The Project Gutenberg eBook of Railway Reform

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Title: Railway Reform

Author: Anonymous

Release date: January 5, 2021 [eBook #64220]

Language: French

Credits: Adrian Mastronardi, Eleni Christofaki, The Philatelic Digital Library Project and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This book was produced from scanned images of public domain material from the Google Books project.)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RAILWAY REFORM ***

Note sur la Transcription

Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. Une liste d'autres corrections faites se trouve à la fin du livre. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.

RAILWAY REFORM.


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Imp. de Mme DE LACOMBE, rue d'Enghien, 12.


RAILWAY REFORM

OU

CONSIDÉRATIONS

sur la nécessité de réformer

Les Bases du Système qui a créé

ET QUI DIRIGE

LES CHEMINS DE FER DE LA GRANDE BRETAGNE,

ET DES MOYENS A EMPLOYER

POUR ATTEINDRE CE BUT.

LONDRES, 2me Edition.—Octobre 1843.—

(Traduction extraite du Journal des Travaux Publics.)

«Si nous vivons assez long-temps pour voir l'entier développement du système des chemins de fer, nous reconnaîtrons, sans aucun doute, que c'est un des plus grands bienfaits dont l'art ou la philosophie ait doté le genre humain.»

(Quarterly Review.)

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PARIS.

AU BUREAU DU JOURNAL DES TRAVAUX PUBLICS,

10, BOULEVART BONNE-NOUVELLE.

1843.



RAILWAY REFORM.

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Le tableau des revenus de l'année financière expirée le 5 avril 1843, offre une triste preuve de la dépression qui existe dans le commerce et l'industrie et de la misère qu'elle doit faire subir à la grande masse du peuple anglais.

Les droits de douane et d'accise, qui sont le thermomètre des moyens d'achat et de consommation du peuple, ont diminué respectivement d'un million sterling; les droits de timbre, critérium certain de l'étendue des transactions commerciales, ont présenté un déficit de 146,000 liv. sur les années précédentes. Les impôts directs dont la plus grande partie est payée par la classe moyenne, et qui en quelque sorte représentent sa condition, ont présenté un déficit égal à celui du timbre. Ainsi donc, les quatre grandes sources du revenu public offrent un déficit d'environ deux millions et demi de livres. N'est-ce pas là une preuve convaincante des souffrances du peuple?

Il est juste cependant de dire qu'une partie considérable de ce déficit est due aux réductions que l'on a faites à l'ancien tarif. Cependant, quelque importance qu'on leur accorde, la différence est assez grande pour convaincre les plus sceptiques qu'elle doit avoir été amenée par des causes étrangères aux réductions fiscales. Il n'entre pas dans mon plan d'indiquer les diverses mesures qui ont été proposées pour remédier à cette détresse que personne n'ose nier. La valeur de la question des céréales, de 6 celle des monnaies, de la liberté du commerce ou des droits protecteurs, a été suffisamment discutée, et si l'on n'a pas adopté les mesures proposées par leurs avocats respectifs, il ne faut pas l'attribuer à un manque de zèle de leur part pour la défense de leurs doctrines.

Le 8 mai, le chancelier de l'Echiquier présenta son budget et fit l'aveu de l'impossibilité où se trouvait le gouvernement de continuer la mise en pratique des principes de réforme qui avaient été reconnus et adoptés dans la session précédente.

La détresse de ce pays provient sans doute d'une multitude de causes dont quelques-unes sont en dehors de tout contrôle législatif; d'autres sont enracinées dans notre système commercial et protégées par tant d'intérêts, qu'elles ne peuvent disparaître que graduellement. Cependant, il y a des maux récemment introduits, qui n'ont pas encore eu le temps de prendre racine, qui ne reposent qu'à la surface, et que l'on peut extirper radicalement et avec promptitude. Je vais appeler l'attention du lecteur sur l'un de ces maux.

Il y a peu de sujets qui soient d'une plus grande importance parmi nous, que celui qui a rapport au transit, au transport des voyageurs et des marchandises d'un point à l'autre du pays, transport établi en vue d'obtenir un maximum de vitesse par un minimum de frais. Tandis que nous donnons tous les jours une plus grande extension à ces deux gigantesques instrumens de civilisation, le bateau à vapeur et le chemin de fer, qui seuls peuvent amener le résultat ci-dessus indiqué, nous nous inquiétons peu de voir si le bien qu'ils produisent a atteint son entier développement.

L'application de la vapeur aux divers usages de la vie fut une grande impulsion donnée aux arts et aux sciences; on peut dire avec raison qu'elle a marqué une nouvelle ère dans l'histoire du monde. Il est bien peu de découvertes en physique qui aient amené des résultats plus importans, ou dont les futurs développemens promettent d'amener d'aussi grandes révolutions sur toute la surface du monde civilisé. La variété des objets auxquels la vapeur peut être appliquée n'est pas moins extraordinaire que sa puissance. «L'application de la vapeur est encore dans son enfance» 7 est une remarque très commune, et la vérité en est attestée par les améliorations continuelles que l'on fait à la machine à vapeur, et par les divers usages auxquels on l'applique journellement. Si l'application de la vapeur est encore dans son enfance, que ne doit-on pas attendre d'elle, lorsqu'elle sera parvenue à un âge plus avancé, lorsque le temps aura perfectionné sa puissance si variée et développé ses immenses ressources.

Parmi les différens objets auxquels sa puissance a été appliquée, celui qui a rapport aux chemins de fer est de beaucoup le plus important, et c'est lui qui attirera toute notre attention. Il n'existe aucune découverte dans les sciences, chez les anciens comme chez les modernes, qui, dans une période aussi courte, ait produit des résultats aussi étonnans que ceux qui frappent journellement nos yeux sur les chemins de fer. Une enquête pour savoir si cette puissance est ou n'est pas dans une bonne direction, ne doit pas être considérée comme inutile. Les abus que l'exploitation des chemins de fer a amenés depuis leur établissement jusqu'à ce jour, ont été une cause de plaintes continuelles, et dans le travail auquel nous allons nous livrer nous aurons constamment en vue deux objets:

Depuis environ dix ou douze ans, les capitaux et les talens se sont appliqués avec une énergie remarquable à l'amélioration des moyens de transport intérieur, et cet important medium de richesse nationale et de civilisation en a reçu une impulsion proportionnée. Nous sommes témoins de faits que nous eussions regardés comme des fictions, si on nous les eût racontés il y a vingt ans. Qui aurait voulu croire à la possibilité d'une pesante machine de fer, chargée de plusieurs centaines de passagers, renfermés dans une longue suite de voitures, et d'une grande quantité de coke et d'eau, partant de Manchester et arrivant à Liverpool en moins d'une heure, bien que ces deux villes soient distantes entre elles de plus de 30 milles? Aujourd'hui c'est un fait qui se renouvelle à chaque heure.

8 La vitesse des transports n'est pas moins étonnante que le poids transporté. La puissance de la machine à vapeur, sous ce rapport, dépasse les besoins des deux plus grandes places commerciales de la Grande-Bretagne. On transporte des charges de 50 à 100 tonneaux à une vitesse de 25 milles par heure. Une fois nous avons vu une charge, ou plutôt une cargaison de marchandises du poids de 200 tonnes, transportée de Liverpool à Manchester à la vitesse moyenne de 12 milles par heure. Les moyens que l'on emploie pour donner l'impulsion à la machine à vapeur ne sont pas favorables à l'économie du combustible; cependant une livre de coke dans une machine-locomotive suffit pour évaporer cinq pintes d'eau. Cette évaporation crée une force suffisante pour tirer un poids de deux tonneaux et lui faire parcourir un mille en deux minutes. Quatre chevaux attelés à une voiture légère, sur un chemin ordinaire, parcourraient la même distance avec le même poids en six minutes.

Un convoi de voitures, pesant environ 80 tonneaux et transportant 240 voyageurs, a été de Liverpool à Birmingham et de Birmingham à Liverpool en quatre heures et quart chaque fois, y compris les temps d'arrêt. La distance entre ces deux villes est, par le chemin de fer, de 98 milles. Ce double voyage d'environ 200 milles, est effectué à l'aide d'une force mécanique produite par la combustion de quatre tonneaux de coke dont la valeur est d'environ 5 liv. Il faudrait 20 voitures et 380 chevaux pour transporter journellement le même nombre de voyageurs entre ces deux villes, si l'on employait des voitures ordinaires qui roulent sur les grandes routes; et ce voyage ne pourrait pas s'accomplir en moins de douze heures, si l'on y comprend le temps de relai.

Telle est la puissance et l'économie de la vapeur lorsqu'elle est bien employée.

Les chemins de fer anglais ont été établis sur des principes diamétralement opposés à ceux qui ont prévalu pour la création des chemins de fer du continent. En comparant ces principes et les résultats qu'ils ont produits; nous pourrons nous faire une idée juste de leurs mérites respectifs.

L'établissement de nos chemins de fer est dû à l'industrie privée. 9 Le capitaliste est amené à placer son argent dans une entreprise qu'il sait devoir faire déserter les voies ordinaires de communication à l'intérieur du pays, et qu'il suppose, par ce moyen, devoir lui procurer un haut intérêt. Il la considère comme une spéculation dont il a le droit de tirer tout le profit possible. Ses intérêts sont diamétralement opposés à ceux du public, parce que ses profits sont d'autant plus grands qu'il fait payer un prix plus élevé. Il n'est sujet qu'à une légère responsabilité envers le gouvernement. Il n'est point obligé d'étudier le confort et la convenance du public; aussi ne leur accorde-t-il que l'attention nécessaire à ses vues. Dans quelques cas sa spéculation a réussi, et, il reçoit depuis 5 jusqu'à 15 p. cent de son placement de fonds; dans d'autres cas, elle n'a pas réussi, et il reçoit peu ou rien. Eh bien! quelle que soit sa position, le capitaliste n'a qu'un seul objet en vue, gagner le plus qu'il peut, et il élève le tarif du chemin de fer qui lui donne 15 p. cent d'intérêt, avec aussi peu de scrupule qu'il élèverait le tarif de celui qui ne lui rapporte même pas 5 p. cent.

Les anciennes voies de communication dans le royaume ont été abandonnées, et l'on a accordé à des capitalistes le monopole des nouvelles. Ce monopole est d'autant plus sûr que rien ne peut lui faire concurrence; il est d'autant plus étendu qu'il couvre de son réseau toute la surface de l'Angleterre; il est d'autant plus durable qu'il a été concédé à perpétuité. C'est encore le monopole le plus pernicieux au bien général, parce qu'il met la société sous la dépendance du capitaliste particulier pour un de ses besoins les plus importans.

Le système établi en Belgique, et adopté par les autres puissances du continent, présente un contraste frappant avec celui que nous venons de décrire. Chez elles les chemins de fer ont été construits par les gouvernemens; le but qu'elles se sont proposé n'a pas été de favoriser des profits particuliers, «mais d'étendre le commerce et les moyens de communication du pays jusqu'à leurs dernières limites, et de ne retirer de l'exploitation que ce qui est strictement nécessaire pour rembourser le capital engagé. Le projet que le gouvernement a entrepris ne doit être ni un fardeau, ni une source de profits. Il devra seulement 10 couvrir ses dépenses, qui consistent dans l'entretien et les réparations des chemins et du matériel, dans le paiement des intérêts et l'amortissement graduel du capital engagé.»

Tels sont les systèmes établis en Angleterre et en Belgique. Les résultats qui en découlent sont la conséquence exacte des principes opposés sur lesquels ils sont basés. Le but avoué de l'un est d'imposer au public le maximum du tarif le plus profitable; le but de l'autre est de n'exiger de lui que le minimum de la dépense la plus économique. Le premier doit faire la fortune de quelques particuliers. Le second doit étendre ses bienfaits sur la société tout entière. Examinons les tarifs de chacun:

Sur le chemin de fer de Londres à Birmingham, par exemple, la distance est de 112 milles, et le prix du transport dans la 1re classe est de 1 liv. 12 sh. 6d.

En Belgique, pour la même distance, et dans une voiture de pareille classe, on paie 14 fr. C'est le tiers de ce qui est exigé en Angleterre.

Ce simple fait ne devrait-il pas suggérer à chacun l'idée qu'il doit y avoir quelque chose de radicalement faux dans notre système; que le pouvoir de taxer le public ad libitum, placé entre les mains d'individus sans responsabilité et qui ne le font servir qu'à leur intérêt particulier, est un fléau! Un monopole de cette importance ne doit appartenir qu'au gouvernement; ou bien, si on l'accorde à des particuliers, on ne devrait le faire qu'avec des restrictions qui protégeraient les intérêts du public.

Le principe généralement adopté dans ce pays d'abandonner toutes les entreprises à l'industrie privée, est, sans aucun doute, bon; mais, comme tous les bons principes, on peut l'exagérer et même lui faire produire des résultats pernicieux. Ce n'est qu'alors que le bien public l'exige que l'Etat est justifié de se faire lui-même entrepreneur, ou bien d'intervenir entre les capitaux et le travail dans leurs développemens. Chez nous, ce n'est que dans des circonstances semblables que l'intervention du gouvernement se fait sentir. Ainsi, il construit des phares, des tours de signaux, des ports, quelquefois des chemins et autres ouvrages qu'aucun capitaliste ne voudrait entreprendre, parce que les profits ne seraient pas en rapport avec sa mise de fonds. L'Etat fait 11 naviguer ses vaisseaux entre différens ports; ces vaisseaux transportent des voyageurs et de l'argent; mais la principale branche de commerce qu'il exploite, c'est le transport des lettres, dont il a le monopole pour le bien général. Nous verrons par la comparaison des tarifs anglais et belges combien le public aurait gagné à ce que le gouvernement s'adjugeât le monopole du transport des voyageurs.

En 1839, une commission prise dans le sein de la Chambre des communes fut instituée pour une enquête sur l'état des communications par chemins de fer. Elle était composée de plusieurs membres influens de la chambre, sir Robert Peel, lord Stanley, sir James Graham, M. Poulet Thomson, M. Shaw Lefêvre, etc., et leur attention fut principalement dirigée vers ces deux points:

«Il ne paraît pas, dit la commission dans son rapport à la Chambre des communes, que l'intention du parlement ait été de donner à un chemin de fer un monopole complet des moyens de communication sur la ligne qu'il parcourt; au contraire, le parlement a eu soin de faire une réserve dans tous ou presque tous les actes constitutifs, en faveur des personnes qui voudraient faire circuler des voitures ou des machines sur le chemin, en payant un certain droit à la compagnie. L'intention du parlement est nulle quant aux effets qu'elle se proposait, car il est évident que le paiement de droit n'est qu'une bien minime part des arrangemens qu'il faudrait faire pour ouvrir un chemin de fer à la concurrence. Un individu qui n'aurait que le pouvoir de placer une machine et une voiture sur le chemin de fer, n'aurait aucun moyen d'entretenir d'eau sa machine, ou de prendre et de déposer ses voyageurs à une station convenable; enfin, il serait placé vis-à-vis de la compagnie dans une telle infériorité que la concurrence serait impossible.»

La réserve législative, signalée par la commission, a si bien été une lettre morte, que fort peu de personnes, probablement,12 savent qu'elle existe, et qu'il est permis à d'autres qu'aux compagnies de transporter des voyageurs sur les différens chemins de fer.

Pour les marchandises, le même principe de propriété exclusive prévaut, et les essais que l'on a tentés pour entraver le monopole des compagnies n'ont pas eu meilleur résultat; c'est-à-dire chaque fois que les compagnies ont trouvé leur intérêt à transporter elles-mêmes les marchandises ou d'en accorder le privilége à une ou plusieurs personnes, elles l'ont fait. Quelques-unes font exclusivement leurs transports, comme le Grande-Junction; d'autres les font partiellement, et d'autres ne s'en mêlent pas. Quand une compagnie veut se charger des transports de marchandises exclusivement, ou bien repousser de sa ligne les étrangers, on perd son temps à vouloir lutter, à moins d'être doué d'une grande détermination et d'avoir de l'argent à perdre en procès. Même avec ces avantages, on n'a que peu de chances de succès. En voici un exemple tout récent: MM. Pickford et Cie, commissionnaires de roulage bien connus, ont eu un long procès sur le point en question, contre une des grandes compagnies de chemins de fer, et ils obtinrent jugement en leur faveur, du lord chef, baron de la cour de l'Echiquier. La compagnie n'a pas eu plus d'égard pour ce jugement que s'il eût été prononcé par un juge-de-paix. Les directeurs n'ont même pas cru devoir en faire mention dans leur rapport semestriel à leurs actionnaires, et aucun de ces derniers ne leur a adressé de question à ce sujet.

Les délais de la loi et les fonds que l'on met sans réserve à la disposition des directeurs, pour le contentieux, leur permettent de rendre nuls tous les efforts de ceux qui voudraient profiter du petit nombre de priviléges que la loi a accordés au public.

Quelques compagnies ne s'arrêtent pas là, et violent ouvertement la loi en exigeant des prix plus élevés que ceux que leurs actes de constitution leur donnent le droit de demander. Cet abus n'a lieu, bien entendu, que sur les lignes dont les prix ont été limités. Deux des plus grandes lignes du royaume ont eu leurs tarifs fixés par acte du parlementas à 3½d. par mille, mais, si nous consultons les tarifs en vigueur, nous trouvons que l'une13 et l'autre, sur quelques parties intermédiaires, demandent 20 et 25 p. cent de plus qu'elles n'y sont autorisées.

Pourquoi le public s'y soumet-il? Le pauvre public est forcé de se soumettre à bien d'autres impositions, et à celle-ci en particulier. Ce qui est l'affaire de tout le monde n'est l'affaire de personne. Le rôle d'accusateur n'est pas très populaire dans ce pays. Il n'est pas ensuite fort agréable pour un particulier d'entamer un procès avec une riche et puissante compagnie, afin de savoir deux ou trois ans après (s'il est assez heureux pour que sa cause soit promptement jugée), combien d'interprétations un avocat peut trouver dans un acte du parlement. Le simple citoyen trouve donc préférable de se soumettre patiemment ou impatiemment s'il l'aime mieux, à l'abus dont il est victime et de passer son chemin.

Un trait caractéristique distingue les assemblées semestrielles des actionnaires de chemins de fer. C'est leur soin d'éviter toute allusion aux pratiques de leurs directeurs, quelque illégales qu'elles soient, quand elles ont pour but un accroissement de leur revenu. Nous en avons un exemple dans l'affaire de MM. Pickfort dont nous venons de parler. Chaque actionnaire savait très bien que la cour de l'Echiquier avait condamné la compagnie, et qu'en conséquence la compagnie avait été obligée de payer 700 livr. pour les frais de la partie adverse et une somme double pour les leurs, et que, malgré cet échec, elle ne persévérerait pas moins dans sa même ligne de conduite qu'auparavant; néanmoins, aucun d'entre eux ne crut devoir se permettre la plus légère allusion à ce sujet.

A la vérité, les compagnies sont rarement forcées de violer la lettre de la loi, bien qu'elles s'embarrassent peu de son esprit; car si elles élevaient leurs tarifs autant que la loi leur permet, leurs chemins deviendraient déserts et ne serviraient qu'aux classes opulentes. Sur le Great-Western, la compagnie a le droit d'exiger de chaque voyageur, pour le transit de Londres à Bristol, 35 sh., mais elle a reconnu qu'il était dans son intérêt de n'exiger, pour les voitures de 1re classe, que 30 sh. et 20 sh. pour celles de 2e classe.

Cependant, ce tarif, bien qu'inférieur au tarif légal, ne put14 pas assurer à la compagnie un monopole complet, parce que les voitures publiques, n'exigeant que 12 et 14 sh., continuèrent leurs voyages. Pour les faire disparaître, la compagnie créa une 3e classe de voitures à 12 sh. 6 dr., et elle réussit à les faire tomber.

La compagnie de Londres à Birmingham, ainsi que d'autres, se trouvèrent dans la même position, parce que, dès leur ouverture, elles n'établirent que des wagons de 1re et 2e classe. Elles n'eurent des wagons de 3e classe que lorsqu'elles furent assurées que leur monopole serait incomplet sans cette mesure. Il existe même encore une voiture publique en concurrence avec la ligne de Birmingham. Elle prend 12 sh. pour une place de banquette, tandis que la compagnie demande 14 sh. pour la 3e classe.

On peut conclure de ce qui précède, que l'intervention de la législature dans l'établissement des tarifs des chemins de fer a été sans aucun résultat pour le bien public. Si les compagnies eussent voulu suivre les règlemens, neuf fois sur dix elles se seraient suicidées.

Des tarifs élevés sont donc la conséquence du système actuel, nous voulons dire élevés par rapport aux frais de traction; car, quelque minimes que soient ceux-ci, le public n'en retire aucun avantage. La seule considération qui fasse agir les directeurs est de fixer le tarif au point où il pourra rapporter le plus de profit aux actionnaires. Ils adoptent, en conséquence, une échelle proportionnelle entre différentes stations et ils l'élèvent ou l'abaissent jusqu'à ce qu'ils croient avoir atteint le point qui doit leur rapporter davantage, sans avoir aucunement égard aux besoins ou à la convenance du public. Le Grand-Junction, bien que payant à ses actionnaires 10 p. cent d'intérêt, a élevé dernièrement son tarif de 27 p. cent, et cela dans un moment où il existait une stagnation sans exemple dans les affaires. Peut-être la compagnie retirera-t-elle 1 p. cent. de cette augmentation, c'est douteux; mais supposons-le, ce résultat peut-il balancer la perte et les inconvéniens que cette mesure cause au public!

15 La compagnie ne gagnera que la 27e partie de ce qu'elle prélève sur lui, et elle force une classe de voyageurs à manquer leurs voyages ou à les faire d'une manière désagréable, et elle impose à l'autre une taxe supplémentaire de 27 p. cent.

Les compagnies ont trouvé très difficilement la moyenne entre un tarif élevé et un tarif bas, qui leur donnât le plus grand bénéfice possible. Celles de Greenwich et de Blackwall, et, en général, toutes les compagnies qui n'ont pas réussi, modifient constamment leurs tarifs. Afin de bien faire connaître les vexations qui résultent pour le public d'un pareil état de choses, nous allons entrer dans quelques détails à ce sujet.

La compagnie de Blackwall peut fort bien nous servir d'exemple: le prix de ce chemin de fer, lors de son ouverture entre Blackwall et Londres, était, pour la 1re classe, de 4 d.; pour la 2e, de 3. Quelque temps après, la 2e classe fut élevée à 4 d., et la 1re à 6 d. Une nouvelle augmentation eut lieu en septembre 1841: la 1re classe paya 8 d.; la 2e, 6. On exigea le même prix pour toutes les stations intermédiaires.

Ceci dura deux mois, au bout desquels on réduisit le prix, pour les stations intermédiaires, à 6 d. et à 4 d. Le dernier changement a eu lieu en mars dernier. Alors les prix, entre Blackwall et Londres, furent réduits à 6 d. et à 4 d., et, pour les stations intermédiaires, à 4 d. et à 3 d.

Le rapport du directeur va nous faire connaître quel fut le résultat de l'augmentation des tarifs en 1842:

«Le tarif a été élevé le 13 septembre dernier, et nous avons été surpris de voir qu'il en était résulté une diminution considérable, non-seulement dans le nombre des voyageurs, mais encore dans les recettes.»

L'augmentation n'avait pas été considérable l'été précédent. Dans les huit semaines avant le 13 septembre (elles présentent le plus sûr moyen de comparaison avec l'année écoulée, puisqu'elles datent de l'ouverture de la station de Fenchurch-Street, le 2 août 1841), les recettes offrent une augmentation de 16 p. cent sur l'année écoulée, tandis que pour les huit semaines qui suivirent le 12 septembre il y a une diminution de 41 p. cent sur le nombre des voyageurs, et de 17 p. cent sur les recettes, si on les compare à celles des mêmes semaines en 1841. Les directeurs16 ne crurent pas devoir mentionner la perte bien plus grande qu'ils avaient fait subir au public. Le nombre des voyageurs transportés par le chemin de fer lors de l'abaissement du tarif en 1841, pendant les huit semaines, s'éleva à 200,000 environ; dans les huit semaines correspondantes de l'année suivante, pendant l'élévation du tarif, il ne fut que de 118,000; c'est donc 82,000 personnes qui, pendant deux mois, furent entièrement privées des avantages du chemin de fer, et qui furent forcées de rester chez elles ou de faire le trajet à pied, ou bien de chercher un autre moyen de transport. Les 118,000 individus qui se servirent du chemin payèrent 30 p. cent de plus, et la compagnie perdit 17 p. cent. L'exemple que nous venons de citer se renouvelle journellement sur tous les chemins de fer, jusqu'à ce que les directeurs soient bien convaincus qu'ils ont enfin trouvé le tarif qui leur est le plus favorable.

La puissance d'un chemin de fer pour transporter des voyageurs et des marchandises est, pour ainsi dire, sans limites. Il serait bien difficile de fixer le nombre que le chemin de Blackwall pourrait transporter pendant huit semaines; mais, cependant, nous croyons que, sans changer en rien les moyens de transport dont la compagnie dispose, elle pourrait transporter plus d'un million d'individus avec le même nombre de convois, de voitures et de locomotives. Les convois qui, chaque quart d'heure, parcourent la ligne entre Londres et Blackwall et les stations intermédiaires, transportent, chaque voyage, terme moyen, 50 voyageurs, et il y a place pour plus de dix fois ce nombre.

Voilà une énorme perte de puissance qui devrait être employée utilement pour le bien public. 250 individus, qui sont aujourd'hui obligés de faire route à pied, pourraient être ajoutés sans aucune dépense aux 50 qui la font en chemin de fer, si le tarif était mis à leur portée.

C'est là le grand inconvénient du système actuel. Les intérêts du public sont sans aucune valeur aux yeux des propriétaires de chemins de fer. Ils l'imposeraient sans scrupule de 30 p. cent, dussent-ils n'avoir, eux, que 1 p. cent de bénéfice, et ils ne reviennent17 en arrière que lorsqu'ils s'aperçoivent qu'ils ont été trop loin.

On aurait tort cependant de soutenir qu'un tarif très bas donne le plus de profit; c'est, au contraire, l'opposé. Sur le chemin de Blackwall, et sur d'autres encore, il existe des concurrences, et c'est ce qui fait des exceptions à la règle générale.

La commission de la Chambre des communes, dont le rapport a été cité, rapporte plusieurs exemples qui établissent que les compagnies ont plus de bénéfice à transporter un petit nombre de voyageurs payant un prix élevé, qu'un grand nombre payant un prix minime. Répondant à l'observation d'un des témoins entendus, qui disait, «que l'intérêt du public et des compagnies était le même,» la commission fait observer, «que cette assertion ne peut être admise qu'avec de grandes restrictions et pour les chemins de fer seulement à côté desquels il existe d'autres moyens de communication qui maintiennent une espèce de concurrence, toute faible qu'elle soit.» La commission prouve la vérité de son assertion par l'exemple de Leeds à Selby, Manchester à Bolton, London à Birmingham et Dundée à Newtyle, chemins de fer qui ont tous essayé des tarifs bas et élevés, et qui se sont arrêtés à ces derniers comme plus profitables. Le rapport continue en ces termes: «La commission signale ce fait à l'attention du parlement et du public. C'est un devoir des directeurs de veiller sur les intérêts des actionnaires et de maintenir le tarif au taux où il rapporte davantage; cette obligation que leur position leur impose, réagit d'une manière fâcheuse sur le public, et particulièrement sur cette partie du public qui a le moins le pouvoir de payer.

Toutes les compagnies, comme nous l'avons déjà dit, peuvent empêcher d'autres compagnies de passer sur leurs lignes, non seulement en exigeant le maximum du tarif, mais encore en leur refusant toutes les facilités dont elles auraient besoin pour leur service.»

Il est inutile d'observer qu'en effet les compagnies ont complètement réussi à empêcher la concurrence de convois étrangers sur leurs lignes.

Il existe encore un abus insupportable dans le système des18 chemins de fer anglais: c'est lorsque deux chemins s'embranchent à de certains endroits l'un sur l'autre, ou bien lorsque l'un est la continuation de l'autre, et que tous deux appartiennent à des compagnies différentes et rivales. Cette rivalité apparaît sous mille formes selon les intérêts ou la jalousie des parties respectives.

