The Project Gutenberg eBook of Au clair de la dune

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Title: Au clair de la dune

Author: Théodore Hannon

Illustrator: Félicien Rops

Release date: August 29, 2015 [eBook #49813]

Language: French

Credits: Produced by Eevee, Claudine Corbasson and the Online
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK AU CLAIR DE LA DUNE ***


Au lecteur

Table des matières


AU CLAIR DE LA DUNE


THÉO HANNON

——

AU CLAIR
DE LA DUNE

POÈMES

BRUXELLES

Oscar Lamberty, Éditeur

70, Rue Veydt (Quartier Louise)

1909


HENRI THOMAS

La Muse.


5

BONIMENT

Muse, O ma Muse ultra-moderne,
Dans ton maillot de bain à jours,
S'agit de n'être point baderne
Et d'esquisser d'adroits bonjours...
Or, faisant grave sa trombine,
Ma Muse, aux hanches les deux poings,
Emit, du seuil de sa cabine,
Ce speech que j'approuve en tous points:
«Benoît lecteur, lectrice gente,
Malgré votre air plutôt moqueur,
Sans vouloir fuir par la tangente,
Cœur en bouche et la bouche en cœur,
6
»Je vous présente ce volume
Qui n'offre rien de doctoral,
Coups de crayon ou coups de plume
En simple honneur du littoral.
»Folles balades sur la plage,
Dans la brise, au long de la mer,
Interviewant le coquillage
Sous des ciels d'encre ou d'outremer.
»L'album qu'ici je vous présente
Est fait de soleil et de vent,
De l'écume phosphorescente
Et des soupirs du flot mouvant...
»Si quelque quatrain te la coupe,
Benoît lecteur, sois tolérant,
Car je fis ces vers en tirant
(Ah! l'exquis féminin) ma coupe.»

7

I

OSTENDE

Ostende!... Ostende est la reine des plages,
Elle commande à tout le littoral.
Son sceptre est d'or et les plus beaux mirages
Se font réels sur son sable idéal.
Dispensatrice attirée et subtile
De toute joie et des nobles plaisirs,
Elle sait joindre à l'agrément l'utile
Et satisfaire aux plus vastes désirs.
8
Sur cet Eden que l'Europe patronne,
Le succès fait flotter son étendard,
Il veut tous les fleurons à sa couronne,
Et rêva d'être d'Ostende—Centre d'Art.
Or, pour lui faire une digne auréole,
Rois de la brosse et rois de l'ébauchoir,
Dieux de la science et Dieux de la parole,
Rivalisaient d'art et de beau savoir.
Ville de luxe, attirance profonde,
Où la beauté brille en un cadre exquis,
De ses flots verts sortit Vénus la Blonde
Et tous les cœurs par elle sont conquis.
Vraiment, Ostende est la Reine des Plages,
Elle commande à tout le littoral.
Son sceptre est d'or et les plus beaux mirages
Se font réels sur son sable idéal!

9

II

L'ÉVENTAIL

L'éventail flottant au côté
Comme la dague moyen-âge,
Quand, sous les regards de l'été,
Vous irez par la blonde plage,
Lorsqu'au bal dans le tourbillon
Entraînant de la folle danse,
Vos pantoufles de Cendrillon
Vibreront, battront en cadence,
10
O vous, la fleur des sables blancs
Et la rose des bals brillants,
Vous verrez l'éventail des fièvres,
Ainsi qu'un papillon charmeur,
Battre de l'aile sur vos lèvres
Et baiser votre bouche en fleur!

11

III

GROS TEMPS

Temps lugubre, ciel morne au front chargé de haine
Où galope en maudit le nuage au flanc lourd
Qui s'abat sur la mer sinistre, s'y déchaîne,
Crève et mêle son onde aux ondes du flot sourd.
Ni rires ni rayons: les plages sont désertes.
Déjà l'essaim frileux des baigneuses s'enfuit,
Les sables esseulés se tachent d'algues vertes
Où brillaient les talons féminins au doux bruit.
12
En grand courroux la mer hurle, mugit, se cabre,
Conviant les flots noirs à la valse macabre
Que cingle dans son vol l'aile des goëlands.
Loin, bien loin, par delà la vague aux cris troublants,
Comme au fond de mon cœur où vient sourdre une larme,
Gronde confusément quelque canon d'alarme.

13

IV

EAU BÉNITE

Or, donc on a béni la mer:
Oh! les trois fois heureuses vagues...
On nous purgea le flot amer
A grand renfort d'oraisons vagues.
On a béni sans doute aussi
Du même coup, les estacades.
Voilà, mesdames, Dieu merci!
De quoi refroidir vos cascades...
14
Mais cette bénédiction,
De par ses vertus accomplies,
Etendit-elle son onction
Sur les soles et sur les plies?
Peut-il, le goupillon sacré,
Répandre ses grâces congrues
Sur l'aiglefin, ventre nacré,
Et sur les maussades morues?
Du même élan sanctifiant
La grande, l'immense cuvette,
Avec le crabe édifiant
Canonisa-t-il la crevette?
Sut-il, enfin, le bénisseur,
En son beau geste fait au moule,
Bénir l'huître noble et sa sœur
Plus démocratique, la moule?
Quoi qu'il en soit, déjà le flot
A venir vers lui nous invite:
Nous allons former un bon lot
De beaux diables dans l'eau bénite.

