The Project Gutenberg eBook of Opinion par Defrance, sur les postes et messageries: Séance du 28 Fructidor, an IV

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Title: Opinion par Defrance, sur les postes et messageries: Séance du 28 Fructidor, an IV

Author: Jean Claude Defrance

Release date: August 11, 2022 [eBook #68728]

Language: French

Original publication: France: de l'Impr. Nationale, 1796

Credits: Adrian Mastronardi, Claudine Corbasson and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK OPINION PAR DEFRANCE, SUR LES POSTES ET MESSAGERIES: SÉANCE DU 28 FRUCTIDOR, AN IV ***

Au lecteur

CORPS LÉGISLATIF.


CONSEIL DES CINQ-CENTS.


OPINION
Par DEFRANCE.
Sur les postes & messageries.

Séance du 28 Fructidor, an IV.


Représentans du peuple,

J’ai demandé la parole moins pour combattre les lois réglementaires, extraites de l’ancien code des postes & messageries, que votre commission vous présente comme un moyen de les régénérer, que pour appuyer les projets de 2 résolution qui vous ont été présentés par Delaunay (d’Angers); je releverai cependant quelques erreurs dans lesquelles est tombé le rapporteur de la commission.

Personne n’ignore que le service des postes & messageries est un grand moyen d’action du gouvernement & du commerce, un des liens du corps social, & un revenu du fisc; mais on ne convient pas que ce soit un moyen de contre-révolution que de les confier à d’autres hommes qu’à ceux qui les régissent aujourd’hui.

Certes, je suis loin de penser aussi qu’il faille confier ce ressort puissant à des intrigans ou à des ignorans qui finiroient par le briser.

La première question qui se présente est de savoir s’il est plus avantageux pour le trésor public & pour l’intérêt national de faire régir les postes & messageries, que de les affermer.

Votre commission a pensé qu’il falloit les maintenir en régie.

Ce régime a toujours été désastreux pour les finances de la République, & c’est un prétexte bien frivole pour solliciter son maintien que d’avancer qu’il est plus propre à découvrir ou empêcher les trames des factions.

J’aurois desiré que le rapporteur citât quelques traits à l’appui de son assertion; l’expérience nous a prouvé le contraire.

Au lieu de discuter cette grande question: les postes & messageries seront-elles continuées en régie ou mises en ferme?

Votre commission ne s’est occupée qu’à faire retomber sur les lois, nécessitées par les circonstances, les inculpations graves, faites à l’administration des postes & messageries relativement aux fonds immenses que le trésor public à été obligé de prodiguer pour soutenir ses services, & 3 desquels fonds les anciennes administrations n’ont point rendu compte, quoiqu’il ait été nommé des commissaires pour les recevoir.

Les lois que votre commission vous propose ne sont qu’un règlement purement administratif, & qui ne doit être présenté que par ceux que le Directoire exécutif choisira d’après le mode d’exploitation que vous aurez adopté.

Je ne m’appesentirai point sur plusieurs autres erreurs dans lesquelles est tombé le rapporteur de la commission; elles se réfutent d’elles mêmes.

La régie qu’on vous propose est une continuation des abus que vous voulez faire disparoître. Toujours une nuée de commis, toujours huit ou dix administrateurs, dont le zèle & l’amour pour la chose publique seront mesurés sur leur intérêt particulier, qui pallieront plutôt les désordres que d’y remédier, dans la crainte de se compromettre.

Nous n’entendons inculper personne en particulier; nous tirerons même le rideau sur tous les vices de l’administration actuelle: il s’agit de régénérer nos finances & notre crédit, & de proposer des vues simples & d’une facile exécution.

Votre commission ne peut pas nier que les régies ont toujours été ruineuses pour l’État, & qu’à diverses époques elles ont été établies & abandonnées tour à tour; & qu’en dernier résultat; on les donnoit à l’entreprise ou en ferme.

Il n’y a qu’une insigne prévention ou un aveuglement bien coupable qui puisse se dissimuler que toutes les régies, depuis la révolution, ont été la source des dilapidations, des rapines, des vols & du brigandage. Elles étoient devenues le patrimoine des désorganisateurs qui se les étoient appropriées pour élever leur fortune, & qu’aujourd’hui même ces abus existent encore sous un autre masque.

Je demande à tout homme de bonne foi, & qui veut 4 augmenter ou consolider sa fortune, s’il ne préférera pas affermer ses domaines pour en tirer un revenu fixe, plutôt que de les confier à des régisseurs.