En voici un exemple: il est de l'intérêt du chemin de fer Grand-Junction d'empêcher les voyageurs qui se dirigent vers le Nord de passer sur le chemin de fer de Chester à Birkenhead, bien qu'en suivant cette direction par le chemin de fer de Chester à Crewe, qui se réunit à Grand-Junction, les voyageurs évitent une distance de douze milles pour aller de Londres à Liverpool et en Irlande.

La compagnie du Grand-Junction, pour empêcher le public de se servir de ce chemin, a acheté le Chester à Crewe qui communique avec le sien, et elle en a élevé le tarif au plus haut point. La distance n'est que de dix-huit milles. Le prix du transport est de 6 d. par la diligence, et de 4 d. par la dernière classe. Les directeurs changent continuellement le moment des départs et les fixent aux heures les plus incommodes; de sorte que ce chemin de fer, qui serait très utile au public, ne lui rend aucun service. Nous avons été témoins, à Londres, d'une discussion entre deux compagnies dans la même position. Après avoir harassé le public pendant un certain temps, l'une d'elles prit la résolution de cesser à une époque de transporter des voyageurs. Elle s'était aperçue que la compagnie adverse avait le pouvoir, dont elle abusait, de lui faire éprouver des pertes en exigeant le maximum du tarif, et elle fut forcée, pour échapper à cette cruelle position, de prendre le moyen que nous venons d'indiquer. Une personne, présente à l'assemblée lorsque cette proposition passa, fit observer combien il en résulterait de pertes et d'inconvéniens pour le public: «Les personnes qui voyagent sur cette ligne seront forcées, dorénavant, de faire le trajet, soit en voiture particulière, soit à pied; et ce n'était pas encore le plus grand mal qui résultait de leur décision: des constructions considérables avaient été élevées aux différentes stations, était-il juste d'agir ainsi envers ceux qui en étaient propriétaires?19 Beaucoup de gens perdraient moitié sur la valeur de leurs propriétés si l'exploitation du chemin de fer cessait. Une nécessité impérieuse pouvait seule motiver une semblable détermination.»

Ces sentimens furent approuvés de tout le monde, mais l'on démontra l'existence de cette nécessité impérieuse, puisqu'une autre compagnie abusait du pouvoir qu'elle avait d'élever son tarif au point où l'exploitation du chemin mettait sa rivale en perte. On approuva donc la résolution d'abandonner l'exploitation du chemin, et on laissa les directeurs maîtres de la mettre à exécution à l'instant où ils le jugeraient convenable.

Nous avons déjà vu, qu'en thèse générale, ce n'est point l'intérêt des compagnies de chemins de fer d'abaisser beaucoup le tarif des places, c'est-à-dire de le réduire au-dessous de celui des voitures ordinaires. Car si de telles réductions augmentent de beaucoup le nombre des voyageurs, l'augmentation n'est pas suffisante pour combler le déficit des recettes. La vérité de ce principe a été démontrée.

Ainsi, dans certains cas, des tarifs de places, très bas dans l'origine, ont été de beaucoup augmentés et même doublés; bien que le nombre des voyageurs ait sensiblement diminué, les recettes se sont néanmoins maintenues, grâce à l'augmentation des prix. Dans l'origine, le prix des places sur le railway de Londres à Birmingham, entre Londres et Harrow (distance de onze milles et demi) n'était que de 1 sh.; on le mit à 2 sh., et quoique le nombre des voyageurs diminuât de moitié, cependant, d'après le témoignage de M. Boothby, l'un des directeurs, les recettes s'accrurent: ce dernier prix fut en conséquence maintenu. Le prix des places sur les chemins de fer de cette contrée est, terme moyen, aussi élevé, et, dans beaucoup de cas, plus élevé que n'était auparavant celui demandé par les voitures roulant sur les routes de terre.

Pour aller de Londres à Birmingham ou de Londres à Bristol, le prix ordinaire des voitures était de 25 sh. au-dedans et 15 sh. au-dehors. Il existait une voiture faisant régulièrement, chaque jour, le voyage de Bristol, qui avait des places à 20 sh. dans l'intérieur et 12 sh. au-dehors. Maintenant, pour se rendre dans20 cette ville, il faut payer 30 sh. dans les voitures de 1re classe, et 20 sh. dans celles de 2e classe. Pour se rendre à Birmingham, par le départ de nuit, le prix des voitures de 1re classe est de 32 sh. et de 25 sh. pour les secondes. Dans le jour, on paie 5 sh. de moins.

Il faut faire observer en outre qu'un voyageur pressé et qui est obligé de passer sur plusieurs chemins de fer, est généralement obligé de se servir d'une voiture de 1re classe, par suite des arrangemens que les diverses compagnies ont pris entre elles dans leur intérêt commun. Le Grand-Junction va nous servir d'exemple. C'est une section de la grande ligne de communication entre la métropole, l'intérieur et le nord de l'Angleterre et de l'Ecosse. Ce chemin de fer expédie journellement six convois. Sur ces six, deux seulement ont des voitures de 2e classe. L'un part à l'heure un peu incommode de six heures du matin; l'autre, à quatre et demie de l'après-midi. Les quatre autres convois sont exclusivement destinés aux voyageurs de 1re classe, qui paient 1 liv. 6 sh. et 1 liv. 7 sh. 6 d.; de sorte que des voyageurs, arrivant à Birmingham de bon matin, doivent attendre jusqu'à quatre heures et demie pour continuer leur voyage, ou bien, s'ils arrivent passé cette heure, ils attendent jusqu'au lendemain matin. Lorsqu'il n'y avait que les voitures publiques sur les routes de terre, c'était bien différent. Les malles contenaient autant de voyageurs à l'extérieur qu'à l'intérieur, et les voitures ordinaires deux et trois fois autant. Il y avait à toutes les heures des départs de Birmingham pour Liverpool et vice-versâ; on ne payait pas plus de 12 à 14 sh.; tandis qu'aujourd'hui, si l'on veut éviter d'être attardé, il faut payer le double de cette somme. Autrement on subit le désagrément de voir son voyage interrompu pendant six, huit et douze heures. Le prix des places de 2e classe est de 50 p. cent plus élevé que celui des places à l'extérieur des anciennes diligences.

C'est un plan très ingénieux que celui de faire coïncider l'arrivée d'un convoi de 1re classe d'un chemin de fer, avec le départ d'un train aussi de 1re classe d'un autre chemin de fer, et lorsqu'il est bien mis en œuvre, il réussit parfaitement. Le voyageur21 se soumet à la nécessité, paie le haut prix et continue son chemin. De tous les chemins de fer, c'est celui de Grand-Junction qui a tiré le plus de profits de ce système, et, par conséquent, c'est lui qui a payé les plus forts dividendes. Depuis quelques années il a augmenté son tarif de 20 à 30 p. cent, et comme il le tient toujours à ce taux, c'est la meilleure preuve que nous ayons, qu'en thèse générale, des prix très minimes ne donneraient pas autant de profit que des prix élevés.

La commission dont nous avons déjà eu occasion de citer le rapport à la Chambre des communes, après avoir constaté l'obligation des directeurs envers leurs mandans, de maintenir le tarif au point qui donne le plus de bénéfices, et les inconvéniens qui en résultent pour le public, continue en ces termes: «Les maux que souffre la classe des pauvres voyageurs par suite du système de nos chemins de fer, se feront sentir d'autant plus, que tous les autres moyens de transport à bas prix disparaîtront.» M. Ritson, trésorier du chemin de fer de Bolton à Bury explique parfaitement les moyens dont se servent les compagnies pour écarter toutes ces voitures de transport à bas prix. Voici un extrait de son interrogatoire.

«—L'ouverture de votre chemin de fer a eu lieu en 1833?—Oui!

—Quel prix avez-vous établi?—2 sh. 6 d. pour les places de 1re classe et 2 sh. pour la seconde. Nous n'avions pas encore de wagons découverts; ce n'est qu'au commencement de juin que nous en avons établi.

—Cette mesure a-t-elle fait augmenter le nombre des voyageurs?

—Elle l'a fait augmenter de beaucoup.

—Vos bénéfices ont-ils augmenté dans une proportion équivalente?

—Nous avons eu un grand nombre de voyageurs de la dernière classe, ce qui a causé une diminution de ceux des premières.

—Dans le courant de l'été, le 12 juillet, vous avez réduit vos prix?

22

—Nous réduisîmes la 1re classe à 1 sh. 6 d. Les wagons ne furent pas modifiés.

—Dites-nous quel motif vous fit réduire le prix des places de 1re et de 2e classe?

—C'était afin de faire concurrence aux voitures (c'est-à-dire les faire tomber), qui roulaient encore sur la route de terre. Notre comité jugea que le prix de la 1re classe était trop élevé à 2 sh. 6 d., prix que demandaient les diligences. Nous obtînmes pour résultat une augmentation de voyageurs, mais nos recettes furent à peu près les mêmes qu'auparavant.

—Votre but était de vous emparer du service que faisaient encore les voitures?

—Nous voulions transporter à notre chemin de fer le mouvement qu'elles opéraient encore.

—Réussîtes-vous?—Oui!

—Je m'aperçois que le 1er décembre vous avez augmenté le prix des places de 1re classe de 6 d. (2 sh. 6 d.) et que vous avez supprimé les wagons découverts entièrement?—Oui.

—Ce fut après que vous eûtes fait tomber les diligences?—Oui.

—Les diligences ont-elles repris leur service?—Non.

—Ainsi donc, vous avez privé le public de l'avantage que lui offraient les voitures en diminuant vos prix; vous les avez ensuite élevés, et vous avez supprimé les wagons de 3e classe. Avez-vous augmenté vos recettes en transportant un plus grand nombre de voyageurs?

—Je ne le crois pas.

—D'après l'état que vous nous avez remis, il paraîtrait qu'en élevant vos prix le 1er décembre, vous avez augmenté vos recettes en transportant un nombre moins grand de voyageurs?

—Oui: nous avons eu en moins 7,484 voyageurs et la recette a été de 46 liv. de plus.

—N'est-il pas plus avantageux pour vous, bien qu'il n'y ait qu'une différence de 46 liv. entre ces deux situations, de transporter 23,951 voyageurs, plutôt que 31,968?

—Le poids transporté par la locomotive est moindre; les23 droits ne sont pas aussi élevés, mais nous faisons marcher autant de wagons.»

Ce témoignage démontre suffisamment la puissance irrésistible d'une compagnie de chemin de fer, et l'inutilité de vouloir lui résister, que l'on soit riche ou pauvre. Les directeurs ont deux tâches à remplir envers cette dernière classe. Ils commencent d'abord par établir des places de 3e classe, afin de faire tomber toute concurrence, et quand ce but est accompli, ils en ont un second à atteindre qui n'est pas moins important; c'est d'empêcher les voyageurs de se servir de ces voitures de 3e classe et de les forcer de prendre celles de 2e classe. On se rappellera, sans doute, qu'il y a quelques années, les accidens arrivés sur les chemins de fer furent si nombreux, que le parlement fut forcé d'intervenir et de limiter le pouvoir jusque-là sans limite des compagnies; on n'a pas oublié non plus la résistance que les compagnies, soit individuellement, soit collectivement, opposèrent à cette intervention. Néanmoins, leur opposition fut inutile et on confia au bureau du commerce (Board of trade) le soin de veiller sur la vie et les membres des sujets de Sa Majesté. Les compagnies furent obligées de se conformer à la loi, et la conséquence fut que dès ce moment les accidens devinrent fort rares. On doit se rappeler aussi que les victimes de ces accidens étaient presque toutes sans exception des voyageurs de 3e classe, qui étaient placés tout près de la locomotive, sans aucune voiture entre elle et eux. Les conséquences de ce système ne sont que trop connues. Le Times prit l'affaire en main et il fit cesser l'abus en dépit de l'opposition des compagnies, en attirant l'attention de l'opinion publique sur un plan aussi monstrueux que celui d'effrayer la classe pauvre des voyageurs. Il reste encore assez de moyens aux compagnies pour forcer tous les voyageurs, à l'exception de ceux qui sont dans l'impossibilité de payer, à abandonner les places de 3e classe pour prendre celles de 2e; en n'ayant qu'un seul convoi de 3e classe par jour, comme sur le chemin de Birmingham et Grand-Junction; en le faisant partir à des heures incommodes, comme sur le Great-Western; en le retenant fort long-temps en route et en ne lui accordant aucune facilité. Tels sont les principaux inconvéniens attachés aux places24 de 3e classe. Sur quelques chemins de fer, on défend aux hommes de peine de donner aucune assistance aux voyageurs des wagons (c'est le terme de mépris qu'on emploie pour les désigner), soit pour prendre leur bagage, soit pour tout autre service qu'ils pourraient demander. De tous les chemins de fer du royaume, le Great-Western est celui qui a poussé le plus loin le système d'abreuver de dégoût les voyageurs de 3e classe, afin de les obliger à prendre des places supérieures. Les directeurs de ce chemin ont persisté avec obstination à placer les voyageurs de 3e classe immédiatement après la machine et le tender, même après que le danger de cette position fut devenu évident pour tout le monde excepté pour eux. La vertueuse indignation d'un de ces directeurs alla même si loin contre ces malheureux voyageurs de 3e classe, qu'il fit la motion de mêler parmi eux des ramoneurs afin de les forcer à changer de voiture. Mais il n'était nullement besoin de recourir à des mesures extrêmes; le but a été atteint aussi bien d'une autre manière. A l'assemblée générale de la compagnie du chemin de fer le Great-Western, un actionnaire fit l'observation «qu'il ne croyait pas que la compagnie se conformât aux intentions du législateur, en fournissant des moyens de transport aussi mauvais à cette classe de voyageurs que les chemins de fer avaient privés de ceux qu'elle avait anciennement. Il fit remarquer que les voyageurs étaient obligés soit de quitter Londres à 9 heures du soir pour monter dans une voiture non couverte, et qu'alors ils arrivaient à Bristol à 5 h. 20 min. du matin, heure à laquelle il était difficile de se procurer un abri et de la nourriture, soit de se trouver à la station à 4 heures du matin, et dans ce cas d'être exposés à l'inclémence du temps une grande partie de la nuit: son opinion était que des améliorations dans cette partie du service seraient d'une grande utilité à la masse de la population.»

Ce digne actionnaire désira connaître le nombre des voyageurs de 3e classe.

Le secrétaire répondit «que dans l'opinion du directeur, on avait fait pour le mieux; que l'on ne pouvait pas considérer comme un voyage de nuit celui qui se faisait en partie pendant le jour; les autres convois ne transportaient pas des voyageurs25 de 3e classe, parce que les désagrémens qu'il était impossible de leur éviter, ne pouvaient pas être supportés par ceux qui faisaient 40 milles à l'heure.» Cet excellent secrétaire croyait que les voyageurs de 3e classe ne découvriraient pas cela eux-mêmes; mais il aurait fallu qu'ils devinassent d'abord comment une distance de 118 milles ¼, franchie par la plus grande vitesse en 4 h. ¾, fait terme moyen 40 milles par heure. Ce n'est guère que 24 milles, et, en supprimant le temps passé aux stations, 30 milles par heure. Suivant ce secrétaire, il n'y a aucun désagrément d'être obligé de se lever à 3 h. par une matinée d'hiver, et de gagner le chemin de fer comme l'on peut, car on ne trouve pas d'omnibus à cette heure. Si c'est un voyage de jour, il est nouveau. Le voyage de Londres à Taunton, par les voitures de 1re classe se fait en 6 heures, par les convois mixtes en 7 heures, et par les wagons en 16 h. ½. Exagérons-nous en disant que pour se servir d'un semblable moyen de transport, il faut y être obligé par la cruelle nécessité, et que tout homme qui tient à conserver sa santé est forcé, quelle que soit sa détresse, à prendre une place de 2e classe qui, cependant, si elle est couverte au-dessus de sa tête, est ouverte sur les côtés et est fort peu confortable à l'intérieur.

Le résultat de ce système est évident: le secrétaire de cette compagnie refuse de faire connaître le nombre des voyageurs de 3e classe qu'elle a transportés. Le nombre des voyageurs de toutes classes était, pour l'année entière, de 1,606,015; et, pour l'édification des actionnaires, nous leur apprendrons que le nombre de ceux de 3e classe ne dépassait pas 100,000!

Citons encore un grand désagrément auquel sont soumis les voyageurs de 3e classe. C'est d'être exposés aux éclats et aux étincelles de coke qui s'échappent du tuyau. On lit constamment dans les journaux des plaintes de gens qui ont eu leurs vêtemens brûlés. Il est tout-à-fait inutile d'ajouter qu'ils ne reçoivent jamais aucune indemnité. C'est à la presse en général et au Times en particulier que les classes pauvres doivent de ne pas être privées entièrement de la faculté de voyager en chemin de fer. Nous allons faire passer sous les yeux du lecteur l'extrait d'un article du Times. «Plusieurs de nos correspondans nous écrivent26 pour nous prier de défendre les voyageurs de la classe pauvre qui se servent des chemins de fer, et qui sont forcés de se contenter des places que les compagnies principales leur ont affectées; ils nous prient de demander pour eux un peu plus de bien-être et de facilité qu'on ne leur en accorde. Il paraîtrait, d'après les faits que nous avons recueillis dans plusieurs de ces lettres, que toutes les grandes lignes ne traitent pas mieux l'une que l'autre ceux qui ont le malheur d'être obligés de voyager dans les voitures de 3e classe. La manière dont le Great-Western traite cette classe de voyageurs dépasse de beaucoup, en brutalité, celle des autres chemins. Leur convoi est celui que l'on emploie au transport des bestiaux, du charbon de terre et d'autres marchandises. Par exemple, on nous assure qu'un voyageur parti de Paddington dans un wagon découvert à 4 h. ½ de l'après-midi est arrêté plus d'une ½ heure à Swindon, et si le convoi marche comme à son ordinaire, il arrive à Bristol en 9 h. ½, tandis que les voitures de 1re et 2e classes font le même trajet en moins de 4 h. ¾. Si un voyageur de 3e classe veut se rendre à Taunton, d'une ville quelconque située à l'E. de Bristol c'est encore pis; il est retenu 4 ou 5 h. à Bristol, et il reste en route de 14 à 16 h. au moins, tandis que les voyageurs de 2e et 1re classes font ce trajet en 6 h. ½. Ces accusations sont graves, et si l'on n'y répond pas d'une manière satisfaisante, il faut que tôt ou tard ces entreprises tombent sous la direction du bureau de commerce, qui devra s'assurer si les compagnies ont pris les mesures nécessaires pour donner des moyens de transport, à des heures convenables, aux classes pauvres de ce pays. Les directeurs de chemins de fer ont eu jusqu'ici trop de pouvoir sans aucune responsabilité, et ils s'imaginent qu'il leur est permis de traiter le public comme il leur plaît. Qu'ils n'oublient pas, cependant, de maintenir leur pouvoir dans de justes limites; bien que la construction des chemins de fer ait produit de grands avantages, il nous reste encore à voir ce qu'ils deviendront avec une semblable administration, si les personnes qui la dirigent sont abandonnées plus long-temps sans contrôle à leur seule volonté. Nous espérons que cet avertissement suffira pour démontrer aux compagnies la nécessité27 d'introduire des améliorations dans le transport des voyageurs de 3e classe; car si nous devons considérer les chemins de fer comme des monumens de l'industrie et de la richesse nationales, toutes les classes du public doivent en recueillir des avantages. La France, qui se dispose à créer un vaste réseau de chemins de fer, pourra vaincre ces abus, s'ils se présentaient, bien plus facilement que nous. Le gouvernement de ce pays s'est étroitement identifié avec ces entreprises à l'aide de secours en argent, et de cette manière, il a acquis le droit d'intervenir dans les résolutions sans courir le risque d'être blâmé par cette partie du public qui est intéressée au maintien du pouvoir illimité des directeurs. Il existe une opinion très en faveur parmi les actionnaires de chemins de fer; elle a même plusieurs fois donné lieu à une forte opposition contre l'inspection du bureau de commerce, c'est que le gouvernement ayant dans le principe décliné toute responsabilité à ce sujet et laissé les capitaux particuliers vaincre les obstacles que présentaient ces entreprises, il n'a aucunement le droit de s'immiscer dans leur administration. La seule réponse que l'on doive faire à cet argument, c'est que partout où la sécurité ou la convenance du public est en jeu, le gouvernement a le droit de surveiller et doit exercer cette surveillance dans l'intérêt de tous.»

Mais voici la difficulté:—Comment le gouvernement forcera-t-il une compagnie de chemin de fer à adopter des mesures qui lui seront fatales sans l'indemniser? On a fait un traité avec ces grandes compagnies pour qu'elles transportassent des voyageurs à raison de 3½ à 3 d. par mille. Ce n'est que depuis peu d'années que leur intérêt leur a fait établir des voitures de 3e classe à 1½ d. par mille.

Elles pourraient dès demain supprimer les wagons si elles le voulaient. Elles ont adopté le système de persécuter les voyageurs de 3e classe, afin de les obliger à prendre des places de 2e, et, il n'y a aucun doute que ce plan ne leur soit très profitable. Lorsque les propriétaires du chemin de fer de Croydon prirent la résolution de fermer leur chemin, un des actionnaires demanda au président si le gouvernement n'interviendrait pas, à cause de l'inconvénient qui résulterait pour le public de leur détermination.28 Le président lui répondit, avec raison, que le gouvernement n'avait pas le droit de forcer qui que ce soit à se ruiner. Le bureau du commerce engagea la compagnie, par la promesse d'un quid pro quo, lors de la présentation d'un autre bill, à continuer son exploitation. Voilà notre système!

Les directeurs de la compagnie de Londres à Birmingham annoncent dans leur rapport que le nombre de milles parcourus sur leur ligne pendant les six derniers mois de l'année écoulée s'est élevé, pour la 1re classe, a 11,043,483; pour la 2e, à 12,192,051, et, pour la 3e, seulement à 2,140,705. Si nous comparons ces nombres avec ceux des autres chemins de fer dont les directeurs se sont vus obligés, par des circonstances particulières, à donner plus de facilité aux voyageurs de la classe pauvre, nous trouverons que ceux-ci, au lieu de former le cinquième ou le dixième seulement de la totalité des voyageurs, en forment les deux tiers ou les trois quarts. Quand un chemin de fer s'est assuré le transport exclusif des voyageurs, il élève le prix des places de 3e classe en même temps que celui des autres classes aussi haut qu'il peut sans nuire à ses intérêts. La seule crainte qui l'arrête est celle de forcer le public à se servir de quelques moyens de transport en dehors des siens, ou de le mettre dans l'impossibilité de payer. Dans la dernière année, plusieurs compagnies, nous le répétons, ont élevé leurs prix de 20 à 30 p. cent, et si elles trouvaient de l'avantage à les élever encore, elles le feraient tout de suite.

Il est inutile d'entrer dans de plus longs détails. Les compagnies de chemins de fer sont guidées dans ce cas par le même principe qui les fait agir dans tous les autres. «Tirez autant d'argent que vous le pouvez du paysan et du pair, de l'artisan et du négociant.» Voilà le principe universel qui dirige les compagnies. Les craintes manifestées par la commission de la Chambre des communes sur les effets déplorables qui résulteraient de l'élévation des tarifs, ont été réalisées dans toute leur étendue.

Nous venons de signaler quelques-uns des maux inévitables qui résultent du système d'accorder à des individus irresponsables le monopole des moyens de communication d'un royaume29 et de faire un objet de spéculation particulière de travaux qui devraient n'être entrepris que dans un but d'utilité générale.

Les compagnies sont-elles coupables d'exiger les prix les plus élevés qu'elles peuvent obtenir, et de chercher par tous les moyens à défendre leurs intérêts à l'exclusion de ceux des autres? Certainement non. Si elles trouvent, par exemple, qu'elles gagnent davantage en transportant 20,000 personnes à des prix élevés qu'en en transportant 100,000 à bas prix, elles sont parfaitement justifiées d'empêcher les 80,000 qui se serviraient de leur chemin d'en profiter, le profit fût-il dans le premier cas de 5 p. cent et dans le deuxième de 4½. Quel est le patriote qui, aujourd'hui, ferait le sacrifice de ½ p. cent sur l'autel de sa patrie? Ne serait-on pas en droit d'accuser les directeurs de sacrifier l'intérêt de leurs actionnaires à celui du public? mais il faut leur rendre cette justice, qu'une accusation de cette nature ne serait nullement fondée.

Si tous les chemins de fer donnaient des bénéfices et payaient même 100 p. 100 à leurs actionnaires, le gouvernement n'aurait le droit d'intervenir qu'autant que la sécurité publique serait compromise, et il ne pourrait pas obliger les propriétaires à adopter des mesures tendant à diminuer le moins du monde leurs profits. Le respect que nous avons dans ce pays pour le droit de propriété doit constamment dominer toute autre considération, même l'intérêt général; le contrat primitif ne peut être altéré que d'un commun accord, ou moyennant une indemnité équitable. On doit agir avec autant de bonne foi envers l'entrepreneur d'un transport qu'envers le créancier de l'Etat. Nous devons strictement adhérer au contrat. N'oublions pas surtout que sur les cinquante chemins de fer qui traversent le pays, il y en a à peine le ⅓ qui soit d'un rapport avantageux, c'est-à-dire dont les actions soient au pair ou au-dessus; les deux autres tiers ne valent pas, terme moyen, la moitié de ce qu'ils ont coûté. Si l'on réfléchit à cela, on sera d'avis qu'il n'y a aucune propriété qui exige plus de ménagement et qui doive moins être astreinte à une loi ex post facto.

Résumons la situation.

30

Maintenant que nous avons énuméré les maux les plus graves qui sont inhérens à notre système de railways, il nous reste une tâche plus difficile à remplir. C'est celle d'indiquer le remède à ces maux. Nous ne devons pas seulement faire disparaître le mal, mais il faut encore que nous remplacions le système par quelque chose de mieux afin que ces grandes routes des nations ne soient plus resserrées dans d'étroites limites, et pour qu'elles reçoivent au contraire tous les développemens qu'exigent les besoins de la société. Pour mettre ce plan à exécution, il faudrait annuler l'ancien contrat et en faire un autre sur de nouvelles bases.

Nous avons en commençant fait remarquer la différence qui existait entre notre système et celui qu'avait adopté le gouvernement belge pour l'établissement de ses chemins de fer. La comparaison des deux systèmes a été faite d'une manière remarquable31 par un écrivain, dans la Revue d'Edimbourg. «Examinons, dit-il, quelle est la nature d'un chemin de fer, et voyons ensuite si l'intérêt particulier peut faire jouir la société de tous les bienfaits qu'une entreprise de ce genre doit produire; voyons si les causes qui, dans d'autres circonstances, ont rendu les entreprises particulières si utiles, produiront dans celle-ci les mêmes effets; voyons enfin si le capitaliste sera amené par l'intérêt, obligé par la concurrence, ou forcé par sa position envers le public, à tirer d'un système dont il est le maître absolu et irresponsable tout le bien qu'il peut rendre.

L'effet immédiat de l'établissement d'un chemin de fer, c'est d'investir ses possesseurs du monopole le plus absolu. Ce monopole fait disparaître instantanément et de la manière la plus complète toute espèce de concurrence. Il met la société, pour un de ses principaux besoins, complètement à la merci d'individus qui n'agissent que sous l'impulsion de leur intérêt, qui sont dirigés par leurs préjugés ou leurs passions, et qui sont souvent aussi ignorans de leurs véritables intérêts qu'ils sont exclusivement dévoués à ce qui n'en est que le fantôme.

Il est donc évident que la concurrence et la dépendance du public, deux causes, qui ont opéré avec tant de force sur les entreprises particulières, cessent d'agir sur une compagnie de chemin de fer. Elle n'est guidée que par un intérêt pécuniaire, et c'est à lui que la société doit la moindre attention qu'on lui porte. On peut dire cependant que la société retirera un avantage de ce motif, c'est qu'on lui donnera au moins toutes les facilités nécessaires pour empêcher la concurrence des voitures publiques sur les routes ordinaires. Cette objection est vraie, mais cette concurrence peut-elle faire naître la moindre crainte, lorsque l'on pense que la locomotive n'a qu'à faire agir un tiers de sa puissance pour faire de nouveau déserter la grande route? De même, le prix restera un peu au-dessous de celui des anciennes diligences, et le public recueillera certainement quelques avantages du nouveau système; mais que sont-ils ces avantages, si on les compare à ceux qu'aurait pu rendre une force aussi puissante confiée en d'autres mains?