15

V

ÉVOHÉ!

A nos âmes exténuées
Juin vienne rendre la gaîté!
Des cieux rendus à la clarté
Qu'il chasse les troubles nuées.
Juin promis, vengeur souriant,
Vers nos ennuis guide ta marche,
Comme la colombe de l'Arche,
Porteur d'un rameau verdoyant.
16
Aussi, toute tristesse enfuie,
Les sables blonds sont repeuplés,
Tout rit: plus de cœurs endeuillés!
On remise le parapluie,
L'amour, fuyant les entresols,
Flirte, ô gué! sous les parasols!

17

VI

MER DES MORTS

Ce soir, la mer semble un cimetière. Les cieux,
Tristes comme ma joie, ont surbaissé leur arche
Sous laquelle on dirait des corbillards en marche,
Les grands nuages noirs roulant silencieux.
Il fait plus sombre en moi que là-haut, et mes larmes
Fêtent des corbillards bien plus mornes: mon cœur,
Dans l'infini des spleens, revoit passer le chœur
Des fantômes aimés et des primes alarmes...
18
Mer lugubre et sans fond, tes abîmes discrets
Gardent également d'innombrables secrets.
Suaire que l'écume ourle de sa dentelle!
Aussi, lorsque la lune, aux flots noirs ondulant,
Sur l'immense tombeau pose son reflet blanc,
On croit voir la couronne où se meurt l'immortelle.

19

VII

REVANCHES

Pour sauver leur âme et leurs os
De leurs spleens irrémédiables,
Que d'autres s'en aillent aux eaux,
Aux feux, aux monts... à tous les diables...
Nous, mieux inspirés, ne quittons
Point notre allègre capitale:
En l'honneur des bénins piétons
Sa grâce estivale s'étale.
20
Ils sont partis, tous les gêneurs,
O libératrices vacances,
Seuls, noyés dans les promeneurs,
Quelques intrus sans conséquences.
La ville à nous seuls, c'est charmant,
On est chez soi même au théâtre
Où l'on ne compte plus, vraiment,
Avec «le public idolâtre».
Pendant que les bons exilés
Rissolent dans quelque fournaise,
Et, par les hôteliers volés,
Bataillent contre la punaise.
Nous, toujours dispos et bavards,
Sous les draches rafraîchissantes,
Nous passons sur les boulevards
Des heures certes ravissantes.
Là-bas ils vont sucer des eaux
Qui couvent des œufs cholériques,
Et, dans des verres à biseaux,
Nous lampons des liqueurs féeriques.
21
D'autres risquent de dérailler
En cherchant au loin le mystère;
D'ici nous pouvons les railler:
A pied nous partons pour Cythère.
D'autres, enfin, cœurs élargis,
Pour s'amuser mieux, les infâmes,
Laissèrent l'épouse au logis...
C'est nous qui consolons leurs femmes.

22

VIII

MARINE SENTIMENTALE

J'ai vu la mer, j'ai vu la mer immense et blonde
Elle étalait sa nappe au large horizon gris
Et l'on eut dit, là-bas, le firmament et l'onde,
Deux lèvres de géant closes dans un souris.
Au soleil emperlant son dos frangé, la vague
S'en venait se rouler sur le sable étoilé
De coquillages blancs où dort la plainte vague
De quelque néréide à l'amour envolé.
23
La mouette rayait, grise, le flot qui gronde...
J'ai vu la mer, j'ai vu la mer immense et blonde
Elle poussait vers moi son grand rugissement.
Mais sa voix ne saurait étouffer dans mon âme
L'inoubliable et doux et long bruissement
Du chaud baiser d'adieu de sa lèvre de flamme.

24

IX

PIEUVRE

A l'égal des beaux soirs qu'empourpre le soleil
Votre chevelure flamboie:
Votre front radieux et serein, c'est l'éveil
De l'aurore en robe de soie.
Votre bouche est semblable à quelque fleur de sang,
Fleur qui consume, fleur qui glace.
Votre bras, des lis frère en blancheur, est puissant
Comme un serpent qui vous enlace.
25
Dans votre rire ailé je bois l'oubli vainqueur...
Ils rappellent, vos yeux, la mer profonde et brune,
La morne mer des nuits sans lune.
Et comme cette mer sombre et sans fond, mon cœur
Entr'ouvre un autre abîme où mon œil en vain plonge
Pour voir la pieuvre qui le ronge.

26

X

PROFANES

Soit qu'elle orne, au matin, de dentelles les grèves,
Soit qu'elle les argente à cette heure de rêves
Où dans les cieux la lune a lui,
La mer, la blonde mer, est la grande coquette
Dont l'homme n'a jamais su faire la conquête,
Cruelle, elle se rit de lui.
27
Elle s'étend, l'été, câline et point méchante,
Et sa vague au reflet de nacre vibre et chante,
Berçant, avec un doux roulis,
La barque où, confiant, sous la voilure grise,
Le nautonier profane, au soleil qui le grise,
Se croise les bras amollis.
Mais parfois la sournoise en riant se courrouce
Et lance à l'imprudent l'écume et l'algue rousse,
Echevelant ses flots rageurs,
Puis chasse en le sifflant ce nocher des dimanches
Qui rame, haletant, et retroussant ses manches
Au milieu des éclats vengeurs.

