms. B 6: ung moult saige chevalier, devers la cité de Tournay, pour garder le pais; car très adonc se doubtoit il des Flamens. Fo 121.
P. 184, l. 15: Mortagne.—Ms. B 6: dedens le castel et ville de Mortaigne sur l'Escault. Fo 121.
P. 184, l. 18: Paris.—Mss. A 11 à 14: où il trouva la roine sa femme qui adonc le receupt à moult grant joie. Fo 46.
P. 184, l. 21: en Braibant.—Ms. de Rome: Tous jours avoit il dalés li messire Robert d'Artois et l'evesque de Lincole et son consel. Consideré fu et avisé entre euls que, se li rois d'Engleterre pooit tant faire et esploitier que il euist plainnement l'aide et le confort des Flamens pour mener là où il les vodroit avoir, sa gerre en seroit plus forte et plus belle, et jà avoit il l'amour et la grace de Jaquemon d'Artevelle et de ceuls de Gaind; si ques, pour amoiener toutes ces besongnes et sçavoir la pure intention de ceuls de Bruges, d'Ippre, de Courtrai, dou Dan, de l'Escluse et dou tieroit dou Franch, uns parlemens fu assis et ordonnés à estre à Brouselles devant le duch de Braibant en son hostel à Colleberghe. Et ot li dus en couvent au roi d'Engleterre, pour tant que il estoit grans tretiières et bien enlangagiés, que de euls remoustrer et attraire il feroit son plain pooir.
Chils parlemens fu escrips et mandés à estre à Brouselles et priiés Jaquèmes d'Artevelle que il i vosist venir et estre; et aussi en furent priiet les consauls des bonnes villes de Flandres. Jaquèmes d'Artevelle, qui jamais n'i eust defalli, i rendi grant painne que les consauls des bonnes villes de Flandres i fuissent; et i vinrent et ils meismes tout premiers avoecques ceuls de Granmont et de Gant en grant arroi. Fo 51.
P. 184, l. 22: Brousselles.—Ms. d'Amiens. Dont se departirent les os; et s'en rallèrent li Allemant, li Braibenchon, li 480 Guerllois et tout li autre, chacun en leurs lieux. Et li roys d'Engleterre, li dus de Braibant et li cief des seigneurs chevauchièrent à petites journées et rappassèrent la rivière de Sambre; et esploitièrent tant qu'il vinrent en Braibant et à Brouxelles où il furent bien requeilliet. Fo 36 vo.
P. 184, l. 22: raconvoiièrent.—Les mss. A 1 à 6, 15 à 17, 20 à 22 ajoutent: le duc de Braibant. Fo 46.
P. 184, l. 23: li contes.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: le marquis. Fo 46.
P. 184, l. 23: Jullers.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: le conte de Los. Fo 46.
P. 184, l. 30: Brousselles.—Ms. B 6: Après ce que le roy d'Engleterre eult fait celle armée en Franche, sy comme chy dessus est dit, et que toutes ses gens se furent departy et chacun ralé à son lieu, il s'en vint en la ville de Gant où madamme sa femme se tenoit, et là eult pluiseurs consaulx et parlemens as Flamens. Et toudis contoit i[l] ses afaires à Jaques de Hartevelle quy estoit son compère et grans amis, et qui avoit en la main tous les Flamens pour faire sa vollenté. Le roy d'Engleterre avoit intencion de retourner chel yver en son pais, et sur l'esté retourner à tout grant foison de gens d'armes et d'archiés, et de venir asegier la cité de Tournay. Et tout che dist il à Jaques d'Artevelle qui bien estoit de son acort. Fo 123.
P. 184, l. 31: d'Artevelle.—Ms. d'Amiens: Et y furent li consaux de Flandres des bonnes villes, especialment Jaquèmes d'Artevelle; et puisqu'il y estoit, c'estoit assés. Fo 36 vo.
P. 185, l. 10: Bietune.—Ms. d'Amiens: qui jadis furent de Flandres. Fo 36 vo.
P. 185, l. 11: li Flamench.—Ms. B 6: qui par samblant amoient moult le roy d'Engleterre. Fo 123.
§ 89. P. 186, l. 5: avis.—Ms. B 6: et dit que dedens trois jours il en responderoit. Fo 124.
P. 186, l. 12: conte de Jullers.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: marquis de Juilliers. Fo 46 vo.
P. 186, l. 23: d'Engleterre.—Ms. d'Amiens: li ducs de Gerlles, li dus de Braibant [247], li comtes de Jullers, li marquis de 481 Misse et d'Eurient, li marquis de Blancquebourg, messires Jehans de Haynnau, li sires de Fauquemont, messires Robiers d'Artois et mout d'autres seigneurs. Et d'autre part, là fu tous li plus especialx conseils de Flandres de touttes les bonnes villes et dou Francq de Bruges. Fo 36 vo.—Le ms. de Rome ajoute à ces noms: li contes des Mons, li archevesques de Coulongne. Fo 51 vo.
P. 186, l. 26: de Flandres.—Mss. A 11 à 14, 18 et 19: d'Angleterre. Fo 46 vo.
P. 186, l. 29 et 30: les armes.—Ms. B 6: les fleur[s] de lis. Adonc furent les Flamens tous resjois et dirent que il yroient par tout avec luy, là où il volroit. Fo 124.
§ 90. P. 187, l. 6: seigneurs.—Mss. A: que sur l'esté qui revendroit, ilz feroient très grande guerre en France. Ms. A 1, fo 46 vo.
P. 187, l. 17: acord.—Ms. d'Amiens: Ossi li Flammencq et li Braibenchon, qui estoient tout aloiiet et acordé enssamble, tiroient trop fort que il ewissent le pays de Haynnau d'acord avoecq yaux: si en seroit leur guerre plus belle. Fo 37.
P. 187, l. 19: s'escusa.—Ms. d'Amiens: s'escuzoit et disoit que jà il ne feroit cose qui fust contraire au roy de Franche son oncle, se li Franchois ne coummenchoient premiers. Fo 37.
P. 187, l. 25: Anwiers.—Ms. d'Amiens: Encorres depuis ces departemens, se tint li rois d'Engleterre en Flandres ung grant terme, chevauchans de bonne ville en bonne ville, pour aprendre les gens et congnoistre, et yaux lui. Et fist venir à Gand, par le conseil Jaquemon d'Artevelle et le priière de chiaux de Gand, madamme la roynne Phelippe sa femme, et tinrent leur hostel en l'abbeie de Saint Pière. Et là estoit souvent visitée dez dammes et des bourgoises de Gand....
Quant li roys d'Engleterre eut ensi ordonnet touttes ses besoingnes, il prist congiet à d'Artevelle et as Flammens et à le roynne sa femme, et laissa dallés lui monseigneur Robert d'Artois; et se mist en mer pour revenir en Engleterre et prendre garde à son pays où il n'avoit estet bien par l'espasse de priès de deus ans, et especialment pour regarder sus lez marches d'Escoce, car il doubtoit plus ce costet là que nulz des autres. Si rapassa le mer li comtes Derbi avoecq lui, li comtes de Norhantonne et de Clocestre, li comtes de Warvich, li comtes de Pennebrucq, li comtes de Herfort, messires Renaux de Gobehem, le 482 baron de Stamfort, l'evesque de Lincolle, messires Gautiers de Mauny, messires Jehans Camdos et tout li autre. Et passèrent le mer et arivèrent à Londres où il furent recheu à joie, en le vegille Saint Andrieu l'apostle, l'an mil trois cens trente neuf. Fo 37.
Ms. de Rome: Et là prist li rois d'Engleterre congiet à ces signeurs de retourner en son pais, car il n'i avoit esté puis priès d'un an. Si apertenoit que il i alast, pour veoir conment les coses s'i portoient, et pour remoustrer ses besongnes et empetrer de la finance. Tout che li acordèrent li signeur legierement, et dissent que ce seroit bien fait. Donc li requissent li Flamenc que il establesist en Flandres, de par lui et ou nom de li, deus ou trois vaillans honmes et gens d'armes et archiers, qui li aidaissent à garder la frontière et euls consillier, se il besongnoit. Et li rois d'Engleterre leur respondi que aussi feroit il. Et en oultre il dist à Jaquemon d'Artevelle et à ceuls de Gand conme ses bons amis, que il lor lairoit la roine sa fenme, jusques à son retour, et tout son hostel. De ce furent li Gantois tout resjoy.
Donc se departirent chil signeur et s'en retournèrent çasquns en lors lieus. Et la roine d'Engleterre vint à Gant, et estoit pour ces jours ençainte; et avoit un fil, liquels avoit esté nés en Anwiers, que on nonmoit Lion. Qant li rois d'Engleterre se departi de Gand, à la requeste des Flamens, il institua le conte de Sasleberi et le conte de Sufforch à demorer en Flandres, à deus cens lances et cinq cens archiers. Et puis prist congiet à la roine sa fenme, et s'en vint en Anwiers; et trouva tous prês ses honmes, les quels il en voloit mener, et sa navie toute preste. Si entrèrent en lors vassiaus, et issirent dou havene d'Anwiers, et entrèrent dedens la mer; et nagièrent tant viers Engleterre que il vinrent à Orvelle, et là issirent des vassiaus. Et fissent tant li signeur, par haguenées et chevaus, que il vinrent en la chité de Londres. Si furent li Englès par toutes les parties d'Engleterre moult grandement resjoi de la venue dou roi, car moult li desiroient. Et ensi que prelat, signeur et consauls des chités et bonnes villes le venoient veoir et conjoir, ensi que on doit faire son signeur, il leur recordoit doucement et bellement toutes ses aventures, et conment ils avoit esploitié, et les amis et aliiés que il avoit acquis oultre la mer; et par especial des Flamens il faisoit très grant compte, et aussi faisoient ses gens. Fo 51 vo.
P. 187, l. 26: à Gand.—Ms. B 6: de lés les Flamens et Jaques de Hartevelle qui souvent la visetoit. Aussy faisoit le 483 conte de Hainau son frère et ma damme la contesse sa femme, fille au duc de Brabant, et madame de Vallois sa mère qui se tenoit en l'abeie de Fontenelles de lés Valenchiènes. Et ossy fasoient les dammes et demoyselles et bourgoises de Gand. Sy advint que la dite royne d'Engleterre, en celle saison, s'ajut d'un bieau fil en l'abbeye de Saint Pière de Gant qui ot à non Jehan. Contre (sic) le duc de Brabant le leva; et fut de puis duc de Lenclastre, pour che qu'il eut à mariage le fille au bon duc Henry de Lenclastre et de madame Blanche. Fo 125.
P. 188, l. 12 et 13: à Londres.—Ms. B 6: au quay sur le Tamise. Fo 124.
§ 91. P. 188, l. 29: souverain.—Ms. de Rome: car il avoit entendu que li rois ses adversaires estoit retrais en Engleterre. Et fist li rois de France moult fort garder la mer, car il voloit donner et mettre empecement sus le retour dou roi d'Engleterre. Et se rafresqissoient chil esqumeur de mer normant, geneuois et piqart, qant il voloient, une fois à Calais, l'autre à Wisan, et puis à Boulogne, au Crotoi, à Saint Walleri, à Dièpe, à Harflues, et là partout où il voloient. Fos 51 vo et 52.
P. 189, l. 3: là environ.—Ms. B 6: Et alèrent ung jour courir en Engleterre et prirent [terre] ou havre de Hantone, et furent seigneurs de la ville ung jour, et le coururent toute et ardirent; et ochirent grant fuison d'ommes et de femmes et d'enfans, et puis se retrairent en la mer. Fo 122.—Ms. de Rome: devant Plumude, Wesmude, Dardemude. Et ne lor aloit encores nuls au devant, mais on gardoit par tout les pors et les havenes d'Engleterre. Et ardirent chil esqumeur en l'ille de Wisque. Fo 52.