32 Vos principes, nous dira-t-on, tendent à établir que ces chemins de fer qui, chez nous, ont attiré tous les voyageurs et qui ont converti les anciennes routes en déserts, n'auraient pas dû être livrés entièrement à l'industrie privée, mais que l'Etat aurait dû entreprendre leur construction, ou se réserver un droit de contrôle sur leur administration. Certainement, nous pensons que la législature a agi aveuglément en livrant sans contrôle le monopole d'un objet aussi important que les communications publiques, à des capitalistes particuliers. Quand nous songeons aux dépenses folles qui ont été faites dans ce genre de travaux, quand nous réfléchissons aux sommes énormes qui ont été payées aux propriétaires de terrains, non pas à titre de compensation pour le tort que l'on faisait à leur propriété, mais pour les faire concourir à des projets dont ils devaient retirer tous les profits, quand nous voyons des sommes énormes honteusement prodiguées en débats fictifs entre lignes opposées, créées par des spéculateurs de Bourse, avant même que le parlement ait accordé son autorisation, et lorsque nous songeons que ces constructions folles, ces demandes exorbitantes des propriétaires, ces spéculations de Bourse doivent tous augmenter le prix des places du voyageur, et ainsi mettre obstacle à la fréquence des rapprochemens individuels, nous regrettons que l'Etat n'ait pas adopté des mesures pour réduire des dépenses que la société finira toujours par payer.

Si aux dépenses de l'établissement des chemins de fer, nous ajoutons le despotisme qu'exercent les compagnies sur la Bourse, le temps, les convenances et la sûreté du public soumis à leur caprice, si nous trouvons que le prix des places est élevé au plus haut degré possible, la vitesse du transport nullement en rapport avec ce qu'elle devrait être, si nous voyons la presse rapporter chaque jour des exemples de la négligence la moins pardonnable, de réglemens capricieux et injustes, alors nous regrettons amèrement qu'une affaire aussi importante pour la société n'ait pas été tout de suite entreprise par elle.

Nous admettons la vérité de cette proposition que les bénéfices33 d'un capitaliste sont rarement une perte pour le pays. Mais, si les communications faciles sont les plus puissans agens de la civilisation, si leurs effets immédiats et sûrs sont de faire prospérer le commerce, d'exciter l'industrie et d'augmenter les revenus publics, si, dans ce cas, les bénéfices que la nation en retire sont minimes, comparés aux bénéfices du particulier, n'est-il pas évident alors que les profits des propriétaires de chemins de fer sont prélevés au détriment du pays, parce qu'ils empêchent le développement des communications intérieures?

Lorsque les recettes d'un chemin de fer couvrent les dépenses d'entretien et de réparations, et qu'elles paient l'intérêt du capital employé, on a, selon nous, atteint le but que l'on devait se proposer. Atteindre ce résultat, et non pas faire des bénéfices, voilà le principe qui devrait servir de base aux tarifs. C'est d'après lui que le gouvernement belge a agi lorsqu'il a construit ce réseau de chemins de fer qui couvre tout ce beau pays. Là, le but que l'on s'est proposé, ce n'est pas de favoriser les intérêts privés, mais, au contraire, d'étendre le commerce et les communications du pays aussi loin qu'il est possible, et, de ne faire payer au public que le prix strictement nécessaire pour rembourser les dépenses premières.

C'est ainsi que le gouvernement belge, en se chargeant des travaux, a pu, en peu d'années, construire un réseau de chemins de fer dont le but est de servir les intérêts de la société; tandis que l'Angleterre, qui a permis aux capitaux particuliers de s'emparer du monopole des lignes commerciales productives, est privée d'un bon système de communications, et voit, trop tard, que le bien public a été sacrifié au monopole.»

J'approuve les prémisses de l'écrivain, mais je n'approuve pas la conclusion qu'il en tire, que l'Angleterre voit trop tard le bien public sacrifié au monopole. Pourquoi serait-il trop tard pour effectuer les changemens que l'on jugerait convenables? S'il était nécessaire, pour le bien du pays, que les chemins de fer disparussent de sa surface, ou que le gouvernement s'en emparât, ou bien qu'il forçât les propriétaires à transporter gratis34 les marchandises et les voyageurs, il n'y a point de puissance au monde qui pourrait y soustraire ce genre de propriété plus qu'aucun autre. Un acte du parlement l'a créé, un acte du parlement peut le faire disparaître ou changer ses conditions d'existence, en indemnisant, bien entendu, les propriétaires pour la perte qu'ils supporteraient dans l'un ou l'autre cas.

Il faut un motif bien puissant pour justifier l'intervention de l'Etat dans les spéculations industrielles, et nous ne sommes nullement convaincus que le gouvernement a eu tort de ne pas se charger de la construction des chemins de fer. Dans toute entreprise commerciale, il faut laisser au capitaliste le bénéfice de son capital et de son industrie, et lorsque l'ouvrage est terminé, que le profit ou la perte qui en résultent sont exactement connus, alors le gouvernement peut traiter avec lui selon que les besoins de la société l'exigent, et en veillant à ce qu'il ne perde rien par cette intervention.

Il n'y aurait aucune injustice, par exemple, à ce que le gouvernement forçât un chemin de fer qui paie 5 p. cent à ses actionnaires, à transporter les voyageurs moyennant un prix qui ne produirait que 4 p. cent s'il en payait la différence.

Les membres de la commission instituée par le ministère pour éclaircir la question suivante: «s'il serait convenable que le gouvernement construisit les chemins de fer de l'Irlande,» ont présenté, aux deux Chambres, un rapport très remarquable sur ce sujet. Après avoir énuméré les nombreux bienfaits qui résultent du développement commercial du pays, le rapport décrit avec beaucoup d'éloquence la rivalité du bien public et des intérêts privés, lorsque les chemins de fer sont la propriété des compagnies et non de l'Etat.

«La puissance des moyens que possède un chemin de fer est telle, dit le rapporteur, que partout où il y en aura un il rendra les grandes routes désertes. Non seulement les moyens de transport en usage aujourd'hui disparaîtront, mais encore il portera un coup fatal aux postes qui disparaîtront dans son voisinage. La supériorité d'un chemin de fer est trop assurée, trop évidente, pour qu'il ait à craindre la moindre rivalité. Il n'existe point de mouvement commercial, si étendu qu'il soit,35 qu'un chemin de fer ne puisse satisfaire; il n'y a point de multitude de voyageurs qu'il ne puisse transporter. La rapidité d'une locomotive, qui ne déploie même pas toute sa vitesse, surpasse de beaucoup celle que peut atteindre la voiture la plus légère sur la meilleure route.

Le monopole du chemin commence lors de son ouverture. La crainte salutaire de la concurrence ne peut jamais stimuler l'activité ou troubler le repos du propriétaire de chemins de fer qui, dans un moment, se trouve investi d'un pouvoir despotique, devant lequel les intérêts les plus sacrés de la société doivent succomber. L'industrie particulière choisit de préférence, pour son terrain, les parties du royaume les plus fréquentées. Les artères du pays cessent d'appartenir au pays, on les livre en toute propriété à des monopoleurs qui n'ont à redouter ni contrôle, ni concurrence.

Alors, ils établissent le plus absolu monopole qui existe; ils peuvent à volonté ralentir ou accélérer les communications intérieures du pays. Tout leur est livré à discrétion. Le choix des heures de départ, le temps du voyage et le nombre qu'ils en peuvent faire dans un jour. Comme ils ont le pouvoir de fixer le prix de transport des voyageurs et des marchandises, ils peuvent alors se rembourser, non seulement du coût des travaux et de l'entretien, mais encore des dépenses folles et ruineuses qui leur ont été imposées. C'est le public qui paie finalement leurs sottises.»

Ces observations sont justes en tant qu'elles ont rapport au système de confier à des compagnies la direction absolue d'ouvrages qui sont d'une grande importance nationale; mais nous ferons remarquer quelques erreurs directes et indirectes assez importantes dans les principes qui viennent d'être établis, d'autant plus qu'elles ont été répétées par les principaux organes de l'opinion publique dans ce pays, entre autres par la Revue d'Edimbourg.

La commission dit: «que les compagnies ont le pouvoir de se rembourser non seulement du coût des travaux, mais encore de toutes les dépenses causées par leurs extravagances.» Que doit-on conclure de ceci? que les compagnies établissent les bases36 de leur tarif d'après l'importance du capital dépensé, et qu'elles sont satisfaites de faire payer au public un prix suffisant pour couvrir leurs dépenses et leurs extravagances. Cette opinion est on ne peut plus fausse. Sur les bonnes lignes, quelque grande qu'ait été la dépense, les directeurs ne se conforment nullement à cette règle. Sur les mauvaises lignes que l'on a construites avec la plus grande économie, ils ne le peuvent pas. Il y a quelques années, les actions du Grand-Junction de 100 liv. montèrent à 240 liv. et payaient 14 p. cent d'intérêt du capital; le tarif fut élevé de 15 p. cent. Il y a deux mois, la compagnie de Blackwall vit tomber ses actions de 16 liv. à 5. Elle réduisit son tarif de 20 p. cent. Que le capital dépensé pour construire le chemin de fer soit de 5, 50 ou 500 millions sterling; que ce capital soit dirigé avec économie ou prodigalité, cela ne regarde en rien le public. Sur des chemins de fer qui donnent 8 et 10 pour cent d'intérêt, on paie plus cher que sur d'autres qui ne rapportent que 3 et 4 p. cent. Bien plus, les directeurs de chemins de fer, qui ne paient rien à leurs actionnaires, sont obligés de demander des prix inférieurs à ceux des chemins qui donnent de bons revenus. Le chemin de Blackwall a coûté 320,000 liv. par mille, et son tarif est de un denier et demi par mille pour les voyageurs de la 1re classe[1]. Le chemin de Londres à Birmingham a coûté 55,000 par mille, et son tarif est de 3 d. ½ (36 centimes et demi par mille—95 centimes environ par lieue) par mille pour la même classe; cent pour cent de plus que l'autre! Le chemin de Blackwall ne paie pas un sou à ses actionnaires, et celui de Birmingham paie 11 p. cent du capital engagé. Le Blackwall a essayé une fois d'élever son tarif; mais les recettes décrurent tellement qu'il fut obligé de revenir à celui en vigueur aujourd'hui.

Il n'y a en effet aucun rapport entre le coût d'un chemin de fer et son tarif. Ceci est un point très-important. Car il ne faut pas oublier que si le capitaliste a fait un bon placement sur quelques grandes lignes, il en a fait de mauvais sur d'autres. Si, dans 37le premier cas, il a du bénéfice; dans le second, l'Etat gagne d'autant plus que le spéculateur a perdu. Ceci est une simple affaire de comptes dont nous examinerons les articles séparément.

Quant aux dépenses extravagantes de quelques compagnies, nous croyons avoir démontré clairement qu'elles sont entièrement à leur charge. Elles n'exercent aucune influence sur les prix du tarif et sur la valeur du chemin de fer. C'est en résumé de l'argent perdu.

De quelque côté que nous envisagions la question, notre opinion est que le gouvernement a agi avec sagesse en s'abstenant d'intervenir dans l'emploi que le capitaliste voulait faire de son argent. Qu'en est-il résulté? C'est qu'un réseau de chemins de fer couvre toute la surface du pays et relie le village le plus obscur et le plus éloigné avec la métropole; c'est que les obstacles les plus difficiles ont été aplanis par la science, et que le tout forme le plus beau monument qu'aient jamais fondé les capitaux particuliers et l'activité individuelle.

Si les chemins de fer eussent été exécutés par l'Etat, les travaux n'eussent pas été mieux faits, et peut-être l'eussent-ils été moins bien. En outre, tel est leur degré de fini, leur grandeur monumentale, sur quelques-unes des grandes lignes, qu'un gouvernement qui aurait ordonné une telle dépense eût été injustifiable. La simplicité des lignes belges contraste singulièrement avec la magnificence des nôtres.

L'intérêt des compagnies et celui du public se sont rencontrés sur un seul point: dans le choix des meilleures lignes, de celles où il y avait le plus grand mouvement commercial. Les compagnies ont donc choisi celles dont on avait le plus besoin.

Dans une contrée aussi commerçante que la nôtre, où il y a tant de capitaux flottans, le gouvernement aurait eu tort d'empêcher les spéculateurs de les employer quand une occasion convenable de le faire se présentait. Sous ce rapport, on ne peut établir aucune comparaison entre l'Angleterre et la Belgique. Le système adopté pour l'une n'aurait pas pu servir à l'autre, et, quant au caractère des travaux, nous avons déjà fait remarquer la magnificence extraordinaire des uns et la simplicité des autres.

38

Voilà quel a été le bon résultat de permettre l'emploi d'un capital de 50,000,000 de liv. sterl.[2] en travaux d'utilité publique. Les capitalistes ont retiré de leurs capitaux des avantages qui sont exactement proportionnés à la prudence de leur placement. On a créé une propriété dont la valeur positive peut être fixée, car elle est constamment sur place. De cette manière le gouvernement peut, sans difficulté et aussitôt qu'il le voudra, traiter avec elle selon ce que les besoins du pays exigeront.

Nous allons examiner maintenant quels seraient les résultats d'un système différent, ce qu'amènerait un changement du principe d'administration des chemins de fer. Nous avons vu comment ils étaient dirigés, il nous reste à voir comment ils pourraient l'être.

Depuis long-temps nous sommes accoutumés aux tarifs des chemins de fer, et nous ne murmurons pas, tant qu'ils ne s'élèvent pas au-dessus des prix des anciennes voitures; satisfaits du temps que nous épargnons, nous fermons les yeux sur les prix demandés. Nous jouissons des avantages de ce mode de locomotion, tels qu'ils sont, sans nous inquiéter de ce qu'ils pourraient être.

Les deux caractères distinctifs de la vapeur, partout où elle a 39été substituée au travail de l'homme, sont la vitesse et l'économie. Avec son aide on fabrique non pas seulement ⅔ plus vite, mais encore ⅔ meilleur marché qu'à l'aide des procédés ordinaires. Cette règle s'applique avec bien plus de force encore à l'emploi de la vapeur sur les chemins de fer.

Mettons de côté un instant la vapeur, et faisons l'estimation du coût du transport sur un chemin de fer dont la traction est opérée par des chevaux, comme cela se pratique sur certains chemins de fer où l'on ne tient pas à la vitesse, dont l'étendue est bornée et le mouvement commercial peu important. Nous trouvons qu'un cheval fait autant d'ouvrage que 12 ou 15 chevaux sur la meilleure voie pavée. Le chemin de fer de Stockton à Darlington est le premier chemin de fer établi dans le royaume pour le transport des voyageurs. On employait des chevaux pour la traction avant l'introduction ou plutôt la découverte des locomotives. Un cheval tirait une voiture contenant 50 voyageurs avec une vitesse supérieure à celle d'une voiture contenant 12 voyageurs et tirée par 4 chevaux sur une route pavée.

Pour faire voir la différence qui existe entre le vieux système et le nouveau, nous allons publier le paragraphe d'un vieux numéro du Railway Magazine qui a attiré notre attention par hasard il y a quelques jours:

«Facilité de traction sur un chemin de fer.»

«Deux chevaux ont tiré le poids énorme de 263 quarters de grains, de Dalkeith à Edimbourg, sur le chemin de fer qui joint ces deux villes. La distance est de 6 milles[3]. Le poids de 263 quarters est d'environ 44 tonn., et le poids des wagons de 10 tonn., ce qui fait, au total, un poids de 54 tonn. (Journal de Bath). La force de traction directe n'étant que de 432 liv., un cheval aurait dû suffire pour la tirer si la route est de niveau.» (Railway Magazine.)

Deux chevaux tirer 54 tonn.! n'est-ce pas comme si l'on avait augmenté pour notre usage de 20 fois leur force ordinaire? 40Et cependant l'éditeur du Railway Magazine nous dit que si la route a un niveau égal, un seul cheval devait suffire.

Quelque bon marché que soit ce moyen de traction, la vapeur l'a remplacé, non seulement pour le transport des voyageurs, mais encore pour celui des marchandises, lorsque la vitesse est comparativement de peu d'importance. J'ai cité l'ouvrage du docteur Lardner, sur la machine à vapeur, pour établir la puissance de la vapeur et l'économie qui résulte de son emploi sur les chemins de fer.

La consommation du coke est d'environ ¼ de livre par tonn. et par mille[4], au prix de 25 sh. le tonn[5]. Un convoi ordinaire de 40 tonn. coûterait environ 10 sh. pour une distance parcourue de 100 milles.

40 tonn. de marchandises ou 110 voyageurs parcourront une distance de 100 milles pour 10 schellings, en dehors du prix de la machine à vapeur et de son entretien. Nous ne parlons que de la dépense de traction comparée avec celle du transport par le moyen des chevaux. Les frais d'entretien, dans les deux cas, sont à peu près les mêmes.

Et, cependant, en dépit de tous ces avantages, il en coûte autant pour voyager qu'il y a vingt ans. Il n'en est résulté qu'une économie de temps. Bien que des masses pesant plus de 100 tonn. puissent être transportées avec rapidité d'un bout du pays à l'autre à peu de frais, comparativement à ce qu'elles auraient coûté autrefois, la dépense est la même. N'est-ce pas une étrange anomalie qui exige une investigation minutieuse des causes qui la produisent?

Nous avons déjà indiqué la principale, celle qui opposera toujours un obstacle insurmontable à la réduction des tarifs sans l'intervention du parlement: c'est l'intérêt des compagnies. Elles tirent en général plus de bénéfice de tarifs élevés que de tarifs modérés.

Les témoignages recueillis par la commission de la Chambre des Communes et la pratique presqu'universelle suivie par les 41principales compagnies les mieux administrées, confirment ce fait qui nous paraît concluant.

Mais, bien que ceci nous explique pourquoi les tarifs sont maintenus très haut, l'apathie que le public montre pour un objet de cette importance, ne nous est pas expliquée. Il faut, pour lui arracher quelques murmures, que les directeurs élèvent leurs prix à un taux exorbitant au point de mettre en doute la préférence à donner aux chemins de fer sur les anciennes voies pavées.

Il y a quelques semaines que les habitans de Brigthon tinrent une assemblée pour envoyer une députation aux directeurs du chemin de fer de Londres à Brigthon, et leur représenter le tort qu'ils faisaient à leur ville par la mise en vigueur d'un tarif élevé et arbitraire, alors que toute concurrence était devenue impossible. Ce cas et tous ceux qui s'y rapportent ne sont, toutefois, que des exceptions à la règle générale.

Quatre causes ont, selon nous, détourné l'attention du public de cet objet important:

42 On doit voir maintenant que l'adoption de tarifs modérés dépend entièrement du prix de revient des transports et des autres frais qui en sont forcément la conséquence. Nous devons donc prendre en considération:

Le chemin de fer de Londres à Birmingham a la réputation d'être l'un des mieux administrés du royaume. Un extrait de ses comptes semestriels nous fera voir quelles sont les différentes causes de dépense, et à combien elles s'élèvent pour chaque article. Je les ai classées sous trois titres: 1º dépenses générales pour l'entretien du chemin de fer; 2º dépenses particulières de traction; 3º dépenses spéciales en dehors du contrôle de la compagnie:

1er TABLEAU.

Dépenses du chemin de fer de Birmingham pour le deuxième semestre de l'année 1842.

1º Dépenses de police 6,200 liv.
Transport des voyageurs 16,281
Salaires et gages pour le transport des marchandises 2,135
Dépenses pour direction, surveillance, secrétaires, commis, frais d'insertion et de bureau, etc. 8,309
  Total 32,925
2º Entretien de la voie 22,711 liv. } 84,196
Frais de traction 38,640
Réparation des voitures 8,633
Entret. et remplac. du matériel 14,212
3º Impôts des paroisses 7,771 } 21,848
Droits sur les voyageurs 14,077
  Total 138,969[6].

43 Les recettes pendant la même époque se sont élevées à la somme de 420,958 liv., le bénéfice net a donc été de 281,989 l.[7] et la dépense comparée à la recette a été de 33,012 p. % ou à peu près. Nous avons compris, dans le tableau ci-dessus, le transport des marchandises et des voyageurs. Ces deux branches d'exploitation donnent à peu près les mêmes bénéfices et coûtent autant.

Ainsi donc, le prix du transport de chaque voyageur est environ le ⅓ de ce qu'il paie, en admettant, ce qui doit être presqu'évident, que la compagnie taxe chaque classe de voyageurs en proportion de la dépense qu'elle lui occasionne.

Nous pouvons donc calculer à présent de combien la dépense d'un chemin de fer augmenterait, s'il avait à transporter un nombre de voyageurs triple de celui qu'il transporte.

Les dépenses d'administration ne seraient que peu ou point augmentées. Les frais de direction, d'employés, de commis, de police, de porteurs, d'annonces et de bureau seraient les mêmes, car la compagnie doit toujours être en état de répondre aux exigences du mouvement commercial.

Dans les frais de transport, il y aurait plusieurs articles qui subiraient une augmentation considérable. Les frais de réparation et remplacement du matériel roulant augmenteraient de 50%, ceux d'entretien de la voie de 20% et d'autres articles de 5 à 10%. Supposons que toutes ces augmentations réunies élèveraient la dépense de ce chemin de 138,969 liv. à 173,712 liv. Pour d'autres, ainsi que nous le verrons par la suite, l'augmentation serait moindre, et sur quelques-uns elle serait nulle.

L'article le plus dispendieux du transport, ce sont les frais de locomotive, qui absorbent presque la moitié des dépenses. S'ils devaient croître en proportion du poids ou du nombre des voyageurs transportés, ils seraient triples; si, au contraire, la force employée maintenant est suffisante pour effectuer le triple du travail que l'on exige, les frais seraient les mêmes. Une locomotive qui peut traîner un poids de 240 tonn. et à laquelle on 44n'en fait traîner qu'un de 80 tonn., peut être comparée à un cheval ne portant que le ⅓ de sa charge. La puissance d'une machine locomotive n'est plus un fait théorique, c'est un fait positif et prouvé chaque jour. Le poids d'un convoi varie de 30 à 250 tonn. et quelquefois il est beaucoup plus lourd. Les convois de marchandises ne dépassent pas ordinairement le poids de 200 tonn.

M. Brunel, ingénieur du chemin de fer Great Western, interrogé par la commission de la Chambre des communes, sur la facilité et la sûreté avec laquelle ces immenses charges sont traînées sur le chemin de fer, répondit: «J'examinais hier les comptes de nos convois de marchandises, et je vis que le 2 mars une des machines locomotives, appropriée aux convois de voyageurs, amena de Woothon-Basset à Paddington, qui sont éloignés l'un de l'autre de 82¾ milles[8], un convoi de 256 tonn., non compris le poids de la machine et de son tender. La machine se conduisit très bien. Il n'en résulta ni inconvénient ni délai.» Une locomotive destinée aux convois de marchandises aurait traîné un poids de 400 tonn. dans le même espace de temps.

Le poids d'un convoi ordinaire de voyageurs sur le chemin de Londres à Birmingham est d'environ 40 tonn., non compris la locomotive et son tender qui pèsent près de 15 tonn. et le nombre des voyageurs est d'environ 80 par convoi. N'est-il pas démontré maintenant qu'il y a constamment de la force perdue, et que l'on pourrait desservir un mouvement commercial trois fois plus grand avec un accroissement de dépense à peine sensible dans les frais de locomotion?

Nous allons à présent faire connaître le résultat d'un calcul de la dépense du chemin de fer de Londres à Birmingham, proportionnée à chaque voyageur, et ce qu'elle serait si l'on en transportait 3 fois plus. Nous y joindrons les prix du tarif en vigueur et le temps du parcours.

45

2e TABLEAU.

Dépenses et prix des places pour chaque classe de voyageurs de Londres à Birmingham.—Distance, 112¼ milles[9].

  Dépenses générales. 25 p. cent. Dépenses de traction. 60 p. cent. Dépenses spéciales. 15 p. cent. Total des dépenses de transport pour chaque voyageur. Prix que devrait payer chaque voyageur, si leur nombre était triple. Prix des places aujourd'hui. Temps du parcours.
  sh. d. sh. d. sh. d. sh. d. sh. d. sh. d. sh. d.
Conv. de malle. 2 9 6 6 1 7 10 10 4 6 32 6 5 »
1re classe. 2 6 6 » 1 6 10 » 4 2 30 » 5 ¼
2e classe (nuit). 2 1 5 » 1 3 8 4 3 5 25 » 5 ¼
2e classe (jour). 1 8 4 » 1 » 6 8 2 9 20 » 5 ¼
3e classe. 1 2 2 9 » 9 4 8 1 11 14 » 8 ½

Les résultats du tableau ci-dessus sont clairs et positifs, et aucune personne versée dans les chemins de fer ne les contestera.

Il est donc admis que le transport des voyageurs de Londres à Birmingham coûte aujourd'hui pour la 1re classe 10 sh. 10; et pour la dernière 4 sh. 8 d.

Si l'on transportait trois fois plus de voyageurs, bien que la dépense totale en serait considérablement augmentée, le prix des places pour chaque individu serait réduit à 4 sh. 6 d. pour la 1re classe, et 1 sh. 11 d. pour la dernière, y compris les impôts, taxes, etc., que l'on paie maintenant.

Si ce que nous avançons est prouvé; si les classes riches de la société paient 1 liv. 12 sh. 6 d. et la plus pauvre 14 sh., ce qui, sous un système différent, ne coûterait au vendeur que 4 sh. 6 et 1 sh. 11 d. ou environ ⅛ du prix demandé aujourd'hui, n'est-il pas urgent de rechercher la cause d'un semblable état de choses afin d'y porter remède?

Bien que j'aie estimé à 25 p. cent l'augmentation de dépense du chemin de fer de Londres à Birmingham, il ne faut pas 46croire qu'elle soit aussi élevée sur tous. Nos observations peuvent suffire, jusqu'à un certain point, pour nous en convaincre. Sur le chemin de fer de Greenwich, par exemple, les voitures ne sont jamais, terme moyen, remplies au-delà du ⅓. A Pâques, le nombre des voyageurs transportés sur ce chemin de fer a été de 28,340; c'était plus en un seul jour que dans aucune des semaines écoulées depuis six mois. Sur tous les chemins de fer on est obligé d'avoir un approvisionnement de matériel capable de répondre à toutes les exigences. Sur celui de Blackwall, il y a un matériel de transport suffisant pour transporter dix fois plus de voyageurs que ce chemin n'en transporte. Le nombre des voyageurs transportés par chaque convoi a été l'hiver dernier, terme moyen, de 37, tandis que le nombre des wagons aurait suffi pour en transporter dix fois plus. Sur les grandes lignes, les voitures ne sont jamais remplies qu'à moitié et, par conséquent, il en faudrait davantage pour transporter trois fois plus de voyageurs. Mais si nous considérons que la dépense pour voitures sur le chemin de Londres à Birmingham ne s'élève qu'à 4 p. cent des recettes, l'augmentation que j'ai fixée paraîtra suffisante.

Qu'une perte de force ait lieu à terre ou en mer, la différence est peu de chose. Lorsqu'un bateau à vapeur est construit pour transporter un certain nombre de voyageurs, il dépense tout autant, que ce nombre soit au complet ou non. Il en est à peu près de même pour les chemins de fer; il y a seulement de plus les dépenses que nous avons énumérées.

Quoique la dépense du chemin de Londres à Birmingham, par passager et par mille, puisse être regardée comme un terme moyen juste du coût du transport sur les autres chemins de fer, cependant il existe d'assez grandes différences entre eux. Chez quelques-uns les prix de revient sont cinq fois plus élevés que chez d'autres; non pas que cela soit causé par des circonstances particulières, mais parce qu'il entre dans les vues des propriétaires de payer cinq fois plus qu'ils ne doivent afin d'obliger le public à faire comme eux. Il y a quelques exceptions à cette règle que beaucoup ont trouvé avantageux de suivre; il faut observer que je n'entends parler ici que de la dépense de la traction de chaque individu, et non de la dépense totale.

