Title: L'Île du Levant
Author: Paul Otlet
Release date: May 4, 2019 [eBook #59431]
Most recently updated: June 28, 2020
Language: French
Credits: Produced by Susan Skinner, Christian Boissonnas and the
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Algolit, a research project initiated by Constant.)
PAR
Paul OTLET
BRUXELLES
TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE E. GUYOT
12, rue Pachéco, 12
1882
L'ILE DU LEVANT
Il y a un an et demi environ mon père m'annonçait qu'il venait d'acheter de M. Philippart l'Ile du Levant, la dernière de l'Archipel des îles d'Hyères, situé dans la Méditerranée. On peut juger de mon enthousiasme et de celui de mon frère en apprenant cette nouvelle. Une île en pleine mer! aller en bateau! Etre Robinson! Mener une véritable vie d'insulaire. Que de projets on formait déjà, quel rêve que d'habiter une île! Avec quelle impatience nous attendions les vacances! comme nous comptions les jours qui nous en séparaient encore!
Enfin ce jour heureux arriva. Comme la pendule marchait lentement ce jour-là! Bref, le train exprès de 7 heures 20 du soir nous emporte avec la rapidité de l'éclair vers ces régions bénies du ciel, vers ce paradis terrestre. A 10 heures du matin nous étions à Marseille, et à midi un quart nous débarquions à Toulon. Après avoir mangé un morceau au Café du [Pg 4] Commerce sur le port, nous nous embarquons dans le yacht la Nora Creina. C'est un splendide vapeur à hélice, comportant 7 hommes d'équipage, filant ses 9 nœuds à l'heure et tenant la mer comme pas un. La Nora Creina a 27 mètres de longueur sur 5 de large. Elle est divisée comme suit:
Cabine du capitaine et du second.
Grand salon, office, et une cabine.
Ensuite viennent la machine et la chaufferie.
3 cabines, la cuisine et enfin le poste de l'équipage.
La Nora jauge 38 tonnes et a une machine de la force de 70 chevaux. Elle cale 1 mètre 80 à l'avant et 2 mètres 30 à l'arrière. Aussitôt montés à bord, quatre hommes s'empressèrent de déraper l'ancre. Cinq minutes après nous étions en route pour l'île du Levant. En passant devant le vaisseau amiral, le capitaine fît saluer trois fois selon l'usage, et notre salut nous fut aussitôt rendu.
Nous dépassâmes bientôt la Seyne, l'hôpital de St Mandrier, le Mourillon et arrivés à la presqu'ile de Giens nous distinguons déjà très bien les trois îles. Nous avions une mer d'huile sur laquelle se reflétait le ciel bleu. J'en étais enthousiasmé. Il n'y avait pas 20 heures que nous étions encore à Paris, sous un ciel gris, pataugeant dans la boue et enveloppé dans nos grosses pelisses.
Ah, pensais-je, comment ce peut-t-il qu'il y ait des gens assez sots pour rester tout l'hiver à Paris enfermés dans leur appartement, sous un ciel brumeux, au lieu de venir passer l'hiver dans le Midi.
Nous passons rapidement devant Porquerolles, les Mèdes Bogoud et Port-Cros. Enfin après 3 heures 1/2 d'une traversée magnifique nous nous amarions à la bouée placée dans la charmante petite baie de l'Avis. La yole nous conduisit aussitôt à terre.
Toute la famille Guillon était réunie sur la plage nous [Pg 5] attendant et avertie de notre arrivée par les coups de sifflets répétés de la Nora Creina. Après les saluts d'usage on nous conduisit par un chemin tortueux et montagneux au sommet d'une colline sur laquelle se trouve le château. On nous montra nos chambres situées au premier et ayant vue splendide sur la mer et sur le continent. Aussitôt descendus au jardin on nous mena sur une grande terrasse devant le château. Ce qui me frappa singulièrement c'était de voir une si grande quantité d'agaves venant ici à l'état sauvage, des palmiers et des orangers plantés en pleine terre.
De cette terrasse on aperçoit devant soi le continent, à gauche et à droite s'étend l'île.
Quelle est l'étendue de l'île, demandais-je à mon oncle Fernand?
—Sa superficie est de 1,400 hectares me répondit-il: Sa longueur de l'est à l'ouest est de 8 kilomètres, tandis qu'elle n'a qu'un kilomètre et demi de largeur moyenne.
La pointe que vous avez devant vous sur le continent, représente le cap Bénat, à droite est le mouillage du Lavandon, distant de l'île de 14 kilomètres. Ce petit village que l'on aperçoit sur la hauteur est le village de Bormes dont dépend le Lavandon: en regardant à droite vous verrez la baie de Cavalaire, plus loin la pointe Camarat derrière laquelle se trouvent St-Raphaël, Cannes, Nice, Monaco, etc. Quant au côté gauche, le rocher que vous voyez près de Bénat est le fort de Brégançon. Puis les Salins d'Hyères, autre mouillage ayant un chemin de fer, et qui n'est distant de l'Ile du Levant que de 23 kilomètres. Au dessus est la ville d'Hyères, renommée pour la douceur de son climat.
En ce moment, mon attention fut attirée par le soleil qui se couchait. Jamais je n'avais vu spectacle pareil. L'horizon semblait tout en feu; le soleil se confondait avec la mer, ce qui lui donnait des proportions gigantesques. La cloche du dîner nous réunit tous dans la salle à manger.
Après le repas nous causâmes encore quelque temps, après quoi nous prîmes congé de la famille pour nous retirer dans nos chambres respectives. Je m'endormis profondément après les événements de la journée, trop profondément peut-être car je ne m'éveillai qu'à huit heures tandis que tout le monde était déjà levé depuis deux heures.
On ne fit pas d'excursion ce jour-là, car tous nous étions encore fatigués de notre voyage. Voilà les renseignements que je pus obtenir pendant la conversation.
L'île du Levant est moins haute que les autres îles, point culminant 129 mètres quoique plus accidentée; elle est très peu boisée, car nos prédécesseurs ont mis le feu aux forêts et ce que l'incendie avait épargné, ils l'ont coupé.
Le sol est généralement composé de mica-schiste très-friable. En certains endroits, l'on rencontre des rognons de granit bleu.
On trouve aussi des grenats, de la tourmaline, sorte de pierre cristallisée appartenant à la famille des silicates qui, étant échauffée, devient électrique et attire la poussière de charbon, les cendres et autres corps légers, du titaniate de fer et de l'amiante, substance minérale filamenteuse que l'on nomme aussi asbeste et dont on fait de la toile, du papier, des mèches incombustibles. Elle est formée principalement de silice, de magnésie, d'un peu d'alumine et de chaux.
Les anciens brûlaient dans une toile d'amiante les corps des grands, pour conserver leurs cendres pures et séparées de celles du bûcher.
Cette matière alors très rare, et d'un prix excessif, est aujourd'hui fort commune. On en trouve dans toute l'Europe mais surtout en Italie, en Corse et en Savoie.
L'île entière est couverte de maquis, en certains endroits impénétrables; ces maquis sont composés de magnifiques arbousiers, atteignent 10 mètres de hauteur, de bruyères en [Pg 7] arbres, lentisques, romarins, lavandes, cistes connus dans le pays sous le nom de mesugues, euphorbes. Le pin maritime, le pin d'Alep et le pin parasol y croissent très bien.
