The Project Gutenberg eBook of Les cent histoires de Troye

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Title: Les cent histoires de Troye

L'epistre de Othea deesse de prudence envoyee a l'esperit chevalereux Hector de Troye avec cent hystoires

Author: de Pisan Christine

Release date: January 6, 2024 [eBook #72643]

Language: French

Original publication: Paris: unknown, 1500

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES CENT HISTOIRES DE TROYE ***

Les cent histoires de troye.

[Marque d’imprimeur]
PHILIPPE PIGOUCHET

L’epistre de Othea deesse de prudence envoyee a l’esperit chevalereux Hector de troye/ avec cent hystoires. Nouvellement imprimee a Paris.

[Note du transcripteur : La table qui suit ne figure pas dans l’original.]

TABLE

 

Treshaulte fleur par le monde louee.
A tous plaisant/ & de dieu advouee
De lis souef odorant delectable
Puissant valeur hault pris sur tous notable
Louenge a dieu avant oeuvre soit mise
Et puis a vous noble fleur qui transmise
Fustes du ciel pour anoblir le monde
Seigneurie tresdroituriere et monde
D’estoc troyen ancienne noblesse
Pillier de foy que nul erreur ne blesse
Que hault renom nul lieu ne va celant
A vous aussi noble prince excellent
D’orleans duc Loys de grant renom
Filz de charles roy quint d’iceluy nom
Qui fors le roy ne congnoissons greigneur
Mon tresloué et redoubté seigneur
D’humble vouloir moy povre creature
Femme ignorant de petite estature
Fille jadis philozophe et docteur
Qui conseillier et humble serviteur
Vostre pere/ que dieu face sa grace
Et jadis vint de boulongne la grasse
Dont il fut né par le sien mandement
Maistre thomas de pizan/ autrement
De boulongne fut dit et surnommé
Qui solennel clerc estoit renommé
En desirant faire se je sçavoye
Chose plaisant qui vous mist en voye
D’aucun plaisir ce me seroit grant gloire
Pour ce emprins ay d’indigne memoire
Presentement ceste oeuvre a rimoyer
Mon redoubté/ pour le vous envoyer
Le premier jour que l’an se renouvelle
Car moult en est la matiere nouvelle
Combien que soit de rude entendement
Pourpensee/ car je n’ay nul sentement
En sens fondé/ n’en ce cas ne ressemble
Mon bon pere/ fors ainsi comme on emble
Espis de blé en glennant en moissons
Parmy les champs/ et coste les buissons
Ou miettes cheans de haultes tables
Qu’on recueult quant les mets sont notables
Aultre chose n’en ay je recueilli
De son grant sens dont il a assez cueilly
Si ne vueillez mespriser mon ouvrage
Mon redoubté seigneur humain & sage
Pour le despoir de ignorant personne
Car petite clochette grant voix sonne
Qui bien souvent les plussaiges reveille
Et le labeur d’estude leur conseille
Pource prince treslouable & benigne
Moy nommee chrestienne femme indigne
De sens acquis pour si faicte euvre emprendre
A rimoyer et dire me vueil prendre
Une epistre qui a hector de troie
Fut envoiee sicomme l’histore l’ottroie
Se tel ne fut bien peut estre semblable
Ou ens a maint vers bel et notable
Bel a ouyr/ et meilleur a entendre
Doresenavant au commencer vueil tendre.
Or me doint dieu a sa louenge faire
Tous faitz et ditz & chose qui puist plaire
A vous mon redoubté/ pour qui l’emprens
Et humblement supplie se je mesprens
La franchise de vostre grant noblesse
Qu’elle me pardoint se trop grant hardiesse
D’escripre a vous personne si tresdigne
Entreprens moy en sagesse non digne.

 

Texte.

Cy commence l’epistre que othea la deesse envoya a Hector de troye quant il estoit en l’aage de quinze ans.

Othea deesse de prudence
Qui adresse les bons cueurs en vaillance
A toy hector noble prince puissant
Qui en armes es adez flourissant
Filz de mars le dieu de bataille
Qui les faitz d’armes/ livre & taille
Et de minerve la deesse
Puissant/ qui d’armes est maistresse
Successeurs des nobles troyens
Hoir de troye et des cytoyens
Salutacion devant mise
Avec vraye amour sans faintise.
Et com je soye desirant
Ton grant preu que je voys querant
Et qu’augmentee & preservee
Soit/ et en tout temps observee
Ta vaillance et haulte proesse
Adez en ta prime jeunesse
Par mon epistre amonnester
Te vueil/ et dire & ennorter
Les choses qui sont necessaires
A haulte vaillance et contraires
A l’opposite de prouesse
Affin que ton bon cueur s’adresse
A acquerir par bonne escolle
Le cheval qui par l’air s’en volle
C’est pesagus le renommé
Qui de tous vaillans est aymé
Pour ce que ta condicion
Sçay par droicte inclinacion.
Aux faictz chevalereux abille
Plus que non aultres cinq cens mille
Et comme deesse je sçay
Par science non par essay
Les choses qui sont a avenir
Me doibt il de toy souvenir
Car je sçay qu’a tousjours seras
Le plus preux des preux & auras
Sur tous les aultres renommee
Mais que de toy je soye aymee
Aymee/ et pour quoy ne seroye
Je suy celle qui tous arroye
Ceulx qui m’ayment et tiennent chiere
Je leur lis leçon en chaiere
Qui les fait monter jusque au cieulx
Si te prie que soyes de ceulx
Et que tu me vueilles bien croire
Or met donc bien en ta memoire
Les ditz que je te vueil escripre
Et se tu m’os compter ou dire
Chose qui soit a avenir
Et je te dis que souvenir
T’en doibt com s’ilz fussent passees
Saches qu’ilz sont en mes pensees
En esperit de prophecie
Or enten et ne te soucye
Car riens ne diray qui n’avienne
S’avenu n’est/ or t’en souviengne.

i. Glose.

Othea selon grec peult estre prins pour sagesse de femme. Et comme les anciens non ayans encore lumiere de foy adorassent plusieurs dieux. Soubz laquelle loy soient passees les plus haultes seigneuries qui au monde ayent esté comme le royaulme d’assirie/ de perse/ les gregoys/ les troyens/ Alixandre/ les rommains et maintz aultres. Et mesmement tous les plus grans philozophes. Comme dieu n’eust encore ouverte la porte de sa misericorde. A present nous chrestiens par la grace de dieu enluminez de vraie foy pouons ramener a moralité les opinions des anciens. Et sur ce maintes allegories pevent estre faictes. Et comme iceulx eussent acoustumé de toutes choses adorer/ qui oultre le commun cours des choses eussent prerogatives d’aulcune grace plusieurs dames sages qui furent en leurs temps appellees deesses. Et fut vraye chose selon l’histoire que au temps que troie la grant florissoit en sa haulte renommee une moult sage dame Othea appellee considerant la belle jeunesse de hector de troye qui ja florissoit en vertus qui pouoient estre demonstrance des graces estre en luy au temps advenir/ luy envoya plusieurs dons beaulx & notables. Et mesmement le beau destrier que on appelloit galathee qui n’eut pareil au monde. Et pour ce que toutes graces mondaines que bon chevalier doit avoir furent en hector pouons dire moralement que il les print par le admonestement othea qui cest epistre luy manda. par othea nous prendrons la vertu de prudence et sagesse dont luymesmes fut aorné. Et comme les quatre vertus cardinalles soient necessaires a bonne pollice nous en parlerons ensuivant. Et a cest premier avons donné nom & prins maniere de parler aulcunement poeticque & accordant a la vraie hystoire pour mieulx ensuivir nostre matiere. Et a nostre propos prendrons aulcunes auctoritez des philozophes anciens. Ainsi dirons que par la dicte dame fut baillé ou envoyé ce present au bon hector qui semblablement peult estre a tous aultres desirans bonté & sagesse. Et comme la vertu de prudence soit tres a recommander dist le prince des philozophes Aristote pour ce que sapience est la plus noble de toutes aultres choses doibt elle estre monstree par la meilleur raison et la plus convenable maniere.

Prologue a alegorie.

Pour ramener a allegorie le propos de nostre matiere applicquerons la saincte escripture a noz ditz a l’edification de l’ame estant en cestuy miserable monde.

Comme par la souveraine sapience et haulte puissance de dieu toutes choses soyent crees raisonnablement doibvent toutes tendre a fin de luy. Et pource que nostre esperit de dieu creé a son ymage est des choses crees la plus noble apres les angelz. Convenable chose est & necessaire que il soit adorné de vertus parquoy il puisse estre convoyé a la fin pourquoy il est. Et pour ce que il peult estre empesché par les assaulx & agaz de l’ennemy d’enfer qui est son mortel adversaire & souvent le destourne de venir a sa beatitude. Nous pouons appeller la vie humaine droicte chevalerie comme dit l’escripture en plusieurs pars. Et comme toutes choses terrestres soient faillables devons avoir en continuelle memoire le temps futur qui est sans fin Et pource que ce est la somme & parfaicte chevalerie & toute autre soit de nulle comparaison. Et dont les victorieux sont couronnez en gloire prendrons maniere de parler de l’esperit chevalereux. Et ce soit faict a la louenge de dieu principalement & au proffit de ceulx qui se delicteront a ouyr ce present dictier.

Alegorie.

Comme prudence & sagesse soit mere & conduiseresse de toutes vertus sans laquelle ne pourroient estre bien gouvernees est il necessaire a l’esperit chevalereux que de prudence soit adorné comme dit sainct augustin au livre de la singularité des clercz que en quelque lieu que prudence soit legierement peult on cesser et anientir toutes choses contraires Mais la ou prudence est despitee toutes choses contraires ont seigneurie. Et a ce propos dit Salomon en ses proverbes.

Si intraverit sapientia cor tuum et scientia anime tue placuerit consilium custodiet te et prudentia servabit te. Proverbiorum secundo capitulo.

 

ii. Texte.

Et a celle fin que tu saches
Qu’il te fault faire/ & que tu faces
A toy les vertus plus propices
Pour mieulx parvenir aux premisses
De vaillance chevalereuse
Et tout soit elle aventureuse
Encor te diray qui me maine
J’ay une mienne seur germaine
Remplie de toute beaulté
Mais sur toute especiaulté
Est doulce/ coye/ & attrempee
Ne jamais d’ire/ n’est frappee
A riens fors mesure ne pense
C’est la deesse d’attrempance
Si ne peulx s’a par elle nom
Avoir de grant grace le nom
Car s’elle n’en faisoit le pois
Tout ne te vauldroit pas sept pois.
Pour ce vueil qu’avec moy t’amye
Celle soit/ ne l’oublies mye
C’est la deesse tres apprise
Qui sage est/ moult l’ayme & prise.

ii. Glose.

Dit othea que attrempance est sa seur/ laquelle il doibt aymer. La vertu d’attrempance vrayement peult estre dicte seur et est semblable a prudence. Car attrempance est demonstrance de prudence/ & de prudence s’ensuyt attrempance. Pour ce dit que il la tienne pour s’amie. ce que semblablement doibvent faire tous bons chevaliers desirans le louyer donné aux bons. Si comme dit le philozophe nommé democritus.

Attrempance amodere les vices/ et parfait les vertus

ii Alegorie

La vertu d’attrempance qui a proprieté de limiter les superfluitez doit avoir le bon esperit. Et dit sainct augustin au livre des meurs de l’eglise que l’office de attrempance est refraindre & appaiser les meurs de concupiscence qui nous sont contraires & qui nous destournent de la loy de dieu. Et aussi despiter delices charnelles & louenge mondaine. A ce propos parle sainct pierre l’apostre en sa premiere epistre.

Obsecro vos tanquam advenas et peregrinos abstinere vos a carnalibus desideriis que militant adversus animam. Prima petri secundo capitulo

 

iii. Texte

Et avec nous te convient force
Se tu de grand vertu fais force
Vers Hercules te fault virer
Et ses vaillances remirer
En qui il eut trop de bernage
Et pour tant se a ton lignage
Fut contraire/ & eut attaine
N’ayes mye pour tant hayne
A ses vertus nobles & fortes
Qui de prouesse oeuvrent les portes
Mais se tu les veulx ensuyvir
Ja pour ses vaillances suyvir
Ne t’est pour tant necessaire
Aux infernaulx guerre faire
N’au dieu pluto aller contendre
Pour proserpine a avoir tendre
La fille ceres la deesse
Qu’il ravit sur la mer de gresse
Ne il ne t’est mye mestier
Que a cerberus le portier
D’enfer tu coppes les chaines
Ne a ceulx d’enfer prendre ataines
Qui trop sont desloyaux gaignons
Comme il fist pour ses compaignons
Pirotheus & theseus
Qui a pou furent deceups
D’eulx embatre en celle valee
Ou mainte ame est moult adoulee
Assez trouveras guerre en terre
Sans que l’ailles en enfer querre.
Si ne t’est mye necessaire
Pour armes pourchasser & faire
Aller combatre aux fiers serpens ravissans
Aux lyons/ ne aux loups rampans
Je ne sçay se tu l’ymagines
Aussi aux aultres saulvagines
Pour avoir renom de prouesse
Se ce n’estoit en tel destresse
Comme pour le tien corps deffendre
Se telz bestes pour toy offendre
T’assailloient/ lors la deffence
T’est honnorable/ & sans doubtance
Se tu as sur elles victoire
Ce te sera honneur & gloire.

iii Glose.

La vertu de force est a entendre nonmye force corporelle/ mais constance & fermeté que le bon chevalier doit avoir en tous ses faitz deliberez par bon sens/ & force de resister contre les contrarietez qui luy pevent venir. Soit infortune en tribulacions ou fort & puissant courage peult estre vaillable a exaulcement de valeur.

Et pour donner materiel exemple de force allegue hercules/ affin que doublement soit vaillable c’estassavoir en tant que touche ceste vertu. Et mesmement es faitz de chevalerie ou icelluy fut tresexcellent. & pour la haultesse de hector estoit chose convenable luy donner hault exemple. Hercules fut ung chevalier de grece de merveilleuse force & mist a fin maintes chevalereuses prouesses/ grand voiagier fut par le monde. Et pour les grans & merveilleux voyages que il fist es choses de grant force/ les poetes qui parlerent soubz couverture & en maniere de fable disent que il alla en enfer combatre aux princes infernaulx/ & que aux serpens & fieres bestes se combatoit qui est a entendre les fortes emprinses que il faisoit. Et pour ce dit au bon chevalier que il se doibt mirer c’estassavoir en ses prouesses & vaillances selon sa possibilité. Et ainsi comme la clarté du soleil est proffitable a tous/ peult estre bon exemple. Si comme dit ung philozophe. Le grain de forment quant il chiet en bonne terre il est a tous proffitable. Semblablement peult estre bon exemple a tous ceulx vaillable qui vaillance desirent. Et dit ung sage la vertu de force fait l’homme permanable a vaincre toutes choses

iii Alegorie

Ainsi comme sans force & vigueur le bon chevalier ne pourroit desservir pris d’armes Aussi ne pourroit le bon esperit avoir ne gaigner le louyer & pris deu aux bons victoriens sans icelle. Et dit sainct ambroise au premier livre des offices que la vraye force de courage humain est celle qui n’est jamais brisee en adversité/ & ne se orgueillist point en prosperité/ qui se espreuve a garder & deffendre les aornemens des vertus a soustenir justice/ qui fait continuelle guerre aux vices/ qui n’est jamais recreue en labeurs/ qui est hardie en perilz/ & roide encontre les charnelz desirs & a ce propos parle sainct Jehan l’evangeliste en sa premiere epistre.

Scribo vobis juvenes quoniam fortes estis/ & verbum dei manet in vobis vicistis malignum. prima Johannis. ii. capitulo.

 

iiii Texte.

Encor se veulz estre des noz
Resembler te convient minos
Tant soit il justicier et maistre
D’enfer et de tout son estre
Car se tu te veulz avancier
Estre te convient justicier
Aultrement de porter heaulme
N’es digne/ ne tenir royaulme

iiii Glose

Dit prudence au bon chevalier que s’il veult estre du renc aux bons la vertu de justice lui convient avoir. C’estassavoir de tenir droituriere justice & dit aristote. Celuy qui est droiturier justicier/ doit premierement soy mesmes justicier car celui qui fauldra a soi mesmes justicier seroit non digne d’aultrui justicier Si est a entendre soy mesmes corriger de ses deffautes si qu’ilz soient du tout amorties. Et puis homme ainsi correct peut bien et doibt estre corrigeur de plusieurs aultres hommes. Et a parler moralement dirons une fable a ce propos selon la couverture des poetes. Minos comme disent les poetes est justicier d’enfer. Et comme prevost ou souverain baillif. Et devant lui sont amenees toutes les ames descendans en icelle valee. Et selon ce que elles ont desservi penance/ et autant de degrez comme il veult qu’elles soient mises en parfont il tourne sa queue entour soy. Et pour ce que enfer est la justice et punicion de dieu droituriere prenons a present maniere de parler a ce propos. Il fut bien verité que ung roy fut en crete appellé minos de merveilleuse fierté & eut en luy grant rigueur de justice. Et pour ce dirent les poetes que apres sa mort fut comme a estre justicier d’enfer. Et dit aristote. Justice est une mesure que dieu a establie sur terre pour limiter les choses.

iiii Allegorie.

Et comme dieu soit chief de justice et de tout ordre. est il necessaire a l’esperit chevalereux pour parvenir a glorieuse victore que il ait celle vertu. & dit saint bernard en ung sermon que justice n’est aultre chose que rendre a chacun ce qui est syen. Rens doncques dit il a troys paires de gens ce qui est leur. A ton souverain/ a ton pareil ou egal/ et a ton subget. A ton souverain tu dois rendre reverence et obeissance reverence de cueur & obeissance de corps A ton pareil tu dois rendre conseil et ayde/ conseil en enseignant son ignorance et ayde en confortant sa non puissance A ton subject tu dois rendre garde & discipline garde en le gardant de mal faire. et discipline en le chastiant se il a mal fait. Et a ce propos parle salomon es proverbes

Excogitat justus de domo impii ut detrahat impios a malo : gaudium est justo facere justiciam. Proverbiorum. xxi. capitulo.

 

v Texte

Apres te mire en perseus
De qui le hault nom est sceus
Parmy le monde en toutes pars
Pesagus ly chevaulx appars
Chevaucha par l’air en volant
Et andromeda en alant
Delivra il de la velue
Si luy a a force tollue
Comme bon chevalier errans
Si l’a rendue a ses parens
Cestuy fait vueillez retenir
Car bon chevalier doibt tenir
Celle voye/ s’il veult avoir
Honneur/ qui trop mieulx vault qu’avoir.
Si te mires en son escu
Luysant/ qui plusieurs a vaincu
De son fauchon soyes armé
Si seras fort & affermé.

v Glose.

Et pource que c’est chose convenable que au bon chevalier soit deu honneur & reverence en ferons figure selon la maniere des poetes. Perseus fut ung moult vailant chevalier/ & plusieurs royaulmes acquist & de luy fut la grant terre de perse nommee & dirent les poetes que il chevauchoit le cheval qui par l’air vole que ilz nommerent pesagus. Et est a entendre renommee qui par l’air vole & va en tous pays il portoit en sa main ung fauchon ou une faulx qui est dit pour la grant foison de gens qui par luy furent desconfitz en maintes batailles. Il delivra andromeda de la velue. ce fut une pucelle que il delivra de ung monstre de mer qui par la sentence de dieu devorer la devoit/ qui est a entendre que tous chevaliers doivent secourir femmes qui besoing de leur ayde ayront. Si peult estre noté perseus/ & le cheval qui vole bonne renommee que le bon chevalier doibt avoir et acquerir par ses bonnes merites/ & la doibt chevaucher/ c’est que son nom doibt estre porté en toutes terres. Et dit Aristote. Bonne renommee fait l’homme reluisant au monde/ & agreable en la presence des princes.

v Alegorie.

Renommee doibt desirer l’esperit chevalereux entre la noble compaignie des benoictz sainctz de paradis acquise par ses bonnes merites. Le cheval pesagus qui le portera sera son bon ange qui fera bon raport de lui au jour du jugement. Andromeda qui sera delivree/ c’est son ame qu’il delivrera de l’ennemi d’enfer par vaincre peché. Et que on doie oultre ce voler ce est bonne renommee avoir en ce monde affin de dieu non par vaine gloire avoir. Dit saint augustin au livre de correction que deux choses sont necessaires a bien vivre/ c’estassavoir bonne conscience & bonne renommee. Conscience pour soy/ & renommee pour son prochain/ & qui se fie en conscience & despite renommee/ il est cruel. Car c’est signe de noble courage de aymer le bien de renommee. Et a ce propos dit le saige.

Curam habe de bono nomine/ magis enim permanebit tibi quam mille thesauri preciosi. Ecclesiastici. xli. capitulo.

 

vi Texte.

Avec tes inclinacions
De jovis les condicions
Vueilles avoir/ mieulx en vauldras
Quant tu en droit point les tendras

vi Glose

Comme dit est les païens qui adoroient plusieurs dieux. Les planettes du ciel pour espiciaulz dieux tenoient & des sept planettes nommerent les sept jours de la sepmaine jupiter ou jovis adoroient et tenoient pour leur plus grant dieu. pour ce qu’il est assis en la plushaulte espece des planetes apres saturnus. De jovis est le jour de jeudi nommé et mesmes les arquemistes attribuerent & comparerent les vertus des sept metaulz aux sept planettes Et nommerent les termes de leurs sciences/ par icelles planettes comme on peut veoir en geber et Nicolas & les aultres auctoritez d’icelle science. A jupiter attribuerent le cuivre ou arain. Jupiter ou jovis est planette de doulce condicion amiable & moult joyeuse & est figuree a la complexion sanguine pour ce dit Othea c’estassavoir prudence que le bon chevalier doit avoir les condicions Jupiter & ce mesmes doivent avoir tous nobles poursuivans chevalerie. A ce propos dit pitagoras que ung roy doit gracieusement converser avec ses gens & leur monstrer joyeux visage/ et par ainsi est a entendre de tous vaillans tendans a honneur.

Or ramenons a nostre propos allegorie la proprieté des vii planetes.

vi. Allegorie.

Jovis qui est doulce planette & humainne/ dont le bon chevalier doit avoir les condicions/ nous peult signifier misericorde et compassion que le bon chevalier doibt avoir en soy. car dit saint gregoire en l’epistre a nepotian. Je ne recorde point dit il avoir veu ne ouy que cellui soit mort qui a voulentiers acompli les oeuvres de misericorde/ car misericorde a beaucoup de intercesseurs. Et est impossible que les prieres de plusieurs ne soient exaulcees. Et a ce propos parle nostre seigneur en l’evangile.

Beati misericordes quoniam ipsi misericordiam consequentur.