3e TABLEAU.

Principaux Chemins de fer du royaume.—Leurs Recettes et Dépenses pendant le 2e semestre 1842.—Tant pour 100 des Dépenses sur les Recettes.—Leurs Longueurs.—Leurs Tarifs.—Leurs Frais de transport pour un voyageur parcourant toute la ligne.—Leurs frais pour chaque distance de 100 milles.—Frais pour chaque distance de 100 milles et pour chaque voyageur, si le nombre des voyageurs venait à tripler. Le surplus de dépenses qu'il occasionnerait étant estimé à 25 pour 100 en sus des dépenses actuelles, comme pour le chemin de Londres à Birmingham.

LONGUEUR. RECETTES. DÉPENSES. POUR 100 des dépenses sur les recettes. CHEMINS DE FER. PRIX DU TARIF. PRIX DE REVIENT DE LA COMPAGNIE. PRIX DE REVIENT DE LA COMPAGNIE Par 100 milles. PRIX DE REVIENT DE LA COMPAGNIE, si le nombre des voyag. était triplé.
          1re CL. 2e CL. 3e CL. 1re CLASSE. 2e CLASSE. 3e CLASSE. 1re CL. 2e CL. 3e CL. 1re CL. 2e CL. 3e CL.
milles.                                
  Liv. St. Liv. St.     Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D. Sh. D.
112 ¼ 420,954 138,969 33 Londres à Birmingham 31  3 22  6 14  » 10  4 7  5 4  8 9   2 6  7 4   2 5  10 2  9 1   9
162 ¾ 359,376 139,417 38 Great Western 41  » 28  6 17  » 15  8 10  10 6  6 9  4 6  8 3  11 3  10 2  9 1  8
97 ¼ 207,837 78,586 37 Grand-Junction 26  » 18  » 13   » 9   3 6   10 4   8 9   6 7   » 4  10 5  11 2  11 2   »
87 » 173,630 76,270 43 Londres et South Western 21  6 15  » 8  6 9  3 6  5 3  7 10  7 7  4 4  1 4  5 3  1 1  9
30 ¾ 123,746 56,453 45 Liverpool à Manchester 6  3 4  6 »  » 2  10 2  » »   » 9  1 6  5 »  » 3  10 2  8 »  »
60  » 119,113 56,409 47 Manchester à Leeds 15  » 10  » 7  » 7  1 4  9 3  3 11  9 7  11 4  8 4  11 3  4 1  11
73  » 115,580 41,887 36 North Midland 18  » 12  » 8  » 6  6 4  4 2  11 9  » 6  » 4  » 5  9 2  6 1  7
50 ½ 105,246 45,075 42 Londres à Brighton 13  » 8  » 6  » 5  5 3  6 2  6 10  8 6  11 4  11 4  5 2  11 2  1
60  » 77,672 30,469 40 Newcastle à Carlisle 11  » 8  6 »  » 4  5 3  4 »  » 7  4 5  7 »  » 3  5 2  3 »  »
57 ¼ 70,738 39,631 57 Midland Counties 11  6 8  6 4  6 6  7 4  7 2  6 13  5 9  4 6  1 5  7 3  10 2  1
41  » 60,521 18,160 30 Manchester à Birmingham 11   » 8  » »  » 3  4 2  5 »  » 8  5 6  1 »  » 3  7 2  6 »  »
46  » 59,994 19,181 36 Edinbourg à Glasgow 8  » 6  » 3  » 2  10 2  2 1  1 6  4 4  6 2  3 2  7 1  11 1  »
28  » 51,553 17,309 34 York and North Midland 6  » 4  6 3  6 2  1 1  6 1  2 7  9 5  4 4  » 3  3 2  2 1  8
53  » 50,319 29,475 58 Birmingham à Gloucester 14  » 10  » 5  6 8  2 5  10 3  2 15  6 11  » 6  1 6  5 4  7 2  6
6  » 42,401 20,600 48 Dublin à Kingstown »  8 »  6 »  4 »  3 ¾ »  2 ¾ »  1 ¾ 5  3 4  » 2  8 2  2 1  8 1  2
45  » 36,252 15,895 41 Great North of England 12  » 8  » 5  » 4  11 3  3 2  1 10  10 7  1 4  7 4  5 2  11 1  11
41 ¼ 35,748 19,783 55 Birmingham à Derby 10  » 7  » 5  » 5  6 3  10 2  9 13  4 8  9 6  2 5  6 3  9 2  7
32 ¼ 35,746 15,759 47 Northern et Eastern 7  » 5  6 3  6 3  3 2  7 1  8 10  1 8  » 5  2 4  2 3  4 2  1
22 ½ 30,107 10,804 35 North Union 5   » 3  6 »  » 1  9 1  3 »   » 7  9 5  7 »  » 3  3 2  3 »  »
3 ¾ 27,106 13,503 50 London à Greenwich »  10 »  7 »  » »  5 »  3 ½ »  » 11  1 7  9 »  » 4  5 3   3 »  »
40  » 26,601 11,589 43 Glasgow à Ayr 6  » 4  » 3  » 2  6 1  8 1  3 6  3 4  2 3  1 2  7 1  9 1  3
17 ½ 26,202 13,144 50 Eastern Counties 3  6 2  6 2  » 1  9 1  3 1  » 10  » 7  3 5  8 4  2 3  1 2  4
3 ¾ 26,067 15,410 59 London à Blackwall »  6 »  4 »  » »  3 ½ »  2 ¼ »  » 7  11 5  3 »  » 5  3 2  2 »  »
22 ½ 24,855 11,900 48 Glasgow à Greenock 2  6 1  6 »  6 1  2 »  8 ½ »  2 ¾ 5  2 3  1 1  » 2  2 1  4 »  5
15  » 16,580 7,531 44 Chester à Birkenhead 3  6 2  6 1  6 1  5 1  » »  7 9  7 6   8 5  11 4  » 2  9 1  8
25  » 10,800 5,460 51 Ulster 3  » 2  » 1  4 1  7 1  1 »  8 ¼ 6  4 4  4 2  9 2  7 1  9 1  2

47 Il est nécessaire que nous sachions, aussi exactement que possible, quelle est la position des différens chemins de fer relativement à ce prix de revient du transport individuel, et jusqu'à quel point ils ont jugé convenable de le surtaxer, pour surtaxer avantageusement le public. Le 3e tableau ci-joint est le résultat des calculs faits d'après le prix des places et les dépenses de vingt-six chemins de fer. L'objet que j'ai en vue est de faire voir jusqu'à quel point on pourrait réduire la dépense intrinsèque du transport de chaque voyageur.

Nous présumons que tout le monde est convaincu que le principe sur lequel mes calculs sont basés, est juste, en ce qui regarde la dépense que chaque voyageur occasionne aux Compagnies.

La Compagnie de Londres à Birmingham, par exemple, fait payer à un voyageur de 3e classe, pour une distance de 100 milles, 12 sh. 8. Les dépenses de la Compagnie ne s'élèvent qu'au ⅓ de ses recettes; conséquemment le voyageur ne coûte que 4 sh. 2 d.

La compagnie de Glascow à Greenock fait payer à un voyageur de 3e classe, pour 100 milles parcourus sur son chemin, 2 sh. 3. Les dépenses ne s'élèvent qu'à 48 p. cent des recettes; c'est donc 1 sh. que ce transport coûte. C'est un peu moins du quart de ce qu'il coûte à la Compagnie de Londres à Birmingham. (Voir ci-contre le tableau nº 3).

Je n'ai fait dans le tableau ci-contre aucune mention du capital engagé par les propriétaires du chemin de fer. C'est une autre affaire qui mérite un examen particulier. Le but que je me proposais était d'abord de montrer ce que coûtait à chaque Compagnie le prix du transport d'un voyageur, ensuite quel serait le prix si le chemin de fer en transportait un nombre triple de ce qu'il est aujourd'hui.

En examinant ce tableau, le lecteur sera probablement frappé de la proportion uniforme qui existe entre le prit exigé du public et les dépenses des compagnies. Elle n'est modifiée que par l'importance de la circulation. Prenez pour exemple celles qui ont le plus haut et le plus bas tarif. Il en coûte à la compagnie de Birmingham à Gloucester, pour le transport d'un voyageur de48 3e classe, pendant une distance de 100 milles, 6 sh. 1. La compagnie de Glascow à Greenock, ne paie pour la même distance que 1 sh., c'est-à-dire moins d'un sixième. Cette dernière transporte un voyageur à une distance de 100 milles pour 2 sh. 3 d.; la première pour 9 sh. 6 d. Cependant les dépenses de la compagnie de Birmingham à Gloucester sont de 58 p. % des recettes, et celles de Glasgow à Greenock ne sont que de 48 p. %.

Sur le chemin de Londres à Birmingham, la dernière classe de voyageurs paie, pour un parcours de 100 milles, 12 sh. 8 d., et sur celui de Liverpool à Manchester, pour le même parcours, 14 sh. 9 d. Les dépenses de celui-ci sont de 45 p. cent du total des recettes; celles de Greenock de 48 p. cent. L'un fait payer 14 sh. 9 d. pour un parcours de 100 milles, l'autre 2 sh. 3 d. La compagnie de Greenock faisait payer l'année dernière à ses voyageurs de 3e classe, trois fois plus qu'aujourd'hui. Cette réduction a diminué les dépenses de la compagnie de 50 p. cent qu'elles étaient auparavant, à 48 p. cent, et les actionnaires ont eu le profit de la différence. Si le chemin de fer de Liverpool à Manchester ne faisait payer que 2 sh. 3 d. pour un parcours de 100 milles, au lieu de 14 sh. 9 d., il se pourrait qu'il gagnât par l'adoption de cette mesure, autant que la compagnie de Greenock. Certainement les directeurs sont persuadés que toute modification dans leurs tarifs diminuerait leurs profits; mais nous ne saurions trop répéter au public que le lourd impôt qu'il paie, et dont on pourrait en partie le décharger, ne provient nullement du coût de ce qu'on lui donne en échange de son argent. C'est le résultat d'un système qui ne favorise pas les intérêts de la société, mais bien ceux des individus qui conduisent les affaires des compagnies et qui ne voudraient pas risquer un shilling de leur revenu par une réduction d'un liard (farthing) sur leurs tarifs, dût le public, par ce changement, gagner une livre.

Si l'on veut examiner avec soin la table précédente, on sera frappé de la différence des dépenses faites par les compagnies, selon qu'elles adoptent des tarifs élevés ou bas.

49 4e TABLEAU.

Analyse du tableau 3, ou examen des dépenses occasionnées par le transport de chaque voyageur sur quelques-uns des principaux chemins de fer du royaume, suivi de notes statistiques tirées des tableaux précédens.

  1re CLAS. 2e CLASS 3e CLASS
  sh. d. sh. d. sh. d.
Prix moyen du transport de chaque voyageur sur les 26 chemins de fer cités par mille » 2.7 » 1.9 » 1.2
Id. id. par 100 milles 22 7 15 10 10 2
Moyenne de la dépense id. 9 2 6 5 4 2
Id. s'ils transportaient trois fois plus de passagers, par 100 milles 3 10 2 8 1 9
Le prix de revient du transport d'un voyageur sur le chemin de Birmingham à Glocester, où il est le plus élevé,
est pour un parcours de 100 milles, de
15 6 11 » 6 1
La compagnie de Londres à Birmingham, dont les tarifs sont les plus élevés, fait payer, pour un parcours de 100 milles 29 0 22 6 12 6
La compagnie de Glascow dont les tarifs sont les plus modérés, fait payer, pour un parcours de 100 milles 11 1 6 8 2 3

Remarques statistiques générales.

La dépense moyenne des différentes compagnies est de 41 p. cent. La moyenne du nombre des voyageurs par chaque convoi de Birmingham à Glocester est de 81; tandis que sur le chemin de Greenock à Glascow elle n'est pas moindre de 267. Il y a en moyenne 82 voyageurs sur chaque convoi de Londres à Birmingham, 62 sur chaque convoi de Liverpool à Manchester, et 56 sur ceux de Londres à Blackwall.

Sur le chemin de Birmingham à Glocester, la puissance locomotive coûte 1 sh. ¾ d. par mille.
Id. Glascow à Greenock, id. » 11½ id.
50 Le prix des places de 3e classe, sur le chemin de Londres à Birmingham, pour un parcours de 100 milles est de 12 sh. 8 d. Il coûte à la comp. 4 sh. 2 d.
Id. s. le Dublin à Kingston 5 6 id. 2 8
Id. s. le Liverpool à Manchester 14 9 id. 6 11
Id. s. le Glascow à Greenock 2 3 id. 1 »
Id. Ulster 5 4 id. 2 9
Id. le Great-Western 10 4 id. 4 8
Id. North-Union 13 6 id. 5 7

On voit que le prix des places passe successivement «du grave au doux, du plaisant au sévère» dans la même classe; depuis 2 sh. 3 d. jusqu'à 14 sh. 9 d. Dans le premier cas, la dépense comparée à la recette est de 48 p. cent; dans le deuxième, elle est de 45 p. cent.

Ainsi celui qui reçoit ne fait pas la moindre attention à celui qui paie; il ne voit qu'une chose: quel est le prix qui lui rapportera le plus, et si celui de 14 sh. 9 d. augmente son revenu d'un huitième p. cent de plus que celui de 2 sh. 3 d., il l'adoptera sans hésiter.

Voilà notre système tel qu'il est mis en œuvre par le chemin de Londres à Birmingham. Son comité, toujours très prudent, a porté ses prix de 1re classe presque aussi haut que la loi le lui permet. Les autres classes ont été réglées en proportion. Il se garde bien d'offenser le public par des manières trop grossièrement brutales envers ses voyageurs de 3e classe; mais il sait si bien les incommoder, à l'aide de procédés méthodiques et doux, qu'ils ne s'exposent jamais à voyager deux fois de la même manière, s'ils peuvent l'éviter. C'est ainsi que le chemin de fer de Londres à Birmingham parvient à ses fins.

Voilà aussi le système pratiqué par le Great-Western. Sans s'inquiéter de l'opinion publique, il n'a qu'un but, c'est de gagner de l'argent. Il traite la classe de voyageurs la plus pauvre et la moins protégée d'une manière que le Times a qualifiée d'infâme et qui le méritait, sans doute, à raison de l'obstination 51 qu'on met à placer ces malheureux tout près de la locomotive: c'est ainsi que le Great-Western parvient à ses fins.

C'est également le système pratiqué par le chemin de Liverpool à Manchester et par d'autres compagnies aristocratiques, qui ne se doutent nullement qu'il existe des classes pauvres, ou bien qui ne les considèrent point comme faisant partie de la société. Il règne en réalité sur ces chemins de fer une loi, plus puissante que tous les actes du parlement, qui défend à tout homme pauvre de voyager. Il y a plusieurs manières ingénieuses d'éluder les lois, mais nous ne croyons pas possible d'éluder la vigilance de l'homme préposé à la demande des billets.

C'est encore là le système pratiqué par la compagnie du Grand-Junction. Elle l'a assez prouvé par sa résistance déterminée à la loi, ou au moins à la décision de la cour de l'Echiquier, et par ses efforts sans cesse répétés pour s'arroger le monopole général des transports. Elle augmente ses tarifs pour le riche comme pour le pauvre, au moment même où elle paie de gros dividendes.

Enfin, voilà notre système général de chemins de fer! Nous nous soumettrions en silence à ces charges énormes, s'il y avait nécessité; si elles provenaient du prix de revient de transport, ou d'autres dépenses indispensables. Mais lorsque rien de tel n'existe, lorsque tout le système d'un bout à l'autre est artificiel et arbitraire, lorsque les frais de voyage sur un chemin de fer sont trois ou quatre fois plus élevés que sur d'autres, sans qu'il ait un privilége pour cela, lorsque tout le monde est imposé arbitrairement sur un objet de première nécessité, il nous semble qu'on doit examiner ce système d'un peu plus près qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, et aviser aux changemens qu'on peut y introduire.

Quelques personnes nous reprocheront peut-être d'avoir appelé le prix des places d'un chemin de fer un impôt, ou de ranger les voyages parmi les objets de première nécessité. Nous répondrons que ceci est une question de mots, comme le paiement de l'un et la jouissance de l'autre sont souvent une affaire de choix. Il en est de même de la consommation des marchandises soumises aux droits d'accises, le thé, le sucre, les liqueurs, etc.52 A dire vrai, il serait assez difficile de désigner quels sont les objets de première nécessité. Nous servons-nous d'une chose qui ne puisse être remplacée? Nous avons coutume de parler du pain comme d'un objet de première nécessite, et nous oublions que des millions de nos semblables, vivant à peu de distance de nous, forts et vigoureux, en goûtent à peine une fois par an. Un objet de première nécessité signifie maintenant une chose dont nous avons l'habitude de nous servir et que nous aimons à avoir. Le mot impôt ou impôt indirect signifie ce que nous avons l'habitude de payer, ou ce que les circonstances nous forcent à payer. C'est ce qui arrive pour les voyages en chemin de fer.

Comment les impôts d'une nature variable sur les objets de première nécessité sont-ils regardés dans ce pays? L'agitation produite par la loi des céréales est là pour répondre à cette question. On ne déteste pas cet impôt parce qu'il est lourd, mais parce qu'il produit un prix artificiel, qui ne profite qu'aux parties intéressées. Mais comme les résultats de la loi des céréales sont encore un sujet de controverse, et qu'ensuite la question est trop politique pour nous servir d'exemple, nous allons poser l'hypothèse suivante:

Supposons que le gouvernement changeât, non seulement la quotité de l'impôt sur le thé, mais encore le principe de cet impôt et la manière de le lever. Supposons que dans chaque ville du royaume l'impôt fût différent, que dans la plupart des grandes villes les droits devinssent si élevés que le thé fût par le fait interdit aux classes pauvres, et que les riches seuls payassent les prix demandés; supposons encore qu'afin d'augmenter les bénéfices, on vendît aux pauvres, qui seraient forcés d'en acheter comme médicament, un affreux composé de feuilles de prunier et de congou de la dernière qualité. Tandis que cette horrible drogue serait vendue dans les grandes villes pour le prix exorbitant de dix sh. 6 d ou 12 sh. 6 d. (la plus belle poudre à canon coûte 29 sh.), on vendrait dans une pauvre ville (celle de Greenock), de l'excellent thé à 2 sh. 3 d. la livre, parce que le gouvernement aurait découvert qu'il tirait dans cette ville un plus grand revenu de cet article lorsqu'il était à un prix modéré53 que lorsqu'il était cher. Pense-t-on que cet abus de pouvoir durerait un seul mois?

Les voyages par chemins de fer sont-ils moins nécessaires que le thé? La machine à vapeur n'est-elle pas aussi utile à nos besoins que la théière? Si des droits élevés nous privent de prendre du thé, nous pouvons nous en dédommager en prenant du café; mais si nous avons un besoin urgent d'aller demain à Liverpool ou dans d'autres parties éloignées du pays, comment ferons-nous si nous ne pouvons pas y aller par chemins de fer?

Continuons notre comparaison: le gouvernement arrangerait-il l'affaire convenablement s'il accordait à cinquante compagnies différentes, par contrat entre lui et elles, le droit illimité d'user ou d'abuser de ce monopole du thé à leur convenance; s'il leur donnait le pouvoir d'arrêter entièrement et pendant un jour la consommation d'un article qui coûte au pays plus de 5,000,000 liv.[10] par an, et de la permettre le lendemain, suivant qu'il conviendrait aux intérêts des spéculateurs, sans accorder la moindre attention à la santé et au bien-être des milliers d'hommes, qui dépendraient ainsi de leur volonté égoïste et irresponsable?

L'habitude nous fait croire que nous ne sommes pas imposés par les chemins de fer; que le paiement est tout-à-fait volontaire de notre part (n'en est-il pas de même pour le thé?); et parce que nous donnons notre argent à un commis au lieu de le donner à un collecteur de taxes, nous croyons que cette transaction doit être considérée comme libre. La liberté du commerce ne peut pas exister avec le monopole, et les chemins de fer, par leur nature, seront toujours des monopoles, n'importe par qui ils seront administrés.

On a vu dans le dernier tableau que la moyenne des voyageurs de chaque convoi sur le chemin de Glasgow à Greenock est de 267, tandis que sur les autres chemins elle varie de 50 à 80. Aussi la modicité des prix sur le premier chemin est-elle compensée par la plus grande quantité de voyageurs. Je ne puis mieux terminer cette partie de mon sujet et montrer la puissance 54 de la vapeur qu'en copiant le paragraphe suivant du Railway Magazine, du 16 juillet dernier:

«Le chemin de fer Great-Western a transporté jeudi, à Bristol, dans trois convois, 3,000 voyageurs. Le convoi de 7 heures est parti de Paddington avec dix voyageurs seulement; il en avait 800 à son arrivée à Bristol; le surplus avait été chargé en route.»

Je me rappelle avoir lu qu'un jour de fête, l'été dernier, le chemin de fer de Stockton à Darlington avait transporté, dans un seul convoi, 2,200 voyageurs.

Les prix demandés pour le transport des marchandises, des chevaux, des bestiaux, sont généralement très élevés; comme toutes les autres perceptions, elles sont réglées de manière à donner le plus de profit aux actionnaires. Il n'est point nécessaire d'entrer dans des détails sur ces divers articles. Ils seraient peu intéressans pour le public; quant à ceux qui sont forcés de subir les tarifs, ils les connaissent trop bien. Après tout, c'est le consommateur qui doit payer le total, quel qu'il soit, de tous les frais de transport jusqu'au marché des marchandises et des bestiaux que l'on y conduit. Il lui importe autant de les voir réduire que de voir diminuer le tarif des places. La seule différence qui existe entre ces deux impôts prélevés sur le public, c'est que l'un est direct et l'autre indirect. Dans le premier cas, il est forcé de tirer son argent de sa poche, et cette nécessité laisse dans son esprit une impression claire et distincte. Si l'on réduit le prix, l'économie qui en résulte pour lui est distincte et apparente. Dans l'autre cas, c'est différent. On lui soutire son argent de plusieurs côtés à la fois; il ne s'en aperçoit pas, mais il n'a pas moins payé l'impôt.

Dans la métropole et dans les grandes villes manufacturières, le monopole exercé par les chemins de fer produit un effet pernicieux pour toutes les classes de la société sur l'approvisionnement des vivres, dont le prix varie beaucoup selon les frais de transport. Que le prix des denrées soit élevé ou bas, le peuple est forcé de manger, s'il ne l'est pas de voyager. Nous voyons, cependant, que les frais de transport du bétail sont tellement55 élevés que le peuple ne retire aucun avantage des chemins de fer.

L'Irlande pourrait approvisionner Londres et les grandes villes manufacturières d'une immense quantité de bétail, si les frais de transport n'étaient pas jusqu'à un certain point prohibitifs. Sur le chemin de fer le Great-Western, les frais sont d'environ 20 p. cent de la valeur de l'animal transporté, et, malgré ce prix énorme, il transporte à Londres une grande quantité de bœufs, de moutons et de porcs. Quel nombre n'en transporterait-on pas si les frais ne s'élevaient qu'à 5 p. cent de la valeur? De cette manière on ouvrirait un vaste marché aux produits irlandais, et nos grandes villes manufacturières jouiraient des avantages que donne le voisinage d'un pays où les produits agricoles sont à bas prix. Mais la compagnie du Great-Western et les autres chemins de fer gagnent davantage avec un tarif élevé qu'avec un tarif modéré. Cela ne fait aucun doute, et la question étant posée ainsi, peut-on espérer que les compagnies feront proprio motu du tort à leurs propriétés, ou, ce qui revient au même, qu'elles réduiront les revenus qu'elles en tirent?

Quelquefois, mais rarement, des querelles entre les compagnies font connaître au public les articles secrets passés entre elles, et lui donneraient une nouvelle preuve, s'il en avait besoin, de la puissance sans limites de la vapeur appliquée aux chemins de fer et du peu de dépense que coûte le transport des marchandises.

En voici un exemple: Si l'on examine une carte des chemins de fer de l'Angleterre, on verra qu'il y a deux lignes de chemins de fer qui s'éloignent de Manchester dans des directions tout opposées. L'une se dirige vers Leeds, l'autre vers Birmingham. On sera persuadé qu'il ne peut y avoir entre elles aucune cause de rivalité; eh bien! l'on se trompe. On peut voir que la ligne de Leeds se dirige tout d'abord vers le Nord; elle tourne ensuite à angle droit vers l'Est et joint le chemin North-Midland à Normanton après un parcours de 51 milles, et la distance où elle est de Londres n'est que de 10 milles plus proche que sa distance de Manchester. La ligne de Birmingham se dirige directement56 vers la métropole et joint le Grand-Junction à Crewe, qui est à une distance de 40 milles de Manchester. Qui est-ce qui supposerait qu'une rivalité pût exister entre les deux chemins pour le transport de marchandises? Par l'un, les marchandises doivent parcourir 51 milles, pour arriver à un point qu'elles atteignent par un parcours de 10 milles sur l'autre. Cependant, quelque incroyable que cela paraisse d'abord, la compagnie de Birmingham s'engagea, il y a quelque temps, à payer à la compagnie de Leeds 5,000 liv. par an, pour qu'elle s'abstint de lui faire concurrence pour le transport des marchandises de Manchester à Londres.

Depuis, cette somme a été réduite à 50 livres par semaine. Mais, comme la compagnie de Leeds ne pensait nullement à cesser tout-à-fait son commerce, les deux chemins se font à présent une guerre de plume. La compagnie de Birmingham, répondant à une accusation de la compagnie de Leeds qui lui reprochait d'avoir diminué son tarif, a dit gravement qu'elle n'avait pas réduit son tarif sur les marchandises pour Londres, et elle a prouvé même, d'une manière satisfaisante, qu'elle l'avait élevé pour les marchandises en destination pour cette ville. Cette discussion sera sans doute de courte durée; un arrangement se fera entre les compagnies, et le traité recevra son entière exécution; mais elles agiraient sagement dans leurs intérêts si elles s'abstenaient de donner connaissance au public d'un semblable traité.

Néanmoins, si nous venons à comparer les prix de revient avec les prix du tarif pour le transport des marchandises, la rivalité de compagnies situées comme le Manchester à Leeds et le Manchester à Birmingham le sont à l'égard l'une de l'autre, ne nous surprendra plus. Nous la comprenons d'autant mieux en calculant l'immense fardeau qu'une locomotive peut tirer, lorsque la vitesse est hors de question.

La machine qui, par une vitesse de 30 milles[11] par heure, ne tirerait pas au-delà de 40 tonnes, peut en tirer 400 si elle ne fait que 10 milles[12] par heure, et le transport des 400 tonnes ne coûterait 57 pas davantage que celui de 40 tonnes, parce que la quantité de coke consumée dans le voyage lent serait balancée par l'usure que causeraient les frottemens dans le voyage rapide. La puissance locomotive sur le chemin de Birmingham à Gloucester coûte, pour chaque voyage, d'après les calculs de la compagnie, 3 liv. 0 sh. 10 ¼ d.[13]. La distance parcourue est de 55 milles[14].

Sur d'autres chemins, c'est plus ou moins; mais admettons que 1 sh. 3 d. par mille, soit le terme moyen, ou 6 liv. 5 sh. par convoi (quelle que soit sa pesanteur) pour un parcours de 100 milles. Pour transporter le même poids dans un jour, sur une route ordinaire, il faudrait 2,000 chevaux, et chaque cheval devrait tirer une tonne pendant 20 milles. Mais la puissance de la vapeur est encore bien supérieure. Une locomotive sur le Great-Western traînerait un poids de 1,000 t. avec plus de vitesse qu'un cheval ne traînerait un tonneau.

N'est-il pas absurde en présence de pareils faits de vouloir comparer les avantages que l'on pourrait retirer d'un chemin de fer avec ce que l'on peut exécuter sur les routes ordinaires? Le chemin de fer ne peut se comparer qu'avec lui-même, et le prix des places, comme le prix du transport des marchandises, devrait être établi d'après la puissance et non d'après ce qui existait avant.