Il est inutile d’étendre plus loin les motifs qui doivent déterminer le Conseil à rejeter le système des régies; mais si quelque doute encore pouvoit subsister dans l’esprit des membres de cette assemblée, je demanderois aux partisans du système des régies quel bénéfice le trésor public en a jamais tiré? je leur prouverois que le gouvernement a presque toujours été forcé de venir à leur secours, ou que le produit qu’il en a tiré est presque nul.

Quelques hommes peu instruits révoquent en doute que le gouvernement ait le droit d’affermer les postes & messageries; ils prétendent que ce n’est point une propriété nationale. Ignorent-ils donc que leur invention en France est due à l’Université de Paris, qui pendant plusieurs siècles en a été seule propriétaire, & qu’elle a transmis tous ses droits au gouvernement sous la monarchie, moyennant le seizième effectif du revenu net des postes, lequel étoit affecté au paiement de l’instruction publique dans cette immense commune.

Les postes & les messageries sont donc devenues une propriété nationale. La sûreté des personnes & de leurs propriétés mobilières est attachée à ce précieux établissement. S’il n’étoit point formé depuis plusieurs siècles, je le proposerois à l’Assemblée pour le bien général.

La loi du 25 vendémiaire, qui donnoit à chaque individu la faculté d’établir des messageries libres, a produit des maux incalculables, tant à la fortune publique, qu’à celle des particuliers; c’est sur-tout vers les frontières que les désordres se sont fait sentir. La rentrée des émigrés, le transport des poudres & autres objets prohibés ont été les suites de cette loi désastreuse. Ces voitures n’étaient sujettes à aucune surveillance active de la part des préposés du gouvernement, vous vous empresserez donc de la rapporter.

Les partisans des régies objectent que, dans le système du 5 fermage, il faudra céder aux entrepreneurs un mobilier évalué au moins trois millions; qu’il sera impossible de la rétablir pour le même prix, s’il arrive que les fermiers demandent la résiliation de leurs baux.

Cette objection disparoîtra lorsqu’on fera réflexion que les entrepreneurs s’obligeront, par leur bail, de rétablir à son expiration, ou dans le cas de la résiliation, les choses au même état où ils les auront prises lors de la passation dudit bail. Dans l’un & l’autre cas l’estimation sera contradictoire & par experts.

Combien rapportent aujourd’hui les postes et messageries? rien. Jusqu’à ce jour le gouvernement a été obligé de fournir à leur déficit. Votre commission des finances, dans l’apperçu qu’elle vous a donné des revenus annuels de l’Etat, y fait entrer celui des postes & messageries pour une somme de douze millions; sans doute que cet apperçu n’étoit pas fondé sur un système de régie même intéressée, mais bien sur leur fermage qui, seul, peut donner un produit net à la République, & des ressources dans ses besoins pressans.

Dans le plan de l’entreprise en ferme, vous n’avez plus besoin de ces administrations nombreuses, à charge au trésor public, & dont la responsabilité devient nulle à raison de la multiplicité des responsables. Il ne vous faut qu’un administrateur chargé de l’exécution des lois & des conditions du fermage, de la surveillance & de la direction des postes aux lettres, des relais, des messageries & de la navigation intérieure; j’ai presque dit du roulage.

Il y a long-temps qu’on a senti son importance & la nécessité de lui donner une forme plus stable & plus indépendante de l’arbitraire. Les rouliers épars sur la surface de la République sont, pour ainsi dire, un peuple à part au milieu d’un grand peuple. Ces êtres isolés, la plupart sans morale, ont fait des grandes routes leur patrimoine exclusif; ils se mettent au dessus des lois de police que le gouvernement avoit sagement établies sur les routes: il n’y a personne qui n’ait été témoin ou victime de leur insolente infidélité; la lenteur 6 de leur service, l’irrégularité de leurs marches, le prix excessif & arbitraire de leurs transports, les avaries, auxquelles leurs négligences ou leur insigne mauvaise foi donnent lieu, nécessitent une augmentation considérable dans le prix des objets qui leur sont confiés. Le poids énorme de leurs chargemens achève la destruction des routes, que le malheurs des circonstances n’a pas permis de réparer.

La sollicitude du gouvernement doit donc s’étendre sur cette branche d’administration.

Je ne dirai qu’un mot des routes; elles sont dans un état tel, qu’il sera impossible cet hiver de les pratiquer.

Il a été proposé au gouvernement d’employer les bras oisifs des prisonniers de guerre pour les réparer, moyennant une double ration qui leur seroit donnée: les matériaux sont tous prêts.

Mais revenons aux fermes.

Je voudrois que les soumissions des entrepreneurs fussent faites pour six années.