On trouve en grande quantité la plante dont on extrait l'éther végétal et qu'on nomme vulgairement «l'herbe à chat».
La journée du lendemain fut consacrée à la visite de la Colonie.
La baie du Grand-Avis étant le principal mouillage du côté nord de l'île, c'est là que s'est fondée la Colonie. Lorsque l'on voit de loin tous ces grands bâtiments et toutes ces maisons éclairées par les rayons du soleil et sous un ciel toujours bleu, on croirait vraiment voir un petit village d'Afrique.
En réalité, c'est une agglomération acquérant une certaine importance par son immense pénitencier pouvant contenir jusqu'à 300 jeunes détenus. De loin, le pénitencier a plutôt l'air d'une caserne que d'une prison. Nous y montons par un escalier et nous débouchons sur une grande place appelée Place d'Armes. C'est là que tous les premiers dimanches du mois le directeur passait militairement la revue des pénitenciers.
Les gardiens étaient en grande tenue, sabre au côté.
Les détenus avaient leur temps partagé en travail des mains et en celui de l'esprit. Ils travaillaient dans les champs, à la vigne, et on leur inculquait les premières notions d'orthographe et de calcul.
Le pénitencier se compose de trois immenses dortoirs, un réfectoire, une grande école, une cinquantaine de cachots et de cellules, ateliers, de tailleurs, cordonniers, lingerie, vestiaire, etc.
Une très grande chapelle de quatre autels est annexée au pénitencier, d'un côté et, de l'autre, se trouve la ferme et les étables.
Rien ne manque à cette ferme; chevaux, mulets, vaches, bœufs, moutons, porcs, poulets, canards, oies, paons, pintades, dindons, tout y est.
Éloigné du continent et, par conséquent, de toutes les ressources qu'il offre, on est obligé de parer à toutes les éventualités.
Mon oncle Fernand nous conduisit voir la forge, de grands bâtiments dans lesquels étaient installés des ateliers de menuiserie. En voyant de grandes roues et des courroies, je ne pus m'empêcher de lui demander à quoi cela pouvait servir.
—Dans le temps, me dit-il, une fabrique de pipes de bruyère était installée ici et chacune de ces roues faisaient marcher un tour. Ces roues marchent au moyen d'une machine à vapeur que nous allons voir.
Nous descendîmes dans la cave, où, en effet, se trouvaient une machine et des chaudières.
—Cette machine sert aussi au moulin à vapeur et à la distillerie; elle devait encore servir pour le chemin de fer funiculaire qui devait être installé entre la mer et la Colonie. D'ailleurs, cette plateforme que vous voyez là a été faite pour cela.
Et il nous montrait un chemin ayant une pente d'au moins 20 degrés.
En continuant, nous visitâmes successivement la distillerie, l'atelier des tonneliers, la buanderie. Nous arrivâmes enfin au magasin.
—Ceci vous représente, dit mon oncle Fernand, le magasin de vivres. Tous les matins, de 8 heures à 8 heures et demie, les ouvriers viennent chercher ici ce dont ils ont besoin pour la journée. Comme il serait trop difficile et trop coûteux pour eux de faire venir leurs vivres de Toulon, nous nous en chargeons en vendant ici tout ce qu'il leur faut au même prix. Maintenant, il ne nous reste plus à voir que le [Pg 9] jardin légumier. Toutes ces maisons que vous voyez çà et là sont des maisons d'ouvriers. Il y en a pour loger une cinquantaine de familles. La maison que vous voyez là-bas est la cantine, celle-ci est la boulangerie, voilà l'aumônerie et celle-là est la direction et le greffe où j'ai mon bureau. Au dessous du pénitencier sont de grandes caves pour conserver le vin. Il y a là d'immenses foudres pouvant contenir ensemble jusqu'à 250,000 litres de vin. Mais allons visiter le jardin. Le jardin légumier a la superficie d'un hectare environ, clos de murs. Il est pourvu d'un barrage qui retient les eaux nécessaires pour son irrigation en été.
Je fus tout surpris de voir trois immenses palmiers avec une quantité de petits poussant très bien en pleine terre. J'appris que l'on pouvait semer et planter pendant presque toute l'année, qu'on mangeait des asperges et des pois en janvier, des fraises en novembre, des fèves de marais en mars, etc., etc.
De là mon oncle Fernand nous conduisit dans son bureau et étendit devant nous le plan de l'île en nous disant:
»L'île du Levant peut se diviser en 12 parties: Les grottes, l'Arbousier, le grand Champ, le Château, la Colonie (l'Avis), la Vierge, la pierre de Fer, la Vallée des Suisses, le Javieu, le Canier, le Titan et la Charbonnière, au delà se trouvent le Phare et le Sémaphore. La plupart des vallons sont situés au midi et par conséquent à l'abri du mistral; ils sont tous propres à la culture. Il y a deux chevaux de selle à l'écurie, tu monteras Basane et le garde, un vieux grognard, qui a parcouru l'île en tous sens, t'accompagnera, monté sur ma jument Aïda.—Vous visiterez ainsi toute l'île sans vous fatiguer.
Après le déjeûner une partie de chasse fut décidée.
—Que rencontre-t-on à la chasse? demandais-je.
—Nous repeuplons en ce moment la chasse de l'île en y mettant des perdreaux et des faisans qui s'acclimatent [Pg 10] très bien et atteignent même des proportions extraordinaires. Le lapin y pullule et j'estime qu'il y en a en moyenne 10 par hectare, ce qui est énorme. C'est une mauvaise engeance pour l'île car ils grignotent et rasent tout.—On est obligé de les tuer car ils se multiplient avec une rapidité effrayante. Chaque femelle fait 3 à 4 petits par trimestre.
Quant au gibier de passage on peut citer les sarcèles, les vanneaux, les cailles, les bécasses et les bécassines qui s'y arrêtent au printemps et à l'automne surtout au printemps à leur retour d'Afrique. Ils tombent alors sur l'île comme des masses inertes et on les tue assez facilement.
Le lièvre ne peut pas y tenir à cause du trop grand nombre de lapins. Quoique de la même famille, ces deux bêtes ne peuvent se souffrir, et comme les lapins seront toujours en plus grand nombre dans l’île, le lièvre n'y pourra jamais vivre. Ces détails donnés, nous nous mîmes en route. Il faisait une chaleur accablante. On se dirigea du côté de l'ouest avec l'intention de nous montrer le fort des Arbousiers. La chasse étant ouverte toute l'année, puisqu'il n'y a d'autres propriétaires que nous et que nous sommes clos par la mer, on s'y adonne à cœur joie.
Mais quelle chasse fatigante, toujours monter et descendre, marcher en pleine broussaille, se poster pendant des demi-heures entières sur un rocher sans bouger et ne pas faire de bruit, attendre qu'un lapin poursuivi à fond de train par les chiens vienne à passer dans la clairière. C'est là qu'il faut être habile! Il n'y a pas une seconde à perdre pour tirer. Mais avant d'avoir eu le temps d'épauler, le lapin est déjà à 10 mètres de vous.
Après une pareille chasse, qui souvent dure de 1 heure de l'après-midi à 6 heures du soir, soit 5 heures, je puis vous affirmer que l'on n'est pas fâché d'aller se coucher.