P. 189, l. 4: li Englès.—Ms. d'Amiens: une heure perdoient, et l'autre gaegnoient. En ce meysme temps, rapassèrent le mer en Escoce li comtes de Moret et messires Guillaumes de Douglas, pour tant qu'il savoient que li roys englès estoit rapassés. Se ne savoient qu'il avoient enpensset. Et passèrent avoecq yaux deus cens compaignons franchoix, pour querre lez aventures et par le congiet dou roy de France, de quoy li sires d'Aubegny et messires Ernouls d'Andrehen estoient cappittainne. Fo 37.
P. 189, l. 5: quarante mille.—Ms. B 6: soixante mille. Fo 122.
P. 189, l. 8: à bort.—Ms. de Rome: et amenèrent les lainnes à Calais. Là estoit lors souverains retours. Fo 52.
484 P. 189, l. 10: pillage.—Ms. B 6: Et firent moult de destourbiez à marchans allans et venans en Flandres. Fo 122.
P. 189, l. 15: Normans.—Mss. A 11 à 14: et fut prinse par les Normans, Picars et Espaignols: dont les François firent depuis assez de parlement. Fo 47.
P. 189, l. 15: à bort.—Ms. A 24: à mort. Fo 59 vo.
P. 189, l. 19: Encores.—Ms. de Rome: Qant li cevalier, voisin à celle Tierasse, sceurent et entendirent que ces gens d'armes englois et alemans estoient retrait, tels que li sires de Couchi, li sires de Vervins, li visdames de Caalons, li sires de Presegni, li sires de Lore, li sires de Clari, li sires de la Bove, li sires de Loques, et chil liquel avoient eu lors villes arses des Englois et des Alemans; et messires Jehans de Hainau avoit aussi esté en auqunes de ces cevauchies, il nen s'en pooit escuser ne voloit, car il li couvenoit servir le roi d'Engleterre, puis que il prendoit ses deniers: ces gens d'armes fissent lor quelloite de compagnons, et tant que il furent environ mille armeures de fier. Et plus en euissent eu, se il vosissent; mais il lor sambla que il estoient gens assés, pour brisier la terre mesire Jehan de Hainau. Li sires de Couchi i envoia auquns de ses honmes, mais il n'i volt point estre pour une si petite contrevengance.
Ces gens d'armes fissent lor assamblée secretement, et passèrent de nuit les bos que on dist la Tierasse; et vinrent, sus le point de solel levant, ou sart de Chimai. Les bonnes gens n'estoient encores de riens en doubte, et ne quidoient point comparer les chevauchies que lors sires, messires Jehans de Hainnau, avoit fait en France, en servant le roi d'Engleterre; mès si fissent. Car, qant il orent passé les bois de Tierasse et la haie de Cimai, il entrèrent ou plain pais, et s'en vinrent courir devant Chimai. Tantos la ville fu esfraée. Si cloirent les bonnes gens lors portes, et montèrent as desfenses. Pour le temps d'adonc, les fourbours de Cemai estoient grant; et moult de rices gens et de grans noureqiers i demoroient: il furent pris en lors lis, ewireus qui se peut sauver. Ces gens d'armes françois aquellièrent grant proie, tant que ens ès fourbours de Cimai que ailleurs environ Chimai, ens ès villages de là priès; et levèrent ce jour plus de douse mille blances bestes, mille pors et cinq cens vaces et buefs, car c'est une marce moult raemplie de bestail et de noureçons.
Et qant il orent tout levet et requelliet et mis ensamble, il conmenchièrent 485 à ardoir. Et premierement il ardirent tous les fourbours de Chimai; et abatirent les moulins, qui lors estoient hors de la fremeté. Et coururent tout le pais de environ, et ardirent Virelle, Loncpret, Vaus, Bailleus, Bourlers, Forges, Pos, Villers, Biaurieu, Saint Remi, Sainte Genevière, Salles, Ballèvres, Walers, Ebrètres et Montmegnies, et toutes les villes dou sart de Chimai; et se requellièrent à Selongne. Et qant il s'en departirent, il boutèrent le feu dedens; riens n'i ot deporté. Et en menèrent, avoecques la proie, biaucop de prisonniers, que depuis il rançonnèrent bien et acertes. Ce despit et contrevengance fissent il à messire Jehan de Hainnau, et s'en retournèrent à Aubenton. Et là departirent il lor butin, et puis s'en rala çascuns en son lieu.
Messires Jehans de Hainnau se tenoit pour lors à Mons en Hainnau, dalés son cousin le conte. Qant ces nouvelles li vinrent que les François avoient ars[e] et robée toute sa terre de Chimai, reservé la forterèce, si en fu durement courouchiés, et à bonne cause. Et en parla à son cousin le conte, liquels li respondi et consilla que son damage il le portast au plus bellement que il peuist, car pour lors il n'en aueroit autre cose. Fo 52.
P. 189, l. 20 et 21: ennemis.—Ms. d'Amiens: telz que le duc de Braibant et monseigneur Jehan de Haynnau. Fo 37.
P. 189, l. 26: de Beaumont.—Mss. A 1, 4, 5, 6, 11 à 14, 20 à 22: à monseigneur de Brennes. Fo 47 vo.—Mss. A 2 et 3: au conte de Brennes. Fo 49 vo.
P. 189, l. 28: de Lore.—Mss. A 7, 8, 9: à monseigneur Jehan et à monseigneur Gerart de Lore. Fo 44 vo.
P. 190, l. 6: de Chymay.—Ms. d'Amiens: tant que les flamaisses en volloient en le ville. Et dont chil de Chimay furent mout effraet, et sonnèrent leur cloche [248]; et s'armèrent vistement et vinrent as portes et à gharittes, et moustrèrent bonne vollenté de yaux deffendre. Mès li Franchois n'avoient nul talent de l'assaillir; et se retournèrent arrière, quant il eurent fet leur emprise. Fo 37.
P. 190, l. 14: se retraisent.—Ms. d'Amiens: sans dammaige et sans nul encontre, à Vrevins et à Aubenton. Fo 37.—Ms. de Valenciennes: jusques à Vreving en Therasse. Fo 84.
P. 190, l. 17: en Mons.—Ms. d'Amiens: à Vallenchiennes. Fo 37.
486 P. 190, l. 19: li contes.—Ms. B 6: Adonc se party le conte de son pais, et s'en ala en Brabant. Et conta au duc, son grant seigneur, les despis que les Franchois luy avoient fait. Le duc luy dist: «Bieau filz, quant vous volrés, je vous presteray gens assés pour vous aydier à contrevengier.» Le conte dist: «Grant merchy.» Et tout ensy luy dist Jaques de Hartevelle que le duc de Brabant avoit fait. Fo 130.
P. 190, l. 20: de lui.—Ms. d'Amiens: en foy et en hoummage. Fo 37.
P. 190, l. 20: Nompourquant.—Ms. d'Amiens: à le priière dou comte, li sires de Biaumont s'en souffri tant que à cèle fois, et s'en vint à Biaumont et puis à Chimay reconforter ses gens, et leur proumist bien que chils fourfès seroit temprement amendés. Fo 37.
P. 190, l. 23: saudoiier.—Ms. de Rome: françois. Fo 52.
P. 190, l. 26: Relenghes.—Ms. de Rome: le castelet de Relenghes. Fo 52.
P. 190, l. 29: le Bastart.—Ms. de Rome: et estoit chevaliers. Fo 52.
P. 191, l. 1: vint et cinq.—Ms. d'Amiens: environ trente armures de fier. Fo 37 vo.—Ms. de Rome: quarante compagnons. Fo 52.
P. 191, l. 5: disent bien.—Ms. d'Amiens: que l'endemain il revenroient si fort qu'il lez aroient. Fo 37 vo.
P. 191, l. 8: le nuit.—Ms. B 6: quant che vint à minuit. Fo 127.
P. 191, l. 9: contre.—Ms. de Valenciennes: une telle bonne ville. Fo 84 vo.
P. 191, l. 14: toursèrent.—Ms. de Valenciennes: et prinrent leurs baghes. Fo 84 vo.
P. 191, l. 17: abatre.—Ms. d'Amiens: et en fissent mener le pière à Cambray. Fo 37 vo.
P. 191, l. 19: vinrent.—Ms. d'Amiens: à Bouchain où il furent requeilliet, et l'endemain à Vallenchiennes. Fo 37 vo.
P. 191, l. 20: en son lieu.—Mss. A 11 à 14: Et ensi ala il de la maison monseigneur Jehan de Hainault qui en fut durement courroucié. Fo 47 vo.—Ms. de Rome: Et de tous ces damages fu enfourmés mesires Jehans de Hainnau, et les porta une espasse au plus bellement qu'il pot, ensi que il fault faire à le fois. Fo 52 vo.
487 § 92. Ce paragraphe commence ainsi dans le ms. B 6: Nous retournerons à aucunes besongnes et incidenses que il advinrent en Haynau cel ivier et l'estet ensievant, entreus que le roy d'Engleterre estoit en son pays. Fo 125.
P. 191, l. 22: de Mauni.—Ms. d'Amiens: et Jehan et Thieri de Mauny, ses deux autres frères, car li roys d'Engleterre li avoit donnet le castiel et les appendances, comme vicaires de l'Empire. Fo 32 vo.—Mss. A 11 à 14: et certain nombre de bons compaingnons aventureux avecques lui. Fo 47 vo.
P. 192, l. 5: s'armèrent.—Ms. d'Amiens: car il y avoit layens des saudoiiers franchoix et autres. Fo 32 vo.—Ms. de Rome: Pour ce jour, estoit renforchie la garnison des Cambrissiens, si ques, qant il veirent ces compagnons, les quels il nonmoient les Hainnuiers, qui si fort les adaioient et herioient, il se quellièrent et se trouvèrent environ deus cens armeures de fier. Si se armèrent et montèrent as chevaus, et fissent ouvrir la porte c'on dist Robert et avaler le pont, et se missent sus les camps. Fo 52 vo.
P. 192, l. 11: jone.—Ms. de Rome: baceler gentilhonme et chanonne de Cambrai. Fo 52 vo.
P. 192, l. 13: Gascons.—Ms. d'Amiens: et conseil [249] de l'evesque de Cambray. Fo 32 vo.—Ms. B 6: neveu de l'evesque. Fo 126.
P. 192, l. 14: Marchant.—Ms. B 6: Rollans. Fo 126.
P. 192, l. 24: le targe.—Ms. d'Amiens: fendi le targe et rompi les plattes et passa l'auqueton. Fo 32 vo.—Ms. de Rome: percha l'esqut et le cote de fier et la plate d'achier. Fo 52 vo.
P. 193, l. 3: cacièrent.—Ms. de Rome: et en i eut des pris et des retenus jusques à neuf; et li aultre se sauvèrent et se boutèrent dedens Thun l'Evesque. Fo 52 vo.
P. 193, l. 12: ses deus frères.—Ms. d'Amiens: Ces nouvelles vinrent au seigneur de Mauni son frère, qui trop durement en fu courouchiés, mès il ne le peult amender tant qu'adonc; et ossi fu li roys d'Engleterre et y envoya ung très bon chevalier englès, qui s'appielloit messires Richars de Limosin, qui vaillamment tint le forterèce puisedi. Fo 33.—Ms. de Rome: Si doi frère Jehans et Terris tretiièrent viers ceuls de Cambrai pour ravoir le corps. Il furent consillié dou renvoiier; et l'alèrent requerre en Cambrai doi frère cordelier de Valenchiennes. On lor 488 delivra. Si fu li corps mis sus un kar vesti de noir, et aportés à Valenchiennes, et ensepvelis en l'eglise de Saint François, et là gist. Ensi vont les aventures d'armes. Fo 52 vo.
§ 93. P. 193, l. 26: Vous devés.—Ms. de Rome: Chil de la garnison de Cambrai procurèrent tant deviers le baillieu de Vermandois que il orent congiet d'entrer et ardoir en Hainnau, et de faire bonne gerre. Et avoient proposet ensi li Cambrisien que li Hainnuier leur avoient fait et porté plus de damages que li Englois ne Alemant n'euissent; et s'esmervilloient pourquoi on les deportoit à non estre en la gerre.