Dans les temps orageux de la révolution, cette sage mesure ne vous eût pas réussi; on en vouloit aux fortunes & aux talens; les seuls intrigans se seroient présentés: mais aujourd’hui que vous avez un gouvernement qui veut mettre l’ordre, l’économie & la justice dans toutes les parties qui lui sont confiées, des compagnies accepteront avec confiance & sécurité les conditions qui leur seront imposées, & rempliront avec zèle celles de leurs marchés.

Mais, Citoyens représentans, n’oubliez pas que les tempêtes de la révolution ont laissé des traces bien profondes, & que le gouvernement doit signaler sa bonne foi, en assurant aux actionnaires une hypothèque invariable pour la sûreté de leurs marchés, comme ils en fourniront pour assurer l’exécution de leur entreprise.

Permettez-moi, Citoyens représentans, de vous soumettre mes vues sur la simplification des services.

Les diligences sont à-peu-près supprimées dans toute l’étendue de la République: on doit attribuer cette cessation 7 de service à plusieurs causes qui tiennent aux finances & au papier-monnoie, ou bien au vice de l’administration elle-même: c’est moins pour le transport des effets & marchandises que cet établissement est à regretter, que pour la célérité du déplacement des individus.

Toute l’attention du gouvernement doit donc se porter à rétablir, à faciliter les transports des citoyens d’un bout de la France à l’autre, sans avoir recours à ces masses énormes qu’on appeloit diligences: il est de l’intérêt le plus grand pour la République, de trouver un mode qui réunisse la légèreté, la célérité, la sûreté & l’économie; l’établissement des malles-postes paroît atteindre ce but.

Elles seront à quatre roues & pourront contenir six personnes, outre le courier de la malle; une vache qui formera l’impériale de la voiture, recevra les dépêches à destination fixe, & les dépêches de route seront placées à côté du courier, en avant de ladite caisse. Chaque voyageur ne pourra porter pour son usage, plus de dix livres pesant. Les entrepreneurs pourront traiter de gré à gré avec les maîtres de postes, pour la conduite de ces voitures. L’administrateur général fixera l’heure à laquelle les dépêches devront être rendues à leur destination, & la quotité de l’amende encourue par les entrepreneurs, pour un retard notoire & non occasionné par force majeure.

Le transport des personnes ainsi effectué, il est nécessaire que leurs effets & bagages les suivent de près; en conséquence, il sera établi des fourgons (les diligences actuelles pourront en tenir lieu, & les suppléer jusqu’à ce que les nouveaux fourgons soient construits). La caisse ne pourra contenir plus de six personnes, & la voiture ne pourra être chargée de plus de vingt quintaux. Il sera payé par personne dans le fourgon, la moitié du prix des places dans les malles-postes. Ces fourgons seront conduits en relais & au pas. Les maîtres de postes feront volontiers ces services.

Quant aux lettres & aux journaux, les liaisons du commerce si nécessaire au soutien de la chose publique, exigent 8 sans doute le rétablissement du départ journalier des couriers.

Nous avons regardé comme une calamité publique, la mesure prise depuis six mois pour le transport des dépêches: les correspondances ne pouvant avoir lieu que de deux jours l’un, paralysent l’activité du commerce, & diminuent de moitié le revenu des postes.

Dans notre plan, le service des principales routes de France se fait tous les jours; chaque jour, six personnes peuvent être transportées par la malle-poste dans les villes principales de commerce; chaque jour, les fourgons chargés d’effets & de marchandises, partent pour les mêmes destinations. De là, plus d’activité pour le commerce; plus de fréquence dans les relations; plus d’ensemble dans les communications, & un revenu plus fixe pour le trésor public.

L’abus des franchises & des contre-seings ne doit point être oublié, quand il s’agit de la restauration des finances: cette question intéressante & délicate mérite une discussion approfondie: je proposerai donc de renvoyer à une commission la question si les franchises & les contre-seings peuvent être abolis.

Je pense donc, d’après ces considérations & d’après les mesures que j’ai proposées, qu’il est plus avantageux pour le trésor public & pour l’intérêt national d’affermer les postes aux lettres, les messageries & la navigation intérieure, que de les conserver en régie, même intéressées.

J’appuie donc les projets présentés par Delaunay (d’Angers);

Et je demande qu’il soit formé une commission pour examiner la question de savoir 1o. si les franchises & contre-seings seront supprimés ou conservés.

2o. s’il ne seroit pas avantageux de donner une forme administrative au roulage.

3o. S’il ne seroit pas avantageux de rétablir les cautionnemens de tous les comptables dans les divers services des postes & messageries.

DE L’IMPRIMERIE NATIONALE.

Fructidor, an IV.


Au lecteur

Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version originale.