Le lendemain était jour de courrier; tout le monde reste [Pg 11] au château. On ne va pas à la chasse tant grand le désir est de savoir les nouvelles qu'apporte la poste.
A 8 heures ou à 9 heures suivant le vent, le Titan, beau bateau de 8 mètres, avec voile latine, et monté par 2 bateliers très expérimentés part pour Port-Cros avec les lettres.
A Port-Cros, l'île voisine, un vapeur fait 3 fois par semaine le service des îles.
Le Titan lui remet ses plis, embarque les marchandises pour l'île du Levant, prend les lettres et revient aussitôt après. Il arrive ordinairement entre 1 et 2 heures.
A chaque instant on va voir s'il est encore loin, on va, on vient, on descend à la mer et enfin, lorsque le pli est ouvert, la distribution faite et qu'il n'y à rien pour soi, on s'en retourne en maugréant et en pestant contre cette maudite lettre qui n'est pas encore arrivée.
Une partie de pêche fut décidée pour le lendemain, car il n'y avait pas courrier.
Le matin dès 7 heures nous descendions à la plonge, mais tout à coup je vis un serpent qui fuyait devant moi. Je jetais un cri d'horreur en m'éloignant.
Je demandais à mon oncle Fernand s'il y avait beaucoup de serpents dans l'île.
—Ce ne sont que des couleuvres inoffensives, me répondit-il. On en trouve en grande quantité dans la broussaille et dans les pierres. Il y en a qui atteignent jusqu'à 1 mètre 50 de longueur et la grosseur du bras.
Il faut particulièrement vous méfier des scorpions lorsque vous remuez des pierres, car la piqûre du scorpion est vénéneuse de même que celle des lézards des pierres.
Nous montâmes dans une barque de 21 pieds appelée la Ste Anne. Les marins avaient dragué la nuit pour prendre des chevrettes (crevettes) afin d'amorcer le palangue. Mais il faut d'abord que je vous explique ce que l'on veut dire par ce [Pg 12] mot. Le palangue est une longue ligne à laquelle sont attachées de 2 mètres en 2 mètres des petites ficelles ayant à leur extrémité un hameçon. Il y avait à ce palangue à peu près 200 hameçons. Le palangue étant amorcé, on le jette au fond de l'eau dans les rochers au moyen d'une pierre et l'on attache ses deux bouts à deux morceaux de liège.
Une heure après, on vient le relever. Les eaux de l'île sont très poissonneuses, car le fond est entièrement composé de roches et d'herbes marines dans lesquelles le poisson se plait beaucoup.
Un des bateliers releva donc le palangue et nous fîmes une assez belle pêche, car nous prîmes des pageots, poisson rougeâtre à chair ferme, des rougets, des tourdereaux, gros poissons verts, et enfin, des sarans, etc.
On pêche aussi avec la ligne appelée boulantin, qui consiste en une corde ayant 3 hameçons. On pêche enfin à la canne sur les rochers.
Les îles d'Hyères, et entr'autre l'île du Levant, ont une certaine renommée pour l'abondance de leurs langoustes. Chaque année, au printemps et en été, des pêcheurs génois et napolitains s'établissent sur les îles et s'adonnent à cette pêche.
Les langoustes se prennent à l'aide de paniers dans lesquels on introduit des morceaux de poissons comme appât. La langouste peut bien entrer dans le panier, mais une fois qu'elle y est, elle ne peut plus en sortir.
Le lendemain vers 8 heures je partis à cheval avec le garde pour faire une excursion dans l'intérieur de l'île.
Il y a un grand chemin carrossable qui traverse toute l'île. Outre ce chemin il y en a une multitude d'autres plus petits, tels que chemins de traverse, sentiers de chasse, etc.
Après avoir passé les murs d'enceinte, le cimetière et la Vierge noire, nous laissons à droite la vallée des Suisses et nous arrivons au Javieu. A notre droite s'étend la mer à [Pg 13] perte de vue. Le Javieu, composé de deux vallons, les mieux abrités de l'île, est entièrement défriché et défoncé à 60 centimètres; deux maisons y sont élevées.
Sur la colline du Javieu sont les ruines d'un ancien couvent de bénédictins. Nous remontons un peu et nous nous trouvons à l'ombre d'une forêt de pins et d'arbousiers, puis nous débouchons dans un vallon appelé, me dit le garde, le Canier. Les ruines d'une vieille ferme s'y élèvent. Toute cette partie de l'île est très giboyeuse, car, étant très éloignée de l'Avis, on n'y chasse pas souvent.
Nous trottons encore pendant quelques temps et nous arrivons au Titan.
Le vallon du Titan a un kilomètre de longueur et possède la meilleure terre de toute l'île. Une magnifique ferme avec annexes y est bâtie, la mer vient presqu'au pied des habitations. Arrivés là nous descendons de cheval, nous mangeons quelques figues et buvons à une source excellente. Nous attachons nos bêtes à un arbre et le garde me conduit voir les ruines de la tour du Titan. Cette tour avait été construite comme poste d'observation contre les pirates. Nous remontons en selle et nous voilà partis pour le Sémaphore qui fait un service public de dépêches. Le Sémaphore est occupé par la famille Dupont qui habite l'île depuis 18 ans. Je descends de cheval et M. Dupont, chef guetteur, m'offre des rafraîchissements, après quoi il se met en devoir de me faire visiter le Sémaphore. Dans la salle du télégraphe je trouve un tableau indiquant la moyenne des jours de pluie à l'île, que je m'empresse de reproduire ici. Notez bien que ce n'est pas le nombre de jours de pluie mais bien le nombre de fois qu'il a plu.
1880 | 1881 | ||
---|---|---|---|
Janvier | 7 | Janvier | 9 |
Février | 3 | Février | 3 |
Mars | 2 | Mars | 2 |
Avril | 4 | Avril | 1 |
Mai | 5 | Mai | pas |
Juin | 2 | Juin | ” |
Juillet | pas | Juillet | ” |
Août | ” | Août | 1 |
Septembre | 1 | Septembre | 4 |
Octobre | 3 | Octobe | 4 |
Novembre | 8 | Novembre | 6 |
Décembre | 1 | Décembre | 12 |
—— | —— | ||
Total | 36 | Total | 42 |
Après avoir pris congé de M. Dupont et sa famille nous prîmes un sentier qui nous conduisit au phare. La famille Castel nous reçut aussi bien qu'au Sémaphore.
Le phare de l'île du Levant est un phare de 3e ordre ayant une portée de 22 kilomètres.
Nous nous remîmes gaiement au petit trop et l'on sonnait tout juste le déjeûner lorsque nous rentrâmes au château.
Ces plaisirs variés se renouvelaient pendant nos trop courtes vacances et nous nous amusâmes autant que nous pûmes le faire. Mais il fallut un jour se quitter.
Au dîner d'adieux on se fit mille promesses de se revoir bientôt et au dessert mon oncle Fernand chanta les quelques couplets humoristiques qu'il avait composés à notre intention sur l'Ile du Levant en souvenir de notre trop court séjour.
Voici ces quelques couplets sans prétention:
I.
II.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
IX.
X.
XI.
FINALE.
VARIANTE.
Les vacances étaient finies! Le lendemain nous repartions pour Paris où nous retrouvâmes le ciel brumeux que nous avions quitté il y avait à peine quinze jours.
De retour de ce petit voyage je tâchai de trouver partout des renseignements sur le passé de l'île du Levant.—Voici le résumé de mes résultats:
«La rangée des îles d'Hyères[1], dit Adolphe Joanne dans son guide d'Hyères, est composée de trois îles principales et de quelques îlots[2]. Ce sont les anciennes Stœcades des Grecs. A l'époque de la Renaissance, on désignait l'archipel par le nom poétique d'Îles d'or, très probablement parce que sous l'influence des études classiques et par une allusion instinctive au groupe des terres Fortunées, on plaçait dans les îles d'Hyères les orangers qui entouraient la ville. C'est d'ailleurs là une idée qui n'a pas encore été dissipée complètement souvent on attribue par erreur le climat et les productions de la campagne d'Hyères à cet archipel exposé à toutes les fureurs du mistral. Elles sont très faiblement peuplées, bien qu'elles possèdent d'excellents ports, des vallons fertiles, des emplacements favorables à l'établissement d'usines diverses; elles sont rarement visitées, en dépit de leurs sites charmants.
»L'île de Porquerolles« la plus connue et la plus peuplée des trois grandes îles, tire son nom des sangliers qui peuplaient autrefois ses forêts. C'est l'ancienne Porté (première). Elle a 8 kil. de longueur sur 2 kil. de largeur et compte environ [Pg 20] 300 habitants. Porquerolles est presque entièrement couvert de bois de pins et de chênes, et n'offre guère de clairières que sur le versant septentrional de l'île. Les maisons du hameau principal (hôtel restaurant du Progrès) sont groupées au pied de la citadelle, sur les pentes d'un monticule qui domine une petite crique semi-circulaire exposée au vent du nord. Le phare, dont le feu fixe à éclat brille jusqu'à 36 kil., est situé sur une autre colline (83 mètres) presque directement au sud. Les constructions de la fabrique de soude, où travaillent plus d'une centaine d'ouvriers, occupent un charmant vallon près de la pointe occidentale de l'île[3].
»L'île de Port-Cros (Port creux), l'antique Mezé (île du milieu) est située exactement en face du cap Bénat; sa longueur est de 4 kil., sa longueur de 2 kil. 1/2. C'est la plus sauvage des trois îles de l'archipel. La colline du vieux sémaphore qui porte une vigie fortifiée, s'élève à 197 mètres. La population ne dépasse pas 20 à 25 habitants. Il s'y trouve aussi à l'est une fabrique de soude.[4] Le gibier abonde à Port-Cros ainsi que dans l'îlot de Bagaud, à l'Ouest, que l'on a récemment fortifié.
»L'île du Levant ou du Titan, appelée aussi Cabaros dans les anciens titres, est l'antique Hypœa (inférieure) des Grecs. Ses dimensions sont à peu près les mêmes que celles de Porquerolles. Les collines dont la plus haute, les Pierres Blanches, s'élève à 129 mètres, sont presque entièrement couvertes de bois. Une colonie de plus de 100 jeunes détenus y a été fondée. A l'extrémité orientale de l'île se trouvent un phare à feu fixe de troisième ordre, d'une portée de 27 kil., [Pg 21] et les restes de l'ancienne tour du Titan. L'île du Levant est la plus remarquable de l'Archipel par ses curiosités minéralogiques: grenats, tourmaline, asbeste, etc.»
Nous citerons maintenant quelques passages tirés du remarquable ouvrage d'Amédée Aufauvre, intitulé Hyères et sa Vallée, édité chez Hachette, et dans lequel il parle de l'île du Levant en ces termes:
«Son nom indique sa situation. Autrefois cette île portait le nom de la tour antique dont les vestiges gardent encore le nom primitif de Tour du Titan. Sa longueur est de 8 kilomètres sur une largeur moyenne de 1 kilomètre et demi.
»L'île du Levant dispute à Porquerolles l'honneur d'avoir servi de retraite à Théodore, évêque de Fréjus, après avoir été moine dans le couvent de Saint-Honorat de Lérins. C'est aussi dans l'île du Levant que se réfugia le Monge des îles d'Or.
Quoique la plus grande, quoique son sol soit moins accidenté que celui de ses voisines, l'île du Levant possède encore moins d'habitants que Port-Cros bordée d'écueils, moins fertile que Porquerolles. Cette île est celle qui présente le plus d'intérêt au point de vue zoologique et végétal.
»Elle fut celle sur laquelle les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem paraissent avoir eu des projets d'établissement.
»Entre l'île du Levant et Port-Cros il n'y a pas plus de 3 kilomètres[5], mais de la plage d'Hyerès la distance est évaluée à 25 kilomètres.[6]
»A l'île du Levant on trouve à peu près tous les sols et [Pg 22] toutes les végétations particulières à l'Archipel, les oiseaux et les quadrupèdes n'offrent pas beaucoup de variantes. Mais, ce qui donne un intérêt particulier à ce territoire, c'est la présence des roches granatifères, de l'andalousite, de toutes les variétés de la tourmaline, gisements d'amiante, de titaniate de fer etc., et surtout la collection complète de la flore particulière au climat de la contrée.»
Nous trouvons encore à l'île du Levant les ruines d'un ancien château maure, construit pendant l'occupation des montagnes de Provence de 889 à 975 par les Maures. Donc le Castellas remonte au moins au Xe siècle. Ce château est bâti sur la crête d'un rocher escarpé, situé à peu près au milieu de l'île du côté nord. On y trouve encore des oubliettes.
Les Bénédictins occupèrent l'île du Levant au XVe siècle et en défrichèrent une grande partie.
Au vallon du Javieu on voit encore leur couvent en ruines.
On retrouve près de la tour du Titan une aire construite par eux pour battre le blé.
Sous Louis XIV, les îles d'Hyères furent érigées en marquisat des îles d'or.
En 1835, l'Etat vendit les trois îles à un particulier qui, lui les revendit séparément.
M. le comte de Pourtalès acheta plus tard l'île du Levant, et obtint l'autorisation d'y installer un pénitencier de jeunes détenus, y planta 65 hectares de vignes et construisit énormément. Ce fut lui qui fit de l'île du Levant une véritable colonie. A sa mort en 1878, l'île fut mise en vente et M. Philippart l'acheta avec l'intention d'y faire des primeurs et de la vigne.
Nous ne pouvons mieux faire ici, que de citer quelques passages d'un article que l'honorable M. Nardy, horticulteur à Hyères, inséra, en 1878, dans les colonnes du Littoral méditerranéen.
»Au sud-est de l'immense rade d'Hyères surgit l'île du Levant, la plus étendue de quatre formant le groupe des îles d'Hyères.
»Sa surface est de 1,300 hectares environ. De l'est à l'ouest dans sa traversée qui est de beaucoup la plus longue, une crête partage l'île en deux versants nord et sud. Ce dernier est heureusement plus étendu que l'autre. Des vallonnements en pentes douces presque partout, accidentent les versants. Quelques-uns de ces vallonnements courent d'un versant à l'autre. L'âme de l'île est généralement le schiste tendre et et friable comme il en est pour les côteaux du continent voisin.
»Partout, même au haut des côtes, ce schiste est recouvert d'une bonne couche de terre. Cette couche est très profonde au fond des vallonnements où les siècles ont accummulé l'humus. Sur une grande partie du sud-est de l'île, la terre des pentes et des fonds est heureusement mêlée d'argile, ce qui la rend plus consistante et plus favorable encore à la végétation. Celle-ci au reste est partout belle.
»L'île du Levant est depuis peu passée des mains de M. le comte de Pourtalès en celles de M. Philippart.
»Sous la possession de M. le comte de Pourtalès, une colonie pénitentiaire de jeunes garçons existait à l'île du Levant. Loin du contact des habitants du continent, cette colonie n'en était pas moins paraît-il, le repaire du vice croissant avec l'âge. Elle eut, il y a quelques années, une révolte sinistre. C'est que, soit dit en passant, quoique ses jeunes habitants fussent quelque peu occupés aux travaux des champs, travaux des plus moralisateurs pour les jeunes êtres dévoyés, ces êtres mal guidés, subissaient de plus une direction arbitraire, sans fermeté, l'opposée de celle qui, inspirée des sentiments élevés et généreux du père de famille, fait de l'enfant un homme et non un forçat de l'avenir.
»Il n'y a plus de colonie pénitentiaire à l'île du Levant.
»Nous y venions en promeneurs: nous avions ouï dire que le nouveau propriétaire comptait faire sur ce vaste domaine d'importantes cultures de primeurs. Il faut l'avouer, nous avions les oreilles quelque peu pleines de récits sur l'aridité de l'île, sur le peu d'abris qu'elle présenterait, etc. Nous nous étions dit toutefois: A l'île du Levant comme partout ailleurs, un bon cultivateur saura trouver bonnes les terres. Aujourd'hui, après avoir vu, nous disons:
»La végétation indigène, pins d'Alep, arbousiers très forts bruyères en arbre, lentisques, chênes-verts, cistes etc., qui luxuriante, couvre partout le sol, prouve la bonté de celui-ci. Les quarante à cinquante hectares de vignes plantées par M. de Pourtalès ont jadis, quoique insuffisamment soignées et fumées, émis une vigoureuse végétation. Aujourd'hui le phylloxera les a partout envahies, et si elles ne sont mortes encore, nous ne croyons pas cependant qu'elles se rétablissent.
»L'honorable directeur de la colonie agricole commencée à l'île du Levant par le nouveau propriétaire, a bien voulu nous accompagner dans notre excursion à travers l'île. L'excursion est longue, mais elle est intéressante; aussi, malgré une chaleur tropicale, la mer, très calme, nous envoyait à peine une bien légère brise, le charme éprouvé par les yeux empêchait de songer à la fatigue. Le terrain se prépare déjà à la culture au fond de nombreux vallons sur le versant sud. Les uns sont inclinés aux sud-est et les autres au sud-ouest mais tous sont dominés par des crêtes boisées abritant des vents du nord-ouest et de l'est, seuls violents et nuisibles dans l'île. Chaque vallon possède de l'eau de source, et les travailleurs qui préparent le sol à diverses cultures n'oublient point de préparer en même temps la captation et l'emmagasinage des eaux qui servent déjà à l'homme et qui arroseront plus tard les cultures.
»Les vallonnements des versants, de celui du sud surtout, [Pg 25] qui, nous le répétons, est heureusement bien plus étendu en surface que le versant nord, se prêtent admirablement aussi à la création de barrages élevés, d'où l'eau, emmagasinée en hiver, pourra fertiliser, en été, de bien intéressantes cultures sur de considérables surfaces. Nous ne croyons pas exagérer en disant que l'eau des sources et celles des barrages qui peuvent être successivement établis, viendraient, étant intelligemment distribuée, à arroser au moins 150 hectares. Combien une telle surface, sous un tel ciel, ne produirait-elle de beaux et d'intéressants produits primeurs, plus précoces encore que ceux des côtes si privilégiées pourtant du continent voisin! Nous disons plus précoces, et cela nous semble pouvoir être affirmé. Sur la côte, les vents du nord, et aussi les courants venant des contreforts des Alpes ou des cimes neigeuses de l'Esterel, amènent parfois en hiver, des refroidissements nuisibles à la végétation. À l'île du Levant, comme il en est au reste aux autres îles de la côte, ces refroidissements sont moins sensibles. L'eau qui entoure le sol de toutes parts d'un élément à température uniforme, empêche ou modifie très heureusement dans toutes les îles, les brusques passages de la chaleur au froid, passages venant du continent, et que nous subissons. Du reste, des cultures de primeurs commencées depuis quelques années à l'île de Porquerolles, voisine de l'île du Levant, nous montrent une précocité avantageuse sur celle obtenue sur nos côtes. Nous parlerons un jour aussi de l'île de Porquerolles, non moins intéressante que celle du Levant.
»Les cultures arrosées de l'île du Levant devront être toutes complantées d'arbres fruitiers, des espèces abricotier, cerisier et pêcher, en se bornant bien entendu et à peu près exclusivement aux variétés précoces. Le produit de ces plantations sera assurément très rémunérateur. Sous les arbres viendront bien les cultures de petits pois et de pommes de terre, cultures [Pg 26] rarement arrosées, et celles du haricot de printemps et d'automne, qu'il faut toujours arroser. Partie de ces terres arrosées pourra aussi, mais sans autres cultures sur le sol, dès que les arbres commenceront à produire, être couverte de plantations d'orangers et surtout de citronniers. Les produits assurément vaudront ceux de l'Italie et de l'Espagne.
»Les plateaux et les sols pentifs de l'Ile du Levant sont tous très propices à la culture de la vigne. Il y a un certain nombre d'années, alors que l'île appartenait à M. le comte de Pourtalès, des vignes à vin furent plantées au nord-ouest et à peu de distance de la colonie pénitentiaire et d'exploitation; cette partie de l'île n'est pas la mieux abritée et d'autre part le sol particulièrement schisteux n'a point été profondément défoncé. Cependant nous avons vu une bonne partie de ces vignes montrer encore des preuves d'une végétation jadis belle; malheureusement le phylloxera, cet infiniment petit qui se moque si bien des prohibitions émanées du cerveau des savants de cabinet, a pénétré dans l'Ile du Levant et toutes les vignes sont envahies. Le sulfure de carbone, la panacée officielle qui devait anéantir à jamais le nouvel ennemi de nos vignes a été appelé à l'Ile du Levant. Là, comme ailleurs il a fait merveille. Il a été appliqué par des travailleurs, officiels comme lui, délégués, à cet effet, par la compagnie P. L. M. Armés de leurs instruments connus, ils ont pendant tout l'hiver dernier et jusqu'en mars et avril, administré le sulfure de carbone dans toute l'étendue des vignes.
»Le principal résultat obtenu est la suppression de toute récolte; nous avons pu voir, en promenant longuement dans les vignobles, des parties étendues où les ceps relativement vigoureux encore portent, à la base de leurs sarments, les vestiges de formes de raisins; mais, à l'époque de la floraison et même avant, ces formes ont été annihilées.
»Un autre effet de l'application du sulfure de carbone ne se montre que trop largement sur les surfaces où le remède a été employé en fin de saison; là, les ceps les plus malades ont été tués par le remède. Au moment de l'élan de la végétation, ils ont commencé d'émettre quelques nouvelles pousses bientôt mortes en roussissant comme si elles eussent été atteintes par un corrosif. Quand nous les voyions, courant juillet, quelques-uns de ces ceps montraient toutefois de naissants et bien chétifs bourgeons. Assurément le volatile poison commençait à disparaître du sol et les ceps vivants encore s'empressaient de le constater.