Et fu ce remoustré au consel dou roi de France que li contes de Hainnau, li pères et li fils, avoient tous jours fait partie à l'encontre dou roiaulme de Franche, et porté à lor pooir contraire et damage, et avoient soustenu tous jours couvertement les Englois; et, se il euissent abatu otant les errederies, demandes, requestes, calenges et oppinions dou roi d'Engleterre que il les ont eslevé, de la gerre n'euist riens esté; et estoient tenu en Hainnau de comparer tous ces cas, car trop bien l'avoient li Hainnuier acquis. Tant fu parlé, proposé et remoustré à l'encontre dou conte de Hainnau et de son pais, sans ce que li dis contes fust mandés, pour oïr ses escusances, que il fu acordé et ordonné que li compagnon saudoiier françois, qui en la chité de Cambrai se tenoient, venroient en Hainnau et i bouteroient le feu, et conmenceroient la gerre, car il ne desiroient aultre cose.
Si se ordonnèrent à ce faire, et issirent de la chité de Cambrai un samedi, par nuit, environ soissante lances. Et les conduisoient mesires Tiebauz de Moruel, messires Renauls de Trie, mesires Drues de Roie et li sires de Mellincourt. Et grant gent ne lor couvenoit point pour faire lor emprise, car li pais de Hainnau n'estoit en nulle doubte, ne point desfiiés. Et vinrent ces gens d'armes et biau cop de campagnons de piet de Cambrai, environ deus heures en la nuit, en la ville de Haspre, laquelle estoit tout desfremée et est encores; et prissent les gens en lors lis. Et, pour esbahir ceuls de la ville, il fissent bouter, par ces honmes de piet qui les sievoient, en cincq ou en siis lieus, le feu en la ville.
Li haros et li cris s'esleva. Tantos gens, honmes, fenmes et enfans s'esfreèrent, et veirent bien que il estoient atrapé; et que c'estoient lor voisin, li saudoiier de Cambrai, qui les resvilloient, 489 et qui ce damage lor portoient. Si se conmenchièrent toutes gens à demuchier et à fuir chà et là. Toutes fois il en i eut grant fuisson de pris et de ocis, et encores en i euist plus eu, se il vosissent; mais il entendirent au pillier la ville, et à rompre escrins, et à cargier chars et charètes et chevaus que il avoient fait venir avoecques euls; et meismes chil de piet estoient si cargiet de draps et de jeuiaus que plus ne pooient.
En l'eglise de Haspre, on aoure de saint Aqaire, liquels est uns moult crueuls sains, et que on doit resongnier; et dou dit saint il ont là dedens l'eglise, qui est une prouvosté, et gouvrenée par les monnes de Saint Vast d'Arras. Li dis provos, pour ces jours, n'i estoit point; et avoit esté si avisés que la fiertre de saint Aqaire et le reliqaire et les plus rices aournemens de l'eglise, il avoit fait venir et amener avoecques li à Valenchiennes. Cela fu sauvé; aultrement tout euist esté perdu, car la ville et l'abeie et tout fu si netement pilliet et robet que riens n'i demora, dont on peuist faire argent, et la ville toute arse, et les moulins ars et abatus. Fo 53.
P. 194, l. 2: li sires de Villars.—Mss. A 1 à 6, 9 à 14, 20 à 22: le seigneur de Villiers. Fo 48 vo.
P. 194, l. 3: Maruel.—Ms. de Valenciennes: Martel. Fo 85.
P. 194, l. 4: Cambray.—Ms. B 6: et de la cité de Cambray messire Mille de Mirepois, le Gallois de le Baume, savoiiens, et le sire de Villers et de Rousillon et ossy messire Tibau de Moruel. Fo 128.
P. 194, l. 4 et 5: saudoiier.—Ms. B 6: de Cambray et chil dou Castiel en Cambresis. Fo 37 vo.—Ms. de Valenciennes: de Cambray et de Cambresis. Fo 85.
P. 194, l. 6: pour pillier.—Ms. B 6: pour contrevengier les despis que les Haynuiers, sy comme il disoient, leur avoient fait au siège de Cambray. Fo 128.
P. 194, l. 7: evesques.—Ms. B 6: En che tamps estoit tous cois à Paris delés le roy de Franche le evesque de Cambray, qui rendoit grant paine au consail du roy que on peuist de Cambresis courir en Haynau. Et se complendoit trop amerement du conte de Haynau, et disoit que c'estoit lui, du siège estant devant Cambray, qui pis les avoit fait et porté de damaiges. Encore plus avant il disoit que tout couvertement le conte de Haynau estoit bons englès, car il avoit esté au parlement du roy d'Engleterre en Brabant et Flandres, et savoit tout leurs secret, et avoit encores 490 grant alianches as Englez. Tant dist et tant procura et tant esploita che dit evesque que le consail du roy se contourna à che que on fesist aucuns despis au conte de Haynau, non mie au nom du roy de Franche, mais soubz ombre du duc de Normendie qui estoit bauls de Cambresis. Fo 129.
P. 194, l. 22: cinq cens.—Mss. A 1 à 10, 15 à 39: six cens. Fo 48 vo.—Mss. A 11 à 14: sept cens. Fo 48 vo.
P. 194, l. 22 et 23: samedi.—Ms. B 6: des Brandons. Fo 129.
P. 194, l. 26: vinrent.—Ms. d'Amiens: de nuit. Fo 37 vo.
P. 195, l. 2: ardirent.—Ms. d'Amiens: et violèrent l'abbeie [250]. Fo 37 vo.
P. 195, l. 4: prevosté.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 29: prioré. Fo 48 vo.
P. 195, l. 13: vinrent.—Ms. d'Amiens: environ mienuit. Fo 37 vo.—Ms. de Rome: dou plus tost c'on pot, à cours de chevaus. Fo 53.
P. 195, l. 14: se dormoit.—Ms. de Rome: et la contesse. Fo 53.
P. 195, l. 18: Wercin.—Ms. de Valenciennes: Vertain. Fo 85.
P. 195, l. 21: de Floion.—Le ms. d'Amiens omet:... monseigneur Thieri de Wallecourt,... le signeur de Floion; et il ajoute:... li sires de Roisin, li sires de Gommegnies...., li sires de Mastain, li sires de Vendegies, li sires de Hartain, li sires de Sars...., li sires de Berlaimont, li sires de Wargny, li sires de Boussut. Fo 37 vo.—Le ms. de Rome omet: monseigneur Thieri de Wallecourt, le signeur de Potielles, le signeur de Floion; et il ajoute:... li sires de Wargni,... li sires de Gonmegnies, li sires de Vertain. Fo 53.
P. 195, l. 27: Valenciènes.—Ms. d'Amiens: et dist à chiaux qui le bellefroit gardoient: «O vous male gent qui là estes, qui veés le dammaige de vos voisins, pourquoy ne sonnéz vous la cloce [251]? Si s'emouveront et esvilleront chil de la ville.» A le requeste dou comte fu la cloche sonnée. Lors s'esvillièrent touttes mannierres de gens et s'armèrent, et s'en vinrent viers le marchiet. 491 Mès li comtes ne vot pas atendre lez darrains; ains se parti et dist: «Qui m'aime, se me sieuwèce.» Fo 37 vo.
P. 195, l. 29: sievirent.—Ms. d'Amiens: Et li prevos pour le temps de Vallenchiennes, qui s'apelloit Jehan de Haussi, fist monter et ordonner pluiseurs de chiaux de le ville et sievir le comte. Fo 37 vo.
P. 195, l. 30: hors.—Ms. de Rome: par la porte cambrisienne. Fo 53.
P. 195, l. 32: chevauciet.—Ms. d'Amiens: jusquez à Main. Fo 37 vo.—Ms. de Rome: et passa Fontenelles; et droit à Monchiaus nouvelles li vinrent. Fo 53.
P. 196, l. 1: lieuwe.—Ms. A 8: une heure. Fo 46 vo.
P. 196, l. 2: li François.—Ms. de Rome: et li Cambrissien. Fo 53.
P. 196, l. 2: retrait.—Ms. d'Amiens: vers Cambray. Fo 37 vo.
P. 196, l. 5: rapaisier.—Ms. d'Amiens: et li dist que elle ne quidoit mies que ce fuist li fès dou roy de Franche, mès de l'evesque de Cambray et de chiaux de Cambresis: «Si vous pri, biaux filz, ainchois que vous esmouvés nulle gherre contre le roy de Franche vostre oncle, que vous vos voeilliés aviser et avoir bon consseil, car trop vous poroit couster et à vostre pays ossi.» Fo 37 vo.
P. 196, l. 14: une espasse.—Ms. de Rome: environ une heure. Fo 53.
P. 196, l. 17: lettres escrire.—Ms. de Rome: il mist clercs et messagiers en oevre. Fo 53.
§ 94. P. 197, l. 12: briefment.—Ms. d'Amiens: Là eut avis li comtes, par l'ordonnanche de son oncle, dou senescal de Haynnau, de monseigneur Henry d'Antoing et d'aucuns chevaliers qui là estoient, que il assignast ung parlement à estre à Mons en Haynnau; et que là fuissent tout chil de son pays, qui tailliet y estoient de y estre, baron, abbet, chevalier et conssaux des bonnes villes. Lettres furent escriptes et seigneur mandet. Endementroes li comtes de Haynnau s'en ala en Braibant compter au duc de Braibant, qui fille il avoit, quel desplaisir les Franchois li avoient fait. Se li respondi li dus que lui et ses pays estoient tout appareilliet pour lui aidier à contrevengier. Encoires chevaucha li comtes plus avant, et vint à Gand; et se complaindi à d'Artevelle dou despit que li Franchois li avoient fait. Liquelx li 492 respondi que, dou despit estoit il courouchiés, mès non pas que pour ce en avant il seroit avoecq yaux des aloiiés, et li dist: «Comtes de Haynnau, soiiés tous reconfortés que, quant vous vorréz bien adcertes, je vous menray soixante mil Flammens as coustages de Flandres, là où vous nous manderés.» Et li comtes dist: «Grant merchis!»
A che parlement, qui ordonnés et assignéz estoit en le ville de Mons, furent baron, abbet, chevalier et consseil des bonnes villes dez trois pays de Haynnau, de Hollande et de Zellande. Et là remoustra li comtes à tous le despit et le villonnie que li Franchois li avoient fait; et pria et requist que sour ce on le conssillast si à point que il n'y ewist point de blamme en ses pays. Là ot mainte parolle retournée et maint proupos aviset, car li sires d'Enghien et li sires de Barbenchon et li sires de Ligne voloient que li comtes envoyast deux ou troix chevaliers et deux ou trois clercq de droit de son pays deviers le roi de Franche, assavoir de certain se de ceste fourfaiture li rois se voroit point excuser, ne amender le fourfet. Mès chilz conssaux ne chilz avis ne peut oncque estre oys, car li sires de Biaumont, qui le plus grans i estoit de trop apriès le comte, brisoit tout et disoit: «Ne plaise jà à Dieu que nous nos abaissons de tant que, sus deus grans despis que on a fait en nostre pays de Haynnau, nous requerons nul moiien. Nous sommes gens assés pour nous contrevengier; et si poons entrer el royaumme, de quel lés qu'il nous plest.» Là estoit li comtes qui ooit tous ces debas, qui plus s'enclinoit à le gherre que à le pais, car li arssins de le terre de Chimay li touchoit moult et chilz de Haspre. Fo 38.
P. 197, l. 27: contrevengast.—Ms. de Rome: Et fu dit: «Nulle gerre couverte ne vault riens. Messires Jehans de Hainnau a desfiiet le roi de France, et li a fait gerre avoecques le roi d'Engleterre, et ausi ferés vous, sire. Vous le desfiierés, et nous tout qui sonmes vostre honme; et puis li ferons bonne gerre, car nous ne volons point porter ce despit paisieuvle.» Fo 53 vo.
P. 198, l. 8: Crespin.—Mss. A 1 à 6, 8 à 10, 15 à 17, 20 à 22: Saint Crespin. Fo 49 vo.—Mss. A 23 à 33: Thibault de Crespin. Fo 59 vo.—Mss. A 11 à 14: Crespy. Fo 49 vo.
