The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 02/13

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 02/13

Author: Jean Froissart

Editor: Siméon Luce

Release date: October 31, 2015 [eBook #50356]

Language: French

Credits: Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 02/13 ***

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Cette version intègre les corrections de l'errata.

CHRONIQUES
DE
J. FROISSART


IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CH. LAHURE
Rue de Fleurus, 9, à Paris


CHRONIQUES
DE
J. FROISSART

PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE
PAR SIMÉON LUCE


TOME DEUXIÈME
1340-1342

(DEPUIS LES PRÉLIMINAIRES DU SIÉGE DE TOURNAY JUSQU'AU VOYAGE
DE LA COMTESSE DE MONTFORT EN ANGLETERRE)

A PARIS
CHEZ MME VE JULES RENOUARD
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, No 6


M DCCC LXX

EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d'en préparer et d'en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d'en surveiller l'exécution.

Le nom de l'Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d'une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d'être publié.


Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome II de l'Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d'être publié par la Société de l'Histoire de France.

Fait à Paris, le 1er mai 1870.
Signé L. DELISLE.

Certifié,
Le Secrétaire de la Société
de l'Histoire de France,
J. DESNOYERS.

I

SOMMAIRE.

II III

SOMMAIRE.

CHAPITRE XXXIV.
1340. OUVERTURE DES HOSTILITÉS ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET D'ANGLETERRE (§§ 99 à 101).

Irrité de la destruction d'Aubenton et du ravage de la Thiérache, Philippe de Valois charge Jean son fils, duc de Normandie, d'envahir le Hainaut à la tête d'une puissante armée. 1, 185, 187.

En Gascogne, le comte de l'Isle reçoit l'ordre d'envahir le Bordelais et en général toutes les terres et seigneuries des Anglais et de leurs adhérents.—Noms des principaux seigneurs qui prennent part à cette campagne.—Les Français ravagent les terres d'Albret [1] et de Pommiers [2], et en général les possessions des seigneurs de Lesparre, de Cars [3] et de Mussidan [4]. P. 1, 2, 187 et 188.

En même temps, le roi de France renforce la grosse flotte des écumeurs, commandée par Hue Quieret et Barbavara qui se tient en face des côtes de Flandre pour empêcher Édouard III de repasser sur le continent. P. 2 et 188.

Louis de Nevers, comte de Flandre, et la comtesse Marguerite IV sa femme, vivent à Paris à la charge du roi de France, car ils ne reçoivent rien des rentes et revenus de leur comté. Les collecteurs de ces revenus n'en rendent compte qu'à Jacques d'Arteveld et à certains bourgeois de Gand, de Bruges, d'Ypres et de Courtrai, à ce députés; on les met en réserve afin que le pays y puisse recourir en cas de besoin et aussi en prévision d'une réconciliation avec le comte de Flandre. Les dépenses de Jacques d'Arteveld sont imputées sur des tailles spéciales levées toutes les semaines. Louis de Flandre engage le roi de France à contraindre les Flamands à l'obéissance en les menaçant de les faire excommunier par le pape. P. 185.

Philippe de Valois, qui voit les Flamands disposés à entrer dans la ligue formée contre lui par les Allemands, les Brabançons, les Hainuyers et les Anglais, essaye de les gagner par la persuasion avant d'en venir aux mesures de rigueur. Le comte Raoul d'Eu et de Guines, connétable de France, les seigneurs de Montmorency et de Saint-Venant, les évêques de Paris et de Chartres, sont envoyés à Tournay et reçoivent mission de s'aboucher et de traiter avec les députés des villes de Flandre. Ceux-ci déclarent qu'ils n'entendront à rien tant que le roi de France n'aura pas rendu Lille, Douai, Béthune et les dépendances de ces villes. Les commissaires de Philippe de Valois jugent qu'une entente est impossible dans ces conditions, et l'on se sépare sans avoir rien fait. P. 185 et 186.

A l'instigation du roi de France, le pape (Benoit XII) lance une bulle d'excommunication contre les Flamands et l'envoie aux évêques de Cambrai, de Tournay et de Thérouanne. Il est défendu aux prêtres de chanter la messe sous peine d'encourir l'excommunication et de perdre leurs bénéfices. Informé de cette situation, Édouard III promet aux Flamands de leur amener, à son prochain retour sur le continent, des prêtres de son pays pour chanter la messe, que le pape le veuille on non, car comme roi d'Angleterre il a parfaitement le droit de le faire. Grand mécontentement des prêtres de Flandre privés de leur casuel par la défense du pape. P. 2, 3, 186 et 187.

Philippe de Valois donne l'ordre aux gens d'armes de ses garnisons de Tournay, de Lille, de Douai et des châteaux voisins de faire la guerre aux Flamands et de porter le ravage dans leur pays. Chevauchée des Français jusqu'aux portes de Courtrai, incendie des faubourgs de cette ville et de tout le pays environnant, V notamment de Dottignies [5]; retour par la rivière du Lis et par Warnêton [6]; capture de plus de dix mille blanches bêtes, de trois mille porcs, de deux mille grosses bêtes, sans compter cinq cents personnes, hommes, femmes et enfants, emmenés pour être mis à rançon. P. 3 et 4, 188 et 189.

Expédition de Jacques d'Arteveld contre Tournay à la tête d'une puissante armée de Flamands. Arrivé au Pont de Fer [7], entre Audenarde et Tournay, le chef des Flamands attend que les comtes de Salisbury et de Suffolk, qui se tiennent en garnison à Ypres, et le contingent du Franc de Bruges, viennent le rejoindre. P. 4, 5, 189.

Les Flamands occupent Poperinghe, Messines [8], Bergues [9], Cassel [10], Bourbourg [11], Furnes, Nieuport [12], Dunkerque, Gravelines [13]. Les Français ont mis garnison à Saint-Omer, à Thérouanne, à Aire [14] et à Saint-Venant [15]. Le roi de France envoie deux cents lances de Savoie et de Bourgogne à Lille sous les ordres d'Amé de Genève [16], de [Hue] de Châlon [17], des seigneurs de Villars [18] et de Groslée [19]. P. 5 et 191.

VI Pendant le trajet d'Ypres au Pont de Fer, les comtes de Salisbury et de Suffolk tombent, malgré les avis de Waflard de la Croix, dans une embuscade dressée contre eux près de Lille et sont faits prisonniers par les habitants de cette ville qui les livrent à Philippe de Valois. Jacques d'Arteveld, découragé, congédie ses gens d'armes et retourne à Gand. P. 5 à 8, 189 à 193.

CHAPITRE XXXV.
1340. INCURSIONS DES FRANÇAIS EN HAINAUT, NOTAMMENT AUX ENVIRONS DE VALENCIENNES (§§ 102 à 107).

Jean, duc de Normandie, réunit à Saint-Quentin une puissante armée pour envahir le Hainaut.—Noms des principaux seigneurs qui font partie de l'expédition.—De Saint-Quentin, l'armée du duc de Normandie se dirige en passant par Bohain [20] vers le Cateau-Cambrésis [21] et vient loger près de cette ville en un lieu appelé Montay [22], à l'entrée du Hainaut, sur la Selle [23]. P. 8 et 9, 193 à 195.

Gérard de Verchin, sénéchal de Hainaut, se met à la tête de soixante lances, passe à Forest [24] sur la frontière du Hainaut, et va réveiller au milieu de la nuit les Français qui se tiennent à Montay, à une petite lieue de Forest. Deux puissants chevaliers de Normandie, les seigneurs de Bailleul et de Bréauté [25], sont assaillis les premiers: le seigneur de Bailleul est tué et les seigneurs de Bréauté et de Brimeux sont emmenés prisonniers à Valenciennes. P. 9 à 11, 195 à 197.

Le lendemain matin, le duc de Normandie, furieux de cette VII attaque nocturne, donne l'ordre d'entrer en Hainaut et d'y porter partout l'incendie et le ravage. Les Français, divisés en plusieurs corps d'armée et courant dans toutes les directions, dévastent et brûlent Forest, Vertain [26], Vertigneul [27], Escarmain [28], Vendegies-au-Bois [29], Vendegies-sur-Écaillon [30], Bermerain [31], Calaumes [32], Salesches [33], Orsinval [34], Villers-en-Cauchie [35], Gommegnies [36], Maresches [37], Villers-Pol [38], Poix [39], Préseau [40], Amfroipret [41], Preux [42], Frasnoy [43], Obies [44], Wargnies-le-Grand [45], Wargnies-le-Petit [46], Saint-Vaast [47] en Bavaisis, Louvignies [48], Mecquignies [49]; ils brûlent les moulins et rompent les écluses du vivier de Quélipont [50]. Tous les villages compris entre les rivières de Selle et de Honneau [51] deviennent la proie des flammes [52]. Les habitants du pays se sont réfugiés, emportant ce VIII qu'ils ont de plus précieux, à Bouchain [53], à Valenciennes, à Bavai, au Quesnoy, à Landrecies [54], à Maubeuge [55] et dans les autres forteresses des environs qui sont tenables. Les Français mettent le feu aux faubourgs du Quesnoy et de Bavai. Le sénéchal de Hainaut, craignant pour son château de Verchin [56], est allé s'y enfermer avec trente lances, laissant Valenciennes sous la garde du seigneur d'Antoing. La nuit d'après cette première journée d'invasion, le duc de Normandie vient camper dans les belles prairies de Haussy [57] et de Saulzoir [58], sur les bords de la rivière de Selle, depuis Haspres [59] jusqu'à Solesmes [60]. P. 11 et 12, 197 à 199. Valerand, seigneur de Fauquemont (Valkenburg), capitaine de Maubeuge, laisse cette ville sous la garde des seigneurs de Beaurieu et de Montegny, et après avoir chevauché tout un jour en longeant la forêt de Mormal [61], passe à gué la Selle et vient vers minuit réveiller le duc de Normandie et son armée. Du côté des Français, le seigneur de Picquigny [62] est tué, le vicomte des Quesnes [63] et le Borgne de Rivery [64] sont faits prisonniers dans IX cette alerte. Puis le seigneur de Fauquemont court se réfugier sous Thierry de Valcourt, maréchal de Hainaut, au Quesnoy [65], qui n'était point alors aussi bien fortifié qu'il fut soixante ans plus tard. P. 12, 13, 199, 200, 204.

Les Français brûlent Felaines, [66] Famars [67], Sepmeries [68], Baudignies [69], Artres [70], Artriel [71], Saultain [72], Curgies [73], Estreux [74], Aulnoy [75], Jenlain [76], Beauvoir [77], Rombies [78] et viennent camper sur la rivière d'Uintiel [79] (la Rhonelle), aux alentours de Querenaing [80]. Quarante hommes d'armes hainuyers des garnisons de Condé [81], de Montroeul-sur-Haine [82], de Quiévrain [83] et de Quiévrechain [84] se mettent en embuscade dans les bois de Roisin [85], mais ils n'osent attaquer les coureurs français qui chevauchent au nombre de plus de quatre cents lances. 13, 14 et 201.

Le lendemain, par une belle matinée du mois de mai [86], le duc X de Normandie vient camper à Famars sur une colline appelée le Mont de Castres [87]. Quelques-uns de ses gens d'armes descendent du Mont de Castres, mettent le feu à Marly [88] et aux faubourgs de la porte de Cambrai. Grand émoi à Valenciennes; on sonne les cloches et le beffroi à toute volée. La rue de Cambrai se remplit de bourgeois en armes qui veulent marcher contre l'ennemi. Henri d'Antoing, qui garde les clefs de la porte de Cambrai, et Jean de Baissi, prévôt de la ville, s'efforcent de contenir les impatients. P. 202.

Une troupe de coureurs français livre un assaut infructueux à la tour carrée de Maing [89], qui était alors à Jean Bernier de Valenciennes et qui fut depuis à Jean de Neuville. Ces coureurs, n'ayant pu traverser l'Escaut à Trith [90] parce que le pont a été coupé par les habitants, passent le fleuve aux Planches à Prouvy [91], mettent le feu aux maisons et aux moulins de Prouvy et de Rouvignies [92], et, après avoir refait le pont [93] de Trith, brûlent Wercinniel, Bourlain [94] et Infier [95], d'où les flammèches volent jusqu'à Valenciennes. P. 15, 204 et 205.

D'autres coureurs, ayant à leur tête trois chevaliers poitevins, Boucicaut [96], Guillaume Blondel [97] et le seigneur de Surgères [98], XI passent l'Escaut assez près de Valenciennes, au pont qu'on dit à la Tourelle à Goguel, brûlent Heurtebise [99], et s'avancent vers Bellaing [100] et Hérin [101]. Un certain nombre de gens d'armes de Valenciennes [102] sortent de la ville par les deux portes d'Anzin [103], la grande et la petite, et marchent à la rencontre de ces pillards. Un combat s'engage au-dessus d'une église qu'on dit de Saint-Vaast [104]. Déroute des Français. [Gui] de Surgères se sauve du côté du village de Hérin et court se jeter dans les bois d'Aubry [105], d'où, le soir venu, par le pont de Heurtebise et le pont de Trith, il regagne le camp du Mont de Castres. Boucicaut veut résister; il est fait prisonnier et amené à Valenciennes. P. 15, 16, 202 et 203, 205 et 206.

Le duc de Normandie, voyant que les habitants de Valenciennes ne sont pas disposés à accepter la bataille et n'espérant pas prendre leur ville d'assaut, se décide à revenir vers Cambrai. Au retour, ses gens d'armes incendient Maing, l'abbaye de Fontenelle [106], Trith, Prouvy, Rouvignies, Douchy [107], Thiant [108], Monchaux [109], et en général tout le pays qui s'étend entre Valenciennes et Cambrai. P. 17, 18, 208 et 209.

Après le départ des Français, les Valenciennois viennent mettre le feu au camp du Mont de Castres; ils y trouvent quelques brigands et Génois qui, plongés dans un sommeil alourdi par XII l'ivresse, ne sont pas partis avec le gros de l'armée; ils les brûlent tout vivants. P. 19.

Le duc de Normandie met le siége devant le château d'Escaudœuvres [110]. Gérard de Sassegnies, capitaine de ce château pour le comte de Hainaut, le livre par trahison aux assiégeants. Les habitants de Cambrai abattent les remparts d'Escaudœuvres; ils emploient les matériaux provenant de cette démolition à fortifier la porte Robert qui regarde le Hainaut. Gérard de Sassegnies devait expier bientôt sa trahison en subissant à Mons la peine capitale [111]. P. 19, 20, 209 à 211.

Les garnisons françaises de Douai et de Lille ravagent l'Ostrevant; elles pillent et brûlent Aniche [112], la moitié d'Abscon [113], Escaudain [114], Erre [115], Fenain [116], Denain [117], Montigny [118], Warlaing [119], Masny [120], Auberchicourt [121], Lourches [122], Saulx [123], Roeulx [124], Neuville [125], Lieu-Saint-Amand [126], Bugnicourt [127], Monchecourt [128]. En revanche, les gens d'armes hainuyers en garnison à Bouchain mettent le feu à la moitié d'Abscon qui se tient française et dévastent tous XIII les villages et hameaux jusqu'aux portes de Douai, notamment les villages d'Esquerchin [129] et de Lambres [130].

Escarmouche entre la garnison française de la Malmaison, composée d'Allemands dont Albrecht de Cologne est le chef pour l'évêque de Cambrai [131] et la garnison de Landrecies dont le seigneur de Potelles est capitaine pour le comte de Hainaut. Le seigneur de Potelles est tué par Albrecht de Cologne, mais les compagnons de celui-ci sont mis en déroute, tués ou faits prisonniers par les Hainuyers. P. 21 à 23, 211 et 212.

Le seigneur de Floyon succède au seigneur de Potelles comme gardien de Landrecies et chevauche souvent contre les garnisons françaises de Bohain, de la Malmaison, du Cateau-Cambrésis [132], de Beauvois [133] et de Serain [134]. Pendant ce temps, le comte de Hainaut, de retour d'Angleterre, s'est rendu en Allemagne auprès de l'empereur Louis de Bavière; et Jean de Hainaut est allé en Brabant et en Flandre implorer le secours du duc de Brabant, de Jacques d'Arteveld et des Flamands. P. 23, 24, 212, 213.

CHAPITRE XXXVI.
1340. SIÉGE ET PRISE DE THUN-L'ÉVÊQUE PAR LES FRANÇAIS.—OFFRES DE COMBAT FAITES PAR LE COMTE DE HAINAUT; REFUS DU DUC DE NORMANDIE [135] (§§ 108 à 112).

Le duc de Normandie vient, sur les instances des Cambrésiens, mettre le siége devant la forteresse de Thun-l'Évêque [136] XIV dont les Hainuyers se sont emparés et d'où ils portent le ravage aux environs de la cité de Cambrai. La garnison a pour chefs un chevalier du parti anglais nommé Richard de Limozin et deux écuyers du Hainaut, frères de Gautier de Mauny, Jean et Thierry de Mauny. Craignant d'être empestés par les bêtes mortes et puantes que jettent les engins des assiégeants, les assiégés demandent et obtiennent une trêve de quinze jours; ils promettent de se rendre au duc de Normandie s'ils ne sont pas secourus par Jean de Hainaut dans cet intervalle. Catherine de Wargnies, chanoinesse de l'abbaye de Denain, qui s'est enfermée dans Thun par amour pour Jean de Mauny dont elle est la maîtresse, et que le fracas du siége incommode beaucoup à cause de son état de grossesse avancée, profite de la trêve pour se retirer à Bouchain. P. 24 à 26, 212 à 214.

Sur ces entrefaites, le comte de Hainaut revient dans son pays. Il réunit en toute hâte une puissante armée pour marcher au secours de la garnison de Thun-l'Évêque et vient camper à Naves et à Iwuy sur la rive droite de l'Escaut; il est bientôt rejoint par le comte de Namur, le duc de Brabant et les grands seigneurs des marches d'Allemagne alliés du roi d'Angleterre. P. 27 et 28, 215 et 216.

L'armée du duc de Normandie est campée de l'autre côté de la rivière, sur la rive gauche de l'Escaut. A la nouvelle de l'arrivée du comte de Hainaut, Philippe de Valois, qui se tenait depuis six semaines à Péronne, accourt rejoindre Jean son fils à la tête de douze cents lances; mais comme le roi de France a fait serment de ne pas pénétrer à main armée sur le territoire de l'Empire, le duc de Normandie conserve le commandement nominal, tout en n'agissant que d'après le conseil de son père. P. 28, 216.

Quatre jours après son arrivée devant Thun-l'Évêque, l'armée du comte de Hainaut se renforce d'une troupe de Valenciennois que commande Jean de Baissi, prévôt de la ville. Richard de Limozin et les autres gens d'armes de la garnison de Thun-l'Évêque profitent d'une escarmouche entre Français et Valenciennois pour se sauver dans une barque et aller rejoindre le comte XV de Hainaut qui les remercie et les félicite de leur belle défense. P. 29, 216 et 217.

Les Français ravagent l'Ostrevant et les Hainuyers le Cambrésis. Le comte de Hainaut reçoit un renfort de soixante mille Flamands amenés par Jacques d'Arteveld; il offre la bataille au duc de Normandie qui la refuse. Le comte de Hainaut réunit alors les plus grands barons de l'armée pour leur communiquer la réponse du duc de Normandie et leur demander conseil; il veut faire un pont sur l'Escaut afin d'aller livrer bataille aux Français. Le duc de Brabant combat ce projet; il est d'avis qu'on se sépare sans avoir rien fait et qu'on attende l'arrivée prochaine du roi d'Angleterre qui doit se joindre à ses alliés pour mettre le siége devant Tournay. Malgré l'opposition du duc de Brabant dont les gens d'armes, surtout ceux de Bruxelles et de Louvain, sont impatients de retourner dans leurs foyers, le comte de Hainaut n'en persiste pas moins dans son projet de livrer bataille aux Français. P. 29 à 31, 217, 218.

Le comte de Hainaut charge Jean de Hainaut, seigneur de Beaumont, son oncle, de demander trois jours de répit aux Français, le temps de construire un pont sur l'Escaut afin que les deux armées puissent se joindre et en venir aux mains. Au moment où Jean de Hainaut chevauche sur la rive droite de l'Escaut et se dispose à accomplir son message, il aperçoit sur la rive opposée un chevalier de Normandie de sa connaissance, le seigneur de Maubuisson [137]; il prie ce chevalier de transmettre au roi de France ou au duc de Normandie la proposition du comte de Hainaut. Le conseil du roi de France répond au seigneur de Maubuisson que l'on est résolu à ne pas changer de tactique vis-à-vis du comte de Hainaut, qu'on veut d'abord le ruiner en traînant la guerre en longueur, que cela fait, on envahira son pays pour y porter le ravage. Jean de Hainaut, à qui le seigneur de Maubuisson vient rapporter cette réponse, la transmet au comte de Hainaut, son neveu, qui la reçoit avec un profond déplaisir. P. 32 à 34, 218.

XVI

CHAPITRE XXXVII.
1340. DÉFAITE DE LA FLOTTE FRANÇAISE PAR LA FLOTTE ANGLAISE DEVANT L'ÉCLUSE; ARRIVÉE D'ÉDOUARD III ET DE SON ARMÉE EN FLANDRE [138] (§§ 113 à 117).

La veille de la fête de saint Jean-Baptiste (23 juin), Édouard III s'embarque sur la Tamise et cingle vers l'Écluse [139] (Sluis), en Flandre. La flotte anglaise, composée de plus de cent vaisseaux, porte quatre mille hommes d'armes et douze mille archers. La flotte française est encore supérieure en nombre à la flotte anglaise. Montée par des marins normands, picards et génois, sous les ordres du Normand [Nicolas] Behuchet, du Picard Hue Quieret et du Génois Barbavara, cette flotte stationne près de Blankenberghe [140], entre Kadzand [141] et l'Écluse, pour arrêter au passage le roi d'Angleterre. La bataille s'engage devant l'Écluse le 24 juin [142] entre les deux flottes ennemies et dure tout un jour. Les Anglais ont soin de prendre des dispositions plus habiles que leurs adversaires. Le grand vaisseau le Christophe, conquis peu de temps auparavant par les Normands et monté par les Génois, est repris dès le commencement de l'action, grâce aux archers à main d'Angleterre, auxquels un tir plus rapide assure l'avantage sur les arbalétriers génois. P. 34 à 37, 218 à 221.

XVII Édouard III monte un grand vaisseau construit à Sandwich [143], sur lequel flotte une bannière mi-partie aux armes de France et d'Angleterre. Le roi anglais, alors en la fleur de sa jeunesse, fait des prodiges de valeur; les marins normands et picards déploient, de leur côté, un grand courage. Dans l'après-midi, un gros renfort de navires montés par des hommes frais et nouveaux, amené par les Flamands de l'Écluse, de Blankenberghe, d'Aardenburg [144], d'Oostburg [145], de Bruges, du Damme [146], de Nieuport [147] et des villes voisines, décide la victoire en faveur des Anglais. Cette affaire coûte la vie à Hue Quieret et à (Nicolas) Behuchet; Pietro Barbavara se sauve à grand peine [148]. P. 37 et 38, 221 à 225.

Après la victoire de l'Écluse, le roi d'Angleterre fait un pèlerinage à Notre-Dame [149] d'Aardenburg, puis il se rend à Gand. A la nouvelle de l'arrivée et de la victoire d'Édouard III, les allies campés devant Thun-l'Évêque lèvent le siége de cette forteresse et viennent à Gand auprès du roi anglais; là ils prennent l'engagement de se réunir un certain jour en parlement à Vilvorde. P. 38 à 40, 225 à 229.

Le roi de France retourne à Arras et le duc de Normandie à XVIII Cambrai. Les Français prennent aisément leur parti de la déconfiture des Normands à l'Écluse et disent: «On n'a rien perdu en perdant ces écumeurs de mer. Ils étaient tous des brigands; ils ne laissaient point venir de poisson sur le continent, et ils étaient cause qu'on n'en pouvait avoir. Le roi de France d'ailleurs a gagné deux cent mille florins à leur mort, car on leur devait leurs gages de quatre mois.» Toutefois, Philippe de Valois et son fils donnent l'ordre de renforcer les garnisons de Tournay, de Lille [150], de Douai [151], de Mortagne, de Saint-Amand, de Saint-Omer, d'Aire [152] et de Saint-Venant [153]. Informé qu'Édouard III et ses alliés doivent venir assiéger Tournay, le duc de Normandie envoie dans cette place Godemar du Fay [154]. Le seigneur de Beaujeu est mis dans Mortagne [155], et Pierre de Carcassonne est chargé de défendre Saint-Amand [156] en Puelle. P. 40 et 41, 227.

Robert, roi de Sicile, très-versé dans l'astrologie, prédit les succès d'Édouard III: «Le sanglier de Windsor viendra, dit-il, enfoncer ses défenses jusque dans les portes de Paris.» Inspiré par son dévouement à la couronne de France, le roi Robert XIX vient à Avignon prier le pape (Benoît XII) [157] d'user de son intervention pour faire la paix entre les rois de France et d'Angleterre. P. 41, 226.

CHAPITRE XXXVIII.
1340. ASSEMBLÉE DE VILVORDE SUIVIE DU SIÉGE DE TOURNAY PAR ÉDOUARD III ET SES ALLIÉS [158] (§§ 118 à 122).

Assemblée de Vilvorde. Les principaux personnages qui assistent à cette assemblée, sont Édouard III roi d'Angleterre, Jean III duc de Brabant, Guillaume II comte de Hainaut, Jean de Hainaut, oncle du comte, Renaud II duc de Gueldre, Guillaume V marquis de Juliers, Louis Ier de Bavière, marquis de Brandebourg, Frédéric II, marquis de Meissen et d'Osterland, Adolphe VIII, comte de Berg, Robert d'Artois, Thierry III, seigneur de Fauquemont (Valkenburg), Guillaume de Duvenvoorde, Guillaume Ier, marquis de Namur. A ces princes sont venus se joindre Jacques d'Arteveld et les députés de Flandre, de Brabant et de Hainaut, au nombre de trois ou quatre pour chaque bonne ville. Une alliance offensive et défensive est conclue entre Flandre, Hainaut et Brabant; en cas de différend, c'est le roi d'Angleterre qui jouera le rôle d'arbitre entre ces trois pays. En signe de cette alliance, il sera frappé une monnaie dont les pièces s'appelleront compagnons ou alliés. Les alliés conviennent d'aller mettre le siége devant Tournay aux environs de la Madeleine (22 juillet), puis ils se séparent et chacun retourne chez soi pour faire ses préparatifs. P. 41 à 43, 229 et 230.

Philippe de Valois envoie tenir garnison à Tournay l'élite de sa chevalerie, notamment Raoul, comte d'Eu, connétable de France [159], le jeune comte de Guines son fils [160], le comte de Foix [161] et XX ses frères, Aymeri VIII (vicomte) de Narbonne, Amé de Poitiers [162], Geoffroy de Charny [163], Girard de Montfaucon [164], Robert Bertran et Mathieu de Trie, maréchaux de France [165], Jean de Landas [166], le sénéchal de Poitou [167], les seigneurs de Cayeux [168], de Châtillon [169], de Renneval, de Mello [170], d'Offémont [171], de Saint-Venant [172] et de Creseques [173]. Les fortifications de la cité sont réparées, les engins, canons XXI et espingalles sont mis en état, et l'on se pourvoit d'approvisionnements de toute sorte. P. 43, 44, 230.

Siége de Tournay par Édouard III et ses alliés. Le roi d'Angleterre prend position à la porte dite de Saint-Martin [174] sur le chemin de Lille et de Douai, le duc entre le Pont-à-Rieux [175], le long de l'Escaut, le Pire [176] et la porte de Valenciennes [177], le comte de Hainaut entre le roi d'Angleterre et le duc de Brabant [178]. Jacques d'Arteveld, à la tête de soixante mille Flamands, vient se loger à la porte de Sainte-Fontaine [179], sur les deux rives de l'Escaut. Les princes allemands, campés près des Marvis [180] du côté du Hainaut, ont fait un pont sur l'Escaut en amont de Tournay pour aller et venir d'une rive à l'autre. La cité de Tournay est ainsi investie de tous les côtés à la fois, et les habitants, pour mieux assurer la défense, ont enterré sept de leurs portes. P. 44 et 45, 230 à 232.

Le siége durant devant Tournay, le comte de Hainaut ravage et brûle Orchies [181] et plus de quarante villages ou hameaux des environs, Landas [182], Lecelles [183], Haubourdin [184], Seclin [185], Ronchin [186], XXII la ville et l'abbaye de Cysoing [187], Bachy [188], Marchiennes [189], les bords de la rivière de Scarp jusqu'au château de Rieulay [190], en Hainaut; il pousse ses incursions jusqu'au Pont-à-Raches [191] à une lieue de Douai et jusqu'aux faubourgs de Lens [192] en Artois. P. 46, 232 et 233.

Combat sur l'Escaut entre les Flamands et les Français montés les uns et les autres sur des barques; les Flamands sont repoussés par les assiégés. P. 46, 47, 233, 234.

Durant ce même siége de Tournay, les Français de la garnison de Saint-Amand pillent et brûlent le village et l'abbaye d'Hasnon [193]; ils traversent les bois de Raismes, mettent le feu à l'hôtel du Pourcelet et attaquent l'abbaye de Vicoigne [194], dont l'abbé nommé Godefroi [195] parvient à repousser les agresseurs. Pour remercier les arbalétriers de Valenciennes qui sont accourus à son secours sous les ordres de Jean de Baissi, prévôt de la ville, l'abbé de Vicoigne leur fait boire un tonneau de vin; et dans la crainte d'une nouvelle surprise, il fait couper les bois qui entourent son abbaye et creuser de profonds et larges fossés. P. 47, 48, 234, 235.

«Pendant le siége de Tournay, dit Froissart, il survint plusieurs grands faits d'armes, non-seulement en France, mais encore en Gascogne et en Écosse, qui ne doivent pas être mis en oubli, car selon la promesse que j'ai faite à mon seigneur et maître en commençant cet ouvrage, je consignerai toutes les belles actions qui viendront à ma connaissance, quoique Jean le Bel ne les ait pas mentionnées dans ses Chroniques. Mais un homme ne peut tout savoir, et ces guerres étaient si grandes, si XXIII dures et si enracinées de tous côtés, qu'il est facile d'en oublier quelque chose si l'on n'y prend bien garde.» P. 235, 236.

Le comte de l'Isle [196] est en Gascogne comme un petit roi de France et fait une guerre acharnée aux Gascons du parti anglais. Les principaux chevaliers du parti français sont avec le comte de l'Isle, les comtes de Comminges [197] et de Périgord [198], les vicomtes de Villemur [199], de Tallard [200], de Bruniquel, de Caraman [201] et de Murendon [202]; l'effectif de leurs forces s'élève à six mille chevaux et dix mille fantassins. Les Français prennent Bergerac, Condom, Sainte-Bazeille [203], Penne [204], Langon [205], Prudaire, Civrac [206]; ils assiégent la Réole. Après une belle défense, Jean le Bouteiller, capitaine de la ville pour le roi d'Angleterre, rend la Réole [207] au comte de l'Isle qui confie la garde de cette place à un chevalier gascon nommé Raymond Segui. Une fois maîtres de la Réole, les Français mettent le siége devant Auberoche [208], dont la garnison a pour chef Hélie de Pommiers. P. 48, 236 et 237.

XXIV

CHAPITRE XXXIX.
1340. GUERRE EN ÉCOSSE (§ 123).

Les Écossais prennent les armes sous les ordres de Guillaume de Douglas, des comtes de Murray, Patrick et de Sutherland, de Robert de Vescy, de Simon Fraser et d'Alexandre de Ramsay.—Pendant que le roi d'Angleterre assiége Tournay, et à l'instigation du roi de France, les Écossais portent le ravage dans le Northumberland et l'évêché de Durham; ils reconquièrent toutes les forteresses occupées par les Anglais, à l'exception de Bervick, de Stirling, de Roxburgh et d'Édimbourg. P. 49, 50, 237 à 239.

Guillaume de Douglas s'empare du château d'Edimbourg par surprise. P. 51 à 54.

Reddition aux Écossais de Dalkeith, de Dumbar, de Dundee, de Dumfermline; siége de Stirling. P. 54, 239 à 241.

CHAPITRE XL.
1340. ARRIVÉE DU ROI DE FRANCE ET DE SON ARMÉE AU PONT DE BOUVINES CONTRE ÉDOUARD III ET SES ALLIÉS [209] (§§ 124 à 126).

Le roi d'Angleterre assiége toujours Tournay avec une armée de plus de cent mille hommes, y compris les Flamands. Les assiégés, menacés de famine, font sortir les plus pauvres habitants de la ville, hommes et femmes. P. 54 et 241.

Philippe de Valois convoque à Arras une grande armée pour marcher au secours des habitants de Tournay.—Noms des principaux princes et seigneurs, tant français qu'étrangers [210], qui se rendent à l'appel du roi de France. P. 55, 241 et 242.

XXV Arrivée du roi de France [211] et de son armée sur les bords d'une petite rivière (la Marcq) [212], située à peu de distance de Tournay, entre les ponts de Bouvines [213] et de Tressin [214]. P. 56 et 242.

Rencontre près de Notre-Dame-aux-Bois [215] entre des gens d'armes de la garnison de Bouchain, commandés par trois chevaliers allemands au service du comte de Hainaut et un détachement de la garnison française de Mortagne, qui a pour chef un chevalier bourguignon de la suite du seigneur de Beaujeu, nommé Jean de Frolois [216]. Les Français sont mis en déroute, et Jean de Frolois est fait prisonnier. P. 56 à 58, 242 à 244.

Un jour, un détachement de Hainuyers, dont Guillaume de Baileu est le chef, passe le Pont-à-Tressin [217], et va, sous la conduite de Waflard de la Croix, réveiller les Français. Ce même jour, une troupe de Liégeois venus avec leur évêque servir le roi XXVI de France, sous les ordres de Robert de Baileu [218], frère de Guillaume, passe aussi en sens inverse le Pont-à-Tressin, pour aller fourrager dans les belles plaines qui s'étendent entre Tressin et Baisieux [219]. Les Hainuyers de Guillaume de Baileu sont repoussés et mis en fuite. Au moment où ils repassent le pont, ils vont se jeter dans les rangs des Liégeois de Robert de Baileu, qui reviennent de leur excursion, et dont ils prennent la bannière, portée par Jacques de Forvie [220], pour la leur propre, à cause de la ressemblance extrême des armes de Robert et de Guillaume de Baileu. La plupart des Hainuyers sont tués ou faits prisonniers. Guillaume de Baileu se sauve à grand peine. Waflard de la Croix, pris dans cette rencontre et livré au roi de France, fut donné bientôt après, en échange du comte de Salisbury, aux habitants de Lille, qui le firent mettre à mort. P. 58 à 62, 244 à 246.

CHAPITRE XLI.
1340. SIÉGE DE MORTAGNE ET PRISE DE SAINT-AMAND ET DE MARCHIENNES PAR LE COMTE DE HAINAUT.—DÉFAITE D'UNE TROUPE DE FRANÇAIS ET DU SEIGNEUR DE MONTMORENCY AU PONT-A-TRESSIN (§§ 127 à 132).

Le comte de Hainaut, pour se venger de la mésaventure de Guillaume de Baileu et de ses gens d'armes, quitte le siége de Tournay et vient avec six ou sept cents lances assiéger Mortagne par la rive droite de l'Escaut. En même temps, les habitants de Valenciennes ayant reçu l'ordre d'assaillir cette place en s'avançant entre la Scarpe et l'Escaut, douze cents hommes, commandés XXVII par Jean de Baissi, prévôt de la ville, et Gille le Ramonnier, passent les deux rivières de Haine et d'Escaut à Condé, et arrivent sous les murs de Mortagne. P. 62, 246 et 247.

Édouard de Beaujeu, capitaine de Mortagne [221], en prévision d'un siége, a fait enfoncer dans le lit de l'Escaut une quantité innombrable de pieux pour rendre la navigation impossible. Ce que voyant les arbalétriers de Valenciennes, qui ne peuvent approcher assez près des barrières à cause de la largeur des fossés, prennent le parti de passer la Scarpe au-dessous de Château-l'Abbaye [222] afin d'attaquer Mortagne du côté de Saint-Amand [223] et de donner l'assaut à la porte devers Maulde [224]. Cette porte, qui donne sur la Scarpe, est défendue par Édouard de Beaujeu en personne, tandis que le seigneur de Saint-Georges [225], son cousin, se tient à la porte d'Escaut par où l'on va à Antoing [226], faisant face au comte de Hainaut, campé le long de l'Escaut du côté de Briffœuil [227]. Le seigneur de Beaujeu est armé d'une longue lance, et, au moyen d'un croc de fer attaché à l'extrémité de cette lance qui s'enfonce dans les plates et le hauberjon, il parvient à harponner une douzaine d'assaillants, les attirant à lui ou les précipitant au fond des fossés pleins d'eau. P. 63 et 247.

Les assiégeants donnent l'ordre d'installer sur un bateau un appareil destiné à arracher les pieux qui barrent le passage de l'Escaut. Quant on vient à essayer cet appareil, il fonctionne si mal qu'on doit renoncer à s'en servir. Les Valenciennois ont pendant ce temps dressé une très-belle machine qui lance des pierres énormes contre le château et la ville de Mortagne; mais XXVIII un maître ingénieur de la garnison construit une machine plus petite et l'ajuste si bien qu'à la troisième pierre qu'elle lance, elle brise par le milieu le pierrier des assiégeants. Après deux nuits et trois jours d'assaut, le comte de Hainaut et Jean de Hainaut, son oncle, se décident à retourner au siége de Tournay, et les Valenciennois reprennent le chemin de leur ville après avoir ravagé l'abbaye du Château. P. 64, 65, 248.

Informé que la garnison française de Saint-Amand a brûlé l'abbaye d'Hasnon et essayé de brûler celle de Vicoigne, le comte de Hainaut part de Tournay et vient avec trois mille combattants assiéger Saint-Amand, qui n'était alors entouré que d'une enceinte de palissades. Le capitaine de la garnison [228] est un bon chevalier de la langue d'oc, nommé le sénéchal de Carcassonne [229]; prévoyant l'attaque du comte de Hainaut et sachant que la place n'est pas tenable, il a fait transporter les plus riches joyaux de l'abbaye à Mortagne, P. 65, 66, 248.

Douze mille Valenciennois attaquent Saint-Amand par le pont jeté sur la Scarpe. Les bidauds et les Génois de la garnison, pour se moquer des arbalétriers de Valenciennes, essuient avec leurs chaperons sur les murs la place des traits et crient aux assiégeants: «Allez boire votre goudale, allez!» Découragés et ne recevant aucunes nouvelles du comte leur seigneur, les Valenciennois regagnent leur ville le soir même. P. 66, 67, 248, 249.

Le lendemain, le comte de Hainaut arrive devant Saint-Amand et donne l'assaut à la porte du côté de Mortagne. Une brèche est ouverte dans le mur de l'abbaye que l'on enfonce au moyen d'énormes pieux en chêne; le comte s'élance par cette brèche et pénètre sur la place du marché devant l'église. Il y trouve le sénéchal de Carcassonne qui l'attend de pied ferme avec une poignée de compagnons de son pays serrés autour de sa bannière. Un moine nommé Froissart défend l'entrée de l'abbaye et tue plus de dix-huit assaillants. Le comte fait passer la garnison XXIX au fil de l'épée et mettre le feu à la ville, à l'église et aux bâtiments de l'abbaye. Le sénéchal de Carcassonne est tué sous sa bannière. P. 67 à 69, 249.

Après la destruction de Saint-Amand, le comte de Hainaut incendie Orchies, Landas, Lecelles, passe la Scarpe au-dessous d'Hasnon et, entrant en France, s'empare de la grosse et riche abbaye de Marchiennes [230] défendue par Amé de Warnant [231]. Incendie et pillage de la ville et de l'abbaye. P. 69, 70, 249, 250.

Le roi d'Angleterre se tient toujours devant Tournay qu'il espère réduire bientôt par la famine; mais le duc de Brabant laisse plus d'une fois passer à travers son armée des vivres destinés aux assiégés, et les gens d'armes de ses bonnes villes de Bruxelles, de Louvain, de Malines, d'Anvers, de Nivelles, de Jodoigne [232], de Lierre [233], commencent à s'impatienter de la longueur du siége. P. 70, 71, 250, 251.

Un certain nombre de gens d'armes allemands des duchés de Gueldre et de Juliers s'entendent avec plusieurs chevaliers du Hainaut pour prendre une revanche de la victoire remportée à Pont-à-Tressin par Robert de Baileu et les Liégeois sur les Hainuyers: ils se divisent en deux détachements, dont l'un reste à Pont-à-Tressin pour garder le passage, tandis que l'autre court réveiller les Français. Deux grands barons de France, les seigneurs de Montmorency [234] et de Saint-Sauflieu [235], qui font le guet XXX la nuit où se passe cette escarmouche, repoussent ces agresseurs et se mettent à leur poursuite jusqu'à Pont-à-Tressin. Voyant que les ennemis sont là en force pour défendre le passage, le seigneur de Saint-Sauflieu prend le parti de se retirer avec les siens. Le seigneur de Montmorency, qui veut continuer la lutte, est fait prisonnier ainsi que toute son escorte par Renaud de Sconnevort; et les Allemands ou Hainuyers restent maîtres du pont. P. 71 à 76, 251 à 253.

CHAPITRE XLII.
1340. DÉFAITE PRÈS DE SAINT-OMER, PANIQUE ET RETRAITE DES FLAMANDS DANS LEUR PAYS.—LEVÉE DU SIÉGE DE TOURNAY; TRÊVE ENTRE LA FRANCE ET L'ANGLETERRE [236] (§§ 133 à 137).

Après l'arrivée du roi de France et de son armée à Bouvines, le bruit se répand que les garnisons françaises de Saint-Omer, d'Aire et de Thérouanne doivent pénétrer dans la vallée de Cassel et ravager le pays, notamment les villes de Bergues [237], Bourbourg [238], Messines [239], Wervicq [240], Poperinghe [241]. Pour conjurer ce danger, Robert d'Artois et Henri de Flandre vont se poster avec vingt mille Flamands à l'entrée de la vallée de Cassel. P. 76, 77, 253.

Environ trois mille de ces Flamands quittent un jour leur campement pour aller ravager et piller, à l'insu de leurs chefs, le pays situé entre Aire, Thérouanne et Saint-Omer, ils mettent le feu aux faubourgs et abattent les moulins de Saint-Omer; à une demi-lieue de cette ville, ils pillent et brûlent aussi le gros village XXXI d'Arques [242] où ils font un riche butin; mais au moment où ils se reposent dans un village appelé la Cauchie [243], un certain nombre de gens d'armes français des garnisons de Saint-Omer et de Thérouanne viennent, sous les ordres de (Jean), comte dauphin d'Auvergne [244], fondre à l'improviste sur ces pillards, en tuent dix-huit cents et en font quatre cents prisonniers [245]. P. 76 à 78, 253 à 255.

Une trêve d'un an est conclue à Esplechin [246] entre les rois de France et d'Angleterre par l'entremise de Jeanne de Valois, sœur XXXII de Philippe de Valois, mère du comte Guillaume de Hainaut, aidée de Louis d'Agimont [247]. P. 79 à 82, 256 à 262.

Édouard III lève le siége de Tournay, qui dure depuis onze semaines trois jours moins, et retourne en Angleterre; Philippe de Valois, de son côté, licencie son armée campée à Bouvines [248].—Les conférences tenues à Arras entre les envoyés des deux rois en vue de la conclusion d'un traité de paix, restent sans résultat. P. 82 à 86, 262 à 265.

CHAPITRE XLIII.
1341. GUERRE DE LA SUCCESSION DE BRETAGNE: SUCCÈS DU COMTE DE MONTFORT [249] (§§ 138 à 143).

«Plusieurs jongleurs et chanteurs sur les places, dit Froissart, en prenant les guerres de Bretagne pour sujet de chansons de geste fabuleuses et de poëmes mensongers, ont altéré la vérité historique au grand déplaisir de Jean le Bel, qui a raconté le premier ces guerres dans ses Chroniques et à mon grand déplaisir aussi à moi Froissart qui ai loyalement, impartialement continué XXXIII et complété l'œuvre de mon prédécesseur. Ces poëmes et ces chansons ne donnent nullement les faits réels: ces faits, on ne les trouvera qu'ici, grâce au soin extrême que nous y avons mis, car on n'a rien sans frais et sans peine. Moi, Jean Froissart, venu le dernier depuis Jean le Bel pour traiter ce sujet, j'ai visité et parcouru la plus grande partie de la Bretagne, j'ai fait une enquête auprès des seigneurs et des hérauts sur les guerres, les prises, les assauts, les incursions, les batailles, les rescousses et tous les beaux faits d'armes arrivés depuis 1340 jusqu'à la fin de ce livre; je me suis imposé cette tâche tant à la requête de mon seigneur et maître et à ses frais que pour me satisfaire moi-même, pour donner de l'authenticité et des bases solides à mon travail: en quoi mes efforts ont été grandement récompensés.» P. 265 et 266.

Mort de Jean III, dit le Bon, duc de Bretagne (30 avril 1341). Jean, comte de Montfort, frère de père de Jean III, est reçu comme duc à Nantes au mépris des prétentions de Jeanne, nièce du roi de France par son mariage avec Charles de Blois et dont le père Gui, comte de Penthièvre, était frère de Jean III de père et de mère. P. 86 à 88, 265 à 269.

Jean de Montfort, après s'être emparé de Limoges et des trésors de Jean III, revient à Nantes où il convoque à une grande fête les nobles et prélats de Bretagne. Les bourgeois et conseillers des bonnes villes se rendent à cet appel, mais non les grands barons qui, sauf Hervé de Léon [250], sont à peu près tous partisans de Charles de Blois. Jean de Montfort distribue à ses fidèles le trésor trouvé à Limoges. P. 89 et 90, 269 à 271.

Prise du fort château de Brest par Jean de Montfort après une héroïque défense de (Gautier [251]) de Clisson. P. 90 à 93, 271 à 275.

XXXIV Siége de Rennes par Jean de Montfort. Henri de Spinefort [252], capitaine de la ville, est fait prisonnier dans une sortie. Le comte de Montfort menace de faire pendre ce chevalier si Rennes ne lui ouvre ses portes. Lutte entre les grands bourgeois qui sont d'avis de résister et les gens du commun qui veulent faire leur soumission. La ville finit par se rendre, et Henri de Spinefort se range parmi les partisans de Jean de Montfort. P. 93 à 96, 275 à 280.

Prise d'Hennebont [253], fort château et bon port de mer, due à une surprise faite à Olivier de Spinefort, capitaine de cette place, par son frère Henri de Spinefort.—Reddition de Vannes.—Levée du siége mis pendant dix jours devant la Roche-Piriou [254].—Reddition de Suscinio [255].—Reddition du château d'Auray [256] par Geffroi de Malestroit et Yvon de Trésiguidy qui prêtent serment de fidélité au comte de Montfort.—Reddition de la Forest [257] dont le capitaine est un ancien compagnon d'armes d'Hervé de Léon en Grenade et en Prusse.—Reddition de XXXV Carhaix [258] où s'était enfermé un évêque qui en était seigneur [259]. Cet évêque, oncle d'Hervé de Léon, se décide, sur les instances de son neveu, à faire sa soumission au comte de Montfort. P. 97 à 100, 280 à 285.

Siége de Jugon [260] par le comte de Montfort. Amauri de Clisson, capitaine de la garnison, et plus de cent vingt bourgeois de la ville, sont faits prisonniers dans une sortie par Olivier et Henri de Spinefort accourus au secours d'Yvon de Trésiguidy. La ville de Jugon, contre laquelle le comte de Montfort a fait dresser quatre engins amenés de Rennes, est obligée de se rendre; Amauri de Clisson prête serment de fidélité au comte de Montfort, qui assigne à ce chevalier cinq cents livres de terre et le retient de son conseil. Le vainqueur laisse comme châtelain à Jugon Garnier de Trésiguidy, cousin d'Yvon.—Reddition de Dinan.—Siége infructueux de Josselin [261].—Reddition du château de Ploërmel.—Reddition sous condition de Mauron [262] après douze jours de siége. P. 285 à 291.

CHAPITRE XLIV.
1341. VOYAGES DU COMTE DE MONTFORT EN ANGLETERRE, PUIS A PARIS [263] (§§ 144 à 146).

Le comte de Montfort se fait partout reconnaître comme duc de Bretagne. Cependant les seigneurs de Clisson [264], de Tournemine, de Quintin [265], de Beaumanoir [266], de Laval, de Gargoule, de Lohéac [267], d'Ancenis, de Retz, de Rieux [268], d'Avaugour [269], refusent XXXVI d'obéir au nouveau duc; quelques-uns de ces seigneurs quittent la Bretagne, soit pour guerroyer à Grenade et en Prusse, soit pour entreprendre le pèlerinage d'outre-mer. P. 291.

Jean de Montfort comprend la nécessité de se faire un allié puissant qu'il puisse opposer au roi de France, oncle et allié naturel de Charles de Blois. C'est pourquoi il s'embarque à Gredo [270] (Redon) en basse Bretagne pour l'Angleterre, arrive en Cornouaille et débarque au port de Cepsée; de là, il se rend à Windsor auprès d'Édouard III. Le comte de Montfort fait hommage lige pour le duché de Bretagne au roi d'Angleterre qui promet en retour d'aider et de défendre son vassal contre tous, spécialement contre le roi de France; puis il retourne à Nantes, comblé des présents et des faveurs d'Édouard III [271]. P. 100 à 102, 291 à 298.

Le vicomte de Rohan, les seigneurs de Clisson, d'Avaugour et XXXVII de Beaumanoir se rendent en France et informent Charles de Blois des succès de Jean de Montfort. Charles de Blois implore contre son compétiteur l'appui du roi de France son oncle. Philippe de Valois, de l'avis des pairs et grands barons de son royaume, prend le parti de mander à Paris l'adversaire de son neveu; les seigneurs de Mathefelon, de Gaussan et Grimouton de Chambly [272], vont à Nantes notifier au comte de Montfort la volonté du roi de France. Jeanne de Montfort conseille à son mari de ne pas répondre à l'appel de Philippe de Valois. Cependant, le comte de Montfort, après avoir hésité quelque temps, vient à Paris où il fait son entrée en somptueux équipage et avec une suite de plus de trois cents chevaux. P. 102, 103, 298 à 300, 302, 303.

L'entrevue du comte avec le roi de France a lieu dans une grande chambre du palais décorée de magnifiques tapisseries. Aux côtés du roi siégent le comte d'Alençon son frère, le duc de Normandie son fils, Eude, duc de Bourgogne et Philippe de Bourgogne, fils du duc, le duc de Bourbon, Jacques de Bourbon alors comte de Ponthieu, les comtes de Blois, de Forez, de Vendôme et de Guines, les seigneurs de Coucy, de Sully, de Craon, de Roye, de Saint-Venant, de Renneval et de Fiennes. Philippe de Valois reproche à Jean de Montfort d'avoir fait hommage du duché de Bretagne à Édouard III. Le comte répond que ce reproche n'est nullement fondé, mais en même temps il maintient la légitimité de ses prétentions à l'héritage de Bretagne. Le roi enjoint à Jean de Montfort de ne pas quitter Paris avant quinze jours et d'attendre que les pairs, chargés d'examiner la question pendante entre lui et Charles de Blois, aient décidé de quel côté est le bon droit. Découragé par un accueil aussi défavorable, le comte de Montfort estime prudent de ne pas attendre le jugement des pairs. Un soir, il prend l'habit d'un de ses ménestrels, monte à cheval sans autre suite qu'un valet de ménestrel, et à la faveur de ce déguisement, s'échappe à la dérobée de Paris dont on ne fermait point alors les portes; pendant que ses chambellants font courir le bruit que leur maître est couché malade dans son lit, il regagne en toute hâte la Bretagne et va rejoindre à Nantes la comtesse sa femme. P. 103 à 105, 300 à 302, 303 à 306.

XXXVIII Le roi de France et Charles de Blois sont furieux quand ils apprennent que le comte de Montfort vient de s'échapper de leurs mains. Les pairs et grands barons, réunis en conseil pour statuer sur les prétentions respectives de Charles de Blois et de Jean de Montfort à l'héritage de Bretagne, se prononcent tout d'une voix en faveur de Charles de Blois; ils fondent leur jugement sur deux considérants principaux. 1o Jeanne, femme de Charles de Blois, à titre de fille unique de Gui, comte de Penthièvre, frère de père et de mère de Jean III, duc de Bretagne, dernièrement mort, a plus de parenté avec le dit duc que Jean de Montfort, qui est seulement frère de père de Jean III [273]; 2o d'ailleurs le comte de Montfort, même en supposant qu'il y ait quelque chose de fondé dans ses prétentions, est atteint de forfaiture, d'abord pour avoir relevé le duché d'un seigneur autre que le roi de France de qui on le doit tenir en fief, ensuite pour avoir transgressé les ordres et cassé l'arrêt de son suzerain en quittant Paris sans congé [274]. P. 105 et 106.

Charles de Blois, confiant en son droit après le jugement prononcé en sa faveur, assuré en outre de l'appui du roi de France, entreprend de reconquérir à main armée son duché de Bretagne. Le duc de Normandie est adjoint à son cousin comme chef de l'expédition projetée. Les principaux barons qui s'engagent à faire partie de cette expédition, sont le comte d'Alençon, oncle de Charles de Blois, le duc de Bourgogne, le comte de Blois, frère de Charles, le duc de Bourbon, Louis d'Espagne, Jacques XXXIX de Bourbon, le comte d'Eu, connétable de France et le comte de Guines, son fils, le vicomte de Rohan, les comtes de Forez, de Vendôme et de Dammartin, les seigneurs de Coucy, de Craon, de Beaujeu, de Sully et de Châtillon. On fixe à Angers le rassemblement général. P. 106 et 107, 306 et 307.

CHAPITRE XLV.
1341. EXPÉDITION DU DUC DE NORMANDIE ET DE CHARLES DE BLOIS EN BRETAGNE [275] (§§ 147 à 150).

Le duc de Normandie, le comte d'Alençon, les ducs de Bourgogne, de Bourbon et les autres barons et chevaliers dont Charles de Blois s'est assuré le concours, se rendent à Angers, où rendez-vous général a été donné à tous les gens d'armes qui doivent faire partie de l'expédition de Bretagne. Toutes ces forces réunies s'élèvent à cinq mille armures de fer, sans compter trois mille Génois sous les ordres d'Ayton Doria et de Charles Grimaldi. Le Galois de la Baume commande aussi une nombreuse troupe de bidaus et d'arbalétriers. Cette armée chevauche en trois batailles. La première, composée de cinq cents lances, marche sous les bannières de Louis d'Espagne, du vicomte de Rohan, des seigneurs d'Avaugour, de Clisson et de Beaumanoir. La plus forte bataille est celle du duc de Normandie [276], où se trouvent les plus puissants seigneurs de l'armée, notamment les comtes d'Alençon et de Blois, Charles de Blois lui-même qui prend le titre et les armes de duc de Bretagne, et a fait hommage et féauté pour ce duché au roi de France. Raoul, comte d'Eu, connétable de France, est à la tête de la troisième bataille ou arrière-garde XL avec le comte de Guines [277], son fils, les seigneurs de Coucy, de Montmorency, de Quintin et de Tournemine. P. 107, 108, 307, 308.

Les Français passent par Ancenis et viennent mettre le siége devant Champtoceaux, qui est de ce côté la clef et l'entrée de Bretagne. Cette forteresse, assise sur un monticule au pied duquel coule une grosse rivière (la Loire), a pour capitaines et gardiens deux chevaliers de Lorraine, nommés Mile et Valerand [278]. Le duc de Normandie fait combler les fossés par les paysans des environs, tandis qu'on construit un château de bois monté sur douze roues qui peut bien contenir deux cents hommes d'armes et cent arbalétriers. Ce château de bois, tout pourvu d'assaillants, est amené à force de bras jusque contre les remparts de Champtoceaux. L'énorme machine se compose de trois étages: à l'étage le plus élevé se tiennent les gens d'armes, au second les arbalétriers, et tout en bas les sapeurs qui démolissent les murs par la base. Les assiégeants livrent, avec l'aide de cet engin, un assaut terrible qui coûte beaucoup de monde aux assiégés et leur fait dépenser toute leur artillerie. Les gens d'armes de la garnison, XLI découragés, rendent Champtoceaux, sauve leur vie et leurs biens [279]. P. 108, 100, 309 à 310.

Le duc de Normandie, chef suprême de l'expédition, livre Champtoceaux à Charles de Blois, son cousin, qui laisse dans cette forteresse comme châtelain un chevalier nommé Rasse de Guingamp. Puis les Français prennent le chemin de Nantes, où le comte de Montfort s'est enfermé. Sur la route, ils s'emparent de Carquefou [280], place située près de Nantes, entourée de fossés et de palissades, mais dont la garnison, qui ne se compose que de vilains, ne peut tenir tête aux arbalétriers génois; la ville est prise et pillée; beaucoup des gens qu'on y trouve sont passés au fil de l'épée; on met le feu aux maisons, dont la moitié est la proie des flammes. P. 110, 310, 311, 313.

L'armée du duc de Normandie vient camper devant Nantes et investit cette grande cité que traverse la Loire, très large en cet endroit. Jean de Montfort a laissé à Rennes la comtesse sa femme et s'est enfermé dans Nantes avec Hervé de Léon, Henri et Olivier de Spinefort, Yvon de Trésiguidy et plusieurs autres chevaliers et écuyers qui l'ont reconnu comme duc de Bretagne. La cité est forte, bien fermée, abondamment pourvue de vivres et d'artillerie; en outre, le comte est très-aimé des bourgeois de Nantes. Pleinement rassuré sur l'issue d'un siége soutenu dans ces conditions, Jean de Montfort invite les habitants à se tenir sur la défensive: la saison est trop avancée pour que le siége puisse durer longtemps. Malgré cette injonction, Hervé de Léon, à la tête d'une troupe de deux cents armures de fer, la plupart jeunes bourgeois de Nantes, fait un jour, de grand matin, une sortie par la poterne de Richebourg [281], pour surprendre un convoi de vivres destiné aux assiégeants; il s'empare d'environ trente sommiers, mulets et roncins, et de quinze charrettes remplies de vin et de farine. Une troupe de cinq cents gens d'armes français XLII commandés par Louis d'Espagne accourt pour reprendre ce butin; et Hervé de Léon ne parvient à garder sa proie qu'en fermant précipitamment les portes en dehors desquelles il laisse deux cents de ses compagnons qui sont tués ou faits prisonniers. Les parents de ces malheureux sont transportés de fureur, et Hervé de Léon encourt pour ce fait la disgrâce du comte de Montfort. P. 110 à 112, 311 à 315.

Un certain nombre de bourgeois de Nantes, parents et amis des gens d'armes faits prisonniers par Louis d'Espagne, entrent en pourparlers avec les assiégeants à l'insu de Jean de Montfort, et conviennent de laisser la poterne de Sauve [282] ouverte aux Français qui pénètrent ainsi dans la ville un matin sans coup férir. Ils vont droit au château de Nantes où ils trouvent le comte de Montfort encore endormi et le font prisonnier. Henri et Olivier de Spinefort, Yvon de Trésiguidy parviennent à s'échapper. La rumeur publique voit dans la trahison dont le comte de Montfort est victime en cette circonstance la main de Hervé de Léon qui se serait vengé ainsi du blâme sévère que le comte lui avait infligé quelques jours auparavant. Ce qui est certain, c'est que Hervé est épargné lui et les siens par Charles de Blois, auquel il fait féauté et hommage comme à son seigneur, et qu'il reconnut depuis lors comme duc de Bretagne. P. 112, 113, 315 à 319.

Les Français se rendent ainsi maîtres de Nantes aux environs de la Toussaint [283] l'an 1341. A l'occasion de cette solennité, le duc XLIII de Normandie et Charles de Blois tiennent cour plénière au château de Nantes, où ils donnent des fêtes qui durent quatre jours. Là, le vicomte de Rohan, les seigneurs de Clisson, d'Ancenis, de Beaumanoir, de Malestroit, d'Avaugour, de Gargoule, de Quintin, de Léon, de Dinan, de Retz, de Rieux et bien quarante chevaliers bretons des environs de Nantes font féauté et hommage au mari de Jeanne de Penthièvre et le reconnaissent comme leur duc. Charles de Blois reste à Nantes pour y passer l'hiver avec plusieurs vaillants chevaliers de son lignage. Le reste de l'armée se disperse après avoir promis au nouveau duc de revenir en Bretagne l'été prochain, si besoin est. Le duc de Normandie retourne à Paris, emmenant avec lui [284] le comte de Montfort qu'il remet entre les mains du roi de France. Philippe de Valois fait enfermer son prisonnier au château du Louvre; on dit même qu'il l'aurait fait mourir, si Louis de Nevers, comte de Flandre, n'avait intercédé pour son beau-frère. P. 114, 318, 320 à 322.

Charles de Blois écrit aux habitants de Rennes, de Vannes, de Quimperlé, de Quimper-Corentin, d'Hennebont, de Lamballe [285], de Guingamp, de Dinan, de Dol [286], de Saint-Mathieu [287], de Saint-Malo, de venir à Nantes lui prêter serment de fidélité comme à leur duc; mais la plupart de ces villes prennent parti pour la comtesse de Montfort qui apprend à Rennes [288] que son mari est tombé aux mains de ses ennemis. A cette nouvelle, la comtesse, femme au cœur d'homme et de lion, rassemble ses partisans, leur XLIV présente son jeune fils Jean âgé de sept ans, et se met à chevaucher de forteresse en forteresse à la tête de cinq cents lances, renforçant partout les garnisons, payant très-largement les gages de ses gens d'armes et réchauffant par tous les moyens le zèle des Bretons restés fidèles à sa cause. Elle renforce surtout la garnison de Rennes, car elle prévoit que ce sera la première ville que viendra assiéger Charles de Blois; et elle met dans cette place comme capitaine un vaillant chevalier et de bon conseil, très-attaché à elle et à son mari, nommé Guillaume de Cadoudal, Breton bretonnant. Puis elle va, en compagnie de son fidèle Amauri de Clisson, qui ne la quitte pas, s'enfermer dans Hennebont, fort château et bon port de mer, afin d'assurer en cas de besoin ses communications avec l'Angleterre. P. 114, 115, 320 à 324.

CHAPITRE XLVI.
1341 et 1342. GUERRE EN ÉCOSSE [289] (§§ 151 à 161).

1341. Continuation des hostilités entre l'Angleterre et l'Écosse: prise de Stirling par les Écossais.—Trêve entre l'Angleterre et l'Écosse.—Retour de David Bruce dans son royaume [290]. P. 116 à 120, 324 à 329.

Incursions de David Bruce et des Écossais dans le Northumberland et l'évêché de Durham: siége de Newcastle.—Prise de Durham. P. 120 à 124, 329 à 335.

Édouard III fait ses préparatifs [291] pour marcher contre les Écossais qui, tout en effectuant leur retraite le long de la Tyne dans la direction de Carlisle, mettent le siége devant un château où la comtesse de Salisbury se tient enfermée [292].—Les Écossais livrent un assaut infructueux, mais la garnison du château est XLV bientôt réduite à la dernière extrémité.—Le capitaine de cette garnison, Guillaume de Montagu, réussit à traverser pendant la nuit les lignes ennemies pour aller à York demander du secours à Édouard III.—Aussitôt qu'ils apprennent que le roi d'Angleterre marche contre eux à la tête d'une puissante armée, les Écossais lèvent le siége du château de la comtesse de Salisbury et se retirent dans les forêts de Jedburgh. P. 124 à 131, 335 à 338.

1342. Édouard III au château de la comtesse de Salisbury.—Passion du roi d'Angleterre pour la belle comtesse. P. 131 à 135, 339 à 340.

Récit d'une partie d'échecs entre le roi et la comtesse. P. 340 à 342.

Édouard III poursuit les Écossais jusque au delà de Berwick.—Nouvelle trêve entre les Anglais et les Écossais [293].—Le roi d'Angleterre renvoie le comte de Murray son prisonnier au roi d'Écosse en échange du comte de Salisbury mis en liberté par le roi de France [294]. P. 135 à 137, 342 à 347.

CHAPITRE XLVII.
1342. SIÉGE ET PRISE DE RENNES PAR CHARLES DE BLOIS.—SIÉGE D'HENNEBONT: DÉFENSE HÉROÏQUE DE JEANNE DE MONTFORT; LEVÉE DU SIÉGE PAR LES FRANÇAIS A LA SUITE DE L'ARRIVÉE DE GAUTIER DE MAUNY ET DES ANGLAIS [295] (§§ 162 à 169).

Au printemps de 1342, les seigneurs français qui ont fait partie de l'expédition de Bretagne l'année précédente, reviennent à Nantes où Charles de Blois a passé l'hiver. La lutte est plus vive XLVI que jamais entre les deux partis qui se disputent la Bretagne. La comtesse de Montfort tient, comme on l'a dit plus haut, garnison dans Hennebont, mais elle a eu soin d'établir Guillaume de Cadoudal comme capitaine à Rennes et de pourvoir cette place d'artillerie et d'approvisionnements de toute sorte. L'armée de Charles de Blois, forte de six mille hommes d'armes et de douze mille soudoyers à lances et à pavois, met le siége devant Rennes. Ayton Doria et Charles Grimaldi commandent les arbalétriers génois. Rennes avait alors de grands faubourgs auxquels le capitaine de la ville est obligé de faire mettre le feu pour pourvoir aux nécessités de la défense. Les efforts des assiégeants, surtout des Génois et des Espagnols, très-nombreux dans l'armée de Charles de Blois, réduisent bientôt la garnison de Rennes à la situation la plus critique. P. 137 à 139, 347 à 349, 351, 352.

La comtesse de Montfort, qui se tient enfermée dans Hennebont, envoie son fidèle Amauri de Clisson [296] demander du secours à Édouard III. Le roi anglais fait bon accueil au messager de Jeanne de Montfort et charge Gautier de Mauny de se rendre en Bretagne à la tête de trois cents lances et de deux mille archers d'élite pour porter secours à la comtesse. Amauri de Clisson, Gautier de Mauny et le corps d'auxiliaires anglais se mettent en mer et cinglent vers Hennebont; mais la flotte qui les porte, assaillie par les vents contraires, erre au gré des vents pendant plus de soixante jours avant de pouvoir aborder en Bretagne, et ce retard plonge Jeanne de Montfort dans une angoisse mortelle. P. 139 à 141, 350 à 354.

Les bourgeois de Rennes, réduits au dernier degré de dénûment, manifestent l'intention de traiter avec les assiégeants; et XLVII comme Guillaume de Cadoudal, capitaine de la garnison, ne veut entendre parler d'aucun arrangement, ils le font mettre en prison. Ils traitent ensuite avec Charles de Blois et conviennent de lui rendre la ville à la condition que les partisans de Montfort auront la vie sauve et pourront aller où ils voudront. Cette reddition de Rennes a lieu au commencement de mai 1342. Guillaume de Cadoudal, à peine mis en liberté, accourt à Hennebont auprès de la comtesse de Montfort. P. 141, 142, 355, 356.

Une fois maître de Rennes, Charles de Blois assiége Hennebont [297] où Jeanne de Montfort s'est enfermée avec ses principaux partisans, Gui, évêque de Léon, oncle de Hervé de Léon, Yvon de Trésiguidy, le seigneur de Landerneau, le châtelain de Guingamp, Henri et Olivier de Spinefort. Jeanne de Montfort, armée de pied en cap, chevauche de rue en rue et exhorte ses gens à se bien défendre; à la voix de la comtesse, les dames de la ville elles-mêmes travaillent à défaire les chaussées et du haut des créneaux font pleuvoir des pierres ou versent des pots pleins de chaux vive sur les assiégeants. P. 142 à 144, 356 à 359.

Pendant un assaut, Jeanne de Montfort, qui observe l'action du haut d'une tour, s'aperçoit que l'ennemi est sorti en masse de ses campements et que presque tous les Français sont occupés à attaquer la ville. Aussitôt elle monte à cheval, se met à la tête de trois cents cavaliers, sort d'Hennebont par une fausse poterne et court mettre le feu aux tentes et logis des Français. Ceux-ci, à la vue de leur camp en flammes, quittent précipitamment l'assaut et tombent sur Jeanne de Montfort après avoir eu soin de lui couper la retraite. Se voyant poursuivie par Louis d'Espagne et ne pouvant rentrer dans Hennebont, la comtesse va se jeter à trois ou quatre lieues de là dans le château de Brech [298], mais les plus mal montés de ses hommes sont faits XLVIII prisonniers par les Français. Cinq jours après cette affaire, Jeanne de Montfort part vers minuit de Brech avec cinq cents compagnons et rentre au lever du soleil dans sa bonne ville d'Hennebont, dont les habitants l'accueillent à son de trompe et avec des transports de joie. Les assiégeants livrent alors un nouvel assaut qui n'est pas plus heureux que les précédents. Ce que voyant, les Français prennent le parti de se diviser en deux corps d'armée. Charles de Blois, le comte Louis de Blois, son frère, le duc de Bourbon, Jacques de Bourbon, Robert Bertran, maréchal de France, les comtes d'Eu, de Guines et d'Auxerre, Charles de Montmorency, Gui de Chantemerle, Hervé de Léon, le seigneur d'Avaugour et partie des Génois et des Espagnols vont assiéger le château d'Auray, tandis que Louis d'Espagne, Ayton Doria, Charles Grimaldi et le restant des Espagnols et des Génois, le vicomte de Rohan, le comte de Joigny, les seigneurs d'Ancenis, de Tournemine, de Retz, de Rieux, de Gargoule et le Galois de la Baume maintiennent le siége devant Hennebont avec l'aide de douze grands engins que l'on fait venir de Rennes. P. 144 à 147, 359 à 365.

La garnison du château d'Auray [299] compte deux cents hommes en état de porter les armes sous les ordres de Henri et d'Olivier de Spinefort. A quatre lieues d'Auray, Vannes, qui tient aussi pour la comtesse de Montfort, a pour capitaine Geffroi de Malestroit. Dinan, situé d'un autre côté et fermé seulement de fossés et de palissades, en l'absence du châtelain de Guingamp, enfermé dans Hennebont avec Jeanne de Montfort, est confié à la garde de son fils Renaud de Guingamp. Le château de la Roche-Piriou [300] XLIX entre Vannes et Dinan est au comte de Blois, et la garnison qui se compose de Bourguignons a pour chefs Gérard de Mâlain [301] et Pierre Portebœuf. Cette garnison ravage et pille tout le pays des environs et fait des incursions tantôt du côté de Vannes, tantôt du côté de Dinan. Un jour que Gérard de Mâlain et vingt-cinq de ses compagnons ont fait main basse sur quatorze ou quinze marchands et se sont emparés de leurs marchandises, ils tombent à leur tour entre les mains de Renaud de Guingamp qui les fait prisonniers et les amène à Dinan. Cependant Louis d'Espagne redouble ses efforts pour emporter d'assaut Hennebont, et la détresse des assiégés, qui attendent en vain le retour d'Amauri de Clisson et l'arrivée des Anglais, est à son comble. A l'instigation de Gui, évêque de Léon, les défenseurs d'Hennebont consentent à traiter de la reddition de cette place moyennant certaines conditions stipulées entre l'évêque Gui [302] de Léon et son neveu Hervé L de Léon rallié à Charles de Blois. Au moment où Hervé de Léon s'approche de la ville pour entrer en pourparlers avec les assiégés, la comtesse de Montfort regarde du côté de la mer par une petite lucarne du château; tout à coup elle voit flamboyer des voiles à l'horizon. Elle s'écrie alors à deux reprises avec des transports de joie: «Voici venir, Beau Dieu! le secours que j'ai tant désiré!» A ce cri, chacun se précipite aux fenêtres et aux créneaux; toute une flotte apparaît qui cingle à pleines voiles vers Hennebont: c'est Amauri de Clisson qui arrive enfin avec Gautier de Mauny et les Anglais au secours de la ville assiégée. P. 147 à 150, 365 à 372.

Rassurés par ce renfort, les défenseurs d'Hennebont s'empressent de désavouer les démarches faites par Gui de Léon. Cet évêque, qui se sent compromis vis-à-vis de la comtesse, quitte la ville pour se rendre au camp de Louis d'Espagne et se rallier comme son neveu Hervé au parti de Charles de Blois. Le jour même de son arrivée à Hennebont, Gautier de Mauny fait une sortie contre les Français et parvient à détruire une machine qui faisait beaucoup de mal aux assiégés. Louis d'Espagne, voyant la ville d'Hennebont ainsi secourue et ravitaillée par les Anglais, désespère de prendre cette place et va rejoindre Charles de Blois devant Auray. P. 150 à 154, 372 à 378.

CHAPITRE XLVIII.
1342. SIÉGE ET PRISE DE CONQUEST, DE DINAN, DE GUÉRANDE PAR LOUIS D'ESPAGNE, D'AURAY ET DE VANNES PAR CHARLES DE BLOIS [303] (§§ 170 et 171).

Après la levée du siége d'Hennebont, Charles de Blois envoie Louis d'Espagne et ses gens assiéger la bonne ville de Dinan [304] qui LI n'avait alors pour enceinte que de l'eau et des palissades. Sur la route, Louis d'Espagne met le siége devant un petit et vieux château nommé Conquest [305] qui tient pour la comtesse de Montfort. Le capitaine est un chevalier de Lombardie [306] et la garnison se compose de Lombards et de Génois. Le château est emporté d'assaut et la garnison est massacrée excepté le capitaine qui est pris à rançon. Louis d'Espagne laisse Conquest sous la garde d'un châtelain et de soixante hommes d'armes et continue sa route vers Dinan. P. 154, 155, 378 à 381.

Informée que Louis d'Espagne s'est arrêté devant Conquest, la comtesse de Montfort charge Gautier de Mauny de délivrer ce château et d'en faire lever le siége aux Français. Partis d'Hennebont le matin, Gautier de Mauny et les siens arrivent vers le soir [307] devant Conquest; ils reprennent le château pris la veille LII par les Français, le laissent vide et sans garde, car il n'est pas tenable, et retournent à Hennebont. P. 155, 156, 379 à 383.

Louis d'Espagne investit Dinan et fait faire bateaux et nacelles pour assaillir cette place de toutes parts, par terre et par eau. Les bourgeois de Dinan prennent peur, car la place n'est pas forte et n'est fermée que de palissades; leur capitaine, Renaud de Guingamp, fils du châtelain de Guingamp, s'efforce en vain de les rassurer. Après quatre jours de siége, les assiégés se rendent aux Français et mettent à mort sur la place du marché Renaud de Guingamp qui s'oppose à cette reddition; Louis d'Espagne leur donne pour capitaines Gérard de Mâlain et Pierre Portebœuf trouvés prisonniers à Dinan. P. 156 et 157, 383 et 384, 386 et 387.

Louis d'Espagne, une fois maître de Dinan, se dirige vers une très-grosse ville située sur le flux de la mer qu'on appelle Guérande [308] et l'assiége par terre. Il trouve assez près de là, dans un havre [309] qui est un des plus fréquentés de Bretagne, un certain nombre de navires chargés de vins que des marchands de Poitou, de Saintonge et de la Rochelle, ont amenés pour les vendre. Louis d'Espagne fait main basse sur les cargaisons; il embarque sur les navires ses gens d'armes et partie des Espagnols et des Génois. Assaillie par terre et par mer, la ville de Guérande est emportée d'assaut, les habitants sont passés au fil de l'épée; cinq églises sont brûlées, mais Louis d'Espagne fait pendre vingt-quatre de ceux qui y ont mis le feu. Tout est livré au pillage, et l'on recueille un butin considérable, car Guérande est une ville grande, riche et marchande. P. 156 et 157, 384, 387 et 388.

Tandis que Louis d'Espagne et Ayton Doria s'embarquent avec les Espagnols et les Génois sur les navires pris à Guérande, le vicomte de Rohan, l'évêque de Léon, Hervé de Léon son neveu vont rejoindre Charles de Blois devant Auray. A la nouvelle de l'arrivée de Gautier de Mauny et des Anglais, le roi de France a envoyé une foule de seigneurs grossir les rangs de l'armée de Bretagne, notamment Louis de Poitiers, comte de Valentinois, les comtes d'Auxerre, de Joigny, de Porcien, de Boulogne, les LIII seigneurs de Beaujeu, de Châteauvillain, de Noyers, d'Anglure, de Catillon, d'Offémont, de Roye, d'Aubigny et Moreau de Fiennes. Malgré ce renfort, le château d'Auray n'est pas encore pris, mais ceux de dedans souffrent tellement de la famine, qu'à défaut d'autre nourriture, ils mangent en huit jours tous leurs chevaux. La plupart des gens d'armes de la garnison sont tués une nuit qu'ils tentent de se sauver à la dérobée en traversant les lignes des assiégeants. Toutefois, Henri et Olivier de Spinefort parviennent à s'échapper et vont droit à Hennebont. C'est ainsi que le château d'Auray est pris après dix semaines de siége. P. 158, 385, 388.

Charles de Blois va assiéger la cité de Vannes dont Geffroi de Malestroit est capitaine pour la comtesse de Montfort. Le second jour du siége, des Bretons et autres soudoyers du parti de Montfort qui tiennent garnison au fort de Ploërmel viennent réveiller les Français. Deux chevaliers de Picardie qui font le guet cette nuit là, les seigneurs de Catillon et d'Aubigny, donnent l'éveil; les agresseurs sont enveloppés et tués ou mis en fuite. Ce même jour, les assiégeants s'emparent du bourg [310] situé au pied de la cité et du fort jusqu'aux barrières. Les bourgeois de Vannes prennent le parti de se rendre malgré les efforts de Geffroi de Malestroit qui s'enfuit Hennebont sous un déguisement. Charles de Blois passe cinq jours à Vannes, y laisse comme capitaines Hervé de Léon, Olivier de Clisson, et va assiéger Carhaix. P. 159, 160, 385 et 386.

CHAPITRE XLIX.
1342. DÉFAITE DE LOUIS D'ESPAGNE PRÈS DE QUIMPERLÉ; SIÉGE DE LA ROCHE-PIRIOU, DU FAOUËT, ET PRISE DE LA FOREST PAR GAUTIER DE MAUNY [311] (§§ 172 à 174).

Louis d'Espagne et Ayton Doria s'embarquent avec un certain nombre de gens d'armes sur les navires pris à Guérande et vont LIV ravager la Bretagne bretonnante, notamment les environs de Quimperlé, de Quimper-Corentin et de Saint-Mathieu [312]; ils font des descentes sur les côtes et courent tout ce pays dont ils entassent les dépouilles sur leurs navires. A cette nouvelle, Gautier de Mauny, qui se tient à Hennebont auprès de la comtesse de Montfort, prend la mer avec une flotte montée par cinq cents hommes d'armes et deux mille archers. Cette flotte parvient à joindre celle de Louis d'Espagne et d'Ayton Doria dans le havre de Quimperlé. Gautier de Mauny saisit l'instant où les Français sont descendus à terre pour piller le littoral, il fond à l'improviste sur leurs navires sans défense et les capture; puis il laisse sa flotte sous la garde de cent hommes d'armes et de trois cents archers, met pied à terre et marche à la rencontre de Louis d'Espagne. P. 160, 161, 392, 393, 388, 389.

Gautier de Mauny et Louis d'Espagne se livrant un combat acharné aux environs de Quimperlé [313]. Gautier de Mauny a réparti ses gens en trois batailles. Louis d'Espagne met en déroute la première bataille dans un engagement où il fait chevalier son neveu Alphonse d'Espagne, mais il ne peut tenir tête malgré son courage aux deux autres batailles accourues au secours de la première et auxquelles les paysans des environs viennent prêter main forte; il est forcé de prendre la fuite après avoir perdu presque tous les siens, entre autres Alphonse son cher neveu: il se jette dans une grosse barque et se sauve à force de voiles avec quelques-uns de ses compagnons. Gautier de Mauny fait appareiller sa flotte en toute hâte et se met à la poursuite des fugitifs. Louis d'Espagne aborde à Redon au moment où ses ennemis sont sur le point de le ratteindre; il réussit à leur échapper en montant sur de petits chevaux qu'il emprunte et à l'aide desquels il gagne précipitamment la cité de Rennes voisine de Redon. Gautier de Mauny et les siens font voile de Redon pour revenir LV par mer à Hennebont, mais les vents contraires les forcent à prendre terre à trois lieues de Dinan [314] d'où ils vont assiéger la Roche-Piriou. Gérard de Mâlain, autrefois capitaine de ce château, est revenu depuis six jours y tenir garnison par l'ordre de Charles de Blois. Gautier de Mauny commande l'assaut, mais ceux de dedans repoussent les assaillants par le jet de pierres et de poutres, par le tir de leurs canons et de leurs arcs à tour. Deux chevaliers, Jean le Bouteiller et Hubert de Frenay, sont blessés en montant à l'assaut; on les porte dans un pré situé au pied du château et où sont déjà gisants un certain nombre d'autres blessés. P. 161 à 164, 393 à 396, 389 à 391.

Renier de Mâlain, frère de Gérard, châtelain d'un autre petit fort appelé le Faouët [315] situé à moins d'une lieue de la Roche-Piriou, accourt avec quarante de ses compagnons pour porter secours à son frère; il trouve au pied du château assiégé Jean le Bouteiller, Hubert de Frenay et les autres hommes d'armes blessés du côté des assaillants étendus au milieu d'un pré; il n'a pas de peine à les faire prisonniers et revient les mettre sous bonne garde dans sa forteresse du Faouët. Indignés d'une si lâche surprise, Gautier de Mauny et Amauri de Clisson abandonnent la Roche-Piriou et viennent assiéger le Faouët pour délivrer leurs compagnons. Gérard de Mâlain veut alors rendre à son frère Renier service pour service; il monte à cheval, part une nuit de la Roche-Piriou et arrive un peu devant le jour à Dinan [316] où il implore le secours de Pierre Portebœuf, son bon compagnon, en LVI faveur de son frère Renier. Il réussit à faire accueillir favorablement sa demande et ne tarde pas à revenir vers le Faouët avec un corps de six mille auxiliaires fournis par les bourgeois de Dinan. Gautier de Mauny, craignant de se trouver pris entre les gens d'armes amenés par Gérard de Mâlain, d'une part, et l'armée de Charles de Blois, de l'autre, lève le siége du Faouët. P. 164 à 166, 397 à 399, 401.

Avant de rentrer dans Hennebont, Gautier de Mauny met le siége devant le château de Ghoy le Forest [317]. Charles de Blois, à qui ce château s'est rendu quinze jours auparavant, y a maintenu comme capitaine Gui de Ghoy, auquel il a adjoint Hervé de Léon; mais ces deux chevaliers sont absents au moment où Gautier de Mauny se présente devant la forteresse confiée à leur garde: ils sont allés se joindre au gros de l'armée française qui assiége Carhaix. Gautier de Mauny profite de leur absence pour emporter d'assaut Ghoy le Forest, qui est un château merveilleusement fort; il passe la garnison au fil de l'épée, et revient après ce beau fait d'armes à Hennebont. P. 167, 168, 400 à 402.

LVII

CHAPITRE L.
1342. SIÉGE ET OCCUPATION DE CARHAIX PAR CHARLES DE BLOIS.—SECOND SIÉGE D'HENNEBONT PAR LES FRANÇAIS, SIGNALÉ PAR UN MERVEILLEUX EXPLOIT DE GAUTIER DE MAUNY ET LEVÉE DE CE SIÉGE.—REDDITION DE JUGON A CHARLES DE BLOIS.—TRÊVE ENTRE LES BELLIGÉRANTS SUIVIE DU DÉPART DE JEANNE DE MONTFORT POUR L'ANGLETERRE [318] (§§ 175 à 180).

La comtesse de Montfort donne un grand dîner pour fêter le retour de Gautier de Mauny et de ses compagnons; elle prend plaisir à leur faire conter leurs exploits et leurs aventures.—Gérard de Mâlain, informé que les Anglais ont pris Ghoy le Forest et l'ont laissé sans garde, fait réparer ce château par les paysans des environs, a soin de le pourvoir de vivres ainsi que d'artillerie et y met bonne garnison. P. 168, 169, 402.

Pendant ce temps, Charles de Blois maintient toujours le siége devant Carhaix [319]. Les assiégés appellent en vain à deux ou trois reprises Jeanne de Montfort à leur aide. Désespérée de son impuissance, la comtesse envoie des messagers en Angleterre et les charge d'informer Édouard III, son allié, de la détresse où elle se trouve réduite après la prise de Rennes, de Vannes et de plusieurs autres places par Charles de Blois; elle conjure le roi d'Angleterre d'expédier en Bretagne de nouveaux secours, sans quoi elle ne répond pas de l'avenir.—Sur ces entrefaites, les habitants de Carhaix, pressés par la famine et se voyant abandonnés à leurs seules forces par la comtesse de Montfort, prennent le parti de se rendre et font leur soumission à Charles de Blois. P. 169, 170, 402, 403.

Après la reddition de Carhaix, Charles de Blois va mettre une seconde fois le siége devant Hennebont, il investit la ville et le château défendu par l'élite de la chevalerie bretonne et anglaise. Le quatrième jour du siége, Louis d'Espagne vient se joindre aux assiégeants après être resté six semaines à Rennes pour la guérison de ses blessures. Du reste, ce n'est pas le seul renfort que LVIII reçoit Charles de Blois. Tous les jours il voit arriver à son camp des chevaliers de France qui, revenant de guerroyer avec le roi Alphonse d'Espagne contre les Sarrasins de Grenade et apprenant à leur passage en Poitou qu'il y a guerre en Bretagne, accourent y prendre part. Charles de Blois fait dresser seize grandes machines qui lancent d'énormes pierres contre les murailles d'Hennebont et dans l'intérieur de la ville. Les assiégés n'en ont cure; du haut des remparts ils essuient par bravade la face extérieure des créneaux avec leurs chaperons. «Allez donc, crient-ils aux assiégeants, allez donc chercher vos compagnons qui se reposent au camp de Quimperlé!» P. 170, 171, 403, 404.

Louis d'Espagne, qui veut tirer vengeance de la mort de son neveu Alphonse tué à Quimperlé, se fait délivrer par Charles de Blois, Jean le Bouteiller et Hubert de Frenay, deux des compagnons de Gautier de Mauny, qui au retour de l'expédition de Quimperlé ont été faits prisonniers devant la Roche-Piriou par Renier de Mâlain et enfermés au Faouët; puis, malgré les instances de Charles et des autres seigneurs français, il déclare, une fois que les deux prisonniers sont entre ses mains, qu'il les va mettre à mort. Gautier de Mauny, informé par ses espions du sort cruel réservé à ses deux compagnons d'armes, entreprend de les arracher au péril qui les menace. Tandis qu'Amauri de Clisson, en s'avançant vers l'heure du dîner jusque sur le bord des fossés avec trois cents armures de fer et mille archers, fait sortir les assiégeants en masse de leurs campements et les occupe à des escarmouches, Gautier de Mauny sort d'Hennebont par une poterne avec cent ou deux cents compagnons d'élite et cinq cents archers à cheval, gagne par un chemin détourné le camp français où il n'est resté que des valets, se fait conduire par ses espions droit à la tente où l'on garde les deux prisonniers, les délivre et rentre avec eux dans Hennebont. En revanche, deux chevaliers de la garnison, le seigneur de Landerneau et le châtelain de Guingamp sont pris dans une sortie par les assiégeants et se soumettent le soir même à Charles de Blois. P. 171 à 177, 404 à 409, 411.

Cependant le siége d'Hennebont ne fait aucun progrès. Le château est très-fort, et la garnison, aussi nombreuse qu'aguerrie, peut se ravitailler tous les jours par mer. D'un autre côté, l'hiver approche: on est entre la Saint-Remy (1er octobre) et la Toussaint (1er novembre); et le pays des environs a été tellement ravagé LVIX que les assiégeants ne savent plus où trouver vivres ni fourrages. Toutes ces raisons déterminent Charles de Blois à donner congé au gros de son armée, et le siége d'Hennebont est levé vers la Saint-Luc (18 octobre). La plupart des seigneurs de France retournent chez eux, et Charles de Blois avec les gens d'armes qui lui restent prend ses quartiers [320] d'hiver à Carhaix. P. 176 à 178, 409 à 412.

Sur ces entrefaites, un riche bourgeois et un grand marchand de Jugon [321], qui fait tous les approvisionnements de la comtesse de Montfort, tombe entre les mains de Robert de Beaumanoir, maréchal de l'armée de Charles de Blois. Ce bourgeois, pour sauver sa vie et recouvrer sa liberté, s'engage à livrer Jugon aux Français. Charles de Blois laisse une partie de ses gens à Carhaix sous les ordres de Louis d'Espagne, et vient en personne avec cinq cents lances à Jugon, dont le bourgeois qui est de sa connivence lui ouvre à minuit les portes. La ville une fois prise, le château lui-même finit, après quelque résistance, par se rendre au vainqueur. Gérard de Rochefort est maintenu comme capitaine de la garnison par Charles de Blois qui retourne à Carhaix. Bientôt, par les soins d'Yvon de Trésiguidy, au nom de la comtesse de Montfort, et de Robert de Beaumanoir, au nom de Charles de Blois, une trêve est conclue entre les belligérants qui doit durer jusqu'à la mi-mai [322] 1343. Aussitôt après la conclusion de cette trêve, la comtesse de Montfort s'embarque à Hennebont et se rend en Angleterre auprès d'Édouard III, tandis que Charles de Blois vient à Paris faire visite au roi Philippe de Valois, son oncle. P. 178 à 181, 412 à 417.

LXVI 1

CHRONIQUES
DE J. FROISSART.

LIVRE PREMIER

§ 99. Quant li rois de France eut oy recorder comment

li Haynuier avoient ars ens ou pays de Tierasse,

pris et occis ses chevaliers, et destruit le bonne ville

de Aubenton, saciés que il ne prist mies ceste cose

en gré, mais commanda à son fil le duch de Normendie 5

que il mesist une grosse chevaucie sus, et

s'en venist en Haynau, et sans deport atournast tel

le pays que jamais ne fust recouvret. Et li dus respondi

qu'il le feroit volentiers. Encores ordonna li

rois de France le conte de [Lille [323]], gascon qui se tenoit 10

adonc à Paris dalés lui et que moult amoit, que il

mesist sus une grosse chevaucie de gens d'armes, et

s'en alast en Gascongne et y chevauçast, comme lieutenans

dou roy de France, et guerriast durement et

2

radement Bourdiaus et Bourdelois et toutes les forterèces

qui là se tenoient pour le roi d'Engleterre. Li

contes dessus dis obey au commandement dou roy

et se parti de Paris, et fist son mandement à Thoulouse 5

à estre à closes Paskes, li quelz mandemens fu

tenus, ensi que vous orés chà en apriès, quant tamps

et lieus sera. Encores renforça grandement li rois de

France l'armée qu'il tenoit sus mer et le grosse armée

des escumeurs. Et manda à monsigneur Hue

Kieret et à Barbevaires, et as aultres chapitainnes, 10

qu'il fuissent songneus de yaus tenir sus les mètes

de Flandres, et que nullement il ne laiassent le roy

d'Engleterre rapasser ne prendre port en Flandres;

et se par leur coupe en demoroit, il les feroit morir

de male mort. 15

Avoech tout ce, vous avés bien oy recorder comment

de nouviel li Flamench s'estoient alloiiet, par

saiellet, avoecques le roi d'Engleterre, et li avoient

juret à lui aidier à poursievir sa guerre, et li avoient

fait encargier les armes de France, et li avoient fait 20

hommage de tout ce dont tenu estoient au roy de

France, et li fisent encores prendre title et nom de

roy de France; et cils rois les avoit absols et quittés

de une grande somme de florins dont obligiet il estoient

de jadis et loiiet au roy de France. Dont il 25

avint que, quant li rois Phelippes oy ces nouvelles,

se ne li pleurent mies bien, tant pour ce qu'il avoient

fait hommage à son adversaire, que pour ce que li

rois englès, comme rois de France, les avoit quittés

de le somme et de l'obligation, ce que nullement il 30

ne pooit faire. De quoi encores, pour yaus retraire,

il leur manda par un prelat, sus l'ombre dou pape,

3

qu'il tenissent ferme et estable leur sierement; autrement,

il jetteroit une sentense entre yaus; non obstant

ce et le petite et foible information qu'il avoient

eu, se il se voloient recognoistre et retourner à lui et à

le couronne de France, et relenquir le roi d'Engleterre 5

qui enchanté les avoit, il leur pardonroit son

mautalent et leur quitteroit la ditte somme, et leur

donroit et saieleroit pluiseurs belles francises en son

royaume. Li Flamench n'eurent mies adonc conseil

ne acord de ce faire, et respondirent qu'il se tenoient 10

bien pour absols et pour quittes de tout ce où obligiet

estoient, tant c'au roi de France. Et quant li rois

de France vei qu'il n'en aroit aultre cose, si s'en

complaindi au pape Clement VIe qui regnoit pour le

temps, li quelz papes jetta une sentense et un escumeniement 15

en Flandres si horrible et si grant que il

n'estoit nulz prestres qui y volsist celebrer ne faire

le divin offisce. De quoi li Flamench furent moult

courouchiet; et en envoiièrent complaintes grandes

et grosses au roi englès, li quelz, pour yaus apaisier, 20

leur manda que de ce il ne fuissent noient effraet.

Car, la première fois qu'il rapasseroit, il lor menroit

des prestres de son pays qui chanteroient messe en

Flandres, volsist li papes ou non, car il est bien privilegiiés

de ce faire. Parmi tant s'apaisièrent li Flamench. 25

§ 100. Quant li rois de France vei que, par nulle

voie ne pourkas qu'il [sceust [324]] faire ne moustrer, il

ne poroit ratraire les Flamens ne oster de leur oppinion,

4

si commanda à chiaus qu'il tenoit en garnison,

de Tournay, de Lille, de Douay et des chastiaus voisins,

que il fesissent guerre as Flamens, et courussent

en leur pays et sans deport. Dont il avint que

messires Mahieus de Roie, qui pour le temps se tenoit 5

dedens Tournay, et messires Mahieus de Trie,

mareschaus de France, avoech monsigneur Godemar

dou Fay et pluiseur aultre, misent une chevaucie sus

de mille armeures de fier, tous bien montés, et trois

cens arbalestriers, tant de Tournay, de Lille que de 10

Douay, et se partirent de le cité de Tournay un soir

apriès souper, et chevaucièrent tant que sus le point

dou jour il vinrent devant Courtrai, et accueillièrent,

devant soleil levant, toute le proie de là environ.

Et coururent li coureur jusques as portes, et occirent 15

et mehagnièrent aucuns hommes qu'il trouvèrent

ens ès fourbours, et puis s'en retournèrent arrière

sans damage. Et prisent ces gens d'armes leur tour

deviers le rivière dou Lis et devers le Warneston, en

accueillant et en menant devant yaus toute le proie 20

qu'il trouvèrent et encontrèrent; et ramenèrent ce

jour en le cité de Tournay plus de dix mille blanches

bestes, et bien otant que pors, que bues, que

vaches, dont il eurent grant pourfit et grant butin.

Et en fu la ditte cités bien pourveue et rafreschie un 25

grant temps et largement avitaillie.

Ces nouvelles, qui ne furent mies trop plaisans

pour les Flamens, s'espandirent parmi Flandres. Si

en fu durement li pays esmeus et tourblés. Et en 30

vinrent les complaintes à Jakemon d'Artevelle qui se

tenoit à Gand. Pour quoi li dis d'Artevelles fu durement

courouciés, et dist et jura que ceste fourfaiture

5

seroit amendée ou pays de Tournesis. Si fist son

mandement par tout, et commanda parmi les bonnes

villes de Flandres que tout vuidassent et fuissent,

à un certain jour qu'il y assigna, avoecques lui, devant

le cité de Tournay; et escrisi au conte de Sallebrin 5

et au conte de Sufforch, qui se tenoient en

garnison en le ville de Ippre, qu'il se traissent de

celle part. Et encores pour mieus moustrer que la

besongne estoit sienne et qu'elle li touchoit, il se

parti de Gand moult estoffeement, et s'en vint entre 10

le ville d'Audenarde et de Tournay, sus un certain

pas que on dist au Pont de Fier; et se loga là, attendans

les dessus dis contes d'Engleterre et ossi

chiaus dou Franch de Bruges.

§ 101. Quant li doi conte d'Engleterre dessus 15

nommet entendirent ces nouvelles, si ne veurent

mies pour leur honneur delaiier; ains renvoiièrent

tantost devers d'Artevelle, en disant que il seroient

là au jour qui assignés y estoit. Sur ce il se partirent

assés briefment de le ville d'Ippre, environ cinquante 20

lances et quarante arbalestriers, et se misent au chemin

pour venir là où d'Artevelles les attendoit. Ensi

qu'il chevauçoient et qu'il leur couvenoit passer au

dehors de le ville de Lille, leur venue fu seue en la

ditte ville. Dont s'armèrent secretement cil de le ville 25

de Lille, et se partirent de lor ville bien quinze cens,

à piet, à cheval, et se misent et establirent en trois

agais, afin que cil ne les peuissent mies escaper. Et

vinrent li pluiseur et li plus certain sus un pas, entre

haies et buissons, et là s'embuschièrent. 30

Or chevauçoient adonc cil doi conte englès et

6

leur route, sus le guiement monsigneur Wafflart de

le Crois, qui un grant temps avoit guerriiet chiaus

de Lille, et encores guerrioit, quant il pooit; et s'estoit

tenus celle saison à Ippre, pour yaulz mieus

guerriier, et se faisoit fors que d'yaus mener sans peril, 5

car il savoit toutes les adrèces et les torses voies.

Et encores en fust il bien venus à chief, se cil de

Lille n'euissent fait au dehors de leur ville un grant

trencheis nouvellement, qui n'estoit mies acoustumés

d'estre. Et quant cilz messires Wafflars les eut 10

amenés jusques à là, et il vei que on leur avoit

copet le voie, si fu tous esbahis et dist as contes

d'Engleterre: «Mi signeur, nous ne poons nullement

passer le chemin que nous alons, sans nous

mettre en grant dangier et ou peril de chiaus de Lille. 15

Pour quoi, je conseille que nous retournons et prendons

ailleurs nostre chemin.» Adonc respondirent

li baron d'Engleterre: «Messire Wafflart, jà n'avenra

que nous issons de nostre chemin pour chiaus

de Lille. Chevauciés toutdis avant, car nous avons 20

acertefiiet d'Artevelle que nous serons ce jour, à

quèle heure que soit, là où il est.» Lors chevaucièrent

li Englès sans nul esmay. Et quant messires Wafflars

vei que c'estoit acertes, et que il ne pooit estre creus

ne oys, si fist son marchiet tout avant et dist: «Biau 25

signeur, voirs est que pour gide et conduiseur en ce

voiage vous m'avés pris, et que tout cel yvier je me

sui tenus avoecques vous en Ippre, et me loe de

vostre compagnie et de vous grandement. Mais toutes

fois, se il avient que cil de Lille sallent ne issent 30

hors contre nous ne sur nous, n'aiiés nulle fiance

que je les doie attendre, mès me sauverai au plus

7

tost que je porai. Car se j'estoie pris ne arrestés par

aucun kas de fortune, ce seroit sus ma tieste que j'ai

plus chier que vostre compagnie.»

Adonc commenchièrent li chevalier à rire, et disent

à monsigneur Wafflart qu'il le tenoient bien 5

pour escuset. Tout ensi qu'il l'imagina en avint, car

il ne se donnèrent de garde; si se boutèrent en l'embusce,

qui estoit grande et forte, et bien pourveue

de gens d'armes et d'arbalestriers, qui les escriièrent

tantost: «Avant, avant, par chi ne poés vous passer 10

sans no congiet.» Lors commencièrent il à traire

et à lancier sus les Englès et leur route. Et si tretost

que messires Waufflars en vei la manière, il n'eut

cure de chevaucier plus avant, mès retourna au plus

tost qu'il peut, et se bouta hors de le presse et se 15

sauva, et ne fu mies pris à celle fois. Et li doi signeur

d'Engleterre, messires Guillaumes de Montagut,

contes de Sallebrin, et li contes de Sufforch escheirent

en le main de leurs ennemis, et furent

mieulz pris c'à le roit, car il furent embuschiet en 20

un chemin estroit, entre haies et espines et fossés à

tous lés, si fort et par tel manière qu'il ne se pooient

ravoir ne retourner, ne monter, ne prendre les camps.

Toutes fois, quant il veirent le mesaventure, il descendirent

tout à piet et se deffendirent ce qu'il peurent, 25

et en navrèrent et mehagnièrent assés de chiaus

de le ville. Mais finablement leur deffense ne vali

noient, car gens d'armes frès et nouviaus croissoient

toutdis sus yaus. Là furent il pris et rançonné de

force, et uns escuiers jones, de Limozin, neveus dou 30

pape Clement, qui s'appelloit Raymons; mais depuis

qu'il fu creantés prisons, fu il occis pour le couvoitise

8

de ses belles armeures, dont moult de bonnes

gens en furent courouciet.

Ensi furent pris et retenu li doi conte d'Engleterre

et mis en la halle de Lille en prison, et depuis

envoiiet en France par devers le roy Phelippe, qui 5

en eut grant joie et en seut grant gret à chiaus de

Lille. Et dist adonc li dis rois et prommist à chiaus

de le ville de Lille qu'il leur seroit guerredonné

grandement, car il li avoient fait un biau service. Et

quant Jakemars d'Artevelle, qui se tenoit au Pont de 10

Fier, en seut nouvelles, si en fu durement courouciés,

et brisa pour ceste avenue son pourpos et sen

emprise, et donna ses Flamens congiet, et s'en retourna

en le ville de Gand.

§ 102. Nous retourrons, car la matère le requiert, 15

as guerres de Haynau et à le contrevengance que li

rois de France y fist prendre par le duch Jehan

de Normendie, son ainsnet fil. Li dus, au commandement

et ordenance dou roy son père, fist son especial

mandement à estre à Saint Quentin et là environ, 20

et se parti de Paris environ Paskes, l'an mil

trois cens et quarante, et vint à Saint Quentin. Là

estoient avoech lui li dus d'Athènes, li contes de

Flandres, li contes d'Auçoirre, li contes de Sansoirre,

li contes Raoulz d'Eu connestables de France, 25

li contes de Porsiien, li contes de Roussi, li contes

de Brainne, li contes de Grantpret, li sires de Couci

et grant fuison de noble chevalerie de Normendie et

des basses marces. Quant il furent tout assamblé à

Saint Quentin ou là environ, si fu regardé par le 30

connestable, le conte de Ghines et les mareschaus

9

de France, monsigneur Robert Bertran et monsigneur

Mahieu de Trie, quel nombre de gens d'armes

il pooient estre; si trouvèrent qu'i(l) estoient bien

six mille armeures de fier, chevaliers et escuiers, et

bien huit mille, que brigans, que bidaus, que aultres 5

gens poursievant l'ost. C'estoit assés, si com il

disoient entre yaus, pour combatre le conte de Haynau

et toute se poissance. Si se misent as camps par

l'ordenance des mareschaus, et se partirent tout de

Saint Quentin, et s'arroutèrent devers le Chastiel en 10

Chambresis, et passèrent dehors Bohain, et chevaucièrent

tant qu'il passèrent le Chastiel en Chambresis.

Et s'en vinrent logier li dus de Normendie et

toute son host en le ville de Montais sus le rivière

de Selles. Or vous dirai une grant apertise d'armes 15

que messires Gerars de Werchin, seneschaus de Haynau

pour le temps, fist et entreprist, laquèle doit

bien estre recordée et tenue à grant proèce.

§ 103. Li seneschaus de Haynau dessus nommés

sceut bien par ses espies que li dus de Normendie 20

estoit logiés à Saint Quentin, et que ses gens manechoient

durement le pays de Haynau. Avoech tout

ce, il sceut l'eure et le venue dou dit duch, qui estoit

arrestés à Montais, dehors le forterèce dou Chastiel

en Chambresis. Si s'avisa en soi meismes, comme 25

preus chevaliers et entreprendans, qu'il iroit le duch

escarmuchier et resvillier. Si pria aucuns chevaliers

et escuiers, ce qu'il en peut trouver dalés lui, que il

volsissent aler où il les menroit, et il li eurent en

couvent. Si se parti de son chastiel de Wercin, environ 30

soixante lances en se compagnie tant seulement.

10

Et chevaucièrent depuis soleil esconsant, et fisent

tant que il vinrent à Forès, à l'issue de Haynau,

et à une petite liewe de Montais; et pooit estre environ

jour falli. Si tretost qu'il eurent chevauciet

oultre le ville de Forès, il fist toutes ses gens arrester 5

en mi uns camps, et leur fist restraindre leurs armeures

et recengler leurs chevaus, et puis leur dist

se pensée et che qu'il voloit faire. Et il en furent

tout joiant, et li disent qu'il s'enventuroient volentiers

avoecques lui, et ne le faurroient jusques au 10

morir, et il leur dist grant mercis. Avoecques lui estoient:

des chevaliers, messires Jakemes dou Sart,

messires Henris de Husphalize, messires Oliphars de

Ghistelles, messires Jehan dou Chastelet, li sires de

Vertain, li sires de Fontenoit et li sires de Wargni; 15

et des escuiers, Gilles et Thieris de Sommaing, Bauduins

de Biaufort, Colebiers de Braille, Moriaus de

Lestines, Sandrars d'Esquarmain, Jehans de Robersart,

Bridoulz de Thians et pluiseur aultre. Puis chevaucièrent

tout quoiement, et vinrent à Montais et 20

se boutèrent en le ville. Et ne faisoient li François

point de gait.

Et descendirent premierement li seneschaus et tout

li compagnon devant un grant hostel où il cuidoient

certainnement que li dus de Normendie fust, mais il 25

estoit un aultre hostel avant. Et laiens estoient logiet

doi grant signeur de Normendie, li sires de Bailluel

et li sires de (Briauté [325]). Si furent assalli vistement,

et li porte de leur hostel boutée oultre. Quant li doi

chevalier se veirent ensi souspris et oïrent crier: 30

11

«Haynau au senescal!», si furent moult esbahi.

Nompourquant il se misent à deffense, ce qu'il peurent;

mès li sires de Bailluel fu là occis, dont ce fu

damages, et li sires de (Briauté) fianciés prisons dou

dit seneschal, et eut couvent sus se loyauté de venir 5

dedens trois jours tenir prison en Valenchiènes. Dont

se commenchièrent François à estourmir et à widier

leurs hostels, et à alumer grans feus et tortis, et à

resvillier l'un l'autre. Meismement on resvilla le dit

duch de Normendie, et le fist on armer en grant 10

haste, et aporter sa banière devant son hostel et desveloper.

Là se traioient toutes gens d'armes de leur

costé. Quant li Haynuier perchurent les François ensi

estourmis, si ne veurent plus demorer, mais se retrairent

bellement et sagement devers leurs chevaus; 15

et montèrent sus et se partirent, quant il se furent

remis ensamble; et en menèrent jusques à dix ou

douze bons prisonniers; et retournèrent sans damage,

car point ne furent poursievi, pour tant qu'il faisoit

brun et tart; et vinrent, environ l'aube crevant, 20

au Kesnoi. Là se reposèrent il et rafreschirent, et

puis vinrent à Valenchiennes.

Or parlerons dou duch de Normendie, qui moult

courouchiés estoit dou despit que li Haynuier li

avoient fait. Si commanda au matin à deslogier et à 25

entrer en Haynau, pour tout ardoir sans deport.

Dont s'arroutèrent li charoi, et chevaucièrent li signeur,

li coureur premiers qui estoient bien deux

cens lances. Et en estoient chapitainne messires Thiebaus

de Moruel, li Gallois de le Baume, li sires de

Mirepois, li sires de Rainneval, li sires de Saint Pi,

messires Jehans de Landas, li sires d'Astices, li sires 30

12

de Hangès et li sires de Cramelles. Apriès chevauçoient

li doi mareschal de France en grant route,

messires Robers Bertrans et messires Mahieus de

Trie; et estoient bien cinq cens lances; et puis li

dus de Normendie avoech grant fuison de contes, de 5

barons et de tous aultres chevaliers. Si entrèrent li

dit coureur en Haynau et ardirent Forest, Vertain,

Vertigneul, Esquarmain, Vendegies ou Bos, Vendegies

sus Escallon, Bermerain, Calaumes, Senlèces et

les fourbours dou Kesnoi, et se logièrent sus le rivière 10

d'Uintiel. A l'endemain, il passèrent oultre et

ardirent Oursineval, Villers en le Cauchie, Gommegnies,

Marech, Pois, Presiel, Anfroipret, Preus, Le

Frasnoit, Obies et le bonne ville de Bavai et tout le

pays jusques à le rivière de Honniel. Et eut ce second 15

jour grant assaut et escarmuce au chastiel de

Werchin de le bataille des mareschaus, mès noient n'i

fisent, car il fu bien gardés et bien deffendus. Et s'en

vint li dus de Normendie logier sus le rivière de

Selles entre Haussi et Sausoir. Or vous parlerons dou 20

signeur de Faukemont, qui fu uns moult rades chevaliers,

d'une grant apertise d'armes qu'il fist.

§ 104. Messires Walerans, sires de Fauquemont,

estoit chapitainne et gardiiens de le ville de Maubuege,

et bien cent lances d'Alemans et de Haynuiers 25

avoecques lui. Quant il sceut que li François chevauçoient,

qui ardoient le pays, et ooit les povres

gens criier et plorer et plaindre le leur, si en eut

grant pité, si s'arma et fist ses gens armer, et recommanda

le ville de Maubuege au signeur de Biaurieu 30

et au signeur de Montegni, et dist à ses gens qu'il

13

avoit très grant desir de trouver les François. Si chevauça

ce jour, toutdis costiant les bois et le forest de

Mourmail. Quant ce vint sus le soir, il aprist et entendi

que li dus de Normendie et toute sen host estoient

logiet sus le rivière de Selles, assés priès de 5

Haussi. De che fu il tous joians et dist briefment qu'il

les iroit resvillier. Si chevauça ceste vesprée tout sagement,

et environ mienuit il passa le ditte rivière à

gués, et toute se route. Quant il furent oultre, ilz rechenglèrent

leurs chevaus et se remisent à point, et 10

puis chevaucièrent tout souef jusques adonc qu'il

vinrent au logeis dou duch. Quant il deurent approcier,

ilz ferirent chevaus des esporons tout d'un randon,

et se plantèrent en l'ost le duch en escriant:

«Faukemont! Faukemont!», et commencièrent à 15

coper cordes, et à ruer jus et à abatre tentes et pavillons

par terre, et à occire et à decoper gens, et

d'yaus mettre en grant meschief. Li hos se commença

à estourmir, et toutes gens à armer et à traire

celle part là où la noise et li hustins estoit. Quant li 20

sires de Faukemont vei que poins fu, il se retray arrière.

Et en retraiant ses gens tout sagement fu mors,

de[s] François, li sires de Pikegni pikart, et fianciés

prisons li viscontes de Kesnes et li Borgnes de Rouvroi,

et durement blechiés messires Antones de 25

Kodun. Quant li sires de Faukemont eut fait sen emprise,

et il vei que temps fu, et que li hos s'estourmissoit,

il se parti et toutes ses gens; et rapassèrent

le rivière de Selles sans damage, car point ne furent

poursievi. Et chevaucièrent depuis tout bellement, 30

et vinrent d'environ soleil levant au Kesnoi où li

mareschaus de Haynau se tenoit, messires Thieris de

14

Walecourt, qui leur ouvri le porte et les rechut liement.

Et li dus de Normendie fu moult courouciés de

ses gens que on avoit occis et blechiés et fianchiés

prisons et dist: «Agar comment cil Haynuier nous 5

resveillent!» A l'endemain, au point dou jour, fist

on sonner les trompètes en l'ost le duc de Normendie.

Si se armèrent et ordonnèrent toutes manières

de gens, et misent à cheval, et arroutèrent le charoi,

et passèrent le ditte rivière de Selles, et entrèrent de 10

rechief en Haynau, car li dus voloit venir vers Valenchiènes

et aviser comment il le poroit assegier.

Chil qui chevauçoient devant, li mareschaus de Mirepois,

li sires de Noiiers, li Gallois de le Baume et

messires Thiebaus de Moruel, à bien quatre cens lances 15

sans les bidaus, s'en vinrent devant le Kesnoy

et approchièrent le ville jusques as barrières, et fisent

samblant qu'il le vorroient assallir; mès elle estoit

si bien pourveue de bonnes gens d'armes et de

grant artillerie qu'il y euissent perdu leur painne. 20

Nompourquant il escarmucièrent un petit devant les

bailles, mais on les fist tantost retraire, car cil dou

Kesnoi descliquièrent canons et bombardes qui jettoient

grans quariaus. Si se doubtoient li François de

leurs chevaus, et se retraisent par devers Wargni et 25

ardirent Wargni le Grant et Wargni le Petit, Fielainnes,

Faumars, Semeries, Artre, Artriel, Sautain, Curgies,

Estruen, Ausnoy et Villers monsigneur Polle.

Et en voloient les flamesces et li fascon en le ville

de Valenchiènes. Et vinrent cil coureur courir par 30

devant Valenchiènes. Et entrues ordonnoient li François

leurs batailles sus le mont de Chastres priès de

15

Valenchiènes, et se tenoient là en grant estoffe et

moult richement. Dont il avint que environ deux

cens lances des leurs, dont li sires de Craon et li sires

de Maulevrier et li sires de Matefelon et li sires

d'Avoir estoient conduiseur, s'avalèrent devers Maing, 5

et vinrent assallir une forte tour quarée, qui pour le

temps estoit Jehan Bernir de Valenchiènes. Depuis

fu elle à Jehan de Nuefville. Là eut grant assaut, dur

et fort, et dura priès que tout le jour, ne on n'en

pooit les François partir; si en y eut il mors ne sai 10

cinq ou six. Et si bien se tinrent et deffendirent cil

qui le gardoient qu'il n'i prisent point de damage.

Si s'en vinrent li plus de ces François à Trit, et cuidièrent

de premières venues là passer l'Escaut; mais

cil de le ville avoient deffait le pont et deffendoient 15

le passage roidement et fierement. Et jamais à cel

endroit ne l'euissent li François conquis, mais il en

y eut entre yaus de chiaus qui cognissoient le passage

et le rivière et le pays; si en menèrent bien

deux cens de piet passer as plankes à Prouvi. Quant 20

cil furent oultre, il vinrent tantos baudement sus

chiaus de Trit qui n'estoient c'un petit ens ou regard

d'yaus, et ne peurent durer; si tournèrent en fuite.

Si en y eut des mors et des navrés et des noiiés pluiseur.

25

Ce meismes jour, estoit partis de Valenchiènes li

seneschaus de Haynau à cent armeures de fier, et issus

de le ville par le porte d'Anzaing; et pensoit bien

que cil de Trit aroient à faire; si les voloit secourir.

Dont il avint que, deseure Saint Vaast, il trouva de 30

rencontre environ vint cinq coureurs françois que

troi chevalier de Poito menoient, messires Bouchicaus

16

li uns, li sires de Surgières li aultres, et messires

Guillaumes Blondiaus li tiers; et avoient passet

l'Escaut assés priès de Valenchiènes, au pont c'on

dist à le Tourielle; et avoient courut par droite bachelerie

deseure Saint Vaast. Si tretost que li senescaus 5

de Haynau les perchut, si fu moult liés, car

bien perchut et vit que c'estoient si ennemit, et feri

apriès yaus et toute se route ossi. Là eut bonne

jouste des uns as aultres. Et me samble que li seneschaus

de Haynau porta jus de cop de lance monsigneur 10

Bouchicau, qui estoit adonc moult apers chevaliers,

et fu plus encores depuis et marescaus de

France, si com vous orés avant en l'ystore; et le fist

fiancier prison et l'envoia en Valenchiènes; mais je

ne sçai comment ce poet estre, car li sires de Surgières 15

escapa et se sauva, et ne fu point pris. Mès il fu

pris messires Guillaumes Blondiel et fiança prison à

monsigneur Henri de Husphalise, et furent priès tout

li aultre mort et pris. Cilz rencontres detria grandement

le senescal de Haynau qu'il ne peut venir à 20

temps au pont à Trit; mais l'avoient jà conquis li

François, quant il y vint; et mettoient grant painne

à abatre les moulins et un petit chastelet qui là estoit.

Mès si tretost que li senescaus vint en le ville,

il n'eurent point de loisir, car il furent reboutet et 25

reculet villainnement, occis, decopé et mis en cache.

Et les fist on sallir en le rivière d'Escaut, dont il en

y eut aucuns noiiés, et en fu li ville de Trit adonc

toute delivrée. Et vint li senescaus de Haynau passer

l'Escaut à Denaing, et puis chevauça et toute se route 30

vers son chastiel de Werchin, et se bouta dedens

pour le garder et deffendre, se mestier faisoit. Et encores

17

se tenoit li dus de Normendie et ses batailles

sus le mont de Castres, et se tint en bonne ordenance

le plus grant partie dou jour, car il cuidoit

que cil de Valenciènes deuissent widier et lui venir

combatre. Ossi fuissent il très volentiers. Mès messires 5

Henris d'Antoing, qui avoit la ville en garde, leur

deveoit et deffendoit, et estoit à le porte [cambresienne]

moult ensonniiés et en grant painne de yaus

destourner de non vuidier, et li prevos de le ville

pour le temps, (avoecques lui,) Jehans de Baissi, qui 10

les affrenoit ce qu'il pooit, et leur moustra adonc

tant de belles raisons qu'il s'en souffrirent.

§ 105. Quant li dus de Normendie et ses batailles,

qui très belles estoient à regarder, ensi que ci dessus

est deviset, se furent tenu un grant temps sus le 15

mont de Castres, et il veirent que nulz ne venroit

ne isteroit hors de Valenchiènes pour yaus combatre,

adonc furent envoiiet li dus d'Athènes et li sires de

Chastellon, et bien trois cens lances de fortes gens

et bien montés, pour courir jusques à Valenciènes. 20

Chil chevaucièrent en très bonne ordenance, et vinrent

au lés devers le Tourielle à Goguel, et chevaucièrent

moult arreement jusques as bailles de le ville;

mais il n'i demorèrent point plenté, car il ressongnièrent

le tret pour leurs chevaus. Et toutes fois li 25

sires de Chastillon chevauça si avant que ses coursiers

fu trais et chei desous lui, et le couvint monter

sus un aultre. Ceste chevaucie prist son tour devers

les Marlis et les ardirent, et abatirent tous les moulins

qui là estoient sus le rivière de Wintiel, et puis 30

prisent leur tour par derrière les Chartrois et revinrent

18

à leur bataille. Or vous di qu'il estoient demoret

aucun compagnon françois derrière en le ville

des Marlis, pour mieus fourer à leur aise. Dont il

avint que cil qui gardoient une tour, qui là est as

hoirs de Haynau, et fu jadis à monsigneur Robert de 5

Namur de par ma dame Yzabiel de Haynau sa femme,

perchurent ces François qui là estoient, et si veirent

bien que li grosse chevaucie estoit retraite: si issirent

baudement hors, et les assallirent de grant corage:

et les menèrent telz qu'il en tuèrent bien la 10

moitiet, et leur tollirent tout leur pillage, et puis retournèrent

en leur tour.

Encores se tenoient les batailles sus le mont de

Castres, et tinrent tout le jour jusques apriès nonne,

que li coureur revinrent de tous costés. Dont eurent 15

conseil là entre yaus moult grant et disoient li signeur

que, tout consideret, il n'estoient mies gens

assés pour assegier une si grande ville que Valenchiènes

est. Si eurent finablement conseil de departir

d'illuech, et de yaus retraire deviers Cambray. Si 20

s'en vinrent ce soir logier à Maing et à Fontenielles,

et furent là toute la nuit, et fisent bon gait et grant.

A l'endemain, il s'en partirent, mais il ardirent Maing

et Fontenielles et toute l'abbeye, qui estoit à ma

dame Jehane de Valois, ante dou dit duch et soer 25

germainne au roy son père. De quoi li dus fu moult

courouciés, et fist pendre chiaus qui le feu y avoient

mis et bouté. A ce departement, fu pararse li ville de

Trit, et li chastiaus et li moulin abatu, et Prouvi,

Rouvegni, Thians, Monciaus, et tous li plas pays 30

entre Cambrai et Valenciènes.

Ce jour, au matin, issirent de Valenchiènes aucun

19

compagnon legier, quant il seurent le departement

des François, et s'en vinrent sus les camps, entour

le mont de Castres, ù li François avoient esté logiet,

et y trouvèrent encores des vivres et des pourveances

que li François y avoient laissies, et pluiseur logeis 5

où il avoit encores aucuns brigans et Geneuois

qui tant avoient beu dou soir qu'il s'estoient enivré

et dormoient encores. Si boutèrent cil dit compagnon

de Valenciènes le feu en ces logis, et ardirent

là dedens le[s] dis brigans. Car quant il sentoient le 10

feu, il s'esvilloient et cuidoient sallir hors; mais il estoient

decaciet ens de leurs ennemis à plançons et à

goudendars. Toutes fois, il en y eut un qui salli hors,

mais il fu pris par piés et par gambes et par bras,

et jettés en un grant feu qui estoit fais devant le dit 15

logis, et là fu tous ars. Si est grans meschiés de ce

que chrestiien destruisent ensi li uns l'autre sans

pité.

Che jour chevauça tant li dus de Normendie qu'il

vint devant Escauduevre, un bon chastiel et fort dou 20

conte de Haynau, seant sus le rivière d'Escaut, et

qui moult grevoit chiaus de Cambrai, avoecques

chiaus de le garnison de Thun l'Evesque. Dou chastiel

d'Escauduevre estoit chapitainne et souverains

messires Gerars de Sassegnies, qui devant ce n'avoit 25

eu nulle reproce de diffame. Or ne sçai je que ce fu

ne qui l'enchanta, mès li dus n'ot pas sis devant le

forterèce six jours quant elle li fu rendue sainne et

entière, dont tous li pays fu esmerveilliés. Et en furent

souspeçonnet de trahison messires Gerars de 30

Sassegnies, et uns siens escuiers, qui s'appelloit Robers

Mariniaus. Chil doi en furent pris et encoupet,

20

et en morurent villainnement à Mons en Haynau. Et

chil de Cambrai abatirent le chastiel d'Escauduevre,

et en portèrent le pière à Cambray, et en fisent remparer

et refortefiier leur ville.

§ 106. Apriès le prise et le destruction d'Escauduevre, 5

se retray li dus Jehans de Normendie en le

cité de Cambray, et donna une grant partie de ses

gens d'armes congiet, et les aultres envoia ens ès

garnisons de Lille et de Douay et des forterèces voisines.

Et avint en celle meismes sepmainne que Escauduevre 10

fu pris, que li François qui en Douay estoient

issirent hors, et chil de Lille avoech yaus, et

pooient estre environ trois cens lances. Et les conduisoient

messires Loeis de Savoie et messires Aymars

de Poitiers, li contes de Genève, li sires de Villars, 15

et li Gallois de le Bausme avoecques le signeur de

Wavrain et le signeur de Wasiers, et vinrent en celle

chevaucie ardoir en Haynau ce biau plain pays d'Ostrevan.

Et ne demora riens dehors (les fortrèches [326]),

dont cil de Bouçain furent moult courouciet, car il 20

veoient les feus et les fumières au tour d'yaus, et se

n'i pooient mettre remède. Si envoiièrent il en Valenchiènes

en disant que, (se) de nuit il (vouloient [327]) issir

hors environ cinq cens ou six cens armeures de fier, il

porteroient grant damage as François qui estoient 25

encores tout quoi et logiet ou plain pays; mais cil de

Valenciènes n'en eurent point conseil de partir, ne de

vuidier leur ville. Par ensi n'eurent li François point

21

d'encontre; si ardirent il Anich et le moitiet d'Ascons,

Escaudain, Here, Fenain, Denain, Montegni, Warlain,

Mauni, Aubrecicourt, l'Ourch, Sauch, Ruet, (Nuefville [328]),

le Lieu Saint Amant et tous les villages qui en ce

pays estoient, et en remenèrent grant pillage et grant 5

proie en leurs garnisons. Et quant cil de Douay furent

retrait, li saudoiier de Bouçain issirent hors et

chevaucièrent et ardirent l'autre partie de le ville

d'Ascons, qui se tenoit françoise, et tous les villiaus

françois jusques ens ès portes de Douay, et le ville 10

d'Eskierchin.

Ensi que je vous ay dit, les garnisons sus les frontières

estoient pourveues et garnies de gens d'armes,

et souvent y avoit des chevaucies et des rencontres

et des fais d'armes des uns as aultres, ensi que en 15

telz besongnes appertient. Si avint, en celle meisme

saison, que saudoiier alemant se tenoient [329] de par

l'evesque de Cambray en le Malemaison, à deux

liewes dou Chastiel Cambrisien, et marchissant d'autre

part plus priès de Landrecies, dont li sires de Potelles, 20

uns appers chevaliers haynuiers, estoit chapitainne

et gardiiens, car li contes Loeis de Blois, quoi

qu'il en fust sires, avoit rendu son hommage au

conte de Haynau, pour tant qu'il estoit françois, et

li contes le tenoit en se main et le faisoit garder pour 25

les François. Si avoient souvent le hustin cil de le

Malemaison et cil de Landrecies ensamble. Dont un

jour sallirent hors de le Malemaison li dessus dit

Alemant bien armé et bien monté, et vinrent courir

22

devant le ville de Landrechies, et acueillièrent le

proie, et l'en menoient devant yaus, quant la nouvelle

et li haros en vint en Landrechies entre les Haynuiers

qui là se tenoient. Donc s'arma li sires de

Potielles et fist armer les compagnons, et montèrent 5

à cheval et se partirent pour rescourre as Alemans

le proie qu'il en menoient. Si estoit adonc li sires de

Potielles tout devant, et le sievoient ses gens, cescuns

qui mieus mieus. Ils, qui estoit de grant volenté

et plains de hardement, abaissa son glave et escria as 10

François qu'il retournaissent, car c'estoit hontes de

fuir.

Là avoit un escuier alemant que on appelloit Albrest

de Coulongne, apert homme d'armes durement,

qui fu tous honteus quant il vey que on le cachoit 15

ensi; si retourna franchement et abaissa son glave,

et feri cheval des esporons, et s'adreça sus le signeur

de Potielles, et li chevaliers sur lui, telement qu'il le

feri sus sa targe un si grant horion que la glave vola

en tronchons. Et li Alemans le consievi par tel manière, 20

de son glave roide et enfumée, que onques ne

brisa ne ne ploia, mès percha la targe, les plates et

l'auqueton, et li entra dedens le corps, et le poindi

droit au coer, et l'abati jus dou cheval navré à mort.

Donc vinrent li compagnon haynuier, li sires de 25

Bousies, Gerars de Mastain et Jehans de Mastain et

li aultre qui de priès le sievoient, qui s'arrestèrent

sur lui, quant en ce parti le veirent, et le regretèrent

durement; et puis requisent les François fierement

et asprement, en contrevengant le signeur de Potielles 30

qui là gisoit navrés à mort. Et combatirent et

assalirent si dur Albrest et se route qu'il furent desconfi,

23

mort et pris. Peu en escapèrent, et la proie

(fu) rescousse et ramenée, et li prisonnier ossi en

Landrecies, et li sires de Potièles mors, dont tout

li compagnon furent cou(rou)ciet [330].

§ 107. Apriès le signeur de Potielles, li sires de 5

Floion fu un grant temps gardiiens de le ville et dou

chastiel de Landrechies, et couroit souvent sus chiaus

de Bohain, de le Malemaison et dou Chastiel en Cambresis

et des forterèces voisines, qui ennemies leur

estoient. Ensi couroient un jour li Haynuier et l'autre 10

li François. Si y avoit souvent des rencontres et

des escarmuces et des rués jus des uns et des aultres,

car au voir dire telz besongnes le requièrent. Si estoit

li pays de Haynau en grant tribulacion et en grant

esmay, car une partie de leur pays estoit ars et essilliés; 15

et si sentoient encores le duch de Normendie

sus les frontières, et ne savoient qu'il avoit empenset,

et si n'ooient nulles (nouvelles [331]) de leur signeur

le conte. Bien est voirs qu'il avoit estet en Engleterre

où li rois et li baron dou pays l'avoient grandement 20

honnouré et festiiet; et avoit fait et juret

grans alliances au roy englès, et s'en estoit partis et

alés en Alemaigne devers l'empereour Loeis de Baivière:

c'estoit la cause pour quoi il sejournoit tant.

D'autre part, messires Jehans de Haynau, ses oncles, 25

estoit alés en Braibant et en Flandres, et avoit remoustré

au dit duch de Braibant et à Jakemon d'Arteveille

le desolation dou pays de Haynau, et comment

24

li Haynuier leur prioient qu'il y volsissent entendre

et pourveir de conseil. Li dessus dit l'en

avoient respondut que li contes ne pooit longement

demorer; et, lui revenu, il estoient tout appareilliet

d'aler à tout leur pooir là où il les vorroit mener. 5

Or revenrons nous au duch de Normendie, et recorderons

comment il assega chiaus de Thun l'Evesque.

§ 108. Entrues que li dus de Normendie se tenoit

en le cité de Cambray, li dis evesques et li bourgois

dou lieu li remoustroient comment li Haynuier 10

avoient pris et emblet le fort chastiel de Thun, et

que, par amours et pour se honneur et le pourfit del

commun pays, il vosist mettre conseil et entente au

ravoir, car chil de le garnison constraindoient durement

le pays de là environ. Li dis dus y entendi 15

volentiers, et fist de recief semonre ses hos, et mist

ensamble grant fuison de signeurs et de gens d'armes,

qui se tenoient en Artois et en Vermendois, les

quelz il avoit eus en se première chevaucie; et se

parti de Cambray et s'en vint à toutes ses gens logier 20

devant Thun, sus le rivière d'Escaut, en ces biaus

plains au lés deviers Ostrevant. Et fist li dus là amener

et achariier six grans engiens de Cambray et de

Douay, et les fist drecier et asseoir fortement devant

le forterèce. Chil engien y gettoient nuit et jour pières 25

et mangonniaus à grant fuison, qui effondroient

et abatoient les combles et les tois des tours, des

cambres et des salles, et constraindirent par ce dit

assaut durement chiaus dou chastiel. Et n'osoient li

compagnon qui le gardoient demorer en cambre ne 30

en salle qu'il euissent, fors en caves et en celiers.

25

Onques gens d'armes ne souffrirent, pour lor honneur,

en forterèce, tant de painne ne de meschief

que cil fisent. Des quelz estoit souverains et chapitains

uns chevaliers englès qui s'appelloit messires

Richars de Limozin, et ossi doi escuier de Haynau, 5

frères au signeur de Mauni, Jehans et Thieris. Chil

troi dessus tous les aultres en avoient toute le carge,

le painne et le fais, et tenoient les aultres compagnons

en vertu et en force, et leur disoient: «Biau

signeur, nos sires li gentilz contes de Haynau venra 10

un de ces jours à si grant ost contre les François,

qu'il nous delivera à toute honneur de ce peril, et

nous sara grant gré de ce que si francement nous

serons tenu.»

Ensi reconfortoient li troi dessus dit les compagnons 15

qui n'estoient mies à leur aise, car pour yaus

plus grever et plus tost amener à merci, cil de l'host

leur jettoient et envoioient par leurs engiens chevaus

mors et bestes mortes et puans, pour yaulz empunaisier,

dont il estoient là dedens en grant destrèce. 20

Car li airs estoit fors et chaus ensi qu'en plain esté,

et furent plus adit et constraint par cel estat que par

aultre cose. Finablement, il regardèrent et considerèrent

entre yaus que celle mesaise il ne pooient longement

souffrir ne porter, tant leur estoit la punaisie 25

abhominable. Si eurent conseil et avis de trettier

unes triewes à durer quinze jours, et là en dedens

segnefiier leur povreté à monsigneur Jehan de Haynau,

qui est regars et gardiiens de tout le pays, à fin

qu'il en fuissent conforté; et se il ne l'estoient, il 30

renderoient le forterèce au dit duch de Normendie.

Chilz trettiés fu entamés et mis avant. Li dus leur

26

acorda et mist en souffrance tous assaus et leur donna

triewes quinze jours, qui fisent moult de biens as

compagnons dou dit fort, car aultrement il euissent

esté tout mort et empunaisiet sans merci, tant leur

envoioit (on [332]) de charongnes pouries et d'aultres ordures 5

par les engiens. Si fisent tantost partir Ostelart

de Sommaing par le trettiet devisant, qui s'en vint

à Mons en Haynau, et trouva là le signeur de Byaumont

qui avoit oy nouvelles de son neveu le conte

de Haynau qui revenoit en son pays, et avoit estet 10

devers l'Empereur et fait grans alliances à lui et as

signeurs de l'Empire, le duch de Gerles, le conte de

Jullers, le markis de Blankebourch et tous les aultres.

Si en enfourma li sires de Byaumont le dit escuier

Ostelart de Sommaing, et li dist bien que chil 15

de Thun l'Evesque seroient temprement conforté,

mès que ses cousins fust revenus ou pays.

§ 109. Le triewe durant, qui fu prise entre le duch

de Normendie et les saudoiiers de Thun, si com vous

avés oy, revint li contes de Haynau en son pays, 20

dont toutes manières de gens furent resjoy, car moult

l'avoient desiret. Se li recorda li sires de Byaumont,

ses oncles, comment les coses avoient alet depuis

son departement, et à quel poissance li dus de Normendie

avoit entré ne sejourné en son pays, et ars 25

et destruit tout par delà Valenciènes, excepté les forterèces.

S'en respondi li contes qu'il seroit bien amendet,

et que li royaumes de France estoit grans assés

pour avoir ent satisfation de toutes ces fourfaitures;

27

mès briefment il voloit aler devant Thun l'Evesque

et conforter ses bonnes gens qui gisoient là si honnourablement,

et qui si loyaument s'i estoient tenu

et deffendu. Si fist li contes ses mandemens et ses

priières en Braibant, en Guerles, en Jullers et en Alemaigne 5

et ossi en Flandres devers son bon ami d'Artevelle.

Et s'en vint li dis contes à Valenciènes, à

grant fuison de gens d'armes, chevaliers et escuiers

de son pays et des pays dessus nommés, et toutdis

li croissoient gens. Et se parti de Valenciènes en 10

grant arroy de gens d'armes, de charoi, de tentes,

de trés, de pavillons et de toutes aultres pourveances,

et s'en vint logier à Nave sur ces biaus plains et

ces grans prés, tout contreval le rivière d'Eschaut.

Là estoient des signeurs de Haynau avoec le dit 15

conte et en bon arroy: premierement messires Jehans

de Haynau, ses oncles, li sires d'Enghien, li sires

de Wercin, seneschaus de Haynau, li sires d'Antoing,

li sires de Ligne, li sires de Barbençon, li

sires de Lens, messires Guillaumes de Bailluel, li sires 20

de Haverech, chastellains de Mons, li sires de Montegni,

li sires de Marbais, messires Thieris de Wallecourt,

mareschaus de Haynau, li sires de le Hamède,

li sires de Gommegnies, li sires de Roisin, li sires de

Trasegnies, li sires de Briffuel, li sires de Lalain, li 25

sires de Mastain, li sires de Sars, li sires de Wargni,

li sires de Biauriu et pluiseur aultre chevalier et escuier,

qui tout se logoient dalés leur signeur. Assés

tost apriès, y revint li jones contes Guillaumes de

Namur moult estoffeement à deux cens lances, et se 30

loga ossi sus le rivière d'Escaut en l'ost le conte.