Examinons maintenant quelle pourrait être l'augmentation en nombre des voyageurs par chemins de fer, si une échelle réduite de prix remplaçait celle qui existe, et si elle était assez modérée pour que tout le monde pût voyager. Nous avons des données suffisantes pour établir cette importante proposition sur des bases justes, et nous ne pouvons mieux entrer en matière que par un nouvel extrait de l'article de la Revue d'Edimbourg déjà cité:

«Avant l'ouverture du chemin de fer de Liverpool à Manchester, il y avait sur la route ordinaire vingt-deux voitures faisant régulièrement le voyage entre les deux villes et transportant 58 journellement, terme moyen, 450 personnes. Dans l'intérieur des voitures, le prix était de 10 sh., et à l'extérieur, 6 sh., et le voyage durait de 4 h. à 4 h ½. Le prix par chemin de fer (1834) fut de 5 sh. 6 d. pour la première classe, 3 sh. 6 d. pour la deuxième. Le temps du voyage pour la première classe, était d'une heure un quart, pour la deuxième classe d'environ deux heures. Le nombre des voyageurs s'est élevé à 220,000 pendant le deuxième semestre 1833. Ce serait donc 1,210 par jour. Ainsi leur nombre aurait triplé depuis l'ouverture du chemin de fer.

Nous voyons, par les documens officiels, que le nombre des voyageurs entre Liverpool et Londres s'élève à plus d'un demi-million. Si nous appliquons au chemin de fer projeté entre Londres et Birmingham des résultats proportionnés à ceux que nous avons obtenus pour Manchester, nous devons nous attendre à ce que le nombre des voyageurs entre les deux villes augmente dans une proportion triple; mais nous avons des raisons très plausibles pour supposer que l'augmentation sera encore plus grande que sur le chemin de Manchester à Liverpool. Il n'existe entre ces deux villes aucun centre de population; le mouvement est donc borné.

Le chemin de Londres à Birmingham sera alimenté par un grand concours de voyageurs qui viendront des villes qui le bordent à peu de distance. Ces villes doubleront au moins l'importance de son parcours direct.

Le royaume sera traversé en tous sens par ces grandes artères de communication. Elles produiront un échange de bienfaits physiques et moraux, politiques et commerciaux, dont il est impossible d'évaluer ou de prédire l'importance.

Pour se former une idée des effets que ces vastes entreprises doivent produire dans le pays, il est nécessaire de considérer l'importance du mouvement qui existe aujourd'hui sur les lignes de Birmingham et de Southampton, et de la comparer avec les effets produits sur le mouvement commercial par l'établissement de la ligne de Manchester à Liverpool. Il est prouvé, par les témoignages fournis à diverses commissions parlementaires, que le nombre annuel des voyageurs entre59 Birmingham et Londres s'élève à 488,342. Nous voyons par les états de l'administration du timbre que le revenu des voitures qui passent le long du chemin de fer projeté de Southampton, d'après les tarifs actuels, s'élève à 446,193 livres sterling. Maintenant si nous calculons le prix moyen du voyage jusqu'à Southampton, le mouvement sur cette ligne équivaut à 446,193 voyageurs qui parcourraient annuellement toute la distance. Voici donc quel serait, le long de ces deux lignes, l'importance actuelle du mouvement:

Birmingham 488,342 }  
      934,535.
Southampton 446,193  

Nous avons déjà dit que le nombre des voyageurs entre Manchester et Liverpool était de 450 avant l'établissement du chemin de fer, et que, pendant le dernier semestre de 1833, il s'éleva à 1,210 par jour, augmentation qui est en proportion de 8 à 3. Supposons qu'il y ait une augmentation proportionnelle sur les chemins projetés, nous aurons le nombre approximatif des voyageurs en élevant l'estimation précédente dans la proportion de 8 à 3, et voici les résultats que nous obtiendrons:

Birmingham 1,302,244 }  
      2,491,492.
Southampton 1,189,248  

Ainsi le nombre des voyageurs qui se rendraient chaque année de ces deux villes à la métropole égalerait presque le ⅙ de la population du royaume.»

On voit, par les calculs précédens, que le nombre des voyageurs entre Liverpool et Manchester avait augmenté après l'établissement du chemin de fer dans la proportion de 8 à 3. Le prix des places pour les voitures était de 10 sh. et 6 sh.; par chemin de fer de 5 sh. 6 d. et de 3 sh. 6. Le nombre des voyageurs entre Londres et Birmingham était, avant l'ouverture du chemin de fer, de 488,342 et il aurait dû s'élever à 1,302,244; mais, comme les prix ont été plutôt augmentés que diminués, l'année dernière le nombre des voyageurs n'a pas dépassé le chiffre de 780,370. Ce chemin de fer, traversant un pays extrêmement peuplé, aurait dû transporter un nombre beaucoup 60 plus grand de voyageurs que le chiffre de 1,302,244 que nous avons indiqué.

Pour celui de Southampton, on avait fixé le nombre à 1,189,840, il s'en est fallu de 350,000 que ce chiffre ait été atteint. Si l'on eût diminué les tarifs sur les chemins de fer de Londres à Birmingham et de Londres à Southampton dans la même proportion que sur la ligne de Manchester à Liverpool, il n'y a pas à douter que les résultats n'eussent été identiques.

Il y a fort peu de chemins de fer sur lesquels on ait fait d'aussi grandes réductions que celles que je proposerais; cependant, d'après l'augmentation des voyageurs qui est résultée des réductions que certains chemins ont faites, on peut juger de ce qu'elle serait, si les tarifs eussent été baissés davantage.

On ne doit point douter que le nombre des voyageurs augmenterait en proportion du bon marché des places. Prenons pour exemple les ports de lettres. On les a réduits, terme moyen, au ⅙ de ce qu'ils étaient il y a quelques années. Personne maintenant qui ayant besoin d'adresser une lettre, en soit empêché par le prix du port. Le même principe peut s'appliquer aux chemins de fer.

Le chemin de fer de Liverpool à Manchester, deux ans après son ouverture, éleva son tarif de 20 p. cent. Cette augmentation rapporta à la compagnie ½ p. cent de bénéfice!

Sur quelques chemins de fer, l'abaissement du tarif leur a rapporté des bénéfices considérables.

Pendant la semaine finissant le 9 mars, le nombre des voyageurs sur le chemin de fer de Blackwall a été de 24,400. Recette 497 liv. 16 sh. 7 d.
Pendant la semaine finissant le 16, le tarif ayant été réduit de 30 p. cent, ce nombre a été de 31,892 509 liv. 3 sh. 9 d.
Pendant la semaine finissant le 23 mars, époque du tarif réduit très bas, 39,202 630 liv. 17 sh. 8 d.

Le chemin de Blackwall est dans la même situation que ceux de Dublin à Kingstown, de Glasgow à Greenock. Ses directeurs ignorent encore que son tarif ne peut jamais être trop bas. Ils ont tenté toutes sortes d'expériences excepté la bonne, c'est-à-dire un tarif extrêmement bas. Le tarif qui leur rapporterait probablement61 le plus de profit, serait celui qui n'exigerait que 2 ou 3d.[15] pour le trajet entre Blackwall et Londres[16], et 1 et 2 d. pour les stations intermédiaires, et qui doublerait ces prix le dimanche. Qu'ils en essaient pendant un mois, et leurs affaires s'en trouveront peut-être mieux. Nous voyons que sur leur chemin une réduction de 30 p. cent dans les prix a produit une augmentation de 60 p. cent dans le nombre des voyageurs, et ajouté plus de 25 p. cent à leurs recettes sans accroître leurs dépenses. Qu'ils réduisent encore leur tarif de 50 p. cent et ils s'en trouveront encore mieux. Cet exemple, ne l'oublions pas, est une exception à la règle générale. Sur la plupart des autres chemins de fer, une réduction de 30 p. cent sur les tarifs pourrait en amener une de 5 p. cent sur les recettes, et si cette réduction de tarif allait jusqu'à 60 ou 70 p. cent. la diminution des recettes pourrait bien être de 20 à 25 p. cent. Dans tous les cas, elle varierait selon les circonstances. Dans de certains endroits où les masses n'ont retiré aucun avantage des chemins de fer, à cause des prix élevés de leurs tarifs, une diminution qui leur permettrait d'en faire usage ne causerait pas une grande perturbation dans les recettes. Afin de donner à nos lecteurs une idée des obstacles qui doivent empêcher, chez les classes inférieures, le développement de la locomotion comme moyen de chercher du travail, nous allons comparer le nombre des voyageurs de différentes classes sur les chemins de fer qui ont des tarifs bas et des moyens de transports commodes pour la 3e classe, avec ceux qui n'en veulent pas avoir. Nous prendrons le tant pour cent de chaque nombre.

  Manchester à Leeds. York et N. Midland. Edimbourg à Glasgow. Glasgow à Ayr. Paisley à Ayr. Dublin à Kingstown. Terme moyen.
  p. 100. p. 100. p. 100. p. 100. p. 100. p. 100. p. 100
1re classe. 8 18 20 11 7 4 11
2e classe. 23 31 29 50 15 54 33
3e classe. 69 51 51 39 78 42 56

62 Voici maintenant les quatre grandes compagnies qui cherchent, par tous les moyens possibles, à forcer les voyageurs à prendre des places de 1re et 2e classes.

  Londres à Birmingham. Grand Junction. South Western. Great Western. Moyenne.
  % % % % %
1re classe 44 46 38 30 40
2e classe 48 44 53 63 52
3e classe 8 10 9 7 8

Excepté la compagnie de Londres à Birmingham (qui ne dissimule rien), ces compagnies ont jugé convenable de cacher même à leurs actionnaires le petit nombre de voyageurs de troisième classe. Nous avons déjà fait remarquer qu'à l'assemblée des actionnaires du Great-Western qui eut lieu en février dernier, le secrétaire refusa de faire connaître à l'un d'eux, qui le demandait, le nombre de voyageurs de cette classe. Nous devons nous féliciter, maintenant que nous le connaissons, qu'un nombre aussi minime de voyageurs se soit trouvé dans la nécessité de souffrir les affronts et les inconvéniens attachés à cette classe de places.

Sur quelques lignes telles que celles de Liverpool à Manchester, North-Union, New-Castle à Carlisle, les classes ouvrières sont totalement exclues d'après le principe professé à la Taverne de Londres.

Les quatre chemins de fer ci-dessus, pour lesquels nous venons de donner la classification des voyageurs, sont les grandes voies de communication de la métropole avec le nord, le sud et l'ouest du royaume. Ils font plus d'affaires et recouvrent plus d'argent que tous les autres chemins de fer réunis. On peut dire qu'à présent les gens pauvres en sont exclus. Ceux qui s'en servent font exception à la règle, car non seulement ils doivent subir toutes les avanies que nous avons décrites, mais encore les prix de la troisième classe sont plus élevés que ceux de première63 classe sur les autres chemins de fer. Si ces lignes étaient mises à la portée du public, le nombre des voyageurs s'accroîtrait-il dans une proportion assez exacte, pour qu'une diminution d'un quart dans le tarif amenât une augmentation correspondante dans le nombre des voyageurs? Bien que cela peut être, il ne faut pas y compter absolument. Tout dépendrait des circonstances. Au résumé, j'admets qu'il y aurait un déficit sur les recettes brutes.

Pour donner un aperçu du nombre d'individus qui voyagent lorsque les moyens de transport sont à leur portée, nous comparerons le résultat de tarifs élevés et de tarifs modérés entre villes qui ont adopté les différens systèmes.

La distance entre Anvers et Bruxelles est de 27 milles ¼[17]. Les prix des places sont de 2 sh. 6 d.[18], 1 sh. 8 d. et 1 sh. La population d'Anvers est de 75,000 âmes et celle de Bruxelles de 134,000.

Le nombre des voyageurs a été en 1837 de 1,145,467
  en 1838 de 1,148,324

La distance entre Liverpool et Manchester est de 30 milles ¾. Les prix des places, il y a quelques années, étaient de 5 sh. 6 d.[19], 3 sh. 6 d. Pendant 6 ans, de 1831 à 1836, la moyenne des voyageurs a été de 436,993. La population de Manchester était alors de 270,000 âmes et celle de Liverpool de 190,000. Ces deux villes, les plus commerçantes de l'empire, avaient des relations très étroites entre elles; elles avaient une population double de celle de Bruxelles et d'Anvers, et elles étaient dix fois plus riches; cependant, avec tous ces avantages, le nombre des voyageurs transportés par leurs chemins de fer, dépasse de peu le tiers de celui transporté par le chemin de fer belge.

Nous avons pris nos chiffres dans les états soumis au parlement, parce que la compagnie de Manchester et de Liverpool ne donne que fort peu de détails statistiques sur ses propres affaires. Elle a depuis lors élevé ses prix à 6 sh. 6 d.[20], 6 sh. et 4 sh. 646 d. et, malgré cette augmentation, le nombre des voyageurs s'est considérablement accru. Il ne faut pas oublier que la population de ces deux villes est bien plus nombreuse et que leur commerce est plus étendu.

Quelle serait l'augmentation du mouvement sur cette ligne si l'on réduisait le tarif de 70 % sans que les dépenses s'accrussent comme il est arrivé pour la ligne de Glasgow à Greenock?

La première de ces lignes a de grands avantages sur celle-ci. La population de Liverpool et de Manchester est bien plus nombreuse que celle de Glasgow et de Greenock, et le grand nombre de bateaux à vapeur qui naviguent sur la Clyde, transportent presque la moitié des voyageurs qui font le trajet entre ces deux dernières villes. La ligne de Liverpool à Manchester est en possession d'un monopole complet; quel bien résulte-t-il de tous ces avantages? Le chemin de Glasgow à Greenock a transporté l'année dernière 833,755 voyageurs, tandis que l'autre n'en a transporté que 694,423 (du 24 juin 1841 au 24 juin 1842). Les prix de la première ligne (22 milles ½) sont de 2 sh. 6 d., 1 sh. 6 d. et 6 d. Dans la même proportion, ceux de Manchester devraient être de 3 sh. 6 d., 2 sh. 1 d. et 8 d. au lieu de 6 sh. 6 d., 6 sh. et 4 sh. 6 d., selon le tarif actuel. Avec de tels prix, le nombre des voyageurs triplerait. Nous avons vu qu'il en coûtait sur la ligne de Glasgow à Greenock 1 sh.[21] par 100 milles[22] pour le transport d'un voyageur. Dans ce prix sont comprises toutes les dépenses, droits, taxes, etc. Sur celle de Manchester à Liverpool, le prix des dernières classes est 6 fois plus élevé par 100 milles, c'est-à-dire qu'il est de 6 sh. 5, parce que les directeurs préfèrent obliger le public à payer 6 fois plus qu'il ne serait juste, afin de s'assurer ½ pour % de profit de plus.

Il est inutile de pousser cette enquête plus loin. Vers quelque partie du royaume que nous tournions les yeux, nous trouvons les mêmes résultats. Le nombre des voyageurs est d'autant plus considérable que les tarifs sont moins élevés. Les compagnies qui ont adopté les bas tarifs font exception à la règle générale. On considère les tarifs modérés comme ceux qui rapportent le plus. 65Par modérés, on entend ceux qui ne sont pas assez élevés pour arrêter complètement la circulation. Il ne faut pas s'attendre à ce que les compagnies abaissent leurs tarifs, elles sont bien plutôt prêtes à les augmenter.

Il nous reste maintenant à développer l'application de notre théorie. Comment passera-t-on d'un tarif élevé à un tarif bas? Comment mettra-t-on la locomotion sur les chemins de fer, à la portée de toutes les classes de la société? Nous espérons que nos remarques précédentes ont démontré la vérité des propositions suivantes:

Les directeurs et les capitalistes n'ont en vue que leurs intérêts. Pourquoi en serait-il autrement? S'ils voient jour à faire le plus léger profit en augmentant leurs tarifs de 25 p. cent, ils le font. S'ils craignaient de voir une diminution minime dans leurs bénéfices par une réduction de 50 p. cent, n'attendez pas plus d'eux que de toutes autres personnes qu'ils préfèrent l'avantage du public au leur.

Les capitalistes de ce pays ont placé des sommes immenses dans la construction des chemins de fer; il est entendu que toute66 proposition qui leur ferait tort d'un liard (farthing) devrait être rejetée, qu'aucune mesure législative ne pourrait les priver de leur propriété sans qu'il y ait au préalable achat ou indemnité. Mais avant d'entrer dans des considérations de cette nature, il est nécessaire d'établir rigoureusement en quoi cette propriété consiste, son prix d'achat, sa valeur actuelle, le revenu qu'elle donne et la perte probable qui résulterait d'une baisse de ⅔ sur le prix de transport. Nous diviserons donc cette question en trois catégories.

La 1re catégorie comprendra la grande masse des chemins de fer du royaume, de ceux dont les actions sont au-dessus et au-dessous du pair, mais qui sont journellement cotées à la Bourse. On peut calculer à un shilling près la valeur de cette catégorie.

La deuxième catégorie comprendra principalement ces chemins de fer qui sont rarement sur la place ou dont la cote n'est que nominale.

La troisième catégorie comprendra ceux qui ne sont pas à présent sous l'administration directe de leurs propriétaires respectifs.

Nous croyons inutile de faire observer que la valeur des propriétés de chemins de fer change constamment. Les tableaux suivans ont été calculés lorsque les actions de presque tous les chemins de fer étaient très élevées, pendant le mois d'avril. Comme ces calculs ne sont qu'une affaire de détail, les valeurs de mois serviront aussi bien que celles de tout autre mois. (Voir ci-contre le 5e tableau).

La 2e catégorie comprend les chemins de fer dont la plus grande partie a donné des résultats fâcheux. Quelques-uns de ceux-ci ne sont pas sur la place; d'autres n'y sont que par fiction et à des prix au-dessus de leur valeur réelle; mais pour chacun d'eux, nous avons pris la valeur la plus élevée qui soit cotée, estimée ou annoncée. (Voir ci-contre le 6e tableau).

Si l'on veut examiner de nouveau le 3e tableau, on s'assurera qu'en estimant la dépense à 50 p. cent des recettes, nous sommes dans le vrai; plusieurs des chemins de fer ci-dessus indiqués ne publiant point de comptes, nous avons été obligés d'évaluer leurs recettes soit d'après le taux de leurs actions, soit d'après une estimation du mouvement de leurs lignes. Pour leurs dépenses,67 nous avons pris la moyenne de celles des autres chemins de fer. Le total en est comparativement peu élevé.

5e TABLEAU.

Etat de la valeur foncière et mobilière des Chemins de Fer Anglais.

Première catégorie comprenant vingt-quatre lignes.

Nos. ÉTENDUE
EN MILLES.
COUT
PAR MILLE.
CHEMINS DE FER. COUT
TOTAL.
VALEUR. RECETTES
EN 1842.
DÉPENSES. BÉNÉFICES
NETS.
INTÉRÊT ANNUEL
P. 100.
INTÉRÊT ANNUEL
P. 100.
d'après leur cours.
    Livres sterl.   Livres sterl. Livres sterling. Livres sterling. Livres sterling. Livres sterling. L. Sh. D. L. Sh. D.
1 112 ¼ 53,150 Londres à Birmingham 5,953,000 11,430,000 809,200 272,300 536,900 11  2  » 4  18  »
2 118 ¼ 56,365 Great Western 6,651,000 8,305,000 670,200 277,100 393,100 7  »  » 4  16  »
3 92 ¾ 27,830 South Western 2,588,000 3,650,000 314,800 141,000 173,800 6  10  » 4  15  »
4 83 ¾ 22,740 } Grand-Junction { 2,375,000 { 4,640,000 { 413,200 { 162,500 { 250,700 { 10  »  » { 4  17  »
5 18 Chester à Crewe
6 30 ¾ 50,910 Liverpool à Manchester 1,578,000 2,849,000 237,700 110,600 127,100 10  »  » 4  16  »
7 40 ¾ 62,450 Londres à Brighton 2,656,000 2,046,000 168,500 77,400 91,100 4  »  » 4  11  »
8 51 59,800 Manchester à Leeds 3,125,000 3,234,000 228,800 101,400 127,400 5  10  » 4  18  »
9 72 ¾ 45,790 North Midland 3,344,000 2,550,000 216,500 90,800 125,700 3  5  » 4  19  »
10 57 29,990 Midland Counties 1,725,000 1,263,000 135,500 78,000 57,500 3  »  » 4  16  »
11 46 34,630 Edinbourg à Glasgow 1,569,000 1,496,000 93,700 30,200 63,500 5  »  » 5  1  »
12 40 24,720 Glasgow à Ayr 1,029,000 771,000 56,700 25,400 31,300 3  »  » 4  17  »
13 22 27,820 North Union 615,000 610,000 55,800 21,400 34,400 6  13  » 5  11  »
14 25 22,400 Stockton à Darlington 560,000 975,000 85,400 35,000 50,400 15  »  » 5  10  »
15 15 22,000 Stockton à Hartlepool 330,000 590,000 67,000 27,200 39,800 9  »  » 5  »  »
16 27 24,110 York et North Midland 673,000 1,110,000 85,200 29,700 55,500 10  »  » 5  »  »
17 60 ½ 17,490 Newcastle à Carlisle 1,070,000 975,000 77,600 30,400 47,200 4  »  » 4  18  »
18 6 56,660 Dublin à Kingstown 340,000 354,000 42,400 20,600 21,800 5  »  » 5  1  »
19 25 13,800 Ulster 345,000 285,000 21,100 10,800 10,300 4  »  » 4  10  »
20 25 17,400 Brandling-Junction 471,000 410,000 40,400 18,200 22,200 4  10  » 5  5  »
21 14 ½ 37,480 Chester à Birkenhead 538,000 276,000 30,600 15,200 15,400 4  »  » 4  18  »
22 7 34,550 Newcastle et North Shields 242,000 200,000 20,500 8,400 12,100 4  »  » 5  »  »
23 16 ¾ 8,600 Dundee à Arbroath 155,000 144,000 12,100 4,900 7,200 5  »  » 5  »  »
24 7 ½ 9,470 Sheffield à Rotherham 71,000 85,000 18,700 10,900 7,800 6  »  » 5  8  »
  1,014[23]     38,003,000 48,248,000 3,901,600 1,599,400 2,302,200 6  6  7 4  19  4

6e TABLEAU.

Valeur foncière et mobilière des Chemins de Fer Anglais.

Deuxième catégorie comprenant vingt-quatre lignes.

Nos. LONGUEUR
EN MILLES.
COUT
PAR MILLE.
CHEMINS DE FER. COUT
TOTAL.
VALEUR
ACTUELLE.
RECETTES
BRUTES EN 1842.
POUR 100
PAR AN.
    Livres sterl.   Livres sterling. Livres sterling. Livres sterling. L. Sh.
1 55 26,720 Birmingham à Gloucester 1,470,000 995,000 92,300 2  10
2 48 ½ 24,180 Birmingham à Derby 1,173,000 660,000 65,000 2  »
3 45 27,300 Great North of England 1,230,000 876,000 68,200 2  10
4 52 ½ 53,600 Eastern Counties 2,737,000 1,865,000 120,000 1  4
5 3 ¾ 343,700 Londres à Blackwall 1,289,000 642,000 49,100 »  »
6 3 ¾ 273,300 Londres à Greenwich 1,026,000 679,000 54,600 »  10
7 8 ¾ 76,800 Londres à Croydon 672,000 581,000 16,000 2  10
8 66 38,350 South Eastern 2,536,000 1,804,000 180,000 2  10
9 22 ½ 32,670 Glasgow à Greenock 730,000 594,000 55,200 2  »
10 10 77,800 Manchester à Bolton 778,000 520,000 30,000 2  3
11 31 21,000 Hull à Selby 651,000 548,000 65,000 4  »
12 26 ½ 15,110 Llanelly 395,000 235,000 18,000 2  »
13 32 ¼ 25,280 Northern et Eastern 810,000 665,000 64,700 4  »
14 23 23,170 Pontop et South Shields 533,000 500,000 40,000 3  »
15 16 20,440 Leycester à Swannigton 327,000 300,000 25,000 3  »
16 19 22,730 Preston à Wyre 432,000 386,000 8,500 »  »
17 11 46,540 Sheffield à Manchester 512,000 195,000 15,000 »  »
18 30 ¼ 17,922 Taff Vale 540,000 310,000 21,000 2  16
19 16 16,620 Durham à Sunderland 266,000 180,000 31,400 2  »
20 12 ¼ 15,740 Slamannan à Airdrie 190,000 163,000 9,000 3  »
21 9 19,440 Glasgow à Gankirk 175,000 150,000 6,000 3  10
22 15 9,130 Arbroath à Forfar 137,000 105,000 7,000 3  10
23 7 22,860 Bolton à Leigh 160,000 120,000 8,000 2  10
24 7 11,860 Dundee à Newtyle 83,000 60,000 4,500 3  »
  571[24]     18,852,000 13,133,000 1,053,500  
      A déduire 50 p. 100     526,750  
        Bénéfice net 526,750

La troisième catégorie comprend les chemins de fer qui, au moyen d'un bail, sont exploités par d'autres chemins, ou qui sont administrés par des syndics. Les recettes de celle-ci sont comprises dans les deux précédentes catégories.

7e TABLEAU

3e Catégorie comprenant sept lignes.

Numéros. Longueur
en milles
COUT
par mille.
CHEMINS DE FER Coût. Valeur. Bénéfices nets. Intérêt p. cent annuel.
    liv. sterl.   liv. sterl. liv. sterl. liv. sterl. liv. sh.
1 7 8,710 Aylesbury Junction. 61,000 55,000 2,500 4
2 10 33,900 Bolton à Preston. 339,000 310,000 10,000 3
3 53 ½ 27,110 Bristol à Exeter. 1,450,000 952,000 48,000 3  10
4 18 31,390 Cheltenham et G.-Western 565,000 350,000 17,000 3
5 20 ½ 21,240 Lancaster à Preston. 435,000 380,000 15,000 3
6 18 6,940 Hayle. 125,000 100,000 5,000 4
7 20 17,000 Leeds à Selby. 340,000 360,000 13,000 4
  147[25]     3,315,000 2,507,000 110,500  

68 En analysant avec soin les trois tableaux qui précèdent, nous avons les résultats suivans:

8e TABLEAU.

Classification de la propriété foncière et mobilière des chemins de fer.

  Chemins de fers. Milles. Coût total. Valeur. Recettes brutes en 1842. Dépenses. Profit net.
      liv. sterling. liv. sterling. liv. sterling. liv. sterling. liv. sterling.
1re classe. 24 1,014 37,376,000 48,248,000 3,901,600 1,599,400 2,302,200
2e classe. 24 571 18,424,000 13,133,000 1,053,500 526,750 526,750
3e classe. 7 147 3,315,000 2,507,000 115,500 » 115,500
  55 1,732[26] 59,115,000[27] 63,888,000[28] 5,070,600[29] 2,126,150[30] 2,944,450[31]
69 La 1re catégorie coûte par mille 36,910 liv.[32].
sa valeur actuelle par mille est de 47,580[33].
La 2e catégorie coûte par mille 32,420[34].
sa valeur actuelle par mille est de 23,000[35].
La 3e catégorie coûte par mille 24,190[36].
sa valeur actuelle par mille est de 18,290[37].
1re catégorie.—Moyenne de l'intérêt en raison du nombre de lignes 6 liv. 6 sh. 7 d.[38].
Id. sur le total des recettes brutes 6       4      »
Id. au taux actuel 4       15       5
2e catégorie.—Moyenne de l'intérêt 2       17       3
Id. sur les recettes 2       18       5
Id. au taux actuel 4        »       »
3e catégorie.—Moyenne de l'intérêt 3        13       5
Id. sur les recettes 3        16       6
Id. au taux actuel 4        12       4
Moyenne bona fide de l'intérêt payé par les bonnes lignes 4        19       9
Id. suivant les prix arbitraires auxquels nous avons évalué les bonnes et les mauvaises 4        12       3

Les voyageurs contribuent aux recettes pour ⅔. L'autre tiers provient du transport des marchandises, des produits agricoles, des bestiaux, etc., etc. Le général Paisley mentionne dans son rapport annuel au bureau du commerce que le nombre des voyageurs s'est élevé l'année dernière à 19,000,000. De ce nombre, 7012 p. cent ont voyagé par des convois de 1re classe, 50 p. cent par des convois de 2e classe, et 32 p. cent par ceux de 3e classe. Ce qui fait plus de 10,000 voyageurs par mille[39].