P. 198, l. 11: dou pays.—Mss. A 11 à 14: des trois pais dessus dicts. Fo 49 vo.—Ms. B 6: Et sellèrent tous les barons de la conté de Haynau et tous cheulx qui rien ne tenoient du roy de Franche. Et renvoièrent leur hommages, excepté le 493 sire de Naste. Cheluy se party de eulx, et ne veult oncques deffiier le roy de Franche. De quoy le conte saisy toutes ses terres de Haynau, ne oncques de puis ne luy volt rendre. Fo 131.
P. 198, l. 17: n'en fist.—Ms. B 6: que rire. Fo 131.
P. 198, l. 20: son pays.—Ms. B 6: Le conte de Blois, qui estoit là present, et qui tenoit grant hiretaige en Haynau, la terre d'Avesne et de Landrechie, et qui cousins germains estoit au conte de Haynau deux fois de père et de mère, renvoya ses hommaiges au dit conte et demoura franchois et delés le roy Phelippe son oncle. Che fu rayson, car il estoit ung des pers de France. Fo 131.
P. 198, l. 23: faites.—Ms. d'Amiens: Apriès ces deffiances faittes dou roy de Franche et l'abbet de Crespin retournet, il ne demoura nient gramment que li comtes de Haynnau list son mandement et semonse de tous barons chevaliers et hommes de fief, à estre à Mons en Haynnau. Et envoya saisir et prendre Avesnes et Landrechies, qui estoient dou comte de Blois, ossi le castiel de Sassoigne [252]; et y mist partout garnison pour lui et ou nom de lui. D'autre part, messires Jehans de Haynnau fist se semonsce à Biaumont et là environ, et eut bien trois cens lanches. Adonc se parti li comtes de le ville de Mons en grant arroy. Et fissent li marescal et li offisciier, qui à ce estoient ordonnet, le charroy aroutter, et prendre le chemin de Merbes [253] le Castiel, pour passer le Sambre. Et passèrent là le rivière, et s'en vinrent à esploit vers Biaumont, et puis vers Chimay; car c'estoit leur entente que d'entrer en la Tieraisse, et de venir à Aubenton et en le terre le seigneur de Vrevins et de Bieumont, qui courut avoit le terre de Chimay. Et passèrent li Haynuier Fagne et les bos de Chimai, et se hebregièrent ung soir à Chimay et là environ; et l'endemain s'aroutèrent deviers Aubenton. Fo 38.
P. 198, l. 26: Flandres.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: et en Zellande et Hollande. Fo 51 vo.
P. 198, l. 32: Vrevins.—Ms. de Rome: et de mesire Jehan de Beumont qui avoient ars la terre de Chimai. Fo 53 vo.—Mss. A 11 à 14: la terre du seigneur de Brenne. Fo 49 vo.
§ 95. P. 199, l. 8: palis.—Ms. d'Amiens: et de petis fossés. Fo 38 vo.
494 P. 199, l. 11: de Chaalons.—Ms. B 6: ung moult vaillant chevalier et ses deus filz, jones escuiers, et le sire de Vrevin. Fo 132.
P. 199, l. 11: de Beaumont.—Le ms. de Rome ajoute: au signeur de Craulé. Fo 53 vo.
P. 199, l. 14: trois cens.—Ms. B 6: Là avoit bien cinq cens lances de Brabant que le duc y avoit envoiet pour conforter son filz. Sy firent ces gens d'armes trois assauls grans de gens bien estoffés. Fo 132.
P. 199, l. 16: Haynuiers.—Ms. d'Amiens: Non pourquant il disoient et asseuroient bien à chiaux de le ville qu'il la deffenderoient bien et loyaument ce qu'il poroient [254], ensi qu'il fisent; car vraiment il s'en acquitèrent à leur pooir. Fo 38 vo.
P. 199, l. 21: à Mons.—Ms. de Rome: Li contes de Hainnau fist son assamblée et son amas de gens d'armes à Mons en Hainnau; et escripsi et pria à auquns chevaliers, en Braibant et en Habehain, que il le vosissent venir veoir et servir, pour contrevengier les despis que li François li avoient fait. Pluisseurs chevaliers vinrent et ne se vodrent pas esquser. Et par especial li sires de Fauquemont, qui fu moult bacelereus, vint servir le conte à deus cens armeures de fier, li sires d'Augimont à grant gent, li sires de Montjardin et moult de aultres, et tant que il se trouvèrent, qant il furent tout assamblé, bien diis mille armeures de fier. Si cargièrent chars et charettes de pourveances et d'artellerie, de tentes et de trés et de ce que il lor besongnoit. Et se departirent de Mons en Hainnau, et cevauchièrent viers Maubuege; et esploitièrent tant que il passèrent les bos de la Tierasse, et entrèrent en France. Et ardirent li coureur, qui cevauçoient devant à destre et à senestre, Segni le Grant, Segni le Petit, Marcellies, Renierwès, Maubert Fontainnes et tout le plat pais de là environ, sans nul deport. Et s'en vinrent devant Aubenton, et l'environnèrent tout autour, car bien estoient gens pour ce faire. Fos 53 vo et 54.
P. 199, l. 24: un venredi.—Ms. d'Amiens: au matin. Fo 38 vo.
P. 199, l. 26 et 27: draperie.—Ms. de Valenciennes: grosse ville et bien drappière. Fo 87 vo.
P. 200, l. 9: aultre.—Ms. d'Amiens: Quant chil de dedens, chevalier et escuier, veirent le couvenant dez Haynuyers, et que 495 en trois lieux il seroient assailli, il se partirent ossi en troix lieux. Fo 38 vo.
P. 200, l. 32: de la Bove.—Ms. d'Amiens: que il n'amoit mies gramment, car il leur estoit au devant et il li avoient ars se terre; si desiroit à avoir le bataille à yaux, et les assailli fierement et durement. A l'autre porte, estoient Alemant et Braibençon, dont li sires de Fauquemont estoit chiés. Et là estoient li sires de Lore [255] et pluiseur autre qui vassaument se deffendirent. Là fu tret, lanchié, ferut et fet mainte apertise d'armes. Là crioit on: «Haynnau!» Fo 38 vo.
P. 200, l. 32: Là eut.—Ms. de Rome: Si ot à Aubenton, en cinq jours que li Hainnuier furent là, pluisseurs assaus et escarmuces, et des navrés et bleciés de une part et d'aultre. Et se portèrent moult vaillanment à tous les assaus li chevalier et esquier françois qui dedens estoient; et se la ville d'Aubenton euist esté fremée d'aultre cose que de palis, elle n'euist eu point de damage; mais contre tant de bonnes gens d'armes que li Hainnuier estoient, mervelles fut conment elle se peut tant tenir que elle fist. Fo 54.
P. 201, l. 8: paveschiet.—Ms. d'Amiens: Là en y avoit pluiseurs ens ès fosséz qui montoient et rampoient contremont, targe, pavais et escus sus leurs testes, et haches et cuignies en leurs mains, pour effondrer les palis. Fo 38 vo.
P. 201, l. 11: de Biaufort.—Ms. de Rome: Entre les assaus qui furent fait et livret à Aubenton, il en i ot un le samedi que on dist des Brandons, mallement grant; et i furent moult d'onmes bleciés de ceuls dedens par le tret des arbalestres. Et fu ce jour Bauduins de Biaufort, uns esquiers de Hainnau et de la terre de Binch, moult vaillans.... Fo 54.
§ 96. P. 201, l. 19: Aubenton.—Mss. A 20 à 22: Aubeton. Fo 80 vo.
P. 202, l. 6: moustier.—Ms. d'Amiens: Et là eut dure bataille et felenesse, car messires Jehans de Haynnau y vint très bien acompaigniet. Et là furent pris li sires de Lore et li sires de Vendoel et li sires de Saint Martin.... Li visdames se sauva, car il monta à cheval; et ossi fisent messires Jehans de Beumont et messires Jehans de la Bove. Fo 38 vo.
496 P. 202, l. 6: de Chaalons.—Ms. de Rome: et uns siens fils jones, qui fu là fais chevaliers. Fo 54 vo.
P. 202, l. 7: banières.—Ms. B 6: Et là fist le vidames de Chalon ses deux filz chevaliers. Fo 132.
P. 202, l. 13 et 14: raençon.—Ms. B 6: tant fort le hayoit, pour et qu'il avoit ars ses terres. Fo 133.
P. 202, l. 15: les camps.—Ms. B 6: prist le chemin de Vervin, vint à son chastel.
P. 202, l. 18: Adonc.—Ms. d'Amiens: Et quant li sires de Biaumont entendi que si ennemi s'enfuioient, chiaux qu'il desiroit le plus à avoir, si dist: «A cheval! à cheval!» et monta et feri chevaux dez esperons apriès, et touttes ses gens apriès lui, et chevaucha et cacha sez ennemis jusquez ès portes de Vrevins. Fo 38 vo.—Ms. B 6: Entre Aubenton et Vrevin a deus lieus près. Sy vous dy que, sur le chemin de Vervin, avoit pluiseurs gens d'Aubenton; mais tous ceulx qui furent trouvé sur les chemins eurent dur encontre, car les Haynuiers les abatoient et les ochioient sans pité. Sy dura ceste chasse jusques as portes de Vervin. Et se sauva le sire de Vervin par le bonté de son coursier, ne oncques ne fu ratains. Fo 133.—Ms. de Rome: Tantos messires Jehans de Hainnau demanda son coursier; on li amena dou plus tos que on pot. Qant il fu montés, il dist à ses gens: «Or tos, sievons ce chevalier: il le me fault à avoir mort ou vif. C'est cils qui plus a porté de contraire et de damage à ma terre de Cimai.» Donc veissiés chevaliers et esquiers monter apertement et sievir lor signeur et sa banière, laquelle messires Thieris de Senselles portoit, et prissent les camps. Li sires de Vrevins estoit bien montés et sus flour de coursier, et avoit bien demi lieue d'avantage. Ses gens le sievoient à l'esporon, que mieuls, mieuls. Si en i avoit en la compagnie des mauls montés. Chil furent rataint, qui ne peurent aler avant. Si en i ot des mors et des pris sus le chemin. Fo 54 vo.
P. 202, l. 28: troi.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18, 19, 23 à 33: deux. Fo 50 vo.
P. 203, l. 11: deus de ses neveus.—Ms. d'Amiens: et mort doi [256] nouvel chevalier, neveult au visdamme, et li tiers pris. Fo 38 vo.—Mss. A 1 à 22: deux de ses filz. Fo 50 vo.—Mss. 497 A 23 à 33: ses deus filz. Fo 61.—Ms. B 6: et ses deus filz ochis et plus de deux cens d'autres. Fo 133.—Ms. de Rome: le visdame de Chaalons pris et un sien fil jone chevalier, et deus ocis et moult d'aultres. Fo 54 vo.
P. 203, l. 16: deux cens.—Édit. de Verard et de D. Sauvage: deux mille.—Édit. de D. Sauvage de 1559, p. 57.
P. 203, l. 16: le ville.—Ms. B 6: qui estoit grande et grosse et bien marchande et remplie de drapperie. Fos 133 et 134.
P. 203, l. 17: grans avoirs.—Ms. d'Amiens: li drap et les lainnes. Fo 38 vo.
P. 203, l. 19: arse.—Ms. d'Amiens: de chief en cor, que oncques n'y demoura maison, ne une seule, que toutte ne fuist arse. Fo 38 vo.
§ 97. P. 203, l. 22 et 23: Aubenton.—Ms. de Rome: Ensi avint ce jour à Aubenton. La ville fu prise par la manière que je vous di, et toute pillie et robée et puis arse. Et quant li Hainnuier orent ensi esploitié, il s'en departirent et s'en retournèrent viers Chimai, et là demora messires Jehans de Hainnau. Li sires de Fauquemont et li sires d'Augimont s'en alèrent viers Dignant. Et li contes de Hainnau et li sires d'Enghien et li aultre chevalier retournèrent avoecques le conte à Mons. Fo 54 vo.
P. 203, l. 28: le Petit.—Ms. B 6: et livra au chastel ung assault. Et laiens Bauduin de Beaufort, ung escuiers d'onneur et appert homme d'armes durement, eult le bras rompus. Et le convint depuis chevauchier en litière. Fo 134.