 

vii Texte

De venus ne fays ta deesse
Ne te chaille de sa promesse
Le poursuivir en est travailleux
Non honorable et perilleux

vii Glose.

Venus est planette du ciel dont le jour du vendredi est nommé. Et le metal que nous appellons estain ou espeautre est a icelle attribué/ venus donne influence d’amours & de vagueté. & fut une dame ainsi nommee qui fut royne de cypre. Et pour ce que elle exceda toutes en excellant beaulté & joliveté et tresamoureuse fut et non constant en ung amour/ mais abandonnee a plusieurs L’appellerent deesse d’amours. Et pour ce qu’elle donne influence de luxure dit Othea au bon chevalier que il n’en face sa deesse c’est a entendre que en celluy vice ne doit son corps ne son entente abandonner. Et dit hermes/ le vice de luxure estaint toutes vertus.

vii Alegorie.

Venus dont le bon chevalier ne doit faire sa deesse c’est que le bon esperit ne doibt avoir en soy nulle vanité et dit cassiodore sur le psaultier/ vanité fist l’ange devenir dyable. Et au premier homme donna la mort et le vuida de bonneureté qui luy estoit ottroyee Vanité est mere de tous maulz la fontaine de tous vices. Et la veine de iniquité qui l’homme met hors de la grace de dieu & le met en sa hayne. Et a ce propos dit david en son psaultier en parlant a dieu.

Odisti observantes vanitates supervacue psal. xxx.

 

viii Texte.

Se tu en jugement t’assembles
Saturnus gard que tu ressembles.
Ainçoys qu’ottroyes ta sentence
Gard ne la donnes en doubtance

viii Glose.

De saturnus est le jour du samedi nommé/ et le metal que nous appellons plomb & est de condicion tardive pesant et sage. Et fut ung roy de crete ainsi nommé qui moult fut sage dont les poetes parlent soubz couverture de fable. Et dient que son filz jupiter luy coppa les genitores qui est a entendre que il luy tollit sa puissance que il avoit et le desherita et chassa. Et pour ce il est pesant et sage veult dire Othea que le bon chevalier doibt moult peser la chose ains qu’il donne sa sentence soit en pris d’armes ou en aultres affaires. Et ce mesmes pevent notter tous juges qui ont offices appartenant a jugement. Et a ce propos dit hermes. penses bien a tous tes affaires et par especial au jugement d’autruy.

viii Allegorie

Si comme le bon chevalier doibt estre tardif en jugement c’estassavoir bien peser sentence ains qu’il la donne semblablement doit le bon esperit de ce qu’il lui appartient car a dieu appartient jugement qui scet discerner les causes droiturierement. Et dit Sainct gregoire es moralles/ que quant nostre fragilité ne sçait comprendre les jugemens de dieu nous ne les devons mie discuter en hardies parolles/ mais les devons honnorer en paoureuse silence et quelque merveilleux qu’il nous semblent sy les devons nous reputer justes/ et a ce propos parle david en son psaultier.

Timor domini sanctus permanet in seculum seculi. Judicia domini vera justificata in semetipsa. psalmo. xviii.

 

ix Texte.

Ta parolle soit clere et voire
Appollo t’en donra memoire
Car celluy ne peult nulle ordure
Souffrir dessoubz sa couverture

ix Glose

Appollo ou phebus est le soleil au quel le jour du dimenche est attribué/ & aussi le metal que nous appellons or le soleil par sa clarté monstre les choses mussees. Et pour ce verité qui est clere et monstre les secretes choses lui peult estre attribuee. Laquelle vertu doibt estre en cueur & bouche de tout bon chevalier. Et a ce propos dit Hermes Aimes dieu & verité et donnes loyal conseil.

ix Alegorie.

Appollo qui est a dire le soleil par qui nous nottons verité pouons prendre que verité doit avoir en bouche le vrai chevalier jesuchrist et fuyr toutes faulcetez/ Comme dist crisostome au livre des louenges saint pol. La condicion de faulceté est telle que mesmes ou elle n’a nulz contredisans si dechiet elle en soy mesmes. Mais au contraire la condicion de verité est si estable que tant a plus de adversaires contredisans tant croit elle & se eslieve plus. Et a ce propos dit la saincte escripture.

Super omnia vincit veritas. Secundi Esdre tertio capitulo.

 

x Texte

A Phebé ne resembles mye
Trop est muable et ennemye
A constance et a fort courage
Merancolieuse et lunage

x Glose

Phebé est appellee la lune. Dont le lundi est nommé & y est attribué le metal que nous appellons argent. La lune n’arreste nulle heure en ung droit point et donne influence de muableté et folie. Et pour ce veult dire que le bon chevalier se doibt garder de telz vices. Et a ce propos dit hermes usez de sapience et soyez constant

x Alegorie

Phebé qui est la lune que nous nottons inconstance que ne doit avoir le bon chevalier & semblablement le bon esperit. Comme dit Saint ambroise en l’espitre a simplician que le fol est muable comme la lune. Mais le saige est tousjours constant en ung estat/ il n’est point brisé par paour/ il ne se mue point par puissance/ il ne se eslieve point en prosperité/ il ne se plunge point en tristesse. La ou est sapience/ la est vertu/ force et constance/ le sage est tousjours d’ung courage/ il n’appetice ne ne croist pour mutation des choses/ il ne flotte point en diverses opinions mais demeure parfait en jesucrist fondé en charité/ enraciné en foy. Et ce propos dit la saincte escripture

Homo sanctus in sapientia permanet sicut sol. Nam stultus sicut luna mutatur ecclesia. xxvii. c. i.

 

xi. Texte.

Mars ton pere/ je n’en doubt pas
Tu ensuyvras bien/ en tous pas
Car ta noble condition
Y trait ton inclination.

xi Glose.

De mars est nommé le jour du mardi et luy est attribué le metal que nous disons fer. Mars est planette qui donne influence de guerres & batailles.

Et pour ce tout chevalier qui ayme ou suive armes & faitz de chevalerie & en ce ait renommee de valeur peult estre appellé filz de mars. Et pour ce othea nomma ainsi hector. Nonobstant fust il filz au roy priant & dist que bien ensuyviroit son pere ce que bon chevalier doibt faire & dit ung sage que par les oeuvres de l’homme peult on congnoistre ses inclinations.

xi Allegorie.

Mars le dieu de batailles peult bien estre appellé le filz de dieu qui victorieusement batailla en ce monde. Et que le bon esperit voye par son bon exemple ensuyvir son bon pere jesucrist & batailler contre les vices dist sainct ambroise au premier livre des offices que qui veult estre amy de dieu il fault qu’il soit ennemy du dyable. Et qui veult avoir paix a jesuchrist/ il fault qu’il ait guerre contre les vices. Et tout ainsy comme en vain fait on guerre en champ aux ennemys forains la ou la cité est plaine de princes espiez. Ainsi ne pevent vaincre les maulx de par dehors qui ne guerroye fort les pechez de son ame. Et est la plus glorieuse victoire qui soit que vaincre soy mesmes. Et a ce propos parle saint pol l’apostre.

Non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem sed adversus principes/ & potestates adversus mundi rectores tenebrarum harum contra spiritualia nequicie in celestibus. ad epheseos. sexto capitulo.

 

xii Texte.

Soyes aorné de faconde
Et de parolle nette & monde
Ce t’aprendra mercurius
Qui de bien parler scet les us.

xii. Glose.

De mercurius est nommé le jour du mecredi & l’argent vif y est attribué. Mercurius est planette qui donne influence de pontifical maintien & de beau languaige aorné de rethorique pour ce dist au bon chevalier que il en doibt estre aorné/ car honorable maintien & belle loquence siet moult a noble desirant le hault pris d’honneur/ mais que il se garde de trop parler. Car dit diogenes que de toutes vertus le plus est le meilleur/ excepté de parolles.

xii Alegorie.

Mercurius qui est dit dieu de langage/ pouons entendre que le chevalier jesuchrist doibt estre aorné de bonne predication/ & de parolle de doctrine/ & aussi doibt aymer et honorer les anonceurs d’icelles.

Et dit sainct gregoire es omelies que on doibt avoir en grant reverence les prescheurs de la saincte escripture/ car ce sont les coureurs qui vont devant nostreseigneur & nostreseigneur les suyt.

Saincte predicacion vient devant et lors nostreseigneur vient a l’habitacion de nostre cueur/ les parolles de exortacion font la course devant. Et lors verité si est receue en nostre entendement. Et a ce propos dit nostreseigneur a ses apostres.

Qui vos odit/ me odit. et qui vos spernit me spernit. Luce decimo capitulo.

 

xiii Texte

Armeures de toutes sortes
Pour toy armer bonnes et fortes
Te livrera assez ta mere
Minerve qui ne t’est amere

xiii Glose.

Minerve fut une dame de moult grant sçavoir et trouva l’art de faire armeures/ car devant ne s’armoient les gens/ fors de cuir boully. et pour la grant sagesse qui fut en ceste dame l’appellerent deesse. Et pour ce que moult sceut hector armeures mettre en oeuvre/ et que ce fut son droit mestier l’appella othea filz de minerve/ nonobstant qu’il fut filz a la royne Ecuba de troye. Et par semblable nom pevent estre nommez tous les armeurs des armes. A ce propos dit une auctorité. Les chevaliers donnés aux armes sont a icelle subjectz.

xiii Allegorie

Ce qui est dit que armeures bonnes & fortes lui livrera assez sa mere au bon chevalier nous pouons entendre la vertu de foy qui est vertu theologale et est mere au bon esperit et que elle livrera assez armeures dit cassiodore en l’exposition de la credo que foy est la lumiere de l’ame la porte de paradis la fenestre de vie et le fondement de salut pardurable. Car sans foy ne peult nul a dieu plaire/ et a ce propos parle Sainct pol l’apostre.

Sine fide impossibile est placere deo. ad hebreos. xi. ca.

 

xiiii Texte

Adjouste pallas la deesse
Et met avec ta prouesse
Tout bien te viendra se tu l’as
Bien siet o minerve pallas

xiiii Glose

Apres dit que il adjouste Pallas avec minerve qui bien y siet. Et doit on sçavoir que pallas & minerve est une mesme chose/ mais les noms divers sont prins a deux entendemens. Car celle qui eut nom minerve fut aussi sournommee pallas d’une ysle qui eut nom pallance/ dont elle fut nee.

Et pour ce que elle generalement en toutes choses fut sage/ & maintz artz trouva nouvellement beaulx & subtilz l’appellerent deesse de sçavoir. Si est nommee minerve a ce qui appartient a chevalerie. Et pallas en toutes choses qui appartienent a sagesse. Pour ce veult dire que il doibt adjouster sagesse a chevalerie/ qui moult bien y est duisant. Et comme armes doivent estre garde de la foy/ peult estre entendu a ce propos ce que dit Hermes. Adjouste l’amour de la foy avec sapience.

xiiii Alegorie

Et sicomme pallas qui note sagesse doit estre adjoustee avec chevalerie/ doibt estre la vertu de esperance adjoustee aux bonnes vertus de l’esperit chevalereux sans laquelle il ne pourroit proffiter. Et dit origenes es omelies sur exode que l’esperance des biens advenir est le soulas de ceulx qui travaillent en ceste vie mortelle. Ainsi comme aux laboureurs l’esperance du payement adoulcist le labour de leur besoigne. Et aux champions qui sont en la bataille l’esperance de la couronne de victoire attrempe les douleurs de leurs playes. Et a ce propos parle sainct pol l’apostre.

Fortissimum solatium habemus qui confugimus ad tenendam prepositam spem : quam sicut anchoram habemus anime tutam. Ad hebreos vi. capitulo.

 

xv Texte

Ayes chiere panthasselee
De ta mort sera adoulee
Tel femme doibt bien estre aymee
Dont si noble voix est semee.

xv Glose

Panthasselee fut une pucelle royne d’amasome et moult fut belle & de merveilleuse prouesse en armes et hardement. Et pour le grant bien que renommee tesmoingnoit par tout le monde de hector le preux l’aymoit de tresgrant amour et de ses parties vint a troye au temps du grant siege pour veoir Hector/ mais quant mort le trouva dolente en fut oultre mesure & atout grant ost de damoiselles moult chevalereuses vengea moult vigoureusement sa mort/ ou elle fist de merveilleuses prouesses/ & maintz grans griefz fist aux gregoys. Et pour ce que elle fut vertueuse dit au bon chevalier que il la doibt aymer. Ce est a entendre que tout bon chevalier doibt aymer & priser toute femme forte en vertu de sens/ et de constance. Et celle femme est adoulee de la mort hector/ c’est a entendre combien prouesse & valeur est amortie en chevalier. Et dit ung sage. Bonté doibt estre louee ou qu’elle soit apperceue.

xv Alegorie.

Panthasselee qui fut secourable pouons entendre la vertu de charité qui est la tierce theologale doibt avoir parfaictement le bon esperit en soy charité & dit cassiodore au psaultier que charité est ainsi comme la pluye qui chiet en printemps qui distile les gouttes de vertus soubz laquelle germe la bonne voulenté et bonne operation fructifie. Elle est patiente en adversitez/ attrempee en prosperité/ puissante en humilité/ joyeuse en affliction/ bien voulante a tous ses ennemys/ & amye mesmement a ses ennemys/ communicaire de ses biens. Et a ce propos parle sainct pol l’apostre.

Caritas patiens est benigna est. Caritas non emulatur/ non agit perperam/ non inflatur/ non est ambitiosa/ non querit que sua sunt. Prima ad corinthios xiii. capitulo.

 

xvi Texte

Narcisus ne vueilles sembler
Par trop grant orgueil affuler
Car chevalier oultrecuidé
Est de mainte grace vuidé.

xvi Glose.

Narcisus fut ung damoysel qui pour sa grant beaulté fut eslevé en si grant orgueil que il avoit en despris tous les aultres. Et pour ce que il ne prisoit si non lui est il dit qu’il fut si amoureux & assoté de luymesmes que il en mourut apres ce que il se fut miré en la fontaine. ce est a entendre l’oultrecuidance de luymesmes ou il se mira.

Pour ce deffend au bon chevalier que il ne se mire en ses biens faitz/ parquoy il en soit oultrecuidé. Et a ce propos dit Socrates. Filz garde que tu ne soyes deceu en la beaulté de ta jeunesse/ car ce n’est mie chose durable.

xvi Alegorie.

Or ferons alegorie a nostre propos en applicquant aux sept pechez mortelz. Par narcisus entendrons le peché d’orgueil/ dont le bon esperit se doibt garder. Et dit origenes es omelies. A quoy se en orgueillist terre et cendre. ne homme comment se ose il eslever en arrogance/ quant il pense dont il est venu/ et que il deviendra & en combien fresle vaissel est sa vie contenue/ & en quelles ordures il est plungé/ & quelles nettayeures il ne cesse de getter de sa chair par tous les conduitz de son corps. Et a ce propos dit la saincte escripture.

Si ascenderit ad celum superbia ejus et caput ejus nubes tetigerit quasi sterquilinium in fine perdetur Job. x. capitulo.

 

xvii Texte.

Athamas plain de grant rage
La deesse de forcennage
Fist estrangler ses deux enfans
Pour ce grant ire te deffens

xvii Glose.

Athamas fut roy et mari a la royne juno qui fist semer le bled cuit pour desheriter ses fillastres car elle par argent corrumpit les prestres de la loy qui raportoient les responces des dieux. Si dist au roy & a ceulx de la contree que le bled que on avoit semé n’avoit point prouffité/ pour ce qu’il plaisoit aux dieux que deux enfans que le roy avoit beaulz & gens fussent chassez & exillez. Et pour ce que le roy consentit l’exil de ses deux enfans tout le fist il envis & a grant douleur. dit la fable que la deesse juno en voulut prendre la vengance & ala en enfer dire a la deesse de forsennage que elle venist vers le roy athamas. Adonc l’orrible & l’expouentable deesse vint a tout ses crins serpentins/ & se mist sur le sueil du palais/ et estendit ses bras aux deux lez de la porte. Et adonc telz contens commença entre le roy et la royne que a peu ne se entre occirent. Et quant du palais cuiderent saillir adonc la forsennee deesse tira deux horribles serpens de ses crins et es girons leur lança. Et quant la deesse virent tant espouentable/ adonc tous deux forsenez devindrent. Athamas occist la royne par rage/ et puis ses deux enfans et luymesmes de dessus une haulte roche se lança en la mer. L’exposicion de ceste fable peult estre que une royne fut tant diverse a ses fillastres qu’elle les fist desheriter/ dont puis n’eut paix entre le pere et la marrastre/ & peult estre que au dernier il l’occist. Et pour ce que ire est ung mortel vice et si mauvais que celluy qui en est fort attaint n’a nulle congnoissance de raison dit au bon chevalier que de ire se doibt garder/ car moult est grant default en bon chevalier estre ireux. Et pour ce dit aristote/ garde toy de ire car elle trouble l’entendement & destourne raison.

xvii Allegorie

Athamas qui tant fut plain d’ire entendrons proprement le peché de ire dont le bon esperit doit estre vuide. Et dit saint augustin en une epistre que ainsi comme le vin aigre ou boute corrumpt le vaissel ou il est se il y demeure longuement. Ainsy ire corrumpt le cueur ou elle se boute se elle y demeure de jour a autre/ pour ce dit saint pol l’apostre

Sol non occidat super iracundiam vestram. ad epheseos. quarto ca.

 

xviii Texte.

Sur toute rien toute ta vie
Fuys la faulse deesse envie
Qui fist devenir plus vert que yerre
Aglaros qui puis devint pierre

xviii Glose.

Aglaros ce dit une fable fut soeur hercé qui tant fut belle que pour sa beauté eut espouse mercurius le dieu de language et furent filles cycrops le roy d’athenes mais tant eut aglaros envie sur sa seur hercé qui pour sa beauté tant fut avancee comme d’estre mariee au dieu que toute d’envie se defrisoit/ et seche devint et descoulouree/ & verte comme yerre pour l’envie que elle portoit a sa seur. ung jour estoit aglaros sur le sueil de l’huis assise et a mercurius qui entrer vouloit en l’ostel veoir l’entree ne pour priere qu’il luy fist entrer ens ne le vouloit laisser. Adonc le dieu se courroussa et dit que tousjours y peust elle remaindre aussi dure comme elle avoit le courage : et lors devint aglaros dure comme pierre si peult estre averee la fable par semblable cas advenir a aulcunes personnes/ Mercurius peult estre ung puissant homme bien emparlé qui fist sa serourge emprisonner ou mourir pour aulcun desplaisir que elle luy avoit fait. Et pour ce dit que elle fut muee en pierre/ et pour cause que trop est villaine tache/ & contre gentillesse estre envieux dit au bon chevalier que il s’en garde sur toute riens. Et dit socrates. Celuy qui porte le faisseau d’envie a peine perpetuelle.

xviii Allegorie

Sicomme l’auctorité defend envie au bon chevalier. Celluy mesmes peché defend la sainte escripture au bon esperit/ et dit Sainct augustin. Envie est la hayne de felicité d’autruy : et se estend l’envie de l’envieux contre ceulz qui sont plus grant de soy/ pour ce que il n’est ainsy grant que eulx/ et contre ceulx qui sont moindres de soy de paour qu’ilz ne devienent aussi grans comme luy/ et a ce propos dit l’escripture.

Nequam est oculus mundi et avertens faciem suam. ecclesiastici. xiiii. ca.

 

xix Texte.

Ne soyes ne trop long ne prolixe.
A toy garder de la malice
Ulixés qui l’oeil au geant
Embla/ tant fust il cler veant

xix Glose.

Dit une fable que quant Ulixés s’en retournoit en grece apres la destruction de troye/ grant orage de temps transporta sa nef en une isle ou eut ung geant/ qui n’avoit fors ung seul oeil emmy le frond d’orrible grandeur. Ulixés par sa subtilité luy embla & ravit/ c’est a entendre lui creva. Si est a entendre que le bon chevalier se garde que paresce ne le laisse surprendre aux baratz et agaz des malicieux si que son oeil en puist estre ravi. C’estassavoir l’oeil de son entendement ou son honneur ou sa terre ou ce qu’il a plus chier comme souvent adviennent maintz inconveniens par paresce et lacheté Et a ce propos dit hermes/ bieneureux est celluy qui use ses jours en solicitude convenable.

xix. Allegorie

Ce qui est dit que le bon chevalier ne soit ne long ne prolixe/ pouons entendre le peché de paresce que le bon esperit ne doibt avoir. Car comme dit bede sur les proverbes salomon le paresceux n’est pas digne de regner avec dieu qui ne veult labourer pour l’amour de dieu. Et n’est pas digne de recepvoir la couronne promise aux chevaliers qui est couart de entreprendre les champs de bataille. pour ce dit l’escripture.

Cogitationes robusti semper in habundantia omnis autem piger in egestate erit Proverbiorum. xxi. ca.

 

xx Texte

Ne prens pas contens aux renouilles
Ne en leur palu ne te fouilles
Contre lathona s’assemblerent
Et l’eaue clere luy troublerent.

xx Glose.

La fable dit que la deesse lathona fut mere phebus/ et phebé qui est le soleil & la lune et a une ventree les porta. Juno par tous pays les chassoit pour ce que ensainte estoit de jupiter son mari. Ung jour fut moult travaillee la deesse lathona et arriva a ung gué & lors s’abaissa sur l’eaue pour estancher sa grant soif/ la avoit vilains a grans tourbes qui pour la grant chaleur du soleil en l’eaue se baignoient/ & lathona prindrent a ramposner & a luy troubler l’eaue que elle cuidoit boire/ ne pour priere que elle leur feist ne la voulurent souffrir/ ne avoir pitié de son meschief/ si les mauldist/ & dist que a tousjours mais ilz peussent demeurer au palu & fussent lais & abhominables & tousjours ne cessassent de braire & de ramposner. Adonc devindrent les vilains renouilles/ qui depuis ne finerent de braire comme il appert au temps d’esté en ces rivages. Si peult estre que aulcuns paysans firent desplaisir a aucune grant maistresse qui les fist getter en la riviere & noyer. Ainsi devindrent renouilles. Ce est a entendre que le bon chevalier ne se doibt nullement souiller au palu de vilennie. Mais doibt fuyr toutes vilaines taches qui sont contraires a gentillesse/ car comme vilanie ne peult souffrir en soy gentillesse/ aussi ne doibt gentillesse souffrir en soy vilanie/ ne mesmement contendre ne prendre debat a personne vilaine de vices/ & de parler vilain. Et dit platon. Celuy qui adjouste a sa gentillesse noblesse de bonnes meurs est a louer. Et celuy a qui souffist la gentillesse qui vient de ses parens sans acquerir bonnes condicions/ ne doibt pas estre tenu pour noble.

xx Alegorie.