»M. le Directeur de l'Ile du Levant avait eu soin de donner aux vignes sulfurées la distribution d'engrais religieusement recommandée au reste par les hauts et savants patrons du sulfure. Comptant sur la richesse apportée au sol par cette distribution, le directeur a essayé, ça et là, dans les parties où les ceps sont, entre lignes, largement espacés, des semis de pommes de terre, petits pois et haricots. Partout ils ont germé, mais, malgré les bienfaisantes pluies exceptionnellement prolongées, cette année, dans nos régions, c'est à peine si quelques-uns ont continué leur végétation. Là encore le sulfure a fait merveille.
»Jamais il ne nous avait été donné de rencontrer une constatation aussi irréfutable des dangers de l'emploi de cet insecticide qui, ainsi que d'autres que nous avons connus, réduit l'insecte à la famine en détruisant la plante qui le nourrit.
»Jusqu'à quand demanderons-nous encore ou serons-nous même forcés de demander la guérison de nos vignes à des insecticides? Les plus vantés, les plus officiels non plus que les prohibitions administratives n'empêchent point le phylloxera de continuer ses ravages et de les étendre chaque année en de nouvelles régions. Bien plus, comme nous venons [Pg 28] de le constater dans les vignobles de l'Ile du Levant, ainsi que l'ont fait ailleurs des praticiens autorisés, l'un de ces insecticides, le plus vanté, le plus officiel de tous tue la vigne plus sûrement que le phylloxera.
»Jusqu'à quand voudra-t-on, sur trop de parties des régions viticoles, s'obstiner à repousser les vignes américaines qui, elles, nous sont offertes par la nature comme la base sûre de la reconstitution des vignobles détruits par le phylloxera.
»Nous voudrions qu'il fut donné aux vignerons, aux bons paysans de certaines régions viticoles où règne le phylloxera, régions où l'on impose le sulfure comme remède, tout en interdisant l'entrée des cépages américains, de voir, dans l'Hérault, dans les Bouches-du-Rhône, dans le Var et autres départements voisins, des vignobles splendides reconstitués avec les vignes américaines. Nous croyons bien que protecteurs des insecticides et prohibiteurs des cépages américains auraient fort à faire à se justifier ensuite auprès de ces paysans.
»Dans les départements dont nous parlons, l'insuffisance, nous dirons presque l'innocuité des insecticides n'est plus contestée par personne; la résistance, la luxuriante végétation de beaucoup de cépages américains, la belle production directe de quelques-uns sont prouvées, depuis plusieurs années, par d'importantes plantations en pleines régions phylloxerées. Des viticulteurs des plus autorisés, membres honorables de nos Parlements, remplissent un patriotique devoir en présentant au gouvernement les cépages américains comme le moyen à la fois unique et sûr de reconstituer nos vignobles. Espérons que leur voix qui est celle de la vérité ne tardera plus à être entendue. Espérons aussi que la Compagnie P. L. M. qui, croyant jadis à la puissance insecticide du sulfure de carbone, s'est dévouée à en propager l'emploi, voudra bien, aujourd'hui que l'inefficacité du sulfure est prouvée, [Pg 29] accorder aide à la propagation des cépages américains. De la largeur et de l'activité de cette propagation dans les départements méridionaux partout phylloxerés dépend la prompte et indispensable reconstitution d'une triple source de richesse pour la France, pour ces départements, et pour les entreprises de transport. Il faut que les plants de Jacquez et de quelques autres variétés américaines bien connues de cépages à vin, dits à production directe, et que ceux d'autres variétés également américaines, précieux porte-greffes pour nos vignes françaises, puissent non-seulement être répandues partout où besoin est, mais aussi que leur prix d'achat soit mis à la portée de toutes les bourses.
»Au gouvernement, aux assemblées départementales, aux associations diverses, et aux compagnies de transport intéressées incombe la mission de poursuivre la propagation et l'abaissement des prix des cépages américains.
»A l'île du Levant, que nous quittons, nous recommandons particulièrement de planter des cépages américains porte-greffes, tels que Taylor, riparia et quelques autres également rustiques sur lesquels il faudra greffer le chasselas de Fontainebleau et le Lignan blanc ou Joanenc charnu pour la production du raisin de primeur à exporter. Sur les terrains de l'île, sous son climat et à ses expositions si favorisées, ces vignes de raisins de table donneront un revenu exceptionnellement rémunérateur.»
Plus récemment, l'Illustration horticole publiait la notice suivante de notre célèbre botaniste J. Linden.
L'île du Titan est la plus orientale et la plus grande des îles d'Hyères, les Stœchades des anciens. Pline raconte qu'on y faisait depuis la plus haute antiquité la pêche du corail, dont les Gaulois ornaient leurs épées et leurs boucliers. Diosdoride les appelait Stichades insulae du nom d'une herbe aromatique très abondante dans ces îles, le Sticha, qu'il indique comme étant une espèce de Thym; probablement le Lavandula υπο Stœchas. A la renaissance, les trois îles principales de Porquerolles, Port-Cros et Titan étaient connues sous le nom poétique d'îles d'or, sans doute à cause de l'éclat que jettent leurs rochers de mica-schiste. Quelques auteurs modernes leur ont maintenu cette dénomination.
Avant l'ère chrétienne, ces îles étaient visitées par les Phéniciens et les Phocéens, qui y formèrent des établissements. Les Romains s'y installèrent à leur tour. Pendant les premiers siècles du christianisme, les pieux cénobites de Lérins cherchèrent un refuge à l'île du Titan.
Les Maures vinrent ensuite s'installer dans cette île, d'où ils ravagèrent toute la côte provençale. Ils en furent définitivement chassés sous le règne de François I. En 1549, Henri II érigea l'île du Titan en marquisat, en faveur de Christophe, comte de Roquendorf, baron de Molemburg. Napoléon y fit construire le fort des Arbousiers aujourd'hui déclassé. Depuis, l'île a appartenu à divers propriétaires dont un des derniers, le comte de Pourtalès y fit exécuter de grands travaux et y établit un pénitencier et des plantations de vignes d'une grande étendue. Un seul clos entouré de murs a une contenance de cent hectares. L'île appartient depuis quelques années à M. Édouard Otlet, gendre de l'auteur de cette notice.
L'île du Titan a une superficie d'environ 1,400 hectares, [Pg 31] son sol est montagneux, très élevé dans les parties septentrionales et s'étendant en pente vers le midi. Dans la partie orientale, on rencontre, sur les hauteurs, des dépressions de terrain qui se transforment plus bas en vallons parfaitement abrités et couverts d'une épaisse végétation, tels sont les vallons du Serpent, du Javieu, du Cagnet et du Titan. À l'abri du mistral et du vent d'est, qui sévissent avec violence sur les crêtes de l'île, ces localités jouissent d'une température semi-tropicale, particulièrement propice à la culture des Palmiers et autres plantes des régions chaudes du globe. Ce sont ces vallons, où jamais le thermomètre n'est descendu à zéro, qui ont été choisis pour y établir les grandes cultures que la Compagnie Continentale d'Horticulture se propose de créer dans le midi. Au fur et à mesure que les terrains seront défrichés et défoncés à une certaine profondeur, ils seront livrés à la culture et de grandes plantations de Palmiers appartenant aux genres Areca, Brahea, Chamaerops, Cocos, Kentia, Livistona, Phoenix, etc., y remplaceront la végétation primitive. Quelques parties particulièrement chaudes seront réservées pour l'acclimatation de certains arbres fruitiers exotiques et dans les dépressions des hauteurs s'établiront les grandes cultures de Rosiers, de Gardenia et autres plantes à fleurs destinées à alimenter le nord pendant les périodes d'hiver. Les fleurs n'y seront pas exposées, comme à Cannes et à Nice, aux gelées qui font manquer si fréquemment leur récolte.
L'île du Levant est aussi remarquable par sa flore que par sa constitution géologique. Il y a cinq ou six ans, l'île était encore couverte de forêts de Pins d'Alep (Pinus halepensis) et de Pins pignons (Pinus pinea), dérodées en grande partie. Sous la forêt comme dans les parties découvertes, le sol est couvert de maquis épais, composés d'Arbousiers gigantesques (Arbutus Unedo) ayant parfois des troncs de 50 centimètres [Pg 32] de circonférence et mesurant jusqu'à 8 mètres de hauteur, de Bruyères arborescentes, Erica arborea, de 3 mètres de hauteur avec des troncs de 25 centimètres de circonférence, de Myrtes (Myrtus communis), de Lentisques (Pistacia lentiscus), de Daphne, de plusieurs espèces de Cistes, etc. Ces maquis forment des fourrés impénétrables sous lesquels les lapins, très abondants dans l'île, peuvent circuler à l'aise sans avoir à redouter l'œil perçant du chasseur. Dans les parties jachères, les Cistes apparaissent en grand nombre, tandis que dans les endroits découverts et incultes on rencontre l'Euphorbia dendroides, les Teucrium marum et massiliense, le Lavandula Stœchas, le Coronilla juncea, les Genista linifolia, candicans et spinosa, le Jasminum humile, l'Euphrasia linifolia, le Vitex agnus castus, le Thrincia tuberosa, etc. Dans le sable, sur le bord de la mer, croissent le Pancratium maritimum, l'Absinthium maritimum, et sous les rochers les Juniperus phœnicea et Sabina, le Statice minuta, l'Echinophora spinosa, quelques espèces d'Euphorbes, etc.
Nous devons à la complaisance de M. le docteur Bernard, de Porquerolles, les renseignements minéralogiques et géologiques suivants:
A l'île du Levant se trouve un véritable lit de roches granatifères. Dans la partie E. et S., vers le NO. au centre de l'île, partout le schiste micacé, en se délitant et s'effeuillant aux impressions atmosphériques, jonche la terre de ses grenats. On peut, d'après M. Denis, reconnaître leur cristallisation dodécaèdre ou trapéziforme; ils sont en général d'un rouge-brun tirant sur le noir, quelquefois rouges, violacés et d'apparence terreuse, d'autres fois légèrement vitreux dans certains endroits. Vers l'E., sur le bord de la mer, ils se trouvent mêlés aux grenats prismatiques. Le mica-schiste, dans lequel cette substance est empâtée, est contourné ou anguleux et les cristaux prismatiques du disthine, élargis [Pg 33] comme d'habitude sur deux faces opposées, s'allongent d'une manière remarquable, se recourbent, se redressent, et suivent exactement les mouvements de la roche sur laquelle ils sont appliqués.
Il existe aussi un gisement d'asbeste ou amianthe, à un endroit appelé la mine, où l'on ne peut arriver qu'au moyen d'une barque. L'asbeste se trouve dans les fissures d'une roche magnésienne. Elle affecte plusieurs formes et plusieurs couleurs, ses fibres sont le plus souvent d'un blanc d'argent, assez soyeuses, mais dures et compactes.
Un peu au-dessus du gisement d'asbeste, on trouve une actinote de couleur vert tendre, légèrement nacrée et châtoyante. Cet amphibole calcaréo-ferrugineux est basillaire, mais non pas à fibres droites; il s'offre, en outre, sous forme de petites lames assez étroites, irrégulièrement superposées ou divergentes. C'est, sans contredit, une des substances les plus remarquables de l'île, après toutefois les cristallisations des tixanoyides et des titaniates; le titaniate de fer se trouve dans le mica-schiste, il est solide, noir, métalloïde et cristallisé en octaèdre.
Les grosses roches, qui font saillie dans les parties centrales de l'île, sont formés de quartz hyalin, parfois d'une blancheur éblouissante.
J. Linden.
Enfin nous terminerons ce chapitre par quelques notes historiques:
Mela désigne toutes les îles du littoral de Provence sous les noms de Stœchades, qui signifie en grec rangées. Strabon en compte cinq. «Au devant de la côte, dit-il, en partant de Marseille, on trouve les îles Stœcades. Il y en a trois grandes et deux petites. Elles sont habitées par des cultivateurs marseillais; plus anciennement elles avaient même une garnison pour les garantir des descentes des pirates, car elles ne [Pg 34] manquent pas de ports.» Et le géographe grec place à la suite les îles de Lérins, sous les noms de Leron (Sainte-Marguerite) et de Planasia (Saint-Honorat).
Agathémère place les deux petites Stœcades près de Marseille.
Pline est plus précis: «Les trois Stœcades, dit-il, sont ainsi nommées par les marseillais qui en sont voisins à cause de l'ordre dans lequel elles sont rangées. Les noms de chacune d'elle sont: Prote, Mese aussi appelée Pomponiana; la troisième est Hypœa; à partir de ces îles sont Sturmin, Phœmie et Philœ.» Il mentionne ensuite les îles Lero et Lerina, qui sont évidemment les îles de Lérins.
Etienne de Bysance en compte aussi trois, les place résolûment dans la rade de la ville phocéenne et ajoute qu'elles s'appelaient Ligustides, ce qui n'apprend pas grand chose, puisqu'elles étaient en face de la côte Ligurienne.
Les géographes du moyen âge furent encore plus obscurs et contradictoires: les uns placent les Stœcades un peu partout sur la côte de Provence, d'autres à l'estuaire du Rhône où ils la confondent même avec l'île de la Camargue.
Encore, d'après Pline, les îles de Marseille s'appelaient «petites Stœcades», tandis que celles d'Hyères étaient nommés «grandes Stœcades» et portaient des noms qui rappelaient leur position relative. La première, Porquerolles, en marchant de l'Ouest à l'Est, s'appelait Prote (προτη, première); la seconde, Port-Cros, était celle du milieu et s'appelait par suite Mese (μηση, milieu); la troisième, l'île du Levant ou du Titan, placée après et comme au-dessous des deux autres, portait le nom d'Hypœa (υπο sous,—île inférieure).
Ce sont des fragments détachés de la chaîne des Maures.
Le nom des Îles d'or qu'on leur donne est tout à fait moderne; on ne le trouve dans aucun auteur ancien. A défaut de meilleure explication, on a pensé quelque fois que cette [Pg 35] désignation avait été donnée aux îles d'Hyères à cause de l'éclat métallurgique et doré que jettent au soleil couchant leurs rochers granitiques à facettes et leur sable pailleté de mica. Les ruines qu'on y rencontre permettent cependant de supposer qu'elles étaient peuplées dans les temps anciens. On y a trouvé en effet un nombre assez recommandable de monnaies romaines et massaliotes à l'effigie des empereurs Néron, Vespasien, Titus, Nerva et Trajan; les monnaies grecques sont aux types de Marseille et des substructions qui paraissent indiquer un établissement d'une certaine importance.
L'empereur Claude, assailli par une violente tempête, lors de son voyage dans la Grande-Bretagne, vint y chercher un excellent refuge; elles furent aussi le théâtre de l'arrestation de Valens, le plus ambitieux des généraux de Vitellius, qui fut transporté delà à Urbinum, où Paulin le fît mettre à mort.
Aux premiers siècles du christianisme, les moines de Lérins établirent une succursale dans les trois îles qui prit un très grand développement.
Pendant près de cinq siècles ces moines vécurent sur ces trois rochers, repoussant les invasions des barbares et sauvant à plusieurs reprises les trésors des sciences et des lettres dont ils s'étaient constitués les gardiens.
Mais la lutte était inégale, et à la fin du XIIe siècle, les Barbaresques, victorieux et maîtres de l'Archipel, rasèrent leurs couvents, détruisent leurs églises, brûlèrent et jetèrent au vent les livres et les manuscrits qu'ils avaient pieusement recueillis. A dater de cette époque les Sarrasins paraissent avoir occupé les trois îles sans avoir été inquiétés. C'est delà qu'ils envoyaient leurs expéditions sur le littoral. C'était en quelque sorte les avant-postes de leur petit royaume de la chaîne des Maures, et ils réussirent à s'y maintenir encore longtemps après qu'ils avaient été chassés du continent.
Une grande partie de l'île est en culture ou propre à en faire. Un grand plateau, ayant environ 100 hectares de superficie, est entouré de murs pour se défendre des ravages nocturnes des lapins.
Une soixantaine d'hectares de vignes y a été plantée par M. le comte de Pourtalès.
Mais, comme nous l'avons déjà dit, le phylloxera les a envahies, et la plus grande partie du vignoble est perdue, en dépit du sulfure de carbone administré à grandes doses.
Cette année on a songé a reconstituer le vignoble en plantant de la vigne américaine à racines résistant au phylloxera, et en greffant les anciens plants ayant encore assez de vigueur pour émettre de nouvelles pousses. Une vingtaine d'hectares ont pu être achevés cette année.
Voici les procédés employés pour la plantation de cette vigne.
Après avoir arraché les vieilles souches, une grosse charrue tirée par quatre forts bœufs, défonce la terre à une profondeur de 50 centimètres. Un plant de 60 centimètres y est planté à un écartement de 1 mètre 50, et les raies à une distance de 2 mètres de largeur. Ces nouveaux plants ne produiront que dans trois ans.
On a également planté cette année quelques hectares de chênes lièges dans les vallons abrités du mistral. Des divers arbres cultivés dans un but industriel, un des plus utiles, bien [Pg 38] certainement, est le chêne-liège, dont le bois sert au chauffage et au bâtiment, les fruits aux engrais domestiques et l'écorce à l'industrie. Le chêne-liège au point de vue de la production de son écorce, connue sous le nom de liège, a été, jusqu'à présent, laissé dans des conditions défavorables, se traduisant au moment de la récolte en non-valeurs très-préjudiciables et en diverses manipulations onéreuses qui, pesant sur le commerce de ce produit, éloignent les propriétaires de cette culture et menacent cette production, devenue véritablement indispensable depuis que le liège a reçu de si nombreuses applications chez tous les peuples civilisés. L'arbre est lent à donner une écorce utilisable. Le chêne-liège ne subit qu'à 18 ou 19 ans le demasclage (l'enlèvement de l'écorce mâle), qui doit le préparer à produire une écorce utilisable. La récolte n'a une valeur marchande que 2 ou 3 ans après. En résumé, il faut au chêne-liège 20 ans avant de produire une écorce commerciale; mais dès lors, chaque arbre rapporte un produit moyen de 3 francs par an. Le chêne-liège est un des arbres qui demande le moins de soin, et la moins bonne terre. Il pousse partout où on l'a planté et se contente d'un ou deux binages dans les trois premières années.
Ce qu'il y a de mieux à faire à l'île du Levant, ce sont les vignes. Le peu qu'il en reste encore des anciennes plantations atteste combien elles ont dû être vigoureuses et leur rapport magnifique. On peut y faire aisément 200 hectares de vignes.
Les vins du midi, on le sait, ont acquis une grande renommée chez les marchands de vin, car, étant très forts et très noirs, ils les coupent avec d'autres vins moins forts et le mélange donne un vin ordinaire apprécié.
Il n'a jamais gelé ni neigé de mémoire d'homme à l'île du Levant. On y a une température tempérée l'hiver et assez chaude l'été. La seule chose à craindre est le vent d'est et le [Pg 39] mistral. Il y aurait donc avantage à faire dans les vallons abrités la culture de plantes exotiques. Ces plantes, en pleine terre, à l'abri du vent, viendraient beaucoup mieux et grandiraient beaucoup plus vite qu'en serre. Quelle économie de charbon et de bâtiments n'y aurait-il pas à faire là!
Le vallon du Javieu est magnifiquement exposé pour cette culture. On pourrait y établir dans le haut un barrage qui recevrait toutes les eaux de pluie qui descendent de la colline. Ce barrage aidé de norias que l'on pourrait faire et des sources qui existent fournirait assez d'eau pour irriguer les cultures.
Au point de vue des moyens de communications, il y a lieu de signaler qu'il est question depuis quelque temps de construire un tronçon de chemin de fer qui relierait les Salins d'Hyères à Fréjus en passant entre Bormes et le Lavandon et en cotoyant le littoral. Les plans sont faits et la plupart des communes ont déjà voté des subsides.
Ce chemin de fer promet un grand avenir à l'île du Levant et au Lavandon où l'on pourrait créer une station hivernale. On viendrait alors de Paris à l'île du Levant en moins de vingt heures sans fatigue aucune.
Le chemin de fer passant au Lavandon, on organiserait un service de bateaux à vapeur qui relierait deux fois par jour l'île au continent. La traversée ne serait que de trois quarts d'heure.
Dès lors des villas se construiraient à l'île du Levant et leur nombre s'accroissant, on ferait un casino. Cette île deviendrait la station hivernale la plus fréquentée du littoral, car MM. les Anglais quitteraient volontiers les stations du continent pour venir s'adonner dans l'île du Levant à tous les plaisirs des yachtmen dont ils sont si amateurs.
Qui vivra verra.
(Notes de l'auteur).
[1] Les îles d'Hyères dépendent de la ville du même nom.
[2] L'île de Bagaud que l'on ne cite pas ici a cependant 59 hectares de superficie et possède un fort.
[3] Cette fabrique n'existe plus à l'heure qu'il est. L'île est défendue par 3 forts.
[4] Cette fabrique est également supprimée. Il n'en reste plus que d'immenses ruines.
[5] C'est une erreur, de pointe à pointe il n'y a qu'une distance de 800 mètres.
[6] Des Salins d'Hyerès, cette distance n'est que de 23 kilomètres. Le point le plus proche du continent est le Lavandon, à 14 kilomètres de l'île du Levant.