P. 203, l. 30: quarante.—Mss. A 11 à 14: quarante huit. Fo 51.—Ms. d'Amiens: et puis s'en retournèrent en Haynnau, le charoi tout chargiet de draps, de jeuiaux et d'autre avoir. Fo 39.
P. 204, l. 4: Mons.—Ms. B 6: chergiés pluiseurs cars de draps et joyaulx. Fo 134.
P. 204, l. 12: sa guerre.—Ms. d'Amiens: pour aquerre amis à tous léz et pour faire une bonne gerre et forte en Franche, sus l'estet qui proçainement revenoit. Fo 39.
P. 204, l. 15: plus fors.—Ms. de Rome: Li contes de Hainnau fu consilliés que d'aler en Engleterre et remoustrer au roi son serouge ses besongnes, et de faire aliances à lui, et d'avoir conmandement de par li, conme vicaires à l'Empereour, que li 498 signeur d'Alemagne, qui tout li devoient obeissance et qui service li avoient fait devant Cambrai, fuissent apparilliet de aidier le dit conte à parmaintenir sa gerre, car il estoit en très bonne et grande volenté de gerriier le roiaume de France, sans li point refroidier. Sus ce pourpos et consel il persevera, et fist une asamblée de nobles de son pais et des consauls des bonnes villes, à Mons en Hainnau. Et là institua il et ordonna, en la presence de tous, messire Jehan de Hainnau, son oncle, à estre bauls et regars en Hainnau et gouvrenères, jusques à tant que il retourneroit; et pria à tous que çasquns vosist obeir à lui conme à soi meismes, se il estoit presens. Tout li orent en couvenant de bonne volenté, car il sentoient et congnissoient le dit messire Jehan de Hainnau si vaillant et si prudent que il ne lor requerroit cose qui ne lor fust raisonnable.
Qant li jones contes de Hainnau ot ordonné toutes ses besongnes, et pris congiet à sa dame de mère et à la contesse sa fenme, il parti dou Kesnoi où il tenoit son hostel; et vint à Mons en Hainnau, et là trouva son oncle. Si fu encores un jour dalés li, pour mieuls estre avisés et enfourmés de ses besongnes; et puis s'en parti, et vint à Hale, et à Brouselles. Et là trouva le duch de Braibant qui fille il avoit à fenme, qui li fist très bonne chière; car li dus l'amoit de tout son coer, otant que nuls de ses enfans. Li contes se complaindi à lui des despis et damages que li François li avoient fais: «Aussi, biaus fils, respondi li dus, lor en avés vous fait; vous vos estes contrevengiés. La cose ne demorra pas en ce point, car li François sont grans et orguilleus, et marcissent à vous. Tous les jours pueent il entrer en vostre pais et porter damage: il vous en fault attendre l'aventure. Si vous tieng pour bien consillié et avisé de ce que vous fortefiiés à l'encontre de vostres ennemis; car plus grant et plus fort de li, on doit doubter. Soiiés tous confortés que je demorrai dalés vous.» Li contes respondi et dist: «Grant merchis!»
Qant li contes de Hainnau ot esté avoecques le duch de Braibant un jour et plus, et li ot remoustré toutes ses besongnes et recargies, il prist congiet et se departi de li et de Brousselles; et se mist au cemin, et vint à Gaind veoir sa serour, la roine d'Engleterre. Se li remoustra le voiage que il avoit empris de faire, d'aler en Engleterre. La roine en fu grandement contente, et li dist que il faisoit bien. Si escripsi la ditte roine, par son frère le conte, à son signeur le roi d'Engleterre. Avoecques tout 499 ce, li contes de Hainnau parla à Jacquemon d'Artevelle, qui estoit pour lors en la conté de Flandres li plus grans qui i fust; et li remoustra toutes ses besongnes, ensi que il avoit fait au duch de Braibant, son grant signeur. Jaquèmes d'Artevelle i entendi de bon coer, et dist au conte: «Sire, tenés vous pour tous confortés que li pais de Flandres vous sera ouvers et apparilliés; et dites au roi d'Engleterre, vostre biau frère et mon compère, que il se delivre de mettre à point et ordonner ses besongnes par de delà la mer, et se mète au retour dou plus tos que il puet. Car li revenu par deçà, sus la fourme et estat que nous estions, et que nous, les Flamens, les Alemans et li, fumes d'acort, nous ferons une très belle et forte gerre, et tant que il nous devera bien sousfire et à vous, à qui on a fait contraire et damage.»
Li contes de Hainnau respondi et dist: «Jaquemart, je ne li oublierai riens à dire.» Adonc prist il congiet et se departi de la roine, sa serour, de d'Artevelle et la ville de Gant; et s'en vint en la ville d'Anwers, et trouva sa navie toute preste et ses gens aussi. Si entra en son vassiel, et cesquns de ses honmes en ceuls où il devoient entrer par ordenance. Si se desancrèrent et passèrent le havene d'Anwiers, et entrèrent dedens la mer, et singlèrent viers Engleterre; et orent vent à volenté, et vinrent à Orvelle. Fos 54 vo et 55.
P. 204, l. 21: se parti.—Ms. d'Amiens: Assés tost apriès, se departi li comtes Guillaummes et s'en vint deviers l'Empereur qui se tenoit à Couloingne, qui le rechupt à grant joie; et ossi fist madamme Margherite, soer au dit comte, et femme à l'Empereur. Fo 39.
P. 204, l. 25: parlerons.—Ms. B 6: du duc de Normendie qui mist sus une grant armée pour venir en Haynau, en instanche de ardoir tout le pais et asigier Vallenchienne et contrevengier les despis que les Haynuyers luy avoient fait en Terrasse. Fo 135.
§ 98. P. 205, l. 5: quatre chevaliers.—Ms. d'Amiens: Premierement li comtes de Haynnau [257], par l'avis de messire Jehan de Haynnau son oncle, mist en Vallenchiennes quatre chevaliers. Fo 39.
500 P. 205, l. 8: Wargni.—Mss. A 11 à 14: Jehan de Wargni. Fo 51 vo.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: le sire de Wartaing. Fo 51.—Mss. A 23 à 29: le sire de Vergy. Fo 61 vo.
P. 205, l. 8: li sires de Gommegnies.—Mss. A 11 à 14: Jehan de Gommegnies. Fo 51 vo.—Ms. d'Amiens: le seigneur de Hartaing. Fo 39.
P. 205, l. 11: Maubuege.—Ms. d'Amiens: Apriès, il mist à Mauboege monseigneur Tieri de Walecourt, marescal de Haynnau, et cent lances [258] de bonnes gens. Fo 39.
P. 205, l. 13: Kesnoi.—Ms. d'Amiens: il mist au Kesnoy le seigneur de Fauquemont à cent armures de fier. Fo 39.
P. 205, l. 17: Sassegnies.—Mss. A 11 à 14: Fassegores. Fo 51 vo.—Mss. A 18, 19: Sassegoies. Fo 54.—Mss. A 20 à 22: Sassoingne. Fo 82.
P. 205, l. 18: Avesnes.—Ms. d'Amiens: le seigneur de Montegni Saint Christophle. Fo 39.
P. 205, l. 19: forterèces.—Ms. d'Amiens: Apriès, il mist en Thun l'Evesque monseigneur Richart de Limozin, ung bon chevalier englès, et avoecq lui lez deux frères de Mauni, Jehan et Thieri. Apriès, il mist ou castiel de Rieulay le seigneur de Remme [259] et le seigneur de Guelesin [260]. Apriès, il mist à Condet sus Escaut le seigneur de Blicqui et le seigneur de Buri, et les autres forterèches sus les frontières de Franche, as chevaliers et as compaignons de son pays. Il leur pria et enjoindi que il en fuissent songneux et pour leur honneur; et envoya son senescal monseigneur Gerart de Werchin en son castel de Werchin, pour faire frontière sur les Cambresiens. Fo 39.
FIN DES VARIANTES DU TOME PREMIER.
P. 334, ajoutez: P. 116, l. 16: li cardinaulz Blans.—Mss. A 11 à 14: le cardinal d'Albane.
P. 448, ajoutez: P. 158, l. 11: Hantonne.—Ms. d'Amiens: Vous avez bien oy compter comment li roys de Franche avoit sus le mer mis et establi Geneuois, Normans et escumeurs pour gerriier les Englès qui le mer volloient passer ou repasser, desquels messires Hues Kierès, Bahucès et Barbevaire estoient souverain. Si se tenoient chil sus mer et estoient souvent devant Douvres ou Winnescesée ou en la Tamise ou devant Mergate, et faisoient moult de contraires à touttes gens, especialment as Englès et as Flammens. Avint que chil escumeur, qui bien estoient trente mille Geneuois, bidaus et Normans et Pickars, vinrent par ung dimenche devant Hantonne, à heure de messe que les gens estoient au moustier. Et prisent le marée si à point que il entrèrent ou havène de Hantonne, et furent mestre et seigneur de toutte le ville et des gens, et le prisent et robèrent; et moult de bonnes gens y tuèrent, de femmes et d'enfans, dont che fu pités. Et se tinrent là tout le jour, et chargièrent leurs vaissiaux de tout ce qu'il trouvèrent. Et envoiièrent ardoir par aucuns de leurs courreurs aucuns hammiaux dallès Hantonne: de quoy tous li pays fu moult effraés et esmeus, et en vinrent les nouvelles à Wincester et à Saslebri et à Gilleforde et jusques à Londres. Lors s'esmurent touttes mannières de gens et vinrent à cheval au plus hastivement qu'il peurent en le conté de Hanthonne et en le ville; mès il trouvèrent que li Franchois estoient retret, qui le ville avoient toute arse et reubée: dont il furent courouchiet et li roys de France tous joiians, et dist que Barbevaires et li sien avoient fait ung biel exploit à che coummenchement sour les Englès. Che fu environ le Nostre-Damme en septembre, l'an de grasce mil CCCXXXVIII. Fo 31.
Au lieu de: | Lisez |
---|---|
Englès, page 6, ligne 23, | englès |
conservé, p. 7, l. 1, | conversé |
Valenchienes, p. 7, l. 13, | Valenchiènes |
avoeh, p. 10, l. 29, | avoech |
Valenchienes, p. 21, l. 12 et 13, | Valenchiènes |
avoien, p. 21, l. 28, | avoient |
e, p. 23, l. 29, | et |
Valencienes, p. 25, l. 12, | Valenciènes |
Englesses, p. 58, l. 4, | englesses |
Valenchienes, p. 74, l. 6, 7, 30, | Valenchiènes |
Valencienes, p. 75, l. 28, | Valenciènes |
a, p. 89, l. 10, | à |
ça mainte, p. 95, l. 18, | tamainte |
Valencienes, p. 121, l. 1, | Valenciènes |
Valencienes, p. 124, l. 4, 9, 10, 23, 24, 26, 27, | Valenciènes |
Valencienes, p. 125, l. 18, 19, 24, | Valenciènes |
noume, p. 219, | nonme |
noumé, p. 222, | nonmé |
fuirs ne eslongiers, ne leur estoit, p. 242, | fuirs ne eslongiers ne lor estoit |
Rosebourch, p. 321, au bas de la page, | [Bervich] |
roiians, p. 359, | roiiaus |
estant, p. 406 | Escaut |
d'Esqut, p. 453, | d'Esqaut |
ce, p. 456, | et |
[1] Ms. de Gaignières, fo 1.—Ms. 6477, fo 2 vo: «le».
[2] Ms. 6477, fo 3 vo: «Noels.»
[3] La leçon du ms. de Gaignières, fo 3, autorise à restituer la finale l de il qui n'est pas figurée dans l'écriture, parce qu'elle ne se faisait pas sentir dans la prononciation devant une consonne.
[4] Mss. A—Mss. B (lacune).
[5] Ms. de Gaignières, fo 4: «que de grant temps n'avoit veue.»
[6] Ms. de Gaignières, fo 5 vo.—Ms. 6477, fo 8 vo: «est.»