28

XI

HAUT DE FORME

Les nuages là-haut rentrent leurs blancs moutons...
Sous le ciel bleu la mer se pare de turquoises,
Car c'est l'heure du bain, et les vagues, narquoises,
Savonnent de leur mousse, ô baigneurs, vos mentons.
La plage, où la coquille, en rose chapelure
S'émiette, étend au loin sa nappe de blondeurs;
Aux baisers du soleil, sans craindre sa brûlure,
La dune nue étale en riant ses rondeurs.
29
Tout à coup, devant moi, sur l'immense verrière
Se profile un objet très laid, lourd, bête et noir:
Tube, fourneau, tromblon, cheminée, éteignoir?
Ou bien est-ce un basset planté sur son derrière?...
C'était, sur le caillou d'un type aux traits replets,
Le hideux chapeau buse avec tous ses reflets!

30

XII

PHOTOGRAPHES

Juillet nous rissole à grands feux
Et l'on fuit vers la mer avide
En regrettant presque les feus
Saints de glace... La Ville est vide.
Déjà le long du littoral
La foule rit, trempe, caquête,
Depuis le baigneur doctoral
Jusqu'à la baigneuse coquette.
31
L'un encerclé comme un tonneau
Dans le caleçon blanc et jaune,
Gros et gras, velu comme un faune,
Va, ballotté par la pleine eau.
L'autre dûment déshabillée
En son costume suggestif,
Charme d'un galbe... apéritif
La galerie émoustillée...
Or, le photographe amateur
A l'affût parmi les cabines,
Et s'en pourléchant les babines,
Opère en prompt escamoteur.
Et son appareil plutôt leste
A pris au vol plus d'un bras nu
Dont le souvenir ingénu
Dans les yeux et le cœur nous reste.

32

XIII

CHAISES MISS HELYETT

Le long de la mer, devant l'onde
Qui meurt en doux bruissement,
Aux sables dorés pâlement
Comme la nuque d'une blonde,
Se suivent les chaises-abris,
Niches d'osier gaîment gibbeuses
Offrant leur ombre à nos galbeuses
En mal de leur poudre de riz.
33
Parfois des mères de famille
Y tirent vaillamment l'aiguille,
Un œil aux jeux du cher bébé...
Lors, chaque chaise au dos bombé
Pointant ces doigts roses, imite
Le profil d'un Bernard l'Ermite.

34

XIV

MER FACHÉE

La mer bâille. Ses flots très ennuyés font rage.
La vague écume et siffle, échevelant dans l'air
Comme un long coup de fouet, sa crinière d'orage,
Fouet monstre qu'on croirait effilé d'un éclair.
La mer est ce matin, bien sombre, bien austère.
Elle a d'étranges voix et de fantasques cris
Que, tremblante, redit sa vieille sœur, la terre,
Et les échos au loin hurlent, endoloris....
35
Or, devant cette mer aux farouches fanfares,
Je songe à vos yeux noirs, singuliers et profonds,
Et terribles comme elle, à vos grands yeux bizarres
Qui me tiennent noyé dans leurs gouffres sans fonds.

36

XV

LES MOUETTES

Les mouettes aux ailes grises
Tourbillonnent sur les flots bleus
Et, plus légères que les brises,
Déroulent leur vol onduleux,
Les mouettes aux ailes grises.
Je voudrais choisir l'une d'elles,
Confidente de mes aveux,
Pour l'envoyer à tire-d'ailes
Au loin porter mes tendres vœux...
Je voudrais choisir l'une d'elles...
37
Je lui dirais: va près de celle
Dont les yeux aux flammes d'acier
Ont dans mon cœur, d'une étincelle,
Allumé l'éternel brasier...
Je lui dirais: va près de celle,
Près de celle qui tient ma vie
Dans un sourire, dans un pleur,
Montre-lui ma force asservie
Agonisant dans la douleur
Loin de celle qui tient ma vie.
O blanche messagère ailée,
Dis-lui ma peine et mon ennui,
Dis-lui que mon âme esseulée
Referme son aile en la nuit,
O blanche messagère ailée,
En la nuit morne de l'absence
Où, sevré du charme vainqueur
De sa chère toute-puissance,
Languit et trépasse mon cœur
En la nuit morne de l'absence.

38

XVI

LA MER ENRHUMÉE

La mer pince parfois des rhumes étonnants
Et sinistres. La nuit, elle dort toute nue,
Il est vrai, sous le grand ciel de suie, et la nue
Crève, glaçant son ventre et ses seins frissonnants.
Un catarrhe chronique en ses flots moutonnants
Se déchaîne, s'essouffle et la vague éternue
Avec un bruit rythmé de basse continue,
Par vous repris en chœur, échos environnants.
39
Elle tousse, elle éructe et renâcle, ô phtisie
De géant, redoutable en son hypocrisie,
Car parfois son chant doux monte, clair, vers le ciel.
Et ce n'est certes pas un mal artificiel
Où la quinteuse crache, en sa rage confuse,
Ses monstrueux poumons, méduse par méduse.