Apriès revinrent li dus de Braibant à bien sis cens

28

lances, li dus de Guerles, li contes de Jullers, li markis

de Misse et d'Eurient, li markis de Blankebourch,

li contes des Mons, li sires de Faukemont, messires

Ernoulz de Bakehen, et grant fuison d'autres signeurs

et gens d'armes d'Alemagne et de Witephale. Si se 5

logièrent tout li un apriès l'autre, sus le rivière d'Escaut,

à l'encontre de l'ost françoise; et estoient plentiveusement

(pourveu [333]) de tous vivres, qui leur venoient

tous les jours de Valenchiènes et dou pays de

Haynau voisin à yaus. 10

§ 110. Quant cil signeur se furent logiet, ensi que

vous avés entendu, sus le rivière d'Escaut, et mis

entre Nave et Yvuis, li dus Jehans de Normendie,

qui estoit d'autre part le rivière avoecques lui moult

belle gent, vey que li hos son cousin le conte de 15

Haynau croissoit durement; si segnefia tout l'estat au

roy de France, son père, qui se tenoit à Peronne en

Vermendois, et estoit tenus plus de six sepmainnes

à grant gent. Lors fist li rois de recief une semonse

très especial, et envoia jusques à douze cens lances de 20

bonnes gens d'armes en l'ost son fil. Et assés tos

apriès, il y vint comme saudoiiers au duch son fil,

car il ne pooit nullement venir à main armée sus

l'Empire, se il voloit tenir son sierement, ensi qu'il

fist. Et fu tout dis li dis dus chiés et souverains de 25

ceste armée, mais il s'ordonnoit par le conseil dou

roy son père.

Quant cil de Thun l'Evesque veirent lor signeur

le conte de Haynau venu si poissamment, si en furent

29

moult joiant, che fu bien raisons, car moult

l'avoient desiret, et bien en pensoient à estre delivret.

Le quatrime jour apriès qu'il furent là venu et

(hostilliet [334]) à host, vinrent cil de Valenciènes en grant

arroy, des quelz Jehans de Baissi, qui prevos estoit 5

pour le temps, se faisoit mestres et gouvrenères. Si

tretost que cil de Valenciènes furent venu, on les

envoia escarmucier as François sus le rivage de l'Escaut,

pour ensonniier chiaus de l'host, et pour faire

chiaus de le garnison de Thun l'Evesque voie. Là 10

eut grant escarmuce des uns as aultres, et pluiseur

quariel tret et lanciet, et tamaint homme navret et

bleciet. Entrues qu'il entendoient au paleter, li compagnon

de Thun l'Evesque, messires Richars de Limozin

et li aultre se partirent dou chastiel et se misent 15

en l'Escaut. On leur ot appareilliet batiaus et

nacelles, en quoi on les ala querir d'autre part le

rivage; si furent amenet en l'ost et devers le conte

de Haynau, qui liement et doucement les rechut et

les honnoura moult dou bon service qu'il li avoient 20

fait, quant si longement et à tel meschief il s'estoient

tenu en Thun l'Evesque.

§ 111. En dementrues que ces deux hos estoient

ensi assamblées pour le fait de Thun l'Evesque et logies

sus le rivière d'Escaut, li François devers France 25

et li Haynuier sus leur pays, couroient li fourier fourer

là où par tout trouver il le pooient de l'un lés et

de l'autre, mès point ne se trouvoient ne encontroient,

car la rivière d'Escaut estoit entre deus. Mais

30

li François parardirent et coururent tout le pays

d'Ostrevant, che qui demoret y estoit, et li Haynuier

tout le pays de Cambresis. Et là vint en l'ayde dou

conte de Haynau et à se priière, Jakemes d'Artevelle

à plus de soixante mille Flamens tous bien armés, et 5

se logièrent poissamment à l'encontre des François.

Quant il furent venu, moult en fu li contes de Haynau

liés, car son host en fu grandement renforcie; si

manda par ses hiraus au duch de Normendie, son

cousin, que bataille se peust faire entre yaus, et que 10

ce seroit blasmes pour toutes les parties, se si grant

gent d'armes qui là estoient se departoient sans bataille.

Li dus de Normendie respondi, à ceste fois,

qu'il en aroit avis. Chil avis et consaulz fu si lons

que li hiraut s'en partirent adonc sans avoir certainnes 15

responses. Dont il avint que, le tierch jour

apriès, li contes de rechief y renvoia, pour mieus

savoir l'intension dou dit duch et des François. Li

dus en respondi qu'il n'estoit mies encores bien consilliés

de combatre ne de mettre y journée, et dist encores 20

ensi que li contes de Haynau estoit trop hastieus.

Quant li contes oy ces parolles, se li sambla uns

detriemens; si manda tous les plus grans barons de

l'host et premierement le duch de Braibant, son

grant signeur, et tous les aultres ensiewant, et puis 25

leur remoustra sen intention et le response dou duc

de Normendie; si en demanda à avoir conseil. Adonc

regardèrent il cescuns l'un l'autre, et ne veult nulz

respondre premiers. Toutes fois li dus de Braibant

parla, pour tant que c'estoit li plus grans de toute 30

l'ost et tenus li plus sages; si dist que de faire un

pont ne de combatre as François il n'estoit mies d'acort,

31

car il savoient de certain que li rois englès devoit

proçainnement passer le mer et venir assegier le

cité de Tournay: «Se li avons, ce dist li dus, prommis

et juret foy, amour et ayde de nous et des nostres;

dont se nous nos combatons maintenant, et li 5

fortune fust contre nous, il perderoit son voiage, ne

nul confort il n'aroit de nous. Et se li journée estoit

pour nous, il ne nous en saroit gré, car c'est se intention

que jà sans lui, qui chiés est de ceste guerre,

nous ne nos combatons au pooir de France. Mais 10

quant nous serons devant Tournay, il avoecques

nous et nous avoecques lui, et li rois de France sera

d'autre part, à envis se departiroient si grans gens

sans bataille. Si vous conseille, biaus filz, que vous

vos partés de chi, car vous y sejournés à grant frait, 15

et donnés congiet toutes manières de gens d'armes;

si s'en revoist cescuns en son lieu, car dedens dix

jours vous orés nouvelles dou roy d'Engleterre.» A

ce conseil se tinrent li plus grant partie des signeurs

qui là estoient; mais il ne pleut mies encores trop 20

bien au conte de Haynau, et pria as signeurs et as

barons tous en general qui là estoient qu'il ne se

volsissent mies encores partir, car ce seroit trop grandement,

ce li sambloit, contre se honneur, se li

François n'estoient combatu; et il li eurent tout en 25

couvent. A ces parolles issirent il hors de parlement,

et se retrest cescuns à son logeis. Trop volentiers se

fuissent departi chil de Brousselles et de Louvaing,

car il estoient si tané que plus ne pooient. Et en parlèrent

pluiseurs fois au duch, leur signeur, et li remoustrèrent 30

qu'il gisoient là à grant frait, et riens

n'i faisoient.

32

§ 112. Quant li contes de Haynau vey son conseil

variier, et qu'il n'estoient mies bien d'acort de passer

le rivière d'Escaut, et de combatre les François,

si en fu durement courouciés. Si appella un jour son

oncle, monsigneur Jehan de Haynau, et li dist: 5

«Biaus oncles, montés à cheval, et chevaucherés selonch

ceste rivière, et appellerés qui que soit homme

d'onneur en l'ost françoise, et dirés de par moy que

je leur liverai pont pour passer, mès que nous aions

trois jours de respit ensamble tant seulement pour le 10

faire, et que je les voel combatre, comment que soit.»

Li sires de Byaumont, qui veoit son neveut en grant

desir de combatre ses ennemis, li acorda volentiers,

et dist qu'il iroit et feroit le message. Si vint à son

logeis et s'apparilla bien et frichement, lui troisime 15

de chevaliers tant seulement, li sires de Fagnuelles

et messires Florens de Biaurieu, et son pennon devant

lui, montés sus bons coursiers, et chevaucièrent

ensi sus le rivage d'Escaut.

Et avint que, de l'autre part, li sires de Byaumont 20

aperçut un chevalier de Normendie, le quel il recogneut

par ses parures; si l'appella et dist: «Sire de

Maubuisson, sire de Maubuisson, parlés à moy!» Li

chevaliers qui se oy nommer, et qui ossi recogneut

monsigneur Jehan de Haynau, par le pennon de ses 25

armes qui estoit devant lui, s'arresta et dist: «Sire,

que plaist vous?»—«Je vous pri, dist li sires de

Byaumont, que vous voelliés aler devers le roy de

France et son conseil, et leur dittes que li contes de

Haynau m'envoie chi pour prendre une triewe tant 30

seulement qu'uns pons soit fais sus ceste rivière, par

quoi vos gens ou li nostre le puissent passer. Et ce

33

que li rois ou li dus de Normendie en responderont,

si le me venés dire, car je vous attenderai tant que

vous serés revenus.»—«Par ma foy, dist li chevaliers,

monsigneur, volentiers.»

Atant se depa(r)ti li sires de Maubuisson, et feri 5

cheval des esporons, et vint jusques en la tente dou

roy de France, où li dus de Normendie estoit adonc

personelment, et grant fuison d'autres signeurs. Li

sires de Maubuisson salua le roy, le duch et tous les

signeurs, et relata son message bien et deuement, 10

ensi qu'il apertenoit, et que cargiés en estoit. Quant

il fu oys et entendus, on l'en respondi moult briefment

et li dist on: «Sire de Maubuisson, vous dirés

de par nous à celui qui chi vous envoie, que en

tel estat où nous avons tenu le conte de Haynau 15

jusques à ores, nous le tenrons en avant, et li ferons

despendre et engagier sa terre: ensi sera il guerriiés

de deux costés. Et quant bon nous samblera, nous

enterons en sa terre si à point que nous li pararderons

tout son pays.» 20

Ces parolles ne plus ne mains raporta li sires de

Maubuisson à monsigneur Jehan de Haynau, qui là

l'attendoit sus le rivage. Et quant la relation l'en fu

faite, si dist au chevalier: «Grant mercis!» Lors s'en

parti et s'en revint arrière à leur logeis, et trouva le 25

conte de Haynau, son (neveu), qui jeuoit as eschés

au conte de Namur. Li contes se leva si tost qu'il

vey son oncle, et li demanda nouvelles. «Sire, dist

messires Jehans de Haynau, à ce que je puis veoir et

considerer, li rois de France et ses consaulz prendent 30

grant plaisance en ce que vous sejournés chi à grant

frait, et dient ensi qu'il vous feront despendre et engagier

34

toute vo terre. Et quant bon leur samblera, il

vous combateront, non à vostre volenté ne aise,

mais à le leur.» De ces responses fu li contes de Haynau

tous grigneus, et dist qu'il n'iroit mies ensi.

§ 113. Nous nos tairons un petit à parler dou 5

duch de Normendie et dou conte de Haynau, et parlerons

dou roy Edouwart d'Engleterre, qui estoit

mis sus mer pour venir et arriver, selonch se intention,

en Flandres, et puis venir en Haynau aidier à

guerriier le conte, son serourge, contre les François. 10

Ce fu le jour devant le vegille Saint Jehan Baptiste,

l'an mil trois cens et quarante, qu'il nagoit par mer

à belle carge de naves et de vaissiaus. Et estoit toute

sa navie partie dou havene de Tamise, et s'en venoit

droitement pour arriver à l'Escluse. 15

Et adonc se tenoient entre Blankeberghe et l'Escluse

et sus le mer messires Hues Kierés, messires

Pières Bahucés et Barbevaire, à plus de sept vint

gros vaissiaus sans les hokebos. Et estoient bien Normans,

Bidaus, Geneuois et Pikars quarante mille. Et 20

estoient là ancré et arresté, au commandement dou

roy de France, pour attendre le revenue dou roy

d'Engleterre, car bien savoient qu'il devoit rapasser;

se li voloient veer et deffendre le passage, ensi qu'il

fisent bien et hardiement, tant qu'il peurent, si com 25

vous orés recorder. Li rois d'Engleterre et li sien,

qui s'en venoient tout singlant, regardent et voient

devers l'Escluse si grant quantité de vaissiaus que des

mas ce sambloient droitement uns bos; si en fu forment

esmervilliés, et demanda au patron de se navie 30

quelz gens ce pooient estre. Il respondi qu'il cuidoit

35

bien que ce fust li armée des Normans que li rois de

France tenoit sus mer, et qui pluiseurs fois li avoient

fait grant damage, et tant que ars et robet le bonne

ville de Hantonne, et conquis Christofle, son grant

vaissiel, et occis chiaus qui le gardoient et conduisoient. 5

Dont respondi li rois englès: «J'ay de lonch

temps desiré que je les peuisse combatre; si les combaterons,

s'il plaist à Dieu et à saint Jorge, car voirement

m'ont il fais tant de contraires que j'en voel

prendre le vengance, se g'i puis avenir.» 10

Lors fist li rois ordonner tous ses vaissiaus et mettre

les plus fors devant, et fist frontière à tous costés

de ses archiers; et entre deux nefs d'arciers, en y

avoit une de gens d'armes. Et encores fist il une bataille

sus costière, toute purainne d'arciers, pour reconforter, 15

se mestier faisoit, les plus lassés. Là y

avoit grant fuison de dames d'Engleterre, contesses,

baronnesses, chevalereuses et bourgoises de Londres,

qui venoient veoir le royne d'Engleterre à Gand, que

veue n'avoient un grant temps. Et ces dames fist li 20

rois englès bien garder et songneusement de trois cens

armeures de fier et de cinq cens arciers. Et puis pria

li rois à tous que il volsissent penser dou bien faire

et garder sen honneur; et cescuns li eut en couvent.

§ 114. Quant li rois d'Engleterre et si mareschal 25

eurent ordené leurs batailles et leurs navies bellement

et sagement, il fisent tendre et traire les voiles

contremont, et vinrent au vent, de quartier, sus destre,

pour avoir l'avantage dou soleil, qui en venant

lor estoit ou visage. Si s'avisèrent et regardèrent que 30

ce les pooit trop nuire, et detriièrent un petit, et

36

tourniièrent tant qu'i(l) l'eurent à leur volenté. Li

Normant, qui les veoient tourniier, s'esmervilloient

trop pour quoi il le faisoient et disoient: «Il ressongnent

et reculent, car il ne sont pas gens pour

combatre à nous.» Bien veoient entre yaus li Normant,5

par les banières, que li rois d'Engleterre y estoit

personelment; si en estoient moult joiant, car

trop le desiroient à combatre. Si misent leurs vaissiaus

en bon estat, car il estoient sage de mer et bon

combatant. Et ordonnèrent Christofle, le grant vaissiel 10

que conquis avoient sus les Englès en celle meisme

anée, tout devant, et grant fuison d'arbalestriers

geneuois dedens, pour le garder et traire et escarmucier

as Englès. Et puis s'arroutèrent, à grant fuison

de trompes et de trompètes et de pluiseurs aultres 15

instrumens, et s'en vinrent requerre leurs ennemis.

Là se commença bataille dure et forte, de tous

costés. Et arcier et arbalestrier commencièrent à

traire l'un contre l'autre diversement et roidement,

et gens d'armes à approcier et à combatre main à 20

main asprement et hardiement. Et par quoi il peuissent

mieus avenir li un à l'autre, il avoient grans cros

et havés de fier tenans à chainnes; si les jettoient

ens ès nefs li un de l'autre, et les atachoient ensamble,

à fin qu'il se peuissent mieulz aherdre et plus 25

fierement combatre. Là eut une très dure et forte

bataille, et mainte apertise d'armes faite, mainte

luite, mainte prise et mainte rescousse. Là fu Christofles,

cilz grans vaissiaus, auques de commencement

reconquis des Englès, et tout chil mort et peri 30

qui le gardoient et deffendoient. Et adonc y eut grant

huée et grant noise; et approcièrent durement li Englès

37

et pourveirent incontinent Christofle, ce biel et

grant vaissiel, de purs arciers qu'il fisent passer tout

devant et combatre as Geneuois.

§ 115. Ceste bataille dont je vous parolle fu moult

felenesse et très horrible, car batailles et assaus sus 5

mer sont plus dur et plus fort que sus terre; car là

ne poet on reculer ne fuir, mais se fault vendre et

combatre, et attendre l'aventure, et cescun endroit

de lui moustrer son hardement et se proèce. Bien

est verités que messires Hues Kierés estoit bons chevaliers 10

et hardis, et ossi messires Pières Bahucés et

Barbevaires, qui dou temps passet avoient fait maint

meschief sus mer, et mis à fin tamaint Englès. Si

dura la bataille et la pestilense, de l'eure de prime

jusques à haute nonne. Si poés bien croire que, ce 15

terme durant, il y eut mainte apertise d'armes faite.

Et couvint là les Englès souffrir et endurer grant

painne, car leur ennemit estoient quatre contre un,

et toute gent de fait et de mer. De quoi li Englès,

pour tant qu'il besongnoit, se prendoient moult 20

priès de bien faire.

Là fu li rois d'Engleterre, de sa main très bons

chevaliers, car il estoit adonc en le fleur de se jonèce.

Et ossi furent li contes Derbi, li contes de Pennebruch,

li contes de Herfort, li contes de Hostidonne, 25

(ly contes de Kent, ly contes de Norhantonne [335])

et de Clocestre, messires Renaulz de Gobehen, messires

Richars de Stanfort, li sires de Persi, messires

Gautiers de Mauni, messires Henris de Flandres,

38

messires Jehans de Biaucamp, li sires de Felleton, li

sires de Brasseton, messires Jehans Chandos, li sires

de le Ware, li sires de Muleton et messires Robers

d'Artois, qui s'appelloit contes de Ricemont, et estoit

dalés le roy en grant arroi et en bonne estoffe, et 5

pluiseur aultre baron et chevalier, plain d'onneur et

de proèce, des quelz je ne puis mie de tous parler,

ne leurs bien fais ramentevoir. Mais il s'i esprouvèrent

si bien et si vassaument, par mi un secours de

Bruges et dou pays voisin qui leur vint, qu'il obtinrent 10

le place et l'yawe. Et furent li Normant et tout

cil qui là estoient encontre yaus mort et desconfi, peri

et noiiet, ne onques piés n'en escapa que tout ne

fuissent mis à (mort [336]). Ceste avenue fu moult tost

sceue par mi Flandres et puis en Haynau. Et en vinrent 15

les certainnes nouvelles ens ès deux hos, à

heure de mienuit, devant Thun l'Evesque. Si en furent

Haynuier, Flamench, Alemant et Braibençon

moult resjoy, et li François très courouciet. Or vous

conterons dou roy englès comment il persevera 20

apriès la bataille faite.

§ 116. Quant ceste victore, ensi que dessus est

dit, fu avenue au roy englès, il demora toute celle

nuit, qui fu la vigile Saint Jehan Baptiste, sus mer

en ses naves devant l'Escluse, en grant bruit et en 25

grant noise de trompes et de nakaires et de toutes

manières de menestraudies. Et là le vinrent veoir

chil de Flandres, qui estoient enfourmé de se venue.

Si demanda li dis rois nouvelles as bourgois de Bruges,

39

de Jakemon d'Artevelle; et cil respondirent qu'il

estoit à une semonse dou conte de Haynau contre le

duch de Normendie, à plus de soixante mille Flamens.

Ces parolles furent assés plaisans au roy englès.

Quant ce vint à l'endemain, le jour Saint Jehan, 5

li rois et toutes ses gens prisent port et terre. Et se

mist li rois tout à piet, et grant fuison de se chevalerie;

et s'en vinrent en cel estat en pelerinage à

Nostre Dame d'Ardenbourch. Là oy messe li rois et

disna, et puis monta; et vint celi jour, sus le soir, à 10

Gand, où ma dame la royne sa femme estoit, qui le

rechut à grant joie. Et toutes les gens le roy et tous

leurs harnois vinrent celle part depuis petit à petit.

Li rois d'Engleterre avoit escript et segnefiiet sa

venue as signeurs qui encores estoient à Thun l'Evesque, 15

devant les François: si ques, si tretost qu'il

sceurent qu'il estoit arrivés, et qu'il avoit desconfis

les Normans, il se deslogièrent. Et donna li dis contes

de Haynau, à quel priière et mandement il estoient

là venu, toutes manières de gens congiet, exceptet 20

les corps des grans signeurs. Mais chiaus là

amena il en Valenchiènes, et les festia et honnoura

grandement, par especial le duch de Braibant et Jakemon

d'Artevelle. Et là preeça li dis d'Artevelle, en

mi le marchiet, present tous les signeurs et chiaus 25

qui le peurent oïr. Et remoustra quelz drois li rois

d'Engleterre avoit à le calenge de France, et ossi quel

poissance li troi pays avoient, Flandres, Haynau et

Braibant, quant il estoient d'un accord et d'une alliance

ensamble. Et fist tant adonc, par ses paroles 30

et par son grant sens, que toutes manières de gens

qui l'oïrent et entendirent, disent qu'il avoit durement

40

bien parlet et par grant experiense, et en fu de

tous moult loés et prisiés; et disent qu'il estoit bien

dignes de gouvrener et excerser le conté de Flandres.

Apriès ces coses faites et devisées, li signeur se

partirent li un de l'autre, et prisent un brief jour de 5

estre ensamble à Gand dalés le roy d'Engleterre. Si

y furent le sizime jour apriès, et vinrent veoir le roy,

qui les rechut à grant chière, et les conjoy et festia

moult liement. Et ossi fist la royne d'Engleterre,

Phelippe de Haynau, qui assés nouvellement estoit 10

relevée d'un fil qui s'appelloit Jehans, et fu depuis

dus de Lancastre de par ma dame, sa femme, fille

au duch Henri de Lancastre, si com vous orés recorder

avant en l'ystore. Adonc fu pris et assignés

uns certains jours de parlement, à estre à Villevort15

tous les signeurs et leurs consaulz, et li consaulz des

bonnes villes de leurs pays. Si se partirent dou roy

d'Engleterre, et s'en rala cescuns en son lieu, attendans

que li termes devoit venir pour estre à Vilvort,

si com dessus est dit. Or vous compterons un petit 20

dou roy de France, et de aucunes de ses ordenances,

(qu'il fist depuis [337]) qu'il sceut que li rois englès fu

arivés en Flandres.

§ 117. Quant li rois Phelippes de France sceut le

verité de sen armée sus mer, comment il avoient 25

esté desconfi, et que li rois englès, ses adversaires,

estoit arrivés paisievlement en Flandres, si en fu durement

courouciés, mès amender ne le peut; si se

desloga et se retray viers Arras, et donna une partie

de ses gens d'armes congiet, jusques à tant qu'il oroit 30

41

aultres nouvelles. Mais il envoia monsigneur Godemar

dou Fay en Tournay, pour là aviser des besongnes,

et penser que la cité fust bien pourveue, car il

se doubtoit plus des Flamens que d'autrui. Et mist

le signeur de Biaugeu en Mortagne, pour faire frontière 5

contre les Haynuiers; et envoia grant fuison de

gens d'armes à Saint Omer, à Aire et à Saint Venant;

et pourvei souffissamment tout le pays, sus les frontières

de Flandres.

En ce temps, regnoit uns rois en Sesille, qui s'appelloit 10

Robers, qui avoit le fame et le renommée de

estre très grans astro(no)miens, et deffendoit, ce qu'il

pooit, au roy de France et à son conseil que point

ne se combatesist au roy englès, car li dis rois englès

devoit estre trop fortunés en toutes ses besongnes. 15

Et euist volentiers veu li dis rois Robers que on euist

les dessus dis rois mis à acord et à fin de leur guerre,

car il amoit tant la couronne de France que à envis

veist se desolation. Si estoit li dessus dis rois en ce

temps venus en Avignon devers le pape Clement et 20

le Collège, et leur avoit remoustré les perilz qui

pooient estre en France, par le fait des guerres des

deux rois, et encores avoech ce priiet et requis qu'il

se volsissent ensonniier d'yaus apaisenter, pour tant

qu'il les veoit si esmeus en grant guerre où nulz 25

n'aloit au devant. De quoi li papes Clemens VIe et

li cardinal l'en avoient respondu tout à point et dit

qu'il y entenderoient volentiers, mès que li doi roy

en volsissent oïr.

§ 118 [338]. Or retourrons nous au parlement qui fu à 30

42

Vilvort, si com dessus est dit. A ce parlement qui

fu à Vilvort, furent tout cil signeur après denommet:

premierement li rois d'Engleterre, li dus Jehans de

Braibant, li contes de Haynau, messires Jehans de

Haynau, ses oncles, li dus de Guerles, li contes de 5

Jullers, li markis de Blankebourch, li markis de Misse

et d'Eurient, li contes des Mons, messires Robers

d'Artois, li sires de Faukemont, messires Guillaumes

de Duvort, li contes de Namur, Jakemes d'Artevelle,

et grant fuison d'aultres signeurs; et de toutes les 10

bonnes villes de Flandres, de Braibant et de Haynau,

deux ou quatre hommes, par manière de conseil. Là

furent parlementé et consilliet pluiseur avis et estatut

entre les signeurs et leurs pays. Et acordèrent et

seelèrent li troy pays, loist assavoir Flandres, Haynau 15

et Braibant, qu'il seroient, de ce jour en avant,

aidant et confortant l'un l'autre, en tous cas et en

tous afaires. Et se alloiièrent par certainnes couvenences

que, se li uns des trois pays avoit à faire contre

qui que ce fust, li doi autre le devoient aidier. Et 20

se il avenoit qu'il fuissent en discort dou temps à venir

li doi ensamble, li tiers y devoit mettre bon acord.

Et se il n'estoit fors pour ce faire, il s'en devoit traire

au roy d'Engleterre, en qui main ces couvenences et

alliances estoient dittes et jurées à tenir fermes et 25

estables, qui comme ressors les devoit apaisenter.

Et furent pluiseur estatut là juret, escript et seelet,

qui depuis se tinrent trop mal. Mais toutes fois,

par confirmation d'amour et d'unité, il ordonnèrent

à faire forgier une monnoie coursable ens ès trois 30

43

pays, que on appelleroit compagnons ou alloiiés. Sus

le fin des parlemens, il fu dit et arresté et regardé

pour le milleur que, environ le Magdelainne, li rois

englès s'esmouveroit et venroit efforciement mettre

le siège devant le bonne cité de Tournay. Et là y 5

devoient estre avoecques lui tout li signeur dessus

nommet, avoech leur mandement de chevaliers et

d'escuiers, et li pooirs des bonnes villes. Si se partirent

sus tel estat que pour yaus retraire en leurs

pays, et appareillier souffisanment, cescun selonch 10

che qu'il apertenoit, pour estre mieus pourveu, quant

li jours et li termes venroit qu'il devoi(en)t estre devant

le cité de Tournay, et cescuns selonch son estat.

§ 119. Or sceut li rois Phelippes, assés tost apriès

le departement de ces signeurs qui à Vilvort avoient 15

esté, le plus grant partie de l'ordenance de ce parlement

et tout l'estat, et comment li rois englès devoit

venir assegier le cité de Tournay; si s'avisa qu'il le

conforteroit telement et y envoieroit si bonne chevalerie,

que la cité seroit toute seure et bien consillie. 20

Si y envoia droitement fleur de chevalerie, le conte

Raoul d'Eu, connestable de France, et le jone conte

de Ghines, son fil, le conte de Fois et ses frères, le

conte Aimeri de Nerbonne, monsigneur Aymart de

Poitiers, monsigneur Joffroi de Chargni, monsigneur 25

Gerart de Montfaucon, ses deux mareschaus monsigneur

Robert Bertran et monsigneur Mahieu de Trie,

le signeur de Kaieus, le senescal de Poito, le signeur

de Chastillon et monsigneur Jehan de Landas. Chil

avoient avoech yaus chevaliers et escuiers, preus as 30

armes, et très bonnes gens. Si leur pria li dis rois

44

chierement qu'il vosissent si bien penser et songnier

de Tournay que nulz damages ne s'en presist; et il

li eurent en couvent. Adonc se partirent il d'Arras,

et chevaucièrent tant par leurs journées qu'il vinrent

à Tournay. Si y trouvèrent monsigneur Godemar 5

dou Fay, qui en devant y avoit esté envoiiés, qui

les rechut liement; et ossi fisent tout li homme de le

ville. Assés tost apriès che qu'il furent venu, il regardèrent

et fisent regarder as pourveances de le

cité, tant en vivres comme en artillerie, et ordonnèrent 10

bien et à point, selonch che qu'il besongnoit;

et y fisent amener et achariier, dou pays voisin,

grant fuison de blés et d'avainnes et de toutes aultres

pourveances, tant que la chité fu en bon point,

pour lui tenir un grant temps. 15

§ 120 [339]. Or retourrons au roy d'Engleterre, qui se

tenoit à Gand, dalés la royne sa femme, et entendoit

à ordener ses besongnes. Quant li termes deubt

approcier que li signeur dessus nommet se devoient

trouver devant Tournay, et que li bled commençoient 20

à meurir, li rois englès se parti de Gand à

moult belle gent d'armes de son pays, sept contes,

deux prelas, vingt huit banerès et bien deux cens

chevaliers. Et estoient Englès quatre mille hommes

d'armes et neuf mille archiers, sans le pietaille. Si 30

s'en vint et passa et toute sen host parmi le ville de

Audenarde; et puis passa le rivière d'Escaut, et s'en

vint logier devant Tournay, à le porte c'on dist

Saint Martin, ou chemin de Lille et de Douay. Assés

45

tost après, vint ses cousins li dus de Braibant, à plus

de vingt mille hommes, chevaliers et escuiers, et les

communautés de ses bonnes villes. Et se loga li dis

dus devant Tournay; et comprendoit sen host grant

quantité de terre. Et estoient Braibençon logiet au 5

Pont à Riès, contreval l'Escaut, mouvant de l'abbeye

Saint Nicolay, revenans vers le Pire et le porte Vale(n)cenoise.

Apriès estoit li contes Guillaumes de

Haynau avoech belle bachelerie de son pays; et avoit

grant fuison de Hollandois et de Zellandois, qui le 10

gardoient de priès, et le servoient ensi que leur signeur.

Et estoit li contes de Haynau logiés entre le

duch de Braibant et le roi d'Engleterre. Apriès estoit

Jakemes d'Artevelle à plus (de) soixante mil Flamens

sans chiaus de Ippre, de Popringhe et de Cassiel et 15

de le chastelerie de Berghes, qui estoient envoiiet

d'autre part, ensi que vous orés chi après. Et estoit

Jakemes d'Artevelle logiés à le porte Sainte Fontainne,

d'une part de l'Escaut et d'aultre. Et avoient

li Flamench fait un pont de nefs sus l'Escaut, pour 20

aler et venir à lor aise. Li dus de Guerles, li contes

de Jullers, li markis de Blankebourch, li markis de

Misse et d'Eurient, li contes des Mons, li contes de

Saumes, li sires de Faukemont, li sires de Bakehen

et tout li Alemant estoient logiet d'autre part devers 25

Haynau, et avoient fait ossi un pont sus l'Escaut, au

dessus de Tournay, et pooient aler et chevaucier de

l'une host en l'autre. Ensi estoit la cité de Tournay

assise et environnée de tous lés et de tous costés, ne

nulz n'en pooit partir, entrer ne aler, que ce ne fust

par congiet, et qu'il ne fust veus et aperceus de 30

chiaus de l'ost, sus le quel costet que che fust.

46

§ 121. Chilz sièges fais et arrestés devant le cité de

Tournay, si com vous avés oy, dura longement. Et

estoit li hos de chiaus de dehors bien pourveue et

avitaillie de tous vivres, et à bon marchiet, car il

lor venoit de tous lés, par terre et par yawe. Si 5

y eut, le siège durant, là environ pluiseurs belles

apertises d'armes faites et pluiseurs chevaucies, des

quèles nous ferons en sievant mention. Car li

jones contes de Haynau, qui estoit hardis et entreprendans,

avoit si pris en coer ceste guerre, comment 10

que de premiers il en fu moult frois, que c'estoit

cilz par qui toutes se mettoient sus les envaies

et les chevaucies. Et se parti de l'host à une matinée,

à bien cinq cens lances, et s'en vint passer desous

Lille, et ardi le bonne ville de Seclin et grant fuison 15

de villiaus là environ. Et coururent si coureur jusques

ens ès fourbours de Lens en Artois. Tout ce fu

recordé au roy Phelippe, son oncle, qui se tenoit en

Arras; si en fu moult courouciés, mès amender ne

le peut tant c'à ceste fois. Encores apriès ceste chevaucie, 20

en remist li contes une sus, et chevauça

adonc devers le bonne ville d'Orcies; si fu prise et

arse, car elle n'estoit point fremée, et Landas et li

Celle, et pluiseur bon village qui sont là en ce contour.

Et coururent tout le pays où il eurent très grant 25

pillage, et puis s'en revinrent au siège de Tournay.

D'autre part, li Flamench assalloient souvent chiaus

de Tournay, et avoient fait en nefs sus l'Escaut bierfrois

et atournemens d'assaus; et venoient hurter et

escarmucier, priés que tous les jours, à chiaus de 30

Tournay. S'en y avoit souvent des navrés, des uns

et des aultres. Et se mettoient en grant painne li

47

Flamench de conquerre et de damagier Tournay,

tant avoient pris le guerre en coer. Et on dist et

voirs est qu'il n'est si felle guerre que de voisins et

d'amis. Et entre les assaus que li Flamench fisent, il en

y eut un qui dura un jour tout entier. Là eut tamainte 5

grant apertise d'armes faite, car tout li signeur et li

chevalier qui en Tournay estoient furent à cel assaut.

Et estoit li dis assaus fais en nefs et en vaissiaus, à

ce appareilliés de lonch temps, pour ouvrir et pour

rompre les barrières à le posterne de l'arce; mais 10

elles furent si bien deffendues que li Flamench n'i

conquisent riens; ançois perdirent une nef toute cargie

de gens, dont il en y eut plus de six vingt noiiés;

et retournèrent au soir tout lasset et tout travilliet.

§ 122. Le siège durant et tenant devant Tournay, 15

issirent hors une matinée li saudoiier de Saint Amand,

dont il en y avoit grant fuison, et vinrent à Hanon

qui se tient de Haynau, et ardirent le ville et violèrent

l'abbeye et destruisirent le moustier; et en menèrent

et en portèrent devant yaus tout che que mener 20

et emporter en peurent, et puis retournèrent en

Saint Amand. Assés tost après, se partirent li saudoiier

dessus dit, et passèrent le bos de Saint Amand,

et vinrent jusques à l'abbeye de Vicogne, pour le

ardoir et essillier; et en fuissent venu à leur entente, 25

car il avoient fait un grant feu contre le porte, pour

le ardoir et abatre à force; mais uns gentilz abbes,

qui laiens estoit pour le temps, y pourvei de grant

remède. Car, quant il eut consideré le peril, il monta

à cheval et parti par derrière, et chevauça tous les 30

bos, à le couverte, et fist tant que moult quoiteusement

48

il vint à Valenchiènes. Si requist au prevost de

le ville et as jurés que on li volsist prester les arbalestriers

de le ville, pour aidier à deffendre sa maison;

et cil li acordèrent volentiers. Si les en mena

dans abbes avoech lui; et passèrent derrière Raimes, 5

et les mist en ce bois, qui regarde vers le Pourcelet,

et sus le caucie. Là commencièrent il à traire et à

berser sur ces bidaus et Geneuois, qui estoient devant

le porte de Vicongne. Si tretost qu'il sentirent

ces saiettes qui leur venoient de dedens le bos, si furent 10

tout effraé, et se misent au retour, cescuns qui

mieulz mieulz. Ensi fu li abbeye de Vicongne sauvée.

En ce temps, estoit li contes de (Lille), en Gascongne,

de par le roy de France, qui y faisoit la guerre,

et avoit priès repris et conquis tout le pays d'Acquitainne; 15

et y tenoit les champs, à plus de six mille

chevaus; et avoit assis Bourdiaus, par terre et par

aigue. Si estoient avoecques le dit conte toute li fleur

de chevalerie des marches de Gascongne, li contes

de Pieregorth, li contes de Commignes, (ly vicontes 20

de Carmaing [340]), li viscontes de Villemur, li viscontes

de Brunikiel, li sires de la Barde et pluiseur aultre

baron et chevalier. Et n'estoit nulz, de par le roy

englès, qui leur veast leurs chevaucies, fors tant que

les forterèces englesces se tenoient et gardoient à leur 25

pooir. Et là en ce pays avinrent moult de biaus fais

d'armes, des quelz nous vous parlerons chà en apriès,

quant temps et lieus sera. Mès nous retourrons encores

un petit as besongnes qui avinrent en Escoce,

le siège durant et tenant devant le cité de Tournay. 30

49

§ 123. Vous devés savoir que messires Guillaumes

de Douglas, filz dou frère à monsigneur Guillaume

de Douglas qui demora en Espagne, si com chi dessus

est contenu, li jones contes de Mouret, li contes

Patris, li contes de Surlant, messires Robers de Versi, 5

messires Symons Fresel, Alixandres de Ramesay estoient

demoret chapitainne del remanant d'Escoce,

et se tenoient et tinrent longement en celle forest de

Gedours, par yvier temps et par esté, par l'espasse

de sept ans et plus, comme très vaillans gens; et guerrioient 10

toutdis les villes et les forterèces, là où li rois

Edowars avoit mis ses gens et ses garnisons; et souvent

leur avenoit des belles aventures et perilleuses,

des quèles il se partoient à grant honneur, par quoi

on les doit conter entre les preus, ossi fait on. 15

Si avint ens ou temps que li rois englès estoit par

deçà, et guerrioit le royaume de France, et seoit

devant Tournay, que li rois Phelippes envoia en Escoce

gens, qui arrivèrent en le ville de Saint Jehan.

Et prioit adonc li rois de France à ces dessus nommés 20

signeurs d'Escoce qu'il volsissent esmouvoir et

faire si grant guerre sus le royaume d'Engleterre,

qu'il couvenist que li rois englès s'en ralast oultre,

et deffesist son siège de devant Tournay, et leur promist

à aidier et conforter de poissance, de gens et 25

d'avoir: si ques, en ce temps que li sièges fu devant

Tournay, cil signeur d'Escoce se pourveirent, à

le requeste dou roy de France, pour faire une grande

chevaucie sus les Englès. Quant ilz furent bien pourveu

de grans gens, ensi qu'il leur besongnoit, il se 30

partirent de le forest de Gedours, et alèrent par toute

Escoce reconquerre des forterèces celles qu'il peurent

50

ravoir; et passèrent oultre le bonne cité de Bervich

et le rivière de Thin, et entrèrent ens ou pays de

Northombreland, qui jadis fu royaumes. Là trouvèrent

ilz bestes grasses à grant fuison. Si gastèrent

tout le pays et ardirent jusques à le cité de Duremme 5

et assés oultre; puis s'en retournèrent arrière par

un aultre chemin, gastant et ardant le pays, si qu'il

destruisirent bien en celle chevaucie trois journées

long del pays le roy englès; et puis rentrèrent ens

ou pays d'Escoce, et reconquisent toutes les forterèces 10

que li Englès tenoient, hors mis le bonne cité de

Bervich, et trois aultres fors chastiaus qui leur faisoient

trop grant anoy et souvent, pour le(s) vaillans

gens qui les gardoient, et le pays d'entours ossi. Et

estoient et sont encores chil troi chastiel si fort que 15

à painnes poroit on trouver si fors en nul pays. Si

appell' on l'un Struvelin, l'autre Rosebourch, et le

tierch et le souverain de tout le royaume d'Escoce

Haindebourch. Li chastians de Haindebourch siet

sus une haute roce, par quoi on voit tout le pays 20

d'environ. Et est la montagne si roste et si malaisie

que à grant painne y poet uns homs monter, sans

reposer deux fois ou trois, et ensi uns chevaus à demie

charge. Et estoit cilz adonc qui faisoit plus de

contraires à ces signeurs d'Escoce et à leurs gens. Et 25

en estoit chastellains et gardiiens, pour le temps de

lors, uns vaillans chevaliers englès, qui s'appelloit

messires Gautiers de Limoges, frères germains à monsigneur

Richart de Limosin, qui si vaillamment se

tint et deffendi à Thun l'Evesque contre les François. 30

Or avint, en ce temps que li sièges se tenoit devant

Tournay, et que cil signeur d'Escoce, si com

51

dessus est dit, chevauçoient parmi le pays d'Escoce,

reconquerant les forterèces à leur loyal pooir, messires

Guillaumes Douglas s'avisa d'un grant fait et

perilleus et d'une grant subtileté, et le descouvri à

aucuns de ses compagnons, au conte Patris, à monsigneur 5

Symon Fresiel, qui avoit estet mestres et

gardiiens dou roy David d'Escoce, et à Alixandre de

Ramesai, qui tout s'i accordèrent et se misent en

celle perilleuse aventure avoecques le bon chevalier

dessus dit; et prisent bien jusques à deux cens compagnons 10

de ces (Escos [341]) sauvages, pour faire une

embusche, ensi com vous orés. Chil quatre signeur

et gouvreneur de tous les Escos, qui savoient le pensée

li uns de l'autre, entrèrent en mer à toute leur

compagnie, et fisent pourveance d'avainne, de blanche 15

farine, et de carbon de fèvres; puis arrivèrent

paisievlement à un port qui estoit à trois liewes

priès de ce fort chastiel de Haindebourch, qui lor

destraindoit plus que tout li aultre. Quant il furent

arrivet, il issirent hors par nuit, et prisent dix ou 20

douze des compagnons ens ès quelz ilz se confioient

le plus, et se vestirent de povres cotes deschirées et

de povres capiaus, à guise de povres marcheans, et

chargièrent douze petis chevalés de douze sas, les uns

emplis d'avainne, les aultres de farine, et le(s) aultres 25

de charbon de fèvres. Et envoiièrent les aultres compagnons

embuschier en une deschirée abbeye et gastée

là où nulz ne demoroit; et estoit assés priès dou

piet de le montagne sour quoi li chastiaus seoit.

Quant jours fu, cil marchant, qui estoient couvertement 30

armet, s'esmurent et se misent au chemin viers

52

le chastiel à tout les chevaus chargiés, ensi que vous

avés oy. Quant il vinrent au piet de le montagne,

qui estoit si roste et si malaisie à monter, il menèrent

les chevalés chargiés amont, ensi qu'il peurent.

Quant il vinrent en le moiiené de le montagne, li 5

dis messires Guillaumes Douglas et messires Symons

Fresiel alèrent devant (et firent les autres venir [342]

tout bellement), et fisent tant qu'il vinrent au

portier, et li disent qu'il avoient amenet, en grant

paour, bled, farine et avainne; s'il leur besongnoit,10

il leur venderoient volentiers, et à bon marchié. Li

portiers respondi que voirement besongneroient il bien

en le forterèce, mais il estoit si matin qu'il n'oseroit

esvillier le signeur de le forterèce ne le mestre d'ostel;

mais il fesissent venir avant le pourveance, et il 15

leur ouveroit le première porte des bailles. Cil le

oïrent volentiers, et fisent passer avant tout bellement

les aultres avoech leur charge, et entrèrent tout

en le porte des bailles, qui leur fu ouverte. Messires

Guillaumes Douglas avoit bien veu que li portiers 20

avoit toutes les clés de le grant porte dou chastiel,

et avoit couvertement demandet au portier le quèle

deffremoit le porte, et la quèle le guicet. Quant la

porte des bailles fu ouverte, si com vous avés oy, il

misent ens les chevalés, et en deschargièrent deux, 25

qui portoient les sas plains de charbon, droitement

sus le suel de le porte, à fin que on ne le peuist reclore;

puis prisent le portier et le tuèrent si paisievlement

que onques ne dist mot; et prisent les clés,

et deffremèrent le porte dou chastiel. Puis corna li 30

dis messires Guillaumes Douglas un cor, et jettèrent

53

il et si treize compagnon les cotes deschirées tantost

jus, et reversèrent les aultres sas plains de charbon

au travers de le porte, par quoi on ne le peuist clore.

Quant li aultre compagnon, qui estoient embuschiet

assés priès dou chastiel, ensi que vous avés oy, 5

oïrent le cor sonner, il sallirent hors de l'embuschement

et coururent contremont le voie del chastiel,

tant qu'il peurent. Li gaitte, qui dormoit adonc, se

esvilla au son del cor, et vey gens monter hasteement

contremont le chastiel, tous armés. Si commença 10

à corner et à criier tant qu'il peut: «Trahi!

Trahi!» Adonc se esvilla li chastelains, et tout chil

de laiens ossi s'armèrent, si tost qu'il peurent, et

vinrent tout acourant à le porte, qui plus tost peurent,

pour le refremer, mais on leur devea, car messires 15

Guillaumes et si douze compagnon leur deffendirent.

Adonc monteplia grans hustins entre yaus,

car chil dou chastiel ewissent volentiers le porte refremée

pour leurs vies sauver, car il perchevoient

bien qu'il estoient trahi. Et cil qui bien avoient 20

acompli leur emprise et leur desirier se penoient

tant qu'il pooient del detenir; et tant fisent par leur

proèce qu'il detinrent l'entrée, tant que cil de l'embuschement

furent parvenu à yaus. Lors se commencièrent

à esbahir cil dou chastiel, car il veirent 25

bien qu'il estoient souspris. Si s'efforcièrent de deffendre

le chastiel, et de leurs ennemis remettre hors,

se ilz peuissent, et fisent tant d'armes que merveilles

estoit à regarder, et par especial messires Gautiers

de Limozin, car il besongnoit. Mais darrain lor deffense 30

ne les peut sauver, comment qu'il en tuèrent

et navrèrent aucuns de chiaus dehors, que li dis

54

messires Guillaumes Douglas et si compagnon ne gaegnassent

le fort chastiel par force, et occirent le plus

grant partie de chiaus qui le gardoient, excepté le

chastellain et six escuiers qu'il prisent à merci. Si

demorèrent laiens tout le jour; puis y establirent 5

chastellain (ung [343]) gentilhomme dou pays, un escuier

qui s'appelloit Symons de Weseby, et avoech lui grant

fuison de bons compagnons et hommes de fief d'Escoce.

Ensi fu repris li fors chastiaus de Haindebourch

en Escoce. Et en vinrent les certainnes nouvelles au 10

roy englès, entrues qu'il seoit devant Tournay, au

quel siège nous retourrons à parler, car il est heure.

§ 124. Vous avés bien chi dessus oy recorder comment

li rois englès avoit assegiet le bonne cité de

Tournay, et moult le constraindoit, car il avoit en 15

son host plus de six vingt mille hommes as armes,

parmi les Flamens, li quel s'acquittoient bien de l'assallir.

Et l'avoient li assegeur telement environné de

tous costés, que riens ne leur pooit venir, entrer

ne issir, qu'il ne fust tantost hapés et perceus. Et 20

pour tant que les pourveances de le cité commencièrent

à amenrir, li signeur de France, qui là estoient,

fisent widier toutes manières de povres gens, qui

pourveu n'estoient pour attendre l'aventure, et les

misent hors à plain jour, hommes et femmes; et 25

passèrent parmi l'ost dou duch de Braibant qui leur

fist grasce, car il les fist conduire sauvement tout

oultre l'ost. Li rois englès entendi bien par chiaus et

par aultres que la cité estoit durement astrainte; si en

55

fu plus joieus, et pensa que bien il le conquerroit,

com longement ne quel fret que il y mesist.

D'autre part, li rois de France, qui se tenoit à Arras,

et estoit tenus toute le saison, entendi que cil de

Tournay estoient moult constraint, et qu'il avoient 5

grant mestier d'estre conforté. Si s'ordena à ce qu'il

les conforteroit, à quel mescief que ce fust, car il

ne voloit mies perdre une tèle cité que Tournay estoit.

Si fist un très grant mandement par tout son

royaume, et ossi une grant priière en l'Empire, tant 10

qu'il eut le roy Charlon de Behagne, le duch de

Loeraingne, le conte de Bar, (l'evesque de Liège, l'evesque

de Miés [344]), l'evesque de Vredun, le conte de

Montbliar, messire Jehan de Chalon, le conte de Genève,

et ossi le conte de Savoie et monsigneur Loeis 15

de Savoie son frère. Tout cil signeur vinrent servir

le roy de France, à ce qu'il peurent avoir de gens.

D'autre part, revinrent li dus de Bretagne, li dus de

Bourgongne, li dus de Bourbon, li contes d'Alençon,

li contes de Forès, li contes d'Ermignach, li contes 20

de Flandres, li contes de Blois, messires Charles de

Blois, li contes de Harcourt, li contes de Dammartin,

li sires de Couci, et si grant fuison de barons et

de signeurs, que le nommer par nom et par sournom

seroit uns grans detriemens. Après revint li rois de 25

Navare, à tout grant fuison de gens d'armes de Navare

et de le terre qu'il tenoit en France, dont il

estoit homs au roy. Et si y estoit li rois David d'Escoce,

à le delivrance dou roy de France, à belle

route de gens d'armes. 30

56

§ 125. Quant tout cil signeur dessus nommet et

plus encores furent venus à Arras devers le roy, il

eut conseil de chevaucier et de traire par devers ses

ennemis; si s'esmeut, et cescuns le sievi, ensi que

ordonné estoit. Et fisent tant par leurs petites journées 5

qu'il vinrent jusques à une petite rivière, qui

est à trois liewes priès de Tournay, la quèle est moult

parfonde et environnée de si grans c(r)olières et marès,

que nulz ne le pooit passer fors parmi un petit

pont si estroit que uns seulz homs à cheval seroit 10

assés ensonniiés dou passer oultre; doi homme ne s'i

poroient combiner. Et loga trestous li hos sus les

camps sans passer le rivière, car il ne peuissent.

L'endemain, li hos demora tous quois. Li signeur,

qui estoient dalés le roy, eurent conseil comment il 15

peuissent faire pons, pour passer le rivière dessus

ditte et les crolières plus aise et plus seurement. Si

furent envoiiet aucun chevalier et ouvrier, pour regarder

le passage; mais quant il eurent tout consideré

et avisé, il regardèrent qu'il perdoient le temps; 20

si raportèrent au roy qu'il n'i avoit point de passage,

fors par le pont à Tressin tant seulement. Si demora

la cose en cel estat, et se logièrent li signeur, cescuns

sires par lui et entre ses gens. Les nouvelles

s'espardirent par tout que li rois de France estoit 25

logiés au pont à Tressin, et entre le pont de Bouvines,

en entente de combatre ses ennemis: si ques

toutes manières de gens d'onneur, qui desiroient à

acquerre grasce par fait d'armes, se traioient celle

part, tant d'un lés comme de l'autre. 30

Or avint que troi chevalier alemant, qui se tenoient

en le garnison de Bouchain, furent informet que li

57

doi roy s'approçoient durement, et que on supposoit

bien qu'il se combateroient. De quoi, li doi

priièrent tant à leur compagnon qu'il s'acorda à ce

qu'il demorroit, et li aultre iroient devant Tournay

querre les aventures; et garderoit le forterèce bien et 5

songneusement jusques à leur retour. Si se partirent

li doi chevalier, dont on clamoit l'un monsigneur

Conrart de Leusennich, et l'autre monsigneur Conrart

d'Asko; et chevaucièrent tant qu'il vinrent vers

Escaupons, deseure Valenciènes, car il voloient passer 10

l'Escaut à Condet. Si oïrent, entre Frasne et Escaupons,

grant effroi de gens, et en veirent pluiseurs

fuians. Dont brocièrent il celle part et leur route, et

pooient estre environ vingt cinq lances; si encontrèrent

les premiers qui fuioient, et leur demandèrent 15

qu'il leur falloit ne estoit avenu. «En non Dieu, signeur,

ce respondirent li fuiant, li saudoiier de Mortagne

sont issu et ont accueilliet grant proie chi entours,

et l'enmainnent et cacent devers leur forterèce,

et avoech çou pluiseurs prisonniers de che pays.» 20

Donc respondirent li chevalier alemant: «Et nous

sariés vous mener celle part où il vont?»—«En

nom Dieu, signeur, oil.» Adonc se sont li Alemant

mis en cace apriès les François de Mortagne, et ont

sievis les bonhommes dou pays qui les avoiièrent 25

parmi le bois; et adevancièrent les dessus dis assés

priès de Nostre Dame ou Bois et dou Crousage.

Et estoient bien li François six vingt saudoiiers;

et enmenoient devant yaus bien deux cens grosses

bestes et aucuns prisonniers paysans dou pays. Et 30

estoit adonc leur chapitainne, de par le signeur de

Biaugeu, uns chevaliers de Bourgongne qui s'appelloit

58

messires Jehans de Frelais. Sitost que li Alemant

les veirent, il les escriièrent fierement et se boutèrent

de grant randon en yaus. Et là eut bon hustin et

dur, car li chevaliers bourghignons se mist à deffense

bien et hardiement, et li aucun de se route, et 5

non pas tout, car il y eut pluiseurs bidaus qui fuirent;

mais il furent de si priès encauciet des Alemans

et des villains dou pays, qui les sievoient, as plançons

et as bourlés, que petit en escapèrent qu'il ne

fuissent mort et atieret. Et y fu messires Jehans de 10

Frelais pris, et toute la proie (rescousse [345]) et rendue

as hommes dou pays, qui grant gret en sceurent as

Alemans. Depuis ceste avenue, s'en vinrent li chevalier

devant Tournay, où il furent li bien venu.

§ 126. Assés tost apriès chou que li rois de France 15

s'en fu venus logier à host au pont à Tressin, se mist

une compagnie de Haynuiers sus, par l'enhort monsigneur

Wauflart de le Crois, qui leur dist qu'il cognissoit

tout le pays, et qu'il les menroit bien en tel

lieu sus l'ost de France où il gaegneroient. Si se partirent 20

à son enhort, et pour faire aucun biau fait

d'armes, une ajournée, environ six vingt compagnons,

chevaliers et escuiers, tout pour l'amour li

uns de l'autre, et chevaucièrent devers le pont à

Tressin, et fisent de monsigneur Guillaume de Bailluel 25leur chief, et à se banière se devoient tout ralloiier.

Ceste meisme matinée, chevauçoient li Liegois,

dont messires Robers de Bailluel, frères germains au

dessus dit monsigneur Guillaume, estoit chiés, de

59

par les Liegois; car adonc il estoit, et faire le devoit,

avoecques l'evesque de Liège. Si avoient li Liegois

passet le pont à Tressin, et estoient espars en ces

biaus plains, entre Tressin et Baisieu, et estoient en

fourage pour leurs chevaus, et ossi pour veoir se il 5

trouveroient nulle aventure où il peuissent pourfiter.

Li Haynuier chevaucièrent celle matinée, qui d'encontre

nul n'en trouvèrent, car il faisoit si grant

bruine que on ne pooit veoir un demi bonnier de

terre loing; et passèrent le pont baudement et sans 10

encontre, et messires Wauflars de le Crois (devant [346])

qui les menoit. Quant il furent tout oultre, il ordonnèrent

que messires Guillaumes de Bailluel et se

banière demorroient au pont, et messires Wauflars

de le Crois, et messires Rasses de Monciaus, et messires 15

Jehans de Sorres, et messires Jehans de Wargni

courroient devant.

Si se departirent li coureur et chevaucièrent si

avant que il s'embatirent en l'ost le roy de Behagne

et de l'evesque de Liège, qui assés priès dou pont 20

estoient logiet. Et avoit la nuit fait le gait en l'ost le

roy de Behagne li sires de Rodemach; et jà estoit

sus son departement, quant li coureur haynuier vinrent;

si leur sallirent au devant hardiement, quant il

les veirent venir. Et ossi Liegois s'estourmirent; si 25

reboutèrent ces coureurs moult asprement. Et y eut

là adonc moult bon puigneis, car Haynuier vassaument

s'i esprouvèrent. Toutes fois, pour revenir à

leur banière, il se misent devers le pont. E vous Liegois

et Lussemboursins apriès venus au pont à leur 30

60

banière. Là y eut grant bataille. Et fu consilliet à monsigneur

Guillaume de Bailluel qu'il rapassast le pont,

et se banière, car il avoient encores de leurs compagnons

oultre. Si rapassèrent Haynuier au mieus qu'il

peurent. Et y eut au passer mainte belle apertise d'armes 5

faite, mainte prise et mainte rescousse. Et avint

que messires Waufflars de le Crois fu si quoitiés que

il ne peut rapasser le pont; si doubta le peril et qu'il

ne fust pris; si s'avisa qu'il se sauveroit. Si issi hors

de le presse, au mieulz qu'il peut, et prist un chemin 10

qu'il cognissoit assés, et se vint bouter en uns marès,

entre rosiaus et crolières, et se tint là un grant temps.

Et li aultre toutdis se combatoient. Les quelz Liegois

et Lussemboursins avoient jà rués jus et abatu le

banière monsigneur Guillaume de Bailluel. 15

A ces cops vinrent cil de le route monsigneur Robert

de Bailluel, qui venoient de courir, et entendirent

le hustin; si chevaucièrent celle part. Et fist passer

messires Robers de Bailluel sa banière devant,

que uns siens escuiers portoit, qui s'appelloit Jakemes 20

de Forsvie, en escriant: «Moriaumés!» Li Haynuier,

qui jà estoient tout escauffé, perchurent le

banière de Moriaumés qui estoit toute droite; si cuidièrent

que ce fust li leurs où il se devoient radrecier;

car moult petit de differense y avoit de l'un à 25

l'autre, car les armes de Moriaumés sont vairiet contre

vairiet, à deux kievirons de geules; et sus le kieviron

messires Robers portoit une petite croisète d'or:

si ne l'avisèrent mies bien, pour tant en furent il

deceu; et se vinrent de fait bouter desous le banière 30

monsigneur Robert. Là y eut dur hustin. Et furent

li Haynuier fierement rebouté et tout desconfi. Et y

61

furent mort troy bon chevalier de leur costé, messires

Jehans de Wargni, messires Gontiers de Pontelarce,

messires Guillaumes de Pipempois, et pluiseur

aultre bon escuier et homme d'armes, dont ce fu

damages, et pris messires Jehans de Sorre, messires 5

Daniaus Bleze, messires Rasses de Monchiaus, messires

Loeis de Jupeleu et pluiseur aultre. Et retourna

au mieus qu'il peut messires Guillaumes de Bailluel,

qui se sauva, quoi qu'il y perdesist assés des siens.

D'autre part, messires Wauflars de le Crois, qui 10

s'estoit boutés et repus entre marès et rosiaus, et se

cuidoit là tenir jusques à le nuit, fu perceus d'aucuns

compagnons qui chevauçoient sus ces marès et

voloient de leurs oisiaus, et estoient au signeur de

Saint Venant; si fisent si grant noise et si grant bruit 15

que messires Wauflars issi hors, tous desconfis, et se

vint rendre à yaus. Il le prisent et le ramenèrent en

l'ost, et le delivrèrent à leur mestre, qui le tint un

jour tout entier en son logeis, et l'euist volentiers

sauvé, se il peuist, par cause de pité, car bien sçavoit 20

qu'il estoit pris sus le teste. Mès il fu accusés,

car les nouvelles vinrent au roy de France de le besongne,

comment elle avoit alé, et de monsigneur

Robert de Bailluel, qui avoit ruet jus son frère et les

Haynuiers, et ossi de monsigneur Waufflart de le 25

Crois, qui avoit esté pris, où et comment. Pour quoi

li rois en volt avoir le cognissance. Se li fu rendus

li dis messires Wauflars, qui eut moult mal finet;

car li dis rois, (pour complaire à ceulx de Lille [347]),

pour tant qu'il li avoient delivret le conte de Sallebrin 30

62

et le conte de Sufforch, leur rendi monsigneur

Waufflart, qui grant temps les avoit guerriiés. Dont

cil de Lille furent moult joiant, pour tant qu'il leur

avoit esté grans ennemis; et le fisent depuis morir en

leur ville; onques n'en veurent prendre nulle raençon. 5

§ 127. De l'avenue monsigneur Robert de Bailluel

et des Liegois qui avoient ruet jus les Haynuiers,

fu li rois Phelippes tous joians, et en loa grandement

tous chiaus qui y avoient estet. D'autre part, li contes

de Haynau et chil qui leurs amis avoient perdus, 10

en furent tout courouciet, et ce fu bien raisons. Or

avint, assés tost apriès que ceste chevaucie dessus

ditte fu avenue, li contes de Haynau, messires Jehans

de Haynau, ses oncles, messires Gerars de Wercin,

seneschaus de Haynau, et bien six cens lances de 15

Haynuiers et d'Alemans se departirent dou siège de

Tournay, et s'en vinrent devant Mortagne. Et manda

li dis contes à chiaus de Valenchiènes qu'il venissent

d'aultre part, et se mesissent entre le Scarp et l'Escaut,

pour assallir le ville; li quel y vinrent en grant 20

estoffe, et fisent achariier et amener grans engiens,

pour jetter à le ville.

Or vous di que li sires de Biauge(u), qui estoit dedens

et chapitainne de Mortagne, et uns moult sages

guerroiières, s'estoit bien doubtés de ces assaus, pour 25

tant que Mortagne siet si priès de l'Escaut et de Haynau,

et de tous costés. Et avoit fait piloter le ditte

rivière d'Escaut, à fin que on n'i peuist naviier; et y

pooit avoir, par droit compte, plus de douze cens

pilos. Pour ce ne demora mies que li contes de Haynau 30

et li Haynuier n'i venissent de l'un des costés,

63

et cil de Valenciènes de l'autre. Si se ordonnèrent

et appareillièrent et sans delay pour assallir. Et fisent

li Valenciennois tous leurs arbalestriers traire avant

et approcier les barrières; mais il y avoit si grant

trenceis de fossés qu'il n'i pooient avenir. Lors s'avisèrent 5

li aucun qu'il passeroient oultre le Scarp,

comment qu'il fust, au desous de Chastiaus l'Abbeye,

et venroient au lés devers Saint Amand, et feroient

assaut à le porte qui oevre devers Maude. Si

passèrent aucun compagnon volentrieu et armerés, et 10

fisent tant qu'il furent oultre le rivière, ensi que proposet

avoient; et furent bien quatre cens tout able

et legier et en grant volenté de bien faire le besongne.

Ensi fu Mortagne environnée, à trois portes, des

Haynuiers, et tous prês de l'assallir. Mais au plus 15

foible des costés, c'estoit devers Maude, si y faisoit

il fort assés. Toutes fois, li sires de Biaugeu vint celle

part, trop bien pourveus dou deffendre, car bien savoit

que d'autre part il n'avoit que faire; et tenoit

un glave roit et fort à un lonch fer bien aceret, et 20

desous ce fier avoit un havet agut et prendant: si

ques, quant il avoit lanciet et il pooit sachier, en fichant

le havet en plates ou en haubregon dont on

estoit armet, il couvenoit c'on en venist ou c'on fust

reversé en l'aigue. Par ceste manière, en atrapa il et 25

noia ce jour plus de une dousainne. Et fu à celle

porte li assaus plus grans que nulle part. Et riens

n'en savoit li contes de Haynau, qui estoit au lés devers

Brifuel, tout rengiet sus le rivage de l'Escaut.

Et avisèrent là li signeur entre yaus voie et engien 30

comment on poroit tous les pilos, dont on avoit piloté

l'Escaut, oster et traire hors par force ou par

64

soubtilité, par quoi on peuist nagier jusques as murs.

Si avisèrent et ordonnèrent à faire en une grosse nef

un engien, qui tous les attrairoit hors l'un apriès

l'autre. Dont furent carpentier mandet et mis en oeuvre,

et li dis engiens fais en une nef. Ossi ce meisme 5

jour, levèrent cil de Valenciènes à leur costet un

très biel engien et bien gettant, qui portoit grosses

pières jusques dedens le ville et au chastiel, et travilloit

durement chiaus de Mortagne. Ensi passèrent

ce premier jour et le nuit ensiewant, en assallant, 10

avisant et devisant comment il poroient grever Mortagne;

et l'endemain se traisent à l'assaut de tous

costés. Encores n'estoit point le second jour fais li

engiens qui devoit traire les pillos hors. Mais li engiens

de chiaus de Valenciènes jettoit (uniement [348]) à 15

chiaus de Mortagne.

§ 128. Le tierch jour apriès, fu la nef toute ordonnée

et abillie, et li engiens dedens assis et apparilliés,

pour traire hors les pillos. Lors commencièrent

à aler cil qui s'en ensonnioient au dessus dou 20

pilotis, et emprisent à ouvrer, si com commandé leur

fu. Si s'afficièrent à oster et à traire hors les pilos,

dont il y avoit semés en l'Escaut grant fuison; mais

tant de painne et de labeur eurent, anchois qu'il en

peuissent avoir un, que merveilles fu à penser. Si 25

regardèrent et considerèrent li signeur que jamais il

n'aroient fait; si commandèrent à cesser cest ouvrage.

D'autre part, il y avoit dedens Mortagne un mestre

engigneour qui avisa et considera l'engien de chiaus

de Valenchiennes, et comment il grevoit leur forterèce. 30

65

Si en leva un ou chastiel, qui n'estoit mies trop

grans, et l'attempra bien et à point, et ne le fist jetter

que trois fois, dont la première (pierre [349]) chei à

douze apas priès de l'engien de Valenciennes, la seconde

au piet de le huge, et la tierce pière fu si bien 5

apointie que elle feri l'engien parmi le flèche et le

rompi en deux moitiés. Adonc fu grande li huée des

saudoiiers de Mortagne. Et chil de Valenchiènes furent

tout esbahi de leur engien qui estoit rompus

ou moilon, et le alèrent regarder à grant merveilles. 10

§ 129. Ensi furent li Haynuier devant Mortagne

deux nuis et trois jours que riens n'i conquisent. Si

eut li dis contes de Haynau et messires Jehans ses

oncles avis et volenté de retraire au siège de Tournay;

et donnèrent congiet à chiaus de Valenchiennes 15

de retourner en leur ville. Ensi se departi ceste

assamblée. Li Valencienois se retraisent arrière en

Valenciènes, et li contes et li chevalier s'en revinrent

en l'ost devant Tournay, et se tinrent là environ

trois jours. Et puis fist li contes une priière as compagnons 20

pour amener devant Saint Amand, car les

plaintes estoient venues à lui que li saudoiier de

Saint Amand avoient arse l'abbeye de Hanon, et s'estoient

mis en painne d'ardoir Vicongne, et avoient

fait pluiseurs despis as frontières de Haynau, pour 25

quoi li dis contes voloit contrevengier ces fourfaitures.

Si se parti dou dit siège de Tournay à bien trois

mille combatans, et s'en vint à Saint Amand, qui

adonc n'estoit fremée que de palis. Bien avoient li

saudoiier, qui estoient dedens, entendu que li contes 30

66

de Haynau les venroit veoir, mès il s'estoient si

glorefiiet en leur orguel qu'il n'en faisoient nul

conte. A ce donc estoit gardiiens et chapitainne de

Saint Amand uns bons chevaliers de le langue d'och,

nommés li seneschaus de Carcassonne, li quelz avoit 5

bien imaginet et consideret le force de le ville. Si en

avoit dit son avis as monnes, et à chiaus qui estoient

demoret pour garder l'abbeye et le ville. Et disoit

bien que ce n'estoit pas une forterèce tenable contre

une host, non qu'il s'en volsist partir, mès demorer 10

et garder à son loyal pooir; mais il le disoit par manière

de conseil. Li parole dou chevalier ne fu mies

oye ne creue bien à point, dont il leur mesvint, si

com vous orés chi après. Toutes fois, par son enhort,

il avoit fait de lonch temps les plus riches jeuiaus de 15

l'abbeye et de le ville widier et porter à Mortagne à

sauveté, et là aler l'abbet et tous les monnes, qui

n'estoient tailliet de yaus deffendre.

Cil de Valenchiènes, qui avoient estet mandé dou

conte leur signeur qu'il fuissent à un certain jour 20

devant le ville de Saint Amand, et il seroit à l'autre

lés, vinrent, ensi que commandé leur fu, en très bon

couvenant, et estoient bien douze mille combatans.

Sitost qu'il furent venu devant Saint Amant, il s'i

logièrent et misent en bonne ordenance, et puis eurent 25

conseil d'aler assallir. Si fisent armer tous leurs

arbalestriers, et puis traire vers le pont de Scarp. Là

commença li assaus durs et fiers et perilleus durement,

et en y eut pluiseurs bleciés et navrés, d'un

lés et d'aultre. Et dura cilz assaulz tout le jour, que 30

onques cil de Valenciennes n'i peurent riens fourfaire;

mais en y eut des mors et des navrés grant

67

fuison des leurs. Et leur disoient li saudoiier et li

bidau qui laiens estoient, par manière de reproce:

«Alés boire vostre goudale, alés!» Quant ce vint au

soir, cil de Valenciènes se retraisent tout lasset, et

furent moult esmervilliet de ce qu'il n'avoient oy 5

nulle nouvelle dou conte leur signeur; si eurent avis

qu'i(l) se deslogeroient et retourroient viers Valenciennes;

si fisent tout tourser, et se retraiirent, che

meisme soir, en leur ville.

A l'endemain au matin que cil de Valenciènes se 10

furent retret, li contes de Haynau se parti dou siège

de Tournay, si com dessus est dit, à grant compagnie

de gens d'armes, de banières et de pennons, et

s'en vint devant Saint Amand, au lés par devers Mortagne.

Si tost qu'il furent venu, il se traisent à l'assaut, 15

et là eut moult fort assaut et moult dur. Et gaegnièrent

li Haynuier, de venue, les premières bailles,

et vinrent jusques à le porte qui oevre devers Mortagne.

Là estoient tout premier et devant à l'assaut

li contes de Haynau et li sires de Byaumont ses oncles, 20

et assalloient de grant corage et sans yaus espargnier;

de quoi il leur en fu priès mesavenu, car

il furent tout doi si dur rencontré de deux pières

jettées d'amont qu'il en eurent leurs bachinés effondrés

et les tiestes toutes estonnées. 25

Adonc fu là qui dist: «Sire, sire, à cel endroit chi

ne les arions nous jamès, car la porte est forte et la

voie estroite; si cousteroit trop des vostres au conquerre.

Mais faites aporter des grans mairiens, ouvrés

à manière de pillos, et hurter as murs de 30

l'abbeye; nous vous certefions que de force on le

pertuisera en pluiseurs lieus. Et se nous sommes en

68

l'abbeye, la ville est nostre, car il n'i a nul entredeus

entre (la ville [350]) et l'abbeye.» Dont commanda li dis

contes que on fesist ensi que pour le mieulz on li

consilloit, et pour le plus tost prendre. Si quist on

grans baus de chesnes, et puis furent tantost ouvré 5

et aguisié devant; et si s'acompagnoient à un pillot

yaus vint ou yaus trente, et s'escueilloient et puis

boutoient de grant randon contre le mur; et tant boutèrent

et si vertueusement qu'il pertuisièrent le mur

de l'abbeye et rompirent en pluiseurs lieus, et entrèrent 10

ens abandonneement, et passèrent une petite

rivière qui là est, et s'en vinrent sans contredit jusques

à une place, qui est devant le moustier, où li

marchiés est de pluiseurs coses.

Et là estoit li dis seneschaus de Carcassonne en 15

bon couvenant, sa banière devant lui, qui estoit de

geules à un chief d'argent, à deux demi kievirons ou

chief, et estoit à une bordure d'asur endentée. Là

dalés lui s'estoient recueilliet pluiseur compagnon de

son pays, qui assés hardiement rechurent les Haynuiers, 20

et se combatirent vaillamment, tant qu'il peurent.

Mès leur deffense ne leur valli noient, car Haynuier

y sourvinrent à trop grant fuison. Et vous di

encores, pour tout ramentevoir, à entrer de premiers

dedens l'abbeye, il y avoit un monne que on appelloit 25

dan Froissart. Chilz y fist merveilles, et en occist

que mehagna, au devant d'un pertuis où il se tenoit,

plus de dix huit; et n'osoit nulz entrer par le lieu qu'il

gardoit. Mais finablement il le couvint partir, que

Haynuier entroient en l'abbeye, et avoient pertuisiet 30

69

le mur en pluiseurs lieus. Si se sauva li dis monnes,

au mieus qu'il peut, et fist tant qu'il vint à Mortagne.

§ 130. Quant li contes de Haynau et messires Jehans

de Haynau, ses oncles, et li chevalerie de Haynau

furent entré en l'abbeye, ensi que vous avés oy, si 5

commanda li dis contes que on mesist tout à l'espée,

sans nullui prendre à merci, tant estoit il courouciés

sus chiaus de Saint Amand, pour les despis qu'il

avoient fais à son pays. Si fu la ditte ville moult tost

emplie de gens d'armes; et bidau(s) et Geneuois, qui 10

là estoient, encauciet et quis de rue en rue, et d'ostel

en hostel. Peu en escapèrent qu'il ne fuissent

mort et occis, car nuls n'estoit pris à merci. Meismes,

li senescaus de Carcassonne y fu occis desous

sa banière, et plus de deux cens hommes, environ 15

lui que assés priès. Ensi fu Saint Amand destruite.

Et retourna li contes, ce propre soir, devant Tournay.

Et l'endemain, les gens d'armes de Valenciènes

et la communautés vinrent à Saint Amand, et parardirent

le ville et toute l'abbeye et le grant moustier, 20

et brisièrent toutes les cloches, dont ce fu damages,

car il en y avoit moult de bonnes et de melodieuses,

et si ne lor vint à nul profit qui à compter face.

Apriès le destruction de Saint Amand, li contes de

Haynau, qui trop durement avoit pris ceste guerre 25

à coer, et qui estoit plus aigres que nulz des aultres,

se departi dou siège de Tournay, en se route environ

six cens armeures de fier, et s'en vint ardoir Orchies

et Landas et le Celle, et grant fuison de villages là

environ; et puis passa et toute se route la rivière de 30

Scarp au desous de Hanon, et entrèrent en France, et

70

vinrent à Marchiennes, une grosse et riche abbeye,

dont messires Amés de Warnans estoit chapitainne,

et avoit avoecques lui une partie des arbalestriers

de Douay. Là eut grant assaut, car li dis chevaliers

avoit durement fortefiiet le (première [351]) porte de l'abbeye, 5

qui estoit toute enclose et environnée de fossés

grans et parfons. Et se deffendirent li François et li

monne qui dedens estoient moult vassaument; mais

finablement il ne peurent durer contre tant de gent

d'armes, car il quisent et fissent tant qu'il eurent des 10

batiaus et les misent en l'aigue, et entrèrent par celle

manière en l'abbeye. Mais il y eut mort et noiiet un

chevalier alemant, compagnon au signeur de Faukemont,

qui s'appelloit messires Bacho de le Wière,

dont li sires de Faukemont fu moult courouciés, 15

mais amender ne le peut. A l'assaut de le porte où

messires Amés de Warnans se tenoit, furent moult

bon chevalier li contes de Haynau et messires de

Byaumont, ses oncles, et li seneschaus de Haynau;

et fisent tant finable(ment) que la porte fu conquise, 20

et li chevaliers qui le gardoit pris, et mort et occis

li plus grant partie des aultres. Et furent pris ossi

pluiseur des monnes, qui laiens furent trouvet, et

toute la ditte abbeye robée et pillie, et puis arse et

destruite, et la ville ossi. Et quant il eurent fait leur 25

emprise, li contes et toutes ces gens d'armes, qui furent

à le destruction de Marciènes et en ceste chevaucie,

s'en retournèrent au siège devant Tournay.

§ 131. Li sièges qui fu devant Tournay fu grans et

lons et bien tenus; et moult y eut li rois englès grant 30

71

fuison de bonnes gens d'armes. Et se s'i tenoit li dis

rois volentiers, car bien le pensoit à conquerre, pour

tant qu'il savoit bien qu'il y avoit dedens grant fuison

de gens d'armes et assés escarcement de vivres;

si les supposoit bien à afamer et avoir par force de 5

famine. Mais li aucun dient et maintiènent qu'il

trouvèrent moult de courtoisies en chiaus de Braibant,

et qu'il souffrirent par pluiseurs fois à laissier

passer parmi leur host vivre assés largement pour

mener dedens Tournay, dont il furent bien conforté. 10

Avoech tout ce, cil de Brousselles et cil de Louvaing,

qui estoient tout tanet de là tant seoir et demorer,

fisent une requeste au mareschal de l'host que il se

peuissent partir et retraire en Braibant, car trop

avoient là demoret à peu de fait. Li mareschaus qui 15

vey bien que la requeste n'estoit point honnourable

ne raisonnable, leur respondi que c'estoit bien ses

grés, mais il leur couvenoit mettre jus leurs armeures.

Li dessus dit furent tout honteus; si se souffrirent

atant et n'en parlèrent onques depuis. 20

Or vous recorderons d'une chevaucie des Alemans,

qui fu faite devant Tournay, à ce meisme pont de

Tressin où messires Robers de Bailluel et li Liegois

avoient desconfit les Haynuiers. Li sires de Randerodène

et messires Ernoulz de Randerodène, ses filz, 25

adonc escuiers, et messires Jehans de Hodebourch

ossi adonc escuiers et mestres dou fil au signeur de

Randerodène, messires Ernoulz de Bakehen, messires

Renauls de Sconnevort, messires Conrars de Leusennich,

messires Conrars d'Asko, messires Bastiiens de 30

Barsies et Caudreliers ses frères et messires Stramen

de Venoue et pluiseur aultre de le ducé de Jullers et

72

de Guerles avoient pris en grant virgongne che que

li Haynuier avoient esté ensi rencontret; si parlementèrent

dou soir et s'acordèrent à chevaucier le

matin au pont à Tressin. Si se armèrent et ordonnèrent

de le nuit bien et faiticement, et se partirent 5

sus l'ajournée. Et ossi se misent avoech yaus en leur

chevaucie aucun baceler de Haynau, qui point n'avoient

esté à l'autre dessus ditte, telz que messires

Florens de Biaurieu, messires Baras de le Haie, marescal

de l'host, monsigneur Jehan de Haynau, messires 10

Oulphars de Gistelles, messires Robers de Glennes

de le conté de Los, adonc escuier et au corps

monsigneur Jehan de Haynau, et pluiseur aultre. Si

chevaucièrent chil chevalier et chil compagnon dessus

nommé bellement et sagement; et estoient bien 15

trois cens ou plus, toutes bonnes armeures de fier;

et vinrent droit au pont à Tressin, droit au point

dou jour, et le passèrent oultre sans damage. Et

quant il furent par de delà, ilz se avisèrent et consillièrent

ensamble comment il s'ordonneroient, pour 20

le mieulz, et à leur honneur, resvillier et escarmucier

l'ost de France. Là furent ordonné li sires de Randerodène

et Ernouls ses filz et messires Henris de Keukeren,

uns chevaliers miesenaires, et messires Thielemans

de Sansi, messires Oulphars de Ghistelles, et 25

messires li Alemans, bastars de Haynau, et messires

Robers de Glennes, adonc escuier, et Jakelos de

Thians, à estre coureur et chevauceur jusques as tentes

et logeis des François. Et tout li aultre chevalier

et escuier, qui bien estoient trois cens, devoient demorer 30

au pont et garder le passage, pour le deffendre

as aventures des sourvenans. Ensi et sus cel estat,

73

se partirent li coureur, qui pooient estre quarante

lances, très bien monté sus fleurs de roncins et de

gros coursiers, et chevaucièrent de premiers tout bellement

tant qu'il vinrent en l'ost le roy de France.

Dont se boutèrent il ens de plains eslais, et commenchièrent 5

à decoper cordes et paissons, et à abatre

et reverser tentes et trés, et à faire un très grant

desroy, et François à yaus estourmir.

Celle nuit avoient fait le gait doi grant baron de

France, li sires de Montmorensi et li sires de Saint 10

Saufliu; et estoient, à ceste heure que li Alemant

vinrent, encores à leur garde. Quant il oïrent le noise

et entendirent l'effroi, si tournèrent celle part leurs

banières et leurs gens, et chevaucièrent fort et roit

sus les coureurs qui leur host avoient estourmi. Et 15

quant li sires de Randerodène les vei venir, il tourna

sus frain tout sagement, et fist chevaucier son pennon

et ses compagnons, pour revenir au pont à leur

grosse route, et li François apriès. En celle cace là

eut bon coureis, car li Alemant se hastoient pour revenir 20

au dit pont, et li François ossi pour yaus retenir.

En celle cace fu pris et retenus des François

messires Oulphars de Ghistelles, qui ne se sceut ne

peut garder à point, car li chevaliers avoit court vue;

si fu enclos de ses ennemis, par trop demorer derrière, 25

et fianciés prisons; et ossi doi escuier, dont on

nommoit l'un Jehan de Mondorp, et l'autre Jakelot

de Thians. Li François et leur route chevauçoient

d'un lés, et li coureur alemant d'autre; et estoient

environ demi bonnier priès li un de l'autre, et tant 30

qu'il se pooient bien recognoistre et entendre de

leurs langages. Et disoient li François as Alemans:

74

«Ha! ha! signeur, vous n'en irés pas ensi!» Si se

hastoient pour prendre le pont, et pas ne savoient

de le grosse embusce qui estoit au pont, de monsigneur

Renault de Sconnevort et des aultres: si ques

il fu dit au signeur de Randerodène: «Sire, sire, 5

avisés vous, car il nous samble que chil François

nous torront le pont.» Donc respondi li sires de

Randerodène et dist: «Se il scèvent un chemin, j'en

sçai un aultre.» Adonc se retourna sus destre et se

route, et prisent un chemin assés froiiet qui les mena 10

droit à celle petite rivière dessus ditte, qui est si

noire et si parfonde et si environnée de grans marès.

Et quant il furent là venu, se ne peurent il passer,

mès les couvint retourner devers le pont. Et

toutdis chevauçoient li François le(s) grans galos devers 15

le pont, qui cuidoient ces coureurs alemans enclore

et prendre, ensi qu'il avoient jà pris de leurs

compagnons. Et par especial moult y metoit li sires

de Montmorensi grant entente.

§ 132. Quant li François eurent tant chevauciet 20

qu'il furent priès au pont, et il veirent le grosse embusche,

qui là estoit au devant dou pont, toute armée

et ordonnée, et qui les attendoit en très bon

couvenant, si furent tout esmervilliet. Et disent entre

yaus li aucun qui regardèrent le manière: «Nous 25

caçons trop folement; de legier porons plus perdre

que gaegnier.» Dont retournèrent li pluiseur et par

especial li banière le signeur de Saint Saufliu et li

sires ossi. Et messires Charles de Montmorensi et se

banière chevauça toutdis avant et ne volt onques reculer, 30

mès s'en vint de grant corage assambler as Alemans,

75

et li Alemant à lui et à ses gens. Là y eut, de

premières venues, durs encontres et fortes joustes,

et tamaint homme reversé d'un lés et d'autre. Ensi

qu'il assambloient, li coureur dessus nommet, qui

costiiet les avoient, s'en vinrent ferir sus èle, et se 5

boutèrent ens de plains eslais et de grant volenté. Et

ossi li François les rechurent moult bien.

Or vous dirai de une grant apertise d'armes et

d'un grant avis, dont messires Renaulz de Sconnevort

usa à l'assambler, et c'on doit bien tenir et recommender 10

à sage fait d'armes. Ilz qui estoit adonc

en le fleur de se jonèce, fors chevaliers et rades durement,

bien armés et bien montés pour le journée,

s'en vint assambler à le banière le signeur de Montmorensi

qu'il recogneut assés bien; et s'avisa qu'il 15

s'en venroit esprouver à celui qui estoit li plus proçains

de le banière, car il pensoit bien que c'estoit

li sires. Ensi qu'il jetta son avis il le fist, et feri son

coursier des esporons, et passa par force le route, et

s'en vint au signeur de Montmorensi, qui estoit desous 20

sa banière, bien montés sus bon coursier; et le

trouva en bon couvenant, l'espée ou poing, et combatant

à tous lés, car il estoit ossi fors chevaliers et

grans durement. Et li vint li sires de Sconnevort sus

destre, et bouta son brach senestre ou fraîn de son 25

coursier, et puis feri le sien des esporons, en lui tirant

hors de le bataille, comme vistes et fors chevaliers.

Li sires de Montmorensi, qui bien se donna à

garde de ce tour, se prist à deffendre vassaument, comme

fors et hardis chevaliers, pour lui delivrer de ce 30

peril et des mains le signeur de Sconnevort; et feroit

à main tas de sen espée sus le bacinet et sus le dos

76

le signeur de Sconnevort. Mais li sires de Sconnevort,

qui bien estoit (armés [352]) et montés, brisoit à le

fois les cops, à le fois et le(s) recevoit moult vassaument;

et tant fist par son effort, vosist ou non li sires

de Montmorensi, que il le creanta à prisonnier, 5

et demora ses prisons.

Et li aultre se combatoient de toutes pars. Et là

furent bon chevalier messires Ernoulz de Randerodène,

messires de Keukeren, messires Thielemans

de Sansi, messires Bastiiens de Barsies et Caudreliers 10

ses frères, messires Robers de Glennes, et prist un

homme d'armes en bon couvenant, qui s'armoit de

geules à trois fauls d'or. Et fisent adonc tant li Alemant

et leur route que il obtinrent le place, et prisent

bien quatre vingt prisonniers, tous gentilz 15

hommes, desous le banière monsigneur Charle de

Montmorensi; et rapassèrent le pont sans damage, et

vinrent en l'ost devant Tournay; et rala cescuns devers

se partie; et se desarmèrent et puis alèrent veoir

les signeurs, dont il furent bien conjoy, le conte de 20

Haynau et monsigneur son oncle.

§ 133. De le prise monsigneur Charle de Montmorensi

furent li François moult courouciet, mès amender

ne le peurent. Tant comme adonc, ceste cose

passa, li sièges se tint; li prisonnier se ranchonnèrent 25

et se delivrèrent au plus tost qu'il peurent. Or

vous conterons de une aventure qu'il avint as Flamens

que messires Robers d'Artois et messires Henris

de Flandres gouvrenoient, dont il en y avoit plus

de soixante mille de le ville d'Ippre, de Popringhe, 30

77

de Messines, de Cassiel et de le chastelerie de Berghes.

Et se tenoient tout cil Flamench, dont li dessus

dit estoient chief, ou val de Cassiel, logiés as tentes

et as trés, et à grant arroi, pour contrester contre les

garnisons françoises que li rois Phelippes avoit envoiies 5

à Saint Omer, à Aire, à Saint Venant, et ens

ès villes et forterèces voisines. Et se tenoient dedens

Saint Omer, de par le roy de France, li contes, daufins

d'Auvergne, li sires de Merquel, li sires de Calençon,

li sires de Montagut, li sires de Rocefort, li 10

viscontes de Touwars, et pluiseur aultre chevalier

d'Auvergne et de Limozin. Et dedens Aire et dedens

Saint Venant en y avoit ossi grant fuison. Et issoient

souvent hors et venoient escarmucier as Flamens; si

gaegnoient à le fois, et à le fois y perdoient. 15

Or avint un jour à ces Flamens que il s'en vinrent

environ troi mille, tout legier et able compagnon, et

s'avalèrent et issirent hors de leurs logeis pour venir

hustiner devant Saint Omer, et se boutèrent ens ès

fourbours et brisièrent pluiseurs maisons, et entendirent 20

telement au pillage qu'il desrobèrent tout ce

qu'il trouvèrent. La noise et li effrois monta en le

ville de Saint Omer. Dont s'armèrent moult vistement

li signeur qui laiens estoient. Et ossi fisent

toutes leurs gens, et se partirent par une aultre porte 25

que par celle devant qui li Flamench estoient. Et

pooient estre entours six banières et deux cens bacinès,

et environ cinq cens bidaus tout à piet. Et chevaucièrent

tout au tour de le ville de Saint Omer,

ensi qu'il avoient guides qui bien les savoient mener. 30

Et vinrent tout à temps à ces Flamens qui s'ensonnioient

de pillier et de rober tout ce qu'il trouvèrent

78

en le ville de Arkes, qui est assés priès de le ville de

Saint Omer; et estoient laiens espars sans chapitainne

et sans arroi. E vous les François soudainnement

venus sus yaus, lances abaissies, banières desploiies,

et en bon couvenant de bataille, et en criant: 5

«Clermont au dauffin d'Auvergne!» Lors entrèrent

en ces Flamens qui furent tout esbahi, quant si priès

d'yaus il les veirent, et ne tinrent ordenance ne conroy

nul; mais fuirent cescuns qui mieus mieus, et

jettèrent tout jus ce que pilliet et cargiet avoient, et 10

prisent les camps; et François apriès yaus, tuant et

abatant par monciaus et par tropiaus. Et dura ceste

cace bien deux liewes. Et en y eut bien mors des

trois mille dix huit cens, et retenu quatre cens qui

furent amenet en Saint Omer en prison. 15

§ 134. Quant li demorant qui escaper peurent,

furent revenu devers leurs compagnons, si contèrent

leur aventure as uns et as aultres. Et vinrent les nouvelles

à leurs chapitainnes monsigneur Robert d'Artois

et monsigneur Henri de Flandres, qui petit les 20

en plaindirent, mais disent que c'estoit bien emploiiet,

car sans conseil et sans commandement il

y estoient alet.

Or avint celle meisme nuit à toute leur host generalment

une mervilleuse aventure; on n'oy onques, 25

je croy, à parler ne recorder de si sauvage. Car, environ

heure de mienuit que cil Flamench gisoient en

leurs tentes et dormoient, uns si grans effrois et telz

paours et hideurs les prist generalment en dormant,

que tout se levèrent en si grant haste et en tel 30

painne qu'il ne cuidièrent jamais à temps estre deslogiet;

79

et abatirent tantost tentes, trés et pavillons,

et toursèrent tout sus leurs chars, en si grant haste

que li uns n'attendoit point l'autre, et s'en fuioient

tout, sans voie tenir et sans conroy. Et fu ensi dit à

monsigneur Robert d'Artois et à monsigneur Henri 5

de Flandres, qui dormoient en leurs logeis: «Chier

signeur, levés vous sus bien tos et vous appareilliés, car

vos gens s'en fuient et nulz ne les cace; et ne scèvent

à dire quel cose leur fault, ne qui les muet à fuir.»

Adonc se levèrent li doi signeur en grant haste, et 10

fisent alumer feus et grant plenté de tortis, et montèrent

sus leurs chevaus, et s'en vinrent au devant

d'yaus, et leur disent: «Biau signeur, dittes nous

quel cose il vous fault, qui ensi fuiiés? N'estes vous

mies bien asseguret? Retournés, retournés, ou nom 15

de Dieu! Vous avés grant tort, quant ensi fuiiés, et

nulz ne vous cace.» Mès quoi que ensi fuissent

priiet ne requis d'arrester et de retourner, il n'en fisent

compte, mais toutdis fuirent; et prist çascuns le

chemin vers sa maison, au plus droit qu'il peut. Et 20

quant messires Robers d'Artois et messires Henris de

Flandres veirent qu'il n'en aroient aultre cose, si

fisent tourser tout leur harnois et mettre à voiture, et

s'en vinrent au siège devant Tournay, et recordèrent

as signeurs l'aventure des Flamens, dont on fu durement 25

esmervilliet. Et disent li pluiseur qu'il avoient

estet enfantosmet.

§ 135. Chilz sièges devant le cité de Tournay dura

assés longement, onze sepmainnes trois jours mains.

Si poés bien croire et savoir qu'il y eut fais pluiseurs 30

escarmuces et paletis, tant à assallir le cité, comme

80

des chevaucies des compagnons bacelereus l'un sus

l'autre. Mais dedens le cité de Tournay avoit très

bonne et sage chevalerie (envoiée en [353]) garnison de

par le roy de France, si com dessus est dit, qui telement

en songnièrent et en pensèrent que nulz damages 5

ne s'i prist.

Or n'est riens, si com on dist, qui ne prende fin.

On doit savoir que, ce siège pendant, ma dame

Jehane de Valois, serour au roy de France et mère

au conte Guillaume de Haynau, travilloit durement 10

de l'une host en l'autre, à fin que pais ou respis fust

entre ces parties, par quoi on se departesist sans bataille,

car la bonne dame veoit là de deux costés

toute le fleur et l'onneur de le chevalerie dou monde;

se veist trop à envis, pour les grans perilz qui en 15

pooient avenir, que nulle bataille fust adrecie entre

yaus. Et par pluiseurs fois la bonne dame en estoit

cheue as piés le roy de France son frère, et li priiet

que respis ou trettiés d'acort fust pris entre lui et

le roy englès. Et quant la ditte dame avoit travilliet 20

entre les signeurs de France, elle s'en revenoit

à chiaus de l'Empire, especialment au duch de Braibant,

au duc de Jullers, son fil, qui avoit sa fille, à

monsigneur Jehan de Haynau; et leur prioit que,

pour Dieu et par pité, il volsissent entendre à aucun 25

trettiet d'acort, et avoiier le roy d'Engleterre à çou

qu'il y volsist descendre.

Tant ala et tant procura la bonne dame entre ces

signeurs, avoech l'ayde et le conseil d'un gentil et sage

chevalier, qui estoit moult bien de toutes les parties, 30

81

messires Loeis d'Augimont, que une journée de traittement

fu acordée à l'endemain, là où çascune des

parties devoit envoiier quatre personnes souffissans,

pour trettier toutes bonnes voies pour acorder les dittes

parties, se il plaisoit à Dieu, et souffrance de trois 5

jours que li uns ne pooit ne devoit fourfaire sour

l'autre. Et si se devoient assambler cil trettieur à une

capelle, et la dessus ditte bonne dame avoecques.

De le partie dou roy de France, y fu envoiiés Charles

li roys de Behagne, Charles li contes d'Alençon, frères 10

au dit roy, li evesques de Liège, li contes de

Flandres et li contes d'Ermignach. De le partie le roy

d'Engleterre, y furent envoiiet li dus de Braibant, li

evesques de Lincolle, li dus de Guerles, li dus de

Julers et messires Jehans de Haynau. 15

Quant il furent tout venu à la ditte capelle, il se

saluèrent moult amiablement et festiièrent grandement,

et apriès il entrèrent en leur trettiement. Toute

celle première journée, cil trettieur trettièrent sour

pluiseurs voies d'acort. Et toutdis estoit la bonne 20

dame ma dame Jehane de Valois en mi yaus, qui

moult humlement et de grant coer leur prioit que

çascune partie se volsist priès prendre de l'acorder.

Toutes voies celle journée passa sans nul certain

acord; cescuns en rala en son lieu, sour couvent de 25

revenir. L'endemain, il revinrent tout à le capelle

en tel point, et commencièrent à trettier com en devant,

et cheirent sus aucunes voies assés acordables;

mès ce fu si tart que on ne les peut escrire de jour.

Si se parti li parlemens adonc, et creanta cescuns de 30

revenir là endroit à l'endemain, pour parfaire et

acorder le remanant. Au tierch jour, cil signeur revinrent

82

à plus grant conseil. Là fu acordée une

triewe à durer une anée entierement, et devoit entrer

tantost entre ces signeurs et ces gens qui là estoient

d'une part et d'autre; et entre chiaus qui guerrioient

en Escoce, en Gascogne, en Poito et en Saintonge, 5

elle ne devoit entrer jusques à quarante jours.

Dedens lesquelz quarante jours, cescune des parties

le devoit faire savoir as siens, sans mal engien: s'il

les voloient tenir, se les tenissent; et se tenir ne les

voloient, si guerriaissent li uns l'autre. Mais France, 10

Pikardie, Bourgongne, Bretagne et Normendie le

tenoient sans nulle exception. Et devoient li doi

roy dessus dit, cescuns pour lui et en bon couvenant,

envoiier quatre ou cinq nobles personnes,

et li papes deux cardinaulz en legation en le cité 15

d'Arras. Et ce que ces parties ordonneroient, li doi

roi le tenroient et confremeroient sans nul moiien.

Et fu encores celle triewe presente acordée sus tèle

condition que cescuns devoit tenir paisieuvlement ce

dont il estoit saisis. 20

Quant celle triewe fu acordée et saielée d'une part

et d'aultre, cescuns s'en retourna en son host. Si le

fisent tantost criier par tout l'ost d'une part et d'autre,

dont li Braibençon eurent grant joie, car il eurent

là logiet et esté un grant temps moult à envis. 25

Qui l'endemain, si tost que jours fu, peuist veoir

tentes abatre, chars chargier, gens fourhaster, emblaver

et toueillier, bien peuist dire: «Je voi un

nouvel siècle.»

§ 136. Ensi com vous avés oy, se departirent ces 30

deux grans hos, par le traveil et le pourcach de celle

83

bonne dame, qui Diex face pardon, qui y rendi grant

painne. Et demora la bonne cité de Tournay francement

et entière, qui avoit esté en très grant peril,

car toutes leurs pourveances falloient, et n'en avoient

mies pour trois jours ou pour quatre à vivre. Li 5

Braibençon se prisent au raler hasteement, car grant

desir en avoient. Li rois englès s'en departi moult à

envis, s'il peuist et à se volenté en fust; mais il li

couvenoit sievir partie de le volenté les aultres signeurs

et croire leur conseil. Li jones contes de Haynau 10

et messires Jehans de Haynau, ses oncles, se

fuissent ossi bien à envis acordés à celle departie,

s'il seuissent ossi bien le couvenant de chiaus qui

estoient dedens Tournay que li rois de France faisoit,

et se ne fust ce que li dus de Braibant leur 15

avoit dit en secret qu'il detenoit à grant mesaise ses

Braibençons, et comment que fust, il ne les pooit

tenir qu'il ne se deuissent partir le jour ou l'endemain,

se acors ne se faisoit.

Li rois de France et tous ses hos se departirent 20

assés liement, car il ne pooient bonnement plus demorer

là endroit, pour le puasine des biestes que on

tuoit si priès de leurs logeis, et pour le chaut qu'il

faisoit; et si pensoient en leur part à avoir l'onneur

de celle partie, si com il disoient, pour le raison de 25

ce que il avoient rescousse et gardée d'estre perdue le

bonne cité de Tournay, et avoient fait departir celle

grande assamblée qui assegiet l'avoit, et nient n'i

avoient fait, comment qu'il y euissent grans frais mis

et despendus. Li aultre signeur et cil de leur partie 30

pensoient ossi bien à avoir l'onneur de celle partie,

pour le raison de ce qu'il avoient si longement demoret

84

ens ou royaume et assegié une des bonnes cités

que li rois ewist, et ars et gasté son pays cescun

jour, lui saçant et voiant; et point ne l'avoit secouru

de temps ne d'eure, ensi qu'il deuist; et au daarrain

il avoit acordé une triewe, ses ennemis seans devant 5

se cité et ardant et gastant son pays.

Ensi en voloit cescune des parties avoir à soy et

attribuer l'onneur. Si en poés determiner entre vous,

qui oy les fais avés et qui les sentés, ce qu'il vous

en samble, car de moy je n'en pense à nullui donner 10

l'onneur plus l'un que l'autre, ne faire ent partie,

car je ne me cognois mie en si grans afaires

qu'en fais et en maniemens d'armes.

§ 137. Or se departirent cil signeur dou siège de

Tournay, et en rala cescuns en son lieu. Li rois englès 15

s'en revint à Gand dalés ma dame sa femme, et

assés tost apriès il rapassa le mer et toutes ses gens,

excepté chiaus qu'il laissa pour estre au parlement à

Arras. Li contes de Haynau s'en revint en son pays;

et eut adonc une moult noble feste à Mons en Haynau 20

et jouste de chevaliers, à la quèle messires Gerars

de Wercin, seneschaus de Haynau, fu et jousta;

et y fu telement bleciés qu'il en morut, dont ce fu

damages. Se demora de li uns biaus filz, qui fu appellés

Jehans, et puissedi bons chevaliers et hardis; 25

mais petit dura et regna en santé, dont ce fu damages.

Li rois de France donna à toutes ses gens congiet,

et puis s'en vint jewer et rafreschir en le ville

de Lille. Et là le vinrent veoir cil de Tournay, les

quelz li rois reçut liement et vei très volentiers, et 30

leur fist grasce, pour tant que si bellement et si vallamment

85

il s'estoient tenu et deffendu contre leurs

ennemis, et que riens on n'avoit pris ne conquesté

sus yaus. Le grasce qu'il leur fist elle fu tèle qu'il

leur rendi leur loy que perdu avoient de grant temps,

dont il furent moult joiant, car messires Godemars 5

don Fay et aultre pluiseur chevalier estragne, devant

lui, en avoient esté gouvreneur; si refisent entre

yaus prevos et jurés, selonch leurs usages anciiens.

Quant li rois eut ordonné à son plaisir une partie

de ses besongnes, il se departi de Lille et se mist au 10

chemin devers France, pour revenir à Paris.

Or vint li saisons que li parlement ordonnet et

insinuet en le cité d'Arras approcièrent. Si y envoia

li papes Clemens VIe en legation deux cardinaulz,

cesti de Naples et cesti de Clermont, qui de premiers 15

vinrent à Paris, où il furent moult honnouré dou

roy et des François; et puis s'avalèrent devers Artois

et jusques en le cité d'Arras. A ce parlement, de par

le roy de France, furent li contes d'Alençon, li dus

de Bourbon, li contes de Flandres et li contes de 20

Blois, et des prelas li archevesques de Sens, li evesques

de Biauvais et li evesques d'Auçoirre; de par le

roy d'Engleterre, li evesques de Lincolle, li evesques

de Duremmes, li contes de Warvich, messires Robers

d'Artois, messires Jehans de Haynau et messires 25

Henris de Flandres. Au quel parlement, il y eut pluiseurs

trettiés et langages mis avant, et parlementèrent

plus de quinze jours. Mais riens n'i fu acordé

ne afiné, car li Englès demandoient et li François

ne voloient riens donner, fors tant seulement rendre 30

le conté de Pontieu, qui fu donnée à le royne Ysabiel

en mariage avoech le roy d'Engleterre. Ceste

86

cose ne veurent point li Englès accepter. Si se departirent

cil signeur et cil parlement sans riens faire,

fors tant seulement que la triewe fu ralongie deux

ans; che fu tout ce que li cardinal y peurent impetrer.

Apriès ce, cescuns s'en rala en son lieu. Et revinrent 5

adonc li doi cardinal parmi Haynau, à le

priière dou conte, qui grandement le(s) festia en le

ville de Valenciènes.

Or nous deporterons nous à parler des deux rois,

tant que les triewes durront, qui furent assés bien 10

tenues, excepté les marces lontainnes; et enterons

en le grant matère et hystore de Bretagne, qui grandement

renlumine ce livre, pour les biaus fais d'armes

et grandes aventures qui y sont avenues, si com

vous porés ensiewant oïr. Et pour ce que vous saciés 15

veritablement le commencement et le racine de ceste

guerre et dont elle se meut, je le vous declarrai de

point en point. Si en dirés vostre entente, et quel

cause et droit messires Charles de Blois eut au grant

hiretage de Bretagne, et d'autre part li contes de 20

Montfort qui en fist fait et partie contre lui, dont

tant de rencontres, de batailles et d'autres grans fais

d'armes sont avenu en la ditte ducé de Bretagne et

ens ès marces voisines.

§ 138. A savoir est que, quant les triewes furent 25

acordées et seellées devant le cité de Tournay, tout

li signeur et toutes manières de gens se deslogièrent

de une part et d'autre. Si s'en rala cescuns en sa

contrée. Li dus de Bretagne, qui avoit esté à host

droit là devant Tournay avoec le roy de France plus 30

grossement et plus estoffeement que nulz des autres

87

princes, s'en retourna vers son pays en l'entente

d'y revenir, mais il ne peut, car une maladie le prist

sus le chemin, dont il le couvint aliter et morir.

Dont ce fu damages, car grans guerres et grans

destructions de villes et de chastiaus en avinrent 5

entre les gens nobles et non nobles de son pays.

Et pour cescun mieulz infourmer pour quoi tout

cil grant mal avinrent, jou en conterai aucune partie

ensi que je le sçai et que jou en ay enquis ou

pays meismement, où j'ay esté et conversé, pour 10

mieulz savoir ent le verité, et à chiaus ossi qui ont

là esté où je n'ai mies (este [354]) et qui en ont veu et

sceu ce que je n'ai mies tout pout veoir et concevoir.

Cilz dus de Bretagne, quant il trespassa de ce siècle,

n'avoit nul enfant ne n'eut onques de la duçoise sa 15

femme ne n'avoit eu nulle esperance de l'avoir. Si

avoit un frère, de par se mère qui avoit estet remariée,

que on appelloit le conte de Montfort, qui vivoit

adonc, et avoit chilz à femme le sereur le conte Loeis

de Flandres. Cilz dus de Bretagne avoit eut un aultre 20

frère germain de père et de mère, qui trespassés estoit;

s'en estoit demorée une jone fillète, la quèle li

dis dus ses oncles avoit mariée à monsigneur Charle

de Blois (mains net fil au conte Guy de Blois [355]) de le

sereur le roy Phelippe de France qui adonc regnoit; 25

et li avoit prommis en mariage la ducé de Bretagne

apriès son dechiès, pour tant qu'il se doubtoit que

li contes de Montfort n'i vosist clamer droit par

proismeté apriès son dechiès, comment qu'il ne fust

mies ses frères germains. Et il sambloit au dit duch 30

88

que li fille de sen frère germain devoit estre par raison

plus proçaine de avoir le ducée apriès son deciès,

que li contes de Montfort, ses frères, qui n'estoit point

estrais de l'estok de Bretagne. Et par tant qu'il avoit

toutdis doubtet que ses frères li coens de Montfort 5

n'enforçast, apriès son deciès, le droit de sa jone nièce,

par se poissance, le maria il au dit monsigneur Carle

de Blois, à celle entente que li rois Phelippes, qui

estoit ses oncles, li aidast mieus et plus volentiers à

garder son droit encontre le dit conte de Montfort, 10

s'il le vosist entreprendre.

Si avint tout ce que li dis dus avoit toutdis doubtet.

Car, sitost que li contes de Montfort peut savoir

que li dis dus ses frères fu trespassés sus le

chemin de Bretagne, il se traist tantost à Nantes, 15

qui est li chiés et li souverainne cités de Bretagne;

et fist tant as bourgois et à chiaus dou pays entour,

qu'il fu receus à signeur comme li plus proisme del

duch son frère qui trespassés estoit; et li fisent tout

feaulté et hommage comme au duch de Bretagne et 20

au signeur. Quant il eut pris le feauté des bourgois

de Nantes et dou pays d'entour Nantes, ils et la

contesse sa femme, qui bien avoit coer d'omme

et de lyon, eurent conseil ensamble qu'il tenroient

une grant court et feste solennèle à Nantes, et manderoient 25

tous les barons et les nobles del pays de

Bretagne et les consaulz des bonnes villes et de

toutes les cités, qu'il volsissent estre et venir à celle

court, pour faire feaulté à lui comme à leur droit

signeur. Quant cilz consaulz fu acordés, il envoiièrent

grans messages par tous les signeurs, les cités et 30

les bonnes villes del pays.

89

§ 139. Chou pendant et le feste attendant, il se

parti de Nantes à grant fuison de gens d'armes et s'en

ala vers la bonne cité de Limoges, car il sçavoit et

estoit infourmés que li grans tresors, que li dus ses

frères avoit amasset de lonch temps, estoit là enfremés. 5

Quant il vint là, il entra en le cité à grant beubant

et fu noblement recheus des bourgois et de

tout le clergié et le communauté de le cité; (si ly

firent tous feaulté, comme à leur droit seigneur. Et

ly fu tous cils grans tresors delivrés, par le grant acord 10

qu'il acquist as bourgois de le cité [356]), par grans dons

et prommesses qu'il leur fist. Et quant il eut là tant

festiiet et sejourné qu'il li pleut, il s'en parti à tout

le grant tresor et s'en revint droit à Nantes, là où

madame sa femme estoit, qui eut grant joie del grant 15

tresor que ses sires avoit trouvet. Si demorèrent à

Nantes tout quoi, grant feste demenant, jusques au

jour que la feste devoit estre, et li grans cours tenue;

et faisoient très grans pourveances pour celle grant

feste parfurnir. 20

Quant li jours de celle feste fu venus, et nulz

n'i venoit pour mandement qui fais leur fust, fors

uns seulz chevaliers que on clamoit monsigneur

Hervi de Lyon, noble homme et poissant, li dis

contes de Montfort et la contesse sa femme en furent 25

durement courouciet et abaubit. Il fisent leur

feste par trois jours des bourgois de Nantes et des

bonnes gens de là au tour, au mieus qu'il peurent;

si eurent grant despit des aultres qui n'avoient dagniet

venir à leur mandement. Et eurent conseil 30

90

entre yaus de retenir saudoiiers à cheval et à piet,

tous ceulz qui venir vorroient, et de departir ce grant

tresor que trouvet avoient, pour mieus venir le dit

conte à son pourpos de la ditte ducé de Bretagne, et

pour constraindre tous rebelles de venir à merchi. 5

A ce conseil se tinrent tout cil qui là furent, chevalier,

clerch et bourgois. Et furent retenu saudoiier

venans de tous costés, et larghement paiiés, tant qu'il

en eurent grant plenté, à cheval et à piet, nobles et

non nobles, de pluiseurs pays. 10

§ 140. Quant li contes de Montfort perchut qu'il

avoit gens à plentet, il eut conseil de aler conquerre,

par force ou par amours, tout le pays, et de destruire

tous rebelles à son pooir. Puis, issi hors de le cité

de Nantes à grant host; si se trest par devers un 15

moult fort chastiel qui siet d'un costet sus mer, que

on appelle (Brait. Et en estoit gardiiens et chastellains

uns gentilz chevaliers qu'on appelloit [357]) monsigneur

Garnier de Cliçon, cousins au duch qui

mors estoit, et cousins à monsigneur Olivier de 20

Cliçon, un noble chevalier et un des plus haus barons

de Bretagne. Ançois que li dis coens de Montfort

parvenist à Brait, il avoit si constraint tous

chiaus del commun pays, fors de forterèces, que cescuns

le sievoit à cheval ou à piet, car nulz ne l'osoit 25

laissier, si qu'il avoit si grant host que merveilles

estoit. Quant il fu parvenus devant le chastiel de

Brait à tout son host, il fist appeller le chevalier deseure

dit monsigneur Garnier (de Clichon par monsigneur

91

Hervy de Lyon qui là estoit venus avoech lui,

et requist au dit monsigneur Garnier [358]) qu'il vosist

obeir à lui et rendre le ville et le chastiel comme au

duch de Bretagne et à signeur. Li chevaliers respondi

qu'il n'estoit point consilliés de çou faire, ne riens 5

n'en feroit, ne ne le tenroit à signeur, s'il n'en avoit

mandement et ensengnes dou signeur à qui il devoit

estre par droit. Adonc retray li dis coens arrière et

deffia le chevalier et chiaus dou chastiel et de le

ville. A l'endemain, quant il eut oy messe, il commanda 10

que tout fuissent armet et fist le chastiel assallir,

qui moult fors estoit et bien pourveus et appareilliés

pour le deffendre. Et li chevaliers messires

Garniers de Cliçon, qui preus estoit, sages et hardis,

fist ossi toutes ses gens armer, qui bien estoient trois 15

cens arme(u)res et combatans, et fist çascun aler à

se deffense là où il les avoit ordonnés et establis, et

en prist environ quarante des plus hardis: si s'en

vint hors dou chastiel jusques as bailles pour deffendre,

se il peuist, quant il vei les assallans venir tous 20

batilliés.

A ce premierain assaut, eut grant hustin et très

durement trait et lanciet, et fuison de mors et de

navrés de chiaus de dehors. Et y fist li dis chevaliers

tant de biaus fais d'armes et souffri tant de cops 25

durs et perilleus que on le devoit bien tenir pour

preu. Mès au daarrain il y sourvint si grant fuisson

des assallans, et se les semonnoit li contes si asprement,

que cescuns s'esprouvoit, efforçoit et penoit

de l'assallir et se mettoit en aventure: si ques, au 30

92

daarrain, les bailles furent gaegnies, et convint les

daarrains retraire vers le forterèce à grant meschief,

car li assallant se ferirent entre yaus et en tuèrent

aucuns. Et li chevaliers, qui y faisoit merveilles d'armes,

les rescouoit et les metoit ce qu'il pooit à sauveté 5

dedens la mestre porte. Quant cil qui estoient

sus le port(e) veirent le grant meschief, il eurent paour

de perdre le chastiel; si laissièrent avaler le grant

restiel et encloirent le chevalier dehors et aucuns de

leurs compagnons qui se combatoient fortement à 10

chiaus de dehors. Là fu li bons chevaliers à grant

meschief et durement navrés en pluiseurs lius, et si

compagnon, qui hors estoient fourclos, priès que tout

mort; ne onques ne se volt rendre prisons pour requeste

que on li fesist. Quant cil del chastiel veirent 15

le grant meschief là où li chevaliers estoit et comment

il se deffendoit, il s'efforcièrent de traire et de

getter grosses pières à fais, tant qu'il fisent les assallans

traire arrière, et ressachièrent sus un petit les

restiaus; par quoi li chevaliers entra en le porte durement 20

bleciés et navrés en pluiseurs heus, et aucuns

de ses compagnons, qui demoret li estoient, tout navret

ossi. Et li assallant retraiirent arrière à leurs logeis,

durement travilliés, et li aucun blechiés et navrés,

et li coens de Montfort durement courouciés de çou 25

que li chevaliers li estoit escapés. A l'endemain, il fist

faire et apparillier instrumens et engiens pour plus

fortement assallir le chastiel, et bien dist qu'il ne s'en

partiroit, pour bien ne pour mal, si l'aroit à se volenté.

Au tierc jour apriès, il entendi par une espie 30

que li bons chevaliers messires Garniers de Cliçon

estoit trespassés des plaies et des bleceures qu'il

93

avoit receutes en lui deffendant, si comme voirs

estoit, dont ce fu pités et damages. Si commanda

tantost que cescuns se alast armer pour recommencier

l'assaut moult vighereusement. Et adonc fist li

coens traire avant aucuns estrumens qui fais estoient, 5

et grans mairiens pour getter oultre les fossés pour

venir as murs dou chastiel. Chil de dedens se deffendirent

longement, de traire et de getter pières et feu

et pos plains de cauch, jusques environ le heure de

miedi. Adonc les fist requerre li contes qu'il se volsissent 10

rendre et lui tenir à signeur, et il lor pardonroit

son mautalent. Il eurent conseil entre yaus longement,

tant que li contes fist cesser l'assaut. Au

daarrains, quant il se furent longuement consilliet,

il se rendirent de plain acord au dit conte, salve 15

leurs corps, leurs membres et leur avoir. Si entra

adonc li dis contes ens ou chastiel de Brait à peu de

gens, et rechut le feauté de tous les hommes de le

chastelerie, et y establi un chevalier pour chastelain en

qui moult se fioit, puis revint à ses tentes tous joians. 20

§ 141. Quant li contes de Montfort fu revenus

entre ses gens, et il eut establi ses gardes ens ou chastiel

de Brait, il eut conseil qu'il se trairoit par devers

le cité de Rennes qui estoit assés priès de là. Si fist

deslogier ses gens et traire le chemin devers Rennes. 25

Et par tout là où il venoit, il faisoit toutes manières

de gens rendre et faire feaulté à lui comme à leur

droit signeur. Et enmenoit tous chiaus qui se pooient

aidier, avoecques lui, pour efforcier son host; et il ne

l'osoient refuser ne laiier, pour doubtance de leurs 30

corps. Et en ala tant ensi qu'il vint devant le cité de

94

Rennes; si fist tendre ses tentes et ses gens logier entours

(le ville et entours [359]) les fourbours. Quant cil

de le cité de Rennes veirent ceste host logie entours

leur ville et entours les fourbours, il fisent grant

samblant d'yaus deffendre. Et avoient avoecques yaus 5

un gentil homme, chevalier preu et hardi durement,

qui manoit assés priès de là, et l'amoient entre yaus

trop durement pour le loyauté de lui. Si l'avoient

esleu et pris pour leur gouvrenement et chapitainne,

et avoit nom messires Henris de Pennefort. 10

Si avint un jour que cilz eut volenté qu'il destourberoit

les gens de l'host, s'il avoit compagnie.

Si pourcaça tant qu'il eut compagnie de deus cens

hommes de bonne volenté, et issi hors de le cité

paisievlement à l'aube dou jour, et se feri à l'un 15

des costés de l'host à toute se compagnie. Si abati

tentes et logeis et en tua aucuns, par quoi li cris

et li hahais mon(ta) tantost en l'ost, et cria cescuns

as armes, et se commencièrent à deffendre. Droit

à ce point se repairoit uns chevaliers, qui avoit fait 20

le gait celle nuit, par devers l'ost, à toute se compagnie.

Si oy le cri et le hahay et se trest celle part,

au ferir des esporons, et encontra le chevalier et toute

se compagnie qui s'en repairoit vers le cité. Si lor

coururent sus vighereusement, et eurent bon puigneis 25

et fort. Apriès yaus venoient courant cil de

l'host qui estoient armet. Quant cil de le cité veirent

le fais qui leur croissoit, il se desconfirent et s'en

fuirent vers le cité ce qu'il peurent, mais il en domora

grant fuison de mors et de pris. Et si y fu pris li chevaliers 30

95

que tant amoient, messires Henris de Pennefort

(et amenés devant le conte [360]) qui volentiers le vey.

Quant tout furent repairiet à leur host, li contes

eut conseil qu'il envoieroit le chevalier prison par

devant le cité, et feroit requerre les bourgois qu'il 5

li volsissent rendre le cité et faire feaulté à lui comme

à leur signeur, ou il feroit pendre le chevalier devant

le porte, par tant qu'il avoit entendu que li

chevaliers estoit très durement amés de toute le communauté

de Rennes. Ensi fu fait que consilliet fu. 10

Quant cil de le cité oïrent celle requeste et veirent

le chevalier qu'il amoient tant à tel meschief, il en

eurent grant pité. Si se traisent en le cité pour yaus

consillier sour celle requeste que on leur avoit faite.

Si se consillièrent moult longuement, car grans dissentions 15

estoit entre yaus, car li communs avoit

grant pitié dou chevalier qu'il amoient durement,

et si avoient petit de pourveances pour le siège longement

soustenir. Si se acordèrent finablement tuit

à le pais. Et li grant bourgois, qui estoient bien 20

pourveu, ne s'i voloient acorder.

Si monteplia li dissentions si durement que li

grant bourgois, qui estoient tout d'un linage, se traisent

d'une part et disent tout hault que tout cil qui

estoient de leur accord se traisissent d'une part et devers 25

yaus. Il s'en traii tant de chiaus qui estoient de

leur linage, qu'il furent bien doi mille, tout d'un

acord. Quant li aultre commun veirent che, il se

commencièrent à esmouvoir et à criier durement sus

les grans bourgois, disant sur yaus laides parolles et 30

96

villainnes. Et au daarrain il les coururent sus, et en

tuèrent grant fuison. Quant li bourgois se veirent à

tel dangier, (il) priièrent merci, et disent qu'il s'acorderoient

à le volenté dou commun et dou pays.

Adonc cessa li hustins, et coururent tous li communs

ouvrir les portes, et rendirent le ditte cité au conte 5

de Montfort; et li fisent feaulté et hommage, grans

et petis, et le cogneurent à signeur. Ossi fist li chevaliers,

messires Henris de Pennefort, et fu retenus

de son conseil. 10

§ 142. Adonc entra li contes de Montfort en le

cité de Rennes à grant feste, et fist son host tout quoi

logier as camps. Et fist le pais et l'acord entre les

grans bourgois et les communs; puis establi baillieu,

prevost, eskievins, sergans et tous aultres officiiers. 15

Et sejourna en le cité trois jours, pour li reposer et

son host ossi, et pour avoir avis comment il feroit de

donc en avant. Au quart jour, il fist son hoost deslogier,

et eut conseil de traire devers uns des plus fors

chastiaus et forte ville sans comparison de toute Bretagne, 20

que on claime Haimbon, et siet droitement sus

un bon port de mer, et en va li fluns tout au tour

par grans fossés. Quant messires Henris de Pennefort,

qui estoit rendus (au conte [361]) et avoit juret son conseil,

vei que li contes se trairoit par devers Haimbon, 25

dont Oliviers de Pennefort ses frères avoit estet

gouvrenères un grant temps et encores estoit, il eut

paour qu'il ne mescheist à son frère par aucune

aventure; si traist le conte d'une part à conseil et li

97

dist: «Sire, je sui de vostre conseil, si vous doi

feauté. Je voi que vous volés traire par devers Haimbon.

Sachiés que li chastiaus et la ville sont si fort

qu'il ne font mies à gaegnier, ensi que vous poriiés

penser. Vous y poriés seoir et perdre le temps d'un 5

an, ançois que vous le peuissiés avoir par force. Mais

je vous dirai, se croire me volés, comment vous le

porés avoir. Il fait boin ouvrer par engien, quant on

ne poet avant aler par force. Vous me deliverés, se

il vous plaist, jusques à six cens hommes à faire me 10

volenté, et je les menrai devant vostre host par l'espasse

de quatre liewes de terre, et porterai le banière

de Bretagne devant mi. Jou ay dedens Haimbon un

frère qui est gouvrenères dou chastiel et de le ville.

Tantost qu'il vera le banière de Bretagne et il me cognistera, 15

il me fera ouvrir le porte, et je enterai dedens

à toutes gens, et me saisirai de le ville et des

portes, et prenderai mon frère, et le vous renderai

pris et à vostre volenté, se tantost il n'obeist à moy,

mès que vous me prommetés que dou corps nul mal 20

ne li ferés.»—«Par mon chief, dist li contes, nennil.

Et vous estes bien avisés, et vous amerai mieus

que devant à tous jours mès, se par ensi faites que je

soie sires de Haimbon, de le ville et dou chastiel.»

§ 143. Adonc se parti messires Henris de Pennefort 25

de le route dou conte, en se compagnie bien six

cens armeures de fier, et chevauça le jour tout entier,

et sus le soir il vint en Haimbon. Quant Oliviers de

Pennefort ses frères sceut que messires Henris venoit

là, si en eut grant joie et cuida tout certainnement 30

que ce fust pour lui aidier à garder le ville; si le

98

laissa ens et ses gens d'armes, et vint contre lui sus

le rue. Si tost que messires Henris le vei, il s'approça

de lui et le prist et li dist: «Olivier, vous estes mon

prisonnier.»—«Comment ce, respondi Oliviers!

Je me sui confiiés en vous et cuidoie que vous venissiés 5

chi pour moy aidier à garder et à deffendre

ceste ville et ce chastiel.»—«Biaus frères, dist

messires Henris, il ne va point ensi. Je m'en mach

en possession et saisine de par le conte de Montfort,

qui presentement est dus de Bretagne, et à qui j'ay 10

fait feauté et hommage, et tous li plus grant partie

dou pays ossi. Si y obeirés ossi. Et encores vault

mieulz que ce soit par amours que par force, et vous

en sara messires grignour gré.» Tant fu Oliviers de

Pennefort preeciés et amonnestés de monsigneur 15

Henri son frère, qu'il s'acorda à lui et au conte de

Montfort ossi, qui entra dedens Haimbon à grant joie;

et fu plus liés de le prise et saisine de Haimbon que

de telz quarante castiaus (qui [362]) sont en Bretagne, car

il y a bonne ville et grosse et bon port de mer. Si se 20

saisi tantost dou fort chastiel et de le ville, et y mist

dedens ses gens et ses garnisons.

Et puis si se traist à toute son host par devant le

cité de Vennes; et fist tant parler et trettier as bourgois

et à chiaus de Vennes, qu'il se rendirent à lui 25

et li fisent feaulté et hommage comme à leur signeur.

Il establi en le cité toutes manières d'officiiers et y

sejourna deus jours.

Au tierc jour, il s'en parti et ala assegier un trop

fort chastiel, seant sus un hault tertre qui s'estent 30

99

droit sus le mer, que on claime le Roceperiot. Si en

estoit chastellains uns vaillans chevaliers et moult

gentils homs que on clamoit monsigneur Olivier de

Cliçon, cousins germains au signeur de Cliçon. Et

sejourna par devant, à siège fait, plus de dix jours que 5

onques ne peut trouver voie par quoi il peuist le

chastiel gaagnier, si fors estoit il. Et si ne pooit

trouver accord au gentil chevalier, par quoi il peuist

obeir à lui, par promesses ne par manaces qu'il li

peuist faire. 10

Si s'en parti atant et laissa le siège jusques à tant

que plus grans pooirs li venroit, et ala assegier un

aultre chastiel, à dix liewes priès de là, que on clamoit

chastiel d'Auroy. Et en estoit chastellains uns

gentilz chevaliers que on clamoit monsigneur Joffroi 15

de Malatrait, et avoit à compagnon monsigneur Yvon

de Tigri. Li dis coens fist assallir deus fois à celui

castiel, mais il vey bien qu'il y poroit plus perdre

que gaegnier. Si s'acorda à une triewe et à jour de

parlement, par le pourcach monsigneur Hervi de 20

Lyon, qui adonc estoit avoech lui. Li parlemens se

porta si bien que au pardaarrain il furent bon ami.

Et fisent li doi chevalier feaulté au dit conte, et demorèrent

gardiien dou dit chastiel et de celui pays,

de par le dit conte. 25

Atant se parti li contes de là et mena son host par

devant un aultre fort chastiel, assés priès de là, que

on claime Goy le Foriest. Chils qui chastelains en

estoit veoit que li contes avoit grant host et que

tous li pays se rendoit à lui: si ques, par l'enhort et 30

le conseil monsigneur Hervi de Lyon, avoech qui il

avoit estet grans compains en Grenate, en Prusce et

100

en aultres estragnes contrées, il s'acorda au dit conte

et li fist feaulté, et demora gardiiens del dit chastiel

de par le conte.

Tantost apriès, li contes se parti de là et s'en ala

par devers Craais, bonne ville et fort chastiel, et 5

avoit dedens un evesque qui sires en estoit. Chilz

evesques estoit oncles au dit monsigneur Hervi de

Lyon: si ques, par le conseil et l'amour del dit

monsigneur Hervi de Lyon, il s'acorda au dit conte

et le recogneut à signeur jusques adonc que venroit 10

avant, qui plus grant droit mousteroit pour avoir la

ducée de Bretagne.

§ 144. Pourquoi vous feroi je lonc compte? En

tel manière conquist li dis contes de Montfort tout

cel pays que vous avés oy, et fist par tout obeir à lui 15

et appeller duc de Bretagne. Puis s'en ala à un port

de mer que on claime Gredo, et departi toutes ses

gens. Si les envoia par ses cités et forterèces, pour

elles aidier à garder, puis se mist en mer à tout

vingt chevaliers et naga tant qu'il vint en Cornuaille 20

et arriva à un port c'on dist Cepsée. Si enquist dou

roy englès où il le trouveroit. Il li fu dit que le plus

dou tamps il se tenoit à Windesore. Dont chevauça

celle part et toute se route; et fist tant par ses journées

qu'il vint à Windesore, où il fu receus à grant 25

joie dou roy, de ma dame le royne et de tous les

barons qui là estoient. Et fu grandement festiiés et

honnourés, quant on sceut pour coi il estoit là venus.

Premierement (il [363]) remoustra ses besongnes au roy

101

englès, à monsigneur Robert d'Artois et à tout le conseil

le roy, et dist comment il s'estoit mis en saisine

et en possession de la ducée de Bretagne, qui escheue

li estoit par le succession dou duc son frère daarrainnement

trespassé de ce siècle. Or faisoit il 5

doubte que messires Charles de Blois ne li empeeçast,

et li rois de France ses oncles ne li volsist oster par

poissance; pour quoi il s'estoit là trais pour relever

la ditte ducée et tenir en foy et en hommage dou

roy d'Engleterre à tous jours, mès qu'il l'en fesist 10

seur contre le roy de France et contre tous aultres

qui empeecier li vorroient.

Quant li rois englès eut oy ces parolles, il y entendi

volentiers, car il regarda et ymagina que se

guerre au roy de France en seroit grandement embellie, 15

et qu'il ne pooit avoir plus belle entrée ou

royaume ne plus pourfitable que par Bretagne, et

que, de tant qu'il avoit guerriiet par les Alemans et

les Braibençons, il n'avoit riens fait, fors que frettiiet

et despendut grandement et grossement. Et 20

l'avoient mené et demené li signeur de l'Empire,

qui avoient pris son or et son argent, ensi qu'il

avoient volu, et riens fait. Si descendi à le requeste

dou conte de Montfort liement et legierement, et

prist le hommage de la ditte ducé de Bretagne, par 25

la main dou conte de Montfort, qui se tenoit et appelloit

dus de Bretagne. Et là li eut li rois englès en

couvent, present les barons et les chevaliers qui

d'Engleterre estoient et qu'il avoit là amenés de Bretagne,

qu'il l'aideroit et deffenderoit et garderoit 30

comme son homme contre tous hommes, fust rois de

France ou aultres, selonch son loyal pooir. De ces parolles

102

et de ces hommages furent escriptes et (leues [364])

lettres et seelées, dont cescune des parties eut les

copies. Avoec tout ce, li rois et ma dame la royne

donnèrent au conte de Montfort et à ses gens grans

dons et biaus jeuiaus, car bien le savoient faire; et 5

tant qu'il en furent tout content et qu'il disent que

c'estoit uns nobles rois et vaillans et une noble

royne, et qu'il estoient bien tailliet de regner encores

en grant prosperité.

Apriès toutes ces coses faites et acomplies, li contes 10

de Montfort prist congiet et se parti d'yaus, et

passa Engleterre. Et rentra en mer à ce meisme port

où il estoit arivés, et naga tant qu'il arriva à Gredo

en le Basse Bretagne. Et puis s'en vint en le cité de

Nantes, où il trouva la contesse sa femme, à qui il 15

recorda comment il avoit esploitiet. De ce fu elle

toute joians, et li dist qu'il avoit très bien ouvré et

par bon conseil. Si me tairai un petit d'yaus et

parlerai de monsigneur Charlon de Blois, qui devoit

avoir la ducée de Bretagne de par sa femme, ensi 20

que vous avés oy determiner par devant.

§ 145. Quant messires Charles de Blois, qui tenoit

à avoir à femme le droit hoir de Bretagne, entendi

que li contes de Montfort conqueroit ensi par force

le pays et les forterèces, qui estre devoient siennes 25

par droit, il s'en vint à Paris complaindre au roy

Phelippe son oncle. Li rois Phelippes ot conseil à

ses douze pers quel cose il en feroit. Si douze per li

consillièrent qu'il apertenoit bien que li dis coens

103

de Montfort fust mandés et ajournés par souffissans

messages à estre à un certain jour à Paris, pour oïr

ce qu'il en vorroit respondre. Ensi fu fait. Li dis

contes fu mandés et ajournés souffissamment; et fu

trouvés en le cité de Nantes, grant feste demenant. Il 5

fist grant chière et grant feste as messages, mais il

eut pluiseurs diverses pensées ançois qu'il otriast le

voie de l'aler au mandement dou roy à Paris. Toutes

voies au darrain, il leur respondi qu'il voloit estre

obeyssans au roy et qu'il iroit volentiers à son mandement. 10

Si s'ordonna et apparilla moult richement

et grandement, et se departi de Nantes en grant arroi

et bien acompagniés de chevaliers et d'escuiers, et

fist tant par ses journées qu'il entra en Paris à plus

de trois cens chevaus, et se trest as hostelz moult ordeneement,15

et fu là tout le jour et le nuit ossi.

A l'endemain, à heure de tierce, il monta à cheval,

et chevalier et escuier grant fuison avoecques lui, et

chevauça vers le palais et fist tant qu'il y vint. Là

l'attendoit li rois Phelippes, et tout li douze per et 20

grant plenté des barons de France avoecques monsigneur

Charlon de Blois. Quant li contes de Montfort

sceut quel part il trouveroit le roy et les barons,

il s'est trais viers yaus en une cambre où il estoient

tout assamblé. Si fu moult durement regardés et salués 25

de tous les barons, puis s'en vint encliner le

roy moult humlement et li dist: «Sire, je sui chi

venus à vostre mandement et à vostre plaisir.» Li

rois li respondi et li dist: «Contes de Montfort, de

ce vous sai je bon gré. Mais je m'esmerveille durement 30

pour quoi ne comment vous avés osé entreprendre,

de vostre volenté, le duchée de Bretagne où

104

vous n'avés nul droit, car il y a plus proisme de

vous, cui vous volés deshireter. Et pour vous mieus

efforcier, vous estes alés à mon adversaire le roy

d'Engleterre, et le avés de lui relevet et à lui fait

feaulté et hommage, ensi que on le m'a compté.» Li 5

contes respondi et dist: «Ha! sire, ne le creés pas,

car vraiement vous estes de chou mal infourmés, je

le feroie moult à envis. Mais de la proismeté dont

vous me parlés m'est avis, sire, sauve vostre grasce,

que vous en mesprendés, car je ne sçai nul si proçain 10

del duch de Bretagne, mon frère daarrainnement

mort, que moy. Et se jugiet et declaret estoit

par droit que aultres y fust plus proismes de moy,

je ne seroie point honteus ne rebelles del deporter.»

Quant li roys entendi chou, il respondi et dist: 15

«Sire coens, vous en dites assés, mès je vous commande,

sur quanques vous tenés de moy et que

tenir en devés, que vous ne vous partés de le cité

de Paris jusques à quinze jours que li baron et li per

jugeront de celle proismeté. Si sarés adonc quel 20

droit vous y avés; et se vous le faites autrement, saciés

que vous me couroucerés.» Li coens respondi

et dist: «Sire, à vostre volenté.»

Si se parti atant dou roy et vint à son hostel:

venus, il entra en sa cambre et se commença à aviser 25

et penser que, s'il attendoit le jugement des barons

et des pers de France, que li jugemens poroit

bien tourner contre lui, car bien li sambloit que

li rois feroit plus volentiers partie pour monsigneur

Charlon de Blois son neveu que pour lui. 30

Et veoit bien que, se il avoit jugement contre

lui, que li rois le feroit arrester jusques à tant

105

qu'il aroit tout rendu, cités, villes et chastiaus

dont il tenoit ores le saisine et le possession, et

avoech chou tout le grant tresor qu'il avoit trouvet

et despendut. Se li fu avis pour le mains

mauvais qu'il li valoit mieulz qu'il courouchast le 5

roy et s'en ralast paisievlement par devers Bretagne,

que il demorast en Paris en ce dangier et en si perilleuse

aventure. Ensi qu'il pensa, ensi fut fait. Si

monta si paisievlement et si couvertement, et se parti

à si peu de compagnie qu'il fu ançois en Bretagne 10

revenus que li rois ne aultres, fors cil de son conseil,

sceuissent riens de son departement; ains pensoit

cescuns qu'il fust dehetiés à son hostel. Quant il fu

revenus dalés le contesse sa femme qui estoit à

Nantes, il li compta toute sen aventure, puis ala par 15

le conseil de sa femme, qui avoit bien coer d'omme

et de lyon, par toutes les cités, les chastiaus et les

bonnes villes qui estoient à lui rendues, et establi

par tout bons capitainnes et si grant plenté de saudoiiers

à piet et à cheval qu'il y couvenoit, et grans 20

pourveances de vivres à l'avenant. Et paia si bien

tous saudoiiers à piet et à cheval que cescuns le servoit

volentiers. Quant il eut (tout) ordonné ensi qu'il

appertenoit, il s'en revint à Nantes dalés ma dame sa

femme et dalés les bourgois de le cité, qui durement 25

l'amoient par samblant, pour les grans courtoisies

qu'il leur faisoit. Or me tairai un petit de lui et retourneray

au roy de France et à son neveu monsigneur

Charlon de Blois.