[7] Ms. de Gaignières, fo 6 vo.—Ms. 6477, fo 10: «cognissoient.»
[8] Ms. de Gaignières, fo 8.—Ms. 6477, fo 12 (lacune).
[9] Ms. de Gaignières, fo 9.—Ms. 6477, fo 14 (lacune).
[10] Ms. de Gaignières, fo 9 vo.—Ms. 6477, fo 15 (lacune).
[11] Ms. d'Amiens, fo 6 vo.—Ms. 6477, fo 16: «de Hay.»
[12] Ms. de J. Le Bel, fo 14 vo.—Ms. 6477, fo 16: «dou Pelz.»
[13] Ms. 6477, fo 16 vo: «traient.»
[14] Ms. de Gaignières, fo 11.—Ms. 6477, fo 17 (lacune).
[15] La leçon du ms. 6477, qui semble mauvaise, est: manchevir ou manthevir.—Ms. de Gaignières, fo 11: «pour leur garder et adviser.»
[16] Ms. de Gaignières, fo 11 vo.—Ms. 6477, fo 18: «n'avoit.»
[17] Ms. de Gaignières, fo 12 vo.—Ms. 6477, fo 19 vo (lacune).
[18] Ms. de Gaignières, fo 15 vo.—Ms. 6477, fo 24 (lacune).
[19] Mss. de Gaignières et de Mouchy-Noailles, fo 15 vo.
[20] Ms. de Gaignières, fo 17: «moult grans merciz.»
[21] Ms. de Gaignières et de Mouchy, fo 17.—Ms. 6477, fo 27: «aprans.»
[22] Cet alinéa, qui se lie intimement aux alinéas précédents, fait néanmoins partie du chapitre suivant dans le ms. 6477, fo 30 vo, dont on se permet ici, par exception, de modifier la coupure évidemment défectueuse.
[23] Ce mot a été gratté et effacé dans notre ms. 6477, sous l'influence de je ne sais quel scrupule, mais il est encore lisible.
[24] Ms. de Gaignières, fo 21 vo.—Ms. 6477, fo 32: «sonner.»
[25] Ms. de Gaignières, fo 26 vo.—Ms. 6477, fo 39 (lacune).
[26] Ms. de Gaignières, fo 29 vo.—Ms. 6477, fo 43 vo: «amena.»
[27] Ms. de Mouchy-Noailles, fo 30 vo.—Ms. 6477, fo 46 (lacune).
[28] Ms. 6477, fo 46: «fu si accusés.»—Les leçons de plusieurs bons mss., notamment du ms. de Gaignières, fo 30 vo, du ms. 2641, fo 31 vo et du ms. de Besançon, fo 33, autorisent à supprimer ce si qui se retrouve une ligne plus bas dans si ques.
[29] Ms. de Mouchy-Noailles, fo 29.—Ms. 6477, fo 47: «Rodais.»
[30] Ms. de Gaignières, fo 31 vo.—Ms. 6477, fo 47: «Cravehen.»
[31] Ms. de Gaignières, fo 32.—Ms. 6477, fo 48 (lacune).
[32] Ms. 6477, fo 48: «Rodais.»
[33] On lit dans le ms. 6477, fo 50 vo, après: «sommes», «si sommes», répétition qui ne se retrouve pas dans le ms. de Gaignières, fo 33 vo, et qu'il faut sans doute attribuer à une distraction du copiste.
[34] Ms. de Gaignières, fo 34.—Ms. 6477, fo 50 vo (lacune).
[35] Ms. de Gaignières, fo 34 vo.—Ms. 6477, fo 51 vo: «deffendre.»
[36] Ms. de Gaignières, fo 35.—Ms. 6477, fo 52: «roy.»
[37] Ms. de Mouchy-Noailles, fo 35 vo.—Ms. 6477 fo 53: «Cravehen.»
[38] Ms. de Gaignières, fo 36.—Ms. 6477, fo 55 (lacune).
[39] Ms. de Gaignières, fo 36 vo.—Ms. 6477, fo 56 (lacune).
[40] Ms. de Gaignières, fo 38 vo.—Ms. 6477, fo 59 (lacune).
[41] Ms. de Gaignières, fo 39.—Ms. 6477, fo 59 vo (lacune).
[42] Ms. de Gaignières, fo 40.—Ms. 6477, fo 60 vo (lacune).
[43] On lit dans le ms. 6477, fo 61 vo: qu'i, forme qui nous représente sans doute la prononciation d'alors, où la consonne finale l de qu'il ne se faisait pas sentir, du moins devant un mot commençant par une consonne.
[44] Ms. de Gaignières, fo 41 vo.—Ms. 6477, fo 63: «d'Alentinois.»
[45] Ms. de Gaignières, fo 43.—Ms. 6477, fo 65 (lacune).
[46] Ms. de Gaignières, fo 43 vo.—Ms. 6477, fo 66 (lacune).
[47] Mss. de Gaignières et de Mouchy-Noailles, fo 43 vo.—Ms. 6477 (lacune).
[48] Ms. de Gaignières, fo 47 vo.—Ms. 6477, fo 66: «mandent». Le copiste a sans doute omis par distraction le signe abréviatif.
[49] Ms. de Gaignières, fo 44.—Ms. 6477, fo 68 vo (lacune).
[50] Ms. de Gaignières, fo 45.—Ms. 6477, fo 69 vo (lacune).
[51] Les mss A 11 et 12 ajoutent: en Bretaingne. Fo 1 vo.
[52] Ms. A 2, fo 1 vo.—Ms. A 1 (lacune). Les mots: seigneur de Beaufort manquent aussi dans le ms. A 3, fo 7.—Ms. B 6: Robert de Namur, seigneur de Renais en Flandres et de Beaufort sur Meuse. Fo 1.
[53] Contrairement aux habitudes de notre orthographe actuelle, on trouve fréquemment dans le ms. d'Amiens la consonne z placée immédiatement après des e qui ne devaient pas moins, au quatorzième siècle comme aujourd'hui, rester muets dans la prononciation. Aussi nous accentuerons par exception, dans les textes empruntés au ms. d'Amiens, tous les e qui doivent être accentués, alors même qu'ils seront suivis d'un z.
[54] Le ms. de Valenciennes ajoute: .... messire Pierre d'Audellée, messire Robert Canolle, messire Hue de Cavrelée. Fo 1.
[55] Ms. d'Amiens: Valeur. Fo 1. Mauvaise leçon.
[56] Ms. de Valenciennes, fo 1 vo.—Ms. d'Amiens, fo 1 (lacune).
[57] Le ms. de Valenciennes ajoute: messire Loys d'Espaigne, messire Bertran de Claiequin, messire Ernoult d'Audenehem. Fo 1 vo.
[58] Ms. de Valenciennes, fo 2.—Ms. d'Amiens (lacune).
[59] Les points indiquent un mot laissé en blanc dans le ms. d'Amiens.
[60] Les points indiquent ici certaines lacunes d'un ou deux mots, des noms propres presque toujours, qui ont été marquées par des blancs dans les premiers folios du ms. d'Amiens.
[61] Ms. de Valenciennes, fo 2 vo.—Ms. d'Amiens (lacune).
[62] Ms. de Valenciennes, fo 3.—Ms. d'Amiens: ceste. Mauvaise leçon.
[63] Mss. A 1 à 10, 15 à 19, 23 à 33: Vuinncesée. Fo 3.—Mss. A 1 à 6, 11 à 13, 20 à 22: Windesore. Fo 3 vo.—Mss. A 34 et 35: Vinchettes. Fo 3 vo.
[64] Mss. A 1 à 6: à prime. Fo 3 vo.
[65] Les mots: et de force manquent dans les mss. A 1 à 6, 11 à 13 non abrégés. Les mss. A 11 à 13 ajoutent: maulgré tous ses ennemis, pour l'onneur du roy leur seigneur. Fo 4.
[66] Les mss. A 11 à 13 ajoutent: et que François sont trop convoiteux. Fo 4 vo.
[67] Ms. A 1, fo 5 vo.—Ms. d'Amiens (lacune).
[68] Le ms. de Valenciennes ajoute: qui jà estoit desvoiez par les dons qui d'Engleterre estoient venus, si se meut durement à parler à la roynne. Et luy dist plainement: «Je ne veul plus soustenir vous ne vostre fait en mon pays, mais partez vous hastivement. Se widiés mon royalme ou je vous ferai widier.» Fo 6 vo.
[69] Les mss. A 20 à 22 ajoutent: et dommaige d'elle et des siens. Fo 17.
[70] Ms. d'Amiens et mss. A: Et contre lui widièrent moult de bourgois de le ville, bien paret et ordonnet, pour lui honorablement recepvoir. Fo 3 vo.
[71] Mss. A 7, 18, 19, 29 à 33: conjoissoit. Fo 5 vo.
[72] Mss. A 1 à 9, 15 à 22: pour elle. Fo 7.—Mss. A 11 à 13: pour l'ame d'elle. Fo 6.—Mss. A 34, 35: pour elle et pour ses amis, tant comme je vivray. Fo 7.
[73] Mss. A 1 à 6, 20 à 22: Bousiers. Fo 7 vo.—Mss. A 11 à 13: Boursiers. Fo 7.
[74] Le ms. de Valenciennes ajoute: messire Feris de Hordaing, le sire de Hertaing. Fo 9 vo.
[75] Ms. A 2: d'Estrumelin. Fo 8.
[76] Ms. de Valenciennes, fo 9.—Ms. d'Amiens: Souffars. Fo 4.
[77] Ms. de Valenciennes: amerement. Fo 10 vo.
[78] Mss. d'Amiens et Valenciennes: de Deus ou de Deu. Mauvaise leçon.
[79] Les mêmes mss. reproduisent les mêmes variantes partout où on lit Evruich dans le texte.
[80] Le prénom Sanse ne se trouve que dans le ms. de Rome.
[81] Mss. A 1 à 6, 20 à 22: Beaugeu. Fo 12.
[82] Les mots mis entre crochets ont été omis par une distraction du copiste dans le ms. A 1.
[83] Cette erreur provient sans doute de ce que, dans les mss. A 1 à 6, d'où dérivent les mss. A 20 à 22, et notamment dans le ms. A 1, fo 12 vo, Los est écrit lost.
[84] Ms. de Valenciennes: Clais Zandequin. Fo 27 vo.
[85] Ms. B 6: huit. Mauvaise leçon.
[86] Ms. de Valenciennes: Eurewich. Fo 40.
[87] Ibid.: Bervich. Fo 40 vo.
[88] Ibid.: qui fu moult vaillans, dont tant avez oy parler.
[89] Ms. de Valenciennes: et fis pour celui roy plus que nulx. Fo 41.
[90] Ibid.: car à ce convenoit grant conseil et advis de le laissier pour l'eure ensy.
[91] Ms. de Valenciennes: Car encore est le orgeul des Escos si grans qu'ilz ne leur souffist point à ce qu'ilz tiennent de vostre heritage, mais menacent. Fo 31 vo.
[92] Ms. de Valenciennes: et par especial y fu messire Jehan de Haynnau, lui douzième de chevaliers, et eut le prix de ceulx de dehors. Et estoit avec le dit messire Jehan le seigneur de Faigneulles. Fo 32.
[93] Dans ce passage du ms. d'Amiens et dans plusieurs autres qui suivent, on lit: Rosebourch, au lieu de: Bervich. C'est cependant de Bervich qu'il s'agit: la fin de ce récit, où le nom même de Bervich reparaît, et tout le contexte, ne permettent pas d'en douter. Cette erreur, qu'il faut sans doute attribuer à une distraction du copiste, se trouve reproduite dans les passages correspondants du ms. de Valenciennes; et la reproduction servile d'une erreur aussi grossière et purement matérielle est un des faits qui donnent lieu de supposer que ce dernier ms. a été fait d'après le ms. d'Amiens, auquel il est évidemment postérieur.
[94] Ms. de Valenciennes: mais il estoient d'aultre part. Fo 34.
[95] Ibid.: soixante.
[96] Ibid.: huit.
[97] Ms. de Valenciennes: deus cens. Fo 34 vo.