Les villains qui devindrent renoulles pouons entendre le peché d’avarice qui est contraire au bon esperit. Et dit sainct augustin que l’homme avaricieux est semblable a enfer. Car enfer ne scet tant engloutir de ames qu’il die c’est assez. Et se tous les tresors du monde estoient amassez en la possession de l’avaricieux/ il ne seroit pas rassasié. Et a ce propos dit l’escripture.

Insatiabilis oculus cupidi. in parte iniquitatis non satiabitur. Ecclesiastici. xiiii. capitulo.

 

xxi Texte

Au dieu bacus point ne t’acordes
Car ses conditions sont ordes
Non vaillables en ses depors
Les gens fait transmuer en pors

xxi Glose.

Bacus fut ung homme qui premierement planta vignes en grece. Et quant ceulx de la contree sentirent la force du vin qui les enyvroit ilz disrent que bacus estoit ung dieu qui telle force avoit donnee a la plante. Si est par bacus entendue yvresse. Et pour ce dit au bon chevalier que nullement ne se doibt abandonner a yvresse/ car c’est ung tres impacient vice a tout noble/ & a homme qui vueille user de raison. Et a ce propos dit ypocras. Superfluitez de vins & de viandes destruisent le corps & l’ame & les vertus.

xxi Alegorie

Par le dieu Bacus pouonz entendre le peché de gloutonnie dont le bon esperit se doit garder. De gloutonnie dit sainct gregoire es morales que quant le vice de gloutonnie prent a seigneurier la personne/ elle pert tout le bien que elle avoit fait.

Et quant le ventre n’est restraint par abstinences/ toutes vertus sont ensemble noyees. Pour ce dit saint pol.

horum finis interitus/ quorum deus venter est & gloria in confusione eorum qui terrena sapiunt. Ad philippenses. iii. capitulo.

 

xxii Texte

Ne t’assotes pas de l’ymage
Pimalion se tu es sage
Car de tel ymage paree
Est la beaulté trop comparee.

xxii Glose.

Pymalion fut ung moult subtil ouvrier de faire ymages. Et dit une fable que pour la grant vilité que il veit es femmes de cidoine il les desprisa & dist que il feroit une ymage ou il n’airoit que redire/ une ymage de femme tailla de souveraine beaulté/ quant il eut parfaicte amour qui subtillement scet cueurs ravir le fist estre amoureux de son ymage & pour luy fut agrigé des maulx d’amours/ plains & clamours a piteux souspirs luy faisoit/ mais l’ymage de pierre ne l’entendoit. Au temple de venus s’en alla pymalion & tant luy fist devote clamour que la deesse en eut pitié/ & en demonstrance de ce le brandon que elle tenoit a parluy s’esprint & aluma. Adonc pour le signe fut joyeux l’amant & vers son ymage s’en va & entre ses bras le print & tant l’eschaufa a sa chair nue que l’ymage eut vie & a parler se print & ainsi pymalion eut joye recouvree.

A ceste fable pevent estre mises maintes expositions & semblablement a toutes aultres fables et pour ce les firent les poetes affin que les entendemens des hommes se aguisassent & subtilliassent a y trouver divers propos. Si peult estre entendu que pymalion desprisa la vilité des femmes folieuses & s’enamoura d’une pucelle de tresgrant beaulté/ laquelle ne vouloit ou ne pouoit entendre ses piteux plaingz nonplus que se de pierre fust. L’ymage avoit faicte. C’est que par penser a ses belles beaultés s’estoit enamouré/ mais en la parfin tant la pria & tant s’en tint pres que elle l’ayma a sa voulenté & l’eut a mariage & ainsi eut l’ymage dur comme pierre recouvree vie par la deesse venus.

Si veult dire que le bon chevalier ne doibt estre assoté de sy fait ymage en telle maniere qu’il en laisse a suyvir le mestier d’armes auquel il est obligé par l’ordre de chevalerie. Et a ce propos dit aptalim/ impartinente chose est a prince de soy assoter de chose qui soit a reprendre.

xxii Alegorie

L’ymage pymalion dont le bon chevalier ne se doibt assoter prendrons le peché de luxure/ dont l’esperit chevalereux doit garder son corps de luxure/ dit sainct hierome en une epistre. O feu d’enfer de qui la busche c’est gloutonnie/ la flamme c’est orgueil/ les flamesches sont corrumpues parolles/ la fumee c’est mauvaise renommee/ la cendre c’est povreté/ & la fin est le torment d’enfer. A ce propos dit sainct pierre l’apostre.

Voluptatem existimantes delicias coinquinationis/ & macule deliciis affluentes conviviis suis luxuriantes. secunde petri. ii. ca.

 

xxiii Texte

De dianes soyes recors
Pour l’honnesteté de ton corps
Car ne luy plaist vie touillie
Ne deshonneste ne souillie.

xxiii Glose.

Dyane c’est la lune. et comme il ne est riens tant maulvais qui n’ait aulcune proprieté/ la lune donne condicion chaste/ & la nommerent d’une dame ainsi nommee qui fut moult chaste & tousjours vierge. Si veult dire que honnesteté de corps bien appartient a bon chevalier. A ce propos dit hermes. Celui ne pourroit estre de parfait sens qui en lui n’airoit chasteté.

xxiii Alegorie

Et pour ramener les articles de la foy a nostre propos/ les quelz ne pourroient prouffiter au bon esperit chevalereux prendrons pour diane dieu de paradis/ lequel est sans tache aulcune/ amour de toute netteté/ & a qui chose souillee ne pourroit estre aggreable au createur du ciel & de la terre. Laquelle chose est necessaire a croire au bon esperit/ sicomme dit le premier article de la foy que dist monseigneur sainct pierre.

Credo in deum patrem omnipotentem creatorem celi et terre.

 

xxiiii Texte.

La deesse ceres resemble
Qui les bledz donne & nul n’emble
Ainsi doibt estre abandonné
Bon chevalier bien ordonné

xxiiii Glose

Ceres fut une dame qui trouva l’art de arer les terres car devant semoient les gaignages sans labourer. Et pour ce que plus abondamment porta la terre apres ce que elle eut esté aree disrent que elle estoit deesse des bledz et la terre nommerent de son nom. Si veult dire que ainsi comme la terre est abandonnee et large donnerresse de tous biens/ doibt estre aussi le bon chevalier a toutes personnes abandonné/ et donner son ayde et reconforter selon son pouoir. et dit aristote. Soies liberal donneur & tu acquerras amis.

xxiiii Allegorie

Ceres a qui doit ressembler le bon chevalier prendrons pour le benoit filz de dieu/ que le bon esperit doibt ensuivir qui tant nous a largement donné de ses haultz biens. Et en luy doit estre creu fermement/ sicomme dit le second article que dit sainct Jehan ou il dit.

Et in jesum christum filium ejus unicum dominum nostrum.

 

xxv Texte.

Toutes vertus entes et plantes
En toy comme ysis fait les plantes
Et tous les grains fructifier
Ainsy doibs tu edifier

xxv Glose.

Ysis dient aussi estre deesse des plantes et de cultiveure qui leur a donné vigueur et croissance de multiplier. pour ce dit au bon chevalier et donne comparaison que ainsy doit il fructifier en toutes vertus/ et tout mal vice eschiver. Et dit hermes a ce propos. O homme se tu sçavoies l’inconvenient de vice comme tu t’en garderoies. Et se le louyer congnoissoyes de vaillance comme tu l’aimerois.

xxv Allegorie

La ou il dit que a isys qui est plantureuse doibt ressembler pouons entendre la benoite conception de jesucrist par le saint esperit en la benoicte vierge marie mere de toute grace/ de qui les grans louenges ne pourroient estre ymaginees ne dittes entierement/ laquelle digne conception doit le bon esperit avoir entee en soy et tenir fermement le digne article sicomme le dit saint Jaques le grant.

Qui conceptus est de spiritu sancto natus ex maria virgine.

 

xxvi Texte.

Ne te tiens pas au jugement
Midas/ qui mie sagement
Ne juga/ sy ne t’y conseilles
Car il eut pour ce d’asne oreilles

xxvi Glose

Midas fut ung roy qui eut petit entendement/ et dit une fable que phebus & pan le dieu des pastours estrivoient ensemble & disoit phebus que le son de la lire faisoit plus a louer que le son du fretel ou du flajol et pan soustenoit l’opposite & disoit que plus faisoit a louer celluy du fretel sur midas se mirent du jugement de ce discort/ et apres ce que tous deux eurent joué devant Midas a long loisir/ il juga que mieulx valoit le son du fretel. Si dit la fable que phebus qui airé fut en despit de son rude jugement luy fist avoir oreilles d’asnes en demonstrance que entendement d’asne avoit qui si rudement avoit jugé. Si peut estre que aucun juga follement contre ung prince qu’il punit par luy faire porter sur luy aucun signe de fol qui a entendre par les oreilles d’asne. Si est a entendre ceste fable que bon chevalier ne se doit tenir a fol jugement non fondé sur rayson ne luy mesmes ne doit estre juge de folle sentence. A ce propos dit ung philosophe. Le fol est comme la taulpe qui oyt et n’entent & dyogenes compare le fol a la pierre.

xxvi. Allegorie

Le jugement midas ou le bon chevalier ne se doibt tenir pouons prendre pilate/ qui le benoict filz de dieu juga a prendre lier et pendre au gibet de la croix comme larron lui qui estoit pur sans tache. Si est a entendre/ que bon esperit se doit garder de jugier l’innocent : & doibt croire l’article que dit sainct andrieu.

Passus sub pontio pilato crucifixus mortuus et sepultus.

 

xxvii Texte

Se as loyaulx compaignons d’armes
Jusqu’en enfer ou sont les armes
Tu dois aller secourir les
Au besoing com fist hercules

xxvii Glose

Dit une fable que pirotheus et theseus allerent en enfer pour proserpine rescourre que pluto eut ravie : et mal habillez y eussent esté se hercules qui leur compaignon yre ne les eust secourus/ qui tant y fist d’armes que tous les infernaulx mist en effroy. Et a cerberus le portier d’enfer couppa les chaines. si veult dire que le bon chevalier ne doibt faillir a son loyal compaignon pour doubte de peril quel qu’il soit/ car loyalle compaignie doibt estre une mesme chose. Et pitagoras dit. Tu dois garder l’amour de ton amy diligemment.

xxvii Allegorie

Ce que l’auctorité dit que il doit secourir ses loyaulx compaignons d’armes jusques en enfer pouons entendre la benoite ame de jesuchrist qui tira hors les bonnes ames des sains patriarches et prophetes qui au lymbe estoient et par exemple doit faire le bon esperit et traire a soy toutes vertus & croire l’article sicomme le dit saint philippe.

Descendit ad inferna.

 

xxviii Texte

Aymes & prises cadmus
Et ses disciples chiers tenus
Soient de toy/ car la fontaine
Gaigna du serpent a grant peine.

xxviii Glose.

Cadmus fut ung moult noble & fonda thebes qui cité fut de moult grant renommee/ l’estude y mist/ & luy mesmes fut moult lettré & de grant science. Et pour ce dit la fable que il dompta le serpent a la fontaine/ c’est a entendre science et sagesse qui tousjours sourt.

Le serpent est noté pour la peine & travail qu’il convient a l’estudiant dompter ains qu’il ait science acquise/ & dit la fable que luy mesmes devint serpent/ qui est a entendre que corrigeur & maistre fut des autres. si veult dire othea que le bon chevalier doibt aymer et honorer les clercz lettrez qui sont fondez en sciences. A ce propos dit Aristote a Alixandre/ honorez sapience & la fortifiez par bons maistres.

xxviii Alegorie

Cadmus qui dompta le serpent a la fontaine que le bon chevalier doibt aymer pouons entendre la benoicte humanité de jesuchrist qui dompta le serpent/ & gaigna la fontaine c’est la vie de ce monde qu’il passa a grant peine & a grant travail/ dont il eut parfaicte victoire quant il resuscita au tiers jour. Sicomme dit sainct thomas.

Tertia die resurrexit a mortuis.

 

xxix Texte

Moult te delictes au sçavoir
Yo/ plus qu’en nul aultre avoir
Car par ce pourras moult aprendre
Et du bien largement comprendre.

xxix Glose.

Yo fut une damoiselle fille du roy ynacus qui moult fut de grant sçavoir et trouva maintes manieres de lettres qui devant n’avoient esté veues/ combien que aulcunes fables disent que yo fut amye jupiter & que vache devint & puis femme commune fut/ mais comme les poetes aient mussé verité soubz couverture de fable peult estre entendu que jupiter l’ayma/ c’est a entendre les vertus de jupiter qui en elle furent elle devint vache/ car sicomme la vache qui donne lait lequel est doulx & nourrissant elle donna par les lettres que elle trouva doulce nourriture a l’entendement/ ce que elle fut femme commune peult estre entendu que son sens fut commun a tous comme lettres sont communes a toutes gens. Pource dit que le bon chevalier doibt moult aymer yo qui peult estre entendu pour lettres & escriptures & les hystoires des bons que le bon chevalier doibt voulentiers ouyr racompter & lyre & dont l’exemple luy peult estre vaillable. A ce propos dit Hermes. Qui s’efforce de acquerir science & bonnes meurs/ il trouve ce qui luy plaist en ce monde & en l’autre.

xxix Alegorie

Yo qui est notee par lettres & escriptures nous pouons entendre que le bon esperit se doibt delicter a lyre les sainctes escriptures & les avoir escriptes en sa pensee & par ce pourra apprendre a monter au ciel avec jesuchrist par bonnes oeuvres et saincte contemplation/ et croire le digne article que dist sainct Barthelemy.

Ascendit ad celos sedet ad dexteram dei patris omnipotentis.

 

xxx Texte.

Gardes en quelque lieu que soyes
Qu’endormi des flageolz ne soyes
Mercurius/ qui souef chante
Les gens o son flageol enchante

xxx Glose.

Dit une fable que quant jupiter aymoit yo la belle que juno en fut en moult grant suspicion/ et du ciel descendit en une nuee pour son mary surprendre au fait/ mais quant jupiter la veit venir il mua s’amie en une vache/ mais juno n’en fut pourtant hors de pensee/ ains la vache luy demanda en don et jupiter maulgré son courage luy ottroya comme celuy qui refuser ne luy osa pour doubte de suspicion. Adonc juno a argus son vachier qui cent yeulz avoit bailla la vache a garder/ et tousjours la guettoit. Mais le dieu mercurius par le commandement jupiter print son flagol qui souef chante/ et tant corna a l’oreille argus que de tous ses cent yeulx l’un apres l’autre l’endormit puis luy osta la vache & le chief luy trencha. L’exposicion de ceste fable peult estre que aucun puissant homme ayma une damoiselle que sa femme voulut avoir pour guetter que son mari n’y peust advenir/ et grans gardes y myst & cler voyans qui peult estre noté par les yeulx argus/ mais l’amant par personne malicieuse et bien parlante fist tant faire que les gardes se consentirent a rendre s’amye ainsi furent endormis par le flagol mercurius et eurent le chief trenchié. Pour ce dit au bon chevalier que a tel flagol ne se doibt laisser endormir que il ne soit desrobé de ce que il doit bien garder. Et a ce propos dit hermes/ gardez vous de ceulx qui se gouvernent par malice.

xxx Allegorie.

Par les flagolz mercurius pouons entendre que par l’ancien ennemy le bon esperit ne soit deceu d’aulcune incredulité sur la foy ou aultrement. Et doibt croire fermement l’article que dit Sainct mathieu l’evangeliste qui dit que nostreseigneur vendra juger les vifz et les mors ou il dit.

Inde venturus judicare vivos & mortuos.

 

xxxi Texte.

Croy que pirrus ressemblera
Son pere et encor troublera
Ses ennemis par grever les
La mort vengera d’achiles

xxxi Glose.

Pirrus fut filz achilles et bien ressembla son pere de force et de hardement. Et apres la mort de son pere vint sur troye et moult asprement venga le pere & moult dommaga les troyens. pour ce dit au bon chevalier que se il a meffait au pere que il se garde du filz quant en aage sera/ car se le pere a esté vaillant semblablement doibvera estre le filz. A ce propos dit ung sage. La mort du pere attrait la vengance du filz.

xxxi Allegorie

La ou il dit que pirrus ressemblera son pere pouons entendre le sainct esperit/ lequel procede du pere en qui doit croire le bon esperit sicomme dit Saint jaques le myneur.

Credo in spiritum sanctum.

 

xxxii Texte.

Frequente le temple & honneures
Le dieu des cieulx en toutes heures
Et de cassandra tien l’usage
Se tu veulx estre tenu sage

xxxii Glose

Cassandra fut fille au roy priam/ et moult fut bonne dame & devote en leur loy les dieux servoit et le temple hantoit & pou parloit sans necessité : & quant parler luy convenoit elle ne disoit chose qui veritable ne fust ne en mensonge ne fut oncques trouvee trop fut saige cassandra/ pour ce dit au bon chevalier que a celle doibt ressembler/ car parolle mensongiere est moult a reprendre en bouche de chevalier/ si doit dieu servir et le temple honnourer c’est a entendre l’eglise et ses ministres. Et dit pitagoras treslouable chose est servir a dieu & sanctifier ses sains.

xxxii Allegorie

L’auctorité dit que le temple doibt frequenter le bon chevalier par semblable cas doit faire le bon esperit et doit avoir singuliere devocion en saincte eglise catholicque et en la communion des saintz sicomme dit l’article/ que dit Sainct simon.

Sanctam ecclesiam catholicam sanctorum communionem.

 

xxxiii Texte.

Se tu vas moult souvent par mer
Tu dois neptunus reclamer
Et bien dois celebrer sa feste
Affin qu’il te gard de tempeste

xxxiii Glose

Neptunus selon la loy des payens estoit appellé le dieu de la mer. Et pour ce disoit au bon chevalier que il le deveroit servir affin que il luy fust secourable/ sur mer si est a entendre que les chevaliers qui souvent vont en maintz voyages en mer ou autres divers perilz ont plus necessité d’estre devotz & servir dieu et les sainctz que aultres gens/ affin que au besoing leur soient secourables/ et aydans et doivent prendre singuliere devocion a aucun sainct par devotes oraisons/ par quoy ilz se reclament a luy en leur besoing & comme il ne suffist pas seulement oraison de bouche/ dit ung sage. Je ne repute mie dieu estre seulement servi par parolles mais par bonnes oeuvres et bonne vie mener.

xxxiii Allegorie

Neptunus que le bon chevalier doit reclamer se il va souvent par mer prendrons que le bon esperit qui est continuellement en la mer du monde doit reclamer devotement son createur & prier que se il luy doint vivre que il puisse avoir remission de ses pechez/ et doibt croire l’article que dit Sainct jude.

Remissionem peccatorum.

 

xxxiiii Texte

Ayes a toute heure regard
A attropos et a son dart
Qui fiert et n’espargne nul ame
Ce te fera penser de l’ame

xxxiiii Glose

Les poetes appellerent la mort attropos pource veult dire au bon chevalier que il doit penser que tousjours ne vivra mie en cestui monde mais tost s’en partira/ si doit plus user des vertus de l’ame que soy delicter es vices du corps. Et a ce doit tout chrestien penser affin qu’il ait a memoire la promission de l’ame qui durera sans fin. Et a ce propos dit pitagoras que ainsi comme nostre commandement vient de dieu/ convient que nostre fin y soit.

xxxiiii Allegorie

La ou dit au bon chevalier que il ait regard a attropos qui est notee la mort semblablement doibt avoir le bon esperit/ qui par les merites de la passion de nostre seigneur jesucrist doit avoir ferme esperance avec la peine et diligence que il mettra a avoir paradis en la fin. Et doibt croire fermement que il ressuscitera au jour du jugement/ et aura vie pardurable/ se il le dessert comme dit le dernier article que dit saint Mathias.

Carnis resurrectionem vitam eternam. Amen.

 

xxxv Texte.

Bellorophon soit exemplaire
En tous les faitz que tu veulz faire
Qui mieulx ayma vouloir mourir
Que desloyauté encourir

xxxv Glose.

Bellorophon fut ung chevalier de moult grant beauté & plain de loiauté sa marrastre fut forment esprinse de s’amour/ mais pour ce que il ne voulut consentir sa voulenté/ elle fist tant que il fut condemné a estre devoré des fieres bestes/ & il ayma mieulx eslire la mort que faire desloyauté si dit au bon chevalier que pour doubte de mort encourir ne doibt faire desloyauté. A ce propos dit hermes/ tu doibs mieulx vouloir mourir sans cause que faire desconvenue ne desloyaulté. Or vendrons a desclairer les commandemens de la loy/ & y prendrons allegorie a nostre propos.

xxxv Allegorie

Bellorophon qui tant fut plain de loyaulté peult noter dieu de paradis/ et comme sa digne misericorde nous ait esté et soit plaine de loyaulté nous y pouons prendre le premier commandement qui dit. Tu n’adoureras point dieux estranges/ C’est a dire ce dit sainct augustin l’onneur qui est appellé latrye tu ne la porteras ne a ydole ne a ymage ne a semblance ne a quelconque creature/ car c’est honneur deue tant seulement a dieu/ en ce commandement est deffendu toute ydolatrie de cecy parle nostre seigneur en l’evangile.

Dominum deum tuum adorabis & illi soli servies. Mathei quarto capitulo.

 

xxxvi Texte

Menimom ton loyal cousin
Qui a tout besoing t’est voisin
Et tant t’ayme/ tu le doibs aymer
Et pour son besoing toy armer

xxxvi Glose

Menimom fut cousin Hector & de la lignee aux troyens & quant hector estoit es fiers estours & es batailles ou maintesfois durement estoit empressé de ses ennemis menimom qui tant fut vaillant chevalier le suyvoit de pres si secouroit hector et departoit les grans presses & bien y parut car quant achiles l’eut en trahyson occis menimom navra durement achiles & l’eust occis se bref secours ne luy fust venu. Pource dit au bon chevalier que il le doibt aymer & secourir a son besoing & est a entendre que tout prince et bon chevalier qui ait parent quelque petit ou povre qu’il soit bon & loyal le doibt aymer & le doibt porter en ses affaires/ & par especial quant le sent estre loyal a soy/ & avient aulcunes fois que ung grant prince est plus aymé & plus loyaument de son povre parent que du bien puissant et a ce propos dit le philosophe Rabion/ multiplie tes amys/ car ilz te seront secourables.

xxxvi Alegorie

Menimom le loyal cousin pouons encor prendre dieu de paradis qui bien nous a esté loyal cousin de prendre nostre humanité auquel nous ne pourrons guerdonner/ si y pouons prendre le .ii. commandement qui dit. Tu ne prendras pas le nom de dieu en vain/ c’est a dire ce dit sainct augustin. Tu ne jureras point deshonnestement ne sans cause ne pour coulourer faulcesté car il ne peult estre plus grant abusion que de amener en tesmoignage de faulceté la souveraine & tres ferme verité/ & en ce commandement est deffendue toute mensonge/ tout parjure/ & tout blaspheme. A ce propos dit la loy.

Non habebit dominus insontem eum qui assumpserit nomen domini dei sui frustra. xx. capitulo.

 

xxxvii Texte

Avise toy ains que parolle
De grant menace nice & fole
De ta bouche ysse par trop dire
Et en leomedon te mire

xxxvii Glose

Leomedon fut roy de troye & pere priam/ et quant jason hercules & ses compaignons alloyent en colcos pour la toison d’or querre et ilz furent arrivez & descenduz au port de troye pour eulx refreschir sans nul mal faire a la contree/ adonc leomedon comme mal advisé les envoya par ses messagiers laidement conraier de sa terre et fort menacer se tost ne vuydoient dont les barons gregoys par icelluy conraiement se tindrent tant estre injuriez que apres s’en ensuyvit la premiere destruction de troye.

Pource veult dire au bon chevalier que comme parolle de menace soit layde & vilaine doibt estre moult pesee ains qu’elle soit dicte/ car maintz grans maulx en sont souvent ensuyvis. A ce propos dit le poete Omer. Celuy est sage qui sa langue scet refrener.

xxxvii Alegorie

Comme parolle de grant menace viengne de arrogance & briser commandement soit aussi oultrecuidance pouons prendre que nul ne doit briser les festes/ car c’est contre le commandement qui dit. Souvienne toy de sanctifier le jour du sabbat/ parquoy nous est commandé dit sainct augustin que le dimenche nous festons en lieu du sabbat aux juifz nous le devons solenniser en repos de corps & en cessant de toutes oeuvres serviles & en repos de l’ame en cessant de tous pechez/ & de ce repos parle ysaÿe le prophete.

Quiescite agere perverse/ discite benefacere.

 

xxxviii Texte

Ne cuydes pas estre certain
Ainçoys la verité atain
Pour ung pou de presumption
Piramus t’en fait mention

xxxviii Glose

Piramus fut ung jouvencel de la cité de babilone et quant il n’avoit que vii. ans d’aage amour le navra de son dart & fut espris de l’amour tisblé belle damoiselle & gente & sa pareille d’aage. Et pour la grant frequentence des deux amans ensemble fut apperceue leur grant amour & par ung serf fut accusee a la mere a la damoiselle qui sa fille print & enferma en ses chambres & dist que bien la garderoit de hanter piramus grant fut la douleur des deux enfans pour celle cause & leurs plains & pleurs moult piteux long dura celle prison/ mais au feur que leur aage croissoit embrasoit en eulx l’amoureuse estincelle qui pour longue absence point n’estaignoit/ mais comme entre les palais aux parens aux deux amans n’eust que une paroy tisblé ung jour avisa la paroy crevee par ou on veoit la lueur de l’autre part/ adonc le mordant de sa sainture ficha par la creveure affin que son amy l’apperceust ce que il fist assez briefment & la firent souvent leurs assemblees les deux amans a moult piteuses complaintes/ a la parfin comme par trop aymer contrains fut leur accord tel que la nuit au premier somme se embleroient de leurs parens & devoient assembler soubz ung murier blanc hors de la cité sur une fontaine ou en leur enfance souloient jouer quant tisblé fut venue a la fontaine seule & paoureuse adonc ouyt ung lyon venir moult roidement dont elle plaine de paour s’en fuyt cacher en ung buisson au plus prochain/ mais en la voye luy cheut sa blanche guimple mais toute l’eut souillee & ensenglantee le lyon qui sur eut vomy l’entraille des bestes que il eut devorees. Oultre mesure fut grande la douleur Piramus qui cuyda s’amye estre devoree des fieres bestes dont apres moult piteux regretz se occist de son espee. Tisblé saillit du buisson/ mais quant elle entendit les souspirs de son amy qui mouroit & veit l’espee & le sang adonc par grant douleur sur son amy cheut qui a elle parler ne peult/ & apres plusieurs grans plains/ regretz et pasmoisons se occist de la mesme espee/ & dit la fable que pour icelle pitié devint lors la mure noire qui souloit estre blanche. Et pource que par petite achoison advint si grande male adventure dit au bon chevalier que a petite enseigne ne doibt donner grant foy. A ce propos dit ung sage. Ne te rendz mye certain des choses qui sont en doubte ains que tu ayes faicte convenable informacion.

xxxviii Allegorie

De ce que il dit ne cuide estre certain pouons noter l’ignorance que avons en enfance ou nous sommes soubz la correction de pere et de mere & pour les biens fais que nous recepvons de eulx pouons entendre le quart commandement qui dit honnores pere & mere/ lequel expose sainct augustin en disant que nous devons nos parens honnorer en deux manieres en leur portant deue reverence & en leur administrant leurs necessitez/ a ce propos dit le sage.

Honora patrem tuum et genitus matris tue ne obliviscaris. ecclesiastici. vii. capitulo.

 

xxxix Texte

Croy pour la santé de ton corps
D’esculapion les rapors
Et nompas de l’enchanteresse
Circés/ qui trop est tromperesse.

xxxix Glose

Esculapius fut ung moult sage clerc qui trouva la science de medecine & en fist livres/ & pour ce dit au bon chevalier que il croye ses rapors sur sa santé/ c’est a dire se il a besoing que il se tourne vers les mires et medecins/ nonmie es sors de circés qui fut enchanteresse/ & peult estre dit pour ceulx qui en leurs maladies usent de sors/ de charmes & d’enchantemens & cuident par ce avoir garison qui est chose deffendue & contre les commandemens de saincte eglise & dont nul bon chrestien ne doibt user/ platon repudia & ardit les livres d’enchantemens & de sors fais sur medecine dont ung temps avoient usé et approuva & se tint a ceulx de science raisonnable & de experience.

xxxix Alegorie

Pour esculapion qui fut phisicien & mire pouons entendre le quint commandement qui dit. Tu n’occiras point/ c’est a dire ne de cueur/ ne de langue ne de main/ & si est deffendue toute violence percussion & corporelle blesseure & n’est ici deffendu aux princes aux juges & aux maistres de justice mettre a mort les malfaicteurs mais tant seulement a ceulx qui n’en ont point de auctorité/ mais que en cas de necessité la ou ung homme ne pourroit aultrement eschaper auquel cas les drois seuffrent bien tuer aultruy en son corps deffendant aultrement non. A ce propos dit l’evangile.

[Qui gladio occiderit oportet eum in gladio occidi. Luce xiii. cap.]

 

xl Texte.

A cil a qui trop as meffait
Qui ne s’en peult venger de fait
Ne t’y fies/ car mal en prent
La mort achilles le t’aprent

xl Glose.

Achilles fist moult de griefz aux troiens & au roy priam occist plusieurs de ses enfans hector troylus & autres dont haÿr le devoit/ non obstant ce achilles se fya en la royne hecuba femme priam a qui il eut occis ses enfans par trahison et alla par nuit parler a elle pour traicter du mariage de polixene sa fille et de luy & la fut occis par paris & ses compaignons par le commandement de la royne sa mere au temple apolin pour ce dit au bon chevalier que ne se doibt fyer en son ennemy a qui trop a meffait sans faire a luy paix ne aulcune amende. A ce propos dit ung sage/ garde toy des aguetz de ton ennemy qui vengier ne se peult.

xl Allegorie.

Comme en celluy a qui as meffait ne te doibs fier. Nous prendrons que comme nous devons doubter les vengances de dieu soit necessaire tenir le commandement qui dit. Tu ne feras de meschief/ c’est a dire de adultere ne de fornicacion/ et si est defendu ce dit ysodore toute illicite couple charnelle qui n’est en cas de mariage et tout desordonné usage des membres genitales. A ce propos dit la loy.

Morte moriantur mechus et adultera levitici. xx. ca.

 

xli Texte.

Ne ressembles mie busierres
Qui trop plus mauvais que lierres
Sa cruaulté fait a reprendre
A telz faitz ne te vueilles prendre

xli Glose

Busierres fut ung roy de merveilleuse cruaulté et moult se delectoit en l’occision des hommes/ et de fait luymesmes en ses temples les occisoyt de couteaulz et en faisoit sacrifice a ses dieux. Pour ce dit au bon chevalier que nullement ne se doit delecter en l’occision de humaine creature. Car telle cruaulté est contre dieu contre nature et contre toute bonté. A ce propos dit socrates au bon conseillier se ton prince est cruel tu le dois amoderer par bons exemples.

xli Allegorie.

Busierres qui fut homicide & contraire a humaine nature/ pouons noter la defence que nous fait le commandement qui dit/ tu ne feras point larcin/ et si est defendu ce que dit Sainct augustin toute illicite usurpacion des choses d’aultruy tout sacrilege toute rapine toute chose tollue par force/ & par seigneurie sur le peuple sans raison. A ce propos dit saint pol l’apostre.

Qui furabatur jam non furetur. ad epheseos. iiii. ca.

 

xlii Texte

N’ayes pas si chier ta plaisance
Que trop mettes en grant balance
Ta vie/ que tu doibs aymer
Lehander est peri en mer.

xlii Glose

Lehander fut ung damoisel qui trop aymoit de grant amour Hero la belle/ & comme il y eust ung bras de mer entre les manoirs aux deux amans le passoit lehander tout a nage par nuyt moult souventesfois pour sa dame veoir qui pres du rivage avoit son chasteau affin que leur amour ne fust apperceue/ mais il advint que ung grant orage de temps leva qui par plusieurs jours dura la marine qui destournoyt la joye des amans. Si advint une nuyt que lehander contraint de trop grant desir se mist en la mer au temps de l’orage & la fut sy loing porté par les vagues perilleuses que il luy convint perir piteusement/ Hero qui fut de l’autre part en grant soucy pour son amy quant elle veit le corps venir flotant au rivage adonc estrainte d’une merveilleuse douleur se getta en la mer & en embrassant le corps pery elle fut noyee. Pource dit au bon chevalier que tant ne doibt aymer son delit que pour ce doye mettre sa vie en trop grant aventure. Si dit ung sage. je me esmerveille de ce que je voy tant de perilz souffrir pour le delit du corps/ & faire si petite pourveance a l’ame qui est perpetuelle.

xlii Alegorie.

Comme l’auctorité deffend que il n’ait si chiere sa plaisance peult estre entendu le commandement qui dit. Tu ne parleras point faulx tesmoignages contre ton prochain. Et si est deffendu ce dit sainct augustin toute faulse accusation/ murmuration/ detraction/ tout faulx rapport/ & diffamation d’aultruy & est assavoir ce dit ysodore que le faulx tesmoing fait villanie a trois parties/ c’estassavoir a dieu que il despite en le parjurant/ au juge que il desçoyt en mentant/ & a son prochain que il blesse en faulcement contre luy deposant. Et pour ce dit l’escripture.

Testis falsus non erit impunitus/ & qui loquitur mendacia non effugiet. Proverbiorum. xix. capitulo.

 

xliii Texte

Rens helaine s’on la demande
Car en grant meffait gist amende
Et mieulx vault tost paix consentir
Que tard venir au repentir

xliii Glose.

Helayne fut femme au roy menelaus & ravie par paris en grece/ & quant les grecz furent venus sur troye a grant armee pour la vengeance d’icelluy fait/ ains qu’ilz meffeissent a la terre ilz requirent que helayne leur fust rendue & amende leur fust faicte de celle offence ou si non ilz destruiroient le pays/ et pource que riens n’en voulurent faire les troyens s’en ensuyvit le grant meschief qui depuis leur advint/ pour ce veult dire au bon chevalier que se il a folie encouvenancee mieulx lui vault la delaisser & faire paix que la poursuyvre que mal ne luy en aviengne. pour ce dit le philosophe Platon. Se tu as fait injure a qui que ce soit tu ne doibs estre aise jusques a tant que tu soyes a luy accordé et fait paix.

xliii Alegorie.

Helayne qui doit estre rendue peult estre entendu le commandement qui dit. Tu ne desireras point la femme de ton prochain par quoy est deffendu ce dit sainct augustin la pensee & la voulenté de faire fornication dont le fait est deffendu devant par le. vi. commandement/ car dit nostreseigneur en l’evangile.

Qui viderit mulierem ad concupiscendam eam jam mechatus est in corde suo. Matthei. vi. capitulo.

 

xliiii Texte

Ne ressemble pas la deesse
Aurora qui rent grant leesse
Aux aultres quant vient a son heure
Et pour soy tient tristesse & pleure.

xliiii Glose.

Aurora c’est le point du jour & disent les fables que c’est une deesse et que elle eut ung sien filz occis en la bataille de troye qui cinus fut nommé & pour ce que deesse estoit elle avoit la puissance de ce faire elle mua le corps de son filz en ung cinne & de la vindrent les premiers cinnes. Celle dame estoit de sy grant beaulté que elle resjouissoit tous ceulx qui la veoyent/ mais toute sa vie ploura son filz cinnus qui fut mort & encore le plore ce dit la fable/ car la rousee qui chiet au point du jour disent que c’est aurora qui plore son filz cinnus/ Pource dit que le bon chevalier qui par ses bonnes vertus resjouist les aultres ne doibt estre triste mais joyeux & moderé gratieusement/ pource dit Aristote a Alixandre le grant/ quelque tristesse que ton cueur ait doibs tousjours monstrer lyé visage devant ta gent.

xliiii Alegorie

Aurora qui pleure pouons entendre que nul desir ne doibt plourer en nous par couvoiter chose non deue. Et par ce pouons nous noter le .x. et derrenier commandement qui dit. Tu ne couvoiteras pas la maison de ton prochain/ ne son beuf/ ne son asne/ ne chose que il ait/ parquoy ce dit sainct Augustin est deffendue la voulenté de faire larrecin ou rapine/ dont le fait est deffendu devant par le .vii. commandement/ et a ce propos dit David en son psaultier.

Nolite sperare in iniquitate. Rapinas nolite concupiscere.

 

xlv Texte.

Pour tant se pasiphé fut folle
Ne vueilles lire en ton escolle
Que telles soyent toutes femmes
Car il est maintes vaillans dames

xlv Glose.

Pasiphé fut une royne et disent aucunes fables que elle fut femme de grant dissolution & mesmement que elle ayma ung thoreau et que mere fut mynothaurus qui fut moitié homme & moitie thoreau qui est a entendre que elle acointa ung homme de vile condicion de qui elle conceut ung homme qui estoit de grant cruaulté & de merveilleuse force/ et pource qu’il eut forme de homme & nature de thoreau & ce que il fut fort et de grant aspreté et si mauvais que tout le pays essilloit/ disrent les poetes par fiction que il fut moitié homme et moitié toreau et pour ce se ceste dame fut de vile condicion veult dire au bon chevalier que il ne doit dire ne souffrir qu’il soit dit que toutes femmes soient semblables comme la verité soit manifeste au contraire. Galien aprint la science de medecine de une moult vaillante femme & sage appellee clempare qui luy aprint a congnoistre maintes bonnes herbes et leurs proprietez.

xlv Allegorie.

Pasiphé qui fut folle pouons entendre l’ame retournee a dieu. Et dit saint gregoire es omelies que plus grant joye est menee aux cieulx d’une ame retournee a dieu que de ung qui a tousjours esté ainsi comme le capitaine en la bataille ayme mieulx le chevalier qui s’en estoit fuy et puis est retourné/ & apres son retour a fort navré l’ennemy que cellui qui n’a fait nul beau fait. et comme le laboureur aime mieulx la terre qui apres les espines porte abondamment fruit que celle qui n’eut oncques nulles espines & n’a point porté fruit. A ce propos dit dieu par le prophete.

Revertatur unusquisque a via sua pessima & propicius ero iniquitati & peccato ipsorum. Hieremie. xxvi. ca.

 

xlvi Texte

Se filles as a marier
Et tu les veulx aparier
A hommes dont ne mal te vienne
Du roy adrastus te souvienne

xlvi Glose.

Adrastus fut roy de arges & moult puissant & preudhoms deux chevaliers errans l’un appelle polmites & l’autre thideus se combatoient par nuyt obscure soubz le portail de son palais dont l’un calengoit le logis de l’autre pour cause du fort temps & de la grosse pluye qui les avoit toute nuit tormentez & la s’estoient d’aventure embatus/ A celle heure le roy se leva qui avoit ouy la noise de espees sur les escus & vint departir les deux chevaliers. Polmites estoit filz au roy de thebes & thideus a ung aultre roy de grece mais de leurs terres furent exillez/ grandement honnora Adrastus les deux barons puis leur donna en mariage deux moult belles filles que il avoit/ apres pour mettre polmites au droit de sa terre que ethiocles son frere tenoit fist grant armee le roy adrastus & sur thebes allerent a grant ost desconfitz & mors & prins y furent tous & les deux gendres du roy mortz/ & les freres dont le descord estoit s’entre occirent en la bataille & ne demeura de tous fors adrastus luy tiers de chevaliers/ & pour ce que a gens exillez remettre en leurs droictz a moult affaire dit au bon chevalier que en tel cas doibt avoir conseil & se doibt mirer en la dicte aventure/ & comme Adrastus eut songé une nuyt que il donnoit ses deux filles par mariage a ung lyon & a ung dragon qui ensemble se combatoient/ dit l’expositeur des songes que songe vient de la fantasie qui peult estre demonstrance de bonne ou de male aventure qui doibt advenir aux creatures.

xlvi Alegorie

Ou il est dit que se filles a a marier que il garde a qui il les donnera/ nous pouons entendre que le bon esperit chevalereux a dieu doibt bien regarder a qui il s’acompaigne s’il advient qu’en compaignie vueille aller comme fist le bon thobie/ aussi doit toutes assigner ses pensees en sainctes meditations & dit sainct augustin en ung epistre que ceulz qui ont aprins de nostreseigneur a estre debonnaire & humbles proffitent plus en meditant & en priant que ilz ne font en lysant & en oyant/ pource disoit david en son psaultier.

Meditabar in mandatis tuis que dilexi.

 

xlvii Texte

De cupido/ se jeune & cointes
Es/ assez me plaist que t’acointes
Par mesure comment qu’il aille
Il plaist bien au dieu de bataille.

xlvii Glose

Cupido c’est le dieu d’amours/ & pource qu’il ne messiet point a jeune chevalier estre amoureux de dame qui soyt vaillable/ ains en pevent mieulx valoir ses condicions mais que le moyen y sache garder & qui est chose assez advisant aux armes/ dit au bon chevalier que elle consent assez que de cupido s’acointe/ & dit ung philosophe que aymer de bon courage vient de noblesse de cueur.

xlvii Alegorie

Que bien plaist au dieu de bataille que de cupido s’acointe peult estre entendue penitance se le bon esperit repentant de ses pechez batailleur contre les vices est jeune & nouvel entré la droicte voye bien plaist au dieu de bataille c’est jesuchrist que il s’acointe de penitence & que jesuchrist par sa digne bataille fut nostre redempteur dit sainct bernard/ quel mot dit il de plusgrant misericorde peult on dire au pecheur qui estoit damné que la ou il s’estoit vendu par peché a l’ennemy d’enfer & n’avoit de quoy se racheter dieu le pere dist pren mon filz & le baille pour toy & le filz dist pren moy & te rachete par moy. Cecy ramentoit sainct pierre l’apostre en sa premiere epistre.

Non corruptibilibus auro vel argento redempti estis : sed precioso sanguine quasi agni incontaminati et immaculati jesu christi. prima petri. i. ca.

 

xlviii Texte

N’occis pas corinis la belle
Pour le raport & la nouvelle
Du corbel/ car se l’occioyes
Apres tu t’en repentiroyes.

xlviii Glose

Corinis fut une damoiselle comme dit une fable que phebus ayma par amours le corbel qui adonc le servoit luy apporta qu’il avoit veu corinis s’amye gesir avec ung aultre damoisel/ de celle nouvelle fut tant dolent phebus que il occist s’amye des que il la veit mais a merveilles s’en repentit apres dont le corbel qui guerdon attendoit a avoir de son seigneur pour ce bien fait en fut mauldit & chassé & la plume que il souloit avoir blanche comme nege luy mua phebus en noire en signe de douleur & l’ordonna phebus des lors porteur & anonceur de males nouvelles/ & peult estre entendue l’exposition que le serviteur d’aulcun puissant homme luy raporta semblables nouvelles dont il fut chassé & deffait. Pour ce veult dire que le bon chevalier ne se doibt avansser de dire a son prince nouvelles dont il ait le cueur couroussé/ car a la fin ne luy en pourroit bien venir/ & aussi ne doibt croire raport qui luy soit fait par flaterie. A ce propos dit le philozophe hermes. Ung raporteur ou controuveur de nouvelles ou il ment a celuy a qui il les raporte ou il est faulz a celuy de qui il les dit.

xlviii Alegorie

Corinis qui ne doibt estre occise nous entendrons nostre ame que nous ne devons occire par peché mais bien la garder. Et dit sainct augustin que l’ame doibt estre gardee comme le coffre qui est plain de tresor & comme le chastel qui est assiegé des ennemys & comme le roy qui se repose en sa chambre de retrait et doibt estre ceste chambre close de cinq portes qui sont les cinq sens de nature & n’est aultre chose clorre ses portes sinon que retraire les delectations des cinq sens et s’il advient que l’ame doye yssir par ses portes a ses operations foraines elle doibt meurement & rassisement & en discretion yssir & ainsi comme les princes quant ilz veullent yssir de leurs chambres ou ilz ont huyssiers devant eulx tenans maces pour faire voye en la presse/ ainsi quant l’ame doit yssir a veoyr ouyr/ parler/ & sentir/ elle doibt avoir devant soy paour pour huyssier qui doibt avoir pour mace la consideration des peines d’enfer & du jugement de dieu/ & de ainsi garder son ame amonneste le sage.

Omni custodia serva tuum cor quoniam ex ipso vita procedit. Proverbiorum. iiii. capitulo.

 

xlix Texte

De juno ja trop ne te chaille
Se le nouel mieulx que l’escaille
D’honneur/ desires a avoir
Car mieulx vault prouesse qu’avoir

xlix Glose

Juno c’est la deesse d’avoir selon les fables des poetes et pource que avoir et richesse convient acquerir a grant peine soing & travail & que tel soing peult destourner honneur acquerre & comme honneur et vaillance soit plus louable que richesse d’autant comme le nouel vault mieulx que l’escaille/ si veult dire au bon chevalier que il n’y doibt mettre si fort sa felicité que vaillance en soit delaissee a poursuyvir. A ce propos dit hermes que mieulx vault avoir povreté en faisant bonnes oeuvres que richesse acquise laidement comme valeur soit perpetuelle & richesse deffaillance.

xlix Alegorie

Juno dont il est dit que trop ne luy doibt chaloir est prins pour richesses & que le bon esperit les doibt despriser dit sainct bernard/ o filz d’adam lignee couvoiteuse a quoy aymez vous tant ces mondaines richesses qui ne sont vrayes ne vostres & vueillez ou non il les vous fault laisser a la mort/ & dit l’evangile que le chameau passeroit plus ayseement par le pertuys d’une esguille que le riche n’ataindroit au royaulme des cieulx/ car le chameau n’a que une boce sur son dos/ mais le mauvais riche en a deux/ une de mondaines possessions & l’autre de pechez/ il fault qu’il laisse sa premiere boce a la mort/ mais l’autre vueille ou non il l’emporte avec soy se il ne la laisse avant que il meure. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

Facilius est camelum per foramen acus transire/ quam divitem intrare in regum celorum. Matthei. xix. capitulo.

 

l Texte.

Contre le conseil amphoras
Ne va destruire ou tu mourras
La cité de thebes ne d’arges
N’assemble ost n’escus ne targes

l Glose

Amphoras fut moult sage clerc de la cité d’arges/ & trop sceut de science. Et quant le roy adrastus voulut aler sur thebes pour la cité destruire/ amphoras qui par science sçavoit que mal luy en vendroit dist au roy que ja n’y alast et que se il y aloit tous y seroient mors et destruis mais il n’en fut mie creu sy avint comme il l’eut dit. Pour ce veult dire au bon chevalier que le conseil du sage est peu prouffitable a celluy qui n’en veult user.

l Allegorie.

Par le conseil amphoras contre lequel ne doit aler en la bataille pouons noter que le bon esperit doit suivir les sainctes predications ce dit saint gregoire es omelies que ainsi comme la vie du corps ne peult estre soustenue sans souvent prendre sa refection corporelle/ ainsi ne peult la vie de l’ame estre soustenue sans souvent ouyr la parolle de dieu doncques les parolles de dieu que vous ouyez des oreilles corpo[re]lles recevez les en vostre cueur. Car quant la parolle ouye n’est retenue au ventre de la memoire. C’est ainsi comme l’estomac malade qui gette hors la viande et tout ainsi comme en desespere de la vie de celuy qui ne retient riens/ mais gette tout hors. Ainsi est celuy en peril de mort perdurable qui oyt les predicacions et ne les retient ne met a oeuvre/ pour ce dit l’escripture.

Non in solo pane vivit homo sed in omni verbo quod procedit de ore dei. Mathei quarto ca.

 

li Texte.

Ta langue soit saturnine
Ne soit a nul malle voisine
Trop parler est laide coustume
Et qui l’ot folie y presume

li Glose.

Saturnus comme j’ay dit devant est planette lente & tardive et sage. Pour ce dit au bon chevalier que sa langue luy doit ressembler car langue doit estre tardive en ce que elle ne parle trop/ et sage que de nul ne mesdie ne ne dye chose dont on s’en puist presumer folie/ car dit ung sage. A la parolle congnoist on le sage & au regard le fol.

li Allegorie.

La langue qui doibt estre saturnine/ c’est a entendre lente de parler dit a ce propos hugues de saint victor que la bouche qui n’a la garde de discretion est ainsi comme la cité qui est sans mur comme le vaissel qui n’a point de overture comme le cheval qui n’a point de frain comme la nef qui est sans gouvernail la langue mal gardee glice comme l’anguille/ perce comme sayette volle tost pert amis et multiplie ennemis noyses esmeut/ & seme discorde/ a ung coup frape & tue plusieurs personnes. Qui garde sa langue il garde son ame/ car la mort ou la vie sont en la puissance de langue. A ce propos dit david en son psaultier.

Quis est homo qui vult vitam dies diligit videre bonos prohibe linguam tuam a malo et labia ne loquantur dolum.

 

lii Texte.

Croy la corneille et son conseil
Jamés ne soyes en esveil
De malle nouvelle apporter
Le plus seur est s’en deporter

lii Glose.

La corneille ce dit la fable encontra le corbeau quant il portoit la nouvelle a phebus de s’amie corinis qui s’estoit meffaicte et tant luy enquist que il lui dist l’occasion de son erre/ mais elle desloua par luy donner exemple d’elle mesmes qui pour semblable cas avoit esté chassee de l’ostel pallas ou jadis souloit estre bien avancee/ mais il ne la voulut pas croire dont mal lui en ensuivit pour ce dit au bon chevalier que la corneille doit croire. Et dit platon. Ne soyes pas jengleur ne au roy grant raporteur de nouvelles.

lii Allegorie.

Que la corneille doive estre creue veult dire que le bon esperit doibt user de conseil sicomme dit sainct gregoire es moralles que force ne vault riens ou conseil n’est car force est tantost abatue se elle n’est appuyee par le don de conseil et l’ame qui a perdu dedens soy le siege de conseil par dehors se espart en divers desirs pource dit le sage.

Si intraverit sapientia cor tuum consilium custodiet te & prudentia servabit te. proverbiorum secundo. c.

 

liii Texte.

S’a plus fort de toy tu t’efforce
A faire plusieurs jeux de force
Retray toy que mal ne t’en vienne
De ganimedes te souvienne

liii Glose

Ganimedes fut ung jouvencel de la lignee aux troyens et dit une fable que phebus et luy estoient ung jour ensemble a getter la barre de fer/ et comme ganimedes ne peult contre la force de phebus fut occis par le rebondissement de la barre/ que phebus eut si hault balancee qu’il en eut la veue perdue. Et pour ce dit que a trop plus fort & plus puissant de soy n’est mie bon l’estrif car n’en peult venir si non inconvenient. Si dit ung sage soy jouer avec les hommes de mal gracieux jeux est signe d’orgueil et fine communement par ire.

liii Allegorie.

Comme il est dit que contre plus fort de soy ne se doibt efforcer est a entendre que le bon esperit ne doit entreprendre trop forte penitence sans conseil/ de cecy dit saint gregoire es morales que penitence ne proffite point se elle n’est discrete ne la vertu de abstinence ne vault riens se elle n’est sy ordonnee que elle ne soit pas plus aspre que le corps ne peult souffrir. Et pour ce conclud que nulle simple personne ne doit entreprendre penitence sans conseil de plus discret de luy/ pour ce dit le sage es proverbes.

Ubi multa consilia ibi erit salus. Proverbiorum. ii. ca.

Et le proverbe commun

Omnia fac cum consilio et postea non penitebis.

 

liiii Texte

Ne ressemble mye Jason
Qui par medee/ la toison
D’or conquist/ dont puis luy tendit
Tres mauvais guerdon & rendit

liiii Glose.

Jason fut ung chevalier de grece qui alla en estrange contree c’estassavoir en l’isle de colcos par l’enditement peleus son oncle qui par envie sa mort desiroit la avoit ung mouton qui la toison avoit d’or & par enchantement estoit gardé mais comme si forte en fust la conqueste que nul n’y venist qui n’y perdist la vie. Medee qui fille fut au roy de celle contree tant print grand amour a Jason que par les enchantemens que elle sçavoit dont souveraine maistresse estoit donna charmes & aprint enchantemens a Jason par quoy il conquist la toison d’or & dont il eut honneur sur tous les chevaliers vivans et fut restoré de mort par Medee a qui il eut promis a tousjours estre loyal amy/ mais apres foy lui mentit & aultre ayma & du tout la laissa & relenquit nonobstant fust elle de souveraine beaulté. Pource dit au bon chevalier que jason ne vueille ressembler qui trop fut descongnoissant & desloyal a celle qui trop de bien luy avoit fait comme ce soit villaine chose a chevalier & a tout noble de estre ingrat & mal congnoissant d’aulcun bien s’il l’a receu soit de dame damoiselle ou aultre ains luy en doibt souvenir & le guerdonner a son pouoir. A ce propos dit Hermes. Ne vueilles point attendre a remunerer a celuy qui t’a bien fait/ car souvenir t’en doibt a tousjours.

liiii Alegorie.

Jason qui fut ingrat ne doibt le bon esperit ressembler qui des benefices receuz de son createur ne doibt estre ingrat & dit sainct bernard sur cantiques que ingratitude est ennemye de l’ame/ amendrissement de vertus/ dispersion de merites/ perdicion de benefices. Ingratitude est ainsi comme ung vent sec qui seche la fontaine de pitié/ la rousee de grace & le russel de misericorde. A ce propos dit le sage.

Ingrati enim spes tanquam hibernalis glacies tabescet & dispariet tanquam aqua supervacua. Sapientie xvi. capitulo.

 

lv Texte

De la serpent gorgon te gardes
Gard bien que tu ne la regardes
De perseus ayes memoire
Il t’en dira toute l’hystoire.

lv Glose

Gorgon ce dit la fable fut une damoiselle de souveraine beaulté mais pour ce que phebus jeut avec elle au temple dyane tant s’en couroussa la deesse que elle le transmua en serpent de tres horrible figure & avoit telle proprieté celle serpent que tout homme qui la regardoit estoit soubdainement mué en pierre et pour le mal qui d’elle ensuivoit. Perseus le vaillant chevalier alla pour combatre a la fiere beste & en la resplendeur de son escu qui tout fut d’or se myroit pour non regarder la male serpent & tant fist que le chief luy trencha. Mainte exposition peult estre faicte sur la dicte fable et peult estre entendue gorgon pour une cité ou ville qui ja souloit estre de grant bonté/ mais par les vices des habitans devint serpent & venimeuse c’est a entendre que maintz maulx faisoit aux marches voisines comme de tout rober & piller & les marchans & aultres trespassans estoient prins retenuz & mys en d’esctroicte prison & ainsi estoient muez en pierre. Perseus se mira en sa chevalerie & alla combatre contre celle cité & la print & luy osta le pouoir de plus mal faire/ et ainsi peult estre une dame moult belle & de maulvais affaire qui par sa couvoitise maint desnua de leur avoir/ & aultres plusieurs entendemens y pevent estre mys. Pource veult dire au bon chevalier que il se garde de non regarder chose mauvaise qui a mal se peult attraire. Et dit aristote/ fuys gens plains d’iniquité/ & ensuy les sages & estudie en leurs livres & te mire en leurs faictz.

lv Alegorie

Que gorgon ne doye regarder/ c’est que le bon esperit ne doit regarder ne penser aux delicez quelconques/ mais soy mirer en l’escu de estat de perfection et que delices soyent a fuyr dit Crisostome que comme c’est impossible que le feu arde en l’eaue ainsi est ce impossible que compunction de cueur soit entre les delices du monde ce sont deux choses contraires et qui destruisent l’un l’autre/ car compunction est mere de larmes et les delices engendrent ris/ compunction restraint le cueur et les delices l’alargissent. A ce propos dit l’escripture.

Qui seminant in lacrimis : in exultatione metent.

 

lvi Texte

Se amour t’acourcist la nuyt
Garde que phebus ne te nuyt
Parquoy tu puisses estre prins
Es liens vulcan & surprins.

lvi Glose

Dit une fable que mars & venus s’entraymoient par amours/ avint une nuyt que les deux amans bras a bras furent endormis. Phebus qui cler voyt les surprint & apperceut a vulcan le mari les accusa/ adonc lui qui en ce point les veit forgea une chaine & ung lien comme celuy qui est febvre des dieux et au ciel forge les fouldres & de ses chaines d’arain tous deux les lya ensemble si que mouvoir ne se peurent/ & ainsi les surprint & monstra aux aultres dieux & tel s’en rioyt qui bien eust voulu en semblable mesfait estre escheu. Ceste fable peult estre notee a plusieurs entendemens & mesmes aulcuns pointz touchans la science d’astronomye & aussi arquemie. Pource dit au bon chevalier que il se garde en quelque cas que ce soit d’estre surprins par oubly de temps. Et dit ung sage. A peine est il chose si secrete que d’aulcun ne soit apperceue.

lvi Alegorie

La ou l’auctorité dit que se amour t’acourcist la nuyt nous dirons que le bon esperit se doit garder des agaz de l’ennemy/ de cecy dit sainct leon pape que l’ancien ennemy qui se transfigure en ange de lumiere ne cesse de tendre partout les las de ses tentations & de espier comment il puisse espier la foy des creans/ il regarde qui il embrasera de feu de couvoitise/ qui il enflammera de l’ardeur de luxure/ a qui il proposera les athemans de gloutonnie/ il examine de toutes les coustumes/ discute les cueurs/ conjecture les affections/ & la quiert il cause de nuyre ou il trouve la creature plus diligemment encline et occupee/ pource dit sainct pierre.

Sobrii estote & vigilate quia adversarius vester diabolus tanquam leo rugiens circuit querens quem devoret. secunde petri ultimo capitulo.

 

lvii Texte

Thamaris ne desprise pas
Pour tant se femme est du pas
Te souvienne ou cirus fut pris
Car chier compara le despris

lvii Glose

Thamaris fut royne moult vaillante dame plaine de grant prouesse et de grant hardement et moult sage en armes & en gouvernement. Cirus le grant roy de perse qui avoit conquis mainte region avec grand ost se esmeut pour aller contre la royne de femenie dont il prisoit moult petit la force/ mais elle qui fut experte et subtille au mestier d’armes le souffrit entrer en son royaulme sans soy mouvoir jusques a ce que il se fut mys es destrois passages entre montaignes ou il y avoit moult fort pays/ adonc par embuschemens que thamaris eut fait faire fut assailly Cirus de toutes pars de l’ost des femmes & atant fut mené que prins fut & ses gens tous mortz & prins/ la royne devant elle le fist mener & trencher luy fist le chief & getter en une cuve plaine de sang de ses barons qu’elle eut fait decoler devant luy/ si dist. Cirus qui oncques ne fut saoulé de sang humain. or en peulz boire ton saoul. & ainsi fina cirus le puissant roy de perse qui oncques n’avoit peu estre vaincu en nulle bataille. Pour ce dit au bon chevalier que ja ne soit sy oultrecuidé qu’il n’ait doubte que mal cheoir luy peult par aulcune fortune & par moindre de soy. A ce propos dit Platon. Ne desprise nul pour sa petite faculté/ car ses vertus pevent estre grandes.

lvii Alegorie

Thamaris qui ne doibt estre desprisee pourtant se elle fut femme/ c’est que le bon esperit ne doibt despriser ne haÿr l’estat d’humilité soit en religion ou aultre estat/ & que humilité soit a louer dit Jehan cassian que nullement ne peult l’edifice de vertus en nostre ame soy eslever ne dresser se premierement ne sont goustez en nostre cueur les fondemens de vraye humilité lesquelz assis tresfermement puissent soustenir la haultesse de perfection & de charité/ pource dit le sage.

Quanto major es humilia teipsum in omnibus & coram deo invenies gratiam. Ecclesiastici. iii. capitulo.

 

lviii Texte

Ne laisse ton sens avorter
A fol delict/ ne emporter
Ta chevance/ se demandee
T’est/ et te mires en medee

lviii Glose.

Medee fut une des plus sachans de sors et de sciences qui oncques fut selon les hystoires. Non obstant ce elle laissa son sens avorter a sa propre voulenté pour son delict acomplir quant a folle amour se laissa maistrier si que en Jason mist son cueur et luy donna honneur corps et chevance dont mauvais guerdon lui rendit. Pour ce dit que le bon chevalier ne doit en soy laisser vaincre raison a fol delict en quelconques cas se il veult user de la vertu de force et dit platon ung homme de legier courage s’ennuye tost de ce qu’il ayme.

lviii Allegorie.

Que son sens ne laisse avorter a fol delict peult estre entendu que le bon esperit ne doit laisser seigneurier sa propre voulenté/ car se la seigneurie de sa propre voulenté ne cessoit il ne seroit point d’enfer ne le feu d’enfer n’auroit point de seigneurie mais que sur la personne qui laisse seigneurier sa propre voulenté. Ta propre voulenté se combat contre dieu et se orguillist c’est ce qui despouille paradis & revest enfer & vuide la value du sang de jesucrist et soubmet le monde a la servitude de l’ennemy. A ce propos dit le sage.

Virga atque correctio tribuent sapientiam puer autem qui dimittitur proprie voluntati confundet matrem suam. proverbiorum. xxix. ca.

 

lix Texte.

Se a cupido es subgés
Garde toy du grant enragés
Que la roche ne soit boutee
Sur achis et sur galathee

lix Glose.

Galathee fut une nymphe ou une deesse qui aymoit ung jouvencel qui achis estoit nommé ung geant de layde estature estoit amoureux de galathee & tant les espia que tous deux les apperceut au creux d’une roche/ adonc fut surprins de soudaine rage de jalousie/ et tellement escroula la roche que tout en fut achis agraventé mais galathee qui nymphe fut se ficha en la mer et par ce fut eschapee. Si est a entendre que le bon chevalier se garde en tel cas d’estre surprins de tel qui ait puissance de ce faire.

lix Allegorie

Que du geant se gard qui a cupido est subget c’est que le bon esperit bien se gard que nulle ymaginacion n’aye au monde ne aux choses d’icelluy/ ains ait tousjours souvenance que toutes choses mondaines sont de peu de duree/ et dit saint jerosme sur geremie que il n’est riens qui doive estre reputé long envers les choses qui prennent fin et tout nostre temps envers la trinité de paradis. A ce propos dit le sage.

Transierunt omnia velud umbra et tanquam nuncius percurrens Sapientie. ca. v.

 

lx Texte

Fuys la deesse de discorde
Maulx sont ses liens et sa corde
Les nopces peleus troubla
Dont puis mainte gent assembla

lx Glose

Discorde est une deesse de malaffaire & dit une fable que quant peleus espousa la deesse Thetis dont puis fut né achilles jupiter & tous les dieux et les deesses furent aux nopces mais la deesse de discorde n’y fut pas mandee. Et pour ce comme envieuse vint sans mander mais n’y vint mie pour neant car bien y sceut servir de son mestier. Adonc estoient assises au disner a une table les trois deesses pallas/ Juno/ venus. Adonc vint dame discorde qui getta sur la table une pomme d’or ou il eut escript soit donnee a la plus belle/ adonc fut la feste troublee car chascune soustenoit que avoir la devoit/ devant jupiter alerent pour juger de ce discord mais ne voulut complaire a l’une ne desplaire a l’autre pour ce mist le debat sur paris de troye qui pasteur estoit adonc comme sa mere eut songié quant de luy estoit enssainte/ que il devoit estre cause de la destruction de troye/ pour ce fut envoié en la forest au pasteurs a qui il cuidoit estre filz/ et la mercurius qui conduisoit les dames luy dit qui filz il estoit. Adonc il laissa brebis a garder et a troye ala devers son grant parente ainsy le tesmoingne la fable ou la vraye hystoire est mussee soubz couverture. Et pour ce que soventesfois mains grans meschiefz aviennent par discorde et debat et comme ce soit treslaide coustume estre discordant dit au bon chevalier que discorde doibt fuyr/ et pour ce dit le philosophe pitagoras. ne va pas en la voye ou croissent les haynes.

lx Allegorie.

Comme il est dit que discorde doit fuir. Ainsi doit le bon esperit fuir tous empeschemens de conscience/ et que contens & riotes soyent a eschever dit cassiodore sur le psaultier souverainement dit il fuy contens et riotes car contendre contre paix est enragerie contendre contre son souverain c’est forcennerie & contre son subject cest grant villennie. Pource dit saint pol l’apostre.

Non in contentione et emulatione. Ad romanos.

 

lxi Texte.

N’oublies mie le meffait
Se tu l’as a qui que ce soit fait
Car il t’en garde le guerdon
Destruit en fut leomedon

lxi Glose.

Leomedon comme j’ay dit devant fut roy de troye et grant villennie eut fait aux barons gregois de les exiller de sa terre laquelle ilz n’oublirent mie/ ains oublié l’eut leomedon quant les gregois luy coururent sus qui le surprindrent despourveu si le destruirent et occirent pour ce dit au bon chevalier que se il a a aucun meffait que il soit sur sa garde/ car estre peult certain que celluy ne l’oubliera mie ains s’en vengera quant il pourra en temps et en lieu. Et a ce propos dit hermes gardes que tes ennemys ne te surprennent despourveument.

lxi Allegorie

Que il ne doibt oublier le meffait se il l’a a aultruy meffait peult estre entendu que quant le bon esperit se sent encheu en peché par faulte de resistence il doit penser que punition en sera faite comme il est des damnez se il ne s’amende/ et de ce dit sainct gregoire que la justice de dieu va maintenant tout bellement et a lent pas mais au temps advenir elle recompensera plus griefvement la misericorde tardera de son attente. A ce propos dit le prophete joel.

Convertimini ad dominum deum vestrum quia benignus et misericors est patiens & multe misericordie prestabilis super maliciam. Ihoelis tercio ca.

 

lxii Texte.

S’il advient que d’amours affolles
Garde au moins a qui tu parolles
Que ton fait ne soit emmeslé
Souvienge toy de semellé

lxii Glose

Dit une fable que semelle fut une damoiselle que jupiter ayma par amours juno qui en jalousie en fut print la semblance d’une ancienne femme et vint a semelle et par belles parolles la print a raisonner et tant fist que semelle luy congneut toute l’amour d’elle et de son amy & d’estre bien aymee & congneue de son amy s’alloit vantant. Adonc la deesse dist a celle qui garde ne se prenoit de la decepvance que de riens ne s’estoit encore apperceue de l’amour de son amy mais quant elle seroit avecques luy que elle luy requist ung don/ & quant bien luy auroit promis & accordé que elle luy demandast que en telle maniere la voulsist accoler comme il accoloit juno sa femme quant avec elle se vouloit solacier & par celle maniere pourroit appercevoir l’amour de son amy. Semelle ne l’oublia mie/ et quant la requeste eut faicte a jupiter qui promis luy eut/ et comme dieu ne le peult rapeller en fut moult dolent et bien sceut que elle avoit esté deceue. Adonc print jupiter semblance de feu et accola s’amye qui en peu d’heure fut toute arse et brouye/ dont a jupiter moult pesa de l’aventure. Sur ceste fable pevent estre mis plusieurs entendemens & mesmes sur la science d’astronomie/ comme disent les maistres/ mais il peult estre que par aucune voye fut deceue une damoiselle par la femme de son amy pour quoy lui mesmes la fist mourir par ignorance. Et pour ce dit au bon chevalier que il se doit garder quant il parle de chose que il veult celer devant qui il la propose & a qui il parle/ car par les circonstances pevent estre entendues les choses pour ce dit hermes/ ne revele point les secretz de tes pensers fors a ceulx que tu auras bien esprouvez.

lxii Allegorie.

Que il garde a qui il parle pouons entendre que le bon esperit quelque soient ses bonnes pensees se doibt garder en tous cas ou il pourroit cheoir male suspicion a aultruy comme dit saint augustin au livre de verbis que nous ne devons pas tant seulement avoir cure d’avoir bonne conscience/ mais tant comme peult nostre enfermeté tant comme la diligence de fragilité humaine devons avoir cure que nous ne façons chose qui vienne a mauvaise suspicion a noz freres. A ce propos dit saint pol.

In omnibus prebe te exemplum bonorum operum. Ad titum. ii. ca.

 

lxiii Texte.

Ne suys mie trop le deduit
De diane/ car il n’a duit
Aux poursuivans chevalerie
Eux amuser en chasserie

lxiii Glose

Dyane est appellee deesse des boys et de chasserie. si veult dire que le bon chevalier poursuivant le hault nom des armes ne se doit trop amuser en deduit de chace car c’est chose qui appartient a oysiveté. Et dit aristote que oysiveté permaine a tous inconveniens.

lxiii Allegorie

Que le deduit diane ne doye trop suivir qui est dicte pour oysiveté peut mesmes noter le bon esperit et que elle soyt a eschever/ dit sainct gregoire fai tousjours aucune oeuvre de bien/ a ce que l’ennemy te treuve occupé en aucune bonne excitacion. A ce propos est il dit de la sage femme.

Consideravit semitas domus sue & panem ociosa non comedit Prover. xxxi. ca.

 

lxiiii Texte.

Ne te vantes/ car mal en print
A yraignes qui trop mesprint
Que contre pallas se vanta
Dont la deesse l’enchanta

lxiiii Glose

Yraignes ce dit une fable fut une damoiselle moult subtille en l’art de tissir et de filerie/ mais trop se oultrecuida de son savoir/ et de fait se vanta contre pallas dont la deesse s’ayra contre elle qui pour icelle vantance la mua en yraigne. Et dist puis que tant se vantoit de tissir & filer a tousjours mais fileroit et tristroit ouvrage de nulle value/ & adonc devindrent elles yraignes qui encore filent & tissent si peut estre que aucune se vanta contre sa maistresse dont mal luy en print en aucune maniere.

Pource dit au bon chevalier que vanter ne se doibt/ et moult est laide coustume a chevalier estre vanteur & qui trop peult abaisser le los de sa bonté/ & semblablement dit platon quant tu feras une chose mieux que ung aultre garde de te vanter car ta valeur en seroit trop moindre.

lxiiii Allegorie

Que il ne se doit vanter pouons dire que le bon esperit se garde de vantise Et contre vantance dit saint augustin ou dousieme livre de la cité de dieu que vantance n’est pas vice de louenge humainne/ mais est vice de l’ame parfaite qui ayme la louenge humainne et despite la vraye tesmoignance de sa propre conscience. A ce propos dit le sage.

Quid prosint nobis superbia aut diviciarum jactantia quid contulit nobis. sapien. quinto ca.

 

lxv Texte.

Se trop grant voulenté te chasse
A moult aymer deduit de chasse
De adonius au moins te recort
Qui fut par le porc sanglier mort

lxv Glose.

Adonius fut ung damoisel moult cointe & de grant beaulté venus l’aima par amours/ mais pour ce que trop il se delectoit en chasserie venus qui se doubtoit que mal luy en veinst par aucune mesaventure par maintes fois luy pria que il se gardast de chasser a la grosse beste mais riens n’en voulut faire adonius si fut occis par ung porc sauvage. Pource dit au bon chevalier que se il veult a toutes fins chasser que il se garde de tel chace dont mal luy peult venir. A ce propos dit sedechias le prophete. Que ung roy ne doit laisser son filz trop user de chasse ne de oysiveté/ ains le doit faire instruire a bonnes meurs et fuyr vanitez.

lxv Allegorie.

Que de adonius luy doibt souvenir peult estre entendu que se le bon esperit est aucunement desvoyé que a tout le moins lui doit souvenir du grant peril de perseverance car comme l’ennemy ait grant puissance sur les pecheurs/ dit saint pierre en sa seconde epistre que les pecheurs sont serfz de corruption & l’ennemy a puissance sur eulx car celluy qui est surmonté d’un aultre en bataille est devenu son serf/ et en signe de ce cy est dit en l’apocalipse.

Data est bestie potestas in omnem tribum et populum. Apocal. xiii. ca.

 

lxvi Texte.

S’il advient que ennemis t’assaillent
Garde que toy ne tes gens ne saillent
Contre eulx dont ta cité desample
Prens a la prime troye exemple

lxvi Glose.

Quant hercules avec grant foison de grecz vindrent sur la premiere troye & le roy leomedon eut ouy dire leur venue. Adonc luy & toute la gent que il peult avoir en la cité saillirent dehors et allerent contre eulx au rivage & la s’assemblerent par moult fiere bataille et fut la cité reverse de gens et vuidee. Adonc thalamon & ceulz qui embuschez s’estoient atout grant ost pres les murs de la cité se ficha ens & ainsi fut la premiere troye prise/ pour ce dit au bon chevalier que il se garde que par tel tour ne puist estre deceu de ses ennemis. Et dit hermes/ garde toy de l’aguet de tes ennemis.

lxvi Allegorie

Ce que il se doibt garder se ennemys l’aissaillent que sa cité ne soit vuide c’est que le bon esperit se doibt tousjours tenir saisy et rempli de vertu/ & de ce cy dit saint augustin que ainsi comme en temps de guerre les gens d’armes ne se dessaisissent point de leurs armeures & ne les despouillent point jour ne nuit aussi durant le temps de la vie presente ne doivent point estre despouillez de vertus car celluy que l’ennemy treuve sans vertus est ainsy comme celluy que l’adversaire a trouvé sans armeures. Pour ce dit l’evangille.

Fortis armatus custodit atrium suum. Luce. xi. ca.

 

lxvii Texte.

Trop ne t’assottes de la lire
Orpheus se tu veulx eslire
Armes pour principal mestier
D’instrument suivir ne as mestier

lxvii Glose.

Orpheus fut ung poete et dit la fable que il savoit tant bien jouer de la lire que mesmes les eaues courans en retournoient leurs cours & les oyseaux de l’air/ les bestes sauvagez & les fiers serpens en oublioient leur cruaulté & s’arestoient a escouter le son de la lire. Si est a entendre que il tant bien sonnoit que toute gent de quelque condicion que ilz fussent se delectoient a escouter le poete jouer. Et pour ce que telz instrumens assotent souventesfois les cueurs des hommes dit au bon chevalier que trop ne s’y doibt delecter comme il n’affiere aux poursuivans chevalerie a eux trop amuser en instrumens ne aultres oyseuseté. A ce propos dit une auctorité. Le son de l’instrument est le las du serpent/ et dit platon. celuy qui a du tout mis sa plaisance aux delices charnelz est plus serf que ung esclave.

lxvii Allegorie

La lire orpheus dont ne se doit assoter pouons prendre que l’esperit chevalereux ne se doibt assoter ne amuser en quelconque compaignie mondaine soyent parens ou aultres/ dit sainct augustin au livre de la singularité des clercz que moins est stimulé des aguillons de la chair le solitaire qui ne hante point en la frequentation des voluptez/ et moins sont ilz molestés d’avarice qui ne voient point les riches du monde. pour ce dit david.

Vigilavi & factus sum sicut passer solitarius in tecto.

 

lxviii Texte

Ne fondes sur avision
Ne dessus fole illusion
Grand emprinse/ soit droit ou tort
Et de paris ayes recort.

lxviii Glose

Pource que paris avoit songé que en grece yroit dont pour celuy songe fut fait grant armee & envoyee de troye en grece ou paris ravit heleyne/ dont pour celluy meffait amender vindrent apres sur troye tout le pouoir de grece qui sy grant pays estoit lors que il duroit jusques au pays que nous appellons pouille & calabre ou ytalie & lors estoit appellé la petite grece/ & d’iceluy pays fut Achiles & les mirmidonnois celle grande quantité de gens confondirent troye & tout le pays.

Pource dit au bon chevalier que sur avision ne doibt emprendre grant chose a faire/ car grant mal en peult venir a grant essoine/ & que grande emprinse ne doye estre faicte sans grande deliberation de conseil/ dit Platon. Ne fay chose que ton sens n’ait avant pourveu.

lxviii Alegorie

Que grant emprinse ne doibt estre faicte pour avision/ c’est que le bon esperit ne doibt nullement presumer de soy ne soy eslever en arrogance pour quelconque grace qui de dieu luy soyt donnee. Et dit sainct gregoire es morales que quatre especes sont esquelles toute l’enfleure des arrogans est demonstree. La premiere quant le bien que ilz ont ilz reputent que ilz le ont de eulxmesmes. La seconde quant le bien que ilz ont se ilz le cuydent avoir eu de dieu si le cuydent ilz avoir bien desservi & receu pour leurs merites. La tierce quant ilz se vantent d’avoir le bien que ilz n’ont mye. La quarte quant ilz desprisent aultruy & desirent que on sache le bien qui est en eulx. Contre ce vice parle le sage es proverbes.

Arroganciam & superbiam & os bilingue detestor. Proverbiorum octavo capitulo.

 

lxix Texte

Se trop aymes chiens & oyseaulx
D’antheon le gent damoyseaulx
Qui serf devint/ bien t’en souvienne
Et gard qu’autant ne t’en advienne

lxix Glose

Antheon fut ung damoisel moult courtois & de gentilles conditions & trop aymoit chiens & oyseaulx & dit la fable que ung jour chassoit tout seul par une forest espesse ou ses gens l’eurent perdu. Adonc comme dyane la deesse des bois eust chassé par la forest jusques a l’heure de mydi si fut eschauffee & ardant pour l’ardeur du soleil parquoy talent luy vint d’elle baigner en une fontaine clere & belle qui la estoit/ & comme toute nue fust avironnee de nimphes & deesses qui la servoient. Antheon qui garde ne s’en prenoit s’embati sur elle & la deesse veit toute nue a qui pour sa grant chasteté la face de honte rougit & moult fut dolente/ si dist adonc/ pource que je sçay que les damoyseaulx se vantent & gabent des dames & des damoiselles/ affin que vanter ne te puisses que m’ayes veue je t’osteray de parler la puissance. Adonc le mauldit/ & tantost Antheon devint cerf ramage ne il ne luy demeura de sa forme humaine fors seulement l’entendement dont luy plain de grant doleur & de soubdaine paour alloit fuyant par le boscage & tost fut accueilly de ses propres chiens & chassé de sa mesme gent qui par la forest l’aloyent cerchant mais or l’ont trouvé mais ne l’ont mye recongneu la fut attaint Antheon qui devant sa gent ploura a grosses gouttes & voulentiers leur criast mercy se parler peust/ & des lors commencerent les cerfz a plourer a la mort/ la fut antheon occis & martiré a grant douleur de sa mesme mesgnie qui en peu d’heure l’eurent tout devoré.

Sur ceste fable pevent estre faictes maintes diverses expositions/ mais a nostre propos peult estre ung jouvencel qui du tout s’abandonnoit a oyseuseté/ & tout despendit son avoir & sa chevance au delict de son corps & en deduyt de chace & en tenir mesgnie oyseuse/ par ce peult estre dit qu’il fut haÿ de dyane qui notte chasteté & devoré de sa propre gent.

Pource veult dire au bon chevalier que il se garde d’estre surprins en mesmes cas. Et dit ung sage. Oyseuseté engendre ignorance & erreur.

lxix Alegorie

Par antheon qui serf devint/ pouons entendre le vray penitent qui pecheur souloit estre. Or a matté sa propre chair & faicte serve a l’esperit & prins l’estat de penitence. Dit sainct augustin sur le psaultier que penitence est ung faiz bien aisé & une cherge legiere/ & ne doibt estre appellé faiz d’homme ne charge mais asles d’oyseaulx volans/ Car ainsi comme les oyseaulx portent en terre la charge de leurs esles & leurs esles les portent au ciel. Ainsi se nous portons en terre la charge de penitence elle nous portera au ciel. A ce propos dit l’evangile.

Penitentiam agite appropinquabit enim regnum celorum. Matthei. iii. capitulo.

 

lxx Texte

Ne va pas aux portes de fer
Querre Erudice en enfer
Pou y gaigna a tout sa lyre
Orpheus/ si com j’oy lyre.

lxx Glose

Orpheus le poete qui si bien harpoit dit une fable que il se maria a la belle Erudice/ mais le jour de ses nopces se alloit esbaloyant par ung pray piedz nudz pour la chaleur du temps/ ung pastour couvoita la belle & pour elle efforcer se mist au cours & elle qui devant luy fuyoit pour crainte de luy fut morse au talon d’un serpent qui fut mussé soubz l’herbe/ dont la pucelle fut morte en petite termine/ Trop fut dolent orpheus de celle male aventure & adonc print sa lyre & s’en va aux portes de fer en la valee tenebreuse devant le palais infernal/ & adonc print a herper ung piteux lay & a chanter si doulcement que tous les tormentz d’enfer en appaiserent & tous les infernaulx offices furent cessez pour escouter le son de la lyre/ & mesmement proserpine la deesse d’enfer fut meue de grant pitié/ adonc Pluto Lucifer Cerberus & Acaron qui veirent pour le herpeur les offices delaisser des infernales peines luy rendirent sa femme/ par tel sy que il yroit devant & elle apres sans soy retourner arriere ou il la perdroit sans jamais recouvrer tant que hors fussent saillyz de l’obscur palu/ mais celuy qui trop aymoit ne se peult tenir de se retourner pour s’amye regarder/ & tantost Erudice de lui se depart & reffuyt en enfer ne plus ravoir ne la peult.

Ceste fable peust estre entendue en assez de manieres. Et peult estre ung a qui sa femme fut tollue & puis rendue/ & puis la reperdit/ ou peult estre chastel ou aultre chose. Mais a nostre propos peult estre dit que bien quiert erudice en enfer qui quiert chose impossible ne pour icelle recouvrer on ne se doibt donner melancolie. Ce mesmes dit solin. Somme/ folie est de querre ce qui est impossible a avoir.

lxx Alegorie

Que il ne doye aller querre erudice en enfer/ pouons entendre que le bon esperit ne doibt tendre ne requerir a dieu chose miraculeuse ne merveillable qui est appellee tempter dieu. Et dit sainct augustin sur l’evangile sainct Jehan que la requeste que la creature fait a dieu n’est pas exaulcee quant elle requiert chose qui ne se peult faire ou qui ne se doibt faire ou chose dont elle useroit mal se elle luy estoit ottroyee ou chose qui blesseroit son ame se elle estoit exaulcee/ et pource de la misericorde de dieu vient se il ne donne mie a la creature chose dont il scet qu’elle useroit mal. A ce propos dit sainct jacque l’apostre en son epistre.

Petitis & non accipitis eo quod male petatis. Jacobi. iiii. cap.

 

lxxi Texte

Se droitz chevaliers veulz congnoistre
Et fussent ilz enclos en cloistre
L’essay qu’on fist a Achiles
T’apprendra a esprouver les

lxxi Glose

Achiles ce dit une fable fut filz a la deesse thetis/ & pource que elle sçavoit comme deesse que se son filz hantoit armes que il y mourroit/ elle qui trop l’aymoit de grant amour le cela en vesture de pucelle & voiler le fist comme nonne en l’abbaye de la deesse vesta/ longuement fut celé achiles tant qu’il fut pres que parcreu. Et dit la fable que la engendra pirrus qui apres fut moult chevalereux en la fille du roy ystrus. Adonc commencerent les grans guerres troyennes & sceurent les grecz par leurs fors que necessité leur estoit d’avoir achiles/ partout fut quis/ mais nouvelle n’en peut estre ouye. Ulixés qui trop fut plain de grant malice par tout le queroit/ si vint au temple/ mais comme il n’en peust appercevoir la verité s’avisa de grant cautelle/ adonc ulixés print aneletz guinples/ conroyes/ aulmosnieres & joyaux a dames & avec ce armeures a chevaliers belles & cointes si getta tout emmy la place present les dames & dist que chascune prensist le mieulx a sa plaisance/ & adonc comme toute chose traye a sa nature/ les dames coururent aux joyaux/ & achiles print les armeures/ & lors le courut embrasser ulixés & dist que c’estoit ce qu’il queroit. Et pource que les chevaliers doibvent estre plus enclins aux armes que aux cointeries mignotes qui aux dames appartiennent veult dire l’auctorité que a ce peult on congnoistre le droit chevalier. A ce propos dit leginon. Le chevalier n’est congneu fors aux armes. Et dit hermes. Esprouvez les hommes avant que y ayez trop grant fiance.

lxxi Alegorie

Ou il dit se droitz chevaliers veulz congnoistre/ nous pouons prendre que le chevalier jesuchrist doibt estre congneu aux armes de bonnes operations/ & que tel chevalier ait le loyer deu aux bons dit sainct hierome que la justice de dieu ainsi comme elle ne laisse nul mal impugny/ aussi ne laisse elle nul bien inremuneré/ si ne doibt doncques aux bons nul labeur sembler dur/ ne nul temps [l]ong quant ilz attendent la gloire perdurable en louyer. Pour ce dit la saincte escripture.

Confortamini & non dissolvantur manus vestre erit enim merces operi vestro. secundi paralipomenon. xv. c.

 

lxxii Texte.

N’estrivez a athalenta
Car plus que toy grant talent a
De fort courre/ c’est son mestier
De tel cours tu n’as nul mestier

lxxii Glose.

Athalenta fut une nimphe de moult grant beauté mais dure estoit sa destinee car pour cause d’elle plusieurs perdirent la vie. Ceste damoiselle pour sa grant beauté fut de plusieurs couvoitee a avoir en mariage/ mais ung tel edict estoit fait que nul ne l’auroit s’il ne la vaincquoit au cours & se elle le vainquoit il devoit mourir et par celle voye plusieurs moururent. Cestuy cours peult estre entendu en plusieurs manieres/ et peult estre aucune chose moult couvoitee de plusieurs/ mais sans grant travail nul ne la pouoit avoir/ le cours que celle faisoit estoit la deffense et resistence de la chose. Et mesmement peult estre notee la fable ou plusieurs font grant estrif sans necessité/ si veult dire l’auctorité que a homme dur et courageux grant estriveur ne luy doibt chaloir de trop estriver de choses inutiles qui ne sont touchant son honneur/ ne dont il luy puist chaloir/ car maintz grans maulx sont maintesfois ensuivis par tel estrif. Et dit thesibelle. Tu dois faire ce qui est le plus prouffitable au corps/ et le plus convenable a l’ame et fuyr le contraire.

lxxii Allegorie

N’estrives athalenta pouons entendre que le bon esperit ne se doibt point empescher de chose que le monde face ne en quel gouvernement il soit. Et de ce dit saint augustin en une epistre que le monde est plus perilleux quant il est souef aux creatures que quant il est aspre mais plus le voit on moleste et moins s’en doit on empescher & moins quant il attrait a son amour que quant il donne occasion d’estre despité. A ce propos dit jehan l’evangeliste en sa premiere evangile.

Si quis diligit mundum non est caritas patris in eo. i. Jo. ii. c.

 

lxxiii Texte

Comme Paris ne juge pas
Car on reçoipt maint dur repas
Par male sentence ottroyer
Maintz en ont eu maulvais loyer

lxxiii Glose

Dit la fable que les trois deesses de grant puissance/ c’estassavoir Pallas deesse de sçavoir Juno deesse d’avoir & Venus deesse d’amours vindrent devant paris tenans une pomme d’or qui disoit soit donnee a la plus belle & plus puissant/ de celle pomme fut grant descort/ car chescune disoit que avoir la devoit & sur paris s’en furent mys de ce discort. Paris diligemment voulut enquerre de la force de chescune a par soy. Lors dist pallas/ je suys deesse de chevalerie & de sagesse & par moy sont departies armes aux chevaliers/ & science aux clercz & se la pomme tu me veulx donner saches que sur tous te feray chevalereux & tous aultres passer en toutes sciences. Apres dit juno deesse d’avoir et de seigneurie/ par moy sont departis les grans tresors au monde & se la pomme me veulz donner riche & puissant te feray plus que nul aultre. Apres parla venus par moult amoureuses parolles & dist/ je suys celle qui tient escolles d’amours & de joliveté & qui les folz fais estre sages & les saiges fais foloyer/ les riches fais mendier/ & les exillez enrichir/ ne il n’est puissance qui a la mienne se compare/ & se la pomme tu me veulz donner l’amour a la belle Heleyne de grece te sera par moy donnee qui plus te pourra valoir que ne feroit nul aultre avoir. Et adonc Paris donna sa sentence & renonça a chevalerie & a sagesse & a avoir pour venus a qui il donna la pomme/ pour laquelle achoison fut puis troye destruycte. Si est a entendre pource que Paris ne fut point chevalereux & ne lui chalut de grant sçavoir/ mais en amours furent toutes ses pensees est entendu que a venus donna la pomme d’or. Et pource dit au bon chevalier que semblablement ne doibt faire/ & dit pitagoras/ le juge qui ne juge justement dessert tout mal.

lxxiii Alegorie

Paris qui jugea folement c’est que le bon esperit se doit garder de faire jugement sur aultruy/ de ce parle sainct Augustin contre les manichees que deux choses sont que nous devons par especial eschever/ jugement sur aultruy premierement/ car nous ne sçavons de quel courage sont les choses faictes lesquelles condemner c’est grant presumption si la devons interpreter en la meilleure partie. secondement car nous ne sommes point certains quelz seront ceulx qui maintenant sont bons ou mauvais. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

Nolite judicare & non judicabimini in quo enim judicio judicaveritis/ judicabimini. Mathei vii. c.

 

lxxiiii Texte

En fortune la grant deesse
Ne te fies/ n’en sa promesse
Car en peu d’heure elle se change
Le plus hault souvent gette en fange

lxxiiii Glose

Fortune selon la maniere de parler des poetes peult bien estre appellee la grant deesse/ car par elle nous veons le cours des choses mondaines gouverner & pour ce que elle promet a maintz assez prosperités/ & de fait en donne a aulcuns & les retoult en petit d’heure quant il luy plaist. dit au bon chevalier que il ne se doibt fier en ses promesses ne desconforter pour ses adversitez/ et dit Socrates/ les tours de fortune sont comme engins a prendre poissons.

lxxiiii Alegorie

Par ce que il dit que il ne se doibt fier en fortune pouons entendre que le bon esperit doibt fuyr et despriser les delices du monde. de ce dit Boece au tiers livre de consolation que la felicité des epicurees doibt estre appellee infelicité. Car c’est la plaine & parfaicte felicité qui peult l’homme faire souffisant/ puissant/ reverend/ sollennel et joyeux/ lesquelles condicions ne prestent point les choses ou les mondains mettent leurs felicitez. Pource dit dieu par le prophete ysaÿe.

Popule meus qui te beatam dicunt ipsi te decipiunt.

 

lxxv Texte

Pour guerre emprendre & avancer
Ne fay pas paris commencer
Car mieulx sçauroit je n’en doubt mye
Soy deduyre es beaulx bras s’amye

lxxv Glose

Paris ne fut mie condicioné aux armes/ mais du tout a amours. Et pource dit au bon chevalier que il ne doibt mye faire capitaine de son ost ne de ses batailles chevaliers non condicionés aux armes. Et pour ce dit Aristote a Alixandre. Tu doibs establir connestable de ta chevalerie celluy que tu sentiras sage & expert aux armes.

lxxv Alegorie

Que a paris ne face guerre encommencer/ c’est que le bon esperit tendant a la seule chevalerie du ciel doibt du tout estre soustrait du monde & avoir esleue la vie contemplative. Et dit sainct gregoire sur ezechiel que la vie contemplative a bon droit est preferee a la vie active comme la plus digne & la plus grande car la vie active se travaille au labeur de la vie presente/ mais la vie contemplative si commence ja a gouster la saveur du repos advenir.

Pour ce de marie magdaleyne par qui contemplacion est figuree/ dit l’evangile.

Optimam partem elegit sibi maria que non aufferetur ab ea in eternum. Luce. x. ca.

 

lxxvi Texte

Ne te chaille de nul guettier
Mais t’en va tousjours ton sentier
Cephalus o son glavelot
Le t’apprent/ & la femme loth

lxxvi Glose

Cephalus fut ung ancien chevalier dit une fable que toute sa vie se estoit moult delecté en deduyt de chace & a merveilles sçavoit bien getter ung glavelot qu’il avoit qui avoit telle proprieté que ja ne fust getté en vain & tout occioyt autant qu’il attaignoit. Et pour ce que acoustumé avoit de soy lever au matin & aller a la forest la saulvagine guetter/ sa femme en fut en grant jalousie que luy d’aultre que d’elle fust amoureux & pour la verité sçavoir alla apres pour le guetter. Cephalus qui au boys estoit quant il ouyt la feullee bruyre ou sa femme se mussoit cuida que saulvagine fust/ atant lansa son glavelot & sa femme attaint si l’occist/ dolent fut de la mesaventure cephalus/ mais remede n’y peut estre mys. La femme loth comme tesmoigne la saincte escripture se retourna arriere contre le commandement de l’ange quant elle ouyt derriere soy fondre les cinq citez & pour ce fut tantost tournee en une masse de sel. Et comme toutes choses soyent figureez y peult estre mys assez d’entendemens/ mais a la prendre a la verité pour exemple/ nul bon ne se doibt delecter a guetter aultruy en chose qui ne luy doit appartenir et comme nul ne vouldroit estre guetté/ dit Hermes/ ne fay a ton compaignon nonplus que tu vouldroyes que il te feist & ne vueilles tendre les las pour prendre les hommes ne pourchasser leurs dommages ne deshonneur par aguet ou par cautelle/ car au derrenier tourneroit sur toy.

lxxvi Alegorie

Que il ne luy doit chaloir de nul guetter peult estre entendu que le bon esperit ne se doibt donner peine de sçavoir fait d’aultrui ne d’enquerir d’aultruy nouvelles. Et dit sainct jehan crisostome sur l’evangile sainct mathieu/ comment dit il/ es faitz d’autruy voys tu tant de petites deffaultes & en tes propres faitz tu laisses passer tant grans deffaultes/ se tu t’aymes mieulx que ton prochain pour quoy t’empesches tu de ses faitz & laisses les tiens/ soyes premierement diligent de considerer tes faitz/ & puis considere les faitz d’aultruy. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

Quid autem vides festucam in oculo fratris tui ? trabem autem in oculo tuo non vides Matthei. vii. capitulo.

 

lxxvii Texte.

Ne desprises pas le conseil
Helenus je le te conseil
Car souvent advient maintz dommages
Par non vouloir croire les sages

lxxvii Glose

Helenus fut frere hector et filz priam et moult fut sage clerc et plain de science/ sy desconseilla tant comme il peut que paris n’allast en grece ravir la belle heleyne/ mais il n’en fut mie creu dont grant dommage vint aux troyens. Pource dit au bon chevalier que les sages on doibt croire et leur conseil. Et dit hermes/ qui honnoure les sages et use de leur conseil est perpetuel.

lxxvii. Allegorie

Helenus qui desconseilloit la guerre c’est que le bon esperit doit eschever les tentacions/ et dit saint hierome/ que le pecheur n’a nulle excusation qui se laisse surmonter de tentation/ car l’ennemy tenteur sy est si foible que il ne peult surmonter sinon celluy qui se veult rendre a luy. Et ce dit saint pol l’apostre.

Fidelis deus qui non patietur vos temptari supra id quod potestis : sed faciet etiam cum exultatione proventum ut possitis sustinere. i. ad corinthios. x. ca.

 

lxxviii Texte.

Ne t’esjouys trop ne te troubles
Pour les avisions moult troubles
Morpheus qui est messagier
Au dieu qui dort et fait songier

lxxviii Glose

Morpheus ce dit une fable est filz et message au dieu dormant & est dieu de songe et fait songier. Et pour ce que songe est chose moult trouble et obscure/ et aucunefois riens ne signifie et aucunefois tout le contraire signifie de ce que on a songié/ ne il n’est sy sage qui proprement en puisse parler quoy que les expositeurs en dient dit au bon chevalier que esjouyr ne troubler ne se doit pour telz avisions dont on ne peult monstrer certaine signification ne a quoi elles doivent tourner/ et mesmement comme on ne se doibt ne troubler ne esjouyr des choses de fortune qui sont transitoires dit socrates. Tu qui es homme ne te doibs trop esjouyr ne troubler pour quelconque cas.

lxxviii Allegorie.

Ou il dit que trop ne se doit on esjouir ne troubler pour avisions/ dirons que le bon esperit ne se doit trop esjouir ne trop troubler pour quelconque cas qui lui avienne et que il doit porter les tribulations paciamment dit saint augustin sur le psaultier. Beau filz dit il se tu pleures des maulx que tu sens si pleure soubz la correction de ton pere.

Se tu te plains des tribulations qui te surviennent garde que ce ne soit par indignacion ne par orgueil/ car l’adversité que dieu t’envoye t’est medicine non pas peine c’est chastiement non pas damnacion/ ne redoubtes mye la verge de ton pere se tu ne veulx que il te reboute de son heritage/ & ne penses mye la peine que tu as a soustenir son flayel/ mais considere quel lieu tu as en son testament. A ce propos dit le sage.

Esse quod tibi applicatum fuerit accipe et in dolorem sustine et in humilitate patientiam habe. Ecclesiastici. ii. ca.

 

lxxix Texte

Se par mer tu veulx entreprendre
Voyage perilleux et prendre
Croy le conseil de alchioine
De ceÿs te dira l’essoine

lxxix Glose.

Ceÿs fut ung roy moult preudhom et moult aimé de alcioine sa femme devocion print au roy d’aler par mer en ung perilleux passage par temps de tempeste se mist en mer/ mais alcioine sa femme qui trop l’aymoit de grant amour se mist en grant peine de luy destourner d’icelluy voyage et a grans pleurs et larmes moult l’en prioit mais pour elle n’y peult estre remede mis ne avecquez luy aler ne la voulut laisser ce que elle vouloit a toutes fins et dedens la nef se getta au departir/ mais le roy Ceÿs la reconforta & la fist a force remaindre/ dont moult fut anguoisseuse et dolente/ car trop estoit en grant soucy dont tant veoit colus le dieu des ventz meu sur la marine/ Ceÿs le roy dedens briefz jours apres perit en mer dont quant alcioine sceut l’aventure se getta en mer/ mais dit la fable que les dieux en eurent pitié et muerent les corps des deux amans en deux oyseaulx affin que de leur grant amour fust memoire perpetuelle. Si volent encore sur la marine les oyseaulx qui alcioines sont appellez/ et de blanc plumage sont. Et quant les mariniers venir les voyent adonc sont certains de tempeste avoir.

La droite exposicion peult estre que deux aimans s’entraimerent par semblable maniere en mariage que le poete a comparez ausditz oyseaulx. Si veult dire que le bon chevalier ne se doit mettre en perilleux voyages sans le conseil de ses bons amis et dit assalon le sage s’efforce d’eslongnier dommage et fol met grant peine a le trouver.

lxxix Allegorie

Que alcioine doibve croire c’est que se le bon esperit est par mauvaise tentacion empesché d’aucune erreur ou doubte en sa pensee que il se doit rapporter a l’opinion de l’eglise et dit saint ambroise au second livre des offices que celluy est forcené qui despite le conseil de l’eglise car joseph moult plus prouffitablement ayda le roy pharaon du conseil de sa prudence que se il lui eust donné de l’argent/ car argent n’eust peu pourveoir a la famine du royaulme d’egipte comme fist le conseil de joseph qui remedia contre la famine d’egipte l’espace de cinq ans/ & puis conclud croy le conseil et tu ne te repentiras point. A ce propos dit le sage es proverbes en la personne de l’eglise.

Custodi legem meam atque consilium & erit vita anime tue. proverbiorum. iii. ca.

 

lxxx Texte.

A conseil d’enfant ne t’acordes
Et de troylus te recordes
Croy les viellars et les expers
Mais charge d’armes les appers

lxxx. Glose

Quant le roy priam eut fait reediffier troye qui pour la cause du congeement de ceulx qui aloient en colcos eut esté destruicte. Adonc d’icelle destruction voulut priam faire la vengance/ adonc assembla son conseil ou moult eut de haulx barons et sages/ pour savoir se bon seroit que paris son filz alast en grece ravir heleyne en eschange d’esyona sa seur qui eut esté prinse par thalamon ajaux et menee en servage/ mais tous les sages s’acordoient que non pour cause des prophecies & des escriptures qui disoient que par celluy ravissement seroit troye destruite. Adonc troylus qui enfant estoit et luy moinsné des filz priam dist que on ne devoit croire en conseil de guerre ces viellars ne ces provoires qui par recreandise conseilloient le repos sy conseilla tout l’opposite/ si fut le conseil troylus tenu dont grant mal s’en ensuyvit. Pour ce dit au bon chevalier que a conseil d’enfant qui naturellement est de legiere et petite consideration ne se doit tenir ne croire. A ce propos dit une auctorité. La terre est mauldite dont le prince est enfant.

lxxx Allegorie

A conseil d’enfant ne se doit acorder le bon esperit/ & c’est a entendre que ignorant ne doit estre mais sachant et aprins de ce qui peult estre prouffitable a son salut/ et contre les ignorans dit sainct augustin. Ignorance est une tresmauvaise mere qui a tresmauvaises filles c’estassavoir faulceté et doubtance. La premiere est meschante et la seconde miserable. La premiere si est plus vicieuse mais la seconde est plus moleste/ et ces deux sont estaintes par sapience. de ce dit le sage.

Sapientiam pretereuntes non tantum in hoc lapsi sunt ut ignorent bona : sed insipientie sue reliquerunt hominibus memoriam. Sapientie. v. ca.

 

lxxxi Texte.

Hayz calcas et ses complices
Dont les infinies malices
Traÿssent regnes et empires
Il n’est au monde aultres gens pires

lxxxi Glose.

Calcas fut ung soubtil clerc de la cité de troye/ et quant le roy priam sceut que les gregois venoient sur luy a grant ost il envoia calcas en delphos savoir au dieu appolin comment il iroit de la guerre mais apres la response du dieu qui dist que apres dix ans aroient les grecz la victoire se tourna calcas devers les grecz et s’acointa d’achilles qui en delphos estoit venu pour celle mesme cause & avec lui s’en ala devers les grecz lesquelz il ayda a conseiller contre sa propre cité/ et maintesfois puis destourna a faire paix entre grecz & troyens. Et pource que il fut traitre/ dit au bon chevalier que telz subtilz & mauvais doit haÿr/ car leurs traÿsons faictes par cautelles pevent moult dommager royaulmes et empires et toutes gens. Pource dit platon. le soubtil ennemy povre et non puissant peult plus grever que le riche/ puissant et non sachant.

lxxxi Allegorie.

Calcas qui doit estre haÿ peult estre entendu que le bon esperit doit haÿr toute malice frauduleuse contre son prochain et nullement ne la doit consentir et dit saint hierome que le traitre ne se adoulcist ne pour familiarité de compaignie ne pour priveté de boire et de menger ne pour grace de service ne pour planté de beneficez/ de ce vice disoit saint pol l’apostre.

Erunt homines elati cupidi superbi proditores proterui tumidi. ii. Ad thimoteum. iii. ca.

 

lxxxii Texte

Ne soyes dur a ottroyer
Ce que tu peulz bien employer
A hermofrodicus te mire
A qui mal print pour escondire

lxxxii Glose

Hermofrodicus fut ung jouvenceau de moult grant beaulté/ une nimphe fut moult esprinse de s’amour mais nullement il ne la vouloit aymer & celle partout le poursuyvoit tant que une foys le damoyseau estoit moult lassé pour la chace ou toute jour avoit travaillé/ adonc arriva a la fontaine de salinaxis ou il avoit ung bel estanc cler & sery/ adonc luy print talent de soy baigner/ de ses draps se despouilla & en l’eaue se mist. Quant la nimphe le veyt tout nud soy despouiller apres luy se getta & le jouvenceau print par grant amour a embrasser/ mais cil qui fut plain de felonnie la print a debouter par grant rudesse ne celle son cueur ne peult amollier pour nulle priere. Adonc de grant voulenté pria la nimphe aux dieux que de son amy qui sy la deboutoit jamais ne peust departir/ les dieux ouyrent sa devote orayson si misrent les deux corps en ung seul qui deux sexes avoit.

Ceste fable peult estre entendue en assez de manieres. Et comme les clercz soubtilz philosophes ayent mussez leurs grans secretz soubz couverture de fables y peult estre entendue sentence appartenant a la science d’astronomye & aussi d’arquemye comme dient les maistres/ et pour ce que la matiere d’amours est plus delectable a ouyr que aultre firent communement leurs fictions sur amours pour estre plus delectable mesmement aux rudes qui n’y prennent fors l’escorche/ & plus aggreable aux soubtilz qui en succent la liqueur. Mais a nostre propos pouons entendre que layde chose est & vilaine reffuser ou ottroyer a dangier ce qui ne peult tourner a vice ou n’a prejudice estre ottroyee. Et dit Hermes. Ne fay mye longue demeure a mettre a execucion ce que tu doibs faire.

lxxxii Alegorie

Dur ne doit estre a ottroyer le bon esperit la ou il voyt la necessité/ mais reconforter le besoigneur a son pouoir comme dit sainct gregoire es morales que quant nous voulons conforter aulcun afflict en sa tristesse nous devons premierement douloir avecques luy/ car celuy ne peult proprement reconforter le dolent qui ne s’accorde a sa douleur/ car ainsi comme on ne pourroit joindre ung fer a l’autre se tous les deux ne sont chauffez & amolliez au feu. Aussi ne pouons nous aultruy redresser de tristesse se nostre cueur n’est amolly par compassion. A ce propos dit la saincte escripture.

Confortare manus dissolutas & genua debilia robotate. ysaie. xxxv. capitulo.

 

lxxxiii Texte

Tu te peulx bien esbatre aux gieux
Ulixés/ en temps & en lieux
Car ilz sont soubtilz & honnestes
En temps de treves et de festes

lxxxiii Glose

Ulixés fut ung baron de grece de grant subtillité/ & au temps du long siege devant troye qui dix ans dura tousjours quant treves estoient trouvoit jeulx soubtilz & moult beaux pour esbatre les chevaliers tant que ilz estoient a sejour/ & dient aulcuns que il trouva le jeu des eschés & de telz semblables jeux a s’esbatre. Et dit Solin. Toute chose subtille et honneste est louable a faire.

lxxxiii Alegorie

Les gieux Ulixés pevent estre entenduz que quant l’esperit chevalereux sera lassé d’adourer & d’estre en contemplacion il pourra bien soy esbatre a lyre les sainctes escriptures/ car comme dit sainct Hierome es morales. La saincte escripture si est proposee aux yeulx de nostre cueur comme en ung mirouer/ affin que nous y veons l’enteraine face de nostreseigneur/ la pouons nous veoyr nostre laid/ la pouons nous veoyr combien nous prouffitons & combien nous sommes loing de prouffiter. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

Scrutatis scripturas in quibus putatis vitam eternam habere. Johannis. v. capitulo.

 

lxxxiiii Texte

S’a cupido tu veulx donner
Ton cueur et tout abandonner
Gard briseyda n’acointier
Car trop a le cueur villotier

lxxxiiii Glose

Briseida fut une damoiselle de moult grant beaulté et encor plus cointe et de vague attrait. Troylus ly moinsné des filz priam qui trop fut plain de grant prouesse/ de beaulté et de gentillesse l’ayma de grant amour/ et elle luy donna s’amour et a tousjours promist de la non faulcer. Calcas pere a la damoiselle qui par science savoit que troye seroit destruite/ si fist tant que sa fille lui fut rendue et tiree hors de la cité/ et menee au siege/ grant fut la douleur des deux amans a la departie neantmoins dedens brief temps dyomedes qui hault baron estoit des grecz et moult vaillant chevalier s’accointa de briseyda & tant fist par son pourchas que elle l’aima & du tout oublia son bon amy troyolus. Et pour ce que ainsi eut briseyda legier courage dit au bon chevalier que se il veult son cueur donner que il se garde d’acointer semblable dame que fut briseyda. Et dit hermes/ garde toy de la compaignie des mauvais que tu ne soyes comme ung d’eulx.

lxxxiiii Allegorie

Briseida dont il se doibt garder d’accointer c’est vaine gloire que le bon esperit ne doit nullement acointer/ mais fuyr a son pouoir car trop est legiere & trop vient soudainement. et dit saint augustin sur le psaultier que cellui qui a bien aprins & essaye par experience les degrez des vices surmonter est venu a congnoissance que le peché de vaine gloire qui tout seul ou plus especialement est a eschever aux parfais hommes car c’est entre les pechez celluy qui est le plus fort a vaincre. Pour ce dit saint pol l’apostre

Qui gloriatur in domino glorietur. ii. ad chorin.

 

lxxxv Texte

Quant patroclus occis aras
Lors d’achiles te garderas
Se tu m’en crois/ car c’est tout ung
Leurs biens sont entr’eux deux commun

lxxxv Glose

Patroclus & achiles furent compaignons ensemble et si tres amys que oncques deux freres plus ne s’entre aymerent & eulx & leurs biens furent une mesme chose/ & pource que Hector occist patroclus en la bataille vint la grant hayne de achiles sur hector/ mais pource que trop redoubtoit sa grant force oncques depuis ne fina de le guetter pour le surprendre a descouvert & en trahyson. Si dist othea a hector comme par prophecie de ce qui estoit a advenir que quant patroclus occis aroit besoing luy seroit soy garder de achiles. Et est a entendre que tout homme qui a occis ou meffait au loyal compaignon d’un aultre que le compaignon en fera la vengeance se il peut. Pource dit Madarge. En quelque lieu que tu soyes avec ton ennemy tien le tousjours pour suspec ja soit ce que tu soyes plusfort que luy.

lxxxv Alegorie

Ce que il est dit que quant patroclus occis aura d’achiles se doit garder pouons entendre que se le bon esperit se laisse a l’ennemy encliner a peché il doibt douter mort pardurable/ & comme dit Job/ la vie presente n’est que une chevalerie/ & en signe de cecy la vie presente est appellee guerriant a la difference de celle de la amont qui est appellee triumphant/ car celle a ja victoire des ennemys. A ce propos dit sainct pol l’apostre.

Induite vos armatura dei ut possitis stare adversus insidias diaboli. Ad ephesios. vi. capitulo.

 

lxxxvi Texte

Gardes qu’echo tu n’escondises
Ne ses piteux plaintz ne desprises
Se son vueil tu peulz soustenir
Tu ne scez qu’il t’est a venir

lxxxvi Glose

Echo ce dit une fable fut une nimphe/ Et pource que trop grant gengleresse souloit estre & par sa gengle encusa juno qui ung jour guettoit son mari par jalousie/ la deesse s’en couroussa & dist d’ores en avant plus ne parleras premiere si se n’est apres aultruy. Echo fut amoureuse du bel narcisus/ mais pour nulle priere ne pour signe d’amytié que elle luy feist pitié n’en daigna avoir & tant que la belle mourut pour son amour/ mais en mourant pria aux dieux qu’elle peust estre vengee de celuy en qui tant avoit trouvé de cruaulté que encor luy donnassent sentir l’amoureuse pointure parquoy il peust sçavoir la grant douleur que ont les fins amans qui d’amour sont refusez & dont mourir luy convenoit/ atant fina Echo/ mais la voix d’elle remaint qui encor dure/ et la firent les dieux perpetuelle pour memoire de celle adventure & encor respond aux gens en ses valees & sur rivieres apres voix d’aultruy/ mais parler ne peult premiere.

Echo peult signifier personne qui par grant necessité requiert aultruy/ la voix qui est demouree/ c’est que de gens souffreteux il est assez demouré/ ne ilz ne pevent parler fors apres aultruy/ c’est que ilz ne se pevent ayder d’eulx mesmes sans ayde d’aultruy. Pource veult dire au bon chevalier que il doibt avoir pitié des souffretteux qui le requierent. Et dit zaqualquin. Qui veult bien garder la loy doibt ayder a son amy de son avoir/ & prester aux souffreteux/ estre gracieux/ non denyer justice a son ennemy/ & soy garder de tous vices & de deshonneur.

lxxxvi Alegorie

Echo qui ne doit estre escondite peult estre nottee misericorde que le bon esperit doit avoir en soy/ & dit sainct augustin au livre du sermon de nostreseigneur en la montaigne que benoitz sont ceulx qui voulentiers secourent aux presens qui sont en misere/ car ilz desservent que la misericorde de dieu les delivre de leurs miseres et est chose juste que qui veult estre aydé du souverain plus puissant que ainsi il ayde au moindre de soy en ce en quoy il est plus puissant que luy. Pource dit le sage es proverbes.

Qui pronus est ad misericordiam benedicetur. Proverbiorum xxii. capitulo.

 

lxxxvii Texte

Se de laurier couronne avoir
Veulx/ qui mieulx vault que nul avoir
Dampné te convient poursuyvir
Et tu l’auras par bien suyvir

lxxxvii Glose

Dit une fable que dampné fut une damoiselle que phebus ayma par amours & moult la poursuyvit mais elle accorder ne s’y vouloit. Advint ung jour que il veit la belle aller par une voye & quant elle le veit venir elle print a fuyr & le dieu apres/ et quant il fut sy pres que elle veit bien que eschapper ne pouoit sa priere fist a dyane la deesse que sa virginité luy voulsist saulver/ & adonc fut le corps de la pucelle mué en ung vert laurier/ & quant phebus fut approché il print des branches de l’arbre & chappeau s’en fist en signe de victoire. Et depuis lors en ça chappeau de laurier signifie victoire/ & mesmes au temps de la grant felicité aux rommains couronnoient de laurier les victorieux.