40

XVII

PETITS TROUS PAS CHERS

Par ces chaleurs caniculaires
La ville devient un enfer
Et court vers le chemin de fer
En quête de glaces polaires.
Les uns, les poumons aux abois,
S'envolent en foule nombreuse
Vers les nids de l'Ardenne ombreuse
Goûter le charme de ses bois.
41
Les autres, préférant les sables,
S'embarquent joyeux vers la mer
Et vont dans le flot dit amer
Tremper leurs charmes périssables.
Il est beaucoup d'autres que leurs
Grandeurs attachent au rivage
En un malencontreux servage
Que rendent plus dur ces chaleurs.
Ceux-là cherchent dans les banlieues
Quelque recoin qui leur soit cher,
Au fond d'un petit trou pas cher,
Dans le rayon de quelques lieues...
Là, bien économiquement,
Leur femme et leur progéniture
Font de la villégiature
En chambre, par abonnement.
Le jardinet, c'est leurs Ardennes,
La mare vaut la mer pour eux,
Sans Casino plein d'amoureux
Le cœur fait la nique aux fredaines.
42
Les époux n'y sont point marris...
Dans leurs bureaux ils se surmènent
Et tous les samedis s'amènent
En chœur par le Tram des maris.

AMÉDÉE LYNEN

Petits trous pas chers.


43

XVIII

YEUX NOIRS

Un sonnet sur vos yeux, Madame, c'est le diable...
Car ne sont-ils pas noirs comme on le dépeint, lui?
Mais dans votre prunelle un rayon grave a lui...
Bref, vos yeux sont très noirs, c'est irrémédiable.
Irais-je comparer ces deux mauvais sujets
Aux larmes de la nuit, à des fleurs de bitume,
A deux grains de café sans la moindre amertume,
A des bijoux d'ébène ou des perles de jais?
44
Quel maître joaillier sertit ces gemmes sombres
Au creux de votre orbite où de magiques ombres
Font plus blanche votre âme y venant prendre l'air?
Dans l'océan, un soir, un dense soir d'orage,
Satan a dû puiser le féerique cirage
De ces diamants noirs au ténébreux éclair.

45

XIX

HEURE DU BAIN

Sur le sable mouillé la lourde et large roue
Crie: hop! hop! la cabine est à l'eau. Bras menus,
Cous bruns et ronds vont luire au rayon qui tatoue...
Et le chaud soleil mord cous ambrés et bras nus.
Le torse cambre et craque au maillot qui frissonne,
Le vent du nord halète et moule à plans osés
Le contour lumineux qui se désemprisonne...
Et l'immodeste brise applique des baisers.
46
Agrafant des colliers aux gorges dédaigneuses,
Le flot rieur flagelle et bat les souples flancs,
Malgré vos cris mignards, ô poltronnes baigneuses...
Et la vague, lascive, enlace les corps blancs.

47

XX

EN MER, EN MER!

«En mer! en mer, en mer!... Une heure
En mer!» Tels sont les appels fous
Qu'au coin de l'estacade, vous
Lance une voix qui rit et pleure.
C'est le légendaire steamer
Avec ses marins du dimanche,
Qui vous initie à la mer
En vous secouant dans la Manche.
48
Azur, soleil, musique à bord,
Flots rieurs: tout va bien, d'abord,
Mais les faces se sont pâlies...
On cherche à retenir d'un bond
Le dîner par trop vagabond,
Espoir des turbots et des plies!

49

XXI

VOUS ÊTES PARTIE...

Vous êtes partie et la plage est morne,
Et la mer se meurt sur le sable nu.
Le ciel est en deuil... Seule, au soir venu,
La lune moqueuse y pointe sa corne...
Vous êtes partie, et tout est rancœur.
Dans le ciel boudeur le soleil est pâle
Et la dune froide aux reflets d'opale
N'a plus ni chanson ni rire vainqueur.
50
Vous êtes partie, il n'est plus de joie.
Sur la plage sombre un crêpe s'étend
Et la bise émet son râle attristant
Où la brise avait des frous-frous de soie.
Des filles de mer confident discret,
Le clair coquillage, en cette pluie âcre,
A tu les soupirs de son sein de nacre
Et ne livre plus le tendre secret.
Là-bas, où, du Nord, la voix désolée
Pleure sur la grève âpre et sans écho,
Saigne tristement un coquelicot:
Tel mon cœur où s'ouvre une rouge plaie...
Là-bas, sur la grève âpre et sans écho.

51

XXII

OFFERTOIRE

Il était nuit. La mer en grand deuil célébrait
La mort du jour. Le chœur des frigides ténèbres
Descendait du ciel triste et noir qui s'éclairait
D'étoiles, clous d'acier de ces dômes funèbres.
Un vent morne courbait au loin les flots grandis;
L'océan larmoyait des hymnes mortuaires,
Orgue géant qui râle un lent De Profondis,
Et la vague semblait agiter des suaires...
52
La lune, triomphante et ronde, arda soudain.
Or, son disque flottant sur la mer incertaine,
Des grands oiseaux de nuit le funéraire essaim
S'en vint à très longs cris baiser cette patène.