§ 146. Cescuns doit sçavoir que li rois de France 30

fu durement courouciés, ossi fu messires Charles de

106

Blois, quant il sceurent que li contes de Montfort

leur fu ensi escapés et en estoit alés, ensi que vous

avés oy. Toutes voies, il attendirent jusques à le quinsainne

que li per et li dit baron de France devoient

rendre leur jugement de la ducé de Bretagne. Si le 5

jugièrent del tout à monsigneur Charlon de Blois et

en ostèrent le conte de Montfort, par deus raisons:

l'une, par tant que la dame, la femme monsigneur

Charlon de Blois, qui estoit fille dou frère germain le

duch qui mors estoit, de par le père dont la ducée 10

lor venoit, estoit plus proçaine que li contes de

Montfort, qui estoit d'un aultre père qui onques n'avoit

estet dus de Bretagne. L'autre raisons si estoit

que, s'il fust ensi que li contes de Montfort y ewist

aucun droit, si l'avoit il fourfait par deus raisons: 15

l'une, par tant qu'il l'avoit relevet d'aultre signeur

que dou roy de France, de cui on le devoit tenir en

fief; l'autre raison, pour tant qu'il avoit fourpasset

le commandement son signeur le roy et brisiet son

arrest et se prison, et s'en estoit partis sans congiet. 20

Quant cilz jugemens fu rendus par plainne sieute de

tous les barons, li rois en appella monsigneur Charlon

de Blois et li dist: «Biaus niés, vous avés jugement

pour vous de bel hiretage et grant. Or vous

hastés et vous penés del reconquerre sour celi qui le 25

tient à tort, et priiés tous vos amis qu'il vous voellent

aidier à cest besoing, et je ne vous y faurrai mies; ains

vous presterai or et argent assés. Et dirai à mon fil

le duch de Normendie qu'il (se [365]) face chief avoecques

vous. Et vous pri et commande que vous vos hastés. 30

107

Car, se li rois englès nos adversaires, de cui li contes

de Montfort a relevet le ducée, venoit en Bretagne, il

nous poroit trop durement porter grant damage, et

ne poroit avoir plus belle entrée pour venir par deçà,

meismement quant il aroit le pays et les forterèces 5

de Bretagne de son acord.» Adonc messires Charles

de Blois enclina son oncle, en merciant durement

de ce qu'il li disoit et prommetoit. Si pria tantost là

endroit le duch de Normendie son cousin, le conte

d'Alençon son oncle, le duch de Bourgongne, le 10

conte de Blois son frère, le duch de Bourbon, messire

Loeis d'Espagne, monsigneur Jakeme de Bourbon,

le conte d'Eu connestable de France et le conte

de Ghines son fil, le visconte de Roem, et en apriès

tous les contes, les princes et les barons qui là estoient, 15

qui tout li eurent en couvent que il iroient

volentiers avoech lui et avoecques leur signeur le

duch de Normendie, cescuns à tout tant de gens et

de compagnie qu'il poroit avoir. Puis se departirent

tout li prince et li baron deçà et delà. Si envoiièrent 20

leurs messages par tout pour yaus appareillier et pour

faire pourveances, ensi qu'il leur besongnoit pour

aler en si lontain voiage et si diverses marces et

pays. Et bien pensoient qu'il ne poroient avenir à

lor entente sans avoir grant contraire. 25

§ 147. Quant tout cil signeur, li dus de Normendie,

li contes d'Alençon, li dus de Bourgongne, li

dus de Bourbon et li aultre signeur, baron et chevalier

qui devoient aler avoech monsigneur Charlon

de Blois, pour lui aidier à reconquerre la ducée de 30

Bretagne, ensi que vous avés oy, furent prest et leurs

108

gens apparilliet, il se partirent de Paris li aucun, et

li aultre de leur lieu. Si en alèrent li uns après les

aultres, et se assamblèrent en le cité de Angiers;

puis s'en alèrent jusques à Ancheni, qui est li fins del

royaume à cestui costé delà, et sejournèrent là endroit 5

trois jours, pour mieus ordonner leur conroy et

leur charoi. Quant il eurent chou fait, il issirent hors

pour entrer ens ou pays de Bretagne. Quant il furent

as camps, il considerèrent leur pooir et estimèrent

leur host à cinq mille armeures de fer, sans les Geneuois 10

qui estoient là trois mille, si com jou ay oy

depuis recorder. Et les conduisoient doi chevalier

de (Gennes [366]): si avoit nom li uns messires Othes

Doriie, et li aultres messires Charles Grimaus. Et si

y avoit grant plenté (de bidaus [367] et) d'arbalestriers 15

que conduisoit messires li Galois de le Baume.

Quant toutes ces gens furent issu de Ancheni, il se

traisent par devant un très fort chastiel seant hault

sus une montagne par dessus une rivière: si l'appelle

on Chastouseal, et est li clés et li entrée de Bretagne. 20

Et estoit bien garnis et bien furnis de gens d'armes où

que il y avoit deus moult vaillans chevaliers, qui en estoient

chapitain, dont li uns avoit nom messire Milles

et li aultres messire Walerans, et estoient de Loeraingne.

Quant li dus de Normendie et li aultre signeur 25

que vous avés oy nommer veirent le chastiel si fort,

il eurent conseil qu'il les assegeroient. Car, s'il passoient

avant et laissoient une tèle garnison derrière

yaus, ce leur poroit tourner à grant damage et à anoy.

109

Si le assegièrent tout au tour et y fisent pluiseurs

assaus, meismement li Geneuois qui s'abandonnoient

durement et follement, pour yaus mieus moustrer à

cest commencement, si qu'il y perdirent de leurs

compagnons par pluiseurs fois, car cil dou chastiel 5

se deffendirent durement et sagement: si ques li signeur

demorèrent grant pièce devant, ançois qu'il le

peuissent (avoir [368]). Mais au daarrain il fisent si grant

attrait de mairiens et de velourdes, et les fisent mener

par force de gens jusques as fossés dou chastiel, 10

et puis fisent assallir très fortement: si ques, tout en

assallant, il fisent emplir ces fossés de ces mairiens

et velourdes, tant que qui estoit couvers il pooit bien

aler jusques as murs, combien que cil dou chastiel

se deffendesissent si bien et si vassaument que on ne 15

poroit mieus deviser, tant que de traire, de getter

pières, cauch et feu ardant à grant fuison. Et cil de

dehors avoient fait chas et instrumens, par quoi on

pikoit les murs, tous couvers. Que vous feroi je lonch

compte? Cil del chastiel veirent bien qu'il ne se poroient 20

longuement tenir, puis que on pertruisoit les

murs. Et si savoient bien qu'il n'aroient point de secours

ne point de merci, se il estoient pris par force.

Si eurent conseil entre yaus qu'il se renderoient,

sauves leurs vies et leurs membres, si qu'il fisent. Et 25

les prisent li signeur à merci. Ensi fu gaagniés par

ces signeurs de France cilz premiers chastiaus que on

claime Chastouseaulz, dont il orent moult grant joie,

car il lor sambla que ce fust bons commencemens

de leur emprise. 30

110

§ 148. Quant li dus de Normendie et li aultre signeur

eurent conquis Chastouseaulz, si com vous

avés oy, li dus de Normendie, qui estoit souverains

de tous, le livra tantost à monsigneur Charlon de

Blois comme sien, et il mist dedens bon chastelain 5

et grant fuison de gens d'armes, pour garder l'entrée

dou pays, et pour conduire chiaus qui venroient

apriès yaus. Puis se deslogièrent li signeur et se traisent

par devers Nantes, là où il tenoient que li contes

de Montfort leurs ennemis estoit. Si lor avint que li 10

mareschal de l'host et li coureur trouvèrent entre

voies une bonne ville et grosse, bien fremée de fossés

et de palis; si l'assallirent fortement. Ichil dedens

estoient peu de gens et petitement armé; si ne se

peurent deffendre contre les assallans, meismement 15

contre les arbalestriers des Geneuois. Si fu la ville

tantost gaagnie, toute robée, et bien li moitiés arse,

et toutes gens mis à l'espée, dont ce fu pités. Et appelle

on le ville Quarquefoure, et siet à quatre liewes

ou à cinq priès de Nantes. Li signeur logièrent celle 20

nuit là entour.

L'endemain, il se deslogièrent et se traisent par

devers le cité de Nantes; si le assegièrent tout au tour.

Et fisent tendre tentes et pavillons si bellement et si

ordonneement que vous savés que François scèvent 25

bien faire. Et cil qui estoient dedens le cité pour le

garder, dont il y avoit grant fuison de gens d'armes

avoecques les bourgois, se alèrent tout armer et se

maintinrent celui jour moult bellement, cescuns à sa

deffense, ensi qu'il estoit ordonnés. Celui jour entendirent 30

cil de l'host à yaus logier et aler fourer. Et aucun

bidau et Geneuois alèrent priès des bailles pour

111

escarmucier et paleter. Et aucun des saudoiers et des

jones bourgois issirent hors encontre yaus: si qu'il

y ot trait et lanciet, et des mors et des navrés d'un

costet et d'autre, si com il a souvent en si faites besongnes.

Ensi y eut là des escarmuces par deus ou 5

par trois fois, tant que li hos demora là.

Au pardarrain, il y avint une aventure assés sauvage,

ensi que jou oy recorder ceulz qui y furent.

Car aucun des saudoiiers de le cité et des bourgois

issirent hors une matinée à l'aventure, et trouvèrent 10

jusques à quinze chars chargiés de vivres et de

pourveances qui en aloient vers l'ost, et gens qui

les conduisoient jusques à soissante, et cil de le

cité estoient bien deus cens. Si les coururent sus et

les desconfirent, et en tuèrent les aucuns, et fisent les 15

chars chariier par devers le cité. Li cris et li hus en

vint jusques en l'ost. Si s'ala cescuns armer au plus

tost qu'il peut, et courut cescuns apriès les chars

pour rescourre le proie; et les raconsievirent assés

priès des bailles de le cité. Là monteplia très durement 20

li hustins, car cil de l'host y vinrent à si grant

fuison que li saudoiier en orent trop grant fais. Toutes

voies, il fisent desteler les chevaus et les cachièrent

dedens le porte, à fin que, s'il avenoit que cil

de l'host obtenissent le place, que il ne peuissent 25

remener les chars ne les pourveances si legierement.

Quant li aultre saudoiier de le cité veirent le hustin,

et que leur compagnon avoient trop grant fais, aucun

issirent hors pour yaus aidier. Ossi fisent des aultres

bourgois, pour aidier leurs parens. Ensi monteplia 30

très durement li hustins, et y eut tout plain de mors

et de navrés d'un costet et d'aultre, et grant fuison

112

de bien deffendans et d'assallans. Et dura cils hustins

moult longement, car toutdis croissoit li force de

chiaus de l'host. Et sourvenoient toutdis nouvelles

gens reposés.

Tant avint que, au pardarrain, messires Hervis de 5

Lyon, qui estoit li uns des mestres consillières le

conte de Montfort et ossi de toute le cité, et qui

moult bien s'estoit maintenus et moult vassaument

à ce hustin, et moult avoit reconforté ses gens, quant

il vei qu'il estoit poins de retraire et qu'il pooient 10

plus perdre au demorer que gaegnier, il fist ses gens

retraire au mieulz qu'il peut, et les deffendoit en retraiant

et garandissoit au mieulz qu'il pooit. Si leur

avint qu'il furent si priès sievi au retraire qu'il y eut

grant fuison de mors, et pris bien deus cens et plus 15

des bourgois de le cité, dont leur père, leur frère et

leur ami furent durement dolent et courouciet. Ossi

fu li contes de Montfort qui en blasma durement

monsigneur Hervi de Lyon, par courouch de chou

qu'il les avoit si tost fait retraire. Et li sambloit que 20

par le retraite ses gens estoient perdu. De quoi messires

Hervis fu durement merancolieus. Et ne volt

onques, puissedi, venir au conseil le conte, se petit

non. Si s'en esmervilloient durement les gens pour

quoi il le faisoit. 25

§ 149. Or avint, ensi que jou ay oy recorder, que

aucun des bourgois de le cité, qui veoient leurs biens

destruire dedens le cité et dehors, et avoient leurs

amis et leurs hoirs et enfans en prison et doubtoient

encores pis à venir, se avisèrent et parlèrent ensamble 30

tant qu'il eurent entre yaus acord de trettier à

113

ces signeurs de France couvertement, par quoi il

peuissent venir à pais et ravoir leurs enfans et amis

quittes qui estoient en prison. Si trettièrent tant paisievlement

et couvertement que acordé fu que il raroient

les prisons tous quittes; et il devoient livrer 5

l'une des portes ouvertes pour les signeurs entrer en

le cité et pour aler prendre le conte de Montfort

dedens le chastiel, sans riens fourfaire ailleurs en le

cité, ne à corps, ne à biens. Ensi que acordé (et

traictié [369] fu) fu fait. Et entrèrent li signeur et ceulz 10

qu'il veurent avoir avoech yaus, en une matinée, en

le cité de Nantes, par l'acord des bourgois, et alèrent

droit au chastiel ou au palais. Si brisièrent les huis

et prisent le conte de Montfort et l'en menèrent hors

de le cité, à leurs tentes, si paisievlement qu'il ne 15

fourfisent riens ne as corps ne as biens de le cité. Et

vorrent bien aucunes gens dire que ce fu fait assés de

l'accord et pourcach ou consentement monsigneur

Hervi de Lyon, pour tant que li coens l'avoit rampronnet,

si com vous avés oy. Or ne sçai je pas, quoi 20

qu'il en fust d'aucunes gens soupeçonnés, se ce fu

voirs ou non, car bien ap(pa)rut en ce que, apriès

che fait, il fu toutdis de l'accord et conseil del dit

monsigneur Charle. Ensi que vous avés oy, et que

jou ay oy recorder, fu pris li contes de Montfort en 25

le cité de Nantes, l'an de grasce mil trois cens et quarante

un, entour le feste de le Toussains.

Tantost apriès chou que li contes de Montfort fu

pris et menés as tentes, li signeur de France entrèrent

en le cité, tout desarmet, à moult grant feste. 30

114

Et fisent li bourgois et tout cil del pays au tour

feaulté et hommage à monsigneur Charle de Blois,

comme à leur droit signeur. Si demorèrent li signeur

en le cité par l'espasse de trois jours, à grant feste,

pour yaus aaisier et pour avoir conseil entre yaus 5

qu'il poroient faire de donc en avant. Si se acordèrent

à çou, pour le milleur, qu'il s'en retourneroient

par devers France et par devers le roy et li liveroient

le conte de Montfort pour prison, car il avoient

moult grandement bien esploitiet, ce lor sambloit, 10

et par tant ossi qu'il ne pooient bonnement plus

avant hostoiier ne guerriier, pour l'ivier temps qui

entrés estoit, fors par garnisons et forterèces, ce leur

sambloit. Si consillièrent à monsigneur Charle de

Blois qu'il se tenist en le cité de Nantes et là entour 15

jusques au nouviel temps d'esté, et fesist ce qu'il

peuist par ses saudoiiers et par ses forterèces qu'il

avoit reconquises. Puis se partirent tout li signeur

sour ce pourpos, et fisent tant par leurs journées

qu'il revinrent à Paris là où li rois estoit; se li livrèrent 20

le conte de Montfort pour son prison. Li rois le

rechut à grant joie, et le fist emprisonner en le tour

dou Louvre dalés Paris, là où il demora longement.

Au pardarrain, y morut il, ensi que jou ay oy recorder,

et qu'il fu verités. 25

§ 150. Or voel jou retourner à le contesse de

Montfort, qui bien avoit corage d'omme et coer de

lyon. Elle estoit en le cité de Rennes, quant elle entendi

que ses sires estoit pris, en le manière que vous

avés oy. Se elle en fu dolente et couroucie, ce puet 30

cescuns et doit penser et savoir, car elle pensa mieus

115

que on deuist mettre son signeur à mort qu'en prison.

Et comment que elle ewist grant doel au coer,

si ne fist elle mies comme femme desconfortée,

mès comme (homs [370]) fiers et hardis, en reconfortant

vaillamment tous ses amis et ses saudoiiers. Et leur 5

moustroit un petit fil que elle avoit, que on appelloit

Jehan ensi que le père, et disoit: «Ha! signeur,

ne vous desconfortés mies ne esbahissiés pour monsigneur

que nous avons perdu: ce n'estoit que uns

seulz homs. Veés ci mon petit enfant qui sera, s'il 10

plaist à Dieu, ses restoriers, et qui vous fera des

biens assés. Et vous pourcacerai tèle chapitainne et

tel mainbour par cui vous serés tous reconfortés.»

Quant la dessus ditte dame et contesse eut ensi

reconforté ses amis et ses saudoiiers qui estoient à 15

Rennes, elle ala par toutes ses bonnes villes et ses

forterèces, et menoit son jone fil avoecques lui; et les

sermonnoit et reconfortoit en tèle manière que elle

avoit fait chiaus de Rennes, et renforçoit les garnisons

de gens et de quanques fallir leur pooit. Et 20

paia largement par tout, et donna assés d'abondance

là où elle pensoit que bien emploiiet estoit. Puis

s'en vint en Hembon sus la mer, qui est forte ville

et grosse et fors chastiaus. Là se tint elle et son fil

avoecques lui, tout cel ivier. Souvent envoioit viseter 25

ses garnisons et reconfortoit ses gens, et paioit moult

largement leurs gages. Si me tairai atant de ceste

matère et retournerai au roy Edouwart d'Engleterre,

et conterai quelz coses li avinrent apriès le departement

dou siège de Tournay.30

116

§ 151. Vous avés bien chi dessus oy recorder

comment, le siège durant devant Tournay, li signeur

d'Escoce avoient repris pluiseurs villes et forterèces

sus les Englès qu'il tenoient ou royaume d'Escoce,

et par especial Haindebourch, qui plus les avoit 5

heriiés et cuvriiés que nulz des aultres, par l'avis et

le soutilleté de monsigneur Guillaume de Douglas.

Et encores estoient Struvelin, qui sciet à vint liewes

d'Aindebourch, la cités de Bervich et Rosebourc,

englès; et plus n'en y avoit demoret que tout ne 10

fuissent reconquis. Et seoient li dit Escot à siège fait,

et aucun signeur de France avoech yaus, que li rois

Phelippes y avoit envoiiet pour parfaire leur guerre,

devant le chastiel de Struvelin. Et l'avoient telement

astraint et constraint et travilliet que li Englès, qui 15

dedens (estoient [371]) et qui le gardoient, ne le pooient

longuement tenir.

Dont il avint que, quant li Englès se furent parti

de Tournay et retourné en leur pays, li rois Edowars

leur sires fu enfourmés des Escos comment il avoient 20

chevauciet et reconquis les villes et les chastiaus

d'Escoce, qui de jadis li avoient tant cousté au prendre,

et seoient encores li dit Escot devant Struvelin. Si

eut li rois englès conseil et (volenté [372] de) chevaucier vers

Escoce, si com il fist, et se mist au chemin entre le 25

Saint Mikiel et le Toussains; et fist un très grant mandement

et très fort que toutes gens d'armes et arciers

le sievissent et venissent à lui vers Evruich, car là

s'en aloit il et y faisoit sen assemblée. Dont s'esmurent

117

toutes manières de gens parmi Engleterre, et s'en vinrent

celle part là où il estoient semons et mandé. Et

meismement li rois tout devant s'en vint à Evruich et

là s'arresta, en sourattendant ses gens qui venoient à

grant effort li uns apriès l'autre. Li signeur d'Escoce, 5

qui furent enfourmé de le venue dou roy englès qui

venoit sus yaus, et qui le dit chastiel de Struvelin

avoient assegiet, se hastèrent telement et si constraindirent

chiaus de le ditte garnison, par assaus

d'engiens et de kanons, que par force il les couvint 10

rendre as Escos. Et leur delivrèrent le forterèce par

tel manière qu'il s'en partoient, salve leurs corps et

leurs membres, mais riens dou leur n'en portoient.

Ensi recouvrèrent li dit Escot le chastiel de Struvelin.

15

Ces nouvelles vinrent au roy englès qui encores

se tenoit en Evruich: se ne li furent mies trop plaisans.

Et se parti de le ditte cité et se trest par devers

Duremme et passa oultre, et puis vint au Noef

Chastiel sur Thin. Et se logièrent ses gens en le ditte 20

ville ou ens ès villages d'environ. Et là sejournèrent

plus d'un mois, en attendant leurs pourveances

que on avoit mis sus mer et qui leur devoient venir,

mais petit leur en vinrent. Car leurs vassiaus eurent

si grant fortune sus mer, entre le Toussains et le 25

Saint Andrieu, que pluiseurs de leurs nefs furent peries;

et s'en alèrent arriver par vent contraire, volsissent

ou non, en Hollandes et en Frise. Dont li Englès,

qui se tenoient au Noef Chastiel et là entour,

eurent moult de disètes et de chier temps. Et ne 30

pooient aler avant, car se il fuissent passet, il ne

sceuissent où fourer ne recouvrer de vivres, car li

118

yviers estoit entrés, et si avoient li Escoçois tous

leurs biens, bleds et avainnes, mis et bouté en leurs

forterèces. Et si avoit li rois englès grant gent avoecques

lui, bien six mille hommes à chevaus et quarante

mille hommes de piet; si leur falloit fuison 5

de pourveances.

Li signeur d'Escoce, qui s'estoient retrait devers

le forest de Gedours apriès le prise de Struvelin,

entendirent bien que li rois d'Engleterre sejournoit

au Noef Chastiel sur Thin à grant gent, encoragiés 10

durement d'ardoir et exillier leur pays,

ensi qu'il avoit fait aultre fois. Si eurent conseil

entre yaus et avis, par grant deliberation, quel cose

il poroient faire et comment il s'en maintenroient,

car il estoient peu de gens, et avoient longement 15

guerriiet par l'espasse de sept ans et plus sans signeur,

et jut as camps et ès foriès à grant mesaise.

Et encores n'avoient il point (le [373]) roy leur

signeur; si en estoient tout anoieus et naisis. Si

se acordèrent à ce que il envoieroient devers le 20

roy englès un evesque et un abbé, pour requerre

aucune triewe. Li quel message se partirent des

Escos, et chevaucièrent tant qu'il vinrent en le ville

dou Noef Chastiel sur Thin, et trouvèrent là le roy

englès et grant fuison de baronnie dalés lui. Cil 25

doi prelat d'Escoce, qui là avoient esté envoiiet sus

saufconduit, se traisent devers le roy englès et son

conseil et remoustrèrent leur besongne si bellement

et si sagement que une triewe fu acordée à durer

quatre mois tant seulement, par tèle condition que 30

119

cil d'Escoce devoient envoiier en France après le roy

David messages souffissans; et li segnefieroient que,

s'il ne venoit dedens le jour de may ensiewant si

poissamment que pour resister as Englès et deffendre

son pays, il se renderoient au roy englès, ne jamais 5

ne le tenroient à signeur. Ensi furent les triewes

acordées et affremées, et retournèrent li message deviers

leurs gens en Escoce, et recordèrent comment

il avoient exploitié. Che pleut moult bien as Escos; et

ordonnèrent tantost gens pour envoiier en France, 10

monsigneur Robert de Versi et monsigneur Symon

Fresiel et deus aultres chevaliers, qui s'en devoient

aler en France par devers le roy leur signeur et

conter ces nouvelles. Et li dis rois englès, qui au

Noef Chastiel sejournoit à grant mesaise et ossi toutes 15

ses gens par deffaute de pourveances et de vivres,

et pour ce s'estoit il plus priès pris d'acorder à le

triewe, se parti de là et s'en revint arrière en Engleterre

et donna toutes ses gens congiet; si s'en rala

cescuns en son lieu. 20

Or avint ensi que, quant ces triewes furent acordées

et li message d'Escoce qui furent envoiiet en

France apriès le roy David, il passèrent à Douvres

le mer. Et li rois David, qui par le terme de sept

ans et plus avoit demoret en France et savoit que 25

ses pays estoit si foulés et si gastés que vous avés

oy et savoit ses gens en grant meschief pour les

Englès, eut conseil qu'il prenderoit congiet au roy

Phelippe de France et s'en revenroit en son royaume,

pour ses gens viseter et reconforter. Si le fist et se 30

mist à voie entre lui et ma dame sa femme, anchois

que li message d'Escoce, qui à lui avoient estet envoiiet,

120

parvenissent à lui. Et s'estoit mis en mer à

un aultre port, en le gouvrenance d'un maronnier

que on clamoit monsigneur Richart le Flamench, si

qu'il ariva au port de Morois en Escoce, ançois que

cil signeur d'Escoce qui remandé l'avoient le sceuissent. 5

Et quant il le sceurent, il en eurent grant joie.

Si s'esmurent tuit et vinrent à grant solennité et à

grant feste là où il estoit. Et le amenèrent très noblement

et solennelment à un(e) cité que on claime

Saint Jehan (en [374]) Escoce, où on prent le bon saumon 10

et grant fuison.

§ 152. Quant li jones rois David d'Escoce et ma

dame la royne Ysabiel sa femme furent venu en

le cité dessus ditte, on le sceut tantost parmi le pays.

Si vinrent là gens de toutes pars pour lui veoir et 15

festiier, car on ne l'avoit veu, grant temps avoit;

cescuns doit savoir que on li fist grant feste. Quant

toutes ces festes et ces bien venues furent passées,

cescuns li ala remoustrer et complaindre ses damages

et ses mescheances, au mieulz qu'il peut, et toute 20

le destruction que li rois Edowars et li Englès avoient

fais en son pays. Li jones rois David eut grant doel

et grant pitié quant il vei ensi son pays destruit et

ses gens ossi complaindre, ossi ma dame la royne sa

femme qui en plora assés. Quant li rois eut oy toutes 25

les complaintes des uns et des aultres, il les reconforta

au mieuls qu'il peut, et dist qu'il s'en vengeroit, ou il

perderoit le remanant, ou il morroit en le painne.

Puis eut conseil tel qu'il envoia grans messages par

121

tout ses amis lonc et priès, en priant et requerant

humlement que cescuns fust appareilliés pour lui aidier

à cest besoing. A celui mandement vint li contes

d'Orkenay, uns grans princes et poissans, et avoit à

femme (la seur [375]) le signeur le roy. Chilz y vint à grant 5

poissance de gens d'armes, et pluiseur aultre grant

baron et chevalier de Souède, de Norvèghe et de

Danemarce, li un par amour et li autre par saudées.

Tant en y vint d'un costé et d'aultre qu'il furent bien,

quant tout furent venu entour le cité de Saint Jehan 10

en Escoce, au jour que li dis rois les avoit mandés,

soixante mille hommes à piet et sour hagenées, et

bien trois mille armeures de fier, chevaliers et escuiers,

parmi les signeurs et chiaus dou pays d'Escoce.

15

Quant tout furent assamblet et appareilliet, il s'esmurent

pour aler exillier chou qu'il poroient dou

royaume, car la triewe estoit (espirée [376]) et li quatre

mois acompli et plus où il disoient ensi qu'il se combateroient

au roy, qui tant d'anois leur avoit fais et 20

de damages. Si se partirent de le ville de Saint Jehan

en Scoce moult ordeneement et vinrent ce premier

jour jesir à Donfremelin, et puis passèrent à l'endemain

un brac de mer entre Donfremelin et Struvelin.

Quant il furent tout oultre, il cheminèrent à 25

grant esploit et passèrent desous Haindebourch, et

puis toute l'Escoce, et par dalés le fort chastiel de Rosebourch

qui se tenoit englès, mais point n'i assallirent,

car il ne voloient mies faire blecier leurs gens et

122

aleuer leur artillerie, car il ne savoient quel besoing

il en aroient, pour tant qu'il esperoient à faire un

grant fait ains leur retour. Apriès passèrent il assés

priès de le cité de Bervich dont messires Edouwars

de Bailluel estoit chapitainne et souverains, et puis 5

cheminèrent oultre sans point assallir, et entrèrent

ou royaume de Northombrelant et vinrent sus le rivière

de Thin, ardant et destruisant tout le pays; et

fisent tant par leurs journées qu'il vinrent par devant

le Noef Chastiel qui siet sus le rivière de Thin. Là se 10

loga li rois David et toutes ses hos celle nuit, pour savoir

et veoir se il y poroit de riens esploitier. Quant

ce vint à le matinée ensi que droit au point dou jour,

aucun compagnon gentil homme de là environ, qui

estoient dedens le ville, se partirent par une porte 15

paisievlement pour esmouvoir l'ost. Et estoient bien

deus cens et plus, hardis et entreprendans. Puis se

ferirent à l'un des costés de l'host droitement as logeis

le conte de Moret, qui s'armoit d'argent à trois

orilliers de geules. Si le trouvèrent en son lit; si le 20

prisent, et tuèrent grant (plenté [377]) de ses gens, ançois

que li host fust esvilliés ne estourmis, et gaegnièrent

grant plenté d'avoir. Puis s'en retournèrent en le

ville baudement et à grant joie, et livrèrent le conte

de Mouret au chastelain monsigneur Jehan de Noefville 25

qui en fist grant feste. Quant cil de l'host furent

estourmi et armé et il sceurent l'aventure, il coururent

comme tout foursené jusques as bailles de le

ville, et fisent un grant assaut qui dura moult longement;

mais petit lor valu, ains perdirent assés de 30

123

leurs gens. Car en le ville avoit grant fuison de

bonnes gens d'armes qui bien et sagement le deffendirent;

par quoi il couvint les assallans retraire à

leur grant perte.

§ 153. Quant li rois David et si consilleur veirent 5

bien que li demorers là endroit ne leur pooit porter

pourfit ne honneur, il se partirent de là et entrèrent

ens ou pays de l'evesquiet de Durem. Si l'ardirent et

gastèrent tout, puis se traisent par devant le cité de

Duremmes. Et le assegièrent et y fisent pluiseurs grans 10

assaus comme gens foursenés, pour tant qu'il avoient

perdu le conte de Mouret. Et il savoient bien qu'il

avoit en le cité très grant avoir assamblet, car tous

li pays d'entours y estoit afuiois; si se penoient d'assallir

cescun jour plus aigrement. Et faisoit li dis 15

rois d'Escoce faire estrumens et engiens, pour venir

à segur jusques as murs. Quant il se furent departi

de devant le Noef Chastiel, messires Jehans de Nuefville,

chastelains pour le temps et souverains dou Noef

Chastiel, se parti de nuit, montés sus fleur de coursier, 20

et eslonga les Escos, car il savoit toutes les

adrèces et les refuites dou pays, pour tant que il en

estoit; et fist tant que, dedens cinq jours, il vint à

Chartesée où li rois englès estoit adonc. Et li conta

et remoustra comment li rois d'Escoce, à grant poissance, 25

estoit entrés en son pays et ardoit et exilloit

tout devant lui, et l'avoit laissiet devant le cité de

Durem.

De ces nouvelles fu li rois englès moult irés et

courouciés. Si mist tantost messagiers en oevre et 30

les envoia par tout et manda à toutes manières de

124

gens, chevaliers et escuiers, et autres gens dont on

se pooit aidier, deseure l'eage de quinze ans et desous

soixante ans, que nulz ne s'escusast, mès venissent,

ses lettres veues et ses mandemens oys, tantost

devers lui sus les marces dou north, pour aidier à 5

deffendre son royaume que li Escot destruisoient.

Adonc s'avancièrent conte, baron, chevalier et escuier

et communautés des bonnes villes, et se hastèrent

durement pour obeir au mandement dou roy

leur signeur, et se misent tout à voie et de grant volenté 10

par devers Evruich. Et meismement li rois se

parti tout premierement et n'attendi nullui, tant

avoit grant haste; mais tout dis li croissoient et venoient

gens de tous costés.

Endementrues que cilz rois se traioit par devers le 15

cité d'Evruich, et que cescuns le sievoit qui mieus

pooit, li roys d'Escoce fist si fortement assallir à le

cité de Duremme par estrumens et engiens qu'il avoit

fais, que cil de le cité ne le peurent garandir ne deffendre

que elle ne fust prise par force et toute robée 20

et arse, et toutes gens mis à mort sans merci. Femmes

et hommes, prestres, monnes, chanonnes et petis

enfans, qui estoient fuis à le grande eglise, furent tout

ars et peri dedens l'eglise, car li feus y fu boutés, de

quoi ce fu horrible pités. Car en le cité de Durem ne 25

demora adonc homs ne femme, ne petis enfans, ne

maison ne eglise, que tout ne fuissent mis à destruction.

Dont ce fu grans pités et cruèle foursenerie et

est, quant on destruit ensi sainte chrestieneté et les

eglises où Diex est servis et honnerés. 30

§ 154. Quant chou fu avenu, li rois David eut

125

conseil qu'il se retrairoit arrière selonch le rivière

de Thin, et se trairoit par devers le ville de Cardueil,

qui est à l'entrée de Galles. Ensi qu'il aloit celle part,

il se loga une nuit et toute sen host assés priès dou

fort chastiel de Salebrin, qui estoit au conte de Salebrin, 5

qui fu pris avoec le conte de Sufforch en le

marce de Pikardie par devant Lille en Flandres et estoit

encores en prison par dedens Chastelet à Paris.

En ce fort chastiel sejournoit adonc la noble dame la

contesse de Sallebrin, qui on tenoit pour la plus belle 10

dame et le plus noble d'Engleterre. Et estoit cilz fors

chastiaus bien garnis de gens d'armes. Si en estoit

gardiiens et souverains uns gentilz bachelers preus et

hardis, filz de le sereur le conte de Sallebrin. Et avoit

cilz nom messires Guillaumes de Montagut apriès son 15

oncle qui ensi eut nom, car li rois le maria et li donna

le conté de Sallebrin pour se proèce et pour le bon

service qu'il avoit toutdis en lui trouvet. Quant celle

nuit fu passée, li hos le roy d'Escoce se desloga pour

traire avant par devers Carduel, ensi que proposé 20

estoit. Et passèrent li Escot par routes assés priès de

ce fort chastiel, durement chargiet d'avoir qu'il avoient

gaegniet à Duremmes et ou pays environ Durem.

Quant li bacelers messires Guillaumes de Montagut

vey del chastiel qu'il estoient tout passet, et qu'il ne 25

arresteroient point pour assallir au chastiel, il issi hors,

tous armés, à tout quarante compagnons d'armes, et

sievi apertement après le daarrain trahin qui avoient

chevaus si chargiés d'avoir que à grant mesaise pooient

il aler avant. Si les raconsievirent à l'entrée d'un bois 30

et leur coururent seure. Et en tuèrent et en blechièrent

il et si compagnon plus de deus cens; et prisent

126

bien sis vingt chevaus chargiés de jeuiaulz et d'avoir,

et les amenèrent par devers le chastiel. Li cris et li

hus et li fuiant s'en vinrent jusques à monsigneur

Guillaume de Douglas qui faisoit l'arrieregarde et

avoit jà passet le bois; et apriès en vinrent les nouvelles 5

en l'ost. Qui donc (veist [378]) les Eskos retourner à

cours de chevaus parmi les camps, par montagnes et

par vallées, et monsigneur Guillaume Douglas tout devant,

il en peuist avoir grant hide. Tant coururent

qui mieus mieus, qu'il vinrent au piet dou chastiel 10

et montèrent le montagne en grant haste. Mès ançois

qu'il parvenissent as bailles, chil de dedens les avoient

refremées, et le proie et l'avoir mis laiens à sauveté:

de quoi li Escot eurent grant doel. Si commencièrent

à assallir moult fortement, et cil de dedens à deffendre 15

de lanchier et d'estechier, de traire et de jetter tant

que on pooit, d'une part et d'aultre. Là s'efforçoient

durement li doy Guillaume de grever li uns l'autre.

Et tant dura cilz assaulz que tous li hos des Escos y

fu venus et li rois meismes. Quant li rois et ses consaulz 20

eurent veu les gens mors gisans sus les camps,

et veirent les assallans blecier et navrer à cel assaut

sans riens conquester, il en furent durement courouciet.

Si commanda li rois que on laissast l'assallir et

que cescuns se alast logier, car il ne trairoit plus avant, 25

et ne se partiroit de là si aroit veu comment il poroit

ses gens vengier. Qui adonc veist gens fremir et appeller

li uns l'autre et querre pièce de terre pour

mieulz logier les assallans, retraire les navrés, raporter

ou rapoiier, les mors ratrainer et rassambler, veoir y 30

127

peuist grant triboulement. Celle nuit fu li hos des dis

Escos logie par desous le chastel. Et la frice dame,

contesse de Sallebrin, festia très durement et conforta

tous les compagnons de laiens, tant que elle pot aler,

à lie cière. 5

§ 155. A l'endemain, li rois d'Escoce, qui durement

courouciés estoit, commanda que cescuns se

apparillast pour assallir, car il feroit ses engiens

et estrumens traire à mont, pour savoir se il poroient

de riens entamer le fort chastiel. Cescuns 10

s'apparilla; et montèrent contremont pour assallir,

et cil de dedens pour yaus deffendre. Là eut un fort

assaut et perilleus, et moult de bien faisans d'un lés

et d'aultre. Là estoit la contesse de Sallebrin qui

très durement les reconfortoit; et par le regard de 15

une tèle dame et son douch amonnestement, uns

homs doit bien valoir deus au besoing. Cilz assaus

dura moult longement. Et y perdirent li Escot grant

fuison de leurs gens, car ilz s'abandonnoient durement

et portoient arbres et mairiens à grant fuison 20

pour emplir les fossés et pour amener les estrumens

jusques as murs, se il peuissent. Mais cil del chastiel

se deffendoient si vassaument que li assallant y perdirent

grant fuison de leurs gens; si les couvint retraire

arrière. Li rois commanda que li estrument 25

fuissent bien gardé pour renforcier l'assaut à l'endemain.

Ensi se departi li assaus, et s'en rala cescuns

en se loge, horsmis chiaus qui devoient ces estrumens

garder. Li un plorèrent les mors, et li aultre

confortèrent les navrés. 30

Chil del chastiel qui durement estoient travilliet,

128

et si y avoit grant fuison de bleciés, veirent bien que

li fais leur estoit grans; et se li rois David maintenoit

son pourpos, il aroient fort temps. Si eurent

entre yaus conseil qu'il envoieroient certain message

par devers le roy Edouwart qui estoit à Evruich 5

là venus, ce savoient il de verité par les prisonniers

d'Escoce qu'il avoient pris. Si regardèrent entre

yaus qui feroit ceste besongne, mais il ne (peurent [379])

trouver qui volsist laissier le chastiel à deffendre, ne

la belle dame ossi pour porter cel message. Si en 10

ot entre yaus grant estrit. Quant li gentilz bacelers

messires Guillaumes de Montagut vei le bonne volenté

de ses compagnons et vei d'autre part le meschief

qui leur poroit avenir, se il n'estoient secouru,

si lor dist: «Signeur, je voy bien vostre loyauté et 15

vostre bonne volenté: si ques, pour l'amour de ma

dame et de vous, je metterai mon corps en aventure

pour faire cesti message, car jou ay tel fiance en

vous, selonch chou que j'ai veu, que vous detenrés

bien le chastiel jusques à me revenue. Et ay d'autre 20

part si grant esperance el noble roy nostre signeur,

que je vous amenrai temprement si grant secours

que vous en arés joie, et vous seront bien meri li

bien fait que fait arés.» De ceste parolle furent ma

dame li contesse et li compagnon tout joiant. 25

Quant la nuis fu venue, li dis messires Guillaumes

se apparilla dou mieulz qu'il peut, pour plus paisivlement

issir de laiens qu'il ne fust perceus de chiaus

de l'host. Se li avint si bien qu'il pleut toute la nuit

si fort que nulz des Escos n'osoit issir de se loge. 30

129

Si passa à mienuit tout parmi l'ost, que onques ne fu

perceus. Quant il fu passés, il fu grans jours; si

chevauça avant tant qu'il encontra deus hommes

d'Escoce, à demi liewe priès de l'host, qui amenoient

deus bues et une vache par devers l'ost. Messires 5

Guillaumes cogneut qu'il estoient Escot; si les navra

tous deus durement et tua leurs bestes, par quoi li

Escot ne cil de l'host n'en euissent aise, puis dist as

deus navrés: «Alés, dittes à vostre roy que Guillaumes

de Montagut vous a mis en tel point en son 10

despit. Et li dittes que je vois querre le gentil roy

Edowart qui li fera temprement vuidier ceste place

maugré lui.» Cil li prommisent qu'il feroient volentiers

ce message, mais qu'il les laissast atant à

pais. Lors se parti li dis messires Guillaumes d'yaus, 15

et s'en ala tant qu'il peut par devers le roy son signeur

qui estoit à Evruich à tout grant fuison de gens

d'armes, et en attendoit encores plus. Si fist li dis

messires Guillaumes son salu au roy de par ma dame

sen ante, contesse de Salebrin, et li conta le meschief 20

où elle et ses gens estoient. Li rois respondi

apertement et liement qu'il ne laisseroit nullement

qu'il ne secourust la dame et ses gens; et se plus

tost euist sceu là où li Escot estoient, et le meschief

del chastiel et de la dame, plus tost fust alés celle 25

part. Si commanda tantost li dis rois que cescuns

fust appareilliés à mouvoir l'endemain, et que on

fesist toutdis les venans traire avant apriès son host

qu'il avoit grant.

§ 156. Li rois englès se parti à l'endemain de le 30

cité de Evruich moult liement, pour les nouvelles

130

que messires Guillaumes li avoit aportées. Et avoit

avoech lui sis mille armeures de fier, dis mille arciers

et bien quatre vingt mille hommes de piet, qui tout

le sievoient, et toutdis li venoient gens. Quant li

baron d'Escoce et li mestre del conseil le roy sceurent 5

que li dis messires Guillaumes de Montagut

avoit ensi passet parmi leur host, et qu'il s'en aloit

querre secours au roy englès, et savoient bien que li

rois Edouwars estoit à Evruich à grant gent, et le tenoient

de si grant corage et si gentil, que il ne lairoit 10

nullement que il ne venist tantost sus yaus pour secourre

la dame et chiaus del chastiel, il parlèrent

ensamble, endementrues que li rois faisoit souvent et

ardamment assallir. Et veirent bien que li rois faisoit

ses gens navrer et martiriier sans raison. Et veoient 15

bien que li rois englès venroit bien ançois combatre

à yaus que leurs rois peuist avoir conquis che chastiel,

ensi qu'il cuidoit. Si parlèrent tout ensamble au

roy David d'un accord, et li disent que li demorers

là n'estoit point ses pourfis ne sen honneur, car il 20

leur estoit moult honnourablement avenu de leur

emprise. Et avoient fait grant despit as Englès, quant

il avoient jeut en leur pays par douze jours, et ars et

exilliet tout au tour. Après il avoient pris par force

le cité de Duremmes et mis toute à grant destruction: 25

si ques, tout consideret, c'estoit bon qu'il se

partesist et se retraisist vers son royaume; et y menassent

à sauveté ce que conquis avoient, et que

une aultre fois il retourroit en Engleterre quant il li

plairoit. Li rois, qui ne volt mies issir dou conseil de 30

ses hommes, s'i acorda, quoi que il le fesist moult à

envis, car volentiers ewist attendu à bataille le roy

131

d'Engleterre, se on ne li ewist desconsillié. Toutes

fois il se desloga au matin et toute se host ossi. Et

s'en alèrent li dit Escot droit par devers le grant

forest de Gedours, où li sauvage Escot se tiennent

tout bellement et à leur aise, car il voloient savoir 5

que li rois englès feroit en avant, ou se il retrairoit

arrière ou se il iroit avant et trairoit en leur pays.

§ 157. Ce jour meismes que li rois David et li

Escot se departirent au matin de devant le chastiel

de Salebrin, vint li rois Edouwars à toute son host, 10

à heure de miedi, en le place là où li rois des Escos

avoit logiet. Si fu moult courouciés quant il ne le

trouva, car volentiers se fust combatus à lui. Il

estoit venus en si grant haste que ses gens et ses

chevaus estoient durement travilliet. Si commanda 15

que cescuns se logast là endroit, car il voloit aler

veoir le chastiel et la gentilz dame qui laiens estoit,

car il ne l'avoit veu puis les noces dont elle fu mariée.

Ensi fu fait que commandé fu. Cescuns s'ala

logier, ensi qu'il peut, et reposer qui volt. Sitos que 20

li rois Edowars fu desarmés, il prist jusques à dix

ou douze chevaliers, et s'en ala vers le chastiel pour

saluer la contesse de Salebrin, et pour veoir le manière

des assaus que li Escot avoient fais, et des deffenses

que cil dou chastiel avoient faites à l'encontre. 25

Sitos que la dame de Salebrin sceut le roy venant,

elle fist ouvrir toutes les portes, et vint hors si richement

vestie et atournée que cescuns s'en esmervilloit.

Et ne se pooit on cesser de li regarder et de remirer

le grant noblèce de le dame, avoech le grant biauté 30

et le gracieus maintien que elle avoit. Quant elle fu

132

venue jusques au roy, elle s'enclina jusques à terre

encontre lui, en regratiant de le grace et del secours

que fait li avoit, et l'en mena ens ou chastiel pour

lui festiier et honnourer, comme celle qui très bien

le savoit faire. Cescuns le regardoit à merveilles, et 5

li rois meismes ne se pooit tenir de lui regarder. Et

bien lui estoit avis que onques n'avoit veu si noble,

si friche, ne nulle si belle de li. Se li feri tantost une

estincelle de fine amour ens el coer qui li dura par

lonch temps, car bien li sambloit que ou monde n'i 10

avoit dame qui tant fesist à amer comme celle. Si

entrèrent ens ou chastiel main à main. Et le mena

la dame premiers en le sale, et puis en sa cambre, qui

estoit si noblement parée qu'il affreoit à tel dame.

Et toutdis regardoit li rois le gentilz dame si ardamment 15

que elle en devenoit toute honteuse et abaubie.

Quant il l'ot grant pièce assés regardé(e), il ala à une

fenestre pour apoiier, et commença fortement à penser.

La dame, qui à ce point ne pensoit, ala les aultres

signeurs et chevaliers festiier et saluer moult grandement 20

et à point, ensi que elle savoit bien faire,

cescun selonch son estat. Et puis commanda à appareillier

le disner, et quant temps seroit, à mettre les

tables et le sale parer.

§ 158. Quant la dame eut tout deviset et commandet 25

à ses gens chou que bon li sambloit, elle

s'en revint à chière lie par devers le roy, qui encores

pensoit et musoit fortement, et li dist: «Chiers sires,

pour quoi pensés vous si fort? Tant pensers n'affiert

pas à vous, ce m'est avis, sauve vostre grace. Ains 30

deuissiés faire feste et joie à bonne cière, quant vous

133

avés encaciet vos ennemis qui ne vous ont osé attendre;

et deuissiés les aultres laissier penser del remanant.»

Li rois respondi et dist: «Ha! ma chière

dame, sachiés que puis que jou entrai ceens, m'est

une songne sourvenue, de quoi je ne me prendoie 5

garde: se m'i couvient penser. Et se ne sçai que

avenir en pora, mais je n'en puis mon coer oster.»—«Ha!

chiers sires, dist la dame, vous deuissiés

tous jours faire bonne cière, pour vos gens mieulz

conforter, et laissier (le) [380] penser et le muser. Diex vous 10

a si bien aidiet jusques à ores en toutes vos besongnes

et donnet si grant grasce, que vous estes li plus

doubtés et honnourés princes des Chrestiens. Et se

li rois d'Escoce vous a fait despit et damage, vous

le porés bien amender, quant vous vorrés, ensi que 15

aultre fois avés fait. Si laissiés le muser et venés en

le sale, se il vous plaist, dalés vos chevaliers: tantost

sera appareilliet pour disner.»—«Ha! ma

chière dame, dist li rois, aultre cose me touche et

gist en mon coer que vous ne pensés. Car certainnement 20

li doulz maintiens, li parfais sens, la grant

noblèce et la fine biauté que jou ay veu et trouvet

en vous m'ont si souspris et entrepris qu'il covient

que je soie vos amans. Si vous pri que ce soit vos

grés, et que je soie de vous amés, car nulz escondis 25

ne m'en poroit oster.» La gentilz dame fu adonc

durement esbahie et dist: «Très chiers sires, ne me

voelliés mokier, ne assaiier, ne tempter. Je ne poroie

cuidier ne penser que ce fust acertes que vous dittes,

ne que si nobles ne si gentils princes que vous estes 30

134

deuist querre tour ne penser pour deshonnerer moy

et mon marit, qui est si vaillans chevaliers, et qui

tant vous a servi que vous savés, et encores gist pour

vous emprisonnés. Certes, vous seriés del cas petit

prisiés et amendés. Certes, onques tel pensée ne me 5

vint en coer ne jà ne venra, se Dieu plaist, pour

homme qui soit nés; (et se je le faisoie, vous m'en

devriez [381]), non pas blasmer seulement, mais mon corps

justicier et desmembrer.»

§ 159. Atant se parti la vaillans dame, et laissa le 10

roy durement esbahi; et s'en revint en le sale pour

faire haster le disner. Et puis s'en retourna au roy

et en mena de ses chevaliers, et li dist: «Sire,

venés en la sale. Li chevalier vous attendent pour

laver, car il ont trop junet, ossi avés vous.» Li 15

rois se parti de la cambre et s'en ala en la sale, à ce

mot, et lava, et puis s'assist entre ses chevaliers au

disner, et la dame ossi. Mais li roys y disna petit,

car aultre cose li touçoit que boire et mengier; et

ne fist onques à ce disner fors que penser. Et à le 20

fois, quant il osoit la dame et son maintien regarder,

il gettoit ses yex celle part. De quoi toutes ses

gens avoient grant merveille, car il n'en estoient

point acoustumés, ne onques en tel point ne l'avoient

veu. Ains cuidoient li aucun que ce fust pour les Escos 25

qui li estoient escapés. Mais aultre cose li touchoit,

et li estoit si fermement entrée ou coer, que

onques n'en peut issir en grant temps, pour escondire

(que la dame [382]) en seuist ne peuist faire. Mais

135

il en fu toutdis depuis plus liés, plus gais et plus

jolis; et en fist pluiseurs belles festes et joustes, et

grans assamblées de signeurs, de dames et de damoiselles,

tout pour l'amour de la ditte contesse de

Salbrin, si com vous orés chi après. 5

§ 160. Toutes voies, li rois englès demora tout celi

jour ens ou chastiel, en grans pensées et à grant mesaise

de coer, car il ne savoit que faire. Aucune fois

il se ravisoit, car honneurs et loyautés le reprendoit

de mettre son coer en tèle fausseté, pour deshonnerer 10

si vaillant dame, et si loyal chevalier comme ses

maris estoit, qui si loyaument l'avoit toutdis servi.

D'autre part, amours le constraindoit si fort que elle

vaincoit et sourmontoit honneur et loyauté. Ensi se

debatoit li rois en lui, tout le jour et toute le nuit. 15

Au matin, il se leva et fist toute son host deslogier

et traire apriès les Eskos, et pour yaus sievir et cachier

hors de son royaume; puis prist congiet à la

dame, en disant: «Ma chière dame, à Dieu vous

commant jusques au revenir. Si vous pri que vous 20

vos voelliés aviser, et aultrement estre consillie que

vous ne m'aiiés dit.»—«Chiers sires, respondi la

dame, li Pères glorieus vous voelle conduire et oster

de villainne pensée et de deshonnourable, car je sui

et serai toutdis consillie et apparillie de vous servir 25

à vostre honneur et à le miène.»

Atant se parti li rois trestous confus et abaubis. Si

s'en ala à tout son host apriès les Escos, et les sievi

jusques oultre le bonne cité de Bervich, et se loga

à quatre liewes priès de le forest de Gedours, là où 30

li rois David et toutes ses gens estoient entrés, pour

136

les grans forterèces qu'il y a. Là endroit demora li

dis rois englès par l'espasse de trois jours, pour

savoir se li Escot vorroient hors issir pour combatre

à lui. Et saciés que tous les trois jours y avoit tant

d'escarmuces et de paletis entre les deus hos, que 5

cescuns estoit anoieus del regarder; et y avoit souvent

des mors et des pris, d'une part et d'aultre. Et

sur tous les aultres y estoit souvent veus en bon

couvenant messires Guillaumes Douglas, qui s'arme

d'azur à comble (d'argent [383]), et dedens le comble 10

trois estoilles de geules. Et estoit cilz qui y faisoit

plus de biaus fais, de belles rescousses et de hautes

emprises; et fist en l'ost des Englès moult de destourbiers.

§ 161. Tous ces trois jours, parlementèrent aucun 15

preudomme de triewes et d'acort entre ces deus

rois. Et tant trettièrent que une triewe fu acordée à

durer deus ans, voires se li rois Phelippes de France

s'i assentoit, car li rois d'Escoce estoit si fort alloiiés

à lui qu'il ne pooit donner triewes ne faire pais sans 20

lui. Et se li rois Phelippes ne s'i voloit acorder, si

devoient les triewes durer entre Engleterre et Escoce

jusques au premier jour d'aoust. Et devoit estre

quittes li contes de Mouret de se prison, se li rois

d'Escoce pooit tant pourcacier au roy de France que 25

li contes de Salebrin fust quittes ossi de se prison.

La quèle cose devoit estre pourcacie au roy de

France dedens le Saint Jehan Baptiste. Li rois d'Engleterre

se acorda plus legierement à celle triewe,

137

pour tant que cilz fait grant sens, qui a trois guerres

ou quatre, s'il en poet atriewer ou apaisier les deus

ou les trois qu'il le face. Et cilz rois avoit bien à

penser sur telz coses, car il avoit guerre en France,

en Gascongne, en Poito, en Saintonge et en Bretagne, 5

et par tout ses gens et ses saudoiiers.

Celle triewe as Escos fu ensi affremée et acordée

que vous avés oy. Si departi li rois d'Escoce ses gens,

et s'en rala cescuns en se contrée; puis envoia grans

messages au roy Phelippe de France, pour acorder 10

chou que trettiet estoit, se il li plaisoit. Il pleut assés

bien au roy de France pour mieus complaire au roy

d'Escoce; (et) ne desdist de riens au trettiet, mais

renvoia le conte de Salbrin en Engleterre. Dont, si

tost qu'il y fu revenus, li rois englès renvoia arrière 15

le conte de Mouret d'Escoce, ossi devers le roy David

qui en eut grant joie. Ensi fu fais cilz escanges de

ces deus signeurs, si com vous avés oy. Et se departirent

ces deus grosses chevaucies, sans plus riens

faire, et se retrest cescuns en son lieu. Or retournerons 20

nous à parler des aventures et des guerres de

Bretagne.

§ 162. Vous devés savoir que, quant li dus de

Normendie, li dus de Bourgongne, li contes d'Alençon,

li dus de Bourbon, li contes de Blois, li connestables 25

de France, li contes de Ghines ses filz, messires

Jakemes de Bourbon, messires Loeis d'Espagne

et li conte et li baron de France se furent parti de

Bretagne, qu'il eurent conquis le fort chastiel de

Chastouseaus, et puis apriès le cité de Nantes, et pris 30

le conte de Montfort, et livret au roy Phelippe, et il

138

l'eut fait mettre en prison ou Louvre dalés Paris,

si com vous avés oy; et comment messires Charles

de Blois estoit demorés tous quois en le cité de

Nantes et ou pays d'entour qui obeissoit à lui, pour

attendre le saison d'esté en la quèle il fait milleur 5

hostoiier qu'il ne fait en le saison d'ivier, et celle

douce saison fu revenue, tout cil signeur de France

dessus nommet et grant fuison d'aultres gens avoech

yaus s'en ralèrent devers Bretagne à grant poissance,

pour aidier monsigneur Charle à reconquerre le remanant 10

de le ducé de Bretagne, dont il avinrent des

grans et mervilleus fais d'armes, ensi com vous porés

oïr. Quant il furent venu à Nantes, là où il trouvèrent

monsigneur Charle de Blois, il eurent conseil

qu'il assegeroient le cité de Rennes. Si issirent de 15

Nantes et alèrent assegier Rennes tout au tour. La

contesse de Monfort en devant l'avoit si bien garni(e)

et pourveue de gens d'armes et de tout ce qu'il affreoit,

que riens n'i falloit. Et y avoit establi un

vaillant chevalier et hardi pour chapitainne, que on 20

clamoit monsigneur Guillaume de Quadudal, gentil

homme durement dou pays de Bretagne.

Aussi avoit la ditte contesse mis grans garnisons

par toutes les aultres cités, chastiaus et bonnes villes

qui à lui obeissoient; et par tout bonnes chapitainnes, 25

des gentilz hommes dou pays qui à lui obeissoient

et se tenoient, les quels elle avoit acquis par

biau parler, par prommettre et par donner, car elle

n'i voloit point espargnier: des quelz li evesques de

Lyon, messires Amauris de Cliçon, messires Yewains 30

de Tigri, li sires de Landreniaus, li chastelains de

Ghingant, messires Henris et messires Oliviers de

139

Pennefort, messires Joffrois de Malatrait, messires

Guillaumes de Quadudal, li doi frère de Quirich y

estoient, et pluiseur aultre noble chevalier et escuier

que je ne sai mies nommer. Ossi en y avoit de l'accord

monsigneur Charle de Blois grant fuison, qui à 5

lui se tenoient, avoecques monsigneur Hervi de Lyon,

qui fu de premiers de l'accord le conte de Montfort

et mestres de son conseil, jusques à tant que la cités

de Nantes fu rendue, et li contes de Montfort fu rendus

pris, ensi que vous avés oy. De quoi li dis messires 10

(Hervis [384]) fu durement blasmés, car on voloit dire

que il l'avoit pourcaciet et les bourgois enhortés.

Chou apparoit en ce que, puis ce fait, ce fu cilz qui

plus se penoit de grever la contesse de Montfort et

ses aidans. 15

§ 163. Messires Charles de Blois et li signeur dessus

nommet sisent assés longement devant le cité de

Rennes, et y fisent grans damages et pluiseurs grans

assaus et fors par les Espagnolz et par les Geneuois;

et cil de dedens se deffendirent ossi fortement et vassaument, 20

par le conseil le signeur de Quadudal, et

si sagement que cil de dehors y perdirent plus souvent

qu'il n'i gaegnièrent.

En celui temps, si tost que la dessus ditte contesse

sceut que cil signeur de France estoient venu en Bretagne, 25

à si grant poissance, elle envoia monsigneur

Amauri de Cliçon en Engleterre parler au roy Edowart,

et pour priier et requerre secours et ayde, par tèle

140

condition que li jones enfes, filz au conte de Montfort

et de la ditte contesse, prenderoit à femme l'une

des jones filles au roy d'Engleterre, et s'appelleroit

duçoise de Bretagne. Li rois Edowars estoit adonc à

Londres, et festioit tant qu'il pooit le conte de Salbrin, 5

qui tantost estoit revenus de se prison. Si fist

moult grant feste et honneur à monsigneur Amauri

de Cliçon, quant il fu à lui venus, car il estoit moult

gentilz homs; et li ottria toute sa requeste assés briefment,

car il y veoit son avantage en deus manières. 10

Car il li fu avis que c'estoit grant cose et noble de

la ducé de Bretagne, se il le pooit conquerre; et si

estoit la plus belle entrée qu'il pooit avoir pour conquerre

le royaume de France, à quoi il tendoit. Si

commanda à monsigneur Gautier de Mauni qu'il 15

amoit moult, car moult l'avoit bien servi et loyaument

en pluiseurs besongnes perilleuses, qu'il presist

tant de gens d'armes que li dis messires Amauris li

deviseroit et qu'il li souffiroit, et se apparillast au

plus tost qu'il poroit pour aler aidier la contesse de 20

Montfort, et presist avoecques lui jusques à deus

mille ou trois mille arciers des milleurs d'Engleterre.

Li dis messires Gautiers fist moult volentiers le

commandement son signeur; si se apparilla au plus

tost qu'il peut, et se mist en mer avoecques le dit 25

monsigneur Amauri, à tèle compagnie de gens d'armes

et d'arciers qu'il souffi au dit monsigneur Amauri.

Avoec lui en alèrent li doy frère de Neynendale, messires

Loeis et messires Jehans, li Haze de Braibant,

messires Hubiers de Frenay, messires Alains de Sirehonde, 30

et pluiseur aultre que je ne puis ne sai tous

nommer, et avoech yaus sis mille arciers. Mais uns

141

grans tourmens les prist sour mer et vens contraires,

par quoi il les couvint demorer sour le mer par le

terme de soissante jours, ançois qu'il peuissent parvenir

à Hembon, là où li contesse de Montfort les

attendoit de jour en jour, à grant mesaise de coer, 5

pour le grant meschief que elle sentoit que ses gens

soustenoient, qui estoient dedens le cité de Rennes.

§ 164. Or est à savoir que messires Charles de

Blois et cil signeur de France sisent longuement devant

le cité de Rennes, et tant qu'il y fisent très grant 10

damage, par quoi li bourgois en furent durement

anoiiés; et volentiers se fuissent souvent acordé à

rendre le cité, se il osassent, mais messires Guillaumes

de Quadudal ne s'i voloit acorder nullement.

Quant li bourgois et li commun de le cité eurent assés 15

souffert, et qu'il ne veoient nul secours de nulle part

venir, il se vorrent rendre; mais li dis messires Guillaumes

ne s'i volt accorder. Au daarrain, il prisent le

dit monsigneur Guillaume et le misent en prison; et

eurent en couvent à monsigneur Charlon de Blois 20

qu'il se renderoient à l'endemain par tèle condition

que tout cil de le partie le contesse de Monfort s'en

pooient aler sauvement, quel part qu'il voloient. Li

dis messires Charles de Blois leur acorda. Ensi fu li

cités de Rennes rendue à monsigneur Charle de Blois, 25

l'an de grasce mil trois cens quarante et deus, à l'entrée

de may. Et messires Guillaumes de Quadudal

ne volt point demorer de l'acord monsigneur Charle

de Blois, ains s'en ala tantost par devers Hembon, là

où la contesse de Monfort estoit, qui fu moult dolente 30

quant elle seut que la cité de Rennes estoit rendue;

142

et si n'ooit nulles nouvelles de monsigneur Amauri de

Cliçon ne de se compagnie.

§ 165. Quant la cité de Rennes se fu rendue, ensi

que vous avés oy, et li bourgois eurent fait feauté

à monsigneur Charles de Blois, messires Charle eut 5

conseil quèle part il se poroit traire à toute son host,

pour mieulz avant esploitier de reconquerre le remanant.

Li consaulz se tourna à çou que il se traisist

par devers Hembon, là où la contesse de Montfort

estoit; car, puis que li sires estoit en prison, s'il pooit 10

prendre le ville, le chastiel et le contesse, il aroit tost

sa guerre afinée. Ensi fu fait. Si se traisent tuit vers

Hembon et assegièrent le ville et le chastiel tout au

tour, tant qu'il peurent, par terre. La contesse estoit

si bien pourveue de bons chevaliers et d'autres souffissans 15

gens d'armes qu'il couvenait pour deffendre le

ville et le chastiel, et tout dis estoit en grant soupeçon

del secours d'Engleterre que elle attendoit, et se n'en

ooit nulles nouvelles. Ains avoit doubtance que grans

meschiés ne leur fust avenus, ou par fortune de le mer, 20

ou par rencontre d'ennemis. Avoecques li estoit en

Hembon li evesques de Lyon en Bretagne, dont messires

Hervis de Lyon estoit (neveus [385]), qui estoit de le

partie monsigneur Charles. Et si y estoient messires

Yves de Tigri, li sires de Landreniaus, li chastelains 25

de Ginghant, li doi frère de Quirich, messires Henris

et messires Oliviers de Pennefort et pluiseur aultre.

Quant la contesse et cil chevalier entendirent que cil

signeur de France venoient pour yaus assegier, et qu'il

143

estoient assés priès de là, il fisent commander que on

sonnast le ban cloche, et que çascuns s'alast armer et

alast à sa deffense, ensi qu'il estoit ordonnés. Ensi

fu fait sans contredit.

Quant messires Charles de Blois et li signeur françois 5

furent approciet de le ville de Hembon et il

le veirent forte, il fisent leurs gens logier, ensi que

pour faire siège. Aucun jone compagnon geneuois,

espagnol et françois alèrent jusques as bailles pour

paleter et escarmucier; et aucun de chiaus de dedens 10

issirent encontre yaus, ensi que on fait souvent

en telz besongnes. Là eut pluiseurs hustins.

Et perdirent plus li Geneuois qu'il n'i gaegnassent,

ensi qu'il avient souvent par trop folement abandonner.

Quant li vespres approça, cescuns se retraii 15

à se loge. L'endemain, li signeur eurent conseil

qu'il feroient à l'endemain assallir les bailles

fortement, pour veoir le contenance de chiaus

de dedens, et pour veoir se il y poroient riens

conquester, ensi qu'il fisent. Car au tierc jour il 20

assallirent au matin, entours heure de prime, as

bailles très fortement. Et chil de dedens issirent hors

li aucun des plus souffissans, et se deffendirent si vassaument

qu'il fisent l'assaut durer jusques à heure de

nonne que li assallant se retraisent un petit arrière. 25

Et y laissièrent fuison de mors, et en remenèrent

plenté de bleciés. Quant li signeur veirent leurs gens

retraire, il en furent durement courouciés. Si fisent

recommencier l'assaut plus fort que devant. Et cil de

Hembon s'efforcièrent ossi d'yaus très bien deffendre. 30

Et la contesse, qui estoit armée de corps et estoit

montée sus un bon coursier, chevauçoit de rue en

144

rue par le ville, et semonnoit ses gens de bien deffendre.

Et faisoit les femmes de le ville, dames et

aultres, deffaire les caucies et porter les pières as

crestiaus pour getter as ennemis. Et faisoit aporter

bombardes et pos plains de cauch vive, pour getter 5

sus les assallans.

§ 166. Encores fist ceste ditte contesse de Montfort

une très hardie emprise qui ne fait mies (à [386]) oubliier,

et c'on doit bien recorder à hardit et outrageus fait

d'armes. La contesse montoit en une tour, pour 10

mieulz veoir comment ses gens se maintenoient. Si

regarda et vei que tout cil de l'host, signeur et aultre,

avoient laissiet leurs logeis, et estoient priès que tout

alé veoir l'assaut. Elle s'avisa d'un grant fait et remonta

sus son coursier, ensi armée comme elle estoit. 15

Et fist monter environ trois cens hommes à cheval

avoecques lui, qui gardoient une aultre porte là où on

n'assalloit point. Si issi de celle porte o toute se compagnie,

et se feri très vassaument en ces tentes et en ces

logeis des signeurs de France, qui tantos furent toutes 20

arses, tentes et toutes loges, qui n'estoient gardées fors

de garçons et de varlès qui s'en fuirent, si tos comme

il y veirent le feu bouter et la contesse et ses gens entrer.

Quant li signeur de France veirent leurs logeis

ardoir et oïrent le hu et le cri qui en venoit, il furent 25

tout esbahi et coururent tout vers lor logeis,

criant: «Trahi! Trahi!», et ne demora adonc nulz

à l'assaut.

Quant la contesse vei l'ost estourmir et de toutes

145

pars acourir, elle rassambla ses gens et vei bien que

elle ne poroit rentrer en le ville sans trop grant perte;

si s'en ala le droit chemin par devers le chastiel de

Brait qui siet à trois liewes priès de là. Quant messires

Loeis d'Espagne, qui estoit mareschaus de toute 5

l'ost, fu venus as logeis qui ardoient, et vei la contesse

et ses gens qui s'en aloient tant qu'il pooient, il se

mist à aler après pour raconsievir se il peuist, et grant

fuison de gens d'armes avoecques lui. Si les encauça

et caça tant qu'il en tua et mehagna aucuns qui estoient 10

mal montet, et qui ne pooient sievir les bien

montés. Toutes fois, la ditte contesse chevauça tant

et si bien que elle et li plus grant partie de ses gens

vinrent assés à point au bon chastiel de Brait, là où

elle fu receute et festiie à grant joie de chiaus de le 15

ville et dou chastiel. Quant messires Loeis d'Espagne

sceut, par les prisons que pris avoit, que c'estoit la

contesse qui tel fait avoit fait et qui escapée li estoit,

il s'en retourna en l'ost et conta sen aventure as signeurs

et as aultres qui grant merveille en eurent. 20

Ossi eurent cil qui estoient dedens Haimbon, et ne

pooient apenser ne trop imaginer comment leur dame

avoit che aviset ne oset entreprendre. Mais il furent

toute le nuit en grant quisençon de çou que la

dame ne nulz de ses compagnons ne revenoit; si n'en 25

savoient que penser ne que aviser, et ce n'estoit point

trop grant merveille.

§ 167. A l'endemain, li signeur de France, qui

avoient perdu leurs tentes et leurs pourveances,

orent conseil qu'il se logeroient d'arbres et de foellies 30

plus priès de le ville, et qu'il se maintenroient plus

146

sagement. Si se alèrent logier à grant painne plus

priès de le ville, et disoient souvent ensi à chiaus de

le ville: «Alés, signeur, alés requerre vostre contesse.

Certes elle est perdue, vous ne le trouverés en

pièce.» Quant cil de le ville, gens d'armes et aultres, 5

oïrent telz parolles, il furent esbahi et eurent grant

paour que grans meschiés ne fust avenus à leur dame.

Si n'en savoient que croire, par tant que elle point

ne revenoit, ne n'en ooient nulles nouvelles. Si demorèrent

en tel paour par l'espasse de cinq jours. 10

Et la contesse, qui bien pensoit que ses gens estoient

à grant mesaise pour lui et en grant doubtance, se

pourcaça tant que elle eut bien cinq cens compagnons

(armés [387]) et bien montés. Puis se parti de Brait

entour le mienuit et se vint, droit au point que li solaus 15

se liève, à chevauçant à l'un des costés de l'host, et

fist ouvrir le porte et entra ens à grant joie et à grant

son de trompes et de nakaires: de quoi li hos des

François fu durement estourmie. Si se fissent tout

armer et coururent par devers le ville pour assallir, 20

et cil de dedens as fenestres pour le deffendre. Là

commença grans assaus et fors, qui dura jusques à

haute nonne. Et plus y perdirent li assallant que li

deffendant.

Environ heure de nonne, fisent li signeur cesser 25

d'assallir, car leurs gens se faisoient tuer et navrer

sans raison, et retraisent à leurs logeis. Si eurent

conseil et acord que messires Charles de Blois iroit

assegier (le) chastiel d'Auroy que li rois Artus fist

faire et fremer. Et iroient avoecques lui li dus de 30

147

Bourbon, li contes de Blois ses frères, et li mareschaus

de France messires Robers Bertrans, et messires

Hervis de Lyon et partie des Geneuois. Et messires

Loeis d'Espagne, li viscontes de Rohen et tous

li remanans des Geneuois et Espagnolz demorroient 5

devant Hembon. Et mandèrent douze grans engiens

qu'il avoient laissiés à Rennes, pour getter à le ville

et au chastiel de Hembon, car il veoient bien qu'il

ne le pooient gaegnier ne riens pourfiter à l'assallir;

si qu'il fisent deus hos: s'en demora li uns devant 10

Hembon, et li aultres en ala assegier chastiel d'Auroy

qui estoit assés priès de là; des quels nous parlerons

et nous soufferons un petit des aultres.

§ 168. Messires Charles de Blois se trest par devant

le chastiel d'Auroy, qui estoit assés priès de là, à tout 15

se compagnie, et se loga et toute son host environ.

Et y fist assallir et escarmucier, car chil del chastiel

estoient bien pourveu et bien garni de bonnes gens

d'armes, pour tel siège soustenir. Si ne se vorrent rendre,

ne laissier le service de la contesse, qui grans 20

biens leur avoit fais, pour obeir au dit monsigneur

Charle, pour ses prommesses. Dedens le forterèce avoit

deus cens compagnons aidables, uns et aultres, des

quelz estoient mestres et chapitainnes doi chevalier

dou pays, vaillant homme et hardi durement, messires 25

Henris de Pennefort et Oliviers de Pennefort

ses frères. A quatre liewes priès de ce chastiel siet la

bonne cité de Vennes, qui fermement se tenoit à le

contesse. Et en estoit messires Joffrois de Malatrait

chapitainne, gentilz homs et vaillans durement. D'autre 30

part sciet la bonne ville de Dignant en Bretagne,

148

qui adonc n'estoit fremée, fors de fossés et de palis.

Si en estoit chapitains de par le contesse uns durement

vaillans homs que on clamoit le chastellain de

Gingant, mais il estoit adonc assis dedens Hembon

avoech la contesse. Mais il avoit laissiet à Dignant 5

son hostel, ma dame sa femme et ses filles, et avoit

laissiet à chapitainne, en lieu de li, monsigneur Renault

son fil, vaillant baceler et hardi durement.

Entre ces deus bonnes villes siet uns très fors chastiaus

qui se tenoit adonc à monsigneur Charle de 10

Blois, et l'avoit fait garnir de gens d'armes et de saudoiiers,

qui tout estoient Bourgignon. Si en estoit

souverains et mestres uns bons escuiers assés jones

que on clamoit Gerart de Malain; et avoit avoecques

lui un hardi chevalier que on clamoit monsigneur 15

Pière Portebuef. Cil doi avoecques leurs compagnons

honnissoient et gastoient tout le pays de là entour,

et destraindoient si ouniement le cité de Vennes et

le bonne ville de Dinant, que nulles pourveances ne

marchandises ne pooient entrer ne venir, fors en 20

grant peril et sous grant aventure, car il chevauçoient

l'un jour par devers Vennes, et l'autre jour

par devers Dinant. Tant chevaucièrent ensi li dessus

dit Bourgegnon et leurs routes, que li jones bacelers

messires Renaulz de Gingant prist, par un embuscement 25

qu'il avoit establi, le dit Gerart de Malain à

toute se compagnie, qui estoient yaus vingt et cinq

compagnon, et rescoui jusques à quinze marcheans à

tout leur avoir qu'il avoient pris, et les emmenoient

par devers leur garnison que on claime Rocheperiot.

Mais li jones bacelers messires Renaulz de Gingant les 30

conquist tous, par son sens et par sa proèce, et les

149

en mena tous (en Dynant [388]) en prison, dont tous li

pays d'entour eut grant joie. Et en fu durement li

dis messires Renaulz loés et prisiés.

Si me tairai un petit à parler de ces gens de Vennes,

de Dinant et de Roceperiot, et revenrai à la 5

contesse de Montfort, qui estoit assise dedens Haimbon,

et à monsigneur Loeis d'Espagne qui tenoit

le siège par devant et avoit si debrisié et defroissié

le ville et le fremeté, par les engiens, que cil de

dedens se commencièrent à esmaiier et avoir volenté 10

de faire acord, car il ne veoient nul secours venir,

ne n'en entendoient nouvelles. Dont il avint que

li evesques messires Guis de Lyon, qui estoit (oncles [389])

monsigneur Hervi de Lyon, par qui pourcach et conseil

li contes de Montfort avoit estet pris, si com 15

on disoit, dedens le cité de Nantes, parla un jour au

dit monsigneur Hervi son (neveu,) sus assegurance, et

par lonch temps ensamble, d'unes coses et d'aultres;

et tant que li dis evesques devoit pourcacier acord à

ses compagnons, par quoi li ville de Hembon seroit 20

rendue à monsigneur Charle de Blois. Et li dis messires

Hervis, d'autre part, devoit pourcacier que cil

de dedens seroient apaisiés envers monsigneur Charle,

quittes et lieges, et ne perderoient riens dou

leur. Ensi se departi cilz parlemens. Li dis evesques 25

rentra en le ville pour parler as aultres signeurs. La

contesse se doubta tantost de mauvais pourcach; si

pria à ces signeurs de Bretagne, pour l'amour de

Dieu, qu'il ne fesissent nulle defaute, car elle avoit

150

esperance en Nostre Signeur que elle aroit grant secours

dedens trois jours. Mais li dis evesques parla

tant et moustra tant de raisons à ces signeurs de

Bretagne qu'i(l) les mist en grant effroi celle nuit. A

l'endemain, il recommença et dist tant de raisons, 5

d'unes et d'autres, qu'il estoient tout de son acord

ou assés priès. Et jà estoit li dis messires Hervis venus

assés priès de le ville pour (la) prendre et par

leur acord, quant la contesse qui regardoit aval le mer,

par une fenestre del chastiel, commença à criier et à 10

faire grant joie; et disoit tant comme elle pooit: «Je

voi venir le secours que j'ai tant desiré!» deus fois

le dist. Cescuns de le ville courut tantost, qui mieulz

pot, as fenestres et as crestiaus des murs pour veoir

que c'estoit. Et veirent clerement grant fuison de 15

naves, petites et grandes, bien batillies, venir par

devers Hembon. Dont cescuns fu durement reconfortés,

car bien tenoient que c'estoit messires Amauris

de Cliçon qui amenoit ce secours d'Engleterre,

dont vous avés par chà devant oy parler, qui par 20

soixante jours avoient eu vent contraire sur le

mer.

§ 169. Quant li chastellains de Gingant messires

Yves de Tigueri, messires Gallerans de Landreniaulz

et li aultre chevalier veirent ce secours venir, 25

il disent à l'evesque qu'il pooit bien contremender

son parlement, car point consilliet n'estoient de

faire ce qu'il leur exhortoit. Li dis evesques messires

Guis de Lyon en fu durement courouciés et

dist: «Signeur, dont se departira nostre compagnie, 30

car vous demorrés deça par devers ma dame, et je

151

m'en irai par delà par devers celui qui plus grant

droit y a, ce me samble.» Lors se parti li dis evesques

de Hembon, et deffia la dame et tous ses aidans,

et s'en ala renoncier au dit monsigneur Hervi et dist

la besongne ensi comme elle se portoit. Li dis messires 5

Hervis fu durement courouciés. Si fist tantost

drecier les plus grans engiens qu'il avoient, au plus

priès del chastiel que on peut, et commanda que

on ne cessast de getter par jours ne par nuis;

puis se parti de là. Si en mena son (oncle [390]) le dit 10

evesque à monsigneur Loeis d'Espagne qui le rechut

à bon gré et liement. Ossi fist messires Charles de

Blois, quant il fu à lui venus. La comtesse fist à lie

chière apparillier salles, cambres et hostelz, pour herbergier

aisiement ces signeurs d'Engleterre qui là venoient, 15

et envoia encontre yaus moult noblement.

Quant il furent venus et descendus, elle meismes

vint contre yaus à grant reverense. Et se elle les

festia et regratia grandement, che ne fait point à

esmervillier, car elle avoit bien mestier de leur 20

venue, si com vous avés oy. Si en fist adonc et de

puis ossi tout quanque elle en peut faire. Et les en

mena tous, chevaliers et escuiers, ens ou chastiel

herbergier, jusques adonc qu'il seroient herbegiet en

le ville à leur aise; et leur donna l'endemain à disner 25

moult grandement. Toute la nuit ne cessèrent li

engien de getter, ne l'endemain ossi.

Quant ce vint après disner que la dame eut festiiet

ces signeurs, messires Gautiers de Mauni, qui estoit

mestres et souverains des Englès venus avoec lui, appella 30

152

d'une part monsigneur Yvon de Tigueri et li

demanda de l'estat de chiaus de le ville et de leurs

couvenans et de chiaus de l'host ossi. Puis regarda

et dist qu'il avoit grant volenté d'aler abatre ce grant

engien, qui si priès leur estoit assis et qui si grant anoi 5

leur faisoit, mès que on le volsist sievir. Messires Yves

de Tigueri dist que il ne l'en faurroit mies à ce(ste)

première envaye. Ensi dist li sires de Landreniaus.

Adonc s'ala tantost armer li gentilz sires de Mauni.

Ossi fisent tout si compagnon quant il le sceurent, et 10

ossi tout li chevalier breton et li escuier qui laiens

estoient. Puis issirent hors paisievlement par le porte,

et fisent aler avoech yaus trois cens archiers. Tant

alèrent traiant li arcier qu'il fisent fuir en voies ceulz

qui gardoient ce grant engien. Et les gens d'armes qui 15

venoient après ces arciers en occisent aucuns, et abatirent

ce grant engien, et le detaillièrent tout par

pièces. Puis coururent de randon jusques as tentes

et as logeis, et boutèrent le feu dedens. Si tuèrent et

navrèrent pluiseurs de leurs ennemis, ançois que li 20

host fust estourmis; et puis se retraisent bellement

arrière. Quant li hos fu estourmis et armés, il vinrent

acourant apriès yaus, comme gens tous foursenés.

Et quant messires Gautiers de Mauni vey ces

gens acourir et estourmir en demenant grans hus et 25

grant cris, il dist tout haut: «Jamais ne soie jou

salués de ma chière amie, se je rentre en chastiel ne

en forterèce, jusques adonc que jou arai l'un de ces

venans versé à terre, ou jou y serai versés!» Lors se

retourna il, le glave ou poing, par devers les ennemis. 30

Ossi fisent li doi frère de Leindehale, li Haze de

Braibant, messires Yves de Tigueri, messires Galerans

153

de Landreniaus et pluiseur aultre compagnon,

et brocièrent à premiers venans. Si en fisent pluiseurs

verser, les gambes contremont. Ossi en y eut

des leurs versés.

Là commença uns très fors hustins, car tout dis 5

venoient avant cil de l'host. Si monteplioit leurs

effors, par quoi il convenoit les Englès et les Bretons

retraire tout bellement par devers leur forterèce.

Là peuist on veoir d'une part et d'autre belles

envayes, belles rescousses, biaus fais d'armes et des 10

belles proèces grant fuison. Sour tous les aultres

le faisoit bien et en avoit le los et le huée li gentilz

chevaliers, messires Gautiers de Mauni. Et ossi

moult vassaument s'i maintinrent tout si compagnon,

et s'i combatirent très bien. Quant il veirent 15

que tamps fu de retraire, si se retraisent bellement et

sagement jusques à leurs fossés, et là rendirent il estal

jusques à tant que leurs gens furent entret à sauveté.

Mais saciés que li aultre arcier, qui point n'avoient

esté à abatre les engiens, estoient issu de le ville et 20

rengiés sus les fossés, et traioient si fortement qu'il

fisent tous chiaus de l'host reculer, qui eurent grant

fuison d'ommes et de chevaus mors et navrés. Quant

cil de l'host veirent que leurs gens estoient au bersail

et qu'il perdoient sans riens conquester, il fisent 25

leur gens retraire à leurs logeis. Et quant il furent tout

retrait, cil de le ville se retraisent ossi, cescuns à son

hostel. Qui adonc veist la contesse descendre dou

chastiel à grant chière, et baisier monsigneur Gautier

de Mauni et ses compagnons, les uns apriès les aultres, 30

deus fois ou trois, bien peuist dire que c'estoit

une vaillans dame.

154

§ 170. A l'endemain, messires Loeis d'Espagne appella

le visconte de Rohem, l'evesque de Lyon, monsigneur

Hervi de Lyon et le mestre des Geneuois, pour

avoir avis et conseil qu'il feroient et comment il se

maintenroient, car il veoient le ville de Hembon si 5

forte et le secours qui venus y estoit, meismement

les arciés qui tous les desconfisoient. Par quoi, il

perdoient le tamps pour noient, et aleuoient à

demorer là, et ne veoient tour ne voie par quoi il

y peuissent riens conquester. Si se accordèrent tout à 10

çou que il se deslogeroient à l'endemain et se trairoient

par devers le chastiel d'Auroy, là où messires

Charles de Blois estoit à siège fait, et li aultre signeur

de France. L'endemain, bien matin, il deffisent leurs

logeis et se traisent celle part, si com ordonné l'avoient. 15

Chil de le ville fisent grans hus apriès yaus,

quant il les veirent deslogiet. Et aucun issirent après

yaus pour aventurer, mais il furent racaciet arrière,

et perdirent de leurs compagnons, ançois qu'il peuissent

estre retrait à le ville. 20

Quant messires Loeis d'Espagne et toute sa carge

de gens d'armes furent venu en l'ost monsigneur

Charles de Blois, il li conta le raison pour quoi il

avoit laissiet le siège de devant Hembon. Adonc ordonnèrent

il entre yaus, par grant deliberation, que 25

li dis messires Loeis et cil qui estoient venu avoech

li iroient assegier le bonne ville de Dinant qui n'estoit

fremée fors que d'yawe et de palis. Ensi demora

la ville de Hembon en pais une grant pièce,

et fu reforcie et rafrescie moult durement. Li dis 30

messires Loeis s'en ala adonc à tout son host assegier

Dinant. Ensi qu'il s'en aloit, il passa assés

155

priès d'un viés chastiel que on clamoit Conquest. Et

en estoit chastellains, de par le contesse, uns chevaliers

de Lombardie, bons guerriières et hardis, qui

s'appeloit messires Mansion, et avoit pluiseurs saudoiiers

avoech li. Quant li dis messires Loeis entendi 5

que li chastiaus estoit de l'accord le contesse, il fist

traire son host celle part et assallir le chastiel fortement.

Chil dedens se deffendirent si bien que li assaus

dura jusques à le nuit, et se loga li hos là endroit.

L'endemain, il fist l'assaut recommencier. Li assallant 10

approcièrent si priès des murs qu'il y fissent un

grant trau, car li fosset n'estoient mies moult parfont.

Si entrèrent ens par force et misent à mort tous

chiaus dou chastiel, exceptet le chevalier qu'il prisent

à prisonnier; et y establirent un aultre chastelain 15

bon et seur et soixante compagnons avoec li, pour

garder le chastiel. Puis s'en parti li dis messires Loeis

et s'en ala assegier le bonne ville de Dinant.

La contesse de Monfort et messires Gautiers de

Mauni entendirent ces nouvelles que messires Loeis 20

d'Espagne et toute son host estoit arrestés par devant

le chastiel de Conquest. Si appella messires

Gautiers tous les compagnons saudoiiers, et leur dist

que ce seroit trop noble aventure pour yaus tous,

se il pooient deslogier le dit chastiel et desconfire le 25

dit monsigneur Loeis et toute son host, et que onques

si grant honneur n'avint à gens d'armes qu'il

leur avenroient. Tout li compagnon s'i acordèrent et

se partirent l'endemain au matin de Haimbon, et s'en

alèrent celle part de si grant volenté que petit en demora 30

en le ville. Tant chevaucièrent qu'il vinrent environ

nonne au chastiel de Conquest, et trouvèrent

156

qu'il avoit esté conquis par force le jour devant, et

cil de dedens tout occis, excepté le chevalier monsigneur

Mansion qui le gardoit. Et l'avoient li François

repourveu et rafresci de nouvelle gent. Quant messires

Gautiers entendi çou, et que messires Loeis estoit 5

alés assegier le ville de Dinant, il en eut grant

doel, pour tant qu'il ne se pooit combatre à lui. Si

dist à ses compagnons qu'il ne se partiroit de là, si

saroit quelz gens il avoit ou chastiel, et comment il

avoit estet perdus. Si se apparillièrent il et si compagnon, 10

pour assallir le chastiel, et montèrent tout

targiet contremont. Quant li Espagnol qui dedens estoient

les veirent en tel manière venir, il se deffendirent

tant qu'il peurent. Et cil de dehors les assallirent

si fortement et les tinrent si priès de traire qu'il 15

approcièrent les murs, maugré chiaus dou chastiel,

et trouvèrent le trau del mur, par quoi il avoient le

jour devant gaegniet le chastiel. Si entrèrent ens par

ce trau meismes, et tuèrent tous les Espagnolz, excepté

dix que aucun chevalier prisent à merci. Puis 20

se retraisent li Englès et li Breton par devers Hembon,

car il ne l'osoient durement eslongier; et laissièrent le

chastiel de Conquest tout seul et sans garde, car il

veirent bien que il ne faisoit mies à tenir.

§ 171. Or revenrai à monsigneur Loeis d'Espagne 25

qui fist logier son host tout au tour de la ville de

Dinant en Bretagne, et fist tantost faire petits batiaus

et nacelles, pour assallir le ville de toutes pars, par

terre et par yawe. Quant li bourgois de le ville veirent

chou, et bien savoient que lor ville n'estoit fremée 30

fors que de palis, il eurent paour, grans et petis,

157

de perdre corps et avoir. Si se accordèrent communement

qu'il se renderoient, salves leurs corps et leur

avoir, si qu'il fisent au quart jour que li hos fu venus

là, maugré leur chapitainne monsigneur Renault de

Ginghant et le tuèrent (tout en my le marchiet [391]), pour 5

tant qu'il ne s'i voloit acorder. Quant messires Loeis

d'Espagne eut esté en le ville de Dignant par deux

jours, et ot pris le feaulté des bourgois, il leur donna

pour chapitainne celui Gerard de Malain, escuier, que

il trouva laiens prisonnier, et monsigneur Pière Portebuef 10

avoech lui. Puis s'en ala à tout son host par devers

une grosse ville seans sus le flun de le mer, que

on claime Garlande, et le assega par terre. Et trouva

assés priès grant fuison de naves et de vaissiaus plainnes

de vins que marcheant avoient là amenet de 15

Poito et de Le Rocelle pour vendre. Si euren tantost

vendut li marchant leurs vins, et furent mal paiiet.

Et puis fist li dis messires Loeis prendre toutes ces

naves, et ens monter gens d'armes et partie des Espagnols

et des Geneuois. Puis fist l'endemain assallir le 20

ville par terre et par mer, qui ne se pot longement

deffendre; ains fu assés tost gaegnie par force, et

tantost toute robée, et tout mis à l'espée, femmes et

hommes et enfans, et cinq eglises arses et violées:

dont messires Loeis fu durement courouciés. Si fist 25

tantost pour chou pendre vingt et quatre de chiaus

qui chou avoient fait. Là eut gaegniet très grant tresor,

si ques cescuns en eut tant qu'il en peut porter, car

la ville estoit durement grande et rice et marceande.

Quant celle grosse ville, qui Garlande estoit appellée, 30

158

fu ensi gaegnie et robée et essillie, il ne sceurent

où aler plus avant pour gaegnier. Si se mist li dis

messires Loeis en ces vaissiaus qu'il avait trouvés, sus

mer, en le compagnie de monsigneur Othon Doriie

et de Toudou et de aucuns Geneuois et Espagnolz, 5

pour aler aucune part, pour aventurer sus le marine.

Et li viscontes de Roem, li evesques de Lyon, messires

Hervis, ses niés, et tout li aultre s'en revinrent

en l'ost monsigneur Charle de Blois, qui encores seoit

devant le chastiel d'Auroy. Et trouvèrent grant fuison 10

de signeurs et de chevaliers de France, qui nouvellement

estoient là venus, telz que monsigneur Loeis

de Poitiers conte de Valence, le conte d'Auçoirre,

le conte de Portiien, le conte de Joni, le conte de

Boulongne et pluiseurs aultres, dont li rois Phelippes 15

les y avoit envoiiés pour reconforter son neveu; et

aucun y estoient venu de leur volenté, pour venir

veoir et servir monsigneur Charle de Blois. Et encores

n'estoit li fors chastiaus d'Auroy gaegniés. Mais

chil de dedens estoient si près menet et apresset de 20

famine qu'il avoient mengiet par huit jours tous

leurs chevaus; et ne les voloit on prendre à merci,

s'il ne se rendoient simplement. Quant il veirent

que morir les couvenoit, il issirent hors couvertement

par nuit, et se misent en le volenté de Dieu, 25

et passèrent tout parmi l'ost, à l'un des costés. Aucun

en furent perceu et tuet. Mais messires Henris de

Pennefort et messires Oliviers ses frères et pluiseur

aultre se sauvèrent par un bosket qui là estoit, et en

alèrent droit à Hembon devers le contesse et les 30

compagnons, chevaliers englès et bretons, qui les

rechurent liement.

159

Ensi reconquist messires Charles de Blois le fort

chastiel d'Auroi, et par affamer ceulx qui le gardoient,

là où il avoit sis par l'espasse de dix sepmainnes

et plus. Si le fist reffaire et rappareillier

et bien garnir de gens d'armes et de toutes pourveances; 5

et puis s'en ala à tout son ost assegier

le cité de Vennes, dont messires Joffrois de Malatrait

estoit chapitains, et se loga tout au tour. A

l'endemain, aucun compagnon breton et saudoiier,

qui gisoient en une ville que on claime Plaremiel, 10

issirent hors et se misent en aventure de gaegnier.

Si vinrent estourmir l'ost monsigneur Charle, et se

ferirent à l'un des corons secretement; mais il furent

enclos quant li hos fu estourmis, et perdirent de

leurs gens grossement. Li aultre s'en fuirent et furent 15

sievi jusques assés priès de Plaremiel, qui estoit

assés priès de Vennes. Quant cil de l'host qui estoient

armet furent revenu de le cace, il alèrent de ce

retour meismes assallir le ville de Vennes fortement

et radement, et gaegnièrent par force les bailles jusques 20

à le porte de le cité. Là eut très fort assaut, et

pluiseurs mors et navrés d'une part et d'autre, et

dura jusques à le nuit. Adonc fu acordé uns respis

qui devoit durer l'endemain tout le jour, pour les

bourgois consillier, s'il se vorroient rendre ou non. 25

A lendemain, il furent si consilliet qu'il se rendirent,

maugret monsigneur Joffroi de Malatret leur chapitainne.

Et quant il vei chou, il se mist hors de le

cité desconnuement, endementrues que on parlementoit,

et s'en ala par devers Hembon. Et li parlemens 30

se fist ensi, que messires Charles de Blois et

tout li signeur entrèrent en le cité, et prisent le

160

feaulté des bourgois, et se reposèrent en le cité par

cinq jours. Puis s'en partirent et alèrent assegier une

aultre forterèce et bonne cité que on claime Craais.

Or lairai à parler un petit d'yaus, et retourrai à

monsigneur Loeis d'Espagne qui s'estoit mis en mer, 5

ensi que vous avés oy ci dessus.

§ 172. Saciés que, quant messires Loeis d'Espagne

fu montés, au port de Garlande, sus mer, il et se

compagnie alèrent tant nagant par mer qu'il arrivèrent

en le Bretagne bretonnant, au port de Camperli 10

et assés priès de Camper Corentin et de Saint Mahieu

de Fine Poterne; et issirent des naves, et alèrent ardoir

et rober tout le pays. Et trouvèrent si grant

avoir que merveilles seroit dou raconter; si le raportoient

tout en leurs naves, et puis aloient d'autre 15

part rober, et ne trouvoient qui leur deffendesist.

Quant messires Gautiers de Mauni et messires Amauris

de Cliçon sceurent les nouvelles de monsigneur

Loeis d'Espagne et de ses compagnons, il eurent conseil

qu'il iroient celle part. Puis le descouvrirent à 20

monsigneur Yvon de Trigri, au chastelain de Gingant,

au signeur de Landreniaus, à monsigneur Guillaume

de Quadudal, as deus frères de Pennefort, et à tous

les chevaliers qui là estoient dedens Hembon, qui

tout s'i acordèrent de bonne volenté. Lors se misent 25

tout en leurs vaissiaus, et prisent trois mille arciers

avoecques yaus, et ne cessèrent de nagier jusques à

tant qu'il vinrent droit au port, là où les naves monsigneur

Loeis estoient ancrées. Si entrèrent dedans,

et tuèrent tous chiaus qui les naves gardoient. Et 30

trouvèrent ens si grant avoir qu'il s'en esmervillièrent

161

durement, que li Geneuois et li Espagnol avoient

là dedens aportet. Puis se misent à terre, et veirent

en pluiseurs lieus villes et maisons ardoir. Si se partirent

en trois batailles, par grant sens, pour plus tost

trouver leurs ennemis, et laissièrent trois cens arciers 5

pour garder leur navie et l'avoir qu'il avoient gaegniet;

puis se misent à le voie par devers les fumières

par pluiseurs chemins.

Ces nouvelles vinrent à monsigneur Loeis d'Espagne

que li Englès estoient arrivet efforciement et le queroient. 10

Si rassambla toutes ses gens, et se mist au retour

par devers ses naves, pour entrer dedens. Ensi

qu'il s'en revenoit, tout cil dou pays le poursievoient,

hommes et femmes qui avoient perdu lor avoir; et il

se hastoit tant qu'il pooit. Si encontra l'une des trois 15

batailles, et vey bien que combatre le couvenoit. Se

se mist tantost en bon couvenant, car il estoit hardis

chevaliers et confortés durement. Et fist là aucuns

chevaliers nouviaus, et especialment un sien neveut

que on appelloit Aufons. Si se ferirent li dis messires 20

Loeis d'Espagne et ses gens en ceste première bataille

si radement qu'il en ruèrent tamaint par terre;

et euist esté tantost toute nettement desconfite et

sans remède, se n'euissent esté les aultres deus batailles

qui y sourvinrent, par le cri et le hu qu'il 25

avoient oy des gens dou pays. Lors commença li

hustins à renforcer, et li arcier si fort à traire que

Geneuois et Espagnol furent desconfit et priès que

tout mort et tuet à grant meschief, car cil dou

pays qui les sievoient à bourlès et à pikes y sourvinrent, 30

qui les partuèrent tous, et rescouoient ce qu'il

pooient de leur perte: si ques à grant meschief li

162

dis messires Loeis se parti de le bataille, durement

navrés en pluiseurs lius, et s'en afui par devers ses

naves, tous desconfis. Et ne ramena de bien sis mille

hommes qu'il avoit avoech lui plus hault de trois

cens; et y laissa mort son neveu que moult amoit, 5

monsigneur Aufons d'Espagne, dont il estoit en coer

et fu puissedi moult destrois, mais amender ne le peut.

Quant il fu venus à ses naves, il cuida ens entrer,

mais il les trouva si bien gardées qu'il ne

peut ens entrer. Si se mist en un vaissiel que on 10

claime lique, à grant meschief et à grant haste, à tout

ce de gens qu'il avoit d'escapés, et se mist à nagier

fortement en voies. Quant cil chevalier d'Engleterre

et de Bretagne dessus nommet eurent desconfis leurs

ennemis, et il perçurent que li dis messires Loeis 15

s'en estoit partis et alés par devers les vaissiaus, il se

misent tout à aler après lui tant qu'il purent, et

laissièrent les gens del pays couvenir del remanant

et yaus vengier, et reprendre partie de chou que on

leur avoit robet. Quant il furent venu à leurs vaissiaus, 20

il trouvèrent que li dis messires Loeis estoit

entrés en une lique qu'il avoit trouvet, et s'en aloit

fuiant tant qu'il pooit. Il entrèrent tantost ens ès

plus appareilliés vaissiaus qu'il trouvèrent là, et nagièrent

tant qu'il purent apriès le dit monsigneur 25

Loeis, car il leur estoit avis qu'il n'avoient riens fait,

se li dis messires Loeis leur escapoit. Il eurent bon

vent si com à souhet, et le veoient toutdis nagier

devant yaus si fortement qu'il ne le pooient raconsievir.

Tant nagièrent à force de bras li maronnier 30

monsigneur Loys qu'il parvinrent à un port que on

claime le port de Gredo. Là descendi li dis messires

163

Loeis et cil qui escapet estoient avoecques lui, et entrèrent

en le ville de Gredo. Il ne furent mies gramment

arresté en le ditte ville, quant il oïrent dire que li

Englès estoient arrivé, et qu'il descendoient pour yaus

combatre. Adonc se hasta li dis messires Loeis, qui 5

ne se vei meis à pareçon contre yaus; et monta sour

petis chevaus qu'il emprunta en le ville, et s'en ala

droit par devers le cité de Rennes qui estoit assés

priès de là. Et montèrent ossi ses gens, qui peurent

recouvrer de chevaus; et qui ne peurent, il se partirent 10

tout à pied, sievans leurs mestres. Si en y eut

pluiseurs des lassés et des mal montés ratains et raconsievis,

qui eurent mal finet quant il cheirent ens

ès mains de leurs ennemis. Toutes fois, li dis messires

Loeis d'Espagne se sauva, et ne le peurent li 15

Englès raconsievir, et s'en vint à petite compagnie

en le cité de Rennes.

Et li Englès et li Breton s'en retournèrent et vinrent

à Gredo, et là se reposèrent celle nuit. L'endemain,

il se remisent en chemin par mer, pour revenir 20

à Hembon par devers le contesse leur dame,

mais il eurent vent contraire. Si leur couvint prendre

terre à trois liewes priès de le ville de Dinant;

puis se misent au chemin par terre, ensi qu'il peurent,

et gastèrent le pays entours Dinant. Et prendoient 25

chevaus telz que cescuns pooit trouver, li

uns à selle, li aultres sans selle, et alèrent tant

qu'il vinrent une nuit assés priès de Roceperiot.

Quant il furent là venu, messires Gautiers de Mauni

dist certainement à ses compagnons: «Signeur, jou 30

iroie volentiers assallir à ce fort chastiel, se jou

avoie compagnie, com travilliés que je soie, pour

164

assaiier se nous y porions riens conquester.» Li

aultre chevalier respondirent tuit: «Sire, alés y

hardiement, nous vous sievrons jusques à le mort.»

Adonc se misent tout à monter contremont le montagne,

tous apparilliés d'assallir. A ce point estoit laiens 5

ycilz escuiers que on clamoit Gerard de Malain, com

chastelains, qui avoit esté prisonniers à Dignant, si

com vous avés oy, li quelz fist armer apertement toutes

ses gens et traire as garites et as deffenses; et ne se

mist point derrière, mais vint o toutes ses gens pour 10

deffendre le chastiel. Là ot un fort assaut, dur et perilleus,

et y eut pluiseurs chevaliers et escuiers navrés,

entre les quelz messires Jehans li Boutilliers et

messires Mahieus de Frenai furent durement bleciet;

et tant qu'il les couvint raporter aval et mettre 15

gesir en un pré avoecques les autres navrés.

§ 173. Cilz Gerars de Malain avoit un frère, hardi

escuier et conforté durement, que on clamoit Renier

de Malain, et estoit chastelains d'un aultre petit fort

que on appelloit Fauet, qui siet à mains d'une liewe 20

priès de Roceperiot. Quant cilz Reniers entendi que

Breton et Englès assalloient son frère, il fist armer

de ses compagnons jusques à quarante. Si issi hors

et chevauça devers Roceperiot, pour aventurer et

pour veoir se il poroit en aucune manière son frère 25

valoir ne aidier. Se li avint si bien qu'il sourvint

sour ces chevaliers et escuiers navrés et sour leur

mesnie, qui gisoient desous le chastiel en un pré. Si

leur courut seure et prist les deux chevaliers et les

escuiers navrés, et les en fist porter et emmener par 30

devers Fauet sa garnison en prison, ensi bleciet qu'il

165

estoient. Aucun de leur mesnie s'en afuirent à monsigneur

Gautier de Mauni, à monsigneur Amauri de

Cliçon et as autres chevaliers qui estoient durement

ententieu d'assallir, et leur disent l'aventure comment

on emmenoit ces chevaliers et escuiers par devers 5

Fauet en prison, et comment il avoient estet pris.

Quant li chevalier entendirent ces nouvelles, il furent

trop durement courouciet, et fisent cesser l'assaut,

et se misent à l'aler, tant qu'il peurent, qui

mieulz mieulz, par devers Fauet, pour raconsievir, se 10

ilz peuissent, chiaus qui emmenoient ces prisons. Mais

il ne se peurent tant haster que li dis Reniers de Malain

ne fust ançois rentrés en son chastiel à tout ses

prisons, qu'il peuissent venir là. Quant il furent là

venu, li uns devant, li aultres après, il commencièrent 15

à assallir, si travilliet qu'il estoient; mais petit y fisent

adonc, car li dis Reniers et si compagnon se deffendoient

vassaument. Et jà estoit tart, et tuit estoient

travilliet durement. Si eurent conseil qu'il se logeroient

et se reposeroient celle nuit, pour mieus assallir 20

à l'endemain.

§ 174. Gerars de Malain sceut, tantost que cil signeur

se furent parti de là, le biau fet d'armes que

ses frères Reniers avoit fait pour lui secourre; si en

eut grant joie. Et sceut que cil signeur estoient pour 25

çou trais par devant Fauet et le conquerroient, s'il

pooient. Si se apensa que il feroit ossi biel service à

son frère, se il pooit, que ses frères li avoit fait. Si

monta tout par nuit sour son cheval et vint, un petit

devant le jour, à Dinant, et fist tant qu'il parla tantost 30

à monsigneur Pière Portebuef, son bon compagnon,

166

qui estoit chapitainne et souverains de Dinant avoech

lui, si com vous avés oy, et li conta l'aventure et

pour quoi il estoit là venus. Si eurent conseil que,

sitos que jours seroit, il assambleroit tous les bourgois

de le ville, et leur demoustreroit le besongne, et 5

les feroit armer, s'il pooit, pour aler dessegier le

chastiel de Fauet. Quant grans jours fu, et tout li

bourgois furent assamblé en le halle de le ville, Gerars

de Malain leur remoustra le besongne si bellement

que li bourgois et li saudoiier furent d'acord 10

d'yaus armer, et de partir tantost, et d'aler là où on

les vorroit mener; et fisent sonner la bancloke, et

s'armèrent toutes gens. Puis issirent hors et se misent

à le voie, tant qu'il peurent, par devers Fauet,

et estoient bien sis mille hommes, uns et autres. 15

Messires Gautiers de Mauni et li aultre signeur le

sceurent tantos par une espie. Si eurent conseil ensamble

pour regarder et aviser quel cose leur seroit

bon à faire: si ques, tout consideret le bien et le

mal, il se acordèrent à che que il se partiroient de 20

là et s'en retrairoient, ensi qu'il poroient, par devers

Hembon, car grans meschiés leur poroit avenir, s'il

demoroient longement là. Car, se cil de Dinant leur

venoient d'une part, et li hos monsigneur Charle et

des signeurs de France d'autre, il seroient enclos. Si 25

seroient tout pris ou mors, à le volenté de leurs ennemis.

Si se acordèrent à che que leurs milleurs poins

estoit de laissier leurs compagnons en prison, que

tout perdre, jusques adonc qu'il le poroient amender.

Lors se partirent de là, et se misent à le voie pour 30

revenir à Hembon.

Ensi qu'il revenoient vers Hembon, il vinrent passant

167

par devant un chastiel que on claime Ghoy le

Forest, qui quinze jours devant estoit rendus à monsigneur

Charle de Blois. Et l'avoit li dis monsigneur

Charle livret pour garder à monsigneur Hervi

de Lyon et à monsigneur Gui de Ghoy, qui en devant 5

le tenoit. Li quel doy chevalier n'estoient point

laiens, quant cil signeur englès et breton vinrent

là passant; ains estoient en l'ost monsigneur Charle,

avoecques les signeurs de France, par devant le

ville de Craais qu'il avoient assegiet. Quant messires 10

Gautiers de Mauni vei le chastiel de Ghoy le

Forest qui estoit merveilleusement fors, il dist à ces

signeurs et chevaliers de Bretagne, qui estoient avoecques

lui, qu'il n'iroit plus avant ne se partiroit de là,

com travilliés qu'il fust, se aroit assallit à ce fort 15

chastiel, et aroit veu le couvenant de chiaus qui estoient

dedens. Si commanda tantost as arciers que

cescuns le sievist, et à ses compagnons ossi. Puis

prist se targe à son col et monta contremont jusques

as bailles et as fossés dou chastiel, et tout li aultre 20

Breton et Englès le sievirent. Lors commencièrent

fortement à assallir, et cil de dedens fortement à

yaus deffendre, comment qu'il n'euissent point leur

chapitainne. Là eut très fort assaut et grant fuison

de bien faisans dedens et dehors, et dura longement 25

jusques à basses vespres. Et cilz bons chevaliers messires

Gautiers de Mauni semonnoit fortement les assallans,

et se mettoit toutdis au devant des aultres

ou plus grant peril. Et li arcier traioient si (ouniement [392])

que cil dou chastiel ne s'osoient moustrer se 30

168

petit non. Si fisent li dis messires Gautiers et si compagnon,

que li fosset furent rempli, à l'un des costés,

d'estrain et de bois, par quoi il parvinrent jusques

as murs, et pikièrent tant de grans maulz de fer, de

pik et de martiaus, que li murs fu trawés une toise 5

de large. Si entrèrent li dit Englès et Breton dedens

che chastiel par force, et tuèrent tous chiaus qu'il y

trouvèrent, et se logièrent là endroit. L'endemain, il

se misent au chemin, et alèrent tant en tel manière

qu'il vinrent à Hembon. Et d'autre part Gerars de 10

Malain, qui estoit à Dinant venus querre le secours,

et qui l'en menoit par devers Fauet, esploita tant

avoecques chiaus qu'il en menoit, qu'il parvinrent à

Fauet, et trouvèrent que li Englès et li Breton s'en

estoient parti. Si issi Reniers de Malain contre yaus 15

et les rechut liement; et se logièrent là ens ès prés

tant qu'il eurent disnet, et puis s'en retournèrent à

Dinant.

§ 175. Quant la contesse de Montfort sceut nouvelles

de le revenue des dessus dis Englès et Bretons, 20

si en fu grandement resjoie. Si ala contre yaus et les

festia liement, et baisa et acola cescun de grant coer.

Et avoit fait apparillier ens ou chastiel pour yaus

mieulz festiier, et donna à disner moult noblement à

tous les chevaliers et escuiers de renom; et leur demanda 25

moult ententievement de leurs aventures,

comment que elle en seuist jà grant partie. Cescuns

compta che qu'il en savoit, et des bienfaisans che

que cescuns en avoit veu. Là endroit furent ramenteues

maintes proèces, pluiseurs travaus, maint grant

fait d'armes et perilleus, et maintes hardies emprises 30

169

faites par chiaus qui là furent; (ce pèvent et doivent

savoir ceulx qui ont [393]) esté souvent en armes, et les

doit on tenir et reputer pour preus. Mais sus tous

en portoit le huée et le chapelet messires Gautiers

de Mauni. 5

A ce point que cil signeur englès et breton furent

revenu à Hembon y messires Charles de Blois avoit

reconquis le bonne cité de Vennes, et avoit assegiet

le bonne (ville [394]) que on claime Craais. Et

l'avoit durement astrainte, par quoi elle ne se pooit 10

longement tenir sans avoir secours. Par coi la contesse

de Montfort et messires Gautiers de Mauni envoiièrent

tantost au roy Edowart pour segnefiier à

lui comment messires Charles de Blois et li aultre

signeur de France et leurs aidans avoient reconquis 15

les cités, Rennes, Vennes et les aultres bonnes villes

et chastiaus de Bretagne, et qu'il conquerroient tout

le remanant, s'il ne les venoit secourir temprement.

Chil message se departirent de Hembon, et s'en alèrent

en Engleterre, tant qu'il peurent. Et arivèrent en 20

Cornuaille, et enquisent et demandèrent là dou roy

où il le trouveroient. Il leur fu dit qu'il estoit à Windesore.

Si chevaucièrent celle part à grant esploit.

Or nous soufferons nous un petit à parler de ces

messagiers, et retournerons à monsigneur Charle de 25

Blois et à chiaus de son costé qui avoient assegiet le

ville de Craais; et tant le constraindirent, par assaus

et par engiens, qu'il ne se peurent plus tenir et se

rendirent à monsigneur Charle, salve leurs biens et

170

leur avoir, li quelz dis messires Charles les prist à

merci. Et cil de Craais li jurèrent feaulté et hommage,

et le recogneurent à signeur. Si y mist li dis

messires Charles nouviaus officiers qui li jurèrent

loyaulté à tenir, et leur delivra un bon chevalier à 5

chapitainne en qui moult il se confioit. Et sejournèrent

là li dit signeur pour yaus et leurs gens rafreschir,

bien quinze jours. Là en dedens eurent il

conseil et avis qu'il se trairoient par devant le ville

de Hembon. 10

§ 176. Adonc se departirent li dessus dit signeur,

baron et chevalier de France, de Craais, et se traisent

moult arreement devant le forte ville de Hembon,

qui durement estoit renforcie et bien ravitaillie et

pourveue de toute artillerie. Et si le assegièrent tout 15

au tour, si avant comme assegier le peurent.

Le quatrime jour apriès que cil signeur s'i furent

mis et trait à siège, y vint messires Loeis d'Espagne qui

s'estoit tenus en le cité de Rennes bien six sepmainnes,

et là fait curer et medeciner de ses plaies. Si le 20

veirent tout li signeur moult volentiers et le reçurent

à grant joie, car il estoit moult honnerés et amés

entre yaus, et tenus pour très bon homme d'armes

et vaillant chevalier. Et telz estoit il vraiement. Et

ossi il y avoit bien cause qu'il le festiaissent, car il 25

ne l'avoient veu puis la bataille dessus ditte. La

compagnie des signeurs de France estoit grandement

montepliie, et acroissoit tous les jours. Car grant

fuison de signeurs de France et de chevaliers revenoient

de jour en jour dou roy d'Espagne, qui guerrioit 30

adonc au roy de Grenate et as Sarrasins: si

171

ques, quant il passoient par Poito et il ooient nouvelles

des guerres qui estoient en Bretagne, il s'en

aloient celle part.

Li dis messires Charles avoit fait drecier quinze

ou seize grans engiens qui gettoient grandes pières 5

as murs de Hembon et à le ville. Mais cil de dedens

n'i acontoient nient gramment, car il estoient fort

paveschiet et garitet à l'encontre. Et venoient à chiés

de fois as murs et as crestiaus, et les frotoient et

passoient de leurs caperons par despit. Et puis 10

crioient, quanqu'il pooient, en disant: «Alés, alés

requerre et raporter vos compagnons qui se reposent

au camp de Camperli!» De quoi, pour ces

parolles, messires Loeis d'Espagne et li Geneuois

avoient grant ireur et grant despit. 15

§ 177. Un jour vint li dis messires Loeis d'Espagne

en l'entente monsigneur Charle de Blois et li

demanda un don, present fuison de grans signeurs

de France qui là estoient, en guerredon de tous les

services que fais li avoit. Li dis messires Charles ne 20

savoit mies quel don il voloit demander, car, se il

le seuist, jamais ne li euist acordé; se li ottria legierement,

pour tant que il se sentoit moult tenus à

lui. Quant li dons fu ottriiés, messires Loeis dist:

«Monsigneur, grant mercis. Je vous pri donc et requier 25

que vous faites ci venir tantost les deus chevaliers

qui sont en vostre prison en Fauet, monsigneur

Jehan le Boutillier et monsigneur Mahieu de Frenai,

et le(s) me donnés pour faire me volentet: c'est li

dons que je vous demande. Il m'ont cachiet, desconfit 30

et navret et ont tuet monsigneur Aufons, mon

172

neveut, que je tant amoie. Si ne m'en sçai aultrement

vengier que je leur ferai les testes coper, par devant

leurs compagnons qui laiens sont enfremet.» Li dis

messires Charles fu tous esbahis, quant il oy monsigneur

Loeis ensi parler. Si li dist courtoisement: 5

«Certes, sire, les prisons vous deliverai je moult volentiers,

puisque demandés les avés. Mais ce seroit

cruautés et peu d'onneur pour vous et grans blasmes

pour nous tous, se vous faisiés de deus si vaillans

hommes que cil sont, che que dit avés, et nous seroit 10

à tous jours reprouvet. Et aroient nostre ennemi

bien cause des nostres faire ensi, quant tenir les poront,

et nous ne savons que à venir nous est de jour

en jour. Pour quoi, chiers sires et biaus cousins, si

vous voelliés mieulz aviser.» Messires Loeis d'Espagne 15

respondi et dist briefment qu'il n'en feroit

aultrement, se tout li signeur del monde en prioient:

«Et se vous ne me tenés couvent, saciés que je me

partirai de ci, et ne vous servirai ne amerai tant que

je vive.» 20

Messires Charles vei bien et perçut que c'estoit

acertes: si n'osa couroucier plus avant le dit monsigneur

Loeis; ains envoia tantos certains messages

au chastellain de Fauet, pour les dessus dis

chevaliers amener en son host. Ensi que commandé 25

fu, ensi fu fait. Li doi chevalier furent amenet un

jour assés matin en le tente monsigneur Charle de

Blois. Quant messires Loeis d'Espagne les sceut

venus, il les ala tantost ve(o)ir. Ossi fisent pluiseur des

signeurs et des chevaliers qui les seurent venus. 30

Quant li dis messires Loeis les vit, il leur dist:

«Ha! signeur chevalier, vous m'avés bleciet del

173

corps et ostet de vie mon chier neveu que je tant

amoie. Si convient que vostre vie vous soit ossi

(ostée [395]). De chou ne vous poet nuls garandir. Si

vous poés confesser, s'il vous plest, et priier merci à

Nostre Signeur, car vos daarrains jours est venus.» Li 5

doi chevalier furent durement abaubit de ces parolles,

ce fu bien raisons, et disent qu'il ne pooient

croire que vaillans hommes ne gens d'armes deuissent

faire ne consentir tèle cruaulté que de mettre à

mort chevaliers (pris [396]) en fais d'armes, pour guerres 10

de signeurs; et se fait estoit par oultrage, aultre gent

pluiseur, chevalier et escuier, le poront bien comparer

en semblable cas. Li aultre signeur, qui là estoient

et ooient ces parolles, en avoient grant pité.

Mais, pour priière ne pour pluiseurs bonnes raisons 15

que il peuissent faire ne moustrer au dit monsigneur

Loeis, il ne le peurent oster de son pourpos qu'il ne

convenist que li doi dessus dit chevalier ne fuissent

decolet apriès disner, tant estoit li dis messires Loeis

courouciés et aïrés sur yaus. 20

§ 178. Toutes les parolles, demandes et responses,

qui premiers furent dittes entre monsigneur Charle

et le dit monsigneur Loeis à l'ocquison de ces deus

chevaliers, furent tantost sceues à monsigneur Gautier

de Mauni et à monsigneur Amauri de Cliçon, par 25

espies qui toutdis aloient couvertement de l'une

host en l'autre. Ossi furent toutes ces parolles daarrainnement

dittes, quant li doi chevalier furent amenet

174

en le tente monsigneur Charle. Et quant messires

Gautiers de Mauni et messires Amauris de

Cliçon oïrent ces nouvelles et entendirent que c'estoit

acertes, il en eurent grant pité. Si appellèrent

aucuns de leurs compagnons et leur remoustrèrent 5

le meschief des deux chevaliers leurs compagnons,

pour avoir conseil qu'il en poroient faire. Puis commencièrent

à penser, li uns (chà [397]) et li aultres là, et n'en

savoient qu'aviser. Au daarrain, commença à parler li

preus chevaliers messires Gautiers de Mauni et dist: 10

«Signeur compagnon, ce seroit grans honneurs pour

nous, se nous poyons ces deus chevaliers sauver.

Et, se nous nos metons en aventure dou faire, et se

falissiens, si nous en saroit li rois Edowars, nos sires,

grant gré. Ossi feroient tout preudomme qui en 15

oroient parler, quant nous en arions fait nostre

pooir. Si vous en dirai mon avis, se vous avés talent

de l'entreprendre. Car il me samble que on doit

bien le corps aventurer, pour les vies de deus vaillans

chevaliers sauver. Jou ay visé, se il vous plaist, 20

que nous nos irons armer, et nous partirons en deus

pars, dont li une des pars istera maintenant, ensi

que on disnera, par ceste porte; et si en iront li

compagnon rengier et moustrer sus ces fossés, pour

estourmir l'ost et pour escarmucier. Bien croi que 25

tout cil de l'host acourront tantost celle part. Vous,

messires Amauris, en serés chapitainne, s'il vous

plest, et arés avoecques vous mille bons arciers,

pour les sourvenans detriier et faire reculer. Et je

prenderai cent de nos campagnons et cinq cens arciers, 30

175

et isterons par celle posterne d'autre part couvertement,

et venrons par derrière ferir en lors logeis

que nous trouverons vuides. Jou ay moult bien

avoecques mi tèle gent, qui scèvent bien le voie as

tentes monsigneur Charle, là où li doi chevalier sont. 5

Si me trairai celle part, et je vous creanch que jou

et mi compagnon ferons nostre pooir dou delivrer,

et les ramenrons à sauveté, s'il plest à Dieu.»

Cilz consaulz et avis plaisi à tous; et se alèrent armer

et apparillier incontinent. Et se parti droit sus 10

l'eure dou disner messires Amauris de Cliçon à trois

cens armeures de fier et mille arciers, (et fist ouvrir [398])

le souverainne porte de le ville de Hembon, dont li

chemins aloit droit en l'ost. Si coururent li Englès

et li Breton, qui à cheval estoient, jusques en l'ost, 15

en demenant grans cris et grans hus. Et commencièrent

à reverser et à abatre tentes et trés, et à tuer

et decoper gens où il les trouvoient. Li hos qui fu

toute effraée se commença à estourmir. Et se armèrent

toutes manières de gens au plus tost qu'il peurent, 20

et se traisent devers les Englès et Bretons qui

les recueilloient vistement. Là eut dure escarmuce et

forte, et maint homme reversé d'un lés et d'autre.

Quant messires Amauris de Cliçon vei que li hos

s'estourmissoit, et que priès estoient tout armé et 25

trait sus les camps, il retraist ses gens tout bellement,

et tout en combatant, jusques devant les bailles de le

ville. Adonc s'arrestèrent il là tout quoi. Et li arcier

estoient tout rengié sus le chemin, d'un lés et d'autre,

qui traioient saiettes à pooir; et Geneuois retraioient 30

176

ossi efforciement contre yaus. Là commença

li hustins grans et fors; et y acoururent cil de l'host

que onques nulz n'i demora, fors li varlet.

Endementrues, messires Gautiers de Mauni et se

route issirent par une posterne couvertement, et vinrent 5

par derrière l'ost ens ès tentez et ens ès logeis des

signeurs de France. Onques ne trouvèrent homme qui

leur veast, car tout estoient à l'escarmuce devant les

fossés. Et s'en vint li dis messires Gautiers de Mauni

tout droit, car bien avoit qui le menoit en le tente 10

monsigneur Charle de Blois. Et trouva les deus chevaliers,

monsigneur Hubert de Frenai et monsigneur

Jehan le Boutillier, qui n'estoient mies à leur aise;

mais il le furent si tost qu'il veirent monsigneur

Gautier et se route, ce fu bien raisons. Si furent 15

tantost montés sus bons coursiers que on leur avoit

amenés. Si se partirent et furent ensi rescous, et

rentrèrent dedens Hembon par le posterne meismes

par où il estoient issu. Et vint la contesse de Montfort

contre yaus, qui les rechut à grant joie. 20

§ 179. Encores se combatoient li Englès et li Breton

qui estoient devant les barrières et ensonnioient,

de fait avisé, chiaus de l'host tant que li doy chevalier

fuissent rescous, qui jà l'estoient. Et en vinrent

les nouvelles as signeurs de France qui se tenoient à 25

l'escarmuce. Et leur fu dit: «Signeur, signeur, vous

gardés mal vos prisonniers; jà les ont rescous cil de

Hembon et remis dedens leur forterèce.» Quant

messires Loeis d'Espagne, qui là estoit à l'assaut, entendi

chou, si fu durement courouciés, et se tint 30

ensi que pour tous deceus. Et demanda quel part li

177

Englès et li Breton estoient, qui rescous les avoient.

On li respondi qu'il estoient jà ou priès retrait en

leur garnison. Dont se retrest messires Loeis d'Espagne

vers les logeis tous mautalentis, et laissa la

bataille, si com par anoy. Ossi se commencièrent 5

à retraire toutes aultres manières de gens. En che

retret furent pris doi chevalier breton de le partie le

contesse, qui trop s'avancièrent: che furent li sires

de Landreniaus et li chastellains de Ginghant, dont

messires Charles de Blois eut grant joie. Depuis que 10

cil de Hembon furent retrait, et cil de l'host ossi,

menèrent li Englès grant joie et grant reviel de leurs

deux chevaliers qu'il ravoient, et en loèrent grandement

monseigneur Gautier de Mauni; et disent bien

que par son sens et se hardie entrepresure il avoient 20

été rescous. Ensi se portèrent il d'une part et d'autre.

Celle meisme nuit, furent en le tente monsigneur

Charle de Blois tant preeciet et si bien li chevalier

breton dessus nommet, qu'il se tournèrent de le partie

monsigneur Charle, et li fisent feaulté et hommage,

et relenquirent la contesse qui maint bien lor

avoit fait et pluiseurs dons donnés. De quoi on parla

moult et murmura sus leur afaire dedens le ville de

Hembon.

Trois jours apriès ceste avenue, tout cil signeur de 25

France, qui là estoient au siège par devant Hembon,

se assemblèrent en le tente monsigneur Charle de

Blois, pour avoir conseil qu'il feroient, et comment il

se maintenroient de ce jour en avant. Et bien lor

besongnoit d'avoir bon conseil, car il veoient bien que 30

li ville et li chastiaus de Hembon estoient si fort

qu'il n'estoient mies pour gaegnier, tant avoit dedens

178

de bonnes gens d'armes qui moult petit les doubtoient,

ensi qu'il estoit apparut; et leur venoient tous

les jours pourveances et vitailles par le mer. D'autre

part, li pays d'entour estoient si gastet qu'il ne savoient

mies où aler fourer. Et si leur estoit li yvier 5

proçains, par quoi il ne pooient là longement demorer:

si ques, tous ces poins considerés, il s'acordèrent

tout communalment qu'il se partiroient de là.

Et consillièrent en bonne foy à monseigneur Charle

de Blois qu'il mesist par toutes les cités, les bonnes 10

villes et les forterèces qu'il avoit conquises, bonnes

garnisons et fortes, et si vaillans chapitains qu'il se

peuist affiier en leur garde; par quoi li ennemi ne les

peuissent reconquerre; et se ossi aucuns vaillans homs

se voloit entremettre de prendre et de donner une 15

triewe jusques à la Pentecouste, il s'i acordast legierement.

§ 180. A ce conseil se tinrent tout cil qui là estoient,

car c'estoit entre le Saint Remi et le Toussains,

l'an de grasce mil trois cens quarante deux, que li 20

yviers approçoit. Si se partirent tout cil de l'host,

signeur et aultre; si s'en rala cescuns en se contrée.

Et li dis messires Charle de Blois s'en ala droit par

devers le ville de Craais à tout ces barons et nobles

signeurs de Bretagne, qu'il avoit là endroit de se 25

partie; si retint avoech li pluiseurs signeurs et chevaliers

de France pour lui aidier à consillier. Quant

il fu venus à Craais, entrues qu'il entendoit à ordener

de ses besongnes et de ses garnisons, il avint que

uns riches bourgois et grans marcheans, qui estoit 30

de le ville que on claime Jugon, fu encontrés de son

179

mareschal monseigneur Robert de Biaumanoir, et fu

pris et amenés à Craais par devant monsigneur

Charle de Blois. Chilz bourgois faisoit toutes les

pourveances madame la contesse de Montfort à Jugon

et aultre part, et estoit moult amés et creus en le 5

ville de Jugon qui est moult fortement fremée et sciet

très noblement. Ossi fait li chastiaus, qui est biaus et

fors, et de le partie le contesse dessus ditte. Et en

estoit chastelains adonc, de par la dame, uns chevaliers

moult gentilz homs que on clamoit monseigneur 10

Gerard de Rocefort.

Chilz bourgois, qui ensi fut pris, eult moult grant

paour de morir; si pria que on le laissast passer par

raençon. Messires Charles, briefment à parler, le fist

tant examiner et enquerre de unes causes et d'autres, 15

qu'il encouvenença de rendre et trahir le forte ville

de Jugon. Et se fist fors de livrer l'une des portes par

nuit à certainne heure, car il estoit tant creus en le

ville qu'il en gardoit les clés; et pour chou mieulz

assegurer, il en mist son fil en hostage. Et li dis messires 20

Charles l'en devoit et avoit prommis à donner

cinq cens livrées de terre hiretablement. Cilz jours

vint; les portes furent ouvertes à mienuit. Messires

Charles et ses gens entrèrent en le ville de Jugon à

celle heure, à grant poissance. Li gette dou chastiel 25

s'en perchut; si commença à criier: «As armes, (as)

armes! Trahi! Trahi!» Li bourgois, qui de ce ne se

donnoient garde, se commencièrent à estourmir. Et

quant il veirent leur ville perdue, il se mirent au

fuir par devers le chastiel par tropiaus. Et li bourgois, 30

qui trahis les avoit, se mist à fui(r), par couvreture,

avoecques yaus. Quant li jours fu venus, messires

180

Charles et ses gens entrèrent ens ès maisons des

bourgois pour herbergier, et prisent ce qu'il trouvèrent.

Et quant messires Charles de Blois vei le chastiel

si fort et si emplit de bourgois, il dist qu'il ne s'en

partiroit de là jusques adonc qu'il aroit le chastiel à 5

se volenté. Li chastelains et li bourgois de le ville

perçurent bien tantost que cilz bourgois les avoit

trahis; si le prisent et le pendirent tantost as crestiaus

et as murs dou chastiel.

Et pour ce ne s'en partirent mies messires Charles 10

et ses gens, mais s'ordonnèrent et appareillièrent pour

assallir fortement et durement. Quant cil qui dedens

le chastiel se tenoient, veirent que messires Charles

ne se partiroit point ensi jusques adonc qu'il aroit le

chastiel, ensi qu'il avoit dit, et sentoient qu'il n'avoient 15

mies pourveances assés pour yaus tenir plus

hault de dix jours, il s'acordèrent à ce qu'il se renderoient.

Si en commencièrent à trettier; et se porta

trettiés entre yaus et monsigneur Charle qu'il se rendirent

quittement et purement, salve leurs corps et 20

leurs biens qui demoret leur estoient. Et fisent feauté

et hommage à monsigneur Charle de Blois, et le recogneurent

à signeur, et devinrent tout si homme.

Ensi eut messires Charles le bonne ville et le fort

chastiel de Jugon, et en fist une bonne garnison, et 25

y laissa monsigneur Gerard de Rocefort à chapitainne,

et le rafreschi d'autres gens d'armes et de

pourveances. De ces nouvelles furent la contesse de

Montfort et cil de sa partie tout courouciet, mais

amender ne le porent; se leur couvint porter leur 30

anoi.

Endementrues que ces coses avinrent, s'ensonniièrent

181

aucun preudomme de Bretagne de parlementer

une triewe entre le dit monsigneur Charle et

la contesse, la quèle s'i acorda legierement. Et ossi

fisent tout si aidant, car li rois d'Engleterre leur

avoit ensi mandet par les messages que la ditte contesse 5

et messires Gautiers de Mauni y avoient envoiiés.

Et tantost que ces triewes furent affremées, la

contesse se mist en mer en instance de ce que pour

arriver en Engleterre, ensi que elle fist, et pour parler

au roy englès et li remoustrer toutes ses besongnes. 10

Or me tairai atant de le contesse de Montfort,

si parleray dou roy Edowart.

FIN DU SECOND VOLUME.

182 183

VARIANTES.

184 185

VARIANTES.

§ 99. P. 1, l. 1: Quant li rois.—Ms. de Rome: Vous devés sçavoir que li rois Phelippes de France fu enfourmés moult dur et très fellement et estragnement de son cousin le conte de Hainnau et des Hainnuiers de la cavauchie que il fissent à Aubenton et en la Tierasse. Et l'en fu repris assés plus que il n'en avoit esté, et tant que li rois dist que il i pourveroit, et s'enfellonnia trez grandement et bien à certes sus son cousin le conte de Hainnau.

Li contes Loeis de Flandres et la contesse Margerite sa fenme se tenoient pour lors à Paris dalés le roi; et couvenoit de pure necessité que li rois les aidast à soustenir lor estat, car des rentes et revenues de Flandres il n'avoient nulles. Toutes estoient tournées à la volenté Jaquemon d'Artevelle, poursievoites et recheues par recheveurs qui en rendoient compte au dit d'Artevelle et as aultres honmes deputés à ce oïr et ordonner, bourgois de Gant, de Bruges, d'Ippre et de Courtrai. Et toutes ces revenues recheutes estoient misses et tournées en seqestre, afin, se li pais avoit à faire, que on trouvast cel argent apparilliet, ou que li contes lors sires vosist retourner avoecques euls, et estre bons et loiaus Flamens sans nulle dissimulation, car ce que Jaques d'Artevelle aleuoit et despendoit et tenoit son estat, estoit pris par asignation sus certainnes tailles, les quelles estoient faites et ordonnées à paiier toutes les sepmainnes. Li contes de Flandres poursievoit le roi de France et son consel trop fort que il vosist rendre painne à ce que li Flamenc fuissent obeisant à lui; et là où il ne le vodroient estre, que la painne où il s'estoient obligiet par sentense de pape, fust donnée sus euls.

Li rois de France, qui consideroit toutes ces coses, et qui veoit que li Flamenc estoient trop fort rebelle à lui, et qui queroient aliances estragnes as Alemans, as Braibençons, as Hainnuiers et as Englois, et tout estoit en euls fortefiant et à l'encontre 186 de li, les euist volentiers ratrais par douces et amiables paroles, se ils peuist, non par rigeur ne par manaces. Si envoia son connestable le conte Raoul d'Eu et de Ghines, le signeur de Montmorensi et le signeur de Saint Venant, et de prelas l'evesque de Paris et l'evesque de Chartres, en la chité de Tournai pour tretiier as Flamens. Et fissent tant chil signeur, conmissaire de par le roi de France, que les consauls des bonnes villes de Flandres vinrent parler à euls à Tournai. Là ot grans tretiés et lons et pluisseurs paroles proposées et remoustrées; mais li Flamenc, qui à Tournai estoient, avoient lor carge tèle que d'Artevelle lor avoit bailliet, et metoient en termes que, qant li rois Phelippes lor renderoit Lille, Douai et Bietune et les apendances, et li pais de Flandres en seroit remis en posession, il entenderoient à ses tretiés et non aultrement. Chil conmissaire n'avoient pas lor carge si avant que de respondre au ferme de ceste matère. Et pour ce fallirent li tretié, et retournèrent li signeur en France.

Qant li rois vei que il n'en aueroit aultre cose, il envoia deviers le pape Clement VIme, qui pour ce temps resgnoit, unes lettres moult fortes ens ès quelles tous li pais de Flandres estoit loiiés et obligiés et sus sentens de pape; et prioit li rois que il vosist proceder sus. Li papes Clemens vei que li rois de France le requeroit de raison. Si jeta sentense generale et publ(iqu)e sus les Flamens et sus toute Flandres, et envoia ses bulles d'esqumenication as diocesains, tels que l'evesque de Cambrai, l'evesque de Tournai et l'evesque de Tieruane. Et n'osa uns lonch temps nuls prestres par tout le pais de Flandres chanter messe, sus privation de benefice et estre encourus en sentense de esqumenication. Qant Jaquemes d'Artevelle et li pais de Flandres veirent ce, il escrisirent deviers le roi d'Engleterre le dangier où tous li pais de Flandres estoit; et li priièrent que, qant il retourneroit deçà la mer, que il vosist amener en sa compagnie des prestres d'Engleterre, par quoi Diex fust servis en Flandres, maugré le pape d'Avignon et le roi Phelippe. Li rois d'Engleterre entendi à ceste priière trop volentiers, pour complaire as Flamens; et ne vosist point que les coses se portaissent aultrement en Flandres; et lor remanda, par ceuls meismes qui ces lettres avoient aporté, que il ne fuissent en nul soussi, il lor en menroit assés. Ensi s'apaisièrent li Flamenc; et se passèrent au mieuls que il porent d'aler au moustier, tant que li rois d'Engleterre fu retournés en Flandres. Et estoient li prestre moult courouchiet en 187 Flandres de ce que point ne chantoient, car il perdoient les offrandes. Fo 55.

P. 1, l. 5 et 6: Normendie.—Ms. B 6: «Jehan beau filz, prendés de mes gens tant que vous vorés avoir, et cheminés devers Haynau et contrevengiés sur mon nepveu les despis que il nous a fait. Et ne deportés ville ne hamel; mettés tout en feu et en flame. Et se nulle assamblée se fait contre vous de gens d'armes, sy m'en escripsiés: je y envoyeray tantost tant de gens que pour combatre tous venans.» A ches parolles obey le duc de Normendie moult vollentiers, car ossy il desiroit grandement à venir en Haynau et visseter le pais, car point n'amoit son cousin le conte de Haynau. Fos 135 et 136.