Plusieurs entendemens peult avoir la fable : & peult advenir que ung puissant homme poursuyvit a long travail une dame & tant que soubz ung laurier il l’attaignit a sa voulenté/ & pour celle cause depuis lors en ça ayma le laurier & le porta en devise en signe de victoire que il avoit eue de ses amours soubz le laurier. Et peult estre aussi le laurier prins pour or qui signifie noblesse/ & pour ce que le laurier signifie honneur/ dit au bon chevalier que il luy convient Dampné poursuyvir se couronne de laurier veult avoir. C’est a entendre peine & travail se a honneur veult avenir. A ce propos dit Omer. Par grant diligence vient on a perfection.

lxxxvii Alegorie

Se de laurier veult couronne avoir dampné luy convient poursuivir/ pouons entendre que se le bon esperit veult victoire glorieuse avoir luy convient perseverance qui le mainera a la victoire de paradis dont les joyes sont infinies comme dit sainct gregoire. Qui est dit il la langue qui souffise racompter/ et qui est l’entendement qui puisse comprendre quantes sont les joyes de ceste souveraine cité de paradis estre tousjours present aux ordres des angelz avec les benoictz esperitz assister a la gloire du conditeur regarder le present visage de dieu/ veoir la lumiere incircunscriptible estre asseur de non avoir jamais paour de la mort soy esjouyr du don de pardurable incorruption. A ce propos dit david au psaultier.

Gloriosa dicta sunt de te : civitas dei.

 

lxxxviii Texte

Aussi te fays je mencion
D’andromaca/ la vision
Ta femme du tout ne desprises
Ne d’aultres femmes bien apprises

lxxxviii Glose

Andromaca fut femme Hector & la nuyt devant ce que il fust occis vint a la dame en avision que se le jour Hector alloit en la bataille sans faille il y seroit occis/ dont andromaca atout grans souspirs & pleurs fist son pouoir que il n’allast en la bataille/ mais ne l’en voulut croire et il fut occis. Pource dit que le bon chevalier ne doibt du tout despriser les avisions sa femme/ c’est a entendre le conseil & advis de sa femme se elle est sage & bien condicionnee/ & dit Platon. Tu ne doibz despriser conseil de petite personne sage/ car ja soit ce que tu soyes vieulx n’ayes pas honte d’apprendre supposé que ung enfant te monstrast/ car aulcunefois peult le ignorant aviser le sage.

lxxxviii Alegorie

La vision andromaca que despriser ne doibt/ c’est que le bon propos envoyé par le saint esperit ne doibt le bon chevalereux getter a neant/ mais tost mettre a effect selon son pouoir/ de ce dit sainct Gregoire es morales/ que le bon esperit pour nous attraire a bien faire nous admonneste/ nous esmeut/ nous enseigne/ il admonneste nostre memoire/ il meult nostre voulenté & enseigne nostre entendement/ l’esperit doulz & souef ne seuffre demourer quelconque petite paille en l’abitation du cueur la ou il se inspire/ mais tantost la brusle du feu de sa circunspection soubtille. Pource dit sainct pol l’apostre.

Spiritum nolite extinguere. Ad hebreos. xi. capitulo

 

lxxxix Texte

Se tu as grant guerre ou essoine
En la force de babiloine
Ne t’y fie/ car par ninus
Fut prinse nel peult nyer nulx

lxxxix Glose

Babiloine la grant qui fut fondee par nambrot le geant fut la plus forte cité qui oncques fut faite mais nonobstant ce fut elle prinse par le roy ninus. pour ce dit au bon chevalier que il ne se doit mie tant fier en la force de sa cité ou chastel en temps de guerre que il ne soit tout pourveu de gens & de tant qu’il convient pour couvenable deffense. Et dit platon/ qui se fie seulement en sa force est souvent vaincu.

lxxxix Allegorie

En la force de babyloine on ne se doibt fier c’est que le bon esperit ne se doibt fier ne avoir attente a chose que le monde promette. Et de ce dit saint augustin au livre de la singularité des clercz que c’est trop sote fiance de reputer sa vie seure contre les perilz de ce monde et folle esperance est cuider estre sauf entre les morsures de peché. peu certaine est encore la victoire tant comme on est entre les dars des ennemis/ et qui est avironné des flammes n’est pas delivré legierement sans ardoir/ croy a celluy qui a l’experience/ se le monde te rit n’y ayes fiance en dieu soit assise ton esperance/ pour ce dit david.

Bonum est confidere in domino quam confidere in homine.

 

xc Texte.

Hector noncer me fault ta mort
Dont grant douleur au cueur me mort
Ce sera quant le roy priant
Ne croiras/ qui t’ira priant

xc Glose

Le jour que hector fut occis en la bataille Andromaca sa femme vint prier au roy priam a moult grans plains & pleurs que il ne laissast hector aler en la bataille. Car sans faille occis seroit se il y aloit ce luy avoit certainement anoncé mars le dieu de bataille qui en dormant a elle s’estoit apparu. Priam s’entremist tant comme il peult de destourner que il ne se combatist icelluy jour mais hector s’embla de son pere et saillit de la cité par une soubzterraine et s’en ala en la bataille ou il fut occis/ et pour ce que oncques n’avoit desobeÿ a son pere fors celuy jour pouoit dire que le jour que il desobeÿroit a son pere adonc mourroit/ & peult estre entendu que nul ne doibt desobeÿr ses bons amys quant ilz sont sages. Et pour ce dit aristote a alixandre. Tant que tu croiras le conseil de ceulx qui usent de sapience et qui loyaument t’ayment tu regneras victorieusement.

xc Allegorie

Ou elle dit a hector que sa mort luy couvient noncier c’est que le bon esperit doit avoir en continuelle memoire l’heure de la mort. de ce dit saint bernard que on ne trouve riens es choses humaines plus certain que la mort ne moins certain que l’heure de la mort/ car la mort n’a point mercy de povreté/ ne porte point d’honneur a richesse/ elle n’espargne point sapience ne meurs ne aage. De la mort n’a on point aultre certaineté/ mais que aux anciens elle est a l’huis et aux jeunes elle est en espie. A ce propos dit le sage.

Memor esto quoniam mors non tardabit Ecclesiastici. xiiii. ca.

 

xci Texte

Encor te vueil je faire sage
Qu’en bataille n’ayes usage
De tes armes toy descouvrir
Car ce fera ta mort ouvrir

xci Glose

Hector en la bataille fut trouvé descouvert de ses armes et lors fut occis. Et pour ce dit au bon chevalier que de ses armes en la bataille ne se doit descouvrir/ et dit hermes. La mort est ainsi comme le coup d’une saiette/ & la vie est ainsi comme la sayette qui met a venir.

xci Allegorie

Ce que il est dit que il se doit tenir couvert de ses armes c’est a entendre que le bon esperit doibt tenir ses sens clos non mie vagues/ de ce dit saint gregoire es moralles que la personne qui despart ses sens est semblable au jengleur qui ne trouve pire hostel que le sien pour ce est tousjours hors de son hostel ainsi l’homme qui ne tient ses sens clos est tousjours vague hors de sa maison de sa conscience/ et ainsi comme la hale ouverte ou on peult entrer de tous les costez. Pour ce dit nostreseigneur en l’evangille.

Clauso hostio ora patrem tuum in abscondito. Mathei. vi. ca.

 

xcii Texte

De pollibetes ne couvoites
Les armes/ ilz soyent maloites
Car au despouiller s’ensuyvira
Ta mort/ par cil qui te suyvira

xcii Glose

Pollibetes fut ung roy moult puissant que Hector avoit occis en la bataille apres maintz aultres grans faitz que il avoit faitz la journee & pour ce que moult estoit armé de belles armes & riches Hector les couvoita et s’abaissa sur le col de son destrier pour le col despouiller. Et adonc Achiles qui par derriere le suivoit tout de gré pour le prendre a descouvert le ferit par dessoubz en la faulte de ses armes & a ung coup le getta mort/ dont fut grant dommaige/ car plus vaillant chevalier jamais ne saingnit espee dont hystoires facent mencion. Et que telle couvoitise peult estre nuysible en tel place appert par ledit cas. Pour ce dit le philosophe. Couvoitise desordonnee maine l’homme a mort.

xcii Alegorie

Que de polibetes ne couvoite les armes/ pouons noter que couvoitise de quelconque chose mondaine ne doibt avoir le bon esperit/ car comme elle maine l’ame a mort dit innocent au livre de la vilité de condicion humaine que couvoitise est ung feu que on ne peult rassasier/ car le couvoiteux n’est jamais content de avoir ce que il desire/ car quant il a ce que il desiroit il desire tousjours oultre tousjours establist il sa fin en ce que il attend a avoir & nonpas en ce que il a. Avarice & couvoitise sont deux sanssues qui ne cessent de dire apporte apporte/ & a la value que l’argent croist/ l’amour de l’argent croist. Couvoitise est la voye de la mort espirituelle & souventesfois de la mort temporelle. Pour ce dit sainct pol l’apostre.

Radix omnium malorum cupiditas est. i. ad thimotheum. vi. capitulo.

 

xciii Texte

D’amour estrange ne t’assotes
Le fait achilles pense et notes
Qui follement cuida s’amie
Faire/ de sa plus ennemie

xciii. Glose

Achilles s’assota de l’amour polixene la belle pucelle qui fut seur hector/ et comme il eust veue a l’aniversaire des obseques hector au temps de treves ou plusieurs grecz alerent a troye ou il fut tant surprins de s’amour que nullement durer ne pouoit. Pour ce manda a la royne hecuba que le mariage voulsist faire traicter et il feroit cesser la guerre & partir le siege et a tousjours seroient amys/ longtemps fut achilles sans soy armer contre les troyens pour icelle amour et grant peine mist a faire partir l’ost ce que il ne peut faire/ pour ce ne fut fait le mariage/ et apres ce occist achilles troylus qui tant estoit plain de valeur que bien estoit pareil a hector son frere selon son jeune aage mais de ce fut tant doulente la royne hecuba que elle luy manda que a luy alast a troye pour icelluy mariage traicter sy y ala et fut occis. Pour ce dit au bon chevalier que d’amour estrange ne se doit assoter/ car par amours lointaines sont maintz maulx venus. Et pour ce dit ung sage/ quant tes ennemis ne se pourront venger/ adonc as tu mestier de toy guetter.

xciii Allegorie

D’amour estrange ne se doit assoter le bon esperit/ c’est a entendre que il ne doit aimer nulle chose qui ne soit toute venant de dieu & terminant en luy/ & toute chose estrange/ c’est que le monde doibt fuyr et que le monde doit haÿr/ dit saint augustin en exposant l’epistre saint jehan le monde passe et sa concupiscence. O donques homme raisonnable lequel aymes tu mieulx ou aimer le monde temporel et passer avecques le temps ou aimer jesuchrist & vivre perpetuellement avecques luy. A ce propos dit saint jehan en sa premiere epistre.

Nolite diligere mundum neque ea que in mundo sunt. i. johannis. ii. ca.

 

xciiii Texte

N’entreprens mye foles armes
C’est peril pour corps & pour ames
Ung bras nud/ ou sans escu prendre
Par ayaulz le peulz tu apprendre

xciiii Glose

Ayaulz fut ung chevalier gregoys moult orgueilleux et oultrecuydé mais bon chevalier fut de sa main & par orgueil et fierté entreprint armes ung bras nud & descouvert de son escu/ si fut percé d’oultre en oultre & mort abatu.

Et pour ce dit au bon chevalier que telles armes faire sont de nul honneur/ ains sont reputees folies & orgueil & trop sont perilleuses. Si dit Aristote. Plusieurs errent par ignorance et faulte de sçavoir/ & ne scevent que est a faire ne a laisser/ & aultres faillent par orgueil & arrogance.

xciiii Alegorie

Que folles armes ne doye entreprendre c’est que le bon esperit ne doibt soy fier en sa propre fragilité comme dit sainct Augustin en ung sermon que nul de son cueur ne doit presumer quant il prononce parolle/ ne nul en sa force ne se doit fier quant il seuffre temptation/ car se nous parlons sagement bonnes paroles de dieu vient nonpas de nostre sapience/ & se nous endurons fermement les adversitez de dieu vient nonpas de nostre pacience. A ce propos dit sainct pol.

Fiduciam talem habemus per christum ad deum non quod sumus sufficientes aliquid cogitare ex nobis tanquam ex nobis. secunde ad corinthios. iii. capitulo.

 

xcv Texte

Anthenor exille & chace
Qui contre son pays pourchace
Trahyson faulse & desloyale
Sy luy en rendz souldee male

xcv Glose

Anthenor fut ung baron de troye quant vint a la fin des griefves batailles troyennes les grecz qui le long siege avoient tenu devant la cité ne sçavoient comment venir a chief de prendre la cité/ car elle estoit de grant force/ mais par l’endittement de anthenor par couroux qu’il avoit au roy Priam leur enhorta & dist comment ilz feignissent faire paix au roy et par celle voye les mettroit luymesmes en la cité & si leur donroit passage. Ainsi le fist parquoy troye fut trahye.

Et pour ce que trop grande fut la trahyson & maulvaistie de cestuy dit au bon chevalier que tous ses semblables ou il les sçaira doibt chacer & exciller/ car trop sont icelle gent a haÿr/ dit Platon. Barat est le capitaine et gouverneur des maulvais.

xcv Alegorie

Anthenor qui doibt estre chacé/ pouons entendre que le bon esperit doit chacer de soy toute chose dont inconvenient luy peult venir. De ce dit sainct Augustin que celuy qui n’est soigneux de eschever les inconveniens est semblable au papillon qui tournye tant entour le feu de la lampe que ses esles se brulent & puis est noyé en l’huyle/ & a l’oyseau qui tant volette entour le gluau que il y pert ses plumes. Exemple de sainct Pierre qui demoura tant en la court au prince de la loy que il encheut en celuy inconvenient de regnier son maistre. Et dit Salomon.

Fuge a via malorum ne transeas per eam. Proverbiorum. iiii. capitulo.

 

xcvi Texte.

Au temple minerve souffrir
Ne doibs tes ennemis offrir
Mire toy au cheval de fust
Encore fust/ troye s’il ne fust

xcvi. Glose.

Les gregois firent paix par faintise aux troyens par la traïson Anthenor ilz dirent que ilz avoient voué ung don a minerve/ la deesse qu’ilz vouloient offrir : et avoient fait faire ung cheval de fust de merveilleuse grandeur lequel estoit plain de chevaliers armez & tant fut grant que la porte de la cité convint rompre pour eulx entrer & sur roes estoit assis le cheval que ilz trainerent jusques au temple/ et quant la nuit fut venue adoncques saillirent hors les chevaliers qui ceulx de dehors mirent en la ville qui toute la gent occirent et ardirent & destruirent la cité. Pour ce dit au bon chevalier qu’en tel faintise ne en tel offrende ne doit fyer. Ad ce propos dit le sage. On doit doubter les soubtillitez et les engins de son ennemy s’il est sage/ et s’il est fol sa mauvaitie.

xcvi Allegorie

Le temple minerve pouons entendre l’eglise sainte ou ne doit avoir offert fors oraison. & dit saint augustin au livre de la foy que sans la compaignie de sainte eglise quelque bien ne peult a nully prouffiter ne les oeuvres de misericorde ne pevent valoir ne vie pardurable avoir ne hors le giron de l’eglise ne peult estre salut. Pour ce dit david en son psaultier.

Apud te laus mea in ecclesia magna.

 

xcvii Texte.

Ne cuides avoir leur chastel
Car ylion le fort chastel
Fut prins et ars/ aussi fut thune
Tout est entre les mains fortune

xcvii Glose.

Ylion fut le maistre donjon de troye et le plus fort & le plus bel qui oncques fut fait dont les hystoires facent mencion mais nonobstant ce fut il prins & ars et vint a neant/ & aussi fut la cité de thune/ qui jadis fut grant chose/ & pour ce que telz cas adviennent par la muableté de fortune veult dire que le bon chevalier ne se doit en orgueillir ne soy tenir seur pour nulle force. Pour ce dit ptholomee/ de tant comme une seigneurie est plus hault de tant en est la ruine plus perilleuse.

xcvii Allegorie

Qu’il ne cuide avoir seur chastel/ pouons entendre que le bon esperit ne doibt avoir regard ne regret a delices quelconques/ car comme delices soient passables non seures et mainnent a damnacion dit sainct hierome que c’est impossible que une personne passe de delices a delices que elle saille des delices de ce monde aux delices de paradis que icy remplisse son ventre et y la son ame. Car la condicion d’ame sy est delice ne elle n’est point donnee a ceulx qui cuident avoir le monde perpetuel en delices. A ce propos est escript en l’apocalipse.

Quantum glorificavit se et in deliciis fuit tantum date ei tormentum et luctum. Apocalipsis. xviii. ca.

 

xcviii Texte

Le port escheves de circés
Ou les chevaliers ulixés
Furent tous en porcz convertis
Souvienne toy de ses partis

xcviii Glose

Circés fut une royne qui avoit son royaulme sur la mer d’ytalie & fut moult grant enchanteresse & trop sceut de sors & de annoncemens/ & quant ulixés qui par mer alloit apres la destruction de troye sicomme il cuydoit retourner en son pays par maintz grans tormentz & perilleux qu’il avoit euz fut arivé au port de celle terre/ il manda a la royne par ses chevaliers se il pourroit seurement prendre port sur sa terre. Circés moult beau accueillyt les messagiers & par semblant de courtoisie leur fist tendre bruvaige moult delicieux a boire mais telle vertu avoit par poison que soubdainement furent les chevaliers muez en porcz.

Circés peult estre entendue en plusieurs manieres/ & peult estre entendue pour une terre ou une contree ou les chevaliers furent mys en orde ou villaine prison. Et peult estre aussi une dame pleine de vagueté & que par elle plusieurs chevaliers errans/ c’est a entendre suyvans les armes qui mesmes estoient de la gent ulixés/ c’estassavoir malicieux & avisez furent tenuz a sejour comme porcz.

Et pource dit au bon chevalier que a tel sejour ne se doibt arrester. Et dit Aristote. Celuy qui est du tout enclin a fornicacion ne peult en la fin estre loué.

xcviii Alegorie

Le port circés pouons entendre pour ypocrisie que le bon esperit doibt eschever sur toute riens/ & contre les ypocrites parle sainct Gregoire es morales que la vie des ypocrites n’est nonplus que une avision fantasticque & une fantasie ymaginaire qui monstre par dehors en semblance de ymage qui n’est mye dedens en realle verité. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

Ve vobis ypocrite qui similes estis sepulcris dealbatis que a foris apparent hominibus speciosa/ intus vero plena sunt ossibus mortuorum. Matthei xxiii. capitulo.

 

xcix Texte

Tu ne doibs belles raisons tendre
A qui bien ne le scet entendre
Yno qui sema le bled cuyt
Le te note assez com je cuid

xcix Glose

Yno fut une roine laquelle fist semer le bled cuyt qui ne revint point. Et pour ce veult dire au bon chevalier que belles raisons bien ordonnees & sages auctoritez ne doibvent estre dictes a gens de rude entendement & qui ne les scevent entendre/ car elles sont perdues. Et pour ce dit Aristote.

Ainsi que la pluye ne prouffite point au bled semé sur la pierre. Aussi ne font bons argumens a l’insapient.

xcix Alegorie

Que belles raisons ne soyent dictes aux ignorans qui ne sçairoient entendre comme ce seroit chose perdue/ mais que ignorance soyt a blasmer dit sainct Bernard en ung livre des quinze degrez de humilité/ que pour neant excusent de fragilité ou de ignorance ce qui a ce que ilz pechent plus franchement sont voulentiers fraisles ou ignorans & plusieurs choses qui debveroient estre aulcunesfois sceues sont ignorees aulcunesfois ou par negligence de les sçavoir ou par paresse de les demander/ ou par honte de les enquerir/ et toute telle ignorance n’a nulle excusation. Et pour ce dit sainct pol l’apostre.

Si quis ignorat/ ignorabitur. Prima ad corinthios xiiii. capitulo.

 

C Texte

Cent auctoritez t’ay escriptes
Sy ne soyent de toy despites
Car Augustus de femme aprint
Qui d’estre adoré le reprint

C Glose

Cesar augustus fut empereur de romme & de tout le monde/ & pour ce que au temps de sa seigneurie fut paix par tout le monde que il seigneurioit paisiblement/ la folle gent mescreant tenoient que celle paix fust pour cause du bien de luy/ mais non estoit/ car c’estoit pour cause de Jesuchrist qui estoit né de la vierge Marie & ja estoit sur terre/ & tant comme il vesquit paix fut par tout le monde/ si vouloyent adorer cesar comme dieu/ mais adonc sibile Cumana lui dist que bien gardast que adorer ne se feist/ & qu’il n’estoit fors ung seul dieu qui tout avoit creé. Et lors le mena sur une haulte montaigne hors de la cité & dedens le soleil par la voulenté nostreseigneur apparut une vierge tenant ung enfant. Sibile luy monstra & luy dist que celuy estoit vray dieu qui devoit estre adoré/ & adonc Cesar le adora. Et pource que cesar augustus qui prince estoit de tout le monde apprint a congnoistre dieu a la creance d’une femme peult estre dit a propos l’auctorité que dit Hermes. Ne te soit point honte d’ouyr verité & bon enseignement qui que le die/ car verité anoblist celluy qui la prononce.

C Alegorie

La ou othea dit que cent auctoritez luy a escriptes/ & de femme apprint Augustus/ c’est a entendre que bonne parolle & bons enseignemens sont a louer de quelzconques personnes que ilz soyent ditz/ de cecy dit Hugues de sainct victor en ung livre appellé didastalicon. Que le sage homme ot voulentiers de tous/ & aprent voulentiers de chascun & lyt voulentiers toutes manieres d’enseignemens/ il ne despite point l’escripture/ il ne despite point la personne/ il ne despite point la doctrine/ il quiert indifferemment par tout & tout ce que il voyt dont il a deffaulte/ il ne considere point qui c’est qui parle/ mais que c’est que on dit/ il ne prent point garde combien luymesmes scet/ mais combien il ne scet mye. A ce propos dit le sage.

Auris bona audiet cum omni concupiscentia sapientiam. Ecclesiastici. iii. capitulo.

Finis.

NOTES DU TRANSCRIPTEUR

On a conservé l’orthographe de l’original, en résolvant toutefois les abréviations par signes conventionnels (par exemple hõe transcrit homme). Pour faciliter la lecture, on a introduit cédilles, apostrophes et accents, et distingué entre i/j et u/v selon l’usage. La ponctuation est conforme à l’original, à l’exception des points finaux en fin de phrase qui ont été systématiquement ajoutés lorsqu’ils étaient absents.

Seules quelques erreurs manifestement dues au typographe ont été corrigées (lettres omises, interverties, à l’envers ou de formes semblables, de type qni pour qui).