Maintenant que nous avons évalué la propriété foncière et mobilière des chemins de fer du royaume, aussi exactement qu'il est nécessaire pour l'objet que nous voulons atteindre, il nous reste à considérer les différentes manières de traiter avec les compagnies:

La mise à exécution du premier projet rencontre une objection insurmontable, non-seulement en ce que l'Etat aurait à payer pour une perte réelle, mais encore pour une perte qui s'augmenterait des dépenses extravagantes ou de la mauvaise administration des directeurs. Il faut donc écarter ce projet.

Le deuxième projet serait plus faisable, mais il s'y rencontre deux objections: la première, c'est que les compagnies demanderaient certainement une somme considérable, 15 ou 20 millions sterling[40] pour réduire leurs tarifs de deux tiers, et, la deuxième, que le gouvernement n'y consentirait jamais. Si, néanmoins, c'est là le seul moyen d'enlever les entraves qui s'opposent à la libre circulation, il ne serait pas acheté trop chèrement. Il est inutile de s'arrêter davantage là dessus. Il y aurait 71 de la folie à augmenter de 20 millions la dette d'un pays déjà courbé sous le poids des impôts.

Il nous reste donc à examiner la troisième et dernière proposition, qui consiste dans l'achat de tous les chemins de fer, dans le paiement de leurs dettes, de leurs hypothèques, etc., etc. On achèterait les actions d'après leur cours. Si nous eussions considéré ce plan comme aussi peu praticable que les deux autres, nous aurions épargné au lecteur la peine de lire les remarques précédentes, et nous aurions adopté les conclusions de la Revue d'Edimbourg, que le mal est sans remède, et qu'il est à regretter qu'une affaire aussi importante que celle des communications intérieures ait été abandonnée à l'industrie privée.

Ce projet d'achat est-il praticable, est-il convenable, est-il juste? C'est ce que nous allons examiner.

Toute le monde doit être d'accord sur le premier point: s'il est praticable. Si le gouvernement croyait devoir acheter tous les chemins de fer du royaume, il trouverait sans difficulté l'argent nécessaire aux mêmes conditions que lui ont faites ses autres créanciers. Cette acquisition ne pourrait affecter en rien le crédit du pays. Différent des emprunts qui ne rapportent rien, celui-ci rendrait au gouvernement ce qu'il produit aujourd'hui, moins la différence résultant des changemens proposés.

Il est inutile d'entrer dans des développemens plus étendus sur ce point.

Le sujet principal que nous avons à considérer, c'est, s'il convient au gouvernement d'intervenir comme nous le proposons.

Dans nos observations précédentes, nous espérons avoir démontré les propositions suivantes; quelques-unes sont tellement évidentes qu'il est inutile de s'y arrêter plus long-temps:

Nous pensons que personne ne contestera la vérité des propositions73 précédentes; mais, afin de confirmer ce que nous avons déjà dit touchant le coût du transport, nous allons citer le témoignage des directeurs du chemin de fer de Glasgow à Greenock, qui ont adopté des tarifs très bas comme plus avantageux. Ils ont réduit leurs prix de 66 p. cent ou, ce qui revient au même, ils ont une autre classe de voyageurs au prix de 1 farthing le mille[41].

Voici ce que nous trouvons dans leur rapport du premier semestre 1842: «Nous avons prouvé que l'augmentation des dépenses qui résulte d'un nombre plus considérable de voyageurs mérite à peine d'être remarquée, et que le nombre de convois que nous avons aujourd'hui pourrait transporter moitié plus de voyageurs sans grande augmentation de dépenses.» La réduction opérée sur les places de la 3e classe a eu des résultats si heureux, que les directeurs annoncent à leurs actionnaires que si elle eût eu lieu avant le commencement de l'année, le résultat du mouvement commercial de leur ligne eût été bien différent de celui qu'ils présentent.

Dans la semaine finissant le 21 mai, le nombre des voyageurs était de 12,133
La semaine suivante, après diminution du tarif 17,332
La semaine suivante 19,621

Et toujours en augmentant jusqu'à ce que nous trouvions ce nombre atteindre le chiffre de 33,887 dans une semaine de l'été; et les directeurs assurent qu'avec un accroissement minime de dépenses, on en transporterait 50,000 par semaine. «Le nombre total des voyageurs sur toute la ligne s'est élevé, pendant le dernier semestre de 1842, à 123,349, et comme les dépenses générales n'ont pas augmenté, les bénéfices nets se sont accrus de 10 p. cent par l'adoption de la classe de 6 d.[42], bien que le ¼ des voyageurs des 1re et 2e classes aient pris les wagons de 3e classe.»

Le chemin de fer de Dublin à Kingstown nous fournira un exemple 74 encore plus frappant des résultats d'un tarif très bas, mis en vigueur, il y a deux ans. L'année dernière, la compagnie a transporté, sans augmenter en rien ses dépenses, 478,117 voyageurs de plus qu'en 1840, et ses actions de 100 livres, qui étaient à 18 p. cent. au-dessous du pair, sont aujourd'hui de 16 p. cent au-dessus.

«Les partisans des tarifs élevés de ce côté du détroit, dit un des journaux de chemins de fer, dans ses remarques sur l'assemblée semestrielle de la compagnie ci-dessus nommée, seront sans doute étonnés d'apprendre qu'il existe un prix de ½ farthing[43] par mille pour une certaine classe de voyageurs; mais le succès qui a couronné les opérations de la compagnie de Kingstown démontre qu'il n'est pas trop bas. Nous serions heureux de voir une semblable méthode adoptée par les compagnies anglaises; mais nous n'osons pas l'espérer.»

Le Journal des chemins de fer d'Herapath et d'autres papiers publics, qui s'occupent de ces voies de communication, prèchent vigoureusement l'adoption, par toutes les lignes, d'une échelle de tarif plus réduite, comme moyen d'augmenter les dividendes; mais il est inutile d'ajouter qu'ils sont loin d'approcher de la réduction que nous avons proposée.

Nous avons déjà vu que dans plusieurs cas, des tarifs très bas donnaient des résultats plus satisfaisans même que des tarifs modérés. Ceux-ci sont des exceptions à la règle générale; mais si des essais plus fréquens étaient tentés, ils réussiraient peut-être à la changer. Nous avons vu les résultats de la ligne de Blackwall; Greenwich perd 20 p. cent par semaine pour avoir augmenté son tarif d'environ 30 p. cent. Avec cette augmentation là on ne peut pas encore dire qu'il soit élevé; il appartient à la classe dite modérée.

Il serait absurde de chercher à évaluer pour chaque chemin de fer le profit ou la perte qui résulterait d'une réduction de 70 p. cent sur la moyenne des tarifs.

75 Nous venons de voir que le Blackwall gagne environ 100 liv. par semaine par la réduction de 30 p. cent dans son tarif. Il pourrait le réduire encore de 30 p. cent. sans aucune crainte de perte.

Le chemin de Dublin à Kingstown par l'adoption d'une classe à ½ farthing, ce qui constitue une diminution de 80 p. cent. a vu les dividendes, s'élever de 4 à 5 p. cent.

Le chemin de Glasgow à Greenock a beaucoup amélioré ses affaires en réduisant son tarif de 66 p. cent.

Nous sommes persuadés que beaucoup de lignes obtiendraient les mêmes résultats. Celle de Liverpool à Manchester, par exemple, n'a que deux classes. La plus élevée de 6 sh. 6 d.[44]; l'autre, à 4 sh. 6 d. Nous doutons fort qu'il en résultât pour elle la moindre perte si elle réduisait ses prix à 2 sh. 6 d., et 1 sh. 6 d. et si elle ajoutait un convoi de 3e classe à 1 sh.[45].

Une réduction de 70 p. cent sur le chemin de Londres à Birmingham diminuerait probablement, au contraire, ses recettes de 150 mille livres[46] par année.

Les recettes de la plupart des grandes lignes éprouveraient probablement une diminution proportionnée.

On peut estimer la diminution, dans les recettes totales, à 1 million sterling[47]. Nous croyons que ce chiffre dépasse de beaucoup la réalité; mais dans des supputations de ce genre, on ne saurait laisser trop de marge.

Nous ne saurions trop répéter que les prix de revient du transport par chemin de fer est aussi arbitraire que les règlemens de tous les directeurs du royaume diffèrent entre eux, et ce n'est pas peu dire; que, malheureusement, la majorité des compagnies trouvent leur intérêt à dépenser pour la traction trois fois plus qu'il ne faudrait afin de faire payer le public en conséquence; mais si elles mettaient plus d'économie dans leurs dépenses, en faisant profiter le public du bénéfice net, elles paieraient 76 un intérêt moindre à leurs actionnaires sur le capital primitif. Des compagnies qui donnent aujourd'hui 8 et 10 p. cent d'intérêt par an, ne donneraient pas plus de 6 et 8 p. cent, et ainsi des autres dans la même proportion.

On peut estimer à 200,000 liv.[48] par an l'augmentation de dépenses qui résulterait de la mise hors de service du matériel, etc.; mais, d'un autre côté, on économiserait trois cent mille livres par la réunion de 50 administrations en une seule. Il faudrait déduire de la recette la somme payée aux chemins de fer par l'administration des postes. Elle est d'à peu près 100,000 liv. par an[49]. Supposons maintenant que le gouvernement achetât tous les chemins de fer du royaume au taux élevé de 106 liv. 3 p. cent consolidés pour chaque 100 liv. de valeur de chemins de fer, et examinons quelles seraient les conséquences de ce compte:

9e TABLEAU.

Compte de l'Etat.

CRÉANCIER. DÉBITEUR.
Produit net des recettes 2,946,450 l.[50] Int. de liv. 66,311,000[52]
    3 p. 100 2,051,600 l.[53]
Réduction dans la dépense annuelle par suite de la concentration de 48 administrations en une seule 300,000[51] Somme payée par la direction des postes 120,000
    Accroissement de dépense du matériel 200,000[54]
Bénéfice que ferait la direction des postes par un transport plus facile des malles 150,000 Réduction dans le montant brut des recettes 1,000,000[55]
   Balance 25,450
Liv. 3,396,450 Liv. 3,396,450
A nouveau par balance 25,450    

Si notre projet était mis à exécution, nous ne craignons pas d'affirmer que nos calculs seraient trouvés aussi justes que peuvent l'être des calculs de ce genre; et, d'après les règles suivies dans des cas semblables, nous nous contentons de la balance de 77 25,000 liv.[56], et nous abandonnons les fractions. Nous avons cité les deux seuls exemples dans ce pays d'adoption de tarifs excessivement bas. Dans l'un, une classe de voyageurs paie 1 farthing (2 c. ½) par mille, dans l'autre, un demi farthing (1 c. ¼). Les deux compagnies qui les ont adoptés ont gagné à ce changement. Si toutes les compagnies voulaient en faire autant à leurs risques et périls, et si elles n'augmentaient point leurs dépenses, tout en transportant une quantité triple de voyageurs et de marchandises, d'après nos calculs, le profit net qu'elles ont aujourd'hui, lequel s'élève à 2,946,450 liv. ne serait plus que de 2,051,000 ou bien, en d'autres termes, l'intérêt actuel de 4 liv. 19 sh. 9 d. tomberait à 3 liv. 2 sh. 1 d., et la valeur foncière et mobilière des chemins de fer aujourd'hui de 63,888,000 liv.[57] ne serait plus que de 39,980,000 liv.[58]; ce qui vaut aujourd'hui 100 liv. ne vaudrait plus que 61 liv.

Nous le demandons au partisan le plus zélé des tarifs élevés, pense-t-il que la réduction que nous avons prise pour base de nos calculs produirait une dépréciation aussi ruineuse, si le gouvernement forçait les compagnies à baisser leurs tarifs des ⅔? Nous avons là sous les yeux le chemin de fer le South Eastern qui transporte des voyageurs à 3 farthings[59] par mille et celui l'Eastern à 2 pence[60]. Pourquoi une telle différence, si des tarifs élevés sont plus lucratifs?

Avant de balayer 50 directions, et avec elles leurs milliers de lois, d'ordonnances, de règles, de règlemens opposés les uns aux autres, se contredisant quelquefois; avant de dissoudre autant de comités d'investigation avec leurs volumineux rapports, il nous faut d'abord indiquer par qui nous les remplacerons. Quel système adopterons-nous pour administrer les chemins de fer? Nous croyons que le meilleur système à adopter serait celui de la direction des postes. Une personne distinguée également par le talent et la naissance et un membre du cabinet auraient entre 78les mains toute la direction. Ils répondraient au gouvernement de la manière dont ils rempliraient leurs fonctions. Ou bien, il serait mieux peut-être de constituer la direction comme l'a été récemment le bureau du Commerce (Board of trade). On choisirait le président dans la Chambre des Pairs, et le vice-président dans la Chambre des Communes.

Nous proposons 4 classes de voyageurs:

La 1re classe: 1 penny par mille[61].
La 2e classe: 3 farthings id.[62].

Ces 2 classes voyageraient par le même convoi à la vitesse de 25 milles (10 lieues) par heure y compris les stations.

La 3e classe: ½ penny par mille[63].
La 4e classe: 1 farthing id.[64].

Ces deux classes de voyageurs voyageraient par le même convoi à la vitesse de 15 milles (6 lieues) par heure y compris les stations. Il y aurait deux départs par jour aux heures les plus convenables pour les classes ouvrières.

Ce n'est point dans le but d'empêcher les gens de voyager par ce dernier convoi que je demande qu'il aille plus lentement; c'est parce que les voyages à grande vitesse occasionnent une double dépense par l'usure des wagons et l'effet des frottemens. Nous voudrions que les voitures de 3e classe fussent fermées comme celles de 2e classe; on ne paierait que la différence de vitesse. En examinant le tableau suivant, extrait de l'ouvrage de Nicholas Wood sur les chemins de fer, nous verrons qu'une locomotive qui traînera un fardeau de 125 tonn. avec une vitesse de 15 milles par heure n'en traînera qu'un de 25 tonn. si l'on double la vitesse. Le tableau suivant indique les différentes proportions de poids et de vitesse:

79

10e TABLEAU.

Puissance d'une locomotive ordinaire.

Poids en tonn. Milles. Milles Poids en tonn.
25 30.90 10 250
50 25.15 12 ½ 184
75 22.54 15 138
100 18.18 17 ½ 106
125 15.98 20 83
150 14.29 22½ 65
175 13.28 25 50
200 11.20 27 ½ 38
225 10.77 30 28

Ainsi donc, une locomotive qui traînerait 138 tonn. avec une vitesse de 15 milles par heure ne pourrait traîner que 50 tonn. avec une vitesse de 25 milles[65]. L'usure causée par le frottement est plus considérable. Il y a donc dans le fait, en proportion, autant de profit dans le transport des voyageurs qui paient 1 farthing[66] par mille que dans le transport de ceux qui paient un penny[67]. Si l'on transportait les 2 classes avec une vitesse égale, ou l'on commettrait une injustice envers la 1re classe en la transportant trop lentement, ou l'on perdrait sur le transport des deux dernières classes.

Nous ajouterons à ces 4 classes le convoi de la poste, pour les voyageurs de 1re classe seulement. Le prix serait de 2 pence[68] par mille, la vitesse de 35 milles[69] par heure y compris les stations. Ce serait là un grand avantage pour ceux qui par goût, ou par nécessité voudraient voyager très rapidement. Ce mode de transport plus exclusif conviendrait beaucoup aux sentimens aristocratiques d'un grand nombre de personnes.

Jusqu'à présent, nous n'avons considéré les recettes que dans leurs rapports avec le bien général, autant du moins qu'une réduction 80 immédiate dans les tarifs pourrait le servir. Il nous reste à considérer maintenant les bienfaits indirects que le pays retirerait du changement que nous proposons.

Avec le système qui régit nos chemins de fer, il n'est guère possible d'exécuter l'admirable plan de réforme postale de M. Rowland Hill à moins que le gouvernement ne consentît à faire le sacrifice d'une portion considérable du revenu direct. On n'a pas oublié que nous avons déduit des recettes une somme de 120,000 liv.[70] que la direction des postes paie aux compagnies pour le transport des malles, de sorte que la direction l'aurait dans son département. D'un autre côté, nous avons porté au crédit une somme de 150,000 liv.[71] à laquelle nous estimons l'accroissement du revenu des postes au moyen des facilités plus grandes créées pour le transport, puisque la direction aurait le pouvoir d'envoyer à toute heure et sans surcroît de dépenses, ses malles-postes dans toutes les directions.

Des 55 chemins de fer que nous avons désignés, la direction des postes n'a de rapport qu'avec la moitié d'entre eux y compris le South Eastern, l'Eastern, Northern et Eastern. Elle en emploie 20 environ d'une manière assez irrégulière, et il n'y en a que cinq sur la totalité qui servent au transport des malles-postes; et ces 5 chemins reçoivent environ les ¾ de la somme payée. Que coûterait-il à la direction des postes d'envoyer autant de malles par les autres lignes que par celles-ci? Elle paie annuellement pour le transport de ses dépêches à la compagnie de Birmingham à Gloucester (55 milles) 10,156 liv.[72]. Aux chemins de fer dont les noms suivent: Carlisle à Newcastle (60 milles), Stockton à Darlington (25 milles), Great North of England (45 milles), Londres à Brighton (50 milles), Manchester à Leeds (60 milles) qui forment un total de 240 milles[73] de longueur, la direction ne paie annuellement que 2,994 liv.[74], c'est-à-dire le 81tiers de ce qu'elle paie à une seule ligne qui n'a que 55 milles de long. Il est certain que la direction des postes dépensera toujours le moins qu'elle pourra, et il en résulte qu'elle se sert des chemins de fer le moins possible. Quels que soient les avantages que le public pourrait recueillir de la mise à exécution dans toute son étendue du plan de réforme de M. Rowland Hill, ce plan entraînerait le gouvernement à faire des sacrifices plus considérables qu'il ne le voudrait. Si au contraire les chemins de fer appartenaient au gouvernement, non-seulement l'Etat gagnerait ce qu'il paie aujourd'hui pour le transport de ses dépêches, mais il pourrait encore achever de développer dans toute son étendue la réforme postale de M. Rowland Hill.

Le changement que nous proposons est, sous quelques rapports, bien que dans des proportions plus restreintes, analogue à celui de cette réforme. Il n'est pas inutile d'examiner quoi leurs principes diffèrent ainsi que la nature des circonstances au milieu desquelles ils sont placés. Nous verrons en même temps si les résultats produits par la réforme postale, peuvent être cités pour ou contre celle que nous proposons, sous le rapport financier.

D'abord, dans le plan de M. Rowland Hill, le port des lettres était réduit au 6e de ce qu'il était avant, et la diminution des recettes qui en fut la conséquence s'éleva à 900,000 liv. (22,500,000 fr.) Dans la réforme du système des chemins de fer que nous proposons, la réduction ne va qu'aux deux tiers, et nous avons estimé le déficit qui s'en suivrait dans les recettes à 1 million sterling (25 millions de fr.).

Ensuite le plan de M. Rowland Hill, sous le rapport financier, n'a pas répondu aux espérances que l'on en concevait, parce que l'on a adopté le principe d'un droit fixe, au lieu d'un droit proportionnel qui eût été dans ce cas-ci le plus avantageux. Un tarif de ports de lettres variant de 1 penny à 3 pence (de 10 à 30 centimes), selon les distances, aurait produit un revenu plus considérable et aurait été plus en harmonie avec les bons principes d'économie politique et le bon sens.

En admettant même que les vues de M. Rowland Hill soient justes sous le rapport du prix payé pour le port d'une lettre par celui qui l'écrit, il n'a pas pris en considération la valeur que82 cette lettre avait pour celui qui la reçoit. Si un marchand a deux articles de différentes qualités qui lui coûtent le même prix, il fera autant d'attention à leur valeur relative aux yeux de l'acheteur, qu'à ce qu'ils lui ont coûté. Un individu accoutumé à payer dans un endroit 1 sh. 6 d. (1 f. 85 c. ½) le port d'une lettre, et dans un autre 6 d. (62 c. ½) et qui peut continuer sa correspondance moyennant le 6e du prix qu'il payait auparavant, n'écrira probablement pas une lettre de plus parce que la réduction est d'un 18e; la différence est donc perdue pour le gouvernement. Si l'on veut jeter un coup d'œil sur le 3e tableau, on verra que sur la route de Glasgow à Greenock, si le nombre des voyageurs triplait, le coût du transport d'un voyageur, pour une distance de 100 milles (160 kilom. ou 40 lieues), serait de 6 d. Le coût de la traction seule ne serait que de 3 d.; mais la part des dépenses d'administration, de taxe, d'impôts, etc., monterait à 3 d. de plus. Maintenant, un voyageur serait-il raisonnable d'exiger que l'on ne fit payer le transport que d'après le prix de revient à la compagnie, exclusivement, parce que l'on pourrait le transporter pendant 100 milles pour 6 d., soit, par exemple, de Londres à Liverpool, pour 2 sh. 2 d. (2 fr. 70 c.), au lieu de 27 sh. (35 fr. 75 c.) qu'il paie aujourd'hui?

Voilà en quoi notre plan diffère beaucoup de celui de M. Rowland Hill. Ses calculs ont été basés seulement sur la dépense faite par le vendeur; dans les nôtres, la valeur reçue par l'acquéreur est prise également en considération.

Il y a une différence totale de position dans les deux cas. Par la réforme de la taxe des lettres, le déficit dans les recettes qui a été de 900,000 liv., est une perte positive pour l'Etat, et il faut la combler par d'autres taxes directes. Par la réforme que nous proposons, les revenus de l'Etat ne peuvent pas perdre un simple farthing. Le revenu que le Gouvernement tire des chemins de fer est d'environ 200,000 liv. (5 millions de fr.) Non-seulement nous laissons cet article dans les dépenses, mais encore nous déduisons des recettes la somme payée par la direction des postes. Le Gouvernement ne perdrait donc en effet par la réduction des tarifs que ce qu'il gagne aujourd'hui avec ceux en vigueur.

83 Le crédit du Gouvernement lui permet d'emprunter à un taux peu au-dessus de 3 p. cent. L'actionnaire d'un chemin de fer ou de toute autre entreprise sujette à spéculation, ne veut pas placer son capital à un taux moindre de 5 p. cent. La solidité du placement est le premier objet du capitaliste; l'intérêt vient ensuite.

Des actions de chemin de fer qui aujourd'hui valent 100 liv., peuvent, dans un an, ne pas valoir 50 liv. C'est de là que vient la différence entre un intérêt incertain et soumis à de continuelles fluctuations qui mettent en danger le capital, et la fixité comparative des capitaux garantis par l'Etat.

Ces vérités sont hors de doute. On a observé avec raison que les capitaux, aussi bien que l'eau, trouvent toujours leur niveau. Le porteur de rente qui ne reçoit que 3 p. cent pour son argent placé dans les consolidés, pourrait vendre et acheter des actions de chemin de fer qui lui rapporteraient 5 p. cent, ou à peu près, dans les meilleures lignes. S'il ne le fait pas, n'est-il pas évident que le premier placement est à ses yeux meilleur que le second? Les compagnies d'assurances sont dans ce pays les établissemens qui donnent les plus beaux bénéfices. On dit que l'Equitable, qui est la plus riche corporation du monde, a un capital de plus de 15,000,000 sterling (375 millions de fr.). Ce capital provient des bénéfices qu'elle a faits en assurant les particuliers contre tous risques. Les différentes compagnies d'assurances après avoir payé au Gouvernement plus d'un million sterling (25 millions de fr.), chaque année, partagent d'énormes bénéfices entre leurs actionnaires. Il suffit de jeter un coup-d'œil sur la cote de leurs actions pour avoir une idée de leur valeur. Et d'où viennent ces bénéfices? De l'anxiété du public pour assurer ses propriétés, et de ses dispositions à payer plus qu'il ne serait nécessaire pour couvrir les risques. Un placement de fonds dans les chemins de fer est dans le même cas. Échangez vos actions contre des 3 p. cent, et ces 3 liv. 2 sh. certains que vous recevrez valent autant que les 4 liv. 19 sh. 9 d. incertains que vous receviez. Les valeurs que ces deux placemens représentent sont identiques; la différence forme une prime d'assurances. Le gouvernement ferait donc un bénéfice clair en recevant une prime84 de 895,000 liv. (22,375,000 fr.) pour la garantie qu'il donnerait au capital et aux intérêts. Cette prime comblerait le déficit présumé qu'occasionnerait l'abaissement des tarifs.

Le lecteur versé dans les affaires comprend parfaitement tout ceci; mais cette explication était nécessaire pour ceux qui ne connaissent pas la nature de notre système monétaire.

Nous croyons avoir démontré qu'il y a bien peu de rapport entre la réforme postale de M. Hill et la nôtre pour les chemins de fer. On ne peut pas prévoir quels seraient les résultats financiers de notre proposition, d'après ceux de la réforme postale, parce que ces deux réformes ne sont pas placées dans les mêmes circonstances, et parce que les principes sur lesquels elles sont fondées sont différens. La réforme commerciale introduite par M. Hill a produit sans doute un bien infini, mais qui ne peut atteindre ses dernières limites qu'autant que les malles-postes seront transportées gratis dans tous les bourgs et villages. Pour cela il faudrait que le Gouvernement se déterminât à faire le sacrifice d'une grande partie de son revenu.

Notre plan de réforme produirait encore un bien immense par les secours qu'elle donnerait à des millions de malheureux qui sont dans l'impossibilité de payer pour se transporter là où ils trouveraient des secours, et qui tombent, par suite de cette impossibilité, à la charge de leur paroisse. Leur transport ne coûterait rien au gouvernement, et l'argent que les pauvres coûtent aujourd'hui serait une économie pour le pays tout entier.

Il existe encore une autre classe d'individus que nous ne devons pas oublier. Elle est malheureusement considérable dans ce pays, aussi bien que dans tous les autres. C'est celle du pauvre ouvrier qui ne peut pas même payer un liard (farthing) par mille pour son transport lorsqu'il est en quête d'ouvrage et de pain, et qu'il est trop fier pour demander des secours à sa paroisse.

Nous ne devons pas passer sous silence une considération importante; c'est l'économie que le gouvernement ferait dans le transport des troupes, des officiers publics, des employés d'administration,85 des courriers, du matériel de la guerre et de la marine, etc. Elle serait considérable.

Nous ne nous sommes occupés jusqu'à présent que des avantages que le public retirerait des changemens que nous proposons; il ne faut pas oublier cependant qu'il existe d'autres intérêts, ceux de l'actionnaire, qui doivent être protégés. Voyons s'il aurait raison de se plaindre d'être exproprié nolens volens.

Plus qu'aucune autre propriété, celle des chemins de fer a été créée par le parlement. Un chemin de fer, à l'aide du pouvoir qui lui donne l'existence, se fraie une route à travers les terres, malgré la volonté de ceux qui les possèdent; il détruit la beauté des domaines, il renverse les maisons de fond en comble, arrache les arbres et poursuit sa course sans jamais dévier de la ligne droite, jusqu'à ce qu'il ait atteint son but. Il a fait des ravages qu'aucune indemnité ne saurait compenser aux yeux de beaucoup de gens.

De toutes les propriétés existantes il n'en est aucune qui ait moins le droit d'être privilégiée, si le besoin public exigeait que l'Etat la réglât par son intervention; ceux qui la possèdent ne peuvent donc demander aucun privilége. Cette propriété est constamment sur la place, elle change constamment de mains. Elle n'est considérée que comme placement de fonds, et les fluctuations que sa valeur éprouve la rendent incertaine, même pour une semaine.

On se rappellera que j'avais divisé les chemins de fer en deux grandes catégories, parce que leur évaluation était basée sur des principes différens.

Dans la première catégorie, j'ai compris la grande majorité des chemins de fer qui ont donné de bons résultats, avec quelques-uns d'un ordre inférieur dont les actions sont constamment sur la place, ici ou ailleurs. Leur valeur peut être fixée tout de suite à 100 liv. près. Cette catégorie ne présente donc aucun obstacle à la mise à exécution du plan proposé.