[98] Ibid.: soisante.
[99] Ms. de Valenciennes: bien de longueur de trois trais d'arch.
[100] Ms. de Valenciennes: deux heraux. Fo 35.
[101] Ibid.: soisante ou cent.
[102] Ibid.: ne des soisante ne des cent.
[103] Ms. de Valenciennes: cinq cens hommes d'armes, mille archiers d'un lez et autant d'aultre lez. Fo 35.
[104] Ibid.: Brantonne.
[105] Ms. de Valenciennes: et le chastel de Rosebourch. Fo 36.
[106] Ibid.: devers le fort.
[107] Ibid.: et rendirent le forteresse.
[108] Ms. de Rome: recorda. Fo 33.
[109] Ms. de Valenciennes: la Bethe. Fo 36 vo.
[110] Ibid.: Surlaitre.
[111] Ibid.: de Versel.
[112] Ibid.: Les costièrent tousjours par les montaignes et passages où il savoient bien les chemins, et leur faisoient grant dommage.
[113] Ms. de Valenciennes: et as trompettes. Fo 38.
[114] Ibid.: Kinfery.
[115] Ms. de Valenciennes: à grant perte. Fo 38.
[116] Ibid.: à messire Guillaume de Douglas.
[117] Ibid.: Honcleno.
[118] Ms. de Valenciennes: nobles Fo 38.
[119] Ms. de Valenciennes: et tous ses hommes. Fo 38.
[120] Ibid.: Si entra le roy dedens luy rafrescir à grant joie.
[121] Ibid.: Estrumelin.
[122] Ibid.: Strumelins. Fo 42.
[123] Ms. de Valenciennes: et fist en France et ailleurs moult de beaux fais d'armes, et morut josne du vivant son père. Fo 42.
[124] Ms. de Valenciennes: adfin qu'il euissent vivres. Fo 42.
[125] Ibid.: de bonne chevalerie et de bons archiers. Fo 42 vo.
[126] Ibid.: les villes et places qu'il avoit prinses, jusques au nombre de neuf.
[127] Ibid.: pour garder toute la marche.
[128] Ms. de Valenciennes: au moustier des Augustins. Fo 43.
[129] Ms. de Valenciennes: avoir encachié. Fo 41.
[130] Ms. de Valenciennes: il tenoit plus noble estat que onques n'euist fait roy que on sceuist. Fo 41.
[131] Ibid.: et moult d'aultres qu'il avoit à sa delivrance.
[132] Ms. de Valenciennes, fo 41.—Ms. d'Amiens: Verbonne.
[133] Ibid.: ung vaillant Geneuois sur mer.
[134] Ms. de Valenciennes: de le rivière de Jennes jusques à Palles en l'ille de Grèce et de Rodes. Fo 41.
[135] Ms. de Valenciennes: là où furent les trois estas. Fo 43.
[136] Ms. de Valenciennes: de Gobehem. Fo 43.
[137] Ibid.: deux grans clers.
[138] Ibid.: premiers.
[139] Ms. de Valenciennes: par deniers et par parolles. Fo 44 vo.
[140] Ms. de Valenciennes: car il estoit grans et puissans, et pau doubtoit la puissance des Englès. Fo 45 vo.
[141] Ibid.: Nicolle. Fo 45.
[142] Ibid.: Mitonne.
[143] Ms. de Valenciennes: selon les drois de l'Empire. Fo 45 vo.
[144] Ibid.: pour l'amour de sa soer, la royne d'Engleterre.
[145] Ms. de Valenciennes: affin que le commun, qui n'aroient de quoy ouvrer, se courouçaissent. Fo 46 vo.
[146] Ibid.: en Haynnau, en Brabant, en Artois.
[147] Ms. de Valenciennes: fo 48.—Ms. d'Amiens (lacune).
[148] Ms. de Valenciennes: duc de Guerles. Fo 49.
[149] Ms. de Valenciennes: Ernoult de Bakem. Fo 50.
[150] Ms. de Valenciennes: l'an vingt sept. Fo 50 vo. Mauvaise leçon.
[151] Ibid.: ès guerres. Fo 51.
[152] Ibid.: le Baie.
[153] Ibid.: Collenches.
[154] Ibid.: Peme.
[155] Ms. de Valenciennes: florins. Fo 51 vo.
[156] Ibid.: Courdem.
[157] Ms. de Valenciennes: maistre Remon. Fo 51 vo.
[158] Ibid.: Peme. Fo 52.
[159] Ibid.: Donc dist messire Robert d'Artois: «Sire, je m'en chargeray, s'il vous plaist.»—«Certes, dist le roy, je vous en pensoie prier; or vous pourveez hastivement.»
[160] Ms. de Valenciennes: quatre mille. Fo 52.
[161] Ibid.: Tous les nobles de la ville, qui moult desiroient le secours.
[162] Ms. de Valenciennes: Sebliach. Fo 53 vo.
[163] Ms. de Valenciennes: de nuyt. Fo 53 vo.
[164] Ibid.: deux cens.
[165] Ms. de Valenciennes: Si y mirent tel garnison qu'il appartenoit. Fo 54 vo.
[166] Ibid.: Beghot de Villains.
[167] Ms. de Valenciennes: cinquante ou soixante. Fo 55.
[168] Ibid.: et ceulx de la ville fussent sauf.
[169] Ibid.: devant. Fo 55 vo.
[170] Ibid.: Et ne savoient riens de leur venue.
[171] Ms. de Valenciennes: et de Poitiers. Fo 56.
[172] Ms. de Valenciennes: si grande au roy de France. Fo 56.
[173] Ms. de Valenciennes: «Vray est que des François nous viennent bleds, mais il convient avoir de quoy à achater et paier; et muy de bled a denier; dolant celui qui ne l'a. Mais d'Engleterre nous viennent laines et grans prouffis pour avoir les vivres, et tenir grans estas et vivre en joie; et du pays de Haynnau nous venroit assez blez, nous à eulx d'accord.» Fo 56.
[174] Ms. de Valenciennes: En ce temps avoit ung bourgois à Gand, brasseur de mier, lequel par pluiseurs fois parloit bien sagement au gré de pluiseurs. Si l'appelloit on Jaquemon d'Artevelle. Fo 56 vo.
[175] Ibid.: ly quars ou la moitié de le ville. Fo 57.
[176] Ibid.: une feste.
[177] Ibid.: plus de mille.
[178] Ms. de Valenciennes: «Seigneurs compaignons, je sui natif et bourgois de ceste ville, si y ay le mien. Sachiés que de tout mon pooir je vous vorroie aidier et tout le pays. Et s'il estoit homme qui vosist emprendre le fais, je vorroie exposer mon corps et biens à estre dalez lui; ou se vous aultres me voliés estre frère, amy et compaignon en toutes choses pour demourer dalez my, nonobstant que je n'en soy mie dignes, je l'enprenderois volentiers.» Alors dirent ilz, tout d'un assens et d'une voix: «Nous vous prometons lealment à demourer dalés vous en toutes choses, et d'y aventurer corps et biens, car nous savons bien qu'en toute le conté de Flandres n'y a homme, se non vous, qui soit dignes de ce faire.» Fo 57.
[179] Ibid.: Par plusieurs jours il fist grans consaulx et grandes assambléez de gens, en remonstrant qu'il tenissent le partie des Englès à l'encontre de ceulx de France; et que il savoit bien que le roy de France estoit si occupez en moult de manières qu'il n'avoit pooir ne loisir d'eulx faire mal; et avec ce le roy d'Engleterre seroit joieux d'avoir leur amour, et aussi feroit enfin celui de France. Et leur remonstroit qu'il aroient Haynnau, Brabant, Hollandes et Zellandes avec eulx. Et tant les mena de parolles que toute la communalté et grant plenté de la bourgoisie se tirèrent avec luy et habandonnèrent de tous poins leur seigneur, sans riens plus convertir ne aler devers lui. Mais le compaignoient à si grant puissance que tous les jours dormoient en sa maison, buvoient et mengoient mille ou douze cens personnes; et le compaignoient à aler par la ville ou ailleurs leur bon lui sambloit. Fo 57.
[180] Ms. d'Amiens: Vipennes ou Bipennes. Mauvaise leçon.
[181] Ms. de Valenciennes: Gille de le Triest. Fo 58 vo.
[182] Ibid.: les deux frères de Brugdem.
[183] Ms. de Valenciennes: l'an vingt sept. Fo 50 vo. Mauvaise leçon.
[184] Ms. de Valenciennes: Et aussi envoia il amont en Bretaigne en revenant jusques à Harfleu, et en le Rocelle, ralant tout autour jusques en Avignon et toute la rivière du Rosne. Et pour bien abregier ce compte, il fist pourveir à tous costez. Fo 59 vo.
[185] Ms. de Valenciennes: Jaque de Bourbon. Fo 60.
[186] Ibid.: et par toute la rivière de l'Escault.
[187] Ms. de Valenciennes: car il amoient mieulx la marchandise d'Engleterre. Si ne les pooit on rapaisier; et ossy Jaquemon d'Artevelle ne s'i acordoit point. Fo 60.
[188] Ms. de Valenciennes: Gavres. Fo 60 vo.
[189] Ms. de Valenciennes: Nicolle. Fo 62.
[190] Ibid.: le duc de Guerles. Fo 64.
[191] Ibid.: Franquemont.
[192] Ms. B 6: et fu de puis duc de Clarense, sy comme vous orés chy avant en ces croniques. Fo 96.
[193] Ms. de Valenciennes: de nuyt. Fo 62 vo.
[194] Ibid.: à Paris.
[195] Ibid.: et leur assena leur ilz prenderoient finances, pour leur estat maintenir.
[196] Ms. de Valenciennes: Et là demoura le roy et la roynne en l'abbaie Saint Michiel en Ampvers. Fo 64 vo.
[197] Ms. de Valenciennes: Tant que de Flandres, avoit beau commencement le roy d'avoir l'accord, car tous li communs estoit pour luy; et aussi Artevelle les presçoit souvent, et remonstroit tant de belles raisons que il estoient auques tout prest. Fo 65.
[198] Ibid.: plus voisins et amis.
[199] Ms. de Valenciennes: à Diest, à l'encontre de lui et du duc de Brabant. Fo 65 vo.
[200] On peut lire aussi: Woreborgh.
[201] Ms. de Valenciennes: le conte de Mouret. Fo 69 vo.
[202] Ms. de Valenciennes: ou à Calaix. Fo 69 vo.
[203] Ms. de Valenchiennes: forteresces sur marches. Fo 69 vo.
[204] Ms. de Valenciennes: Ewruich. Fo 70.
[205] Ms. de Valenciennes: Horles en le conté de Los. Fo 70 vo.
[206] Ms. de Valenciennes: qu'il ne meffesist. Fo 71.
[207] Ms. de Valenciennes, fo 72 vo.—Ms. d'Amiens: Gille.
[208] Ms. de Valenciennes: Compiengne. Fo 72 vo.
[209] Ms. de Valenciennes: Blanquenhem. Fo 74.
[210] Ibid.: à deux mille armures de fer.
[211] Ibid.: du matin jusques à le nuyt.
[212] Ms. de Valenciennes, fo 75.—Ms. d'Amiens: de Deus. Mauvaise leçon.
[213] Ms. de Valenciennes: le sire de Volclore. Fo 75.
[214] Ibid., fo 75.—Ms. d'Amiens (lacune).
[215] Ms. de Valenciennes: le sire d'Alaincourt.
[216] Ibid.: rampoient.
[217] Ms. de Valenciennes: Vacelles l'abbaye. Fo 75.
[218] Ibid.: et les femmes violéez par les Almans.
[219] Ibid.: Borgnies. Fo 76.
[220] Ms. de Valenciennes: quatre cens. Fo 76.
[221] Ibid.: Crespy.
[222] Ms. de Valenciennes: deux cens lances. Fo 76.
[223] Ibid.: les bons hommes.
[224] Ibid.: Nouvion, grosse ville sans frumure, fors qu'ils l'avoient fortifié de barrières et de hayes.
[225] Ibid.: à quarante mille hommes armez. Fo 76 vo.
[226] Ibid.: à bien cent mille hommes.
[227] Ms. de Valenciennes: hommes d'armes, chevaliers et escuiers. Fo 76 vo.
[228] Ms. de Valenciennes: de Hoteberch. Fo 77 vo.
[229] Ms. de Valenciennes: Salmel. Fo 79.
[230] Ibid.: Falencon.
[231] Ibid.: Strier.
[232] Ibid.: Brasenton.
[233] Ms. de Valenciennes: Fil Warnier. Fo 79.
[234] Le ms. de Valenciennes ajoute: monseigneur Henri de Flandres,... le sire de Neufville.
[235] Ms. de Valenciennes: Penebrouch. Fo 79.
[236] Ibid.: Bertremieu de Bruves.
[237] Ibid.: environ.
[238] Ibid.: six.
[239] Ibid.: Joingny. Fo 79 vo.
[240] Ibid.: de Poitiers.
[241] Ms. de Valenciennes: Mirendon.
[242] Ibid.: hommes d'armes. Fo 80.
[243] Ms. de Valenciennes: jusques en Haynnau. Fo 81.
[244] Ms. de Valenciennes, fo 81 vo.—Ms. d'Amiens: envoieoit.
[245] Ms. de Valenciennes: armures de fer. Fo 82.
[246] Ms. de Valenciennes: L'endemain, au matin. Fo 82 vo.
[247] Ms. de Valenciennes: et tous les prinches et les seigneurs almans qui estoient ses aliez. Fo 83.
[248] Ms. de Valenciennes: leurs cloques. Fo 84.
[249] Ms. de Valenciennes: cousin. Fo 71 vo.
[250] Ms. de Valenciennes: l'eglise. Fo 85.
[251] Ibid.: «pour quoy ne sonnez vous le clocque? Si s'esvilleront ceux de la ville.»
[252] Ms. de Valenciennes: qui estoit au comte de Blois. Fo 87.
[253] Ibid.: Mièbres.
[254] Ms. de Valenciennes: mais qu'ilz fuissent bonnes gens avec eulx. Fo 87.
[255] Ms. de Valenciennes: Loz. Fo 87 vo.
[256] Ms. de Valenciennes: Et y moururent deux des nouveaux chevaliers, nepveux au visdamme, et le tiers fu prins. Fo 88.
[257] Ms. de Valenciennes: Et ainchois qu'il se partist du pays, il ordonna et garni les fors et les bonnes villes. Et par especial il mist monseigneur Jehan de Haynnau, son oncle, alant et venant par le terre, avec quatre chevaliers. Fo 88 vo.
[258] Ms. de Valenciennes: à cent hommes d'armes. Fo 89.
[259] Ibid.: Rousne.
[260] Ibid.: Goullesmes.
Introduction, page I à CXXXIV. |
Prologue.—Sommaire, p. CXXXVII à CXLII.—Texte, p. 1 à 7.—Variantes, p. 209 à 212. |
CHAPITRE I. |
---|
Généralités sur les dix-huit premières années du règne d'Édouard II.—Sommaire, p. CXLII et CXLIII.—Texte, p. 11 à 15.—Variantes, p. 213 à 220. |
CHAPITRE II. |
Séjour d'Isabelle en France et en Hainaut.—Sommaire, p. CXLIII et CXLIV.—Texte, p. 15 à 27.—Variantes, p. 220 à 241. |
CHAPITRE III. |
Déposition d'Édouard II et avénement d'Édouard III.—Sommaire, p. CXLIV et CXLV.—Texte, p. 27 à 40.—Variantes, p. 241 à 256. |
CHAPITRE IV. |
Préliminaires de la première campagne d'Édouard III contre les Écossais.—Sommaire, p. CXLV à CXLVII.—Texte, p. 40 à 51.—Variantes, p. 256 à 268. |
CHAPITRE V. |
Première campagne d'Édouard III contre les Écossais.—Sommaire, p. CXLVII à CXLIX.—Texte, p. 51 à 74.—Variantes, p. 268 à 282. |
CHAPITRE VI. |
Mariage d'Édouard III avec Philippe de Hainaut.—Sommaire, p. CXLIX et CL.—Texte, p. 74 à 77.—Variantes, p. 282 à 288. |
CHAPITRE VII. |
Mort de Robert Bruce, roi d'Écosse, et expédition de Jacques de Douglas en Espagne. Avénement de David Bruce, et mariage de ce prince avec Jeanne, sœur du roi d'Angleterre.—Sommaire, p. CLI et CLII.—Texte, p. 77 à 82.—Variantes, p. 288 à 295. |
CHAPITRE VIII. |
Avénement de Philippe de Valois au trône de France, et victoire de Cassel remportée par ce prince contre les Flamands.—Sommaire, p. CLII à CLVI.—Texte, p. 83 à 87.—Variantes, p. 295 à 303. 506 |
CHAPITRE IX. |
Exécution du comte de Kent, suivie du supplice de Roger de Mortimer et réclusion de la reine Isabelle, mère d'Édouard III.—Sommaire, p. CLVI et CLVII.—Texte, p. 87 à 90.—Variantes, p. 303 à 305. |
CHAPITRE X. |
Ambassade envoyée en Angleterre par Philippe de Valois; voyage d'Édouard III en France et entrevue d'Amiens.—Sommaire, p. CLVIII à CLX.—Texte, p. 90 à 96.—Variantes, p. 306 et 307. |
CHAPITRE XI. |
Nouvelle ambassade envoyée à Londres par Philippe de Valois, et prestation de foi et hommage au roi de France par le roi d'Angleterre.—Sommaire, p. CLX et CLXI.—Texte, p. 96 à 100.—Variantes, p. 307. |
CHAPITRE XII. |
Bannissement de Robert d'Artois qui, après avoir séjourné en Brabant et dans le marquisat de Namur, se réfugie en Angleterre.—Sommaire, p. CLXI à CLXV.—Texte, p. 100 à 105.—Variantes, p. 307 à 316. |
CHAPITRE XIII. |
Préliminaires de la reprise des hostilités entre les Anglais et les Écossais.—Sommaire, p. CLXV à CLXVIII.—Texte, p. 103 à 107.—Variantes, p. 311 à 321. |
CHAPITRE XIV. |
Guerre d'Écosse; campagne de 1333: siége et prise de Berwick.—Sommaire, p. CLXVIII à CLXXVI.—Texte, p. 107 à 112.—Variantes, p. 321 à 341. |
CHAPITRE XV. |
Guerre d'Écosse; campagnes de 1334 à 1336: siége et prise de Roxburgh, de Dalkeith et de Stirling.—Sommaire, p. CLXXVI à CLXXXI.—Texte, p. 112 à 114.—Variantes, p. 341 à 352. |
CHAPITRE XVI. |
Voyage de Philippe de Valois à Avignon et préparatifs d'une croisade projetée par ce prince.—Sommaire, p. CLXXXI à CLXXXIII.—Texte, p. 114 à 118.—Variantes, p. 352 à 357. |
CHAPITRE XVII. |
Édouard III envoie des ambassadeurs sur le continent chargés de négocier une alliance contre la France avec le comte de Hainaut, le duc de Brabant et les seigneurs des marches d'Allemagne.—Sommaire, p. CLXXXIII à CXCIII.—Texte, p. 118 à 126.—Variantes, p. 357 à 377. 507 |
CHAPITRE XVIII. |
Guerre en Gascogne entre les Français et les Anglais. Siége et prise de Saint-Macaire, de Civrac et de Blaye par les Anglais.—Sommaire, p. CXCIII à CXCIX.—Variantes, p. 377 à 388. |
CHAPITRE XIX. |
Révolte des Flamands contre leur comte; influence de Jacques d'Arteveld.—Sommaire, p. CXCIX à CCVII.—Texte, p. 126 à 129.—Variantes, p. 388 à 396. |
CHAPITRE XX. |
Arrestation et exécution de Sohier de Courtrai; mort de Guillaume Ier, comte de Hainaut.—Sommaire, p. CCVII à CCIX.—Texte, p. 129 à 132. Variantes, p. 396 à 398. |
CHAPITRE XXI. |
Retour des envoyés anglais dans leur pays; préparatifs de guerre et échange de défis entre les rois de France et d'Angleterre.—Sommaire, p. CCIX à CCXIII.—Texte, p. 133 à 135.—Variantes, p. 400 à 409. |
CHAPITRE XXII. |
Victoire de Cadsand remportée par les Anglais sur les Flamands.—Sommaire, p. CCXIII à CCXV.—Texte, p. 132 et 133, 135 à 138.—Variantes, p. 398 à 400, 409 à 411. |
CHAPITRE XXIII. |
Voyage d'Édouard III à Anvers et pourparlers de ce prince et de ses alliés.—Sommaire, p. CCXV à CCXX.—Texte, p. 138 à 144.—Variantes, p. 411 à 424. |
CHAPITRE XXIV. |
Voyages et séjour de David Bruce, roi d'Écosse, en France.—Sommaire, p. CCXX à CCXXIII.—Texte, p. 146 à 148.—Variantes, p. 429 à 435. |
CHAPITRE XXV. |
Institution d'Édouard III en qualité de vicaire de l'Empire.—Sommaire, p. CCXXIII à CCXXVI.—Texte, p. 144 à 146, 148 à 151.—Variantes, p. 424 à 429, 435 à 439. |
CHAPITRE XXVI. |
Croisières et incursions des Normands sur les côtes d'Angleterre; sac de Southampton; préparatifs de guerre du roi de France, sur terre et sur mer.—Sommaire, p. CCXXVII à CCXXIX.—Texte, p. 152 et 153, 156 à 158.—Variantes, p. 439 et 440, 447 et 448. |
CHAPITRE XXVII. |
Déclaration de guerre et ouverture des hostilités entre la France et 508 l'Angleterre: assemblées de Vilvorde et de Malines; chevauchée de Gautier de Mauny en Cambrésis et prise de Thun-l'Évêque par les Anglais.—Sommaire, p. CCXXIX à CCXXXII.—Texte, p. 152 à 156.—Variantes, p. 439 à 447. |
CHAPITRE XXVIII. |
Siége de Cambrai par Edouard III et ses alliés.—Sommaire, p. CCXXXII à CCXXXV.—Texte, p. 158 à 163.—Variantes, p. 448 à 455. |
CHAPITRE XXIX. |
Chevauchée de l'armée anglaise en Vermandois, en Laonnois et en Thiérache: siége d'Honnecourt et prise de Guise par Jean de Hainaut; sac de Nouvion par les Allemands.—Sommaire, p. CCXXXV à CCXLI.—Texte, p. 163 à 174.—Variantes, p. 454 à 467. |
CHAPITRE XXX. |
Préparatifs d'une grande bataille à Buironfosse, suivis de la retraite des deux armées anglaise et française.—Sommaire, p. CCXLI à CCXLV.—Texte, p. 174 à 186.—Variantes, p. 467 à 480. |
CHAPITRE XXXI. |
Assemblées de Bruxelles et de Gand à la suite desquelles Édouard III prend le titre de roi de France, et retour de ce prince en Angleterre.—Sommaire, p. CCXLVI et CCXLVII.—Texte, p. 184 à 188.—Variantes, p. 480 à 483. |
CHAPITRE XXXII. |
Courses maritimes des Normands.—Hostilités des Français contre Jean de Hainaut: incursions dans la seigneurie de Chimay; prise et destruction du château de Relenghes.—Escarmouche entre les Français de la garnison de Cambrai et les Anglais ou Hainuyers de Thun-l'Évêque; mort de Gilles de Mauny.—Sommaire, p. CCXLVII à CCL.—Texte, p. 188 à 193.—Variantes, p. 483 à 488. |
CHAPITRE XXXIII. |
Déclaration de guerre et ouverture des hostilités entre la France et le Hainaut: sac d'Haspres par les Français et d'Aubenton par les Hainuyers; départ du comte de Hainaut pour l'Angleterre.—Sommaire, p. CCL à CCLVI.—Texte, p. 193 à 205.—Variantes, p. 488 à 500. |
FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER.
9889.—Imprimerie générale de Ch. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.