53

XXIII

ROBES CLAIRES

Sur la digue ou le sable nu,
Dans l'envol des longues voilettes,
Ces dames vont trottant menu
En leurs transparentes toilettes.
L'œil à l'aise suit les contours
Sous l'étoffe qui les dessine
Et dans ces rayonnants atours
Mieux encore la belle assassine.
54
Elle sourit dans l'air vermeil...
Les cœurs sortent de leur sommeil
Et ne sont plus du tout polaires.
Complices des cieux en émoi,
Qui pourra compter, dites-moi,
Vos prouesses, ô robes claires.

55

XXIV

JALOUX

Eh! oui, jaloux! Je suis jaloux
Ce que l'on peut appeler comme
Une kyrielle de loups,
Mais ce n'est certes pas d'un homme.
Car je suis jaloux de la mer,
De la vaste mer amoureuse
Dont le flot, qu'on prétend amer,
Possède une âme langoureuse...
56
A l'ombre des cabines, près
De l'eau verte qui te flagelle,
Et plus morose qu'un cyprès
Sous le vent du Nord qui me gèle,
O ma baigneuse, j'admirais
Ton corps si beau dans son costume,
Que le flot où tu te mirais,
Croyant à la Vénus posthume,
Vint lécher, lui, le flot altier,
Tes pieds que tu recroquevilles,
Et river, galant bijoutier,
De clairs anneaux à tes chevilles.
Ensuite, à ton mollet cambré,
Voulant nouer sa jarretière,
Il trama sur le derme ambré
Un maillot pour la cuisse entière.
Prodiguant son baiser salin,
Et sans pitié de mes tortures,
Toujours montant, le flot câlin,
Te mit aux hanches des ceintures.
57
Or, soudain, commença l'assaut
De ta poitrine demi-nue;
La vague écumante, d'un saut,
Bondit de la croupe charnue
Et resta surprise devant
Le flot de ta gorge qu'azure
Un fin réseau; lors, me bravant,
L'audacieuse prit mesure
Pour un corset.... Tes seins jaseurs
Interrompirent leurs harangues
En voyant ces étranges sœurs
Les darder de leurs mille langues.
Plus indiscrète qu'un amant,
La vague aux lesbiennes ivresses,
T'enveloppait étonnamment
De ses infécondes caresses.
Puis enfin, la mer t'engloutit
Enamourée, âpre, béante,
Te roulant, pâmée, en son lit
D'un baiser de Sapho géante.

58

XXV

RINÇADES D'ŒIL

Le Nord souffle, et pas dans ses doigts,
Il fait son sculpteur sur la digue
Et de chefs-d'œuvre il est prodigue...
Allons, mon cœur, fais ce que dois!
En bon régaleur de prunelles,
Ce Nord, le moins discret des vents,
Nous offre maints tableaux vivants
Dont les beautés sont éternelles.
59
Or, ces dames ne savent pas
Comment protéger leurs appas:
Deux mains, c'est trop peu, les pauvrettes,
Car du Nord le souffle suspect
Trousse et retrousse sans respect...
Et nous nous rinçons les mirettes.

F.-M. MELCHERS

Rinçades d'œil.


60

XXVI

PLEINS BATTUS

«La saison de Machin-sur-Chose bat son plein.»
Les Journaux.

Voici s'exaspérant l'exode
Des prisonniers de nos cités
Par les vacances excités.
Gratte ton luth, pauvre rapsode!
Au doux coin qu'un rêve estompa,
Que chacun désormais prétende:
Les uns se salent vers Ostende,
Les autres se ferrent à Spa.
61
Avec véhémente allégresse
Dans quelque petit trou pas cher,
D'autres s'en vont durcir leur chair
Où fondre leur excès de graisse.
Emportant chien, bonne, poupart,
Le citadin quitte son home;
L'époux avec l'épouse part,
La femme file avec son homme.
Les chemins de fer sont lestés
De la foule cosmopolite
Des voyageurs moins attristés
Que feu les coursiers d'Hippolyte,
Lors, secoué par le wagon,
On vole vers l'éden paisible...
Déjà monsieur est moins bougon,
Madame n'est plus irascible.
Le train a beau siffler, moqueur,
Les bienheureux touristes roulent
Vers un nouveau printemps du cœur
Où les soucis d'hier s'écroulent...
62
Puis, devant la mer, le mari:
«Que d'eau.» Sa bourgeoise étonnée
Mais nature, pousse ce cri:
«Dieu, quelle belle savonnée!!»

63

XXVII

MOLLETS

Mollet vu n'est pas perdu,—dit,
Sans commettre de bévue,
Un proverbe guère inédit.
Exagérons-en donc la vue!
Accours à mon aide, grand vent,
Et tous deux mettons-nous aux trousses
De ces belles que trop souvent
D'un souffle indiscret tu retrousses...
64
Deux par deux, nerveux ou replets,
Dans les bas à jours, les mollets
Vont cambrant leurs rondeurs jumelles.
Et le long de ces mâts précieux
On grimpe, on grimpe vers les cieux...
Au rire moqueur des semelles!

65

XXVIII

MANTEAU ROUGE

J'aime en la plage blonde et vierge où se devine
Ta pantoufle de Cendrillon,
Voir ton manteau qui semble, à la brise marine,
L'aile en feu d'un grand papillon.
Lorsque de loin, rêvant, je te contemple au faîte
De la dune au folâtre écho,
Je crois voir éclater dans l'air bleu, l'œil en fête,
Quelque idéal coquelicot.
66
Par les sables nacrés, quand le matin les dore,
Et que ton manteau rouge y flotte, je crois voir
L'éveil empourpré de l'aurore.
Mais au long de la mer si tu passes, le soir,
Fière, étrange, et drapée en l'ardente oriflamme,
C'est l'Astre au couchant dans sa flamme.

67

XXIX

TRAIN DES MARIS

L'air au loin s'obscurcit d'un nuage safran.
Dans son ombre s'avance, ainsi qu'un dieu d'Olympe,
Le train des samedis où seul Saint-Joseph grimpe.
Vague, un grand cliquetis de bois vient en courant.
Comme un coup de canif aigre et perçant, ce merle
De métal, le sifflet, a retenti, railleur,
Puis sous le blond soleil brillent, hauts en couleur
Jaune, les cuivres neufs que la vapeur emperle.
68
Le coursier mugissant s'arrête enfin, fourbu.
De «dame seule» point: des gens, menton barbu,
Qui roulent quatre à quatre et se pendent, énormes,
Au cou de leurs moitiés fidèles... Ce sont eux:
Cannes à bec de corne et gibus haut de formes...
Lors se prit à souffler un vent, terreur des bœufs.

FÉLICIEN ROPS


69

XXX

CITRONS

L'étal resplendissait aux flambes du matin.
Les rougets surchauffés reflétaient leurs cinabres
Au ventre des turbots en robe de satin,
Et les saumons d'argent avaient l'éclat des sabres.
Sur le marbre laiteux les cabillauds camards
S'allongeaient, lourds voisins de l'ablette irisée;
Dans leur justaucorps pourpre éclataient les homards
Près de l'algue où bâillait l'huître vert-de-grisée.
70
Mais les citrons surtout me charmaient: fruits joyeux
Crevant comme un sein dur le fin papier soyeux...
Leur parfum m'est plus doux que le parfum des fraises,
Et longtemps j'aimerai leurs contours séduisants,
Car devant les citrons effilés et luisants
Je rêve aux tétins d'or pâle des Japonaises.

71

XXXI

COQUILLAGES

Elle avait, ce soir-là, des tons de vieille estampe
La plage, sous l'alme vitrail.
Soudain tu ramassas, pour en baiser ta tempe,
Un coquillage de corail.
Que te murmurait-il en sa langue vermeille?
Etait-il tendre ou bien moqueur,
Tandis qu'il appliquait sa bouche à ton oreille,
Cherchant un écho dans ton cœur?
72
Quels étaient ses soupirs, coquillage des fièvres
De ta joue en fleur approché,
Et quel était l'aveu qu'il guettait sur tes lèvres,
Vers ton clair visage penché?
Il te disait qu'en moi tes yeux, tes yeux étranges,
Tes grands yeux aux reflets d'acier,
Qui couvent les éclairs sous leurs mobiles franges,
Avaient allumé leur brasier.
Que mes veines roulaient un étrange incendie
Dans tout mon être qui flambait,
Et qu'au mal auquel rien, hélas! ne remédie,
Mon cœur embrasé succombait.
J'aurais donné ma part de ciel pour qu'à ta bouche
L'âpre soif qui me dévorait
Put s'étancher en un baiser long et farouche,
Baiser béni qui me tuerait...
Mais déjà tes doigts ont laissé choir sur la plage
Le coquillage trop discret,
Et tu continuas ta course, âme volage,
Sans avoir connu mon secret.

73

XXXII

GAMME CHROMATIQUE

Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do!
De la forêt au vert portique
Où l'amour ne fait plus dodo
Monte la gamme chromatique!
Ré, mi, fa, sol, la, si, do, ré!
C'est que le soleil vient d'éclore
Par ce joli matin doré
Qu'un doux reflet d'azur colore.
74
Mi, fa, sol, la, si, do, ré, mi!
Ils sont enfuis, les jours moroses.
Salut à ce bel astre ami
Qui paraît couronné de roses!
Fa, sol, la, si, do, ré, mi, fa, sol!
A nous les étoffes légères
Et le chatoyant parasol,
Et la fougère, et les bergères!...
La, si, do, ré, mi, fa, sol, la!
On part en villégiature:
Partout on court adorer la
Régénératrice nature!
Si, do, ré, mi, fa, sol, la, si, do!
Sans regret on quitte les villes
Où le spleen s'en va crescendo,
On rêve joyeux vaudevilles.
Et l'on se rit des malheureux
Qui, s'occupant de politique,
Pérorent en Chambres, pour eux
La seule gamme chromatique!

75

XXXIII

FILLETTES D'ÈVE

Pour Edgar Chahine.

Voyez les passer sur la digue
En jupes courtes, mollets nus,
Semant les rires ingénus
Dont leur jeune bouche est prodigue.
Elles affirment,—négation
De leurs petites âmes blanches,
Déjà de la gorge et des hanches
Par bizarre auto-suggestion.
76
En abandon de leurs poupées,
Elles vont, mieux qu'elles nippées,
Galvanisant les vieux enfants
Qui clopinent dans leurs sillages
Et rêvent à des coquillages
Inconnus aux flots triomphants.

EDGAR CHAHINE

Fillettes d'Ève.


77

XXXIV

GRAINS DE BEAUTÉ

Dans la nuit parfumée et tiède des cheveux
Qui voilent ton beau front, tes yeux font deux étoiles,
Deux étoiles d'amour sidéral, et mes vœux
Seraient de voir vers eux mon cœur enfler ses voiles.
Mon cœur embarquerait d'ineffables plaisirs.
Or, ta bouche est une autre étoile, étoile rouge,
Vers laquelle, non moins rouges, vont mes désirs.
O cette bouche, étoile idéale et qui bouge!
78
Mon âme se sent fondre à ses rayonnements.
Mais je préfère encore à ces fiers diamants,
Feux sombres du regard ou feux pourpres des lèvres,
Ta gorge constellant sa blanche nudité
De sept points très mignons et noirs, grains de beauté,
Evoquant la Grande-Ourse,—ô Grande-Ourse des fièvres!

79

XXXV

BAINS NOCTURNES

Lorsque, rougissant comme une neuve épousée,
Le soleil dans la mer s'est caché, l'alme nuit
Envahit et la dune et la plage apaisée...
Le flot d'encre succède au flot d'encre, sans bruit.
C'est l'heure originale où les femmes de chambre
Et les femmes de feux, économiquement,
Vont offrir à la mer leur ivoire et leur ambre...
Or, le flot cajoleur les reçoit galamment.
80
La vague prête aux chairs de sa phosphorescence:
Ombres chinoises d'un bol de punch émergeant!
Au ras de l'océan c'est une effervescence
De cuisses, de mollets emmaillotés d'argent!

81

XXXVI

GRAND VENT

Madame, il fait grand vent, et, le grand vent, je l'aime.
Le ciel d'un bleu limpide évoque le Midi.
La mer hausse la voix, le flot désattiédi
Se roule plus bruyant sur le sable plus blême.
Dans la brise en rumeur la mouette élargit
Les cercles de son vol qui s'élève ou qui rampe,
Et les drapeaux, heureux de souffleter leur hampe,
Claquent dans le vent qui par les tuiles mugit.
82
Ce vent, grand retrousseur de filles, sur la digue
S'amuse... Son haleine indiscrète en soufflant
Plaque l'étoffe et moule et torse et rable et flanc.
Il moule, et lors devient sculpteur, sculpteur prodigue,
Il moule, et nous pouvons nous payer, éblouis,
Des Tanagra de chair—et vivants—un louis!

83

XXXVII

MER TUEUSE

La mer ne s'abandonne, en ses jeux redoutables,
Qu'à ses fils de la côte, aux marins véritables,
Le visage et le cœur également bronzés;
Ces amants aux bras forts, à la rude tendresse,
Et pour qui, cependant, elle n'a ni caresses,
Ni sourires, ni doux baisers.
Ce sont eux qu'elle prend, avide d'hécatombes,
Pour servir de pâture à ses béantes tombes.
La marâtre en son sein berce bien plus de morts
Que n'en couve la terre en ses sombres entrailles.
O pauvres mariniers dormant sans funérailles
Au cœur des flots veufs de remords!
84
Qu'ils aillent arborant, les cieux, l'azur ou l'encre,
Le pêcheur, chaque jour en chantant, lève l'ancre.
Stoïque, il va livrer sa vie à l'océan:
Gage d'un peu de pain pour les siens, ô misère!
Il va, brave, et se sent sur l'onde qui l'enserre
Guetté par l'horrible néant.
Au sommet de la dune, ayant vu passer l'heure,
La femme—ses enfants à genoux—prie et pleure
L'homme fatalement marqué pour le trépas.
Elle réclame au moins son cadavre... Et, macabre,
La vague semble rire à sa plainte, et se cabre
Féroce,—et ne le lui rend pas.

CHARLES MICHEL

Grand vent.


85

XXXVIII

VOILES DE PLAGE

Ce sont les claires oriflammes
Que sur les chignons plante Eros,
Battant comme ailes d'albatros,
Tirebouchonnant, blanches flammes!
Sous la brise, en flots onduleux,
Ils montent comme des fumées
S'évaporant dans les airs bleus,
Encens des nuques parfumées.
86
Ramenées sur le visage, ils
Ont les mystères puérils
Des brumes dont le soir se voile.
La plage est le couvent des cœurs
Où ces dames prennent, en chœurs,
Paradoxalement le voile!

87

XXXIX

FRUITS DE LA MER

Ma poissonnière est non moins fraîche
Que les fruits nacrés de la mer
Qu'elle détaille... Rien d'amer
Dans tout son être, et rien de rêche.
Il faut la voir, le vendredi,
Jour de Vénus et de marée,
Trôner, pimpante, chamarrée,
Au comptoir de persil verdi.
88
Sa main plus rose que l'ouïe
Des goujons au reflet changeant,
Sert les poissons d'or et d'argent
A sa clientèle éblouie.
Il faut la voir aller, venir,
Dans sa boutique fabuleuse
Où la pêche miraculeuse
Semble étaler son souvenir.
Pour lui plaire, sa marchandise
Adoucit ses bouquets salins,
Les homards deviennent câlins
Les moules se font friandise.
Rivales des beaux harengs-saurs,
Près des turbots tout ronds aux teintes
Blafardes de lunes éteintes,
Les carpes allument leurs ors.
Les saumons aux mines paternes,
Voisins des caviars rancis,
Comme des amoureux transis
Ouvrent de grands yeux ronds et ternes.
89
Sur les hauts rayons consacrés,
L'enfilade des coquillages
En vain combat les maquillages
De son oreille aux feux nacrés.
A ses pieds les crabes oranges
Frôlés du bas de son jupon,
Semblent des monstres du Japon
Fondus dans des bronzes étranges.
Les maquereaux, poissons... de cœur
Exagérant leurs dos infâmes
Dont raffolent certaines femmes,
La contemplent d'un air moqueur.
Les piments aux lueurs de forge
Dans les bocaux de cornichons,
Tirent la langue à ses nichons
Que jalousent les airs de gorge
Des citrons effilés et mûrs...
Son derme offre de plus beaux lustres
Que les boites—aux noms illustres—
Des conserves luisant aux murs.
90
Rousse, en effet, ses chairs prônées
Se pailletent à l'infini
Des lenticelles d'or bruni
Qu'on aime aux truites saumonées.
A son rire victorieux
Les rougets rougissent, bégueules,
Et les cabillauds ont des gueules
Béates de michets sérieux...
Telle Vénus sortant de l'onde
Dut voir une cour de poissons
Pâmée en d'étranges frissons
Autour de sa majesté blonde!

91

XL

P. P. C.

Déjà le colchique d'automne
Allume de mauve les prés,
Les horizons se font pourprés
Sous le ciel bas et monotone.
L'humide Septembre, perclus,
S'en va trépasser dans ses brumes
Au glas rauque de ses élus,
Les noirs catarrhes et les rhumes!
92
Les nuits fraîchissent... Dans les bois
Les arbres, s'en devenant chauves,
Pleuvent leurs feuilles bientôt fauves
Sur l'été maussade aux abois.
L'aube emperle, chaque matin,
La plaine où le lièvre en goguette
Boit la rosée, hume le thym,
Sans souci du chasseur qui guette!
L'automne en commençant son bail
Nous promet de nouvelles fêtes...
Le sorbier suspend sur nos têtes
Ses pendeloques de corail.
L'hirondelle vers d'autres rives
Fuit, cherchant des cieux moins voilés,
Et voici revenir les grives
Ivres des beaux raisins volés.
C'est aussi la saison des huîtres...
Le Train jaune n'opère plus:
Monsieur réclame en ses épîtres
Madame aux regrets superflus.
93
Les cabines sont sans mystère:
Plus ne sonne l'heure du bain.
La plage se fait solitaire
Et le crabe est son Chérubin!
Fin de saison!... Rentrent at home
Les villégiatureurs frileux
Qui s'enfuient, ô soleil fantôme,
Soufflant dans leurs pauvres doigts bleus...
Accompagnons-les, ma Musette,
Quittons le flot, vraiment amer,
Après la suprême risette
A ton héroïne, la Mer!

INDEX DES MATIÈRES

    Pages.
Boniment   5
I. Ostende. 7
II. L'Éventail. 9
III. Gros temps. 11
IV. Eau bénite. 13
V. Évohé! 15
VI. Mer des Morts. 17
VII. Revanches. 19
VIII. Marine sentimentale. 22
IX. Pieuvre. 24
X. Profanes. 26
XI. Haut de forme. 28
XII. Photographes. 30
XIII. Chaises Miss Helyett. 32
XIV. Mer fâchée. 34
XV. Les Mouettes. 36
XVI. La Mer enrhumée. 38
XVII. Petits trous pas chers. 40
XVIII. Yeux noirs. 43
XIX. Heure du bain. 45
XX. En mer, en mer! 47
XXI. Vous êtes partie... 49
XXII. Offertoire. 51
XXIII. Robes claires. 53
XXIV. Jaloux. 55
XXV. Rinçades d'œil. 58
XXVI. Pleins battus. 60
XXVII. Mollets. 63
XXVIII. Manteau rouge. 65
XXIX. Train des Maris. 67
XXX. Citrons. 69
XXXI. Coquillages. 71
XXXII. Gamme chromatique. 73
XXXIII. Fillettes d'Ève. 75
XXXIV. Grains de beauté. 77
XXXV. Bains nocturnes. 79
XXXVI. Grand vent. 81
XXXVII. Mer tueuse. 83
XXXVIII. Voiles de plage. 85
XXXIX. Fruits de la mer. 87
XL. P. P. C. 91

INDEX DES GRAVURES

Henry Cassiers.Au Clair de la Dune (couverture).

Edgar Chahine.Fillettes d'Ève.

Amédée Lynen.Petits trous pas chers.

F.-M. Melchers.Rinçades d'œil.

Charles Michel.Grand vent.

Félicien Rops.Train des Maris.

Louis Thomas.La Muse.


Des presses d'Oscar Lamberty

Editeur

70, RUE VEYDT (QUARTIER LOUISE)

BRUXELLES

——

ACHEVÉ D'IMPRIMER

LE 6 JUILLET 1909


Au lecteur

~~~~~

Cette version électronique reproduit dans son intégralité la version originale.

La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections mineures.

L'orthographe a été conservée.