Pour la seconde, c'est un peu différent. Elle comprend tous ces chemins de fer qui n'ont pas réussi, qui paient peu ou point d'intérêt. Pour la plupart, leurs actions ne sont pas cotées, et86 à peine, sur vingt-quatre, y en a-t-il six ou huit qui donnent lieu à des transactions publiques. On doit s'attendre à ce qu'une propriété qui coûte autant et qui rapporte si peu n'a pas, aux yeux de ses détenteurs, une valeur égale à celle qui donne de gros intérêts. On fait donc très peu d'affaires sur ces chemins de fer. Par exemple: le Birmingham à Derby, le Birmingham à Manchester, le Manchester à Leeds, le Birmingham à Gloucester, d'après leurs cotes, ne doivent pas payer plus de 3½ p. cent d'intérêt à leurs acheteurs, tandis que la meilleure ligne du royaume, le Stockton à Darlington, paie environ 6 p. cent à l'acquéreur de ses actions, au taux actuel. Ses actions, primitivement de 100 liv., rapportent 15 p. cent, et leur valeur, suivant le cours, est de 255 liv. La compagnie de Manchester à Birmingham paie 2 p. cent, et le cours officiel de ses actions est de 22 liv., tandis que leur prix d'émission est de 40 liv. En résumé, le gouvernement devrait payer les actions au prix du cours, quel qu'il fût, sans prendre en considération le taux de l'intérêt, ou même si les actions en rapportent un. Le Blackwall ne paie aucun intérêt; il serait donc difficile d'évaluer une propriété qui ne rapporte rien et qui impose de grandes obligations à ceux qui la possèdent. Le Greenwich est à peu près dans la même situation. Le dividende est, pour ainsi dire, nominal, car il est payé au taux de 10 sh. (12 fr. 50 c.) par an. Les dividendes de plusieurs compagnies ont tellement l'air de fictions, que ces compagnies feraient mieux de suivre l'exemple du Blackwall et de n'en pas annoncer. Il y a, dans les chemins de fer ruinés ou à peu près, qui sont épars sur la surface du royaume, un vaste capital enterré, appartenant à des propriétaires, à des prêteurs hypothécaires, qui ne rapporte rien et qui ne peut être liquidé. Ne serait-ce pas un grand bonheur pour ces gens-là de pouvoir en faire de l'argent d'après sa valeur nominale, ou bien d'après celle qu'ils lui donnent. Il existe dans la première catégorie plusieurs lignes dont les propriétaires seraient charmés de liquider de cette manière leur propriété. Cette propriété, qui n'a aucune valeur considérée comme source de revenu (et ce n'est que sous ce rapport qu'elle n'a pas de valeur pour les actionnaires), en aurait une immense87 pour l'Etat, même sous le point de vue financier. Elle est sans valeur pour les détenteurs actuels, non pas tant parce qu'elle ne possède aucun mérite intrinsèque, que parce que les bénéfices sont absorbés par des emprunts considérables, souvent à 6 pour cent, tandis que le gouvernement ne paierait que la moitié de ce prix.

L'esprit d'entreprise souffrira-t-il dans ce pays, si le gouvernement devient acquéreur des chemins de fer, à l'exclusion de tout autre individu? La bonne-foi nationale sera-t-elle accusée, la confiance publique ébranlée, parce qu'un malheureux actionnaire de Stockton à Darlington ou de Londres à Birmingham ayant placé, il y a dix ans ou vingt ans, un capital dont il aura tiré jusqu'à ce jour 10 ou 15 p. cent par an, devra en recevoir le remboursement au cours actuel, c'est-à-dire sera forcé d'accepter la double ou le triple de ce que sa propriété lui a coûté!

Des offres libérales éviteraient au gouvernement l'embarras de négocier un emprunt qui rapporterait probablement aux soumissionnaires une prime de 2 p. cent. Le dernier emprunt a été soumissionné, par M. Jaubert, au taux de 107 liv. 5 sh. 8 d. 3 p. cent pour 100 liv. Les consolidés étaient alors à 3 p. cent plus bas qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Il existe encore une considération qui doit être constamment présente à l'esprit du législateur qui a en vue la moralité et le bonheur du peuple confiés à ses soins. Il doit, autant que possible, le garantir de la tentation de spéculer, qui est opposée au véritable esprit des affaires, et qui a des effets si désastreux pour ceux qui s'y livrent. Il y a malheureusement dans ce pays une classe nombreuse d'individus pour laquelle les spéculations dans les chemins de fer présentent de grandes tentations. Les cours des actions de chemins de fer éprouvent des fluctuations continuelles sur la place; ils sont soumis, jusqu'à un certain point, aux opérations des joueurs à la baisse et à la hausse, et par cela même, ils remplissent parfaitement le but des coulissiers. Il existe ensuite une autre classe d'individus plus digne de notre sympathie, qui place ses fonds dans les chemins de fer, attirée par l'appât du haut intérêt qu'ils paient; il serait impossible de calculer le nombre de ceux qui se ruinent par suite de la dépréciation88 que cette valeur éprouve. Nous avons donné la nomenclature de ces chemins de fer dans un but différent; il serait donc inutile d'y revenir. A-t-on une idée du nombre de familles qui ont été ruinées par le chemin de fer de Greenwich, depuis le temps où ses actions étaient à 25, jusqu'à l'époque où elles sont tombées à 5, ne payant qu'un intérêt fictif; ou bien par celui de Blackwall, dont les actions de 2 ou 3 au-dessus du pair qu'elles étaient dans l'origine, sont tombées au taux minime où nous les voyons à présent! Depuis l'année dernière ces actions sont tombées d'environ 60 p. cent. Mais ces ruineuses dépréciations n'atteignent pas seulement les chemins de fer qui n'ont pas réussi; les actions du Grand-Junction étaient, il y a deux ou trois ans, à 240 liv.; elles payaient 14 p. % d'intérêt; elles sont aujourd'hui à 200 liv. et donnent 10 p. cent. D'un autre côté, quels sont les résultats des effets opposés, lorsque des actions ont augmenté de valeur et que leur vente a fait gagner à leurs détenteurs 20, 30 ou 50 p. cent? L'honnête homme devient un spéculateur déterminé: il attribue à sa sagesse ce qui est l'effet du hasard. Ses prévisions peuvent ne pas être aussi heureuses dans la suite, et après avoir éprouvé toutes les vicissitudes de jeu, il termine sa carrière comme tous les joueurs, par une banqueroute.

Dans notre opinion, rien ne saurait être plus pernicieux que de semblables influences; elles détruisent la moralité et les habitudes d'ordre d'une nation. Dans la situation actuelle, deux parties intéressées agissent constamment en sens inverse sur une valeur de plus de 60 millions sterling (1 milliard 500 millions de fr.), et cette valeur est tour à tour augmentée ou dépréciée, selon les intérêts de la partie la plus puissante. Ne vaudrait-il pas mieux que ceux qui ont placé de bonne foi leurs capitaux dans ces entreprises, retirassent un intérêt sûr d'un capital comparativement fixe, que de courir de semblables risques et d'être constamment en danger de se ruiner?

Chez une nation aussi commerçante que la nôtre, les spéculations et les marchés à termes auront toujours lieu sur une grande échelle; mais le gouvernement doit circonscrire leur fatale influence parmi les personnes qui s'y livrent habituellement, et89 empêcher l'honnête homme d'être victime de transactions souvent frauduleuses.

Dira-t-on que si le gouvernement ne peut pas détruire entièrement ce genre de spéculation, il ne doit rien faire pour l'arrêter. Quel est le mal que l'on puisse extirper radicalement? Parce que nous ne pouvons pas déraciner l'arbre, nous est-il défendu de couper ses branches? Parce que nous ne pouvons pas empêcher le crime, devons-nous nous abstenir de le punir? Parce que nous ne pouvons pas empêcher le jeu, faut-il que nous tolérions les maisons de jeu? Le devoir du gouvernement est de frapper ferme et fort sur tous les maux de ce genre, toutes les fois qu'il en a l'occasion comme aujourd'hui.

Nous avons presque terminé cette longue série de faits, de citations, d'argumens, et nous craignons d'avoir épuisé la patience de nos lecteurs. Notre excuse est tout entière dans l'importance du sujet qui intéresse plus ou moins tous les membres de la société.

D'après les faits que nous avons cités, et les opinions que nous avons imprimées, on doit voir que nous avons cherché à établir la vérité des propositions suivantes; nous espérons avoir réussi dans la tâche que nous nous sommes imposée:

Si nous jetons un coup-d'œil sur les pays étrangers, nous91 verrons qu'ils nous ont surpassé dans la manière d'établir et de conduire leurs chemins de fer. Nous avons déjà eu occasion de citer la Belgique. Les gouvernemens de France, d'Autriche, de Russie, de Prusse, de Hollande et les états de l'Allemagne regardent ces entreprises comme tellement importantes, qu'ils les ont fait diriger par l'Etat, ou qu'ils ont donné toute espèce d'encouragemens aux capitalistes, à condition que leurs tarifs seraient très bas. En Angleterre, on a suivi une ligne de conduite diamétralement opposée: le gouvernement n'a fait aucune construction de chemin de fer, et n'a accordé aucun secours à ceux qui ont entrepris ces nouvelles routes. Quelle en a été la conséquence? C'est que l'on extorqué a des capitalistes des millions qui ont été dépensés en sollicitations auprès des Chambres, ou à écarter des compagnies rivales. On ne peut pas avoir oublie les rivalités que la ligne de Brighton a soulevées. Il y avait quatre compagnies, et leurs dépenses parlementaires, pour une seule année, se sont élevées à plus de 100,000 liv.[75]. En voici le détail par une personne engagée dans l'affaire: «Nous avions vingt conseillers, dirigés par six sergens du roi et conseils du roi; nous avions un régiment de vingt avoués des plus éminens, flanqués par une brigade d'agens du parlement; et, en outre, il y avait une armée d'ingénieurs, dont la principale affaire était de se contredire les uns les autres, ce pourquoi les hommes de loi leur prêtaient main-forte avec la plus grande cordialité.» Ceci n'est que la contre-partie de ce qui a eu lieu, plus ou moins, sur chaque ligne. Que de millions on aurait alors épargnés aux actionnaires, si le gouvernement eût tracé les meilleures lignes, et les eût offertes aux enchères à la compagnie qui aurait proposé le tarif le plus bas! Il faut reconnaître néanmoins que le gouvernement a agi avec impartialité envers tous. S'il a laissé dépouiller le capitaliste, il ne pouvait pas, en toute justice, l'empêcher d'en faire autant aux autres lorsqu'il a eu en mains le pouvoir de le faire. Pour accorder à chacun ce qui lui est dû, il faut convenir que le capitaliste n'a pas été long-temps sans 92 l'exercer, ce pouvoir, et qu'il rend maintenant avec usure à la société les faveurs qu'il en a reçues.

N'est-il pas extraordinaire que dans un pays comme le nôtre, où tous les membres de l'administration, depuis le premier ministre jusqu'au bedeau de la paroisse, sont responsables de leurs actes, il existe une soixantaine de corporations, responsables seulement envers leurs actionnaires, qui ont le pouvoir de taxer le public ad libitum, et qui ne cessent d'augmenter leurs tarifs qu'au moment où ces augmentations cessent de leur être profitables; qui sont forcées d'agir ainsi par devoir, et de soutirer de la nation autant d'argent qu'elles peuvent, quelles que soient les conséquences de ce système pour le pays? Le voyageur est forcé littéralement de se soumettre à tous les règlemens, lois et charges qu'il convient à 50 fois 12 ou 24 individus, respectables sans doute, de lui imposer pour leurs bénéfices.

Le total des recettes de tous les chemins de fer s'élève à 5,072,600 liv.[76].
Le tiers de cette somme serait 1,690,800
Différence 3,381,800 liv.

La partie du public qui est obligée de se servir de chemins de fer serait donc soulagée de cette somme, ou au moins de 3,000,000[77].

Il est impossible de calculer le nombre d'individus que l'adoption de notre plan engagerait à se servir des chemins de fer. Mais qui pourrait calculer, non pas ce que l'on a tiré des malheureux avec le système actuel, mais la perte qu'ils ont éprouvée dans leur temps, leur santé, leur industrie et leur confort? Ils ont été obligés de sacrifier des heures précieuses lorsque des minutes auraient suffi; ils n'ont pu aller chercher ailleurs des moyens d'existence qui leur étaient refusés autour d'eux. Voilà l'impôt dont on les dégrèverait: que les calculateurs en fixent l'importance!

Nous sommes persuadés que beaucoup de personnes diront 93qu'il y aurait folie à discuter une semblable question et qu'elle ne mérite même pas l'attention du gouvernement. Si les principes que nous avons défendus sont vrais, si les faits que nous avons cités existent, si nous en avons tiré des conclusions logiques, pourquoi le gouvernement ne tournerait-il pas son attention vers ce sujet? Si, au contraire, nous avons examiné ce sujet sous un faux point de vue, si notre projet est l'œuvre de visionnaire, si les faits que nous avons avancés sont erronés, et nos conclusions fausses, alors le gouvernement a encore le devoir, plus qu'aucune autre partie, de porter attention à notre projet afin d'en faire justice.

Mais nous croyons notre projet de réforme utile, praticable et juste. A tout évènement, il mérite d'être examiné; et s'il peut produire un grand bien, aucune époque n'en aura eu plus besoin.

Il ne serait ni difficile ni dispendieux de faire un essai de notre système; il s'agit de commencer par un chemin de fer. Le Blackwall, par exemple. Les directeurs se prêteraient volontiers à un arrangement équitable avec le gouvernement. Les prix seraient 2 pence pour la 1re classe et 1 penny pour la 2e[78]. Nous doutons beaucoup qu'il y ait un déficit dans les recettes; mais si elles baissaient d'un tiers seulement, nos données seraient correctes, puisque la différence serait balancée par la diminution d'intérêt. S'il est prouvé que l'on peut voyager sur ce chemin de fer au tiers du prix que l'on paie à présent, que personne ne perd et que tout le monde gagne au change, on essaiera le système sur un autre: le Liverpool à Manchester. Que ce chemin de fer, qui n'est ouvert au public que comme l'est la Taverne de Londres, le soit réellement. Que le prix de 1re classe soit de 2 sh. 6 d. et 1 sh. 8 d., et la 2e classe 1 sh. 3 d. et 8 d.[79]. Si cette seconde expérience réussit, on pourra en essayer une dernière sur le chemin de Londres à Birmingham.

94 Supposons un instant que notre première expérience ne réussit pas et que les rapports entre le prix de l'objet et la quantité consommée ne fussent pas ceux que nous avons indiqués. Le chemin de fer Blackwall a augmenté son mouvement en réduisant ses prix de 8 d. et 6 d. à 6 d. et 4 d. Supposons qu'une réduction plus forte n'amène aucun résultat parce que les voyageurs préfèrent payer 6 d. et 4 d. au lieu de 2 d. et 1. Admettons tout cela. Serait-il moins nécessaire de faire une expérience qui coûterait aussi peu à la société et qui peut en cas de succès lui rendre d'aussi grands services?

Nous regardons cette mesure non-seulement comme utile, mais encore comme pouvant dégrever le pays d'une taxe directe qui n'est pas moindre de 3,000,000 liv.[80], et donner au commerce et à l'industrie une grande extension au moyen des nouvelles facilités accordées à la circulation. Nous avons la confiance de n'avoir pas à nous reprocher d'avoir donné trop d'importance au sujet; nous ne regardons pas notre réforme comme une panacée qui doit guérir tous les maux du pays, mais comme une mesure capable de rendre de grands services. La législature n'a pas une puissance sans limites; il ne lui est pas donné de maintenir une prospérité invariable. Elle ne peut pas régler les moissons et faire qu'elles soient abondantes toutes les saisons; attendons qu'elle ait ce pouvoir pour exiger qu'elle nous donne une prospérité uniforme.

C'est à l'administration précédente que le pays doit la réforme postale; mais elle l'avait refusée trop long-temps et elle l'a accordée de trop mauvaise grâce pour que l'on puisse lui en savoir gré. Elle a été accordée aux instances du pays, et c'est une majorité composée également de ses adversaires et de ses partisans qui l'a votée dans la Chambre des Communes. Les jours de ceux à qui nous devons ce bienfait étaient déjà comptés, leur carrière touchait à son terme, et on attribua cette concession de leur part bien moins au désir de servir leur pays qu'à celui de soutenir leur fortune chancelante. Il n'existe pas la moindre analogie entre la position de la présente administration et celle de l'administration 95 qui l'a précédée. Elles sont placées au milieu de circonstances très différentes. Le gouvernement qui a eu le courage moral d'imposer les taxes les plus détestées et les plus inquisitoriales lorsque la nécessité l'exigeait, ne sera pas accusé de rechercher seulement la popularité en rendant à la nation un service aussi important que celui de mettre la circulation à la portée de tout le monde.

Personne ne peut douter que le monde en général ne retire de grands avantages des nouvelles voies de transport. Par elles les provinces les plus éloignées deviennent étroitement liées avec la capitale. De plus, elles font tomber les barrières qui séparent les nations, elles unissent la capitale d'un état avec celle d'un pays étranger, et elles convergent rapidement vers un des grands buts de l'existence humaine, la connaissance de notre semblable. C'est ainsi que ces deux gigantesques pionniers de la civilisation et de la science, la machine à vapeur et le chemin de fer se feraient chaque jour de nouvelles voies et pénètrent dans des régions presque inconnues. L'univers est leur domaine, ils sont indigènes partout, toute forme de gouvernement leur est indifférente. Ils s'élancent à grands pas à travers les forêts désertes de l'Amérique, les steppes arides de la Russie, les bords romantiques du Rhin ou les plaines fertiles de la Lombardie. Plus nous apprécions les sages desseins de la Providence qui veut que tous les hommes se regardent comme les membres d'une grande famille, plus nous devons faire d'efforts pour étendre l'usage de ce qui semble destiné à accomplir ce grand objet.

Ce sujet embrasse encore d'autres considérations que nous ne ferons qu'effleurer. Aucun homme de sens ne peut douter que la science ne se propageât plus facilement, que la religion et la moralité ne s'étendissent davantage au moyen d'une plus grande facilité de communication avec les parties de notre pays qui en ont le plus besoin. Les témoignages recueillis devant la dernière commission parlementaire créée pour s'enquérir de l'état des enfans dans les districts manufacturiers et dans les mines offrent un tableau déplorable de l'immoralité et de l'ignorance qui existent dans les districts les plus peuplés. L'influence que des moyens de communications comparativement libres exerceront pour détruire96 ces maux est admirablement bien décrite par ces paroles d'un homme d'état distingué qui, plus que personne au monde, a le pouvoir de faire triompher ses vues à ce sujet[81]: «La machine à vapeur et le chemin de fer, a-t-il dit, dans une solennité importante, ne facilitent pas seulement le transport des marchandises d'un pays à un autre; ils font bien plus, ils développent les rapports de l'intelligence avec l'intelligence; ils font naître le besoin de la science, et la font accourir de tous les coins de l'empire. Ils tendent d'autant plus puissamment à la culture de l'esprit qu'ils améliorent davantage les pouvoirs physiques du pays.»

RÉSUMÉ.

Ceux qui n'ont pas le loisir ou l'inclination de parcourir les pages précédentes, et d'examiner les détails statistiques que j'ai donnés pour démontrer l'urgence d'introduire une réforme radicale dans notre système de chemins de fer, seront peut être bien aises d'avoir un résumé des argumens et des faits que j'ai avancés pour établir la nécessité et la possibilité des changemens que j'ai proposés.

J'ai cherché à établir la nécessité d'un examen des principes sur lesquels notre système de chemins de fer est fondé, et de la manière dont ils sont exploités. J'ai démontré l'existence d'abus qui sont tellement notoires qu'il suffit de les rappeler, sans qu'il soit besoin d'autres preuves. Voici quels sont les principaux d'entre eux:

Tels sont les principaux moyens vexatoires employés par les compagnies, et que nous avons prouvés par des documens statistiques.

Nous avons établi qu'une réforme radicale est indispensable, et que le pays ne retire pas des chemins de fer tous les avantages qu'ils peuvent donner. Nous avons remonté à la source du mal: c'est que l'Etat a accordé à des particuliers le contrôle et la direction des grandes voies de communication intérieure, pour qu'ils en tirent tous les bénéfices possibles.

Nous avons prouvé l'inutilité d'attendre des compagnies des améliorations au système en vigueur, à l'aide des deux faits suivans, qui ont été publiés par un comité de la Chambre des Communes, et qui n'ont pas encore rencontré de contradicteurs:

La compagnie de Londres à Brighton était dans ce cas; mais ses tarifs dépassaient tellement toute limite, que des services de voitures s'établirent de nouveau, ce qui força la compagnie à réduire ses prix une seconde fois.

Or donc, puisqu'un tarif élevé donne plus de bénéfice, et que c'est le système en vigueur sur les chemins de fer en cours de prospérité, il n'est guère vraisemblable que les compagnies réduisent leurs prix et qu'elles fassent disparaître les abus qui enflent leurs recettes.

Nous faisons ensuite remarquer les difficultés qui s'opposent à la réforme que nous allons proposer. Un contrat a été passé entre le législateur et les compagnies; par conséquent, aucune mesure à leur préjudice ne peut être adoptée par le parlement, soit par rapport à leur propriété, soit pour diminuer leurs profits, qu'il ne leur accorde au préalable une indemnité satisfaisante. Mais nous ajoutons que le législateur a un droit incontestable de traiter les propriétaires de chemins de fer comme il traite tous les autres propriétaires lorsque l'utilité publique le demande.

Nous décrivons en détail le système d'exploitation des chemins de fer dans ce pays, et nous le mettons en regard de celui qui pourrait être adopté, système qui rendrait leur utilité entièrement dépendante du bien public. Nous ajoutons qu'avec le système en vigueur, le seul objet des compagnies est d'obtenir de gros dividendes, et qu'elles ne songent à la convenance du public qu'autant qu'elle produit ce résultat.

Pour faire concevoir l'étendue des services que les chemins de fer pourraient rendre à la société, nous appelons l'attention sur deux points:

La vérité de la première proposition est tellement prouvée, que nous nous sommes dispensés de nous y arrêter; mais la seconde est longuement motivée, et nous avons cité une foule de documens statistiques pour prouver que la puissance locomotive journellement employée est suffisante pour faire dix fois ce qu'elle fait, et que par conséquent les 9/10es de sa force sont perdus. Nous avons tâché de démontrer que si les tarifs étaient réduits de manière à tripler le nombre des voyageurs, les dépenses totales ne seraient que faiblement augmentées, et nous citons, pour corroborer notre opinion, l'exemple de plusieurs compagnies, qui ont considérablement abaissé leurs tarifs, et qui, par suite de cette mesure, ont vu tripler le nombre de leurs voyageurs sans encourir la plus légère augmentation de dépenses. Mais, pour éviter toute chicane là-dessus, nous avons fixé a 25 p. cent la dépense que causerait une aussi grande augmentation de voyageurs.

Avant de discuter la manière dont le gouvernement devra traiter les compagnies, nous estimons la valeur de leur propriété aussi juste qu'il est possible de le faire, et nous la divisons en deux catégories: la bonne et la mauvaise; les compagnies qui rapportent et celles qui sont en perte. Les premières paient à leurs actionnaires environ 6 p. cent par an sur le capital versé, et les autres environ 3 p. cent.

Nous disons qu'il y a trois manières de traiter avec les compagnies:

Après avoir fait remarquer les difficultés et les désavantages qui résulteraient de l'adoption des premier et deuxième plans,100 nous établissons que le troisième est le plus praticable, en expliquant longuement comment il pourrait être exécuté.

La valeur estimative de tous les chemins de fer est d'environ 63,000,000 liv. (1,575,000,000 f.). La valeur de ceux de 1re classe est de 48,000,000; ils paient 5 p. cent par an au taux actuel des actions. La valeur de ceux de deuxième classe et de 15,000,000; ils ne paient pas au-delà de 4 p. cent, suivant leur cours actuel, et celui de beaucoup d'entre eux est nominal. Il va sans dire que l'on n'achèterait pas une mauvaise valeur pour payer 4 p. cent, lorsque l'on peut en avoir une bonne à 5 p. cent.

Nous proposons donc que l'Etat se rende acquéreur de toute cette propriété au taux actuel des actions, et qu'il paie les détenteurs en 3 p. cent consolidés à des conditions assez libérales, non-seulement pour qu'ils aient un bénéfice, mais encore pour que le gouvernement ne soit pas obligé d'emprunter.

Pour satisfaire le lecteur, qui est étranger aux matières de finance, et qui demandera tout naturellement où l'on prendra les 63 millions, nous entrons dans quelques détails au sujet de notre système financier. Nous disons que le gouvernement garantirait un certain paiement annuel aux détenteurs d'actions, et qu'il s'adjugerait leur propriété pour en faire ce qui lui semblerait utile au public.

La différence entre la somme des recettes faites aujourd'hui par les compagnies et celle que le gouvernement aurait à payer en dividendes à la création des consolidés nécessaires pour cette acquisition, serait d'environ 1,000,000 st. (25 millions de francs.) Il est démontré qu'un capital comparativement stable et d'un intérêt sûr, tel que le capital placé dans les fonds du gouvernement, dont l'intérêt est d'un peu plus de 3 p. cent, est égal, dans l'opinion publique, à un capital fluctuant, dont l'intérêt est de 5 p. cent, terme moyen. La différence entre les recettes des compagnies et les dividendes payés par le gouvernement, produirait donc à celui-ci un bénéfice sûr de un million sterling, si les tarifs n'étaient pas modifiés.

Nous proposons, dès que le gouvernement se sera mis en possession 101des chemins de fer du royaume, d'établir un tarif uniforme qui ne dépasserait pas le tiers du tarif actuel. Voici, dans notre opinion, quelle en devrait être l'échelle:

Voyageurs par le mail (malle) 2 d. par mille[82] parcours 35 mil. (56 kilo) à l'heure,

1re classe d.[83] » } 25 m. (40 kil.)
2e classe ¾ »[84] » }
3e classe ½ »[85] » } 15 m. (24 kil.)
4e classe ¼ »[86] » }

Les marchandises, le bétail, les produits de l'agriculture seraient transportés également pour le tiers du prix des présens tarifs.

Nous indiquons ensuite quelques-uns des bons résultats que les modifications produiraient:

102 Des documens statistiques établissent ensuite les résultats de la mesure sous le point de vue parement financier.

Les comptes de deux chemins de fer (de Glasgow à Greenock, et de Dublin à Kingstown), dont les propriétaires ont adopté un tarif très abaissé, nous montrent que l'augmentation des passagers a plus que balancé la réduction du tarif.

Le chemin de fer de Glasgow à Greenock a 22½ milles[88] d'étendue; l'année dernière, il a abaissé son tarif de ⅔, ou, ce qui revient au même, les voyageurs purent parcourir cette distance pour le tiers du plus bas prix précédemment exigé. Le résultat fut qu'en peu de semaines le nombre des voyageurs s'éleva de 12,000 à 33,000, et la compagnie gagna beaucoup à cette mesure. Le prix pour tout le parcours n'est que de 6 d.[89].

Les résultats du système adopté par le chemin de fer de Dublin à Kingstown prouvent encore suffisamment que le gouvernement pourrait, sans danger de perte d'argent, opérer de grandes réductions dans les tarifs. Il y a deux ans, les directeurs de cette compagnie abaissèrent tellement leur tarif, qu'une classe de voyageurs est transportée maintenant pour ½ farthing[90] par mille; et leurs affaires ont si bien prospéré par l'adoption de cette mesure, que les actions qui, avant, étaient à 18 p. cent au-dessous du pair, sont aujourd'hui à 16 pour 100 au-dessus.

Nous avons surtout appelé l'attention du lecteur sur ce fait, que ces deux compagnies (les seules du royaume qui aient adopté le système des tarifs très bas) n'ont pas eu la moindre augmentation de dépenses, bien que, sur le chemin de Dublin à Kingstown, le nombre des voyageurs, l'année dernière, ait dépassé de 400,000 celui des années précédentes.