P. 1, l. 10: le conte.—Ms. d'Amiens: Or vous parlerons dou comte de Laille qui estoit partis de Paris comme liutenant dou roy de Franche ens ès marches de Gascoingne, et fist tant par ses journées qu'il vint à Thoulouse où il avoit fait son mandement. Quant li gentil homme dou pays seurent se venue, si en furent tout joyant, car au voir dire il estoit moult vaillans chevaliers et preudoms et améz de touttes gens d'armes. Si se hastèrent encorres plus que devant et s'en vinrent tout deviers lui, car c'estoit sen entente que de faire une forte gherre en Bourdelois et en le terre qui se tenoit dou roy englès. Et se parti de Toulouse et vint à Montalban [399] à plus de trois mille lances et dix mille [400] bidaus et Thoulousains à gavrelos et à pavais. Et avoit li comtes de Laille adonc de se delivranche et de se carge mout de bonne gens, telz que le comte de Villemur, le comte de Commignes, le comte de Pierregort, le visconte de Bruniqiel, le visconte de Talar, le visconte de Murendon, le visconte de Quarmaing et le visconte de Lautrec et pluisseurs bons chevaliers et hardis. Et se partirent de Montalben et entrèrent en le ducé d'Aquitainne et coummenchièrent à gueriier le pays et à assegier fortrèches et à prendre prisonniers et à faire mout de desrois en le terre de Labreth et de Pummier et sus le terre le seigneur de Lespar et le seigneur de Tarse et le seigneur de Muchident, liquel n'estoient mies adonc fort pour resister contre yaus. Nonpourquant il fisent ossi tamainte chevauchie sur yaus. 188 Une heure perdoient, l'autre gaegnoient, ensi que fait de guerre se poursuioit; mès touttes fois li comtes de Laille et ses routtes tenoient les camps. Fo 40.

P. 1, l. 10: de (Lille).—Mss. A 8 à 10, 15 à 17: de Lille. Fo 49.—Mss. A 7, 23 à 33: de Laille. Fo 49.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36: de Laigle. Fo 53 vo [401].

P. 2, l. 10: Kieret.—Ms. d'Amiens: A monsigneur Pière Bahucet. Fo 39.

P. 2, l. 10: Barbevaires.—Mss. A 1 à 6, 8 à 17, 20 à 22: Barbenoire. Fo 54.—Mss. A 7, 18, 19, 34 à 37: Barbenaire. Fo 49.

P. 3, l. 14: Clement VI.—Ms. d'Amiens: qui nouvellement estoit creés. Fo 39 vo.

P. 3, l. 16: en Flandres.—Ms. d'Amiens: car il estoit pappes en son pays et en touttes les terres qui de lui se tiennent, et de ce est il bien previlegiiés. Fo 39 vo.

§ 100. P. 4, l. 2: de Douay.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: de Bethume. Fo 52 vo.

P. 4, l. 8: dou Fay.—Le ms. de Rome ajoute: li sires de Chastellon, mesires Lois de Chalon. Fo 55.

P. 4, l. 9 et 10: trois cens.—Ms. d'Amiens: deux cens. Fo 39 vo.—Mss. A 1 à 6: quatre cens. Fo 54.—Ms. de Rome: et furent bien cinq cens lances, parmi le signeur de Wauvrin, capitaine de Douai, et le chapitainne de Lille, et quatre cens arbalestriers et bien siis mille honmes de piet. Fo 55 vo.

P. 4, l. 14: devant soleil levant.—Ms. d'Amiens: environ heure de prime. Fo 39 vo.—Ms. de Rome: et se quatirent tant que les bonnes gens de la ville orent mis hors lor bestail, vaces, pors, buefs et brebis. Fo 55 vo.

P. 4, l. 15: as portes.—Ms. d'Amiens: Mès jà avoient il estet de venue jusquez as portes de Courtrai et ochis hommes et femmes, et ars tous les fourbours au lez deviers Tournay, et pluisseurs maisons et cours environ Courtray. Fo 39 vo.—Ms. de Rome: et fuissent bien entré dedens la porte qui sciet ou cemin de Tournai, se il vosissent. Fo 55 vo.

P. 4, l. 19: le Warneston.—Ms. d'Amiens: aqueillans et 189 menans tout devant yaux jusquez au Warneston. Fo 39 vo.—Ms. de Rome: et prissent honmes, fenmes et enfans, et cachièrent tout devant euls, et fissent par lors varlès bouter le feu ens ès fourbours; et furent tout ars et la proie aquellie. Et se missent li François tout souef au retour, et tout caçoient devant euls, et vinrent à Dotegnies, et fu la ville toute arse. Fo 55 vo.

P. 4, l. 21 et 22: ce jour.—Ms. de Rome: au soir. Fo 55 vo.

P. 4, l. 22: dix mille.—Mss. A 11 à 14: douze mille. Fo 52 vo.

P. 4, l. 23: que pors.—Ms. d'Amiens: trois mille pors et deus mille grosses bestes. Fo 39 vo.—Ms. de Rome: et bien cinq cens honmes, que fenmes, que enfans, qui depuis furent rançonné; et auquns on laissa aler pour l'amour de Dieu. Fo 55 vo.

P. 4, l. 27: Ces nouvelles.—Ms. d'Amiens: ces nouvelles et les complaintes de chiaux de Tournay et dou pays environ. Fo 39 vo.

P. 4, l. 30: d'Artevelle.—Ms. B 6: En che temps s'en vint Jaques de Hartevelle et se party de Gand à tout grant foyson de Flamens, et avoit intension de venir mettre le siège devant Tournay. Sy senefia son emprise au conte de Sallebrin, qui pour le tamps se tenoit en garnison en la ville d'Ypre, et que il i vaulsist estre. Fos 142 et 143.

P. 4, l. 31: à Gand.—Ms. d'Amiens: et li fu remonstré quel dammaige et quel despit chil de Tournay et (li) chevalier franchois avoient fet ou pays de Flandres. Fo 39 vo.

P. 5, l. 1: de Tournesis.—Ms. d'Amiens: et que briefment il venroit asiegier Tournay et tout le communalté de Flandres, et que jà n'y atenderoit ne roy d'Engleterre ne autre, et fist se semonsce et son mandement très grant et très especial, et mist adonc enssamble plus de soissante [402] mille Flamens. Fo 39 vo.

§ 101. P. 5, l. 15: Quant li doi conte—Ms. B 6: Le conte de Sallebrin ne volt mie desobeyr, mais s'apresta du plus tost que il peult; et cueilla tout ses compaignons où il povoit avoir soixante lanches et se mist au chemin et en mena les arbalestriés de la ville d'Ypre avec luy; et chevauchèrent devers Warneston. Or les convenoit il passer asés près de la ville de Lille qui estoit françoise. 190 Se(u) fu leur aller par espies en la ville de Lille. Adonc se mirent en esbuque cheux de Lille et firent trois agais; et en cescune (route) avoit cinq cens compaignons. De che ne se doubtoient les Flamens et chevauchoient sur la conduite de monsseigneur Vafflart de le Crois, qui moult longement avoit guerriiet ceulx de Lille et porté pluiseurs domaiges. Et sy savoit toutes les torses et les chemins de antour de Lille: sy avoit empris de mener les Englès et Flamens sauvement et sans peril au dehors de Lille; mais il faly à son pourpost. Car quant il vint à che pas où il cuidoit passer, il retourna, car il y trouva tel empechement et tel tranquis que c'estoit chose impousible de y passer. Sy fu tous esbahis et dist ensy au conte de Sallebrin: «Monseigneur, on nous a deffendu le voie par chy depuis que je n'y passay, et se n'y a pas quinze jours. Je vous consaille, puisque par chy passer ne povons, que nous retournons arière et prendons ung autre chemin où je vous menray: (il) sera plus loing de chestuy environ trois lieues, mais nous y serons sauvement et sans dangier de cheulx de Lille.» Adonc s'avisa et aresta le conte de Salbrin et dist: «Il nous fault au vespre estre au Pont de Fier, où Jacques de Hartevelle nous atent, car ensy je luy ay mandé. Allons au bout de che fos(s)et, nous trouverons voie: cheus de Lille ne nous quer(r)oient jamais chy.»

Quelle chose que messire Wafflars desist ne quelle cose que il leur remonstrast, oncques le conte de Sallebrin ne le volt croire que il ne alast au debout du fosset; et puis les entra en ung vert chemin qui tout droit les mena là où cheulx de Lille avoient fait leur embusque. Et ne s'en donnèrent garde; sy furent droit sur eulx et ne peurent reculler. Messire Wafflart de le Croix, qui toudis se doutoit, alla derière: sy que osy trestost que il perchut cheux de Lille, il retourna son coursier et se fery parmi ung grans marès et se bouta en ung vivier et entre rossiauls et glaivons; là fu tout le jour jusques au vespre qu'il ysy hors à la nuit au mieulx qu'il pot et se sauva bien. Et le virent cheux de Lille partir, mais point ne le poursieuwirent, car il ne savoient pas que che fust messires Wafflars. Et entendirent à envayr et assalir le conte de Sallebrin et sa route, qui furent tantost avyronnet de plus de mille; lors virent bien que deffense ne leur valloit riens: sy se rendirent sauves leur vies.

Ensy les perirent cheux de Lille et les menèrent dedens la ville à grant joie. Et là avoit ung jone escuiier, nepveu au pape Benedit 191 qui lors regnoit pour le temps, qui s'apelloit Raimmons, qui là estoit venus pour son corps avanchier. Sy estoit chis très richement armés. Sy s'esmeut entre les commun(s) qui pris l'avoient dissencion pour sa prise: sy que, par envie et mauvaiseté il fut ochis, coyque le conte de Sallebrin et les riches hommez de la ville en furent durement courouchiés, mais amender ne le peurent.

Ensy de cheulx de Lille fu pris messires Gillame de Montagut conte de Sallebrin, et depuis fu menés en prison à Paris devers le roy Phelippe, qui le veult avoir et veoir, et qui de surprise sceult trop grant gret à cheulx de Lille. Ches nouvelles seut Jaques de Hartevelle, quy se tenoit au Pont de Fier entre Audenarde et Tournay; sy en fu sy courouchiés, quant il le sceut, qu'il en rompy son voiage et son emprise et se retrait à Gand et donna congiet à tous les Flammens pour celle fois. Fos 143 à 146.

P. 5, l. 20: cinquante.—Mss. A 1 à 6, 15 à 17, 20 à 22: quarante. Fo 54 vo.

P. 5, l. 21: arbalestriers.—Ms. d'Amiens: et s'en venoient deviers le Pont de Fier qui siet en Tournesis, où Jaqueme d'Artevelle estoit jà venus à plus de soissante mille Flammens, et atendoit les deux comtes dessus dis pour venir devant Tournay. Fo 39 voMs. de Rome: car il avoient envoiiet de lors gens à Popringhe, à Miessines, à Berghes, à Cassiel, à Bourbourc, à Vorne, au Noef Port, à Dunqerque et à Gravelines, pour faire frontière contre les François qui se tenoient à Saint Omer, à Tieruane, à Aire, à Saint Venant. Et tout faisoient frontière et euissent fait des grands damages et contraires au dit pais de Flandres, se il ne sentesissent les Englois ens ès garnisons desus nonmées. Fo 56.

P. 5, l. 22: pour venir.—Ms. de Rome: viers Audenarde. Fo 56.

P. 5, l. 24: de Lille.—Ms. de Rome: en laquelle il i avoit de par le roi de France bien deus cens lances, Savoiiens et Bourgignons. Et là estoient mesire Amé de Genève, mesire Huge de Chalon, li Galois de la Baume, li sires de Villars et li sires de Groulé. Fo 56.

P. 5, l. 25: s'armèrent.—Ms. de Rome: et montèrent à chevaus et fissent armer tous les arbalestriers de Lille et bien mille honmes avoecques euls. Et qant il furent tout issu, chil chevalier françois demandèrent se li Englois pooient faire plus 192 d'un cemin. Chil qui congnissoient le pais, respondirent: «Oil, il i a deus voies: li une trait à la bonne main, et li autre à la senestre.» Qant il oïrent ces paroles, il partirent lors gens en deus, et fissent deus enbusques. Fo 56.

P. 5, l. 26: quinze cens.—Mss. A 8, 9, 15 à 17: cinq cens.—Fo 50.—Mss. A 11 à 14: quatorze cens. Fo 53.—Mss. A 20 à 22: seize cens. Fo 83 vo.

P. 6, l. 2: de le Crois.—Ms. de Rome: uns chevaliers françois et hainnuiers. Fo 56.

P. 6, l. 11: jusques à là.—Ms. d'Amiens: et nous convient passer si aupriès de leur ville que à le tretie de deux ars. Fo 39 vo.—Ms. de Rome: si priès de euls (de Lille) que à une lieue ou là environ. Fo 56.

P. 6, l. 20: avant.—Ms. de Rome: Retournés à Ippre, se vous vos doubtés. Fo 56.

P. 7, l. 1: se j'estoie pris.—Ms. d'Amiens: tous li avoirs de Bruges ne me respiteroit point que je ne fuisse mors à honte. Et je le vous remonstre, pour tant que hui que demain on ne me puist reprochier de men honneur. Fo 40.—Ms. de Rome: ma raençon est paiie: c'est sus la vie que je chevauce; mais vous, vous seriés mis à courtoise finance, vous n'aueriés nul mal de vostre corps. Fo 56.

P. 7, l. 3: compagnie.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: car qui n'a point de teste, il ne lui fault point de bacinet ne de chaperon. Fo 53.

P. 7, l. 4 et 5 : et disent.—Ms. d'Amiens: Alons, alons, Waflart; nous n'avons garde, che ne sont que villain en Lille. Il n'oseront jammès yssir hors de leurs portes. Fo 40.

P. 7, l. 7: se boutèrent.—Ms. de Rome: au tournant de une longe haie. Fo 56.

P. 7, l. 7 et 8: l'embusce.—Ms. d'Amiens: de cinq cens compaignons qui se tenoient entre hayes et buissons au traviers dou chemin, et arbalestriers avoecq yaux qui leurs ars avoient tout tendus. Si coummenchièrent à escriier d'une vois: «Tous morés entre vous, Englès!» Fo 40.

P. 7, l. 11: commencièrent il.—Ms. de Rome: li Savoiien et li Bourgignon. Fo 56.

P. 7, l. 14: plus avant.—Ms. de Rome: et fist son cheval sallir oultre un fossé de douze piés de large. Fo 56.

P. 7, l. 30: neveus.—Ms. d'Amiens: cousins. Fo 40. 193

P. 7, l. 32: pour.—Ms. de Rome: envie ou pour ses belles armeures. Fo 56.

P. 8, l. 2: courouciet.—Ms. de Rome: et euist paiiet quarante mille florins de raençon, se on le peuist avoir tenu en vie. Fo 56.

P. 8, l. 3: pris et retenu.—Ms. d'Amiens: car on en volloit faire ung present au roy de Franche, enssi qu'il fissent dedens troix jours apriès. Et lez amenèrent à Paris douze bourgois de Lille et cent armures de fier à grant joie. Quant li rois de Franche seut ces nouvelles et comment li bourgois de Lille avoient esploité, si en fu mout joyans et les conjoi de grant coer et dist que c'estoient bonne gent et de hardie emprise, et que ce qu'il avoient fait leur seroit remuneret. Enssi se porta ceste besoingne. Li doi comte furent emprisonnet en Castelet, où il furent depuis ung grant temps, ensi que vous orez. Fo 40.

Ms. de Rome: Si furent li contes de Sasleberi et li contes de Sufforc pris et amenés en la ville de Lille et bien gardé, tant que la connissance en vint au roi Phelippe. Qant il le sceut, il fu grandement resjois de lor prise, et les desira à veoir et les manda. On li envoia. Si furent amené à Paris et recreu sus lors fois: il n'orent nulle vilainne prison. Fo 56 vo.

P. 8, l. 10 et 11: Pont de Fier.—Ms. d'Amiens: à bien soixante mille Flammens, pour venir assegier le chité de Tournay et ardoir tout le Tournesis. Fo 40.—Ms. de Rome: sus la rivière dou Lis. Fo 56 vo.

§ 102. P. 8, l. 16: contrevengance.—Ms. de Rome: Li François ne pooient oubliier la cevauchie que li contes de Hainnau et mesires Jehans de Hainnau son oncle avoient fait en la Tierasse, pris et ars la ville d'Aubenton, Maubert Fontainnes, Vimi et bien quarante villes là ens ou pais. Et disoient li François que ce ne faisoit point à souffrir ne à consentir que il ne fust amendé. Tant fu parlé et remoustré au roi et à son consel que ordonné fu que li dus de Normendie, li ainnés fils dou roi Phelippe, à une qantité de gens d'armes, s'avaleroit et venroit en la conté de Hainnau, pour ardoir et bruir tout le pais et contrevengier les arsins que li contes de Hainnau et ses oncles et li Hainnuier avoient fait en la Tierasse et en Cambresis. Si tretos que li dus de Normendie fu esleus à estre chiés de ceste cevaucie, tout chevalier et esquier de Vermendois, d'Artois et de Piqardie 194 en furent resjoi, car euls se desiroient à armer, et à porter contraire et damage les Hainnuiers. Fo 56 vo.

P. 8, l. 21: environ Paskes.—Ms. d'Amiens: à le close Pasques. Fo 40.

P. 8, l. 22 et 23: Là estoient.—Le ms. d'Amiens ajoute: Si doi cousin de Blois, Loeys et Carles, car li comtes de Blois avoit renvoiet son hoummage au comte de Haynnau de tout ce qu'il tenoit de par lui,... li ducs de Bourbon,... messires Loeis de Savoie, messires Loeys de Chalon,... li sires de Grantsi, li sires de Montmorensi, li sires de Saint Venant, li sires de Saint Digier, li sires de Roye, messires Ustasses de Ribeumont, messires Jehans de Landas, li sires de Cran, li sires de Montsault, li sires de Cramelles, li sires de Fiennes, li sires d'Estourmelles, li sires de Bleville, messires Bouchiguaus. Fo 40 vo.

Le ms. de Rome ajoute: le duch Pière de Bourbon, mesire Jaqueme de Bourbon, son frère,... le conte de Videmont et de Genville,... le conte de Dreus,... le signeur de Castellon, le signeur de Conflans, marescal de Campagne, le conte de Harcourt, le conte d'Aumale, le signeur d'Estouteville, le signeur de Graville. Fo 56 vo.

P. 8, l. 26: de Porsiien.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19, 20 à 22, 34 à 36: de Pontieu. Fo 55 vo.

P. 8, l. 27: de Couci.—Les mss. A et B 3, 4 ajoutent: le sire de Craon. Fo 53 vo.

P. 9, l. 4: six mille.—Mss. A 11 à 14: dix mille. Fo 53 vo.—Mss. A 15 à 17: huit mille. Fo 55 vo.—Ms. d'Amiens: Et estoient bien six mille hommes d'armes et six mille bidaus et Geneuois sans l'autre ribaudaille. Et avoit empris li dis ducs de Normendie que de venir assegier Vallenchiennes. Fo 40 vo.—Ms. de Rome: et tant que il estoient bien quatre mille esporons dorés et douse mille armeures de fier, sans les Geneuois arbalestriers. Et ne fissent pas celle asamblée si grande pour la cause des Hainnuiers que pour ce qu'il savoient bien que li Alemant, li Braibençon et li Hollandois, Zellandois et li Flamenc estoient tout aloiiet avoecques les Hainnuiers, et de rechief que li contes de Hainnau estoit alés en Engleterre au secours. Se voloient li François moustrer poissance à l'encontre de tous ceuls qui poroient venir. Fo 56 vo.

P. 9, l. 9: se partirent.—Ms. B 6: Il partirent de Saint Quentin; il s'en vièrent devers Boucain pour venir vers le Chastel 195 en Cambresy, car par ce costé voloient il entrer en Haynau. Et estoient bien dix mille combatans; sy vinrent si avant qu'il passèrent le Chastel en Cambresis et se logèrent à Montais, à l'entrée de Haynau. Fo 136.

P. 9, l. 10: Saint Quentin.—Ms. de Rome: Et cevauchièrent devant li connestables et li marescal de France, et puis li dus de Normendie et sa route, et derrière li avant garde; et s'en vinrent logier sus la rivière de Selles autour dou Chastiel en Cambresis. Fo 56 vo.

P. 9, l. 14: toute son host.—Ms. de Rome: et son hostel. Fo 56 vo.

P. 9, l. 14: Montais.—Ms. d'Amiens: dallez le Castiel en Cambresis, à l'entrée de Haynnau. Fo 40 vo.—Ms. de Rome: dehors le chastiel. Fo 56 vo.

P. 9, l. 15: d'armes.—Ms. d'Amiens: de quoy il (li François) furent resvilliet celle première nuit. Fo 40 vo.

§ 103. P. 9, l. 24: Montais.—Mss. A 11 à 14: Mortais. Fo 54.

P. 9, l. 30: se parti.—Ms. de Rome: et s'en vint au Kesnoi et quella sus heure ce que il pot avoir de chevaliers et esquiers.... Sus le tart, il se departi dou Kesnoi.... Dou Kesnoi à Montais a quatre petites lieues; si furent tantos là. Fos 56 et 57 vo.

P. 9, l. 30: de Wercin.—Ms. B 6: du Quennoy, à tout cent hommes d'armes. Fo 137.

P. 9, l. 31: soixante.—Ms. d'Amiens: cinquante. Fo 40 vo.—Ms. de Rome: siis vins. Fo 57.

P. 10, l. 4: jour falli.—Ms. B 6: Et pour che que en ce temps il faisoit brun et qu'il peuissent mieulx congnoistre l'un l'autre, vestirent chacun sur leur harnast ung blanc vestement. Fo 137.

P. 10, l. 7: leurs chevaus.—Ms. d'Amiens: et eurent ordonnance, pour ce qu'il faisoit mout brun, que chacun ewist une chemise dessus ses armures; et qui n'avoit chemises, si y mesist quoy que fuist de blancq pour recongnoistre l'un l'autre. Fo 40 vo.

P. 10, l. 7: leur dist.—Ms. de Rome: Li dus de Normendie est logiés en celle ville des Montais, et je vous ai amené jusques à chi pour faire auqune emprise d'armes. Si soiies tous 196 avisés. Et quant nous enterons en la ville, criiés: Hainnau au senescal et Werchin à la retraite! Et ne vous faindés pas de euls porter contraire et damage, se vous poés, car qant il enteront en nostre pais, il ne nous espargneront point. Fo 57.

P. 10, l. 12: des chevaliers.—Le ms. d'Amiens ajoute: le signeur de Gommegnies,... le seigneur de Boussi, le seigneur d'Espinoit, Jehan de Gommegnies, Ostelart de Soumaing. Fo 40 vo.—Le ms. de Rome ajoute: Gerars de Vendegies, li sires de Montchiaus. Fo 57.

P. 10, l. 13: messires Henris.—Ms. de Rome: mestres Henris. Fo 57.

P. 10, l. 14: dou Chastelet.—Mss. A 8 à 10: de Chasteler. Fo 51.—Mss. A 15 à 17: du Chastelier. Fo 55 vo.

P. 10, l. 14 et 15: li sires de Vertain.—Ms. d'Amiens: messires Ustasse de Vertaing. Fo 40 vo.—Mss. A 23 à 29: de Werchain. Fo 64.

P. 10, l. 15: de Fontenoit.—Ce chevalier n'est mentionné que dans le ms. B 1.

P. 10, l. 16: des escuiers.—Ms. de Rome: Là fu li pennons au senescal desvolepés, et le porta uns esquiers qui se nonmoit Robers de Wargni. Fo 57.

P. 10, l. 21: se boutèrent.—Ms. d'Amiens: et estoit environ mie nuit. Fo 40 vo.

P. 10, l. 26: avant.—Ms. de Rome: dont bien l'en chei. En cel ostel estoit logiés li sires de Brimeu, et des compagnons françois biau cop avoecques lui. Fo 57.

P. 10, l. 28: (Briauté).—Mss. A 1 à 7, 9 à 17, 20 à 22: Briauté. Fo 56.—Mss. A 30 à 36: Breauté, Breaulté. Fo 129.—Mss. A 18, 19, 23 à 29: Brience, Briance. Fo 56 vo.—Ms. A 8: Briancon. Fo 51.

P. 10, l. 29 et 30: Quant li doi chevalier.—Ms. de Rome: Celle nuit faisoit le gait uns chevaliers de Normendie qui se nonmoit Guillaumes, sires de Gauville, et avoecques li mesires Pières de Praiaus. Et estoient establi en lor ordenance environ cent armeures de fier. Et trop bien chei à point au duch de Normendie et as signeurs qui là estoient logiés; car, se li gais ne fust tantos trait avant, li Hainnuier euissent porté grant damage as François. Mais li chevalier dou gait se traissent tantos avant, et vinrent devant l'ostel le duch de Normendie, et se missent en bonne ordenance. Fo 57.

197 P. 11, l. 8: tortis—Ms. B 6: torses. Fo 137.

P. 11, l. 14: estourmis.—Ms. de Rome: voires chil qui estoient logiés à Montais, car partout tant que avoecques le duch n'avoit que huit banerès et lors gens, vint et siis chevaliers en tout. Donc se requellièrent li Hainnuier moult sagement et criièrent: «Werchin à le retraite!» Chil qui entrèrent dedens l'ostel le signeur de Brimeu, en furent mestre et l'esforchièrent; et fu pris et fianciés prisons li sires de Brimeu et auquns de ses honmes. Fo 57.

P. 11, l. 17 et 18: dix ou douze.—Ms. B 6: jusques à huit. Fo 138.

P. 11, l. 21: au Kesnoi.—Ms. d'Amiens: Et li senescaux de Haynnau s'en vint au point du jour au Kesnoy. Si trouva monseigneur Thiery, seigneur de Fauquemont, à qui il recorda sen aventure, liquelx fu trop fort courouchiés de ce qu'il n'y avoit estet. De là en droit vint li senescaux à Vallenchiennes et enfourma chiaux de le ville de le venue des Franchoix; et leur dist que il avoit entendu, par prisonniers franchoix qu'il avoit pris, que c'estoit li entente dou duch que de assegier Vallenchiennes. Adonc chil de Vallenchiennes fissent songneusement prendre garde à toutte leur artillerie, as enghiens, as espringalles, as ars à tour et à touttes autres coses appertenans as deffensces. Et fissent le rivière d'Escault floer entour le ville, et renforchièrent leurs gais as portes, as tours et as garittes, tant de jour comme de nuit. Fo 40 vo.

P. 11, l. 24: courouchiés.—Ms. de Rome: Li dus de Normendie ne sceut riens de ceste avenue jusques au matin. Si fu moult courouchiés qant on li ot dit, et que li sires de Brimeu et li sires de Bailluel en Normendie et li sires de Briauté estoient pris. Donc dist li dus: «On ne le puet amender. Li Hainnuier ont volé et pris, et puis se sont retrait quant il ont fait lor emprise. Aussi nous fault il voler et prendre: si sera prise contre prise.» Fo 57.

P. 11, l. 28 et 29: deux cens.—Ms. d'Amiens: trois cens. Fo 40 vo.—Mss. A 15 à 17: trois cens. Fo 56.

P. 11, l. 30 et 31: li sires de Mirepois.—Ms. d'Amiens: li marescaus de Mirepois. Fo 41.—Les mss. A 11 à 14 ne nomment que les trois premiers chevaliers et ajoutent: le sire de Hambuye. Fo 54 vo.—Le ms. de Rome ajoute: li sires de Noiiers,... messires Anthones de Qodun, li sires de Loques, messires Tristrans de Magnelers. Fo 57 vo.

198 P. 11, l. 32: li sires d'Astices.—Ce chevalier n'est mentionné que dans le ms. B 1.

P. 12, l. 1: li sires de Cramelles.—Mss. A 15 à 17: Raoul de Cramelles. Fo 56.

P. 12, l, 1 et 2: chevauçoient.—Ms. de Rome: Et cevauchoient chil tout devant, et avoient lors honmes qui les sievoient et qui boutoient le feu. Fo 57 vo.

P. 12, l. 2: mareschal.—Ms. de Rome: Apriès cevauçoit li avant garde, où li connestables de France et li marescal estoient. Fo 57 vo.

P. 12, l. 4: cinq cens lances.—Ms. de Rome: deus mille armeures de fier. Fo 57 vo.

P. 12, l. 5: de Normendie.—Ms. de Rome: li dus d'Athènes et la grose route des gens d'armes. Apriès venoit li arrière garde, que li sires de Couchi, li sires de Castellon, li sires de Montmorensi, li sires d'Estouteville et pluisseur aultre menoient, où bien avoit deus mille armeures de fier. Au voir dire, il estoient gens assés pour combatre tous cheuls de Hainnau, grans et petis. Et ensi que chil coureur chevauçoient devant, il ardoient le pais, sans ce que les batailles dou duch s'en ensonniassent ne desroiassent en riens. Fo 57 vo.

P. 12, l. 11: d'Uintiel.—Ms. B 6: Che fu environ l'Ascension l'an mil trois cens quarante. Fo 140.

P. 12, l. 11: oultre.—Ms. d'Amiens: Et ardirent che premier jour li Franchois Bavay, une bonne ville qui adonc estoit sans fremure; puis se retrairent et ne veurent adonc chevauchier plus avant pour lez bos et l'aventure des encontres. Si ardirent à leur retour Louvegni, Anfroipret, Saint Vast en Bavesis, Goummegnies, Preus, Fresnoit, Wargni le Grant et Wargni le Petit, Obies, Orsinneval; et abatirent les moullins de Quellinpont, et rompirent lez escluzes dou vivier, et donnèrent le pisson congiet d'aller jeuuer où il peult; et passèrent à Orsinneval et desoubz le Kesnoy, et ardirent Villers monsigneur Polle et Calames. Fo 41.

Ms. de Rome: Et vinrent ardoir Bavai, Mieqegnies, Obies, Goumegries, Frasnoit, Wargni, Villers, et vinrent courir devant le Quesnoi, mais point n'i arestèrent. Et fust volentiers li seneschaus de Hainnau issus hors, se il euist eu gens assés. Et s'en vinrent ces coureurs à Bermerain et l'ardirent, et Vertain et Vertegnuel et tous les villages de là environ. Et en avoloient les flamesches jusques dedens la ville de Valenchiennes. Fo 57 vo.

199 P. 12, l. 12: Oursineval.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Esmenal. Fo 56 vo.

P. 12, l. 19: de Normendie.—Ms. d'Amiens: ceste première nuit et toutte sen host sus le rivierre de Selles, entre Sollemmes et Haussi. Tout li plas pays fuioit devant yaux à sauveté; et se boutoient ens ès forterèches et amenoient, aportoient et acharioient le leur au Kesnoy, à Landrechies, à Bouchain et à Valenchiennes et as autres fors environ qui estoient tenable. Li senescaux de Haynau se doubta de son castel de Werchin. Si se parti de Valenchiennes tout de nuit, avoecq lui environ trente lanches, et fist tant que sans peril il s'i bouta. Et dist au seigneur d'Anthoing, qui estoit en Vallenchiennes, qu'il fuist songneus de le ville et dez hommes, affin que il n'y ewissent dammaige, ne il point de blasme. Fo 41.

Ms. de Rome: ce second jour logier à Haussi, à Sausoit, à Solèmes et tout au lonc de la rivière de Selles jusques à Haspre; et menoient moult grant charoi. Honmes et fenmes et enfans avoient esté de lonc temps avisé de la venue des François; si ques il s'estoient tout pourveu à l'encontre de ce; et avoient amenet et achariiet lors millours meubles à Valenchiennes, à Maubuege, au Quesnoi et à Bouchain. Li François trouvoient fourages assés pour lors cevaus et nulles aultres pourveances. Fo 57 vo.

§ 104. 12, l. 23: Fauquemont.—Ms. d'Amiens: qui estoit en garnison au Kesnoy. Fo 41.

P. 12, l. 29 et 30: et recommanda.—Ms. d'Amiens: Adonc fist il commander estroitement que nuls ne wuidaist hors des portes du Kesnoy, homs ne femme, et sus le teste. Fo 41.

P. 12, l. 30: Maubuege.—Ms. de Rome: et issi de Maubuege et vint à Pons sus Sambre. Et trouva les hommes moult esfraés, car li François avoient esté à Miequegnies et là priès, et avoient ars tout le pais de là environ. Encores en veoit on les fumières. Fo 57 vo.

P. 12, l. 30: Biaurieu.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36: Beaugeu. Fo 56 vo.

P. 12, l. 31: de Montegni.—Ms. d'Amiens: et establi à demourer, pour garder le ville, le seigneur de Roysin, le seigneur de Wargny. Fo 41.

P. 13, l. 1 et 2: chevauça.—Ms. de Rome: et passa à 200 Robertsart, et n'atendoit aultre cose que le logeis des François dou vespre. Fo 57 vo.

P. 13, l. 3: Mourmail.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36: Moruel, Morueil. Fo 56 vo. Mauvaise leçon.

P. 13, l. 5 et 6: de Haussi.—Ms. d'Amiens: à Sollemmes, vers Haussi et Sausoit, en ces biaux prés. Fo 41.—Ms. de Rome: à Haussi et à Sausoit, et tout jusqu'à Haspre. Fo 57 vo.

P. 13, l. 18: meschief.—Ms. B 6: Che soir faisoit le gait le sire de Craon à cinq cens hommes. Fo 138.

P. 13, l. 23: Pikegni.—Ms. d'Amiens: et doi de ses escuiers, et navrez li sires de Cramelles mout durement et li sires de Sains. Fo 41.—Ms. de Rome: Celle nuit faisoient le gait li contes d'Auçoirre, li sires de Noiiers et li sires d'Auchi, artissiens, et avoient bien trois cens combatans sus lor gait. Li Hainnuier et li Alemant n'entrèrent point de ce lés où li gais estoit, mais bien en sus, et cheirent sus le logeis le signeur de Piquegni, liquels salli tantos sus que il oy la friente, et s'arma et se mist à desfense moult vaillanment; mais il ot si grante qoite de li armer que point il n'estoit armés de plate fors de une cote de fier, laquelle fu perchie tout oultre de une roide espée et li corps dou chevalier, et morut de celle plaie.... Li sires de Piquegni, liquels estoit navrés tout parmi le corps, fu mis en une litière et portés à Cambrai pour saner et mediciner; mès onques de la navreure ils ne pot avoir garison et morut. Si retourna la terre de Piquegni à un sien fil, jone enfant, que on nonmoit Jehan, et qui depuis fist moult de mauls en France, voires à Amiens et là environ, ensi que vous orés recorder avant en l'istore. Fos 57 vo et 58.

P. 13, l. 30: poursievi.—Ms. de Rome: Et là fist li sires de Fauquemont bonne compagnie as deus chevaliers françois, lesquels il enmenoit prisonniers, le visconte de Qesnes et le Borgne de Rouveroi, car il les recrut sus lors fois à venir à Mons en Hainnau tenir lors corps prisons, qant il en seroient requis, quinse jours apriès la semonse. Si retournèrent li chevalier en l'ost et comptèrent lor aventure. Fo 58.

P. 13, l. 31: au Kesnoi.—Ms. de Rome: Si entrèrent dedens la ville et s'i rafresqirent, euls et lors cevaus, et puis retournèrent sus le soir à Maubuege. Fo 58.

P. 14, l. 3: Et li dus.—Ms. de Rome: Ensi fu, la seconde nuit que li dus de Normendie se loga en Hainnau, li hoos des 201 François resvillie des Hainnuiers, liquel avoient tout ce fait, sans porter point de damage à euls et à lor compagnie. De quoi li dus de Normendie en dist au matin, qant il en fu enfourmés: «Ces Hainnuiers sont de grant corage et de bonne emprise. Nous n'avons que deux nuis dormi en Hainnau; mès tout dis nous ont il resvillié: chi apriès, il seront resvilliet aussi.» Fo 58.

P. 14, l. 15: quatre cens.—Mss. A 15 à 17: trois cens. Fo 57.

P. 14, l. 16: bidaus.—Mss. A 15 à 17: sanz les bidaus, tuffes et petaux. Fo 57.

P. 14, l. 16: s'en vinrent.—Ms. d'Amiens: à Verchin, où li senescaux estoit dedens le castel. Et regardèrent li Franchois le mannière dou fort et de le deffensce. Si moustrèrent de premiers que de trop grant couraige il le assaudroient, et fissent traire et lanchier leurs bidaus et Geneuois; mès riens n'y fisent, car li castiaux estoit bien pourveu d'artillerie, de kanons et d'ars à tour et de tous instrumens pour le deffendre. Si y pooient plus perdre que gaegnier, et il ne volloient pas trop travillier leurs gens, car il ne savoient quel besoing il en aroient. Si se partirent d'illuecques, mès il ardirent toutte le ville et abatirent une partie des murs dou gart de Werchin. Et passa toute li os là et environ. Et montèrent au lés deviers Fanmars, pour mieux veoir et adviser Vallenchiennes dou tierne. Et toudis aloient li coureur devant à destre et à senestre, ardans et exillans che biau plain pays de Haynnau. Si ardirent Presel, Marech, Biauvoir, Curgies, Sautain, Rombies et tout le plain pays jusquez à le rivierre de Honniel. Et se loga li dus ce jour sus le rivière d'Uintiel au lés deviers Kierenaing, et toute sen ost ossi, et se fist le nuit gettier bien et grossement à plus de cinq cens lanches et de deux mille bidaus et Geneuois, car il ne volloit mies que li Haynuier le resvillaissent ainssi qu'il avoient fait. Bien est voir que de Condet et dou castiel de Moustroel sus Haynne et dou castiel de Kievraing et de Kievrechin estoient assamblet et acompaigniet environ quarante lanches, et s'estoient boutet ès bois de Roisin; et volentiers ewissent fait quelque fait d'armes, se il ewissent veu leur plus bel. Li sires de Gommignies et li sires de Wargni ossi lez costiièrent tout le jour, mès point ne virent de jeu parti pour yaux aventurer, car li coureur franchois se tenoient tout enssamble, et estoient bien monté et plus de quatre cens lanches: se n'y faisoit nul pour les Haynuiers.

202 Ce jour au matin qu'il fist moult bel et moult joli, car c'estoit ou mois de may, se deslogièrent li Franchois et se misent en arroy, et ordonnèrent le charoy et le fissent passer tout devant. Et puis chevauchièrent bannierres et seigneurs et vinrent, environ heure de primme, deseure Fanmars, sus ung terne que on appelle le mont de Castres; et là s'ordonnèrent il bien et faitichement en troix bonnes batailles. Le première avoit li dus de Bourbon, la seconde li comtes de Flandres, et la tierce li dus de Normendie. Là veoit on bannierres et pignons et armoirie en très grant parement. Là estoient muses, calemelles, naquaires, trompes et trompettes, qui menoient grant bruit et grant tintin. Et bien les veoient et ooient chil de Valenchiennes des tours et des clochiers, car il estoient à demy lieuwe d'iaux. Là sonnoit on les cloches ou biefroy de Vallenchiennes à volée, et estoient armet touttes mannierres de gens, et li rue Cambrisienne toutte plainne. Et volloient à force yssir et yaux aventurer; mès messires Henris d'Antoing, qui gardoit les clefs de celle porte, leur deveoit et leur disoit qu'il se voloient aller tout perdre. Nientmains il volloient yssir, coumment qu'il fuist, et y eut là pluiseurs grosses parolles entre le chevalier et yaux. Finablement il leur dist que messires de Biaumont, qui baux estoit dou pays et à qui on avoit juret et proummis de obeir, li avoit deffendu et coummandet sus sen onneur que nullement il ne les lessast wuidier. Et coummanda au prouvost qui là estoit, Jehan de Baisi, de par monseigneur Jehan de Haynnau, que il lez fesist retourner et aler à leur gès, as tours et as garittes, pour deffendre et garder le ville, s'il besongnoit. Et li prouvos vot obeir; si leur commanda à retraire, et il le fissent.

A che donc estoient dedens Vallenchiennes aucun chevalier d'Engleterre, et par especial li comtes de Warvich, que li roys d'Engleterre avoit laissiet en Flandres. Et avoit estet chilz en le chevauchie de Aubenton, et demorés en Vallenchiennes, à le priière dou comte. Et estoient avoecques lui messires Hues de Hastinges, messires Rogiers de Biaucamp, messires Jehans Cambdos, messires Jehans de Graail, messires Oliviers de Baucestre, messires Rogiers de Cliffort. Si requisent chil chevalier à monseigneur Henry d'Antoing que on lez lessaist wuidier le ville sus leur peril et chevaucier deviers le rivierre d'Escault, pour veoir se il poroient nient trouver à faire aucune bacelerie, ne biau fait d'armes sus lez Franchois. Tant priièrent et parlèrent que il en eurent 203 congiet, et estoient environ trente lanches et quarante archiers, et tout à ceval. Si wuidièrent par le porte d'Anzain, et cevaucièrent deseure Saint Vast. A ce donc couroit environ le Tourielle sus l'Escault ungs bons chevaliers franchois poitevins, messires Bouchichaus, et estoit avallés des batailles qui se tenoient au mont de Castres. Et estoient environ douze lanches; si avoient passet l'Escaut au pont de le Tourielle et estoient montet hault deviers Saint Vast pour descouvrir à cesti lés; mès il furent trouvet et rencontret des Englès dessus noummés. Et ne daigna oncques messires Bouchichaus fuir, et jousta franchement à messire Hue de Hastinges, et le porta par terre. Depuis fu il jus portéz par terre par deux chevaliers et tenus si cours qu'il le couvint rendre. Et fu fianchiés prisons et amenés à Vallenchiennes, et doy escuier de son pays avoecq lui. Et li autre se sauvèrent au mieux qu'il porent et retournèrent à leurs batailles, et recordèrent le prise de monseigneur Bouchicaus, dont li dus de Normendie fu mout courouchiéz. Fo 41 vo.

Ms. de Rome: Qant ce vint au matin, on se desloga, et sonnèrent les tronpètes parmi l'oost. Tout s'armèrent et montèrent à chevaus, et se traissent sus les camps. Ce jour fist il moult biel, moult cler et moult joli, ensi que il fait ou mois de mai, et fu la nuit de une Asention. Li dus de Normendie ordonna à traire viers Valenchiennes. Donc cevauchièrent les batailles moult ordonneement, et n'aloient que le pas et costiièrent Werchin, mais point n'asallirent au chastiel, mais la vile fu arse. Et s'en vinrent tout li François arester et faire lor moustre sus le mont de Castres; et veoient Valenchiennes tout au plain devant euls, et là ordonnèrent trois batailles, tout armé au cler. Ce estoit une grande biauté que de euls veoir, les armes, hiaumes de quoi on s'armoit adonc, banières et pennons resplendir au solel. Et se tenoient li signeur tout quoi, atendans que on les venist combatre.

Li jone chevalier de France et li esqier, qui desiroient les armes, ne se pooient tenir que il ne cevauçassent. Et s'en vinrent li marescaus de Mirepois, li sires de Noiiers, li Galois de la Baume, messires Tiebaus de Moruel, li viscontes d'Aunai, li sires d'Englure, li sires de Trainiel, messires Tristrans de Magnelers, li sires d'Aubegni, li sires de Fransures, li chastelains de Biauvais et pluisseur aultre, tout de grant volenté. Et estoient quatre cens d'emprise et de fait et bien montés, et vinrent courir devant le Kesnoi; et s'arestèrent sus les camps, et moustroient que on les 204 venist combatre. Li marescaus de Hainnau et bien cinquante lances de bons Hainnuiers estoient là dedens. Pour ces jours li Qesnois n'estoit point si bien fremée conme elle estoit soisante ans apriès, et tous les jours elle amendoit en fremeté.

Li compagnon consideroient trop bien l'ordenance des François conment il freteloient sus lors cevaus et faisoient courner lors menestrels, et moustroient que on les alast veoir et escarmuchier, mais il n'estoient pas gens assés. Si se tinrent tout quoi et pourveu de euls deffendre, se on les euist assallis. Qant il veirent ce que nuls ne saudroit, il s'en departirent et cevauchièrent viers Villers. Et menoient ces gens d'armes, boutefeus, avoecques euls, qui couroient de ville en ville, et boutoient le feu dedens et ne s'en departoient; si estoit la ville toute embrasée. Si ardirent de celle empainte Genlain, Curgies, Sautain, Presiel, Marec, Aunoit, Biauvoir, Fielainnes, Escaillon et Faumars. Et voloient les flamesques et les fascons en la ville de Valenchiennes, et li rai dou soleil en estoient tout encombré. Et s'avalèrent auqun François dou mont de Castres et vinrent ardoir les Marlis, et boutèrent le feu ens ès fourbours de la porte Cambrisienne.

Pour ces jours estoit chapitainne et gardiiens de la ville de Valenchiennes institués et ordonnés de par mesire Jehan de Hainnau, mesires Henris d'Antoing, quoi que li senescaus de Hainnau et aultres chevaliers fuissent en la ville; mais il en avoit la souverainne aministration et se tenoit à la porte Cambrisienne, et là estoit trop fort heriiés et pressés d'auquns fos, outrageus et outrequidiés, qui voloient issir et euls aler perdre. Et bien leur disoit et remoustroit li chevaliers que point n'estoit heure de issir: «Souffrés vous, bonnes gens: la poissance des François est trop grande maintenant. Atendés que vous aiiés vostre signeur dalés vous; si en serés plus fort et mieuls consilliés. Il m'est deffendu que nuls ne isse, car se vous receviés blame ne damage, je n'en poroie estre escusés.» Ensi à grant mescief les amoderoit et refroidoit de lors folies li sires d'Antoing.

Encores, en ce meisme jour, par le consentement dou connestable de France et des marescaus, se departirent dou mont de Castres auqun jone chevalier et esquier françois et cevauchièrent as aventures. Et tout estoit fait pour atraire les Valenchiennois hors de lor ville, et furent de une sorte environ deux cens lances. Et les menoient li sires de Craan, li sires de Maulevrier, li sires de Partenai, li sires de Tors et li sires de Matefelon, et s'avalèrent 205 dou mont de Castres à Fontenelles, et vinrent à Main. Et là avoit une tour belle et bonne et encores a, laquelle pour ce temps estoit à un bourgois de Valenchiennes qui s'apelloit Jehan Bernier, et puis fu elle transmuée à autres hoirs. Chil chevalier de France et lor route vinrent là et l'environnèrent et le fissent asallir. La tour estoit forte assés, environnée de fossés et pourveue d'artellerie; car on i avoit envoiiet des arbalestriers de Valenchiennes, pour le deffendre et garder. Là ot grant asaut, mais li François n'i peurent riens faire. Avant en i ot des blechiés dou tret. Si passèrent oultre et vinrent à Trit. Li honme de la ville avoient le pont deffait. Si ne peurent (passer) oultre par ce pas là, mais il trouvèrent (un) des hommes dou pais meismes qui les mena autour as plances à Povri. Si passèrent là l'Eschaut et retournèrent à Trit. Et fu la ville toute arse et li moulin abatu, et ensi à Povri et à Rouvegni. Et refissent li François le pont à Trit, et ardirent Wercinniel, Bourlain et Infier, et tant que les fascons en avoloient à grant volées à Valenchiennes. Et retournèrent chil François et s'en ralèrent en lor hoost, c'est à entendre sus le mont de Castres, avoecques les aultres.

Ce jour s'estoient aussi parti de lors arrois, troi jone chevalier de Poito: li uns fu nonmés messires Bouchicaus, li autres messires Jaques de Surgières, et li tiers messires Guis Poteron; et avoient passet l'Escaut au pont à Trit, car il estoit refais des plances meismes que chil de Trit en avoient osté. Et les avoient les François rasisses, pour passer et rapaser à lor volenté. Chil troi chevalier et lor route pooient estre jusques à vint cinq lances, et passèrent le pont à Trit, et vinrent courir viers Hurtebisse; et fissent bouter le feu dedens, tant que on le veoit tout clerement de Valenchiennes, car il n'i a que une petite lieue. Li seneschaus de Hainnau, qui se tenoit adonc à Valenchiennes, entendi que auquns François estoient avalé et passé oultre l'Eschaut au pont à Trit, et couroient sus ces biaus plains desus un moustier que on nonme Saint Vast, et ne lor aloit nuls au devant. Si parla au signeur de Berlainmont, à messire Henri d'Uffalise, à messire Oulefart de Ghistelle, au signeur de Biellain et à auquns chevaliers qui en Valenchiennes estoient enclos avoecques lui: «Je vous pri que nous montons sus nos chevaus et alons veoir viers Saint Vast quel sont chil qui i chevaucent. Espoir, poront estre tel que il paieront nostre escot.» Tout s'acordèrent à la volenté dou senescal, et montèrent environ cent compagnons tout bien armés, et prist casquns son glave; et 206 fissent ouvrir les deus portes d'Anzain, la grande et la petite. Et se missent sur les camps et si à point que, droit au desus d'un moustier que on dist de Saint Vast, il vont trouver ces chevaliers poitevins qui avoient pris lor tour viers Bellain et Ierin et avoient fait bouter le feu dedens, et s'en retournoient pour passer à Trit, et avoient gides propement dou pais qui les menoient. Qant li seneschaus de Hainnau les vei et sa route aussi, qui estoient monté sus bons coursiers et bien alans, si lor vinrent au devant et escriièrent: «Hainnau!» et abaissièrent les glaves. Li seneschaus de Hainnau fu li premiers qui asambla à messire Bouchicau, qui estoit pour lor jones chevaliers, et fu depuis un moult vaillans homs. Il le feri à plainne targe un si grant cop, avoecques ce que il estoit fors chevaliers et bien montés, que il le bouta jus et passa oultre. Li sires de Berlainmont consievi parellement mesire Gui Poteron et le reversa jus à terre. Chil Hainnuier se frapèrent en ces François et en abatirent jusques à sept. Entrues que il entendirent à euls fianchier et faire rendre, mesires Jaquemes de Surgières et bien douse des leurs retournèrent sus frain, et prissent le cemin viers un village que on appelle Ierin; mais avant que il i parvenissent, pour euls sauver, il se boutèrent ens ès bois d'Aubri, et ne savoient où il aloient, car point ne connisoient le pais. Qant li seneschaus de Hainnau vei que chil François prendoient le cemin dou bois, si fist doubte que li François n'euissent là jetté une enbusqe, et que chil qui pris estoient et qui fuioient, n'euissent esté là envoiiet tout de fait pour descouvrir et pour faire sallir hors de Valenchiennes auquns gentils honmes qui s'i tenoient. Si fist cesser ses gens de non aler plus avant et non cachier. Et se retraissent tout le pas viers Valenchiennes, et enmenèrent les deus chevaliers prisonniers, messire Bouchicau et mesire Gui Poteron, poitevins, et jusques à diis de lors compagnons. Dont li senescaus acquist grant grasce des Valenchiennois. Et messires Jaquemes de Surgières et li autre, qui se boutèrent ens ès bos d'Aubri, se tinrent là et quatirent tout bellement jusques à tant que li viespres fu venus, et puis issirent hors et vinrent tout droit à Hurtebise, et de là au pont à Trit, et rapassèrent l'Escaut. Et qant ilz furent venu en l'oost, il comptèrent lor aventure, et conment messire Bouchicau et mesire Gui Poteron estoient demoré et pris dou senescal de Hainnau. Fos 58 et 59.

P. 14, l. 28: Villers.—Les mss. A et B 3, 4, omettent: Villers et mentionnent deux fois: Fanmars.

207 P. 14, l. 32 et p. 15, l. 1: pries de Valenchiènes.—Ms. B 6: à demy lieue de Valenchiènes. Fo 140.

P. 15, l. 28: d'Anzaing.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: du Rain. Fo 57. Mauvaise leçon.

P. 15, l. 32: Poito.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: Pontieu. Mauvaise leçon.

P. 17, l. 3: dou jour.—Ms. B 6: car on luy dit que cheulx de Vallenchiènes le venroient combatre, car tant orguilleus et presumptueux estoient. Fo 140.

§ 105. P. 15, l. 15: un grant temps.—Ms. de Rome: tout ce jour de l'Asention. Fo 59.—Ms. B 6: l'espace de cinq heures. Fo 141.

P. 17, l. 16: de Castres.—Ms. de Rome: à demi lieue de Valenchiennes. F. 59.

P. 17, l. 18: li dus d'Athènes.—Ms. d'Amiens: et li doy marescal de France, li contes d'Auchoire. Fo 41 vo.

P. 17, l. 19: trois cens.—Mss. A 11 à 17: quatre cens. Fo 56.—Ms. B 6: cinq cens. Fo 141.

P. 17, l. 22: le tourielle à Goguel.—Ms. d'Amiens: le Tourielle et Goirel. Fo 41 vo.

P. 17, l. 23: de le ville.—Ms. B 6: A che jour estoient en la ville de Vallenchiène le conte de Warvich et le conte de Kenfort que le roy d'Engleterre avoit laissiet à Gand delés madamme sa femme. Si estoient venu à Vallenchiènes pour la cause de ce que on avoit entendu que le duc de Normendie se venoit tenir celle part. Ches deux chevaliers avecque la communaleté de la ville euyssent trop vollentiers veu que (on) fust vidiet contre eulx et que on euist recueilliet cheux qui estoient venut jusques a(s) bailles. Mais messire Henri d'Anthoing, qui pour le temps estoit gardiens de Valenchiène de par monseigneur Jehan de Haynau, ne le veult oncques consentir, et dist et jura que jà personne n'en ysceroit; et fist faire le ban, de par le prouvost de la ville, que sur la teste nulz ne vidast hors de la ville sans commandement. Sy gardèrent le porte Cambrisiène, où celle estourmye estoit, le sire de Mastaing et le sire de Floyon. Fo 141.

P. 17, l. 29: les ardirent.—Ms. B 6: et puis la ville d'Asnoy. Fo 142.

P. 17, l. 30: de Wintiel.—Ms. d'Amiens: et puis chevauchièrent toutte le rivierre contre mont vers Aunoit pour revenir à 208 leur grosse bataille; mès en leur chemin il ardirent Aunoit, Felainne, Artre, Astriel, Kierenaing, Biaudegnies, et Pois et pluisseurs autres villes. Fo 41 vo.

P. 17, l. 31: par derrière les Chartrois.—Mss. A 1 à 6: par devers les charroys. Fo 58.—Mss. A 20 à 22: par derrière les chariots. Fo 88.—Mss. A 11 à 14, 18, 19: par devers les chartois. Fo 56.

P. 18, l. 10 et 11: bien la moitiet.—Ms. d'Amiens: que il en tuèrent dix et fissent saillir en le rivière, et en y eut ossi des noiiéz, et furent chil euwireux qui escapper peurent. Fo 42.

P. 18, l. 21: ce soir.—Ms. de Rome: Qant ce vint sus la remontière, et que li signeur estoient tout hodé et lassé de tant estre sus lors cevaus, car ce jour il avoient bien petit beu et mengié fors sus lors cevaus. Fo 59.

P. 18, l. 21: à Maing et à Fontenielles.—Le ms. d'Amiens ajoute: et à Trit. Fo 42.—Ms. de Rome: à Fontenelles et à Main, en ces biaus prés. Fo 59.

P. 18, l. 23: Maing.—Ms. B 6: A son departement de la ville de Maing où il estoit logiés, ardirent les Franchois Denaing et l'abeie de Fontenelles où madamme sa tante estoit logie, mais elle se tenoit à Valenchiènes. Fo 142.

P. 18, l. 25: de Valois.—Ms. d'Amiens: où medamme Jehanne de Vallois, ante dou dit duc, se tenoit par devotion; mès elle n'y estoit mies adonc, ainchois se tenoit en Vallenchiennes. Fo 42.—Ms. de Rome: Madame de Valois, ante dou duch de Normendie, n'estoit point pour ces jours à Fontenelles, mais se tenoit à l'ostel de Hollandes à Valenchiennes, et toutes les dames dou dit monastère; et là avoient amené toutes lors coses, car en gerre et en hainne n'a nulle segurté. Fo 59.

P. 18, l. 28: A ce departement.—Ms. d'Amiens: Le jour que li dus de Normendie se parti de Fontenelles et de Maing, i eut une grant escarmuche au pont à Trith sus l'Escaut; car là estoient requeilliet li Haynuyer, hommes des villages de là entours, et deffendirent le pont mout vassaument contre lez Franchois che qu'il peurent; et l'ewissent bien tenu et deffendu, mès li aucun Franchois allèrent autour passer l'Escault as planches à Prouvi, et vinrent à Trit, et trouvèrent chiaux qui se combatoient as Franchois. Lors y eut grant fouleis, et couvint les Haynuier partir et leissier le pont et le deffensce. Et passèrent touttes mannières de gens qui passer veurent, et abatirent ung petit castelet 209 qui là estoit et les moullins, et ardirent toutte le ville et Wercinnel ossi; mès depuis furent il reboutet et reculet dou comte de Warwich et de se routte, et en y eut bien mors que noiiés soissante. Fo 42.

Ms. de Rome: A lor departement, la ville de Maing fu toute arse, et la mention de l'abeie de Fontenielles aussi. Chil qui cevauçoient devant et sus les costés, ardoient villes et hamiaus, et ardirent en lor venant Monchiaus, Thians, Douci. Et partout il abatirent les moulins, car ces villes sont seans sus rivière. Et cevauchièrent tant ce jour li François que il aprochièrent Nave et Iwis. Et vint li dus de Normendie mettre son siège devant le chastiel d'Escauduevre, seant sus la rivière d'Escaut. Fo 59.

P. 18, l. 30: Thians.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36: Thiois. Fo 58.

P. 18, l. 32 et p. 19, l. 1 à 18: Ce jour .... sans pité.—Cet alinéa manque dans tous les mss. A sans exception.

P. 19, l. 20: Escauduevre.—Ms. de Rome: Chil de la garnison d'Escauduevre avoient, tout l'ivier et le temps, cuvriiet et herriiet ceuls de Cambrai. Fo 59.

P. 19, l. 20: et fort.—Ms. d'Amiens: à une lieuwe de Cambray. Fo 42.

P. 19, l. 25: de Sassegnies.—Ms. de Rome: uns chevaliers de Hainnau. Fo 59.

Ms. B 6: En che temps estoit cappitaine du chastel d'Escauduevre sur l'Escault, à une bonne lieue de Cambray, messire Gerart de Saingnies par l'ordonnance de monseigneur Jehan de Haynau qui avoit le gouvernement de la conté de Haynau, entreulx que sen nepvreu le conte estoit en Engleterre, sy comme chy dessus est dit. Je ne say comment il avint ne par quelle procuration che fu fait, mais il vendy le dit chastel et le livra as Franchois. Et fu pris le dit chevalier de ceux de Thun, à l'issir hors de Cambray, où il avoit l'argent avoecq luy. Se fu amenés à Mons en Haynau et là fut justichiés, et ung sien escuier avoecq luy, qui avoit consenti le mal à faire. De le prise du chastel d'Escauduevre furent les Haynuierz moult courouchiés, car cheulx de Cambray l'abatirent rés à rés de terre, et en menèrent le pière à leur ville, et en firent faire deux de leur portes, le porte Robert et une aultre. Fos 146 et 147.

P. 19, l. 27: mès li dus.—Ms. d'Amiens: en traita et parla 210 à yaux tant et si bellement messires Godemars (dou [403] Fay), qui jadis les connissoit, que.... Fo 42.

P. 19, l. 28: six jours.—Ms. de Rome: sept jours, Fo 59 vo.

P. 19, l. 32: Mariniaus.—Ms. de Rome: Et qant il furent venu en Hainnau, li saudoiier meismes, qui en Escauduevre s'estoient tenu avoecques euls, les prisent au conmandement messire Jehan de Hainnau qui se tenoit en la ville de Mons, et furent amené devant lui et acusé de traison. Onques il ne s'en porent escuser de la mise ne delivrer. Fo 59 vo.

P. 19, l. 32: pris.—Ms. d'Amiens: Vous avés bien chy dessus oy recorder le prise d'Escaudoeuvre et coumment messires Gerars de Sassegnies et Robers Mariniaux le rendirent. Si n'en furent il mies mescreus de premiers, fors tant que li saudoiier de dedens furent trop esmervilliet de ceste aventure. Et vinrent au jour qu'il fu rendus ou castiel de Thun l'Evesque, qui siet assés priès, et recordèrent as deux frères de Mauni, Jehan et Thieri, ceste mesavenue, et coumment Gerars de Sassegnies lez avoit preechiéz que il ne se pooient tenir longement contre si grant ost que li dus de Normendie. Nient moins et sus cez parolles li Franchois y estoient l'endemain entret. Lors demandèrent li enfant de Mauni qu'il pooit y estre devenus, et il disent qu'il ne savoient, mès bien cuidoient qu'il fuist en Cambray. Sus ceste parolle chil doy frère de Mauny envoièrent espies à Cambray, qui raportèrent que messires Gerars et chilz Robiers y estoient. Si furent si bien poursieuwi des deux enfans de Mauny qui misent enbuces et agaix sus yaux, que ung jour qu'il estoient parti de Cambray, il furent pris de Jehan et de Thieri de Mauni et amenet à Bouchain et là mis en prison. Tantost apriès, Jehan de Ma(u)ni s'en vint à Mons en Haynnau parler à monseigneur de Biaumont, et li recorda tout le fait et coumment il lez avoit pris. Si lez renvoya querre messires Jehans de Haynnau et ramener en Mons en Haynnau. Depuis n'en fist il nient trop longe garde, car il lez fist morir honteusement et trayner comme trayteurs contre leur seigneur. Che paiement eurent il de leur fourfaiture. Et encorres estoit li comtes Guillaummes de Haynnau hors de ses pays, dont trop desplaisoit à monseigneur de Biaumont son oncle. Fo 42 vo.

211 P. 20, l. 2: de Cambrai.—Ms. d'Amiens: machon et carpentier.

P. 20, l. 4: leur ville.—Ms. d'Amiens: et en fu faite li porte Robert, qui siet sus Haynnau. Fo 42.

§ 106. P. 20, l. 9 et 10: voisines.—Ms. d'Amiens: .... de Mortaigne et de Tournay. Fo 42.

P. 20, l. 13: trois cens.—Mss. A 11 à 14: quatre cens. Fo 56 vo.

P. 20, l. 15: Villars.—Mss. A 1 à 7, 23 à 33: Villars. Fo 58 vo.—Mss. A 8 à 10, 18, 19: Villers. Fo 53 vo.—Mss. A 11 à 17, 20 à 22, 34 à 36: Villiers. Fo 56 vo.

P. 20, l. 16: avoecques.—Ms. d'Amiens: messires Gerars de Monfaucon, messire Thiebaux de Maruel. Fo 42.

P. 20, l. 17: Wavrain.—Mss. A 11 à 14: Wertain. Fo 56 vo.

P. 20, l. 19: riens dehors.—Ms. de Rome: reservé le chastiel de Bouchain, qui ne fust tout ars et mis à seqution, ne nuls ne lor ala au devant. Les bonnes gens du pais d'Ostrevant estoient retrait en Valenchiennes, et là avoient amené une partie de lors biens, et les bestes cachies ens ès bois, ou fait venir ens ès praieries de Valenchiennes et de Condet, et là les tenoient pour eslongier lors ennemis. Fo 59 vo.

P. 20, l. 20: Bouçain.—Mss. A 8 à 17, 34 à 36: Bouhaing. Fo 53 vo.

P. 20, l. 24: cinq cens ou six cens.—Ms. d'Amiens: trois cens ou quatre cens. Fo 42.

P. 21, l. 2: Here.—Mss. A 8 à 10, 15 à 17: Hette. Fo 58 vo.

P. 21, l. 2: Fenain.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 36: Sonnain, Sonnent, Senaing, Senain. Fo 58 vo.—Mss. A 8 à 10, 15 à 17: Fenain, Fenaing. Fo 53 vo.

P. 21, l. 3: Mauni.—Mss. A: Wargni.

P. 21, l. 3: Aubrecicourt.—Ms. d'Amiens: .... Buignicourt, Maucicourt,... Rouvegny,... Noefville. Fo 42.

P. 21, l. 7: Bouçain.—Mss. A 8 à 17, 34 à 36: Bouhaing. Fo 53 vo.

P. 21, l. 20: plus priès.—Ms. de Rome: une lieue en sus de là. Fo 59 vo.

P. 21, l. 23: sires.—Ms. de Rome: quoique la ville (de Landrecies) et Avesnes fuissent au conte de Blois. Fo 59 vo.

212 P. 22, l. 14: Coulongne.—Ms. de Rome: et en estoit capitainne uns esquiers qui se nonmoit Albrest Qose, de Coulongne. Fo 59 vo.

P. 22, l. 25 et 26: li sires de Bousies, Gerars de Mastain et Jehans de Mastain.—Ces Chevaliers ne sont dénommés que dans les mss. B et A 7 à 10, 15 à 17.

P. 22, l. 32: si dur.—Ms. de Rome: que la proie fu rescouse, et Albrest pris et auquns des aultres, et chil qui se sauvèrent furent cachiet jusques ens ès portes de la Malemaison. Si raportèrent li compagnon le signeur de Potelles tout mort à Landrechies. Depuis fu il envoiiés à Valenchiennes sus un char et en un linsiel, et ensepvelis en l'eglise des Cordeliers de Valenchiennes. Ensi se portent les aventures d'armes. Tels se lieuve au matin, qui ne scet qu'i(l) li avenra. Fo 59 vo.

§ 107. P. 23, l. 8: Bohain.—Mss. A 23 à 29: Bouchain. Fo 68.

P. 23, l. 8 et 9: Chastiel en Cambresis.—Ms. d'Amiens: de Biauvoir et de Sierain, et tint bien et francement le fortrèche contre lez Franchois. Or parlerons dou duc de Normendie coument il vint asegier Thun l'Evesque seant sus Escaut. Fo 42 vo.

P. 23, l. 10: li Haynuier.—Ms. de Rome: Et cevauçoient moult souvent li Hainnuier sus ceuls de Bohain et de la Malemaison; une fois gaegnoient et l'aultre perdoient: ensi estoit tous li pais entouelliés. Fo 59 vo.

§ 108. P. 24, l. 10: remoustroient.—Ms. B 6: que le conte de Haynau et ses gens avoient fait plus de damaige au pais de Cambresis et à le cité de Cambray que ne fist le roy d'Engleterre. Fo 147 et 148.

P. 24, l. 13 et 14: au ravoir.—Ms. d'Amiens: et il aroit fait ung biau voiaige, car il avoit villainnement ars et escaudet le contet de Haynnau. Fo 42 vo.

P. 24, l. 18: Vermendois.—Ms. de Rome: en Amiennois, en Bar et en Lorrainne. Fo 60.

P. 25, l. 3: des quelz.—Ms. d'Amiens: Jehans de Mastaing, Bridouls de Thians, Thieris et Hostelars de Soumaing, Gilles Moriaux de Lestinnes, Hues d'Aunoit, Sandrais d'Esquarmaing. Fo 43.

P. 25, l. 6: et Thieris.—Ms. de Rome: Jehans de Mauni et 213 Tieris son frère, qui chapitainne en estoient, se reconfortoient en ce que il estoient bien pourveu, et aussi que lors sires li contes de Hainnau queroit aide et aliances partout, et que de poissance li sièges seroit levés. Si ne se esbahirent point li Hainnuiers, quoi que li enghien jetaissent continuelment, qui lor rompirent tous les tois dou dit manage.

Ce siège estant devant Thun l'Evesque, chil de la garnison de Bouchain issirent une fois hors, et vinrent au matin cevauchier jusques à Esqerchin, et trouvèrent les honmes en lors lis, et prissent desquels que il vodrent. Et puis se missent au retour et boutèrent le feu en Esqerchin et ardirent Lambres et les fourbours de Douai et tout ce qui de France se tenoit, et rentrèrent dedens la garnison de Bouchain, sans prendre nul damage. Ensi couroient les garnisons, l'un sus l'autre, et faisoient les armes.

Chil de la conté de Hainnau s'esmervilloient trop fort que lors sires estoit devenus, car il n'en ooient nulles nouvelles. Et en parloient li chevalier et li esquier et li consaus des bonnes villes à messire Jehan de Hainnau, et li disoient: «Sire, c'est trop mal fait que vous n'envoiiés plus especiaulment deviers nostre signeur le conte, par quoi il soit bien acertes segnefiiés de l'estat de son pais. Il i a jà plus de siis sepmainnes qu'il se parti, et si n'en ot on nulles nouvelles. Se vous les avés, si n'en avons nous nulle congnissance.» Mesires Jehans de Hainnau respondoit à ces paroles et disoit: «Il n'a pas tenu en ma negligense que je ne m'en soie bien acquités. Monsigneur de Hainnau a esté en Engleterre, et li a li rois d'Engleterre fait très bonne chière et li a proumis, selonch che que il m'a escript et segnefiiet par ses lettres, que il sera dedens le jour Saint Jehan, à poissance de gens d'armes et d'archiers, en la ville de l'Escluse. Et sur ce monsigneur mon cousin est departis d'Engleterre, et monta en mer à Orvelle là où il ariva qant il vint ou pais, et a pris terre à Dourdresc en Hollandes. Et tous enfourmés de l'estat de son pais, et pour resister à l'encontre de la poissance dou duch de Normendie et des François, il est alés deviers le roi d'Alemagne au seqours, et semonre tous les aloiiés. Et temprement vous le verés revenu en ce pais, et gens d'armes à pooir avoecques li.» Fo 60.

P. 25, l. 30: ne l'estoient.—Ms. d'Amiens: il devoient rendre le fortrèche et yaux partir simplement sans riens porter dou leur. Et de ce livrèrent il deus escuiers gentil hommes hostages, pour mieux le duch acouvenenchier. Fo 43.

214 P. 26, l. 1: acorda.—Ms. de Rome: Li auqun, qui consideroient le dangier où li Hainnuier estoient, opposoient au tretié et disoient: «Pourquoi lor donroit on jour? Il ne se pueent plus tenir. Le chastiel est nostre, se monsigneur le voelt avoir et nous aussi.» Nequedent toutes ces paroles remoustrées, li dus de Normendie s'inclina à douçour, non à rigeur, et entendi à lor trettié. Et i furent recheu, et livrèrent plèges Gillion de Soumain et Tieri de Soumain son frère, Robert de Villers et Hueon d'Aunoit. Et cessèrent li enghien, et se rafresqirent li compagnon, pour lors deniers, de vivres et de vins, et vinrent en l'oost veoir le duch qui les vei volentiers, et lor fist donner de son vin bien et largement. Et là avoit dedens la forterèce une damoiselle gentil fenme, qui enclose s'i estoit pour l'amour de son ami Jehan de Mauni, et se nonmoit Kateline de Wargni, et estoit des damoiselles de l'abeie de Denain. Et estoit si enchainte que sus ses jours, et moult avoit esté destourbée et travillie dou ject des pières des enghiens, tant que tout li compagnon en avoient eu grant pité. Si fu menée à sauveté à Bouchain, et en fu grant nouvelle en l'oost des François, car par lor dangier et congiet, le couvint passer et aler en la garnison de Bouçain. Fo 60.

P. 26, l. 7: par le trettiet devisant.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: pour le traittiet devisier. Fo 59 vo.

P. 26, l. 9: son neveu.—Ms. d'Amiens: qui moult s'esmervilla dou conte son nepveult qui tant demouroit. Et l'avoit jà remandet par pluiseurs messaiges, et li avoit escript et contenut veritablement l'arsin et le doummaige que ses pays avoit recheus, dont li comtes n'estoit mies plus liéz, et metoit paynne à son retour à revenir hasteement, et aqueroit amis de tous costéz. Fo 43.

§ 109. P. 26, l. 22: de Byaumont.—Ms. de Rome: et de Chimai. Fo 60 vo.

P. 26, l. 27 et 28: amendet.—Ms. de Rome: et avoit esploitié et avanchié ses besongnes que toutes gens d'armes d'Alemagne, liqel estoient aloiiet et ahers en la gerre avoecques le roi d'Engleterre, le sievoient et par l'ordenance et conmandement de Lois le Baivier, roi d'Alemagne et empereour de Ronme. Fo 60 vo.

P. 27, l. 11: arroy.—Ms. d'Amiens: à touttes ses os de Haynnau, de Hollande, de Zellande. Fo 43.—Ms. B 6: Sy avoit en l'ost du dit conte plus de cent milles testes armées. Fo 149.

215 P. 27, l. 13: à Nave.—Ms. de Rome: et s'en vint passer à Haspre, et vint à Nave et à Iwis. Fo 60 vo.

P. 27, l. 19: Ligne.—Mss. A 15 à 17: Ligny. Fo 60.

P. 27, l. 19: Barbençon.—Mss. A 15 à 17: Barbentoing. Fo 60.

P. 27, l. 20: Lens.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Leul, Lueul, Lueil. Fo 60.

P. 27, l. 20: Bailleul.—Ms. et Amiens: li sires de Moriaumés. Fo 43.

P. 27, l. 21: de Mons.—Ms. d'Amiens: li sires de Faignuelles,... li sires de Jeumont, li sires de Solre, li sires de Boussut,... li sires de Vendegies,... li sires d'Aubrecicourt, li sires de Berlaimont,... li sires de Pottes,... li sires de Ranpemont, li sires de Buillemont, li sires de Ville. Fo 43.

P. 27, l. 21 et 22: li sires de Montegni.—Ms. d'Amiens: li sires de Montegni en Ostrevant,... li sires de Montegny Saint Chrestofle. Fo 43.

P. 27, l. 22: Marbais.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 33: Barbais. Fo 60.

P. 27, l. 27: Biauriu.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Beaugeu. Fo 60.

P. 27, l. 29 et 30: Guillaumes de Namur.—Ms. de Rome: Jehans de Namur. Fo 60 vo.

P. 27, l. 32: de Braibant.—Ms. de Rome: Li dus de Braibant fu li darrain venans et amena bien siis cens lances. Fo 60 vo.

P. 27, l. 32: six cens.—Mss. A 11 à 14: sept cens. Fo 58.

P. 28, l. 1: Guerles.—Ms. d'Amiens: à quatre cens lanches. Fo 43.—Ms. de Rome: à bien trois cens lances de Guerlois. Fo 60 vo.

P. 28, l. 1: de Jullers.—Ms. d'Amiens: à trois cens lanches. Fo 43.—Ms. de Rome: et li contes des Mons à bien cinq cens lances. Fo 60 vo.—Les marquis de Julliers, de Meissen et de Brandebourg ne sont dénommés que dans les mss. B.

P. 28, l. 2: et d'Eurient.—Ms. de Rome: à deus cens lances. Fo 60 vo.

P. 28, l. 2: de Blankebourch.—Ms. d'Amiens: à deus cens lanches. Fo 43.

P. 28, l. 3: des Mons.—Ms. d'Amiens: li comtes des Mons et li comtes de Clèves à cent lanches. Fo 43.—Ms. de Rome: 216 li contes de Jullers et li contes des Mons à bien cinq cens lances. Fo 60 vo.

P. 28, l. 3: de Faukemont.—Ms. d'Amiens: à cinquante lanches. Fo 43.—Ms. de Rome: à bien cent lances. Fo 60 vo.

P. 28, l. 4: de Bakehen.—Ms. de Rome: à bien cent lances. Fo 60 vo.

P. 28, l. 6 et 7: d'Escaut.—Ms. de Rome: entre Cambrai et Nave. Fo 60 vo.

§ 110. P. 28, l. 13: Nave et Yvuis.—Ms. de Rome: deus villages les plus proçains de Thun l'Evesque. Fo 61.

P. 28, l. 20: douze.—Ms. d'Amiens: trois mille. Fo 43.

P. 28, l. 29: si poissamment.—Ms. de Rome: En l'oost le conte de Hainnau avoit vingt chinq cens hiaumes. Et vinrent les communautés de Brousselles, de Louvain et de Malignes. Et vint Jaquemes d'Artevelle et amena de Flandres bien soissante mille honmes, et passèrent par Audenarde et par Renais et par Leuse et par Condet et par Valenchiennes. Et tout se logièrent devant l'oost le duc de Normendie. Et estoient en l'oost le conte de Hainnau plus de cent mille honmes. Fo 61.

P. 29, l. 2 et 3: delivret.—Ms. d'Amiens: Et encorres duroient lez trieuwes entre yaux et chiaux de l'ost de Franche. Si envoiièrent un hirault deviers le duc de Normendie, en lui priant que leurs hostaiges il pewissent ravoir, Jehan de Nordvich, un englès et Gillion de Biaurieu. Li dus, qui fu bien consilliéz, les renvoya, car il n'avoit nul cause dou tenir. Fo 43.

Ms. de Rome: Or i ot manière à ravoir les quatre esquiers ostagiers que chil de Thun l'Evesque avoient delivré au duch de Normendie. Li contes de Hainnau, qui chiés estoit de toute cel hoost, qant il fu bien consilliés, envoia un hiraut deviers le duc de Normendie, qui li remoustra conment chil dou chastiel de Thun avoient bien tenu leur couvenance, et que dedens les quinse jours que mis i avoient, secours lor estoit venus, pour quoi ils voloient ravoir lors ostages. Et en oultre mandoit li contes de Hainnau, se li dus de Normendie et li François voloient avoir la bataille, il estoient tout apparilliet que pour le livrer et le faire. Li consauls dou duch de Normendie respondi à ce et dist que, des ostages renvoiier, il estoient consilliet que il les renvoieroient volentiers, car voirement il n'avoient nulle cause dou retenir; mais tant que d'acorder la bataille, il n'avoit pas mis encore son consel ensamble, 217 et que il en aueroit avis de respondre. Li hiraus retourna sus ce et fist sa response. Li ostage furent renvoiiet, et demora li chastiaus de Thun l'Evesque ensi tous deschirés. Li Hainnuier n'en fissent compte, mais il tinrent à grant vaillance ce que Richars de Limosin et li enfant de Mauni l'avoient si bien tenu contre les François. Fo 61.

P. 29, l. 3: le quatrime jour.—Mss. A 11 à 14: le sixième jour. Fo 58 vo.

P. 29, l. 15: dou chastiel.—Ms. d'Amiens: et au partir il boutèrent le feu en le tour dou castiel de Thun où si longhement il s'estoient tenut. Si vinrent messires Richiers de Limozin et li enfant de Mauny et li autre compaignon en le tente dou comte de Haynnau. Fo 43.

§ 111. P. 30, l. 20: combatre.—Ms. de Rome: Et le faisoient li François tout volentiers pour faire le conte de Hainnau aleuer son argent, et li bouter en une grande debte encontre les Alemans qui ne sont pas trop legier à rapaisier. Fo 61.

P. 30, l. 21: hastieux.—Ms. d'Amiens: mès s'il passoit l'Escault, il fust tous seurs qu'il seroit combatus. Fo 43 vo.

P. 30, l. 31: sages.—Ms. d'Amiens: et si avoit li comtes sa fille. Fo 43 vo.

P. 31, l. 32: faisoient.—Ms. d'Amiens: Et tout enssi comme en l'ost haynuier, on se demenoit par conssaux sus l'entente de combattre ou de non, ossi en l'ost de France on se consilloit et avisoit coumment et par honneur on se maintenroit. Bien disoient li pluiseur grant signeur de Franche que li dus gisoit là à se honneur, car il avoit chevauchiet en Haynnau, ars et essilliet le pays et courut devant lez fortrèches, et demouret ung jour tout entier devant le milleur ville de Haynnau et courut et ars jusquez as bailles, et puis assegiéz deux castiaux propisses à Haynnau et trop ennemis au royaume et à Cambresis, et ces deux castiaux pris et abatus. «Et encorres sont il devant leurs ennemis, qui pas ne leur veeroient à faire ung pont, se faire le volloient, fors tant que li Haynuier et li aloiiet sont maintenant trop plus fort et plus grant nombre de gens que li Franchoix. Si lez fet bon tenir en cel estat, car li comtes de Haynnau gist là à grant fret, et tellement s'endebtera deviers ces Allemans que jammès ne s'en vera quittes ne delivrés, à quoy qu'il mande ne qu'il se demainne. Se ne li acordéz nulle journée.» Enssi ou 218 auques priès estoient li parlement de France, si comme j'oy recorder depuis deux grans barons de Franche qui y furent, monseigneur de Montmorensi et monseigneur de Saint Venant. Fo 43 vo.

§ 112. P. 32, l. 1: Haynau.—Ms. d'Amiens: liquelx li looit bien à combattre et venir passer l'Escault à Bouchain et une autre petitte rivierre qui descent d'amont, que on ne poet passer à gué, qui vient de Oizi en Cambresis et de Alues en Pailluel. Là falloit leur pourpos, car se il avoient passet l'Escaut à Bouchain, se leur couvenroit faire un pont sus ceste autre rivière. Fo 43 vo.

P. 32, l. 10: trois jours.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: jour de respit. Fo 61.

P. 32, l. 15: troisime.—Mss. A 1 à 6, 11 à 17: quatrième. Fo 61 vo.

P. 32, l. 16: chevaliers.—Ms. d'Amiens: et fist armer deux chevaliers avoecq lui et trois escuiers. Et montèrent li chevalier sus courssiers, et li escuier sus bons ronchins. Fo 44.

P. 32, l. 17 et 18: devant.—Mss. A 11 à 14: et un aultre chevalier qui portoit son pennon devant lui, montez sur bons coursiers. Fo 59.

P. 32, l. 25: Haynau.—Ms. d'Amiens: par son tourniquiel et ung pignon qu'il faisoit porter de ses armes devant lui. Fo 44.

§ 113. P. 34, l. 7: Edouwart.—Ms. de Rome: Li rois Edouwars d'Engleterre avoit, tout l'ivier et le temps, entendu à ses besongnes et priiet chevaliers et esquiers en son pais et quelliet, par priière et par ordenance de don que son peuple li avoit fait bon une aide moult grose, grant argent, car il esperoit que sus l'esté il feroit un grant fait; et sus cel estat, il estoit departis des Alemans. Et avoit li dis rois d'Engleterre fait ses pourveances moult grandes et moult groses sus la rivière de la Tamise en la chité de Londres; et là avoit fait son mandement et assamblé grant fuisson de nobles, chevaliers et esquiers et archiers.

Qant tout fu prest, et la navie cargie, li rois d'Engleterre entra en son vassiel. Toutes ses gens entrèrent et montèrent, ensi que ordonné estoit, et se desancrèrent dou qai de Londres, et singlèrent aval la Tamise et vinrent de celle marée devant 219 Gravesaindes; de la seconde marée, devant Mergate, et puis entrèrent en mer; et pooient estre environ siis vingt vassiaus, nefs, balengiers et passagiers, quatre mille honmes d'armes, chevaliers et esquiers et douse mille archiers. Et avoient li rois et ses gens la mer et le vent pour euls, et nagièrent à pooir viers la ville de l'Escluse en Flandres. Et ne savoient riens les Englois des Normans qui se tenoient devant l'Escluse bien quarante mille, et atendoient le retour et venue dou roi d'Engleterre. Bien sçavoient les Englois que les Normans esqumeurs estoient sus la mer, mès il ne les quidoient pas trouver à l'Escluse. Et tout che lor faisoit faire li rois de France qui lor voloit brisier lor voiage.

Et estoient li Normant, parmi les Geneuois et Piqars, bien quarante mille honmes, desquels mesires Hues Qierès d'Amiennois, Barbevaire et Bahucès estoient chiés. Et avoient bien deux cens vassiaus parmi ceuls des pourveances, et avoient ensi que assis la ville de l'Escluse; et n'i pooit nuls entrer ne issir, fors par lor congiet. Or avint que, la vegille de la Saint Jehan Baptiste que on compta pour lors en l'an de grasce Nostre Signeur mille trois cens et quarante, li rois d'Engleterre et sa navie vinrent devant l'Escluse, c'est à entendre pour prendre port et terre priès de Blanqueberghe, à deus lieues de l'Escluse, et trouvèrent la navie des Normans. Des mas qui drecoient contre mont, ce sambloit uns grans bois. Qant li rois d'Engleterre et les Englois orent congnissance que li Normant estoient devant l'Escluse, et ne pooient prendre terre fors par lor dangier, si jettèrent lors ancres, et se tinrent tout quoi pour entendre à lors besongnes et ordonner lors batailles. Lors fist li rois d'Engleterre pluisseurs chevaliers nouviaus, car bien veirent generaument que combatre les couvenoit. Qant la mer fu revenue, il desancrèrent et ordonnèrent tous lors vassiaus; et missent les plus fors devant, et les armèrent et pourveirent d'archiers. Entre deus nefs d'archiers avoit une nef de gens d'armes. Fo 61.

P. 34, l. 12: par mer.—Ms. d'Amiens: à bien quatre mille hommes d'armes et douze mille archiers. Fo 44.

P. 34, l. 13: vaissiaus.—Ms. B 6: à tout quatre mille hommes d'armes et huit mille archiés. Fo 151.

P. 34, l. 16: se tenoient.—Ms. B 6: devant l'Escluse, entre Blancqueberge et Quaisant. Fo 151.

P. 34, l. 18: sept vingt.—Ms. d'Amiens: cent. Fo 44.—Mss. A 1 à 6: six vingt. Fo 59.

220 P. 34, l. 20: quarante mille.—Ms. B 6: Et estoient plus de quarante mille hommes, Gheneuois, Normans et Picars, tout escumeurs de mer. Fo 151.

P. 35, l. 5: vassiel.—Ms. d'Amiens: qui tant li avoit coustet au faire. Fo 44.

P. 35, l. 20: temps.—Ms. d'Amiens: jà par le tierme de deus ans et plus. Fo 44.

P. 35, l. 21: trois cens.—Mss. A 11 à 14: à quatre cens hommes d'armes et à huit cens archiers. Fo 60.

§ 114. P. 35, l. 25: Quant.—Ms. de Rome: Qant tout furent ordonné, li vassiel le roi d'Engleterre aprochièrent. Che estoit biautés et grant plaisance au veoir ces banières et ces estramières armoiies des armes des signeurs. Et à ce que li Normant moustrèrent, il desiroient avoir la bataille as Englois. Car, si tretos que il les veirent aprochier, il avoient croisiet tous lors vassiaus, il traisent les ancres à mont, et laissièrent les voilles aler, et s'en vinrent tout de grant volenté sus la navie des Englois. Et ordonnèrent à aler tout devant Cristofle, le grant vassiel, lequel en celle meisme anée il avoient conquis sus les Englois. Qant Englois et Normans s'encontrèrent, il i ot grant hustin; et à l'entrer l'un dedens l'autre, il abaisièrent tous lors voilles.

Ou grant vassiel de Cristofle qui se remoustroit desus tous les aultres, avoit bien quatre cens geneuois arbalestriers, liquel conmenchièrent à traire moult roit et moult dur à l'aprocier. Li Englois recongneurent bien que c'estoit Cristofle, le vassiel qui avoit esté conquis sus euls. Si furent plus desirant dou reconquerre, et l'environnèrent de tous lés. Et conmenchièrent archier à traire de grant randon, et à aprochier ce vassiel Cristofle et les Geneuois qui dedens estoient. Vous savés que archier de l'arc à main sont trop plus isniel que ne soient arbalestrier. Chil archier d'Engleterre, par ouniement traire fort et roit, ensonniièrent tellement ces Geneuois que il furent mestre et signeur de euls, et entrèrent dedens Cristofle et le conquissent, et missent à mort et à bort tous les Geneuois que il i trouvèrent. En ce vassiel pooient bien mille honmes. Tantos il fu pourveus d'archiers et de gens d'armes, liquel portèrent grant contraire as aultres.

Li rois d'Engleterre, li contes de Pennebruq, li contes de Houstidonne et leur bataille bien ordonnée et acompagnie de gens d'armes et d'archiers, avoient asamblé là où mesires Hues 221 Quierès et Bahucès estoient, bien acompagniés aussi de Normans et de Geneuois. Et là fu la bataille très grande et très perilleuse; car chil Normant et chil Geneuois estoient tout esqumeur et coustumier de la mer, et trop bien en pooient la painne, car en tout lor vivant il n'avoient fait aultre cose que poursievir les aventures d'armes sus la mer. Aussi au voir dire, Englois sont bonnes gens de mer, car il en sont fait et nourri, et trop bien en pueent la painne. C'est trop dure bataille sus mer, et trop perilleuse, car il fault atendre l'aventure, ne on ne poet fuir.

Ceste bataille dont je vous parole, fu durement bien combatue et longement dura; et conmença la nuit de la Saint Jehan Baptiste au matin, ensi que à huit heures; mais elle dura jusques à cinq heures apriès nonne, et que la mer fu ralée et revenue. Considerés se là, en ce terme et espasce, il n'i peurent pas avenir des grans fais d'armes: oil, car il estoient tout resvillié et ordonné à ce faire, tant li Englois conme li Normant. Fo 61 vo.

P. 36, l. 12: devant.—Ms. d'Amiens: bien pourveu d'artillerie et d'arbalestriers. Fo 44 vo.

P. 36, l. 13: dedens.—Ms. d'Amiens: ou plus parfont pour mieux combattre. Fo 44 vo.

P. 36, l. 16: ennemis.—Ms. d'Amiens: mout fierement et moult asprement là traioient li arbalestrier normant et jeneuois très roit et très vigereusement, et li archier d'Engleterre ossi mout songneusement. Fo 44 vo.

P. 36, l. 21: hardiement.—Ms. d'Amiens: et bien le couvenoit, car li Normant avoecques leurs ayewes estoient bien cinq contre ung, et tout dur et gent de mer. Fo 44 vo.

P. 36, l. 26: combatre.—Ms. d'Amiens: Et entroient d'un vaissiel en aultre li plus legier et vigereux, et li plus batillèrent là. Se combatoient li aucun, main à main, as espies et as haches, as espois et as daghes, et luttoient et fesoient merveilles de belles appertises d'armes. Là crioient li Englès: «Saint Jorge! Giane!» et trop bien assalloient et deffendoient. Et li Normant crioient: «Franche!» et ossi trop bien se combatoient. Fo 44 vo.

§ 115. P. 37, l. 5: horrible.—Ms. de Rome: Et ce qui donna très grant avantage as Englois, ce fu que ens ou conmencement de la bataille, il conquisent Cristofle le grant vassiel; et qant il l'orent conquis, il le pourveirent d'archiers, et i en i entra plus de mille. Et chil archier avoient très grant avantage de 222 traire au lonc et de ensonniier Normans, liquel n'estoient pas de si grant valleur as armes, ne de deffense conme estoient les gens d'armes d'Engleterre.

Pour lors li rois d'Engleterre estoit en la flour de sa jonèce, et point ne s'espargnoit, mais s'aventuroit en la bataile aussi aventureusement conme nuls de ses chevaliers, et moustroit bien en faisant armes que la besongne estoit sienne. Li rois estoit en un vassiel moult fort et moult biel qui avoit esté fais, ouvrés et carpentés à Zandvich, et estoit armés et parés de banières et d'estramières très rices, ouvrées et armoiies des armes de France et d'Engleterre esquartelées; et sus le mast amont avoit une grande couronne d'argent dorée d'or, qui resplendisoit et flambioit contre le solel. D'encoste le roi estoient li contes Henri Derbi, son cousin germain, li contes de Norhantonne et li contes de Herfort, et avoit quatre chevaliers ses cambrelens, mesires Jehans Candos, mesire Richars La Vace, messire Richars de Pennebruge et mesire Richars Sturi, tout quatre honmes de grant vaillance. Les nefs estoient acroqies et atachies les unes as aultres, et ne se pooient departir. Et là avoit dure bataille, et dedens les nefs fait tamainte apertise d'armes. Finablement li Englois obtinrent la mer et la place. Et furent chil esqumeur normant, piqart, geneuois, bidau et prouvenciel desconfi; et trop petit s'en sauvèrent, car à la desconfiture il ne porent. Cause pourquoi, je le vous dirai.

Les Englois en venant les avoient enclos entre euls et l'Escluse. Se ne pooient requler, fors sus lors ennemis, ne aler avant, ne rompre la navie d'Engleterre qui avoient propris tout le pasage de la mer. Chil et auqun, qui se quidièrent sauver pour venir à l'Escluse, furent mort davantage; car li Flamenc, qui avoient grant haine à euls, pour tant que toute la saison il avoient cuvriiet et heriiet le pasage à l'Escluse, et robé et pilliet sus la mer, et n'avoient eu cure à qui, les tuoient otant bien sus la terre que en la mer, et n'en avoient nulle pité. Et vinrent là, que de Bruges, que de Ardenbourc, que de Otebourch, de Blanqueberghe et dou Dam, à l'Escluse, plus de huit mille honmes qui rafresqirent grandement les Englois et parfissent la desconfiture des Normans. Barbevaire fu mors et jetés de son vassiel en la mer. Aussi mesires Hues Qirès ot la teste copée sus le bort de une nef et (fu) reversés en la mer. Bahucès fu pris en vie; et pour tant que il avoit esté tous jours fors lerres et robères sus la mer, li 223 amirauls de la mer d'Engleterre le fist sachier amont à une polie et pendre à un mas et estrangler.

P. 37, l. 15: nonne.—Ms. d'Amiens: Et dura la bataille de l'heure de primme jusquez à relevée. Et adonc vinrent grant gent de Flandres, car très le matin li bailliux de l'Escluze l'avoit fet segnefiier à Bruges et ès villes voisinnes. Si estoient les villes touttes esmutes et acourutes à piet et à cheval et par le Roe, cheminans qui mieux mieux pour aidier les Englès. Et s'asamblèrent à l'Escluse grant cantité de Flammens, et entrèrent en nefs et en barges et en grans vaissiaux espagnols, et s'en vinrent jusquez à le bataille tout fresk et tout nouviel, et grandement reconfortèrent les Englès. Fo 44 vo.

P. 37, l. 24: Derbi.—Ms. d'Amiens: .... li evesques de Lincolle,... li comtes de Norhantonne,... li sires de le Ware, messires Loeys de Biaucamp, messires Guillaume Filz Warine, li sires de Basset,... li sires de Luzi, messires Guillaume de Windesore, messires Thummas de Hollandes, messires Richars de Pennebruge,... li sires de Ponchardon, messires Niel Lornich, messires Olivier de Clifort, messires Henris de Biaumont, messires Francques de le Halle, li sires de Ferières, li sires Despenssier.... Fo 44 vo.

P. 38, l. 2: Brasseton.—Mss. A 8 à 10: Buisseton. Fo 58.—Mss. A 23 à 29: Barsseton. Fo 72 vo.

P. 38, l. 9: vassaument.—Ms. d'Amiens: avoecq l'ayde de leurs archiers. Fo 44 vo.

P. 38, l. 9: secours.—Ms. B 6: A ceste desconfiture parfaire vinrent les Flamens du Francq de Bruges, de Noefport et du pays environ, qui grandement aydèrent le roy d'Engleterre et le rafresqirent en sa bataille: laquelle bataille fu l'an de grace Nostre Seigneur mil trois cens et quarante, le nuit Saint Jehan Baptiste. Fo 149.

P. 38, l. 11: Et furent.—Ms. B 6: Et furent tout ces Normans et leur sexte desconfis, mors ou noiiés, et messires Hues Kierès et Bahucès leur patron mors et mis à bort. Sy se sauva Barbenaire, Marans et Mestriel; et entrèrent en une barge quant il virent le desconfiture. Che fu une moult belle journée pour le roy d'Engleterre, car il mist là à fin plus de quarante mille hommes qui tant avoient fait de mal sur la mer que sans nombre; ne il n'estoit nul marchans qui devant ceste bataille osast aler sur mer. Fo 149.

224 P. 38, l. 13: noiiet.—Ms. d'Amiens: excepté Barbevaire et Maraut qui se sauvèrent. Car, quant il virent le desconfiture, il entrèrent en une barge et fissent tant par rivier qu'il yssirent de le bataille et eslongièrent les perilx qui moult grant y estoient entre leurs gens, car on n'en prendoit nul à merchit, mès les mettoit on tous à bort. Là furent mort messires Hues Kierès et messires Pierres Bahucès et bien quarante mille saudoiiers, normans, pikars, geneuois, bretons, bidaus et gens de touttes queilloites. Ceste bataille fu en l'an de grace Nostre Seigneur mil trois cens quarante, le jour devant le vegille Saint Jehan Baptiste. Fo 44 vo.

P. 38, l. 14: mis à (mort).—Mss. A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 33: mis à bort. Fo 58.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: perilz et noyés. Fo 63.—Mss. A 11 à 14: mors et noyez et mis au bort. Fo 60 vo.

P. 38, l. 19: resjoy.—Ms. d'Amiens: Adonc dist li dus de Braibant que ses pourpos estoit averis et que une autre foix il fuist mieux creux et que ses cousins li rois englès, puisqu'il estoit dechà le mer, lez ensonnieroit temprement, et que bon seroit de l'aller vers lui, ensi que on li avoit juret et proummis. Là eurent li seigneur qui avoecq le comte de Haynnau estoient, conseil et advis que d'iaux deslogier le matin et de donner touttes mannierres de gens congiet jusques adonc qu'il seroient semons et mandet de par yaux ou nom dou roy englès, et que tout li cief des grans seigneurs qui là estoient, se retraissent deviers le roy d'Engleterre qui s'en venoit à Gand. Donc fu criiet et nonchiet en l'ost que chacuns devant soleil levant se deslogast. Ossi fu il enssi en l'ost le roy de France, car environ mienuit li roys oy lez nouvelles que sen armée sour mer estoit toutte perdue et desconfite, et que nuls de vaille n'en estoit escappés, et estoit li roys englès à grant effort venus par dechà le mer. De ces nouvelles fu li roys de Franche moult courouchiés, car il avoit eu grant fianche en ces Geneuois et Normans que par yaus fuist li rois englès desconfis sus mer et ses voiaiges rompus. De quoy pour le mautalent il ordonna le matin à deslogier et à retraire vers Arras et illoecq environ. Enssi furent departies ces deux os que vous m'oés recorder, de devant Thun, et requeillèrent tentes et pavillons et misent à charoy. Et revint li comtes de Haynnau à Vallenchiennes et là amena le duc de Braibant, le duc de Gerlles, le comte de Jullers, son serourge, le comte de Namur, le marquis de Blancquebourch, 225 monseigneur Jehan de Haynnau son oncle, le marquis de Misse, le seigneur de Fauquemont, Jaquemon d'Artevelle, et lez festia et honnoura au mieux qu'il peult. Et cil dessus dit fissent leurs gens tout bellement retraire et raller en leurs lieux. Et ossi li roys de Franche se desloga ceste meysme matinée et s'en vint à Arras, et ducs et comtes avoecq lui, et ne donna nullui congiet, car il penssoit bien qu'il en aroit temprement affaire. Or revenrons au roy d'Engleterre et coumment il se ordonna apriès le bataille qu'il eult entre Blancqueberghe et l'Escluze. Fos 44 vo et 45.

§ 116. P. 38, l. 26: nakaires.—Mss. A 11 à 14: tabours, cornez et de toutes manières d'instrumens, telement que on n'i ouist pas Dieu tonnant. Fo 61.

P. 38, l. 27: menestrandies.—Ms. de Rome: Et amenoit li rois d'Engleterre en sa compagnie bien trois cens prestres, les quels il avoit mis hors d'Engleterre, pour celebrer et faire l'office de Dieu en Flandres. Car papes Clemens V[I], resgnans pour ce temps, à la requeste et ordenance dou roi de France, avoit jetté une sentense d'esqumenication par toutes les parties de Flandres. Et n'estoit nuls prestres flamens, sus estre encourus en sentense esqumenicative, qui osast canter ne faire le divin office, ou estre privés de son benefisce, se il le tenoit. Et pour che, à la requeste et priière dou pais, avoit li rois d'Engleterre amené tant de prestres, et pour faire canter en Flandres. Fo 62.

P. 39, l. 5: à l'endemain.—Ms. B 6: Au tierch jour. Fo 150.

P. 39, l. 10: sus le soir.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: la nuit. Fo 63.

P. 39, l. 13: part.—Ms. d'Amiens: et lez dammes ossi qui estoient venues veoir et apassées le mer pour l'amour de le roynne d'Engleterre qui estoit moult enchainte, et assés tost apriès ajut d'un biau fil, qui eut à nom Jehans contre le duc Jehan de Braibant qui le tint as fons. Et fu puis duc de Lancastre de par sa femme ma damme Blanche, fille au duch Henri de Lancastre. Fo 45.

P. 40, l. 4: li signeur.—Ms. d'Amiens: li dus de Braibant, li comtes de Haynnau, li dus de Guerlles, li comtes de Jullers, Jaquemes d'Artevelle, qui estoit tous sires et souverains des Flammens. Fo 45.

226 P. 40, l. 7: le sizime jour.—Mss. A 1 à 7: le huitième jour. Fo 63.

P. 40, l. 18: lieu.—Ms. d'Amiens: Et li comtes de Haynnau et messires de Biaumont, ses oncles, demeurèrent dalés le roy et le roynne à Gand. Fo 45.

§ 117. P. 40, l. 24: Quant.—Ms. de Rome: Le jour Saint Jehan au matin, furent ces nouvelles sceues et publiies devant Thun l'Evesque, tant en l'oost dou conte de Hainnau conme dou duch de Normendie. Par aparant li François ne fissent point trop grant compte de ces Normans, et dissent li auqun: «On n'a riens perdu, se chil esqumeur de mer sont mort et peri. Il n'estoient que larron: il ne laisoient point de poisson venir par de deçà, nous n'en poions point avoir pour euls. Li rois de France a à lor mort gaegniet deux cens mille florins. On lor devoit lors gages de quatre mois, et si en est la mer delivrée.» Ensi, ne aultrement ne les plaindoient moult d'onmes en l'oost le roi de France et le duch de Normendie. Et li auqun disoient: «Puisque li rois d'Engleterre a eu celle première aventure de desconfire les Normans et les Geneuois, et que les victores le conmencent à agratiier, il en auera encores des aultres.» Et bien le dist li rois Robers de Cecille, de Naples et de Jherusalem, que li senglers de Windesore ficeroit encores ses dens moult parfont ens ès portes de Paris; et chils Edouwars est li senglers de Windesore, ensi que dient les prophesies de Merlin selonch le livre de Bructus.

Le jour Saint Jehan Baptiste, en l'an de grasce desus dit, et sus le point de neuf heures, issi li rois d'Engleterre de la navie qui estoit à l'ancre devant l'Escluse, et li signeur d'Engleterre aussi; et vinrent en la ville de l'Escluse, et là furent recheu à grant joie. Et but et manga li rois un petit, et puis tout de piet il vint à Ardenbourc veoir le ymage de Nostre Dame, en cause de devotion, et là fu tout le jour. Et là le vinrent veoir li bourgois de Bruges qui lui recordèrent des besongnes de Flandres, et conment Jaquemes d'Artevelle, ses grans amis, estoit avoecques le conte de Hainnau et le duch de Braibant et les Alemans, à bien soisante mille Flamens, à l'encontre dou duch de Normendie logiés, et couroit renonmée que il i aueroit bataille. Ces paroles entendi li rois d'Engleterre volentiers, pour tant que d'Artevelle estoit si bien en la grasce des Flamens que il les menoit où il voloit. Si mist tantos li dis rois clers en oeuvre et messagiers, et 227 escripsi au conte de Hainnau et à ces signeurs le duch de Braibant, le duch de Guerles, le conte de Jullers et tous les aultres, son estat et la manière de l'estat et victore que il avoit eu sus mer à l'encontre des Normans. Et qant il ot fait ce pour quoi il estoit venus à Nostre Dame d'Ardenbourch, ils et auquns signeurs montèrent sus chevaus que on lor amena de Bruges, et cevauchièrent et vinrent à Gant, et trouvèrent madame la roine Phelippe, qui nouvellement estoit relevée d'un biau fil, liquels avait à non Jehans, contre le duch Jehan de Braibant, et puis fu dus de Lancastre.

Li rois et la roine qui estoit logie l'abeie de Saint Pière se conjoirent, ce fu raisons, ensi que gens qui s'entramoient grandement. Si se tint là li rois et s'i rafresqi. Et aussi fissent li signeur d'Engleterre et lors gens, et s'espardirent petit à petit parmi le pais de Flandres, ens ès bonnes villes et aillours, et estoient par tout conjoi et requelliet liement, car il paioient bien tout ce que il prendoient.

Qant li signeur d'Alemagne, qui gisoient devant Thun l'Evesque, furent segnefiiet dou roi d'Engleterre que il estoit à Gant, et que là les atendoit, si en furent grandement resjoy, et orent là consel l'un par l'autre que il se deslogeroient et iroient veoir le roi à Gant. Si se deslogièrent et se departirent premierement tantos les communautés de Flandres, de Hainnau et de Braibant, et retournèrent en lors villes. Ensi se desrompi ceste grande assamblée. Et li dus de Normendie se retraist en Cambrai, et donna grant fuisson de ses gens d'armes congiet, et les envoia par garnisons, et par especial en Lille, en Douai et en Tournai, sus les frontières de Flandres. Et pour ce que renonmée couroit que li rois d'Engleterre et li aloiiet venroient mettre le siège devant la chité de Tournai, on i envoia le conte de Fois et le conte de Conminges, le visconte de Bruninqiel, le visconte de Talar, le visconte de Villemur et le visconte de Nerbonne, à bien cinq cens armeures de fier, de Bidaus et de Foisois. Et encores furent envoiiet en Mortagne, seans sus l'Escaut, li sires de Biaujeu à tout grant fuisson de Bourgignons et de Biaujolois. En la ville de Saint Amant en Peule furent envoiiet biaucop de Bidaus à dardes et à pavais, des quels mesires Pières de Carchasonne, uns moult jentils cevaliers, estoit capitaine. Toutes les garnisons françoises de là environ furent pourveues de ce que il lor besongnoit, pour atendre l'aventure et passer la saison. Et 228 se tint li dus de Normandie à Cambrai un lonch temps, et li rois de France se tenoit à Pieronne en Vermendois, et donnoient saudées à tous geneuois et prouvenchiaus arbalestriers; et qant il estoient paiiet pour trois mois, on les envoioit oultre sus les pas(s)ages et frontières, là où on supposoit que il besongnoient.

Qant li contes de Hainnau et li baron d'Alemagne et li dus de Braibant se departirent de l'oost de devant Thun l'Evesque, il se traissent à ce retour à Valenchiennes, et tout dis Jaquemart d'Artevelle en lor compagnie, ne on ne faisoit riens sans lui, pour tant que toute Flandres estoit en son obeissance, et tenoit un estat aussi estofé conme li dus de Gerles, et plus grant. Et par especial li contes de Hainnau et li dus de Braibant le tenoient grandement à amour, pour tant que lor pais marcissent à Flandres: si en pooient estre aidié dou jour à l'endemain. Li contes de Hainnau et la contesse sa fenme requelli ces signeurs en Valenchiennes moult grandement, et lor fist des biaus disners et soupers, cinq jours que il i furent. Et là preeca li dis d'Artevelle enmi le marchiet, et estoit montés en la hale des signeurs, là où ou anonce les bans, et fu volentiers oïs, car il avoit grant sens et bielle parleure. Et remoustra quel droit li rois d'Engleterre avoit au calenge de la couronne de France, et ausi quèle poissance li troi pais avoient, Flandres, Hainnaus et Braibant, qant il estoient conjoint ensamble et d'un acord et aliance. Chils Jaquemes d'Artevelle parla si proprement à la plaisance dou peuple, qui là estoit asamblés pour oïr ce que il voloit dire, que, qant il conclut son sermon, une vois generaus et murmurations se eslevèrent en disant: «d'Artevelle a bien parlé et par grande experiense, et est dignes de gouvrener et excerser le pais de Flandres.»

Apriès toutes ces coses faites et dittes, li signeur, liquel estoient à Valenchiennes, prissent congiet l'un à l'aultre, et eurent ordenance de estre dedens siis jours apriès à Gant deviers le roi d'Engleterre, et i furent. Et les rechut li rois d'Engleterre et la roine liement et doucement, et là parlementèrent ensamble. Et fu là acordé que li rois d'Engleterre venroit à Villevort, où autrefois avoit esté, et là seroient li signeur tout chil qui presentement estoient à Gant, et pluisseur aultre qui point n'estoient là. Donc se departirent dou roi d'Engleterre et s'en retournèrent li dus de Braibant en son pais, et li contes de Hainnau à Valenchiennes où la contesse sa fenme se tenoit. Mais li signeur 229 d'Alemagne demorèrent à Brouselles et à Malignes et à Louvaing, pour estre plus apparilliet au jour de ce parlement; et li dis Renauls de Gerles, serouges au roi d'Engleterre, demora à Gant, et vint à Villevort avoecques le dit roi. Fos 62 vo et 63.

P. 41, l. 3: car.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22: il s'en doubtoit plus que d'autres (Mss. A 11 à 14: d'autre ville qu'il eust) pour cause des Flamens. Fo 63 vo.

P. 41, l. 5: Biaugeu.—Mss. A 11 à 14: le sires de la Baume. Fo 61 vo.—Mss. A 2 à 6: le sire de Wauvrins. Fo 63 vo.—Mss. A 1, 18 à 23: Beaurieu.

P. 41, l. 17: guerre.—Mss. A 11 à 14: pour obvier à l'effusion de sang et à la grant destruction du peuple et de l'Eglise qui s'en povoient ensuir. Fo 61 vo.

§ 118. P. 42, l. 5: oncles.—Ms. d'Amiens: et leurs conssaux, li ducs.... Fo 45.

P. 42, l. 7: des Mons.—Mss. A 11 à 14: de Vaudemont. Fo 62.

P. 42, l. 8: Faukemont.—Ms. d Amiens: .... li comtes de Los. Fo 45.

P. 42, l. 9: d'Artevelle.—Ms. de Rome: conme souverains de Flandres. Fo 63 vo.

P. 42, l. 12: deus ou quatre.—Mss. A 8 à 10: trois ou quatre. Fo 58 vo.—Mss. A 11 à 14: deus ou trois vaillans bourgois. Fo 62.

P. 42, l. 27: seelet.—Ms. de Rome: sus painne de encourir en contredit de Ronme et sentense d'Empereur. Fo 63 vo.

P. 42, l. 30: monnoie.—Ms. d'Amiens: une monnoie sannable d'un quind, d'un poix et d'une forge. Fo 45.

P. 43, l. 5: Tournay.—Ms. d'Amiens: car s'il avoient Tournai à leur volloir, il iroient par toutte Franche jusquez à Compiègne et jusques à Coisi à leur vollenté. Et li Flammencq assiegeroient legierement Lille et Douay et prenderoient toudis leurs pourveanches à Tournay, que nulz ne leur poroit destourner. Fo 45.

P. 43, l. 13: estat.—Ms. de Rome: Et li rois d'Engleterre et Jaquemes d'Artevelle retournèrent à Gant. Trois jours apriès la revenue dou roi d'Engleterre à Gant, s'acouça la fenme de ce d'Artevelle d'un fil, et ot nom Phelippes contre la (roine) d'Engleterre, et le tinrent à fons li rois d'Engleterre et la roine. Chils 230 enfes, nonmés Phelippes, fu depuis moult sages et bacelereus, et obtint tout le pais de Flandres à l'encontre dou conte et des signeurs et dou roi de France, ensi que vous orés recorder avant en l'istore. Fo 63 vo.

§ 119. P. 43, l. 14: Phelippes.—Ms. de Rome: qui se tenoit à Pieronne en Vermendois et estoit tenus ou là environ, depuis que son fil le duc de Normendie avoit fait sa cevauchie ens ou pais de Hainnau. Fo 63 vo.

P. 43, l. 25: de Poitiers.—Mss. A 11 à 14: Aimemon de Pommiers. Fo 62 vo.

P. 43, l. 28: de Kaieus.—Ms. d'Amiens: .... monseigneur Godemar dou Fay, le seigneur de Rainneval,... le seigneur de Merlo, monseigneur d'Aufemont, monseigneur de Saint Venant, tout grant baron. Fo 45 vo.—Le ms. B 6 ajoute: le seigneur de Bresekes. Fo 154.

P. 43, l. 28: senescal.—Mss. A 11 à 14: mareschal. Fo 62 vo.

P. 43, l. 28: Poito.—Ms. A 1: Pontieu. Fo 61 vo.

P. 44, l. 9: regardèrent.—Ms. B 6: .... as portes, as murs, as barbakennes, as bailles et à tout che que necessité leur estoit en la ville. Fo 154.

P. 44, l. 10: artillerie.—Ms. d'Amiens: et as enghiens, as kanons et as espringalles, et les missent bien à point. Et regardèrent as pourveanches de le ville, comment elle estoit avitaillie. Si fissent wuidier grant fuisson de menues gens qui n'estoient mies bien pourveu, et y fissent venir vins, bléz, avoines et grant fuisson de char, tant que la chité fu en point et en estat pour li tenir ung grant temps. Fo 45 vo.

P. 44, l. 11: besongnoit.—Ms. B 6: Et cheux qui bien n'estoient pourveu pour atendre le siège, il les firent partir. Fo 155.

§ 120. P. 44, l. 18: li termes.—Ms. B 6: Quant le jour de la Madelaine fut venus et que les blés estoient par les camps assés bons pour les chevaulx et les avainnes. Fo 155.

P. 44, l. 21: meurir.—Ms. de Rome: Li bleds et les avainnes as camps commençoient à meurer, et li fain estoient fené et les auquns à fener, et c'est li temps que les gens d'armes demandent pour euls et pour lors cevaus. Fo 63 vo.

231 P. 44, l. 21: englès.—Ms. de Rome: volt moustrer meute pour esmouvoir tous les aultres, et avoit requelliet tous les Englois qui espars estoient en Flandres, en Hainnau et en Braibant, et se departi de Gant. Fo 63 vo.

P. 44, l. 22: sept.—Ms. de Rome: huit. Fo 63 vo.

P. 44, l. 23: deus.—Édit. de Verard et de D. Sauvage: huit. Edit. de Lyon, 1559, p. 69.

P. 44, l. 23: deus cens.—Ms. de Rome: quatre cens. Fo 63 vo.

P. 44, l. 24: chevaliers.—Ms. de Rome: En ces quatre cens chevaliers estoient vint et wit banerès, tous grans signeurs, et les contes doubles banerès, et menoient casquns de ces signeurs grant arroi. Et estoit mesires Robers d'Artois ou nombre de ces contes, car on le nonmoit le conte de Ricemont; et pooit celle terre de Ricemont valoir en revenue par an environ siis mille florins. Et li avoit li rois donnée pour tenir son estat, car conment que messires Robers d'Artois fust banis et escachiés de France, ensi que ichi desus est dit, il estoit li uns des plus nobles de sanc et des gentils honmes des Crestiiens, et issus de la droite generation dou roi saint Lois. Fo 63 vo.

P. 44, l. 24: quatre mille.—Ms. B 6: six mille. Fo 155.

P. 44, l. 25: neuf mille.—Ms. de Rome: douse mille. Fo 63 vo.—Ms. B 6: dix mille archiés et otant de Galois. Fo 155.

P. 44, l. 25: pietaille.—Mss. A 11 à 14: sanz les petaulx, tuffes et guieliers. Fo 62 vo.

P. 45, l. 2: vingt mille.—Ms. A 3: dix mille.—Ms. de Rome: sans chevaliers et esquiers, dont il ot plus de quatre cens. Fo 63 voMs. B 6: à tout quatre mille hommes, que chevaliers, que escuiiers, et trente mille communiers. Fo 156.

P. 45, l. 5: terre.—Ms. d'Amiens: car là estoient de son pays tout li gentils hommes et chil dez bonnes villes de Brouxelles, de Louvaing, de Malines, d'Anwiers et de touttes les aultres. Fo 45 vo.

P. 45, l. 6: pont à Ries.—Mss. A 11 à 14: pont de mer. Fo 62 vo.

P. 45, l. 7: le Pire.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: les prés de la porte Valenciennoise. Fos 64 vo et 65.—Mss. A 7, 18 à 33: les prés et la porte Valenciennoise. Fo 59 vo.—Mss. A 8 à 10, 15 à 17, B 3: l'Empire et la porte Valenciennoise. Fo 59.

P. 45, l. 9: Haynau.—Ms. B 6: En après vint le conte de Haynau, le conte de Namur en sa compaignie, monseigneur Jehan 232 de Haynau son oncle, le seigneur d'Engien, le seigneur de Havrech, le seigneur de Lingne, de Lens, le seigneur de Brabenchon, le senescal de Haynau, le seigneur d'Antoing. Et avoit bien le dit conte deux mil lanches, tant de Haynau comme de Hollande, et vingt mil Hollandois. Sy se loga le dit conte au lés devers Explechin. Fo 155.

P. 45, l. 11 et 12: signeur.—Ms. d'Amiens: Et li roys d'Engleterre et toutte sa gent estoient deviers le porte Saint Martin, sus le chemin de Lille. Fo 45 vo.

P. 45, l. 14: soissante mille.—Edit. de D. Sauvage: quarante mille. Lyon, 1559, p. 69.

P. 45, l. 21: aise.—Ms. de Rome: et chariier sans peril; et aussi li Braibençon, liquel estoient logiet sus le Piré, ensi que li Escaus entre en la chité de Tournai, avoient parellement fait un tel pont. Fo 64.

P. 45, l. 23: des Mons.—Mss. A 11 à 14: de Vaudemont. Fo 63.

P. 45, l. 24: Bakehen.—Mss. d'Amiens et de Rome: ... messires Guillaumes de Duvort. Fo 45 vo.

P. 45, l. 25: devers.—Ms. de Rome: les Marvis, au lés deviers Hainnau; et comprendoient lors logeis jusques à la porte de Sainte Fontainne. Fo 64.

P. 45, l. 28: Tournay.—Ms. de Rome: qui est de grant cirquité. Fo 64.

P. 45, l. 30: fust.—Ms. de Rome: Li contes de Namur s'estoit esqusés deviers le conte de Hainnau, de qui il relieuve sa terre et l'en doit service, pour tant que il n'estoit pas chiés de la besongne, mais li rois d'Engleterre; et ne se voloit pas armer li dis contes contre le roiaulme de France. Fo 64.

P. 45, l. 32: fust.—Ms. B 6: Et les nombra on, et estoient bien deux cens milles hommes. Et estoient logiet par telle manière que nul n'en povoit entrer ne yssir en la ville qu'il ne fust veus. Et avoient ceulx de Tournay, pour eulx mieulx forteffier, enterret sept de leur portes. Fo 156.

§ 121. P. 46, l. 5: yawe.—Ms. d'Amiens: par le rivierre d'Escault. Fo 45 vo.—Ms. de Rome: car il lor venoient de Flandres, de Hainnau et de Braibant. Fo 64.

P. 46, l. 8: mention.—Ms. de Rome: Et plus en fissent li Hainnuiier que nuls des aultres. Fo 64.

233 P. 46, l. 9: Haynau.—Ms. B 6: Le conte de Haynau.... ardy en poudre la ville d'Orchies et plus de quarante villaiges ens ou pais. Et assaly Saint Amant et de forche le prist; et furent tous mors cheulx qui dedens estoient, et le senescal de Carcasone ossy qui cappitaine en estoit, et ly abeie ars(e) et destruite. Et depuis revint le dit conte devant le castiel de Mortaigne et le fist assaillir de deux costés par trois jours. Mais le sire de Beaugeu, qui dedens estoit avoecques foison de bonne gens d'armes, le garda et deffendy sy bien que point de damaige il n'y eult ne cheulx de le fortrèche. Fo 157.

P. 46, l. 9 et 10: entreprendans.—Ms. de Rome: et messires Jehans de Hainnau, son oncle, avoient si fort encargiet ceste guerre, et pris en si grant desplaisance et despit la cevauchie que li dus de Normendie avoit fait en Hainnau, que il ne le pooient ne voloient oubliier. Fo 64.

P. 46, l. 13: se parti.—Ms. de Rome: li dis contes et ses oncles. Fo 64.

P. 46, l. 15: Lille.—Ms. de Rome: et vinrent ardoir Habourdins et Seclin, Ronchins et tous les villages de là environ, et la ville et abbeie de Chisoing et Baissi et tous le pais jusques au pont à Raisse à une lieue de Douai, et puis s'en retournèrent viers Landas et viers Orchies et les ardirent. Fo 64.

P. 46, l. 24 et 25: contour.—Ms. d'Amiens: en le Peule, et le ville de Marchiennes ossi et tout le pays costiant le rivière de Scarp jusquez au castiau de Rieulay qui se tient de Haynnau. Et coururent si coureur bien priès de Douay. Fo 45 vo.

P. 46, l. 27: Flamench.—Ms. de Rome: qui estoient logiet à la porte Sainte Fontainne. Fo 64.

P. 47, l. 7: chevalier.—Ms. d'Amiens: Et vous di que li bon chevalier que li roys de Franche y avoit envoiiéz, leur fisent grant confort, et tint Tournay en honneur. Et fissent li Flammencq, entre les autres assaux, un assaut très fort et très mervilleus et par especial sour le rivierre d'Escault, et avoient nefs armées et grant fuisson de bonnes gens dedens. Et aprochièrent ces nefs jusques à le barbakanne de le porte couleiche de l'arche sus l'Escault, et volloient par là entrer en le ville et hantoient Flamencq de haces, de pils et d'autres instrummens ordonnés et aprestés pour rompre. Là estoient as gharittes d'amont li comtes de Foix et si frère, messires Robiers Bertrans, marescaux de France, messires Joffroys de Carni, li sires de Kaieus, et servoient chiaux d'aval 234 tellement qu'il n'y avoit si hardit qui ne resongnaist. Encorres estoient dez barons de Franche en nefs sur l'Eskault par dedens le ville, li senescaux de Poitau, messires Gerars de Montfaucon, messires Mahieux de Trie, messires Godemars dou Fay, et estoient à l'encontre des assallans et se deffendoient vaillamment. Fo 46.

P. 47, l. 9: appareilliés.—Ms. de Rome: et avoient en ces nefs arbalestriers qui traioient à ceuls de dedens, les quels il convenoit estre bien pavesciés, ou il euissent trop grandement perdu. Fo 64.

P. 47, l. 13: six vingt.—Mss. A 11 à 14: huit vingt. Fo 63 vo.

§ 122. P. 47, l. 15: Le siège.—Ms. de Rome: Le siège estant devant Tournai, issirent hors de Saint Amant li saudoiier qui là estoient, et vinrent à Hanon à une petite lieue de là, et passèrent les bos. Si ardirent la ville et violèrent l'abeie, et le destruisirent et le moustier aussi, et enportèrent et menèrent tout ce que de bon il i trouvèrent; mais en devant ce, li abbes de Hanon et li monne avoient amené lor fiètre et lors jeuiauls et les reliques à sauveté en la ville de Valenchiennes.

Qant li saudoiier de Saint Amant orent ce fait, il s'avalèrent parmi les bois que on dist de Rainmes, et vinrent à l'abeie de Vicongue, et ardirent l'ostel dou Pourcelet, et abatirent le conduit de une fontainne qui là estoit, et vinrent à la porte de l'abeie de Vicongne, et le conmenchièrent à asallir. Pour ces jours, il i avoit un abbet, mout vaillant honme, qui se nonmoit Godefroi. Qant il considera le peril de ces bidaus, il fist monter un varlet à ceval, et se parti de l'abeie par derrière, et vint au ferir des esporons à Valenchiennes et au sequours.

Pour ces jours, estoit prevos de Valenchiennes uns moult vaillans homs qui se nonmoit Jehans de Baisci, qui entendi as requestes que dans abbes de Vicongne faisoit, car moult l'amoit et l'abeie aussi. Si ordonna tantos arbalestriers et honmes bien cinq cens à partir et à aler à Vicongne, pour aidier à l'abeie. Chil qui furent esleu se departirent tantos, et prissent le cemin de Rainmes. Et bien lor besongna que il se delivrassent dou venir au seqours pour l'abeie, car li saudoiier de Saint Amant avoient fait un gran feu devant la porte de l'abeie, pour le ardoir et entrer dedens; mais li abbes desus nonmés, qui bien se doubtoit de tout ce, avoit 235 fait armer et vestir la porte de quirs de vaces à tout le poil, par quoi li feus ne se peuist legierement prendre, ne atachier à la porte.

De ces bidaus qui là estoient venu, en i avoit auquns qui en estoient alé et parti de lor compagnons pour pillier à Rainmes. Chil de la ville de Rainmes avoient relevé les fossés à deus costés deviers le bois, et fait à deffense unes grandes bailles; et là ot grande escarmuce, et tant que li arbalestrier de Valenchiennes aprocièrent. Chil bidau les veirent venir sus la caucie et lor banière tout devant; et avoec ce il oïrent dire ces gens de Rainmes qui là se deffendoient et escarmuçoient: «Veci seqours qui nous vient; vechi les Valenciennois.» Ces paroles oïes et les arbalestriers veus, chil bidau se missent tantos au retour, et entrèrent ens ès bos de Saint Amant, et se sauvèrent, et retournèrent en la ville.

Et li Valenchiennois vinrent jusques à Vicongne, et estindirent le feu qui estoit devant la porte. Li abbes Godefrois les remercia grandement de ce seqours, et fist tourner un tonniel de vin sus le fons et lor fist boire, et puis retournèrent à Vallenchiennes. Et li abbes de Vicongne fist tantos coper les bos tout autour de son abbeie et devant aussi, par quoi on ne peuist chevauchier ne venir aisiement jusques à là. Fo 64.

P. 48, l. 5: lui.—Ms. d'Amiens: environ quarante arbalestriers et otant d'archiers à main. Fo 46.

P. 48, l. 5: Raimes.—Ms. d'Amiens: en ce petit bos qui regarde sus le voie de le cauchie dou Pourcelet, liquelle chauchée estoit adonc toutte semée de Franchois qui Vicongne volloient destruire. Fo 46.

P. 48, l. 10: bos.—Ms. d'Amiens: et à chiaux qui les traioient ne pooient avenir, car il y avoit grandes rouillies et fort bos entr'iaux. Fo 46.

P. 48, l. 11: retour.—Ms. d'Amiens: car il se doubtèrent qu'il n'y ewist plus de gens qu'il n'y avoit. Fo 46.

P. 48, l. 12: mieulz.—Ms. d'Amiens: Et li arbalestriers de Vallenchiennes, tout costiant lez bos, les reboutèrent si avant qu'il en delivrèrent le chauchie. Et fu li abbeie deffendue, et li feulx estains, qui devant le porte estoit. Et fist chils abbes copper grant fuisson de bos par derierre, affin que on ne les pewist approchier; et par devant, où point de bos n'avoit, il fist faire grans fossés et parfons et larges. Fo 46.

P. 48, l. 13 et 14: Gascongne.—Ms. d'Amiens: Si comme 236 je vous recorde, che siège durant devant Tournay, avinrent pluisseurs avenues et grans fès d'armes, tant en France comme en Gascoingne et en Escoche, qui ne font mies à oubliier, car ainssi l'ai je proummis à messires et mestres ou coummenchement de mon livre, que tous les biaux fès d'armes dont j'ay le memore et le juste infourmation, je les remeteray avant, jà soit ce que messires Jehans li Biaux en ses cronikes n'en fait mies de tous mention. Mès ungs homs ne puet mies tout savoir, car ces guerres estoient si grandes et si dures et si enrachinées de tous costés que on y a tantost oubliiet quelque cose, qui n'y prent songneusement garde.

Et pour ce voeil revenir ung petit au comte de Laille qui, comme roys de Franche, se tenoit en Gascoingne, et faisoit de celle saison grant guerre contre les Gascons qui pour le roy d'Engleterre se tenoient. Et estoit avoecq lui li comtes de Comminges, li comtes de Pieregorth, li viscomtes de Villemur, le viscontes de Talar, li comtes de Bruniqiel, li viscontes de Carmaing, li viscontes de Murendon, et pluisseur autre baron et chevalier. Et estoient bien six mille à cheval et dix mil à piet, et avoient jà reconcquis pluisseurs bonnes villes et castiaux, tant que Bregerach, Condon, Sainte Basille, Penne, Lango, Prudaire, Zebillach. Et avoient partout mis gens et garnisons pour deffendre et tenir ces castiaux, et seoient devant le Riole, une bonne ville et fort castiel. Si en estoit adonc capitaine ungs chevaliers englès qui s'appielloit messires Jehans li Boutilliers, qui longement et vassaument le tint contre les François. Mès finablement il fu si menés et si appressés par assaulx d'enghiens et d'autres besoingnes, et si veoit ossi que nuls comfors ne li appairoit, car il n'avoit homme en Gascoingne adonc, seigneur de Labreth ne autre, qui se meuist ne resistast as Franchois de riens, mès gardoient chacuns leurs fortrèches au mieux qu'il pooient. Si traita li cappittainne de le Riole, par le consseil et acord de chiaux de le ville, à le rendre au comte de Laille parmy tant qu'il s'en devoit partir, et chil qui partir s'en volloient, sans dammaige; mès il, ne chil qui avoecq lui se partiroient, ne se pooient armer toutte l'année contre yaus ens ès marches et frontierres de Gascoingne. Chilz marchiés fu tenus, et li ville et li castiaux de le Riolle rendus. Et y entrèrent li Franchois baudement, et prisent le feaulté et le serment de chiaux de le ville, et y misent ung chevalier gascon que on appelloit messire Raimmon Segni.

237 Apriès le prise de le Riole et le chevalier dessus noummet ens laissiet, et le ville pourvue et rafreschie de touttes coses qui appertenans y estoient, li comtes de Laille eut consseil qu'il yroit devant Auberoche et l'asegeroit et ne s'en partiroit jusques à tant qu'il l'aroit. Si se parti appertement de le Riolle et fist arouter tout son charoy et ses pourveances, et esploita tant qu'il vint devant le bonne ville de Auberoche et le assiega de tous poins environneement, et y fist faire et livrer pluisseurs assaux grans et mervilleux, mès chil de dedens se deffendoient bien et vaillamment. Et en estoit adonc souverains et gardiiens de par le roy d'Engleterre messires Helies de Pummiers, frères au seigneur de Pummiers, liquelx avoit avoecq lui bonne bachelerie et apperte, qui moult songneux estoient de garder le ville et de enhorter les bourgois de le ville qu'il fuissent loyal et preudomme enviers leur seigneur le roy Edouwart d'Engleterre. Enssi se portoit li affaire; on gerrioit de tous lés. Li roys englès seoit devant Tournai et ardoit et exilloit le pays d'environ. Et li comtes de Laille et li autre comte et baron li ardoient et assegoient son pays en Gascoingne. Ossi li Escot li faisoient une très forte gerre par de delà au costet deviers Escoche, si comme vous orés chy apriès. Fo 46 vo.

P. 48, l. 16: six mille.—Mss. A 11 à 14: huit mille. Fo 63 vo.

P. 48, l. 22: la Barde.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: la Bourde, la Borde. Fo 65 vo.

§ 123. P. 49, l. 1: Vous devés.—Ms. d'Amiens: Endementroes que li sièges estoit devant Tournay, qui y fu grans et lons, et bien dura par l'espasse de onze sepmainnes, li ennemic au roy d'Engleterre se pourveoient de tous lés à lui porter contraire et damage au coummandement et à l'ordonnanche dou roy de Franche, et par especial li baron et chevalier du royaumme d'Escoce. Vous avés bien oy chy devant recorder coumment li rois englès chevaucha en Escoche et conquist Bervic, Rossebourch, Haindebourch, Struvelin, Dalquest et pluisseurs fortrèces, et ardi et essilla toutte le plainne Escoche jusques en Abredane et jusquez à le ville Saint Jehan. Et tout ce fist ainschoix qu'il entrepresist le gherre au roy Phelippe de Franche, par tant que li roys David d'Escoce ne volloit point relever le royaume d'Escoce dou roy englès, car ses gens ne li souffroient. 238 Et dient et maintiennent que li Englèz n'ont nul droit à ce demander, et li Englèz moustrent le contraire. Par enssi y est la gherre et a estet longement et sera encorres ainchois que la cose soit declairie, car li Escot aimment otant le gherre que le pès as Englès, especialement li bachelerie d'Escoce; ne de feus, ne de arssins que li Englès fachent en leur pays, il ne font nul compte, car il ne edefient pas maisson de grant coustaige: il en ont une faite et parfaite, pour demourer à leur usaige assés aisiement, en mains de cinq jours. Et quant il sentent que li Englès doient venir en leur pays, il requeillent leurs bestes et le leur, dont il ne sont gaires ensonniiet, car il ne font compte de grant meuble, et se mètent ens ès foriès, boutent le feu en leurs maisons, affin que li Englès n'en aient point d'aise. Et quant li Englès sont retret en leurs pays, il se requeillent et cevauchent hardiement sour yaux, et entrent en le contrée de Northonbrelant, qui fu jadis royaummes dou tamps le roy Artus, et en l'evesquet de Durem, et se contrevengent bien de leur dammaige. Ensi courent une fois li Escot sus lez Englès et puis li Englès sus les Escos, et maintiennent toudis le gherre que leur predicesseur ont maintenu.

Or seurent li seigneur d'Escoce, qui le pays adonc gouvernoient de par le roy David leur seigneur, qui estoit en Franche, ensi com vous avés oy, que li roys englès seoit devant Tournay et en avoit menet toutte le fleur de se chevalerie, et que li royaummes d'Engleterre estoit ensi que tous wis, et que li comtes de Sallebrin, messires Guillaumes de Montagut, qui tant de dammaiges leur avoit fès et portés, estoit pris dez Franchoix et emprisonnés en Castelet en Paris, et li comtes de Sufforch avoecq lui, ossi messires Gautier de Mauni estoit avoecq le roy devant Tournay. Si s'avisèrent li ung par l'autre, c'est assavoir messires Guillaumes de Douglas, neveus à monseigneur Guillaumme de Douglas qui demoura en Espaigne, ensi comme vous avés oy, li comtes de Moret, filz au comte de Moret qui demoura avoecq le dessus dit, messires Robers de Versi, messires Simons Fresiel, Alixandres de Ramesay, qui en Dubretan se tenoient, que il metteroient une chevauchie sus et enteroient en Engleterre, ardant et exillant le pays et par especial le comté de Sallebrin, pour ce que li comtes leur avoit fès pluisseurs dammaiges. Si se queillièrent secretement et rassamblèrent de plusieurs lieux, et misent et ordonnèrent ung certain jour qu'il 239 seroient en le forest de Gedours au jour qu'il noummèrent et devisèrent. Chil qui mandet y furent, vinrent sans defallir.

Quant chil seigneur d'Escoce se virent tout enssamble, si eurent consseil et consideration là où il se trairoient premierement pour porter plus grant dammaige as Englès: si i eut là pluiseurs parolles retournées et devisées entre yaux. Li aucun volloient que leur chevaucie fuist emploiiée en Engleterre, et li autre disoient qu'il vauroit trop mieux, et plus honnerable et pourfitable leur seroit que il mesissent painne et dilligence à raquerre les castiaux et les fortrèces que pardus avoient, que de cevauchier plus avant; car espoir chil qui les castiaux tenoient en Escoce, leur poroient parardoir et destruire tout le remannant de leur pays, quant parti s'en seroient. Chilz conssaux et advis fu tenus. Et s'avisa messires Guillaummes de Douglas d'une grande et haulte emprise et le dist au comte de Moret, sen cousin, à messire Simon Fresel et à Alixandre de Ramesai, tant seullement, liquel s'accordèrent moult bien à lui et disent qu'il li aideroient à parfurnir, à quel coron que venir en deuissent. Or vous diray de l'emprise dou dessus dist chevalier, quelle elle fu, car elle ne fet mies à oubliier, tant fu perilleuse et hautainne. Fos 46 vo et 47.

P. 51, l. 10: deus cens.—Ms. d'Amiens: trois cens. Fo 47.

P. 51, l. 20 et 21: dis ou douze.—Ms. d'Amiens: jusques à douze. Fo 47.

P. 51, l. 23: capiaus.—Ms. d'Amiens: de rude fautre. Fo 47.

P. 52, l. 10: paour.—Ms. d'Amiens: de le cité de Bervic. Fo 47.

P. 53, l. 1: si treize.—Ms. d'Amiens: si douze. Fo 47.

P. 54, l. 5: jour.—Ms. d'Amiens: et segnefiièrent leur aventure à chiaux de leur pays qui à Dubretan les atendoient, qui de cez nouvelles furent moult joyant. Fo 47 vo.

P. 54, l. 8 et 9: d'Escoce.—Mss. A 11 à 14: tous hommes de fief du roy d'Escoce. Fo 65.

P. 54, l. 9: Ensi.—Ms. d'Amiens: Quant messires Robers de Versi et li autre chevalier d'Escoce sceurent que Haindebourch estoit repris par le subtilité et hardement de monseigneur Guillaumme de Douglas, si se partirent de Dubretan: à ce de gens estoient bien deux mille hommes d'armes et quatre mille à piet; et esploitièrent tant qu'il vinrent à Haindebourch. Et là s'asamblèrent 240 et dissent entr'iaux, puis qu'il avoient ung si bon commencement que repris le plus fort castiel que li Englès leur avoient tollut, il se metteroient en paine de reconcquerre tous lez autres, et puis après chevaucheroient sus Engleterre. Si se partirent de Haindebourch, quant il l'eurent bien pourveu de tout ce qui y besongnoit et mis dedens cappittainne et compaignons pour le garder, et s'en vinrent devant Dalquest à cinq lieuwes de Haindebourch, ung très bel fort de l'hiretaige le comte de Douglas, et l'avoient li Englès concquis. Quant messires Guillaummes de Douglas et tout sen ost fu là venus, il fist environner le castiel et drechier enghiens par devant le mestre tour qui est grosse et quarrie, et le fist assaillir mout fierement. Chil dedens se deffendirent comme bonne gent, et estoient assés bien pourveus d'artillerie. Si traioient à chiaux dehors et se fuissent bien tenut ung grant temps, se il esperaissent confort ne secours de nul costet; mès il sentoient le roy englès oultre le mer, le comte de Sallebrin en prison, le castiel de Haindebourch repris. Si en estoient en plus grant esmay, car messires Guillaumme de Douglas leur avoit bien baptisiet que, se par forche il estoient pris, de leurs vies ne seroit riens; et se partir bellement s'en volloient, il les lairoit aller sans peril jusques à Bervich. Dont finablement, tout consideret, li Englèz qui en Dalquest estoient, rendirent le chastiel, sauve leur vies et leurs armures, et s'en partirent sans dammaige. Par enssi reut messires Guillaume de Douglas son castiel, dont il eut grant joie, et lequel oncques depuis il ne perdi.

Apriès le reconcquès dou castiel de Dalquest, et que li Escot l'eurent bien pourveu et messire Guillaume de Douglas mis ens cappitainne et compaignons à son plaisir, il chevauchièrent et vinrent à Dombare seant sur le mer, et là avoit une grosse tour et saudoiiers englès qui durement herioient le pays. Li Escot l'environnèrent et le fissent assaillir d'enghiens et le prissent de forche le cinquième jour qu'il y furent venut, et ochirent tous chiaux qui dedens estoient, et abandonnèrent le tour à abattre as villains dou pays, laquelle fu tantost abatue rés à réz de terre. Et quant il eurent ce fait, il eurent avis qu'il s'en yroient devant Dondieu. Donc se deslogièrent il de Dombare et esploitièrent tant qu'il vinrent à Dondieu et l'asegièrent de tous costés. Dedens estoit ungs chevaliers englès, cousins au comte de Sallebrin, et l'apielloit on messires Thummas Brike, bon bacheler et 241 sceur as armes, et dist que le castiel il ne renderoit pour morir. Chil de le ville tinrent un grant temps sen opinion, maugret yaulx, car il estoient Escos: si se fuissent vollentiers retourné plus tempre qu'il ne fesissent. Touttes fois messires Guillaumme de Douglas et li Escot sirent tant devant que cil de le ville se rendirent, et prissent de force messire Thumas et le livrèrent as barons d'Escoce qui le retinrent pour prisonnier et l'envoiièrent en Haindebourch prisonnier, puis se partirent de Dondieu et s'en vinrent à Donfremelin, une bonne ville et bien fremée: si l'asegièrent et n'y furent que trois jours quant il se rendirent.

Que vous feroie je loncq compte? En ceste meysme saison, entroes que li roys englès estoit par dechà le mer, messires Guillaume de Douglas, li comtes de Mouret, li contes Patris, messires Robers de Versi, messires Simons Fresel, Alixandres de Ramesay et pluiseurs autres chevaliers d'Escoce avoecq les bachelers et les escuyers reconquisent moult dou pays d'Escoce perdu, et s'en vinrent finalment devant Struvelin, ung très fort castel et très bel, seant sus ung bras de mer à l'un dez léz et d'autre part sus une roche, et l'asegièrent communaument de grant vollenté. Et leur sanbloit que, se il ravoient ce castiel, il seroient ensi que tout au dessus de leur pays où li Englèz avoient jà demouret plus de troix ans; pour ce y mettoient il grant painne et grant cure à le ravoir. Or lairons à parler des Escos. Quant tamps et lieux sera, nous y retourons. Si parlerons dou siège de Tournay et coumment il fu perseverés. Fo 47 vo.

§ 124., P. 54, l. 16: six vingt mille.—Ms. d'Amiens: plus de cent mille. Fo 48.

P. 55, l. 10: royaume.—Ms. d'Amiens: que tout fuissent assamblet à Arras, à Lille et à Douay, au jour qui ordonnés y estoit. Fo 48.

P. 55, l. 12: Bar.—Ms. d'Amiens: ... l'evesque de Liège, l'evesque de Miès.... Fo 48.

P. 55, l. 17: gens.—Ms. d'Amiens: qui le vinrent servir à bien quinze cens lanches. Fo 48.

P. 55, l. 18: revinrent.—Ms. d'Amiens: li dus de Normendie, aisnés fils au roy de Franche. Fo 48.

P. 55, l. 18: Bretagne.—Ms. d'Amiens: à plus de mil lanches, chevaliers et escuiers, de son pays. Fo 48.

P. 55, l. 19: Bourgongne.—Ms. d'Amiens: ses filz. Fo 48.

242 P. 55, l. 19: d'Alençon.—Ms. d'Amiens: frères au roy de Franche. Fo 48.

P. 55, 21: Blois.—Ms. d'Amiens: messires Charles de Blois,... li comtes d'Auçoire, li comtes de Ventadour, li comtes de Bouloingne, li comtes de Sansoire, li comtes de Tancarville, li comtes de Saint Pol, li comtes d'Aumale,... li sires de Sulli, li sires de Pons, messires Goffrois de Harcourt, li viscomtes de Rohan, li sires de Partenay, li sires de Montmorensi. Fo 48.

P. 55, l. 25: detriemens.—Ms. d'Amiens: Et s'asamblèrent à Arras et là environ, à Lille, à Douay, à Bietunne, à Lens et là environ. Fo 48.

§ 125. P. 56, l. 2: venus.—Ms. d'Amiens: li aucun par priière, li aultre par feaulté et par hommage. Fo 48.

P. 56, l. 7: Tournay.—Ms. d'Amiens: et s'en vinrent logier au Pont à Bouvines et jusques au Pont à Tresin, et point ne passèrent non par mannierre de logeis. Fo 48.

P. 56, l. 10: estroit.—Ms. d'Amiens: car trois hommes de front à grant mesaise le pewissent cevauchier. Fo 48.

P. 56, l. 12: combiner.—Ms. d'Amiens: Et se logièrent li roys de Behaingne et li evesques Aoulz de Liège et touttes leurs gens assés priès de ce pont. Quant toutte li os fu amanagie et logie, il fu ordonnet de par le roy de Franche que li comtes de Flandre, li dus d'Athènes, li viscoens de Touars, li comtes de Sallesebruges, li sires de Cram regardaissent et advisaissent sus celle rivière. Fo 48.

P. 56, l. 26: au pont à Tressin.—Mss. A 1 à 6: au pont à Crecy et entre le pont et Bovines. Fo 68.—Mss. A 7 à 10, 15 à 17: au pont à Tressin et entre le pont de Bouvines. Fo 62.—Mss. A 11 à 14: à Crecy, entre le pont et Bovines. Fo 66.—Mss. A 18, 19, 30 à 33: au pont de Tressin et entre le pont de Bouvines. Fo 68.—Mss. A 20 à 22: entre le pont à Tressin et le pont à Bouvines. Fo 102.—Mss. A 23 à 29: au pont de Tressin et emprès le pont de Bouvines. Fo 78.

P. 56, l. 27: ennemis.—Ms. d'Amiens: pour comforter chiaux de Tournay qui vaillamment et bellement se tiennent contre les Englès, car, pour escarmuche ne pour assaut que on y face, en riens ne s'effréent ne se desroient ossi. Il y a dedens bonne chevalerie, sage et avisée, qui sèvent de guerre assés pour yaux tenir et deffendre. Fo 48.

243 P. 56, l. 31: alemant.—Ms. d'Amiens: preux et hardis et qui tout troi avoient à nom Conrart, par lesquelx ens ou pays de Ostrevant avoient estet fait pluiseurs biaux fès d'armes sus les frontières de Douay, de Marchiennes, de Alues en Pailloel, de Cambresis et d'Artois. Fo 48 vo.

P. 56, l. 32: Bouchain.—Mss. A 1 à 7, 18 à 33: Bouchain.—Mss. A 8 à 17: Bohaing, Bouhaing.

P. 57, l. 8: Leusennich.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 23 à 33: Lansemich, Lensemiich.—Mss. A 18, 19: Lansennich.

P. 57, l. 11: l'Escaut.—Ms. d'Amiens: et le Haynne. Fo 48 vo.

P. 57, l. 11: Condet.—Ms. de Rome: Ensi que il cevauçoient, euls vintime tant seulement, et estoient entre Frane et Escaupons, deus villages qui sont entre Valenchiennes et Condet, il regardèrent sur les camps et veirent gens fuians, et moustroient que il estoient en grant effroi. Si cevauchièrent au devant et leur demandèrent pourquoi il fuioient. Il respondirent: «Nous fuions à sauveté, car chi en ce village sont entré auqun compagnon françois, et creons bien que il sont issu de Mortagne, et requellent la proie et l'asamblent, et avoecques tout ce il ont jà pris honmes et fenmes que il en voellent mener.» Qant chil chevalier entendirent ces paroles: «Retournés, bonnes gens, nous irons veoir que c'est. Et sont il grant fuisson?»—«En non Dieu, signeur, respondirent il, i(l) sont plus de cent.» Donc demandèrent li chevalier: «Et conment appelle on celle ville à ce grant clochier?» Il respondirent: «Frane.»—«Or alés celle part, dissent li chevalier, et esmouvés les honmes de Frane, et faites recoper les cloces, par quoi tout s'esmuevent fenmes et honmes de la ville, et les faites tous issir hors, car nous les poursieverons et meterons en enbusque au lonc de celle haie, et verons quels gens ils sont, et lors calengerons lor proie.» Il le fissent tout ensi et vinrent à Frane, et trouvèrent les honmes de la ville qui gardoient lor moustier. Se lor dissent ces nouvelles.

En celle prope heure vint là li sires de Frane qui venoit de Valenchiennes, et estoit là establis pour aidier à garder la ville, et jà savoit que il i avoit pillars venus à Bruel et à Escaupons, et avoient aquelliet la proie des praieries. Si voloit, selonc sa poissance, deffendre et garder ses gens et sa ville, et estoient diis lances et vint arbalestriers. Qant il oï ces nouvelles de ceuls de la garnison de Bouçain, si en fu tous resjois, car il les sentoit moult vaillans honmes, et requella tous les honmes aidables de 244 sa ville, et fist ensi que li premier li avoient dit. Ces saudoiiers de Mortagne, qant il orent fait lor quelloite, il missent ensamble bien deus cens bestes, et prissent lor retour, et les fissent cachier devant euls. Et tout ce veirent chil qui estoient en enbusque, et les laisièrent passer et aler tout oultre, et jà estoient ou bois, qant chil de Frane vinrent. Qant il furent tout ensamble, il se missent au cemin le bon pas, et poursievirent ceuls qui enmenoient la proie et biaucop de prisonniers, et ne pooient tos aler pour la cause dou bestail.

Ensi que assés priès de Nostre Dame ou Bos il raconsievirent ces pillars, voires li honme de ceval premierement, et conmenchièrent à escriier «Hainnau!» et abaisièrent les glaves, et se boutèrent entre euls, et en ruèrent jus de lors cevaus de premières venues sept. Li aultre se missent à deffense, car il i avoit des gentilshonmes qui là estoient venu pour gaegnier, ensi que auqun baceler s'avancent. Là ot bon hustin et dur, et moustrèrent li François deffense; mais chil Alemant estoient droite gens d'armes, et bien usé et coustumé de tels besongnes. Et avint que avoecques le confort des gens de piet, arbalestriers et aultres qui les sievoient, la proie fu rescouse, et tout chil et celles qui pris estoient, delivret; et en i ot des François mors jusques à quinze et pris plus de vint cinq, et li autre se boutèrent en bos et se sauvèrent.

Ce service fissent li doi chevalier alemant qui issu estoient de Bouçain, à ceuls de Bruel et d'Escaupons; et furent li prisonnier menet à Valenchiennes, à Condet et à Mons en Hainnau. Si furent li varlet pendu et noiiet, et li gentilhonme rançonnet. Et li doi chevalier alemant et li sires de Frane en lor compagnie vinrent au siège devant Tournai, et trouvèrent le conte de Hainnau qui lor fist bonne chière. Fos 65 vo et 66.

§ 126. P. 58, l. 24 et 25: au pont à Tressin.—Ms. d'Amiens: au pont à Bouvines. Fo 48 vo.—Ms. de Rome: viers le pont à Tresin, ou cemin de Lille et de Tournai, et moult i a biaus pais et plain. Et passèrent Froiane et Basieu, et cevauçoient as aventures, ensi que compagnon font qui se desirent à avanchier et avoir bonne renonmée. Fo 66.

P. 59, l. 2: l'evesque.—Ms. de Rome: Aoul de Liège, qui là estoit avoecques le roi de France. Fo 66.

P. 59, l. 2: de Liège.—Ms. B 6: qui estoit ses sires. Fo 159. 245

P. 59, l. 2: Liegois.—Ms. de Rome: et li Hasbegnon, qui s'estoient levet bien matin. Fo 66.

P. 59, l. 4: plains.—Ms. de Rome: en ce plain pais de Tournesis. Fo 66.

P. 59, l. 10: pont.—Ms. de Rome: pour aler viers Lille. Fo 66.

P. 59, l. 12 et 13: ordonnèrent.—Ms. de Rome: messire Wauflars de le Crois ordonna. Fo 66.

P. 59, l. 16: Sorres.—Mss. A 8 à 10: Sorce. Fo 62 vo.—Mss. A 15 à 17: Sorée. Fo 68 vo.—Le nom de ce chevalier manque dans les autres mss. A.

P. 59, l. 19: avant.—Ms. de Rome: car il estoient bien monté et furent decheu par la bruine, car il ne veoient point lonch ne autour de euls, et ne se donnèrent de garde. Fo 66.

P. 59, l. 22: li sires.—Ms. B 6: de Montmorensy. Fo 160.

P. 59, l. 22: Rodemach.—Ms. d'Amiens: de le ducé de Luxembourcq. Fo 48 vo.

P. 59, l. 28: esprouvèrent.—Ms. de Rome: mais la force des Lucembrins et des Liegois les sourmonta. Fo 66 vo.

P. 60, l. 11: bouter.—Ms. B 6: en ung vert chemin entre sauchois et marès, et se bouta entre rosiauls et fontaines et autres petis buissons, et dist que là il se tenroit jusques à la nuit. Fo 160.

P. 60, l. 12: temps.—Ms. d'Amiens: Et s'avisa qu'il s'i tenroit bien jusques à le nuit que il cevauceroit plus avant, ou il rapasseroit le pont. Mès il n'en vint pas à sen entente, car il y fu ce meysme jour trouvés et pris et rendus au roy de Franche, dont il eult grant joie, car il li avoit fait pluisseurs contraires. Fos 48 vo et 49.—Ms. de Rome: et jà avoit il laissiet aler son ceval. Il ne voloit sauver que son corps, car trop resongnoit à estre pris pour les haines que chil de Lille avoient sur lui. Fo 66 vo.

P. 60, l. 15: banière.—Ms. de Rome: Et fu la banière à mesire Guillaume de Bailluel conquise. Donc fu consilliés li dis messires Guillaumes que il rapas(s)ast le pont: si ques, tout en combatant et faisant armes, il le rapas(s)a et ses gens aussi, et avoient biau cop de painne. Qant il fu oultre le pont, il fu qui li dist: «Sire, sauvés vous, car la journée est contre nous.» Il tint ce consel et se ala et pas(s)a tant de l'un à l'autre que il s'embla et 246 feri ceval des esporons, et deus de ses honmes tant seullement: chil se sauvèrent. Fo 66 vo.

P. 60, l. 16: A ces cops.—Ms. de Rome: tantos apriès ce que messires Guillaumes de Bailluel fu departis. Fo 66 vo.

P. 60, l. 17: Bailluel.—Ms. d'Amiens: frères mainnéz à monseigneur Guillaumme de Bailloel. Fo 49.

P. 60, l. 26: armes.—Ms. de Rome: car la brisure des deus frères estoit moult petite, et crioient tout doi: «Moriaumés!» Fo 66 vo.

P. 60, l. 26 et 27: vairiet contre vairiet.—Mss. A 8 à 10, 20 à 22: barrées contre barrées, à deux chevrons de gueules. Fo 63.

P. 61, l. 2: Gontiers.—Mss. A 11 à 14, 20 à 33: Gaultier, Gautier. Fo 69.

P. 61, l. 2 et 3: Pontelarce.—Mss. A 15 à 33: Pont de l'Arche. Fo 68 vo.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Poncharche, Pontarche, Poucharche. Fo 69.

P. 61, l. 6: Daniaus.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Damas. Fo 69.

P. 61, l. 7: aultre.—Ms. de Rome: Des siis vint qui parti au matin estoient de l'oost le conte de Hainnau, il n'en retournèrent que douse, que tout ne fuissent mort ou pris. Fo 66 vo.

P. 61, l. 8: Bailluel.—Ms. d'Amiens: Et messires Robers ses frères obtint le place, et eurent li Liegois le journée pour yaux, de quoy li roys de Franche leur sceut grant gret. Fo 49.

P. 61, l. 12: nuit.—Ms. de Rome: mais il ne peut, car li sires de Saint Venant et ses gens le trouvèrent en la rosière où il reclamoient un faucon que il avoient perdu. Fo 66 vo.

P. 61, l. 15: Saint Venant.—Mss. A 11 à 14: Montmorency. Fo 67.

P. 62, l. 4: ennemis.—Ms. de Rome: il l'enmenèrent en lor ville, et le tinrent en prison tant que il vesqi. Fo 67.

P. 62, l. 4: morir.—Ms. B 6: de moult cruelle mort et à grant martire. Fo 162.

P. 62, l. 5: raençon.—Mss. A 15 à 17: Ainsi fina honteusement monseigneur Wafflart de la Croix. Fo 69.

§ 127. P. 62, l. 10: Haynau.—Ms. de Rome: Nouvelles vinrent en l'oost devant Tournai au conte de Hainnau, que li saudoiier de Saint Amant estoient issu et avoient ars la ville de Hanon et l'abeie. 247 Et encores avoecques tout ce il estoient retourné par Vicongne et avoient ars la maison dou Pourcelet et abatu le moulin et la fontainne, et s'estoient mis en grant painne de destruire et ardoir la belle abbeie de Vicongne; mais li Valenchiennois l'en avoient sauvé et respité par le secours de cinq cens compagnons que il i avoient envoiet. Donc crola li contes de Hainnau la teste et dist: «Chil de Saint Amant sont trop reveleus: il les nous fault aler veoir, et ceuls de Mortagne aussi, mais ce sera plus proçainnement que il ne quident.» Fo 64 vo.

P. 62, l. 15: sis cens.—Ms. de Rome: sept cens. Fo 64 vo.

P. 62, l. 23: Biaugeu.—Ms. de Rome: liquels se nonmoit Edouwars,... et avoit avoecques lui des Bourgignons et des Savoiiens biaucop et toute flour de gens d'armes. Fo 64 vo.

P. 62, l. 29: douse cens.—Mss. A 11 à 14: quatorze cens. Fo 67.

P. 62, l. 30: pilos.—Ms. d'Amiens: Et duroit chilz pilotis tout au loncq de le rivierre. Fo 49.

P. 62, l. 31: costés.—Ms. de Rome: avoecques ses Hainnuiers et Hollandois. Fo 65.

P. 63, l. 1: l'autre.—Ms. de Rome: Et se departirent de Valenchiennes bien douse mille honmes. Et les conduisoient li doi prevost de la ville, Jehans de Baisi et mesire Gilles li Ramonniers. Et vinrent passer à Condet les deus rivières de Hainne et l'Eschaut, et ceminèrent à piet et à ceval tant que il furent devant Mortagne. Fo 64 vo.

P. 63, l. 6: le Scarp.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 23 à 29: l'Escaut. Fo 69 vo.

P. 63, l. 9: Mande.—Mss. A 1 à 6, 18 à 33: Mante. Fo 69 vo.—Mss. A 7 à 10: Mande. Fo 64 vo.—Mss. A 11 à 14: Manre. Fo 67 vo.—Mss. A 15 à 17: Saint Mande. Fo 69 vo.—Ms. d'Amiens: et Saint Amand. Fo 49.

P. 63, l. 12: quatre cens.—Ms. d'Amiens: trois cens. Fo 49.

P. 63, l. 18: part.—Ms. de Rome: au lés deviers Mande, à la porte qui oeuvre sus le Scarp; et ses cousins li sires de Saint Gorge estoit à la porte d'Escaut, par où on va à Antoing et en Hainnau. Fo 65.

P. 63, l. 25: en l'aigue.—Ms. d'Amiens: à terre et en le rivière de Scarpe qui noiiet fuissent, se il n'ewissent evut bon secours. Fo 49.

P. 64, l. 3: engien.—Ms. de Rome: et deus espringalles: 248 li enghiens jettoit pières de fais dedens la ville; et les espringalles, groses plonmées. Là estoient li arbalestrier de Valenchiennes arouté, et traioient à pooir sus les deffendans, dou quel trait il en blechièrent pluisseurs. Fo 65.

§ 128. P. 64, l. 23: l'Escaut.—Ms. d'Amiens: plus de douze cens. Fo 49.

P. 64, l. 27: fait.—Ms. d'Amiens: que tout au mieux venir, on n'en aroit meut hors de l'aighe une douzaine le jour. Fo 49.

P. 65, l. 9: esbahi.—Ms. d'Amiens: dou sens de l'enghigneour de Mortaigne, et dissent bien que uns telx mestres estoit dignes de vivre. Fo 49 vo.

§ 129. P. 65, l. 12: deus nuis et trois jours.—Mss. A 11 à 14 et A 1: deux jours et trois nuiz. Fo 67 vo.

P. 65, l. 12: conquisent.—Ms. de Rome: Avant i ot plus de lors gens navrés et bleciés que des François, car, à parler par raison et à considerer toutes coses, Mortagne dalés Tournai est trop forte place; et pour ces jours elle estoit pourveue de bonnes gens d'armes, sage et conforté, et ne fust à garder plus perilleuse forterèce assés de deffense que ceste ne soit. Fo 65.

P. 65, l. 16: ville.—Ms. d'Amiens: et dedens trois jours apriès fuissent devant Saint Amand, car il y seroit ossi. Ces nouvelles oïes en l'ost de Vallenchiennes, il se partirent et deslogièrent et tourssèrent tout et missent à voie; mès au partir il violèrent et desrompirent trop diviersement l'abbeie de Castiaux, dont ce fu pitéz. Fo 49 vo.

P. 65, l. 27 et 28: trois mille.—Mss. A 15 à 17: quatre mille. Fo 70.

P. 66, l. 1: veoir.—Ms. d'Amiens: car moult les hayoit pour le cause de l'abbeie de Hanon qu'il avoient ars. Fo 49 vo.

P. 66, l. 4: d'och.—Ms. d'Amiens: cousins à l'evesque de Cambrai, Guillaumme d'Ausoire. Et estoit chils de chiaux de Mirepois et senescaus de Carkasonne, et là envoiiéz en garnison de par le roy de France. Fo 49 vo.—Ms. de Rome: mesire Pière de Charcasonne. Fo 65.

P. 66, l. 16: l'abbeye.—Ms. d'Amiens: reliques et aournemens de moustier, Fo 49 vo.

P. 67, l. 2: bidau.—Ms. d'Amiens: bidau et Geneuois ne 249 s'en faisoient que truffer, et torquoient de leurs capperons lez murs de le ville, quant li arbalestrier avoient trait. Fo 49 vo.—Ms. de Rome: et ne faisoient compte des Hainnuiers et par especial des Valenchiennois. Fo 65.

P. 67, l. 13: d'armes.—Ms. d'Amiens: à plus de douze cens lances. Fo 50.

P. 67, l. 14: au lés.—Ms. d'Amiens: derière l'abbeie. Fo 50.

P. 68, l. 23: fuison.—Ms. de Rome: car chil qui entré estoient, entrues que li premier se conbatoient, alèrent ouvrir les portes de la ville. Si entrèrent ens li Valenchiennois, et tout chil qui entrer i vodrent, par le pont de Scarp, et li aultre par la porte de Tournai. Fo 95 vo.

§ 130. P. 69, l. 13: occis.—Ms. de Rome: dont il en desplaisi grandement au conte de Hainnau, et euist volentiers veu que on l'euist pris sus et retenu en vie. Fo 65 vo.

P. 69, l. 16: destruite.—Ms. de Rome: et se s'en sauvèrent pluisseurs qui se boutèrent par derrière en le Scarp en nefs et en batiaus, et lors fenmes et lors enfans, et s'en vinrent à sauveté à Mortagne. Fo 65 vo.

P. 69, l. 19 et 20: parardirent.—Ms. de Rome: fustèrent toute la ville et le parardirent, et abatirent et destruisirent biaucop des offecines et mancions de l'abeie, et descouvrirent le moustier qui tout estoit couvers de plonc, et rompirent le clochier et abatirent et brisièrent les cloces qui estoient excellentement bonnes, et tout cargièrent sus chars et sus charètes. Fo 65 vo.

P. 69, l. 28: sis cens.—Ms. de Rome: cinq cens. Fo 67.

P. 69, l. 31: Scarp au dessous de Hanon.—Mss. A 7 à 10, 23 à 33: Scarp au dessus de Hannon. Fo 66.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: l'Escaut au dessus de Hanon. Fo 71 vo.

P. 70, l. 7: parfons.—Ms. de Rome: liquel estoient impossible à passer sans batiaus. Fo 67.

P. 70, l. 11: l'aigue.—Ms. de Rome: Si entrèrent dedens et avoient amené des arbalestriers et des hollandois piquenaires, liquel sont et vaillent moult à un assaut. Chil qui estoient ens ès batiaus sus l'aige qui venoit de la rivière de Scarp, qui vient de Douai et qui là qourt, se missent sus la cauchie qui va de la porte à l'abeie; et petit à petit tant passèrent que il furent plus de cent parmi les arbalestriers. Fo 67.

250 P. 70, l. 14: Bacho de le Wière.—Mss. A 11 à 14: Bachon de la Bruière. Fo 69.

P. 70, l. 21: pris.—Ms. de Rome: Et se rendi messires Amés de Warwaus prisonniers au dit conte, et auqun gentilhomme qui là estoient, et li monne aussi; mais le demorant il furent ochis ou jetté en la rivière. Fo 67.

P. 70, l. 22: ossi.—Ms. de Rome: Dont ce fu damages; mais en gerre il n'i a nulle pité ne merchi; et li varlet qui poursievent les gens d'armes, font plus à la fois, qant il se voient au desus de lor emprise, que on ne lor conmande. Fo 67.

§ 131. P. 71, l. 6: famine.—Mss. A 11 à 14: pour quoy il les pensoit plus tost avoir par affamer que par assaulx. Fo 69.

P. 71, l. 11: Avoech.—Ms. d Amiens: .... il y avoit un grant parlement entre le duc de Braibant, le duc de Guerlles, le comte de Jullers, le marquis de Blancquebourch et aucuns seigneurs d'Engleterre, sus l'estat que je vous diray. Li communauté des bonnes villes de Braibant, especialement Brouxelles, Louvain, Malinnes, Anwers, Nivelle, Jourdongne et Liere, se volloient partir comment qu'il fust, et estoient enssi que tout tannet. Et s'estoient complaint au duc leur seigneur en disant que ce n'estoit mies vie d'estre si longement à ost devant une ville sans autre cose faire, et que là il sejournoient à trop grant fret, et que briefment il s'en partiroient par congiet ou sans congiet. De quoy li dus, qui fu moult sages homs, leur avoit respondu que vollentiers il en parleroit as autres seigneurs et au consseil le roy d'Engleterre, pour qui il estoient là assamblet. Si leur avoit remoustré, ensi que dessus est dit, li dus, quant li comtes de Haynnau entra ou parlement. Si sambla as seigneurs, especialement au consseil le roy englèz, que li Braibenchon ne se volloient mies acquitter trop souffissamment, qui jà parloient dou retour. Et fu chilx conssaux jettéz sus le comte de Haynnau et priiés que il en volsist dire sen entente. Et il en respondi tout pourveeuement «que on leur donne ce congiet de partir, se partir voellent, mès on leur face commandement que nuls n'enporte ses armures, mès les mettent jus et les raportent deviers lez marescaus.» Chils parlers fu tenus, et leur fist li dus de Braibant ceste responsce de par le roy d'Engleterre et tous les plus grans seigneurs de l'ost. Et quant il oïrent che, si se turent et furent tous virgongneus, 251 et leur sambla que on se truffoit d'iaux. Si n'en parlèrent oncques puisedi si descouvertement. Fo 49 vo.

P. 71, l. 26: Hodebourch.—Mss. A 1 à 7, 18 à 29: Rodebourch, Radebourch, Rodebourg. Fo 72.—Mss. A 8 à 10: Rendebourch. Fo 65 vo.—Mss. A 11 à 14: Rodembourch. Fo 69 vo.—Mss. A 15 à 17, 30 à 33: Randebourch. Fo 71 vo.

P. 71, l. 28: Ernoul.—Mss. A 23 à 29: Noel. Fo 83.

P. 71, l. 28: Bakehen.—Mss. A 11 à 17: Kakehan. Fo 69 vo.—Ms. de Rome: et Jehans ses frères. Fo 67.

P. 71, l. 29: Renauls.—Ms. B 3: Arnault. Fo 63 vo.

P. 71, l. 29: Conrars.—Ms. B 3: Colas.

P. 71, l. 30: d'Asko.—Ms. de Rome: Ce furent li doi chevalier qui estoient parti de Bouçain, ensi que chi desus est dit, et qui ruèrent jus entre Frane et Nostre Dame ou Bos, les saudoiiers de Mortagne. Fo 67.

P. 71, l. 30: Bastiens.—Mss. A 11 à 14: Jahan. Fo 69 vo.

P. 71, l. 31: Barsies.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: Warsie. Fo 72.—Mss. A 11 à 14: Warwasie.—Mss. A 23 à 33: Bastres. Fo 83.

P. 71, l. 31 et 32: Stramen de Venoue.—Ms. B 3: Stranjen de Veemone.—Mss. A 23 à 29: Stranjen de Beurne. Fo 83.

P. 72, l. 7: de Haynau.—Ms. de Rome: Et là furent li sires de Goumegnies, li sires de Mastain, li sires de Vertain, messires Henris de Huffalise, et Gilles et Tieris et Ostelars de Soumain. Fo 67.—Ms. B 6: Des Haynuiers y estoient messires Florens de Biaurieu, messires Olyfars de Ghistelle, le sire de Gommegnies, le sire de Semeries, le sire de Floyon, le sire de Sars et pluisseurs aultres. Fo 160.

P. 72, l. 9: Biaurieu.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Beaugeu. Fo 72.

P. 72, l. 9: Baras.—Mss. A 11 à 14: Bertran. Fo 69 vo.

P. 72, l. 16: trois cens.—Mss. A 11 à 14: Si estoient environ quatre cens hommes d'armes, tous bien montez et armez. Fo 69 vo.

P. 72, l. 24 et 25: Keukeren.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Kakeren, Kakeranth.—Mss. A 20 à 22: Baquehem. Fo 108.—Ms. B 3: Kerqueren. Fo 64.

P. 72, l. 24 et 25: Thielemans.—Ms. de Rome:... messire Henri d'Uffalise. Fo 67.

252 P. 72, l. 25: Sansi.—Mss. A 1 à 10, 15 à 33: Saussi. Saussy, Sausy, Saucy.—Mss. A 11 à 14: Thiebault du Saussoy.

P. 73, l. 1: se partirent.—Ms. B 6: sans che que le conte de Haynau ne messire Jehan de Haynau ses oncles en sceust riens. Fo 160.

P. 73, l. 10: Montmorensi.—Ms. de Rome: mesires Carles. Fo 67 vo.—Mss. A 11 à 14: monseigneur Mahieu de Montmorancy et monseigneur Jehan de Saint Saulieu; mais en ces entrefaittes qu'ilz se departoient de leur guait, un pou devant soleil levant, vindrent ces Allemans en leurs gardes. Fo 69 vo.

P. 73, l. 24: car.—Ms. de Rome: ses chevaus li falli. Fo 67 vo.

P. 73, l. 27 et 28: Jakelot de Thians.—Mss. A 1 à 6: Jaquelés de Chans. Fo 72 vo.—Mss. A 11 à 14: Jaquemes des Champs. Fo 70.—Mss. A 20 à 22: Jacques de Thibaux. Fo 108 vo.

§ 132. P. 74, l. 29: ossi.—Ms. de Rome: dont il fu depuis moult blamés, quant il laissa son compagnon, messire Carle de Montmorensi. Fo 67 vo.

P. 75, l. 4: coureur.—Ms. d'Amiens: li sires de Randerodene et messires Ernoulz ses filz et messires Henris de Kenkeren ung missenairez et messires Thielemant de Sanssi, messires Oliffars de Gistelles et messires li Allemans, bastars de Haynnau et messires Robers Glummes adonc escuier. Fo 50.

P. 76, l. 6: prisons.—Ms. de Rome: De celle aventure furent li François si esbahi que il perdirent lor arroi, et n'avoient pas gens parellement as Alemans et Hainnuiers, car la grignour partie sievirent la banière le signeur de Saint Sauflieu. Et furent les gens le signeur de Montmorensi tout espars; petit en i ot de mors. Fo 67 vo.

P. 76, l. 9: Kenkeren.—Ms. d'Amiens: Henris de Kenkeren. Fo 50.

P. 76, l. 10: Sausi.—Ms. d'Amiens: ... messires Ernaux de Bakehen,... messires Florens de Biaurieu, messires Baras de le Haye. Fo 50.

P. 76, l. 12: homme d'armes.—Ms. d'Amiens: escuier. Fo 50 vo.

P. 76, l. 15: prisonniers.—Ms. de Rome: Et furent rescous messires Oulfars de Ghistelle et li doi esquier qui pris estoient; 253 et retournèrent en l'oost devant la chité de Tournai. Fo 67 vo.

§ 133. P. 76, l. 26 et 27: Or vous.—Ms. de Rome: Ensi se portoient les cevauchies et les enbusqes et rencontres entre ces deus hoos, le siège estant devant Tournai. Et pour ce que Jaques d'Artevelle, à poissance de Flamens, se tenoit devant Tournai avoecques les aultres signeurs, nouvelles vinrent en l'ost, qant li rois de Franche fu venus à Bouvines, que les gens d'armes qui estoient establi ens ès garnisons de Saint Orner, d'Aire, de Tieruane et des forterèces françoises marcissans sus les frontières de Flandres, enteroient en la vallée de Cassiel, et destruiroient le pais, Berghes, Bourbourc, Miessines, Werevi, Popringhe et tout le plat pais de là environ, se il n'estoit que on lor fust au devant. Pour ce furent ordonné messires Robers d'Artois et mesires Henris de Flandres à partir de l'oost, et à prendre vint mille Flamens, et aler ou val de Cassiel, et requellier encores tous honmes portans armes dou tieroit dou Franc et de Flandres, car tout n'estoient pas au siège de Tournai. Si en seroit li pais plus fors et plus doubtés.

Sus cel estat, li dis mesires Robers d'Artois et mesires Henris de Flandres s'en vinrent en la valée de Cassiel, et là se logièrent; et fissent un arrière mandement qui s'estendi par tout le pais de Flandres, et pour garder les entrées de Flandres. Si vinrent de tous lés là Flamens et se logièrent, et se trouvèrent bien quarante mille et plus. Avint ensi que compagnon, en une hoost qui sejourne, sont de grant volenté; il se quellièrent et missent ensamble bien trois mille Flamens, et sus l'entente que pour gaegnier et aler fuster le pais environ Aire, Tieruane et Saint Omer; et se departirent de l'oost et des aultres une vesprée, sans point parler à lors chapitainnes, et vinrent sus un ajournement ens ès fourbours de Saint Omer et les ardirent, et abatirent les moulins qui estoient au dehors. Chil qui estoient dedens Saint Omer s'estourmirent, et là se tenoient bonne chevalerie d'Auvergne et de Limosin, premierement li conte Beraut daufin d'Auvergne, et (li) conte de Clermont son frère, le signeur de Merquel, le signeur de la Tour, le signeur de Montgascon, le signeur d'Achier, le signeur d'Açon, le signeur d'Alaigre, le signeur de Saint Aupisse, le signeur de Pière Bufière, et se trouvoient bien trois cens lances, chevaliers et esquiers. Si s'avisèrent que il se meteroient sus les 254 camps et poursieveroient ces Flamens, et manderoient ceuls qui estoient en garnison en Tieruane que il leur venissent au devant, entre Aire et Arques, et ausi à ceuls de la garnison d'Aire et de Saint Venant que il isissent et se mesissent sus le camps, et qant il seroient tout ensamble, il courroient sus à lor avantage ces Flamens.

Tout ensi conme il le proposèrent, il le fissent, et s'asanblèrent dedens Saint Omer, et s'armèrent et montèrent as cevaus, et enmenèrent les arbalestriers et bien mille aultres honmes avoecques euls, et issirent hors de Saint Omer, et prissent à la couverte le cemin dou mont de Herfaut. Qant li chevalier et li esquier qui en Tieruane se tenoient furent segnefiiet de ceuls de Saint Omer, li sires de Brimeu, li sires de Boubert, li sires de Saint Pi, li sires de Reli, li sires de Sanci et pluisseur aultre qui là se tenoient, il s'armèrent et montèrent as chevaus, et issirent de Tieruane, et se missent sus les camps. Li Flamenc, qui ne voloient aultre cose que pillier le pais, et puis retourner et estre au soir en l'oost de lors gens, vinrent à Arques, une grose ville à demi lieue de Saint Omer, et le pillièrent et robèrent toute, et se cargièrent de ce que il i trouvèrent de dras et de jeuiaus; et puis à lor departement, il boutèrent le feu dedens, et en ardirent plus de la moitié, et abatirent les moulins. Et tout ce veoient li François qui estoient sus les camps, et avoient jà trouvé l'un l'autre chil de Saint Omer et chil de Tieruane, et se trouvoient quatre cens lances et douse cens honmes de piet. Chil Flamenc, qui avoient ceminet toute la nuit et à l'endemain jusques à haute tierce, estoient tout lasset, et vinrent sus un village que on appelle la Cauchie et là s'arestèrent; et dissent que il mengeroient et se reposeroient, et puis il se retrairoient viers Cassiel, car il ne se sentoient de nului poursievi. Qant il furent là venu ou dit village, li pluisseur se desarmèrent et se traissent par ostels, et se boutèrent en gragnes, en maisons et en jardins, et n'estoient en doubte de nului. Evous venus ces François en deus batailles, et avoient vint banières, et ordonnèrent lors arbalestriers tout devant, et s'en vinrent en cel vilage que on dist la Cauchie à frapant à l'esporon, et trouvèrent ces Flamens, les auquns sus la rue, les aultres tous desarmés, et les pluisseurs qui buvoient et mengoient.

Qant chil chevalier et esquier furent là venu, et casquns escria son cri, chil Flamenc furent si esbahi que onques il ne tinrent 255 conroi ne ordenance, mais tournèrent tous les dos, et se sauvèrent qui sauver se peurent; et en i ot bien ocis ou village que en cace sus les camps dix huit cens, et li demorans retournèrent à grant mescief tout desbareté. Fo 68.

P. 77, l. 3: Cassiel.—Ms. d'Amiens: de le castelerie de Cassiel. Fo 51.

P. 77, l. 6: à Saint Omer.—Ms. d'Amiens: de Saint Omer. Fo 51.

P. 77, l. 10: Montagut.—Ms. d'Amiens: d'Auviergne. Fo 51.

P. 77, l. 10: Rocefort.—Ms. d'Amiens: .... li sires d'Achier et tout grant baron d'Auvergne. Fo 51.

P. 77, l. 12: Aire.—Ms. d'Amiens: se tenoient Artisien, li sires d'Aubegny, li sires de Sanci, li sires d'Avelui, li sires de Creki, li sires de Kikenpoi, li sires d'Avesquierke, li sires d'Ennekins, li sires de Reli et li sires de Bassentin. Fo 51.

P. 77, l. 14: Flamens.—Ms. d'Amiens: et li Flammencq ossi sus yaux. Fo 51.

P. 77, l. 17: trois mille.—Mss. A 1 à 10, 18 à 33: quatre mille. Fo 73 vo.

P. 77, l. 27: six.—Mss. A 11 à 14: sept. Fo 71.

P. 77, l. 27: deus cens.—Mss. A 11 à 14: trois cens. Fo 71.

P. 77, l. 27 et 28: bacinés.—Ms. d'Amiens: lanches. Fo 51.

P. 77, l. 28: cinq cens.—Ms. d'Amiens: sis cens. Fo 51.—Mss. A 11 à 14: et environ huit cens bidaux, taffes et petaulx. Fo 71.

P. 78, l. 1: Arkes.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: Ardres. Fo 73 vo.

P. 78, l. 14: dis huit cens.—Ms. d'Amiens: de trois mille à dis huit cens. Fo 51.

§ 134. P. 79, l. 19: compte.—Ms. d'Amiens: Et ne furent à nul seur, ne pour parolle ne pour priière que messires Robers d'Artois ne messires Henry de Flandres leur pewissent dire ne faire, jusquez à tant qu'il se trouvèrent à Ippre, à Popringe et ens leur pays bien avant. Fo 51.—Ms. de Rome: Nient mains, tous jours il tenoient leur rieule sus la fourme que dit vous ai; et n'i demora, avant que il fust jours, ville ne hamiel à deslogier. Et se trouvèrent li doi chevalier, un petit apriès solel levant, ensi que tout seuls, sus les camps. Fo 68 vo.

256 P. 79, l. 24: recordèrent.—Ms. de Rome: au roi d'Engleterre, au duch de Braibant, au duch de Gerlles, au conte de Hainnau et as signeurs. Fo 68 vo.

P. 79, l. 26: esmervilliet.—Ms. d'Amiens: Et quant chil de Saint Omer, d'Aire et de Saint Venant entendirent le deslogement des Flammens, et coumment en grant haste il s'en aloient, si se partirent des villes voisinnes et vinrent en ceste meisme plache, et trouvèrent encorres grans remannans de tentes, de très, de pavillons, de harnois et de carois. Si prisent et toursèrent tout et en menèrent en leurs villes, et y eurent grant prouffit. Fo 51 vo.

§ 135. P. 79, l. 28: Chils sièges.—Ms. de Rome: Li sièges devant la chité de Tournai dura assés longement onse sepmainnes, trois jours mains, et tous les jours i avoit fais d'armes ou escarmuce, auquel lés que ce fust. Par dedens avoit avoecques messire Godemar dou Fai, qui un lonch temps en avoit eu le gouvrenement, bonne chevalerie et sage, tels que le conte de Fois, le conte de Conmingnes, le conte d'Ermignach, le seigneur de Labret, le conte de Qarmain, le signeur de Copane, le signeur de Qorasse, le signeur de Qoo, le signeur de Barrage, le signeur de Taride, le signeur de Pincornet et maint aultre, Gascons, Foisois, Bernès et Labrisiens. Et chil signeur avoient la souverainne ordenance de la chité; et n'en songnoient les prevos et les jurés et les honmes de la ville ensi que noient, car la amministration de toutes coses estoit reservée à ceuls desus dis.

Li rois d'Engleterre, à grant poissance et grant coustage, tenoit là son siège, car li Alemant n'en faisoient riens, fors que pour l'argent, et voloient estre paiiet de quinzainne en quinzainne; et estoient là contournées et enbutes toutes les rentes et revenues d'Engleterre, tant en l'estat dou roi tenir, que en paiant les Alemans. Li contes de Hainnau, li dus de Braibant et li dus de Gerles servoient le roi d'Engleterre à leurs coustages, et messires Jehans de Hainnau aussi; mais tout li aultre, reservé les Flamens, voloient bien sçavoir pourquoi et conment il estoient là venu. Et couvint le roi d'Engleterre, ensi que je fui enfourmés, enprunter à Jaquemon d'Artevelle, son compère, et à tout le pais de Flandres chienqante mille mars, monnoie d'Engleterre, avaluée au paiement de Flandres et d'Engleterre: ce furent deus cens mille florins; et tout fu contourné en son estat et au paiier ses saudoyers. 257 Et de l'enprunt que li rois d'Engleterre fist et dou prest aussi, il bailla lettres autentiques, seelées dou seel le roi et de pluisseurs barons d'Engleterre qui là estoient, en tesmongnant et en aprouvant les lettres à veritables; mais Jaquemes d'Artevelle, qui avoit toute la poissance de Flandres en sa main, i estoit tous pour le roi d'Engleterre; et ne li prioit en secré et en especialité d'aultre cose que il se vosist tenir tous quois, sans partir, en Flandres, et vivre des rentes et revenues dou pais et des aides que on li feroit, et espargnier les revenues d'Engleterre pour poursievir sa gerre. Et qant li rois d'Engleterre remoustroit ces proumesses à son consel que Jaques d'Artevelle et li pais de Flandres de bonne volenté li offroient, li plus de son consel s'enclinoient à ce que il le presist, et que sa gerre en seroit plus forte et plus belle. Et qant, sus cel estat, li rois d'Engleterre en parloit au duch de Gerlles, son serourge, au duch de Braibant, son cousin germain, et au conte de Hainnau, son frère, il li consilloient tout le contraire et li remoustroient par pluisseurs raisons que il se meteroit en grant aventure et peril; car qant il quideroit estre le mieuls d'euls, uns rumours et uns debas s'esmouveroit à Bruges ou à Gant ou à Ippre de ses gens as Flamens, selonc ce que Flamenc sont chaut et merancolieus: «il ociroient tout soudainnement et vous aussi, et puis remanderoient lor signeur. Il vous soufisse à avoir ce que vous en avés. Tenés les à amour et ce Jaque d'Artevelle, entrues que il est en sa poissance. Vous les auerés millours à estre en sus de vous que si proçains, et si serés hors dou peril, car nuls sires ne se doit trop comfiier en commun estragne. De trop petit on piert lor grasce et lor amour. Encores vit lors sires et a un fil. Par ce fil, mais que li rois de France lor voelle renvoiier, se poront il un de ces jours retourner et ocire ce d'Artevelle, et trop de soutilleté il a en France. Mais qui poroit faire une cose, vous avés une fille, Isabiel: se li Flamenc pooient tant faire par sens et par pratique que il reuissent lor fil; et puis uns mariages se fist de vostre fille à ce fil, les aliances dou mariage poroient estre bonnes et moult vous deveroient valoir ou temps à venir.» Li rois d'Engleterre s'inclina à ce consel et ne prist nul autre.

Or vous voel je nonmer les contes et les barons qui furent au siège de Tournai avoecques le roi d'Engleterre, et liquel passèrent la mer avoecques li: premierement les prelas, l'evesque de Lincole et l'evesque de Durem; le conte Derbi, le conte d'Arondiel, 258 le conte de Norhantonne, le conte de Herfort, le conte de Warvich, le conte de Douvesière, le conte d'Ormont et le conte de Wincestre; barons: le signeur de Persi, le signeur de Lusi, le signeur de Noefville, le signeur de Helinton, le signeur de Felleton, le signeur de Braseton, le signeur Espensier, mesire Renault de Gobehen, mesire Richart de Stanfort, mesire Thomas de Hollandes, le signeur de Basset, le signeur de Bercler, le signeur Fil Warin, le signeur Fil Watier, le signeur de Biaucamp, mesire Jehan de Biaucamp, mesire Rogier de Biaucamp, le signeur de Hastinges, le signeur de Ferrières, le signeur de Moutbrai, le signeur de Multon, le signeur de Ware, le signeur de Lanton, le signeur de Graa, messire Richart la Vace, le signeur de Courtenai, le signeur de Illecombe, cornillois, le signeur de Talebot, et tant que il estoient vint et huit barons et diis contes. Je n'ai pas nonmé le conte de Pennebruq et le conte de Heustidonne qui ausi i estoient. Encores avoecques tout ce, se la bataille euist esté devant Tournai des deus rois et de lors aliiés, ensi que on esperoit que elle deuist estre, il estoient issu hors d'Engleterre avoecques le roi pluissours chevaliers et signours qui euissent bouté lors banières hors, et avoient lor estat tout pourveu grant et estofé, et ne desiroient aultre cose. Aussi tout li signeur, qui là au dit roi d'Engleterre compagnie faisoient, au plus estofeement conme il pooient, il i estoient, tant de banières, de pennons, de monteures, de trefs, de tentes, de carroi et de toutes coses qui à une hoost apertient et est necessaire as gens d'armes.

Encores sans comparison estoit trop plus grans li estas dou roi Phelippe de France, car là estoient quatre rois qui tout li faisoient compagnie et service: li rois de Boesme, li rois de Navare, li rois d'Escoce et li rois de Maiogres; et comprendoient les logeis des François trois lieues tout à l'environ. Et fu raporté par les hiraus(que) avoecques le duc de Normendie, le duch de Bretagne, le duc de Bourgogne et le duch de Lorrainne, il i avoit en son hoost dix sept contes, deus cens et soisante neuf banerès, et estoient bien tout honme de deffense cent et chienqante mille. Considerés le peuple qui là estoit assamblés, tant pour l'un roi que pour l'autre, car li rois d'Engleterre, parmi les Flamens, avoit plus de cent mille honmes. Grant ocision et grande mortalité de peuple i euist esté, se par bataille il fuissent venu ensamble. On en fu sus le point, mais li dus de Braibant, qui cousins germains estoit dou roi d'Engleterre, et qui là estoit moult poissanment 259 venus, acompagniés de barons et de chevaliers de son pais et des conmunautés, des honmes de Brousselles, de Malignes et de Louvaing, brisoit et brisa tout dis couvertement la bataille, avoecques un grant moiien qui là estoit pour tretiier paix, trieuwes ou respit, madame Jehane de Valois qui contesse avoit esté de Hainnau, et qui serour germainne estoit dou roi Phelippe et dou conte Carle d'Alençon, et qui avoit là son fil le conte de Hainnau. Avoecques la bonne dame s'ensonnioit de traitiier et d'aler de l'un à l'autre uns moult sages chevaliers qui se nonmoit mesires Lois d'Augimont; et avoit si belle parleure et si aournée et de si grande prudense que il estoit très volentiers oïs entre toutes les parties, tant de France conme de l'Empire. Et quoi que pour le roi d'Engleterre tout chil signeur de son lés fuissent là asamblé, il n'en estoit pas en li dou dire et dou faire, mais couvenoit que le plus il s'ordonnast et gouvrenast par ceuls de l'Empire et especiaulment par le duc Jehan de Braibant, son cousin germain, car desus tous il avoit la grignour vois et audiense. Et moustra par couvreture que à la priière madame Jehane de Valois il s'inclinoit à ce que bon seroit que on entendesist à auquns trettiés de paix et de trieuves, car on devoit là moult faire pour faire pour la bonne dame qui là avoit ses frères et ses enfans. Et fu donné à entendre au roi d'Engleterre que li iviers aproçoit, et les longes nuis et froides, que toutes gens resongnent de jesir as camps, et que pour celle saison on en avoit assés fait.

Li rois d'Engleterre, pour ce temps, estoit jones, et pas ne congnissoit encores le malisce et pratique dou monde et des grans signeurs de l'Empire qui despendoient son argent et vosissent que la gerre durast tout dis, car il estoient bien paiiet. Li contes de Hainnau et messires Jehans de Hainnau, ses oncles, avoient cler enghien assés pour considerer toutes ces coses, et veoient bien les dissimulations qui estoient entre ces signeurs de l'Empire et le plus deviers le duch de Braibant, mais il n'en osoient parler et se souffroient, et ne se vodrent onques ensonniier de nul trettié, mais en laissièrent couvenir le duch de Braibant, le duch de Gerles et le conte de Jullers, de la partie le roi d'Engleterre. Madame Jehane de Valois et messires Lois d'Augimont procurèrent tant deviers le roi de France que li rois de Boesme, li contes d'Alençon et li contes de Flandres furent esleu pour estre à ces parlemens et tretiés à l'encontre de ces signeurs desus nonmés. Et fu ordonné que chil signeur, qant on ot pris asegurances 260 que il pooient aler et venir et lors gens sans nul peril et retourner casqun en son hoost, tenroient lors parlemens et lors trettiés en une chapelle que on dist à Esplecin, et est asisse enmi les camps, ensi que en un chemin. Et venoient là chil signeur tantos apriès messe et boire, et se metoient dedens la chapelle, et la desus ditte dame, madame Jehane de Valois, avoecques euls; et i furent trois ou quatre fois que riens n'i faisoient. Donc i revinrent dou costé le roi d'Engleterre li evesques de Lincolle et messires Jehans de Hainnau; et de la partie le roi de France, li evesques de Liège et li contes d'Ermignach. Par le moiien de ceuls qui adrechièrent as besongnes, avoecques les paroles et priières de celle bonne dame, madame Jehane de Valois, se ouvrirent et avancièrent li trettié. Et regardèrent li signeur, qui moult honnouroient l'un l'autre, qant il entroient dedens la capelle, que unes trieuwes seroient bonnes prises à durer tant seullement un an entre toutes les parties par mer et par terre, et dedens cel an li rois d'Engleterre envoieroit nobles honmes et prelas de par lui en la chité d'Arras en Piqardie, qui aueroient plainne poissance de faire paix et acord à l'entente des deus rois; et aussi li rois de France parellement renvoieroit de par li nobles honmes et prelas qui aueroient plainne poissance d'acorder tout ce que dit et parlementé seroit pour le millour. Avoecques tout che, li doi roi supplieroient benignement à nostre Saint Père le pape que il i vosist envoiier deus cardinauls en legation, pour aidier à adrecier à ces besongnes. Sus cel estat et ordenance se conclut li parlemens, et donna on à entendre au roi d'Engleterre que par ce parlement qui seroit asignés à Arras, il aueroit en pareçon grant part dou roiaulme de France; dou mains toute la ducée de Normendie, qui jadis avoit esté as rois d'Engleterre, li seroit rendue, et la conté de Pontieu et celle de Monstruel, et tous coustages et frès que fais avoit, li et ses gens, depuis que il passa la mer en la cause dou calenge. Ces proumesses ou là environ et encores plus grandes que li dus de Braibant remoustroit à son cousin le roi d'Engleterre, l'apaisoient grandement et li brisoient ses abusions, et aussi à ceuls d'Engleterre, et s'acorda assés doucement à la trieuve. Si furent lettres escriptes, seelées et données, et en prist cascuns des rois ou de lors honmes à ce conmis dou recevoir, les copies. Et estoient données les trieuwes, et ensi furent elles causées et conditionnées et publiies ens ès deus hoos et dedens la chité de Tournai, pour resjoïr la conmunauté de la 261 ville, à durer jusques au premier jour dou mois de marc, lequel on atendoit, que on compteroit l'an mil trois cens quarante et un, jusques au marc ensievant l'an mil trois cens quarante et deux. Et avoient li pluisseur là en dedens esperance de paix. A toutes ces coses rendi especiaulment grant painne madame de Valois. Fos 68 vo à 70.

P. 79, l. 29: trois jours mains.—Mss. A 11 à 14: et quatre jours. Fo 71 vo.

P. 80, l. 4: France.—Ms. d'Amiens: premierement le comte de Foix et sen frère le comte Raoul d'Eu, connestable de Franche, le comte de Ghines son fil, le conte Aimery de Nerbonne, messire Aymars de Poitiers, messire Joffroy de Cargny, messire Gerart de Montfaucon, messire Godemar dou Fay et le seigneur de Kayeux, et ossi le marescal de Franche, monseigneur Robert Bertran. Chil seigneur estoient vaillant homme, et de grant affaire et de bon sens. Si penssèrent si bellement et si sagement de le ditte ville que leur honneur y fu bien et grandement gardée et la chité ossi. Car oncques pour assault ne pour hustin, ne pour escarmuce qui y fuist, chil seigneur ne s'en partirent; mès songneusement de nuit et de jour le pourveirent de deffense et de consseil. Fo 51 vo.

P. 80, l. 24: Haynau.—Ms. d'Amiens: car son fil le comte Haynnau trouvoit elle si dur et si rebelle à sen entention, que elle ne l'en volloit plus parler. Fo 51 vo.

P. 81, l. 8: capelle.—Ms. B. 6: vers Esplechin. Fo 165.

P. 81, l. 9: De le partie.—Ms. B 6: De la partie de Franche fu pris pour faire le traitiet le roy de Behaigne, l'evesque de Liège, le duc de Bourbon et le comte d'Alenchon; et de la partie du roy d'Engleterre, le duc de Brabant, le conte Derbi, le conte de Norhantonne et l'evesques de Londres. Fo 165.

P. 81, l. 12: d'Ermignach.—Ms. d'Amiens: et li comtes de Blois. Fo 51 vo.

P. 81, l. 14 et 15: li dus de Julers.—Ms. d'Amiens: li comtes de Jullers. Fo 51 vo.

P. 81, l. 15: Haynau.—Ms. d'Amiens: et li comtes de Warvich. Fo 51 vo.

P. 81, l. 16: capelle.—Ms. d'Amiens: Ceste journée au matin que li seigneur durent venir enssamble, il oïrent au point dou jour messe. Et assés tost apriès le messe, il burent ung cop, et puis cevauchièrent chacuns li ungs deviers l'autre, li Franchois 262 enssamble et li Englèz enssi, et entrèrent environ à l'eure de tierche en le ditte capèle. Fo 51 vo.

P. 82, l. 2: entrer.—Ms. d'Amiens: avoecques le somme de l'année. Fo 51 vo.

P. 82, l. 8: engien.—Ms. d'Amiens: Et avoient cilz des lontainnes marches, les quarante jours, advis de tenir le trieuwe, s'il volloient, ou de renonchier et guerriier, s'il leur plaisoit. Fo 52.

P. 82, l. 25: à envis.—Ms. d'Amiens: especialment chil de Brouxelles. Fo 52.

§ 136. P. 82, l. 30: Ensi.—Ms. d'Amiens: Enssi se departirent ces deus grans os, et donna ly rois d'Engleterre congiet à touttes mannierres de gens et de seigneurs, et les remerchia grandement et chacun par lui, dou service que fait li avoient. Si s'en revint li roys à Gand, dallés le roynne se femme, et ne demoura mies puis loingtans qu'il s'en partirent et retournèrent en Engleterre. Fo 52.

P. 83, l. 9 et 10: signeurs.—Ms. de Rome: De rechief, il se offrirent à lui et se representèrent pour aler partout où il les manderoit, car il les avoit bien paiiés. Fo 70.

§ 137. P. 84, l. 14: Or se.—Ms. de Rome: Ensi se departirent tout chil signeur d'Allemagne et tournèrent casquns en lors lieus. Li dus de Braibant retourna dedens son pais, li contes de Hainnau et messires Jehans de Hainnau fissent compagnie au roi d'Engleterre jusques en la ville de Gant, et là prissent il congiet à lui et à la roine, et puis retournèrent en Hainnau par Brousselles, car là ot une grande feste de joustes que li dus de Braibant et li chevalier de Braibant fissent à lor retour. Et là joustèrent li contes de Hainnau et ses oncles, et en ot le pris de ceuls de dehors li contes de Hainnau, et de ceuls de dedens li sires de Destre; et des esquiers de dehors, Willaumes de Mastain, et de ceuls de dedens Pières de Pietresen. Et là furent à ces joustes de Brousselles noncies et criies unes joustes de trente chevaliers et de trente esquiers à estre à Mons en Hainnau. Et se tint la feste grande et belle, et enporta le pris des chevaliers de dehors li contes de Namur, et de ceuls de dedens mesires Gerars de Werchin, senescal de Hainnau, mais il i fu si travilliés que depuis il ne vesqi point longement, et morut jones, dont ce fu damages, 263 et des esquiers de dehors, Thieris de Brederode, et de ceuls de dedens Ansiaus de Sars. Et se continuèrent ces festes en bien, en joie et en reviel.

Et les povres gens dou pais de Hainnau, liquel avoient perdu le lor à ce conmencement par la gerre et ars lors hostels et lors maisons, s'aherdirent au labourer et au gaegnier dou nouviel. Aussi fissent chil de France des marces et frontières de Tournesis, de Lille et de Douai.

Et li rois d'Engleterre et la roine sa fenme ordonnèrent lors besongnes, et prissent congiet à lor compère Jaquemon d'Artevelle, mais il les amena et aconvoia jusques à Bruges et de là à Dunquerque. Et là estoient lor vassiel tout prest, et entrèrent dedens, et traversèrent la mer et vinrent à Zandvich; et jà estoient departi grant fuisson de lors gens par l'Escluse et par Anwiers et retourné en Engleterre.

Et li rois Phelippes aussi avoit donné congiet à toutes gens d'armes et remerciiet les lontains, et estoit venus jeuer et esbatre en la ville de Lille, et là le vinrent veoir les bonnes gens de Tournai; il les vei volentiers. Et les representèrent mesires Godemars dou Fai et li signeur qui dedens avoient esté le siège durant, et se loèrent grandement de euls. Li rois oy volentiers ces loenges, et rendi à ceuls de Tournai lor loi, laquelle il avoient perdu un grant temps; et estoient menet, jugiet et ordonné par un gouvreneur.

Apriès toutes ces coses faites et acomplies, li rois s'en retourna en France, et ot une très grande feste à Compiengne; et fu uns tournois, liquels fu criiés et publiiés en moult de pais, et en fu chiés li bons rois de Boesme, et ot à ce tournoi plus de sept cens hiaumes. Fo 70.

P. 84, l. 21: jouste.—Ms. B 6: de quarante chevaliers et escuiers contre tous venans. Et y eut moult belle jouste. Et y fu le roy d'Engleterre, le duc de Brabant, Jaques de Hartevelle et grant foison d'autres seigneurs. Et furent les joustes moult belles; et après la feste faite, chacun se party et alla là où il leur plaisoit. Fo 166.

P. 84, l. 29: Lille.—Ms. d'Amiens: et s'i tint environ quinze jours. Fo 52.

P. 84, l. 29: cil de Tournay.—Ms. d'Amiens: li plus grant bourgois de Tournay. Fo 52.

P. 85, l. 8: anciiens.—Ms. d'Amiens: Ossi li bourgeois 264 de Lille requisent au roy que il leur volsist donner messire Wafflart de le Croix, qu'il tenoit en prison, liquelx les avoit gueriiés ung moult loing tamps et fès plusieurs despis. Li rois leur donna, car bien y estoit tenus pour le cause d'un biau service que cil de Lille li avoient fet, que pris le comte de Sallebrin et le comte de Sufforch et rendus à lui pour ses prisonniers. Et quant chil de Lille eurent le dit monseigneur Wafflart en leur vollenté, il ne le gardèrent pas trop longement, mès le fisent morir à honte. Apriès touttes ces coses, li roys de Franche se parti de Lille et s'en revint à petites journées en grans esbas à Paris, et là ou au bos de Vincènes se tint ung grant temps. Fo 52.

P. 85, l. 18: A ce parlement.—Ms. B 6: Et s'en revint le roy d'Engleterre à Gand où madame sa femme estoit. Sy ordonna toutes ses besoignes et s'en rala en son pais, et laissa par dechà le conte Derbi son cousin et le conte de Norhantonne et l'evesque de Linchelle pour estre à che parlement et traitiet qui se devoit faire en la ville de Aras, mais riens de pais ne s'y pot trouver ne esploitier. Sy y furent deus cardinaulx, le cardinal de Naples et le cardinal de Panestres, envoiiet en legation de par le pappe Benedick. Et osy de par le roy de France y fut le conte de Flandres, le conte de Bar, le sire de Saint Venant, l'evesque de Ausoire. Ches traitteurs et ces cardinaulx se tinrent là emsamble plus de trois mois, maiz il n'y peurent trouver nulle fin de pais. Fos 166 et 167.

P. 85, l. 20: Bourbon.—Ms. d'Amiens: .... li comtes de Salebruges, li comtes de Saint Pol et li sires de Couchy. Fo 52.

P. 85, l. 25: d'Artois.—Ms. de Rome: contes de Ricemont. Fo 70 vo.

P. 85, l. 26: Flandres.—Ms. de Rome: Et en furent priiet li contes de Hainnau et messires Jehans de Hainnau et messires Henris de Flandres. Li contes de Hainnau s'escusa, mais son oncle et messire Henris i furent. Fo 70 vo.

P. 86, l. 3 et 4: deux ans.—Ms. de Rome: par mer et par terre. Fo 70 vo.

P. 86, l. 5 et 6: revinrent.—Ms. d'Amiens: li cardinal en Avignon, li Franchois en Franche et li Englès en Engleterre. Et se pourveirent li doy roy sus ceste entente pour gueriier, le trieuwe acomplie, plus fort et plus radement qu'en devant n'avoient fait. Fo 52.—Ms. de Rome: Mais li contes de 265 Hainnau avoit fait priier par son oncle le cardinal de Naples, son cousin, que il vosist venir et descendre en son pais en Hainnau. Li cardinauls, à la priière dou conte et de son oncle, obei et descendi et vint en Hainnau, et entra en Valenchiennes par la porte d'Anzain. Et ala li contes sus les camps à l'encontre de li à plus de cinq cens chevaus, et l'amena moult honnourablement en Valenchiennes, et de là en son hostel que on nonme la Salle, et fu trois jours à Valenchiennes et deus jours au Kesnoi. Et puis retourna li dis cardinaus à Cambrai, et de là à Amiens, où il trouva le cardinal de Clermont qui là l'atendoit; et puis s'en alèrent tout doi ensamble à Paris deviers le roi et les signeurs. Fo 70 vo.

P. 86, l. 11: lontainnes.—Ms. d'Amiens: de Saintongle, de Gascoingne et de Thoulousain, car toudis gueriièrent il et heriièrent l'un l'autre les garnisons englesses et franchoises. Et tenoient li Gascon franchois à ce donc les camps en le lange d'ok, et concquisent pluiseurs villes et fortrèches sus les Englèz. Ossi li Escot dis(o)ient bien que jà, tant que il pewissent gueriier, il ne tenroient trieuwes ne respit as Englès, car pas n'y estoient tenu, mès de porter tous les dammaiges qu'il poroient, ensi qu'il fissent et si comme vous orés chy enssiewant. Fo 52.

P. 86, l. 14: avenues.—Ms. d'Amiens: plus qu'en nul autre pays. Fo 52.

§ 138. P. 86, l. 25: A savoir.—Ms. d'Amiens: Pluiseur gongleour et enchanteour en place ont chanté et rimet lez guerres de Bretagne et corromput, par leurs chançons et rimes controuvées, le juste et vraie histoire, dont trop en desplaist à monseigneur Jehan le Biel, qui le coummencha à mettre en prose et en cronique, et à moy, sire Jehan Froissart, qui loyaument et justement l'ay poursuiwi à mon pooir; car leurs rimmez et leurs canchons controuvées n'ataindent en riens le vraie matère, mès velle ci si comme nous l'avons faite et achievée par le grande dilligensce que nous y avons rendut, car on n'a riens sans fret et sans penne. Jou, sire Jehans Froissars, darrains venus depuis monseigneur Jehan le Bel en cel ouvraige, ai ge allé et cherchiet le plus grant partie de Bretaigne, et enquis et demandé as seigneurs et as hiraux les gerrez, les prises, les assaux, les envaïes, les bataillez, les rescousses et tous les biaux fès d'armes qui y sont avenut mouvant sus l'an de grasce mil trois cens quarante, poursieuwans 266 jusquez à le darrainne datte de ce livre, tant à le requeste de mes diz seigneurs et à ses fraix que pour me plaisance acomplir et moy fonder sus title de verité, et dont j'ay estet grandement recompenssé. Et pour chou que vous sachiés le coumencement et le rachinne de ceste guerre et dont elle se moet, je le vous declarray de point en point. Si en diréz vostre entente, et quel cause et droit messires Carles de Blois eut à l'hiretaige de Bretaingne, et d'autre part, li comtez de Monfort, qui en fist fet et partie contre lui. Pluisseurs gens en ont parlet ou parolent, qui ne sèvent mies ou n'ont sceu par quel affaire li oppinions de le challenge des seigneurs dessus diz est venus, ne premierement esmeus; mès chy s'enssuilt. Si l'oréz, s'il vous plest, et je le vous declarray.

Apriès le departement dou siège dou Tournai, si comme vous avés chy dessus oy, et que li roys de Franche donna congiet à tous sez os et remerchia lez ducs, lez comtez et lez barons de ce que si bien et si honnerablement cescun seloncq son pooir l'avoient servi, ly seigneur prisent congiet dou roy li ung après l'autre, et se retrairent chacun vers sen lieu. En ce departement, li dus de Bretaingne, qui servi avoit le roy à bien dix mil lanches devant Tournai, tous de chevaliers et d'escuiers de son pays, donna à toutez ses gens congiet de raller chacun sus son lieu, et ne retint fors chiaux de son hostel, et chemina à petittez journées et à grans frais. Bien le pooit faire, car il tenoit grant estat et noble, car il estoit sires d'un grant pays et rendable. En son chemin, chilx dus s'acouça au lit d'une maladie, de laquelle il morut. Chils dus n'avoit eu nul enfant de la ducoise sa femme. Si avoit il une sienne nièce, fille de son frère germain de père et de mère, laquelle jone fille il avoit mariée à monseigneur Charle de Blois, frère maisnet à monseigneur Loeys, comte de Blois. Chils dus de Bretagne si avoit ung frère de par se mère qui avoit estet remariée, et appelloit on cesti le comte de Montfort. Et estoit chilx comtez de Monfort mariés à le sereur le comte Loeys de Flandrez, et avoit de ceste damme fil et fille. Chils dus de Bretaigne, qui de son vivant avoit mariée se nièche, fille de son frère germain, mort devant lui, se doubtoit bien que li comtes de Montfort, ses frères de remariaige, ne volsist de forche, apriès sa mort, entrer en la possession de Bretaingne et deshireter sa nièche, qui drois hoirs en estoit. Et pour mieux tenir et garder ses drois et deffendre sen hiretaige, il l'avoit dounnet, 267 enssi que j'ay jà dit, à monseigneur Charlon de Blois, nepveut au roy de Franche, et qui le mieux et le plus grandement estoit enlinagiéz en Franche, et qui le plus y avoit de prochains de tous costéz et de bons amis. Et à celle entente avoit li dus fet le mariaige de sa nièche et de monseigneur Charlon de Blois, que li roys Phelipez, qui estoit ses oncles, li aidast mieux et plus volentiers à garder son droit encontre le dit comte de Monfort, s'il le volsist entreprendre, liquelx ne venoit mies dou droit estock de Bretaingne. Fo 52 vo.

Ms. de Rome: Vous sçavés, si com ichi desus est dit, que li rois Phelippes de France, qant il vint au Pont à Bouvines à l'encontre dou roi d'Engleterre, liquels avoit assis et environné la chité de Tournai, et i fist son mandement parmi le roiaulme de France, il n'oublia pas à mander le duch de Bretagne, liquels le vint servir plus poissanment que nuls des aultres prinches de France; car il ot en sa compagnie et delivrance trente trois banerès dou pais de Bretagne, et bien sept cens chevaliers et esquiers, tous gentilshonmes.

Qant tout li signeur se departirent dou roi et l'un de l'aultre, et que casquns s'en retourna viers son pais, et il orent donné tous lors honmes congiet, car en grant temps ils n'en pensoient à avoir à faire pour tel cas, chils dus de Bretagne, qui pooit estre de l'eage de soissante ans ou environ, s'en retournoit viers son pais à tout son estat tant seullement. Maladie le prist et aherdi sus son cemin, de laquelle il s'acouça au lit en la chité de Chartres, et en morut. Ce duch mort, de li ne demora fils ne fille, car nul enfant il n'ot onques eu de sa fenme. Chils dus avoit eu un frère germain de père et de mère, lequel on avoit nonmé mesire Jehan de Bretagne. De ce frère au duc estoit demorée une belle jone fille, nonmée Jehane, et contesse de Pentèvre de par sa dame de mère. Chil doi duc, c'est à entendre le duc qui fu devant Tournai, et mesires Jehans de Bretagne, son frère et conte de Pentèvre, avoient un frère de par lor dame de mère, non de par lor père, car lor mère estoit remariée au conte de Montfort. Chils contes avoit eu ce fil, qui se nonmoit contes de Montfort, de la dame qui duçoise avoit esté de Bretagne, vivant le duch de Bretagne son mari tant seullement. Li dus de Bretagne qui fu devant Tournai et ses frères avoient tenu ce conte de Montfort à frère, pour tant que il estoit fils de lor mère et non de lor père, ensi que vous le devés entendre. Chils contes 268 de Montfort avoit à fenme la soer au conte Lois de Flandres. Li dus de Bretagne qui fu devant Tournai, avoit la fille de son frère germain mariet à messire Carle de Blois, fil au conte Gui de Blois et frère au conte Lois de Blois et neveut dou roi Phelippe de France, fil de sa serour; car vous savés, ensi que il est dit et escript ichi desus, que li contes de Hainnau, li contes Guis de Blois et mesires Robers d'Artois eurent les trois serours dou roi Phelippe. Chils dus de Bretagne qui fu devant Tournai, avoit tous jours fait doubte que li contes de Montfort, son frère de remariage, ne vosist, apriès son dechiès, efforchier sa cousine la droite hiretière de Bretagne, et bouter hors de son hiretage; et pour ce l'avoit il mariet et donnet à mesire Carle de Blois, (affin) que li rois Phelippes de France et li contes d'Alençon, si oncle, et li dus de Normendie, ses cousins germains, li aidaissent à soustenir et deffendre son hiretage de Bretagne, se li contes de Montfort, qui riens n'estoit issus de Bretagne, le voloit efforchier et oster son droit, par queconques cautelle(s) que ce fust.

Et ce en avint que li dus de Bretagne pensa et imagina en son temps. Car sitos que li contes de Montfort peut sçavoir que li dus de Bretagne, ses frères, fu mors, il s'en vint à Nantes, qui est la souverainne chité de Bretagne. Et fist tant as bourgois et à ceuls dou pais entours que il le rechurent à signeur et li fissent feaulté et honmage, et toutes les solempnités autèles conme elles apertiennent à faire as dus de Bretagne, sans nulles excepsions ne reservations; et tantos ala à Rennes, qui est la grignour chité apriès. Chil de Rennes le rechurent parellement. Aussi fissent chil de Vennes, de Camperlé, de Camper Correntin, de Dol, de Saint Bru de Vaus, de Hainbon, de Lanbale et de toutes les chités et villes de Bretagne, reservé Braist et auquns fors chastiaus et les signeurs qui ne vodrent pas sitos obeir; car il sentoient que mesires Carles de Blois avoit à fenme la droite hiretière de Bretagne, et s'enmervilloient conment les bonnes villes et les chités de Bretagne estoient sitos rendues à lui; mais mesires Hervis de Lion, un grant baron de Bretagne, i avoit fort aidié. Et là par tout où li contes de Montfort aloit et cevauçoit, et à toutes ces receptions il menoit la contesse sa fenme, laquelle avoit coer d'onme et le lion. Et s'avisèrent li contes et sa fenme, qant il orent chevauciet par toutes les chités et bonnes villes de Bretagne, que il ordonneroient une feste à tenir très 269 grande en la chité de Nantes. Si fu la feste prononchie et publiie par tout, et li jours asignés que la feste se tenroit. Si furent les pourveances faites très grandes et groses de toutes coses que à la feste pooit ou devoit apartenir. Fo 71.

P. 86, l. 29: à host.—Ms. B 6: à plus de quinze cens lanches. Fo 167.

P. 87, l. 3: morir.—Ms. B 6: à Roen. Fo 167.

P. 87, l. 17: se mère.—Mss. A 1 à 7, 11 à 22, 30 à 33: son père.—Mss. A 8, 9, 23 à 29: sa mère. Fo 69 vo.

P. 88, l. 23: sa femme.—Ms. B 6: que seur germaine estoit du conte Loys de Flandres. Fo 169.

§ 139. P. 89, l. 1: Chou pendant.—Ms. de Rome: Li contes de Montfort, qui soubtieus et imaginatis estoit, se departi de Nantes et laissa là la contesse sa fenme, pour ordonner de celle feste, et cevauça à poissance de gens d'armes viers la chité de Limoges, dont li dus, son frère, avoit esté sires et contes; et bien savoit que son grant tresor estoit là, et de lonch temps l'avoit assamblé. Qant il fu venus jusques à Limoges, on ne mist nul contredit à lui recevoir, car renonmée couroit jà, et bien le remoustroit, que chil de Nantes, de Rennes et de Vennes et des chités et bonnes villes de Bretagne l'avoient receu à duch et à signeur, et ce coulouroit grandement son fait. Et li fissent toutes les solempnités les eglises et les bourgois de Limoges que on doit faire à son signeur; et prist et saisi le grant tresor: en or et argent avoit grans sonme que li dus son frère avoit assamblé, car ce fu uns sires de bon gouvrenement et de grant espargne. Chils contes de Montfort prist tout ce tresor et le carga et toursa et en ordonna ensi conme sien, et s'apensa que il li venroit bien à point pour renforcier son estat, acquerre des bons amis et destruire ses ennemis.

Qant il ot pris la possession de Limoges et de Limosin de ce que à son hiretage apertenoit, il ordonna partout gens et officiiers de par lui et se mist au retour, et vint à Nantes. Et trouva que les pourveances pour la feste que il voloit tenir, estoient toutes prestes, dont il fu moult resjois, car il atendoit les nobles et les prelas de son pais, c'est à entendre selonch le droit que il se disoit à avoir. A cele feste qui fu tenue à Nantes, vinrent des chités et des bonnes villes de Bretagne les consauls et les honmes que il avoit creés et pourveus en office; mais des barons 270 nuls n'i vinrent, fors mesires Hervis de Lion, dont il fu moult pensieus et esmervilliés. Bien est verité que auquns chevaliers et esquiers, le plus Bretons bretonnans, i vinrent, liquel n'estoient pas encores bien enfourmé de la matère. Et à tous ceuls qui furent à sa feste, il donna et departi de ses biens si largement que tout s'en contentèrent, et acquist la grasce et l'amour d'euls, car il n'est riens que dons ne qassent.

Qant li contes de Montfort vei que pluisseur baron et chevalier de Bretagne refusoient à ses mandemens, et que point n'estoient venu à sa feste, si en fu tous merancolieus. Et pour ce ne laissa il pas à fester et à faire bonne chière à tous ceuls qui venu estoient. Et avant que la feste fust esparse, il demanda comment il se ceviroit de ceuls qui le voloient adoser. Il fu consilliés que il semonsist tous ses hommes, et priast ses amis et presist saudoiiers de toutes pars, car il avoit bien de quoi faire, et cevauçast à poissance de gens d'armes en Bretagne, et conquesist de fait les rebelles et fesist venir à obeissance, et tout premierement il alast devant Brait et fesist tant que il en fust sires, car pas n'est dus de Bretagne qui n'est sires de Brait. Li contes de Montfort crei ce consel et semonst tous ceuls qui feaulté li avoient fait, et desquels il pensoit à estre aidiés, et retint saudoiiers à tous lés, et les paia bien et largement, tant que casquns le vint volentiers servir. Fo 71 vo.

P. 89, l. 9: seigneur.—Ms. d'Amiens: car il n'avoient encorrez oy parler de nului qui li debatesist ne mesist callenge. Fo 52 vo.

P. 89, l. 20: parfurnir.—Ms. d'Amiens: Si avoit li dus escript especialement et envoiiés certains messaiges deviers le visconte de Rohem, monseigneur Charle de Dignant, monseigneur Hervy de Lion, monseigneur l'evesque, son frère, ossi à l'evesque de Rennes et à l'evesque de Vanes, au seigneur de Cliçon, au seigneur de Biaumanoir, au seigneur de Kintin, au seigneur de d'Avaugore, au seigneur de Lohiach, au castelain de Ghinghant, au seigneur de Rais, au seigneur de Rieus, au seigneur de Malatrait, au seigneur de Garghoule, au seigneur de Tournemine, au seigneur d'Ansenis, et generaulement à tous lez barons, chevaliers et prelas de Bretaingne, et engoint en especialité que tout venissent à se feste en le cité de Nantez. Fo 53.

P. 89, l. 24: Hervi.—Mss. A 8, 9, 11 à 17, 20 à 22: Henri. Fo 70. Mauvaise leçon.

271 P. 90, l. 1: entre yaus.—Ms. d'Amiens: par le enort de monseigneur Hervy de Lion et de aucuns bourgois de Nantez. Fo 53.

§ 140. P. 90, l. 17: Brait.—Mss. A 8, 9, B 3: Braist. Fo 70.—Mss. A 1 à 7, 11 à 33: Brest. Fo 76 vo.

P. 90, l. 20: et cousins.—Ms. B 6: à le femme monseigneur Charle de Blois. Fo 170.

P. 91, l. 4: à signeur.—Ms. d'Amiens: .... car il y avoit plus prochain à l'hiretaige qu'il ne fust. De ceste responsce eult li comtes de Monfort grant matalant et se retrai arrierre; et deffia le chevalier et dist qu'il li remousteroit, ainschois que de là se departesist, quèle proimeté il avoit à le duché de Bretaingne. Si coumanda à logier touttez mannierrez de gens et à environner le ville de Brait, au costet deviers le terre. Fo 53.

P. 91, l. 6: à signeur.—Ms. B 6: .... mais garderoit la ville et le chastel pour l'iretière, le femme de monseigneur Charle de Blois. Fo 170.

P. 91, l. 7: à qui.—Mss. A 11 à 14: auquel la duchié appartenoit par droit. Fo 74.

P. 91, l. 9: deffia.—Ms. B 6: Sy furent là ly barons et les sauldoiers du conte huit jours que riens n'i firent. Fos 170 et 171.

P. 91, l. 11 et 12: assallir.—Ms. B 6: à toute son host où bien avoit douze mille hommes, que uns que aultres. Fo 170.

P. 91, l. 21: assaut.—Ms. d Amiens: A cel assault eult grant hustin et très durement fort combatut, car messires Garniers de Clichon estoit très bon chevalier et plains de grant emprise, si se combatoit de grant couraige, car il li sambloit que il le faissoit sus son droit: s'en estoit de tant plus vigereux et tenoit ung glaive en ses mains à ung fer bien aceret, et en faisoit merveillez d'armez. Et ne pooit nulx venir jusqu'à lui, que il ne ruast par terre. Ossi li sien le faisoient bien et bel, si comme bonnes gens d'armes le doient faire. Si dura chilx assaulx du matin jusques à nonne ou environ, toudis assallant et deffendant, et tant que chil de d'ens furent durement lasset. Ce n'estoit mies de merveillez, car d'estre armés et de combattre ung tel terme, je ne say coumment on le poelt souffrir ne endurer; mais il le faisoient tout de grant vollenté et pour ce que il veoient si bien combattre leur cappittainne. Et ossi il le besongnoit, car leurs ennemis croissoient toudis, et venoient là à grant force, fresk et 272 nouviel, et se contourna tous li plus durs et grans assaux à cel endroit. Finablement messires Garniers de Clichon et li sien furent si efforciet et si apresset, que les gens le comte de Monfort gaignièrent, par fort continuer leur assault, les bailles, et se boutèrent en le ville entre les gens monseigneur Garnier et le fortrèce. Là en y eut pluiseurs des mors et des navrés, et fète tamaintez bellez appertisez d'armez et mainte belle rescousse. Et tout combatant et deffendant, chil de dedens se retrayrent vers le fort, mès il n'y peurent tout parvenir, que il n'en y ewist grant plentet de mors et de pris. Et là estoit li dis messires Garniers, l'espée ou poing, derière ses gens, devant sez ennemis, qui merveillez y faisoit d'armez, et qui tamaint compaignon dez siens rescouvi de mort et de prison, et fist voie pour entrer en le fortrèce. Fo 53 vo.

P. 92, l. 8 et 9: le grant restiel.—Ms. B 6: le traille. Fo 171.

P. 92, l. 21: navrés.—Ms. B 6: et eult plus de quatorze plaies.

P. 92, l. 30: au tierc jour.—Ms. B 6: au septième jour. Fo 172.

P. 93, l. 20: joians.—Ms. de Rome: Qant li contes de Montfort vei que il avoit gens assés pour cevauchier avant en Bretagne, et pour aprendre à congnoistre liquel et lesquels vodroient faire partie à l'encontre de li, et dire que il ne fust de son droit dus et hiretiers de Bretagne, li intension de li et de son consel estoit telle que il les radreceroit, vosissent ou non, à raison. Si se departi de Nantes en grant arroi, et se mist au chemin pour venir et aler devant Brest. Vous devés sçavoir, avant que il venist à Brest, il avoit jà le plat pais de Bretagne et moult de grosses villes si constrains à lui et mis en son obeisance que toutes gens le sievoient à cheval et à piet, les uns par renonmée que on disoit: «Vechi nostre signeur le duch,» les aultres par cremeur, que il n'en osoient faire le contraire. Et tant esploitièrent li contes de Montfort et toutes ses routes, que il vinrent devant Brest. Dou chastiel de Brest, pour ces jours, estoit gardiiens et chapitainne uns vaillans et sages chevaliers, qui se nonmoit messires Garniers de Cliçon, cousins germains au signeur de Cliçon. Li contes de Montfort le manda que il venist parler à lui sus asegurances; il vint. Qant il fu venus, il li demanda pourquoi il clooit les forterèces de Bretagne à l'encontre de li, qant 273 bien il savoit que il en estoit dus et sires, et que les chités et bonnes villes de Bretagne l'avoient recheu à signeur. Il respondi à ce et dist: «Sire, je tieng clos et tenrai le chastiel de Brest, tant que il me sera aparant que il i auera un duch en Bretagne, qui recheus i sera de tous les barons et les fievés, ensi conme il apertient à estre recheus, et que chils dus auera fait son devoir deviers son naturel et souverain signeur, le roi de France, et que li rois l'auera recheu à honme liege, de foi et de bouce. Et qant ce me sera apparant clerement, je obeirai: ce sera raisons.» Donc dist li contes de Montfort: «Garnier, vous veés mesire Hervi de Lion qui est uns des grans barons de Bretagne, qui est venus à obeisance à moi, et aussi sont pluisseur noble prelat et gentilhonme, et toutes les chités et bonnes villes de Bretagne. Si ne me devés pas estre rebelles, ne aleghier dou contraire, que je ne soie dus de Bretagne, car la succesion m'en vient de par monsigneur mon frère, le daarain mort.»—«Sire, respondi li chevaliers, je ai esté moult de jours et de nuis dalés monsigneur vostre frère, de qui vous parlés, et se li ai oy dire et affremer que à la ducée de Bretagne vous n'avés nul droit, mais l'a mesires Carles de Blois en l'oqison de madame sa fenme qui fille fu à mesire Jehan de Bretagne, conte de Pentèvre, et frère germain au bon duc darrainnement mort. Et qant les raisons seront esclarcies et determinées, là ou lieu où elles le doient estre, c'est à Paris devant le roi de France et les douse pers, puis que vous en volés faire question, je ouverai le chastiel de Brest, et jusques adonc, non.»—«Garnier, Garnier, respondi li contes de Montfort, nous ne volons pas tant atendre. Or vous en retournés, vous avés assés parlé, et sachiés que nous i enterons qant nous porons.» Atant rentra mesires Garniers de Cliçon ens ou chastiel, et li contes de Montfort fist ordonner et apparillier enghiens et bricoles pour assallir, et dist: «Brest est la clef de Bretagne, mais par celle clef je voel entrer en Bretagne.»

Li contes de Montfort prist en grant desplaisance ce que messires Garniers de Cliçon li avoit dit et respondu, et dist que jamès il n'entenderoit à aultre cose, si aueroit pris le chastiel de Brest. Le second jour apriès, il fu consilliés de faire ce que je vous dirai, de mettre une enbusqe sus au plus priès dou chastiel conme il poroit par raison et puis deslogier de là mal ordonneement, ensi que gens font qui ne sèvent que c'est de gerre, pour traire hors dou chastiel messire Garnier et les siens; et qant il 274 seroient hors, li enbusqe saudroit avant et les encloroit entre le chastiel et l'oost. Aultrement ne les pooit on avoir. Ensi conme il fu consilliet, il fu fait, et li enbusqe asisse et mise couvertement desous le chastiel. Qant ce vint au matin, chil de l'oost se conmencièrent à deslogier, et à euls departir par fouqiaus, et à tourser tentes et trefs et à metre sus chars et à voiture. Messires Garniers de Cliçon et li compagnon qui ens ou chastiel de Brest estoient, perchurent ce convenant; si dissent: «Sallons hors et nous frapons en la qeue de ces alans. Nous lor porterons damage et ramenrons des prisonniers.» Il le fissent, et issirent hors et n'eslongièrent point de trop lonch le castiel, car les gens de Montfort estoient logiet moult priès ens ès courtils, devant les fossés. Qant il furent issu, les lances ens ès poins, et tous apparilliés pour faire armes et ferir en la qeue des Montfortois, et jà il escarmuçoient, evous l'enbusque venant tout le pas autour dou chastiel, et trouvèrent ceuls qui gardoient la porte. Qant il perchurent lors ennemis, il furent tout esbahi, et toutes fois il se missent à la deffense moult vaillanment. Mesires Garniers et li sien oïrent le hustin. Si laissièrent lor emprise et retournèrent viers le chastiel, et envaïrent moult vaillanment lors ennemis. A grant mescief porent il rompre la presse des assalans, car li pons estoit avalés, et la porte ouverte; si se efforçoient de entrer dedens. Là ot fort hustin et dur, et moult d'armes et d'apertises i fissent chil dou chastiel, et par especial messires Garniers de Cliçon, car il se tenoit derrière tous les siens et les remetoit par apertisses d'armes dedens la porte. Chil qui estoient amont traoient et jettoient as assallans et les faisoient requler. Et toutes fois li pons et la porte euissent esté efforchié, con grande vaillance que il i euist ou chevalier et en ses gens, se chil qui estoient amont ne se fuissent delivré de lever le pont et d'abatre la porte couleice.

Qant il orent ce fait, il laissièrent une petite plance aler, sus laquelle lors gens montoient un à un et rentroient ens ou chastiel. Là estoit mesires Garniers de Cliçon tout devant, et faisoit voie à ses gens et les remetoit dedens à son pooir, et fist ce jour d'armes ce que uns vaillans homs doit faire; mais il fu navrés moult durement, et à grant painne fu il remis dedens la garnison. Et là ot ce jour à celle escarmuce grant fuisson de bleciés des uns et des aultres. Li contes de Montfort et ses gens se retournèrent tous en lors logeis conme en devant. Et qant chil dou chastiel de 275 Brest veirent ceste ordenance, il perchurent bien que il estoient decheu, et encores furent il plus courouchié, car mesires Garniers de Cliçon ne pot avoir dedens la forterèce ce que il li besongnoit, pour entendre as plaies que il avoit ou chief et ou corps, et morut dedens trois jours, dont furent tout li compagnon desbareté et esbahi, qant il veirent mort lor chapitainne. De la mort mesire Garnier fu enfourmés li contes de Montfort. Si en fu tous resjois, car bien veoit que point n'aueroit la forterèce, tant que messires Garniers fust en vie. Il fist trettiier par mesire Hervi de Lion as compagnons de Brest, et leur fist dire que il lor pardonroit tous mautalens, se il li voloient rendre la forterèce. Chil qui dedens estoient, qui veoient mort lor chapitainne, et ne lor apparoit seqours de nul costé, se doubtèrent de lors corps et de lors biens à perdre; si rendirent Brest au conte de Montfort, salve lors corps et lors biens. Ensi eut li contes de Montfort le chastiel de Brest, et le rafresci de nouvelles gens et de pourveances, et le bailla en garde et sus son honnour à un gentilhonme des siens, auquel il avoit bonne fiance. Fos 72 et 73.

§ 141. P. 93, l. 24: Rennes.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: Vennes. Fo 77 vo.

P. 93, l. 30: doubtance.—Ms. d'Amiens: Si y aloient li pluiseur plus par force que par amours, car qui en fuist rebellez, li comtez le fesist decoller sans merchy. Fo 53 vo.

P. 94, l. 2: fourbours.—Ms. d'Amiens: qui adonc estoient moult grans. Fo 53 vo.

P. 94, l. 3: Et avoient.—Ms. d'Amiens: Et avoient avoecq yaux à cappittaine de par le duc dairain mort, ung gentil homme, chevalier preu et hardi à merveillez, et avoit son mannoir et son hiretaige assés priès de là; et le amoient communement trèz durement. Et avoit chilx à nom messires Henris de Penefort, et disoit bien que jà ne relenquiroit sa droite damme la femme à monseigneur Charlon de Blois, et le tenoit et avoit tenu toudis à hiretierre de Bretaingne. Ossi tout chil de la chité de Rennez estoient de son accord.

Enssi fu assigie la chité et la ville de Rennes dou comte de Monfort et de tous ses comfortans. Peu y fist traire ne lanchier, car il ne volloit mies grever ne blechier ses gens. Or avint que il prist vollenté à monseigneur Henry de Pennefort de faire une yssue sour ses ennemis et de resvillier ciaux de l'ost. Si s'en descouvri 276 à aucuns jouennes bourgois et compaignons de le ville de Rennes, liquel s'i accordèrent et priièrent tout l'un l'autre. Et se queillirent et armèrent une ajournée, et yssirent de le chité; et pooient y estre environ cinq cens, tous arméz et bien montéz. Et s'en vinrent couvertement par voies non sceuez, et se boutèrent en l'ost le comte de Monfort à l'un des corons; et abatirent tentez et tréz et pauvillons, et coummenchièrent à gens navrer et ocire et mehaignier, et à faire un mout grant desroy. Li hos s'estourmy, et coururent vistement as armez; et messires Henris de Pennefort, quant il vit que point fu, il se retraist tout bellement vers le cité de Rennes.

En celle propre nuit avoit fet le get li sirez de Gadugal et bien sept cens armurez de fer, sans les brigans à targes et à pavais. Si entendirent coumment chil de le chité estoient yssus hors et avoient porté moult grant dammaige à leur ost. Adonc s'en vint li sirez de Gadugal, à qoite d'esperons, entre le chité et messire Henry de Pennefort, et lez encloi avoecq se routte, parmy tant que chil de l'ost, qui estourmit estoient, leur revinrent par derière. La eut grant bataile et fort combatue d'une part et d'autre. Et y fissent chil de Rennes grant plentet d'armez, et fortement se combatirent; mès gens croissoient toudis à chiaux de l'ost. Se ne les peurent à le longhe souffrir ne porter, et fu(i)rent comme desconfit chil de Rennez deviers leur ville. Et en i demoura grant fuisson des leurs, car li enchauce et li poursuioite dura jusquez as barrières. Et remest messires Henris de Pennefort en bon convenant sus le place, et trop bien se combati desoubz son pignon, mès finablement il ne peut durer. Rendre le couvint, et fu prisonnier à ung escuier de l'hostel le comte de Montfort, que on apelle Joffroy dou Bruel, liquelx le rendi au dit comte qui en eut grant joie, pour tant qu'il li estoit contraire et avoit estet moult grans ennemis.

Quant chil de Rennez se virent ensi desconfit et pris leur bonne cappittainne, si furent tout ce jour durement esbahy; et durement leur anoya, et ce fu bien raisons. Nonpourquant il se recomfortèrent entre yaus; et disent li plus saige que, se il avoient perdu celle fois, un autre fois il se recouvreroient. Si passèrent ensi leur anoy et entendirent as deffenscez de leurs chitéz. Or vous diray de quoy li comtez de Montfort s'avisa affin que pour mieux constraindre et atraire lez bourgois de Rennes à sa volenté, car bien savoit que toute la coumunalté de le ville amoient 277 durement monseigneur Henry de Pennefort, et que jammais il ne li lairoient prendre quel meschief dou cors, là où bonnement il le pewissent amender. Pour ce, fist il amener le chevalier et li dist: «Messires Henris, messires Henris, vous m'avés estet grandement contraires et rebelles en touttes mes besoingnes, et advés enhortet et amenés les bourgois et le communauté de Rennes à che qu'il se sont clos contre moy, qui sui leurs drois sirez naturelz; et estez venus avoecq eulx à main armée sour my, et m'avés porté grant dammaige de mes hommes: pour quoy il faut que vous morés, car briefment je vous feray pendre, voiant tous chiaux de le chité, par quoy il y prenderont exemple.» Et quant li chevaliers entendi le comte de Montfort ensi parler, s'il fu esbahis, ce ne fu pas merveillez. Nonpourquant il respondi et dist: «Chiers sirez, vous povés faire de moy vostre bon plaisir, car vous me tenés en votre prison. Mès, s'il plest à Dieu, vous arés bon advis, car ce seroit grant cruaulté, se moy, qui sui pris en fès d'armes, moroie villainnement et sans deserte, et à trop grant blamme vous seroit reprochiet. Et se j'ay tenu ceste opinion contre vous, je ne sui pas seus, car il y a encorres mil chevaliers et escuiers en le ducé de Bretaingne, ou si grans ou plus grans que je ne sui, qui le tiennent et tenront, che dient. Car ensi l'avons nous juret fealment à monseigneur le duc vostre frère, dairain trespasset; et proummis à tenir sa nièce, femme à monsigneur Charlon de Blois, à damme et hiretière. Si me poés tenir en prison, s'il vous plest, et quant la declaration sera faitte de vous et d'elle, faittes de moy vostre bonne vollenté et che que vos conssaux et bonne conscienche aporteront qu'il en appertenra adonc à faire.»

Quoyque messires Henris de Pennefort parlast assés raisonnablement au comte de Monfort, seloncq l'avis de pluiseurs, li comtez ne se refroida mies de tenir sen oppinion, et dist: «Messire Henri, vostre arguement ne vallent noient, ne de vostre dame, femme à messire Charle de Blois, car il est tout cler que je sui dus de Bretaingne, et demoray dus à tousjours; et, comme dus, je vous juge et condamne à mort par le cause de vostre rebellion. Si vous povés confesser, se vous voulléz, car jammais ne buveray ne mengeray, si vous aray fet pendre, ou vous me feréz rendre le chité de Rennes en foy et en hoummaige, et vous ossi me juréz feaulté, ensi qu'à vo droit seigneur.» Et quant li chevaliers entendi le comte ensi parler et si acertez, si fu touz esbahis; car 278 de relenquir sa droite damme, che li estoit moult dur. Si dist tous confortéz: «Sire, vous povés faire de moy vostre bon plaisir, mès pour morir, je ne le relenquiray jà mon droit seigneur, ne le serment que j'ay fet, et Dieux ait l'ame de moy! S'il li plest que je muire, je le receveray en gré, car il n'est nulle mort honteuse, puis que on le prent pour bien faire et sus title de loyaulté maintenir.»

Adonc fu coummandé de par le comte de Monfort que li chevaliers fust amenés vers Rennes, et que on levast unes fourques mout tost près de le cité. Tout chou fu fait qu'il coummanda, les fourques levées, et messires Henris de Penefort par le marescal de l'ost amenés jusques à Rennes, et bien gardés de plus de deux mille bachinès, affin que chil de le ville ne le rescouvissent. Et quant li coummunaulté de le chité de Rennes entendi que li gibet que on carpentoit et levoit si priès d'iaux, estoit ordonnés pour faire morir monseigneur Henry, leur bonne cappitainne, si eut en le ville grant cririe et grant plorie. Et en avoient touttez mannierres de gens grant pitet, et fissent assavoir au comte de Montfort se pour raenchon on le poroit ravoir; et il leur respondi que nenil, fors pour avoir le chité de Rennes en se obbeyssance. Dont respondirent il qu'il aroient consseil et advis de chela faire, et que on le volsist detriier tant que on fust conssilliet; et li comtes leur acorda vollentiers.

Endementires que chil de le chité de Rennes se conssilloient entre yaux dou rendre ou dou laiier, il y avoit là aucuns chevaliers de l'amisté monseigneur Henry de Pennefort, qui li enhortoient et conssilloient que il se volsissent retraire au comte de Monfort, et que il faisoit trop grant follie de tenir l'oppinion que il tenoit: «car pour quoy? disoient il. Monseigneur Henry, otant bien avions nous nostre loyauté et honneur que vous faittez la vostre; mès nous ne veonz nul apparant de monseigneur Charlon de Blois, ne de sa femme, qu'il se retraient avant à l'hiretaige. Et prendés enssi que messires Carlez reviegne à le ducé de Bretaingne et que ce soit ses drois, se couvenra il que li comtez de Montfort en ait aucune parchon. Dont espoir vous escherés en ceste, ou autrement vous avés orez belle escusation, car par constrainte vous serés devenus homs au comte de Monfort. Jà pour ce, messires Carlez de Blois ne vous en vaura pis.»

Ensi et de pluiseurs parollez fu tant menés et enforméz li chevaliers que il se laissa à dire, car au destroit chacuns fuit le mort 279 vollentiers; mès encorres disoit il que, se il quidast estre venus à tel coron, il ne se fust jà rendus prisonniers, mès fès occire sus lez camps, et que messire Garniers de Clichon avoit estet loyaux et vaillans chevaliers, quant en se loyaulté il estoit mors. Ensi se debatoient de parollez li chevalier et li escuier de Bretaingne, qui adonc avoec le comte de Montfort estoient, à monseigneur Henry de Pennefort; car trop envis le ewissent veut pendre, ne recepvoir nul dammaige dou corps. Et chil de Rennes parlementoient, li petis contre les grans, et estoient en grant estri ens le place où il estoient tout assamblet. Car la coumunauté volloit que la cité fust rendue et messires Henris de Pennefort delivréz; et li rice homme et grant bourgois y estoient tout contraire, et disoient que jà n'avenroit que il fesissent fraude, ne se desloyautaissent enviers leur droite damme naturelle, pour ung chevalier, et que à trop grant meschief leur poroit retourner. Nient mains touttez raisons remoustréez des grans as petis, il n'y vorent point entendre, mès sonnèrent la cloche et se coururent armer. Et s'esleva grans tumultes et dissentions entre les coummuns et lez plus gros de le ville qui contraire estoient à leur vollenté; et les coururent sus, et il se deffendirent. Là en y eult pluiseurs mors et blechiéz, mès finablement li communauté obtinrent le place et furent mestre et souverain à ce donc des grans. Et envoiièrent deviers le comte de Montfort, en disant que il venist sceurement en le cité de Rennes, on li recepveroit à signeur, mès que il reuissent monseigneur Henry de Pennefort. Li comtez dist: «oil,» et fu de ces nouvelles mout joiant, et vint en le cité de Rennes, et y entra en grant reverense de trompez et de trompettez et de touttez mannierres de menestrandie. Et vinrent li clergiet à grant pourcession contre lui et le amenèrent à cel solempnité à le cathredal eglise; et là li jurèrent tout feaulté et li fisent hoummaige comme à leur droit seigneur. Et ossi fist messires Henris de Pennefort, qui devint ses homs et ses chevaliers: dont li comtez eut grant joie, car il le sentoit preudomme et vaillant; et puisqu'il en avoit le foy, il ne le frauderoit à nul jour. Se le retint li comtez de son consseil, et li donna tantost cinq cens livrez de revenue, et li assigna bien où il lez devoit prendre.

Ensi comme je vous recorde eut li comtez de Montfort la bonne cité de Rennes, le foy et le feaulté des bourgois de la ville; et s'i tint par cinq jours, pour lui rafreschir et reposer, et 280 pour mieux entendre à le fortrèce de le ville et atraire touttez mannierrez de gens à sen amour. Et de tant comme il y fu, il y tint toudis court ouverte et donna grans dons as bourgois et à touttez mannierres de gens dont il entendoit le mieux à valloir; et tant fist qu'il y acquist grant grace. Quant il s'en dubt partir, il y laissa ung chevalier de par lui à cappitainne, breton bretonnant, en qui il avoit grant fianche; et appielloit on cesti monseigneur Guillaumme de Quadudal, gentil homme et preudomme durement. Au sixime jour, il s'en parti et coummanda à deslogier touttez mannierres de gens et prendre le chemin deviers le castiel et le forte ville de Hainbon; et emmena avoec lui monseigneur Henry de Pennefort, car il en penssoit bien à avoir mestier en son voiaige. Fo 54 vo.

P. 94, l. 13: deus cens.—Ms. B 6: trois cens. Fo 172.

P. 94, l. 21: le gait.—Ms. B 6: Sy fu au retour entre l'ost et le chité enclos de mesire Hervi de Lion qui avoit fait le gait. Fo 172.

P. 95, l. 8: le porte.—Ms. B 6: et fist lever unes fourques droit devant les fossés. Fo 173.

§ 142. P. 96, l. 11: Adonc.—Ms. d'Amiens: Li comtez Jehans de Montfort se departi de Rennez et fist arouter ses os et son charoy pour venir à Hainbon, ung très fort chastiel seans sus mer. Bien avoit oy recorder que messires Oliviers de Pennefort, frèrez au dit monsseigneur Henry, l'avoit en garde et en estoit castellains, et ossi que li castiaux avoecq la ville estoient si fort que il ne faisoit mie à prendre ne à gaagnier, sans trop loing siège. Et pour ce, en cheminant celle part, il moustroit tous les signes d'amours qu'il pooit, à monseigneur Henry de Pennefort, et li disoit: «Henri, Henri, vous estez devenus mes homs et mes chevaliers. Si me devés toutte obeissanche et tout service, et m'avés juret feaulté et à aidier à concquerre mon hiretaige de Bretaingne et à destruire tous rebellez.»—«Sire, che li dist messires Henris, il est verités. Et pourquoy le dittes vous? S'il plest à Dieu, vous n'y veurés jà le contraire, puisque à ce me sui adounnés et assentis.»—«Je le vous diray, ce dist li contes, nous chevauchons deviers Hainbon, dont Oliviers, vos frères, est gardiiens et cappittainne. Si ne voroie pas, pour l'amour de vous, qu'il ewist nul dammaige dou corps; et se vous volliéz bien, adcertez nous l'arions à nostre acord, et plus l'a(r)oie à avoir 281 bellement que fellement.»—«Sire, che respont messires Henris, or me monstréz voie, s'il vous plest, comment ce se pourroit faire.»—«En nom Dieu, dist li comtez, je le vous diray. Quant nous deverons demain aprocier le ville de Hainbon à quatre ou à cinq lieuwes, vous prenderés quatre cens ou cinq cens armures de fer des nostrez, et chevaucerés devant à tout les bannières de Bretaingne, et li feréz assavoir que vous venés vers lui. Je croy assés bien que il vous ouvera les portes, et quant vous seréz ens et enssi que saisis de la ville, vous li mousterés sus quel estat vous serés là entrés, et que c'est bon qu'il me reçoive comme son droit seigneur.»—«Sire, che respont messires Henris, puisque à ce vous m'esmouvés, et que de vostre ordonnanche vient, je le feray, mès je deceveray mon frère.»—«Henri, Henri, ce dist li comtez, en fès d'armes convient ung seigneur qui voet venir à ses ententes, soutillier pluiseurs voies d'avantaige pour lui. Autrement il n'a que faire de gueriier, et ceste est la plus proçainne que g'y puis ymaginer pour mon prouffit, car Hainbon n'est mies ungs castiaux à concquerre par siège ne par assault, sans grant coustage.» Fo 55.

P. 96, l. 11: li contes.—Mss. A 11 à 14: et la contesse. Fo 75.

P. 97, l. 10: six cens.—Mss. A 11 à 14: cinq cens. Fo 75 vo.

§ 143. P. 97, l. 25: Adonc.—Ms. d'Amiens: Sus les parolles dou comte de Montfort s'ordonna messires Henris de Pennefort. L'endemain, chevaucha li hos deviers Hanbon. Et si comme il pooient y estre à cinq lieuwez priès, li dis messires Henris se parti dou comte et enmena avoecq lui jusquez à cinq cens armures de fer, et chemina tous les grans ghalos deviers le ditte fortrèche. Et quant il fu ensi que à une petitte lieuwe priès, il envoya ung hiraut devant mander à son frère qu'il venoit, et que il li vosist ouvrir les portes. Li hiraux fist tout ce dont il fu chargiés. De la veuue monseigneur Henry de Pennefort eut messires Oliviers, sez frèrez, si grant joie, qu'il ne demanda oncquez s'il estoit amis ou ennemis, mès dist au hiraut: «Aléz contre lui, et li dittez qu'il est li bien venus.» Ensi le raporta li hiraux à monseigneur Henry, liquelz entra en le ville à touttes ses gens, et se saisi de son frère et dou castiel. Et recorda à son frère comment li affairez alloit en Bretaingne, et que li comtes de Monfort avoit jà à lui et en son accord le plus 282 grant partie dou pays, et bien estoit tailliéz d'avoir le remanant, car nuls ne li alloit au devant. Et li avoient grant plentet des seigneurs fet feaulté, et especialment cil de Nantez et de Rennes, qui sont les souveraines chitéz dou pays et sour qui tous li demorans se doit aviser.

Quant messires Oliviers de Pennefort eut oy son frère, et il se vit pris et au desoubz de sa fortrèce, si fu durement courouchiéz, mès amender ne le pot. Et dist bien que se il ewist senti ne seu que ses frèrez dewist là venir en tel mannière, il n'y fuist mies entréz, car vilainement l'avoit dechupt: «Certes, biau frère, ce respont messires Henris, il est veritéz. Mès li comtez de Montfort, qui s'apelle et escript dus de Bretaingne, en est cause, et li ai fet feaulté et hoummaige, et vous li feréz ossi et devenrés ses homs: je le vous consseille.» Respont messires Oliviers: «Voeille ou non, il convient que je le soie, mès jou ewisse plus cher autrement, s'il pewist y estre.» Que vous feroie je loing compte? Tant parla et precha messires Henris de Pennefort que amiablement il le fist monter à privée mesnie et sans armure, et chevauchier contre le comte de Montfort, qui le rechupt liement et à grant joie, et li dist que de ce jour en avant il seroit de son hostel et de son plus privet consseil; et li donna tantost cinq cens livrez de revenues et li assigna bien où il les prenderoit. Si entra li dis comtes en le forte ville de Hainbon, qui est ungs grans et bons pors sus mer, et prist le foiauté et hoummaige de tous lez hommez de le ville et dou chevalier ossi monseigneur Olivier de Penefort, et y demoura trois jours et toutte se ost ossi; se s'i rafreschirent. Et y ordonna li comtez castelain et gouvreneur pour le garder et deffendre contre tous venans, s'il besongnoit, ung très bon chevalier et de grant affaire, que on clamoit monseigneur Yvon de Tigri, en qui li dis comtez se confioit moult, et trois cens saudoiiers, touttes bonnes armurez de fer, et paiiés de leurs gaiges pour ung an.

Quant li comtez de Montfort se fu mis en saisinne et en possession de le forte ville et dou biau castiel de Hainbon, et ordonné garnison telle qu'il li pleut, il eult consseil et advis qu'il se trairoit deviers le cité de Vennes. Si fist arouter son ost, cargier son caroy et cheminer celle part. Ainchois qu'il y parvenist, il fist traitier à chiaux de Vennes que il le volsissent recepvoir à signeur, et il leur seroit très bons sirez; et lez tenroit as us et as coustummes que li dus de Bretaigne, ses frèrez, dairains 283 trespasséz, les avoit tenus, ou à milleurs. Quant cez nouvellez vinrent en le chité de Vennes, il sonnèrent leur cloche et s'asamblèrent. Et quant il furent tout assamblet, les offres, les ordonnanchez, les proummesses et lez requestez, que li comtes de Montfort leur faisoit, furent là remoustrées et recordées. Li aucun s'acordoient à lui recepvoir à seigneur, et li aucun, non. Toutteffois, une souffranche fu prise à durer troix jours, et là en dedens estre devoient tout conssilliet dou faire ou dou laiier. Ceste souffranche durant, li comtez ne laissa miez pour ce que il ne se logast bien et puissamment devant Vennes et ne le asegast de tous poins, mès nul contraire ne fist à le chité; ainsçois leur offroit toutte amour et grans bienfès, là où il le volroient recepvoir à seigneur. Cil de Vennes se consseillièrent li ung par l'autre, et regardèrent que il estoient sus l'un des corons de Bretaingne, et que Nantes, Rennes, Hainbon et pluiseur autre castiel estoient tournet à l'acord le comte de Montfort, et que nulz ne li contrestoit. Si se doubtèrent que grans maux ne leur en venist, car leur cité n'estoit mies forte pour yaux tenir contre ung host, ne le pais; et si n'ooient nullez nouvellez de monseigneur Charlon de Blois: si ques, tout consideret, le bien contre le mal, et le fort contre le foible, il s'acordèrent au comte de Montfort et le rechuprent à seigneur, et li fissent hoummaige et li jurèrent feaulté et l'amenèrent à grant procession au castiel. Et là tint il sa feste, par deux jours, dez chevaliers qui avoecq lui estoient et des bourgois de le ville; et deffist tous offisciers et remist nouviaux offisciiers en le ville et en le baillie de Vennes.

Au tierch jour, il (li contes) s'en parti (de Vennes) et alla assegier ung très fort castiel seant sus ung hault terne sus la mer, que on claimme Rocheperiot. Si en estoit castelains uns vaillans chevaliers et mout gentils homs, que on clammoit monseigneur Olivier de Clichon, cousins germains à celui monseigneur Olivier de Clichon qui fu depuis decolléz à Paris, ensi comme vous orés recorder chy apriès. Et sejourna li dis comtez devant Rocheperiot bien, à siège fet, huit jours entirs. Oncquez ne peult trouver voie par quoy il pewist le castiel gaegnier, si fors estoit il et en lieu si inhabitable; et si ne peut trouver accord au gentil cevallier, par quoy il volsist obeir à lui par proumesses, ne par manachez, qu'il li pewist faire. Si s'en parti atant et laissa le siège et le castiel ester jusques à tant que plus grant prouffit li venroit d'aucuns aultrez tretiéz, et puissance li croisseroit. Si 284 s'en vint devant ung autre castiel que on appelle au Suseniot, où par usaige li duc de Bretaigne se tiennent pour le cause des biaux esbas qui sont là environ, tant des bois comme dez rivièrez. Li castelains le rendi à lui; et li laissa li contes, quant il en eut pris le possession. Depuis chevauça et s'en vint devant castiel d'Auroy, qui est une belle fortrèche et de grant nom; et le fist li roys Artus jadis faire et fonder, quant il concquist Bretaigne. Si en estoit castelains ungs moult gentilz chevaliers, que on clammoit monseigneur Joffroy de Malatrait, qui moustra bonne chière et grant couraige de lui deffendre. Adonc fist li comtez de Monfort logier ses gens environ le castiel, et dist qu'il ne s'en partiroit si l'aroit à sa vollenté.

Quant messires Joffroy de Malatrait se vit assegiet dou comte de Montfort et oy lez manachez qu'il li faisoit, si demanda une trieuwe de deus jours tant seullement, et là en dedens il se conssillieroit. Li comtez li accorda liement et envoya parler à lui monseigneur Yvon de Tigri, grandement compaignon et amic au dit monseigneur Joffroy, liquelz esploita si bien deviers lui, et tant li dist d'une cose et d'autre, que messires Joffroy de Malatrait rechupt le comte de Monfort à seigneur, et le mist en le possession dou castiel et de le castelerie d'Auroy, qui est moult belle et moult grande. Et li comtez li rendi et li laissa par le consseil qu'il eult, et avoecq lui monseigneur Ivon de Tigri; et les fist gardiiens de tous le pays là environ, et prist de tous les gentils hommes le foy et hoummaige.

Puis s'en parti li dis comtez et mena son ost par devant ung autre fort castiel asséz priès de là, que on claime Gou le Forest. Chils qui castelains en estoit, veoit que li coens de Monfort avoit grant ost, et que tous li pays se rendoit à lui, si que par le enort et consseil monseigneur Hervy de Lion, que mout amoit et congnissoit, car il avoient estet grant amy et compaignon enssemble en Grenate et ailleurs en estraingez contrées, il s'acorda au dit comte et li fist feauté, et demoura gardien dou dit castiel de par le comte.

Tantost apriès, li dis coens de Montfort se parti de là, et s'en alla deviers Craais, bonne ville et bon castiel et fort durement. Dedens Craais avoit ung evesque qui sirez en estoit, onclez à monseigneur Hervi de Lion, si ques, par le consseil et tretiet monseigneur Hervi, chilx evesquez s'acorda au dit comte et le recongnut à seigneur jusques adonc que venroit avant qui plus 285 grant droit mousteroit pour avoir la duché de Bretaingne. Et sus cel estat en prist li comtes de Montfort le feaulté.

Apriès ce que la ville et li castiaux de Craais se furent rendut au comte de Monfort par le pourcach de monseigneur Hervi de Lion, cui oncles estoit (li [404] dis) evesque, li comtez fist ses gens deslogier et arouter vers Ju(g)on, qui est très bonne ville et forte, et y apent ungs biaux castiaux. Dedens le ville de Ju(g)on se tenoit messires Amauris de Clichon, frèrez mainnéz au droit seigneur de Clichon. Et l'avoient cil de le ville pris à cappittainne pour yaux conssillier et conforter en tous cas; et ainssi leur avoit il juret, car grandement il estoit amés et creus, et tenoit son hiretaige assés priès de là. Se se cloy li dis messires Ama(u)ris au devant dou comte, et dist que, se il plaisoit à Dieu, il n'aroit jà le ville de Ju(g)on si legierement qu'il cuidoit. Li comtez de Monfort vint par devant, et fist toutte son ost là traire et logier; et avoit bien à ce donc parmy le communauté dou pays quarante mille hommes, tous aidablez. Si fist ses arbalestriers aller traire et escamucier à le ville, et d'autre part Espagnos et Bidaus, dont il avoit grant fuison à saudées, traire, paleter et assaillir as murés; mès peu y gaegnièrent, ainchois en y eult des blechiéz grant foison. Quant li comtez de Monfort vit que par assault il ne poroit avoir le ville de Jugon, il envoya querir en le chité de Rennes quatre moult biaux enghiens qui là estoient, pour faire drechier devant le fortrèche et chiaux de d'ens assaillir par cel estat. Che pendant que on les estoit alés querre, messires Amauris de Clichon parla as jones compaignons de le ville et as aucuns escuiers dou pays de là environ, qui s'i estoient retret, tant pour l'amour de monseigneur Amauri que pour yaux garder; et les amena à ce que, une ajournée, il wuidièrent et se ferirent en l'ost, et y fisent mout grant damage. Et esceirent sus le logeis monseigneur Ivon de Tigri, qui ce meysme soir estoit là venus dou castiel d'Auroi, où li comtez de Montfort l'avoit laissiet, et avoit amenet en l'ost bien cent lanches de bonne gent. Si estoit logiés à l'un dez corons assés priès de le ville de Jugon, et fu durement resvilliés, car il fu pris et navrés, et moult en y eut des siens mehaigniés. Celle nuit avoient fet le get li doy frère de Pennefort, messires Henris et messires Oliviers, et entendirent le huée 286 et le cri, et que chil de le ville estoient yssus. Adonc ferirent il chevaux des esperons et ne prisent mies le voie pour venir droit sur yaux, mès le chemin de le ville, et se boutèrent entre le ville de Jugon et l'ost. Dont, ensi que messires Amauris de Clichon et li sien s'en retournèrent vers leur ville et en menoient monseigneur Yvon de Tigri et pluiseurs autrez prisonniers, et moult se hastoient, car li os estoit jà durement estourmie, li doy frère de Pennefort, messires Henris et monseigneur Olivier, bien montés et bien ordonnés et adonc acompaigniés bien à deus cens lanches frèz et nouviaus, leur vinrent d'encontre; et là eut grant pugneis, et de chiaux de Jugon moult rués par terre. Quant il se virent enssi enclos entre le ville et l'ost, et que nulle remède n'y avoit pour yaux sauver, si furent mout esbahy et ne tinrent point de conroy, mès entendirent chacun à yaux sauver; et laissa chacun aller son prisonnier, qui prisonnier avoit, ou il se rendoit prison à lui pour sauver sa vie. Par celle mannière fu delivrés messires Ives, et pris messires Amauris de Clichon, et tout chil qui avoecq lui estoient, mort ou pris, que oncques homs ne rentra en le ville de Jugon, dont li bourgois de le ville furent moult desconforté.

Quant li comtez de Montfort seut comment messires Amauris de Clichon estoit pris et plus de six vingt jones bourgois de la ville avoecq lui, et messires Yves de Tigri rescous et tout li aultre, si en fu durement liéz, et ce ne fu pas merveille. Et en loa et recoummanda grandement les deux frèrez de Pennefort; et dist que il avoient fet une belle bachelerie et à lui ung grant service, et que encor lor seroit il remuneret. Si fist li dis comtez tous lez prisonniers mettre d'un léz, et lez navrés appareillier et songneusement garder, et puis monta sus ung cheval, acompaigniés d'aucuns des siens, et s'en vint devant Jugon, et fist signe que il volloit parler à chiaux de dedens. Li bourgois vinrent à lui à le barrière et l'enclinèrent, car il leur fu dit que c'estoit li comtez de Montfort, et li fissent reverence, tant qu'en contenanche, comme chil qui doubtoient perdre leurs amis, leurs frèrez et leurs enffans. Là parla li comtez de Montfort et leur dist: «Entre vous, homme de le ville, vous estez grandement fourfait enviers moy, quant vous savés que je sui vos drois sirez naturelz par le sucession de monseigneur le duc, mon frère, dairain trespasset. Et jà m'ont rechut à seigneur et fet hoummaige chil de Nantez, de Rennes, de Vennes, de Hainbon, de Craais, d'Auroi, de Gou la Forest, 287 dou Suseniot et des autrez forterèchez; et vous, vous estez clos contre mi et mis en paynne de moy porter dammaige. Or est enssi avenu que chilz dammaigez est retournéz sus vous et sus vos proismez, car je tieng vostre cappitainne en prison et bien sis vingt dez vostrez et de le nation de ceste ville. Si devéz savoir que je lez feray tous pendre, voyant vos yeux, sans nul prendre à merchy, se vous ne me rendéz le ville et le castiel de Jugon et ne me jurés feauté et hommaige. Si me respondéz moult tost lequel vous voulléz faire des deux, ou veoir vos proismez morir honteusement, ou moy recevoir à seigneur.» Et quant li bourgois et li communalté de Jugon entendirent cez nouvelles, si furent tout esbahit, ce ne fu pas merveillez. Si requisent à avoir souffrance et consseil tout ce jour, et l'endemain, à heure de prime, il venist ou il envoiast vers yaux, et il en responderoient ce qu'il en volroient fère. Li comtez leur acorda, par samblant aszéz à envis, et retourna en ses tentez. Jà estoient venut li enghiens que on avoit akariiet de Rennez, dont li comtez eut grant joie, car il lez fist mener devant le ville et drechier tous quatre, affin que chil de le ville de Jugon les veissent et que il en fuissent plus effraet.

Sitost comme li comtez de Montfort se fu partis des bourgois de la ville de Jugon, ensi que vous avés oy, il sonnèrent leur cloce et s'asamblèrent en le place, et là parlementèrent enssamble ung grant temps. Et remoustrèrent li plus sages et li mieux enlangagiés et chil à qui il en touchoit le plus, le peril et l'aventure où il estoient. Ad ce donc il ne furent nient bien d'accord; si s'ajournèrent à relevée et alèrent chacuns disner en leurs maisons. Dedens nonne furent li quatre enghien levet environ la ville, si que touttez mannierrez de gens dedens et dehors les pooient veoir, qui veoir les volloient, et che esmaya durement chiaux de la ville. Quant ce vint à relevée, il sonnèrent de requief leur cloche et se assamblèrent, enssi que il devoient faire. Là y eult pluiseurs parollez retournées, mès finablement il s'acordèrent à che que, se messires Amauris de Clichons, qui prisonniers estoit, volloit faire feauté au comte de Montfort, il li feroient, ne jà sans lui riens n'en ordonneroient, car ensi li avoient il juret solempnement et sus quarante mille escus de painne; si n'en pooient riens fère sans son accord, se il ne se volloient desloiauter et escheir en le mise. Ensi, sus cel estat, de leur consseil il se partirent. L'endemain à l'eure qui ordonnée y estoit, li comtez de 288 Montfort y envoya deviers yaux le signeur de L(an)dreniaus, son marescal de l'host. Si parlementa à yaux et il à lui, et li cargièrent tout che que vous avés oy. Chil retourna arrière deviers le dit comte, et li recorda le responsce et l'entention de chiaux de Jugon. Li comtez assés s'en contenta et fist venir devant lui monseigneur Amaury de Clichon et li dist: «Amauri, Amauri, vous avés tort, quant contre vostre seigneur que je sui, et de ce n'est il nulle question, volléz estriver: très grans maux vous en poroit bien prendre, et jà estes pris, car je vous tieng en ma prison, et puis faire de vous ma vollenté.»—«Sire, che respont li chevaliers, il est verités. Si arés, se il vous plest, si bon avis que vous ferés de moy tout et à point.» Che li dist li dis contes: «J'en sui tous avisés, et vous le soiiés ossi. Ou vous me renderéz le ville de Jugon, car à vous en tient, si comme j'en sui enformés, ou je vous feray morir à honte avoecq tous lez autres prisonniers.» Dont se trairent avant aucun chevalier, qui là estoient et de son linage, et li disent: «Monseigneur Amauri, otant bien nous vorions acquitter de nostre loyaulté que vous feriés, mès nous veons tout le pays qui se retrait deviers monseigneur qui chy est; et sus celle entente li avons nous fait hommage, car nous ne veons ne n'avons veut dou contraire jusqu'à orez, ne que messires Carle de Blois y ait mis point de contredit. Si vous prions que vous voeilliés estre des nostrez et obeir à monseigneur qui chy est; et là où vous le ferés enssi, messires vous en sera gret, et vous pardonra tous sez mautalens et à tous les prisonniers ossi qu'il tient, pour l'amour de vous.» Adonc eult messires Amauris de Clichons pluiseurs ymaginations, car il se tournoit à envis, et se li couvenoit faire ou pis finer, ensi que li comtez li proummetoit. Tant fu enhortéz et priiéz que il devint homs au comte de Montfort, et li fist hoummaige et feauté. Depuis monta il à cheval, et en mena le marescal de l'host à le ville de Jugon, et parla as bourgois, et les fist rendre et delivrer le ville et le castiel au dit marescal, qui en prist le possession et le saisinne ou nom dou comte. Et parmy tant, tout li prisonnier furent quitte et delivre.

Ensi eut li comtes de Montfort le bonne ville de Jugon et le feauté de monsigneur Amaurit de Clichon, qui depuis le servi toudis loyaument. Et le retint li comtes de son conseil et li donna cinq cens livres de terre bien assignées.

Apriès ce que li comtes de Monfort eult estet en le ville de Jugon 289 trois jours et y eult mis ung castelain en qui il avoit grant fianche, ung bon escuier que on apelloit Garnier de Tigri, cousins au seigneur de Tigri, il se parti et toute se host, et chevaucièrent viers le bonne ville de Dinant, liquel se rendirent à mout petit parlement, car leur vile n'estoit adonc fremée que de palis. Se ne s'osèrent clore ne tenir contre le dit comte, que plus grans meschief ne leur en venist. Quant li comtes en eut pris le possession et le feaulté des hommes de le ville et dou seigneur de Dinant meysmez, ung très grant baron, il s'en parti et chevaucha deviers Castiau Josselin, mès il estoit si fors qu'il ne le peult prendre, et s'en passa oultre et vint à Plaremiel. Si se rendi li castiaux, et le renouvella li comtez de garnison. Apriès il vint devant Mauron et y sist douze jours. Au tresime il y entra par tretiet que, se ungs autrez appairoit en Bretaingne qui y moustrast plus grant droit de lui, il estoient quite de leur hoummaige. Fos 55 et 56.

Ms. de Rome: Et puis (le comte de Montfort) se desloga de là (de Brest) et s'en ala devant Auroi, lequel chastiel Julles Cesars fist fonder. Li contes esploita si bien que li chastiaus li fu rendus, car c'est dou demainne des dus de Bretagne. Et puis cemina oultre et vint devant Goy le Forest; il i fu requelliés, et puis au Suseniot, à trois lieues de Vennes, qui est uns biaus chastiaus et cambre des dus de Bretagne. On le rechut dedens tout debonnairement, et fu là ne sçai qans jours, et puis ala à Vennes et là se tint, et tousjours mesires Hervis de Lion dalés lui et grant fuisson d'aultres chevaliers et esquiers de Bretagne. Et les tenoit, par les dons que il lor donnoit, en amour, et les bonnes villes aussi, et tenoit grant estat et estofet. Et faisoit partout paiier bien et largement sans riens acroire, tant que toutes gens se contentoient de li et des siens et disoient: «Nous avons bon signeur à ce que il moustre: il ne voelt que tout bien, mais que Dieus consente que il nous demeure pasieuvlement.» Fo 73.

P. 97, l. 26 et 27: six cens.—Ms. B 6: à trois cens lanches. Fo 174.

P. 98, l. 3: le prist.—Ms. B 6: par le main, tout en riant. Fo 174.

P. 98, l. 12: ossi.—Ms. B 6: car c'est ung gentil chevalier; et, sy se rent tout le pais à lui, nous ne povons mie seul faire partie pour monseigneur Charle qui point n'apert en che pais. Fo 175.

290 P. 99, l. 1: le Roceperiot.—Mss. A 8 à 10, 15 à 17: la Roche Periot. Fo 72.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: la Roche Perion, la Roche Pierron. Fo 78 vo.—Mss. A 7, 18, 19, 23 à 33: la Roche Periou. Fo 74.

P. 99, l. 5: dix.—Mss. A 15 à 17, 23 à 29 et B 6: quinze. Fo 79.

P. 99, l. 14: d'Auroy.—Ms. B 6: que le roy Artus fist jadis fonder et faire. Fo 175.

P. 99, l. 16: Malatrait.—Mss. A 11 à 17, 23 à 29: Maletroit, Malestroit. Fo 76.—Mss. A 1 à 10, 18 à 22, 30 à 33: Malastrait, Malatrait, Malestret. Fo 78 vo.

P. 99, l. 17: Tigri.—Ms. B 3: Trangrilidis. Fo 70 vo.—Mss. A 1 à 10, 23 à 33: Triviguidi, Treviguidi. Fo 78 vo.—Mss. A 11 à 14, 18, 19: Treseguidi, Trezeguindi. Fo 76.—Mss. A 20 à 22: Tornigidy. Fo 118 vo.—Mss. A 15 à 17: Tigri. Fo 79.

P. 99, l. 17: deus fois.—Ms. B 6: de cinq ou six assaulx. Fo 176.

P. 99, l. 20: Hervi.—Mss. A 8 à 29: Henry. Fo 72.

P. 100, l. 5: Craais.—Mss. A 8, 9: Craais. Fo 72.—Mss. A 11 à 17: Carahais. Fo 76.—Mss. A 1 à 7, 18, 19, 23 à 33: Carahès. Fo 79.—Mss. A 20 à 22: Charlès. Fo 119.

P. 100, l. 12: Bretagne.—Mss. A 11 à 14: car tousjours le dit evesque faisoit protestacion que toute la manière du traittié et de l'accort fait entre lui et monseigneur Henrri de Lion son nepveu seroient nulz ou cas qu'il venrroit aulcun hoir plus prouchain du conte de Montfort et qui pourroit monstrer avoir meilleur droit en la duchié de Bretaingne, et que à cestui ci il feroit feaulté et hommaige et se rendroit à lui avecques toutes ses forteresces et tout son pais. Et toutes ces choses fist il envix; ne jamais ne s'i feust acordé bonnement, se n'eust esté par l'admonnestement et sermon du dit monseigneur Henrri de Lion son nepveu, qui sur ce lui monstra tant de belles raisons que au derrenier il s'accorda au dit monseigneur le conte de Montfort et lui fist feaulté et hommaige, ainsi que vous avez ci devant oui recorder.

Après ces choses ainsi acordées et faictes, le dit evesque de Carahais fist tantost ouvrir les portes de la bonne ville et du chastel de Carahais avecques qui siet sur la mer. Et puis entra dedens le conte de Montfort, monseigneur Henrri de Leon, monseigneur 291 Henrri de Pennefort et plusieurs aultres bons chevaliers et escuiers. Et tout l'ost demoura entour la ville, et se logea chascun au mieulx qu'il pot. Et fourragièrent sur le plat pais; ne riens ne demouroit devant eulx, se il n'estoit trop chault ou trop pesant. Le conte et ses plus privez, monseigneur Henrri de Leon et les aultres seigneurs estoient en la ville où ilz furent moult grandement festoiez du dit evesque, car bien y avoit de quoi. Et l'endemain s'en partit le dit conte et tout son host. Fo 76.

§ 144. P. 100, l. 13: Pourquoi.—Ms. d'Amiens: Que vous feroi je plus loing compte? En telle mannière concquist et acquist li comtez de Montfort tout ce pays que vous avés oy, et se fist partout obeir et appieller dus de Bretaingne, et encarga les p(l)ainnez armes de Bretaingne. Si y avoit il aucuns barons qui pas ne voloient obeir à lui, et se faindoient de son hommage, telz que le droit seigneur de Clichon, le seigneur de Tournemine, le seigneur de Kintin, le signeur de Biaumanoir, le seigneur de Laval, le seigneur de Gargoule, le seigneur de Loriach, le seigneur d'Ansenis, le seigneur de Rais, le seigneur de Rieus, le seigneur d'Avaugor et pluiseurs autres. Et se partirent li plus de ces seigneurs adonc de Bretaingne, et fissent bien garnir leurs castiaux. Et s'en allèrent li aucun en Grenate, li autre oultre mer ou en Prusse, et prisent excusance de partir de Bretaingne, tant que les coses seroient en autre estat.

Quant li comtes de Montfort se vit ensi que au dessus de la ducé de Bretaingne, et par especial touttes les bonnes villez li avoient fait feaulté et hoummaige, il demanda consseil à ses plus especials amis coumment il poroit perseverer et tenir le pays contre tous; car bien penssoit que messires Carles de Blois, qui avoit sa nièche, y volroit contredire, et que li roys de Franche, oncles au dit monseigneur Carlon, l'en aideroit. Se li fu dit et conssilliet que il s'en allast en Engleterre deviers le roy englès, et relevast la duchié de Bretaingne de lui et l'en fesist hommaige, parmy tant que li rois englès li jurast et proummesist à tousjours mès resort et comfort de lui et des siens contre tous hommes qui gueriier ou empeschier li vorroient. Li comtes de Montfort crut ce consseil, et s'appareilla moult tost et s'en vint à Garlande. Et monta là en mer, et enmena avoecq lui jusqu'à vingt chevaliers, tous de Bretaigne; et naga tant par mer qu'il ariva en Cornuaille, et enquist dou roy englès où il estoit, et on li dist qu'il se tenoit 292 à Windesore. Lors envoya li comtes de Montfort ses messaiges devant comme dus de Bretaingne, car ensi s'apelloit il, segnefiier au dit roy qu'il venoit.

Li roys englès de le venue au dit conte fu mout resjoys, et envoiia tantost contre lui de ses chevaliers jusqu'à siis, dont messires Gautiers de Mauni fu li uns, messires Guillaume Filz Warine, li sirez de Biaucamp, li sires de Ferièrez, messires Francq de Halle et li sirez de Baudresen, de Braibant, qui adonc estoit dalléz lui. Chil chevalier amenèrent le comte de Montfort deviers le roy d'Engleterre ou castiel de Windesore, qui le rechupt liement comme duc de Bretaigne. Et ossi fisent tout li seigneur qui adonc estoient dallés le roy, messires Robiers d'Artois et li autre. Et seurent, assés tost apriès, l'intention du dit comte de Montfort, et sus quel estat il estoit venus en Engleterre. Si furent tout joiant, et li roys especialment, quant il congnurent qu'il volloit relever et tenir le duchet de Bretaingne en foy et hoummaige dou dit roy englèz.

Environ quinze jours fu li comtez de Montfort en Engleterre avoecq le roy Edouwart, qui li fist toutte le feste, l'amour et compaignie que faire li pot, et ossi à ses chevaliers qui avoecq lui estoient allet en ce voiaige. Car li rois englès regardoit et consideroit que ceste aliance et la terre de Bretaingne en son accord li pooit plus valloir de comfort, de resort et de toutte pourveance pour gheriier le royaumme de Franche que nulle aultre terre; car sus trois jours ou quatre il pooit y estre en Bretaingne ou envoiier de par lui gens d'armes pour gheriier ses ennemis. Pour ce rechupt il liement le ducé de Bretaigne en foy et en hoummaige dou comte de Monfort. Et eut là adonc entre lui et le dit comte pluiseurs devises, ordonnanches et aliances escriptes, grossées et saiellées, dont chascuns eult les parties deviers soy. Et ne devoit li comtes de Montfort, qui s'apelloit dus de Bretaingne, relever, tenir, ne recongnoistre jamais la ducé de Bretaingne d'autre seigneur que dou roy englès, sans son congiet ou consseil. Ossi li dis roys englès le devoit garder, aydier, deffendre et maintenir contre tous hommes qui contredire ou gueriier le voroient. Et ensi le proumissent et jurèrent solempnelment enssemble.

Apriès touttes ces coses faittez et acomplies, li comtes de Montfort et si chevalier se partirent dou roy, qui leur donna grans dons et biaux jeuuiaux à grant plentet, et ossi fist la roine. Si revint li comtes de Montfort en Bretaigne demourer le plus à 293 Nantes, et sa femme avoecq lui, par quel consseil il usoit le plus, car elle estoit damme de grant emprise et de grant coraige, et avoit droit coer d'omme et de lion, enssi comme vous orés recorder avant en l'istoire. Si se faisoit li comtes escripre et appeller dus de Bretaingne, et elle duçoise, et guerioient toudis les rebellez à yaux; et estoient à che coummenchement si fort ou pais, que qui ne volloit y estre de leur accord, il n'y avoit que faire de demorer. Et estoient pluiseur grant seigneur parti et venut en France, ou pris autres voiaiges de Prusse, de Jherusalem ou de Grenate, tant qu'il ewissent veut comment ceste besoingne s'achieveroit; car bien savoient li pluiseur que li roys Phelippes ne lairoit point son nepveult, monseigneur Carlon de Blois, enssi que planer, ne bouter hors de son hiretaige; mès moult s'esmervilloient li aucun pourquoy il ne se traioit, ne estoit trais plus tost avant. Fo 57.

Ms. de Rome: On se puet esmervillier, selonch le intitulure et le introduction de ceste matère qui represente les fais de Bretagne, à quoi mesires Carles de Blois pensoit, qui tenoit à avoir à fenme et à espouse la droite hiretière de Bretagne, et qui estoit si grans de linage en France que neveus au roi Phelippe et au conte d'Alençon et frères au conte de Blois, que il ne se traioit avant, mais laisoit couvenir le conte de Montfort et prendre les chités et bonnes villes et les chastiaus de Bretagne, et point ils n'aloit au devant, ne n'i envoioit. Et (li contes de Montfort) prendoit partout la sasine et posession, et i ordonnoit et establissoit honmes favourables et agreables à lui, et acqueroit l'amour des cevaliers et esquiers de Bretagne, car bien avoit de quoi faire grans largèces, car il avoit saisi deviers li le grant tresor qui avoit esté à son frère et lequel il avoit trouvé en le chité de Limoges, ensi que chi desus est dit. Aussi s'en esmervelloient moult pluisseurs chevaliers et esquiers de Bretagne qui savoient bien que c'estoit son droit à estre dus de Bretagne en l'oqison de sa fenme; mais puis que il le souffroit et voloit, ensi que il disoient l'un à l'aultre qant il s'en devisoient, il ne pooient pas, de lor poissance singulère, faire fait ne partie pour lui. Et tant demora à venir en Bretagne et à demander son droit que trop, car li contes de Montfort se fortefia tant en toutes manières et acquist tant d'amis que trop forte cose euist esté à bouter hors de sa posession, car trop vault la condition dou premier posessant.

Il ne puet estre que messires Carles de Blois, qui se tenoit à 294 Paris, ne fust enfourmés de toutes ces accedenses, et que ils n'en parlast à ses oncles le roi de France et le conte d'Alençon et à son cousin germain le duch de Normendie qui moult l'amoit; mais il estoit servis et respondus de douces paroles et de belles, en disant: «Biaus cousins, ne vous sousiiés de riens: laissiés ce conte de Montfort aler et venir et espardre cel argent que il a trouvé dou duch son frère. Il couvient, quoi qu'il face ne ait fait jusques à chi, que il viengne deviers nous pour relever la ducée de Bretagne; et les barons et chevaliers et fievés de Bretagne ne sont pas si fol ne si ignorant que il le doient recevoir à signeur, sans nostre sceu. Il seroient très mal consilliet et le compareroient chierement; pour quoi, biaus cousins, ne vous sousiiés de riens. Il fault que tout retourne par deviers nous. Vous estes dus de Bretagne, et jà l'avés vous relevé de nous, et vous en tenons à duch et à hirestier, et qui vodra dire dou contraire, nous le verons, et le vous aiderons à deffendre et à garder contre tout honme; car nous i sonmes tenu, et le mousterons de fait.»

Ensi estoit mesires Carles de Blois rapaisiés de paroles, et se confioit sur ce que on li disoit et proumetoit; et entendoit à augmenter son estat, et avoit mis jus l'armoierie de Chastellon et pris et encargié celle de Bretagne. Et estoient ouvrier trop grandement ensonniiet parmi Paris de faire banières, pennons, cambres, courdines et toutes coses qui apertiennent d'armoierie, en l'ordenance d'un signeur et de une dame, et jà se escripsoit: «Carles de Chastellon, dus de Bretagne et sires de Guise.» Et li contes de Montfort entendoit d'aultre part à acquerre amis de toutes pars, tant que en Bretagne et ens ès marces voisines, dont il pensoit le mieuls à valoir, et avoit encargiet plainnement le nom et les armes de Bretagne et s'escripsoit: «Jehans, dus de Bretagne, contes de Montfort et de Limoges.» Ensi et par tèle incidense se conmencièrent à entouellier li different en Bretagne, qui i furent si grant et si orible que les gerres et les malefisces qui s'en eslevèrent et engendrèrent, i furent si grant que à painnes i peut on onques trouver moiien ne conclusion pour les apaisier.

Li contes de Montfort, qui se veoit en posession dou tout ou en partie de la ducée de Bretagne et n'i sentoit nuls rebelles ne contraires dont il fesist trop grant compte, car petit à petit tout venoient à obeisance, entendi et senti de costé, par ses amis les quels il avoit en France, et par especial le conte de Flandres, son serouge, que mesires Carles de Blois se nonmoit et escripsoit dus 295 de Bretagne, et en avoit avoecques le title encargiet l'armoierie, et l'avoit relevé en foi et en honmage dou roi de France auquel li reliés en doit apertenir, et s'ordonnoit li dis mesires Carles pour venir en Bretagne et calengier l'iretage conme sien et de son droit, et li rois de France conme son signeur naturel souverain l'en devoit aidier, et que sus ce il euist bon avis et bon consel, (il) pensa et imagina sus, et vei et congneut bien que point n'en joiroit pasieuvlement; si se consilla à ceuls où il avoit la grigneur fiance. Consilliet et dit li fu: «Sire, de vostre singulère poissance, vous ne poés contrester contre la poissance dou roi de France, car elle est trop grande. Et si auera vostres adversaires Carles de Blois trop d'amis et de confort, car li rois de France et li contes d'Alençon sont si oncle. Mais vous ferés une cose: vous vos ordonnerés à l'encontre de ce et conforterés grandement, se vous alés en Engleterre et relevés la ducée de Bretagne en foi et en honmage dou roi d'Engleterre et en devenés son honme, par condition telle que contre tout honme, soit roi de France ou aultre, il le vous aidera à deffendre et à tenir. Et ce marchiet il fera trop volentiers, car d'Engleterre, il auera trop belle entrée de venir en Bretagne et de Bretagne en France, et pora laisier ses honmes en garnison en Bretagne et rafresqir; et tous jours, conment que la querelle se porte, i auerés vous des bons amis. Et se vostre cousine la fenme à Carle de Blois moroit, ensi que les aventures aviennent, vous demorriés pasieuvlement dus de Bretagne, ne nuls ne nulle ne le vous debateroit jamais.»

Li contes de Montfort ouvri ses orelles à ce consel et s'en resjoi grandement, car il li sambla bons et pourfitables. Et ordonna ses besongnes à ce que pour aler en Engleterre, et monta en mer à Vennes, assés bien acompagniés de chevaliers et d'esquiers. Et enporta avoecques lui grant fuisson de biaus jeuiauls qui tous venoient dou tresor de Limoges (de) son frère le duc de Bretagne, pour donner et departir là où il les veroit bien à emploiier et pour acquerre amis; et prist terre en Engleterre à Plumude, et avoient cargiet des chevaus. Qant il furent trait hors des nefs, il montèrent sus li contes et ses gens et chevauchièrent viers Londres, et tant fissent que il parvinrent et demandèrent dou roi. On lor dist que il estoit à Windesore, et que là conmunement il s'i tenoit plus que ailleurs, et la roine ausi. Qant li contes de Montfort, qui se nonmoit dus de Bretagne, se fu rafresqis un 296 jour à Londres, ils et ses gens montèrent et chevauchièrent viers Windesore, et vinrent disner à Bramforde, et puis vinrent à Windesore et trouvèrent le roi et la roine qui jà estoient enfourmé de lor venue. Si furent requelliet des chevaliers dou roi moult grandement, et puis mené deviers le roi. Tant que des aquintances dou roi et dou conte, je n'ai que faire de plenté parler, fors que de venir au fait pour quoi li contes de Montfort estoit là venus. Il remoustra ses besongnes bien et sagement, et li rois les oy et i entendi volentiers, et li respondi par le consel que il ot de monsigneur Robert d'Artois, qui tous jours se tenoit avoecques le roi, et li dist: «Biaus cousins, vous vos retrairés deviers Londres; et dedens quatre jours, je serai là et auerai de mon consel, tant que vous serés respondus de tout ce que de vostres requestes je vodrai faire.» Li contes de Montfort se contenta de ceste response. Et qant il ot là esté le jour et la nuit à Windesore, et soupé avoecques le roi et la roine, à l'endemain il s'en departi et vint à Londres; et se tint là avoecques ses gens tant que il fu mandés, de par le roi et son consel, ens ou palais de Wesmoutier et là dedens la cambre dou consel. Qant li prelat et li baron qui là estoient, l'orent honnouré et fait seoir jus, il fu moult sagement examinés pour quoi il estoit là venus, et requis que il le vosist dire, quoi que tout en savoient jà assés, car li rois et messires Robers d'Artois qui enfourmé estoient de la matère, avoient prononciet le fait. Il parla et dist que, conme drois hoirs et dus de Bretagne par la mort et succession de la mort dou duch de Bretagne darrainnement mort, il s'estoit trais à l'iretaige de Bretagne et mis en posession, et nuls ne li avoit encores debatu; mais il faisoit doubte que on ne li deuist debatre, car Carles de Blois avoit à fenme et à espouse une sienne nièce, fille dou conte de Pentèvre, qui disoit à avoir droit de par sa fenme à l'iretage de Bretagne, et jà l'avoit il relevé de Phelippe de Valois qui se disoit rois de France: «Et pour ce que le roi mon signeur, qui chi est, calenge la couronne de France et s'en escript et nonme rois, et pour ce aussi que j'en soie soustenus, portés et deffendus en toutes actions, je m'adrèce à lui et voel devenir son honme de foi et de bouce, et relever et tenir la ducée de Bretagne de li; et qant ce je auerois fait et il m'auera recheu à honme, je parlerai encores avant.»

Sus ceste parole, li signeur, prelas et barons qui là estoient, regardèrent tout l'un l'autre, sans riens respondre. Adonc parla 297 mesires Robers d'Artois et dist: «Biaus cousins, vous iscerés un petit hors de la cambre, et tantos serés rapellés.» Il le fist. Li contes de Montfort issi hors, et li signeur demorèrent avoecques le roi qui lor requist que, sus ces paroles dites et offertes, il le vosissent consillier. Li consauls ne fu pas lons, la matère estoit toute clère à savoir que li rois en feroit; ce n'estoit pas cose ne requeste à refuser. Car ensi que jà il avoient imaginé et consideré l'estat et l'afaire dou roi et l'ordenance de sa guerre, et conment li dus de Braibant, ses cousins germains, li dus de Gerlles, son serourge, et les Alemans l'avoient mené et pourmené jà par deus saisons, et fait despendre son argent si grandement que encores il s'en trouvoit derrière et veroit un lonch temps; et si n'avoit riens fait fors que travilliet son corps et ses gens, et courut une petite estrée dou roiaume de France, et tenu sièges devant Cambrai et Tournai; et que par ensi faire et croire les Alemans, qui sont convoiteus, il ne venroit à son entente, mais par le pais de Bretagne qui li estoit une belle entrée et requelloite pour cevauchier en France, i pooit il bien venir, et si en seroit gerre plus forte et plus belle avoecques aultres accedens qui legierement poroient avenir.

Adonc fu li contes de Montfort appellés; il vint. Li venu en la cambre, il li fu dit que li rois estoit consilliés à ce que il le receveroit conme son honme liege as mains et à la bouce, et il li jurroit à estre son honme liege à tous jours mais, et à tenir la ducée de Bretagne dou roi presens et des rois d'Engleterre qui apriès li descenderoient. Li contes de Montfort mist ses mains entre les mains le roi d'Engleterre, et puis fu introduis de l'evesque de Londres à parler, et parla mot à mot tout ce que li evesques li faisoit dire, et fist honmage de foi, de mains et de bouce. Et furent toutes les paroles, que il dist là et rechita, mis (es) en l'entente des prelas et signours d'Engleterre, qui là estoient; et en furent lettres levées et instrumens publiques escrips et grossés. Et aussi li contes de Montfort, qui se nonmoit dus de Bretagne, qant il ot fait honmage au roi, et il fu recheus à toutes les solempnités qui i apertenoient à estre et à faire, et il se fu en ce loiiés et obligiés, il requist au roi conme à son signeur liege que, se li rois Phelippes qui se disoit rois de France ou aultres voloient entrer à poissance en Bretagne et calengier l'iretage ou nom de mesire Carle de Blois et sa fenme, qui s'en disoit hiretière, et que il i venissent si fort que de poissance singulère il ne 298 peuist resister à l'encontre, que il fust aidiés et secourus en la fourme et manière que uns sires doit aidier son honme. Li rois li ot en couvenant; et de tout ce fissent les lettres et instrument mention. Et furent les lettres apertenans au conte de Montfort, les quelles il enporta avoecques li, seelées dou seel dou roi d'Engleterre et des seauls des barons d'Engleterre qui à toutes ces paroles, devises et ordenances furent presens.

Tout ce fait et accompli et dou plus hasteement c'om pot, car li contes voloit sus brief terme retourner en Bretagne dont il se nonmoit dus, il prist congiet au roi et as signeurs et fist partout compter et paiier. Et se departi de Londres et chevauça viers Plumude où sa navie estoit qui l'atendoit, et le trouva toute preste et vent bon assés pour retourner en Bretagne. Si entrèrent li contes et ses gens en lors vassiaus, et singlèrent tant que il retournèrent à Vennes dont il estoient parti et là ancrèrent; et si se rafresqirent en la chité, car elle et tous li plas pais estoit pour li. Et puis au second jour montèrent as chevaus et vinrent à Nantes, et là trouvèrent la contesse qui se nonmoit duçoise, qui requelli son mari et toute la compagnie moult liement, et li demanda des nouvelles. Et li contes l'en dist assés et toute l'ordenance des trettiés conment il se portoient, et se looit dou roi d'Engleterre et des prelas et barons d'Engleterre, les quels il avoit veus. Fos 73 à 75.

P. 100, l. 20: vingt chevaliers.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: et soixante escuiers. Fo 76 vo.

P. 100, l. 21: Cepsée.—Mss. A 18, 19: Capsée. Fo 79.

§ 145. P. 102, l. 22: Quant.—Ms. d'Amiens: Or avint que li viscomtez de Rohem, li sirez de Clichon, li sirez d'Avaugor et li sirez de Biaumanoir s'en vinrent en France deviers monseigneur Carlon de Blois, qui adonc se tenoit dallés le roy, son oncle; et bien avoit oy recorder et ooit encorres tous les jours comment li comtez de Montfort s'estoit mis et enclos en le saisinne et possession de Bretaingne; mès chil seigneur l'en enfourmèrent plus plainnement et li disent: «Monseigneur, vous avés bien mestier d'avoir grant ayeuwe à venir en Bretaigne, car il n'y a bonne ville en toutte la duché, qui n'obeisse à lui, et ossi grant fuison dez signeurs, chevaliers et escuiers, et tient grant plentet de gens d'armes as saus et as gaiges. Car il a eult deviers lui tout le grant tresor qui estoit à Limoges, que nos sires 299 li ducs, dairains trespassés, et messirez ses frères, pèrez à madamme vostre femme, avoient là assamblet de loing tamps, dont il fait tous les jours et a fait ses dons et sez larguèces si grandes, que il samble que ors ne argens ne li couste riens; et retient touttes mannières de saudoiiers qui viennent deviers lui. Avoecq tout chou, il a estet en Engleterre et a relevet la duché de Bretaingne en foy et en hoummaige dou roy englèz et ont certainnez convenenchez enssamble, lesquelles nous ne savons mies tout clerement, car nous n'y avons mies estet, fors tant que on dist, et bien fait à croire pour le cause de ceste hoummaige, que li roys englès le doit aidier contre tous hommes qui de forche le voroient bouter hors de Bretaingne.»

Quant messires Carles de Blois eut oy les dessus dis seigneurs enssi parler et recorder l'affaire et l'estat dou comte de Montfort et de la duché de Bretaingne, dont il se tenoit hoirs de par sa femme, si fu tous penssieux; et quant il eut une espasse pensset, si regarda les chevaliers et dist: «Biau seigneur, grant mercis de ce que vous estes venus devers moy et m'avés comptet de ceste besoingne, dont je desiroie à savoir le verité. Nous yrons deviers le roy mon seigneur; si l'en enfourmerons plainnement, et sour ce il en aura bon avis.» Lors les mena messires Charles de Blois tous quatre deviers le roy sen oncle, et parlèrent à lui à grant loisir. Et quant li roys seut comment la besoingne se portoit, si dist que il y meroit remède telle et si bonne, que ses biaus niés, que il tenoit hiretier de Bretaingne, s'en parceveroit. Adonc eut li roys advis de mander les douze pers de Franche, pour avoir consseil de plus grant deliberation. Si vinrent à Paris dedens le jour qui mis y fu. Là fu proposé et parlementé li affairez de Bretaigne, et aviset comment pour le mieux on s'en poroit chevir. Se disent li douze pers de France qu'il appertenoit bien que li comtez de Montfort fust mandés par souffissans mesages, afin que il venist à Paris, par quoy on veist et sewist comment il voroit aleghier contre cez oppinions. Chilz conssaux fu tenus, et message priiet et regardet qui yroient. Che furent li sirez de Matefelon, li sirez de Gousant et messires Grimoutons de Cambli. Et se partirent chil messaige et chevaucièrent tant par leurs petittez journées qu'il vinrent en le cité de Nantez. Là trouvèrent le comte de Montfort et la comtesse, sa femme, grant joie demenant. Si fissent li seigneur dessus dit leur messaige, ensi que chargiet leur estoit; et quant li contes les eut oys, quoiqu'il leur 300 feist bonne chière et lie, il eut pluisseurs ymaginations de l'acorder che voiaige. Touttesfois finablement il respondi as dis messaiges que il volloit y estre obeissans au roy et yroit vollentiers à son mandement. Ceste responsce pleut bien as messaiges, et le raportèrent ainssi au roy Phelippe, que li comtez de Montfort seroit à Paris au jour qui mis y estoit. Dont fist li roys demourer daléz lui tous les douze pers, et manda encorrez pluiseurs grans barons et saiges de son royaumme, pour avoir milleur consseil quant li dis comtes de Montfort seroit venus.

Li comtez de Montfort se parti de Nantez en grant arroy, et estoient bien de se compaignie trente chevaliers, tous noblez et gentilz hommez, et estoient bien de se routte et à se delivranche en ce voiaige trois cens chevaux sans lez sommiers, et chevaucièrent tant par leurs journées qu'il vinrent en le chité de Paris. Adonc se tenoit li rois au palais. Quant li per, li comte et li baron de Franche sceurent la venue au dit comte de Montfort, si se trayrent au palais deviers le roy, car bien savoient que li comtez de Montfort y venroit, enssi qu'il fist. L'endemain dou jour qu'il fu venus et descendus à sen hostel, il vint à heure de tierche mout noblement et bien acompaigniés de sez chevaliers au palais. Si fu moult durement regardés de tous lez barons, et des aucuns salués, et puis amenés deviers le roy. Le roy, qui estoit tous pourveus et adviséz de savoir coumment il le devoit recepvoir, se tenoit en sez cambres de parement. Et estoient adonc dalléz lui li comtez d'Alençon, ses frèrez, li dus de Normendie, ses filz, li dus Oedes de Bourgoingne et messires Phelippez de Bourgoingne, ses filz, li dus de Bourbon, messires Jaquemes de Bourbon, adonc comtez de Pontieu, li comtez Loeis de Blois, li comtez de Foriès, li comtes de Vendomme et li comtez de Ghinez, et pluiseurs aultrez barons telx que le seigneur de Couchi, le seigneur de Sulli, le seigneur de Craon, le seigneur de Roie, le seigneur de Saint Venant, le seigneur de Rainneval et le seigneur de Fiènes. Quant li comtez de Montfort fu parvenus jusqu'au roy, si l'enclina mout humblement et li dist: «Monseigneur, je sui chy venus à vostre mandement et à vostre plaisir.» Li dis rois respondi: «Comtez de Montfort, de ce vous sai jou bon gret, mès je me esmerveille durement pourquoi ne comment vous avés oset emprendre de vostre vollenté la duché de Bretaingne, où vous n'avés nul droit; car il y a plus prochain de vous, cui vous voulléz deshireter. Et pour vous mieux efforchier, vous estez alléz à mon adversaire le 301 roy d'Engleterre, et advés la duché de Bretaingne de lui relevet et à lui fet feauté et hoummaige, ensi que on le m'a comptet.» Li comtez respondi et dist: «Ha! sire, ne le creés pas, car vraiement vous estes de chou mal enfourmés. Je le feroie moult à envis. Mès de le proimetet dont vous me parlastez, m'est advis, sire, sauve vostre grace, que vous en mesprendés, car je ne say nul si prochain del duc de Bretaigne, qui dairainement morut, que moy, qui sui ses frèrez. Et se jugiet et declaret estoit par droit que aultre en fuist plus proisme de moy, je ne seroie point hontous ne rebellez del deporter.»

Quant li roys entendi le comte ensi parler, si respondi et dist: «Comtez, comtez de Montfort, vous (en dittez [405]) ores asséz. Mès je vous coummande, sur tout quanque vous tenés de moy et que tenir en devés, que vous ne vous partéz de le chité de Paris jusques à quinze jours, que li baron et li per jugeront et ordonneront de celle proismetet, et si sarés adonc quel droit vous y aréz ou avés. Et se vous le faittez autrement, sachiéz que vous me couroucherés.» Li comtes respondi et dist: «Monseigneur, à vostre vollenté.» Adonc se departi li dis comtes dou roy, et s'en revint à son hostel pour disner. Quant il fu à son hostel venus, il entra en sa canbre et le fist clore et refremmer apriès lui, et coummanda à ses cambriés que, se nuls le demandoit, que on desist qu'il fuist dehetiés. Lors se coummença à aviser et pensser que, se il atendoit le jugement dez barons et dez pers de Franche, que li jugement poroit bien tourner contre lui; car bien li sambloit que li roys feroit plus vollentiers partie pour monseigneur Carlon de Blois sen nepveut que pour lui; et veoit bien que se il avoit jugement contre lui, que li roys le feroit arester jusques à tant qu'il aroit tout rendut, cités, villez et castiaus, dont à present il tenoit le saisinne et le possession, que il avoit concquis, et avoecq ce, tout le grant tresor qu'il avoit trouvet à Limogez et ossi ailleurs, et tout aleuet et despendut. Se li fu advis que le mieudre pour lui et le mains mauvais estoit qu'il se partesist sans congiet, que il atendesist l'aventure et s'en ralast secretement et paisivlement en Bretaingne, et se renforchast encorrez contre tous venans, qui contraire li volroient porter.

Si tint li dis comtez ceste ymagination, et fist apeler deux de ses chevaliers où le plus se confioit, et leur descouvri sen entente, 302 et chil furent bien de son acord. Quant ce vint sus le soir, lui troisime, tous desconneus, il parti de son hostel et wuida Paris, qui adonc n'estoit point fremmée. Et chevaucha tant de jour et de nuit qu'il fu en Bretaingne revenus, ainschois que li roys en sewist riens; mès penssoit chacuns qu'il fuist dehetiéz à son hostel. Et tous lez jours le sieuwoient ses gens petit à petit. Quant il fu revenus daléz le comtesse sa femme, qui estoit à Nantez, il li compta toute sen aventure, puis alla, par le consseil de la comtesse qui bien avoit coer d'omme et de lion, par touttez les cités, les castiaux et les fortrèces qui estoient à lui rendues, et establi partout bonnes cappittainnez et si grant plentet de saudoiiers à piet et à cheval qu'il y couvenoit, grans pourveances de vivres à l'avenant, et paiia si bien tous saudoiiers, que chacuns le servoit vollentiers. Quant il ot tout ordonné ensi qu'il appertenoit, il s'en revint à Nantez dallés la comtesse sa femme, et dalléz lez bourgois de le chité, qui durement l'amoient par samblant pour les grans courtoisies qu'il leur faisoit. Or me teray ung petit de lui, et me retrairay au roy de Franche et à monseigneur Carlon de Blois et as barons et douze pers dou royaumme dessus dit. Fos 57 vo et 58.

Ms. de Rome: A painnes est riens fait qui ne soit sceu: nouvelles vinrent à Paris deviers messire Carle de Blois et les signeurs que li conte de Montfort avoit priès conquis, tant par force que par tretiés, toute la ducée de Bretagne, et avoit esté en Engleterre et relevé la ducée de Bretagne dou roi d'Engleterre, et en estoit devenus son honme. Tantos ces nouvelles vinrent au roi. Qant li rois les oï, se ne li furent pas plaisans, et manda les douse pers de France, ceuls que pour lors il pot avoir. Qant il les vei en sa presence, si lor demanda quel cose estoit bonne à faire de tel cose. On li dist et consilla que chils contes de Montfort fust mandés, et que trop on avoit atendu. Si furent ordonné pour le aler querre li sires de Montmorensi et li sires de Saint Venant. Chil doi baron se departirent de Paris à plus de soissante chevaus, et chevaucièrent tant que il vinrent à Nantes, et trouvèrent le conte de Montfort et la contesse qui faisoient une grande feste des chevaliers et esquiers, des dames et damoiselles dou pais de Bretagne. Il requella grandement et liement ces signeurs, car il se tenoit de lor linage. Chil doi baron, qui sage et pourveu estoient, se couvrirent moult bien deviers li de dire. Pluisseurs paroles disoit on de li en France et à Paris, mais s'en dissimulèrent, et 303 li priièrent que il vosist descendre celle première fois à la plaisance dou roi, et venir à Paris. Il dist que il s'en conselleroit. Il s'en consella à auquns de son consel et à la contesse, sa fenme, laquelle li desconsilloit que point n'i vosist aler, et que il n'i avoit que faire; et li aultre li consilloient et disoient que si avoit, et que nullement il ne se pooit esquser, ne passer que il n'alast en Franche, et que il ne relevast la ducée de Bretagne dou roi. Lors respondi il à ces paroles et dist: «Je l'ai relevé dou roi d'Engleterre: il doit souffire. Je ne doi ne puis faire que un seul honmage.» Lors li fu dit: «Et se vous trouvés le roi de France si amiable que il reçoive vostre honmage, vous venrés legierement jus deviers le roi d'Engleterre. Il a assés à faire à entendre aillours. Il ne vous boutera pas hors de Bretagne, et espoir es(t) çou pour aultre cose que li rois vous mande.» Finablement li contes de Montfort fu à ce consilliés et enortés que il ordonna ses besongnes, et se departi de Nantes en la compagnie des deus barons desus nonmés, et ossi des chevaliers de Bretagne; et fist tant que il vint à Paris et se loga, et toutes ses gens ossi. Qant on sceut que il fu venus et mis à hostel, on fu tous resjois de sa venue. Li contes de Flandres, son serourge, le vint veoir, et li fist bonne chière, et li contes de Montfort li, liquels se tint le jour que il vint et la nuit ensievant tous quois à son hostel. Et à l'endemain, à heure de tierce, il se departi de son hostel à plus de cent chevaus en sa compagnie, et chevaucièrent viers le palais et descendirent là, car li rois de France i estoit, et à painnes tout li noble prelas et barons du roiaulme de France. Li contes de Montfort monta les degrés dou palais et ala tant devant li que il trouva le roi et les signeurs en une grande cambre, toute parée et couverte de tapiserie moult belle et moult rice, et là estoit atendus li contes de Montfort.

Qant il entra en la cambre, il fu moult fort regardés de ceuls qui onques ne l'avoient veu, et par especial li rois de France jetta trop fort ses ieuls sur li. Li contes de Montfort se mist en genouls devant le roi et dist moult humlement: «Monsigneur, vous m'avés mandé, et je suis venus à vostre mandement.» Li rois respondi et dist: «Contes de Montfort, de che vous sai je bon gré, mais je m'esmervelle grandement pourquoi ne conment vous avés osé entreprendre de vostre volenté la ducée de Bretagne, où vous n'avés nul droit, car il i a plus proisme de vous que vous volés deshireter; et pour vous mieuls efforchier, vous estes alés à nostre 304 adversaire le roi d'Engleterre et l'avés de lui relevet, et fait feaulté et honmage, ensi que on nous a dit.» Li contes respondi à che et dist: «Ha! monsigneur, ne le creés pas, car vraiement vous estes de ce mal enfourmés, je le feroie moult à envis; mais de la proismeté dont vous me parlés, m'est avis, monsigneur, salve soit vostre grace, que vous mesprendés, car je ne sçai nul si prochain dou duch de Bretagne, mon frère darrainnement mort, que moi; et se jugiet et declaret estoit par droit que aultres i fust plus proismes de moi, je ne seroie pas honteus ne virgongneus de moi en deporter.» A ceste parole respondi li rois et dist: «Contes, vous en dittes assés, mais je vous conmande sur qanq que vous tenés de nous, ne que tenir en poés ne devés, que vous ne vos departés de la chité de Paris jusques à quinse jours, que li baron et li per jugeront de celle proismeté. Si sauerés adonc quel droit vous i avés; et se vous le faites aultrement, vous nous couroucerés.» Li contes respondi et dist: «Monsigneur, à vostre volenté.» Donc se leva il et prist congiet au roi et as prelas et hauls barons qui là estoient, et les enclina tous autour, et euls li. Et issi hors de la cambre, et conmença moult fort à busiier et merancoliier, et à imaginer son afaire et son estat. A painnes pot il disner, tant fu pensieus, et ne volt que nuls entrast en sa cambre, fors si varlet.

A ce que li contes de Montfort pensoit, je le vous dirai: il se repentoit trop fort de ce que il estoit venus à Paris et mis ens ès dangiers dou roi et de ses contraires, et disoit ensi en soi meismes: «Se je atens le jugement des douse pers, il n'est riens si certain, on me retenra, et serai mis en prison. Et tout au mieuls venir, se je voel avoir ma delivrance, il faudra que je remette arrière tout ce dont je sui en saisine, et que je rende compte dou tresor le duch mon frère que je pris et levai à Limoges, douquel je me sui aidiés. Avoecques tout ce, on trouvera en verité que j'ai esté en Engleterre, et que je ai relevé la ducée de Bretagne dou roi d'Engleterre, dont je me sui trop forfais, et ne sai que li douse per de France de la correction en vodront dire. Briefment, tout consideré, je ne puis veoir que li demorer chi et atendre la quinsainne me soit pourfitable.» Tout consideré et bien examiné ses besongnes, il dist que il se departiroit de Paris et retourneroit en Bretagne; et se on le voloit là venir querre, on le venist, car on le trouveroit pourveu, et le pais tout clos à l'encontre des venans; et se manderoit le roi d'Engleterre, qui li 305 avoit juré toute loiauté, et li aidier fust contre le roi de France ou autrui.

Ce pourpos et ceste imagination conclut li contes de Montfort en soi meismes, et se ordonna à partir. Je vous dirai conment: il prist l'abit à l'un de ses menestrels, et dou soir il monta à ceval, et le varlet dou menestrel avoecques lui, et isi de Paris. Et quidoient ses gens voires, fors chil qui le devoient sçavoir, que il fust encores en ses cambres, car si cambrelent disoient que il estoit malades et gissans au lit, qant il estoit en Bretagne. Et vint à Nantes de nuit et ala deviers sa fenme la contesse qui point de premiers ne le recongnissoit en cel estat; et qant elle l'ot ravisé, si pensa tantos que la besongne aloit mal. Li contes li compta tout l'estat et l'ordenance de son voiage, et pourquoi il estoit ensi revenus. «Monsigneur, dist la contesse, je n'en pensoie point mains, vous n'i aviés que faire. Selonc ce que vous avés conmenchié et entrepris, vous auerés la gerre: il n'est riens si vray. Si vous pourvées et ordonnés selonc che, et tenés en amour les bonnes villes de Bretagne et les signeurs qui sont de vostre partie.» Li contes respondi et dist que aussi feroit il. Fos 74 vo et 75.

P. 102, l. 22: qui tenoit.—Mss. A 1 à 6, 18 à 33: qui se tenoit à cause de sa femme estre droit hoir de Bretaigne. Fo 79 vo.

P. 102, l. 28: feroit.—Ms. B 6: Or advint autres nouvelles au roy et à monseigneur Charle de Blois qui plus luy donnèrent à penser, car il leur fut dit que le conte de Monfort avoit esté en Engleterre devers le roy et relever la ducé de Bretaigne et les appertenances du roy d'Engleterre: que faire ne povoit ne devoit, dont trop grandement s'estoit meffais. Fo 178.

P. 103, l. 12: de Nantes.—Ms. B 6: mais sachiés que che fut tout outre le consail de madamme sa femme. Fo 179.

P. 103, l. 15: as hostelz.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: en son hostel. Fo 79 vo.

P. 103, l. 20: li douze per.—Ms. B 6: le duc de Bourgogne, le duc de Normendie et grant plenté de seigneurs. Fo 179.

P. 104, l. 24: à son hostel.—Ms. B 6: durement pensis. Fo 180.

P. 104, l. 25 et 26: à aviser.—Ms. B 6: à buchier. Fo 180.

P. 105, l. 8 et 9: Si monta.—Ms. B 6: Sy fist le malade toute celle journée; et quant che vint à la nuit, il monta à cheval 306 et se party de Paris lui troisième, que point les portes n'estoient adonc frumées. Fo 181.

§ 146. P. 106, l. 2: alés.—Ms. de Rome: Et en fu li contes de Flandres soupeçonnés que il ne li euist consilliet à faire, pour tant que il avoit sa serour à fenme; mais li contes se osta de la soupeçon et s'en escusa grandement et tant que on le tint bien pour escusé. Fo 75 vo.

P. 106, l. 7: deus.—Mss. A 1 à 7, 18 à 22: trois. Fo 80 vo.

P. 106, l. 22: barons.—Ms. d'Amiens: et douze pers. Fo 58.

P. 107, l. 10: d'Alençon.—Ms. d'Amiens: monseigneur Carle comte d'Alenchon son oncle, le ducq de Bourgoingne son cousin, le comte de Blois son frère, le duc de Bourbon, monseigneur Jakemon de Bourbon comte de Pontieu, monseigneur le connestable de Franche, le comte de Ghines son fil, le comte de Foriès, le seigneur de Couchy, le seigneur de Craan, le seigneur de Biaugeu, le seigneur de Suilli, et en apriès tous les barons et chevaliers à qui il avoit amour et linage qui là estoient. Et chacuns li acorda liement que il yroit avoecques lui en Bretaingne pour aidier à reconcquerre, à tant de gent et de compaignons qu'il poroient avoir. Si fissent leurs mandemens chacuns endroit de lui, li uns en Biausse, li autre en Berri, puis en Ango et ou Mainne. Et tous se devoient rassambler en le cité d'Angiers et là environ. Fo 58 vo.

Ms. de Rome: Mesires Carles de Blois et li contes de Blois son frère, liquel estoient en genouls devant le roi, le remerciièrent humlement de toutes ces paroles. Lors se levèrent ils en piés et alèrent autour priier lors amis, premierement lor oncle le conte d'Alençon, et puis lor cousin germain le duch de Normendie, le duch Oede de Bourgongne et mesire Phelippe de Bourgongne son fil, le duch Pière de Bourbon et messire Jaqueme de Bourbon conte de Pontieu son frère, le conte d'Eu et de Ghines connestable de France, le conte de Vendome, le conte de Danmartin, le signeur de Chastellon et grant fuisson de barons de lor linage. Et tout de bonne volenté se offrirent à faire service et plaisance à mesire Carle de Blois, et aler à lors coustages avoecques li en Bretagne. Si se ordonnèrent et apparillièrent dou plus briefment que il peurent; et fissent lor mandement à estre à Chartres, 307 et atendre l'un l'autre en la chité del Mans ou d'Angiers. Fos 75 vo et 76.

P. 107, l. 14: le visconte de Roem.—Mss. A 11 à 14: le viconte de Rohan breton. Fo 78.

§ 147. P. 107, l. 26: Quant tout.—Ms. d'Amiens: Quant tout chil seigneur qui priiet estoient, eurent ordonnet leur besoingnes et chacuns fait son mandement au plus especialment qu'il peult, il se partirent, de Paris li aucun, et li aucuns de leurs lieux. Si s'en allèrent li uns apriès les autres et se assamblèrent en le cité d'Angiers, puis ordonnèrent leur charoy et leurs pourveanches. Et se misent au chemin et passèrent Ango, et vinrent logier ung soir à une très belle fortrèce que on appelle Chantosé, qui se tient dou seigneur de Craan. Et mist li dus de Normendie gens pour aidier à conduire leurs pourveanchez et chiaux ossi qui lez sieuwoient. Puis cheminèrent deviers Ansenis, qui est li fins dou royaumme et li entrée de Bretaingne à che lés là. Li sirez est ungs grans banerès bretons, et se tenoit de le partie monseigneur Charlon de Blois, et li fist là hoummaige et feaulté comme au duc de Bretaingne, presens tous lez signeurs, et li mist se fortrèche en son coummandement. Si sejournèrent li seigneur là endroit trois jours, pour mieux ordonner leur conroy et leur charoy. Quant il eurent ce fait, il yssirent hors pour entrer ou pays de Bretaingne.

Quant il furent as camps, il considerèrent leur pooir et estimèrent leur host à cinq mille armurez de fier, sans les Geneuois qui estoient bien troi mille, si comme jou ay oy recorder. Et lez conduisoient doi chevalier de Genneues; si avoient nom, li uns messires Othes Doriie, et li autres messires Carles Grimaus. Et si i avoit grant plantet de bidaus et d'arbalestriers que conduisoit messires Galois de le Baume. Quant touttes ces gens se furent aroutet, moult y avoit bel host; et chevauçoient en troix bataillez: de quoy messires Loeys d'Espaingne, ungs très bons chevaliers, et li viscontez de Rohem, li sires d'Avaugor, li sirez de Clichon et li sirez de Biaumanoir, banièrez desploiies, menoient les premiers; et estoient bien cinq cens lanches. Puis chevauchoient en le grosse routte li dus de Normendie, li comtez d'Allenchon, ses onclez, li comtez de Blois, messires Charles de Blois, qui s'appelloit et escripsoit dus de Bretaingne et en avoit fait feaulté et hoummage au roy de Franche, et en portoit lez 308 plainnes armez sans differensce. En celle routte estoient tout li plus grant seigneur de l'ost. En le tierche bataile estoit li connestablez de Franche, li comtes Raous d'Eu et li comtez de Ghines, ses fils, li sires de Couci, li sires de Montmorensi, li sires de Quitin, breton, et li sirez de Tournemine; et faisoient l'arrieregarde bien à cinq cens lanchez, sans les Geneuois et les arbalestriers, dont li Gallois de le Baume estoit conduisièrez.

Environ heure de primme, li premier cevauceour vinrent devant ung très fort castiel, seans à l'entrée de Bretaingne sus une montaigne et ou piet desous une grosse rivière. Si appelle on le dit castiel Chastonseal, et est li clef et li entrée de Bretaingne. Si l'avoit garny et pourveu très bien li contes de Montfort de bonnes gens d'armes, de pourveanches et de artillerie. Et en estoient cappittainne de par le dit comte doi bon chevalier de Bretaingne, dont li ungs avoit à nom messires Milles, et li autrez messires Waleranz. Fo 58 vo.

Ms. de Rome: Qant tout chil signeur, liquel s'en devoient aler avocques monsigneur Carle de Blois ens ou pais de Bretagne pour li aidier à recouvrer son hiretage, furent prest et lors gens venus, il se departirent de Paris li auqun, et li aultres de lors lieus. Et en alèrent les uns apriès les aultres, et si se asamblèrent la grignour partie en la chité du Mans et là environ; puis s'avalèrent jusques en Anghiers, et là trouvèrent le duch de Normendie qui chiés se faisoit de ceste cevauchie. Et vinrent toutes ces gens d'armes en Ancheni sus la frontière et entrée de Bretagne, et là sejournèrent trois jours, en attendant encores l'un l'autre, et pour ordonner lor charoi et lors conrois. Qant il orent ensi fait, il se missent par ordenanche au cemin et chevaucièrent pour entrer en Bretagne, et considerèrent lor pooir et estimèrent lor hoost à cinq mille armeures de fier, sans les Geneuois qui estoient environ troi mille. Et les conduisoient doi chevalier de Genneues; si avoit nom li uns mesire Othe Doriie, et li aultres mesires Carles Grimauls. Et se i avoit grant fuisson de bidaus et d'arbalestriers que li Galois de la Baume conduisoit, uns chevaliers savoiiens.

Qant toutes ces gens d'armes et aultres arbalestriers et bidaus as lances et à pavais se trouvèrent sus les camps, ils se departirent d'Ancheni, et prissent le cemin par deviers un très fort chastiel, seant sus une montagne, et desous court une rivière. Et le chastiel on l'apelle Chastonseal, et est la clef et li entrée de Bretagne à ce lés là, et estoit pourveus et garnis de bonnes gens 309 d'armes. Et en estoient chapitainne et gardiien doi chevalier de Lorrainne, dont li uns avoit nom mesires Milles et li aultres messires Wallerans. Qant li dus de Normendie, qui estoit chiés de ceste cevauchie, et li aultre signeur de France veirent le chastiel si fort, il orent consel que il le assegeroient, car se il passoient oultre et il le laisoient derrière, il le poroit porter damage à euls ou à lors gens et as lors pourveances. Si le assegièrent dou plus priès que il porent, et i fissent pluisseurs assaus. Meismement li Geneuois, qui sont bons arbalestriers, s'i abandonoient à le fois assés follement et tant que i perdirent de lors compagnons à lors assaus, car chil dou chastiel se deffendoient vaillanment. Adonc imaginèrent chil signeur de France que il couvenoit emplir les fossés pour aprochier de plus priès. Si furent envoiiet querre et amené tout li honme paisant dou plat pais, et lor fist on coper baus et mairiens, à porter, à trainer et à chariier et jeter en ces fossés. Et tant fissent, par la grant diligense que il i rendirent, que il furent raempli là en cel endroit où il avoient mieuls l'avantage de l'asallir. Et entrues que on entendi à raemplir ces fossés, li signeur de France fissent faire et carpenter un chastiel de bois sus douse roes et tout couvert et garité, ouquel pooient bien deus cens hommes d'armes et cent arbalestriers. Si fu à force d'onmes chils chastiaus, pourveus de gens d'armes et d'arbalestriers, amenés assés priès dou mur; et avoit ou dit chastiel trois estages: ou premier hault estoient les gens d'armes, ou second les arbalestriers, et ou tierc estage tout bas, piqetour pour piqueter au mur et tout destruire et abatre.

Le jour que li enghiens et li chastiaus fu boutés avant, ot à Chasto(n)seal trop orible asaut, et moult de honmes mors et bleciés de ceuls dedens et de ceuls de dehors. Et aleuèrent chil dedens toute lor artelerie au traire; et par trois fois furent rafresqi chil qui ou chastiel estoient. Qant messires Milles et messires Walerans veirent que si continuelment on les assalloit, et que moult de lors honmes estoient blechiet, et se ne lor apparoit confors de nul costé, il se doubtèrent que de force il ne fuissent pris; si entrèrent en trettiés deviers le duch de Normendie à qui on parloit de toutes coses. Trettiés se porta que il rendirent le chastiel, salve lors vies et lors biens. Ensi orent li François le chastiel de Chastonseals; si le remparèrent et rafresquirent de toutes coses. Et fu rendus li dis chastiaus dou duch de Normendie à mesire Carle de Blois conme hiretiers et dus de Bretagne. Et puis passèrent 310 oultre et ceminèrent viers Nantes, où li contes de Montfort se tenoit, qui bien estoit enfourmés de la venue de ces signeurs de France. Si se pourveoit selonch ce, et avoit envoiiet sa fenme et un sien jone fil à Vennes, et moustroit bonne ordenance de li deffendre et garder. Fo 76.

P. 108, l. 3: Angiers.—Ms. B 6: Et depuis ne demoura gaires de temps que mesire Charles se party de Paris et prist le chemin d'Angiers. Et vint là après le conte d'Allenchon, le duc de Normendie, le duc de Bourgogne, le duc de Bourbon, le conte de Tancarville, le connestable de France, le sire de Coucy, le sire de Carhain, le sire de Suilly et grant foison de barons de France. Et estoient bien, quant tous furent venus et asamblé, six mille hommes d'armes et vingt mille d'autres gens parmy les Geneuois qui estoient desoubz messire Charle Grimaulx et messire Oste Deoire. Et fut marescaulx de tout l'ost ung très bon et hardy chevalier qui s'appelloit messire Loys d'Espaigne. Fo 183.

P. 108, l. 6: trois.—Mss. A 11 à 14: quatre. Fo 78.

P. 108, l. 10: cinq mille.—Mss. A 15 à 17: six mille. Fo 81 vo.

P. 108, l. 11: trois mille.—Mss. A 1 à 6: quatre mille. Fo 81.

P. 108, l. 20: Chastouseal.—Mss. B 3: Castouseul. Fo 71 vo.—Mss. A 1 à 10, 20 à 33: Chastonseaulx, Chastonseal, Chastonseaul, Chastonseau. Fo 81.—Mss. A 11 à 17: Chantouceaulx, Chantoceaux. Fo 78 vo.—Mss. A 18, 19: Chastouseaulx. Fo 81.

§ 148. P. 110, l. 1: Quant li dus.—Ms. d'Amiens: Quant li dus de Normendie, messires Carlez de Blois et li autre seigneur eurent conquis le castiel de Castonseaux, si comme vous avés oy, li dus de Normendie, qui estoit li souverains droit là de tous, le livra tantost à monseigneur Carlon de Blois, son cousin, comme sien et son hiretaige. Et y mist li dis messire Carles dedens bon castellain, en qui mout s'afioit, ung chevalier que on appelloit monseigneur Rasse de Quinnecamp, et avoecq lui grant fuison de bons compaignons; et là rafresci de tous poins, de touttez necessités pour mieux garder l'entrée dou pays, et pour conduire chiaux qui venroient apriès yaux. Puis se deslogièrent li seigneur et se traissent par deviers Nantes, là où il tenoient que li comtes de Montfort, lors ennemis, estoit. Si leur avint que li marescaus 311 de l'ost et leur coureur trouvèrent enmy voie une bonne ville et grosse, bien fremée de fossés et de palis; et appell' on ceste ville Quarquafoure, et siet à quatre lieuwes priès de Nantes. Li marescaux et se routte l'asalirent fierement et durement de tous costés; et chil de le ville se deffendirent, mès il n'y avoit que villains. Si furent assés tost desconfi, la ville prise et robée, et moult de gens dedens mors et ochis, dont che fu pités; et boutèrent le feu ens, et en fu bien la moitiet arse. Et se logièrent li signeur ceste nuit là environ, et l'endemain il se deslogièrent et aprochièrent Nantez; et envoiièrent leurs coureurs devant pour aqueillir le proie, mès point n'en trouvèrent. Dont vinrent li seigneur li uns apriès l'autre, par ordonnanches et par connestabliez, devant le chité de Nantes; et le assiegièrent tout autour, et y tendirent tentez, très et pavillons et touttes autres mannières de logeis qui en telz oeuvres appertiennent.

Or sont logiet à ost, par devant la bonne chité de Nantez, li seigneur de Franche. Et dedens se tient li comtez de Montfort, messires Hervieus de Lion, messires Henris de Pennefort, messires Oliviers de Pennefort et pluiseur chevalier et escuier de Bretaingne qui ont fait feauté ou dit comte; et la contesse sa femme est à Rennes. Quant li comtes de Montfort se vit assegiés, il n'en fist mies trop grant compte, car il se sentoit en bonne chité, forte, bien fremmée et bien pourveuwe de touttez pourveanches et d'artillerie, et bien amés des bourgois de le ville. Si ordounna et pria à tous que chacuns se volsist bellement deduire et acquitter enviers lui, garder le chité et leur honneur, aller à leur deffenscez as garrittez, enssi que ordonnet estoient, et point yssir sur chiaux de l'host, car il pooient bien perdre et point gaegnier. Et disoit ensi li comtes, pour chiaux de Nantes reconforter, que cilx sièges ne se pooit longement tenir, car il estoit coummenchiéz trop sus l'ivier.

Or avint que chils de le ville ne tinrent mies trop bien ses coummandemens, si comme vous oréz; car il prist vollenté à aucuns bourgois de Nantez, jones compaignons et armerèz, que de yssir et faire aucune envaie sur chiaux de l'ost. Et en parlèrent enssamble et se queillièrent, et furent bien quatre cens d'eslite, et priièrent à monseigneur Hervi de Lion que il volsist y estre leur cappittainne et yaux mener; et se Dieux plaisoit, il feroient emprise où il aroient toutte honneur et prouffit. Messires Hervis, comme bons chevaliers et qui amoit et queroit lez armes, s'i accorda 312 assés legierement. Et prissent ariest à issir une ajournée, enssi qu'il fissent, et s'en vinrent par voies couvertes, car bien connissoient le pays autour de l'ost. Dont d'aventure il trouvèrent environ trente sommiers, mulés et ronchins, cargiés de pourveances, qui s'en venoient en l'ost. Si se ferirent en chiaux qui les menoient, et en tuèrent et navrèrent les aucuns, et li demorans s'enfui. Si misent ces sommiers à voie pour amener à sauveté dedens le ville, et leur sambla que trop bien avoient esploitiet. Li noise et li cris s'esleva en l'ost, et criièrent: «As armes!» Les trompettez sonnèrent, touttes mannières de gens s'armèrent et montèrent as cevaux.

Ceste meysme nuit, avoit fet le gait messires Loeys d'Espaingne à plus de cinq cens compaignons, et n'estoit point encorres retrait ne partis de se garde. Quant il entendi le huée, il s'en vint celle part à quoite d'esperons, bannière desploiiée; et tout li sien le suirent, et raconssuirent chiaux de Nantez assés priès de le ville. Là y eut bon puigneis. Quant messires Hervis de Lions et chilz de Nantes veirent qu'il estoient si poursui, il se misent entre les sommiers et leurs ennemis, et les fissent de forche cachier ens ès portes pour sauver, et aucuns cars ossi, qu'il en menoient cargiés de vins et de farinez, desteller; et les cevaux cachier en le ville, et tout adiès se combatoient. Là ot ung dur rencontre et très forte meslée, car chil de l'ost mouteplioient toudis, qui estoient fresch et nouviel. Là couvint monseigneur Hervi de Lion faire maintez appertises d'armez, car vollentiers il ewist sauvés tous les siens, s'il pewist; mès si grant force leur sourvint que à grant meschief rentra il en le ville et se sauva; et pour le doubte que cil de l'ost ne efforçaissent le porte et entraissent en le cité, il fist le restiel avaller. Si en y eut bien le moitiet et plus de leurs gens enclos par dehors, qui y souffrirent grant meschief, car il furent tout pris ou tout mort, et menés as logeis comme prisonniers devers le duch de Normendie et monsigneur Carlon de Blois, qui en eurent grant joie. Et chil dedens se retrairent au mieux qu'il peurent, qui trop plus avoient perdut que gaegniet, et regretoient leurs frèrez et leurs amis mors et pris.

Li comtez de Montfort, qui estoit ens ou castiel de Nantes, s'arma et fist armer sez gens seloncq ce que on li avoit recordé que dehors le porte il y avoit grant hustin. Si y venoit en ceste entente que pour yaulx aidier, s'il pewist; mès quant il parvint 313 là, la besoingne estoit jà toutte passée. Et encontra monseigneur Hervi de Lion, si ques tous courouciés et voiant le peuple, il l'aqueilli au tenchier et li dist: «Messire Hervy, messire Hervy, vous estes trop bons chevaliers de le moitiet. Je me fuisse bien maintenant passés à mains de vo proèce; et encorrez sus vo folle emprisse, se vous ne vous fuissiés si tost retrès, chil qui sont demouret là hors, ewissent estet bien venus à sauveté.» De ces parolles fu messires Hervis tous honteux et virgongneus, et passa oultre et parla mout peu, et ce qu'il respondi, il dist: «Sire, plus sages et plus preux chevalierz que je ne soie, a bien mespris en plus grant affaire. Dieux nous gard de plus grant dammaige!» Ensi se retrai chacun en son hostel, car li comtez vit bien que li issir ne li pooit porter nul prouffit, mès damage. Depuis ceste avenue, priès que tous les jours, chil de l'ost, Geneuois et saudoiiers, venoient escarmuchier as portez et as barrièrez, et faisoient sur chiaux de d'ens mainte appertise d'armes. Et lanchoient et traioient li ung à l'autre; et en y avoit souvent des navrés de chiaux de d'ens et de chiaux de hors. Fo 59.

Ms. de Rome: Sus le cemin de Nantes trouvèrent li François une bonne ville et grose fremée de fossés et de palis tant seullement, et est nonmée Quarquefoure. Li marescal de l'oost et chil de l'avant garde, qant il furent venu devant, l'asallirent fortement. Ichil de dedens estoient gens de petite deffense et foiblement armés; si ne porent durer contre ces arbalestriers geneuois et ces gens d'armes. Si fu la ville conquise et toute robée, et plus de la moitié arse, et toutes gens que on pot ataindre, mis à l'espée, dont ce fu pités.

Li signeur logièrent celle nuit là environ; et à l'endemain il s'ordonnèrent pour venir devant la chité de Nantes, car il n'i a de Quarquefoure que quatre lieues. Et envoiièrent premierement l'avant garde courir devant Nantes et ordonner où li signeur se logeroient. Si se logièrent chil de l'avant garde. Et puis vinrent li dus de Normendie et tout li signeur et le charoi. Et se logièrent tout en bonne ordenance, et fissent tendre tentes, trefs et pavillons.

La chité de Nantes est grande, et la rivière de Loire qui court parmi, moult large. Se ne le porent pas li signeur de France toute environner, car trop i faudroit de peuple qui vodroit ce faire. Et se chil de dedens se fuissent tenu tous jours enclos en lor ville sans point issir, et entendu as escarmuces tant seullement, 314 et à deffendre lors barrières, il ne lor couvenoit aultre cose; et euissent là tenu les signeurs de France tout le temps. Car il avoient la rivière pour euls, laquelle on ne lor pooit oster, et si estoient bien pourveu de toutes coses que il lor besongnoit; mais orgoels et outrequidance les dechut, ensi que je vous dirai.

Messires Hervis de Lion, qui fu assés chevalereus et estoit tous li consauls dou conte, chevauça une matinée et issi hors de Nantes à tout deus cens armeures de fier, car dou soir il avoient en lor ville requelliet une espie qui lor avoit dit que quinse sonmiers cargiés de pourveances venoient en l'oost, et lor avoit ensengniet le cemin que il tenoient, et n'estoient conduit que de euls soissante lances. Pour quoi messires Hervis de Lion, pour porter à ceuls de l'oost contraire et damage, esmeut les compagnons saudoiiers et auquns jones honmes bourgois de Nantes. Et sallirent hors à une ajournée par la posterne de Ricebourc et se missent sus les camps, et cevauchièrent à la couverte, ensi que li varlès les avoit ensengniet. Et trouvèrent sus un viés chemin et encontrèrent ce charoi et ces sonmiers et ceuls qui les conduisoient, qui estoient tout pesant et sonmilleus, car il avoient la nuit moult petit dormit. Chil deus cens de la route et compagnie messire Hervi de Lion furent tantos au desus de ce charoi et de ces sonmiers et de ceuls qui les conduisoient. Et en i ot que mors que bleciés plus de la moitié; et li demorrans fui en voies deviers l'ost en faisant grant noise. Encores estoient chil dou gait de la nuit sur les camps; si s'adrechièrent celle part où la noise estoit et li debas, et aussi li hoos se conmença fort à estourmir.

Qant mesires Hervis de Lion et ses gens veirent venir l'effort, si se retraissent fort viers la chité et deviers la porte, et cachièrent lor proie dedens. Et fuissent bien rentré dedens et à petit de damage, se il vosissent; mais orgoels et outrequidance les amonesta de demorer et faire armes. Et tant se moutepliièrent li hustin que chil de l'oost les sourmontèrent, et en abatirent et mehagnièrent biaucop et prissent au voloir rentrer en la ville. Et fu la porte sus le point de estre gaegnie des François, et couvint priès estre armé tous ceuls de la ville pour euls bouter hors. Et là fu très bons chevaliers messire Hervi de Lion, et moult i fist de grandes et de belles apertises d'armes. Toutes fois, par bien combatre et par l'effort qui i sourvint de la chité, li François furent requlé, et la porte reclose, et li pons levés, et la grignour partie de la proie conquise. Mès trop lor cousta et par especial 315 des bourgois de la ville, car il en i ot grant fuisson de mors et de pris et de bleciés: dont li père et li frère et li linages de ceuls en furent durement courouchiet. Et disoient li auqun en derrière que ce avoit esté une issue sans raison et hors de ordenance, car il n'avoient en Nantes aultre cose à faire que de garder lor vile.

Li contes de Montfort, qui estoit en son hostel, ne sçavoit au matin, qant il fu levés, encores riens de ceste avenue. Et qant il en fu enfourmés, et il oy les complaintes de ses honmes et des bourgois de la ville, conment il avoient perdu lors fils, lors frères et lors amis et par celle escarmuce, laquelle à la vois de ceuls de Nantes avoit esté faite sans raison, si en fu durement courouchiés. Et qant messires Hervis de Lion vint en sa presence, il l'en blama et reprist aigrement de crueuses paroles, et tant que messires Hervis s'en merancolia et prist les paroles en grant virgongne et desplaisance. Et pour ce que li contes li dist si generaulement devant tous ceuls qui le porent oïr, se retraist li dis mesire Hervi de Lion en son hostel en la ville, et laissa le conte en son chastiel, sans plus aler viers lui. Fos 76 vo et 77.

P. 110, l. 19: Quarquefoure.—Mss. B 3, A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 29: Quarquefore, Quarquefoure, Carquefoure. Fo 72.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: Quanquefore, Quaquefore. Fo 81 vo.—Mss. A 11 à 14: Carrefours. Fo 79.—Mss. A 23 à 29: Carquefo. Fo 147.

P. 111, l. 9: aucun des saudoiiers.—Ms. B 6: Or advint que mesire (Hervy [406] de Lion), qui moult desiroit les armes, yssy hors une matinée à tout deux cens compaignons des plus soufisans. Fo 184.

P. 111, l. 11: quinze.—Mss. A 11 à 14: dix huit. Fo 79.

P. 112, l. 15: deux cens.—Ms. B 6: six vingt par une autre embusque que messire Loys d'Espaingne leur fist. Fo 185.

P. 112, l. 18: blasma.—Ms. B 6: et luy dist que il s'en peuist bien estre passés d'avoir fait celle yssue, et qu'il estoit trop bon chevalier de par le diable. Fo 185.

§ 149. P. 112, l. 26: Or avint.—Ms. d'Amiens: Che siège durant devant Nantez, qui grans et plentiveus estoit pour ciaux de hors et cremeteus pour ciaux de d'ens, car il n'estoient tout 316 mies bien d'acord, mès à grant soussi et anoy, aucuns bourgois de le cité veoient leurs biens destruire et amenrir dedens et dehors, et avoient lors enfans et lors amis emprisonnés et doubtoient encorrez que pis ne leur avenist: si s'avisèrent et parlèrent enssamble tout quoiement et secretement. Et eurent d'accord entr'iaux ly plus sainne partie de traitier à ces signeurs de Franche couvertement, par quoy il peuissent avoir pès et ravoir leur enfans et amis quittes, qui estoient emprisonnés. Touttes fois il achievèrent leurs tretiés et acordèrent et proummisent que, sus ung jour qui ordonnéz estoit, il lairoient une porte ouverte qui nommée y fu; et poroient chil de l'ost paisivlement entrer en le cité et aller au castiel et prendre le comte de Montfort, affin que nulx ne nulle de le dite cité n'y devoient mettre corps, ne vie, ne membre, ne riens dou leur, et devoient sains et sauf et tous quittez ravoir leurs amis.

Enssi fu il acordé et confremmé de chiaux de l'host, et à le droite heure ordonnée, li porte ouverte. Et entrèrent li signeur et chil qui veurent avoec yaux, dedens Nantes, et allèrent droit au castiel là où li comtez de Montfort se tenoit et dormoit encorrez, car il estoit bien matin; et brisièrent lez huis, et le prissent et aucuns de ses chevaliers. Et fu messires Hervis de Lion pris ossi; mès messires Henris de Pennefort et messires Oliviers, ses frèrez, et messires Ives de Tigri se sauvèrent, car il dormoient dedens le chité: si leur fu nonchiet, et montèrent tantost à cheval et se sauvèrent. Et li comtez de Montfort fu pris, si comme vous avés oy; et l'amenèrent li signeur hors de la chité en leur tentez, et en eurent grant joie. De se prisse fu adonc durement retés messires Hervis de Lion, et dou tretiet des bourgois de le ville, car il prist les parollez que li comtez li avoit dittes, en si grant despit que oncquez puis il ne veult y estre à nul consseil que li contes ewist affaire. Si ne sai je pas se ce fu à cause ou sans raison. Je n'en voroie mies parler trop avant, mès touttesvoies li famme fu adonc telx entre pluisseurs gens, si comme je vous ay recordet chy devant. Et che y parfist le souppechon, car toudis depuis il fu de l'accord monseigneur Carlon de Blois, et li fist feaulté et hoummaige si comme à son signeur, et le recongnut à ducq et à droit hiretier de Bretaingne de par madamme sa femme.

Quant li dus de Normendie vit le comte de Montfort devant lui, si en ot grant joie; et ossi eut messires Carlez de Bloix, car 317 vis leur fu que la guerre en estoit pour yaux plus belle. Si se conseillièrent entr'iaux comment il s'en maintenroient, et eurent advis que il l'envoieroient à Paris deviers le roy de France, qui vollentiers le verroit. Si en cargièrent monseigneur Loeis d'Espaingne et monseigneur de Montmorensi, le seigneur d'Estouteville, messire Grimouton de Camb(l)i. Et le prisent chil seigneur en leur conduit à bien deux cens lanches pour amener plus sceurement, et cevaucièrent tant par leurs journées qu'il vinrent à Paris. Si trouvèrent le roy Phelippe qui jà estoit enfourméz de toutte ceste aventure et de la prise dou dit comte. Si l'amenèrent li dessus dit chevalier au roy et li representèrent de par le duc de Normendie, son fil, et monseigneur Carlon de Blois, son nepveult. Li rois rechupt che present à joie, et dist en regardant sus le comte qui mout estoit honteux et abaubis: «Comtez, comtez de Montfort, viéz pechiéz fait nouvelle virgoingne. Et pour ce que à tort et à pechié vous estez entréz en le saisinne de Bretaingne, où point de droit vous n'avés, estez vous de droit encombréz; car, se nul droit vous y euissiéz, vous ewissiéz atendu le jugement des pers de Franche. Vous vos emblastez de my et sans congiet, et sus me deffensce vous partesistes, et par orgoeil contre my vous vos estez tenus et portés. Si en vauront vos besongnes le mains, car jammais de mes mains ne partirés, se pis ne recevés. Si ne vous ferai je nul tort, mès vous deduirai par le jugement et avis de mes hommes.» Adonc coummanda li roys que on le mesist au castiel du Louvre. Là fu li comtez de Montfort menés et emprisonnés, et très fort et songneusement gardés. Et sachiés que ly roys eut depuis sur lui mainte penssée pour lui faire morir; et l'ewist fait, si comme on dist, se n'ewist estet li comtez Loeys de Flandrez ses serourges, qui pluiseurs fois en pria le roy mout humblement, à laquelle priière li roys s'en souffri, et le tint emprisonné tant qu'il vesqui.

Or revenrons as seigneurs de Franche qui ont bien coummenchiet à esploitier leur voiaige, car il ont pris le chief de leurs ennemis et le souverainne chité de Bretaingne, dont il se sont mis en possession. Et ont tout li bourgois de Nantes juret et fait feaulté et hoummaige à monseigneur Carlon de Blois, et l'ont recongnut à duc et à signeur; et entra de premiers dedens Nantez à grant pourcession, adestrés et acostéz de monseigneur d'Alençon, son oncle, et dou duc de Normendie, son cousin.

Apriès ce que li dus de Normendie et li seigneur de Franche 318 eurent pris le saisinne et la possession de Nantes et reconquis sus le comte de Montfort, en l'an de grace Nostre Seigneur mil trois cens quarante et un, le vingtième jour de octembre, il se tinrent en le ditte cité depuis une espace; et eurent avis et consseil comment il se parmaintenroient. Finablement il se consseillièrent li ung par l'autre, pour che que li yviers aprochoit et que il faisoit dur et crut et froit hostoiier, il se partiroient et donroient leurs gens congiet; et se retrairoient en France jusques à l'estet qu'il revenroient aidier à monseigneur Charlon de Blois à reconcquerre le remanant; et le lairoient cest yvier guerriier par ses fortrèches. Dont tantost apriès le feste de le Toussaint, il se partirent de le cité de Nantes et de monseigneur Carlon de Blois, sus l'estat que je vous ai dit; et s'en retournèrent en Franche et en leurs nations, et chacuns en son lieu. Et messires Carlez de Blois se tint en Nantes en grant reviel, o lui madamme sa femme. Si fist pourveir ses garnisons et appareillier enghiens et espringallez et touttes mannièrez d'estrumens, pour assaillir à l'estet villes et fortrèces rebellez à lui. Or me tairay de monseigneur Carlon de Blois et parleray de le comtesse de Montfort et de ses ordonnances, qui fu damme de grant emprise, et bien eut coer d'omme et de lion. Fos 59 vo et 60.

Ms. de Rome: Or avint que, trois jours apriès ce que ceste avenue de la porte des bourgois et des saudoiiers de Nantes fust avenue, uns grans meschiés sourvint au conte de Montfort; et orent les honmes de la ville trettiés secrès et couvers au duch de Normendie et as signeurs de France, tels que je vous dirai. Il laissièrent une matinée la posterne que on dist de Sauve tout ouverte, et par là entrèrent grant fuisson de gens d'armes dedens la chité sans contredit; et ne fissent onques mal à honme ne à fenme de la ville, ne à mesire Hervi de Lion ne à sa famille. Et alèrent ces gens d'armes au chastiel dou conte, et rompirent les portes et entrèrent dedens; et trouvèrent le conte de Montfort en sa cambre qui se armoit. Il le prissent en cel estat. Et l'enmenèrent quatre chevalier de France en la tente dou duch de Normendie, liquels fu moult resjois (de) celle prise et li dist: «Contes de Montfort, vous nous avés fait painne. Il vous faudra, voelliés ou non, retourner à Paris, et oïr la sentense qui a esté rendue et donnée sur vous.»—«Monsigneur, respondi li contes, ce poise moi. Je me confioie en ma gent, et il m'ont trahi.» Là fu li contes pris et menés d'autre part, et livrés en bonnes gardes de 319 vaillans honmes, chevaliers et esquiers, et moult proçains de linage à mesire Carle de Blois.

Tout ce fait, li dus de Normendie et tout li signeur de France entrèrent dedens Nantes à grant solempnité et à grant fuisson de tronpes, de tronpètes et de claronchiaus et descendirent ensi au palais, et là tinrent li signeur lor estat. Et fu messires Hervis de Lion delivrés de prison et devint homs à mesire Carle de Blois, et li jura foi et loiauté à tenir de ce jour en avant; et on n'i vei onques depuis le contraire. Et furent delivré tout chil qui prisonnier estoient. Et par ces apparans doit on bien supposer que la chité de Nantes et li di(s) messires Hervi furent en trettié deviers le duch de Normendie et les signeurs de France. Ce fu la nuit de une Tousains que on compta l'an de grasce mille trois cens quarante et un. Et le jour de la Tousains tint li dus de Normendie court plenière de tous les signeurs ens ou chastiel de Nantes, et là rendi li dis dus à mesire Carle de Blois la chité de Nantes. Et le rechurent à duch et à signeur tout li bourgois de la ville et li fissent feaulté et honmage, et tout li baron et chevalier de là environ, mesires de Cliçon, li sires d'Ansenis, li sires de Biaumanoir, li sires de Malatrait et bien quarante cevaliers de Bretagne, qui tout furent à la feste ce jour de la Toussains. Et durèrent les festes en Nantes quatre jours. Et encores venoient tout dis chevaliers et esquiers fievés, dames et damoiselles fievées, qui relevoient lors hiretages à mesire Carle de Blois, et le tenoient à signeur et le nonmoient duch. Mais encores demoroient grant fuisson de chités, de villes et de chastiaus et de signouries qui tenoient le fait contraire, et le tinrent tout dis à l'encontre de messire Carle de Blois; car li dus de Normendie et la poissance de France se departirent trop tos de Nantes et dou pais. Car se il se fuissent là ivernet, et euissent laissiet lors gens couvenir, et cevauchiet sur le pais, il euissent petit à petit raquis le pais, et osté le coers et les opinions de ceuls et de celles qui tenoient à bonne la querelle au comte de Montfort. Et pour ce que riens n'en fu fait, s'eslevèrent les gerres en Bretagne par le confort et aide que li rois d'Engleterre fist à ceuls et à celles qui tenoient la partie dou conte de Montfort, et qui s'estoient aloiiet et acouvenenchiet à li, et se tenoient pour tout enfourmé et certefiiet que sa querelle estoit bonne, pour tant que li dis contes avoit esté frères dou duch de Bretagne.

Qant li dus de Normendie et li signeur se furent tenu à Nantes 320 jusques as octaves de la Saint Martin que li iviers venoit, si eurent consel que il retourneroient en France, car il n'estoit nul apparant que chil de Bretagne se vosissent mettre ensamble, ne faire gerre, mais se tenoient en lors garnisons. En ce sejour que li signeur fissent en Nantes, escripsi mesires Carles de Blois, conme dus de Bretagne, à ceuls de la chité de Rennes, de Vennes, de Camperlé, de Camper Correntin, de Hainbon, de Lambale, de Ghinghant, de Dignant, de Dol, de Saint Mahieu, de Saint Malo et de toutes les marces et limitations de Bretagne, que il se vosissent traire viers Nantes et venir à obeisance et faire ce que tenu estoient. Li auqun i venoient, et li aultre non, et disoient et rescripsoient à mesire Carle de Blois que point n'estoient consilliet de ce faire, car la comtesse de Montfort, qui bien avoit coer d'onme et de lion, aloit trop fort au devant et avoit un petit fil de l'eage de sept ans, que on nonmoit Jehan, moult biel enfant; et au jour que son mari fu pris par la condicion et manière que dit vous ai, elle estoit à Vennes et ou chastiel que on dist la Mote. Ceste contesse prist le frain à dens et ne fu noient esbahie, et manda tantos chevaliers et esquiers et ceuls dont elle pensoit à estre amée, aidie et servie. Et quant il furent venu, elle lor remoustra en plorant la fraude, la traison et mauvesté, ensi conme elle disoit, que on avoit fait à son mari, et puis reprendoit ses paroles sus tel fourme en disant: «Biau signeur et bonnes gens, je compte monsigneur pour mort, mais vechi son fil, son hiretier et vostre signeur, qui vous est demorés et qui vous fera encores biaucop de biens. Se li voelliés estre bon et loial, ensi que toutes bonnes gens doient estre à lor signeur, et je vous serai bonne dame et courtoise, et querrai à mon fil, vostre signeur, bon manbourc, pour aidier à soustenir, à deffendre et à garder nostre droit et son hiretage. Si vous pri cierement, conme une dame vève et orfène de mari, que vous aiiés pité de moi et de l'enfant, et li tenés foi et loiauté et à moi aussi, ensi que vous avés fait jusques à chi à son père et mon mari.»

Là avoient toutes gens, barons, chevaliers et esquiers qui tenoient sa partie, grant pité de la dame et de l'enfant, et le reconfortoient et disoient: «Dame, ne vous esbahissiés en riens: nous demorrons dalés vous, puis que obligiet et acouvenenchiet i sonmes, tant que nous auerons les vies ou corps.» Et elle leur disoit: «Grans merchis.» Et ensi la contesse de Montfort, à plus de cinq cens lanches, chevauça de forterèce (en forterèce) 321 sitos que les nouvelles li vinrent de la prise à son mari, et rafresqui chités, villes et chastiaus, et fist toutes ses besongnes bonnes.

Qant chil signeur de France se deubrent departir de mesire Carle de Blois, il li consillièrent que il se tenist en la chité de Nantes, et fesist l'ivier tout bellement ses provisions, et laisast couvenir ses gens et guerriier des garnisons; et qant le temps d'esté retourneroit, se il li besongnoit, il retourneroient aussi. Et disoient que il estoit au desus de ses besongnes, puis que il estoit sires de Nantes et de la plus sainne partie de Bretagne, et que li contes de Montfort ne li porteroit jamès contraire. Messires Carles de Blois s'enclinoit assés à tout ce que il li disoient. Et demorèrent dalés lui auquns vaillans honmes de son linage pour li aidier à consillier. Et puis retournèrent li dus de Normendie et tout li signeur en France, et s'en ala casquns en son lieu. Mais qant li rois Phelippes vei le present que li dus de Normendie li fist dou conte de Montfort, il en fu trop grandement resjois. Et fu li contes moult fort ranprouvés de ce que il estoit partis de Paris sans congiet. Li contes qui se veoit pris, ne savoit que dire, mais s'umelioit dou plus que il pooit, et n'esperoit pas à jamais estre delivrés de ce dangier. Et son esperance fu veritable, car on l'envoia en prison ens ou chastiel dou Louvre. Et furent misses sus li bonnes gardes, liquel avoient gages et pension toutes les sepmainnes, pour lui garder de jour et de nuit, et en estoient bien paiiet. Ensi demora li contes de Montfort en ce dangier et en la prison dou Louvre, et tant i fu que il i morut. Fos 77 et 78.

P. 113, l. 14: prisent.—Ms. B 6: en l'ostel où le conte de Montfort dormoit. Fo 185.

P. 114, l. 20 et 21: livrèrent,—Ms. B 6: l'envoièrent (le comte de Montfort) à Paris à deux cens lances. Fo 186.

P. 114, l. 22: emprisonner.—Ms. B 6: et n'en volsist pas avoir cent mille florins. Fo 186.

§ 150. P. 114, l. 26: Or voel.—Ms. B 6: Quant messires Charles de Blois et les signeurs qui là estoient virent que le conte de Montfort estoit prins et qu'il estoit seigneur de Nantes, sy eurent consail de retourner en France, car il estoient là à grant frait. Sy dirent ensy le conte d'Alenchon et le duc de Normendie à mesire Charles de Blois: «Bieau cousin, vous demor(r)és en che pais, et vous lairons mesire Louis d'Espaigne et une autre partie de ches gens d'armes. Et nous retournerons en France, 322 car nous creons assés, puisque nous tenons le conte de Montfort, que vostre guerre est finée. Il n'est nulz de par luy que il doient gherrier; et se guerre vous sourvient, fust d'Angleterre ou d'ailleurs, nous vous ve(n)rons secourir, car nous ne sommes pas loing.»

De ches parolles se tint grandement content le dit mesire Charles et les en remerchia. Adonc prirent congié à lui et à madamme sa femme, qui s'apelloit ducesse de Bretaigne, et retournèrent tous en France en son pais. Ensy demoura le conte de Monfort en dangier. Et mesire Charles de Blois et sa femme se tinrent toute celle saison en la cité de Nantes. Sy vinrent pluiseurs chevaliers et barons de Bretaigne faire hommage au dit mesire Charles et le tingrent à seigneur de par madame sa femme, telz que le visconte de Rohem, le sire de Clichon, le sire de Biaumanoir, le sire d'Ansenis, le sire d'Avaugor, le sire de Malatrait, le sire de Gargolle, le sire de Cintin, le sire de Lion, mesire Charle (de) Dignant, le sire de Crais, le sire de Rieus et pluiseurs autres barons et chevaliers.

Et aussi en demoura aulcuns du costé de la contesse de Monfort qui se tenoient à Hainbon: de laquelle damme je vous voel ung petit parler pour le grant confort dont elle fut plainne, car elle avoit cuer d'omme et de lion. Quant elle vey que ses sires estoit prins et en mains de ses ennemis, dont elle pensoit mieulx que on le feroit morir que autre chose, elle prinst ung jone valleton que elle avoit à fil, que on appelloit Jehan ensy que son père. Et chevauça de forteresse en forteresse en toutes celles qui se tenoient pour luy, en remoustrant as chevaliers et escuiers et as bourgois des chités et bonnes villes son jone fil. Et leur dist par très bieau langaige: «Mes amis, mes bonnes gens, veschy vostre droit hiretier et seigneur qui vous fera les grans dons. Se je ay perdu monseigneur par traison, veschy son restor, mon fil et le sien. Ne vous desconfortés ne esbahyssiés point pour ce, car encores ferons nous bonne gherre, car j'ay or et argent assés pour vous en tant donner que bien vous devera souffir. Et sy cueuray à mon fil ung tel mainbour pour vous aydier à garder contre tous vos anemis.» Ensy ala la dite contesse de plache en plache, et en renouvelant hommaige et priant à ses gens que ilz se volsissent bien acquiter en tous estas et tenir le serment que juret avoient, et elle leur seroit bonne damme. Et tous ly eurent en convent.

323 Quant elle ot ensy fait, elle se party de Hainbon et monta en mer à privée maisnie et laissa son fil en la garde de monseigneur Henry de Pennefort et de Olivier son frère. Et fist tant que elle vint en Engleterre devers le roy, qui le rechut liement et qui le reconforta de toutes ses besoignes et qui luy dist et promist seurement que elle aroit temprement tel confort que pour resister à ses ennemis. Sur che retourna la contesse et vint en Hainbon et en fist sa souveraine garnison, car c'est une des forte(s) villes de Bretaigne.

En che temps courut aultres nouvelles au roy d'Engleterre dont il ne se donnoit garde. Et pour quoy le confort de la dame fu grandement arrierés, et ne l'eut mie sy tost qu'elle cuida avoir: le cause pour coy, je le vous diray. Fos 186 vo à 189.

P. 115, l. 1 et 2: prison.—Ms. d'Amiens: tant sentoit le roy de France hastieu. Fo 60.

P. 115, l. 12: assés.—Ms. d'Amiens: Et jou ay, Dieu merchy, de l'avoir en partie: si vous en donray fuison et vollentiers, car, pour vous donner et departir l'avons nous, monseigneur et moy, dou tamps passet, mis arière. Fo 60.

P. 115, l. 27: atant.—Ms. d'Amiens: Or me tairai atant de lui et des guerres de Bretaingne. Quant tamps et lieus venra, je m'y retrairai. Non pourquant il besongneroit bien que j'en parlaisse toudis, car les guerres y furent si fortes et si caudes que point de sejour ne prissent, enssi comme vous orés avant en l'istoire. Mès ossi il appertient bien que je fache mention dou roy englès et des Escos, dont je me sui ung grant temps teus, et comment il gueriièrent l'un l'autre en ceste meysme saison, dont j'ay chy dessus parlet et que li comtes de Montfort chevauça à main armée parmy Bretaingne et prist villes, chitéz, castiaux et autres fortrèches, si comme vous avés oy. Fo 60 vo.

P. 115, l. 30: Tournay.—Ms. de Rome: Or vous voel je parler et recorder de la contesse de Montfort conment elle se ordonna et persevera. Elle qui ot tousjours corage de honme et de lion, ne s'esbahi noient, mais ordonna et entendi à ses besongnes mettre en bon point. Et pour ce que elle sentoit bien que le premier siège que ses adversaires messires Carles de Blois et li François feroient, il seroit devant Rennes, si fist entendre à pourveir la ditte chité de tous poins et à rafresqir, et i establi à chapitainne un vaillant chevalier et de bon consel et segur honme, et qui moult avoit amé son mari et li, que on nommoit messire Guillaume 324 de Quadudal, breton bretonnant; et ensi pourvei toutes les aultres forterèces de gens d'armes et d'arbalestriers, et se consilla à mesire Amauri de Cliçon, que elle tenoit tousjours dalés lui, se elle envoieroit en Engleterre au seqours. Li chevaliers respondi à celle parole et dist que il n'estoit encores nulle besongne, et que elle n'avoit que faire de travillier le roi d'Engleterre ne les Englois, jusques à tant que elle seroit plus constrainte que elle n'estoit, et que tous les jours sus heure, on pooit aler de Bretagne en Engleterre, car encores avoit elle cel avantage que li pors et les havenes de Bretagne estoient pour lui. Si demora la cose en cel estat; et n'avinrent tout cel ivier nuls fais d'armes en Bretagne, qui à recorder facent. Fo 78.

§ 151. P. 116, l. 1: Vous avés.—Ms. d'Amiens: Il vous est bien recordé chy devant comment li Escot, qui gardiien estoient dou roiame d'Escoche de par le roy David, leur seigneur, qui se tenoit en Franche dalléz le roy Phelipe, telz que messires Guillaumme de Douglas, neveuz au bon monseigneur Guillaumme de Douglas qui mourut en Espaigne, li jones comtez de Moret, messires Robers de Versi, messires Simons Fresel, Alixandres de Ramesay, le siège durant devant Tournay, fissent une queilloite de gens d'armes et reprissent le fort castiel de Haindebourch, le ville de Saint Jehan que li Englès tenoient, Donfremelin, Dalquest, Dondieu, le ville de Saint Andrieu, Dombare, Scotewest et touttes les fortrèches que li Englès avoient concquis en Escoce, excepté le bonne et forte chité de Bervich, le bon castel de Rosebourch et le fort castiel de Strumelin. Et encorrez avoient il chevauchiet bien avant en Norhombrelande et ars en Engleterre bien deux journées de pays; et à leur retour, il avoient assiegiet le fort castiel de Rosebourch et mout entendoient au concquester. Or avint que li roys englèz, apriès le siège de Tournay et les trieuwes acordées, si comme vous avés oy, rapassa le mer. Se li fu recordet comment li Escot avoient revelet en Escoche et reconcquis auques priès tout le pays sour yaux conquis, et se tenoient à siège devant Rosebourch et moult le constraindoient, et avoient ars en Norhombrelande bien deux journées de pays. Quant li roys englès oy ces nouvelles, se ne li pleurent mies trop, et eult consseil que sans tourner aultre chemin il se trairoit sus Escoche et yroit lever le siège de devant Rosebourch, et combateroit les Escos s'il l'atendoient, si ques, si trestos comme il fu 325 arivés à Douvrez, il fist coummandement que touttes mannièrez de gens se trayssent deviers Yorch c'on dist Ewruich. Là fu ses especials mandemens: dont s'aroutèrent et ordonnèrent li Englès, et prisent le chemin qui commandé leur fu.

Tant esploitièrent li Englès, comtez, barons et chevaliers et touttez mannierres d'autres gens, et li roys englès avoecq yaux, qu'il vinrent en le cité de Ewruich, et là se reposèrent et rafrescirent par trois jours. Au quatrime jour, li roys se parti, et tout le sieuwirent. Si ceminèrent deviers le Noef Castiel sour Tin et esploitièrent tant qu'il y parvinrent. Li roys englès se loga en le ville, et touttes ses gens environ, car il ne se pewissent tout dedens logier. Si ne fist li roys là point loing sejour, mès parti et prist le chemin deviers Escoche et le voie droit vers Urcol. Si est bonne ville et biaus castiaux de l'hiretiage le signeur de Perssi, seans à une journée priès de Rosebourch. Quant li seigneur d'Escoce, qui devant le castel de Rosebourch seoient, entendirent de verité que li roys englès venoit celle part et bien si fort que pour yaux lever dou siège, et que nullement il ne poroient resister contre li, si se conssillièrent et advisèrent li ung par l'autre que le milleur et le plus honnerable pour yaux estoit que de point attendre, tant qu'à ceste fois, la venue dou roy englès, et que il se retrairoient tout bellement deviers le forest de Gedours: se il estoient parvenut jusques à là, il seroient assés fortefiiet contre les Englès. Dont se deslogièrent il une matinée et toursèrent tout ce que mener en peurent; et puis boutèrent le feu en leurs logeis, afin que li Englès n'en ewissent aise. Si prisent le chemin deviers les forests, ensi que de jadis acoustummet avoient.

Les nouvellez vinrent moult tost au roy englèz que li Escot estoient parti et avoient laissiet Rosebourch. Dont coummanda li roys as marescaux que on fesist chevauchier et haster les mieux montés, car il volloit sieuwir et rataindre ses ennemis. Si chevaucièrent tout devant en grant qoite, de gens d'eslite environ cinq cens lanches, et deux mille archiers, ables et appers compaignons. Toutte li grans os lez sieuwoit dou plus priès qu'il pooient. Tant cevaucièrent cil coureur, et si s'esploitièrent par esclos et par froyais qu'ilx vinrent sus une montagne en Escoche, que on appelle les mons de Getteles. Et li Escot estoient desoubs ou plain et logiet sus une belle rivierre qui nest des forests de Gedours et passe au piet de ceste montagne; et appelle on la ditte 326 rivierre Orbe, et va ferir desoubz Dondieu en le mer. Quant li Englès virent les Escochois logiés ens ou plain, si n'eurent mies vollenté de partir de leur fort, mès se logièrent là sus le montaingne, et envoiièrent nonchier au roy englès toutte leur aventure. Et de ce eut li roys grant joie et manda à ses marescaux qu'il se tenissent là tant qu'il y seroit venus, ou qu'il aroient certainnes nouvelles de lui. Bien veirent li Escot les Englès là sus en le montaingne, mès il n'en fissent mies trop grant compte. Si escargaitièrent il celle nuit leur host, et l'endemain il montèrent tout à cheval et se partirent. Bien virent li Englès leur departement, mès il ne s'osoient bougier pour deux raisons: li une estoit pour ce que li rois leur avoit mandet que il l'atendesissent, et li autre estoit que il se doubtoient que li Escot ne se fuissent parti de leur place pour yaux jus atraire.

Enssi demourèrent li Englès sus le ditte montaingne jusques à heure de tierce, que li roys vint et toutte li os; et montèrent au miex qu'il peurent, car il ne pooient bonnement passer par ailleurs, non se il se volloient trop fourvoiier. Et quant li roys fu tantost montés, il fist ses marescaux descendre et chiaux qui avoient pris en cache les Escos; et il disna là et toutte sen ost, horsmis lez premiers, et puis descendi apriès nonne et sieuwi ses gens, qui ce propre soir se logièrent assés priés des Escos. L'endemain li Escot chevaucièrent, et environ heure de nonne il vinrent sus les foriès de Gedours. Là s'arestèrent il seurement, car bien savoient que li Englèz ne se bouteroient jammais dedens pour les perilleuses aventures et encontrez qu'il y poroient recepvoir. Si chachièrent li Escot leurs chevaux et misent tout leur harnais dedens le forest; et puis s'aroutèrent et ordonnèrent bien et faiticement le bois au dos, et moustrèrent visaige à leurs ennemis. En cel estat les trouva li roys englès; si coummanda à logier touttez mannières de gens au devant d'iaux.

Or devés savoir que entre le forest de Gedours, que li Escot avoient mis au dos et dont il s'estoient fortefiiet, et l'ost le roy d'Engleterre, n'y avoit pas deux lieuwes englèces, et estoient tout belle lande. Si furent li ung devant l'autre par l'espasce de cinq jours. Endementrues i eut mainte jouste et mainte apertise d'armes fait, mainte prise, mainte rescousse des uns as autres. Mès de le partie as Englès, sur tous emportoit le huée messires Gautiers de Mauni, messires Jehans Camdos, messires Guillaumme Filz Warine et messires Renaus de Gobehen; et de le 327 partie as Escos, messires Guillaumme de Douglas, li comtez de Moret, messires Robers de Verssi, messires Simons Fresiel.

Or avint que entre ces deux hos s'ensonniièrent aucunes bonnes personnes pour prendre unez trieuwes. Et les traitoient et pourparloient doy evesque: de par les Escos, li evesques de Albredane, et de par les Englès, li evesques de Licestre, quoyque li roy englès y descendesist envis, car c'estoit sen entention que toutte parardoir Escoce. Mais on li dist que pour cèle voie il en avoit assés fait que levet le siège de Rossebourch et rebouté ses ennemis jusquez enmy leur pays; et ossi il estoit sus l'entrée de l'ivier, que il faisoit mauvais hostoiier. Tant fu dit et pourparlet que unes trieuwez furent acordées, à tenir dou jour de le Toussains qui venoit, dont on estoit à neuf jours priès, jusquez à l'autre Toussains enssuivant, qui seroit l'an mil trois cens quarante et un. Et le devoient li Escot segnefiier au roy d'Escoce, leur seigneur, à savoir se il le tenroit ou non; et se il ne le volloit tenir, si estoit li trieuwe tenue entre les deux pays jusquez au premier jour de may, que on comteroit l'an mil trois cens quarante et un. Et si demoroit tousjours li castiaux de Strumelin hors de le trieuwe. Par enssi se departirent ces deux hos, et s'en rala chacun en son lieu. Li roys englès retourna en Engleterre et dounna touttes mannières de gens congiet; et li Escot se tinrent à pès tout cel ivier.

Quant ce vint à l'entrée dou mois de march, que li estéz coummenchoit à aprochier, et que li Escot devoient souffissaument sommer les Englès de l'entente dou roy David, leur seigneur, assavoir se il volroit tenir le trieuwe ou non, si eurent consseil que il envoieroient deviers lui especialx messagez pour lui remoustrer l'ordennanche ensi que elle alloit. Si en priièrent monseigneur Robert de Verssi que il volsist venir en Franche, car mieux li compteroit il la besoingne que nulz autres. Si emprist li dis messires Robiers le voiaige; et pour ce qu'adonc il estoit maladieus et fievreus et qu'il resongnoit le mer, il se mist au chemin parmy Engleterre sus le respit qu'il avoient. Bien le pooit faire, car il ne trouva oncques homme qui mal li fesist ne desist; et chevaucha tant parmy Engleterre jusquez à Douvres, et là monta il en mer et vint ariver à Wisant. Depuis qu'il fu yssus hors dou vassiel, si homme, leur chevaux et tout leur harnas, il se partirent à l'endemain et vinrent à Bouloingne.

Or avint enssi que, en ce meysme tamps que messires Robiers 328 de Versi estoit sur son voiaige, li roys David d'Escoce, qui par le tierme de cinq ans et plus avoit demouret en Franche avoecq le roy Phelippe, eut vollenté que de retourner en son pays et de veoir son royaumme et ses gens, que en grant temps n'avoit veut. Li roys de France s'i acorda très bien et li dounna, au partir, grans dons et biaux jeuuiaux, et à la roynne d'Escoce, sa femme, jà fust elle serour au roy englèz, son ennemie; et li renouvella les couvenenches qu'il avoient entr'iaux deux. Ellez estoient tellez que li roys d'Escoce ne pooit faire nul(le) pès, ne nul acord au roy englès, sans le consentement dou roy de France; et li roys d'Escoce li respondi que il tenroit ceste aloyance et ordonnance à vraie et à bonne, et que ossi ne feroit il. Sur cel estat se parti li roys d'Escoce dou roy de Franche, qui li delivra gens d'armes et fist partout sez delivranches. Et chevauchièrent il et le roynne, sa femme, et leur routtez parmy France, et s'en vinrent à l'Escluse; et ordonnèrent vaissiaux pour yaux, et puis entrèrent ens, quant touttez leurs pourveances y furent mises; et nagièrent par mer au lés deviers Escoce en l'ordounnance de Dieu et dou vent et d'un chevalier maronnier mestre de sa navie, que on appelloit monseigneur Robert le Flammenc. Endementroes, vint messires Robiers de Verssi à Paris, qui y estoit envoiiés de par les seigneurs d'Escoce; et quant il ne trouva point le roy, si fu tous courouciéz: ce ne fu point de merveille. Nonpourquant il parla au roy de Franche, qui le rechupt assés liement; et puis assés tost apriès il se parti pour revenir arrière en Escoce. Et li roys David et se navie esploitièrent tant qu'il arrivèrent au port de Morois en Escoce. Fos 60 vo et 61.

Ms. de Rome: En ce temps dont je parole que les trieuves duroient entre les deux rois, remandèrent li baron d'Escoce, le roi David lor signeur, qui un lonch termine s'estoit tenus en France; et li segnefiièrent ensi, par lettres et par deus chevaliers que il envoiièrent à Paris, que les besongnes d'Escoce estoient assés en bon point, et que tous li pais le desiroit à ravoir, et que la ville de Haindebourc et li chastiaus et aussi li chastiaus de Struvelin et pluisseur aultre estoient repris, et les Englois, qui les tenoient, bouté hors. Li rois d'Escoce entendi à ces nouvelles volentiers et prist congiet au roi de France, auquel il remoustra ses besongnes; et le regracia de ce que si doucement et si courtoisement il l'avoit recheu. Si ordonna li dis rois d'Escoce ses besongnes et vint à Boulongne, et la roine sa fenme en sa compagnie, et là 329 trouva sa navie toute preste qui l'atendoit; si entrèrent dedens. Et avoecques le roi d'Escoce en alèrent en sa compagnie dou roiaulme de France li sires de Rambures, messire Guis Qierès, li viscontes des Qesnes, li sires de Chipoi, li sires de Saint Pi, li sires de Briauté et pluisseur aultre, plus de soissante chevaliers et esquiers. Si orent vent à volenté, et ne furent que trois jours sus mer, que il arivèrent ens ou havene de Haindebourc. Puis issirent hors, et vinrent en la ville, et de là ou chastiel à grant joie; et trouvèrent messire Guillaume Douglas, mesire Robert de Versi, messire Simon Fresiel, messire Alixandre de Ramesai et les barons et les chevaliers d'Escoce, qui tout les requellièrent à grant joie. Si viseta li rois d'Escoce son pais, et mena ces chevaliers et ces esquiers de France partout avoecques lui, pour euls moustrer le roiaulme d'Escoce. Si veoient un povre pais raempli de bois et de bruières; si s'en truffoient et rioient li un à l'autre, et disoient: «Il ne puet estre riches homs, qui est sires d'un tel pais.» Fo 88 vo.

P. 116, 1. 9: Bervich.—Mss. A 11 à 14: Warvich. Fo 80. Mauvaise leçon.

P. 116, l. 26: le Saint Mikiel.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: la Saint Remy. Fo 83.

P. 119, l. 24 et 23: sept ans.—Ms. B 6: plus de six ans. Fo 190.

P. 120, l. 1: mis en mer.—Ms. B 6: Et monta en mer à Harfleur en Normendie; et nagèrent tant qu'ilz arivèrent à Saint Jehan en Escoche sur le rivière de Taye. Fo 191.

§ 152. P. 120, l. 12: Quant li.—Ms. d'Amiens: Quant li baron et li seigneur d'Escoce seurent que li roys, leurs sirez, estoit venus et arivés de nouviel en leur pays, si en furent touttez mannierrez de gens mout joiant. Et allèrent contre lui, et le rechurent à grant pourcession, et la roynne leur damme ossi; et lez amenèrent en le ville de Saint Jehan, qui siet sour une belle rivière qui porte bons saumons et grosse navie. Là le vinrent veoir et viseter prelat, baron, chevalier et touttez mannières de gens, (qui li remonstrèrent ce) qu'il avoient perdut, et qui desolé estoient par le guerre as Englèz.

Mout ot li roys d'Escoche grant compation de le desolation de ses gens et de le destruction de son pays, et leur dist bien que, se il plaisoit à Dieu, il i pourveroit temprement de remède. Assés 330 tost apriès sa revenue, ungs grans parlemens se fist des prelas, evesques et abbés d'Escoce, de comtez, de barons et de chevaliers et des conssaux de sez bonnes villes, et dura par cinq jours. Si se porta ensi li parlemens que li roys d'Escoce renoncheroit à le trieuwe que ses gens avoient pris as Englèz, et que, depuis le jour de may venut, il n'en tenroit nulle. Si fu là ordonné qui yroit en Engleterre pour renunchier. Avoecq tout ce, li roys pria et coummanda à touttes gens à lui obeissans que chacuns se pourveist bien et souffisamment à ceval et à piet et de touttes armurez, et fuissent le huitime jour de may là en le ville de Saint Jehan et illoecq environ; car c'estoit sen intension que d'entrer en Engleterre et que de faire y une très grande chevauchie, et on ly eut enssi en couvent. Enssi se departi li parlemens sus cel estat, et en ralla chacun en son lieu, et se pourveirent seloncq leur puissance pour venir servir le roy, leur seigneur, au jour qui mis y estoit. Et li messaigez s'en vint en Engleterre deviers le roy englès et renoncha souffissamment as trieuwez qui devoient y estre prises des Escos et des Englès, et tant que li roys Edouwars s'en tint à bien contens, et se pourvey et advisa ossi seloncq che.

Chependant que li saisons de may aprochoit, li roys d'Escoche viseta son pays, ses villes, ses citéz et ses fortrècez. Si eut grant doeil et grant pité quant il vit ensi son pays destruit et ses gens oyt complaindre. Ossi eut la roynne, sa femme, qui en ploura assés. Quant li roys eut partout estet et oyes les complaintez des ungs et des autrez il lez recomforta au mieux qu'il pot, et dist qu'il s'en vengeroit, ou il perderoit le remannant, ou il moroit en le painne. Quant ce vint sus l'entrée de may, seloncq l'ordonnance qui mise y estoit, li Escot s'avalèrent et assamblèrent de tous costéz à Saint Jehans Tonne et là environ. Encorrez envoya li roys grans messaigez en Norvège, en Sude et en Danemarche, pour priier ses amis et avoir grant fuisson de saudoiiers. A celui mandement vint li comtez d'Orkenay, ungs grans princes et puissans, et avoit à femme le sereur le roy. Chilx y vint à grant puissanche de gens d'armes, et pluiseur autre grant baron et chevalier de Sude, de Danemarche et de Norvège et des autrez pays marchissans, li ungs par amour et par priière, et li autre par saudées. Tant en vint d'un costet et d'autre qu'il furent bien, quant tout furent venut entours le chité de Saint Jehan en Escoce, au jour que li dis roys les avoit mandés, soixante mille 331 hommes à piet et sus haghenées, et bien troi mille armures de fer, chevalier et escuier, parmy les seigneurs et chiaux de son pays d'Escoche. Quant tout furent assamblet et appareilliet, il s'esmurent pour aller destruire et essillier chou qu'il poroient dou royaumme d'Engleterre, ou il se combateroient au roy Edouwart, qui tant de maux et d'anoy leur avoit fais. Si passèrent premiers par devant le fort castiel de Rossebourcq, que li Englès avoient concquis, et le tenoient encorres et leur faissoient souvent grans assaux et grans destourbiers. Si fissent là li Escot ung grant assault; mès point n'y gaegnièrent, car li castels est trop fors. Et n'eut point li roys adonc consseil de l'assegier, mès de chevauchier avant et d'entrer ou droit royaumme d'Engleterre. Si fist son host passer oultre. Apriès il passèrent devant le cité de Bervich, mès point n'y arrestèrent et entrèrent ou royaumme de Norhombrelande. Si ardirent toutte le ville de Persi et livrèrent ung grant assault à le fortrèce, mès il ne le peurent avoir. Si passèrent oultre et vinrent à Urcol, et ardirent et pillièrent toutte le ville et le pays de là environ, et entrèrent si avant ens ou royaumme de Norhombrelande, qu'il vinrent sour le rivière de Tin, ardant et destruisant tout le pays, et fissent tant qu'il parvinrent devant le bonne ville de Noef Castiel sur Tin, et là se logièrent et l'environnèrent pour l'assaillir.

Dedens la ville dou Noef Castiel sur Tin estoient doy grant baron de Norhombrelande, li sires de Luzi et li sires de Ros, et grant fuison de gens d'armes et d'archiers qui trop bellement et trop sagement le gardèrent et deffendirent à l'assaut qui fès y fu et qui dura ung jour tout jour sans cès, et y perdirent li Escochois de leur gens. Si se retrairent à leurs logeis qui grant estoient et estendut, car il y avoit bien soixante et dix mille hommes sans le ribaudaille. Si s'alèrent li Escot coucher et reposer, car moult estoient travilliet pour l'assault. Quant ce vint environ le mienuit, li sires de Luzi, ungs très bons chevaliers et qui cappitainne pour le temps estoit de le ville, et qui à ce donc mies ne dormoit, mès songneuzement entendoit as deffenscez et as gharittez de le ville, si entendi à celle heure par ses espiez que li Escot estoient tout endormy et ne faisoient de get: si quella tantost environ deux cens compaignons ablez et legiers, bien armés et bien montéz, et se parti sus l'ajournée dou Noef Castiel par une posterne, et s'en vint autour secretement et couvertement ferir en l'ost des Escos, et d'aventure eschei ens ès logeis le comte de 332 Moret, ung grant seigneur d'Escoce. Si escriièrent li Englèz leur cri, et se boutèrent ens de plains eslais, et navrèrent et tuèrent pluiseurs Escos. Et fu li dis comtes de Mouret trouvés en son lit, et pris et montés sour ung ceval et amenés comme prisonniers dedens le ville, et encorrez se combatoient li autre, li sirez de Luzi et ses gens. Li hus et li cris monta; Escochois s'esvillièrent et s'armèrent et alumèrent grans feux, et vinrent ceste part, chacuns qui mieux mieux, où la noise estoit. Quant li Englès virent que poins fu, si se retrairent sagement et bellement deviers leur ville, et y rentrèrent sans dammaige.

Moult fu li roys David d'Escoce courouciéz, et ossi furent tout li Escot, quant il seurent le comte de Mouret pris. Si se armèrent tout communaument au matin et sonnèrent leurs trompettez, et s'en vinrent comme gens forsenés devant le Noef Castiel et l'assaillirent très durement. Et dura chilz assaux tout le jour, et en y eut pluiseur navrés dedens et dehors. Touttes voiez, li assallant ne peurent riens concquerre sus les deffendans, mès des lors y eut pluiseurs blechiéz. Fos 61 vo et 62.

P. 121, l. 2: que cescuns.—Ms. B 6: que tous fievés et arrières fievés fus(s)ent à ung certain jour en la ville de Hainbourcq. Fo 192.

P. 121, l. 4: d'Orkenay.—Mss. A 8, 9: d'Okenay. Fo 77. Mss. A 11 à 14: de Kesnay. Fo 81.

P. 121, l. 4: uns grans princes.—Ms. B 6: ung sien serouge du royaume de Suède qui s'apelloit Robert, conte d'Orkenay. Là vint le conte de Mouret, le conte de Surllant, le conte de Mare, le conte de Bosquem, le conte de Saint Andrieu, l'evesque d'Abredane, le sire de Brasy et tous les barons et fievés d'Escoche. Et furent bien tous ensamble six mille hommes d'armes et quarante mille d'autres gens parmy ceulx de le Sauvaige Escoche que Jehan des Adtulles amena. Fo 192.

P. 121, l. 16: appareilliet.—Ms. B 6: Et estoient toutes gens à cheval, et portoient par derière eulx de la ferinne tant seullement pour faire du pain, pour vivre à necessité pour dix huit ou vingt jours. Fo 192.

P. 122, l. 10: le Noef Chastiel.—Ms. B 6: Et quant il eurent ainsy fait, il toursèrent tout l'avoir et se misrent au chemin et prirent leur retour devers Noef Chastel: et estoient sy fort chergiés que à paine povoient aller avant. Sy se logèrent devant le Noef Chastiel, et dirent que i(l) l'assairoient, se par assault il le 333 pourroient conquerre. Sy l'asallirent ung jour tout entir par trois ou quatre fois, mais riens n'y firent, car il y avoit dedens bien trois cens armés de fer qui le ville aydèrent à garder, et ossy elle estoit forte.

Quant che vint par nuit que les Escochois tous lassés et travilliet furent retrais à leur logis, le cappitaine de Noef Chastiel s'avisa que il resvilleroit les Escochois. Sy fist armer tous les compaignons de là dedens et monter à cheval; et estoient environ deus cens et otant quy gardèrent le porte. Sy chevauchèrent ces Englès coiement jusques à tant que il vinrent en l'ost, et trouvèrent les Escochois tous endormis sans faire gait. Sy se ferirent en l'ost et en criant leur cry, en abatant et ochiant les Escochois à forche. Et allèrent adonc sy avant que il vinrent au logis du conte de Mouret: là ot grant hustin. Et fut le dit conte prins, en sa tente, et pluseurs de ses gens mors. Et s'en retournèrent devers le Noef Chastel et rent(r)èrent dedens sans nulz dangiers, anchois que les Escochois furent estourmis.

Quant les Escochois seurent le prise du conte de Mouret, sy furent comme tous foursenez, et passèrent celle nuit à grant malaise. Et quant che vint au matin, il s'armèrent et se mirent en ordonnanche pour assaillir, et assallirent le Noef Chastiel par pluiseurs assaulx. Et dura le dit assault par quatre jour(s), mais riens n'y firent. Fos 194 et 195.

P. 122, l. 17: deus cens.—Mss. A 11 à 14: quatre cens. Fo 81 vo.

§ 153. P. 123, l. 5: Quant li rois David.—Ms. d'Amiens: Quant li roys d'Escosse et ses conssaulx virent que il se lassoient et travilloient en vain, il s'ordonnèrent au deslogier et se missent au chemin contremont ceste belle rivière de Thin, et passèrent à Bransepès ung très fort castiel au seigneur de Noefville. Si l'assaillirent et ardirent toutte le ville, mès le fortrèce ne peurent il avoir, et assés priès de là il passèrent le rivière de Thin et entrèrent en l'evesquiet de Durem. Si le ardirent moult et gastèrent de tous costéz, puis se traisent devant le chité de Durem et le assegièrent, et disent entr'iaux que elle estoit bien prendable et que de là ne se partiroient, si l'aroient. Or vous diray dou seigneur de Ros et dou seigneur de Luzi, qui se tenoient au Noef Castiel. Quant il eurent consideret le puissanche as Escos, ossi leur emprise et comment il ardoient et essilloient le pays et chevauchoient 334 toudis avant, il eurent consseil qu'il le segnefieroient au roy englèz, leur seigneur, enssi qu'il fissent. Et se parti uns escuiers d'iaux, et cevauça tant par nuit et par jour que dedens quatre jours il vint à Windesore, où li roys englèz se tenoit. Adonc li bailla il lez lettrez de creanche des chevaliers dessus dis. Quant li roys les tint, si les fist lire et entendi par celles son dammaige et le confusion de ses gens et de son pays, dont il fu mout courouciéz; mès la prise dou conte de Mouret ung petit le resjoi. Si fist tantost li roys englès escripre lettres, et mist messagiers en oevre et envoya par tout son royaumme, que chacuns sour toutte amistéz et feaultéz se traissent deviers le chité de Ewruic, sans nul delay, à tout ce que de gens pooit avoir, et que chacuns s'efforçast, car li Escot estoient grant cantitet. Si rescripsi par le dit escuier qui les nouvelles avoit apportées, as deux banerèz dessus diz, qu'il fuissent songneus seloncq leur pooir de garder lez frontières, car il seroit temprement ou royaumme de Norhombrelande. Li escuiers parti et retourna arrière. Li roys se hasta pour plus tost mettre ses gens à voie, et prist le chemin pour venir à Iorch, où ses mandemens estoient assis et ordonnés.

En che pendant que li roys venoit vers Ewruich et que il mandoit gens efforceement de touttes pars pour resister as Escos, li roys David d'Escoce, qui trop durement estoit courouchiés de la prise son cousin le comte de Moret, seoit à siège devant le chité de Durem, et durement le constraindoit d'assaut et d'escarmuches, et mout se pennoit de le prendre, car bien savoit que la cité estoit garnie et pourveuwe de grant avoir pour le pays d'environ, qui tous afuis y estoit. Finablement tant y furent li Escot et si continuellement l'asaillirent que de force il le prissent par force d'enghiens et d'estrumens qu'il eurent fès, dont il brisièrent et destruisirent tous les murs, et entrèrent ens à effort. Là eult grant ocision et grant pité, car il misent tout à l'espée et sans merchi, hommez et femmez, enffans, clers et prebtrez, et robèrent et pillièrent lez maisons où il trouvèrent avoir sans nombre. Depuis le chité prise, il s'en vinrent deviers l'eglise catedral qui siet haut sus ung terne; et l'avoient li chanonne fortefiiet, et estoient dedens retret à garant; mès li Escos, dont che fu grant pité et grant cruauté, boutèrent le feu ens et le ardirent et tous chiaux qui dedens estoient, sans nullui prendre à merchy. Ensi fu menée la bonne chité de Durem, des Escos, dont che fu dammaigez. Fo 62.

335 P. 123, l. 10: Duremmes.—Ms. B 6: Sy entrèrent les Escochois en le conté de Northombrelant, et ardirent moult villainement la terre au signeur de Persy et du seigneur de Noefville. Fo 193.

P. 123, l. 24: Chartesée.—Mss. A 1 à 6, 20 à 29: Carthesée, Cartezée. Fo 85.—Mss. A 18, 19: Tarcheste. Fo 85.

P. 124, l. 5: dou north.—Mss. A 1 à 6: de Northonbrelande. Fo 85.—Mss. A 7 à 33: du north. Fo 78.

P. 124, l. 30: honnerés.—Mss. A 1, 3 à 6, 18 à 22: nuit et jour.—Ms. A 2: chacun jour. Fo 85.

§ 154. P. 124, l. 31 et p. 125, l. 1 à 3: Quant... Galles.—Mss. A 11 à 14: Le roy anglois s'en partit le lendemain de la bonne cité de Ewruich moult liement pour les nouvelles que monseigneur Guillaume du Bailleul lui avoit apportées. Et avoit aveques lui environ sept mille armeures de fer, quatorze mille archiers et bien quatre vingt mille hommes de pié. Mais quand les Escos sceurent sa venue, ilz conseillièrent au roy David leur seigneur qu'il se retrairoit arrière selon la rivière de Thin et se trairoit par devers la bonne cité de Cardueil qui est à l'entrée de Galles. Fo 82.

P. 125, l. 3: Galles.—Ms. d'Amiens: à cel lés là. Fo 62 vo.

P. 125, l. 10: Sallebrin.—Ms. d'Amiens: en ce tamps li plus belle et li plus frisce damme d'Engleterre. Fo 62 vo.

P. 125, l. 27: quarante.—Ms. d'Amiens: soixante. Fo 62 vo.

§ 155. P. 127, l. 15: reconfortoit.—Ms. d'Amiens:... pour qui on se devoit enssi travillier, tant estoit belle et douche. Et dura chilx assaulx tout le jour. Et au soir il se retrayrent à leurs logeis; et à l'endemain recommenchièrent l'assault fort et fier, tant estoient courouchiet sour chiaux du castiel de Sallebrin. Ensi continuoient li Escochois de jour en jour, et appareilloient leurs enghiens pour drechier et pour plus adammagier chiaux dou fort; car bien veoient que autrement il ne les pooient avoir. En ces meysmes jours vint li roys d'Engleterre en le cité d'Ewruich, et y souratendoit ses gens qui venoient de tous costéz à grant effort. Car bien estoit li renoummée en Engleterre que li roys d'Escoce ne fu oncques de trop si fort sus les camps qu'il estoit adonc; et pour ce venoient deviers le roy au plus efforchiement 336 qu'il pooient, et pour combattre les Escos, se il les trouvoient ou attendoient.

Entroex que li roys englèz estoit à Ewruich, eurent chil dou castiel de Sallebrin pluisseurs assaux et furent moult apressé de leurs ennemis; et se li roys englès le sewist, il se fuist plus hastéz qu'il ne fist pour secourre le gentil contesse de Sallebrin. Or n'est qui l'en die lez nouvellez, mès il les sara temprement, si comme vous poréz oïr recorder, se il vous plaist.

Chil dou castiel de Sallebrin estoient durement travilliet et appresset des Escochois. Et si en y avoit entr'iaux grant fuison de blechiés, et veirent bien que li fais leur estoit grans; et se li rois David maintenoit son pourpos, il aroient fort tamps. Si eurent consseil que il envoieroient certain message deviers le roy englèz, que il esperoient à Ewruich, car bien avoient oy parler dou mandement si especial qu'il avoit fait et dou jour qu'il y devoit estre, liquelx termes estoit venus et cinq jours oultre. Si regardèrent et ymaginèrent entr'iaux qui seroit tailliéz de faire ce messaige. Pluiseurz en y avoient, mès tout s'escusoient l'un par l'autre que jà pour leur honneur ne lairoient la damme ne le castiel, et en y eult entre yaux grant estrif. Quant messires Guillaume de Montagut vit le bonne vollenté de ses compaignons, et v(e)oit d'autre part le meschief et le peril où il pooient escheir se il n'estoient secourut, si leur dist: «Seigneur, je vois bien vostre loyaulté et vostre bonne vollenté: si ques, pour l'amour de madamme et de vous, je metteray mon corps en aventure pour faire cesti messaige, car jou ay tel fianche en vous, seloncq chou que j'ay veu, que vous detenrés bien le castiel jusquez à ma revenue. Et ay d'autre part si grant esperance el roy nostre seigneur, que je vous amenray temprement si grant secours, que vous en arés joie; et vous seront bien meri li bienfait que fait arés.»

Quant la nuis fu venue, li dis messire Guillaumme se appareilla dou mieux qu'il pot, pour plus paisivlement yssir de layens qu'il ne fust percheus de chiaux de l'ost. Se li avint si bien qu'il pleut toute le nuit si fort que nulx des Escos n'osoit yssir hors de sa loge. Si passa environ mienuit tout parmy l'ost, que oncques ne fu apercheus. Quant il fu passés et eslongiés environ deux lieuwes l'ost, il fu grans jours: si chevaucha avant et encontra, ung peu après soleil levant, deux hommes d'Escoce entours à trois lieuwes priès de l'ost, qui amenoient deus buefs et une vache par deviers l'ost. Messires Guillaummes congnut qu'il estoient Escos: si les 337 navra tous deux durement et tua leur bestez, pour tant qu'il ne volloit mies que chil de l'ost en ewissent nulle aise. Puis dist as deux navrés: «Alléz, si dittes à vostre roy que Guillaummes de Montagut vous a mis en ce point en son despit; et li dittes que je voi querre le gentil roy d'Engleterre, qui li fera temprement wuidier ceste place maugré lui.» Chil li proummisent qu'il feroient vollentiers cest messaige, mès qu'il lez laissast atant à pès. Lors se parti li dis messires Guillaummes des Escos, et chevaucha sus fleur de coursier et fist tant que il vint à Ewruich, où il trouva le roy englès et grant fuison de comtez, de barons et chevaliers dallés lui. Si li compta son messaige de par le damme de Sallebrin, au mieux et au plus biau qu'il peult. Li roys y entendi vollentiers et respondi que il ne laisseroit nullement que il ne souscourist la damme et ses gens; et se plus tost ewist sceut là où li Escot estoient et le mescief et peril dou castiel et de la damme, plus tost fust allés celle part. Si ordonna et coummanda tantost li roys par son connestable et ses marescaux, que chacuns fust apareilliés à mouvoir l'endemain, et que on fesist toudis les venant traire avant, et chevauchier apriès son host qu'il avait moult grant. Fos 62 vo et 63.

P. 128, l. 11: bacelers.—Mss. A 1 à 6, 20 à 22: chevalier. Fo 86.

P. 129, l. 4: à demi liewe.—Mss. A 11 à 14: à deux lieues. Fo 83.

P. 129, l. 17: Evruich.—Mss. A 8 à 10: Bervich. Fo 77.—Mss. A 1 à 7, 11 à 19, 30 à 33: Evruich. Fo 86.—Mss. B 3 et A 20 à 22: Vervich, Warvich. Fo 77.—Mss. A 23 à 29: Enervich, Everuich. Fo 100.

P. 129, l. 19: au roy.—Ms. B 6: et trouva le roy d'Engleterre et plus de quarante mille hommes qui estoient tout esmervilliés que les Escochois estoient devenus. Fo 197.

P. 129, l. 20: sen ante.—Mss. A 1 à 7, 18 à 22: sa tante. Fo 86.

§ 156. P. 129, l. 30: Li rois.—Ms. d'Amiens: Li roys Edouwars se parti l'endemain de le cité d'Ewruich mout liement pour lez nouvelles que li dis messires Guillaummes de Montagut li avoit aportées. Et avoit bien avoecq lui cinq mille armurez de fier, dix mille archiers et soixante mille hommes de piet, qui tout le sieuwoient. Et toudis li venoient gens.

338 Quant li baron d'Escoce et li maistre consillière le roy David seurent que li dis messires Guillaummes de Montagut avoit ensi passet parmy leur ost et que il s'en alloit querre secours au roy englès, et savoient bien que li roys Edouwars estoit à Ewruich à grant gent, et le tenoient de si grant couraige et si gentil qu'il ne lairoit nullement qu'il ne venist tantost sour yaux pour souscourre la damme et chiaux dou castiel, il parlèrent enssamble, endementroes que li roys David faisoit souvent et ardamment assaillir. Et veoient bien que li roys David faisoit ses gens navrer et martiriier sans raison. Et veoient bien que li rois englès venroit bien ainchois combattre à yaux que leur roys pewist avoir concquis ce castiel, ensi qu'il cuidoit. Si parlèrent ensamble au roy David d'un accord, et li dissent qui li demorer là n'estoit point ses pourfis, ne sen honneur; car il leur estoit moult honnerablement advenu de leur emprise. Et avoient fait grant despit as Englès, qui avoient jeut en leur pays vingt deux jours et ars et essilliet tout autour, et pris par force la cité de Durem et mise toute à grant destruction. Et li conssillièrent que il s'en volsist raller deviers son royaumme, par deviers le forest de Gedours; car il savoient de certain que li roys englès venoit viers yaus à si grant puissanche, qu'il n'aroient pooir de combattre à lui, ne de contrestrer à se puissance. Si leur en poroit grant meschief avenir. Li roys David fuist vollentiers demourés pour atendre lez Englès et le bataille et le aventure de Dieu, se par son consseil en allast. Mais ses gens li moustrèrent tant de raisons que trop loingues seroient à recorder, que tous li os des Escos se desloga au matin, et en rallèrent droit par deviers le grant forest de Gedours, le chemin que autres fois il avoient tenut pour estre au dessus de leur affaire, et pour veoir et attendre que li roys englès volroit faire de donc en avant, ou se il se retrairoit arrière, ou se il yroit avant et trairoit en leur pays. Fo 63.

P. 129, l. 31: Evruich.—Mss. A 1 à 7, 11 à 19, 30 à 33: Evruich. Fo 86 vo.—Mss. A 8 à 10: Bervich. Fo 79.—Mss. B 3 et A 20 à 22: Vervich, Warvich. Fo 77.—Mss. 23 à 29: Enervich. Fo 100.

P. 130, l. 10: quatre vingt mille.—Mss. A 1 à 6, 8 à 10, 20 à 22: quatre mille. Fo 86 vo.

§ 157. P. 131, l. 21 et 22: dix ou douze.—Ms. d'Amiens: vingt ou vingt deux. Fo 63 vo.

339 P. 131, l. 30: le grant noblèce.—Ms. d'Amiens: le frisce et gentil arroi. Fo 63 vo.

P. 132, l. 7: n'avoit veu.—Ms. d'Amiens: si bien adrechie en touttes mannierres de biautés, de frisce et gai maintien, de noble arroy et de parfaitte et atrempée contenanche. Fo 63 vo.

P. 132, l. 9: fine amour.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: que ma dame Venus lui envoya par Cupido, le Dieu d'amours. Fo 83 vo.

P. 132, l. 10: lonch temps.—Ms. d'Amiens: car c'est uns feus qui fuissonne, qui est legiers à esprendre et malaisivlez à estaindre, et plus en ung coer qu'en l'autre. Et sembloit au roy, par l'estincelle qui jà s'esprendoit et alumoit, que ens ou monde n'avoit damme qui fesist à amer fors celle. Fo 63 vo.

P. 132, l. 15 et 16: si ardamment.—Ms. d'Amiens: et ne s'en pooient li oeil soller, et de si ardent regart. Fo 63 vo.

P. 132, l. 19: ne pensoit.—Ms. d'Amiens: qui au penssement dou roy ne penssoit noient. Fo 63 vo.

P. 132, l. 23: quant temps seroit.—Mss. A 1 à 6: quant temps fut à mettre les tables, elle fist la salle parer et ordonner. Fo 87.—Mss. A 11 à 14: mettre les tables en la salle moult bien parée et ordonnée comme pour le roy. Fo 83 vo.—Mss. A 15 à 17: mettre les tables en la sale qui jà estoit moult noblement parée aussi comme pour un roy recepvoir. Fo 88.—Mss. A 20 à 22: quant temps fu de drescier les tables, elle fist la salle parer et ordonner bien richement. Fo 131.

P. 132, l. 24: parer.—Ms. d'Amiens: Ensi comme il appertenoit pour le roy d'Engleterre. Fo 63 vo.

§ 158. P. 133, l. 12: vous estes.—Ms. d'Amiens: li ungs dez princes del monde li plus doubtéz. Fo 63 vo.

P. 133, l. 24: vos amans.—Ms. d'Amiens: vos vraiz amans.

P. 134, l. 4: emprisonnés.—Mss. A 11 à 14: à Paris. Fo 84.

P. 134, l. 9: desmembrer.—Ms. d'Amiens: qui mes drois, souverains, naturelz sirez estez. Fo 64.—Mss. A 11 à 14: pour donner exemple aux aultres d'estre loiales à leurs maris. Fo 84.

§ 159. P. 134, l. 15: avés vous.—Ms. d'Amiens: A ces mos et à la parolle de la damme, li rois se parti de la fenestre où ung 340 grant tens il s'estoit apoiiés, et s'en vint en la salle et lava. Et puis se asist entre ses chevaliers et la damme au disner; mès petit i sist, car autre cose li touchoit que boire ne que mengier. Et trop durement seant à table penssoit, dont li chevalier meismement s'esmervilloient, car il avoit eult en devant usaige de rire et jeuuer, et de vollentiers oïr aucunnez trufferiez pour le temps oubliier, mais là il n'en avoit cure ne talent. Ainchois, quant il pooit ung seul regart embler et envoiier sus la damme, il li faissoit trop grant bien. Et furent adonc regart et pensser le plus grant partie dou disner le roy. Fo 64.

§ 160. P. 135, l. 6: Toutes voies.—Ms. d'Amiens: Apriès disner on leva lez tablez. Si envoya li roys monseigneur Renaut de Gobehen et monseigneur Richart de Stanfort à l'ost et as compaignons qui desoubz le castiel estoient logiet, savoir comment il le faisoient, et qu'il fuissent appareilliet, car il volloit cevaucier encorrez oultre et sieuwir les Escos, et que on fesist tout le charoy et tout le harnas esploitier devant, et que dou soir il seroit avoecq yaus. Et ordonna le comte de Pennebruch à faire l'arrierre garde à tout cinq cens lanches, et que chil l'atendesissent sus les camps tant qu'il venroit, et tout li demourant chevauçaissent avant. Li doy baron fissent tout ce qu'il coummanda.

Et il demoura encorres ens ou castiel de Sallebrin dalléz la damme, et esperoit bien ainschois son departement que il aroit de la damme responsce plus agreable qu'il n'avoit eue. Si demanda les eschès, et la damme li fist aporter. Adonc pria li roys à la damme que elle volsist jeuer à lui; et la damme li acorda liement, qui li faisoit toutte le bonne chière que elle pooit. Et bien estoit tenue dou faire, car li roys li avoit fait ung biau serviche de lever le siège des Escos de devant son castel, dont elle estoit en grant peril; et se li devoit le damme faire, pour tant que li roys estoit ses drois naturés sires de foi et hoummaige. A l'entrée dou jeu des escès, li roys, qui volloit que aucunne cose demourast dou sien à la damme, l'asailli en riant: «Damme, que vous plaist il à mettre au jeu?» Et la damme li respondi: «Sire, et vous ossi?» Adonc mist li roys avant ung très bel aniel qu'il portoit en son doi, à ung gros rubi sus le tablier. Lors dist la damme: «Sire, sire, je n'ay nul aniel si riche comme li vostre est.»—«Damme, dist li rois, telz que vous l'avés, metés le avant. Je n'y preng pas de si priès garde.»

341 Adonc la comtesse, pour acomplir la vollenté du roy, traist hors d'un doy ung anelet d'or, qui n'estoit pas de grant vaille. Si jewèrent as escèz enssamble, la damme à son avis au mieux que elle pooit, affin que li roys ne le tenist pour trop simple et ygnorans; et li roys se faindoit, car pas ne jewoit dou mieux qu'il savoit. Et à painnes y avoit nulle espasse dez très, que il ne regardast si fort la damme que elle en estoit toutte honteuse, et s'en fourfaisoit bien en traiant. Et quant li roys veoit que elle s'estoit fourfaite d'un rock, d'un chevalier ou de quoy que fuist, il se fourfaisoit ossi pour remettre la damme en son jeu.

Tant jeuèrent que li roys le perdi, et fu mas d'un aufin. Adonc se leva la damme et demanda le vin et lez espisses, car li roys par samblant volloit partir. Et prist la damme son aniel et le mist en son doy, et volsist trop bien que li roys ewist repris le sien, et li ossi offri et dist: «Sire, il n'appertient pas qu'en mon hostel jou aie riens del vostre, ainchois en deveriés porter dou mien.»—«Dame, dist li roys, si fait, car li jeus l'a porté ensi; et se je l'ewisse gaegniet, tenés veritablement que j'en ewisse porté le vostre.» La damme ne vot adonc plus presser le roy; mès s'en vint à une sienne dammoiselle, et li bailla l'aniel, et li dist: «Quant vous verrez jà que li roys sera partis de ceens et qu'il ara pris congiet de moy et qu'il devera monter à cheval, si vous avanchiés et li rendéz tout bellement son aniel, et li dittes que nullement je ne le voeil detenir, car point n'apertient.» Et la dammoiselle li respondi que elle le feroit vollentiers. A ces mos vinrent espisses et vins. Et n'en vot oncques prendre li roys devant la damme, ne la damme ossi devant lui; et y eut là grant estrit tout en reviel. Finablement, il fu acordé que il prisent tout doy enssamble, ossi tost li ungs comme l'autre, par cause de briefté. Apriès ce fait et que li chevalier le roy eurent tout beu, li roys prist congiet à la damme et li dist tout haut, affin que nulx n'y penssast: «Damme, vous demourés en vostre hostel, et je m'en irai sieuwir mes ennemis.» La damme, à cez mos, s'enclina bien bas devant le roy. Et li roys mout apertement le prist par le main droite, et li estraindi ung petit, et ce li fist trop grant bien, en signe d'amour. Et regarda li roys que chevaliers et dammoiselles s'ensonnioient de prendre congiet l'un à l'autre; si s'avança encorrez de dire deux mos tant seullement: «Ma cière damme, que Dieu vous coummand jusques au revenir! Si vous pri que vous vos voeilliéz aviser et autrement y estre 342 consseillie que vous ne me aiiés dit.»—«Chiers sires, respondi la damme, li Pèrez glorieux vous voeille conduire et oster de villainne penssée et deshonnerable, car je sui et seray toudis conssillie et appareillie de vous servir à vostre honneur et à le mienne.»

Atant se parti li roys de le cambre, et la damme ossi, qui l'aconvoya jusqu'en la salle où sen pallefroi estoit. Se dist li roys que il ne monteroit point à cheval tant que la damme fust là: si que pour cause de briefté la comtesse prist congiet de tous poins pour ceste fois au roy et à ses chevaliers, et rentra en ses cambrez avoecq ses dammoiselles. Ensi que li roys devoit monter, la dammoiselle qui estoit enfourmée de sa damme, s'en vint au roy et s'engenouilla; et quant li roys le vit, il le leva moult tost et quida que elle volsist parler d'autre matère que elle ne fist. Se li dist: «Monseigneur, vechy vostre aniel que madamme vous renvoie et vous prie humblement que vous ne le voeilliés tenir à villonnie, que point ne voet qu'il demeurèce par deviers elle. Vous li avés fait tant en autres mannierrez que elle est tenue, ce dist, à tousjours d'estre vostre serve.» Li roys qui oy la dammoiselle et v(e)oit son aniel qu'elle tenoit, et ooit la vollenté et l'escuzanche de la comtesse, fu tous estonnés. Nonpourquant, comme tost conssilliet à son gré, et affin que li aniaux demorast laiens, ossi que en soy meysmes ordonné avoit, respondi briefment, car pas n'y affreoit longe parolle, et dist: «Dammoiselle, puisqu'il ne plaist à vostre damme li gaains petis que elle a fait à moy, il vous demeure.» Apriès che parlet, il monta tantost et se parti et yssi hors dou castiel, et se mist sour les camps avoecq ses chevaliers, et trouva le comte de Pennebrucq qui l'atendoit à bien cinq cens lanches. Adonc se partirent il tout enssamble et sieuwirent l'ost. Et la damoiselle dont vous avés oy, revint à sa damme et ly recorda la responsce dou roy, et li vot rendre l'anniel d'or que li roys avoit perdu as escèz. Mais la damme ne le volt prendre; ains dist que elle n'y clammoit riens et que li roys li avoit donnet: si en fesist son pourffit. Enssi demoura li aniaux dou roy à a damoiselle.

Or lairons nous à parler de madamme Aelis la comtesse de Sallebrin; si revenrons au roy englès et as Escos. Depuis que il se fu partis dou castiel dessus dit, il chevaucha ceste remontière jusquez au soir, que il trouva son grant ost logiet sour ungs plains dou loncq d'une rivière. Si se remist entre les contes et les barons 343 et fist asséz bonne chierre, et se couvri au mieux qu'il peult de moustrer comment il li estoit dedentrainnement; ne à nullui, tant fust ses especials amis, ne s'en fust descouvers. Pour ce ne sentoit il mies mains les maulx d'ainmer, car si fort en estoit espris, que en son requoy il n'y faisoit que pensser. Et li avint sour ce voiaige pluisseurs fois que, quant il estoit assis à table, il mengoit mout petit et n'y faisoit que pensser: de quoy ses gens s'esmervilloient dont tel penssement li pooient venir. Et quidoient que ce fuist pour les Escos qui jà, en ceste année, par deux fois l'avoient travilliet de chevauchier apriès yaux; et point n'en avoit eue se raison, car toudis s'en refuioient il vers le forest de Gedours, et encorres tenoient il che chemin; si l'en ostoient li baron dou plus qu'il pooient. Et bien souffroit li roys, pour lui couvrir, que de son pensser li Escot fuissent encouppé, et il escuzéz en aultre mannierre.

Tant chevaucha li roys poursieuwans les Escos, que il les trouva logiés et retrès oultre le chité de Bervich, bien trois journées à l'entrée des bois de Gedours que il avoient mis au dos. Et estoient li dit Escot là arestet sour les camps moult faiticement, mès tous les soirs il rentroient dedens les bois où li Englès ne se fuissent jamès enbatu: de ce estoient il tout aseur. Li rois coummanda à logier touttes mannierres de gens devant les Escos, et missent tout leur charoy entre les Escos et eux; et furent là cinq jours, li uns devant l'autre, que tout les jours li Escot yssoient hors des bois et moustroient par samblanche que il se volsissent combattre. Et ordonnoient li Englès touttes leurs batailles et esperoient à avoir de jour en jour besoingne; mès point ne partoient de leur arroy, fors aucuns baceler aventureux qui, pour aquerre pris d'armes, chevauçoient avant et requeroient jouste as Escos. Si sachiés qu'il estoient recheu, ne oncques nulx ne se parti escondi, et li Escot enssi sour yaux. Ossi de archers et de compaignons de piet de l'un lés et de l'autre il i eut pluiseurs escarmurches et paletis, des mors et des navrés de l'un lés et de l'autre; mès point ne se desroutoient les batailles pour jouste, ne pour escarmuche qui y fuist. Et emportoient dou tout le huée, des Escos messires Guillaume Douglas et messires Simons Fresel, et ungs chevaliers de France qui autrefoix avoit estet en Escoce et qui presentement avoit rappasset le mer avoecq le roy d'Escoche pour querre les armes, que on clammoit messire Ernoul d'Audrehen. Chils y fist maintes belles appertises d'armes. Des Englès y avoit pluiseurs 344 bons chevaliers, plus que il n'y ewist des Escos, car il estoient plus grant fuison. Et par especial messires Gautiers de Mauni, messires Loeys de Biaucamp, messires Jehans Cambdos et messires Guillaummes Filz Warine y fissent ossi tamainte belle proèche. Fo 64.

P. 135, l. 28: apriès les Escos.—Ms. B 6: Et (li Escochois) se partirent de Sallebrin, et fut environ heure de tierche, et le roy d'Engleterre vint là à nonne. Sy fut durement courouchiés quant il sceut que les Escochois estoient partis. Nienmains il les sievy à route et se loga ce soir à trois lieues près d'eulx. Et l'endemain il fut nonne ains que ly ung vinrent. Mais les Escochois estoient à l'entrée de leur pais et avoient les grandes forests au dos où au besoing il se povoient retraire, ne jamais les Englès ne les euissent là cachiés. Ensy furent les Englès et les Escochois trois jours devant l'un l'autre en une marche entre Gallez et Escoche que on dist Cambray et les bos de Saint Amant. Fo 199.

P. 135, l. 29: Bervich.—Mss. A 7 à 10, 18 à 22, 30 à 33: Bervich. Fo 81.—Mss. B 3, A 1 à 6, 23 à 29: Vervich. Fo 78 vo.—Mss. A 11 à 17: Wruich.—Fo 84 vo.

P. 135, l. 30: forest de Gedours.—Mss. A 11 à 14: grant fourest de Gedours. Fo 84 vo.—Mss. A 15 à 17: grant et haulte fourest de Gedours. Fo 89.—Mss. A 18, 19: cité de Gedours. Fo 88.

§ 161. P. 136, l. 15: Tous ces trois jours.—Ms. d'Amiens: Che terme durant, preudomme et saige chevalier de l'un ost et de l'autre, avoecquez deuz evesques, cesti de Wincestre, englès, et cesti de Saint Andrieu, escot, traitièrent ung respit entre ces deux roys à une delivranche dou comte de Moret, qui estoit pris deviers les Englès, et ossi dou comte de Sallebrin et dou comte de Sufforc, qui estoient prisonnier à Paris deviers le roy de Franche. Et enclinoient chil troy prison les coers de ces deux roys et des plus grans de leur ost à tretier un respit et yaux ravoir chacun le sien, car il avoient là des grans amis et dou linage qui vollentiers les veissent delivréz. Ossi il estoient pris en armes en servant loyaumment leur seigneur, pour quoy chil roy et chil qui dou tretiet s'ensonnioient, y entendirent plus volentiers. Finablement tant fu tretiet et parlementet, que unes trieuwes furent acordées à durer deux ans, se li roys Phelippes de Franche s'y assentoit, car li roys d'Escoce estoit si fort aloiiés à lui, que il ne 345 pooit donner trieuwe ne respit, ne faire pais sans lui. Et se li roys Phelippes ne s'i volloit acorder, si devoient les trieuwes durer jusquez à le Saint Christophle, par telle condition que li rois englès ne devoit faire nul comfort ne aydde à ces Englès qui avoient pris et saisi ces deux fors castiaux, Rossebourch et Strumelin. Et devoit y estre quittez li comtes de Moret de se prison, se li roys d'Escoce pooit tant pourcachier au roy de Franche que li comtes de Sallebrin fust quittez ossi de se prison, et li comtes de Sufforc receut et mis à finnanche raisonnable, enssi que on doit mettre ung gentil homme sans lui trop presser. Et devoit tout ce y estre pourcachiet dedens le feste Saint Jaque et Saint Christofle, que proçainement on atendoit. Celle trieuwe fu enssi acordée et affremmée que vous avés oy. Si departi li roys d'Escoce ses gens et dounna à chacun congiet de raller en son lieu jusques à tant qu'il les manderoit; et envoya tantost souffissans messaigez en Franche deviers le roy Phelippe, telz que l'evesque de Saint Andrieu et Alixandre de Ramesay. Et li roys englès retourna arière à Bervich et donna touttes ses gens congiet; et s'en ralla chacun en son lieu.

Environ huit jours se tint li roys englès en le chité de Bervich et departi touttez ses gens, si comme vous avés oy. Et demoura là à privée maisnée, chiaux de son hostel tant seullement, et regarda au castiel et à le forterèce de le ville. Et pria et enjoindi à monseigneur Edouwart de Bailloeil, qui gardiiens de par lui en estoit, que il en volsist y estre si songneus que nuls blammes ne dammaigez ne l'en presist; car il seroit trop courouchiéz se li Escot li embloient ne tolloient par ygnoranche ne deffaulte de bonne garde. Et li dis messires Edouwars li respondi: «Monseigneur, nenil, se Dieux plaist. J'en songnerai dou tamps à venir, si comme j'ay fait jusqu'à orez.» Et li rois li dist qu'il s'en atendoit bien à lui.

Endementroes que li roys englès sejourna à Bervich, eult il tamainte imagination sus le comtesse de Sallebrin, car tant fort en estoit enamourés, que nullement il n'en pooit partir, ne li oster. Une heure disoit en soy meysmes que il s'en riroit par là en Engleterre, et puis tantost le contredisoit, et puis afremoit que si feroit, et que au congiet prendre, il ne trouva pas la damme si humble enviers lui qu'il volsist. Pour quoy il li couvenoit remettre ses parolles en milleur estat, et espoir à son retour elle seroit advisée: si le trouveroit plus debonnaire qu'il n'avoit fait. Ensi 346 se debatoit li roys à par lui. Une heure estoit merancolieux, et l'autre joieux. Une heure, honneurs et loiauté le reprendoient de mettre et d'arester son coer en tel fausseté que volloir deshonnerer si bon chevalier que le comte de Sallebrin, qui si loyaumment l'avoit tousjours servi. Et puis amour le raherdoient et li enortoient, par grant ardeur dont il estoit plains, que d'estre enamouré de l'amour d'une si noble, si frice, si douce et si belle damme, pour ung roy et encorrez en son royaumme, il n'y avoit point de fraude ne de desloyauté; car telz que li chevaliers estoit, il l'avoit fait: si s'en pooit mieux fiier que d'un autre hors de son royaumme. Et ossi se il estoit amoureux, c'estoit tout bon pour lui, pour son pays et pour tous chevaliers et escuiers, car il en seroit plus liés, plus gais et plus armerès; et en ordonneroit plus de joustez, plus de behours, de festez et de reviaux qu'il n'avoit fait en devant; et s'en seroit plus ablez et plus vighereux en ses guerrez, plus amis et plus privés à ses gens et plus durs à ses ennemis. Ensi li rois se devise et avise. Une heure, dist qu'il fait follie, quant il y pense, et que la damme pour qui il a ces assaux, est moult lonch de se penssée, et que elle se lairoit ainçois ocire que elle fesist cose dont elle recevist blamme ne deshonneur. Puis dist li rois: «Or, soit que elle ne me voeille ne daingne amer, si i voeil je pensser et li parfaitement amer, car li penssée me fait grant bien.» Ensi est li roys entrés en celle luite qui pas ne le laira ung grant tems, enssi comme vous orés recorder en avant en l'istoire. Touttesvoiez, adonc avis le mestria, si que, pour doubte de meffaire et de parperdre che où il n'avoit encorres riens, il n'osa revenir par la damme de Sallebrin; mès se recoummanda à lui par monseigneur Guillaumme de Montagut, sen nepveut. Et li dist li roys: «Guillaumme, dittes à la contesse, vostre ante, que elle se resjoysse, car temprement rara son marit par deviers li.» Et li chevalier ly respondy: «Sire, vollentiers.»

Or lairons à parler dou roy englèz, qui par le Noef Castiel sour Tin, par Ardenton et par Dancastre, non mies par le comté de Sallebrin, retourna arrière vers Londres. Si parlerons des messaigiers le roy David d'Escoce, qui s'en vont en France, et fissent tant par leurs journées qu'il vinrent à Paris, où il trouvèrent le roy Phelippe et pluiseurs de ses barons dalléz lui; si le saluèrent bellement. Et li roys les rechupt en cel mannierre pour le raison de chou qu'il estoient estraingnier et au roy David, son bon amie. Li dit message remoustrèrent au roy pourquoy il estoient 347 là venus, et des armées et chevauchies que li Escos et li Englèz avoient fait, li uns sour l'autre, et comment li Escot avoient bien ars trois journées de pays en Engleterre, et par especial la cité de Durem qui estoit rice et grande, et comment li Englèz avoient à grant effort chevauchiet contre yaux et nient porté de dammaige, et comment il furent cinq jours tous entiers logiéz li ung devant l'autre, et tous les jours y avoit joustez, paletis et escarmuches: «Finablement, chiers sires, unes trieuwez sont prises à durer deux ans, se vous l'acordéz. Endementroes croistra nos rois en force et en puissanche, et se repeuplera nos pays, et aquerons amis de tous costéz, et puis ferons une bonne gherre, forte et desperte as Englès, car jammais n'y aura ferme pais qui s'i tiengne: trop les hayons à che costé.» Li roys entendi vollentiers à leurs parolles, et s'acorda, pour l'amour dou roy d'Escoce et dez barons d'Escoce, à tout chou que ordonné avoient, ne de riens il n'y contredist. Et delivra quitte et delivre le comte de Sallebrin, que tenut avoit en prison plus de deux ans; et mist à raençon convignable le comte de Sufforch et le recrut sur se foy à avoir paiiet dedens l'année vingt mille escus ou revenir en prison. Il lez paya, si fu quittez, et li comtez de Moret delivréz parmy le comte de Sallebrin. Ainssi se fissent chil doy escange, et se tinrent lez trieuwez entre Escoce et Engleterre. Je n'ai nient oy parler dou contraire que elle fust de riens enfrainte. Et toudis guerièrent li Escot le garnison de Strumelin, qui trop leur cousta ainschois que il le pewissent ravoir. Si siet Strumelin droit ou coer de leur pays. Fo 65.

P. 136, l. 18: deus ans.—Ms. B 6: trois ans. Fo 199.

§ 162. P. 137, l. 23: Vous devés.—Ms. d'Amiens: Or voeil je retourner à l'istore de Bretaingne et parler de monseigneur Carlon de Blois et de la comtesse de Montfort. Vous savés bien en quel point je laissai le matère, le comte de Montfort pris et emprisonnet ou castiel de Louvre à Paris, monseigneur Carle de Blois à Nantes, et les seigneurs de Franche qui aidiet à coummenchier sa guerre li avoient, repairiet pour le cause de l'yvier, et devoient tout retourner à l'estet, enssi qu'il fissent. Si me seroit il bien mestier à parler des gherrez de Gascoingne qui trop fortez y estoient, car li comtes de Laille, de par le roy de France, y tenoit les camps et avoit enssi que tout reconcquis la grant duchié d'Acquitaine et constraindoit mout chiaux de Bourdiaux; 348 car il avoit assis la forte ville de Blaves par terre et par aige, et n'aloit nus au devant, tant fust de grant affaire en Gascoingne, ne amis au roy d'Engleterre. Et n'y avoit nulle ville en Gascoingne, qui se tenissent pour englècez, excepté Bourdiaux, Blaves, Aux en Gascoingne et la forte et bonne ville de Baione. Mais telle estoit li intention dou comte de Laille et des seigneurs qui avoecq lui estoient, que l'une apriès l'autre il les concquerroit. Or revenrons à le gerre de Bretaingne et lairons à parler de ceste de Gascoingne: quant temps et lieux sera, bien y retourons.

Si parlerons coumment messires Carlez de Blois estoit tous quois demourés en le cité de Nantes, et ens ou pays d'entours qui obeissoit à lui, demoura tout l'ivier, si comme vous avés oy par devant, sus l'estat que li dus de Normendie, ses cousins et li comtes d'Alenchon, ses onclez, li avoient ordonnet, et atendoit le saison d'esté, en laquelle fait milleur hostoiier qu'il ne face en le saison de yvier. Et quant celle douce saison (d'esté) fu revenue, tout chil signeur de France deseure noummet et grant fuison de autres gens avoecq yaux, s'en rallèrent par deviers Bretaingne à grant puissance, pour aidier monseigneur Charlon de Blois à reconquère le remannant de le duchet de Bretaingne: dont il advinrent moult de grant merveilles et de biaus fais d'armes, ensi comme vous porés oïr.

Quant tout li seigneur furent venu à Nantes, là où il trouvèrent monseigneur Charlon de Blois, il orent consseil qu'il assiegeroient le cité de Rennes. Si yssirent de Nantes en grant arroy, et s'en allèrent par deviers Rennes et le assegièrent tout environ. La contesse de Montfort, qui se tenoit à Hainbon, l'avoit, au partir et tout l'ivier, si bien pourveue et garnie de bonne artillerie, de touttez pourveanchez et de bonne gent d'armes, que elle en estoit plus forte à concquerre; et y avoit mis et establi ung vaillant chevalier et hardi pour cappittainne, que on clammoit monsigneur Guillaumme de Quadudal, gentil homme durement del pays de Bretaingne.

Encorres avoit la dite comtesse de Montfort mis grans garnisons par tout lez autres cités, castiauls et bonnes villes qui à lui obeissoient, et partout bonnez cappitainnez des gentilz hommes dou pays qui à lui se tenoient, desquelx le plus elle avoit acquis par biau parler, par proumettre et par donner; car elle n'y volloit point espargnier or ne argent, dons ne promesses: desquelx estoient li evesquez de Lion, messires Amauris de Clichon, messires 349 Yeuwains de Thigueri, li sires de Landreniaus, le castelain de Ghingant, messires Henris et messires Oliviers de Pennefort, messire Joffroi de Malatrait, messires Guillaummes de Quadudal, li doy frère de Quarich et pluiseurs aultrez bons chevaliers et escuier, tout de Bretaingne.

Ossi messires Carles de Blois (en avoit) grant fuison qui à lui se tenoient, et plus que n'ewist li comtesse, desquelx estoient li drois sires de Clichon, messires Hervis de Lion qui estoit retournés, li viscontez de Rohem, li sires d'Avaugor, li sires de Quitin, li sires de Tournemine, li sires d'Ansenis, li sires de Biaumanoir, li sires de Rais, li sires de Rieus, li sires de Laval, li sires de Gargoule, li sires de Loriach et tout banerech, et pluisseur aultre chevalier et bon escuier, qui nullement ne volloient estre de le partie de Montfort. Et li autre tenoient le opinion si bonne et si juste, que, pour amorir, il ne fuissent tournés Bloisois. Ensi estoit la grande terre de Bretaingne entoueillie en guerre, li oncles contre le nepveult, li frèrez au frère, li pèrez au fil tels fois fu, li germains au cousin germain, li voisin à sen voisin. Et dura ceste guerre trop grant tamps, ensi comme vous orés recorder avant en l'istoire. Or parlerons nous dou siège de Rennez. Fos 65 vo et 66.

P. 137, l. 25: de Bourbon.—Le ms. B 6 ajoute: le conte de Forès, le conte de Boulongne. Fo 199.

P. 139, l. 2: doi frère.—Mss. A 11 à 14: les deux frères de Quintin, monseigneur Geffroy de Maallechat, monseigneur Robert de Guiche, monseigneur Jehan de Quoyquem et pluseurs aultres. Fo 85 vo.

P. 139, l. 2: Quirich.—Mss. A 1 à 6: Chirich. Fo 88 vo.—Mss. A 20 à 22: Tirich. Fo 133 vo.

P. 139, l. 11: dire.—Mss. A 11 à 14: qu'il avoit adonc pourchacié sa prinse et fait trahir par les bourgois. Fo 85 vo.

§ 163. P. 139, l. 16: Messires Charles.—Ms. d'Amiens: Messires Carles de Blois et li seigneur de Franche tinrent le siège assés longement devant le cité de Rennes, et y fissent grans dammaigez et mains fors assaux par les Espagnos et par les Geneuois, dont il avoient grant fuison en leur ost. Et chil de d'ens se deffendirent bien et vassaument, par le consseil dou bon chevalier monseigneur de Quadudal, si sagement que cil de dehors y perdirent plus souvent qu'il n'y gaegnoient. Si avoient fait li signeur de 350 France drechier grans enghiens devant la cité, qui y gettoient grosses pierres et qui trop durement le travilloient.

Endementrues que chils sièges estoit si grans et si fors devant Rennes, la comtesse de Montfort, qui se tenoit en Hainbon o grant fuison de chiaux de son acord, eult consseil que elle envoieroit au secours deviers le roy d'Engleterre, de qui ses sires li comtez de Montfort avoit relevet la duché de Bretaingne: si l'en devoit aidier à deffendre et à gharandir contre tous hommez. La damme de Montfort eut ce consseil et le vollenté de là envoiier; mès à trop grant dur trouva elle qui y volsist aller, car nulz ne le volloit laissier ou parti où elle estoit, pour sen onneur. Toutesvoies, tant pria elle les ungs et les autres et leur remoustra tant de bellez et doucez parolles, que messires Amauris de Clichon s'acorda ad ce que il feroit le messaige. Si entra en ung vaissiel et prist bon maronnier, et se mist en mer en le vollenté de Dieu et dou vent, en singlant devers Engleterre, et arriva dedens cinq jours ou havene de Hantonne. Si demanda où li roys estoit; on li dist: à Londres. Adonc monta il à ceval et toutte se routte; et chevauchièrent tant qu'il vinrent à Londres.

Quant li roys seut la venue monsigneur Amauri de Clichon, si en eut grant joie, car il penssoit bien avoir nouvellez de Bretaingne. Se le fist tantost venir avant et le rechupt liement, et li demanda que sa cousinne la contesse de Montfort faisoit: «En nom Dieu, monseigneur, si se recoummande à vous comme celle qui a grant mestier de vostre comffort, car messires Carlez de Blois et grant fuison de bonne chevalerie de Franche li font très forte guerre; et seoient devant le cité de Rennes, quant je me parti. Si vous prie madamme que vous le voeilliés secourir et envoiier par delà ung de vos petis marescaux qui li aye son hiretaige et de son fil à deffendre.»—«Par me foy, dist li roys, je le feray vollentiers.» Adonc regarda li rois sus monseigneur Gautier de Mauni et li dist: «Gautier, vous m'avés servi en pluiseurs bellez besongnes. Encorres vous prie jou que vous me servés en ceste, et je vous deliveray gens, or et argent assés pour furnir vostre voiaige.»—«Sire, respondi messires Ghautiers, Dieu me gart que jà je refusse cose que vous coummandés à faire. Or ordonnés dou sourplus, car je sui tous prês dou mouvoir quant il vous plaira.» Che dist li rois: «Grant merchy, messire Gautier.»

Assés tost apriès, messires Gautiers de Mauny s'appareilla et 351 ordonna; et fu ses mendemens fais et assis, et se carge, en le ville de Hantonne. Si se parti dou roy qui le fist souverain et cappittainne de ceste armée, et vint à Hantonne, et messires Amauris de Clichon o lui; et là sejournèrent il douze jours, en attendant leurs gens et en faisant leurs pourveanches, et ossi le vent qui leur estoit contraire. Au tresimme jour entrèrent il en mer. Si estoient trois cens hommez d'armes et douze cens archiers d'eslite. Avoecq monseigneur Gautier de Mauny estoient des chevaliers messires Frankes de Halle, messires Gerars de Baudresen, li doy frère de Loynendale, messires Loeys et messires Jehans, li Haze de Braibant, messires Hubers de Frenay, messires Alains de Sirehonde, li sires Despenssiers, li sires de Ferièrez, messires Thomas Kok, messires Hues de Hastinges, messires Alixandres Anssel, messires Jehans li Boutilliers et pluiseur aultre. Si nagièrent par mer et tournèrent leurs singlez par deviers Bretaingne. Che premier jour eurent il assés bon vent, le second les prist une fortune si grande que il quidièrent y estre tout peri; et les rebouta li vens bien parfont en Cornuaille. Si furent sur mer plus de soixante jours par les vens contrairez et par les fortunnez qui leur avinrent. Et toudis les atendoit de jour en jour la contesse de Montfort en grant mescief de coer; car bien savoit que chil de Rennes avoient moult à souffrir, et moult vollentiers les ewist conforté, s'elle pewist. Fo 66.

Ms. de Rome: Qant ce vint sus le printemps, et que la douce saison fu retournée, messires Carles de Blois envoia ses messages en France, et par especial le seigneur de Biaumanoir deviers le roi son oncle, pour priier que il li vosist envoiier gens qui li aidassent à reconquerir le demorant dou pais de Bretagne. Li rois s'enclina à celle priière et manda au conte Raoul d'Eu, son connestable, et au conte de Ghines, son fil, que il fesist son mandement de gens d'armes et d'arbalestriers, et s'en alast en Bretagne. Li dus de Bourbon, messires Jaquemes de Bourbon, li contes de Blois, li contes de Vendome, mesires Loeis d'Espagne, li sires de Chastellon, li sires de Couchi, li sires de Montmorensi, li sires de Saint Venant et grant fuisson de la baronie et chevalerie de France se ordonnèrent et se missent au cemin. Et esploitièrent tant que il vinrent en la chité de Nantes, et se trouvèrent, sus quinse jours, bien six mille honmes d'armes et douse mille honmes à lances et as pavais, parmi les arbalestriers geneuois, des quels mesire Oste Dorie estoit chapitainne, et avoecques li messires 352 Carles Grimaus. Et se departirent un jour de Nantes en grant arroi et poissance, et prissent le cemin de Rennes, et fissent tant que il i parvinrent, et bastirent là lor siège tout à l'environ. Pour ces jours avoit grans fourbours à Rennes, mais li chapitainne de Rennes et li saudoiier qui dedens estoient, qant il sentirent que on les venoit assegier, les ardirent, et avoient fortefiiet grandement lor ville de toutes pars. Par devant Rennes ot grant siège et lonch, et qui moult avant dura en l'esté, et fait tamainte escarmuce et maint assaut. Et moult bien s'i portèrent chil de dedens, voires li gentilhonme, messires Guillaume de Quadudal et li aultre; et avoient tous jours regart sus les bourgois de Rennes que il ne fesissent auqun vilain tretié à ceuls de l'oost.

La contesse de Montfort, qui se tenoit à Vennes, n'estoit pas forte assés pour lever le siège, et dist à son consel: «Il me fault envoiier au secours en Engleterre. Je poroie bien trop atendre.» Son consel fu d'acort à tout ce faire, et priiés de par li messires Amauris de Cliçon que il i vosist aler. Li chevaliers ne l'euist jamais escondit et s'ordonna à partir. Et qant il ot ses lettres adreçans au roi d'Engleterre et à mesire Robert d'Artois et à auquns barons et chevaliers d'Engleterre, il entra en un vassiel ou havene de Vennes meismes, et se departi et singla tant par mer, à l'aide de Dieu et dou vent, que il vint à Pleumude. Et là s'arestèrent et ancrèrent li maronnier, puis issi li dis messires Amauris de son vassiel et sa famille; et se rafresqirent dedens la ville et pourveirent des chevaus. Et qant il furent tout apparilliet, il montèrent et chevaucèrent viers Londres, et tant fissent que il i parvinrent. Pour ces jours, li rois et la roine et mesires Robers d'Artois estoient en la marce de Bristo: si lor fu painne. Toutes fois il ceminèrent celle part, et trouvèrent le roi et la roine qui festioient le conte de Saslebrin et le conte de Sufforch, qui nouvellement estoient issu hors de la prison de France, et s'estoient rançonné li doi conte à vint mille nobles.

Qant mesires Amauris de Cliçon fu venus deviers le roi, on li fist voie. Il se mist en genouls; il bailla ses lettres. Li rois les prist et les lissi; et portoient creance. Adonc fu trais à part dou roi mesires Amauris de Cliçon, et encores en ce consel li rois apella mesire Robert d'Artois. Et là parla li dis chevaliers et compta tout l'estat de Bretagne, et conment on s'i portoit, et de la chité de Rennes conment elle estoit assegie. Et prioit li chevaliers au roi, de par la contesse, que il i vosist entendre, pour aidier à 353 deffendre et garder le pais, car sans son aide la poissance de la dame estoit moult petite, car si ennemi tenoient les camps. Li rois respondi et dist: «Mesire Amauri, vous nous estes li bien venus; et dedens quinse jours, nous serons en la marce de Londres, et auerons une partie de nostre consel, et là serés vous expediiés de toutes coses; mais nous sonmes pour le present sus nostres deduis. Si ne poons pas entendre à tels coses, ne faire response telle que li chas demande; car nous avons trieuves, ensi que vous savés, à nostre adversaire Phelippe de Valois. Si nous couvient bien avoir consel conment nous nos ordenerons de la gerre de Bretagne.» Messires Amauris de Cliçon se contenta assés de ceste response, et se departi (du roi) et de mesire Robert d'Artois, et s'en retourna à Londres.

Qant ce vint au jour que li rois deubt estre à Londres, il i fu et jà avoit il escript et mandé son consel, celi que il voloit avoir. Et tout furent à Wesmoutier, et là vint messires Amauris de Cliçon. Si fu appellés en la cambre dou consel, et là, en la presence dou roi et dou consel, il remoustra ce pour quoi il estoit venus, et prioit que il fust briefment respondus, et la contesse de Montfort, sa dame, secourue. On fist issir le chevalier de la cambre, tant que li consauls dou roi euist parlé ensamble.

Là ot en ce consel pluisseurs coses et paroles retournées, car li rois d'Engleterre ne voloit nullement enfraindre ne brisier les trieuves qui données estoient, jurées et seelées à tenir deus ans entre li et Phelippe de Valois. Et ossi il couvenoit que la contesse de Montfort fust aidie et confortée dou roi et des Englois, puis que on avoit la ducée de Bretagne relevé de li, et que on le tenoit et voloit tenir en foi et en honmage de la couronne d'Engleterre. Or fu avisé que on feroit une cose raisonnable, sans ce que li rois s'en ensonniast en riens. Puis que la contesse de Montfort mandoit secours, on l'en envoieroit pour ses deniers, tant conme elle en vodroit avoir et poroit paiier, ce point ne li pooit on oster; et qant les trieuves seroient fallies entre France et Engleterre, li rois aueroit aultre consel. Donc fu apellés messires Amauris de Cliçon, et li fu dit conment pour celle fois il couvenoit que il ouvrast. Qant il vei ce, il considera raison et se delivra dou plus tos que il pot, et quist gens d'armes et archiers; et li signeur d'Engleterre li aministrèrent lesquels il prenderoit pour bien faire sa besongne.

Tout nouvellement estoit retournés dou roiaulme d'Escoce messire 354 Gautiers de Mauni, un jones chevaliers de Hainnau, qui trop vaillanment s'i estoit portés en tous les fais d'armes où on l'avoit veu et trouvé, et tant que il en avoit souverainnement la grace et la renonmée. Si fu retenus de mesire Amauri de Cliçon, et pour estre saudoiiers à la contesse de Montfort et chapitainne de tous les aultres, et ot de sa carge trois cens lances et deus mille archiers. Et fu tout de fait aviset si grande la carge d'archiers pour raemplir les garnisons. Si ordonnèrent lors pourveances et lors navies à Pleumude, et qant tout fu prest, et chil venu qui devoient passer oultre en Bretagne, il entrèrent en lor vassiaus. Si se desancrèrent dou port de Plemude et entrèrent en mer. Avoecques messire Gautier de Mauni, qui souverains fu de ceste armée, estoient doi chevalier frère, Lois et Jehans de Leinendale, mesires Hubiers de Frenai, le Hazle de Braibant, mesire Gerart de Baudresen, mesires Alains de Sirehomde, mesires Lois Clambo, mesires Edouwars de Lanton, messire Guillaumes Touchet, mesires Hues de Ferrières, Guillaume Penniel, Thomas Paule, Jehan et Guillaume Clinqueton et pluisseur aultre; et singlèrent par mer et tournèrent viers Bretagne. Mais qant il furent en mi cemin de la mer, il orent fortune moult grande et vent si contraire que il furent sus le point de estre tout perdu; et les boutèrent chil vens et celle fortune en la mer d'Irlande. Et furent plus de quinse jours avant que il peuissent retourner sus lor cemin, et vinrent prendre terre à lor retour de la mer d'Irlande en l'ille de Breha, c'est des tenures de Bretagne; et là se rafresqirent quatre jours. Et puis rentrèrent en lors vassiaus, et prissent la mer pour venir à Hainbon là où la contesse de Montfort les atendoit, à laquelle nous retournerons un petit, et parlerons dou siège de Rennes. Fos 78 et 79.

P. 140, l. 21 et 22: deus mille ou trois mille.—Mss. B 3, A 11 à 14, 18, 19, 23 à 33: deux ou trois mille. Fo 79 vo.—Mss. A 1 à 10, 15 à 17, 20 à 22: trois ou quatre mille. Fo 89.

P. 140, l. 28: Neynendale.—Mss. B 3, A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 33: Leynendale, Leynondale, Lynnodale, Leynoudale. Fo 79 vo.—Mss. A 1 à 6, 18 à 22: Leynodelle. Fo 89.—Mss. A 11 à 14: Leindechalle. Fo 86.

P. 141, l. 7: Rennes.—Mss. A 15 à 17: où vaillaument ilz se tenoient. Fo 90 vo.

§ 164. P. 141, l. 8: Or est.—Ms. d'Amiens: En che terme 355 que la damme de Montfort avoit envoiiet au secours en Engleterre, et les lons jours qu'il missent au venir, eut devant la chité de Rennes tamaint grant assault et mainte forte escarmuche. Et tant y sirent li Franchois que cil de dedens en estoient tout anoieus. Et vollentiers se fuissent rendut à monseigneur Carlon de Blois, se messires Guillaummes de Quadudal l'ewist conssenti; mès nullement il ne s'i volloit accorder. Et leur brisoit et tolloit toudis leur proupos; et leur disoit que, se il plaisoit à Dieu, il ne feroient jà lasqueté à leur bonne damme.

Li bourgois de Rennes, qui durement estoient apresset de ce siège, et qui veoient leurs biens gaster de tous costéz, et sentoient le comte de Montfort pris, et ne perchevoient nul secours de nul costet, eurent entr'iaux advis et accord qu'il se renderoient; et se messires Guillaummes de Quadudal ne s'i volloit assentir, il le prenderoient et le meteroient en prison. Ensi qu'il proposèrent, il le fissent; et remoustrèrent leur entente et le povreté où il estoient et pooient encorrez esceir plus grande, et de legier: pour quoy il se volloient rendre et yssir de ce peril. Li chevaliers, pour amorir, ne s'i fust jammais acordé. Et quant li bourgois virent che, il le prissent de force et l'emprisonnèrent. Et puis envoiièrent tretier deviers monseigneur Carlon de Blois que il li renderoient la cité de Rennes, par condition que il li volsissent pardonner son mautalent et sauver les biens de le ville, et quitter le chevalier qu'il tenoient en prison, et laissier aller, quel part qu'il volsist, Monfortois ou autre, et tous chiaux ossi qui ceste oppinion volloient tenir.

Messires Carles de Blois, par le consseil qu'il eut des seigneurs de France qui là estoient, s'i accorda et leur pardonna son mautalent; et entra en le chité de Rennes à grant pourcession et à grant joie, et prist l'ommaige et le feauté des bourgois de le cité et leur tint tout leur convens. Si fu mis messires Guillaummes de Quadudal hors de prison. Et li fu demandet de quel costet il se volloit traire: il respondi que il avoit son sierment à sa damme et que celle part iroit il, se on le laissoit aller; et on li dist: «oil.» Enssi s'en vint li chevaliers à Hainbon deviers la comtesse de Montfort, qui le rechupt à joie, mais elle fu mout couroucie quant elle seut que la cité de Rennes estoit rendue; et si n'ooit nulle nouvelle de monseigneur Amauri de Clichon, ne de sa compaignie. Fo 66.

Ms. de Rome: Messires Carles de Blois et li signeur de France 356 desus nonmet tinrent le siège assés longement devant la chité de Rennes, et i livrèrent pluisseurs assaus, tant que li bourgois de Rennes se tenoient à moult cargiet dou dit siège, et euissent volentiers entendu à auquns trettiés deviers messire Carle, se il euissent osé; mais il doubtoient lor chapitainne et les saudoiiers, et disoient entre euls: «Nous sonmes plus que fol, qui nous faisons guerriier et destruire pour la contesse de Montfort, et tenons son opinion à bonne. Si en perdons nos biens as camps et nos hiretages, et en sonmes tous les jours en aventure d'estre mort par les assaus et escarmuces que chil de l'ost nous font. Et ne nous est apparans nuls confors de nul costé, car celle contesse à la longe ne puet durer contre la poissance de France.»

Tant parlèrent et murmurèrent secretement entre euls chil de Rennes que de un conmun acord une nuit il prissent lor chapitainne messire Guillaume de Quadudal et l'emprisonnèrent en une tour, et des saudoiiers auquns, liquel estoient à lor avis li plus poissant, par quoi il fuissent mieuls au desus de lor emprise. Et puis il tretiièrent deviers mesire Carle de Blois et les François. Et se rendirent par condition telle que ceuls que il avoient pris, il les deliveroient quites et delivrés, et les lairoient aler euls et le leur deviers la contesse de Montfort, se aler i voloient; et euls aussi et le lour demoroient en segur estat, et il devenoient bons François, et recongnissoient messire Carle de Blois à lor signeur et à duc de Bretagne.

On entendi volentiers à lors trettiés, et lor furent acordé, juré et tenu, tout ensi conme il le vodrent avoir. Et se partirent mesires Guillaumes de Qadudal et tout li compagnon que la contesse i avoit envoiiet, car jamais ne se fuissent tourné François, de la chité de Rennes, et cargièrent toutes lors coses, sans riens laissier derrière, et s'en alèrent à Hainbon deviers la contesse, qui moult fu courouchie de ces nouvelles et ot pluisseurs imaginations, pour tant que elle n'ooit nulles nouvelles de mesire Amauri de Cliçon, et faisoit doubte que il ne pooit esploitier, pour tant que son mari estoit tenus des François, et ne savoit se il estoit mors ou vifs. Fo 79 vo.

§ 165. P. 142, l. 3: Quant la.—Ms. d'Amiens: Quant la cité de Rennes se fu rendue, ensi comme vous avés oy, et li bourgois eurent fait le feaulté à monseigneur Carlon de Blois, et il eut pris le saisinne et le possession de tout et regardé as ordounnanches 357 de le cité, et fait reparer che qui desparet estoit par son assault, si ot consseil à ses amis de Franche quelle part il poroit traire à tout son host, pour mieux avant esploitier de reconquère le remannant. Li conssaux se tourna à çou qu'il se traisist par devant le fort castiel de Hainbon, là où li comtesse et ses filz estoient; car puisque leurs sirez li comte de Montfort estoit emprissonnés, se il pooit prendre le ville, le castiel et le comtesse et son fil ossi, il aroit tost sa guerre affinnée. Enssi fu fait. Si se traisent tuit vers Hainbon, et assegièrent le ville et le chastiel tout autour tant qu'il porent par terre. La comtesse estoit si bien pourveue de bons chevaliers et d'autres souffissans gens d'armes qu'il couvenoit pour deffendre le ville et le castiel; mès toudis estoit en grant souppechon dou secours d'Engleterre que elle atendoit, et si n'en ooit nullez nouvelles. Ains avoit doubtance que grans meschiés ne leur fust avenus, ou par fortune de mer, ou par encontre d'ennemis. Avoecques lui estoit en Hainbon li evesques de Lion en Bretaingne, dont messires Hervis de Lion estoit onclez, qui estoit de l'autre partie. Et si y estoit messires Yewez de Tiegueri, li sires de Landreniaus, li doy frère de Pennefort, li castelains de Guigant et pluiseur autre bon chevalier et escuier de Bretaingne. Quant la comtesse et cil chevalier qui en Hainbon se tenoient, entendirent que chil seigneur de Franche venoient pour yaux assegier et que il estoient assés priès de là, il fissent coummander que il sonnaissent le blancloque, et que chacuns s'allast armer et allast à sa deffensce, enssi que il estoit ordonnet. Et chacuns obei sans contredit.

Quant messires Carlez de Blois et li seigneur franchois furent aprochiet de le ville de Hainbon et il le virent forte et bien breteskie, il fissent leur gens logier et amanagier, enssi qu'il appartient, quant on voelt faire siège. Aucun jouene et legiers compaignons geneuois, espaignol et franchois allèrent jusques as baillez pour paleter et escarmuchier; et aucuns de chiaux de dedens yssirent contre yaux, enssi que on fait souvent en telx besoingnes. Là eult pluiseurs hustins, et pardirent plus li Geneuois et Espagnol qu'il n'y gaignièrent, enssi qu'il avient souvent par lui follement abandounner. Quant li soirs aprocha, chacun se retrai à se loge. L'endemain, li seigneur eurent consseil qu'il feroient au matin assaillir lez baillez fortement, pour veoir le contenanche de chiaux de dedens, et pour veoir se il y poroient riens concquester. Au tierc jour dou siège durant, il s'armèrent en l'ost et 358 vinrent devant les murs, environ heure de prime. Si coummenchièrent ung assault très fort et très fier de traire et de lanchier et de faire touttes appertises d'armes, et chil de d'ens à yaux deffendre de grant couraige. Et dura chilz assaux continuelment jusques à heure de nonne, que Geneuois et Espagnols, qui moult s'abandonnoient, furent durement lasset et travilliet, et pluiseur mort et navret. Si se retraissent pour le foule, et pour remettre à point lez blechiés. Quant li seigneur de Franche virent leurs gens retraire et enssi que refroidiéz, si en furent durement coreciet. Si fissent touttez mannierrez de gens retrère avant et yaux encoragier et enhardir, et plus fort assaillir que devant; et chil de dedens si s'efforchièrent ossi dou bien deffendre. Là estoit la comtesse de Montfort toutte armée, montée sus un courssier, et chevauchoit de rue en rue par le ville et semonnoit ses gens de bien deffendre. Et faisoit les femmes de le ville, dammes et autrez, deffaire les chauchies et porter les pières as cretiaux pour jetter as ennemis; et faisoit aporter bombardes et pos plains de vive cauch, pour plus ensonniier chiaux de l'ost. Fos 66 vo et 67.

Ms. de Rome: Ensi eurent messires Carles de Blois et li François la chité de Rennes, et entrèrent dedens à grant joie. Et rechurent li bourgois le dit mesire Carle à duch et à signeur et le menèrent à l'eglise, et là jura solempnelment sus Saintes Ewangilles que il les tenroit as us et as coustumes brettes; et tout devinrent si honme. Si se rafresqirent quatre jours en la chité des biens qui lor vinrent de sus le pais, et que il i trouvèrent. Et orent là li signeur consel ensamble où il se trairoient, ou devant Vennes, ou devant Hainbon là où la contesse de Montfort estoit. Consilliet fu que il iroient devant Hainbon, et encloroient la contesse là dedens; et, se il le pooient conquerir, lor guerre seroit finée. Si se departirent un jour de Rennes en grant conroi, et s'en vinrent à Hainbon; et l'asegièrent par terre et environnèrent si avant que il porent, car au lés deviers la mer il ne pooient bastir nul siège.

La contesse estoit bien pourveue de ses amis, de chevaliers et d'esquiers et de bonnes gens d'armes, les quels elle tenoit à ses gages à Hainbon, à ville et chastiel. La contesse se tenoit ou chastiel, et ses gens en la ville. Avoecques la contesse de Montfort, qant li François vinrent là, estoient mesires Ives de Tigeri, li sires de Landreniaus, li chastellains de Ghingant, li doi frère de Quirich, messires Henris de Pennefort et messires Oliviers, son 359 frère, et li evesques de Lion en Bretagne, dou quel messires Hervis de Lion, qui se tenoit avoecques messire Carle de Blois, estoit oncles. Entrues que li François se logoient, li Geneuois et li Espagnols, des quels mesires Loys d'Espagne, marescal de l'oost mesire Carle, estoit chapitainne, voires avoecques lui mesires Othes Dorie, alèrent escarmuchier as barrières. Et là vinrent chil de la garnison, qui vaillanment s'i portèrent; et dura li escarmuce jusques au soir que tout se retraissent as lors logeis. A l'endemain, de rechief on vint as bailles lancier et escarmuchier; et en i ot biaucop de bleciés de une part et d'aultre. Et entrues que li escarmuce estoit, on assalloit as murs priès que de toutes pars, et chil de la ville se deffendoient vaillanment. La contesse de Montfort, qui avoit coer d'onme et de lion, estoit armée et montée sus un coursier, et amonestoit ses honmes de bien faire. Et cevauçoit de rue en rue, et faisoit par les fenmes et les enfans deffaire les cauchies, et porter la pière et les calliaus sus les murs, et servir ceuls qui se deffendoient. Fo 79 vo.

P. 142, l. 22: li evesques de Lyon.—Mss. A 20 à 22: oncle à messire (Hervi) de Lyon. Fo 135.—Tous les autres mss. A et tous les mss. B donnent la mauvaise leçon: dont messires Hervis de Lyon estoit neveus.

P. 142, l. 26: Quirich.—Mss. A 11 à 14: Quintin. Fo 86 vo.

§ 166. P. 144, l. 7: Encores.—Ms. d'Amiens: Or pourés oïr une très grant emprise et ung mervilleux et outrageux fait d'armes que ceste comtesse fist. Elle qui oncques ne cessoit d'aller de l'un à l'autre pour rencoragier sez gens, et ossi à le fois elle montoit en une haute tour dou castiel pour mieux aviser le contenance de chiaux de l'ost, si regarda une fois que elle estoit là montée, que tout li seigneur de France et touttez mannierrez d'autrez gens estoient à l'assault et entendoient si fort et si ententivement à l'assaillir, que tout li logeis estoient ensi que wuit et sans garde. Que fist elle pour adamager chiaux de l'ost? Elle requeilli environ trois cens compaignons et les fist monter à cheval, et se parti de Hainbon par une fausse postierne qui ouvroit sus le mer, auquel endroit il n'y avoit adonc point d'assault; et prist son tour tout autour de le ville par voies couvertez. Bien avoit qui mener le savoit, et s'en vint ens ès tentez et ens ès logeis de France, et se feri dedens vassaument, et fist ses gens espardre en pluisseurs lieux; car nulz n'y estoit, qui leur pewist 360 contredire, fors aucuns garchons et vallès chetilz. Là tuèrent il, et boutèrent le feu à mout vent ens ès tentes et ens ès logeis lez seigneurs de Franche. Tantost li feux s'esprist grans et villains, car li une tente ardoit l'autre, tant que li punaisie et li fumière en descendoit sour chiaux qui à l'assaut estoient. Quant li seigneur de France virent leurs loges ardoir, et oïrent le hu et le cri qui de celle part venoit, il furent tout esbahy et coururent vers leurs logeis, en criant: «Trahi! Trahi!» Et ne demoura nuls à l'assault.

Quant la dessus dite comtesse vit l'ost estourmir et de touttes pars gens acourir, elle requeilla et rassambla ses gens bellement et sagement, et perchut bien que elle ne poroit rentrer en le ville sans trop grant perte. Si s'en alla ung autre chemin droit par deviers le castiel de Braait, qui siet à quatre lieuwes priès de là. Quant messires Loeys d'Espaingne, qui estoit connestablez adonc de toutte l'ost et qui ceste aventure avoit pris en grant despit, quant il parfu venus as loges et il lez vit ardoir et flammer, et la comtesse et sa gent qui s'en alloient quanqu'il pooient, il se mist en cace apriès yaux pour yaux raconssuiwir en criant son cor, et chacuns sieuwi sa bannierre. Si furent durement enchauchiés la comtesse et li sien; et en tuèrent aucuns qui estoient mal montés. Et dura li cace jusquez à Braait, où la comtesse et li sien se sauvèrent et boutèrent; et lez requeillirent chil de laiens à grant feste.

Quant messires Loeys d'Espaingne seult par les prisonniers que pris en cette cache avoit, que c'estoit la comtesse qui che destourbier li avoit portet et à toutte l'ost, si fu durement courouchiéz de ce que elle li estoit escappée ensi. Si s'en retourna deviers leur ost et compta as seigneurs que ce avoit estet la comtesse de Montfort qui ceste envayée leur avoit fait: si en furent durement esmervilliet li ung par l'autre coumment elle avoit oset entreprendre tel fait, et li mettre en si grant aventure et en tel parti d'armes. Se li tinrent li aucun à outraige et à folie, et li autre à proèce et à vaillanche. Se chil de dehors en estoient esmervilliet, chil de dedens, ses gens meymmez, l'estoient plus; et ne pooient apenser coumment la comtesse avoit tout ce adviset, ne oset entreprendre. Mais il furent, le parfait dou jour et toutte la nuit enssuiwant, en grant frichon et esmay de ce que la damme ne nulx de ses compaignons ne retournoit: si n'en savoient que pensser, ne quoy adviser; et se doubtoient que elle ne fuist prise, 361 et toutte la compaignie qui avoecq lui yssi, ossi morte ou prise au mieux venir. Fo 67.

Ms. de Rome: Encores s'avisa celle contesse de une très grande emprise que on li doit bien tourner à vaillance, car elle fist environ deus cens honmes des siens monter as cevaus, et puis fist ouvrir une porte où nuls n'asalloit. Et se partirent, elle et ses gens, et s'en vinrent par derrière bouter et fraper ens ès logeis des François, qui n'estoient pour l'eure gardé que de varlès et garçons, car tout honme d'armes entendoient à l'asaut ou il le regardoient. Qant la contesse fu là venue, elle fist bouter le feu en plus de trente lieus. Li feus et la fumière s'eslevèrent; la noise et li cris conmenchièrent à lever. Chil qui asalloient, laissièrent tout quoi ester les assaus, et s'esmervilloient que ce pooit estre. Et perdirent li signeur, par celle emprise et ce feu, grant fuisson de lors chevaus et de lors pourveances.

Messires Lois d'Espagne, marescaus de l'oost, fu auques li uns des premiers qui retournèrent sus les logeis, et entendi que la contesse de Montfort avoit fait celle emprise. Il ne fu pas si courouciés dou damage que il fu resjois de ce que la contesse estoit hors de la garnison, et cria en hault: «Or, tos as chevaus! Celle fenme et sa route soient poursievoit! Jamais ne renteront en Hainbon, ne en forterèce qui soit en Bretagne: il sont nostre. Aultrement ne poons nous avoir fin de gerre.» Lors veissiés toutes gens haster et monter sus chevaus, et euls asambler dalés le marescal qui faisoit sonner ses tronpètes à grant effort pour requellier ses gens; et prendoient le pas de la ville pour enclore la contesse au dehors, ensi que il fissent. La contesse perchut bien que point ne poroient rentrer en Hainbon. Si prist les camps et dist à ces gens: «Chevauçons viers Brest. La garnison est pour nous. Là serons nous receu.» Il fissent ensi que elle ordonna, et prisent le cemin de Brest, et estoient jà moult eslongiet avant que on s'en perçuist en l'oost; car messires Lois d'Espagne et li François avoient clos les pas et les rentrées en Hainbon, à la fin que il fuissent au desus de la contesse et de ses gens. On vint dire et nonchier à mesire Lois: «Sire, vous arestés ichi pour noient; la contesse et ses gens s'en vont viers Brest.»

Qant messires Lois d'Espagne oï ces nouvelles, si dist: «Apriès! apriès!» Lors veissiés toutes gens desrouter et ferir à l'esporon apriès la contesse. Ce jour furent li François bien ensonniiet, car li auqun entendoient au cachier, et li aultre à estaindre le feu qui 362 se mouteplioit ens ès logeis, qui lor fist grant damage de lors chevaus, de lors harnas et de lors pourveances. Meismement li auqun François disoient l'un à l'autre: «Veés la vaillant contesse, et qui bien scet guerriier et a fait aujourd'ui une grande emprise, issu de la ville de Hainbon, ars nostres logeis, fait cesser l'asaut de devant Hainbon; et encores s'en va elle à Brest, et tout acomplira ces emprises sans son damage.» Il disoient verité, car onques mesires Lois d'Espagne ne sa route ne le peurent rataindre; mais s'en vint bouter ou chastiel de Brest. Il i eut bien auquns de ses honmes mal montés qui furent raconsievi sus le cemin, et chil là demorèrent prisonnier et en la volenté de lors ennemis.

Trop fu mesires Lois d'Espagne courouchiés qant il vei que la contesse de Montfort li estoit escapée et entrée ou chastiel de Brest. Si s'en retourna tout le pas. Tant estoient lor ceval essouflé que jusques à la grose alainne. Et vinrent li François as logeis et trouvèrent que on estoit moult ensonniiet de remetre à point tentes et trefs, et de faire nouviaus logeis de fuellies, et de envoiier as pourveances à Rennes et sur le plat pais, car les lors estoient moult adamagies. Messires Lois d'Espagne, qant il fu descendus et desarmés, il se traist devant la tente de mesire Carle de Blois. Et là estoient li contes de Blois, li dus de Bourbon, li contes de Pontieu, li contes d'Eu, connestables de France, et li sires de Chastellon; et ne se pooient taire à parler de ceste contesse de Montfort, de la hardie et outrageuse emprise que elle avoit fait. Et qant messires Lois d'Espagne fu venus, encores li demandèrent il de la cace et conment elle li estoit escapée. Il respondi bien: «Elle s'est sauvée, et ses gens aussi, et bouté dedens le chastiel de Brest.»—«Or bien, respondirent il, puisque elle est là, elle s'i tenra; et de tant est la garnison de Hainbon afoiblie de force et de consel, car elle en a mené avoecques li biaucop de bonnes gens.» Ensi se apaisièrent il en l'oost et passèrent la nuit. Et avoient esté le jour lassé et travilliet, tant pour le assaut qui fu grans, que de la cace que il avoient fait apriès la contesse, que de ce que il avoient esté trop destourbé des logeis auquns que on lor avoit ars; et ne se doubtoient de nului, car il sentoient la contesse à Brest, si ques sus la fiance de ce il dormirent la nuit et la matinée plus longement. Fo 80.

P. 144, l. 12: tout cil de l'ost.—Ms. B 6: excepté les garçons qui gardoient les chevaus. Fo 201.

363 P. 144, l. 16: trois cens.—Ms. B 6: cent. Fo 144.

P. 144, l. 21: arses.—Ms. B 6: car bien le tiers de leur trés et pavillons fust tout ars. Fo 201.

P. 145, l. 4: à trois liewes priès de là.—Mss. A 11 à 14: à quatre lieues près de là. Fo 87.—Mss. A 1 à 7, 18 à 33: qui siet assez près de là. Fo 90.

P. 145, l. 24: quisençon.—Mss. A 1 à 6, 15 à 19: cuisanson, cuisançon. Fo 90 vo.—Mss. A 11 à 14, 20 à 33: mesaise, malaise. Fo 87.

§ 167. P. 145, l. 28: A l'endemain.—Ms. d'Amiens: Quant ce vint à l'endemain, li seigneur de France, qui avoient perdut lors tentez et lors pourveanchez, eurent consseil que il se logeroient de arbres et de foeillies plus priès de le ville, et qu'il se maintenroient plus sagement. Si se allèrent logier à grant painne plus priès de le ville, et disoient en gabois à chiaux de le fortrèche: «Alés, seigneurs, allés requerre vostre comtesse. Certez, elle est perdue, vous ne le trouverés en pièche.» Quant chil de Hainbon, gens d'armes et autrez, oïrent tels parollez, il furent esbahit et eurent grant paour que grans encombriers ne fust avenus à la damme. Si ne savoient que croire, pour tant que elle point ne revenoit, ne n'en ooient nulles nouvelles. Si demourèrent en tel paour et en tel esmay de leur damme par l'espasse de cinq jours.

Or vous diray de la comtesse de Montfort quelle cose elle fist. Se elle avoit fait une felle emprise, encorres, ce me samble, fist elle ossi perilleuse. Et sachiéz que là où elle estoit ens ou castiel de Braait, elle n'estoit point à se aise, pour tant que elle penssoit bien que ses gens de Hainbon ne savoient point que elle estoit devenue. Si s'avisa que elle metteroit tout pour tout et que, se elle estoit yssue d'un peril, encorres ysteroit elle dou second. Si se pourcacha tant que elle ot bien cinq cens compaignons armés et bien montés; puis se parti de Braait entour le mienuit, et s'en vint droit au point que li sollaux se liève, à chevauchant, à l'un de(s) costé(s) de l'ost. Et envoya devant à Hainbon et fist ouvrir le porte, et entra ens à grant joie et à grant son de trompes et de naquairez et de cornemuses: de quoy li hos des Franchois fu durement estourmis. Si se fissent tout armer et coururent par deviers le ville pour assaillir, et chil de dedens as fenestres pour le deffendre. Là commencha grans assaux et fors, qui dura jusques 364 à haulte nonne; mès toudis y mettoient plus chil de dehors que cil de dedens.

Environ l'eure de nonne, li seigneur fissent cesser d'assaillir, car leurs gens se faisoient tuer et navrer sans raison; si se retraisent à lors logez. Et eurent, quant tout furent retret, li seigneur consseil que messires Carlez de Blois, li dus de Bourbon, messires Jaquemes de Bourbon, li comtez Loeis de Blois, li comtez d'Auçoire, li comtes Raoulz d'Eu, li comtes de Ghines, sez filz, li marescaus de France, messires Robers Bertrans, messires Carlez de Montmorensi, messires Ghuis de Cantemarle, li sires d'Avaugor et grant fuison d'autres seigneurs et leurs gens yroient devant (le) chastiel d'Auroy, que li roys Artus fist fonder. Et messires Loeis d'Espaingne, li viscomtez de Rohem, li sires d'Ansenis, li sires de Tournemine, li comtes de Joni, li sires de Rais, li sires de Rieus, li sires de Gargoule, messires li Ghalois de le Baume, messires Othes Doriie, messires Carlez Grimaus et tous li remannans dez Geneuois et d'Espagnols demorroient devant Hainbon; et manderoient douze grans enghiens qu'il avoient laissiet à Rennez, pour jetter à le ville et au castiel de Hainbon; car il veoient bien qu'il ne le poroient gaegnier, ne pourfiter à l'assaillir. Si ques il fissent deux hos: s'en en demora li une devant Hainbon, et li autre en alla assegier le castiel d'Auroy qui est moult fors; et bien pourveus estoit adonc de gens d'armes et de touttez pourveanchez. Et l'avoit la sepmainne (devant) la comtesse de Montfort rafreschi de gens d'armez et envoiiet deux vaillans chevaliers, en qui mout se fioit, pour gardiien et cappittainne dou dit fort: c'estoit messires Henris de Pennefort et messires Oliviers, ses frèrez. Fo 67.

Ms. de Rome: Se la contesse de Montfort avoit fait, ce jour que elle issi hors de Hainbon, une hardie emprise, et que elle vint en Brest, encores fist elle parellement une aultre moult aventureuse. Et li signeur de France ne furent pas bien consellié qant il sentoient que elle estoit hors, et il ne missent enbusques sur li, dont depuis il s'en repentirent. Je vous dirai cause pourquoi. Qant la contesse fu venue en Brest, elle et ses gens mengièrent et burent moult legierement, et dormirent environ trois heures. Et qant il se furent rafresqi euls et lors chevaus, la contesse les fist resvillier et apparillier et armer, et prist encores jusques à cent compagnons de ceuls de Brest, et fist là laissier tous les foibles cevaus et renouveller d'aultres. Et partirent de Brest, la contesse 365 tout devant, sus le point de mienuit; et chevauchièrent les bons galos le cemin de Hainbon. Et disoit ensi la contesse en cevauchant: «Ma bonne gent de Hainbon sont, je le sçai bien, à grant malaise de moi. Il fault que je les reconforte et que nous rentrons en la ville, et je vous aprenderai conment. Quant nous deverons aprochier la ville et l'oost, li une part des nostres iront estourmir et resvillier l'oost, et li aultre s'adrecera droit à Hainbon et fera ouvrir les bailles, avaler le pont et ouvrir la porte. Et sitos que li hoos se conmencera à estourmir, il se retrairont tout bellement, et nous les atenderons devant les barrières; et ensi petit à petit il renteront, et nous aussi, dedens Hainbon.»

Ensi que la contesse de Montfort ordonna, il fu fait. Qant il orent cevauchiet depuis que il se furent departi de Brest, il vinrent droit sus le point dou jour assés priès de l'oost et de Hainbon. Il ordonnèrent messire Guillaume de Qadudal et mesire Ivon de Tigri, à deus cens honmes, aler escarmuchier et resvillier l'oost; et la contesse et le demorant venroient, entrues que on ensonnieroit les François, as bailles, et les feroient ouvrir. Lors s'en vinrent li doi chevalier et lor route sus l'oost; et entrues la contesse et li aultre prissent un viés chemin herbu, qui s'adreçoit droit sus les fossés. Ces deus coses furent faites tout à une fois. Li hoos resvillie à l'un des corons, et entrues que li estourmie se conmença à eslever, chil de d'ens orent congnisance que lor dame estoit à la porte, car celle nuit tout chil de Hainbon velloient et estoient trop esbahi et desconforté de lor dame la contesse. Qant il entendirent que elle estoit si priès de euls, si furent resjoi grandement, et avalèrent le pont et ouvrirent la porte et puis les barrières. Tout descendirent et missent lors chevaus dedens la ville, et puis s'ordonnèrent en atendant lors gens qui revenoient et qui avoient estourmi l'oost; et ne furent adonc de nului poursievi, et rentrèrent tout dedens la ville et le chastiel de Hainbon. Qant ce vint au matin, li François orent bien congnissance que la contesse de Montfort estoit retournée; si tinrent son fait et son emprise à très grant vaillance. Et dissent li signeur entre euls que li diables portoient celle contesse. Fo 80 vo.

P. 146, l. 14: se parti.—Ms. B 6: au tierch jour. Fo 202.

P. 146, l. 17: entra.—Ms. B 6: à plainne nonne. Fo 202.

P. 147, l. 11: ala.—Ms. B 6: Sy se departirent à tout deux mille homes à cheval et quatre mille à piet, geneuois et autres; et s'en vinrent devant le chastiel d'Auroy et le assegèrent. Fo 202.

366

§ 168. P. 147, l. 15: le chastiel d'Auroy.—Ms. d'Amiens: Quant messires Carlez de Blois parfu venus à toutte se host, il le assiega (le chastiel d'Auroy) tout environ, et fist envoiier dire à chiaux de dedens que il se voisissent rendre, et il leur pardonroit son mautalent; et feroit à chiaux de Pennefort otel pourfit, tous les ans, qu'il avoient de par la comtesse, ou plus grant, et lez retenroit de son consseil. Il n'eurent mies accord ne volenté dou faire; et respondirent qu'il estoient trop fort loiiet et acouvenenchiet à leur seigneur que on tenoit en prison, ossi à leur damme, et que il se travilloient en vain, qui de nul traitiet leur parloi(en)t. Dont dist messires Carlez de Blois que jammais de là ne partiroit si lez aroit à sa vollenté, et fist le castiel fortement assaillir par pluiseurs fois. Mès peu y gaegnièrent li assallant, car cil dou castiel estoient bien trois cens compaignons tous armés, et si avoient bonne cappittainne dont il valloient le mieux; et quoyque cil d'Auroy se deffendesissent si bien, si estoient il souvent assaillit et escarmuchiet.

A quattre lieuwes priès d'Auroy, siet la bonne cité de Vennez qui se tenoit fortement à le comtesse; et en estoit messires Joffroy de Malatrait cappittainne, gentil homme et vaillant durement. D'autre part siet la bonne ville de Dinant en Bretaingne, qui n'estoit fremée fors de fossés et de palis. Si en estoit cappitainne de par le comtesse de Montfort uns durement vaillant homs, que on clammoit le castelain de Ghinghant; mès il estoit assis adonc dedens Hainbon avoecq la dessus ditte comtesse. Si avoit laissiet à Dinant, son hostel, medamme sa femme et ses fillez, et avoit laissiet cappittainne en lieu de lui monseigneur Renault, son fil, vaillant baceler et hardi homme durement.

Entre ces deux bonnes villez de Vennes et (de) Dinant, seoit uns très fors castiaux qui se tenoit à monseigneur Carle de Blois. Et nomme hom le dit castiau le Rocheperiot, très fort lieu durement; ne oncques li comtez de Montfort ne le peut prendre par assault, ne par traitiet. Et l'avoit li dis messires Carlez (de Blois) fait bien garnir de gens d'armes et de saudoiiers, qui tout estoient bourghignon. Si en estoit souverains d'iaux ungs vaillans escuiers et assés jonez, que on clammoit Gerart de Malain; et avoit avoecq lui ung hardi et bon chevalier, que on clammoit messire Pière Portebuef. Chil doi cappittainne de Rocheperiot avoecq leurs compaignons honnissoient et gastoient tout le pays de là entours; et destraindoient si ouniement la chité de Vennes et la 367 bonne ville de Dynant, que nulle pourveance ne marchandise ne pooit entrer ne venir, fors que en grant peril sus grant aventure. Car il chevauchoient ung jour par deviers Vennes, l'autre jour par deviers Dinant; et estoient si cremut et si redoubtet ou pays, que là environ on ne parloit d'autre garnison fors que de Rocheperiot. Tant allèrent et tant chevaucièrent de l'un à l'autre, que li jones bachelers messire Renaux de Ghinghant fist ung soir embusche sur yaux. Et par une matinée, enssi que il avoient chevauchiet deviers Dinant, et avoient rués jus bien vingt quatre marcheans et les enmenoient prisonniers en leur fortrèce, messires Renaulz leur vint sus elle à toutte sen enbusche et se feri en yaux vassaument; et se porta si bien et chil qui avoecq lui estoient à ce donc, que il desconfissent messire Pière Portebuef et Gerart de Malain et tous les Bourghignons qui avoecq lui estoient, et rescouissent lez marcheans et enmenèrent les deus cappittainnes prisonniers et bien vingt cinq des leurs en le ville de Dinant en Bretaingne, où il furent recheu à grant feste. Ceste nouvelle resjoy moult chiaux de Vennez et dou pais environ, et en fu li dammoisiaux messires Renaus durement prisiéz. Or lairay à parler de ciaus de Dinant, de Vennez et de Rocheperiot. Si parleray dou siège de Hainbon et de monseigneur Loeis d'Espaingne, ossi de la comtesse de Montfort.

Vous devés savoir que messires Loeys d'Espaingne, qui souverains estoit de l'host qui se tenoit devant le ville et le castiel de Hainbon, mettoit grant advis et parfaite entente à conquère la garnison dessus ditte; et de soy meysmes il estoit bons chevaliers, hardis, seurs et entreprendans; et pour ce l'avoit monseigneur Carle de Blois fait connestable de toutte sen host, et y ajoustoit grant foy, et y tenoit bon linage. Si avoit li dis messires Loeys d'Espaigne fait amener et acariier douze grans enghiens de le cité de Rennez et fais drechier devant Hainbon, liquel jettoient si ouniement as murs de le ville que tous lez debrisoient et deffroissoient et moult empiroient la fremmeté: si que cil de dedens s'en coummenchoient à esbahir et à doubter le peril où il sejournoient. Si avoient vollenté de faire acord, car il ne veoient nul secours venir, ne de monseigneur Amauri de Clichon n'entendoient nullez nouvellez. Dont il avint que li evesquez messires Guis de Lion, qui estoit onclez à monseigneur Hervi de Lion, parla ung jour au dit monseigneur Hervy, son nepveult, par asseuration; et moult longement parlementèrent enssamble d'une raison et d'autrez. Et 368 se porta leurs parlemens que li dis evesquez devoit pourcachier à ses compaignons que le ville de Hainbon seroit rendue par accord à monseigneur Loeis d'Espaingne el nom de monseigneur Carlon de Blois; et li dis messires Hervis devoit pourcachier, d'autre part, que tout chil de dedens seroient appaisiés quittez et lieges au dit monseigneur Carlon, et ne perderoient riens de leur avoir. Enssi se parti chilz parlemens. Depuis, li evesques Guis de Lion rentra en le ville de Hainbon pour parler as autres chevaliers et compaignons.

La comtesse se doubta tantost de mauvais pourcach; si pria à ces seigneurs de Bretaingne que pour Dieu il ne fesissent nulle deffaulte, car elle avoit esperance en Nostre Seigneur que elle aroit grans secours dedens troix jours. Li chevalier, qui là estoient, avoient pité de la damme. A envis le falloient, et dur ossi leur estoit de perdre cors et avoir. Nonpourquant il disent adonc ensi à la comtesse pour elle reconforter, que elle ne se doubtast de riens, car jà ne feroient nul tretiet que elle ne sewist bien; et se au fort il se rendoient, se le metteroient il hors et son fil, en quelle fortrèche de Bretaigne que elle vorroit, qui pour lui se tenoit, ou il l'acorderoient de tous poins à monseigneur Carlon de Blois. Enssi se rappaisa ung peu la comtesse. Mès depuis li evesques, en le absence de lui, parla as compaignons et as seigneurs, et leur moustra tant de raisons que il lez mist en grant effroy celle nuit. A l'endemain encorrez recoummencha il son sermon as chevaliers de Bretaingne; et les avoit jà telz menés que il estoient auques prièz de son accord. Et regardoient coumment entre yaux et par honneur il se pooient acquitter de la comtesse, à qui il avoient juret feaulté; car se elle n'ewist là estet adonc avoecq yaus, sans faulte il ewissent rendut le ville.

Entroex, comme il estoient en ce traitiet et en ce pourcach, et jà estoit messires Hervis de Lion, sus asseuranche que il avoient li ung à l'autre, venus assés priès de le ville pour parlementer à yaux, la comtesse, qui estoit en grant soussi de coer, estoit montée ou plus hault d'une tour dou castiel et regardoit en le mer par une petite fenestre. Si commença à criier et à faire grant joie, et disoit tant qu'elle pooit: «Je voy venir secours, biaux Dieux! que j'ay tant desiret.» Par deus fois le dist elle enssi. La vois de la damme fu entendue: si courut chacuns dou castiel as fenestres, qui mieux pot, savoir que c'estoit, et chil de le ville as creniaux des murs, pour veoir de quel part ces nouvellez venoient; 369 et virent tout clerement grant fuison de naves, petitez et grandez, bien batilliez, venir par deviers Hainbon, dont chacuns fu durement reconfortéz. Car bien tenoient que c'estoit messires Amauris de Clichon qui amenoit che secours d'Engleterre, dont vous avés chy dessus oy parler, qui par soixante jours avoit eu vent contraire et fortune très perilleuse. Fos 67 vo et 68.

Ms. de Rome: Qant messires Carles de Blois vei que riens il ne conqueroient à asallir Hainbon, si en fu tous merancolieus. Et furent li signeur ensamble en consel conment il se maintenroient. Consilliet fu que il departiroient lor hoost en deus parties: li une des pars demor(r)oit devant Hainbon; et li aultre, en la compagnie de mesire Carle, iroient metre le siège devant Auroi. Si se departirent en la route et compagnie de mesire Carle tout chil qui nonmet i furent, et vinrent devant Auroi et l'asegièrent. Mais li chastiaus est fors, et ne fait pas à prendre par assaut; et pour lors il estoit bien pourveus de chapitainne et de bons compagnons que la contesse i avoit envoiiés, liquel n'avoient nulle volenté de rendre par trettié ne aultrement.

A quatre lieues de là sciet la chité de Vennes, qui est forte assés, et toute en l'obeissance de la contesse. Et en estoit pour lors chapitainne, messires Jeffrois de Malatrait; et li sires de Malatrait, ses cousins, estoit en la route de mesire Carle de Blois.

D'autre part sciet la vile de Dignant en Bretagne, qui pour lors n'estoit fremée que de fossés et de palis; et en estoit chapitainne li chastelains de Ghinghant, mais pour lors il n'i estoit point. Avant se tenoit en la garnison de Hainbon avoecques la contesse de Montfort, mais il avoit sa fenme et ses filles en son hostel laissiet en la ville de Dignant; et avoit un fil à chevalier que on nonmoit mesire Renault, et estoit de sa jonèce moult vaillans homs. Entre ces deus villes de Vennes et de Dignant a un fort chastiel, lequel on nonme Roceperiot; et se tenoit pour lors à mesire Carles de Blois, liquels l'avoit pourveu de bons compagnons bourgignons. Et en estoit chapitains uns esquiers de Bourgongne que on clamoit Gerart de Malain, et avoit avoecques lui un chevalier que on nonmoit messire Pière Portebuef. Chils Gerars de Malain et li chevaliers avoecques lors compagnons honnisoient tous le pais, et chevauçoient priesque tous les jours une heure à destre, l'autre à senestre. Et ne pooient pour euls 370 pourveances nulles entrer ne venir à Vennes ne à Dignant, que chil qui les menoient ne fuissent rués jus, et les pourveances conquises. Dont moult en anoioit au jone chevalier mesire Renault de Ghingant; et li tournoit, ce li estoit vis, à grant blame, pour tant que il avoit la carge de la garde de la ville de Dignant. Et tant pensa sus que il i pourvei et prist un jour, par une enbusque que il pourjeta sus les camps, le dit Gerart de Malain et vingt cincq Bourghignons, et les enmena prisonniers en la ville de Dignant, et rescoui quinze marceans que li Bourgignon enmenoient prisonniers en la Roceperiot. Et de ce fait fu li dis messire Renauls moult loés et moult prisiés.

Je me tairai un petit de ces Bourgignons et de mesire Carle de Blois qui avoit assegiet le chastiel d'Auroi, et parlerai de mesire Lois d'Espagne et de ses gens, liquel avoient assis, ensi que vous savés, la contesse de Montfort dedens Hainbon. Et avoient li François fait carpenter et ouvrer grans enghiens, et fait venir aultres enghiens de Rennes et de Nantes et drechiet devant la ville de Hainbon, liquel continuelment jettoient contre les murs, les tours et les portes, pières de faix, et travilloient durement ceuls de Hainbon. De quoi chil qui dedens estoient, li auqun se conmenchièrent à esmaiier, car seqours ne lor aparoit de nul costé. Dont la contesse de Montfort estoit en grande angousse de coer, et menoit ses gens de douces paroles, et lor prioit pour Dieu que il ne fesissent nul trettié senestre, car disoit la contesse: «Bonnes gens et mi bon ami, li corages me dist que nous auerons proçainnement bonnes nouvelles d'Engleterre; et retourne messires Amauris de Cliçon, qui amainne le secours que nous desirons tant à avoir et à veoir.»

Nonobstant toutes ces douces paroles et amiables que la contesse lor disoit et remoustroit, li evesques de Lion en Bretagne, qui se nonmoit messires Guis, et qui estoit oncles à mesire Hervi de Lion liquels estoit au siège là devant Hainbon, parla un jour sus asegurances à son neveu. Et se portèrent lors tretiés que ils et auquns chevaliers et esquiers qui là dedens estoient enclos, se departiroient de la contesse, et se venroient rendre à mesire Lois d'Espagne qui representoit pour lors le corps à mesire Carle de Blois.

La contesse, qui vivoit en grant angousse de coer et double anoi, qant elle senti que ses gens qui loiaument l'avoient servi jusques à chi, voloient faire auquns mauvais trettiés à ses ennemis [407].... 371 et issi hors de son chastiel, et vint en la ville parler à euls, et lor pria en plorant que il ne vosissent avoir nul pactis as François. Li auqun en orent pité et dissent: «Dame, ce que nous l'avons, c'est pour ce que nous faisons doubte que vous n'aiiés nul seqours d'Engleterre, ou que il ne soit mesceu à mesire Amauri de Cliçon, par quoi il n'a point fait vostre mesage, car il sourviennent sus la mer trop de perils et de fortunes. Et quel traittié que nous faisons ne ferons, nous vous jurons que vous serés gardée de vostre corps, et demorrés chi en ce chastiel ou ailleurs en plus forte place, là où il vous plaira, et au sourplus nous vous donnons pourveance chienq jours. Là en dedens pueent avenir moult de coses.»—«Vous dites verité, respondi la contesse, et grant merchis.» Donc retourna elle amont ens ou chastiel, moult angousouse de coer, et bien i avoit raison.

Avint que, au tierch jour apriès que ces paroles orent esté, la contesse estoit levée moult matin. Si regarda en la mer un petit apriès solel levant, et vei flamboiier grant fuisson de voilles en nefs, et c'estoit la navie d'Engleterre qui venoit. Et plus atendoit la contese, et plus aproçoient ces nefs et ces balenghiers; et qant elle vei ce et ces banières et ces estramières flamboiier et venteler, de joie elle se laissa ceoir. Ses gens qui estoient dalés li, le relevèrent. Et qant elle parla, elle dist: «Or tos descendés en la ville; nonchiés ces nouvelles à ces chevaliers. Vechi le secours d'Engleterre qui nous vient.» Tantos on fist le conmandement de la contesse. Fos 79 vo à 81.

P. 147, l. 30 et 31: D'autre part.—Mss. A 30 à 33: D'autre part siet la bonne ville de Guignant en Bretaigne, dont le chastelain de Dignant estoit gardien. Fo 153 vo.—Mss. A 23 à 29: D'aultre part siet la bonne ville de Dignant en Bretaigne, dont le sire de Dignant estoit chastelain et gardien. Fo 106.

P. 148, l. 9 et 10: chastiaus.—Ms. B 6: que on apelle la Rochepierot. Fo 203.

P. 148, l. 14: de Malain.—Ms. B 6: et avoit en sa compaignie soixante compaignons. Fo 203.

P. 148, l. 15: chevalier.—Ms. B. 6: de Prouvenche. Fo 203.

P. 148, l. 18: Vennes.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22: Rennes. Fo 91.

372 P. 148, l. 25: Renaulz de Gingant.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: les prist à un embuschement et les conquist tous par son sens et par sa prouesse, lui vingt cinquième de coureurs compaignons, et rescouy quinze marchans à tout leur avoir qu'ilz avoient pris et les emmenoient tous à Dignant et par devers leurs garnisons qui se tenoient à Rocheperion. Fo 91.

P. 149, l. 2: grant joie.—Ms. B. 6: Sy demoura messire Pierre Portebuef castelain de Rocheperoit. Fo 204.

P. 150, l. 12: secours.—Ms. B 6: Le roy (d'Engleterre) qui ne veult pas oublier la contesse (de Montfort), y envoia mesire Gautier à tout trois cens lanches et six cens archiés. Mais il eurent sur mer trop grant fortune, par quoy il y furent plus de quarante jours. Cils secours vint trop grandement à point à la contesse, car ses gens estoient en vollenté de eulx rendre aux Franchois, et en avoit porté le traitiet messire Hervy de Lion, et se fussent rendus dedens trois jours. Ensy estoit yl acordés quant mesire Gautie(r) de Maury vint et en sa compaignie mille combatans, entrer à plaine voille ou havre de Hainbon. Fo 204.

§ 169. P. 150, l. 23: Quant li chastellains.—Ms. d'Amiens: Quant li castelains de Ghinghant, messire Yves de Tigueri, messires Gallerans de Landreniaux, li doy frère de Quirich et li autre chevalier et compaignon perchurent che secours venir, il disent à l'evesque qu'il pooit bien contremander son parlement; car point n'estoient conssilliet de faire chou qu'il leur enhortoit. Li evesques de ceste responsce fu durement courouchiés et dist: «Seigneur, dont se partira nostre compaignie, car vous demourés dechà par deviers madamme; et je m'en yrai par delà deviers celui qui plus grant droit i a, ce me samble, qu'elle n'ait.» Adonc se parti li evesques Guis, de Hainbon, et deffia le damme et tous ses aidans; et s'en alla renonchier au dit monseigneur Hervi et dist la besoingne, enssi comme elle alloit. Li dis messires Hervis fu durement courouchiéz de ce qu'il avoit fallit à son propos. Si fist tantost drechier le plus grant enghien qu'il avoit, au plus priès dou castiel qu'il pot; et coummanda que on ne cessast de getter par jour, ne par nuit, puis se parti de là. Si enmena son oncle le dit evesque de Lion par deviers monseigneur Loeis d'Espaigne, qui le rechupt à bon gret et liement. Ossi fist messires Carlez de Blois, quant il fu là venus.

La comtesse de Montfort fist à lie chière appareillier salles, cambres 373 et hostelz pour herbregier aisiement ces seigneurs d'Engleterre qui là venoient, et envoya contre yaux moult noblement. Quant il furent venut et descendut, elle meysmez vint contre yaux à grant reverence. Et se elle lez festia et requeilla liement et grandement, ce ne fait point à demander, car leur venue li estoit moult belle, pour tant que li chevalier de Bretaingne, qui avoecq lui se tenoient, se fuissent tournet d'autre part. Et ossi ewist fait la ville: il estoit jà tout ordonnet, si ques je di que ce fu pour elle une belle aventure, et qui li vint bien à point. La comtesse de Montfort, pour mieux festiier et plus aisiement les chevaliers d'Engleterre qui là estoient venut, monseigneur Ghautier de Mauni et les aultrez, les enmena ou castiel et leur delivra cambres et officines, tant que leur hostel en le ville furent tout bien ordounnet, et leur donna à disner grandement et bellement.

Or avint que moult tost apriès disner, messires Gautier de Mauny dist que il avoit grant vollenté d'aller veoir ce grant enghien, qui si priès estoit assis dou castiel; et demanda as chevaliers bretons qui là estoient aucuns couvenans de chiaux de l'ost, et il en respondirent ce qu'il en savoient. Adonc leur demanda messires Gautiers de Mauni se il le sieuroient, car il le volloit aller abattre; et il li dissent: «Oil, vollentiers,» et que on ne le devoit mies fallir à ceste premierre envaie. Si s'armèrent li chevalier et li escuier sans point d'arrest, messires Gautiers de Mauni, messire Franck de Halle, messires Gerars de Baudresen, li doy frère de Lindehalle, li Haze de Braibant, li sires Despensiers, messires Jehans li Boutilliers, messires Hues de Hastinghes, messires Jehans de Lille, li sirez de Ferrièrez, messires Olivier de Cliffort, messire Thummas Kok, messires Pièrez de Baucestre, messires Alains de Sirehonde et li chevalier et li escuier d'Engleterre. Et ossi fissent li chevalier de Bretaingne, messires Amauris de Clichon, messires Yeves de Tigueri, li castellains de Ginghant, li sirez de Landreniaus et tout li autre. Nuls ne demoura derière, fors que pour le ville garder et yaux attendre. Et fissent tant seullement aller avoecq yaux trois cens archers, puis yssirent hors ordonneement par le porte, et fissent passer devant les archers tout en trayant. Tant trayèrent li archer qu'i(l) missent en voiez chiaux qui l'enghien gardoient. Et les gens d'armes qui venoient apriès ces archers en ocissent aucuns, et vinrent jusquez à che grant enghien, et coppèrent la flèce et l'abatirent par terre, 374 et puis le detaillièrent tout par pièches; puis coururent de randon jusquez as tentes et loges, et boutèrent le feu dedens. Si y fissent ung grant escart, et tuèrent pluiseurs de leurs ennemis, ainschois que li hos fuist estourmis; et puis se retraissent bellement arrière. Et leur sambla qu'il en avoient assés fait pour ce jour: si s'en revinrent deviers le ville.

Quant li hos fu estourmis et chacuns arméz et montéz à cheval, messires Loeys d'Espaigne, li viscomtez de Rohem, messires Hervis de Lion, li sirez de Biaumanoir, li sirez de Tournemine, li sirez d'Ansenis, li sirez de Rays, li sires de Rieus, li Gallois de le Baume (vinrent accourant) et chacuns qui mieux mieux apprès et en criant: «Enssi n'en irés vous mie.» Quant messires Gautiers de Mauni se vit si fort poursuiwis et encachiés de ses ennemis, si en ot grant virgoingne et dist tout en hault: «Jammais ne soie jou salluéz de ma chière amie, se jammais rentre en forterèche jusqu'à donc que j'aray l'un de ces venans versset à terre, ou j'y seray versséz.» Adonc se retourna li chevaliers, le glaive ou poing, par deviers les ennemis. Ossi fissent li doy frère de Linedale, messires Francq de Halle, li Haze de Braibant, messires Yves de Tigueri, li sires de Landreniaus et pluiseurs autres, qui ne vorent mies fallir leur cappitainne. Là eult ung très dur encontre, car chacun de ces chevaliers franchois et englèz de leurs glaivez assisent li ungs sur l'autre. Si en y eut des pluisseurs reverset par terre, de l'un costet et de l'autre. Apriès les glaives falliez, il sachièrent les espées et se combatirent vaillamment et radement, et en y eut pluisseurs mors et navréz. Touttez foix, chil de l'host estoient plus grant fuisson que chil de d'ens ne fuissent. Si retournèrent li Englèz sagement deviers le fortrèche. Devant lez baillez y eut bonne escarmuche, mainte belle appertise d'armes faite, mainte prise et mainte rescousse. Si rentrèrent chil de d'ens en leur fort à petit de dammaige. Et li Franchois retournèrent à leurs logeis, tout courouchiet de leur enghien qui estoit abatus, et si ne le pooient amender. Ensi se porta ceste premierre besoingne. Fo 68.

Ms. de Rome: Qant li chevalier furent enfourmé de ces nouvelles, il montèrent amont et veirent tout clerement que c'estoit verité, et que bien avoit siis vint voilles en la compagnie. La gette dou chastiel d'amont conmença de la trompète à mener noise et grant solas, et tant que chil de l'oost s'en perchurent. Li chevalier et li esquier, qui en tretié estoient deviers les François, 375 dissent à l'evesque Gui de Lion: «Sire, vous avés mené les trettiés et les paroles à ceuls qui nous ont asegiés. Confors nous vient d'Engleterre, et nous avons nos fois et nos sieremens enviers madame; se li tenrons. Regardés quel cose vous volés faire, car il est heure que vous i renonchiés, ou que vous i faites renoncier.» Li evesques s'estoit si fort loiiés par les paroles de son cousin, mesire Hervi de Lion, enviers les François que il ne pooit requler, ne ne voloit aussi; si dist: «Signeur, je ne irai point parler à euls sans vous, car ce que j'en ai fait, vous estes tous participant; et de vous viennent otant bien li trettié que il font de moi.»—«Mesire Gui, respondirent li chevalier, vous dites verité. Mais quoi que fait en a esté, encores i poons nous bien renonchier. Et de chi endroit nous i renonçons, et nous volons tenir dalés madame qui tant de biens nous a fais et fera encores. Et sa querelle est grandement embellie, puis que li seqours d'Engleterre li sera venus.»

Qant li evesques de Lion les vei en celle volenté, il ne dist pas tout ce que il pensoit, quoi que ce fust li plus grans de euls tous et li mieuls enlinagiés; car il se doubtoit, puis que li secours d'Engleterre venoit à la dame, que de fait elle ne le fesist detenir et metre en prison. Si parla au plus courtoisement conme il pot, tant que il fu hors de la ville. Et qant il fu venus as logeis des François et il ot parlé à mesire Lois d'Espagne et à son cousin, et il se fu rendus, et il ot dit que il voloit estre de lor opinion, et que trop longement avoit esté rebelles et maconsilliés, et que plus ne le voloit estre, il prist un hiraut et l'endica et enfourma; et l'envoia dedens Hainbon parler à la contesse de Montfort, et li renvoia son honmage, et le deffia de ce jour en avant. A l'eure que li hiraus vint, la contesse estoit avallée jus dou chastiel en la ville, pour ordonner les logeis de ces signeurs chevaliers d'Engleterre, qui jà estoient entré ou havene de Hainbon. Si estoit si resjoie que elle ne fist compte des deffiances messire Gui, et dist que elle avoit gens assés sans li. Or retourna li hiraus en l'oost, qant il ot fait son mesage. Et la contesse et si chevalier demorèrent, et furent tant sus le havene que les nefs prisent terre. Et issi hors tout premierement messires Amauris de Cliçon. La dame qui le connisoit, le ala enbrachier et baisier moult doucement, et li dist: «Ha! Amauri, que vous avés tout demoret, et que je vous ai tout desiré!»—«Madame, respondi li chevaliers, je ne l'ai peut amender. Ç'a esté en partie par les fortunes de la mer, 376 car nous deuissions chi avoir esté, passet sont trois sepmainnes. Li rois d'Engleterre vous salue et vous envoie à ce premier trois cens honmes d'armes et deus mille archiers.»—«Donc, dist la dame, il soient li bien venu, et nous en avons grant joie.» Donc issirent li chevalier, messires Gautiers de Mauni tous premiers, qui pooit estre en l'eage de trente sis ans, biaus chevaliers et vremauls et douls et plaisans à regarder, de tous menbres bien façonnés. Messire Amauris de Cliçon li dist: «Dame, vechi le capitainne, et est nonmés ensi, et uns chevaliers où li rois d'Engleterre et li signeur de son consel ont grant fiance.» Adonc se traist la dame à mesire Gautier et l'enbraça moult doucement et le baisa, et puis apriès tous les aultres. Et qant elle ot alé tout autour et fait celle requelloite, elle les enmena amont ou chastiel, pour euls aisier et rafresqir, tant que lors gens fuissent tout issu et apparilliet lors besongnes; et fist casqun chevalier logier assés aisiement et restraindre ses honmes. Et dignèrent tout li chevalier avoecques la dame.

Messires Lois d'Espagne et li viscontes de Rohem et messires Hervis de Lion sceurent tantos que secours d'Engleterre estoit venus à la contesse, car li evesques de Lion lor dist; et aussi fissent aultres honmes bretons, qui estoient alé sus le havene et veu la navie entrer. Si en furent tout pensieu; nequedent il ne vorent pas brisier lor siège pour cela, mais fissent les enghiens cargier qui avoient sejourné trois jours, et jetter pières de faix en la ville, tant que li Englois, qui point n'avoient encores apris tels coses, en furent ensi que tout effreé. Messires Gautiers de Mauni, qant ce vint apriès disner, et ils et si compagnon furent rafresqi, il traist à part mesire Ivon de Tigri et mesire Guillaume de Qadudal et le chastellain de Ghinghant; et lor demanda de l'estat de la ville et de la poissance de ceuls de l'oost, et se mesires Carles de Blois estoit en personne au siège. A toutes ces coses respondirent li chevalier, et dissent que messires Carles de Blois n'estoit point presens, mais tenoit son siège devant Auroi. Tant que de l'estat de la ville, estans là le siège qui moult les avoit constrains, elle estoit bien pourveue, car li vivre qui lor venoient par mer les confortoi(en)t grandement; et estoient là dedens bien cinq cens combatans. «Donc, dist messires Gautiers de Mauni, je voel, jà sus l'eure dou souper, aler veoir ce grant enghien. Faites apparillier vos gens, et je auerai tous prês les nostres, et nous meterons en painne de l'abatre et dou decoper, car 377 il ne nous laisseroit dormir. Il demainne trop grant hustin, et se nous est trop proçains.» Li chevalier breton respondirent et dissent: «Sire, à vostre ordenance il sera fait.» Sus cel estat, il s'ordonnèrent et reposèrent; et se rafresqirent les Englois un petit, car il avoient esté travilliet de la mer.

Qant ce vint sus l'eure de vespres, Breton et Englois s'armèrent et furent environ cinq cens, et otant ou plus d'archiers. Et fissent ouvrir la porte qui estoit la plus proçainne de cel grant enghien et avaler le pont; et puis issirent tout souef desous le pennon à messire Gautier de Mauni, et fissent passer tous lors archiers devant. Et s'en vinrent tous le pas jusques à l'enghien; et là avoit environ cent armeures de fier et cent arbalestriers geneuois qui le gardoient.

Qant il veirent ces gens d'armes et ces archiers venir, tous ordonnés et apparilliés pour combatre, il furent tout esbahi, et tournèrent en fuies deviers l'oost. Droit à la flèce de ce grant enghien s'arestèrent les Englois et les Bretons; et avoient amené ouvriers et carpentiers, qui tantos entendirent à decoper cel enghien, et le missent tout par pièces à terre. Les nouvelles vinrent en l'oost par les fuians qui n'avoient osé demorer dalés lor enghien, car il n'estoient pas fort assés pour resister as gens la contesse, que li grans enghiens estoit conquis, abatus et deffaçonnés. Donc fissent li signeur sonner les tronpètes, et armer toutes gens et traire sus les camps, et casqun desous la banière de son signeur. Se ne fu pas sitos fait, mais fu tantos tart. Et entrues que il s'ordonnoient en l'oost et mettoient ensamble, messires Gautiers de Mauni et ses gens passèrent encores plus avant autour de la ville, et abatirent deus enghiens, et missent tous en pièces li carpentier qui là estoient. La contesse de Montfort estoit en son chastiel et veoit tout cel esbatement; si en avoit grant joie. Adonc se missent au retour les Englois et les Bretons et les archiers sus costière. Et les François, qui estoient ordonné en une belle bataille où plus avoit de deus mille honmes sans les Geneuois, les poursievirent jusques as barrières; mais point n'i eut d'escarmuce, car la vesprée vint. Si rentrèrent en Hainbon li Englois et li Breton, sans nul damage. La contesse de Montfort lor vint au devant et les remerchia grandement de lor emprise, et de ce que il l'avoient apaisie de ces enghiens. Fos 81 vo et 82.

P. 151, l. 24: herbergier.—Mss. A 1 à 6, 11 à 33: et en la ville à leur aise. Fo 92.

378 P. 152, l. 10: compagnon.—Ms. B 6: et estoient bien cinq cens à cheval. Fo 206.

P. 152, l. 13: trois cens.—Ms. B 6: cinq cens. Fo 206.

P. 152, l. 14 et 15: ceulz qui gardoient.—Ms. B 6: soixante compaignons qui le gardoient. Fo 206.

P. 153, l. 17: estal.—Mss. A 20 à 22: Et là rendirent estal les chevaliers à tous venans jusques à tant, etc. Fo 138 vo.

§ 170. P. 154, l. 1: A l'endemain.—Ms. d'Amiens: A l'endemain, messires Loeys d'Espaigne apella le viscomte de Rohem, l'evesque de Lion, monseigneur Hervi de Lion, le seigneur de Tournemine, le seigneur de Biaumanoir, le seigneur de Loriach, le seigneur de Rais, monseigneur le Gallois de le Baume, le mestre dez Geneuois et tous lez seigneurs de son host pour avoir consseil qu'il feroient, car il veoient la ville de Hainbon si forte et maintenant pourveue et rafrescie de bon secours qui venus leur estoit, et que il perdoient là leur tamps; car il ne veoient tour, mannierre, ne enghien par quoy il y pewissent pourfiter, ne le ville prendre. Si orent consseil et accord tout li ung par l'autre qu'il se deslogeroient à l'endemain, et se retrairoient par deviers lez autrez qui seoient devant castiel d'Auroy. Tout enssi qu'il ordonnèrent, il fissent et se deslogièrent à l'endemain au point dou jour, et tourssèrent tentez et trèz et touttez mannièrez de harnois; et s'en revinrent deviers castiel d'Auroy, là où messires Charlez de Blois, li dus de Bourbon et moult grant fuison des seigneurs de Franche se tenoient. Si leur compta messires Loeis pourquoy il estoit partis et quelz confors estoit creus à la comtesse, et coumment Hainbon n'estoit mies une forterèche à prendre si de legier encorres, quant elle estoit pourveue et garnie de telx gens d'armes. Li seigneur de Franche li dissent bien qu'il disoit voir: «Mès pour le temps emploiier, messires Loeys, nous vous disons que vous voeilliéz aller devant Dinant, qui n'est pas si forte que Hainbon, et y menés toutte vostre host, et nous nos tenronz droit chy à nostre siège.» Che respondi messire Loeys: «Vollentiers.» Enssi demoura li fors de Hainbon en pais une grant pièce, et messires Loeys d'Espaigne fist aroutter son host au lés deviers le ville de Dinant en Bretaingne.

Entre castiel d'Auroy et le ville de Dinant, siet ungs petits castiaux que on appelle Concquest; et se tenoit adonc de par la comtesse de Montfort. Et en estoit cappittainne uns très bons chevaliers 379 de Lombardie, que on clammoit messire Garsion; et avoit avoecq lui grant fuison de Lombars et de Geneuois. Quant messires Loeys eut veu et conssideret le forterèce, si dist que il se volloit assaiier au prendre. Si fist touttez ses gens arouter par devant et approchier et fortement assaillir, et chil de dedens à yaux deffendre. Et dura chilz assaux jusques à le nuit. Si se loga li os là endroit; et dist bien messires Loeis qu'il ne s'en partiroit mies ensi. Quant ce vint à l'endemain, il le fist de rechief assaillir durement et asprement, et avoecq lui Geneuois et Espagnolx qui trop bien s'i esprouvoient. Si approchièrent li assallant si priès dou mur, que, par force d'assault et par ouniement traire et lanchier à chiaux d'amont, il y fissent ung grant trau, car li fossés n'estoient mies moult parfont. Si entrèrent ens par force et ocirent tous chiaux dou castiel, excepté monsigneur Garsion qu'i(l) prist à merchis, et cinq ou six gentils hommez. Apriès che, messires Loeys fist restouper le trau dou mur, et y mist ung bon castelain et soixante hommes d'armes pour garder le castiel, et le fist remparer de tous poins, puis s'en parti, et toutte sen host, et s'arouta vers Dinant.

Les nouvellez estoient jà venues en Hainbon à le comtesse de Montfort et à monseigneur Ghautier de Mauny, que messires Loeys d'Espaigne estoit arestéz devant Concquest et l'avoit assegiet. Si dist la comtesse as chevaliers et as compaignons que ce seroit grans honneurs de lever che siège et de là combattre lez Franchois, et leur seroit recordé à grant proèce. Messires Gautiers de Mauny, qui moult envis sejournoit tant que il se sewist où emploiier, fist armer tous chevaliers et escuiers et archers ossi, et se parti de Hainbon et se mist au chemin deviers Concquest; et vinrent là environ heure de nonne, et trouvèrent qu'il avoit estet concquis par force le jour devant, et chiaux de dedens tous mis à mort. Si furent durement courouchiet de ceste aventure, pour tant qu'il n'avoient trouvet monsigneur Loeys et se routte. Se dist messires Gautiers qu'il ne se partiroit de là, si aroit le castiel reconcquis. Si se appareillièrent li compaignon pour assaillir le castiel; et entrèrent ens ès fossés où il n'avoit point d'aighe, et montèrent tout targiet contremont. Quant li Espagnol qui dedens estoient, lez virent venir en tel mannierre, il se misent de grant volenté au deffendre; mès li archer englès traioient si ouniement, que nus n'osoit aprochier as murs pour jetter pières. Et trouvèrent chil de dehors le trau par où li dis castiaux avoit 380 estet pris, qui assés foiblement avoit estet remparés. Si boutèrent oultre pières et terre qui là estoit, et entrèrent en le fortrèche par ce lieu meysmes. Et furent tout li saudoiier qui dedens estoient, ochis, horsmis le cappitainne, et ne say dix ou douze, que li chevalier prissent à merchy; puis s'en partirent et laissièrent le castiel tout vuit, car il n'estoit mies tenables, et retournèrent arrière en Hainbon et n'eurent mies consseil adonc de chevauchier plus avant. Fos 68 vo et 69.

Ms. de Rome: Qant ce vint à l'endemain, messires Lois d'Espagne appella le visconte de Rohan, l'evesque de Lion, mesire Hervi de Lion et le mestre des Geneuois, pour avoir consel et avis conment il se deduiroient, car il veoient la ville de Hainbon très forte et rafresquie de bonnes gens d'armes et d'archiers, par lesquels de nuit il pooient estre fort travilliet, et recevoir plus de blame et de damage que de pourfit. Tout consideret, consilliet fu que il se deslogeroient et se retrairoient deviers mesire Carle de Blois et les aultres barons de France, et metteroient les deux hoos en une. Si se deslogièrent et requellièrent tentes et trefs, et misent tout à voiture, et boutèrent le feu en lors fuellies.

Qant chil de la garnison de Hainbon veirent ce couvenant, si dissent entre euls: «Nostre ennemi s'en vont; il se deslogent.» Là i ot auquns compagnons aventureus qui sallirent dehors pour gaegnier, mais il furent rebouté et remis en la forterèce à lor damage. Et en i ot des mors et des pris, car au deslogement il s'ordonnèrent tout et missent en une belle bataille, et onques ne se desroutèrent; et atendirent tout l'un l'autre et lor charroi et lors pourveances, et vinrent ensi, bannières desploiies, devant Auroi.

Qant messires Carles de Blois et les signeurs les veirent venus, si s'esmervillièrent pourquoi il avoient brisié lor siège. Messire Lois d'Espagne lor recorda conment grans secours estoit venus à la contesse d'Engleterre: «et ont à chapitainne un chevalier de Hainnau moult vaillant honme, à ce que il moustre, et a jà conmenchié, car le jour meismes que il ariva à Hainbon, ils et une partie des siens issirent hors de la forterèce, entrues que nous estions au souper, et vinrent abatre et decoper nos enghiens. Je tieng ce fait à grant apertise d'armes, et est li chevalier nonmés messires Gautiers de Mauni.»—«En non Dieu, respondi messires Carles de Blois, c'est uns vaillans homs; j'en ai bien oï parler. Ensi se renforce nostre gerre.» Adonc laissièrent ils à parler 381 de ce et parlèrent de l'evesque Gui de Lion, liquels avoit laissiet la contesse de Montfort, et estoit venus servir mesire Carle et soi rendre à lui. Messires Carles de Blois fu tous resjois de sa venue et rechut l'evesque à honme, et demora depuis tous jours dalés messire Carle de Blois.

Or fu ordonné, en ce jour meismes que mesires Lois d'Espagne fu là venus, que ils et tous ceuls que amené il avoit, en iroient met(t)re le siège devant la ville de Dignant, et se meteroient en painne de le prendre. Si ne reposèrent en l'oost que une nuit. A l'endemain, il se missent tout sus les camps, reservé l'evesque Gui de Lion, qui demora avoecques messire Carle de Blois. Et estoient bien deus mill cinq cens armeures de fier et trois cens arbalestriers geneuois. Ensi que li dis messire Lois d'Espagne et ses gens ceminoient deviers Dignant, il trouvèrent sus lor cemin un chastiel qui se tenoit de la contesse, que on nonmoit Conquest. Et en estoit gardiiens et chastellains uns chevaliers de Lombardie que on nonmoit messire Mansion, et avoit pluisseurs saudoiiers avoecques lui. Si se traissent messires Lois et toutes ces gens devant ledit chastiel, et le assallirent fortement, et i livrèrent li arbalestrier geneuois très grant assaut. Li compagnon qui dedens estoient se deffendirent moult bien, et tant que ce premier jour li François i conquestèrent moult petit, et se logièrent là pour celle nuit.

A l'endemain, il retournèrent tout à l'asaut et quissent voie et enghien par quoi il l'adamagièrent; car à l'endroit où li arbalestrier traioient et ensonnioient ceuls dou fort, il rompirent le mur et i fissent un grant petruis, et entrèrent dedens à force, car il estoient grant gent. Qant li compagnon se veirent en ce parti, il se vodrent rendre, salve lors vies, mais nuls n'i volt entendre. Avant furent il pris par force et tout mort sans merchi, reservé le chevalier. A cesti on sauva la vie, et demora prisonniers. Qant il orent ensi conquis le chastiel de Conquest, il s'avisèrent que il le tenroient, et i establirent un autre chastellain bon et segur, et soissante compagnons avoecques lui, liquel prissent le chastiel en garde sus lor peril et le remparèrent, pour ce que il avoit esté desemparés à l'asallir. Et puis passèrent oultre, et s'en vinrent mettre le siège devant la ville de Dignant, de laquelle messires Renauls, fils au chastellain de Ghinghant, estoit chapitainne. Nouvelles vinrent ens ou chastiel de Hainbon que messires Lois d'Espagne estoit arestés devant le chastiel de Conquest. Si ot (messire 382 Gautiers de Mauni) très grant desir de traire celle part, et le dist à messire Ivon de Tigri et as aultres: «Il nous fault cevauchier deviers Conquest, et conforter ceuls qui sont dedens. Se nous poions ruer jus messire Lois d'Espagne, nous ferions un bon esploit.» A ceste parole s'acordèrent tout li compagnon, et furent tantos apparilliet, et lors chevaus refierés à ceuls as quels il besongnoit. Chils jours passa. Qant ce vint à l'endemain, les tronpètes des chevaliers sonnèrent. Lors s'armèrent li compagnon et montèrent as chevaus. Et se departirent de Hainbon environ cinq cens armeures de fier et cinq cens archiers, et chevauchièrent viers le chastiel de Conquest, et ne savoient pas que il fust ens ou parti où il estoit; mais furent moult courouchié qant il trouvèrent que li François l'avoient conquis et rafresqi de nouvelles gens. Toutes fois, il l'avisèrent et dissent entre euls que il estoit bien prendables. Si s'arestèrent là tout autour et envoiièrent à Hainbon apriès lors pourveances. Si furent misses à voiture pour amener devant Conquest. Trois jours furent li Englès et li Breton devant le castiel de Conquest, et tous les jours i livrèrent il assaut grant et fier et mervilleus. Il i avoit dedens Espagnols qui trop vassaument se deffendoient et faisoient grans apertisses d'armes, et tant que il en blechièrent pluisseurs des assallans. Au daarain assaut qui fais i fu, il se pourveirent de cloies renforchies que li archier faisoient porter devant euls pour get des pières qui venoient d'amont. Et qant il furent cargiet, il aprochièrent dou plus priès les murs qu'il peurent, et puis s'efforchièrent au traire de celle ordenance contre mont que nuls ne s'osoit à moustrer as deffenses, se il ne voloit estre enfillés de une flèce tout parmi la teste ou le brac ou le corps. Et entrues que les archiers ensonniièrent ensi ceuls d'amont, il i avoit Bretons qui entendoient à petruissier le mur, et trouvèrent le petruis refait par où les François avoient entré dedens. Si le repetruissièrent et le desemparèrent à force de pils et de hauiauls, et par là meismes entrèrent il ou chastiel. Et fu ensi pris et conquis, et tout li Espagnols qui dedens estoient, mort, reservet le chapitainne, liquels se nonmoit Pières Ferrans de Tudesque, et auquns gentils honmes de son pais et de sa delivrance, pour lesquels il demora, se raençon les couvenoit paiier. Et desemparèrent les Englès le chastiel de Conquest, et dissent que point il ne faisoit à tenir ne à garder, et s'en retournèrent arrière à Hainbon, et enmenèrent lors prisonniers. Fos 82 vo et 83.

383 P. 154, l. 26: messires Loeis.—Ms. B 6: messire Gui de Lion, messire Hervy de Lion, le viés conte de Rohem, le sire de Clichon, le sire de Malatrait et pluiseurs barons de l'ost. Fo 208.

P. 155, l. 3: Lombardie.—Mss. A 22 à 33: Normandie. Fo 108 vo.

§ 171. P. 156, l. 25: Or revenrai.—Ms. d'Amiens: Or vous parlerons de monseigneur Loeys d'Espaigne qui fist logier son host tout autour de le ville de Dinant, et fist tantost faire petis batiaux et nacellez pour assaillir le ville de touttes pars, par yauwe et par terre. Si estoit dedens comme souverains et cappitainne messires Renaux de Ghinghant, filz au castellain de Ginghant, très bon chevalier de son eage, qui reconfortoit et consilloit chiaux de dedens le ville, qui durement estoient effraet de chou qu'il veoient faire à chiaux de l'ost si grant appareil; car leur ville n'estoit mies forte, ne fremmée fors que de palis. Et eurent consseil entr'iaux que il se renderoient ainschois que plus grant meschief leur avenist; mès, à ceste fois, messires Renaulx brisa leur vollenté, et ne se rendirent mies si très tost. Messires Loeis d'Espaigne ymagina bien le fortrèce de le ville, et vit bien que elle estoit prendable. Si se loga environ bien et souffisamment, et dist qu'il ne s'en partiroit si l'aroit à sa vollenté; et fist appertement appareillier instrummens pour assaillir, et fu assaillie durement et fierement. Et chil de dedens se deffendirent vassaumment, car messire Renaux de Gingant y rendoit grant painne. En tel estat se tinrent quatre jours à point de dammaige. Au quatrime jour, messires Loeys et li sien assaillirent le ville si vighereusement par nacelles et par batiaux qu'il avoient fait armer et breteskier, qu'il aprochoient les palis; et jà en avoient romput ung grant pan, dont chil de le ville estoient moult effraet, et se doutèrent de tout perdre, corps et chevanche. Si traitièrent à monseigneur Loeis ung respit tant seullement que il pewissent avoir parlet enssamble. A che respit donner, s'acorda li dessus dis moult à envis; car il veoit chiaux de Dinant en ung dur et perilleus parti. Touttesfois il leur acorda parmy tant que, le parlement estant, il ne se devoient noient fortefiier, et il li eurent en couvent. Dont se retraissent touttes mannières de gens sus le marchiet, et sonnèrent leur cloce et parlementèrent là longement enssamble. Et estoit li communs acors que de yaux rendre à messire Loeis d'Espaigne, salve lors corps et lors biens, ou nom de 384 monseigneur Charlon de Blois; mès à cest accord ne s'asentoit nullement messires Renaux, leur cappittainne, et disoit que il garderoit et deffenderoit bien ce pas perilleus contre tous venans jusques au soir, et de nuit il le fortefieroit tellement que depuis il ne feroit point à prendre. Ses parolles ne peurent y estre oyes ne creuwes, et ne voloient nullement atendre ce peril et sa deffensce. Et tant parlèrent enssamble que aïrs sourmonta chiaux de le ville, et dissent que il valloit miés que li chevaliers fust ocis, qui contraires estoit à yaux, que tant de bonnes gens fuissent mort ne peri. Si fu là en le place, par le fait de le communauté, ocis li bons chevaliers messires Renaus de Ghinghant, filz au castellain de Ghingant; et fu rendue la ville de Dinant par le tretiet dessus noummet, sauve lors corps et lors biens. Ensi y entra messires Loeys d'Espaigne, et prist la feaulté des bourgois et le sierement, et s'i tint par deux jours pour remparer le ville de tout ce qu'il besongnoit. Et quant il s'en parti, il y laissa à chappitainne monseigneur Pière Portebuef et Gerart de Malain, escuier, lesque(l)s il avoit trouvés layens prisonnierz, car il avoient estet pris dou dit messire Renaut de Ghinghant par embusce faite, enssi comme vous avés oy chi dessus.

Quant messires Loeis d'Espaingne se fu partis de le ville de Dinant, il se traist avoecq se routte par deviers une mout grosse ville seans sour le flun de le mer, que on claimme Garlande; et l'assega par terre et trouva assés priès grant fuison de vaissiaus et naves plainnes de vins, que marchans avoient là amenés de Poitau pour vendre. Si eurent tant li marchans vendu lors vins, et furent mal paiiet, che puet on bien croire. Et fist li dis messires Loeis prendre toutes ces naves et ces vaissiaux, et fist ens monter gens d'armes et partie des Espaignols et des Geneuois. Puis fist l'endemain assaillir le ville par terre et par mer, qui ne se pot longement deffendre; ains fu assés tost gaegnie par force et tantost toutte robée, et tout mis à l'espée sans point de merchy, hommez et femmes et enfans, et cinq eglises arsez et viollées, dont messires Loeys fu durement courouchiés. Si fist tantost pendre vingt quatre de chiaux qui ce avoient fait. Là eut gaegniet très grant tresor, si que chacuns en eult tant qu'il en vot ou pot porter, car la ville estoit durement grande, riche et marchande.

Quant ceste grosse ville qui Garlande estoit appellée, fu enssi gaegnie, robée et essillie, il ne seurent où aller plus avant pour 385 gaegnier. Si se mist li dis messires Loeys en ces vaissiaux qu'il avoit trouvés en mer, en le compaignie de monseigneur Othon Doriie et de Toudous, et de aucuns des Geneuois et Espagnolz, pour aller aucune part et pour aventurer seloncq le marine. Et li viscoens de Rohem, li evesques de Lion, messires Hervis, ses niés, et pluiseurs autres chevaliers et escuiers retournèrent en l'ost monseigneur Carlon de Blois, qui encorres seoit devant castiel d'Auroy. Et trouvèrent grant fuison de signeurs et de chevaliers de Franche qui nouvellement estoient là venus, telz que messires Loeys de Poitiers, comtez de Vallenche, li comtez d'Auchoire, li comtez de Joni, li comtez de Porsiien, li sires de Biaugeu, li sirez de Castelvillain, li sirez de Noiiers, li sirez d'Englure, li sirez de Castellon, li sirez d'Aufemont, messires Moriaux de Fiennes, li sirez de Roye, li sirez d'Aubegni, et pluisseurs autres que li roys de Franche y avoit envoiiéz pour remforchier l'ost et l'armée de monsigneur Charlon de Blois, sen nepveult, car bien avoit oy dire que messires Gautiers de Mauni à tout grant carge de gens d'armes estoit arivet en Bretaingne. Et encorrez n'estoit point li dis castiaux gaegniés, mès chil de dedens estoient si priès menet et si constraint, qu'il avoient mengiet par huit jours tous leurs cevaus; et ne lez voloit on prendre à merchy, s'il ne se rendoient simplement. Quant il veirent que morir lez couvenoit, il yssirent hors couvertement par nuit; et se missent en le vollenté de Dieu, et passèrent tout parmy l'ost à l'un des costéz. Aucun en furent perchus et tués. Et messires Henris de Pennefort et Oliviers, ses frèrez, et aucun autre se sauvèrent et escappèrent par un bosket qui là estoit, et s'en allèrent droit à Hainbon où il furent bien recheuv.

Enssi reconquist messires Carlez de Blois le fort castiel que on claimme chastiel d'Auroy, où il avoit sis le tierme de dix sepmainnes. Si le fist refaire et rapareillier et bien garnir de gens d'armes et de touttez pourveances; et puis se parti et s'en alla à tout son host asigier la chité de Vennes, dont messire Joffroy de Malatrait estoit cappittainne, et se loga tout autour en bon aroy et grant couvenant. Le second jour apriès che que messires Carles de Blois eult assegiet le ville et le cité de Vennes, partirent aucun Braiton et aultre compaignon saudoiier qui gisoient ou fort de Plaremiel de par le comtesse de Montfort, et vinrent sus ung ajournement resvillier l'ost. Ceste nuit avoient fait le gait doi chevalier de Pikardie, li sirez de Castellon et li sirez d'Aubegny, 386 et estoient encorrez à leur garde; si saillirent moult tost avant, qu'il sentirent l'ost estourmir. Et furent chil de Plaremiel enclos et villainnement reboutet et mis à cache. Et s'estourmy tellement li hos que tout s'armèrent communaument; et apriès ce qu'il eurent cachié les compaignons de Plaremiel et lez pluisseurs ochis et remis en leur fort, il revinrent de grant couraige, pour paremploiier le jour et leurs armeurez, assaillir Vennes; et là eut assaut grant et fier et mervilleux. Et y souffrirent chil de Montfort grant paine et grant traveil, car chil de le partie monseigneur Carle de Blois estoient grant fuisson et toutte bonne gent. Si se portèrent si bien que il conquisent le bourcq desous le cité et le fort jusques as baillez; et y eut pluisseurs bourjois et riches hommes de le ville pris, mors et navrés au rentrer dedens. Et là fu messire Joffrois de Malatrait très bons chevaliers et y fist maintes belles appertises d'armes; mès finaublement li Franchois assailloient de si grant vollenté et de si bon couvenant, que chil de Vennes se doubtèrent dou tout perdre. Si requissent à monseigneur Carlon de Blois un respit ce jour seullement, là en dedens (aroient) avis et consseil pour yaux rendre. Messires Carlez leur accorda assés à envis, mès li aucun baron de France li fissent faire par ensi que il valloit mieux que il ewist la cité sienne par amours que par haynne. Ensi parlementèrent tout le jour chil de Vennes li ung à l'autre et puis à chiaux de hors pour yaux rendre, salve leurs corps et leurs biens. Et quant messire Joffroi de Malatrait vit que il ne leur porroit brisier ne oster le oppinion, il se parti desconneus de Vennes, et s'embla et demucha, et s'en revint vers Hainbon. Et recorda à la contesse et à chiaux qui là estoient, coumment la besoingne alloit, liquel furent moult liet de la venue au chevalier et moult courouchiet de la prise de Vennez; mès amender ne le peurent tant c'à present. Or lairons ung petit à parler de cheux et de monseigneur Carlon de Blois qui estoit jà partis de Vennez, car la cité s'estoit rendue à lui, et l'en avoient fait li bourgois feaulté et sierement. Et y avoit laiiet à cappittainnez monsigneur Hervi de Lion et monsigneur Olivier de Clichon, et s'estoit trais à toutte sen host devant la cité de Craais, et l'avoit assigie de tous costéz. Si parlerons de monseigneur Loeis d'Espaigne et de se compagnie. Fos 69 vo et 70.

Ms. de Rome: Or voel je parler de messire Lois d'Espagne, qui fist logier son hoost tout autour de la ville de Dignant en Bretagne, et fist tantos pourveir petis batiaus et nacelles, pour assallir 387 la ville de toutes pars par terre et par iaue. Qant li bourgois de la ville veirent ce, si se doubtèrent; et jà amoient il plus assés les François et la partie mesire Carle de Blois que la contesse de Montfort. Si tretiièrent deviers messire Lois d'Espagne à euls rendre, salve lors biens et lors corps. Messires Lois entendi volentiers à ces tretiés. Messires Renauls de Ghinghant, lor chapitainne, entendi que il tretioient pour euls rendre. Si en fu durement courouchiés et maneça les plus grans mestres de la ville à faire coper les testes, et les appella fauls, mauvais et traittes, dont il furent moult courouchiet, et se doubtèrent de lui que de fait il ne vosist essequter, ensi que il le disoit. Paroles se moutepliièrent entre messire Renault et euls, et tant que de fait et en meslée il l'ocirent; et puis mandèrent à mesire Lois d'Espagne que il venist, on li ouveroit les portes. Messires Lois fu moult resjois de ces nouvelles, et entra dedens Dignant à grant compagnie. Et à ce jour i estoient la fenme et les enfans, deus filles et deus jones fils, au chastellain de Ghinghant. Auqun Breton et François li disoient que il les retenist à prisonniers, mais il n'en volt riens faire. Avant lor fist grasce, et les delivra euls et le leur, et les fist mettre hors de la ville et convoiier jusques à Hainbon, dont on tint che fait à grant courtoisie. Messires Lois d'Espagne prist la posession de Dignant de par mesire Carle de Blois, et i ordonna chapitainne et gens d'armes pour le deffendre et garder, et s'i tint quatre jours. Et fu delivrés Gerars de Malain et tout li compagnon, les quels messires Renauls de Ghinghant avoit pris, ensi comme il est ichi desus dit; et fist meismes chapitainne de Dignant Gerart de Malain et mesire Pière Portebuef avoecques lui.

Puis s'en ala li dis messires Lois d'Espagne à toute son hoost deviers une grose ville seant sus la mer, que on clainme Garlande, et le assega par terre; et n'estoit pas adonc trop fort fremée, et est uns havenes de mer, uns des bien hantés de toute Bretagne, et ville durement. Si trouvèrent li François ou havene de Garlande auquns vassiaus, ens ès quels il i avoit des vins de Poito et de Saintongle et de la Rocelle, et gisoient là à l'ancre pour estre vendu; mais il furent pris et levé, et en traist on hors des vassiaus biaucop. Et furent cargiet sus chars et envoiiet en l'oost devant Auroi, et en retinrent une partie pour euls pour lors pourveances.

La ville de la Garlande fu assallie et conquise par force, car il n'i avoit que les honmes de la ville, et si est une ville de grant 388 garde; si fu violée et courue et toute robée, et i trouvèrent grant avoir. Et i ot cinq eglises arses, dont Lois d'Espagne, qui estoit conduisières de l'oost, fu durement courouchiés, et fist pendre ceuls qui le feu i avoient bouté. Là orent li François grant conquest, car la ville estoit durement riches, et pris des bons marceans pour euls rançonner.

Là ordonna mesires Lois d'Espagne à retourner en l'oost le visconte de Rohem et grant fuisson des aultres, et ne retint non plus que de deus cens compagnons geneuois et espagnols; et dist que il se meteroit sus la marine, ensi que ses corages li aporta: dont il fist une grant folie, et l'en deubt estre priès malvenu, ensi que je vous racorderai assés briefment.

Qant li viscontes de Rohem et li autre chevalier de France et de Bretagne furent retourné devant Auroi, il recordèrent à messire Carle de Blois tout le voiage que il avoient fait, la prise de Dignant et de la ville de Garlande où il avoient bien trouvet à pillier, et conment messires Lois d'Espagne en estoit allés sus la marine en la compagnie de Othon Doriie et de Toudal, grans esqumeurs de mer, et n'enmenoient fors que Geneuois et Espagnols. De toutes ces coses se contenta grandement messires Carles de Blois. A l'eure que li viscontes de Rohen fu là venus devant Auroi, vinrent aussi grans gens de France que li rois Phelippes i envoioit, car il estoit enfourmés que grans confors de gens d'armes et d'archiers estoit venus à la contesse desus dite et issu hors d'Engleterre. Se ne voloit pas que ses cousins fust si despourveus que il ne peuist tenir les camps à l'encontre de ses ennemis, puis que il li avoit couvenancé de aidier.

Qant messires Lois d'Espagne fu montés en la navie à Garlande, en la compagnie de Toudou et de mesire Othe Doriie, mestre des Geneuois, et pooient estre quatre cens hommes en tout, il sievirent la bende de la mer, et prissent terre assés priès de Camperlé. Si fissent par lors sievans ardoir tout le plat pais; et tout ce que il trouvoient de bon, il estoit porté en la navie. Si conquissent moult grant avoir sus ce voiage, voires se il lor fu demoré, mais nennil. Car nouvelles vinrent à mesire Gautier de Mauni et as chevaliers, qui dedens Hainbon se tenoient, que messires Lois d'Espagne estoit alés en Garlande, et l'avoit ars et tout le pais de là environ, et avoit renvoiiet une partie de ses gens, et ne pooient estre en sa compagnie non plus de quatre cens honmes. Evous ces chevaliers et gens d'armes de Hainbon resvilliés; 389 si s'armèrent et apparillièrent tantos, et entrèrent dedens nefs et barges et balengiers environ quatre cens honmes d'armes et mille archiers. Et se departirent dou havene et singlèrent en mer, costians les terres pour venir à Garlande, et avoient le vent et la marée pour euls, et vinrent à Garlande. Si trouvèrent encores que les maisons et les eglises fumoient dou feu que li François i avoient fait, et les povres gens dou pais qui lor vinrent au devant en criant et en braiant et en disant: «Ha! chier signeur, li larron nous ont ars et pris et desrobé le nostre, et s'en vont selonch la marine.»

Qant messires Gautiers de Mauni et ses gens entendirent ces nouvelles, sans point issir de lors vassiaus, il se missent au chemin et en la route pour euls trouver; et veoient, de lors nefs et balengiers où il ceminoient sus la marine, les fumières que il faisoient sus le plat pais. Et tant alèrent que il arivèrent assés priès de Camperlé, ou havene meismes où la navie estoit toute cargie de ce que li François avoient trouvé sus le pais, et par especial en Garlande où il orent trop grant avoir. Sitos que il furent venu ou havene de Camperlé, ces nefs furent conquises, et tout mort ou jeté à bort cheuls qui les gardoient; et entendirent par les gens dou pais qui estoient tout effraé, que li François couroient, et avoient li pluisseur trouvé des chevaus et roboient le pais.

Adonc messires Gautiers de Mauni et tout chil qui en sa route estoient, gens d'armes et archiers, se missent tout à terre et se ordonnèrent en trois batailles, et fissent les deus reponre et muchier en un bosqet qui là estoit, afin que mesires Lois d'Espagne et ses gens, à leur retour, ne se tenissent à trop cargiet, car bien savoient que par là il les couvenoit retourner. Tout ce fait et ordonné, casquns burent et mengièrent un petit, et puis s'asissent sus l'erbe et sus le sabelon, attendans le retour des François qui faisoient bien lor besongnes sus le pais, car nuls ne lor aloit au devant. Qant les gens à mesire Lois d'Espagne orent cargiet chars et charètes de tous meubles et pourfis que il ramenoient à lor navie, et tenoient à avoir fait lor voiage, pour euls mettre au retour viers lor navie, ainsi que il venoient et aproçoient la mer, il voient une bataille d'archiers sus une elle, et un petit en sus gens d'armes et les pennonchiaus venteler.

Donc s'arestèrent li François tout quoi, et s'esmervillièrent, quels gens ce pooient estre, qui là se tenoient; et quidièrent de 390 conmencement que ce fuissent chil de Camperlé qui les venissent combatre, et qui se fuissent là requelliet. Si fissent monter deus honmes d'armes, tout doi de Piqardie. Li uns avoit nom Tassart de Ghines, et li aultres Hues de Villers, et tout doi estoient esquier d'onnour à mesire Carle de Blois; mais pour lor avancement il estoient accompagniet avoecques mesire Lois d'Espagne. Et chil doi esquier avoient tant fait que il estoient assés bien monté. Si lor dist: «Mesires Lois Tassart et vous, Hues, chevauchiés avant et aprochiés ces gens de plus priès, par quoi nous aions la connissance, assavoir quels gens ce sont.» Il respondirent: «Volentiers.» Il cevauchièrent devant, car il avoient deus bons ronchins, et vinrent si priès des Englois et des Bretons que li archier euissent bien tret jusques à euls, se il vosissent.

Chil doi esquier desus nonmé congneurent plainnement que c'estoient lor ennemi. Si retournèrent et dissent: «Sire, ce sont Englois et Breton, car nous avons veu et congneu le pennon à mesire Gautier de Mauni: il est de gueulles à trois noirs qievirons, et ce sont archier d'Englerre que vous veés là. Regardés que vous volés dire et faire.» Respondi messires Lois: «Il nous fault combatre. Nous ne poons fuir: il sont signeur de nostre navie. Nous avons trop demoré sus terre. Alons avant ou nom de Dieu et de saint Gorge: il nous fault prendre l'aventure.» Adonc fit il sa banière passer avant, et le portoit uns esquiers qui se nonmoit Robers de Santi. Là fist li dis mesire Lois un sien neveu chevalier, qui se nonmoit Aufons d'Espagne. Il ordonnèrent les Geneuois et les Espagnols, et les missent tout devant, et conmenchièrent la bataille dou tret, et puis aprochièrent les gens d'armes et se boutèrent l'un dedens l'autre. Et se portèrent li François à ce conmencement si bien que, se il n'euissent eu aultre faix, il se fuissent bien delivré de ces premiers, et les requlèrent sus la marine.

Adonc vinrent les aultres deus batailles, qui estoient en enbusqe, et encloirent les François. Là ot dur hustin, et vaillanment s'i portèrent les gens à mesire Lois, mais les Englois et les Bretons estoient trop grant fuisson. Et (fu) abatue la banière à mesire Lois, et chils mors, qui le portoit, et mesire Aufons d'Espagne, mort. A grant painne, se sauvèrent mesire Lois d'Espagne et Toudou et mesire Othon Doriie. Mais qant il veirent que li faix estoit trop pesans pour euls, il entendirent à recouvrer lors cevaus que lors varlès tenoient sus les èles de la bataille; car se 391 ils n'euissent eu lors cevaus tous près, jamès ne s'en fuissent parti, sans estre mort ou pris. Il prissent, sus la desconfiture, le cemin de la mer, et pooient estre environ soissante. Nuls ne les poursievi, car Englois et Breton n'avoient nuls cevaus, et aussi il entendirent au garder ce que il avoient conquis.

Messires Lois d'Espagne et chil qui escapèrent de le bataille trouvèrent en un regot de mer une grose barge de Camperlé, que li maronnier avoient là bouté et repus, et n'estoient osé aler avant pour la doubtance des François. Qant il le veirent là arester à l'ancre, il se traissent de celle part et trouvèrent trois Bretons qui le gardoient. Il furent mestre de euls et de la barge et entrèrent dedens non tous, car il ne peuissent, pour tant que il enmenoient en la barge lors cevaus avoecques euls, Tassars de Ghines et Hues de Villers et auquns Bretons qui connissoient le pais, cevauchièrent tant de jour et de nuit que il vinrent à Rennes; et là s'arestèrent pour oïr nouvelles de mesire Lois d'Espagne et de lors compagnons qui nagièrent toute la nuit et vinrent ariver à Grède, au plus proçain port de Vennes et de Rennes.

Et li Englois et li Breton cargièrent lors vassiaus des meubles et pourfis que li François amenoient, et puis rentrèrent en lor navie à tout ce conquest; et retournèrent à Hainbon, et recordèrent à la contesse et à lors compagnons conment il avoient esploitié. Si en furent tout resjoi, ce fu raison, car il en estoient departi à lor honnour et pourfit. Ensi vont les aventures d'armes et les fortunes: à le fois on quide avoir tout gaegnié, et on a tout perdu. Fos 83 et 84.

P. 157, l. 12: sus le flun de le mer.—Mss. B 3 et A 7 à 10: sur la mer. Fo 83 vo.—Mss. A 1 à 6, 15 à 33: sur le fleuve de la mer. Fo 93 vo.—Mss. A 11 à 14: sur la rive de la mer. Fo 90.

P. 157, l. 13: Garlande.—Mss. A 15 à 17: Gairande. Fo 95.—Mss. A 23 à 33: Guerrande, Gerrande. Fo 109.—Mss. B 3 et A 1 à 14, 18 à 22: Garlande. Fo 83 vo.

P. 158, l. 5: Toudou.—Ms. B 3: Toudouz. Fo 84.—Mss. A 23 à 29: Tondons. Fo 109 vo.—Mss. A 1 à 22: Condons. F. 93 vo.

P. 158, l. 14: Joni.—Mss. B 3, A 1 à 6, 11 à 33: Joingny, Joigny. Fo 84.—Mss. A 7 à 10: Jony. Fo 86.

P. 159, l. 10: Plaremiel.—Ms. B 3: Plerenmiel. Fo 84.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Plearmel. Fo 94.—Mss. A 392 15 à 17, 23 à 29: Pleremel, Plermel. Fo 95 vo.—Mss. A 30 à 33: Ployeremel. Fo 156.

P. 159, l. 30: Hembon.—Ms. B 6: devers la contesse et monseigneur Gautier de Mauny à qui on conta ces nouvelles. Messire Gautier s'arma et fist armer tous les compaignons de Hambon, englès et bretons, et estoient bien six cens lanches et neuf cens archiés. Et se partirent en istance que pour venir à Vennes brisier ces trièves et traitiés et rafreschir la chité. Mais quant il furent à une lieue près, il entendirent que la cité estoit rendue, et messire Charles de Blois estoit dedens. Sy en furent moult courouchiés. Nonpourquant messire Gautier dist que, puisqu'il estoient sur les camps, que point ne retourneroient se aroient trouvé aventure. Et entendy que mesire Lois d'Espaigne chevauchoit et avoit prins la ville de Garlande et estoit sur mer pour aller en l'isle de Camparlé envers la cité de Grède, et prist tantost le chemin. Et mesire Charles de Blois prist le serment et homaige de ceulx de Vennes et y laissa dedens capitaines mesire Hervy de Lion et le sire de Clichon. Fos 210 et 211.

§ 172. P. 160, l. 7: Saciés que.—Ms. d'Amiens: Sachiés que, quant messires Loeys d'Espaigne fu montés, au port de Garlande, sour mer, il et se compaignie allèrent tant nagant par mer, qu'il arivèrent en le Bretaingne bretonnant par mer au port de Camperli et assés priès de Camper Correntin et de Saint Mahieu de Fine Posterne; et yssirent des naves, et allèrent ardoir et rober tout le pays. Et trouvèrent si grant avoir que grant merveillez seroit de le raconter; si le raportèrent tout en leur naves, et puis allèrent autre part rober et courir tout le pays sus le marine, qui se tenoit ne rendoit de le comtesse de Montfort. Et y conquissent si grant avoir, que il en estoient si cargiet que il n'en savoient que faire.

Ces nouvelles parvinrent à Hainbon à le comtesse de Monfort et as chevaliers qui là estoient, tant d'Engleterre que de Bretaingne, coumment messires Loeys d'Espaigne couroit tout le pais. Si s'avisa messires Gautiers de Mauny d'une grant proèce, et en parla as compaignons et leur dist que il perdoient leurs tamps à là sejourner, ou kas que il sentoient leurs ennemis si priès d'iaux. Dont respondirent tuit communaument que il estoient appareilliet à faire tout ce que il vorroit. Et li sirez de Mauni leur dist: «Grant merchis.» Lors appareillièrent il tout leur harnas et 393 cargièrent les vaissiaux sus le havene, et y missent leurs cevaux et puis entrèrent ens. Bien estoient cinq cens hommes d'armez et deus mille archers, et telz chevaliers que messires Amauris de Clichon, messires Yves de Tigueri, li castellains de Ghingant, li sires de Landreniaux, messires Guillaummes de Quadudal, messires Joffroy de Malatrait, messires Henris de Penefort, li doy frère de Leynendale, messires Guis de Nulli, li sirez Despenssiers, messires Jehans le Boutillier, messires Hubert de Frenay, messires Alains de Sirehonde, mestre des archiers, et pluisseurs autrez chevaliers et escuyers. Si eurent bons maronniers et saiges, et ne cessèrent de nagier si furent venut droit au port de Camperli, là où les naves et les vaissiaux monseigneur Loeys d'Espaingne estoient et gisoient, et tous li granz avoirs que il avoient concquis ou pays d'environ. Si entrèrent ens Englès et Breton, et ochissent tous ceux qui les gardoient, et y trouvèrent tant de ricoisse que tout en furent esmervilliet. Et entendirent par les prisonniers que messires Loeis chevauçoit. Lors eurent consseil et advis que il se partiroient en trois bataillez et sieuroient lez fummierrez, et ne cesseroient si aroient trouvet le dit monseigneur Loeys et se routte, et yaux combatu. Si se missent as camps ainssi comme ordonné fu, et pourveirent et garnirent leur navie et le navie que trouvet avoient sus le port de Camperli, de trois cens archers et de cent hommez d'armes; et puis chevauchièrent à l'endroit des fummierrez et dez chemins là où il esperoient monseigneur Loeys d'Espaigne à trouver le plus tost et toutte se routte pour le combattre.

Ces nouvellez vinrent au dessus dit monseigneur Loeys que li Englès chevauchoient et le queroient, et estoient sans comparison plus fors qu'il ne fust. Si se doubta de leur encontre, et requella tout bellement ses gens et remist enssamble; puis chevaucha vers l'ille de Camperli pour revenir à sa navie. Mais enssi qu'il cevauchoit sus le marine, il encontra messire Guillaume de Quadudal, messire Henry de Pennefort et monseigneur Joffroy de Malatrait et leur routte; et quant il lez perchupt, si congnut assés que combattre lez couvenoit. Si mist sez gens enssamble et lez recomforta et escria son cri, et fist chevauchier se bannierre et appella ung sien nepveult que on claimmoit Aufour; et le fist là chevalier et pour l'amour de lui six autrez, et leur pria que il penssaissent dou bien faire, et chacuns li eut en couvent. Adonc s'asamblèrent il li Franchois et li Breton, et y eult, de premières 394 venues, fortez joustez et radez, et pluisseurs compaignons porté à terre de l'un léz et de l'autre; et apriès les lanches fallies, il sachièrent lez espées et les espois et lez hachez qui as archons des siellez leur pendoient, et s'en donnèrent grans horions et durs, et là en y eult moult de navrés et de blechiés. Et vous ay en couvent que messire Loeys d'Espaigne et messires li Auffours, sez niéz, y fissent tamainte belle appertise d'armes. Et s'i portèrent si bien des premiers chil de son costet, que finaublement il ewissent desconfit lez Bretons et mis en cache, quant messire Gautiers de Mauni et une grant routte d'Englèz, gens d'armes et archiers, y sourvinrent frèz et nouviaux. Adonc se recoummencha la bataille dure et felenesse; et couvint là souffrir et endurer monseigneur Loeys d'Espaigne et monseigneur l'Aufour son nepveult et le chevalerie de leur costet, grant painne.

Vous devés savoir que ceste bataille, qui fu en l'ille de Camperli assés prièz de Camper Correntin, fu moult fellenesse et bien combatue. Et trop bien s'i porta messires Loeis d'Espaigne, et ossi fissent tout chil de son costet; mès trop leur fu li fais durs et pesans, quant messires Gautiers de Mauni y sourvint, car il amena toutte fresce gent et bien combatant qui trouvèrent lez Franchois jà lassés davantaige. Nonpourquant encorrez se deffendirent il et combattirent vassaument, mès enfin il ne peurent tenir place. Et furent desconfit et mors et messires li Aufors d'Espaigne, et li bannière de monseigneur Loeis, son oncle, portée par terre, et uns bons escuier qui le portoit, mors et abatus, que on claimmoit Huez de Lontin. Et se retraissent messires Loeys et ses gens deviers leur navie, et Englès et Bretons apriès yaulx en cache, et touttez mannières de gens paisans dou pays qui poursieuwi les avoient as bastons, as bourlés et as pikez, pour rescour ce que dou leur avoient perdu. Enssi à grant meschief li dis messires Loeis se parti de le bataille, durement navrés en pluiseurs lieux, et ne ramena de bien trois mille hommez qu'il avoit avoecq lui, non plus trois cens et y laissa son nepveult mort, dont trop durement fu courouchiéz.

Avoecq tout ce, quant li dis messires Loeys fu venus à sa navie, il le trouva prise et garnie de sez ennemis. Si fu durement esbahis, et tant couri sus le sabelon que il vint jusquez à ung ligne, ung vaissiel qui siens estoit. Si entra dedens en grant qoite et aucuns des siens especiaulx qui mettre s'i peurent. Puis sachièrent li maronnier le single amont et eurent bon vent, et furent tantost 395 esloingiet, car chils lings si est uns vaissiaux plus appers que nulx autrez, et va de tous vens et contre touttes marées. Quant chil chevalier d'Engleterre et de Bretaingne eurent desconfis leurs ennemis et il perchurent que li dis messires Loeys s'en estoit partis et alléz par deviers les vaissiaux, il se missent tout à aller apriès lui tant qu'il peurent, et lessièrent les gens dou pays couvenir del remannant et yaux vengier et reprendre partie de ce que on leur avoit robet. Quant il furent venus as vaissiaux, il trouvèrent que li dis messires (Loeys [408]) estoit entrés en ung ligne et s'en alloit nagant quanqu'il pooit. Si entrèrent tantost ens ès plus appareilliéz vaissiaux qu'il trouvèrent là sus le marinne, et drechièrent lors voillez et nagièrent tant qu'il peurent apriès le dit monsigneur Loeis (d'Espaigne); car il leur estoit avis que il n'avoient riens fait, se il leur escappoit. Il eurent bon vent si comme à souhet, et le veoient toudis nagier devant yaux si fortement qu'il ne le peurent raconssuiwir. Et tant naga li dis messires Loeys (d'Espaigne) à l'esploit dou vent et des maronniers, qu'il ariva à ung port que on claimme le port de Gredo. Là descendi li dis messires Loeys d'Espaigne, et chil qui escappet estoient avoecq lui, et entrèrent en le ville de Gredo. Il n'eurent miez plenté sejourné en le ditte ville, quant il oïrent dire que li Englès estoient arivet et qu'il descendoient pour yaux combattre. Et quant messires Loeys et se routte oyrent ces nouvellez, si n'eurent pas vollenté de là plus sejourner, mais quisent, prissent et empruntèrent cevaus en le ville et montèrent sus à esploit. Là en y eut de mal montéz, et se missent as camps deviers le chité de Rennes, messires Loeys tout devant, enssi comme homs desconfis, et ses gens apriès, cescuns qui mieux mieux; et qui cheval ne pot avoir, si se repust et mucha au mieux qu'il peult.

Quant li Englès et li Breton furent arivet à Gredo, et il sceurent que messires Loeis et li sien estoient parti et s'en aloient deviers Rennez, si fissent tantost traire lors cevaux hors de leurs vaissiaux, chilz qui ceval avoient, et se missent en cache encorrez apriès yaulx; mès il estoient jà si eslongiet que nulx n'en trouvèrent. Si retournèrent à Gredo, et s'i logièrent et reposèrent le nuit.

L'endemain, il rentrèrent en leurs vaissiaux et singlèrent pour revenir vers Hainbon, mès il eurent vent contraire et waucrèrent 396 par deus jours; et les couvint de force ariver à trois liewez de le ville de Dinant. Puis se missent au cemin par terre enssi qu'il peurent, et gastèrent le pays entour Dinant et prendoient cevaux telx que chacuns pooit trouver, li uns à selle, et li autre sans selle; et allèrent tant qu'il vinrent ung soir assés priès de le Roceperiot. Quant il furent là venu, messires Gautiers de Mauni dist: «Certainnement jou iroie vollentiers au matin assaillir che fort castiel de le Roceperiot, se jou avoie compaignie, com travilliéz que je soie.» Et tout li chevalier et li compaignon liement li accordèrent. Ceste nuit se reposèrent et aisièrent de ce qu'il eurent. A l'endemain au matin, il vinrent devant le dessus dit castiel; si le advisèrent et ymaginèrent coumment il estoit hault assis et sus une roche. Et dist messires Gautiers de Mauni, quant il y parfurent venu: «Il le nous couvient assaillir et savoir se nous y porions riens concquerre.» Or devés savoir que dedens le castel estoit venus, environ six jours devant, chilz bons escuiers Gerars de Malain, par l'ordounnanche de monseigneur Charlon de Blois, car autrefois en avoit il estet cappittainne. Dont, quant il vit Englès et Bretons devant lui et yaux appareillier pour assaillir, il se mist ossi en arroy pour bien deffendre. Lors commença ungs assaulx grans, fiers et mervilleux, car Englès et Breton montoient le roche et le montaigne amont, et trayoient et assalloient de grant vollenté. Et chil dou fort leur envoiioient d'amont pièrez et baux et autres coses pour yaux grever, et avoient kanons et ars à tour, dont trop bien se deffendoient. Chil qui assalloient montoient perilleusement; et bien apparut, car il y eut dez leurs pluisseurs blechiés et navrés: entre lesquelx messires Jehans li Boutilliers et messires Hubert de Frenay furent si durement blechiés, qu'il les couvint raporter aval de la Roce et mettre jesir en ung pret avoecquez les autrez navrés. Fos 70 et 71.

Ms. de Rome: Assés tos apriès avint que messires Gautiers de Mauni et auqun Englois qui desiroient les armes se departirent de Hainbon et cevauchièrent as aventures viers Roceperiot. Qant il furent venu jusques à là, messires Gautiers de Mauni dist: «Avant que nous chevauçons plus avant, je voel que nous alons assallir ce chastiel, et veoir se nous i porions riens conquester.» Tout respondirent: «A la bonne heure!» Il missent tantos piet à terre et aprochièrent le chastiel, et conmenchièrent à monter la roce et à livrer grant asaut. Pour ces jours i estoit Gerars de Malain, li esquiers de Bourgongne, qui avoit esté pris et rescous 397 à Dignant, et avoit avoecques lui des bons compagnons qui tout se missent à deffense. Li dis Gerars de Malain n'espargnoit point, mais se deffendoit de grant volenté et par bonne ordenance. Englois sont chaut et boullant, et est vis as auquns que tantos il doient avoir conquesté, soit bataille ou asaut, qant il i sont venu, et là ot des lours qui s'avancièrent follement. Auquns (furent) bleciés, et par especial deus bons chevaliers, dont li uns fu nonmés messires Jehans li Boutelliers et li aultres messires Hubiers de Frenai. Et furent tellement tapés sus lors bachinés dou jet de deus pierres que il rendoient sanch par la bouce et par les orelles; et les couvint porter hors et en sus de l'asaut en une prée et desarmer, et furent si estonnet que on quidoit bien que il deuissent morir. Fo 84 vo.

P. 160, l. 18: de Cliçon.—Le ms. B 6 ajoute: messire Joffroy de Malatrait. Fo 211.

P. 161, l. 16: batailles.—Ms. B 6: et estoit mesire Gautier de Mauny. Fo 212.

P. 161, l. 20: Aufons.—Mss. B 3, et A 1 à 22: Aufour, Auffour. Fo 84 vo.—Mss. A 23 à 33: Alphons. Fo 110 vo.

P. 162, l. 3: sis mille.—Mss. A 1 à 22: sept mille. Fo 95.—Mss. A 23 à 33: six mille. Fo 105 vo.

P. 162, l. 23: qu'il pooit.—Ms. B 6: et fist tant qu'il vint en Garlande et monta là à cheval et se sauva au mieulx qu'il pot, mais de toute(s) ses (gens) il n'en demoura que douze. Et vinrent en l'ost devant Crais, où messire Charles de Blois estoit. Fo 213.

P. 162, l. 33: Gredo.—Mss. A 1 à 22: Gredo. Fo 95.—Mss. A 23 à 33: Redon. Fo 106.

P. 163, l. 8: Rennes.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Vennes. Fo 95.—Mss. A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 33: Rennes. Fo 87 vo.

P. 164, l. 14: Mahieus de Frenai.—Ms. B 6: Jehan de Frenay. Fo 214.

§ 173.—P. 164, l. 17: Cilz Gerars.—Ms. de Rome: Chils Gerars de Malain avoit un frère, hardit honme et conforté durement, que on nommoit Renier de Malain; et estoit chapitainne et chastellains de un aultre petit fort, seans assés priès de la Roceperiot, et le fort on clainme Fauet. Qant cils Reniers entendi que Englois et Breton livroient assaut à la Roceperiot, 398 de laquelle garnison ses frères Gerars estoit chastellains et gardiiens, il fist armer de ses compagnons jusques à quarante, et issi hors de Fauet, et cevauça viers la Roceperiot, en instance de ce que pour conforter son frère, en auqune manière se il pooit; et sourvint à l'aventure sus ces deus chevaliers englois bleciés, liquel estoient en une prée en sus dou hustin, car la noise lor faisoit mal, et ne trouvèrent dalés euls que varlès qui les gardoient. Il veirent tantos que il estoient de lors ennemis, et que on les avoit là amenés pour euls rafresqir. Il environnèrent ces varlès et ces prisonniers et les prissent tous, et fissent les chevaliers monter sus lors chevaus et les varlès venir et sievir à piet, tant que il furent eslongiet une grose demi lieue en sus de la Roceperiot, et puis lor donnèrent congiet. Chil varlet de piet se tinrent pour tous resjois qant il se sentirent delivret, et vinrent à fuiant devant la Roceperiot, et se traissent deviers messire Gautier de Mauni et les aultres, et lor dissent: «Signeur, rescoués mesire Jehan le Boutellier et messire Hubert de Frenai, que chil de la garnison de Fauet enmainnent.»

Sus ces paroles, tout laissièrent l'assaut, et montèrent as cevaus et ferirent à l'esporon, çasquns que mieuls mieuls, pour raconsievir ceuls de la garnison de Fauet; mais il estoient jà entré dedens, et tout mis à sauveté, prisonniers et euls, et relevet le pont et trait les barrières avant, et avoient encores eu loisir de boire un cop et de euls rafresqir. Evous venu messire Gautier de Mauni et les Englois et les Bretons à l'esporon, et missent tantos piet à terre, et approchièrent le chastiel et conmencièrent à asallir, con lassé que il fuissent, et continuèrent l'asaut jusques à la nuit; car tantos fu tart. Il regardèrent quel cose il feroient; car il n'avoient tentes ne trefs, ne nulles pourveances, fors bien petit. Mesires Gautiers de Mauni dist: «Nennil, il nous fault ravoir nos compagnons: aultrement nous receverions trop grant blame, et se sera tantos jours. Une nuit est tantos passée; il fait biel et chaut. Nostres chevaus se passeront bien meshui de ce que nostres varlès trouveront.» Chils consauls fu creus. Et se logièrent ces Englois et ces Bretons à l'environ de Fauet; et lor varlet alèrent fouragier, et se passèrent la nuit de ce que il trouvèrent. Fos 84 vo et 85.

§ 174.—P. 164, l. 23: quarante.—Ms. d'Amiens: jusquez à quarante. Fo 71.—Ms. B 6: quarante lances. Fo 214.

399 P. 165, l. 8 et 9: l'assaut.—Ms. B 6: Dont cheulx de Rochepierot furent bien eureus, car on dist que, se l'aventure ne fust venue, les Englès les eussent conquis. Fo 214.

P. 165, l. 22: Gerars de Malain.—Ms. d'Amiens: Gerars de Malain sceut, tantost que cil signeur se furent parti de Rocheperiot, le biel fet d'armez que Reniers ses frèrez avoit fait pour lui secourir, si en eut grant joie, et sceut que chil seigneur englès et breton estoient pour chou tret par deviers Fauet et le concquerroient se il pooient. Si se appenssa que il feroit ossi biel service à son frère qu'il li avoit fet. Si monta en l'eure et tout de nuit sus son cheval et chevaucha tant que ung petit devant le jour il vint à Dinant. On li ouvri le porte, car bien y estoit conneus. Si parla à monseigneur Pière Portebuef, son compaignon et cappittainne de Dinant, et li remoustra quel besoing l'amenoit là. Messires Pière (Portebuef) fist tantost sommer la cloce dou consseil de la ville. Et s'asamblèrent tout li bourgois ou marchiet; et quant il furent tuit venu, li dessus dit les priièrent et enortèrent si bellement que tout s'acordèrent ad ce qu'il s'armeroient et yroient deviers Fauet pour secourir Renier de Malain, leur bon voisin. Dont s'armèrent ysnielment touttez mannières de gens en le ville de Dinant, et se rassamblèrent en le plache, et furent bien six mille, qu'à piet qu'à ceval, et se partirent à grant effort et prissent le chemin de Fauet, messires Pières Porteboef et Gerars de Mallain devant, qui les conduisoient. Ces nouvelles vinrent à messire Ghautier de Mauni et as chevaliers englès et bretons coumment chil de Dinant et dou pays d'environ venoient pour yaux combattre. Si eurent consseil entr'iaux que bon leur en seroit affaire, si ques, tout consideret, le bien et le mal, il s'acordèrent à ce qu'il se partiroient de là et s'en retourneroient tout bellement par deviers Hainbon, car grans meschiefz leur poroit avenir, se il demoroient longement là; car, se cil de Dinant leur venoient d'une part et li hos messire Carle de Blois et li signeur de Franche d'autre part, il seroient enclos, si seroient tous (pris [409]) et mors à le vollenté de leurs ennemis. Si se acordèrent à ce que li milleurs poins estoit de laissier leurs compaignons en prisson que de tout perdre, jusquez adonc que il le poroient amender. Lors se partirent de Fauet et s'en retournèrent vers 400 Hainbon. Or lairons ung petit à parler d'iaux et parlerons de monseigneur Loeys d'Espaigne....

Quant messires Gautiers de Mauni se fu partis de Fauet et il eurent pris le chemin de Hainbon, il vinrent passant par devant le fort castiel que on claimme Gohy le Forest, qui, quinze jours devant, estoit rendus à monseigneur Carlon de Blois. Et l'avoit li dis messires Carlez livret pour garder à monseigneur Gui de Ghoy, qui en devant le tenoit, liquelx n'estoit point adonc là, mès estoit en l'ost avoecq les seigneurs de France par devant la ville de Craais. Quant messires Gautiers de Mauni vi le castiel de Ghoy le Foriest, qui durement estoit fors, il dist à ces chevaliers de Bretaingne qui estoient avoecq lui, que il n'yroit plus avant, ne de là ne se partiroit, com travilliés qu'il fuist, si aroit assailli che fort castiel et aroit veu le couvenant de ciaux qui estoient dedens. Si coummanda tantost as archiers que chacuns le sieuwist, et à ses compaignons ossi, puis prist sa targe à son col et monta amont jusques as baillez et as fossés dou castiel, et tout li autre Breton et Englès le sieuvirent. Lors coummenchièrent fortement à assaillir, et chil de dedens fortement à yaux deffendre, coumment qu'il n'ewissent point de leur cappitaine. Là eult trop fort assault et grant fuison de bien faisans dedens et dehors, et dura longement jusques à basses viespres. Là estoit messire Gautier de Mauny tout devant, qui mies ne s'espargnoit, mès se mettoit ou plus grant peril pour rencoragier les siens. Et li archier traioient si ouniement que chil de dedens ne s'osoient apparoir as cretiaus, se petit non. Si fissent tant li assallant que li fossés furent rempli à l'un des lés d'estrain et de bois et de terre gettée par dessus, par quoy il pooient bien parvenir jusques as murs. Adonc assaillirent il plus fort que devant. Et avoient pik dont il petruisièrent le mur, et y fissent ung si grant trau que par ce il reversèrent ung pan dou mur; et entrèrent ens de force et ochirent tous ceux qui dedens estoient, excepté quatre qu'il enmenèrent prisonnier. Et laissièrent le castiel en cel estat et s'en partirent à l'endemain; et s'en revinrent à Hainbon, où il furent recheuv à grant joie de le comtesse de Montfort et de tous lors compaignons.

Or avons nous entroubliiet à parler dou secours de Dinant qui venoit devant Fauet. Voirs est qu'il y vinrent; et quant il trouvèrent les Englèz partis, messire Pière Porteboef ramena chiaux de Dinant. Fo 71.

401 Ms. de Rome: Gerars de Malain, qui se tenoit en Roceperiot entendi que li Englois et li Breton estoient devant Fauet. Si s'apensa que il conforteroit son frère et li remunerroit le service que fait li avoit; si se departi de Roceperiot et vint à Dignant. D'aventure estoient là venu li sires de Chastellon, li viscontes de Rohem, li sires d'Amboise et autres chevaliers de France, les quels mesires Carles de Blois i avoit envoiiés pour conforter la ville, pour tant que il avoit entendu que li Englois cevauçoient; et estoient bien trois cens lances et deus cens Geneuois. Li esquiers bourgignons lor recorda le fait pour quoi il estoit là venus, et de son frère qui estoit assegiet ou chastiel de Fauet, et couvenoit que il fust secourus, ou il seroit pris, et li doi chevalier que il tenoit prisonniers, rescous. Ces gens d'armes ne furent onques si resjoi, à ce que il moustrèrent, qu'il furent; et s'ordonnèrent toute la nuit au partir au point dou jour, et s'armèrent et fissent armer tous les honmes aidables de Dignant. Et furent ou gouvrenement de messire Pierre Portebuef; et puis, à l'aube dou jour, il se departirent de Dignant, et ne pooient tos aler pour la cause de ceuls de piet qui les sievoient. Messires Gautiers de Mauni et chil qui estoient devant Fauet, furent segnefiiet que François venoient efforciement. Si n'orent pas consel de l'atendre, et s'en departirent et retournèrent viers Hainbon; si ques, qant li François furent jusques à là venu, il ne trouvèrent à qui parler. Ensi demora pour ces jours Fauet en paix. Et confortèrent li doi frère l'un l'autre et li doi chevalier prisonnier: dont moult en anoia à mesire Gautier de Mauni, mais amender ne le pot pour l'eure.

Qant mesires Gautiers de Mauni et sa route se furent departi de Fauet, ensi que vous avés oï, il n'alèrent pas le droit cemin pour retourner à Hainbon, mais s'adrechièrent viers Goi le Forest, un chastiel assés fort, qui se tenoit à mesire Carle de Blois. Messires Gautiers de Mauni, qui estoit encores tous merancolieus des deus chevaliers, messire Hubert de Frenai et messire Jehan le Boutillier, qui estoient demoret derrière et prisonnier ou chastiel de Fauet, qant il fu venus devant le chastiel de Goy la Forest, il dist à ses compagnons: «Il nous fault assaiier à ce chastiel, se jamais nous le porions prendre.» Tout furent de son acord et missent tantos piet à terre, et alèrent asallir de si grant volenté, que li chastiaus fu pris, et tout chil mort, qui dedens estoient. Et puis passèrent oultre, et vinrent ce jour à Hainbon où la contesse 402 estoit, qui lor fist bonne chière, mais messires Gautiers ne pooit oubliier la prise des deus chevaliers et doutoit messire Lois d'Espagne que il ne les fesist morir, en contrevengant la mort de son neveu, messire Aufons d'Espagne, liquels avoit esté ocis en l'ille de Camperlé. Fo 85.

P. 166, l. 15: sis mille.—Ms. B 6: quatre mille. Fo 215.

§ 175. P. 168, l. 19: Quant.—Ms. d'Amiens: Et Gerars de Malain retourna en le Roceperiot: si entendi que li Englès avoient pris Ghoi le Forest et ochis ceux de dedens et l'avoient laissiet. Si vint ung jour celle part et y amena grant fuison de bonhommes dou pays, et le fist remparer et fortefiier de rechief et pourveir d'artillerie, de pourveanches et de bons compaignons pour le garder; car mies ne volloit que li Englès y amasesissent pour gueriier chiaux d'environ.

Et toudis se tenoit li sièges devant Craais. Tant fist messires Carlez de Blois o son effort et les seigneurs de France que li roys Phelippes, ses biaux oncles, li avoit envoiiés, devant la bonne et forte ville de Craais, et tant le fist assaillir par pluisseurs fois, que chil de dedens furent durement constraint en pluisseurs mannières. Et se tinrent et deffendirent comme bonne gent et senefiièrent leur necessité par deux ou par troix foix à leur damme la comtesse de Montfort, qui moult estoit couroucie que elle n'estoit forte assés pour lever le siège; mès messires Carles de Blois avoit adonc grant host et belle gent, et tous les jours li fuisonnoient. Si ne se trouvoit mies en point pour yaux combattre.

Or eut la comtesse consseil par l'avis de monseigneur Ghautier de Mauny que elle escriproit une grande part de ses besoingnes au roy d'Engleterre, et li renouvelleroit les couvenenches qu'il avoient enssamble et li prieroit d'avoir secours: autrement, ce que elle tenoit de pays en Bretaingne estoit en grant aventure. Si escripsi la comtesse au roy englès lettrez moult affectueuses, ensi que bien le seult faire, et messires Gautiers de Mauny ossi pour mieux aprouver et encoulourer les besoingnes de le damme. Les lettres escriptez et saellées, li messagiers parti et entra ens une nef ou havene de Hainbon, et singla vers Engleterre. Endementroes qu'il ala et vint et fist son messaige, pluiseurs coses avinrent en Bretaingne, desquelles je vous feray des aucunnes mention, mès premiers je vous compteray dou siège de Craais coumment il fu perseveréz.

403 Ensi comme dessus est dit, tant fist messires Carles de Blois devant la ville de Craais, que durement l'appressa et constraindi de famine. Et quant cil de Craais veirent que il ne seroient autrement comforté ne secourut de par la comtesse, il se doubtèrent de plus à perdre; car il veoient monseigneur Carlon de Blois fort durement. Si traitiièrent deviers lui par amiable composition que il leur volsist pardonner son mautallent, et il le receveroient à signeur et li feroient feaulté et hoummaige pour tous jours. Mès chilz tretiés fu si sagement demenéz que li dessus dis messires Carles les rechupt par l'ordounnanche dessus ditte et entra dedens la ville, et y fu rechus à grant joie et y reposa et toutte sen host, voirs chil qui reposer y veurent, par six jours, et leur fist on là dedens moult de courtoisiez. Fos 71 vo et 72.

Ms. de Rome: Si ordonna li dis messires Carles (de Blois) chapitainne à Vennes et bonnes gens d'armes pour le garder. Et puis se traissent (li François) devant la ville de Craais, qui aussi sus quatre jours entra en trettiet et se rendi. Et de là il vinrent devant Hainbon, et se requellierent toutes les gens d'armes et les capitains françois de tout le pais, qui pour lors se tenoient à mesire Carle de Blois, et vinrent tout au siège de Hainbon. Fo 85 vo.

§ 176. P. 170, l. 11: Adonc.—Ms. d'Amiens: Endementroes eurent li seigneur consseil quel part il se trairoient, ou devant Jugon, ou devant Hainbon. Finaublement consseil se porta qu'il se retrairoient devant Hainbon et l'assiegeroient de tous costéz, car leur ennemic se tenoient par dedens, et n'en partiroient, c'estoit leur entente, si l'aroient à leur vollenté. Dont se partirent au septime jour et aroutèrent tout leur charoy et missent les pourveanches à voiture, et s'en vinrent li seigneur et touttes mannières de gens devant Hainbon et le assiegièrent.

Or ont de rechief li Franchois assegiet le ville et le castiel de Hainbon, et dedens la comtesse de Montfort et le seigneur de Mauni et moult de bonne chevalerie et escuierie d'Engleterre et de Bretaingne, qui souffissamment et vassaument s'i portent et deffendent le dessus ditte fortrèce. La compaignie de ces signeurs de France estoit durement moutepliiée et acroissoit tous les jours; car grant fuison des seigneurs de France, chevaliers et bonne gent d'armes, revenoient de jour en jour del roy Alphons d'Espaingne, qui adonc guerioit au roy de Grenade et as Sarrasins: 404 si ques quant il passoient par Poitou et il ooient nouvellez dez ghuerres qui estoient en Bretaigne, il s'en alloient celle part, et il estoient li bien venu. Li dis messires Carles avoit fait drechier jusques à seize grans enghiens qui jettoient grandez pierres ouniement as murs de Hainbon et en le ville. Mès chil de dedens n'y acomptoient mies gramment; ains venoient tantost as murs et as cretiaux et lez passoient de leurs capperons par despit. Et puis crioient quanqu'il pooient, et disoient: «Alléz, allés requerre vos compaignons et raporter, qui se reposent ou camp de Camperli:» desquelz parollez et trufferiez messires Loeis d'Espaigne et li Geneuois avoient grant yreur et grant despit. Fo 72.

Ms. de Rome: Chil de la garnison de Hainbon estoient durement fortefiiet. Et bien lor besongnoit, car toute la flour de la chevalerie estoit pardevant là venue et arestée de France; ne on ne savoit adonc où querre les armes, fors en Bretagne. Fo 85 vo.

P. 170, l. 26: l'avoient veu.—Mss. A 20 à 22: puis qu'il fut envoié devant Dignant. Fo 145.

P. 170, l. 28: montepliie.—Ms. B. 6: car le roy Phelippe y envoia mille combatans, pour che qu'il savoit bien que messire Gautier et les Englès estoient yssus d'Engleterre et retrait dedens la ville de Hambon. Fo 217.

§ 177. P. 171, l. 16: Un jour.—Ms. de Rome: Un jour vint messires Lois d'Espagne en la tente mesire Carle de Blois, et li demanda un don, present fuisson de grans signeur de France qui là estoient; et fu li dons demandés en remunerant les services que fais li avoit. Messires Carles ne savoit pas quel don il li voloit demander, car se ils le seuist, jamais ne li euist acordé, et li otria sa demande legierement, car il se sentoit moult tenus à lui.

Qant li dons fu otroiiés, mesires Lois dist: «Monsigneur, grant merchis! Je vous demande les deux chevaliers englois, qui sont prisonnier ens ou chastiel de Fauet, et que Reniers de Malain garde.»—«Volentiers, respondi mesire Carle; je les vous donne.» Et pensoit que il les vosist avoir pour ses prisonniers, et pour rançonner à finance, pour tant que il avoit moult perdu en l'ille de Camperlé. Il furent envoiiet querre, et amené par l'esquier meismes qui pris les avoit. Qant mesires Carles les vei, il dist à Renier de Malain: «Renier, chil doi chevalier sont vostre. Je les vous demande, et qant il venra à point, il vous vaudront bien aussi grant don.»—«Monsigneur, dist Reniers, je les 405 vous donne.»—«Grant merchis,» dist messires Carles, «et je les vous donne,» dist il à mesire Lois, «qui demandé me les avés. Quel cose en volés vous faire?»—«Sire, dist il, vous les me-s-avés donnés, et ce sont mien. C'est li intension de moi, car je ai par euls pris et recheu si très grant damage que mes gens mors et ocis, et par especial Aufons, mon neveu, que je amoie otant que moi meismes, que il morront aussi.» Donc regarda messires Carles sus messires Lois, et se repenti trop fort de ce que il li avoit donné et acordé les deus chevaliers, et li dist: «Cousins, se vous faissiés ce que vous dittes, vous en seriés trop grandement blamés, et si seroit trop grant cruaultés. Se li chevalier servent le roi d'Engleterre et il soient pris par bataille, son service faisant, ils n'ont pas pour ce deservi mort, mais tenés les et si les rançonnés courtoisement, ensi que gentilhonme font l'un l'autre, car sus celle entente et pour ensi à faire, les vous ai je donnés.»—«Sire, respondi li dis messires Lois, li chevalier sont mien; si en ferai ma volenté; et se vous les me-s-ostés, jamais jour ne vous servirai.» Li dis mesire Carle de Blois vei son cousin courechiet et enflamet en aïr et ne le voloit pas perdre, car de tous ceuls de l'oost il estoit chils qui plus loiaument se acquitoit en ses armées et cevaucies; se li dist: «Cousins, nous nos disnerons, et apriès disner vous auerés avis quel cose vous ferés.» Li intension de messire Carle de Blois estoit telle que il feroit priier tant de signeurs à messire Lois d'Espagne, pour sauver les deus chevaliers, que point ne morroient. Et fist couvrir les tables en sa tente, et manda son frère le conte de Blois et ses cousins de Bourbon, le signeur de Chastellon et aultres, et lor donna ce jour à disner, et retint messire Lois d'Espagne dalés li et les deus chevaliers d'Engleterre qui avoient oy toutes ces paroles et ces manaces. Si n'estoient pas bien aseguré, mais grandement il se contentoient de monsigneur Carle de Blois, et veoient bien que en li avoient un bon moiien. Fos 85 vo et 86.

P. 171, l. 17: en l'entente.—Ms. d'Amiens: ens ès tentez. Fo 72.

P. 171, l. 28: Mahieu de Frenai.—Ms. d'Amiens: Hubert de Frenay. Fo 72.

P. 171, l. 31: Aufons, mon neveut.—Ms. d'Amiens: Aufour, mon chier nepveut. Fo 72.

P. 172, l. 1: neveut.—Ms. B 6: fil. Fo 217.

406 P. 172, l. 3: laiens sont.—Ms. d'Amiens: et qui m'en gallent encorres tous les jours. Fo 72.

P. 172, l. 23: Loeis.—Ms. d'Amiens: car voirement li avoit il fait pluiseurs biaux servicez et estoit encorres bien tailliéz de li faire de jour en jour, car il estoit li ungs des bons chevaliers de toutte sen host. Fo 72.

P. 172, l. 24: chastellain de Fauet.—Ms. d'Amiens: Renier de Malain. Fo 72.

P. 172, l. 25: chevaliers.—Ms. d'Amiens: englès. Fo 72.

P. 172, l. 25: host.—Ms. d'Amiens: liquelx castelains li envoya parmi les bonnes enseignes qu'il eult dou dessus dit monsseigneur Carle de Blois. Fo 72.

P. 172, l. 29: pluiseur.—Ms. d'Amiens: baron et chevalier de France qui oncques mès ne les avoient veus. Fo 72.

P. 172, l. 31: dist.—Ms. d'Amiens: par grant yrour. Fo 72.

P. 173, l. 13: semblable cas.—Ms. d'Amiens: cas sannable. Fo 72.

P. 173, l. 13: li aultre signeur.—Ms. d'Amiens: li signeur de Franche. Fo 72.

§ 178. P. 173, l. 21: Toutes les parolles.—Ms. d'Amiens: Touttes les parolles, demandez et responsses qui premiers furent dittez entre monseigneur Carle et le dit monseigneur Loeys à l'oquison de ces deux chevaliers, furent tantost sceuwes à monseigneur Gautier de Mauni et à monseigneur Amauri de Clichon, par espies qui toudis alloient couvertement de l'un host en l'autre. Ossi furent touttez ces parolles darrainnement dittez, quant li doy chevalier furent amenet en le tente monseigneur Carle. Et quant li doy chevalier messires Ghautiers et messires Amauris oïrent ces nouvellez et entendirent que c'estoit à certez, il en eulrent grant pitié. Si appellèrent aucuns de leurs compaignons et leur remoustrèrent le mescief des deux chevaliers, lors amis et compaignons, pour avoir consseil qu'il en poroient faire; puis coummenchièrent à pensser li uns chà et li autrez là, et n'en savoient c'aviser. Au dairains, coummencha à parler li preux chevaliers messires Gautiers de Mauny, et dist: «Seigneur compaignon, che seroit grant honneur pour nous, se nous poions ces deux bons chevaliers sauver; et se nous nos en mettons en aventure et fallissions, si nous en seroit li roys d'Engleterre bon gré; et ossi feroient tout preudomme qui en oroient parler, quant 407 nous en arions fait nostre pooir. Si vous en diray mon avis, se vous avés talent de l'entreprendre; car il me samble que on doit bien le corps aventurer pour sauver le vie de deux vaillans chevaliers. J'ay aviset que nous nos yrons armer et nous partirons en deux pars. Li une des pars ystera maintenant, ensi que on disnera, par ceste porte, et se iront ly compaignon rengier sus cez fossés pour estourmir l'ost et pour escarmuchier. Bien croy que tout chil de l'host acouront ceste part, et vous, messires Amauris, en serés cappittainne, et arés avoecq vous mil bons archiers pour lez sourvenans detriier et faire reculler. Et je prenderay deus cens de mes compaignons bien montés et cinq cens archiers, et ysterons par ceste posterne d'autre part couvertement, et venrons ferir par derière en leur loges que nous trouverons wuidez; et se il plaist à Dieu, nous ferons tant que nous les hosterons de ce peril.» Chilz conssaux et advis pleut à tous, si qu'il fu fais et ordounnés tantost en l'eure, et s'armèrent tout chil de Hainbon secretement.

Droitement sus l'eure dou disner yssi messires Amauris de Clichon à cinq cens hommes d'armes et à mil archiers par le porte qui le plus proçainne estoit de l'ost, et se rengièrent et ordonnèrent sus les fossés; et quant cil de l'host lez virent, si criièrent partout: «As armes!» et s'armèrent vistement et partirent de leurs logeis et vinrent escarmuchier à yaux; et li archier coummenchièrent à traire et à ensonniier les Franchois. Endementroes messires Gautiers de Mauny, messires Frankes de Halle, messires Henris de Pennefort, messires Guillaummes de Cadudal, messires Joffrois de Malatrait et bien deux cens compaignons et tous d'eslite et cinq cens archiers montés à cheval, se partirent de Hainbon par une posterne qui oeuvre sus le mer, et chevaucièrent en sus de le ville et entours l'ost, et s'en vinrent ferir ens ès logeis par derière et n'y trouvèrent adonc que varlès et gharçons, car tout li seigneur estoient à l'escarmuche. Et avoient li Englèz espiez et meneurs qui menèrent tantost et de fet monseigneur Ghautier et se routte droitement en le tente là où li doy chevalier prisonnier estoient en grant soussi, liquel furent errant delivret de chiaux qui lez gardoient, dont li plus furent mort et navret et mis en cache, et furent tantost montez sour deux coursiers et rammenet en le ville de Hainbon par force d'armes. Che service leur fist messires Ghautiers de Mauny, dont il acquist grant grasce. Et moult en fu messires Loeys d'Espaingne 408 courouchiéz, mès oubliier li couvint: si en fu il depuis moult merancolieux, par tant qu'il avoit en tel mannière perdu les deux chevaliers, dont il volloit faire se venganche. Fo 72 vo.

Ms. de Rome: Toutes ces paroles furent sceues en la garnison de Hainbon et dittes et comptées à messire Gautier de Mauni, qui tantos sus heure fu consilliés et dist à ses compagnons: «Biau signeur, il nous fault rescourre les deus chevaliers.»—«Et conment ferons ce?» respondirent li aultre. «Je le vous dirai, dist messires Gautiers, nous ferons armer tous ceuls de ceste garnison, et une partie demorer pour garder la porte et le pont. Et vous, messire Ive de Tigri, messire Guillaume de Qadudal, li sires de Landreniaus, li chastellains de Ghinghant, li doi frère de Pennefort, prenderés deus cens compagnons et cinq cens archiers, et saudrés hors sus le point dou disner, et irés escarmuchier et estourmir l'oost. Et je et mes compagnons, lesquels je ai mis hors d'Engleterre, à cinq cens archiers, saudrons hors par la posterne et cevaucerons tout droit là où li doi chevalier prisonnier sont, et ferons nostre pooir dou conquerre et dou ramener. Li coers me dist que nous les rauerons, et ce seroit grant defaute pour nous, qant nous les savons en tel parti, (si) nous ne faisions nostre diligense de euls delivrer.» Tout furent de son acort et s'armèrent et apparillièrent, et montèrent as cevaus ceuls qui monter i devoient. Et fu ouverte la porte et li pons avalés, et sallirent hors les deus cens armeures de fier, tous Bretons, et les cinq cens archiers, et s'en vinrent escarmuchier et estourmir l'oost. Et fu sus le point dou disner, dont oissiés tronpètes et claronciaus retentir et bondir et criier alarme, et toutes gens sallir sus et euls armer. Meismement messire Carles de Blois et tout li signeur qui en sa tente estoient, sallirent sus et boutèrent les tables jus et s'armèrent et ordonnèrent, et ne vodrent pas estre souspris à leur disner, et se departirent et se traissent casquns viers l'escarmuce. Et mesires Lois d'Espagne meismement, et ot si grant quoite de li armer et d'aler à l'escarmuce, que il ne li souvint de ses deus chevaliers englois prisonniers, et les laissa en la tente à mesire Carle de Blois, en la garde des varlès d'offisce qui là estoient.

Qant la cose fu bien estourmie, evous messire Gautier de Mauni venu et issu hors de Hainbon par une posterne qui regardoit sus la mer, ferant à l'esporon tout autour des logeis et ses compagnons. Et estoient bien deus cens armeures de fier et cinq 409 cens archiers, et bien avoient qui les menoit; et s'adrecièrent droit au logeis à messire Carle de Blois, et n'entendirent à aultre cose faire que de venir en la tente dou dit messire Carle. Et ne trouvèrent que varlès qui là estoient, qui tantos s'enfuirent, li uns chà, et li aultres là, et laissièrent les deus chevaliers qui furent moult resjoi qant il veirent messire Gautier et lor route. Tantos il furent monté sus deus chevaus, et se missent au retour messire Gautiers et ses gens par le cemin meismes où il estoient venu, et n'eurent encontre ne destourbier nul, et rentrèrent en Hainbon. Fo 86.

P. 175, l. 21 et 22: qui les recueilloient vistement.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: qui se reculoient, en desfendant vistement. Fo 98 vo.

§ 179. P. 176, l. 21: Encores.—Ms. d'Amiens: Trois jours apriès ceste avenue, tout chil seigneur de Franche qui là estoient devant le ville de Heinbon, se assamblèrent en le tente monseigneur Carlon de Blois pour avoir consseil qu'il feroient, car il veoient bien que li ville et li castiaux de Hainbon estoient si fort qu'il n'estoient mies pour gaegnier, tant avoit dedens de bonne gens d'armes qui trop bien et trop sagement et vassaument le gardoient. Et si leur ve(n)oient [410] tous les jours pourveanches et vitailles par mer, dont il estoient bien servi, et se ne leur pooit on ce pas oster ne clore. D'autre part, li plas pays d'environ estoit si gastéz, qu'il ne savoient quel part aller fourer. Et si leur estoit li yviers prochains, par quoy il ne pooient par raison là longement demorer; si ques, tous ces poins consideréz, il s'acordèrent tout communaument que il se partiroient de là, et conssillièrent en bonne foy à monseigneur Carlon de Blois que il mesist par touttez lez citéz, les bonnez villez et les fortrèches qu'il avoit conquises, bonnes garnisons et fortes, et si vaillans cappitaines qu'il s'i peuist affier, par quoy li annemy ne les pewissent reconcquerre. Et se aucuns vaillans homz se volloit entremettre de pourcachier une trieuwe, il s'i accordast vollentiers, mès que elle ne durast fors jusques à le Pentecouste, que li saisons est revenue pour hostoiier.

A che consseil se tinrent tout chil qui là estoient, car c'estoit entre le Saint Remy et le Toussains l'an de grace mil trois cens 410 et quarante deux, que li yviers et li froide saison aprochoient. Si se partirent tout chil de l'host, seigneur et aultre. Si en ralla chacuns en sa contrée. Et messires Carles de Blois s'en ralla droit par deviers le ville de Craais à tout les barons et noblez seigneurs de Bretaingne, et dounna congiet à touttez mannières de gens estragniers, mès encorres retint il aucuns des barons de Franche pour lui aidier à consseillier. Fos 72 vo et 73.

Ms. de Rome: Encores se combatoient et escarmuçoient les François et les Englois et les Bretons sus les fossés, et lançoient et traioient li un à l'autre, et faisoient des grandes escarmuces d'armes; et pluisseurs belles apertisses i ot là faites. Nouvelles vinrent as signeurs de France qui là estoient à l'escarmuce, que les Englois en ramenoient les deus chevaliers prisonniers. Evous sonner tronpètes et claronchiaus de retrète, pour retourner en l'oost. Car qant il oïrent dire: «Les Englois sont venus et entré ens ès tentes,» il quidièrent rechevoir plus grant damage que il n'eurent, et que les Englois deuissent bouter le feu ens ès logeis et ardoir, ensi que il avoient fait aultre fois, mais non fissent: il n'entendirent à aultre cose que de ravoir lors prisonniers et de euls mettre à sauveté.

Ensi se cessa li escarmuce, car chil qui estoient sus les fossés ne sievirent point, mais se retraissent tout bellement en la forterèce. Et ot en Hainbon grant joie, qant il sentirent les deus chevaliers resqous et delivré de dangier. Messires Lois d'Espagne fu trop durement courouchiés de ce que, tantos que li chevalier li furent donné et delivré, que il ne les avoit fait decoler, et moult de aultres signeurs de l'oost tout resjois de ce que on les avoit rescous. Et en disoient li un à l'autre: «Il est bien emploiiet, car messires Lois d'Espagne estoit très mal avisés et consilliés de euls faire voloir morir.» Et furent moult loées et reconmendées dedens et dehors les appertisses et vaillances à messire Gautier de Mauni, car par li et par ses emprises avoit esté tout fait.

Trois jours apriès ceste avenue, tout chil signeur de France se traissent en la tente de messire Carle de Blois. Et qant il furent tout assamblé, ils parlementèrent ensamble pour sçavoir conment il s'ordonneroient, car il veoient et sentoient que li iviers aproçoit, et que dedens Hainbon il estoient pourveu et rafresqui de bonnes gens d'armes et d'archiers, et estoit la ville et li chastiaus très fort, et lor pooient venir tous les jours pourveances par mer, lequel pas on ne lor pooit clore, se force de navie ne le faisoit 411 sus la mer. Avoecques tout ce, li fourageus françois ne savoient où fouragier, car li plas pais estoit tous gastés, et n'avoient vivres fors à grant dangier. Si fu dit et conselliet à messire Carle de Blois que il departesist ses gens, et pourveist forterèces et garnisons de gens d'armes, et mesist et establesist partout bons capitainnes, vaillans honmes segurs et sages, et les laiast couvenir cel ivier et guerriier par garnisons, se guerriier voloient; ou, se bonnes gens moienant ceste gerre se voloient ensonniier de tretier unes trieuves jusques à la Saint Jehan Baptiste que li pais se peuist un petit rencrassier et repourveir, on consilloit à messire Carle de Blois que ils s'i acordast legierement, par quoi, à l'esté qui retournoit, li cheval trouvaissent à fouragier sus les camps. Chils consauls fu creus et tenus: on se desloga. Au deslogement que li signeur de France fissent, il missent une grose enbusque sus, par quoi chil dou chastiel et de la ville de Hainbon ne lor peuissent porter damage. Et avint que, qant les Englois et les Bretons qui en Hainbon se tenoient, veirent li deslogement, li auqun, par convoitise de gaegnier, sallirent hors et se boutèrent sus les deslogans, mais il alèrent trop avant, car li enbusque, laquelle messire Lois d'Espagne gouvrenoit, salli avant, et là furent rebouté chil de Hainbon moult durement. A très grant meschief peurent il rentrer à la ville, et demorèrent dehors deus chevaliers par lor vaillance, qui deffendoient les rentrans. Ce furent li sires de Landreniaus et li chastellains de Ghinghant, et furent pris et environ dix honmes d'armes et menet en voies. Ensi ala de celle escarmuce. Trois jours apriès ceste avenue, vinrent nouvelles ens ou chastiel de Hainbon à la contesse de Montfort, et as chevaliers d'Engleterre et de Bretagne, que li doi chevalier dessus nonmet, mesires Carles de Blois et les signeurs sejournans à Rennes, estoient tournet François et devenu honme à mesire Carle de Blois et fait feaulté et honmage: dont on fu moult esmervilliet, car la contesse lor avoit fait moult de biens, et lor couvint passer, ne avoir n'en porent aultre cose.

Ensi se deffist li sièges de Hainbon en celle saison, environ le Saint Luch, l'an de grasce mil trois cens quarante deux que li iviers et les longes nuis aproçoient. Et pourvei et rafresqi mesires Carles de Blois toutes les chités, les villes et les chastiaus que il tenoit en Bretagne, de nouvelles gens d'armes et de pourveances. Et remercia les signeurs qui l'estoient venu servir; et leur sambla que moult bien il avoient esploitiet pour une saison, et se 412 departirent de Bretagne et retournèrent en lors contrées. Et messires Carles s'en vint à Nantes dalés sa fenme et là se tint. Fos 86 vo et 87.

§ 180. P. 178, l. 18: A ce conseil.—Ms. d'Amiens: Entroes que il (messires Carles de Blois) sejournoit à Craais et que il entendoit à pourveir et à ordounner ses garnisons et à rafrescir de gens, de vivres et d'artillerie, et chevauchoit ses marescaus de l'un à l'autre, avint que ungs rices bourgois et grans marcheanz de le bonne ville que on claimme Jugon, fu une heure encontrés de son marescal, monseigneur Robert de Biaumanoir, et fu pris et amenés à Craais par devant monseigneur Charle. Chilz bourgois de Jugon faisoit touttes lez pourveanchez le comtesse de Montfort, et estoit à Jugon moult creus et moult amés. A che donc estoit cappittainne et souverains, de par le comtesse, de la ville de Jugon, ungs gentils chevaliers que on claimmoit monseigneur Gerart de Rochefort. Chils bourgois de Jugon, qui enssi fu pris, eu grant paour de morir: si pria que on le lessaist passer pour raenchon; on ne li volt mies acorder, mais fu mis en prison, et depuis tant enquis et examinés d'unes coses et d'autres qu'il eult en couvent de rendre le forte ville de Jugon, et dist que il estoit bien en se puissanche de livrer l'une dez portez et de mettre ens gens d'armes pour saisir le ville.

A ces parolles entendirent li seigneur de France vollentiers, et li disent que, se il estoit trouvés en verité, messire Charles de Blois li pardonroit son mautalent et li donroit deux cens livres de revenue bien asignées sus le castellerie de Jugon, et il respondy: «Oyl.» Et pour ce mieux asegurer, il en mist son fil en hostaige et fist entendant à chiaux de Jugon qu'il estoit ranchounnés à mille florins, et que ses filx (en estoit garans [411]) et plèges. De tout ce qu'il dist, il fu très bien creus, ne nuls n'y penssa le contraire. Chilx jours fu venus; les portes de Jugon à heure de mienuit furent ouvertez. Si entra messires Charles de Blois à celle heure en le ville à grant puissanche. La ghaite du castiel s'en perchut; si coummencha à criier: «As armez! Trahi! trahi!» Li bourgois, qui de ce ne se donnoient garde, se commenchièrent à estourmir; et quant il virent leur ville perdue, il se missent au fuir par deviers le castiel par troppiaux. Et li bourgois qui trahi les avoit 413 se mist à fuir avoec yaux par couvreture, et entra ens ou castiel osi bien que li autre. Quant li jours fu venus, messires Carles et ses gens entrèrent ens ès maisons dez bourgois pour herbregier, et prissent ce qu'il trouvèrent. Et quant li dis messires Carlez vit le castiel si fort et si emplit des bourgois, il dist qu'il ne se partiroit de là jusques adonc qu'il aroit le castiel à sa vollenté. Li castelains messires Gerars de Rocefort et li bourgois de le ville perchurent bien et congnurent tantost que chilx bourgois les avoit trahis. Si le prissent et pendirent tantost as cretiaux et as murs du castiel. Ensi eult il son paiement de son pechiet. Lez mallez oevrez amainnent les gens à povre fin.

Quant messires Gerars de Rochefort, cappitaine et souverain de Jugon, vit que messires Carlez de Blois ne se partiroit point de là et s'amanagoit droitement en le ville pour yaux tenir à siège, et sentoit que li castiaux sans le ville ne se pooit longement tenir (ossi il estoit durement remplis de gens à petit de pourveanchez, car il y estoient entré soudainnement et sans advis); si se consseilla à aucuns bourgois qui là estoient, quel cose en estoit bon affaire. Chil qui veoient jà le leur perdu davantaige et leurs maissons remplies de leurs ennemis, et ne veoient nul comfort de leur damme et sentoient que tous li pays se rendoit et tournoit à monseigneur Carlon de Blois, se conssillièrent que il se renderoient à lui parmy tant que, se il en y avoit aucuns qui plus aimassent le comtesse de Montfort que monseigneur Carle de Blois, il se pooient partir sauvement, mais riens n'en devoient porter dou leur. Cilz traitiés fu mis avant et acordés de monsigneur Carlon de Blois. Et se parti messires Gerars de Rocefort et li sien, mès riens n'enportèrent ne menèrent dou leur, fors que seullement leurs ronchins qu'il chevauchoient; et s'en vinrent à Hainbon et recordèrent coumment li affaire avoit allet. Si en fu durement courouchie la comtesse de Montfort, et ossi furent chil qui avoecq lui estoient, tant d'Engleterre que de Bretaingne, car il avoient perdu une ville qui durement leur estoit ammie et leur avoit fès pluisseurs biaux servicez. Se leur couvint il passer et yaux recomforter au mieux qu'il peurent.

Quant messires Carles de Blois se fu saisis de le ville et dou castiel de Jugon, il y sejourna quinze jours pour entendre et regarder as besoingnes et as deffensces de le ville. Et le fist bien reparer et fortefiier, et pourveyr d'artillerie et de touttez autres pourveanches; et quant il s'en parti, il y laissa monseigneur le 414 Ghalois de le Baume, ung chevalier savoiien, à cappittainne et à souverain, et avoecq lui deus cens Geneuois parmy les hommes d'armes. Puis se retraist à Rennes, où madamme sa femme estoit; et envoya monseigneur Loeys d'Espaigne sejourner à Craais, pour là garder le frontière.

Environ le Saint Martin, fu tretiés uns respit entre messire Carle de Blois et le dessus ditte comtesse de Montfort; et en porta les parollez sus bon saufconduit messires Yves de Tigueri, dou léz le comtesse, et messires Robiers de Biaumannoir, dou costet monseigneur Carle. Liquels respis fu acordés et acouvenenchiés, d'un lés et de l'autre, à durer jusques an my may l'an mil trois cens quarante trois. Tantost ce respit juret et saielet, la comtesse de Montfort se party de Hainbon et enmena avoecquez lui aucuns chevaliers de Bretaingne; et monta en mer en entention pour ariver en Engleterre, et pour parler au roy et li remoustrer ses besoingnes. Ossi à ce Noel enssuiwant vint messires Carlez de Blois à Paris deviers le roy Phelippe de Franche, son oncle, qui le rechupt à grant joie. Et là estoient dallés lui li comtes Loeis de Blois, ses frères, et li dus de Bourbon, et pluiseur autre grant seigneur de leur linage, pour quoy la feste fu mout remforchie; et y dounna grans dons et grans jeuiaux as seigneurs et as chevaliers estraingiers, car bien le savoit faire. Or nous tairons nous ung petit à parler dou roy de France, de monseigneur Carle de Blois et de chiaux de Bretaingne. Si parlerons dou roy englès, car la matère le requiert. Fo 73.

Ms. de Rome: En cel ivier se tourna la ville de Craais à la contesse de Montfort, je ne sçai par quel trettiet. Qant les nouvelles en furent venues à mesire Carle de Blois qui se tenoit à Nantes, il en fu durement courouchiés, et dist et jura que jamais n'entenderoit à aultre cose si aueroit esté devant Craais, et l'asegeroit et point n'en partiroit, se trop grant poissance contre li ne l'en levoit. Ce fu entre le Noel et la Candelor, et manda tous ceuls qui de li tenoient en Bretagne. Et vint asseoir Craais par bastides, car il faisoit trop froit et trop lait pour tendre tentes, trefs et pavillons; et voloit ceuls de Craais constraindre à tollir lors pourveances, et puis, tantos le prin temps venu, aprochier dou plus priès conme on poroit.

En ce termine avint que uns bourgois et rices marceans de la ville de Jugon, qui se tenoit pour la contesse de Montfort et faisoit en partie toutes ses pourveances, fu encontrés et trouvés sus 415 les camps de messire Robert de Biaumanoir, marescal de l'oost messire Carle. Si fu pris et amenés devant Craais ou logeis dou dit messire Carle. Chils bourgois estoit moult amés et creus en la ville de Jugon, qui est moult fortement fremée et sciet très noblement. Aussi fait li chastiaus, qui est biaus et fors, et se tenoit de la partie la contesse desus ditte. Et en estoit chastellains, de par la contesse, uns chevaliers qui se nonmoit messires Gerars de Rocefort. Chils bourgois de Jugon, qui ensi fu pris et amenés à mesire Carle de Blois, eut grant paour de morir. Et, pour tant que il estoit si proçains de la contesse de Montfort, fu examinés et enquis des uns et des aultres si avant que il s'acorda à ce et se fist fors de livrer et rendre la ville de Jugon à mesire Carle de Blois ou à ses conmis dedens un jour qui ne fu pas trop lontains apriès sa delivrance. Et, pour acomplir celle couvenance, il en bailla un sien fil en plèges, et sus cel estat on le laissa aler et retourner à Jugon; et donnoit à entendre que il estoit rançonnés à cinq cens florins, et bien en estoit creus. On n'avoit nulle soupeçon de lui, et gardoit les clefs de l'une des portes de Jugon.

Au jour qui mis et ordonnés i estoit, mesires Carles de Blois en prop(r)e personne i vint à tout cinq cens lances, et lais(s)a messire Lois d'Espagne devant Craais à tout le demorant de son hoost. Ensi que li bourgois de Jugon avoit en couvenant, il fist, et deffrema la porte de laquelle il gardoit les clefs. Sus un ajournement, messires Carles et ses gens entrèrent à poissance dedens la ville. La gette dou chastiel se perchut que gens d'armes entroient en la ville. Si s'efforça de corner: «Trahi! trahi!» Dont se resvillièrent li chevaliers et li saudoiier qui dedens le chastiel estoient, et coururent as armes et as garites d'autour dou chastiel, et requellierent les bonnes gens qui fuioient dedens le chastiel. Li bourgois meismes, qui la trahison avoit faite, fui dedens avoecques euls par couvreture. Messires Carles et ses gens se saisirent de la ville, et trouvèrent les maisons drues et raemplies, car chil dou plat pais s'i estoient retrait sus la fiance dou fort lieu, et i avoient amené lors biens. Mesires Carles et ses gens laissièrent toutes gens aler pasieuvlement viers le chastiel et raemplir, car bien savoient, plus en i aueroit, plus se tenroient chil dou chastiel à cargiet, et plus tos se renderoient. Messires Gerars de Rocefort, qui chastellains en estoit, fist enqueste par où ne conment la ville estoit prise. On li dist: «par la porte dont tels homs gardoit les clefs.» Li uns fu pris tantos, car il s'estoit là dedens 416 enclos avoecques euls. Il fu questionnés et si bien examinés que il congneut toute la trahison. Adonc li compagnon de là dedens le prisent par le conmandement dou chastellain et le pendirent as crestiaus dou chastel, veant tous ceuls qui veoir le pooient. Ce fu le paiement que il en ot.

Pour ce ne se departirent pas mesires Carles de Blois et ses gens de la ville, mais s'i tinrent, et environnèrent le chastiel, et n'i vodrent onques livrer assaut; car bien savoient que longement il ne se pooit tenir selonch le peuple qui estoit dedens, et furent en cel estat quatre jours.

Li chastelains ot pité des honmes et des fenmes et des enfans de la ville qui là dedens s'estoient bouté à nulles pourveances, et que ce ne se pooit longement soustenir, et veoit bien par les apparans des François que point de là ne se departiroient, si aueroient tout, et il en estoient assés au desus, puis que il avoient la ville, et ne lor apparoit confors de nul costé; si eurent consel de trettiier deviers messire Carle. Et tretiièrent par celle manière que la ville et li chastiaus se renderoient à lui, parmi tant que les hostels et maisons qui fustées estoient, seroient restablies au plus priès conme on poroit, et raueroit casquns et casqunes ses coses. A ce trettié entendi messires Carles de Blois volentiers, et lor tint si avant conme il pot, et fist faire un ban et un conmandement, quiconques avoit riens pris ne levé en la ville de Jugon, tout fust restitué et mis arrière sus une painne que on i asist. Chils bans ne fu pas bien tenus, et par especial de ceuls qui avoient l'argent trouvé et levé: jamais ne l'euissent remis arrière.

Ensi ot en celle saison mesires Carles de Blois la ville et le chastiel de Jugon, et en fist une bonne garnison, et n'i mist autre chapitainne que mesire Gerart de Rocefort, depuis que il se fu rendus à lui, et que il li ot fait feaulté et honmage, et prist aussi la feauté et honmage des bourgois, et puis s'en parti et retourna devant Craais.

De l'avenue de Jugon furent la contesse de Montfort et tout chil de sa partie courouchié, mais souffrir lor couvint tant que pour celle fois, car amender ne le porent. Assés tos apriès se ensonniièrent bonnes gens entre messire Carle de Blois et la contesse de Montfort, pour donner unes trieuves en Bretagne tant seullement. Si furent données et jurées entre toutes parties, à durer jusques à la Saint Jehan Baptiste prochain venant, et tenoit 417 casquns et casqune ce que il devoit tenir sans mal enghien. Ensi se deffist li sièges de Craais. Et retourna mesires Carles de Blois à Nantes, et se departirent toutes gens d'armes, et se retraist casquns en sa garnison.

En ce terme que les trieuves durèrent, fu la contesse de Montfort consillie de par les Bretons et les Englois, que elle se presist priès d'aler en Engleterre veoir le roi et les barons et euls remoustrer ses necessités: elle ne pooit faire milleur esploit. Si se acorda à ce et prist son estat au plus courtois que elle pot, et monta en mer en Hainbon meismes, et enmena avoecques lui messire Amauri de Cliçon, pour tant que jà il i avoit esté et congnissoit le roi d'Engleterre et les barons, et aussi il le congnissoient. Encores enmena la contesse de Montfort en Engleterre deus enfans que elle avoit, fil et fille.

Nous laisserons un petit à parler de la ditte contesse de Montfort et de son arroi, et parlerons dou roi d'Engleterre et des besongnes qui avinrent en ce termine. Fos 87 vo et 88.

FIN DES VARIANTES DU TOME DEUXIÈME.

418

NOTES:

[1] Labrit, Landes, arr. Mont-de-Marsan. La forme la plus ordinaire de ce nom dans les mss. des Chroniques de Froissart est Labreth. Albret est devenu le nom historique de l'illustre famille à qui appartenait cette seigneurie.

[2] Pommiers, Gironde, comm. Saint-Félix de Foncaude, arr. la Réole, c. Sauveterre.

[3] On peut lire dans le ms. d'Amiens Tarse ou Carse. Après avoir adopté la leçon Tarse, nous donnons la préférence à Carse, parce qu'il s'agit peut-être de Cars, Gironde, arr. et c. Blaye.

[4] Dordogne, arr. Ribérac$1

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[5] Belgique, Fl. occ., arr. et c. Courtrai.

[6] Belgique, Fl. occ., arr. Ypres, c. Messines.

[7] Pont de Fer paraît être une forme francisée du flamand Verbruk. Verbruk est aujourd'hui un hameau d'Amougies, sur le Rhosne, Belgique, Fl. or., arr. Audenarde, c. Renaix. Cette localité est située à peu près à égale distance d'Audenarde et de Tournay (note communiquée par mon jeune et savant collègue M. A. Longnon).

[8] Poperinghe et Messines sont situés en Belgique, Fl. occ. arr. Ypres.

[9] Nord, arr. Dunkerque.

[10] Nord, arr. Hazebrouck.

[11] Nord, arr. Dunkerque.

[12] Belgique, Fl. occ., arr. Furnes, à 38 kil. de Bruges.

[13] Nord, arr. Dunkerque.

[14] Thérouanne et Aire sont situés dans le Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer.

[15] Pas-de-Calais, arr. Béthune, c. Lillers.

[16] Amé, comte de Genève, figure sur les montres de l'host de Bouvines, dans la bataille du comte de Savoie: «Amé, comte de Genève, 6 chev. bann., 3 bach., 3 esc. bann. comptez comme bach., 252 esc.» Bibl. imp., De Camps, portef. 83, fo 344 vo.

[17] «Hue, vidame de Chalon, 4(bach.), 20 esc.» De Camps, portef. 83, fo 225.

[18] «Humbert, seigneur de Villars, bann., 3 bann., 6 bach., 82 esc.; venu de Montroyal en Montagne.» De Camps, portef. 83, fo 334 vo.

[19] «Agot des Baus et Guy de Groullée, chev. bann., venus en la guerre du roy pour M. le dauphin de Vienne avec 7 autres bann., 4 bach., 3 esc. bann., 179 esc.» De Camps, 83, fo 345.

[20] Aujourd'hui Bohain-en-Vermandois, Aisne, arr. Saint-Quentin.

[21] Le Cateau, Nord, arr. Cambrai.

[22] Nord, arr. Cambrai, c. le Cateau.

[23] La Selle, affluent de la rive droite de l'Escaut, prend sa source au sud du Cateau dans une vallée appelée Fons-Selle, et se jette dans l'Escaut à Denain.

[24] Nord, arr. Avesnes, c. Landrecies.

[25] Les noms de ces deux chevaliers figurent précisément à la suite l'un de l'autre sur les montres de la bataille de Raoul, comte d'Eu, lieutenant ès frontières de Flandre, du 9 mars au 1er octobre 1340: «Pierre, seign. de Bailleul en Caux, bann., 2 bach., 4 esc.—Guillaume de Briauté bach. et 3 esc.» De Camps, portef. 83, fo 317.

[26] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes.

[27] Aujourd'hui hameau de la comm. de Romeries, Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes.

[28] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes.

[29] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[30] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes.

[31] Ibid.

[32] Calaumes désigne sans doute la Chapelle Callome, dépendance de Bermerain, qui figure encore sur la carte de Cassini.

[33] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[34] Ibid.

[35] Nord, arr. Cambrai, c. Carnières.

[36] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[37] Ibid.

[38] Ibid.

[39] Ibid.

[40] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[41] Nord, arr. Avesnes, c. Bavai.

[42] Aujourd'hui Preux-au-Sart, Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[43] Ibid.

[44] Nord, arr. Avesnes, c. Bavai.

[45] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[46] Ibid.

[47] Aujourd'hui Saint-Vaast-la-Valleé, Nord, arr. Avesnes, c. Bavai.

[48] Aujourd'hui Louvignies-lès-Bavai, sur un affluent du Honneau ou Hongneau.

[49] Nord, arr. Avesnes, c. Bavai.

[50] Aujourd'hui lieu-dit de la comm. du Preux-au-Sart.

[51] Le Honneau ou Hongneau est un petit cours d'eau sorti de la forêt de Mormal, qui se jette dans la Haine, affluent de la rive droite de l'Escaut.

[52] Froissart dit que cette incursion poussée jusque dans le Bavaisis fut faite par l'avant-garde de l'armée du duc de Normandie, et que l'un des chefs de cette avant-garde était Thibaud de Moreuil. Les montres conservées par De Camps confirment sur ce point le témoignage du chroniqueur; mais tandis que Froissart semble mettre la chevauchée dont il s'agit avant l'attaque contre Valenciennes, c'est-à-dire en juin 1340, les montres la placent après cette attaque, puisqu'elles la reportent au mois de juillet. «Gens d'armes qui servirent Thibaut de Moreuil en la chevauchée de Bavai en Hainaut ou mois de juillet 1340: Enguerran, sire de Coucy, bann., 1 bann., 11 bach., 59 esc.; Raoul Flamenc, seigneur de Canny, chev. bann., 2 bach., 19 esc.; Mathieu d'Espineuses bach. 3 esc.» De Camps, portef. 83, fo 346.

[53] Nord, arr. Valenciennes, sur l'Escaut.

[54] Nord, arr. Avesnes, sur la Sambre.

[55] Ibid.

[56] Nord, arr. et c. Valenciennes, sur l'Écaillon.

[57] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes, sur la Selle.

[58] Ibid.

[59] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain, dans une île formée par la Selle.

[60] Nord, arr. Cambrai, sur la Selle.

[61] Au quatorzième siècle, la forêt de Mormal, située sur la rive gauche de la Sambre, s'étendait depuis Landrecies au sud jusque près de Bavai au nord; elle avait pour limite à l'ouest la voie romaine, dite Chaussée Brunehaut, du Cateau à Bavai.

[62] A l'host des frontières de Flandre, du 9 mars 1339 au 1er octobre 1340, dans la bataille des maréchaux de France figurent: «Robert de Pinquigny, chev. bann., 2 chev. bach. et 12 esc.; venu de Fluy lès Pinquigny (Fluy, Somme, arr. Amiens, c. Molliens-Vidame); Regnaut et Jean de Pinquigny et 8 esc.» De Camps, portef. 83. fo 320 vo.

[63] Le personnage désigné ici par le titre de vicomte des Quesnes est Guillaume des Quesnes, vicomte de Poix, qui figure aussi avec son fils Renaud des Quesnes à l'host de Flandre de 1339 à 1340: «Guillaume des Quesnes, vicomte de Pois, chev. bann., 2 bach., 11 esc.; venu de Quesnes (auj. le Quesne, Somme, arr. Amiens, c. Hornoy). De Camps, 83, fo 337 vo.—«Regnaut des Quesnes, bach., 27 esc.» fo 323.

[64] A l'host des frontières de Flandre de 1339 à 1340, parmi les écuyers de la bataille des maréchaux de France, figure: «le Borgne de Rivery, 1 esc.; venu de Rivery près d'Amiens.» De Camps, 83, fo 327.

[65] «Pons Cornillon de la Balme fut fait chevalier devant le Quesnoy le 7 juin.» Ibid., fo 334.

[66] Aujourd'hui Pont-à-Felaines, lieu-dit de la commune de Famars.

[67] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[68] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[69] Ibid.

[70] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[71] Artriel était sans doute une dépendance d'Artre, comme Angriel est une dépendance d'Angre et Sebourquiel une dépendance de Sebourg; mais ce hameau a disparu. Un terrain vague, situé près d'Artre, s'appelle encore aujourd'hui le Triez; peut-être conserve-t-il le souvenir de l'Artriel de Froissart (note communiquée par M. Caffiaux).

[72] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[73] Ibid.

[74] Ibid.

[75] Ibid.

[76] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy.

[77] Aujourd'hui hameau de la commune de Havay, Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Pâturages.

[78] Rombies-et-Marchipont, Nord, arr. et c. Valenciennes.

[79] Uintiel, Untiel, Ontiel, Ointiel est l'ancien nom de la rivière qui s'appelle maintenant la Rhonelle, affluent de la rive droite de l'Escaut, qui se jette dans ce fleuve à Valenciennes.

[80] Nord. arr. et c. Valenciennes, entre la Rhonelle et l'Écaillon.

[81] Nord, arr. Valenciennes, au confluent de l'Escaut et de la Hayne.

[82] Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Boussu.

[83] Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Dour.

[84] Nord, arr. et c. Valenciennes, sur la petite Honnelle.

[85] Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Dour.

[86] Les Français se mirent en marche pour attaquer Valenciennes dans les premiers jours de mai 1340. Par acte daté du 2 mai 1340, Raoul, comte d'Eu, connétable de France, mande aux bourgeois de Valenciennes qu'ils n'aient point à soutenir les Anglais ni leurs alliés contre le roi de France (Orig. parch., Archives du Nord). La principale attaque dirigée contre cette ville dut avoir lieu le 22 mai, jour où il y eut du côté des Français une promotion de chevaliers: «Loys de Tournon fait chevalier nouvel devant Valenciennes, le 22 mai.» De Camps, portef. 83, fo 334.

[87] Le Mont de Castres (mons castrorum) est le nom de la colline sur laquelle est bâti Famars. Au quatrième siècle, après la ruine de Bavai, les Romains y avaient construit une enceinte fortifiée dont quelques débris subsistent encore.

[88] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[89] Ibid.

[90] Aujourd'hui Trith-Saint-Léger, Nord, arr. et c. Valenciennes.

[91] Ibid.

[92] Ibid.

[93] Le pont jeté en cet endroit sur l'Escaut, pour relier Famars à la rive gauche du fleuve, avait donné son nom à un village aujourd'hui détruit; la tradition faisait remonter aux Romains la construction de ce pont.

[94] On appelle encore marais de Bourlain un lieu-dit de la banlieue de Valenciennes, près de l'Escaut, du côté de la porte de Cambrai.

[95] Le marais d'Infier figure aussi comme lieu-dit sur les relevés du cadastre; mais il est plus rapproché de Trith que Bourlain (Note de M. Caffiaux).

[96] Boucicaut figure sur les montres de l'host de Bouvines dans la bataille du roi parmi les bacheliers: «Pour M. Boucicaut et 3 escuiers; venu de Poitou.» De Camps, 83, fo 404 vo.

[97] Au lieu de Guillaume Blondel, le ms. de Rome mentionne Gui Poteron.

[98] Gui (et non Jacques) de Surgères figure à l'host de Bouvines dans la bataille du roi de Navarre: «Guy de Surgières, bann., 6 bach., 37 esc.» De Camps, 83, fo 335 vo.

[99] Heurtebise est indiqué sur la carte de Cassini comme un écart de Trith-Saint-Léger, près de la chaussée de Bouchain à Valenciennes.

[100] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[101] Ibid.

[102] D'après la première et la troisième rédaction, les Valenciennois vainqueurs à Saint-Vaast étaient commandés par Gérard de Verchin, sénéchal de Hainaut.

[103] Anzin est à 2 kil. N. O. de Valenciennes, sur la route de cette ville à Lille.

[104] Aujourd'hui Saint-Vaast-là-Haut, lieu-dit de la banlieue de Valenciennes. Saint-Vaast, Beaurepaire et la Tasnerie étaient trois seigneuries dépendantes de cette ville.

[105] A la place du bois d'Aubry s'élève aujourd'hui le village appelé Petite-Forêt-de-Raismes, érigé en commune en 1801.

[106] Abbaye de femmes de l'ordre de Cîteaux située sur le territoire de la paroisse de Maing, près de l'ancienne route de Valenciennes à Cambrai.

[107] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain sur la Selle.

[108] Nord, arr. et c. Valenciennes.

[109] Ibid., sur l'Écaillon.

[110] Nord, arr. et c. Cambrai, sur l'Escaut, à 3 kil. N. E. de Cambrai.

[111] Le château d'Escaudœuvres fut pris avant le 3 juin 1340. Par une charte datée du 3 juin 1340, le duc de Normandie mande, du château d'Escaudœuvres, aux bourgeois de Valenciennes, de ne point servir le comte de Hainaut ni son oncle le seigneur de Beaumont, qui s'étaient joints aux Anglais pour nuire au royaume de France (Orig. parch., aux Archives du Nord).

[112] Nord, arr. et c. Douai.

[113] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. Une moitié de ce village tenait, comme on le verra plus bas, pour les Hainuyers, l'autre moitié pour les Français.

[114] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain.

[115] Nord, arr. Douai, c. Marchiennes.

[116] Ibid.

[117] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain.

[118] Nord, arr. et c. Douai.

[119] Hameau de la commune d'Alnes, Nord, arr. Douai, c. Marchiennes.

[120] Nord, arr. et c. Douai. Le nom de cette seigneurie s'écrivait autrefois Mauny; elle appartenait à l'illustre famille de ce nom.

[121] Nord, arr. et c. Douai.

[122] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain.

[123] Hameau de la commune de Lourches.

[124] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain.

[125] Aujourd'hui Neuville-sur-l'Escaut, Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain.

[126] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain.

[127] Nord, arr. Douai, c. Arleux.

[128] Ibid.

[129] Nord, arr. et c. Douai.

[130] Ibid.

[131] La forteresse de la Malmaison située dans la commune d'Ors (Nord, arr. Cambrai, c. le Cateau), sur la rive gauche de la Sambre, appartenait en effet aux évêques de Cambrai; mais en 1340 Sohier de Gand en était capitaine et il avait sous ses ordres 20 écuyers pour le roi de France. (De Camps, 83, fo 458 vo.)

[132] Au Cateau, Jean de Honnecourt était châtelain pour le roi de France. De Camps, 83, fo 458.

[133] Nord, arr. Cambrai, c. Carnières.

[134] Aisne, arr. Saint-Quentin, c. Bohain.

[135] Cf. Jean le Bel, chap. xxxv, t. I, p. 171 à 173.

[136] La prise de Thun-l'Evêque eut lieu dans le courant du mois de juin 1340. Des lettres d'amortissement de 20 livres de rente sans justice et forteresse, délivrées pour la fondation d'une chapelle à «Gieffroy de Gienville», clerc et conseiller du roi, sont datées de noz tentes, après la prise du chastel de Thun, l'an 1340 au mois de juing. Arch. de l'Empire, sect. hist., JJ73, fo 117, p. 137.

[137] Jean de Maubuisson figure à l'host de Bouvines, parmi les bacheliers sous les maréchaux: «Jean de Maubuisson et 1 escuier venu de Montigny lez Gisors.» De Camps, portef. 83, fo 366.

[138] Cf. Jean le Bel, chap. XXXVI, t. I, p. 171 à 173.

[139] L'Écluse, en flamand Sluis, ville et port de mer des Pays-Bas, dans la Flandre hollandaise, prov. Zeeland, arr. Middelburg.

[140] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. et c. Bruges.

[141] L'île de Kadzand fait aujourd'hui partie des Pays-Bas, prov. Zeeland, arr. Middelburg, c. l'Écluse (Sluis).

[142] Édouard III s'embarqua à Orwell le 23 juin, veille de la fête de la Nativité de Saint-Jean-Baptiste; et la bataille navale de l'Écluse se livra le jour même de la fête, le 24 juin: «....sub spe cœlestis auxilii, écrit Édouard III à l'archevêque de Canterbury, et justitiæ nostræ fiducia, dictum portum navigio venientes, invenimus dictam classem, et hostes nostros ibidem paratissimos ad prælium, in multitudine copiosa quibus in festo Nativitatis Sancti Johannis Baptistæ proxime præterito, ipse, spes nostra, Christus Deus, per conflictum fortem et validum, nos prævalere concessit, facta strage non modica dictorum hostium, capta etiam quodammodo tota classe, cum læsione gentis nostræ non modica respective.» Rymer, Fœdera, vol. II, p. 1129.

[143] Sandwich, dans le comté de Kent, un des cinq ports.

[144] Pays-Bas, prov. Zeeland, arr. Middelburg, c. l'Écluse (Sluis).

[145] Pays-Bas, prov. Zeeland, arr. Middelburg, chef-lieu de canton.

[146] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. et c. Bruges.

[147] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. Furnes, chef-lieu de canton.

[148] Hue Quieret, seigneur de Tours en Vimeu, mourut des blessures reçues dans le combat. Nicolas Behuchet fut, dit-on, pendu au mât de son vaisseau par l'ordre d'Édouard III. Philippe de Valois amortit en avril 1344 quinze livres tournois de rente à Gonfreville-l'Orcher, à la requête de frère Pierre le Marchant, du tiers ordre de Saint-François, «clerc de nostre amé et feal conseiller Nicolas Beuchet JADIS chevalier, en recompense des bons et agreables services que nous fist le dit Pierre en noz guerres de la mer en la compaignie du dit chevalier.» Arch. de l'Empire, sect. hist., JJ74, p. 154, fo 93.

La marine normande fut longtemps à se relever de ce désastre. En février 1342, Philippe de Valois amortit cent livres de terre pour la fondation d'un hôpital: «comme les bourgois et les habitanz de la ville de Leure en Normandie (Seine-Inférieure, comm. le Havre), pour compassion de plusieurs du dit pais, qui onc de nostre armée de la mer avoient esté navrez et mehaigniez si griement qu'il ne povoient ne ne pourront jamais gaigner leurs vivres....» JJ74, p. 694, fo 418.

[149] La belle église d'Aardenburg, dédiée sous l'invocation de Notre-Dame, était célèbre dans toute la Flandre au moyen âge comme but de pèlerinage.

[150] Louis d'Espagne, comte de Talmont, fut capitaine souverain à Lille du 16 avril au 27 septembre 1340. De Camps, portef. 83, fo 310 vo.

[151] Hue Quieret, chevalier et conseiller du roi, son amiral en la mer, fut capitaine de Douai du 28 octobre au 6 décembre 1339. De Camps, 83, fo 311. Nicole de Wasiers paraît avoir succédé à Hue Quieret comme capitaine de Douai sous le gouvernement de Godemar du Fay, du 28 octobre 1339 au 27 septembre 1340. De Camps, 83, fo 312.

[152] Jean de Traynel, chevalier le roi, fut établi du 2 février au 12 juillet 1340, capitaine à Aire et ès frontières d'Artois avec 2 bacheliers et 28 écuyers sous sa bannière, et sous ses ordres 25 chevaliers bacheliers. De Camps, 83, fos 315 et 316.

[153] Robert de Wavrin, sire de Saint-Venant, fut établi, du 30 octobre 1339 au 27 septembre 1340, capitaine de Saint-Venant, avec 5 chevaliers et 40 écuyers sous sa bannière, et sous ses ordres 7 chevaliers bacheliers. De Camps, 83, fos 314 et 315.

[154] Godemar du Fay, sire de Bouchon (Somme, arr. Amiens, c. Picquigny), gouverneur de Tournésis, fut capitaine général ès villes de Lille et de Tournay et sur les frontières de Flandre et de Hainaut, du 18 octobre 1339 au 1er octobre 1340. De Camps, 83, fo 308 vo.

[155] Jean de Vienne, chevalier banneret, fut commis à la garde de Mortagne, du 29 octobre 1339 au 1er octobre 1340, avec 6 chevaliers bacheliers et 44 écuyers. De Camps, 83, fo 313.

[156] Jean, sire de Wastines, chevalier bachelier, fut préposé à la défense de Saint-Amand en 1339 et 1340 avec Jean de Verdebourc, Baudouin de Loc, Baudouin de Hasebrouck et 23 écuyers. Ibid.

[157] Froissart se trompe en rapportant ce fait au pontificat de Clément VI qui ne succéda à Benoît XII qu'en 1342.

[158] Cf. Jean le Bel, chap. XXXVII, t. I, p. 175 à 177.

[159] «Gens d'armes qui furent à Tournay sous le gouvernement de Raoul, comte d'Eu, connestable de France, estably lieutenant du roy sur toutes les frontières de Flandres et de Hainaut, du 23 octobre 1339 jusques au 2 décembre qu'il donna congé à ses dites gens d'armes.» De Camps, 83, fo 396 vo.

[160] «Raoul, comte de Guines, chev. bann. et 14 esc.» De Camps, 83, fo 307.

[161] Gaston de Foix n'est pas mentionné dans les montres comme ayant tenu garnison à Tournay, mais il commandait une des batailles de l'host de Bouvines: «La bataille Gaston, comte de Foix. Le dit comte de Foix, 32 chev. bann., 31 bach., 23 esc. bann., 671 esc., 7 sergens d'armes, 12 menestrels et 4 mareschaux pour chascun menestrel.» De Camps, 83, fos 343 vo et 344.

[162] Host de Bouvines en 1340. Bataille du roi: «Amé de Poitiers, banneret, 3 bach., 62 esc.» De Camps, 83, fo 346.

[163] A l'host des frontières de Flandre, du 9 mars 1339 au 1er octobre 1340, dans la bataille de Raoul, comte d'Eu, figure: «Gieffroy de Charny, bach. et 6 esc.; venu de Pierrepont sous Vezelay.» De Camps, 83, fo 317.

[164] Parmi les gens d'armes qui ont servi à Douai sous Godemar du Fay, du 18 octobre 1339 au 1er octobre 1340, figure: «Girart de Montfaucon, chev. bach., avec 9 esc.» De Camps, 83, fo 309 vo.

[165] Mathieu de Trie et Robert Bertran avaient à l'host de Flandre du 2 mars 1339 le commandement d'une bataille dite bataille des maréchaux de France: «Mathieu de Trie, mareschal de France, bann., 17 chev. bach. et 180 esc.; Robert Bertran, sire de Briquebec, mareschal de France, bann. et 16 esc.» De Camps, 83, fo 320 vo.

[166] Du 27 octobre 1339 au 27 septembre 1340 «jusques au departement de l'ost de Bovines, Jean de Mortaigne, seigneur de Landas, chev. bach., fut establi capitaine de Marchaines (Marchiennes) avec 12 esc.» De Camps, 83, fo 346.

[167] A l'host de Bouvines, dans la bataille du comte d'Alençon, figure «Jourdain de Loubert, seneschal de Poitou, chev. bann., 14 bach., 65 esc.» De Camps, 83, fo 337 vo.

[168] Jean de Cayeu, chev. bann., 12 esc.; venu de Senarpont (Somme, arr. Amiens, c. Oisemont). Ibid., fos 307 et 317.

[169] A l'host de Bouvines, dans la bataille du duc de Normandie, figure «Jean, sire de Chastillon, chev. bann., 9 bach. et 56 esc.; venu de Marigny lès Chasteau Thierry.» Ibid., fo 396.

[170] Parmi les gens d'armes qui servirent à Tournay sous Raoul, comte d'Eu, du 28 octobre au 2 décembre 1339, figure «Guillaume de Mello et 8 esc.» Ibid., fo 306 vo.

[171] A l'host de Bouvines, dans la bataille du comte d'Alençon, figure «Jean de Neelle, seigneur d'Auffemont, chev. bann., 5 bach., 32 esc.» Ibid., fo 338.

[172] Robert de Wavrin, sire de Saint-Venant.

[173] On lit Breseques dans le ms. B 6; mais il s'agit sans doute ici d'Eustache, seigneur de Creseques, chevalier banneret d'Artois, qui servit à l'host de Bouvines, dans la bataille d'Eude, duc de Bourgogne et comte d'Artois. De Camps, 83, fo 330 vo.

[174] La porte de Saint-Martin était au midi de Tournay, non loin du chemin de Lille et de Douai, situé un peu plus à l'ouest.

[175] Le Pont-à-Rieux est aujourd'hui un hameau de la commune de Saint-Maur, Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Antoing, à 5 kil. de Tournay.

[176] Le Pire est aujourd'hui un hameau de Montroeul-au-Bois, Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Leuze, à 12 kil. de Tournay.

[177] La porte de Valenciennes était située à l'est de Tournay, sur la rive gauche de l'Escaut, à l'endroit où ce fleuve entre dans la ville.

[178] Entre Édouard III au midi et le duc de Brabant à l'est, le comte de Hainaut était campé par conséquent au sud-est.

[179] La porte de Sainte-Fontaine était à l'ouest de Tournay, du côté de Courtrai, sur la rive gauche de l'Escaut.

[180] La porte des Marvis était située au nord-est de Tournay, sur la rive droite de l'Escaut.

[181] Nord, arr. Douai.

[182] Nord, arr. Douai, c. Orchies.

[183] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux.

[184] Nord, arr. Lille.

[185] Nord, arr. Lille. Par acte daté du Moncel lez Pont-Sainte-Maxence en octobre 1340, Philippe de Valois donne aux religieux, frères et sœurs de l'hôpital de Notre-Dame emprès Seclin «tant pour leurs maisons qui ont esté arses et leurs biens gastez par noz anemis, comme pour certaines autres causes, trois muis de blé, deux muis d'aveine et douze solz parisis ou environ de rente annuelle, en quoy le dit hospital estoit tenuz à nous par an.» Arch. de l'Empire, sect. hist., JJ73, p. 39, fo 32 vo.

[186] Nord, arr. et c. Lille.

[187] Nord, arr. de Lille, sur la Marcq. Abbaye d'hommes de l'ordre de Saint-Augustin, au diocèse de Tournay.

[188] Nord, arr. Lille, c. Cysoing.

[189] Nord, arr. Douai.

[190] Nord, arr. Douai, c. Marchiennes.

[191] Raches ou Pont-à-Raches, Nord, arr. et c. Douai.

[192] Pas-de-Calais, arr. Béthune.

[193] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand. Abbaye de Bénédictins au diocèse d'Arras.

[194] Vicoigne, aujourd'hui hameau de la commune de Raismes, Nord, arr. Valenciennes. Abbaye de l'ordre de Prémontré au diocèse d'Arras.

[195] L'abbé Godefroi, dont il est ici question, est Godefroi II de Bavai, né à Cambrai, promu abbé en 1312, mort en 1344. Une épitaphe rapportée dans le Gallia christiana célèbre le courage de l'abbé Godefroi.

[196] Bernard Jourdain, sire de Lille (auj. l'Isle-en-Jourdain-Gers, Gers, arr. Lombez.)

[197] Pierre Raymond Ier, comte de Comminges.

[198] Roger Bernard, comte de Périgord.

[199] Arnaud de la Vie, sire de Villemur.

[200] Jean de la Baume, vicomte de Tallard.

[201] Arnaud d'Euze, vicomte de Caraman.

[202] Peut-être Amauri, vicomte de Lautrec, seigneur de Montredon.

[203] Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande.

[204] Lot-et-Garonne, arr. Villeneuve-sur-Lot.

[205] Gironde, arr. Bazas.

[206] Civrac-de-Dordogne, Gironde, arr. Libourne, c. Pujols.

[207] La Réole était au pouvoir du roi de France dès 1339. Le 6 janvier de cette année, Jean, roi de Bohême, lieutenant du roi en langue d'oc, accorde aux consuls et habitants de la Réole, contrairement à la coutume de Bazas, en récompense de leur fidélité, le privilége de pouvoir disposer par testament de leurs biens immeubles. Arch. de l'Empire, sect. hist., JJ73, p. 227, fo 179.—En 1341, Thibaud de Barbazan, écuyer banneret, était capitaine, et Guillaume de la Baume, chevalier banneret, châtelain de la Réole avec 10 écuyers. De Camps, 83, fo 288 vo.

[208] Aujourd'hui hameau de la commune du Change, Dordogne, arr. Périgueux, c. Savignac-les-Églises.

[209] Cf. Jean le Bel, chap. XXXVIII, t. I, p. 181 à 186.

[210] Voici, d'après les montres, la liste des batailles dont se composa l'host de Bouvines du 9 mars au 1er octobre 1340: bataille de Raoul, comte d'Eu, connétable de France;—bataille de Robert Bertran et de Mathieu de Trie, maréchaux de France;—bataille de Louis, comte de Flandre, de Nevers et de Réthel;—bataille d'Eude, duc de Bourgogne, comte d'Artois et comte palatin de Bourgogne, sire de Salins;—bataille du duc de Normandie, lieutenant du roi de France;—bataille du roi de Navarre;—bataille du comte d'Alençon;—bataille de Jean, comte d'Armagnac;—bataille de Gaston, comte de Foix;—bataille d'Amé, comte de Savoie;—bataille d'Adolphe, évêque de Liége;—bataille du roi de France. De Camps, portef. 83, fos 316 à 406.

[211] Philippe de Valois convoqua ses gens d'armes à Arras en juillet 1340 (De Camps, 83, fo 296), et les congédia le 27 septembre de la même année (Ibid., fo 346); il était près du prieuré de Saint-André (auj. Saint-André, Nord, arr. et c. Lille) le 30 juillet, date de sa réponse à une provocation qui lui avait été adressée le 26 juillet par Édouard III de Chin-lez-Tournay (auj. hameau de Romegnies-Chin, Belgique, à 6 kil. de Tournay). Voyez Rymer, Fœdera, t. II, pars ii, p. 1131 et 1132. Le roi de France paraît avoir passé partie du mois d'août à Douai (Actum et datum in exercitu nostro prope Duacum anno Domini 1340, mense augusti. JJ73, p. 48, fo 40). Plusieurs chartes datées du Pont de Bouvines sont du mois de septembre (Actum et datum in tentoriis nostris prope pontem de Bovinis, anno Domini 1340, mense septembris. JJ73, p. 247, fo 193 vo.)

[212] La Marcq, issue des bois de Phalempin à 15 kil. de Lille, traverse des marais auxquels elle sert de décharge, et, après un cours d'environ 5 myriamètres, se jette dans la Deule à Marquette.

[213] Nord, arr. Lille, c. Cysoing.

[214] Nord, arr. Lille, c. Lannoy.

[215] Nord, arr. Valenciennes, c. Bruille-Saint-Amand. Le Crousage du texte est peut-être la Croisette, hameau de Saint-Amand-les-Eaux.

[216] A l'host de Bouvines, dans la bataille d'Eude, duc de Bourgogne figure: «Jean de Froulois, bann., 2 bach., 11 esc.» De Camps, portef. 83, fo 330.

[217] Pont-à-Tressin est encore aujourd'hui le nom d'un hameau de la commune de Tressin.

[218] «Host de Bouvines en 1340. La bataille Adolf evesque du Liége: le dit evesque, 7 chev. bann., 73 bach., 420 esc.» De Camps, portef. 83, fo 344 vo. Il faut prendre garde de confondre les seigneurs de Baileu (les mss. de Froissart écrivent Bailleul) avec les seigneurs de Baillœul en Hainaut ou de Bailleul en Normandie. La seigneurie de Baileu est aujourd'hui un hameau de la commune de Walcourt, Belgique, prov. Namur, arr. Philippeville. Morialmé, dont Robert de Baileu était seigneur, fait aussi partie du canton de Walcourt.

[219] Nord, arr. Lille, c. Lannoy.

[220] Jacques de Forvie, écuyer, était le second fils de Stockar de Forvie le Vieux; il se maria à Isabeau, fille de Pierre de Surice, bourgeois de Namur. Hemricourt, Miroir des Nobles, éd. de Jalheau, p. 143.

[221] D'après les montres conservées par De Camps, Jean de Vienne, et non Édouard de Beaujeu, fut capitaine de Mortagne, du 29 octobre 1339 au 1er octobre 1340, avec 6 chevaliers bacheliers et 44 écuyers. De Camps, portef. 83, fo 313.

Le château de Mortagne, bâti au confluent de l'Escaut et de la Scarpe, résidence habituelle des châtelains de Tournay, fut cédé en 1313 avec la châtellenie de Tournay à Philippe le Bel.

[222] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux.

[223] Aujourd'hui Saint-Amand-les-Eaux, sur la rive gauche de la Scarpe, affluent de la rive gauche de l'Escaut.

[224] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux, sur la rive gauche de la Scarpe.

[225] Il s'agit ici sans doute du seigneur de Saint-Georges-de-Reneins, Rhône, arr. Villefranche-sur-Saône, c. Belleville-sur-Saône.

[226] Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, à 7 kil. de Tournay.

[227] Aujourd'hui hameau de Wasmes-Audemez, Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Péruwelz.

[228] Comme nous l'avons dit plus haut, Jean, sire de Wastines, fut établi gardien de Saint-Amand, du 23 octobre 1339 au 1er octobre 1340.

[229] Le sénéchal de Carcassonne, dont il est ici question, s'appelait Jean de la Roche; il figure sur les montres de l'host de Bouvines en 1340 avec cette mention: «Jean de la Roche, chevalier, seneschal de Carcassonne, banneret, 2 chevaliers bacheliers, 102 escuiers.» De Camps, portef. 83, fo 352. Jean de la Roche, seigneur de Castanet (Haute-Garonne), était marié à Guillemine de Roussillon.

[230] Nord, arr. Douai, sur la rive gauche de la Scarpe et de la Rache et sur la route de Bouchain à Orchies. Abbaye de Bénédictins au diocèse d'Arras. Depuis la dispersion de l'host de Buironfosse, le 28 octobre 1339 jusqu'à la dispersion de l'host de Bouvines, le 27 septembre 1340, «Jean de Mortagne, seigneur de Landas, chevalier bachelier, fut establi capitaine de Marchiennes avec 12 escuiers.» De Camps, 83, fo 346 vo.

[231] A l'host de Bouvines en 1340, parmi les bacheliers sous les maréchaux de France, figure: «Amé de Warnans, chev. bach. et 25 esc.; venu de Warnans entre Aix et le Liége.» Aujourd'hui Warnant-Dreye, Belgique, prov. Liége.

[232] Belgique, prov. Brabant, arr. Nivelles.

[233] Belgique, prov. Anvers, arr. Malines.

[234] A l'host de Bouvines en 1340, dans la bataille de Raoul, comte d'Eu, figure «Charles, seigneur de Montmorency, banneret, 1 bachelier, 11 escuiers.» De Camps, 83, fo 335.

[235] Somme, arr. Amiens, c. Sains. Aucun chevalier banneret, seigneur de Saint-Sauflieu, n'est mentionné sur les montres de l'host de Bouvines en 1340; on n'y voit figurer que Gaucher de Saint-Sauflieu, écuyer, et Raoul, dit Herpin, de Saint-Sauflieu, aussi écuyer, fait chevalier le 23 mai. Comme Gaucher et Raoul dit Herpin de Saint-Sauflieu servaient sous la bannière de Rogue, sire de Hangest, ce dernier est sans doute «le grand baron» dont parle Froissart; et il n'est pas étonnant qu'on le trouve à côté de Charles, seigneur de Montmorency, dont il était l'oncle par son mariage avec Isabeau de Montmorency, fille de Mathieu IV. «Rogue, sire de Hangest, chev. bann., 4 bach. et 29 esc.; venu de Maigneville en la comté de Bar. De sa compagnie.... Gaucher de Saint-Sauflieu.... Harpin de Saint-Sauflieu et Martel du Hamel faits chevaliers nouvels le 23 jour de may.» De Camps, 83, fo 396 vo.

[236] Cf. Jean le Bel, chap. xxxix, t. I, p. 187 à 194.

[237] Nord, arr. Dunkerque.

[238] Ibid.

[239] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. Ypres.

[240] Ibid.

[241] Ibid.

[242] Pas-de-Calais, arr. et c. Saint-Omer.

[243] Aujourd'hui Cauchy, hameau de la commune d'Ecques, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Aire-sur-la-Lys.

[244] C'est par erreur que Froissart appelle Béraud le comte dauphin d'Auvergne, qui prit part à l'expédition de Bouvines; Béraud Ier ne succéda à Jean, dit Dauphinet, son père, qu'en 1351. «Jean, comte de Clermont, dalphin d'Auvergne, pour li escuier banneret, 7 bach., 1 esc. bann., 56 esc.—Pour l'accroissement des gages du dit comte qui le 11 jour de juillet fut fait chevalier, de Beraut de Marqueil (Mercœur), esc. bann. fait chevalier le 27 d'aoust.» De Camps, 83, fo 351.

[245] 6 écuyers bannerets de langue d'oc furent faits chevaliers, 32 écuyers aussi de langue d'oc furent faits chevaliers nouveaux «devant Saint-Omer le 25 juillet.» De Camps, 83, fo 343. Nous aurions ainsi une date précise si nous étions certains que l'engagement devant Saint-Omer qui donna lieu à cette promotion de chevaliers est le même que celui dont parle Froissart.

Au milieu de la nuit qui suit ce désastre, tous les Flamands campés dans la vallée de Cassel se réveillent comme pris de panique, se lèvent en toute hâte et après avoir plié bagages, reprennent le chemin de leur pays, malgré les représentations de Henri de Flandre et de Robert d'Artois, qui vont rejoindre Édouard III et l'armée anglo-allemande devant Tournay. P. 78, 79, 255, 256.

Dans une dépêche d'Édouard III datée de Bruges le 9 juillet et adressée au prochain Parlement qui doit se réunir à Westminster, le roi d'Angleterre annonce qu'il se dispose à aller bientôt (aux environs de la Madeleine, le 22 juillet) assiéger Tournay avec la plus grande partie de ses forces «où il y auera cent mill homes de Flaundres armez; et mounseur Robert d'Artoys vers Seint Omer od cynquante mill, outre touz nos alliez et lour poair.» Dès le 26 juillet, Édouard III était campé «à Chyn (auj. hameau de Ramegnies-Chin, Belgique, à 6 kil. de Tournay), sur les champs de lez Tournay.» Rymer, Fœdera, vol. II, p. 1130 et 1131. Les Flamands de Robert d'Artois durent arriver à peu près en même temps devant Saint-Omer; la date de leur défaite le 25 juillet est donc très-probable.

[246] Belgique, prov. Hainaut, arr. et c. Tournay, à 7 kil. de cette ville.

[247] Parmi les chevaliers bacheliers qui servirent ès parties de Thiérache sous Gautier duc d'Athènes en vertu de lettres du 6 septembre 1339 figure: «Loys d'Aigimont, 1 bachelier, 8 escuiers.» De Camps, 83, fo 305 vo.

La trêve fut en effet signée dans l'église d'Esplechin le lundi 25 septembre 1340. Les négociateurs furent de la part du roi de France: Jean roi de Bohême et comte de Luxembourg, Adolphe évêque de Liége, Raoul duc de Lorraine, Amé comte de Savoie, Jean comte d'Armagnac;—de la part du roi d'Angleterre: le duc de Brabant, le duc de Gueldre, le marquis de Juliers, le comte de Hainaut et Jean de Hainaut sire de Beaumont. Rymer, Fœdera, vol. II, p. 1135.

[248] Le 27 septembre 1340, congé général fut donné aux gens d'armes de l'host de Bouvines «excepté à aucuns qui en garnison demeurèrent à Tournay, le siége des ennemis estant devant la ville, lesquels ont pris gages jusques au 1er octobre 1340 par grace du roi.» De Camps, 83, fo 350.

Le 13 octobre 1340, Philippe de Valois était à l'abbaye de Moncel (auj. hameau de Pont-Point, Oise, arr. Senlis, c. Pont-Sainte-Maxence), ainsi que l'atteste une charte où il accorde aux religieuses, abbesse et couvent du dit lieu «le droit de prendre annuellement vint milliers de fagos en la vente ou ès ventes d'aucun ou d'aucuns marcheans de la forest de Halate.» Arch. de l'Empire, Sect. hist., JJ73, p. 157, fo 129 vo.

[249] Cf. Jean le Bel, chap. XLVI, t. I, p. 225 à 236.

[250] Les chefs du parti de Montfort étaient, outre Hervé de Léon, le seigneur de Pont-l'Abbé (Finistère, arr. Quimper), Geffroi de Malestroit (Morbihan, arr. Ploërmel), Tanneguy du Châtel (la terre et seigneurie du Châtel était située dans l'ancien diocèse de Saint-Pol-de-Léon), Henri de Kaër (fief situé sur le territoire de Vannes), Yvon de Trésiguidy (Finistère, arr. Châteaulin, hameau de la commune de Pleuben), Hervé seigneur de Névez (Finistère, arr. Quimperlé, c. Pont-Aven), Alain de Kerlévénan (Morbihan, arr. Vannes, hameau de la commune de Sarzeau); on voit que les principaux partisans de Montfort appartenaient à la Bretagne bretonnante.

[251] Jean le Bel et Froissart donnent à ce chevalier le prénom de Garnier; les historiens de Bretagne l'appellent Gautier.

[252] La maison de Spinefort était une «noble et ancienne maison de Bretagne, au diocèse de Vannes, en la paroisse de Languidic (Morbihan, arr. Lorient, c. Hennebont), à peu de distance de Hennebont.» Voy. Les vies des saints de la Bretagne, par Albert le Grand, éd. de M. Miorcec de Kerdannet, p. 38 et 39.

[253] Morbihan, arr. Lorient.

[254] Aujourd'hui hameau de la commune de Priziac, Morbihan, arr. Napoléonville, c. le Faouët.

[255] Aujourd'hui hameau de la commune de Sarzeau, Morbihan, arr. Vannes.

[256] Morbihan, arr. Lorient.

[257] Jean le Bel, dont Froissart reproduit ici le texte à peu près mot à mot, appelle cette localité la Forest (t. I, p. 236). Ogée et Albert le Grand identifient le la Forest de Jean le Bel et le Goy-la-Forêt de Froissart avec la Forest, Finistère, arr. Brest, c. Landerneau. «Le château de la Forêt, dit Ogée, fut assiégé en 1341 par le comte de Montfort. C'était une place forte qui appartenait au vicomte de Rohan, partisan de Charles de Blois.» Dictionnaire historique et géographique de la Bretagne, t. II, p. 305, au mot La Forêt. Le nom breton est Gouëlet-Forest; il figure dans le passage suivant d'une vie de saint Ténenan:

Poulzet ouënt gant eun avel gré,

Ractal, é rivier Landerné,

Quen e errusont, gant o lestr,

Dindan Castel-Gouëlet-Forest.

V. Albert le Grand, éd. de M. Miorcec de Kerdannet, p. 403, en note. Du breton Gouëlet-Forest Froissart a fait Goy-la-Forêt.

[258] Finistère, arr. Châteaulin.

[259] Gui de Léon.

[260] Côtes-du-Nord, arr. Dinan.

[261] Morbihan, arr. Ploërmel.

[262] Morbihan, arr. Ploërmel.

[263] Cf. Jean le Bel, chap. XLVI et XLVII, t. I, p. 236 à 242.

[264] Loire-Inférieure, arr. Nantes.

[265] Côtes-du-Nord, arr. Saint-Brieuc.

[266] Aujourd'hui hameau de la commune d'Evran, Côtes-du-Nord, arr. Dinan.

[267] Ille-et-Vilaine, arr. Redon, c. Pipriac.

[268] Morbihan, arr. Vannes, c. Allaire.

[269] Jeanne, femme de Charles de Blois, avait pour mère Jeanne d'Avaugour, mariée à Gui, comte de Penthièvre, fille et héritière de Henri seigneur d'Avaugour. Un petit hameau de la commune de Saint-Péver, Côtes-du-Nord, arr. Guingamp, c. Plouagat, porte encore aujourd'hui le nom illustré par cette famille qui descendait d'Eude comte de Bretagne.

[270] Dom Morice conjecture (Hist. de Bretagne, t. I, p. 248) que Froissart a voulu désigner ici Roscoff; mais, comme l'a fait remarquer Dacier, il y a bien peu d'analogie entre Gredo et Roscoff. Dacier propose de lire Coredou, village sur le bord d'une petite anse à l'ouest de Saint-Pol-de-Léon, et l'identification de Gredo avec Coredou a été adoptée par Buchon (t. I, éd. du Panthéon, p. LIV). Il nous a été impossible de retrouver exactement, soit dans les dictionnaires, soit sur les cartes, le Coredou de Dacier. Le nom de ce port est écrit Grendo dans Jean le Bel (v. t. I, p. 236). D'après la deuxième rédaction ou ms. d'Amiens (v. p. 291) Jean de Montfort se serait embarqué à Guérande, et d'après la troisième rédaction ou ms. de Rome (v. p. 295) à Vannes. En proposant d'identifier Gredo avec Redon, nous nous fondons principalement sur le passage suivant de la troisième rédaction ou ms. de Rome: «....et vinrent ariver à Grède, au plus proçain port de Vennes et de Rennes.» P. 391. D'ailleurs, même en ce qui concerne la première rédaction, 10 mss. sur 33, les mss. 23 à 33 donnent la variante Redon pour Gredo (voy. p. 397). L'addition d'un g parasite dans Gredo s'est faite comme dans grenouille, de ranuncula. Redon a un port sur la Vilaine accessible aux navires de médiocre grandeur.

[271] Par acte daté de Westminster le 24 septembre 1341, Édouard III donne le comté de Richmond avec toutes ses dépendances à son très-cher cousin Jean duc de Bretagne et comte de Montfort, en témoignage de l'alliance conclue entre lui et le dit Jean et aussi en dédommagement du comté de Montfort confisqué par Philippe de Valois (Rymer, Foedera, vol. II, p. 1176). On ne trouve du reste aucune trace dans les pièces publiées par Rymer de l'hommage du duché de Bretagne qui aurait été fait dans cette circonstance par Jean de Montfort à Édouard III.

[272] D'après le ms. de Rome (v. p. 302), les messagers furent les seigneurs de Montmorency et de Saint-Venant.

[273] Nous avons corrigé ici Froissart qui dit, sans doute par inadvertance, que Jean de Montfort n'était pas issu du même père que le feu duc de Bretagne et son frère le comte de Penthièvre. La vérité est, comme l'indique notre chroniqueur dans un des chapitres précédents, que Jean III, duc de Bretagne, et Gui comte de Penthièvre étaient sortis d'un premier mariage d'Arthur II duc de Bretagne avec Marie vicomtesse de Limoges, tandis que Jean de Montfort devait le jour à un second mariage d'Arthur II avec Iolande de Dreux.

[274] L'arrêt rendu en faveur de Charles de Blois «in curia nostra, in magno consilio nostro Parium Franciæ, prælatorum, baronum aliorumque...» est daté de Conflans le 7 septembre 1341. V. Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de Bretagne, par dom Morice, t. I, col. 1421 à 1424. Froissart se trompe sur les considérants de cet arrêt. Il n'y est fait mention que des raisons et des exemples allégués par Charles de Blois, d'une part, pour prouver qu'en Bretagne les représentants du frère aîné, lorsqu'il s'agissait d'une succession noble, la recueillaient au préjudice du frère cadet; et par le comte de Montfort, d'autre part, pour établir le contraire.

[275] Cf. Jean le Bel, chap. XLVII, t. I, p. 243 à 249.

[276] «Le voyage de Bretagne et l'ost devant Nantes fait par le duc de Normandie et les establies après ensuivant le dit voyage, commençant 26 septembre 1341, finant 6 mai 1342: Eude duc de Bourgoigne, Gaucher duc d'Athènes, le comte de Joigny, Jean de Chalon, André de Chauvigny, Gile sire de Soocourt, Bernart sire de Morueil, Rogue sire de Hangest, Jean de Chastillon, Charles sire de Montmorency.... Arnaut de la Vie sire de Villemur, Hue de Bouville, G. de Craon, Hue sire de Faignoles, Robert Bertran mareschal de France, Payen de Mailly, Jean de Vienne, Regnaut sire de Honcourt, Godefroy de Nast, etc....» V. De Camps, portef. 83, fos 452 à 453 vo.

[277] «La retenue des gens d'armes de l'hostel de nous Raoul, comte de Eu, connestable de France, qui avecques nous ont esté en Bretaingne en la compaignie mgr le duc de Normandie ès mois d'octobre et de novembre 1341. Nous connestable, 1 bann., 4 chv. bach. et 53 esc.; venus du comté d'Eu à Angers.. Pour nostre bannière, Tassart de Basinguehan—Raoul comte de Guisnes nostre fil, chev. bann.; pour sa bannière, Bertaut d'Outreleaue.» De Camps, 83, fo 416.

Les principaux chevaliers de la bataille du comte d'Eu sont: Jean, seigneur de Walencourt, chev. bann., 2 chev. bach. et 15 esc., venus de Wallaincourt en Cambraisis;—Drieu de Mello, chev., 3 esc., venus de Saint Brice en Aucerrois;—Guillaume de Merlo, chev., 3 esc., venus de Poisse en Aussay;—Gieffroy de Charny, chev., 3 esc., venus de Pierrepertuis sous Vezelay;—Ferry de Chardoingne, chev., 6 esc., venus d'Oupie en l'évesché de Verdun;—Loys de Corbon, chev., 8 esc., venus de Guion en Barrois;—Jean Mauvoisin, chev., 2 esc., venus d'auprès Vernon en Normandie;—Philippe de Pont, chev., 3 esc., venus d'Aencourt prez d'Arche en Normandie;—Guillaume de Villers, 2 esc., venus de Villers en Vimeu;—Philippe de Buissy, chev., 2 esc., venus de Savoye;—Jean de Landas, Baudoin de Bavelinguen, Jean de Dargny, Jean Maquerel, Gieffroy du Forestel;—Robert le Thyoys, chev., 3 esc., venus de Gisors.» De Camps, 83, fos 416 à 419.

[278] Champtoceaux, Maine-et-Loire, arr. Cholet, sur la rive gauche de la Loire. Les ruines du château de Champtoceaux couvrent encore aujourd'hui les flancs d'un monticule situé à moins de cent mètres du lit de la Loire.

[279] Le siége de Champtoceaux dura au moins depuis le 10 octobre jusqu'au 26 du même mois: «Robert de Marigny esc. fait chev. nouviaus à Chantociaus le 10 octobre, 5 esc., venus de Triestrieux lez Beauvais.» De Camps, 83, fo 419—«Jean de Honnecourt escuier fait chevalier nouveau à Cantociaus le 26 octobreIbid., fo 417.

[280] Loire-Inférieure, arr. Nantes. Carquefou n'est qu'à 10 kilomètres de Nantes.

[281] La poterne de Richebourg, qui donnait accès dans le faubourg de ce nom, était située au nord-est de Nantes, sur la rive droite de la Loire, entre l'Erdre et ce fleuve.

[282] La poterne de Sauve, anciennement appelée de Sauve Tour, qui donnait accès dans le Bourgneuf, était située sur la rive droite de la Loire comme la poterne de Richebourg, un peu à l'ouest de cette dernière, près de la rivière d'Erdre. Une indication de détail sur la topographie de Nantes aussi précise que celle des deux poternes de Richebourg et de Sauve semble due à des souvenirs personnels. Quoi qu'il en soit, il est à remarquer que cette indication ne se trouve que dans la troisième et dernière rédaction du premier livre des Chroniques représentée par le ms. de Rome.

[283] Froissart a varié dans ses diverses rédactions sur la date de la reddition de Nantes: dans la première rédaction (v. p. 113), cette date est fixée aux environs de la Toussaint, dans la troisième (v. p. 319) à la nuit de la Toussaint, dans la deuxième (v. p. 318) au 20 octobre. Ce qui est certain, c'est que les Français occupaient Nantes dès le 21 novembre. En vertu d'une charte datée du 21 novembre 1341, une imposition de 4 deniers pour livre sur l'achat et la vente des denrées fut établie à Nantes par Robert Bertran, sire de Bricquebec, maréchal de France, capitaine pour le roi ès parties de Bretagne, et par Olivier, évêque de Nantes. Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de Bretagne, par Morice, t. I, col. 1429.

[284] D'après la deuxième rédaction (v. p. 317), l'arrivée du comte de Montfort à Paris aurait précédé le retour du duc de Normandie. D'après les première (v. p. 114) et troisième (v. p. 321) rédactions, au contraire, c'est le duc de Normandie lui-même qui, au retour de son expédition en Bretagne, aurait amené à Paris le compétiteur de Charles de Blois et l'aurait livré au roi de France. Cette dernière version est d'autant plus vraisemblable que, selon Froissart, le duc de Normandie et les seigneurs français quittèrent Nantes pour retourner dans leurs foyers peu après la Toussaint; or il est certain que le comte de Montfort était encore à Nantes le 18 décembre, date d'une lettre qu'il écrivit à «ses petits bacheliers» Tanneguy du Châtel, Geffroi de Malestroit et Henri de Kaër. Preuves de l'hist. de Bretagne, par Morice, t. I, col. 1428.

[285] Côtes-du-Nord, arr. Saint-Brieuc.

[286] Ille-et-Vilaine, arr. Saint-Malo.

[287] Aujourd'hui hameau de la commune de Plougonvelin, Finistère, arr. Brest, c. Saint-Renan.

[288] D'après le ms. de Rome (v. p. 320), c'est à Vannes, au château de La Motte, non à Rennes, que la comtesse de Montfort aurait appris que son mari était tombé aux mains des Français.

[289] Cf. Jean le Bel, chap. XLVIII à LI, t. I, p. 251 à 275.

[290] David II, accompagné de Jeanne d'Angleterre sa femme, débarqua à Inverbervic dans le comté de Kincardine, le 4 mai 1341.

[291] Le mandement du roi d'Angleterre pour faire assembler à Newcastle-upon-Tyne le 24 janvier 1342 les troupes qui doivent marcher contre les Ecossais, est daté de Newcastle-upon-Tyne le 4 décembre 1341. V. Rymer, Fœdera, vol II, p. 1183 et 1184.

[292] Froissart veut sans doute désigner ici le château de Wark, situé entre Newcastle et Carlisle, sur la rive gauche de la Tyne, qui appartenait au comte de Salisbury.

[293] Les pouvoirs donnés par Édouard III pour traiter avec les ambassadeurs de David Bruce, soit de la paix, soit seulement d'une trêve, sont datés des 20 mars et 3 avril 1342. V. Rymer, Fœdera, vol. II, p. 1189, 1190 et 1191. Édouard III était de retour à Londres le 20 février 1342 (Rymer, ibid., p. 1187), après avoir demeuré sur les frontières de l'Ecosse depuis le commencement de novembre 1341.

[294] Philippe de Valois ne consentit à remettre en liberté le comte de Salisbury qu'à la condition qu'il jurerait de ne porter jamais les armes contre la France. Le comte sollicita la permission de faire ce serment, et Édouard la lui accorda par lettres datées du 20 mai 1342. Par conséquent, le comte de Salisbury ne put être de retour en Angleterre que vers le commencement du mois de juin au plus tôt. V. Rymer, Fœdera, vol. II, p. 1195.

[295] Cf. Jean le Bel, chap. LII à LVII, t. I, p. 277 à 295.

[296] Le voyage d'Amauri de Clisson en Angleterre doit être peu antérieur au 10 mars 1342. Le 10 mars 1342, Édouard III ordonne une levée de cent hommes d'armes et de neuf cents hobbiliers (hommes d'armes de cavalerie légère, de hobby) en Irlande et charge Gautier de Mauny de prendre possession en son nom de toutes les forteresses de Bretagne qu'Amauri de Clisson, tuteur de l'héritier du duché, s'est engagé à lui remettre. Le roi d'Angleterre reconnaît par deux autres actes, datés aussi du 10 mars 1342, que Gautier de Mauny a reçu d'Amauri de Clisson un subside de mille livres sterling et envoie en Bretagne, comme il a été convenu avec les messagers bretons, de assensu nunciorum Britaniæ, ad nos in Angliam destinatorum, des monnayeurs chargés de convertir la monnaie anglaise en monnaie bretonne. V. Rymer, Fœdera, vol. II, p. 1188 et 1189.

[297] Morbihan, arr. Lorient, sur le Blavet navigable en aval d'Hennebont pour les navires de moyenne grandeur. Le 13 juin 1342, «en noz tentes devant la ville de Hambont» Charles de Blois donne à Ayton Doire (Doria), damoiseau, en récompense de ses services dans la guerre de Bretagne, les châteaux de Châteaulin et de Brélidy et toute la terre confisquée sur Yvon de Trésiguidy pour crime de forfaiture. Arch. de l'Empire, JJ. 74, p. 685.

[298] Jean le Bel, dont Froissart reproduit ici le texte, appelle ce château Brayt qu'on peut lire Brayc à cause de la ressemblance du t et du c dans l'écriture du XIVe siècle: «elle s'en rala par une aultre voye droit au chastel de Brayc qui estoit A QUATRE LIEUES de là.» (Chronique de Jean le Bel, éd. Polain, t. I, p. 284). Jean le Bel ajoute quelques lignes plus bas et Froissart répète que Jeanne de Montfort, partie à minuit de Brayc, rentra au point du jour à Hennebont. Aucune de ces circonstances ne convient à Brest qu'une distance de plus de trente lieues sépare d'Hennebont. Les anciens compagnons d'armes de Charles de Blois, de Jeanne de Montfort, de qui Jean le Bel et Froissart tenaient le récit de cette affaire, ont sans doute voulu désigner Brech (Morbihan, arr. Lorient, c. Pluvigner), situé en effet à environ quatre lieues anciennes d'Hennebont, sur la voie romaine d'Hennebont à Vannes. Il appartient aux érudits qui ont fait une étude spéciale de la géographie féodale de la Bretagne, de nous dire, pour confirmer notre conjecture, s'il y avait à Brech un château fort au XIVe siècle.

[299] Morbihan, arr. Lorient.

[300] Aujourd'hui hameau de la commune de Priziac, Morbihan, arr. Napoléonville, c. le Faouët. On lit dans le Dictionnaire topographique du Morbihan, par M. Rosenzweig, p. 236: «Roche-Piriou, vill. et moulin à eau sur le Pont-Rouge, comm. de Priziac; pont sur l'Ellée, reliant Priziac et Meslan.—Seigneurie.» L'identification du Rocheperiot de Froissart avec Roche-Piriou peut être faite avec certitude puisque le chroniqueur dit lui-même un peu plus loin (v. p. 164) que Rocheperiot ou Roceperiot est situé à moins d'une lieue du Faouët. Roche-Piriou était le chef-lieu d'une châtellenie qui dépendait de la grande seigneurie de Guémené, érigée en principauté en 1570. Le dernier jour de mai 1377, le vicomte de Rohan acquit de Jean de Longueval «les châteaux, châtellainies et terroers de Guemenetguinguant et de la Rocheperriou.» D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, t. II, p. 178. Un acte d'hommage de 1575 rendu par Louis de Rohan mentionne encore «l'aplacement de l'ancienne forteresse de son chasteau de la Roche-Periou.» (Archives de Nantes; note communiquée à M. Kervyn par M. Arthur de La Borderie.)

[301] Mâlain, Côte-d'Or, arr. Dijon, c. Sombernon.

[302] Entre Guillaume III, évêque en 1335 et Guillaume IV, évêque en 1349, l'éditeur du XIVe volume du Gallia Christiana place Yvon III de Trésiguidy auquel il consacre l'article suivant: «Yvo sæculari militiæ primo nomen dederat et sub Joannis Montifortensis vexillis contra Carolum Blesensem pugnaverat. Dein, deposito gladio, sacris initiatus est creatusque Leonensis episcopus. Carolo Blesensi, susceptis infulis, amicus fuit anno 1342 apud Suaresium.» Gallia Christiana, t. XIV, ed. Hauréau, col. 978. Admis par M. Hauréau d'après Suarez, Yvon III de Trésiguidy est rejeté par Ogée qui ne propose d'ailleurs personne à sa place: «Quelques-uns donnent pour successeur à Pierre Bernard un Yves de Trésiguidy qui ne paraît pas admissible.» Dict. hist. de Bretagne, par Ogée, t. IV, p. 371. Enfin, d'après M. Kervyn (t. IV de son édition des Chroniques de Froissart, p. 436, en note), Gui de Léon aurait succédé comme évêque de Léon à Pierre de Guémené.

[303] Cf. Jean le Bel, chap. LVII, t. I, p. 295 à 299.

[304] Cette mention d'un Dinan, voisin du Conquet, entouré seulement d'eau et de palissades, rapprochée d'un passage précédent où Froissart dit que la Roche-Piriou est à moitié chemin de Vannes et de Dinan, cette mention, dis-je, nous avait fait penser au premier abord que le Dinan dont il s'agit ici pouvait être identifié avec le petit port de Dinan situé sur l'anse du même nom au sud de la grande rade de Brest (aujourd'hui hameau de la commune de Crozon, Finistère, arr. Châteaulin). Mais à moins qu'on ne prouve que le Dinan du Finistère avait une certaine importance au XIVe siècle, il est plus naturel de supposer que Jean le Bel et Froissart ignoraient la véritable position du Dinan des Côtes-du-Nord.

[305] Les circonstances du récit de Froissart ne permettent guère d'identifier Conquest avec le Conquet, Finistère, arr. Brest, c. Saint-Renan. D'un autre côté, tous les historiens de la Bretagne racontent que le Conquet fut pris par les Français en 1341 et repris au commencement de 1342 par Gautier de Mauny. V. notamment le Dictionnaire historique de Bretagne, par Ogée, au mot Conquet. «Il n'est guère possible, dit Dacier à propos de ce passage, que Louis d'Espagne ait rencontré sur sa route, en allant d'Auray à Dinan qui est à l'orient, à une assez grande distance, le château du Conquet situé à la pointe occidentale de la Bretagne. Il n'est guère plus possible que Gautier de Mauny se soit transporté avec une troupe nombreuse en une matinée de Hennebont au Conquet près de Brest, c'est-à-dire, à plus de trente lieues, comme Froissart va le raconter. L'historien ignorait donc la position des lieux dont il a parlé, à moins qu'on ne suppose, ce qui n'est pas très-vraisemblable, qu'il existe un autre château du Conquet que celui que nous connaissons.» Chroniques de Froissart, éd. Dacier, p. 198. M. Kervyn de Lettenhove (t. IV, p. 438 de son édition) identifie Conquest avec Concoret, Morbihan, arr. Ploërmel, c. Mauron. «Froissart, dit l'éditeur belge, a pu faire de Conquest Concoret.» Au point de vue phonétique, cette identification nous semble inadmissible.

[306] Jean le Bel, d'après la lecture de M. Polain, appelle ce chevalier Martin (v. t. I, p. 296); Froissart, dans ses rédactions 1re (v. p. 155) et 3e (v. p. 381) le nomme Mansion, et dans la 2e (v. p. 379) Garsion.

[307] Jean le Bel auquel Froissart a emprunté ce récit dit que Gautier de Mauny et ses compagnons arrivèrent au château de Conquest «entre midi et nonne» Chronique de Jean le Bel, éd. Polain, t. I, p. 296.

[308] Guérande est à 5 kilomètres de l'Océan, mais cette ville n'étant séparée de la mer que par d'immenses marais salants, Jean le Bel et Froissart ont pu dire qu'elle est «sur mer» ou «sur le flun de le mer.»

[309] Froissart veut sans doute désigner le golfe ou havre au sud duquel se trouve l'excellent port du Croisic.

[310] Ce bourg situé au pied de la cité est ce qu'on appelle à Vannes la ville basse; la cité est la ville haute. Les lecteurs de Froissart remarqueront que dans la langue de ce chroniqueur le terme de cité ne s'applique guère qu'aux villes épiscopales.

[311] Cf. Jean le Bel, chap. LVIII, t. I, p. 301 à 307.

[312] Aujourd'hui hameau de la commune de Plougonvelin, Finistère, arr. Brest, c. Saint-Renan. La pointe de Saint-Mathieu où l'on voit les ruines de l'abbaye du même nom est l'un des trois promontoires les plus occidentaux de France: d'où le département où se trouvent ces promontoires a reçu le nom de Finistère. Saint-Mathieu-de-Fine-Poterne est sans doute une corruption bizarre de l'ancien nom du hameau dont il s'agit: Saint-Mathieu-Fin-de-Terre.

[313] La 2e rédaction dit: «en l'ille de Camperli.» Il n'y a pas, que nous sachions, d'île de Quimperlé. Froissart désigne peut-être ainsi la presqu'île formée par le confluent de l'Ellé et de l'Isole.

[314] Ce passage emprunté par le chroniqueur de Valenciennes dans ses deux premières rédactions à Jean le Bel, fournit une nouvelle preuve que le chanoine de Liége ignorait complétement la véritable position de Dinan. Froissart a pris soin de faire disparaître cette erreur grossière dans sa troisième rédaction. D'après cette rédaction, Gautier de Mauny ne se mit point à la poursuite de Louis d'Espagne et revint tout droit à Hennebont d'où il alla assiéger la Roche-Piriou (v. p. 391 et 396), tandis que Louis d'Espagne, après une nuit de navigation, venait aborder «à Grède, au plus proçain port de Vennes et de Rennes.» Nous avons eu l'occasion de faire ressortir plus haut (p. XXXVI, note 1) l'importance de ces dernières lignes qui semblent indiquer que Froissart identifie Grède ou Gredo avec Redon.

[315] Morbihan, arr. Napoléonville, sur l'Ellé.

[316] La distance entre la Roche-Piriou, à l'est du Morbihan, et Dinan, à l'ouest des Côtes-du-Nord, est beaucoup trop considérable pour que, même à cheval, on puisse faire le trajet en une nuit; mais, nous le répétons, Jean le Bel auquel ces détails sont empruntés, ne se faisait pas la moindre idée de la position exacte de Dinan.

[317] On lit Glay la Forest dans Jean le Bel (v. t. I, p. 306, éd. Polain). Ici encore Froissart a corrigé dans sa troisième rédaction une erreur géographique commise d'après Jean le Bel dans les deux rédactions précédentes. Dans celles-ci, en effet, notre chroniqueur disait que Gautier de Mauny avait trouvé Ghoy le Forest sur son chemin en revenant du Faouët à Hennebont, comme si Ghoy le Forest était placé entre ces deux localités (v. p. 166, 167 et 400). Froissart mieux informé a soin de faire remarquer dans la troisième rédaction que Gautier de Mauny se détourna du chemin d'Hennebont pour mettre le siége devant Ghoy le Forest: «Quant mesires Gautiers de Mauni et sa route se furent departi de Fauet, il n'alèrent pas le droit cemin pour retourner à Hainbon, mais s'adrechièrent vers Goi le Forest.» P. 401. Il est vrai que le chroniqueur retombe dans une autre erreur lorsqu'il ajoute que Gautier de Mauny, après avoir pris Goy la Forest, rentra ce jour même à Hennebont, à moins que Goy ne soit une corruption du breton Coët qu'on aura joint, par une sorte de tautologie assez fréquente dans les noms de lieu, à sa traduction française la Forest. Dans cette hypothèse, Goy-la-Forest pourrait désigner le château de Coët situé à 10 kilomètres nord-est d'Hennebont dans la commune de Languidic, qui, d'après M. de La Borderie, si versé dans la géographie féodale de la Bretagne, était au moyen âge le chef-lieu d'une seigneurie investie du droit de haute justice.

[318] Cf. Jean le Bel, chap. LVIII à LX, t. I, p. 307 à 317.

[319] Finistère, arr. Châteaulin.

[320] Froissart, en supposant ici l'année 1342 près de finir, semble placer en 1343 les faits dont le récit va suivre, par exemple, l'arrivée de Robert d'Artois, puis celle d'Édouard III en Bretagne, tandis qu'en réalité ces événements appartiennent à l'année 1342.

[321] Côtes-du-Nord, arr. Dinan. Il ne reste rien aujourd'hui de la redoutable forteresse qui avait donné lieu au proverbe:

Qui a Bretagne sans Jugon
A chape sans chaperon.

[322] On ne trouve ni dans le recueil de Rymer ni ailleurs aucune mention d'une trêve qui aurait été conclue à cette date entre Charles de Blois et la comtesse de Montfort. Froissart veut peut-être parler, ainsi que Dacier l'a supposé, de l'armistice arrêté entre les deux parties au commencement de cette année 1342 pour durer jusqu'au retour de la belle saison. V. Hist. de Bretagne, par dom Morice, t. I, p. 254.

[323] Ms. A8, fo 49.—Mss. B1, 3, 4, fo 71 vo: «Laille».

[324] Mss. B3, 4, fo 47.—Ms. B1, fo 72 vo: «sceuissent.»

[325] Ms. B4, fo 50.—Ms. B1, fo 74 vo: «Brianté.»

[326] Mss. B4, 3, fo 52.—Ms. B1, fo 78 (lacune).

[327] Mss. B3, 4.—Ms. B1: «voloit.»

[328] Mss. B4, 3, fo 52.—Ms. B1, fo 78 (lacune).

[329] Dans le ms. B1, fo 78, comme dans tous les mss. de Froissart, se tenoient est précédé de qui, que nous avons supprimé.

[330] Mss. B3, 4, fo 52.—Ms. B1, fos 78 vo et 79: «couciet.»

[331] Mss. B3, 4, fo 52.—Ms. B1, fo 79 (lacune).

[332] Mss. B3, 4, fo 53.—Ms. B1, fo 80 (lacune).

[333] Mss. B3, 4, fo 53 vo.—Ms. B1, fo 80 vo: «et pourveuement.»

[334] Ms. B4, fo 54.—Ms. B1: «exilliet.» Mauvaise leçon.

[335] Mss. B4, 3, fo 56.—Ms. B1, fo 84 (lacune).

[336] Ms. B3, fo 56.—Mss. B1, 4, fo 84: «bort.» Mauvaise leçon.

[337] Mss. B3, 4, fo 56 vo.—Ms. B1, fo 84 vo (lacune).

[338] Dans le ms. B1, fo 85, il n'y a aucune coupure après ces mots: «volsissent oïr»; nous avons suivi quelques bons mss., notamment celui de Besançon, fo 61, qui commencent ici un paragraphe distinct.

[339] Ms. A8, fo 59, et ms. A1, fo 61 vo. Il n'y a pas ici de coupure dans les mss. B1, 3 et 4.

[340] Mss. B4, 3, fo 58.—Ms. B1 (lacune).

[341] Mss. B3, fo 59.—Ms. B1, fo 88 (lacune).

[342] Mss. B4, 3, fo 59.—Ms B1, fo 88 (lacune).

[343] Ms. B3, fo 59 vo.—Mss. B1, 4, fo 89:«d'un.»

[344] Mss. B4, 3, fo 59 vo.—Ms. B1, fo 89 (lacune).

[345] Mss. B3, 4, fo 60 vo.—Ms. B1, fo 90 (lacune).

[346] Ms. B4, fo 60 vo.—Ms. B1, fo 90 (lacune).

[347] Mss. B4, 3, fo 61.—Ms. B1, fo 90 (lacune).

[348] Ms. B3, fo 62.—Ms. B1, fo 92 vo: «onniement.»

[349] Mss. B4, 3, fo 62.—Ms. B1, fo 89 (lacune).

[350] Mss. B3, 4, fo 63.—Ms. B1, fo 93 vo (lacune).

[351] Mss. B4, 3, fo 63.—Ms. B1, fo 94 (lacune).

[352] Mss. B3, 4, fo 64 vo.—Ms. B1, fo 96 vo (lacune).

[353] Ms. B3, fo 65 vo.—Ms. B1, fo 98 ro: «envoiiet».

[354] Mss. B 4, 3, fo 66, vo.—Ms. B 1, fo 100 (lacune).

[355] Mss. B 4, 3, fo 66, vo.—Ms. B 1, fo 100 vo (lacune).

[356] Mss. B 4, 3, fo 67.—Ms. B 1, fo 101 (lacune).

[357] Mss. B 4, 3, fo 67, vo.—Ms. B 1, fo 101 vo (lacune).

[358] Mss. B4, 3 fo 67 vo.—Ms. B1 (lacune).

[359] Mss. B4, 3, fo 68.—Ms. B1, fo 102 (lacune).

[360] Mss. B 4, 3, fo 68.—Ms. B 1, fo 102 vo (lacune).

[361] Mss. B 3, 4, fo 70.—Ms. B 1, fo 103 vo (lacune).

[362] Ms. B 3, fo 70.—Mss. B 1, 4, fo 104 (lacune.)

[363] Ms. B 4, 3, fo 69 vo.—Ms. B1, fo 104 vo (lacune).

[364] Ms B4, fo 70.—Ms. B1, fo 105: «levées.»

[365] Ms. B3, fo 72, vo.—Mss. B1, 4, fo 105 vo (lacune).

[366] Mss. B 1, 3, 4, fo 107: «Genueves.»

[367] Mss. B 4, 3, fo 71.—Ms. B 1 (lacune).

[368] Mss. B 4, 3, fo 71.—Ms. B 1, fo 107 vo (lacune).

[369] Mss. B 4, 3, fo 72.—Ms. B 1, fo 109 (lacune).

[370] Mss. B 4, 3, fo 72 vo.—Ms. B 1, fo 109 vo (lacune).

[371] Mss. B 4, 3, fo 73.—Ms. B 1, fo 110 (lacune).

[372] Mss. B4, 3, fo 73.—Ms. B1 (lacune).

[373] Mss. B4, 3, fo 73 vo.—Ms. B1, fo 110 vo: «dou.»

[374] Mss. B4, 3, fo 73 vo.—Ms. B1, fo 111 (lacune).

[375] Mss. B4, 3, fo 74.—Ms. B 1, fo 111 vo (lacune).

[376] Mss. B4, 3, fo 74.—Ms. B 1, fo 111 vo: «inspirée.»

[377] Mss. B4, 3, fo 74.—Ms. B 1, fo 112 (lacune).

[378] Mss. B4, 3, fo 75.—Ms. B 1, fo 113 (lacune).

[379] Mss. B4, 3, fo 75 vo.—Ms. B1: «poroit.» Mauvaise leçon.

[380] Mss. B 4, 3, fo 76 vo.—Ms. B1, fo 115 vo: «et.»

[381] Mss. B 4, 3, fo 76 vo.—Ms. B1, fo 116 (lacune).

[382] Mss. B 4, 3, fo 77.—Ms. B1, fo 116 (lacune).

[383] Mss. B 4, 3, fo 77.—Ms. B1 (lacune).

[384] Ms. A7, fo 84.—Mss. B 1, 3, 4, fo 117, vo; «Henris.» Mauvaise leçon.

[385] Mss. B1, 3, 4: «oncles.» Mauvaise leçon.

[386] Mss. B 4, 3, fo 79.—Ms. B 1, fo 119 (lacune).

[387] Mss. B4, 3, fo 79 vo.—Ms. B1, fo 119 vo (lacune).

[388] Mss. B4, 3, fo 80.—Ms. B1, fo 120 vo (lacune).

[389] Mss. B4, 3, fo 80.—Ms. B1: «niés.» Mauvaise leçon.

[390] Mss. B4, 3, fo 80 vo.—Ms. B1: «neveu.»

[391] Mss. B4, 3, fo 82.—Ms. B 1, fo 123 vo (lacune).

[392] Mss. B4, 3, fo 84.—Ms. B1, fo 127: «onniement.»

[393] Ms. B3, fo 86 vo.—Mss. B1, 4, fo 127 vo: «poent et doient.»

[394] Mss. B4, 3, fo 84 vo.—Ms. B1 (lacune).

[395] Mss. B4, 3, fo 85 vo.—Ms. B1, fo 129 (lacune).

[396] Mss. B4, 3, fo 85, vo.—Ms. B1 (lacune).

[397] Mss. B4, 3 fo 85 vo.—Ms. B1 (lacune).

[398] Mss. B4, 3, fo 86.—Ms. B1, fo 129 vo (lacune).

[399] Ms. de Valenciennes: au mont Saint Albain, Fo 91 vo.

[400] Ms. de Valenciennes: trois mille sergans à lances et à pavais. Fo 91 vo.

[401] A partir du présent volume, toutes les fois qu'une variante est fournie par les mss. A 1 à 6, le fo indiqué à la fin de la variante sera toujours le fo du ms. A 2 (2649 de notre Bibliothèque impériale).

[402] Ms. de Valenciennes: cinquante mille. Fo 91.

[403] Le nom est laissé en blanc dans le ms. d'Amiens.

[404] On lit dans le ms. d'Amiens: «au dit,» qui doit être une mauvaise leçon.

[405] On lit dans le ms. d'Amiens: «entendittez.»

[406] On lit dans le ms. B 6 «Henry.» Mauvaise leçon.

[407] Lacune.

[408] On lit dans le ms.: «Robers.» Mauvaise leçon.

[409] On lit dans le ms.: «perilz.» Mauvaise leçon.

[410] On lit dans le ms.: «veoient.» Mauvaise leçon.

[411] On lit dans le ms.: «en estrans.» Mauvaise leçon.

ERRATA.

Au lieu de: Lisez:
amonet, page 29, ligne 18, amenet.
1342, p. 118 à 136, date courante en haut de la page, 1341.
envoyes, p. 153, l. 10, envayes.
alenoient, p. 154, l. 8, aleuoient.
es, p. 171, l. 26, les.
veir, p. 172, l. 29, ve(o)ir.
Mande, p. 247, l. 33, Maude.
adont, p. 300, l. 24, adonc.
dist, p. 303, l. 10, dit.
alevèrent. p. 309, l. 29, aleuèrent.
st, p. 340, avant-dernière ligne, est.
e, p. 340, dernière ligne, je.
li, p. 404, l. 24, et li.
et pont, p. 408, l. 10 et 11, et le pont.

419

TABLE DES MATIÈRES.

CHAPITRE XXXIV.
Ouverture des hostilités entre les rois de France et d'Angleterre.—Sommaire, p. I à VI.—Texte, p. 1 à 8.—Variantes, p. 185 à 193.
CHAPITRE XXXV.
Incursions des Français en Hainaut, notamment aux environs de Valenciennes.—Sommaire, p. VI à XIII.—Texte, p. 8 à 24.—Variantes, p. 193 à 212.
CHAPITRE XXXVI.
Siége et prise de Thun-l'Évêque par les Français.—Offres de combat faites par le comte de Hainaut; refus du duc de Normandie.—Sommaire, p. XIII à XV.—Texte, p. 24 à 34.—Variantes, p. 212 à 218.
CHAPITRE XXXVII.
Défaite de la flotte française par la flotte anglaise près de l'Écluse; arrivée d'Édouard III et de son armée en Flandre.—Sommaire, p. XV à XIX.—Texte, p. 34 à 41.—Variantes, p. 218 à 229.
CHAPITRE XXXVIII.
Assemblée de Vilvorde suivie du siége de Tournay par Édouard III et ses alliés.—Sommaire, p. XIX à XXIV.—Texte, p. 41 à 48.—Variantes, p. 229 à 237.
CHAPITRE XXXIX.
Guerre en Écosse.—Sommaire, p. XXIV.—Texte, p. 49 à 54.—Variantes, p. 237 à 241.
CHAPITRE XL.
Arrivée du roi de France et de son armée au pont de Bouvines contre Édouard III et ses alliés.—Sommaire, p. XXIV à XXVI.—Texte, p. 54 à 62.—Variantes, p. 241 à 246.
CHAPITRE XLI.
Siége de Mortagne et prise de Saint-Amand et de Marchiennes par le comte de Hainaut.—Défaite d'une troupe de Français et du seigneur de Montmorency au Pont-à-Tressin.—Sommaire, p. XXVI à XXX.—Texte, p. 62 à 74.—Variantes, p. 246 à 252.
CHAPITRE XLII.
Défaite près de Saint-Omer, panique et retraite des Flamands dans leur pays.—Levée du siége de Tournay; trêve entre la France et 420 l'Angleterre.—Sommaire, p. XXX à XXXII.—Texte, p. 74 à 86.—Variantes, p. 252 à 265.
CHAPITRE XLIII.
Guerre de la succession de Bretagne: succès du comte de Montfort.—Sommaire, p. XXXII à XXXV.—Texte, p. 86 à 100.—Variantes, p. 265 à 291.
CHAPITRE XLIV.
Voyages du comte de Montfort en Angleterre, puis à Paris.—Sommaire, p. XXXV à XXXIX.—Texte, p. 100 à 107.—Variantes, p. 291 à 307.
CHAPITRE XLV.
Expédition du duc de Normandie et de Charles de Blois en Bretagne.—Sommaire, p. XXXIX à XLIV.—Texte, p. 107 à 115.—Variantes, p. 307 à 324.
CHAPITRE XLVI.
Guerre en Écosse.—Édouard III et la comtesse de Salisbury.—Sommaire, p. XLIV à XLV.—Texte, p. 116 à 137.—Variantes, p. 324 à 347.
CHAPITRE XLVII.
Siége et prise de Rennes par Charles de Blois.—Siége d'Hennebont: défense héroïque de Jeanne de Montfort; levée du siége par les Français, à la suite de l'arrivée de Gautier de Mauny et des Anglais.—Sommaire, p. XLV à L.—Texte, p. 137 à 154.—Variantes, p. 347 à 378.
CHAPITRE XLVIII.
Siége et prise de Conquest, de Dinan, de Guérande par Louis d'Espagne, d'Auray et de Vannes par Charles de Blois.—Sommaire, p. L à LIII.—Texte, p. 154 à 160.—Variantes, p. 378 à 392.
CHAPITRE XLIX.
Défaite de Louis d'Espagne près de Quimperlé; siége de la Roche-Piriou, du Faouët, et prise de la Forest par Gautier de Mauny.—Sommaire, p. LIII à LVI.—Texte, p. 160 à 168.—Variantes, p. 392 à 402.
CHAPITRE L.
Siége et occupation de Carhaix par Charles de Blois.—Second siége d'Hennebont par les Français, signalé par un merveilleux exploit de Gautier de Mauny et levée de ce siége.—Reddition de Jugon à Charles de Blois.—Trêve entre les belligérants, suivie du départ de Jeanne de Montfort pour l'Angleterre.—Sommaire, p. LVII à LIX.—Texte, p. 168 à 181.—Variantes, p. 402 à 417.

FIN DE LA TABLE DU TOME DEUXIÈME.

9924.—Imprimerie générale.—Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.