Nous admettons toutefois que l'adoption de ce genre de tarif causerait une diminution sensible dans la recette brute de la plupart des chemins de fer; que la diminution ne serait pas moindre d'un tiers pour quelques-uns, mais, d'un autre côté nous espérons avoir démontré que le profit qui reviendrait a l'Etat au103 moyen de la différence entre les recettes perçues actuellement par les compagnies et les dividendes qu'il aurait à payer, compenserait amplement ce déficit.

D'où nous concluons que la mise à exécution de notre projet de réforme est basée sur les quatre propositions distinctes:

Ce résumé est suffisant pour donner au lecteur une idée générale de notre projet de réforme.


APPENDICE[91].

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CHAPITRE PREMIER.

Perte de puissance.—Degré auquel on pourrait réduire les tarifs.

L'auteur annonce qu'il n'a jamais entendu donner un calcul rigoureusement exact de la perte de puissance qui a eu lieu dans les locomotives. Il lui suffisait d'avancer que les deux tiers de cette puissance étaient perdus, puisque l'on pouvait, sans augmentation de dépense, transporter un nombre de voyageurs ou une charge triple.

Le calcul du coût du transport par voyageur et par mille est basé sur l'hypothèse qu'au moyen d'une réduction dans les tarifs toute la force des locomotives serait employée. Ce qui aurait lieu sur beaucoup de lignes.

«La vitesse la plus économique pour le transport sur les chemins de fer, d'après M. Wood, est de 10 à 12 milles par heure. Dans son tableau de la puissance des locomotives que nous avons donné dans le corps de notre ouvrage, il est établi qu'une 105locomotive qui traînerait un poids de 28 tonnes à la vitesse de 30 milles par heure, en traînerait avec la même facilité un de 130 t. à la vitesse de 15 milles par heure, ou de 184 t. à celle de 12½ milles, ou de 250 tonn. à celle de 10 milles par heure, etc.

Le coût de la traction serait moins élevé pour les poids les plus lourds cheminant à une vitesse moindre, que pour des poids légers cheminant à une grande vitesse, parce que les frottemens seraient moindres. Sur la ligne de Glasgow à Greenock, les convois cheminent avec une vitesse de 30 milles par heure, et transportent de 4 à 500 voyageurs. Avec une vitesse moitié moindre, en prenant en considération la puissance de la locomotive, ils pourraient transporter 2,000 voyageurs. Nous voyons souvent dans les journaux que des convois en ont transporté un plus grand nombre.

Chercher à connaître le plus haut degré de puissance d'une locomotive est un sujet qui peut satisfaire la curiosité, mais qui n'est pas d'une grande utilité pratique. La puissance qui agit aujourd'hui sur les chemins de fer pourrait au moins accomplir un travail vingt fois plus considérable avec une vitesse un peu moindre; et si les communications entre les parties du royaume étaient entièrement gratuites, elle suffirait probablement et au-delà au grand mouvement qui résulterait de ce système.

Rien n'est plus ridicule que de chercher à établir une comparaison entre les dépenses des transports par chemins de fer et par voilures ordinaires et entre les prix exigés du public par ces deux différens systèmes, si l'on ne prend pas en considération le coût du transport de chacun. Le chemin de Londres à Brighton va nous servir d'exemple: calculons le prix du transport de 2,000 voyageurs allant de l'une de ces villes à l'autre. Il faudrait 18 cwt. de coke, qui coûteraient sur cette ligne 1 liv. 6 sh.[92]. Ce coke, avec quelques gallons d'eau qui ne coûteraient rien, ferait un travail qui exigerait 750 chevaux pendant un jour entier sur un chemin pavé, d'égale distance. Ainsi la dépense actuelle de locomotion pour un voyageur entre Londres et Brighton pourrait 106être réduite à un peu plus d'un demi-farthing[93], ou bien, si nous comptons chaque article de dépenses, pour l'usure du matériel, les frais d'administration, etc., à 2 pence sterling[94]. Deux pence pour transporter un voyageur de Londres à Brighton! C'est un calcul que tout le monde peut faire en une demi-heure.

Est-il nécessaire de faire observer que notre calcul est basé sur l'hypothèse qu'une grande réduction dans les tarifs permettrait entièrement ou à peu près d'employer la force qui est aujourd'hui perdue: la puissance de la locomotive. Il n'y a pas le moindre doute qu'elle pourrait être employée entièrement sur plusieurs lignes.

Depuis que M. Rowland Hill a la direction du chemin de fer de Brighton, les différentes classes de cette ligne ont été réduites de 20 à 30 p. cent, et il en est résulté que le nombre des voyageurs, pour le mois d'août 1843, a dépassé de plusieurs milliers celui du même mois de l'année 1842, et les recettes brutes ont dépassé également de plus de 5,000 livres sterling. Les prix de cette ligne sont, ce qu'on appelle en langage de compagnies, modérés. Les plus bas sont de 5 sh.[95]. Nous croyons qu'en ne prenant en considération que les pertes ou les bénéfices qui en résulteraient, la compagnie gagnerait encore à réduire son tarif de 50 p. cent. Mais peut-on douter que si le chemin de fer appartenait au gouvernement et que le prix des places fût réduit à 6 pence[96], le nombre des voyageurs ne fût dix fois plus considérable?

Cherté et bon marché ne sont que des termes de comparaison dont on ne doit se servir qu'avec l'idée du prix de revient. La vapeur a, dans les manufactures, remplacé, en grande partie, le travail manuel. On fabrique beaucoup d'articles de consommation pour le tiers du prix qu'ils coûtaient autrefois, et naturellement 107 on les vend deux tiers meilleur marché. On pourrait voyager par chemin de fer pour un prix 10 fois moindre que l'on ne voyageait sur les anciennes routes, et cependant les prix sont aussi élevés, si non plus élevés qu'ils étaient avant l'introduction des nouvelles voies. Le prix des places dans la voiture qui va à Birmingham est de 12 sh. Il est de 14 sh.[97] par la dernière classe du chemin de fer; et cependant un voyageur peut être transporté de Londres à Birmingham, tous frais payés, pour 6 pence[98]!

Le peuple de ce pays s'est soumis sans murmurer aux tarifs élevés des chemins de fer, parce qu'il a cru que les dépenses immenses de leur construction en étaient la cause. C'est une erreur que nous avons combattue. Les lignes qui ont coûté le plus à construire sont celles de Blackwall et de Greenock, et leurs tarifs sont moins élevés que ceux des lignes qui coûtent 10 fois moins. D'autres lignes n'ont pas coûté la moitié de celles établies sur le continent, et cependant leurs tarifs sont deux et trois fois plus élevés!»

L'auteur revient ensuite, pour la combattre, sur l'opinion que les tarifs sont basés sur le prix de revient de la traction sur un chemin de fer. Il cite plusieurs exemples concluans à l'appui de son raisonnement.

CHAPITRE II.

Intervention du gouvernement dans les affaires commerciales.

Dans tous les pays libres et principalement en Angleterre, on voit avec défiance l'intervention du gouvernement dans les affaires commerciales. «Nous endurons beaucoup de maux, dit l'auteur, pourvu qu'ils ne nous viennent pas de l'autorité, et que les transactions qui en sont la cause, aient une apparence de liberté. Ce n'est qu'à la dernière extrémité que nous permettons au gouvernement d'intervenir, et nous nous consolons de nos 108maux avec ce vieil adage: «Cela ne peut être autrement.» Nous nous reposons sur le temps ou le hasard pour remédier à ces maux.

Ce sentiment d'indépendance individuelle fait le plus grand honneur au caractère de notre nation; mais la question est de savoir s'il n'a pas été poussé trop loin, s'il n'a pas été préjudiciable aux intérêts de la société. J'admets que le gouvernement ne peut se faire commerçant ou industriel qu'à la dernière extrémité, comme pour le transport des lettres, par exemple. Mais si la même nécessité existe pour d'autres cas, comme pour celui-ci, si l'intervention du gouvernement peut produire un grand bien, peu de personnes hésiteront sur le choix de la ligne de conduite à suivre. Il est certainement très difficile de marquer le point qui devra séparer l'intervention de la non-intervention, et de fixer les cas où les affaires commerciales iront chercher elles-mêmes leur équilibre ou bien obtenir l'aide du parlement.

Ce sentiment d'indépendance auquel nous venons de faire allusion a subi de grandes modifications depuis quelques années. Toutes les classes de la société commencent à se former une idée plus correcte des devoirs du gouvernement. Le secours de la législature a été invoqué dans des cas où, il y a plusieurs années, il aurait ameuté tous les partis contre elle, si elle avait voulu intervenir. Nous pouvons en citer des exemples. Les actes votés pour régler le passage des émigrans, les intérêts des manufactures et des mines, le travail des femmes et des enfans prouvent le changement qui s'est opéré dans l'opinion publique. Ou reconnaît que le gouvernement a le droit et que c'est son devoir de faire des règlemens partout où l'état des choses les rendent nécessaires. En général, le gouvernement attend que l'on invoque son appui. La multitude de naufrages qui ont eu lieu depuis quelques années a fait naître le vœu que l'on constituât par acte du parlement une commission chargée de constater la capacité des maîtres et seconds de navires du commerce. Le président du bureau du commerce fit entendre aux personnes qui s'adressaient à lui à cet effet, que le gouvernement était disposé à prendre cette proposition en considération, si l'opinion109 publique était disposée, elle, à le soutenir. Dans des cas semblables le gouvernement ne prendra jamais l'initiative, et il n'est pas à désirer non plus qu'il la prenne.

Il n'est pas besoin d'aller chercher des exemples en dehors de notre sujet: le gouvernement n'a-t-il pas été obligé d'intervenir dans l'administration des chemins de fer, et de protéger la vie et les membres des sujets de S. M., après qu'une série d'homicides eurent été commis par suite de l'omnipotence et de l'irresponsabilité des compagnies?

La mauvaise nature du système ne tarda pas à se révéler sous toutes les formes. Ce système était fondé sur l'argent; le gain était l'unique but auquel il tendait. Nous avons esquissé, dans les pages précédentes, les maux qui en sont résultés. Ils produisirent dans le public de nouvelles plaintes; la souffrance seule les lui arrachait; elles n'en appelaient pas encore à l'intervention du gouvernement. Il y a quelque chose à faire était et est encore le cri général; mais que fera-t-on? Les actionnaires ont le droit de tirer le parti qui leur convient de leur propriété; ils ne doivent rien au législateur ni au public, et les forcer d'adopter des mesures étrangères à la sécurité publique et qui diminueraient leurs profits, serait une injustice à laquelle une nation honnête ne doit pas songer.

La question qui se présente est donc celle-ci: jusqu'à quand ce système durera-t-il? Le pays ne doit-il jamais jouir des avantages que lui procurerait le développement de ses communications intérieures? Une grande découverte nationale sera-t-elle stérile pour la nation? Sur beaucoup de chemins de fer, les tarifs pourraient être réduits de 9/10mes et il serait douteux que les profits décrussent de beaucoup. Sur la ligne de Brighton, les recettes se sont élevées, dans les onze semaines écoulées au 17 septembre 1842, à 47,963 liv.; elles ont été de 55,778 liv. dans les onze semaines correspondantes de cette année, où le tarif a été réduit de ⅓. Il serait bien difficile de prédire exactement si elles seraient plus ou moins élevées dans le cas où le tarif serait réduit de 9/10mes. Sur la ligne de Blackwall à Shadwell, par exemple, où le prix des places est de 3 pence, il est douteux que le revenu souffre d'une réduction à ½ penny.

110 Les recettes des chemins de fer, pendant la présente année, s'élèveront à environ 5 millions sterling[99]. Lorsque toutes les lignes en voie de construction seront achevées, elles ne seront pas moindres de 6 millions. Si l'on diminuait de ⅚mes les prix de transport, le public ferait une économie directe de 5 millions sterling. Supposons que les recettes fussent tout juste suffisantes pour balancer les dépenses, le public gagnerait encore 3 millions, savoir: la différence entre la somme distribuée en dividendes, et les 5 millions sterling qu'il aurait payés avec le système actuel. Mais il n'y a rien qui puisse faire supposer une pareille chose. Nous admettons volontiers que les bénéfices nets actuels diminueraient considérablement; mais il n'est pas présumable que la diminution sur la totalité serait importante.

MM. R. et B. Watson, agens de change à Leeds, ont publié le 16 septembre dernier, dans leur dernière circulaire, les observations suivantes sur l'échelle de tarifs adoptée par les compagnies: «Ce qui nous étonne le plus, dans la direction des chemins de fer, c'est la répugnance des directeurs à satisfaire le public par l'adoption de tarifs bas. Notre opinion est que ce plan procurerait des avantages incalculables à ceux qui l'adopteraient sans crainte. Si les directeurs du South Eastern avaient eu sur ce point le même avis que ceux de Brighton, ils auraient porté à ce dernier chemin de fer un coup dont il ne se serait pas relevé de long-temps. Que l'on considère les effets qu'a produits sur le Blackwall et le Greenwick l'augmentation de leurs tarifs. Tous deux ont été forcés de revenir à l'ancien tarif, après avoir forcé le public à se passer d'eux. Nous ne pouvons pas admettre avec l'auteur de la brochure intitulée: "Railway Reform" qu'une réduction de ⅔ dans les tarifs actuels soit possible dans aucune circonstance; mais nous croyons que beaucoup de compagnies serviraient leurs intérêts et ceux du public en les réduisant d'un tiers.» Je ne comprends pas trop ce que MM. Watson entendent par ces mots dans aucune circonstance; s'ils se rapportent à une réduction 111sous le système actuel, ils ont raison. On ne peut pas espérer que la majorité des compagnies adoptera un système de tarif qui diminuerait leurs profits. Mais si MM. Watson veulent dire qu'avec un système tout différent, les tarifs ne pourraient pas être réduits de ⅔, nous ne différons pas seulement de leur opinion entièrement, mais encore nous ne considérons cette réduction que comme une approximation des vrais principes. Pourquoi calculerait-on les prix du transport d'après des principes différens de ceux qui servent à établir les prix de tous les autres objets? MM. Watson sont peut-être les meilleurs juges du royaume de toutes les matières qui ont rapport aux chemins de fer. Ils connaissent parfaitement les divers articles de dépense de cette industrie. Ils savent qu'un voyageur de première classe pourrait être transporté sous un système différent de celui en vigueur, de Londres à Liverpool pour 5 sh.[100] au lieu de 5 liv.[101], prix du tarif actuel, et que le premier prix donnerait encore un bénéfice de 100 p. cent. Ils admettent qu'avec le système actuel les tarifs pourraient donner des bénéfices aux propriétaires avec une réduction d'un tiers, et ils doutent que dans aucune circonstance on puisse les réduire de ⅔!»

CHAPITRE III.

Centralisation.

Elle ne vaut rien pour les affaires locales, elle est bonne pour les affaires générales. En somme, on a de grands préjugés contre elle en Angleterre. L'auteur soutient cependant que la centralisation des administrations des chemins de fer tournerait au profit de tous, et qu'elle serait en même temps un bienfait et une économie pour le pays.

CHAPITRE IV.

Liberté du commerce et monopole.

Les chemins de fer sont de véritables monopoles. Est-ce le monopole 112 en lui-même ou l'abus que l'on en peut faire qui est pernicieux? Le transport des lettres est un monopole; s'en plaint-on? L'auteur entre dans quelques développemens pour prouver que la question qu'il soumet au public n'a rien de commun avec celle qui agite la nation et qui la divise en partisans et en adversaires du régime de la liberté commerciale.

CHAPITRE V.

Différence des systèmes d'administration suivis par les compagnies de Londres à Birmingham et du Great-Western.

Dans ce chapitre l'auteur revient sur les moyens humilians et vexatoires mis en œuvre par ces compagnies pour dégoûter le public de se servir des voitures de 3e classe. L'une est brutale et violente envers lui; elle agit franchement et sans détour; l'autre est doucereusement impertinente. Toutes deux par des voies différentes atteignent le but qu'elles ont en vue.

CHAPITRE VI.

Chemins de fer de la Grande-Bretagne et de l'Irlande.

L'auteur cite ici 72 chemins de fer. Il fait connaître leur étendue, la moyenne de leur mouvement commercial, leur direction, leur coût et les résultats qu'ils ont donnés. Cette nomenclature, qui n'est pas sans intérêt pour les hommes spéciaux, est étrangère, pour ainsi dire, au but que se proposait l'auteur dans son ouvrage.

CHAPITRE VII.

Augmentation probable des voyageurs, si les tarifs sont réduits au tiers de leur moyenne actuelle.

L'auteur appelle l'attention du lecteur sur le soin qu'il a eu d'éviter tout ce qui pouvait faire croire à un calcul rigoureusement exact de sa part, sur l'augmentation probable des voyageurs par suite de l'abaissement des tarifs. Il s'est borné à fixer le déficit113 qui résulterait de la réduction à un million sterling. Il regarde néanmoins cette augmentation probable comme un point trop important pour ne pas s'y arrêter; il espère en donner une approximation assez exacte à l'aide des résultats qu'a produits sur certaines lignes la mesure qu'il recommande.

Il compare donc de nouveau le mouvement commercial de la ligne de Manchester à Liverpool, avec celui de la ligne de Bruxelles à Anvers, et il trouve que malgré la différence de population, toute en faveur de la première ligne, le nombre des voyageurs a été pour la deuxième, malgré l'infériorité de sa population comparée à la première, dans la proportion de 5 à 1. Le chemin belge, il est vrai, a un tarif de beaucoup meilleur marché. Il suppose donc que si les tarifs étaient au même taux, on aurait des résultats différens, et la ligne de Manchester à Liverpool, au lieu de transporter annuellement 19 millions d'individus, en transporterait 50 millions.

L'auteur cite un exemple remarquable à l'appui de son opinion sur les effets du bon marché et sur la puissance de la locomotive. Les directeurs de la ligne de Manchester à Birmingham prirent la résolution, un jeudi, de transporter les écoles de charité à Alderley Edge, à des prix très bas. Des milliers d'individus profitèrent de leur générosité, et pendant toute la journée, ce site charmant fut couvert d'une foule immense. A huit heures du soir, le dernier convoi, composé de soixante-deux voitures, ramena plus de trois mille personnes. Il couvrait plus de ¼ de mille (400 mètres environ), et il était tiré par deux machines locomotives. Bien que la soirée fût pluvieuse, tout le monde paraissait content, et les cris de joie des voyageurs trouvaient des milliers d'échos le long de la ligne.

CHAPITRE VIII.

Fluctuations dans le prix des actions.

Toutes les valeurs qui subissent de grandes fluctuations doivent, au total, payer un intérêt élevé. Le spéculateur ne veut courir la chance d'être ruiné, qu'autant qu'il perçoit une prime pour le risque qu'il court. L'auteur, après cette réflexion, fait114 connaître les diverses fluctuations que les actions de vingt-six chemins de fer ont éprouvées pendant les six dernières années. L'auteur dit qu'à la vue des tableaux qu'il publie, on sera frappé des désastreux effets qu'ont dû causer ces fluctuations, et il demande s'il se pourrait qu'un propriétaire d'actions de chemins de fer ne préférât pas un fonds public stable, rapportant 3 p. 100, à un fonds si variable que l'est celui qu'il possède, et qui cependant ne rapporte guère plus en moyenne que 5 p. cent.

CHAPITRE IX.

Opinion de M. Culloch sur les chemins de fer.

L'auteur s'appuie de l'opinion de cet économiste distingué pour montrer le danger de livrer à des corporations particulières le monopole du transport, non pas seulement pour toujours, mais même pour un temps limité. D'après M. Culloch, il fait ressortir les abus et les difficultés insurmontables que l'on rencontrerait, si l'on voulait y mettre des bornes.

CHAPITRE X.

Droits perçus par le gouvernement anglais sur les chemins de fer.

Autrefois les compagnies payaient ⅛ de penny (1 centime ¼) par voyageur, quelle que fût sa classe ou le tarif de la Compagnie. Cette injustice évidente n'a pu subsister, et, depuis deux ans, le gouvernement prélève 5 p. cent, sur les recettes brutes. L'auteur fait suivre cette mention d'un tableau des droits perçus en 1842 sur 50 chemins de fer et leurs divers embranchemens. Les recettes brutes étant de 3,359,774 liv. 15 sh. 5 d. (83,994,369 f.), les droits ont été de 167,988 liv. 14 sh. 9 d. ¼ (4,199,718 f.). La Direction des Postes a payé à 28 chemins, seulement pour le transport des dépêches, 71,890 liv. 2 sh. 4 d. (1,797,253 f.). La balance en faveur du gouvernement entre l'ancien système de perception et le nouveau, est d'environ 30,000 liv. st. (750,000 f.). En Irlande, il n'est payé aucun droit à l'Etat par les compagnies de chemins de fer.

115

CHAPITRE XI.

Effets du principe laissez faire, laissez passer, relativement aux chemins de fer.

L'auteur attribue à l'influence exclusive de ce principe en Angleterre, les maux qui découlent du système en vigueur. Dans ce pays, le peuple fait toutes les entreprises sans l'intervention du gouvernement. C'est tout l'opposé des autres pays. Quand le gouvernement a voulu protéger la vie des citoyens exposée par la négligence des directeurs de chemins de fer, il a rencontré une résistance dont il a bien fini par triompher. Maintenant qu'il a pourvu à la sécurité publique, il est temps qu'il s'occupe du bien public.

L'auteur cite plusieurs exemples des inconvéniens nombreux qui résultent pour le public de la différence des tarifs, de la non concordance des départs sur les différentes lignes, des traitemens qu'éprouvent les voyageurs selon l'importance de la classe de voitures qu'ils prennent, etc. Partout un manque d'unité se fait apercevoir; il est préjudiciable à tous les intérêts, mais il est le résultat inévitable du principe laissez faire. L'auteur conclut encore une fois à ce que le gouvernement s'empare du monopole du transport comme il l'a déjà fait pour celui des postes.

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NOTES:

[1] C'est à peu près 15 cent. par mille anglais et 40 cent. par lieue de France.

[2] 1 milliard 250 mille francs.—Quoique la livre sterling vaille réellement aujourd'hui 25 francs 25 centimes, nous pensons que pour établir seulement un rapport entre la monnaie anglaise et la monnaie française, il convient de ne compter la livre que pour sa valeur nominale, et de multiplier, conséquemment, les sommes de livres sterling par 25. C'est la règle que nous avons suivie pour tous nos calculs de proportion.

Pour les fractions, on sait que la livre sterling se divise en 20 shillings (1 franc 25 centimes chaque sh.), et le shilling en 12 deniers ou pence (à peu près 10 centimes chaque denier ou penny). Le denier se divise encore en 4 liards ou farthings (0 fr. 025 millimes chaque farthing); mais on ne trouve plus guère de farthings en Angleterre. On ne s'en sert maintenant que comme indication de prix pour les objets de très minime valeur.

[3] Un peu moins d'un myriamètre.—Le mille anglais fait un peu plus d'un kilomètre 6/10; 2 milles ½ forment environ 4 kilomètres ou une lieue, et 6 milles ¼ un myriamètre.

[4] Voir la note précédente.

[5] 31 fr. 25 c.

[6] 3,474,225 fr.

[7] 7,049,725 francs.

[8] 132 kilomètres ou 33 lieues.

[9] Environ 180 kilomètres ou 45 lieues.

[10] 125 millions de francs.

[11] 12 lieues.

[12] 4 lieues.

[13] 76 fr. 10 c.

[14] 22 lieues.

[15] 20 ou 30 centimes

[16] 3 milles ¾ ou 6 kilomètres.

[17] Environ 11 lieues.

[18] 3 fr. 12 c. ½.

[19] 6 fr. 87 c. ½ pour 12 lieues ½ de France.

[20] 8 fr. 12 c. ½.

[21] 1 fr. 25 c.

[22] 160 kilomètres ou 40 lieues.

[23]1631 kil. ou 408 lieues.

[24] 918 kil. ou 229 lieues.

[25] 236 k. ou 59 lieues.

[26] 2,786 kilom. ou 696 lieues 1|2.

[27] 1,477,875,000 f.

[28] 1,597,200,000 f.

[29] 126,765,000 f.

[30] 53,153,750 f.

[31] 73,611,250 f.

[32] 922,750 fr. par mille, et 576,720 fr. par kilomètre.

[33] 1,189,500 f. par mille, et 743,437 f. par k.

[34] 810,500 f. par mille, et 506,562 f. par k.

[35] 575,000 f. par mille, et 359,375 f. par k.

[36] 604,750 f. par mille, et 377,969 f. par k.

[37] 457,250 f. par mille, et 285,781 f. par k.

[38] 158 fr. 20 c. pour 100 livres sterling ou 2,500 fr. de capital.

[39] Il y a dans l'original une erreur, 12, 50 et 32-94 au lieu de 100 pris pour unité dans la répartition des différentes classes de voyageurs. (Note du traducteur.)

[40] 375 ou 500 millions de francs.

[41] Moins de 2 cent. le kil.—6 cent. ¼ les 4 kil.

[42] 62 cent. ½ pour tout le parcours, qui est de 22 milles ½ ou 36 kil.

[43] 1 cent. ¼ par mille; à peu près 3 cent. pour 4 kil. ou une lieue de France.

[44] 8 fr. 13 cent.

[45] 1 fr. 25 c. pour un parcours de 30 milles ou 48 kil.

[46] 3,750,000 fr.

[47] 25,000,000 fr.

[48] 5,000,000 fr.

[49] 2,500,000 fr.

[50] 73,661,250 f.

[51] 7,500,000 fr.

[52] 1,657,775,000 f.

[53] 51,275,000 f.

[54] 5,000,000 f.

[55] 25,000,000 f.

[56] 625,000 f.

[57] 1,597,200,000 f.

[58] 999,500,000 fr.

[59] 7 c. ½.

[60] 20 c.

[61] 6 c. ½ par kilom.

[62] Moins de 5 c. par k.

[63] 3 c. ¼ par kilom.

[64] Moins de 2 c. par kilom. et 6 c. ½ par 4 k. ou une lieue de France.

[65] 40 kilom. ou 10 lieues.

[66] 2 c. ½—0 f. 016 mill. par kilom.

[67] 10 c.—0 f. 065 mill. par kilom.

[68] 21 c.—0 f. 13 c. par k.

[69] 56 kilom. ou 14 lieues.

[70] 3,000,000 fr.

[71] 3,750,000 fr.

[72] 253,900 fr. pour 88 kilomètres ou 22 lieues.

[73] 96 lieues ou 384 kilom.

[74] 74,850 fr.

[75] 2,500,000 fr.

[76] 126,815,000 fr.

[77] 75,000,000 fr.

[78] 20 c. et 10 c. pour tout le parcours, qui est de 3 milles ¾ ou 6 kilomètres.

[79] 3 fr. 12 c., 2 fr. 10 c., 1 fr. 55 et 85 c. pour tout le parcours qui est de 30 milles ¾ ou 12 lieues ½ de France.

[80] 75,000,000 fr.

[81] Discours de sir Robert Peel, lors de son inauguration au Rectorat de l'Université de Glasgow.

[82] 0,13 cent. par kilomètre,

[83] 0,065 millimes par kilom.

[84] 0,05 cent. par kilom.

[85] 0,032 millimes par kilom.

[86] 0,016 millimes par kilom.

[87] 75 millions de francs.

[88] 36 kilomètres.

[89] 0,625 millimes.

[90] 0,008 millimes par kilomètre.

[91] Cet appendice, qui est fort copieux, n'a été publié qu'avec la seconde édition de l'ouvrage principal. Pour la France, il n'est besoin que de donner une simple analyse des pièces justificatives; c'est ce que nous avons fait, tout en conservant la division par chapitres des matières contenues dans l'appendice, suivant la méthode adoptée par l'auteur. Lorsque nous avons traduit littéralement le texte de la publication anglaise, nous avons encadré ces passages avec des guillemets.

[92] 31 fr. 25 c.

[93] 1 c. ¼ pour un parcours de 50 milles ½ ou 20 lieues.

[94] 20 c.

[95] 6 fr. 25 c.

[96] 62 c. ½

[97] 17 fr. 50 c.

[98] 62 c. ½.

[99] 125,000,000 fr.

[100] 6 fr. 25 c.

[101] 75 fr.


Corrections.

La première ligne indique l'original, la seconde la correction:

p. 15:

p. 34:

p. 95:

p. 106: