The Project Gutenberg eBook of Panthéon égyptien

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Title: Panthéon égyptien

Collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments

Author: Jean-François Champollion

Illustrator: Léon Jean Joseph Dubois

Release date: August 11, 2024 [eBook #74228]

Language: French

Original publication: Paris: Firmin Fidot

Credits: Stephen Rowland, Claudine Corbasson and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK PANTHÉON ÉGYPTIEN ***

couverture

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Au lecteur

Notes


PANTHÉON ÉGYPTIEN,

COLLECTION
DES PERSONNAGES MYTHOLOGIQUES
DE L’ANCIENNE ÉGYPTE,

D’APRÈS LES MONUMENTS;

AVEC UN TEXTE EXPLICATIF PAR M. J. F. CHAMPOLLION LE JEUNE,
ET LES FIGURES D’APRÈS LES DESSINS DE M. L. J. J. DUBOIS.

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A PARIS,

DE L’IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT,

IMPRIMEUR DU ROI, RUE JACOB, No 24

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M DCCC XXIII  à   M DCCC XXV


CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION.

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Le prix de chaque livraison, composée de six planches coloriées, et de douze pages de texte, format in-4o, est fixé (prise à Paris) à 10 francs.

On tirera un très-petit nombre d’exemplaires sur papier vélin (texte et planches), format grand in-4o, dont le prix sera de 20 francs.

L’ouvrage sera composé d’environ 200 planches et 450 pages de texte in-4o.

Pour souscrire, il faut se faire inscrire,

a Paris, chez:

M. DUBOIS, rue de Savoie-Saint-André-des-Arcs, no 4;

Et chez les Libraires:

FIRMIN DIDOT PÈRE ET FILS, rue Jacob, no 24;

DE BURE FRÈRES, libraires du Roi, rue Serpente, no 7;

TILLIARD FRÈRES, libraires du roi de Prusse, rue Hautefeuille, no 22;

TREUTTEL ET WÜRTZ, à Paris, rue de Bourbon, no 17; à Strasbourg et à Londres, même maison de commerce.

PANCKOUCKE, éditeur de la seconde édition de la Description de l’Égypte, rue des Poitevins, no 14;

GOUJON, libraire de LL. AA. RR. Madame duchesse de Berry, et madame la duchesse d’Orléans, rue du Bac, no 33;

BOSSANGE FRÈRES, à Paris, rue de Seine, no 12; à Leipzig, Reichs-Strasse.

DONDEY-DUPRÉ, rue Saint-Louis, au Marais, no 46, et rue de Richelieu, no 67.

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LETTRES à M. le duc de Blacas d’Aulps, premier gentilhomme de la chambre, pair de France, etc., relatives au Musée royal égyptien de Turin. Première Lettre: Monuments historiques; par M. Champollion le jeune. Paris, Firmin Didot, 1824; grand in-8o, papier fin satiné, avec 3 planches. Prix: 5 fr.; grand in-8o, papier vélin, planches tirées en rouge sur papier de Chine, 10 fr.

(La Seconde Lettre est sous presse, et les deux renferment la restauration chronologique, par les monuments, de la XVe dynastie égyptienne de Manéthon, et des suivantes jusques et y compris la XXIIe. La Troisième Lettre complétera cette histoire chronologique de l’Égypte jusqu’aux Romains.)


PANTHÉON ÉGYPTIEN.

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AMON, AMON-RA, ou AMON-RÉ,
A TÊTE HUMAINE.

Ce dieu, de forme humaine, est ici représenté assis sur un trône, comme le sont pour l’ordinaire toutes les grandes divinités de l’Égypte. Sa carnation est bleue, couleur propre à ce personnage; sa barbe est figurée par une appendice noire qui caractérise les divinités mâles; et dans les cercueils de momie, cette même appendice indique toujours une momie d’homme; le dieu tient dans sa main gauche un sceptre terminé par la tête de cet oiseau qu’Horapollon nomme Koucoupha, sceptre commun à toutes les divinités mâles du Panthéon Égyptien, et qui était le symbole de la bienfaisance des dieux; dans sa main droite est la croix ansée, symbole de la vie divine; sa tête est ornée d’une coiffure royale, surmontée de deux grandes plumes peintes de diverses couleurs; de la partie postérieure de sa coiffure, descend une longue bandelette bleue; son col est orné d’un collier, parfois très-richement décoré; sa tunique, d’abord soutenue au-dessous du sein, au moyen de deux bretelles, est fixée vers les hanches par une ceinture bleue; des bracelets ornent le haut de ses bras, et souvent aussi la naissance du poignet.

On reconnaît ici le Démiurge Égyptien, le dieu créateur du monde, décrit trait pour trait, par Eusèbe, dans sa Préparation évangélique.

Les trois premiers caractères de la légende hiéroglyphique placée devant l’image du dieu, forment son nom propre ordinaire, et se lisent Ⲁⲙⲛ (Amen ou Amon); les deux signes suivants font souvent partie de ce même nom, qui se lit alors Ⲁⲙⲛⲣⲏ (Amonré, Amonri ou Amonra). C’est ce nom divin que les Grecs ont écrit Αμων, Αμουν et Αμμων, en considérant cette divinité Égyptienne comme identique avec leur Ζευς, le Jupiter des Latins.

2

Dans la théologie Égyptienne, Amon, dont le nom signifiait occulte ou caché, suivant l’égyptien Manéthon, était le premier et le chef des dieux[1], l’esprit qui pénètre toutes choses[2], l’esprit créateur procédant à la génération et à la mise en lumière des choses cachées[3].

La légende hiéroglyphique qui accompagne ordinairement les représentations de cet être divin, est celle que porte notre gravure, et qui signifie, dans son entier, Amon-ré, seigneur des trois régions du monde, seigneur suprême ou céleste.

Amon ou Amonré fut la principale divinité des Éthiopiens, des Égyptiens, et des peuples de race Éthiopienne ou Égyptienne, qui habitèrent la Libye aux plus anciennes époques; les siéges principaux de son culte furent Méroé, en Éthiopie; l’Oasis de Syouah, dans la Libye; et, en Égypte, Thèbes, la première capitale de l’empire. Les images du dieu Amon couvrent les magnifiques monuments de cette ancienne cité, qui, dans la théologie Égyptienne, s’appelait même la ville d’Amon, nom que les Grecs ont assez fidèlement traduit en leur langue par Diospolis, la ville de Zeus ou de Jupiter. C’est à Amon ou Amonré que sont, en effet, dédiés les principaux édifices religieux de Thèbes. Son image occupe le pyramidion ou le sommet des plus grands obélisques Égyptiens, tels que ceux de Louqsor et de Karnac, et le haut de ces superbes monolithes, ouvrages des anciens Pharaons, que les Romains transportèrent dans leur ville, dont ils sont devenus les plus beaux ornements; les bas-reliefs, qui décorent les murs intérieurs ou extérieurs et les colonnes des temples et des palais de Thèbes, nous montrent le grand dieu Amon recevant les prières et les offrandes des rois; les Pharaons présentés à cette divinité suprême par le dieu Phré (le soleil), ou bien par le dieu Mars Égyptien et le dieu Phré; Amon donnant aux héros du pays le signe de la vie divine, en les élevant ainsi au rang des dieux; les rois vainqueurs conduisant les prisonniers au pied du trône du dieu, pour lui en faire hommage; enfin, dans leurs légendes, les Pharaons prirent les titres d’enfant d’Amon, de chéri d’Amon roi des dieux, et d’approuvé par Amon.

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Planche 1.


3

AMON, AMONRÉ ou AMONRA,
A TÊTE DE BÉLIER (Jupiter-Ammon).

Les écrivains Grecs et Latins, qui nous ont conservé quelques documents sur le culte et sur la religion des anciens Égyptiens, disent tous que ce peuple représentait le dieu Amon, la principale divinité de l’Égypte et de Thèbes, sous une forme humaine, et ayant pour tête celle d’un bélier. On vient de voir cette divinité sous une forme purement humaine, mais les monuments nous la montrent aussi telle que les Grecs l’ont décrite; le nom et la légende hiéroglyphique Amon ou Amonré, Seigneur des régions du monde, Seigneur suprême, se lient, en effet, assez souvent avec l’image d’une divinité assise sur un trône, le sceptre des dieux d’une main, le symbole de la vie divine de l’autre, ayant les chairs vertes ou bleues comme l’Amon à face humaine, mais dont la tête est celle d’un bélier, ornée de la même coiffure, surmontée du disque, et des grandes plumes qui distinguent également Amon à tête d’homme; le serpent Ureus, vu de face, et qui décore le bas de cette coiffure, est l’emblême ordinaire de la puissance royale; cet insigne est commun aux dieux et aux souverains de l’Égypte: telle est la divinité représentée sur notre gravure.

Les images d’Amon, à tête humaine, paraissent plus nombreuses sur les monuments de Thèbes que les images du même dieu à tête de bélier; et ces dernières se montrent plus fréquemment, au contraire, dans les temples de Libye, et dans les diverses Oasis où l’on a trouvé des constructions de style égyptien.

Le bélier, d’après les idées des Égyptiens, était un animal remarquable, surtout par sa tête dans laquelle réside sa principale force; et comme il est aussi le chef et le conducteur du troupeau, il devint pour eux le symbole de la prééminence, de la principauté, dont ses cornes furent aussi l’emblême chez plusieurs nations orientales; c’est pour cela que les Égyptiens, selon Plutarque, le placèrent à la tête des animaux du zodiaque, et que ce quadrupède fut spécialement consacré au chef 4 des dieux, au Seigneur suprême, à Amon, dont les représentations empruntent la tête de cet animal, de la même manière qu’on verra tous les dieux Égyptiens figurés sous une forme humaine, mais avec la tête des divers animaux, quadrupèdes, oiseaux, amphibies, reptiles ou insectes, qui leur furent spécialement consacrés.

Le bélier était l’animal sacré des habitants de Thèbes, dont Amon fut le protecteur spécial et la divinité locale; c’est pour cela que d’immenses avenues de béliers monolithes, et de vingt pieds de longueur, unissaient entr’eux les principaux monuments de cette capitale.

Parmi les récits mythiques Égyptiens que les Grecs nous ont transmis, il en est un qui pouvait motiver aussi, aux yeux du peuple, cette tête de bélier donnée aux images du chef des dieux: Gomi ou Somi (l’Hercule des Égyptiens), désira un jour, disait-on, voir face à face Amon, le dieu suprême: celui-ci, qui voulait rester caché et inconnu, se couvrit de la peau d’un bélier, et en tint la tête placée devant la sienne. «C’est pour cette raison, continue Hérodote, qui rapporte à cet égard les dires des habitants de Thèbes, qu’en Égypte, les statues d’Amon (Zeus) représentent ce dieu avec une tête de bélier: cette coutume a passé des Égyptiens aux Ammoniens (les Libyens des Oasis).»

Nous apprenons du même historien qu’à Thèbes, le jour de la fête d’Amon, une cérémonie sacrée avait lieu en commémoration de cette entrevue des dieux Amon et Somi: les Thébains sacrifiaient un bélier, ce jour-là seulement; et après l’avoir dépouillé, on revêtait de sa peau la statue d’Amon dont on approchait alors celle de Gomi (l’Hercule Égyptien); après cela, tous ceux qui étaient autour du temple se frappaient en déplorant la mort du bélier, et son corps était embaumé et renfermé dans un cercueil sacré.

Enfin, le soleil entrant au printemps dans le signe du bélier, pouvait être, aux yeux des Égyptiens, l’image sensible du dieu Amon qui, selon leur croyance, créa le monde et donna la vie et le mouvement à l’univers, dans cette même saison. C’est peut-être pour cela encore que ce dieu porte souvent les noms combinés Amon et Ré, Amon-ré ou Amon-ri, c’est-à-dire Amon-Soleil.

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Planche 2.


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LE BÉLIER,
EMBLÊME VIVANT D’AMON-RA.

«Les temples égyptiens, dit Clément d’Alexandrie, leurs portiques et les vestibules sont magnifiquement construits; les cours sont environnées de colonnes; des marbres précieux et brillant de couleurs variées en décorent les murs, de manière que tout est assorti; les naos resplendissent de l’éclat de l’or, de l’argent, de l’électrum, et des pierres précieuses de l’Inde et de l’Éthiopie; les sanctuaires sont ombragés par des voiles tissus d’or; mais si vous avancez dans le fond du temple, et que vous cherchiez la statue du Dieu auquel il est consacré, un pastophore ou quelque autre employé du temple s’avance d’un air grave en chantant un pæan en langue égyptienne, et soulève un peu le voile, comme pour vous montrer le Dieu. Que voyez-vous alors? un Chat, un Crocodile, un Serpent indigène ou quelque animal de ce genre! Le Dieu des Égyptiens paraît..... c’est une bête sauvage, se vautrant sur un tapis de pourpre!» C’était, en effet, un animal vivant que renfermaient tous les sanctuaires des temples de l’Égypte; mais ce qui a si fort excité l’indignation du philosophe alexandrin paraissait, au contraire, aux yeux des Égyptiens une chose bien simple et bien naturelle. Ils pensaient qu’il était contraire au bon sens et à la religion d’adresser des prières et des offrandes à une image purement matérielle de la Divinité, et de la représenter dans le sanctuaire par un être totalement privé de son souffle créateur[4]. C’est pour cela qu’ils choisirent des êtres vivants dont les qualités distinctives rappelaient indirectement celles qu’on adorait dans la Divinité même. Chaque Dieu eut son animal sacré, qui devint ainsi son image visible dans les temples de l’Égypte. D’ailleurs, les anciens Égyptiens ne traitaient point les animaux avec autant de mépris que le font les peuples modernes; ils croyaient, au contraire, que les animaux étaient d’une même famille, et en lien de parenté avec les Dieux et les hommes[5]; la loi leur ordonnait de les respecter, et même de les nourrir[6].

Le Bélier était le symbole vivant du Démiurge égyptien, du premier 6 des Dieux, Amon ou Amon-ra, le Jupiter-Ammon des Grecs. On le nourrissait principalement dans les sanctuaires de Thèbes et de Saïs[7]; car l’une de ces villes était consacrée à Ammon, et l’autre à Nèith, la première émanation d’Ammon, déesse qui, selon toute apparence, était aussi figurée, comme son père, avec une tête de Bélier, ainsi qu’on la trouve sur les bas-reliefs des temples de la Nubie, publiés par M. Gau[8]; mais malheureusement il n’a point dessiné les légendes hiéroglyphiques de cette déesse criocéphale. Les médailles des Nomes Diopolite, Hypsélite, Xoïte et Maréote prouvent aussi que le Bélier fut l’animal sacré de ces préfectures égyptiennes.

Un nombre immense de monuments nous offrent la représentation du Bélier, symbole d’Ammon. La figure coloriée de cet animal, gravée dans notre planche, se trouve sur une momie du cabinet de M. Durand, momie qui, comme la plupart de celles qu’on rapporte de Thèbes, offre la représentation de cet emblême vivant d’Ammon, Dieu éponyme de cette ville. Le Bélier sacré, paré d’un collier et d’une belle housse, est debout sur un autel dans un naos ou chapelle richement décorée. Sa tête est ornée du disque et des deux longues plumes de couleurs variées, qui surmontent la coiffure du Dieu Ammon lui-même, soit androcéphale, soit criocéphale[9]. L’espèce de grand éventail qui, dans les bas-reliefs historiques, n’est porté qu’à la suite des Dieux ou des Rois, est placé à côté du Bélier d’Amon-ré, sur une petite stèle égyptienne qui représente cet animal sacré, debout sur un autel, et adoré par un Égyptien qui lui présente des offrandes. Cette stèle, trouvée en Égypte par M. Thédenat, est maintenant en ma possession.

Le Bélier sacré n’étant qu’une image symbolique d’Ammon, reçoit le même nom et les mêmes titres que le Dieu lui-même; la légende Amon-ré, roi des Dieux, retracée sur notre planche, accompagne le Bélier sculpté sur ma petite stèle. Dans une des stèles du comte de Belmore, l’animal sacré porte celle d’Amon-ré, seigneur des régions du monde[10]. Enfin, un nombre très-considérable de scarabées et de petites amulettes de terre émaillée, présentent l’image du Bélier, soit debout, soit accroupi, mais toujours décoré du nom ou des titres honorifiques du Dieu Amon-ré, dont il n’est que le symbole.

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Planche 2.2.


7

AMON-RA.
(L’ESPRIT DES QUATRE ÉLÉMENTS, L’AME DU MONDE MATÉRIEL.)

C’est parmi les riches décorations d’un cercueil de momie, faisant partie du Musée royal égyptien de Turin, que nous avons trouvé la divinité représentée sur cette planche. Les insignes qui surmontent sa coiffure, une sorte de vase flanqué de deux plumes d’autruche vertes, les cornes de bouc surmontées du disque, et deux uræus, furent, comme on le verra dans la suite, communs à plusieurs divinités égyptiennes; le trait caractéristique de cette image sacrée consiste dans les quatre têtes de bélier, dont deux sont tournées vers la droite, et les deux autres vers la gauche. La coiffure bleue qui est censée les recouvrir, prend ici une forme toute particulière. Le corps du dieu, qui tient dans ses mains le sceptre de la bienfaisance et l’emblème de la vie, est tout entier de couleur verte, et l’inscription hiéroglyphique ⲁⲙⲛ-ⲣⲏ ⲛⲏⲃ (ⲛ) ⲧⲡⲉ Amon-Ra seigneur du ciel, nous apprend que cette singulière image se rapporte à la plus grande des divinités de l’Égypte.

On trouve que cet Amon à quatre têtes de bélier est reproduit sur des monuments de divers genres. Il est sculpté sur la poitrine du Torse égyptien du Musée Borgia[11], fragment de statue du plus beau travail et d’un haut intérêt, puisqu’il est couvert d’une foule d’images, en pied, de divinités égyptiennes, accompagnées pour la plupart de légendes explicatives. Le dieu Amon est représenté assis, tenant les sceptres d’incitateur et de modérateur, au milieu d’un disque soutenu par les bras élevés, symbole de la supplication et des offrandes: quatre ailes partant des épaules du dieu rapprochent cette image de celle d’Amon-Ra Panthée, publiée dans notre planche 5.

On reconnaît encore cette image sur un genre particulier de monuments funéraires que nous avons nommés hypocéphales, parce qu’ils sont souvent placés sous la tête des momies humaines. Ce sont des disques, soit en bronze, soit en cartonnage de toile[12], gravés ou peints, et couverts de tableaux symboliques accompagnés de légendes. Amon à quatre têtes de bélier assis, et tenant les deux sceptres déja indiqués, en occupe toujours le centre. Les scènes emblématiques dont ces hypocéphales sont couverts, sont toutes relatives à la cosmographie religieuse; par leur forme, ces 8 monuments rappellent celle du monde matériel; et la place du grand-être cosmogonique duquel tout a procédé était naturellement marquée au centre même de cette composition symbolique.

Il resterait à remonter au sens caché des quatre têtes de bélier qui caractérisent cette forme d’Amon-Ra; et les monuments nous satisfont pleinement à cet égard.

Dans les textes égyptiens, en écriture sacrée, le bélier est très-fréquemment employé à la place de l’oiseau à tête humaine, et d’un oiseau de la classe des échassiers, tout-à-fait semblable à la grue. Ces trois caractères expriment l’idée générale ame ou esprit; mais chacun d’eux présente cette idée avec une nuance particulière: le BÉLIER désigne une ame ou un esprit divin du premier ordre; la GRUE une ame divine dans la quiétude, et l’OISEAU A TÊTE HUMAINE, une ame humaine, unie au corps ou qui en a été séparée; ces trois caractères symboliques sont alors accompagnés de l’image d’un encensoir, lequel est, soit la lettre Β, initiale du mot BAI, qui, suivant Horapollon[13], signifiait ame en langue égyptienne, soit l’emblème de l’adoration et du respect que méritent ces essences divines. Enfin les divinités considérées comme l’ame ou l’esprit directeur de l’univers, ou de l’une de ses subdivisions, sont toujours représentées avec une tête de bélier[14]. Les quatre têtes de cet animal, que porte l’image d’Amon-Ra, nous présentent donc ce dieu comme réunissant en lui-même les quatre ames ou esprits principaux qui régissent le monde.

Cette conclusion, tirée de faits généraux, est clairement confirmée par l’autorité irréfragable des monuments. Le zodiaque circulaire de Dendéra nous montre, en effet, dans la bande inférieure, celle qui représente les trente-six décans, quatre têtes de bélier groupées et surmontées du disque soutenu par deux cornes: c’est l’image du second décan des Poissons; la petite légende qui la surmonte signifie simplement l’étoile ou la constellation des esprits ou des ames, et ce décan est situé entre le midi et l’orient, la région particulière d’Amon-Chnouphis. La même légende se lit également au-dessus du même décan, représenté, comme l’Amon-Ra, gravé sur notre planche, par un homme à quatre têtes de bélier, sur l’un des tableaux astronomiques[15], copiés dans les temples de l’Égypte: enfin un bas-relief du temple d’Esné va nous apprendre quels sont les quatre esprits représentés par cette image symbolique, lesquels étaient censés réunis dans Ammon-Ra, dont chacun d’eux n’était qu’une émanation.

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Planche 2.3.


9

AMON-RA.
(L’ESPRIT DES QUATRE ÉLÉMENTS, L’AME DU MONDE MATÉRIEL.)

Parmi les décorations du célèbre temple d’Esné, à la construction duquel on avait cru pouvoir assigner une si prodigieuse antiquité, mais qui doit réellement être rapportée à une époque comparativement bien moderne, celle des empereurs depuis le règne de Claude jusqu’à celui des Antonins, on remarque un grand bas-relief[16] dessiné par la commission d’Égypte, et dont une partie est d’un notable intérêt pour l’éclaircissement de la discussion présente. (Voyez l’explic. de la planche 2.3.)

Ce tableau, sculpté et de plus de quatorze pieds de hauteur, occupe la face intérieure d’un mur d’entrecolonnement du portique. La scène principale représente l’empereur Antonin, sous le costume du dieu Horus, la tête ornée de la coiffure de Socharis, tenant d’une main le fouet et le pedum, de l’autre les emblèmes des panégyries, de la vie et de la stabilité: le naos dans lequel siége l’empereur assis est porté par huit personnages dont quatre à tête d’épervier et quatre à tête de schacal. Malgré l’extrême négligence avec laquelle ont été copiées les légendes hiéroglyphiques qui couvrent ce bas-relief, on distingue encore, dans celles qui se rapportent aux quatre hiéracocéphales et aux quatre lycocéphales, les mots suivants: Ames heureuses de la région de..... dévouées au service du dieu Horus dans la région supérieure où il est manifesté comme son père Ammon.—Ames heureuses de la région de..... dévouées au service du dieu Horus dans la région inférieure où il est manifesté et roi comme son père Chnouphis. On remarquera que dans ces légendes, où Antonin est assimilé au dieu Horus, les mots ames heureuses ou ames dans la quiétude, sont exprimés au moyen du caractère représentant une grue, indiqué par Horapollon[17] et cité dans l’explication de la planche précédente. Dans ce bas-relief, l’empereur, déja considéré comme dieu, est servi par les ames ou les esprits inférieurs dévoués à 10 Horus, le prototype des souverains de l’Égypte, et on compare son règne à celui d’Ammon, dont il est censé être le fils et le représentant sur la terre. C’est en effet à cette grande divinité que fut dédié le temple d’Esné, comme le prouve l’image d’Ammon-Chnouphis-Criocéphale, sculptée au-dessus de la porte intérieure du temple[18], et qui se reproduit dans une foule d’autres tableaux sur les diverses parties de ce grand édifice. L’apothéose d’Antonin que nous venons de décrire est surmontée d’un second bas-relief[19], représentant le même empereur agenouillé et offrant l’encens à quatre divinités qui sont adorées comme esprits directeurs, puisqu’on les a figurées sous la forme de quatre béliers, dont la tête est ornée du serpent uræus, l’emblème de la toute-puissance[20]; les légendes hiéroglyphiques, gravées au-dessous de ces quatre béliers, nous apprennent que ce sont là les esprits des dieux Sôou, Phré, Atmou et Osiris. Il est évident, lorsqu’on se pénètre de l’idée rigoureusement juste que toute la théogonie égyptienne consiste en un système perpétuel d’émanation, dont la conséquence la plus directe est que chaque divinité renferme en elle-même l’esprit ou l’essence de toutes les divinités produites par elle, et qui lui sont subordonnées; il est évident, disons-nous, qu’Amon-Ra à quatre têtes de bélier n’est qu’une image symbolique de cet être primordial comprenant en lui-même les quatre grands esprits recteurs du monde créé, ou, en d’autres termes, les dieux Sôou, Phré, Atmou et Osiris, qui président aux quatre grands agents de la nature matérielle.

Tous ces rapprochements expliquent en même temps le sens mystique de l’un des principaux emblèmes d’Amon-Ra, le bélier qui se montre sous plusieurs formes au milieu des sculptures et des peintures qui couvrent les monuments égyptiens de tout genre.

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Planche 2.4.

Notre planche 2.4[21] représente le bélier sacré à une seule tête décorée du disque et de l’uræus. L’épervier, symbole du soleil, voltige 11 au-dessus du bélier, aux pattes antérieures duquel sont liés des serpents uræus portant la coiffure emblématique des régions d’en haut; d’autres uræus, la tête couverte de la coiffure emblématique des régions d’en bas, paraissent attachées aux pattes postérieures de l’animal sacré, marchant sur la forme d’une coudée (mesure égyptienne de longueur), peinte en vert. Le tout repose sur un autel enrichi d’ornements peints de diverses couleurs.

Le bélier, emblème d’Ammon en général[22], exprime par lui-même l’idée ame ou esprit[23], et les uræus symboliques fixées aux quatre jambes de l’animal désignent assez clairement l’esprit d’Ammon mettant en mouvement toutes les puissances des régions supérieures et des régions inférieures; enfin la coudée sur laquelle s’opère ce mouvement rappelle d’une manière tropique des idées d’ordre, de régularité, de justice ou de vérité. L’inscription hiéroglyphique qui accompagne ce tableau confirme pleinement ces divers aperçus; elle répond aux mots coptes ⲡⲇϩⲓ ⲱⲛϧ ϣⲟⲣⲡ ⲛⲛⲓⲛⲟⲩϯ, L’ESPRIT VIVANT, LE PREMIER DES DIEUX[24]. On ne saurait méconnaître ici le Jupiter égyptien, qui, selon Manethon, était considéré comme l’esprit qui parcourt, pénètre ou comprend toutes choses, παντων χωρουν πνευμα[25]: C’est le GRAND ESPRIT DU MONDE INTELLECTUEL.

Mais Ammon était en même temps l’ame du monde matériel, sorti de son sein, organisé, dirigé et animé par ses émanations, c’est-à-dire par d’autres formes de lui-même; il était le principe et le moteur des quatre éléments dont se composait le monde créé. Considéré sous ce point de vue, Ammon fut symboliquement représenté par le bélier à quatre têtes, lequel exprime le grand esprit renfermant en lui-même ceux des quatre dieux Phré, Sôou, Atmou et Osiris, ses émanations; c’est-à-dire les esprits ou les essences divines qui dirigent les quatre éléments dont est formé le monde matériel, suivant la vieille doctrine égyptienne[26].

12

Les témoignages réunis des auteurs et des monuments nous apprennent en effet que, considérés cosmogoniquement, le dieu Phré, l’Helios des Grecs, et Osiris, représentent, le premier, le soleil, et par conséquent le principe du FEU ou de la chaleur, et le second, le principe humide ou l’EAU personnifiée; d’un autre côté, les monuments égyptiens prouvent, comme on le verra par la suite, que le dieu Sôou préside à la zone qui s’étend de la terre à la lune, c’est-à-dire à la zone de l’air, et qu’enfin la terre fut placée sous la protection immédiate du dieu Atmou. C’est donc avec une pleine certitude que nous voyons dans le bélier à quatre têtes une image symbolique d’Ammon, le grand esprit élémentaire, l’ame des quatre éléments matériels.

On remarque assez fréquemment les représentations de ce symbole mystérieux du grand être dans les temples de la Thébaïde: nous citerons ici en particulier deux bas-reliefs dessinés par la commission d’Égypte, à Thèbes, au quartier du Memnonium, dans un temple dédié à la déesse Hathôr ou Athyr, la Vénus égyptienne, par Ptolémée Évergète IIe, et désigné sous le nom de Temple de l’Ouest par les auteurs de la description de l’Égypte. Le premier[27] a été dessiné dans le sanctuaire de gauche. On y reconnaît le bélier à quatre têtes, c’est-à-dire Ammon, l’ame des quatre éléments, adoré par les déesses Athyr et Thméi à droite, Isis et Nephtys à gauche. Le vautour de la déesse Mouthis ou Bouto-Neith, épouse d’Ammon, l’emblème de la maternité, étend ses ailes au-dessus de l’animal sacré. Un second bas-relief[28], copié dans le même temple (et reproduit dans notre planche 2.5 et noté A), nous montre le même bélier à quatre têtes, mais avec des ailes éployées.

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Planche 2.5.


13

NEF, NOUF,
(Cneph, Cnouphis, Chnoubis, Ammon-Chnoubis.)

Les noms hiéroglyphiques de ce Dieu varient souvent dans leur orthographe, et cela sur les mêmes monuments. On trouvera les diverses formes de ce nom sur la planche qui accompagne ce texte, et ces variations ont toutes été connues par les Grecs, qui les ont transcrites d’une manière plus ou moins exacte.

Le no 2 se lit NEV ou NÉF, c’est le Cnèph d’Eusèbe; les nos 3 et 4, NOUF ou NOUB, c’est le Cnouph-is de Strabon, et le Chnoub-is des inscriptions des Cataractes; enfin, les nos 5, 6 et 1, se lisent sans difficulté NOUM, c’est le Chnoum-is des pierres basilidiennes.

Cnèph était une des formes sous lesquelles l’ancienne Égypte adorait le dieu Amon, le créateur de l’univers; c’est pour cela que les images de Cnèph portent souvent, dans leur légende hiéroglyphique, le nom d’Amon ou Amonré (no 7, sur notre planche). Eusèbe, dans sa Préparation évangélique (livre III, chapitre 12), décrit les traits sous lesquels les habitants d’Éléphantine adoraient cette grande divinité, et la description est précisément conforme à celle que nous allons donner de la représentation de Cnèph figurée sur notre planche.

Le dieu est assis sur son trône; sa tête est celle d’un bélier, et toutes ses chairs sont bleues et souvent vertes, comme celles d’Amon, dont il n’est lui-même qu’une simple modification; un grand disque, porté sur des cornes de bouc, symboles de la force génératrice, surmonte sa tête, au-dessus de laquelle se dresse aussi un grand serpent Ureus, emblême de la suprême puissance de vie et de mort que cette divinité exerce sur tous les êtres; sa main droite tient le signe ordinaire de la vie divine, et la gauche, plus souvent armée du sceptre des dieux bienfaisants, est ici élevée en signe de protection.

Les habitants de la Thébaïde vénéraient principalement cette grande divinité. «Ils refusaient même, nous dit Plutarque, de s’imposer pour le culte ou pour les funérailles des animaux sacrés, parce qu’ils n’adoraient 14 aucun dieu mortel, mais celui seul qu’ils appelaient Cnèph, qui est inengendré et immortel.»

Si l’on étudie en effet les bas-reliefs qui décorent les temples de la Thébaïde, on acquiert bientôt la conviction que Cnèph ou Cnouphis fut principalement adoré dans cette partie de l’Égypte la plus anciennement habitée. C’est à Cnouphis qu’est dédié, par exemple, le grand temple d’Esné, bâti par les Égyptiens, sous les empereurs Romains, depuis Claude jusqu’à Antonin-le-Pieux; aussi l’image d’Amon-Cnouphis occupe-t-elle le dessus de la porte au fond du portique; elle est sculptée sur toutes les colonnes, et une seule face latérale de ce même portique offre jusqu’à dix-huit bas-reliefs représentant Cnouphis adoré par des souverains de l’Égypte. Le petit temple d’Éléphantine, si remarquable par le goût pur de son architecture et par sa parfaite exécution, fut également consacré au dieu Cnèph ou Cnouphis, par un des plus illustres Pharaons de la XVIIIe dynastie, Aménophis IIe, fils de Thouthmosis. Ce temple, mentionné par Strabon, existe encore presque intact; ses bas-reliefs nous montrent le Pharaon Aménophis, successivement accueilli par le dieu principal du temple, et par toutes les divinités de sa famille. Dans la grande salle, le roi accompagné de sa femme, la reine Taïa, présente de riches offrandes devant l’arche symbolique du dieu qui, plus loin, le reçoit dans ses bras.

Cette grande divinité, une des modifications d’Amon, fut considérée par les Égyptiens, comme la source de tous les biens moraux et physiques; on l’appelait spécialement le bon Génie (Αγαθοδαιμων), le bon Esprit; c’était le principe de toutes choses, l’esprit qui animait et perpétuait le monde en le pénétrant dans toutes ses parties[29].

Cnouphis porte, dans plusieurs inscriptions hiéroglyphiques, une légende de laquelle il résulte que cette divinité présidait à l’inondation du Nil. Ainsi, ce phénomène, sans lequel l’Egypte ne serait qu’un désert aride, comme les plaines de la Libye qui l’avoisinent, était considéré comme un bienfait spécial du bon Génie, un acte de la toute-puissance de Cnouphis. Dans quelques bas-reliefs, cette divinité porte les noms de NEF-RÉ, NOUF-RÉ ou NOUF-RI; et Amon s’appelle aussi Amon-Ré ou Amonri.

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Planche 3.


15

NEF, NOUB, NOUM.
(CNÈPH, CNOUPHIS, CNOUBIS, CHNOUMIS, AGATHODAEMON.)

Les Égyptiens adoraient, sous le nom d’Ammon-Cnouphis, ou d’Ammon-Chnoubis, l’Esprit incréé, la grande Ame de l’Univers, de laquelle émane le principe intellectuel qui communique le mouvement et la vie à tous les êtres créés. Par le nom d’Amon (Ammon), on exprimait l’incompréhensibilité de son essence; et par les noms de Hnèf et Hnoub, que les Grecs ont écrits Cnèph, Cnouphis, ou Chnoubis, mots qui se rapportent évidemment aux racines égyptiennes NÈF, NÈB, NIFE et NIBE, Flare, Afflare, Πνεῖν, on voulait indiquer que cet Être inconnu et caché était l’Esprit (Πνεῦμα) qui anime et conserve le Monde.

Cet être primordial reçut le surnom de Bon Génie (Ἀγαθὸς Δαίμων), et on le représenta symboliquement sous la forme d’un serpent[30]. Horapollon, confirmant le témoignage d’Eusèbe, nous apprend aussi qu’un serpent entier (ὁλόκληρον ὄφιν), était l’emblême de l’Esprit qui pénètre toutes les parties de l’Univers[31].

Les archéologues ont cru jusqu’ici que le serpent, emblême du Bon Génie Cnouphis, était ce reptile remarquable par la dilatation de son corps, qui décore la coiffure des Dieux et des Rois, et se montre si fréquemment dans les sculptures égyptiennes, soit groupé avec d’autres symboles, soit isolé et ayant la tête ornée de diverses coiffures; mais cet aspic, qui n’a rien de commun avec le serpent du Bon Génie, porta chez les Égyptiens le nom d’Οὐραῖος (Ouraios)[32], mot qui, dépouillé de la finale que les Grecs y ont ajoutée en le transcrivant, contient, sans aucun doute, le mot égyptien OURO, Roi; c’est pour cela que cet aspic fut en même temps l’emblême et l’insigne de la Puissance royale; aussi 16 les Grecs traduisirent-ils son nom par Βασιλίσκος, mot dérivé de Βασιλεὺς, Roi, comme le nom égyptien lui-même.

Le Serpent du Bon Génie, symbole de Cnouphis l’Ame du Monde, est figuré sur les monuments égyptiens, soit seul, soit accompagnant le Dieu même. Il nous a été facile de le reconnaître par le moyen d’une scène mythique, peinte dans divers manuscrits et sur les cercueils de plusieurs momies. Le Dieu Ammon-Cnouphis, qui occupe dans toutes les copies de cette scène un rang distingué, y est représenté tantôt avec un corps d’Homme à tête de Bélier, tantôt sous la forme d’un énorme Serpent monté sur des jambes humaines; et, dans un beau manuscrit du Cabinet du Roi[33], on lit, à côté du Serpent, l’inscription (no 1 de notre planche), Dieu Grand, Seigneur suprême, ou Seigneur de la Région supérieure (PÊTPÉ), qui est la légende habituelle d’Ammon-Cnouphis, et qu’on retrouve à côté de cette divinité à tête de Bélier, sur ce même manuscrit, et à peu de distance de la scène où le Dieu se montre sous la forme d’un Serpent.

Ce reptile, emblême du Bon Génie, le véritable Serpent Agathodæmon, est souvent barbu, comme sur notre planche; on le retrouve également barbu au revers de plusieurs médailles de Néron, frappées en Égypte; médailles dans lesquelles, circonstance fort remarquable, cet empereur porte le titre de Nouvel Agathodæmon, ΝΕΟΑΓΑΘΟΔΑΙΜΩΝ, gravé autour du Serpent lui-même. L’inscription grecque du Sphinx donne aussi à ce même prince le titre: Ὁ Ἀγαθὸς Δαίμων τῆς οἰκουμένης, le Bon Génie (l’Agathodæmon) de l’Univers.

Il est rare de voir sur les grands monuments, comme sur les papyrus, une image d’Ammon-Cnouphis, monté sur sa barque symbolique, sans y retrouver aussi le Serpent Agathodæmon, son emblême, qui recouvre le Dieu sous les vastes replis de son corps. Cet animal sacré est figuré sur un très-grand nombre de pierres gravées, dites Gnostiques ou Basilidiennes. Le Serpent y porte des têtes variées; mais il est constamment accompagné de son nom égyptien transcrit sous les formes grecques, ΧΝΟVΒΙϹ, ΧΝΟVΦΙϹ et ΧΝΟVΜΙϹ.

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Planche 3.2.


17

CNOUPHIS-NILUS.
(JUPITER-NILUS, DIEU NIL.)

La plupart des cosmogonies orientales admettent que l’eau existait antérieurement à l’organisation matérielle des autres parties du globe, dont les germes étaient confondus et entre-mêlés dans ce fluide. Plusieurs philosophes grecs ont aussi soutenu systématiquement que l’eau était le principe de toutes choses; cette doctrine sortait, selon toute apparence, des sanctuaires de l’Égypte, où elle fut professée dans les temps même les plus reculés.

Les anciens Grecs donnaient au fluide primordial, à cette humidité (Ὑγρόν) mère et nourrice des êtres, le nom d’Océan[34]; et les Égyptiens, suivant le témoignage formel de Diodore de Sicile, appelèrent ce même principe Nil (Νεῖλος), dénomination directement appliquée au grand fleuve qui arrosait leur pays[35].

Le Nil fut de tout temps, en effet, pour la terre d’Égypte, le véritable principe créateur et conservateur: c’est au limon annuellement apporté par ses eaux, que cette riche contrée doit son existence[36]; c’est le Nil qui en maintient et en renouvelle l’inépuisable fécondité; aussi ce fleuve bienfaisant fut, non-seulement surnommé le Très-Saint, le Père et le Conservateur du pays[37], mais il fut encore regardé comme un Dieu[38], et eut, en cette qualité, un culte et des prêtres[39].

Il y a plus: les Égyptiens considéraient le Nil comme une image sensible d’Ammon-Cnouphis, leur divinité suprême: le fleuve n’était pour eux qu’une manifestation réelle de ce Dieu qui, sous une forme visible, vivifiait et conservait l’Égypte. De là vient que les Grecs, pénétrés des doctrines égyptiennes, ont appelé le Nil, le Jupiter-Égyptien[40], et qu’Homère le qualifie de ΔΙΙΠΕΤΗΣ, c’est-à-dire, A Jove fluens.

18

Cette antique assimilation du Nil avec le Jupiter-Égyptien, Ammon-Cnouphis, explique d’abord quelques passages des écrivains Grecs et Latins sur la religion de l’Égypte, et nous donne ensuite l’intelligence d’une foule de monuments.

On comprend alors, par exemple, pourquoi Cicéron affirme que Phtha ou le Vulcain-Égyptien, l’Hercule-Égyptien et la Minerve-Égyptienne, sont fils du Nil[41], tandis que tous les autres auteurs les donnent pour les enfants du Jupiter-Égyptien ou Ammon-Cnouphis. C’est dans le même sens que Diodore nous dit que tous les Dieux Égyptiens tiraient leur origine du Nil, Νεῖλον πρὸς ᾧ καὶ τὰς τῶν θεῶν γενέσεις ὑπάρξαι[42]; c’est enfin parce qu’il était l’image terrestre du Démiurge Égyptien, Cnouphis, que le Nil reçut les beaux titres de Sauveur de la région d’en haut, de Père et de Démiurge de la région d’en bas[43].

Le grand Démiurge égyptien Cnouphis, considéré comme le Nil céleste et comme la source et le régulateur du Nil terrestre, est très-souvent figuré dans les bas-reliefs des temples, sur les cercueils et les diverses enveloppes des momies. Ses images ne diffèrent point très-essentiellement de celle que nous donnons ici sous le no 3.3. Partout il se montre avec sa tête de Bélier et ses chairs de couleur verte, quelquefois aussi de couleur bleue. On le distingue uniquement à sa légende et à quelques attributs particuliers.

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Planche 3.3.

Les inscriptions qui l’accompagnent ne contiennent point alors son nom propre Nef, Nouf ou Noum; elles renferment un simple surnom dont nous avons réuni toutes les variantes sur notre planche 3.4, nos 1, 2 et 3. Ces groupes sont composés du caractère symbolique ou symbolico-figuratif Dieu, et des deux signes phonétiques qui forment le mot ΠΝ ou ΦΝ, qui se rapporte aux racines égyptiennes ou coptes ΠΩΝ ou ΦΩΝ, ΠΕΝ ou ΦΕΝ, fundere, effundere, mots primitifs d’où dérivent aussi les racines redoublées ΦΟΝΠΕΝ et ΦΕΝΦΩΝ, superfluere, redundare. Il est évident que les groupes hiéroglyphiques précités signifient 19 Deus effundens, ou Deus effusus, selon que nous lirons Noute-Phon ou Noute-Phên, en suppléant la voyelle omise, comme à l’ordinaire, dans la transcription hiéroglyphique de ces mots. Quoi qu’il en soit, l’une et l’autre de ces qualifications conviennent parfaitement à Chnouphis considéré soit comme l’auteur du Nil, soit comme le Nil lui-même.

Le sens de cette légende est d’ailleurs, pour ainsi dire, développé et expliqué par l’image de Cnouphis-Nilus, reproduite sur notre planche 3.3, d’après les peintures d’une superbe momie appartenant à M. Durand. Le Dieu du Nil est assis sur un trône; sa tête est surmontée de cornes de Bouc, et il tient dans sa main un grand vase d’où sortent deux filets d’eau; l’un est recueilli par un Égyptien agenouillé qui s’en abreuve, l’autre tombe sur des fleurs et des fruits placés sur un autel. C’est le même vase que, selon Eusèbe, les Égyptiens plaçaient à côté des images de Cnouphis[44], et que nous retrouvons, en effet, parmi les attributs de ce Dieu, sur une foule de monuments: c’est aussi un vase que les Égyptiens ont constamment employé pour écrire en hiéroglyphes phonétiques, les divers noms de Cnouphis[45].

Les grands monuments de l’Égypte nous offrent aussi habituellement, parmi les attributs qui accompagnent les images, soit figuratives, soit symboliques d’Ammon-Cnouphis, trois grands vases portés sur de petites constructions en bois, encore en usage dans le pays. Nous citerons, à ce sujet, des bas-reliefs copiés par la Commission d’Égypte dans les appartements de granit du palais de Carnac[46]; dans deux d’entre eux, les trois vases sont placés à côté de l’Arche symbolique du Dieu, recouverte d’un voile, mais reconnaissable aux têtes de Bélier surmontées de l’Uræus dressé, qui décorent la poupe et la proue du vaisseau ou Bari sacrée; sur un troisième bas-relief, ces vases sont reproduits dans la légende hiéroglyphique de l’Arche; légende qui, comme celle des deux autres, commence par le nom divin d’Amon ou d’Amon-ra, appellation et forme primordiales de Cnouphis. Ces trois vases, surmontés de tiges et de fleurs de lotus, sont également placés à côté de l’Arche de Cnouphis dans le principal bas-relief du temple de ce Dieu à Eléphantine[47], monument élevé sous le règne du Pharaon Aménophis II, de la dix-huitième dynastie. (Voyez pl. 3.3, lég. no 2.)

20

Ce groupe de trois vases était le symbole du plus grand des bienfaits du Démiurge, et du fleuve son image terrestre, envers la terre d’Égypte. «Les Égyptiens, dit Horapollon, pour exprimer l’inondation du Nil, appelée Noun en langue égyptienne, peignaient TROIS GRANDS VASES (τρεῖς ὑδρίας μεγάλας). Le premier de ces vases représente l’eau que l’Égypte produit d’elle-même; le second, celle qui vient de l’Océan en Égypte, au temps de l’inondation, et le troisième, les eaux des pluies qui, à l’époque de la crue du Nil, tombent dans les parties méridionales de l’Éthiopie[48]

Ce passage important d’Horapollon nous dévoile en même temps le sens de l’un des titres les plus habituels de Cnouphis, celui de Seigneur de l’Inondation, titre dont on peut voir les variantes hiéroglyphiques, planche 3.3, nos 3, 4, 5 et 6.

Ainsi, il est évident qu’Ammon-Cnouphis fut, sous certains rapports, identifié avec le Nil, et que ce personnage mythique est le Jupiter Nilus, le Dieu Nil, mentionné par les Grecs. Cela explique aussi pourquoi Cnouphis est le premier et le plus grand des Dieux adorés aux Cataractes[49], lieu où le fleuve sacré, se faisant un passage à travers les rocs de granit, entre sur la terre d’Égypte pour y porter la vie et l’abondance.

Cnouphis-Nilus est représenté sous une forme humaine avec une tête de Bélier à cornes de Bouc, soit dans les bas-reliefs des temples, soit sur la plupart des cercueils de momies, et principalement parmi les sculptures des sarcophages de granit ou d’albâtre trouvés à Thèbes ou à Memphis. Les cornes de Bouc sont quelquefois surmontées du disque; souvent aussi le Dieu est placé sur une barque; il est accompagné de l’une des légendes hiéroglyphiques Deus effundens ou Deus effusus, Deus magnus effusus, ou enfin de la légende gravée planche 3.3, no 1, Vindex Ægypti Deus magnus effusus.

Les mêmes légendes se trouvent tout aussi souvent inscrites à côté d’un scarabée ayant deux grandes ailes déployées, mais dont la tête, celle d’un Bélier de couleur verte, est surmontée de deux cornes de Bouc portant un disque flanqué de deux uræus ornés de la croix ansée. Ce scarabée est donc l’image symbolique du Dieu Cnouphis-Nilus; la tête de Bélier indique la suprématie du Dieu; sa qualité de père et sa faculté éminemment génératrice sont exprimées par le Scarabée et les cornes de Bouc; les autres signes, communs à plusieurs Dieux, sont l’expression tropique de la royauté et de la vie, qualités inhérentes aux essences divines.

Cette image emblématique de Cnouphis-Nilus (pl. 3.4), a été calquée sur une momie de la riche collection de M. Durand.

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Planche 3.4.


21

AMON-GÉNÉRATEUR, MENDÈS;
(PAN, PRIAPE.)

L’image du dieu figuré dans cette planche, est très-multipliée sur les édifices religieux de Thèbes et du reste de l’Égypte. Elle occupe le sanctuaire de Karnac, le plus magnifique des monuments de l’ancienne capitale; les hommages et les adorations dont cette image est l’objet, prouvent qu’elle représente une des plus grandes divinités Égyptiennes.

Ses chairs sont de couleur bleue, et sa coiffure est surmontée de deux longues plumes peintes de diverses couleurs, comme celle du dieu Amon-Ré (pl. 1.); une longue bandelette[50] s’échappe de cette même coiffure et pend jusques aux pieds de l’une et de l’autre divinité; et ces similitudes se trouvent complétées par la ressemblance de leurs légendes hiéroglyphiques; celle (no 1) du dieu qui fait le sujet de cet article, signifie, le dieu Amon (Ⲁⲙⲛ ⲛⲟⲩⲧⲉ.) seigneur des régions du monde, et ne diffère de celle du Démiurge Amon-Râ ou Amon-Ré (pl. 1.), que par l’absence de la dernière syllabe RA.

Les planches numérotées 1 et 4, offrent donc la représentation d’une seule et même divinité, Amon, Amen, Amoun ou Ammon, considérée sous deux points de vue différents. Le Démiurge, la Lumière éternelle, l’Être premier qui mit en lumière la force des causes cachées, se nomma Amon-Ra ou Amon-Rê (Amon-Soleil.), (pl. 1, 2, et 5.); et ce créateur premier, l’esprit démiurgique, procédant à la génération des êtres, s’appela Amon, et plus particulièrement Mendès: cette planche représente le Démiurge générateur, caractérisé d’une manière spéciale, et qui ne permet aucune incertitude.

Étienne de Byzance[51] parle en ces termes de la statue du dieu qu’on adorait à Panopolis: «Là, existe, dit-il, un grand simulacre du dieu, 22 habens veretrum erectum. Il tient de la main droite un fouet pour stimuler la Lune; on dit que cette image est celle de Pan.» C’est là une description exacte et très-détaillée de l’Ammon-Générateur, figuré sur notre planche.

On voit donc ici l’image de la grande divinité que les Grecs confondirent avec leur Pan, parce que les Égyptiens avaient choisi pour son emblême le bouc[52], animal qui, d’après Horapollon[53], était le symbole de la génération et de la fécondité. Ce bouc sacré, nourri dans une des principales villes de la Basse-Égypte, portait le nom de Mendès, qu’on a attribué également au dieu lui-même[54].

Amon-Mendès, ou l’esprit générateur de l’Univers, était censé stimuler la Lune avec le fouet placé dans sa main, parce que, d’après la doctrine Égyptienne, le dieu Lune répandait et disséminait dans les airs les germes de la génération des êtres[55], et présidait aux ames qui devaient successivement leur communiquer le mouvement et la vie. Des chapelles d’Amon-Générateur, le Pan Égyptien, existaient dans toutes les parties de l’Égypte, et les membres de la caste sacerdotale étaient d’abord initiés à ses mystères[56].

Les grands monuments de l’Égypte offrent de très-nombreux bas-reliefs dans lesquels les rois, de toutes les époques, sont figurés présentant leurs vœux et leurs offrandes à Amon-Générateur; à Médinet-Abou, par exemple, on voit successivement le Pharaon Ramsès-Mei-Amoun se rendre en palanquin au temple du Dieu, accompagner à pied sa statue portée par vingt-quatre prêtres, et, la ramenant dans le temple, lui faire hommage des prémices de la moisson.

La légende marquée (no 2) sur la planche est le nom du Dieu exprimé en caractères symboliques. Le no 3 est la forme hiératique de la légende no 1.

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Planche 4.


23

AMON-RÉ, ROI DES DIEUX.

Le personnage symbolique, occupant la partie inférieure de la planche no 5, est fort rarement reproduit sur les monuments Égyptiens de toutes les époques. Il est tiré, ainsi que sa légende, et les diverses couleurs qui couvrent les membres variés dont il se compose, d’un fragment de manuscrit sur toile appartenant à M. Dubois.

La légende hiéroglyphique, placée à la gauche du personnage, n’est qu’une abréviation d’une légende entière, et qui se lit ⲁⲙⲛ ⲣⲏ-ⲥⲧⲛ ⲛⲛⲉⲛⲟⲩⲧⲉ et signifie Amon-Ré, roi des dieux. Nous avons donc ici une nouvelle forme consacrée à la représentation du Démiurge ou créateur de l’univers; mais cette image du dieu suprême doit être classée parmi celles que, en termes d’archéologie, on a nommées figures panthées, soit qu’elles présentent, réunis dans un seul être, les symboles particuliers à un grand nombre de divinités différentes, soit, ce qui est plus naturel et qui s’applique particulièrement à notre gravure, qu’elles offrent la réunion de tous les symboles et de toutes les formes propres à une seule et même divinité. On ne connaissait point jusque-là de figure panthée Égyptienne.

On retrouve, en effet, dans celle-ci, la tête humaine avec les deux longues plumes, et le sceptre, de l’image ordinaire d’Amon (pl. 1.); les têtes de bélier, le disque et les cornes de bouc d’Amon-Cnouphis ou Cnèph (pl. 3.); le bras droit armé du flagrum ou fléau, et le phallus de l’Amon-Générateur (pl. 4.); le scarabée qui forme son torse; le sceptre composé de la croix ansée et de ce qu’on appelle un nilomètre, l’un emblême de la vie divine, l’autre de la stabilité, se rapportent à Phtha, le premier être créé, la première émanation d’Amon-Cnouphis.

Les quatre ailes horizontales sont celles du scarabée, symbole de la génération, du monde et de la paternité; les ailes inclinées sont celles de l’épervier, dont le corps est annexé au scarabée; une queue de crocodile est entre l’épervier et la queue d’un lion, dont les pattes portent le personnage entier. Cette figure représentant Amon-Cnouphis, l’esprit qui pénètre, parcourt et vivifie les différentes parties de l’univers, il 24 était convenable de composer son image symbolique des diverses classes d’êtres qu’anime son souffle créateur. On y remarque, en effet, un épervier, un lion et un crocodile; c’est-à-dire un type des trois classes d’animaux qui peuplent les airs, la terre et l’eau.

Les deux plumes de la coiffure sont surmontées de deux serpents à tête de lion, qui laissent échapper deux jets de lumière, représentée par une suite de petits triangles, qui servent en quelque sorte d’encadrement à la figure Panthée. Ces serpents se rapportent, sans aucun doute, aux quatre déesses à tête de lion, qui versent aussi la lumière, compagnes ordinaires d’Amon-Ré dans plusieurs scènes symboliques. Il en sera question dans la partie du Panthéon relative aux animaux sacrés et aux emblêmes des dieux.

Amon-Ré est figuré selon la forme A de notre cinquième planche, sur un bas-relief de Thèbes[57]; c’est un abrégé de la précédente.

Une troisième figure Panthée d’Amon-Ré, à peu près semblable à la première, décore la partie antérieure du fameux torse égyptien du Musée Borgia, qui appartient aujourd’hui à la propagande; elle porte la simple légende, Seigneur suprême; la face humaine du dieu est flanquée de plusieurs têtes d’animaux différents; on y remarque celle d’un taureau, d’un lion, d’un bélier, d’un crocodile et d’un épervier. Cette réunion d’êtres si différents de nature, pour représenter la puissance démiurgique, s’explique par l’idée que les Égyptiens se formaient de Dieu: «Ils le considéraient comme la cause première de la génération, le principe de la nature entière, comme un être antérieur à toutes choses, et qui comprend toutes choses en lui-même[58]

Le titre le plus ordinaire des rois Égyptiens, et des grands personnages, fut celui de consacré à Amon-Ré, roi des dieux, ou de purifié par Amon-Ré, roi des dieux. C’était la divinité protectrice des Pharaons, celle qui recevait leurs plus riches offrandes, et à laquelle ils consacrèrent les plus beaux monuments.

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Planche 5.


25

NÈITH,
(L’ATHÈNE, OU LA MINERVE ÉGYPTIENNE.)

La divinité qui porta les noms d’Amon, Amon-Ré, Cnèph ou Cnouphis, fut, comme on a pu le voir, le principe générateur mâle de l’univers. Les Égyptiens symbolisèrent, dans le personnage de Nèith, le principe générateur femelle de la nature entière.

Ces deux principes, étroitement unis, ne formaient qu’un seul tout dans l’être premier qui organisa le monde. De là vient que les Égyptiens considéraient Nèith comme un être à la fois mâle et femelle[59] (αρσενοθελυς), et que le nom propre de cette divinité exprimait en langue Égyptienne, comme nous l’apprend Plutarque, l’idée: Je suis venue de moi-même[60].

La déesse Nèith occupait la partie supérieure du ciel[61]. Inséparable du Démiurge, elle participa à la création de l’univers, et présidait à la génération des espèces; c’est la force qui meut tout[62].

Le culte de cette divinité, général dans toute l’Égypte, comme les monuments le prouvent, était spécialement pratiqué dans la ville principale de la Basse-Égypte, à Saïs, où résidait un collége de prêtres. Le temple de la déesse portait l’inscription fameuse: Je suis tout ce qui a été, tout ce qui est, et tout ce qui sera; Nul n’a soulevé le voile qui me couvre; Le fruit que j’ai enfanté est le Soleil[63]. Il serait difficile de donner une idée plus grande et plus religieuse de la divinité créatrice.

Nèith était le type de la force morale et de la force physique. Elle présidait à la sagesse, à la philosophie, et à l’art de la guerre[64]; c’est pour cela que les Grecs crurent reconnaître, dans la Nèith de Saïs, leur Athène, la Minerve des Latins, divinité également protectrice à la fois, et des sages, et des guerriers.

Les Égyptiens consacrèrent à Nèith le vautour, animal qui, dans 26 leurs idées, fut le symbole fixe, et du sexe féminin, et de la maternité[65]. Cet emblême se rapportait parfaitement à la déesse Nèith, le principe femelle de l’univers, à la déesse mère de tous les êtres créés.

Les monuments Égyptiens nous montrent Nèith debout, ou assise sur un trône, à côté d’Amon-Ré, le premier principe mâle. La déesse, dont les chairs sont parfois peintes en bleu comme celles de son époux, mais plus ordinairement en jaune, comme toutes les femmes figurées sur les bas-reliefs Égyptiens, a pour coiffure un vautour, les ailes déployées, oiseau qui lui était spécialement consacré. Il est surmonté du Pschent, coiffure royale, emblême de la toute-puissance. La tunique, formée de plumes, est soutenue par des bretelles qui passent sous un riche collier. Quatre bracelets ornent les bras de la déesse; les parties inférieures de son corps sont recouvertes par les replis de deux grandes ailes de vautour. L’emblême de la vie divine est dans sa main droite; la gauche porte le sceptre terminé par les fleurs de lotus épanouies, sceptre commun à toutes les déesses Égyptiennes.

La légende ordinaire de Nèith est celle qui accompagne son image dans notre planche. Son nom est formé du segment de sphère, T, article féminin de la langue Égyptienne, et encore du vautour, emblême et première lettre du mot Mère (Mou ou Mout), en écriture hiéroglyphique. Cette légende abrégée se lit ⲧⲙⲟⲩ ⲛⲏⲃ ⲙⲡⲧⲡⲉ et signifie: La mère, dame de la région supérieure. Les monuments sont donc parfaitement d’accord avec Horapollon, qui dit formellement aussi[66] que les Égyptiens voulant écrire Athène (Nèith), peignaient un vautour, et, de plus, que cette déesse présidait à l’hémisphère supérieur du ciel.

Comme protectrice des guerriers, Nèith se montre sur les bas-reliefs de Thèbes, recevant l’hommage des rois conquérants, qui conduisent à ses pieds les étrangers vaincus. C’est devant les images colossales de Nèith que les rois vainqueurs, sculptés sur les pylones des grands édifices, semblent frapper un groupe confus de prisonniers élevant leurs bras suppliants; c’est enfin le vautour de Nèith, portant dans ses serres l’emblême de la victoire, qui plane au-dessus de la tête des héros Égyptiens, pendant le combat, et après la victoire, comme dans la cérémonie de leur triomphe.

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Planche 6.


27

NÉITH GÉNÉRATRICE.
(PHYSIS, ATHÉNÈ, MINERVE.)

Limage symbolique de Néith, la mère universelle, que nous avons donnée dans une planche précédente[67], présente cet être divin décoré de tous ses attributs; ses trois têtes diverses, et les pieds de lion servant de support à un corps de forme humaine qui réunit les deux sexes, nous avertissent assez que les Égyptiens ne s’occupèrent jamais à captiver l’œil ni par la recherche ni par la convenance de formes; leur sculpture et leur peinture sacrées s’attachèrent constamment à parler à l’esprit, et combinèrent les signes sans considérer si l’ensemble qui en résultait fût ou non conforme à la belle nature, qui n’était point, comme chez les Grecs, le but spécial de leur imitation. Ce fait, que tout concourt à démontrer, ne doit point être perdu de vue dans l’étude des monuments figurés de la vieille Égypte.

Ces alliances de portions rapprochées de divers animaux, appartiennent en quelque sorte à la grande écriture sacrée; et quelque monstrueuses qu’elles paraissent à nos yeux, la main qui les traça n’accordait rien au hasard ni au caprice; elle était constamment guidée par des règles invariables: les formes à donner aux images de chaque divinité de l’Égypte furent fixées dès le commencement même de l’institution religieuse: les représentations propres à chaque dieu sont absolument semblables, et dans les temples élevés sous les rois, dix-neuf cents ans avant notre ère, et dans les édifices sculptés sous les empereurs Antonin, Marc-Aurèle et Commode.

Cette persistance dans les mêmes formes et pendant une si longue série de siècles ne doit nullement surprendre, si nous disons que les livres sacrés de l’Égypte contenaient expressément le détail très-circonstancié des formes sous lesquelles les sculpteurs et les peintres furent tenus de représenter les différentes divinités. C’est en étudiant le grand rituel funéraire, composition très-étendue, dont on trouve des copies plus ou moins complètes 28 dans la main de la plupart des momies, ou dans le cercueil qui les renferme, que nous avons été conduits à constater ce fait curieux.

C’est principalement dans la troisième et dernière partie du rituel funéraire (dont il existe plusieurs copies complètes[68], soit en hiéroglyphes, soit en écriture hiératique, parmi les manuscrits égyptiens du Musée de Turin), qu’on rencontre ces descriptions pour ainsi dire officielles des représentations convenues de divers dieux ou déesses. Cette dernière portion du rituel, relative aux plus grandes divinités de l’Égypte, et qui renferme les litanies des dieux, leurs noms les plus mystiques et leurs attributs les plus saints, nous offre entre autres les descriptions des images symboliques d’Ammon-Panthée[69], de Chnouphis[70], de Phtha-Patæque[71], et de la Néith-Génératrice[72], figurée sur notre planche 6.3. La planche ci-jointe[73] contient le texte hiéroglyphique qui s’y rapporte, et dont nous avons pris soin de séparer les mots, afin qu’il soit plus facile d’en suivre la traduction littérale que nous donnons ici:

«Ceci est la figure de la divine mère; elle a trois têtes; sur la tête de lionne, elle a les deux palmes: de plus, sur la tête de forme humaine, elle a les deux parties de la coiffure Pschent; de plus, sur la tête de vautour, elle a les deux palmes[74]; en son lieu, elle porte le phallus; elle a deux ailes, et en leur lieu des pattes de lion.»

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Planche 6.2.


29

NÈITH GÉNÉRATRICE.
(ATHÈNE, PHYSIS, MINERVE.)

Selon les débris de la doctrine Égyptienne, épars dans les écrits des derniers Platoniciens et dans les livres Hermétiques, la déesse Nèith, ou la Minerve Égyptienne, ne formait qu’un seul tout avec le Démiurge Amoun, à l’époque même qui précéda la création des ames et celle du monde physique. C’est en la considérant dans cet état d’absorption en l’Être premier, que les Égyptiens qualifièrent Nèith de divinité à la fois mâle et femelle. Le monde étant composé de parties mâles et de parties femelles[75], il fallait bien que leurs principes existassent dans le dieu qui en fut l’auteur. Aussi, lorsque le moment de créer les ames et le monde arriva, Dieu, suivant les Égyptiens, sourit, ordonna que la nature fût, et, à l’instant, il procéda de sa voix un être femelle parfaitement beau (c’était la nature, le principe femelle, Nèith.), et le Père de toutes choses la rendit féconde[76]. On retrouve dans cette naissance de Nèith, émanation d’Ammon, la naissance même de l’Athène des Grecs, sortie du cerveau de Zeus.

Notre planche représente Nèith, mâle et femelle, la déesse Ἀρσενόθηλυς d’Horapollon[77]. La tête centrale de femme est celle même de la déesse (voyez pl. no 6.), surmontée de la coiffure Pschent, emblême de la domination sur les régions supérieures et inférieures; la tête de gauche est celle d’un vautour, symbole de la maternité et du principe femelle; et celle de droite, qui est une tête de lion, caractérise la force. Proclus nous apprend, en effet, que Nèith était regardée par les Égyptiens, comme la force de la nature qui meut tout[78]. La déesse étend ses bras auxquels sont attachées deux ailes immenses, ce qui caractérise parfaitement encore la Minerve Égyptienne, qui, selon Athénagore, était un 30 esprit étendu en tous lieux[79]. Le corps de Nèith, couvert d’une tunique soutenue par deux bretelles, est celui d’une femme auquel est adapté le signe spécial du principe mâle; des pieds de lion portent cette image panthée de Nèith, comme l’image panthée du Démiurge Amon-Râ (voyez pl. no 5).

Cette singulière représentation de Nèith, mâle et femelle, se trouve plus ou moins complète dans les peintures des grands manuscrits hiéroglyphiques. La légende (A) qui s’y rapporte, signifie simplement La mère; ailleurs, le vautour, caractère principal de ce nom, et l’emblême spécial de la déesse, est combiné avec le fouet (B), ou suivi de plusieurs autres signes (C) qui formaient la légende Ⲧⲙⲁⲩ ⲧϫⲣ ⲛⲏⲃ, Mater magna Domina. Il est évident qu’un des noms hiéroglyphiques de Nèith, composé du vautour et du scarabée, nom expressément indiqué par Horapollon[80], se rapportait à Nèith Ἀρσενόθηλυς; ces deux caractères exprimaient, en effet, le premier le sexe féminin et la maternité, le second le sexe masculin et la paternité.

La croyance populaire voulait que Nèith eût été l’inventrice de l’art de filer[81]; c’est là une nouvelle conformité entre la déesse Égyptienne et l’Athène des Grecs. La troisième grande fête des Égyptiens était célébrée à Saïs, et dans toute l’Égypte, en l’honneur de Nèith; pendant cette nuit solennelle, chacun allumait en plein air des lampes autour de sa maison; cette fête porta le nom de Fête des lampes ardentes, et l’on donnait une raison sainte de ces illuminations[82].

C’est d’un très-beau manuscrit égyptien hiéroglyphique rapporté d’Égypte par le courageux voyageur Belzoni, que nous avons extrait l’image de Nèith-Panthée, figurée sur cette planche. D’autres manuscrits ne donnent à la déesse, toujours mâle et femelle, que la tête seule de lion.

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Planche 6.3.


31

NEITH CRIOCÉPHALE.
(AMMON FEMELLE, AMMON-LUCINE.)

On a recueilli l’image de la divinité gravée sur cette planche, parmi les scènes d’adorations sculptées sur les parois intérieures des murailles d’un monument isolé à Calabsché, dans la Nubie[83]. L’existence de cette déesse à tête de bélier sur l’un des bas-reliefs de ce temple, nous paraissait d’abord douteuse. L’artiste aurait pu facilement, en effet, se méprendre en exagérant le contour du sein, dans la supposition que cette figure fût réellement un Ammon sur le monument original: mais le sceptre terminé par une fleur épanouie de lotus, et la tunique descendant jusques à la cheville du pied, ne laissent aucun doute sur le véritable sexe de cette divinité. C’est bien réellement une déesse; et il était d’autant plus important de constater le fait, qu’aucun autre monument ne reproduit, à notre connaissance du moins, la combinaison symbolique d’une tête de bélier sur un corps de femme. Il est fort à regretter que l’artiste ait négligé de copier les légendes hiéroglyphiques qui accompagnent la représentation de la déesse: nous connaîtrions plus positivement le nom et les attributions de cette divinité criocéphale. Des caractères certains ne permettent cependant point de douter que nous ne devions voir ici une des formes de Néith, considérée mystiquement comme la moitié du grand être, Ammon; ou, ce qui revient au même en d’autres termes, le principe femelle de l’univers uni dans Ammon au principe mâle, ce premier des êtres les renfermant tous les deux primordialement[84]. C’est, sans aucun doute, à cette forme mystique d’Ammon-Néith, que s’appliquait le nom de ⲧⲁⲙⲛ Tamon, inscrit à côté de la déesse criocéphale, et que nous avons extrait du rituel funéraire égyptien. Ce nom y est donné à la déesse Néith et signifie Ammon femelle, car le nom d’Ammon ⲁⲙⲛ se montre ici affecté de l’article féminin ⲧ.

Dans le bas-relief de Calabsché, la déesse criocéphale est représentée adorée, en première ligne, par un souverain de l’Égypte, probablement 32 l’empereur Auguste[85], qui lui offre l’encens. La tête de bélier et les chairs sont peintes en verd ou en bleu-foncé, couleurs propres au dieu Ammon: et au-dessus de la paire de cornes supérieure de la tête d’animal s’élève la coiffure symbolique de la déesse Sovan, d’Ilithya ou la Junon-Lucine des Égyptiens, l’une des formes de la déesse Néith[86]. La déesse Sovan elle-même est figurée comme divinité synthrone à la suite de Néith Criocéphale ou Ammon-Femelle, que l’on pourrait nommer aussi Ammon-Lucine; le bas-relief suivant représente le souverain égyptien adorant le dieu Amon-Ra, assisté de Néith sous sa forme de Mère divine[87], coiffée du vautour surmonté du pschent. Les sculptures de cette partie du monument se rapportent ainsi aux deux principaux agents de la théogonie égyptienne, le principe mâle et le principe femelle de l’univers, confondus en un même personnage.

Il était naturel de donner aussi à Néith une tête de bélier; car le bélier, l’animal symbolique d’Ammon, fut aussi en même temps celui de la déesse Néith, ainsi que l’atteste formellement Proclus[88]: καὶ γὰρ τῶν ζωδίων ὁ κριὸς ἀνεῖται τῇ θεῷ, parmi les animaux du zodiaque, LE BÉLIER est consacré à cette déesse. Les habitants de Thèbes, la ville d’Ammon, et ceux de Saïs, la ville de Néith, vénéraient par un culte particulier le bélier, l’agneau et la brebis, comme les emblêmes vivants des divinités éponymes de leurs cités natales. De nombreux témoignages de ce fait existent dans les écrits des anciens[89].

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Planche 6.4.


33

LE VAUTOUR,
EMBLÈME VIVANT DE NEITH.

La déesse Néith ou le principe féminin de l’univers, devait nécessairement avoir pour emblème propre l’animal qui, dans la croyance commune des Égyptiens, ne comptait aucun mâle dans son espèce. L’opinion vulgaire désigna le vautour. On disait, en effet, que tous les vautours étaient femelles, et qu’il n’y avait point de mâle parmi eux[90]; que pour devenir féconds, ces oiseaux s’exposaient, pendant toute la durée des cinq jours épagomènes, à l’action du vent du nord, suivant Horapollon; du vent du midi ou de l’est, suivant Ælien[91]; que sa gestation durait cent vingt jours; qu’il nourrissait ses petits pendant cent vingt autres jours; qu’il se préparait enfin à une nouvelle gestation pendant une troisième période d’une égale durée; de sorte qu’en y comprenant les cinq jours épagomènes consacrés à sa fécondation, cet oiseau distribuait régulièrement et d’une manière fixe les 365 jours dont se composait l’année civile des Égyptiens[92]. On croyait aussi que le vautour donnait souvent le plus touchant exemple de tendresse maternelle, en se déchirant le sein pour nourrir ses petits de son propre sang, lorsqu’il ne trouvait rien pour leur subsistance[92].

De là vient que, contre l’opinion de toutes les nations occidentales, qui ne citent du vautour que sa féroce voracité, cet oiseau fut choisi par les Égyptiens pour le symbole du premier principe femelle, de la mère commune de tous les êtres, de la déesse Néith, qui, sur les monuments égyptiens, ne porte jamais d’autre nom dans ses légendes sacrées, que celui de DÉESSE-MÈRE ou de GRANDE-MÈRE, noms que l’on trouve également inscrits à côté du vautour son emblème spécial[93]. Enfin, 34 l’image de ce même oiseau est devenue, pour cela même, le signe de l’idée MÈRE dans l’écriture hiéroglyphique.

D’un autre côté, Néith ou l’Athène égyptienne fut aussi, comme celle des Grecs, la protectrice des guerriers. Sous ce second rapport, le vautour devait encore devenir son symbole, puisque, suivant les Égyptiens, cet oiseau de proie, doué d’une certaine prescience, marquait sept jours à l’avance et circonscrivait même le lieu qui devait servir de champ de bataille à deux armées; il faisait face pendant le combat à l’armée qui devait éprouver la plus grande perte. Aussi les anciens rois d’Égypte envoyaient-ils, dit-on, avant d’en venir aux mains, des explorateurs pour observer de quel côté se tournaient les vautours fatidiques[94]. Les plus anciens Grecs paraissent avoir eu des préjugés semblables. Hérodote de Pont dit, du moins, qu’Hercule était ravi quand un vautour se montrait à lui au commencement d’une expédition militaire[95].

Le symbole de Néith, déesse dispensatrice de la victoire, le vautour, la tête ornée de diverses coiffures, les ailes éployées et tenant dans ses serres des insignes de la Victoire, est toujours figuré, sur les bas-reliefs des temples, planant au-dessus de la tête des souverains de l’Égypte faisant des offrandes aux dieux ou conduisant à leurs pieds des ennemis vaincus[96]; ailleurs, il ombrage de ses ailes le Pharaon Thouthmosis que reçoivent dans leurs bras la déesse Néith, le dieu Amonra[97], et le Pharaon Ramsès-Meiamoun, grand-père de Sésostris, soit dans ses combats, soit dans la pompe de son triomphe, représentés sur les bas-reliefs du palais de Medinetabou à Thèbes[98]; enfin, le plafond de la porte triomphale du sud à Karnac est orné de 18 vautours, portant l’emblème de la Victoire[99], et semblables à celui qui est figuré sur notre planche 6.5, tiré des bas-reliefs du tombeau royal découvert par Belzoni.

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Planche 6.5.


35

NÉITH MOTRICE ET CONSERVATRICE.
(ATHÉNÈ, MINERVE.)

Lartiste égyptien, en représentant la déesse Néith mâle et femelle, à trois têtes, et à pieds de lion[100], conformément au texte des livres sacrés de l’Égypte, a montré réunies comme en un seul corps toutes les formes sensibles sous lesquelles la Mère divine, c’est-à-dire, l’Athénè Αἰολόμορφος des hymnes orphiques, était offerte à la vénération des peuples. Chacune des attributions diverses de ce grand être cosmogonique est ainsi caractérisée par un symbole particulier dont le sens était bien fixé; tous ces emblèmes, liés les uns aux autres, formaient donc une image panthée de la déesse, considérée dans la totalité et dans la plénitude des pouvoirs divers que la doctrine théologique lui avait assignés. Néith fut à la fois le symbole du principe femelle, le principe maternel de l’univers, la sagesse divine inventrice des sciences et des arts de la paix; la sagesse qui donne la victoire; la force qui meut et conserve la nature, et par suite la divinité protectrice des guerriers, ainsi que l’Athénè grecque, copie fidèle de la Minerve égyptienne, dont le culte fut porté des bords du Nil aux rivages de l’Attique.

La planche 6 représente Néith sous son apparence la plus habituelle: une femme ailée, assise, et coiffée du Pschent placé sur la dépouille d’un vautour. C’est Néith, adorée comme principe femelle de l’univers entier. Elle porte alors nom de Grande mère ou Mère divine: cette forme simple est facile à retrouver dans l’image complexe de Néith-Panthée[101].

Considérée d’une manière moins générale, comme mère des êtres vivants et protectrice de l’enfantement, Néith, qui prenait alors le nom de Swan, comme on le verra dans la suite, était figurée sous les apparences d’une femme à tête de vautour: la tête de cet oiseau, emblème de la maternité, est en effet la troisième tête de la Néith-Panthée.

Adorée comme inventrice des arts et des sciences, cette grande déesse, 36 prenant alors le nom de Nat ou Nêth, dont les Grecs ont fait Νηῒθ, était représentée sous la forme d’une femme assise, coiffée de la partie inférieure du Pschent. On la nommait aussi Bouto. Les hymnes orphiques donnent à Athénè ou Minerve, considérée sous ce point de vue, les qualifications de τεχνῶν μῆτερ πολύολϐε et de εὑρεσίτεχνε, mère féconde des arts et inventrice des arts[102].

La seconde tête de la Néith-Panthée est celle d’une lionne, parce qu’on figurait cette divinité sous la forme d’une femme léontocéphale, pour la présenter à l’esprit sous l’une de ses plus importantes attributions. C’était Néith devenant le symbole de la force morale et de la force physique; ou, comme nous l’apprend Proclus[103], citant l’opinion même des Égyptiens, la puissance qui met l’univers entier en mouvement, ἡ κινητικὴ τοῦ παντὸς δύναμις. Néith reçoit alors le nom de Déesse gardienne ou conservatrice, que l’on trouvera avec la forme hiératique sur la planche ci-jointe, représentant la déesse léontocéphale.

On ne peut méconnaître dans cette forme de l’Athénè égyptienne, la dispensatrice de la force, la déesse des guerriers, le type de l’Athénè grecque Πολεμοκλόος et Ὁπλοχαρής[104].

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Planche 6.6.


37

NÉITH MOTRICE ET CONSERVATRICE
(ATHÉNÈ, PHYSIS, MINERVE.)

Le culte de cette divinité, du premier ordre, puisqu’elle était, selon les mythes sacrés, une émanation, ou, pour mieux dire, un dédoublement du démiurge Amon-Ra, fut généralement en vigueur dans toutes les parties de l’empire égyptien, et surtout dans les Nomes où firent leur résidence les différentes subdivisions de la caste militaire. Néith-Conservatrice, la déesse des guerriers égyptiens, reçut dans Memphis un culte spécial; ce fut en effet dans cette capitale, dont la fondation fut le résultat de la révolution militaire qui changea la théocratie égyptienne en monarchie, que les rois, chefs naturels de la caste guerrière, firent leur résidence habituelle dès la XIXe dynastie, de préférence à Thèbes, presque abandonnée à la caste sacerdotale, qui trouvait dans cette antique cité et son principal foyer et toutes ses origines. La plupart des monuments recueillis sur l’emplacement ou dans les environs de Memphis nous offrent l’image de Néith-Léontocéphale[105].

On la trouve aussi, quoique bien moins multipliée, parmi les sculptures qui décorent les temples des autres régions de l’Égypte. Le célèbre conquérant Ramsès-le-Grand est représenté dans un des groupes sculptés dans le roc à Ghirsché, en Nubie[106], assis entre le dieu Phtha et Néith-Léontocéphale qui pose affectueusement sa main sur l’épaule du vaillant monarque. A Amara, un autre Pharaon comprend dans une adoration commune cette déesse des guerriers et les grands dieux Amon-Ra et Phré[107]. Ailleurs, Néith-Léontocéphale, renfermée dans une 38 même chapelle (ναὸς) que le dieu Phtha, reçoit de riches offrandes[108]; et les monuments de Dendéra[109] prouvent que son culte se conserva ailleurs qu’à Memphis, sous les Lagides et sous les empereurs romains.

C’est comme emblème de la force protectrice du pays, que des statues colossales de Néith guerrière à tête de lion furent érigées devant les palais et les édifices sacrés de l’Égypte, et semblaient en interdire l’entrée aux profanes, aux ennemis des lois civiles et religieuses. Ces colosses, souvent en très-grand nombre, et presque tous de granit, montrent la déesse sous la figure d’une femme à tête de lionne; elle est quelquefois debout, mais plus ordinairement assise sur un trône; une étroite et longue tunique la couvre à partir du sein, qui reste nu; ses bras, ses poignets et ses pieds sont ornés d’anneaux plus ou moins riches; ses mains tiennent l’emblème de la vie divine, et le long sceptre, terminé par une fleur de lotus, particulier aux déesses égyptiennes. Mais comme Néith était une divinité douée des deux sexes, Ἀρσενόθηλυς[110], ἄρσην μὲν καὶ θῆλυς ἔφυς[111], le sculpteur lui a donné quelquefois le sceptre des dieux mâles, à tête de coucoupha. La tête de lionne est toujours surmontée du disque décoré de l’Uræus royal.

On a depuis quelques années transporté en Europe un nombre considérable de ces statues de Néith-Conservatrice. Celles d’entre elles qui figurent la déesse assise, portent sur le devant du trône des dédicaces qui nous font connaître le nom des rois sous le règne desquels ces colosses furent placés sur les dromos ou devant les propylées dont ils formaient la décoration. Le Musée royal de Paris en possède plusieurs qui remontent aux temps des Pharaons Aménophis II, Ramsès-le-Grand et Sésonchis. On en voit d’autres de l’époque du premier de ces princes à Rome, dans la salle égyptienne du Vatican. Le Musée royal de Turin en possède quatre du même règne, et l’on peut y admirer aussi une Néith-Léontocéphale assise, en granit, de huit pieds de hauteur, et d’un très-beau travail, portant une dédicace du règne de Ramsès VII, fils de Ramsès-le-Grand.

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Planche 6.7.


39

NÉITH CASTIGATRICE.

L’image de la déesse que présente la planche 6.7, a été calquée sur le second cercueil d’une magnifique momie existant dans le Musée royal égyptien de Turin. Le naos qui renferme cette figure symbolique est entouré d’uræus dont le ventre est censé orné de plaques d’émaux bleus, rouges et verds, comme l’est réellement un très-bel uræus en bois doré et qui appartient au Musée Charles X au Louvre. La tête de lion et toutes les parties nues du corps de la déesse, sont de couleur verte. Dans l’une de ses mains est le signe de la vie divine, dans l’autre, le sceptre terminé par un calice de lotus uni à deux fleurs de lotus, emblêmes du monde matériel. La tête du crocodile symbole des eaux, est combinée avec la tête de lion qui caractérise spécialement cette grande divinité, en exprimant sa principale attribution, celle de gardienne vigilante.

Horapollon nous apprend, en effet, que, dans l’écriture symbolique des Égyptiens, la tête du lion (λέοντος κεφαλὴ) exprimait le vigilant (ἐγρηγορότα) et le gardien (φύλακα), et c’était pour cela, ajoute-t-il, qu’on plaçait des représentations du lion comme gardiens, (ὡς φύλακας), aux portes des temples[112]. Ce texte important explique à la fois et les lions assis que l’on a trouvé placés devant le premier pylone du grand temple de Philæ[113], et les avenues ou rangées de statues de la déesse Léontocéphale érigées sur les dromos ou aux portes de divers temples de Thèbes[114]. Ainsi, la planche précédente (6.7) nous présenterait la grande divinité gardienne des eaux. Mais la tête du lion pouvait encore être prise sous d’autres acceptions dans l’écriture symbolique égyptienne; cet animal, doué d’une force remarquable, inspire naturellement la crainte aux êtres vivants qui l’approchent, c’est pour cela que sa tête fut aussi l’emblême de la terreur et de tout ce qui est formidable, φοϐερὸν[115]; et cet emblême s’appliquait convenablement encore à la déesse léontocéphale, à laquelle on donnait pour principale fonction la garde et la conservation de la terre d’Égypte et des choses saintes qu’elle renfermait. Cet être mythique était censé éloigner, par la terreur, les profanes des lieux sacrés et leur infliger de justes châtiments. C’est sous une telle attribution que 40 la déesse est représentée dans cette planche 6.8; sa tête de lion est ornée du disque et de l’uræus; elle saisit de ses deux mains et foule en même temps aux pieds une énorme couleuvre, le grand serpent ennemi des dieux, et le symbole des méchants et des impies, nommé ⲁⲡⲡ ou ⲁⲡⲫ (Apop ou Apoph) LE GÉANT, dans les textes hiéroglyphiques. L’inscription qui accompagne cette image de la déesse sur le magnifique torse Borgia, aujourd’hui au Musée Bourbon à Naples, ne laisse aucun doute sur les attributions redoutables de cette divinité; elle signifie: la gardienne puissante, ⲃⲁⲗ ⲛ ⲣⲏ ⲧⲛⲉⲃ ⲛⲧϭⲟⲙ ϩⲟⲛⲧ ⲛⲛⲉⲛⲟⲩⲧⲉ ⲛⲓⲃⲓ ⲱϥⲉ (ⲛⲉ) ⲥⲱⲃⲉ, œil du soleil, souveraine de la force, rectrice de tous les dieux CHATIANT LES IMPURS.

Nous traduisons provisoirement par gardienne ou conservatrice, le nom hiéroglyphique de la déesse formé des trois premiers caractères de cette inscription, parce que l’espèce d’instrument qu’il a toujours pour initiale, est constamment placé dans les mains des divinités gardiennes et qu’il est aussi l’initiale d’un groupe qui, dans les textes hiéroglyphiques, exprime évidemment l’idée conserver ou garder; nous soupçonnons, toutefois, que ce signe pris phonétiquement put représenter la consonne ⲕ. Le nom de la déesse se lirait alors ⲕϩ ou ⲕϩⲧ en supposant que le ⲧ final n’est point la marque de genre: dans le premier cas ce nom se rapporterait à la racine ⲕⲱϩ (kôh) zelus, æmulatio, ardor, iracundia, et dans le second cas, à la racine ⲕⲱϩⲧ (kôht) FEU, Ignis; ce dernier nom conviendrait sous tous les rapports à la compagne chérie de l’Hephæstus ou Vulcain égyptien.

La déesse porte le titre de Dame de la région de Ratoui dans la légende d’une de ses statues du Musée royal[116]: les autres titres sont réunis sur la planche 6.2, du no 2 au no 8: on les a extraits de la quatrième partie du rituel funéraire qui se rapporte à Néith-Panthée, considérée dans ses diverses attributions. Cette grande divinité, dont la déesse léontocéphale n’est qu’une forme simple, y est successivement appelée soleil femelle (no 2), rectrice des dieux (no 3), ptérophore (ou porte-ailes) (no 4), déesse rectrice de la région supérieure et de la région inférieure (no 5), tête de son père (no 6), divine mère de Paschakasé (l’un des noms mystiques de Phtha) (no 7), et royale épouse de Paléhaka (l’un des noms mystiques d’Ammon) (no 8).

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Planche 6.8.


41

SATÉ, ou SATI,
(SATIS, L’HÉRA, OU LA JUNON ÉGYPTIENNE.)

Les bas-reliefs sculptés sur les édifices religieux de l’Égypte, nous offrent assez fréquemment la représentation d’une déesse, caractérisée surtout par une grande feuille qui s’élève au-dessus de sa coiffure. Cette divinité reçoit diverses offrandes à la suite d’Amon-Cnouphis, à tête de bélier[117]; elle est aussi figurée donnant la main au dieu Amon-Ré, sur un autel que soutient une belle statue Égyptienne de la riche collection de M. Durand. Le nom hiéroglyphique de cette même déesse est toujours composé de trois caractères qui, répondant aux lettres coptes Ⲥⲧⲏ, doivent se prononcer Saté ou Sati. Il est évident que, dans les mythes Égyptiens, la déesse Sati eut des rapports intimes avec Amon-Cnouphis ou Amon-Ré, le dieu suprême.

Cette déduction est changée en certitude par une inscription grecque du temps de Ptolémée Evergète II, gravée sur une stèle trouvée à Séhhélé, île située entre Éléphantine et Philæ[118]. On y lit en effet que la divinité locale, assimilée par les Grecs à leur Héra (la Junon des Latins), porta en langue Égyptienne le nom de Satis, ou plutôt de Sati, en faisant abstraction de la finale grecque Σ. Dans cette même inscription, Hera-Satés, ou Junon-Satis, est nommée immédiatement après Ammon-Chnoubis. D’autre part, une inscription latine, copiée par l’infatigable Belzoni[119] dans les carrières de Syène, nous apprend que l’autel qui la porte est dédié à Jupiter-Ammon-Chnubis et à Junon-Reine, divinités protectrices de ces montagnes. Il est donc certain que Sati fut la Junon égyptienne, la compagne d’Amon-Cnouphis que les Grecs assimilèrent à leur Zeus, et les Romains à leur Jupiter. 42

Sur notre planche no 7, cette déesse est figurée assise sur son trône, la tête couverte de la coiffure ordinaire des femmes Égyptiennes, mais ceinte de bandelettes, ou plutôt du diadême. Le nu est ordinairement peint en jaune, et quelquefois aussi en vert, comme les chairs de Cnouphis; ses mains portent l’emblême de la vie divine, et le sceptre ordinaire des déesses.

La légende, qui, sur notre planche, accompagne l’image de Sati, se lisait, Ⲥⲧⲏ ⲧⲛⲟⲩⲧⲉ ⲧϣⲉ ⲡⲣⲏ ⲧⲛⲏⲃ ⲙⲡⲉ, et signifie Saté ou Sati, déesse, fille de Ré, dame du ciel; et, comme cette légende est habituellement la même partout où se montre la représentation de cette divinité, elle nous apprend avec certitude que Sati était fille du Soleil, dont le nom était , en langue égyptienne.

Que Saté fut l’épouse d’Amon-Cnouphis, comme l’ont supposé les Grecs, en l’assimilant à Héra, épouse de Zeus, ou qu’elle fut simplement une Parèdre ou compagne assidue du Jupiter égyptien, c’est ce que nous ne sommes point encore en état de décider.

Sati, l’Héra Égyptienne, présidait à l’hémisphère inférieur du ciel[120], comme Nèith à l’hémisphère supérieur; et, il est digne de remarque sans doute, que les déesses compagnes d’Amon ou Cnouphis, le dieu suprême, soient celles qui, selon la croyance établie, occupaient et régissaient les deux grandes divisions de la sphère céleste.

La déesse Sati paraît enfin avoir rempli certaines fonctions dans le monde inférieur, l’Amenti ou enfer égyptien. Son image décore les portes des superbes tombeaux des Pharaons, dans la vallée de Biban-el-Molouk, à Thèbes. Sur quelques manuscrits funéraires, cette divinité, portant la légende Sati, déesse[121], ou bien, Sati, fille du Soleil[122], reçoit, à l’entrée du tribunal de l’Amenti, l’ame du défunt, que lui présente une seconde déesse, la tête également ornée d’une feuille, mais qu’il ne faut pas confondre avec Sati, dans la plupart des manuscrits où cette dernière déesse ne paraît point.

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Planche 7.


43

SATÉ,
PRÉSIDANT A LA RÉGION INFÉRIEURE, (LA JUNON EGYPTIENNE).

La divinité à laquelle nous donnons le nom de Saté, nom que les diverses attributions de la déesse confirment déja, paraît avoir rempli une foule d’emplois dans l’organisation du monde mythique tel que les idées égyptiennes, exprimées sur les monuments, semblent nous le présenter. Fille du soleil, le roi du monde physique, Saté paraît avoir été la protectrice des souverains de l’Égypte: la signification évidente d’une foule de bas-reliefs décorant les temples, les palais et les tombeaux, ne laisse aucun doute à cet égard. Il y a plus: Saté fut celle des divinités pour laquelle les Pharaons de la dix-huitième dynastie montrèrent le plus de vénération, puisque son image même, devenue un caractère d’écriture figuratif-symbolique, entre dans l’expression de la plupart des prénoms ou noms mystiques des princes de cette antique famille dont le chef délivra sa patrie de la longue tyrannie des pasteurs: race illustre qui a produit les plus grands rois de l’Égypte, Mœris, vainqueur des étrangers et protecteur de la caste agricole; Aménophis II, qui éleva des monuments de sa grandeur jusques au fond de la Haute-Nubie; Ousiréi, qui orna la ville d’Ammon d’obélisques et d’immenses constructions; enfin, Ramsès-Méiamoun, prince guerrier mais ami des arts, bisaïeul de Ramsès-Séthosis si connu des anciens sous le nom de Sésostris.

Sur les édifices de Thèbes, la plupart des légendes royales des princes de cette dynastie, sous laquelle l’Égypte atteignit à son plus haut de sa période de civilisation, de puissance et de gloire, sont placées sous la protection de Saté, ou environnées de ses emblèmes. Ainsi, dans les bas-reliefs peints de la catacombe royale découverte par Belzoni, les cartouches contenant le prénom et le nom du Pharaon Ousirei, flanquent une belle image de la Junon égyptienne étendant ses ailes immenses, et accompagnée de l’inscription hiéroglyphique, Saté déesse vivante, fille du soleil, dame du ciel et du monde, rectrice de la région inférieure, protectrice de son fils le seigneur du monde, le roi, etc., enfant du soleil Phtah-men-Ousirei[123]. La déesse couvre aussi de ses ailes la légende du même prince[124], recevant le titre de son fils chéri dans les inscriptions qui accompagnent ailleurs la déesse Saté, décorée elle-même des qualifications: 44 vivante, stabilitrice, bienfaitrice de la région inférieure, et dominatrice, comme le soleil, pour toujours[125]. Il s’agit de savoir ce qu’il faut entendre par cette région inférieure.

Horapollon affirme que la Junon égyptienne occupait l’hémisphère inférieur du ciel τὸ κάτω (τοῦ οὐρανοῦ) ἡμισφαίριον[126]. Mais le caractère qui, sur le bas-relief précité, exprime l’idée région inférieure, caractère identique, quoique d’une forme plus simple, avec celui qui occupe la partie inférieure de notre planche 7.2, ne me paraît point désigner d’une manière spéciale l’hémisphère inférieur du ciel: j’ai acquis la certitude que c’est là le véritable signe symbolique de la partie inférieure de la terre d’Égypte, la région que nous connaissons sous le nom de Basse-Égypte, et qui, dans les livres coptes, est appelée, tantôt Sampésèt-an-Kèmé, c’est-à-dire la partie inférieure de Kèmé, tantôt Tsahèt ou la partie septentrionale. J’ai été conduit à reconnaître la valeur de ce caractère, qui a passé des anaglyphes, ou bas-reliefs allégoriques, dans l’écriture hiéroglyphique, en analysant le texte en hiéroglyphes de l’inscription de Rosette, dans lequel les mots du grec τοῖς ἱερεῦσι τῶν κατὰ τὴν χώραν ἱερῶν πάντων[127], aux prêtres de tous les temples du pays, sont rendus par neuf caractères signifiant à la lettre, aux prêtres appartenant aux régions supérieures (les nomes de la Haute-Égypte) et aux régions inférieures (les nomes de la Basse-Égypte)[128]. Les régions inférieures se trouvent exprimées par le redoublement de ce bouquet de tiges plus ou moins nombreuses de lotus, mais dont deux, les deux extrêmes, sont constamment brisées.

Ainsi, la planche 7.2. de notre panthéon, qui reproduit fidèlement la plus grande partie de l’un des bas-reliefs peints dont est décorée l’entrée du tombeau destiné à recevoir le corps du Pharaon Méiamoun-Ramsès, dans la vallée de Biban-Elmolouk à Thèbes[129], nous offre la déesse Saté tenant le signe de la vie divine, étendant ses ailes comme pour protéger la légende du roi[130], et assise, à la manière égyptienne, sur le signe symbolique de la domination surmontant le symbole de la région inférieure: ce bas-relief, comme un très-grand nombre de ceux qui décorent les édifices de l’Égypte, est susceptible d’une véritable lecture, et il signifie Saté, déesse vivante, dame de la région inférieure.

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Planche 7.2.


45

L’URAEUS,
EMBLÊME DU SATÉ.

Les Égyptiens, en créant leur système cosmogonique et religieux, semblent avoir cherché à établir une concordance très-suivie entre le monde intellectuel ou le ciel, et le monde physique ou la terre. Ils ont dit que le premier instituteur de leur civilisation organisa la société humaine sur le modèle des formes qui régissent les êtres célestes; de la même manière qu’en ordonnant le monde terrestre, l’agent du Démiurge avait imité le monde supérieur, autant du moins que la matière pouvait se prêter à une semblable reproduction. Il résulte de cette intention, qui se manifeste dans une foule de circonstances, que des emblèmes de certaines choses célestes s’appliquent également aux choses correspondantes dans le monde matériel, et réciproquement. De là vient aussi que les divinités dominatrices de certaines portions du monde intellectuel, gouvernent également les parties correspondantes du monde physique. Ainsi Saté, ou la Junon égyptienne, régissait à la fois l’hémisphère inférieur du ciel et la région inférieure de l’Égypte. Le nom symbolique de cette contrée terrestre, décrit dans l’explication de la planche précédente, n’a aucun rapport avec le groupe, signe spécial de la partie inférieure du ciel, gravé sur notre planche 29.3, No 2 et 3. On remarquera seulement que c’est, sans aucun doute, parce que la plume est le premier caractère de ce dernier groupe, que ce même objet se trouve figuré, comme insigne distinctif, sur la tête de toutes les images de la déesse Saté. Nous aurons l’occasion de montrer qu’un très-grand nombre de divinités ne sont reconnaissables sur les monuments égyptiens, qu’au seul caractère initial de leurs noms propres ou de leurs titres spéciaux, placé sur leur tête ou dominant les divers ornements de leur coiffure. Les représentations de Saté, reproduites dans ce recueil, offrent un exemple de cette singulière façon de caractériser les différentes divinités.

La planche 7.3 contient un des symboles de Saté, considérée soit comme dominatrice de l’hémisphère inférieur du ciel, soit comme régente et protectrice de la région inférieure terrestre. La déesse est ici figurée 46 sous la forme d’un Uræus: ce serpent, nommé aspic ou basilic par les Grecs, fut en Égypte l’emblème spécial de la souveraineté ou de la puissance royale: la coiffure qui couvre sa tête est la partie inférieure de la couronne Pschent, symbole de la domination sur la région inférieure, soit du ciel, soit de la terre. On trouvera dans l’explication de la planche 11 les preuves et le développement du sens que nous reconnaissons ici à cette fraction du Pschent.

Le serpent sacré est dressé sur la partie postérieure de son corps, formant plusieurs replis et enroulements. Le haut du corps est considérablement dilaté; et cette forme, quelque extraordinaire qu’elle puisse paraître, est motivée sur un fait réel: l’Uræus, nommé aujourd’hui vipère HHayé en Égypte, possède en effet la singulière faculté de s’enfler la portion supérieure du corps, soit lorsqu’il s’irrite, soit lorsqu’il veut se dresser pour atteindre une proie.

L’Uræus, animal sacré de la Junon égyptienne, est figuré avec le sceptre des dieux bienfaisants, et repose, comme la déesse Saté figurée dans la planche précédente, sur le signe symbolique de la domination, placé au-dessus de l’emblème de la région inférieure terrestre. Ce même reptile est toujours accompagné de la légende inscrite à côté de son image (planche 7.3.), tirée des bas-reliefs coloriés du tombeau royal découvert par Belzoni. Les quatre premiers signes de cette légende forment le nom propre de l’animal sacré, nom féminin comme le prouve le dernier signe: le serpent, emblème de la déesse protectrice de l’hémisphère supérieur du ciel et de la partie supérieure de l’Égypte, est également un Uræus femelle. Le reste de la légende liée à l’Uræus de Saté, signifie dame du ciel, rectrice des dieux seigneurs: titres plus spécialement propres à la déesse qu’à l’animal sacré, son image symbolique.

Le bouquet de lotus, formant l’emblème de l’Égypte inférieure, est ici d’une couleur et d’une espèce qui diffèrent assez essentiellement de celui qui exprime la même idée dans la planche précédente; mais cette différence d’espèce et de forme, soit de la plante, soit de la fleur seulement, ne porte aucune espèce de modification dans le sens de ces groupes. J’ai eu une foule d’occasions de me convaincre de leur parfaite identité.

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Planche 7.3.


47

PHTAH-SOKARI.
(PHTHA ENFANT, HEPHAISTUS, HARPOCRATE.)

Hérodote et plusieurs autres écrivains grecs conviennent qu’une partie de leur religion nationale leur est venue, soit directement, soit indirectement, des Égyptiens; à défaut même de cet aveu positif, il serait impossible, à mesure qu’on acquerra quelque document nouveau sur l’ancien culte de l’Égypte, de ne point reconnaître les nombreux emprunts que les instituteurs du culte des Grecs firent à celui des habitants de Thèbes et de Memphis. Nous avons déja vu que l’Athène Grecque, la Minerve des Romains, était une imitation de la Nèith Égyptienne[131]; des rapports non moins frappants existent entre Phtha, et l’Héphaistus Grec, ou le Vulcain des Romains.

Héphaistus, selon les mythographes Grecs, était fils de Zeus: et Phtha fut une émanation d’Ammon-Cnouphis, le Jupiter Egyptien. Héphaistus naquit tellement difforme que Héra, sa mère, honteuse d’avoir mis au jour un enfant si laid, le repoussa de son sein et le précipita dans la mer, selon le récit d’Homère; dans une autre occasion, Zeus, irrité, lança hors de l’Olympe le jeune dieu, qui roula long-temps dans la vaste étendue des airs, et tomba enfin, en se brisant les jambes, dans l’île de Lemnos. Depuis cette époque, Héphaistus boîta des deux côtés, et ses deux jambes restèrent tremblantes et tortues, selon le même poëte. Le Phtah Égyptien, représenté nu et dépouillé des bandelettes ou de la tunique étroite qui le couvre ordinairement (pl. 9), se montre sous des dehors tout aussi défavorables que l’Hephaistus Grec; et les monuments prouvent que ces fables grecques ne sont que des mythes Égyptiens corrompus.

Une foule de bas-reliefs, de peintures et de statuettes de terre vernissée, nous présentent le Dieu Phtah sous la figure d’un enfant ou, plutôt, sous celle d’un nain difforme, ayant des traits irréguliers, le ventre enflé 48 et les jambes torses (pl. 8, no 1), quelquefois ce nain est debout sur un crocodile (pl. 8, no 2), ou porte sur sa tête un scarabée, emblême de la génération (pl. 8, nos 2 et 3). Les légendes hiéroglyphiques qui accompagnent ces images, nomment cette singulière divinité, Phtah, ou Phtah-Socari, indifféremment.

Quel que soit le motif qui détermina les Égyptiens à représenter sous une forme aussi repoussante Phtah, l’une de leurs plus grandes divinités, le fait est désormais constaté, et à l’autorité des monuments que je viens de citer, se joint celle de l’un des écrivains les plus graves de l’antiquité: «Cambyse, dit Hérodote, étant entré dans le temple d’Héphaistus (Phtah), à Memphis, se moqua de sa statue, et fit des éclats de rire: elle ressemblait à ces dieux que les Phéniciens appellent Pataïques, et qu’ils peignent sur la proue de leurs vaisseaux; ceux qui n’en ont pas vu, entendront ma comparaison, si je leur dis que ces dieux sont faits comme des Pygmées

Les manuscrits et les bas-reliefs des Hypogées qui offrent l’image d’Ammon-Générateur et celle de Nèith-Génératrice (pl. 4, 5 et 6.3), nous montrent aussi le Dieu Phtah, ou Phtah-Socari, générateur, encore sous la forme d’un Pygmée (pl. 8, nos 4 et 5), et tenant, comme son père Ammon, le fouet divin pour stimuler la Lune, qui envoie dans le monde terrestre les germes de tous les êtres vivants; cette image de l’organisateur du monde a quelquefois deux têtes (pl. 8, no 6); l’une, humaine, c’est la tête ordinaire de Phtah; et l’autre, celle d’un épervier surmontée de longues plumes, est celle que prend habituellement Phtah, lorsqu’il reçoit le surnom de Socari.

La figure no 4, extraite de l’un des manuscrits Égyptiens rapportés par M. Belzoni, représente Phtah ayant les pieds contournés comme l’Héphaistos Grec. Nous devons dire ici que cette circonstance prouve de plus, qu’Harpocrate, mot dont les deux dernières syllabes Pokrat, Pokrat, expriment un individu dont les pieds sont délicats, mous ou malades, fut primitivement un des surnoms de Phtah. La description donnée par saint Épiphane, de l’impudique statue d’Harpocrate, Image d’enfant, à tête rase; ignoble et abominable, s’applique parfaitement aux représentations de Phtah générateur, numérotées 4 et 5 sur notre planche 8.

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Planche 8.


49

PHTHA ou PTHA.
(PHTHA, HÉPHAISTUS, VULCAIN.)

Ce personnage occupait la troisième place dans la nombreuse série des divinités de l’Égypte; les Grecs, en l’assimilant à leur Héphaistos, le Vulcain des Romains, ont singulièrement rabaissé et son rang et son importance; ils ont réduit les hautes fonctions de ce grand être cosmogonique à celles d’un simple ouvrier.

Telle ne fut point l’opinion des Égyptiens sur leur Phtha; selon leurs mythes sacrés, la puissance démiurgique, l’esprit de l’Univers, Cnèph ou Cnouphis, avait produit un œuf de sa bouche, et il en était sorti un dieu qui portait le nom de Phtha[132]. Cet œuf était la matière dont se compose le monde visible; il contenait l’agent, l’ouvrier qui devait en coordonner et en régulariser les diverses parties; et Phtha est l’esprit créateur actif, l’intelligence divine qui, dès l’origine des choses, entra en action pour accomplir l’Univers, en toute vérité et avec un art suprême[133].

L’image du dieu Phtha est habituellement sculptée, sur les bas-reliefs, à la suite d’Amon-Cnouphis son père; le grand Démiurge se montre en effet presque toujours accompagné de deux autres personnages divins; d’abord de la déesse Nèith sa première émanation, et, de plus, d’un dieu dont le corps est serré dans un vêtement très-étroit, qui l’enveloppe depuis le cou jusque sous la plante des pieds, et ne donne un libre passage qu’aux deux mains seulement. La tête de ce personnage mâle est couverte d’une coiffure très-simple, qui se modèle sur tout son contour; ses mains tiennent le sceptre ordinaire des dieux bienfaisants, combiné, 1o avec cette espèce d’autel gradué à quatre corniches, qu’on nomme un nilomètre, et qui, dans l’écriture hiéroglyphique, est le symbole de la coordination; 2o avec la croix ansée, emblême de la 50 vie divine. Ses chairs sont toujours peintes en vert; enfin, la légende hiéroglyphique (1 et 2) qui accompagne ce personnage, nous apprend que c’est là l’image du dieu Phtha. Les trois premiers signes sont phonétiques, représentant les lettres coptes Ⲡⲧϩ ou Ⲫⲧϩ, et se prononçaient Ptah ou Phtah selon les dialectes[134]. Les légendes 3 et 4 ne diffèrent que par les attributs ajoutés au caractère symbolique final Dieu, qui, par ces additions, devient purement représentatif. Le no 5 est hiératique.

Les Égyptiens qui voulaient rattacher l’histoire de la terre à celle des cieux, disaient que Phtha avait été le premier de leurs dynastes; mais que la durée de son règne ne saurait être fixée. Les Pharaons lui avaient consacré leur ville royale, Memphis, la seconde capitale de l’empire; ainsi, les quatre principales villes de l’Égypte, Thèbes, Memphis, Saïs et Héliopolis, étaient chacune sous la protection spéciale de l’une des quatre grandes divinités, Amon-Cnouphis, Phtah, Nèith et Phré. Le magnifique temple de Phtah à Memphis, où se faisait l’inauguration des rois, a été décrit, en partie, par Hérodote et par Strabon; les plus illustres d’entre les Pharaons le décorèrent de portiques et de colosses.

L’être auquel on attribuait l’organisation du monde, devait nécessairement le connaître à fond, ainsi que les lois et les conditions de son bien-être et de son existence; aussi les prêtres Égyptiens regardaient-ils Phtha comme l’inventeur de la philosophie[135], bien différents, en cela, des Grecs, qui ne citaient de leur Héphaistos que des œuvres matérielles et purement mécaniques.

Phtha est représenté sur notre planche, dans une chapelle richement décorée; les monuments le montrent, pour l’ordinaire, renfermé dans une construction de ce genre; ici, il est appuyé sur un grand nilomètre, son emblême spécial, et ce signe est celui de la stabilité.

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Planche 9.


51

PHTAH-SOKARI.
(SOCHARIS.)

Les écrivains de l’antiquité, soit Grecs soit latins, ont été jusques ici les seuls guides pour les savants modernes qui se sont occupés des mythes de l’ancienne Égypte. Ceux d’entre eux qui ont voulu se former une idée exacte de cette religion, que tout concourt à présenter comme la source d’une grande partie de la croyance des Grecs, ont recueilli avec soin les divers passages des auteurs classiques relatifs aux différentes divinités Égyptiennes; mais lorsqu’ils ont voulu coordonner ces matériaux, il n’en est résulté qu’une nomenclature assez bornée, et une courte série de récits mystiques appliqués confusément à plusieurs personnages différents, dont les noms, le rang, et la filiation, n’ont d’ailleurs entre eux aucune espèce de rapport.

Cette incohérence et la confusion qui règne dans les dires des auteurs grecs et latins sur le culte de l’Égypte, démontraient assez la nécessité de suspendre toute opinion à cet égard, jusqu’à ce que de nouvelles lumières pussent éclairer ce point si ténébreux des recherches historiques. Les monuments seuls pouvaient les produire; et l’étude des innombrables restes de l’art Égyptien, qui grava sur la pierre les images des dieux, leurs noms en écriture sacrée, et très-souvent aussi leur généalogie, doivent nécessairement devenir nos meilleurs guides. En recueillant avec soin les faits nouveaux que présentent, avec profusion, ces produits de la sculpture Égyptienne, nous pouvons espérer de saisir enfin l’ensemble et les principaux détails du systême religieux de l’Égypte, systême immense, dont l’antiquité classique ne nous a transmis qu’une esquisse partielle et incomplète à tous égards.

La certitude déja acquise que les légendes qui, sur les bas-reliefs et les peintures, accompagnent les images des dieux, contiennent les noms propres de ces mêmes dieux, et la découverte de l’écriture hiéroglyphique Phonétique[136], sont des moyens puissants qui doivent jeter 52 un grand jour sur cette matière. Par la connaissance des noms hiéroglyphiques des divinités, et même par le moyen de ceux dont le nom nous serait encore inconnu, nous reconnaîtrons qu’une foule d’images divines, qui n’ont rien de commun ni dans leur forme ni dans leurs attributs, représentent cependant une seule et même divinité, considérée toutefois dans des fonctions diverses, puisque leurs noms propres et leur filiation sont absolument les mêmes. Le personnage gravé sur cette planche offre un exemple de cette particularité.

La tête de ce dieu est celle d’un épervier, que surmonte une coiffure particulière, consistant dans la partie supérieure de la coiffure Pschent, flanquée de deux appendices de couleurs variées. Le nom hiéroglyphique de cette divinité est tantôt Ⲡⲧϩ Phtah, tantôt ⲥϭⲣⲓ, Socari, Socri, mais plus ordinairement Ⲡⲧϩ-ⲥϭⲣⲓ Ptah-Socari.

Ces légendes nous signalent ici une nouvelle forme du dieu Phtah (pl. 9.), l’organisateur du monde, et nous reconnaissons, de plus, l’identité des deux personnages, à la ressemblance de leur habillement étroit et de leurs sceptres. Phtah-Socari tient de plus, dans ses mains, un fouet comme son père, Amon-Générateur. Il est très-probable que le dieu Égyptien Σοχαρις, mentionné dans un vers de Cratinus[137], n’est autre que le Phtah-Socari figuré sur notre planche.

Phtha-Socari à tête d’épervier, n’est qu’une forme de Phtha considéré comme réglant les destinées des ames qui abandonnent des corps terrestres, afin d’être réparties dans les 32 régions supérieures. C’est pour cela que l’image de ce Dieu se trouve toujours dans les grands rituels funéraires, les catacombes royales, et les peintures qui décorent les cercueils et les diverses enveloppes des momies[138].

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Planche 10.


53

PHTAH-SOKARI,
SEIGNEUR DES RÉGIONS SUPÉRIEURES ET INFÉRIEURES.

Le Dieu Phtah se montre ici sous un point de vue essentiellement différent des deux formes que nous avons décrites sous les numéros 10 et 11. Cette peinture existe sur le cercueil d’une très-belle momie rapportée d’Égypte par M. Thédenat-Duvent fils, et acquise par M. le comte de Pourtalès-Gorgier.

La coiffure du Dieu, quoique moins riche de couleurs, ne diffère point, au fond, de celle que porte ce même personnage sur la planche 10; sa tête est aussi celle d’un épervier, et ses chairs sont vertes, teinte habituelle de la carnation de Phtah sous toutes ses formes. Sa courte tunique, soutenue par deux bretelles, est fixée par une ceinture qui retombe jusque vers les pieds. La légende hiéroglyphique (no 1) et l’hiératique no 2, se lisent PTH ou PTH SKRI NOUTE. Le Dieu Phtah-Sokari.

Cette divinité soutient, de sa main gauche, une sorte de segment de sphère, surmonté de la coiffure ornée d’une espèce de Lituus. Dans une autre partie du cercueil de la même momie, Phtah-Sokari porte également le segment de sphère, mais surmonté d’une coiffure différente; ces deux groupes sont symboliques, et nous avons déja dit que le segment de sphère exprimait l’idée seigneur (NÉB), que la coiffure ornée du Lituus indiquait les choses ou les régions inférieures et la coiffure allongée, sorte de cydaris, les régions supérieures. Ces deux coiffures, réunies et emboîtées l’une dans l’autre, ainsi qu’on peut les voir disposées sur la tête de la déesse Nèith (pl. no 6), formaient la coiffure appelée pschent que portent les grandes divinités, et qui exprime symboliquement la domination sur la région supérieure et la région inférieure. Phtah tenant successivement dans sa main ces deux coiffures emblématiques, est donc ainsi figuré comme dominateur de ces régions du monde.

Ce Dieu occupait en effet un des premiers rangs parmi les intelligences célestes, et fut aussi l’arbitre et le protecteur spécial de la royauté dans la région terrestre. Les Égyptiens inscrivirent son nom le premier 54 dans la liste des Dieux qui ont gouverné le monde inférieur avant les rois de race humaine. Ceux-ci prenaient le titre d’approuvé par Phtah[139], et parmi leurs qualifications honorifiques on comptait celle de chéri ou de bien-aimé de Phtah[140].

L’inauguration des Rois Lagides, comme celle des Pharaons dont les souverains Grecs de l’Égypte imitèrent le protocole entier, avait lieu dans la ville de Phtah, Memphis[141], et dans le principal temple de cette capitale, consacré au Dieu Phtah. Le jour même de leur intronisation, les Rois entraient dans ce temple, la tête ornée du pschent[142], pour y accomplir les cérémonies légales prescrites pour la prise de possession de la couronne[143].

Ainsi, les Rois Égyptiens semblaient recevoir de Phtah la puissance suprême, dont les deux parties du pschent étaient le symbole; aussi donnait-on, à ces princes comme au Dieu Phrê (le Soleil, fils de Phtah), le titre de Roi de la région d’en haut et de la région d’en bas[144].

Le décret gravé sur la stèle de Rosette, relatif à l’intronisation de Ptolémée-Épiphane, dispose formellement que le pschent que portait ce prince, serait placé au-dessus d’une chapelle dorée, consacrée au Roi, au milieu de dix couronnes ornées d’aspics, avec cette inscription: Ceci appartient au Roi qui a rendu illustre la région supérieure et la région inférieure[145]. Ces derniers mots sont exprimés symboliquement, dans le texte hiéroglyphique de la même stèle, par la coiffure allongée et la coiffure ornée du Lituus, placées sur le caractère région ou contrée. Ce sont ces deux mêmes coiffures que le Dieu Phtah tient quelquefois dans ses mains.

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Planche 11.


55

TRE, THRÉ, ou THORE.
(UNE DES FORMES DE PHTAH.)

Le livre d’Horapollon[146] nous apprend que le Scarabée fut, dans l’écriture sacrée, un des symboles du Dieu Phtah, l’Hephaistus ou le Vulcain des Grecs et des Romains. Mais l’image de cet insecte est si multipliée dans les peintures des manuscrits et dans les sculptures des temples des palais et des monuments funéraires, que cette reproduction perpétuelle prouve à elle seule l’importance des personnages divins dont le Scarabée est l’emblême. Les anciens nous disent aussi qu’il fut consacré au Soleil; mais comme cet animal, pris symboliquement, exprimait une foule d’idées différentes[147], il a pu devenir, par cela même, le signe tropique de plusieurs divinités.

Notre planche 12 présente l’image d’un Dieu égyptien très-rarement figuré soit dans les bas-reliefs, soit dans les peintures religieuses; elle est copiée des précieux dessins que le courageux voyageur Belzoni a faits, à Thèbes, de toute la décoration du superbe tombeau royal qu’il y a lui-même découvert.

Dans le vestibule de la magnifique salle voûtée qui renfermait le sarcophage, sur la face de l’un des six piliers qui soutiennent le plafond, est un grand bas-relief représentant le Pharaon défunt, décoré de ses insignes royaux, et accueilli par la Divinité gravée sur notre planche. Le corps du Dieu est de forme humaine; ses chairs sont de couleur rouge, teinte que les Égyptiens se donnent toujours dans leurs peintures; une riche tunique, soutenue par une ceinture émaillée, le recouvre jusqu’à la hauteur des genoux; des bracelets ornent ses bras et ses poignets; mais la coiffure, au lieu de s’ajuster sur une face humaine, pose sur un Scarabée noir, qui remplace la tête du Dieu.

Le nom hiéroglyphique, qui d’ordinaire accompagne le personnage, consiste (légende, no 1), dans le scarabée, la bouche, et la feuille suivie 56 du signe d’espèce Dieu. Ce nom est phonétique, et en appliquant aux caractères qui le composent les valeurs fixes de ces mêmes signes dans les noms propres hiéroglyphiques des Pharaons et des souverains grecs et romains, on obtient ΤΡΕ ou ΘΡΕ, que nous prononcerons en suppléant la voyelle médiale, omise comme à l’ordinaire, Taré, Teré, Théré ou Thoré.

Quelles que fussent les voyelles et la signification de ce nom propre, les monuments nous apprennent que ce personnage n’était qu’une des modifications de Phtah, le premier né d’Ammon-Cnouphis, l’agent qui sortit avec la substance du monde de la bouche du Démiurge. L’identité de Phtah et de Thoré est prouvée par les légendes hiéroglyphiques de Ptolémée-Épiphane; le titre de ce prince, exprimé dans le texte grec de l’inscription de Rosette, par les mots: Ὃν ὁ Ἥφαιστος ἐδοκίμαζεν, est rendu dans les légendes hiéroglyphiques de ce Roi Lagide, par les mots: APPROUVÉ PAR PHTAH OU PAR PHTAH THORÉ (lég. no 2) indifféremment[148]. D’où il est aisé de voir que Thoré n’est qu’un simple surnom de Phtah, comme Socari.

Le Scarabée qui forme la tête de Phtah-Thoré, était un emblême parfaitement en rapport avec l’idée que les Égyptiens avaient du Dieu Phtah; selon Horapollon, cet insecte était l’emblême spécial de la Génération ou de la Création (Γένεσις)[149]. Et c’est en effet par l’action de Phtah que le Monde avait été créé, selon la doctrine égyptienne.

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Planche 12.


57

TORÉ, THORE, ou THO.
(UNE DES FORMES DE PHTHA.)

Les monuments nous montrent Phtha créateur, sous un nouvel aspect qui conserve, toutefois, le caractère distinctif des attributions de ce personnage mythique. Son corps est ici de forme humaine; il est assis, mais la tête est remplacée par un scarabée les ailes étendues, tandis que dans la planche précédente (no 12) les ailes de l’insecte sont complètement repliées sous leurs élytres. Le Dieu, placé dans une châsse ou chapelle, semblable aux petits temples monolithes qui, au fond des sanctuaires de l’Égypte, renfermaient les images symboliques des Dieux, est porté sur une barque dont les extrémités recourbées sont ornées d’une fleur de lotus épanouie. Vers la proue, est un autel sur lequel pose un gâteau sacré, surmonté aussi d’une belle fleur de lotus: vers la poupe est une rame terminée par une tête d’épervier.

Divers auteurs anciens, et Iamblique entre autres, nous font connaître les motifs pour lesquels les Égyptiens représentèrent assises sur des barques la plupart de leurs grandes Divinités. On les figurait assises, parce que l’intelligence divine s’étend et agit sur l’univers, et ne repose entièrement qu’en elle-même; on les plaçait sur des barques, que ces Divinités semblent diriger, pour exprimer que la providence des Dieux gouverne le monde[150].

Le lotus qui décore la barque et surmonte l’autel, exprime énigmatiquement, d’après le même auteur, la supériorité de l’intelligence divine par rapport à la matière[151]; et cela, sans doute, parce que la fleur du lotus, portée sur une longue tige, s’élève au-dessus des eaux et du limon qui couvre le lit du fleuve, à la surface duquel cette belle fleur s’épanouit.

La légende qui accompagne cette Divinité est habituellement le no 2 de notre planche, qui se lit TRÉ NOUTE, le Dieu Thoré. Son image 58 est reproduite dans les grands manuscrits funéraires hiéroglyphiques et hiératiques; et, entre autres, dans le grand papyrus du cabinet du Roi[152]. Le texte, placé au-dessous de la représentation du Dieu, contient aussi le nom hiéroglyphique précité, à l’exception de la voyelle finale[153].

Vers le commencement du même manuscrit, cette Divinité paraît encore, assise sur une barque[154], mais sa tête est celle d’un homme, surmontée d’un scarabée dont les ailes sont repliées. Dans le texte qui se rapporte à cette scène, le Dieu est simplement appelé TE ou TO-NOUTE, le Dieu Tho (no 3). Si cette orthographe n’est point une simple abréviation du nom Thoré (no 2), on pourrait reconnaître ici l’Univers personnifié, le Monde, désigné, en langue Égyptienne, par le mot TO. Horapollon nous dit aussi que le scarabée fut également le symbole du monde, Κόσμος[155], qui n’était, selon la doctrine Égyptienne, qu’une production du Dieu Phtah.

Quoi qu’il en puisse être, ce Dieu porte, soit avec le nom de Tho[156], soit avec le nom de Thoré[157], la qualification de père des Dieux (lég. no 1), titre qui appartient en effet à l’Héphaistus Égyptien, le Dieu Phtah, comme le prouve l’obélisque, traduit en grec par Hermapion, monument qui donne au Pharaon Ramessès le titre de préféré par Héphaistus (Phtah) le père des Dieux: Ὅν καὶ Ἥφαιστος ὁ τῶν θεῶν πατὴρ προέκρινεν[158].

La légende no 4 est la transcription hiératique du nom hiéroglyphique no 3.

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Planche 13.


59

POOH, PIIOH, IOH.
LUNUS, LE DIEU LUNE, SELENE.

La plupart des auteurs grecs ou latins, et, à leur exemple, les savants modernes qui ont écrit sur la religion égyptienne, affirment, par cela seul que la Lune était une Déesse dans la Mythologie grecque et romaine, qu’il en était de même chez les anciens Égyptiens; Jablonski, surtout, a prétendu prouver l’identité d’Isis et de la Lune, et établir que l’épouse d’Osiris n’était autre chose que la Lune personnifiée[159]: cette opinion, quoique contraire à une foule de témoignages de l’antiquité, quoique frappée de nullité par l’autorité positive des monuments, a prévalu toutefois, et on la trouve reproduite dans la plus grande partie des ouvrages publiés, de notre temps, sur le culte national de l’Égypte.

Mais selon la doctrine véritablement égyptienne, la Lune était un dieu, une essence mâle, et, par conséquent, une divinité forcément distincte d’Isis et de toute autre essence femelle. L’auteur, quel qu’il soit, du traité d’Isis et d’Osiris, avance, à la vérité, que les Égyptiens regardaient la lune comme étant à la fois mâle et femelle (Ἀρσενόθηλυν); mais Spartianus dit plus clairement encore que, dans la croyance religieuse des Égyptiens, la lune était un DIEU[160], ce qu’affirme formellement Ammonius en assurant que le nom de la lune en égyptien était un nom du genre masculin[161]. Jablonsky n’a tenu aucun compte de ces trois passages qu’il cite cependant en entier dans son Panthéon[162], parce qu’ils contrariaient trop directement son système, qui est de ne voir dans tous les personnages mythiques de l’Égypte, que des personnifications du soleil, de la lune et des autres corps célestes.

Au défaut même des témoignages que nous venons d’invoquer, il resterait encore démontré par le mot seul qui, dans la langue égyptienne, exprimait l’idée lune, que cet astre était considéré comme un dieu et non comme une déesse; OOH (la lune) en dialecte thébain, et IOH en dialecte memphitique, sont des mots masculins et que précède constamment l’article masculin P ou PI, dans tous les textes coptes, c’est-à-dire, les textes en langue égyptienne écrits avec des lettres grecques. Ainsi dans la religion de l’Égypte, comme dans les mythes hindoux, la lune était une divinité mâle. Il a été facile, avec 60 ce document, de reconnaître dans les bas-reliefs et les peintures égyptiennes, les images du dieu Pooh ou Piioh.

On a vu dans la description, tout-à-fait conforme aux monuments, qu’Étienne de Byzance donne de la statue de Pan ou de Mendès (Ammon générateur), que le fouet placé dans la main de ce dieu est destiné à stimuler la lune; et l’on trouve très-fréquemment en effet, à la suite d’Ammon, un personnage qu’il serait facile de confondre avec Phtah, mais qui en diffère par des attributs tellement caractérisés qu’on ne peut méconnaître le dieu Pooh, le Lunus ou le dieu-lune des Égyptiens.

Ce personnage mythique, figuré sur notre planche 14, diffère d’abord de Phtah par sa coiffure, de l’un des côtés de laquelle s’échappe un appendice que l’on a considéré, sans aucune certitude toutefois, comme une mèche de cheveux bouclée ou tressée. En second lieu, le dieu Pooh se distingue essentiellement de Phtah par les insignes qui surmontent cette coiffure, et qui ne sont que des images de la lune dans ses différents états. Il porte soit le disque entier ordinairement peint en couleur jaune[163], soit le même disque placé au-dessus du croissant également peint en jaune[164].

Ailleurs le disque entier est combiné avec la dichotomie, c’est-à-dire avec l’image de ce même astre lorsque sa moitié seulement est visible pour nous[165]. Le dieu Pooh, assis et la tête surmontée du croissant seul, est figuré faisant face au dieu Phrè (le soleil), sur un grand bas-relief sculpté à Thèbes dans les hypogées voisins du Memnonium[166]. Enfin, le disque et le sémi-disque lunaires combinés (Voy. notre pl. No 8) sont représentés faisant pendant au disque du soleil orné de l’uræus, dans les bas-reliefs symboliques sculptés sur la corniche des faces latérales du portique du grand temple à Dendera[167]; et nous lisons en effet dans les écrits des anciens, que le symbole de la lune fut, chez les Égyptiens, la peinture de la dichotomie combinée avec l’Amphicyrte (Voyez notre pl. Nos 6 et 7), c’est-à-dire l’image de la lune lorsqu’elle ne montre que la moitié de son disque, jointe à l’image de cet astre presque dans son plein[168].

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Planche 14.


61

POOH, PIIOH, IOH.
(LUNUS, LE DIEU-LUNE, SÉLÈNE).

Les formes de convention sous lesquelles les Égyptiens figuraient le dieu Pooh dans leurs tableaux religieux ou symboliques, ne peuvent plus être incertaines d’après ce qu’on vient d’établir par l’autorité des monuments, dans l’explication de la planche précédente. Il nous resterait à connaître la manière dont on exprima le nom de ce dieu dans l’écriture sacrée. Malheureusement les dessinateurs de la commission d’Égypte, en copiant avec fidélité les différentes images de cette importante divinité, à laquelle toutefois on donne le nom d’Harpocrate dans le texte de la Description de l’Égypte, ont négligé de copier aussi avec le même soin les légendes hiéroglyphiques placées à côté de ce personnage. Nous n’avons pu suppléer à cette omission en consultant les peintures des sarcophages et des enveloppes des momies, parce que le dieu Pooh n’est jamais figuré, à notre connaissance du moins, sur les monuments funéraires de ce genre. Mais le dessin du zodiaque circulaire de Dendéra, donné dans ce magnifique ouvrage, nous a permis de remplir cette lacune: le nom hiéroglyphique du dieu Pooh est tracé deux fois dans les légendes sacrées perpendiculaires[169], placées à côté de la grande figure de femme ayant les bras étendus, sculptée à la gauche du zodiaque, et qui représente la déesse Tpé, le ciel personnifié.

Le nom hiéroglyphique du dieu Pooh ou Piioh (la lune), (Voyez notre pl. 14, No 1), est formé de deux caractères: 1o d’un croissant à-peu-près semblable à celui que nous plaçons dans nos almanachs pour exprimer le premier ou le dernier quartier, figure qui, d’après le témoignage de Clément d’Alexandrie, était le signe de l’idée lune dans l’écriture sacrée égyptienne[170];

2o Du caractère symbolique Dieu-mâle, signe déterminatif d’espèce qui est le caractère final de tous les noms propres des dieux égyptiens. 62 Ce groupe répond aux mots de la langue parlée POOH-NOUTÉ le Dieu-lune. Nous ajouterons aussi que le croissant renversé était, selon Horapollon[171], le signe de l’idée mois (Voyez notre pl. 14, No 3). Ce même caractère est en effet le signe initial de tous les groupes hiéroglyphiques, exprimant les noms propres des mois égyptiens. On trouve enfin, dans les inscriptions précitées du zodiaque circulaire de Dendéra, ce même croissant placé les cornes en haut (Pl. 14, No 9). Il servait à noter le commencement du mois; comme sa position inverse, le croissant les cornes en bas, en exprimait la fin et l’accomplissement[172].

La planche 14.2 contient une nouvelle image du Dieu-lune accompagnée de symboles indiquant une circonstance particulière du cours de cet astre. Ce tableau emblématique est reproduit parmi les peintures des manuscrits funéraires, soit hiératiques, soit hiéroglyphiques, un peu complets[173].

Pooh, la tête surmontée du disque entier, peint tantôt en jaune, tantôt en rouge, ainsi que du croissant, se montre assis sur une bari ou barque, symbole du mouvement de l’astre autour de la terre. Devant le dieu est un autel chargé d’un pain sacré et d’une fleur de lotus; derrière lui est le groupe hiéroglyphique exprimant l’idée d’Adoration, de service ou d’honneur rendu aux dieux dans le texte sacré de l’inscription de Rosette[174]. Hors de la barque sont des cynocéphales faisant face au dieu et élevant leurs bras vers le ciel. La posture de ces animaux indique sans aucun doute que le tableau entier représente emblématiquement le lever de la lune. Horapollon dit en effet que le cynocéphale debout et les mains élevées vers le ciel exprime le lever de la lune[175], que cet animal semble ainsi féliciter et accueillir avec joie[176].

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Planche 14.2.


63

POOH, PIIOH, IOH,
LE DIEU-LUNE, DIRECTEUR DES AMES.

L’esprit des peuples les plus civilisés de l’ancien continent, éminemment porté vers les idées religieuses, s’efforça, soutenu par des méthodes plus ou moins perfectionnées, de rechercher la nature des choses; et non content d’étudier et de systématiser le monde physique, il voulut même pénétrer tous les secrets du monde intellectuel. L’Égypte proclama, la première, le dogme sublime de l’immortalité de l’ame[177]; mais à cette vérité, source pure de toute morale, et fondement nécessaire de l’ordre social, les premiers législateurs ne purent lier que de simples hypothèses lorsque, établissant un corps de doctrine religieuse, ils voulurent expliquer aux hommes l’origine, l’état présent et le sort futur de cette portion de vie et de raison qui nous anime et qui nous dirige.

Les Égyptiens pensaient que les ames de tous les êtres qui peuplent l’univers, n’étaient que des émanations directes de l’Ame par excellence, de l’Esprit éternel et incompréhensible qui créa, maintient et gouverne les mondes[178]. Ils croyaient aussi que, sujettes à diverses transmigrations, les ames devaient successivement passer, en expiation d’une faute primordiale, dans les corps d’êtres de différents ordres, avant de rentrer dans le sein de la grande Ame dont elles sont émanées. La croyance vulgaire voulait enfin que, dans l’intervalle d’une transmigration à une autre, les ames errassent pendant un certain temps, dégagées des liens corporels, dans cet espace du ciel compris entre la terre et la Lune[179], zone à laquelle le Dieu-Lune, Pooh, présidait spécialement.

Ainsi, cette divinité jouait un rôle important dans le système psychologique des Égyptiens; et parmi les peintures qui ornent les manuscrits découverts dans les cercueils ou sous les bandelettes des momies, il en est plusieurs qui sont relatives aux ames habitant la zone céleste soumise au Dieu Pooh. Ces manuscrits renferment le Rituel funéraire plus ou moins complet; et ce rituel, composé de prières adressées, en faveur de l’ame d’un défunt, à toutes les divinités présidant soit à la direction des ames pendant 64 leur union et après la séparation du corps, soit aux différentes régions célestes dans lesquelles l’ame peut être envoyée, se divise en trois parties principales, ordinairement séparées par de grandes scènes peintes occupant toute la hauteur du manuscrit. La scène qui se trouve figurée entre la première et la seconde partie du Rituel funéraire[180], est divisée en trois bandes horizontales; la bande supérieure représente la haute région du ciel occupée par l’image du Soleil répandant ses rayons sur les régions d’en-bas; la troisième bande, est la région inférieure, la terre, et offre l’image du défunt assis, et recevant, pour l’ordinaire, les hommages de sa famille; la bande intermédiaire est la partie du ciel située entre la Lune et la Terre, la demeure des ames, Ψυχῶν οἰκητήριον[181]; on y a peint le Dieu Pooh (la Lune) sous une forme humaine, élevant ses bras comme pour soutenir le disque lunaire placé sur sa tête. Cette divinité est toujours accompagnée de cynocéphales, dont la posture indique le lever de la Lune[182], et souvent aussi d’oiseaux à tête et à bras humains dans une attitude de respect et d’adoration.

Ces oiseaux symboliques, formés d’un corps d’épervier et d’une tête d’homme ou de femme, étaient, chez les Égyptiens, les images sous lesquelles ils représentaient habituellement les ames dans les peintures emblématiques. Les témoignages de l’antiquité sont formels à cet égard[183]; et s’il était besoin de nouvelles preuves, on pourrait citer le beau manuscrit hiéroglyphique acquis de M. Thédenat pour le cabinet des antiques de la Bibliothèque du Roi, manuscrit dans lequel on voit un de ces éperviers à tête humaine non barbue, perché sur un grand tas de blé devant de riches offrandes, et accompagné de la légende suivante en caractères sacrés Ⲃⲁⲓ (ⲟⲛϩ) ⲛ (ⲟⲩⲥⲓⲣⲉ) ⲧⲛⲧⲁⲙⲛ (ϩⲓⲙⲉ), Bai onh nousire tntamen hime l’Ame vivante de l’Osirienne Tentamon. On retrouve dans cette légende le mot BAI qui, selon Horapollon, est le mot même dont se servaient les Égyptiens pour exprimer l’idée Ame[183].

Notre planche 14.3, tirée de l’un des papyrus hiératiques publiés par la Commission d’Égypte, et reproduite avec les couleurs propres à chaque objet dans une foule d’autres manuscrits, nous offre donc les Ames adorant le dieu Pooh dans la zône céleste soumise à sa puissance.

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Planche 14.3.


65

POOH, ou PIIOH,
LA LUNE, LE DIEU-LUNE.

Le nombre peu considérable d’images du Dieu-Lune, observées jusqu’ici sur les monuments d’ancien style égyptien, n’avait point encore permis de reconnaître les différents noms hiéroglyphiques de cette grande divinité. Celui qu’on a présenté dans les planches 14 et 14.2 est purement figuratif; il offre la représentation d’une des principales phases de l’astre dont ce dieu réglait le cours et les mouvements. Ce nom répond, quant à sa nature graphique, au nom figuratif du soleil donné sur la planche 24, no 4; mais il était indubitable que le nom d’une essence divine aussi généralement vénérée par les Égyptiens que le fut le dieu Pooh, devait se trouver sous plusieurs formes dans les textes hiéroglyphiques. On a déja pu voir, en effet, que les noms propres des grandes divinités sont exprimés, dans les légendes en écriture sacrée, par trois méthodes essentiellement distinctes: 1o figurativement[184]; 2o symboliquement[185]; 3o phonétiquement[186]; et qu’il n’est point rare enfin de trouver, à côté de l’image d’un dieu, soit ses noms phonétique et figuratif réunis[187], soit même ces trois sortes de noms à la fois[188].

C’était seulement au milieu d’une collection de monuments comme celle de S. M. le roi de Sardaigne, véritable musée égyptien, objet d’un vif regret pour les lettrés de France, que je pouvais espérer de recueillir les divers noms hiéroglyphiques du dieu Lune. J’ai en effet reconnu, dans cette admirable collection, plusieurs monuments qui se rapportent, sans aucun doute, au culte du dieu Pooh; leur examen m’a conduit à recueillir deux nouveaux noms de cette divinité, en écriture sacrée.

La figure gravée sur notre planche 14.4, a été calquée sur une stèle de ce musée; ce petit monument, d’une conservation parfaite, est en pierre calcaire blanche d’un grain très-fin; la sculpture, d’un très-bon travail, a été peinte, et les couleurs ont conservé toute leur vivacité. La hauteur de la stèle est partagée en deux compartiments: la division supérieure 66 représente le dieu Pooh assis sur un trône richement décoré; devant lui, est un autel chargé de pains arrondis, d’un vase contenant des mets consacrés, de diverses sortes de plantes, et d’un superbe bouquet de lotus lié avec des bandelettes de diverses couleurs.

Les insignes du dieu ne diffèrent point essentiellement de ceux qu’il porte déja sur notre planche no 14; la tunique seule est blanche sur le bas-relief de Turin; le disque et le croissant sont aussi peints en jaune, et l’ornement qui retombe sur le devant du collier est d’une forme bien plus distincte. L’Uræus, ou serpent, emblême de la puissance royale, est fixé au diadême qui ceint l’étroite coiffure du dieu, toujours de couleur noire.

Le nom du dieu reproduit sur notre planche est composé de quatre caractères, non compris le signe déterminatif d’espèce Dieu, qui en indique la fin. Le premier est un disque entièrement noir sur la stèle, mais que j’ai retrouvé peint en jaune, ou bien strié, dans ce même nom divin inscrit soit sur des cercueils de momies, soit dans des manuscrits funéraires. D’autres circonstances, qu’il serait trop long de développer ici, me persuadent également que ce premier signe n’est qu’un caractère figuratif, une simple représentation du disque de la Lune que l’on peint en noir ou en jaune, et que l’on strie souvent encore, pour le distinguer du disque du Soleil, peint en rouge dans les inscriptions coloriées, ou figuré par un simple cercle dont l’intérieur est blanc, ou porte seulement un point noir à son centre dans les textes en hiéroglyphes linéaires.

Les trois derniers signes sont phonétiques, et répondent aux lettres coptes ⲛⲥⲟⲩ, de sorte que ce nom entier pouvait se prononcer Ooh-en-sou, ou Ioh-en-sou, suivant les dialectes; il exprime bien certainement une phase particulière de la Lune, un des états du Dieu ou de l’astre auquel il préside: si nous remarquons en effet que le second caractère ⲛ est un signe de rapport répondant à la préposition de, il nous restera le mot ⲥⲟⲩ (sou) qui, dans tous les textes coptes, se place comme déterminatif devant les nombres exprimant le quantième des jours du mois. Ainsi ⲥⲟⲩ ⲃ ⲛⲁⲑⲱⲣ signifiait le second jour du mois d’Athôr; et dans les différents dialectes de la langue égyptienne, les mots ⲥⲟⲩⲁ (soua), ⲥⲟⲩⲁⲓ (souai), et ⲥⲟⲩⲉⲉⲓ (souééi), exprimaient à la fois et le premier jour du mois, et la Néoménie ou Nouvelle Lune. Il est bien difficile de ne point reconnaître une étroite connexion entre la syllabe hiéroglyphique sou, qui termine le nom du Dieu-Lune, et le mot copte ⲥⲟⲩ appliqué aux subdivisions du mois, période calquée primordialement sur le cours de la Lune et ses diverses apparences.

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Planche 14.4.


67

EMBLEMES DE LA LUNE,
OU DU DIEU OOH, IOH, POOH, LE DIEU-LUNE.

L’image du Dieu-Lune, dans la planche précédente, reçoit, sur la stèle du musée de Turin dont on l’a extraite, les offrandes de deux personnages représentés dans le second compartiment de la stèle, agenouillés et élevant les mains en signe d’adoration. Les inscriptions hiéroglyphiques tracées à côté de ces deux individus, nous apprennent que la stèle entière n’est qu’une sorte de Προσκύνημα, ou d’Acte d’Adoration du Dieu Ooh-en-sou par le hiérogrammate d’Ammon Neb-rè, et par son fils qui l’aime, Aménémophi. Deux autres stèles, toujours d’un petit volume, offrent également des hommages à la même divinité; mais la forme sous laquelle on l’adore, et le nom sacré inscrit à côté de l’image et dans le texte de la prière qu’on lui adresse, diffèrent essentiellement de tout ce que nous avons vu jusqu’ici.

A la place du dieu, on a sculpté la représentation de la Lune même, sous l’apparence d’un grand disque peint en jaune et combiné avec le croissant; c’est la reproduction en grand de l’insigne caractéristique qu’on place sur la tête du dieu Pooh, de la même manière que le disque du Soleil repose sur la tête du dieu Phré, lorsque ces deux divinités sont figurées sous une forme humaine.

Dans ces deux stèles, le globe lunaire est porté sur une barque, symbole du mouvement de l’astre. Mais dans la première, les deux extrémités de la barque sont couronnées par une fleur de Lotus, tandis que la proue de la seconde est recourbée et se termine en pointe aiguë, particularité que je n’ai observée jusqu’ici que dans les Bari, ou vaisseaux mystiques consacrés à la Lune. Les deux barques reposent, non sur une image quelconque de l’eau, mais sur le caractère hiéroglyphique déja connu pour le signe figuratif du ciel[189]; c’était une manière très-simple d’exprimer le cours ou la navigation de la Lune dans l’immensité des cieux. 68

L’une de ces deux barques symboliques nous montre le globe de la Lune flanqué de deux yeux configurés d’une manière particulière; cet emblême, que l’on a pris tantôt pour une tête de coq, tantôt pour celle d’un cheval, n’est qu’une manière conventionnelle de représenter des yeux de taureau, ainsi que nous le montrerons dans un article spécialement relatif à ce symbole, commun au dieu Pooh et au dieu Phré, comme à Osiris.

Un nouveau nom hiéroglyphique du Dieu-Lune se présente sur ces deux stèles; c’est le véritable nom propre de cette divinité, écrit phonétiquement et suivi d’un signe déterminatif qui ne laisse aucune espèce de doute sur sa valeur. La feuille, le bras étendu, et la chaîne, ou nœud, forment les éléments phonétiques de ce nom; les deux premiers sont des voyelles qui expriment, suivant l’occasion, les sons A, I, ou O, dans tous les textes hiéroglyphiques; le dernier (la chaîne) répond au ϩ (hori) des Coptes; nous avons donc ici incontestablement l’orthographe hiéroglyphique des mots coptes ⲟⲟϩ (ooh), ⲱϩ (ôh), et ⲓⲟϩ (ioh), qui expriment d’une manière spéciale l’idée Lune dans le dialecte thébain et le dialecte memphitique.

Ce mot phonétique est suivi, dans les deux stèles où il est reproduit cinq fois, d’un caractère déterminatif: le Croissant de la Lune renversé, ou le disque combiné avec le Croissant dont les cornes sont également tournées en bas; ce qui ramène encore à l’idée du mois ou période lunaire. Enfin le nom hiéroglyphique du dieu Thoth (le deuxième Hermès) est lié, sur les deux stèles, au nom du Dieu-Lune, comme pour rappeler la liaison intime qui existait, dans les mythes égyptiens, entre ces deux divinités, que les monuments d’ancien style identifient par une telle communauté d’attributs et de fonctions, qu’on est tenté de les considérer comme ne formant qu’un seul et même personnage mythique.

La légende hiéroglyphique, inscrite au-dessus de la première barque symbolique, signifie textuellement Ooh ou Ioh-Thôouti, Dieu grand, Seigneur suprême, Roi des Dieux; celle de la seconde stèle porte seulement les mots Ioh-Thôouti, Dieu grand. Le titre de Roi des Dieux ne peut avoir été donné ainsi au dieu Pooh ou Ioh, que tout autant qu’on le considérait comme une des formes d’Amon-ra, le grand Démiurge.

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Planche 14.5.


69

LE CYNOCÉPHALE,
EMBLÊME DE POOH, LE DIEU LUNE.

Les rapports intimes que le système théogonique des Égyptiens établissait, comme le prouvent les monuments, entre le second Hermès, ou Thoth Ibiocéphale, et Pooh, ou le Dieu-Lune, nous sont encore signalés par l’identité des emblêmes communs à ces deux divinités. L’animal symbolique de Thoth, fut aussi celui du Dieu-Lune, et le Cynocéphale se montre indifféremment paré des insignes propres à l’un ou à l’autre de ces personnages mystiques.

Horapollon dit expressément, en effet, que le Cynocéphale représente la Lune[190] dans l’écriture sacrée, et il en donne pour raison, que cette espèce de singe est douée d’une certaine sympathie avec le cours de cet astre qui exerce sur lui une singulière influence: «Pendant la conjonction du soleil avec la lune, dit cet auteur, tant que ce dernier astre reste opaque et privé de lumière, le cynocéphale mâle ne voit point, se prive de nourriture, et, la tête tristement penchée vers la terre, il semble déplorer l’enlèvement (ἁρπάγην) de la lune; la femelle du cynocéphale est alors aussi privée de la vue, et éprouve non-seulement les mêmes effets que le mâle, mais encore est sujette à une perte de sang[191] à cette même époque.» Enfin, si nous voulons en croire le même écrivain, dont l’ouvrage renferme d’ailleurs de si précieux documents, les Égyptiens avaient coutume, à l’époque même où il composa son livre, de nourrir des cynocéphales dans les hiérons, pour connaître le temps précis de la conjonction du soleil et de la lune[192]. Quoi qu’il en puisse être de cette singulière méthode d’observation, il est certain que le préjugé de l’influence lunaire sur certains animaux et sur l’espèce des singes en particulier, ne fut point seulement répandu en 70 Égypte, mais qu’il obtint quelque crédit en Grèce et même en Italie: le naturaliste Pline assure aussi de son côté, que les singes sont tristes pendant l’opacité de la lune, lunâ cavâ tristes esse[193].

Parmi les animaux sacrés de l’Égypte, le cynocéphale est un de ceux dont les images sont les plus multipliées sur les monuments d’ancien style; symbole de deux des principales divinités, il se montre soit debout et les bras élevés pour exprimer le lever de la lune[194], soit accroupi, dans l’attitude même que lui donnaient les embaumeurs lorsqu’ils préparaient le corps d’un individu de ce genre[195], et la tête ornée du disque et du croissant lunaires combinés ainsi qu’on le voit sur la planche ci-jointe, copie exacte d’une petite stèle peinte faisant partie du musée royal égyptien de Turin. Le cynocéphale est accroupi devant un autel sur lequel sont placés un beau faisceau de fleurs de lotus et des pains sacrés; au pied de l’autel sont deux vases dont l’un est ceint d’une bandelette et l’autre entouré d’une tige de lotus terminée par la fleur encore en bouton. La partie inférieure de la stèle, est occupée par quatre colonnes d’hiéroglyphes, effacés en grande partie, et qui contenaient une prière adressée au Cynocéphale sacré, ou plus exactement aux divinités mêmes dont cet animal n’était que le symbole, les Dieux Pooh et Thoth seigneur de Schumon (ou des huit régions), par un certain Ramès ou Ramisé (l’enfant du soleil), personnage qui est figuré à genoux, couvert d’une ample tunique blanche, et les chairs peintes en rouge, selon la méthode ordinaire.

Au-dessus des offrandes, on a sculpté en grand le caractère figuratif Lune, formé du disque et du croissant, comme un emblême parlant de la divinité à laquelle avait été consacré ce curieux monument; il présente ainsi, confondus en un seul, le culte du Dieu Lune et celui du Dieu Thoth, connexion qu’on eût déja pu soupçonner à la vue des médailles gréco-romaines du nome d’Hermopolis magna, la grande ville de Thoth, dont quelques-unes portent sur leur revers un cynocéphale accroupi et la tête ornée du disque lunaire.

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Planche 14.6.


71

POOH HIÉRACOCÉPHALE.
(LE DIEU-LUNE A TÊTE D’ÉPERVIER.)

S’il arrive souvent que les descriptions, données par les auteurs grecs ou latins, des simulacres ou des statues des dieux adorés en Égypte, ne paraissent point s’accorder avec ce que nous montrent les monuments originaux placés sous nos yeux, plus souvent encore nous sommes forcés de reconnaître leur fidélité à cet égard et l’exactitude des renseignements sur la foi desquels ils écrivirent. Ainsi la description de l’image du dieu Cnouphis adoré dans l’île d’Éléphantine, est tellement circonstanciée dans Eusèbe[196], que les membres de la Commission d’Égypte, visitant les ruines d’un des temples de cette île, reconnurent aussitôt la représentation du dieu parmi les sculptures de l’édifice du sud. C’est également dans le même Traité de ce savant Père de l’Église, que se trouve un document précieux, à l’aide duquel j’ai reconnu plusieurs nouvelles formes symboliques, ou conventionnelles, que les Égyptiens donnèrent aux images de leur dieu Pooh ou le Dieu-Lune.

Dans le troisième livre de sa Préparation évangélique, après avoir parlé de la statue de Cnouphis à Eléphantine, Eusèbe affirme que, dans la ville d’Apollonopolis, les Égyptiens adoraient principalement la lune et qu’on l’y voyait représentée sous la forme D’UN HOMME A TÊTE D’ÉPERVIER (Ἱερακοπρόσωπος ἄνθρωπος), un javelot à la main, et subjuguant un hippopotame, 72 emblème de Typhon[197]. Il est évident qu’il est ici question de la grande cité d’Apollon, située dans la Thébaïde, au midi de Thèbes, et nommée Aⲧⲃⲱ, Atvô par les Égyptiens, nom local dont les Arabes ont fait celui d’Idfou, Edfou ou Odfou que cette ville porte encore de nos jours. Il est en même temps évident que la scène décrite par Eusèbe, était le sujet d’un des bas-reliefs qui décoraient le grand temple d’Apollonopolis. Malheureusement ce tableau symbolique ne se retrouve point, à ma connaissance du moins, dans le petit nombre de sculptures copiées par les divers voyageurs, soit dans le grand temple d’Edfou, soit dans le Typhonium placé à une petite distance de ce magnifique édifice.

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Planche 14.7.

Mais un bas-relief dessiné par la Commission d’Égypte à Edfou même et sur le mur extérieur du grand temple[198], nous offre l’image du Dieu-Lune telle qu’Eusèbe la décrit, avec cette seule différence, que le dieu, au lieu d’être figuré poursuivant l’animal emblème du mauvais génie, est ici assis sur son trône et recevant les hommages de l’un des souverains de l’Égypte. Ce roi est un des princes les plus connus de la famille des Lagides, Ptolémée Évergète II, ainsi que nous l’apprend sa légende royale renfermée dans deux cartouches: le seigneur du monde, le dieu Évergète, approuvé de Phtha, image vivante d’Amon-ra, le fils du soleil Ptolémée toujours-vivant chéri de Phtha, dieu grand. Évergète II porte, au-dessus de sa coiffure ordinaire, le Pschent, symbole de la domination sur les régions d’en-haut et les régions d’en-bas; derrière ce roi est cette légende qui accompagne toujours les images des grands personnages représentés sur les monuments de l’Égypte, légende qu’on a cru devoir désigner sous le nom de légende sacerdotale, mais qui ne contient en réalité que des titres appartenant aux souverains à côté desquels elle est inscrite, 73 et qui se réduit pour l’ordinaire aux idées suivantes: le vivant et bienfaisant dominateur de la région inférieure, comme le soleil pour toujours.

La divinité adorée par le roi Lagide, est assise sur un trône placé sur un socle élevé. Sa tête est celle d’un épervier, ce qui a pu la faire prendre, à la première vue, pour une représentation de Phré ou le soleil: mais le Disque ou Amphicyrte, placé sur la tête de l’oiseau, est très-clairement combiné avec la dichotomie, ou moitié du disque lunaire; et nous avons vu que ces deux phases ainsi réunies étaient, en Égypte, l’emblème ordinaire de la lune[199]. L’Uræus au milieu du disque entier, est le symbole de la toute puissance inhérente à ce personnage, l’un des premiers et des plus anciens dieux de l’Égypte. Il faut donc reconnaître ici une nouvelle forme propre au Lunus égyptien, appelé indifféremment Ioh, Ooh et Ooh-ensou.

La légende hiéroglyphique sculptée à côté de ce personnage divin, ne laisse d’ailleurs aucune sorte de doute à cet égard, quoique très-incorrectement copiée par la Commission d’Égypte, ce qui provient sans doute du mauvais état du bas-relief; les sept premiers signes sont très-reconnaissables et signifient clairement: ceci est l’image d’Ooh-ensou dieu: la gravure publiée dans la Description de l’Égypte, met un scorpion à la place de la tige de plante à quatre feuilles, qui termine ordinairement ce nom du Dieu-Lune[200]. Le dernier signe de ce nom divin, le signe déterminatif d’espèce, est ici l’image même du dieu, tracée de petite proportion avec ses principaux attributs, comme cela arrive sur les grands monuments à la suite des noms propres phonétiques des divinités égyptiennes[201].

Le roi Ptolémée Evergète II est représenté, dans ce même bas-relief, en acte d’offrir un sacrifice au Dieu-Lune; et l’animal qu’il égorge sur 74 l’autel, est le chamois du désert, appelé Oryx (Ὄρυξ) par les Grecs. Aucune offrande ne pouvait être plus agréable au dieu, dans les idées égyptiennes du moins, que celle du sang de cet animal particulièrement consacré à Typhon, le symbole spécial de l’impureté et l’ennemi déclaré de la lune: car, disait-on, aussitôt que cet astre va paraître sur l’horizon, l’oryx, tournant ses yeux du côté de cet être divin, jette des cris et le maudit à sa manière, au lieu de l’accueillir avec joie; bientôt après il creuse la terre avec ses pattes antérieures, et cache ses yeux dans la poussière pour ne point voir le lever même de l’astre[202].

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Planche 14.8.


75

POOH, ou PIIOH HIÉRACOCÉPHALE.
(LE DIEU-LUNE A TÊTE D’ÉPERVIER.)

Les significations très-variées[203] que les Égyptiens attachaient à l’Épervier, employé comme caractère dans leur écriture symbolique, expliquent assez pourquoi un très-grand nombre de divinités furent représentées soit hiéracomorphes, soit hiéracocéphales; et nous venons de prouver dans l’article précédent que, parmi les dieux figurés dans les bas-reliefs et les peintures avec une tête d’épervier, il fallait aussi comprendre le Dieu-Lune, Ooh, Pooh, Ioh, Piioh ou Ooh-ensou.

C’est sous une forme semblable que cette grande divinité se montre dans la seconde partie des grands manuscrits funéraires, où il est très-difficile de la distinguer des images mêmes du dieu Phré (le soleil): mais lorsque ces papyrus sont coloriés, on reconnaît toujours le Dieu Pooh à son disque peint en jaune, tandis que celui du soleil est de couleur rouge. C’est parmi les fragments d’un superbe manuscrit appartenant au musée royal de Turin, que j’ai recueilli la belle figure du Dieu-Lune Hiéracocéphale, reproduite sur notre planche 14.8. Sa tête d’épervier est ici surmontée, non de l’amphicyrte combiné avec la dichotomie, mais de l’amphicyrte placé sur le croissant. Le corps du dieu dans tout ce qui se rapporte à la forme humaine, est peint en rouge: mais d’un autre côté nous apprenons d’Eusèbe, que le corps du Dieu-Lune Hiéracocéphale était quelquefois peint de couleur blanche (λευκὸν δὲ τῇ χρόᾳ τὸ ἄγαλμα), comme pour montrer que la lune reçoit d’ailleurs que d’elle-même la lumière dont elle brille[204], et ce fut aussi, selon le témoignage du même auteur, pour indiquer la source de cette lumière, 76 que les Égyptiens donnèrent au Dieu-Lune la tête d’un épervier, l’oiseau consacré au soleil: voulant exprimer ainsi que la lune est illuminée par le soleil, et qu’elle reçoit de lui toute sa force vitale[205].

Le Dieu-Lune (planche 14.8) est représenté accompagnant Amon-ra, dans les fragments d’un papyrus du musée de Turin; ce manuscrit était orné, à en juger par celles qui restent, de figures en pied, de sept pouces de proportion au moins, exécutées avec une très-grande recherche. C’est dans la même collection, vraiment royale, d’antiquités égyptiennes, que j’ai aussi reconnu la singulière image du Dieu-Lune, gravée dans la planche 14.9, à laquelle ce texte se rapporte.

Ici le dieu est figuré avec deux têtes d’épervier adaptées à un corps humain. Le disque entier et le croissant caractérisent l’astre que représente cette bizarre composition. La divinité, déployant ses ailes au nombre de quatre, appuie légèrement ses pieds sur les têtes de deux crocodiles. On a déja vu que ce terrible animal était l’emblème du temps, du lever et du coucher des astres; que sous un autre rapport, il exprimait la fécondité. Il était donc, pour ainsi dire, inévitable de le trouver en contact avec les images du Dieu-Lune, de l’esprit recteur de l’astre qui, selon les Égyptiens, engendrait et entretenait toutes les choses nécessaires à la conservation de l’univers[206].

Cette représentation symbolique est sculptée au milieu d’une foule d’autres, sur la tunique d’une statue qui, comme le fameux torse du musée Borgia, présente un véritable Panthéon égyptien presque complet. La légende hiéroglyphique qui l’accompagne, nous apprend que c’est là l’image du Ⲟⲟϩ-ⲛⲥⲟⲩ ϫⲣ ϥϩⲙ ⲛⲛⲛⲡⲏⲩⲉ, puissant Ooh-en-sou qui est dans les cieux.

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Planche 14.9.


77

OOH, POOH, OHENSOU.
(LE DIEU LUNE.)

Les peuples anciens attribuaient à l’influence des astres en général, et à celle de la lune en particulier, la cause de tant de phénomènes physiques, qu’en mettant même à part tout ce qui peut avoir trait à leur croyance relativement à l’astrologie judiciaire proprement dite, la plupart des opérations de l’agriculture, et une foule d’usages civils ou domestiques ne se pratiquaient jadis que lorsqu’on avait préalablement reconnu dans quelle phase se montrait celle de toutes les planètes qui, après le soleil, était censée réagir d’une manière plus puissante et plus active sur le globe terrestre et sur les êtres qui l’habitaient. Dans l’Égypte surtout, où l’astronomie fit de bonne heure des progrès remarquables, dans une contrée où cette science, placée à la tête des connaissances utiles, régla toujours (même à l’époque où la faiblesse humaine en appréciait bien plus les aberrations que les données positives) presque tous les mouvements du corps social, le culte du Dieu-Lune fut nécessairement très-répandu; et si certaines préfectures de l’Égypte adoraient des divinités spéciales, chaque nome éleva des autels au dieu Pooh, Ooh ou Ohensou, le génie qui présidait au cours de l’astre lunaire.

Cette généralité du culte rendu au Dieu-Lune dans l’ancienne Égypte, explique le nombre considérable d’images de cette divinité réunies dans les collections publiques et particulières. Ces figurines sont de matières diverses. Il en existe en terre émaillée bleue ou verte; en bois doré, en argent et en bronze: la plupart représentent le Dieu Pooh, tel qu’on le retrouve sur les bas-reliefs des temples, casqué, enveloppé d’un vêtement étroit, et la tête surmontée du disque et du croissant combinés. Souvent aussi on a placé dans ses mains le fouet, le sceptre recourbé et le nilomètre (voy. pl. 14.10, nos 1 et 3); mais quelques-unes de ces images, surtout celles de bronze, offrent souvent des particularités dignes d’être notées. 78

La statuette gravée sous le no 3 de notre planche, représente le Dieu-Lune à deux faces, comme le Janus Bifrons des Latins, et la bélière qui servait à suspendre cet amulette au col du dévot égyptien est attachée au disque commun aux deux têtes.

Le no 4 nous montre la même divinité entièrement nue, ce que je n’ai jamais observé sur les stèles, ni parmi les nombreux dessins des bas-reliefs sculptés sur les temples de l’Égypte.

Enfin le no 5 se recommande à notre attention, puisque cette figurine est une nouvelle preuve des rapports intimes qui, dans les mythes sacrés de l’Égypte, liaient le Dieu-Lune avec le second Hermès ou Thoth-Ibiocéphale. Le dieu Pooh, également nu comme la statuette précitée, porte, au-dessus de son insigne spécial, le disque et le croissant de la lune réunis, une TÊTE d’Ibis, oiseau qui fut l’emblème vivant de l’Hermès deux fois grand, combinée avec la coiffure symbolique donnée au même dieu Thoth-Ibiocéphale sur les grands monuments où cet être mythique est particulièrement représenté[207]. La contraction de ces deux divinités en une seule, si l’on peut s’exprimer ainsi, portait parmi les Égyptiens, ainsi que je l’ai établi d’après une série de faits puisés aux sources originales, le nom de Ooh-Thôout ou Aah-Thôout (Lune-Hermès) ΣΕΛΗΝΕΡΜΗΣ. (Légende, no 1.)

La forme hiératique de cette légende (no 2 de la planche 14.10) est extraite d’un manuscrit hiératique contenant les litanies du dieu Ooh-Thôout, papyrus que j’ai trouvé parmi ceux de la collection Drovetti acquise par S. M. le roi de Sardaigne. Chaque ligne de ce texte curieux commence par ce double nom divin, accompagné soit d’un titre honorifique particulier à Ooh-Thôout, soit de l’indication de l’une des régions célestes qu’il était censé habiter selon la croyance égyptienne. J’aurai l’occasion de revenir sur ce curieux manuscrit.

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Planche 14.10.


79

THOTH TRISMÉGISTE,
LE PREMIER HERMÈS, HERMÈS TRISMÉGISTE.

Le personnage mythique à tête d’épervier, figuré sur cette planche, remplit, dans les scènes religieuses sculptées sur les grands monuments de l’Égypte, des fonctions analogues à celles du dieu qu’à sa tête d’Ibis on n’a pu méconnaître pour l’Hermès égyptien, appelé Thoyth ou Taut par les écrivains grecs et latins. Le dieu Hiéracocéphale et le dieu Ibiocéphale sont représentés dans les bas-reliefs des appartements de granit au palais de Karnac, instruisant un roi d’Égypte placé au milieu d’eux[208]. Ce roi est Philippe, dit Aridée, le successeur d’Alexandre-le-Grand; sa légende royale, placée au-dessus de sa tête, porte en effet: Le Roi, chéri d’Amon-ra, approuvé par le Soleil, fils du Soleil, Philippe[209]. Dans le même bas-relief ce prince est d’abord purifié par le dieu Hiéracocéphale et le dieu Ibiocéphale[210], qui versent au-dessus de sa tête l’eau sainte s’échappant de deux vases. La même scène existe au palais de Medinet Abou[211]; mais le roi purifié est ici un des anciens Pharaons dont on n’a point copié la légende royale; cette scène est également reproduite dans les bas-reliefs qui décorent le portique du grand temple de Philæ[212]. L’eau sortant des vases, qu’épanchent les deux divinités, est entremêlée des signes symboliques de la vie divine et de la bienfaisance. A Esné enfin, les personnages Hiéracocéphale et Ibiocéphale semblent 80 instruire ou honorer une femme coiffée de la partie supérieure du Pschent[213].

Il est évident, par l’examen des monuments qu’on vient de citer, que le dieu à tête d’épervier partage toutes les attributions de l’Hermès égyptien à tête d’Ibis; et si l’on considère aussi que les personnages instruits ou purifiés font toujours face à l’Hiéracocéphale, il devient certain que cette divinité est supérieure à l’Hermès Ibiocéphale; et cette suprématie, comme cette analogie de fonctions, s’expliquent bien naturellement par le fait seul que les Égyptiens reconnaissaient deux Hermès parmi leurs divinités.

Cette distinction importante était positivement exprimée dans l’ouvrage de Manéthon, écrit par ordre de Ptolémée Philadelphe[214]. Ce grand-prêtre égyptien y parlait de Thoth le premier Hermès (Θὼθ ὁ πρῶτος Ἑρμῆς), qui, avant le Cataclysme, avait inscrit sur des stèles, en hiéroglyphes et en langue sacrée, les principes des connaissances, et composé ainsi les premiers livres sacrés, qui furent traduits, après le Cataclysme, en écriture hiérographique (hiératique) et en langue commune, par le fils d’Agathodæmon (ὁ δεύτερος Ἑρμῆς) LE SECOND HERMÈS père de Tat. Ce passage de Manéthon confirme donc ce que j’avais déja déduit des monuments seuls, l’existence de deux Hermès. Cette même distinction est expressément établie dans les livres hermétiques, qui, malgré les jugements hasardés qu’en ont portés certains critiques modernes, n’en renferment pas moins une masse de traditions purement égyptiennes et constamment d’accord avec les monuments.

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Planche 15.

Dans le dialogue sacré d’Isis et d’Horus[215], qui contient l’exposition de tout le système cosmogonique et psychologique des Égyptiens, le premier Hermès est qualifié de trois fois grand ou trois fois très-grand (Τρισμέγιστος), de père et de directeur de toutes choses (Πατὴρ πάντων καὶ καθηγητὴς) et d’historiographe des dieux (θεῶν ὑπομνηματογράφος). Ces titres donnés au premier Hermès sont, quelque magnifiques qu’ils puissent 81 paraître, justifiés par les actions et le rôle que les mythes sacrés lui attribuaient. Ce dieu, dès l’origine des temps et avant l’organisation du monde physique, fut le seul des immortels qui comprit l’essence du Démiurge ou dieu suprême, et celle des choses célestes; il déposa ces connaissances dans des livres qu’il voulut laisser inconnus jusqu’à la création des ames. C’est ce même dieu qui prépara la matière dont furent formés les corps de la race humaine; il promit alors de rendre ces nouveaux êtres fort doux, et de leur inspirer la prudence, la tempérance, l’obéissance et l’amour de la vérité. Ce furent Osiris et Isis, pendant leur incarnation terrestre, qui firent connaître aux hommes la partie des livres d’Hermès Trismégiste, qui devait régler leur vie intellectuelle et physique. Il résulte enfin de la lecture attentive de ce curieux dialogue d’Isis et d’Horus, qu’Hermès n’est autre que l’intelligence divine personnifiée; aussi ce dieu est-il appelé par le dieu suprême ou le Démiurge: Ame de mon ame (Ὦ ψυχῆς ἐμῆς ψυχή), Intelligence sacrée de mon intelligence (Νοῦς ἱερὸς ἐμοῦ νοῦ), et porte-t-il le titre de Πάντα νοῶν, Intelligens omnia[216].

Il résulte aussi de la comparaison des monuments et des divers écrits des anciens, que l’Hermès Hiéracocéphale et l’Hermès Ibiocéphale, ou, en d’autres termes, que le premier et le second Hermès, n’étaient qu’un seul et même personnage considéré sous deux points de vue différents: l’un, celui à tête d’épervier (voyez notre planche 15), auquel appartint plus spécialement le titre de Trismégiste, fut l’Hermès Céleste, l’instituteur des dieux, l’intelligence divine personnifiée; l’autre, l’Hermès à tête d’Ibis, l’Hermès terrestre, l’instituteur des hommes, la raison ou l’intelligence humaine personnifiée. Ce dernier, comme l’Hermès Psychopompe des Grecs, exerçait aussi son pouvoir sur les ames humaines descendues dans l’Amenti ou enfer égyptien.

La légende habituelle du premier Hermès est celle qui accompagne son image (planche 15, no 1); son nom propre est formé des deux premiers caractères qui, dans les textes hiéroglyphiques, représentent tous deux les articulations grecques Θ ou Τ, et paraissent être l’orthographe 82 égyptienne du nom Θὼθ, qui, selon Manéthon, fut celui du premier Hermès. Ce nom phonétique est ordinairement suivi du segment de sphère et du disque croisé, signes déterminatifs de tous les noms propres des contrées célestes et terrestres. Les six caractères qui suivent, expriment les titres dieu grand, seigneur de la région supérieure. Ailleurs, le nom de ce dieu est écrit symboliquement par un épervier, avec ou sans le fléau[217]. Le temple de Dakké, en Nubie, est dédié, comme le prouvent une foule d’inscriptions grecques, à Hermès, surnommé Παυτνουφις, mot qui répond au copte Pahitnoufi, Celui dont le cœur est bon.

M. Gau a dessiné dans cet édifice, dédié aux deux Hermès qui n’étaient au fond qu’une même divinité, une inscription hiéroglyphique, dans laquelle est mentionné le premier Hermès, dont le nom est exprimé par le triple épervier, suivi des qualifications dieu TROIS FOIS GRAND[218], président du temple de la demeure de Pselk (voyez notre planche 15, légende no 3). Pselk était une déesse qui avait donné son nom à la ville de Dakké, appelée en effet Pselk-is ou Pselc-is par les Grecs et les Romains, et demeure de Pselk par les Égyptiens.

La représentation du premier Hermès ou Thoth-Trismégiste, gravée sur notre planche 15, a été calquée sur une momie appartenant à M. Thédenat-Duvent.

Cette grande divinité est emblématiquement figurée sur les monuments égyptiens de tous les âges et de tous les genres, sous la forme d’un disque peint en rouge, décoré d’uræus, ainsi que de deux grandes ailes déployées, et toujours accompagné de la même légende que le dieu, comme on peut le voir sur notre planche 15.2, dont l’explication sera donnée avec celle de la planche 15.3, qui contiendra les formes variées de cet emblème du premier Hermès.

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Planche 15.2.


83

LE DISQUE AILÉ ET L’ÉPERVIER,
EMBLÈMES DE THOTH TRISMÉGISTE, OU LE IER HERMÈS.

Il existe dans le dialogue que Cicéron a écrit sur la Nature des Dieux, un passage fort remarquable relatif aux personnages divins appelés Thoth par les Égyptiens, Hermès par les Grecs, et Mercure par les Latins; passage qui donne une grande idée de l’importance que le premier Hermès paraît avoir eue dans les mythes sacrés de l’Égypte. L’orateur romain a connu et confirme d’abord une distinction que j’ai cherché à établir, celle de deux Mercure ou Hermès chez les Égyptiens. Il affirme que ce peuple avait deux Mercure bien différents l’un de l’autre. Le premier était fils du Nil (c’est-à-dire, né du Démiurge Ammon-Cnouphis[219]); et les Égyptiens, ajoute-t-il, regardaient comme un crime de prononcer son nom, «(Mercurius) Nilo natus quem Ægyptii nefas habent nominare»[220]. Quant au second Mercure connu en Égypte, poursuit Cicéron, c’est celui qui a tué Argus et qui, à cause de cela, s’étant réfugié en Égypte, donna des lois et les lettres à ce pays. Les Égyptiens l’appellent Thoyth, du même nom que le premier mois de leur année[221]. Il est évident, d’après ce passage, que le premier Hermès ne porta point le nom de Thoyth (le Thôout des livres coptes), appellation propre au second Hermès: était-ce celui de Thôth Θὼθ, par lequel Manéthon le désigne directement? C’est ce que nous ignorons encore: mais, ce qui ne saurait être douteux, le premier Hermès, dont, suivant Cicéron, il était défendu aux Égyptiens de prononcer le nom, est bien certainement le même que le dieu nommé par Jamblique, d’après les livres sacrés de l’Égypte, ΕΙΚΤΟΝ, le premier des dieux célestes (Οὐράνιοι θεοὶ), intelligence supérieure émanée de l’intelligence première, Knèph, le grand Démiurge; Eicton, dont la divine essence ne pouvait être dignement adorée que par le silence seul, Ὁ δὴ καὶ διὰ σιγῆς μόνης θεραπεύεται[222]. 84

Tout concourt ainsi à établir le haut rang qu’occupait le premier Hermès dans les mythes sacrés de l’Égypte; et si nous ajoutons que sur les nombreux monuments de cette contrée, l’image de ce dieu n’est jamais reproduite comme objet d’un culte direct; que sur aucun de ces innombrables bas-reliefs représentant des souverains ou de simples particuliers adorant les dieux, le premier Hermès, Thoth trois fois mégiste, ou Eicton, n’est jamais figuré recevant des offrandes ou des prières, on ne pourra s’empêcher de reconnaître une bien remarquable analogie entre le premier Hermès et le Bramah des Hindous. Ce dieu, le premier membre de la trinité indienne, est, comme le Thoth des Égyptiens, le père des sciences, le créateur du monde matériel, l’inventeur des lettres et l’auteur des livres sacrés de l’Indostan; et, comme ce premier Thoth des Égyptiens, il n’a, dit-on, aucun culte réglé ni aucun temple particulier: c’est le personnage le plus éminent du panthéon hindou après le Dieu suprême, et c’est le seul qui n’ait ni autels ni prêtres. Le temps nous expliquera peut-être un jour une pareille similitude.

Mais, si le premier Hermès n’avait point en Égypte un culte journalier et vulgaire, l’emblème de ce dieu occupait les parties les plus apparentes de tous les édifices sacrés et publics. Cet emblème est ce globe ailé, tellement reproduit sur les grands édifices et sur les monuments égyptiens d’une moindre proportion, que tous les voyageurs en ont parlé, l’ont décrit et ont cherché même à l’expliquer. Mais la seule opinion fondée que l’on ait énoncée à cet égard, est celle de l’un des savans contemporains auxquels les études égyptiennes doivent une direction fructueuse, à M. le docteur Th. Young, qui regarde le globe ailé comme l’image emblématique de Cnouphis-Agathodæmon[223], dont le premier Hermès n’était en effet qu’une émanation directe, une véritable personnification.

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Planche 15.3.

La forme la plus détaillée sous laquelle se présente le symbole de Thôth trismégiste, est celle que nous donnons dans notre planche 15.2. Cette riche composition décore les frises de plusieurs édifices sacrés de l’Égypte, et entre autres celle du grand temple de Dendéra[224]. Le globe est ordinairement peint en rouge, et quelquefois en jaune, les ailes sont surbaissées et peintes de couleurs variées, mais dont la combinaison n’est point constamment la même. Deux grands uræus, emblèmes de la puissance suprême, sont suspendus à ce globe et portent les insignes de la victoire. La tête de ces deux serpents est ornée alternativement des coiffures signes de la domination sur la région d’en haut et sur la région d’en bas. Enfin, de la partie inférieure du globe, tombe 85 un faisceau composé de trois séries de triangles engagés par leur sommet les uns dans les autres. Ces triangles expriment soit la lumière ou bien cette rosée tombant du ciel, qui, selon Horapollon[225], était le symbole de la science ou de la doctrine, dont nous avons vu que Thôth trismégiste était le prototype.

Notre planche 15.3 présente d’abord l’emblème du premier Hermès, tel qu’il est sculpté sur le couronnement de toutes les portes des temples. Cette composition, qui ne manque point d’une certaine grace, est d’ailleurs d’un très-bel effet. Les ailes sont étendues horizontalement, et les uræus flanquent le disque; ce même symbole se voit aussi retracé à la partie supérieure de bas-reliefs représentant des scènes religieuses et mythiques[226], ou sur les plafonds des temples, et des portes des grands édifices[227].

Mais il arrive très souvent que cet emblème est très-simplifié et perd une grande partie de son volume et de ses décorations; c’est lorsqu’il est représenté comme protecteur, planant, ainsi que le vautour de Neyth[228], au-dessus de la tête des rois figurés sur les bas-reliefs. Le No 4 (de la planche 15.3) est au-dessus d’un roi peint à Ombos sous la forme d’un sphinx; on n’a copié que le dernier cartouche de sa légende, contenant les seuls titres, Vivant toujours chéri de Phtha et d’Isis[229]. Dans le petit temple du sud à Karnac, l’emblème de Thoth (No 2) surmonte la tête du roi Ptolémée Évergète II, sculpté en bas-relief dans l’intérieur de la chapelle qui contenait l’image symbolique de la divinité du temple[230]. Le No 1, suivi du titre seigneur de la région SA..., est sculpté au-dessus du roi Philippe-Aridée, dans les appartements de granit, à Karnac[231]; enfin, parmi les décorations de la porte du sud à Dendéra, le globe, No 3, se montre au-dessus de la tête d’un roi Lagide ou d’un empereur romain, dont on n’a point copié la légende, et qu’il est par conséquent impossible de bien déterminer. Les têtes des deux Uræus, dont les queues s’unissent et se confondent de manière à présenter l’idée d’un serpent amphisbène, sont décorées des coiffures de la domination sur les deux grandes régions du monde; au-dessous du disque, et dans l’espace circonscrit par les corps des Uræus, est la légende du premier Hermès Thôth ou Thath, Dieu grand, Seigneur suprême. Cette légende est entièrement semblable à celle qu’on trouve 86 inscrite à côté des images de Thoth-Hiéracocéphale[232]. Elle accompagne toujours aussi, sur les monuments originaux, les divers emblèmes gravés sur notre planche 15.3. Cette circonstance seule a suffi pour nous faire reconnaître ces divers globes ailés ou simplement combinés avec des Uræus, et auxquels est souvent appendu le signe de la vie divine[233], comme les symboles directs du premier Hermès, puisqu’ils portent le nom et les titres du dieu lui-même.

Cette même légende appartient aussi constamment à l’épervier emblématique, reproduit sur notre planche 15.4. Cet oiseau, dont les qualités physiques vraies ou supposées paraissent avoir singulièrement frappé les Égyptiens, fut, comme on a pu le voir, l’emblème vivant de plusieurs divinités; et les coiffures, les insignes qui décorent sa tête, souvent même la légende seule qui l’accompagne, peuvent caractériser le dieu dont il devient le symbole. L’épervier du premier Hermès, reconnaissable au disque flanqué de deux Uræus, qui, toutefois, ne distingue point toutes ses images, est habituellement reproduit tel que nous le présente cette planche, dans les décorations des frises ou des corniches des grands édifices de l’Égypte. Ainsi, parmi les sculptures de la frise du typhonium de Dendéra, l’épervier de Thoth trismégiste étend ses ailes et semble couvrir de leur ombre sacrée la légende hiéroglyphique du plus sage et du plus justement vénéré des empereurs, Antonin le pieux[234]. Chacun des deux cartouches formant cette légende est sous la protection de l’épervier de Thoth, qui semble le décorer de l’insigne de la victoire: le premier cartouche renferme le titre impérial ΑΟΤΟΚΡΤΡ ΚΕΣΑΡΣ pour Αὐτοκράτωρ Καῖσαρ l’empereur César, et le second est occupé par le nom propre ΑΝΤΟΝΙΝϹ pour Ἀντωνεῖνος Antonin. Le même épervier symbolique accompagne, sur la frise du grand temple d’Edfou (Apollonopolis magna), le cartouche prénom du roi Ptolémée Évergète II[235].

La reproduction si multipliée de chacun de ces différents emblèmes de Thoth, trouve un motif suffisant et une explication bien simple, dans le fait seul que ce dieu fut considéré par les Égyptiens comme l’instituteur de leur religion, de leur culte et de leur état social. Il était naturel que les temples où ils venaient adorer les dieux, présentassent de toutes parts l’image de celui qui les leur avait fait connaître; que le symbole, enfin, du premier législateur fût exposé dans ces vastes palais où l’on rendait la justice, où se réglaient le sort des familles et les destins de la nation entière.

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Planche 15.4.


87

PHTAH-STABILITEUR.

On a pu remarquer dans les images du Dieu Phtah, planches 8 et 10, cette sorte de sceptre divisé en bandes égales, peintes de couleurs variées, et terminé à sa partie supérieure par quatre corniches semblables à celles qui surmontent les portes et toutes les parties des édifices égyptiens. Ce sceptre n’est autre chose que l’objet figuré par le premier signe de la légende no 1 (planche 16), dont les Égyptiens ont déprimé la largeur, et exagéré arbitrairement la longueur (dans les fig., pl. 8 et 10), pour le placer en forme de sceptre entre les mains du Dieu Phtah.

Cet objet est l’insigne et le symbole habituel de Phtah; les savants ne sont nullement d’accord sur sa nature; selon les uns, cet objet représente un autel; selon d’autres, c’est un nilomètre. La première opinion est détruite par les monuments qui, offrant des formes d’autels infiniment variées, ne leur donnent jamais celle du symbole dont il est ici question, et qui se trouve, au contraire, placé derrière les statues des Dieux auxquels il sert souvent de soutien[236]. Cet emblême fait l’office de colonne dans les chapelles qui, sur les peintures des momies, renferment les images des Dieux[237]; il décore le soubassement des trônes divins, soit seul, soit alterné avec la croix ansée et le sceptre à tête de Coucoupha; enfin, on le trouve suspendu au cou des Dieux et des animaux sacrés[238], ce qui ne convient nullement à un autel.

L’opinion de ceux qui veulent y voir un Nilomètre, présenterait un peu plus de probabilité; et l’on pourrait considérer les divisions égales, différenciées par la couleur, qui couvrent toute la hauteur de cet objet symbolique, comme l’indication des coudées, ou mesures tracées également sur la colonne centrale du Mékias, ou grand Nilomètre de l’île de Raoudha. Quoi qu’il en soit, la valeur symbolique de cet objet, auquel nous donnerons provisoirement le nom de Nilomètre, jusqu’à ce que les monuments confirment ou condamnent cette dénomination, est très-clairement 88 indiquée par le texte hiéroglyphique de la stèle de Rosette. Là où le texte grec emploie les verbes Διαμένω, permaneo, perduro, et Νομίζω, lege sancio, dans le sens passif lege constituor, le texte hiéroglyphique porte l’image redoublée du Nilomètre[239], et le texte démotique présente, aux deux points correspondants, un groupe de signes qui, dans divers autres passages de l’inscription, répond aux verbes du texte grec, καταστησαμένου, καταστήσασθαι, μένειν, διατετήρηκεν[240]. Il est incontestable, d’après tous ces rapprochements, que l’objet, dit le Nilomètre, exprime, quel qu’il soit, dans l’Ecriture sacrée, les idées, établir, rendre stable, stabilité, conservation, coordination; or, ces idées sont essentiellement liées à celle du Dieu Phtah, l’organisateur et l’ordonnateur du monde matériel et de l’état social.

On reconnaît, en effet, dans la Divinité ayant un Nilomètre pour tête, représentée sur notre planche 16, et calquée sur les dessins du tombeau royal de Thèbes, découvert par M. Belzoni, la coiffure emblématique, le sceptre, le fouet, et la tunique blanche que porte le Dieu Phtah sur des monuments déja cités[241]. Aussi, cette singulière Divinité est-elle nommée Phtah-Sokari dans la légende qui l’accompagne sur une momie de la collection de M. Durand. Dans le bas-relief du tombeau royal, son nom (pl. 16, légende no 1), formé du Nilomètre et des signes d’espèce Dieu, est symbolique, et doit se traduire par Dieu stabiliteur; ce nom divin est accompagné du titre Père des Dieux, qui est particulier au Dieu Phtah, comme nous l’avons déja dit[242].

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Planche 16.


89

ATHOR ou HATHOR.
(ATHOR, ATHYR, ATAR, APHRODITE, VÉNUS.)

Les auteurs Grecs ont mentionné parmi les Déesses Égyptiennes une Divinité sous les noms d’Αθωρ (Athôr) et d’Αθυρ (Athyr). Jablonski, entraîné par l’esprit de systême, crut remarquer des rapports frappants entre Αθωρ et le mot Égyptien EDJORH ou Adjôrh, qui signifie la Nuit. Il a voulu conclure de ce hasardeux rapprochement que la Déesse Égyptienne Athôr était la Nuit et le principe de toutes choses. Cette Déesse est, en conséquence, placée à la tête de son Panthéon; ce savant a été conduit à cette détermination par un passage de Damascius, portant que, dans les livres Égyptiens, on célébrait, par des hymnes sacrés, le principe unique de toutes choses, l’obscurité inconnue (Σκότος ἄγνωστον), l’obscurité au-dessus de toute intelligence (Σκότος ὑπὲρ πᾶσαν νόησιν)[243]. Mais ce principe inconnu n’est autre que le grand Être Démiurgique, Ammon, dont le nom Égyptien, comme l’a dit le grand-prêtre Manéthon, signifiait occulte, caché, ou inconnu[244]; et il n’est nullement question d’Athôr dans le passage de Damascius.

Cette Déesse n’occupait point un rang aussi élevé dans les mythes sacrés de l’Égypte. Athôr ou Athyr fut assimilée par les Grecs à leur Aphrodite, la Vénus des Latins; et nous savons, par d’anciens témoignages très-formels, que les Égyptiens donnèrent le nom de cette Divinité au troisième mois de leur année[245]; ce mois, dans les textes coptes ou Égyptiens écrits en lettres grecques, est en effet appelé ATHOR en dialecte memphitique, et HATHOR en dialecte thébain; ce qui détruit l’étymologie, et, par conséquent, le systême entier de Jablonski sur la Déesse Athôr.

Il est rare de trouver, dans les auteurs Grecs, le nom de l’Aphrodite Égyptienne, sans qu’il soit parlé en même-temps de la vache qui 90 lui était consacrée, et qu’on nourrissait comme le symbole vivant de la Déesse[246]; Plutarque nous apprend aussi que le nom divin Athyr ou Athôr signifiait, en langue Égyptienne, Οἶκον Ὥρου κόσμιον, maison mondaine d’Horus[247].

Ces deux circonstances nous ont fait aisément reconnaître la représentation de la Déesse Athôr sur les monuments Égyptiens, qui nous l’offrent sous des formes très-variées; mais elle porte toujours un même nom hiéroglyphique, celui qui accompagne son image dans cette planche, no 17. C’est le premier caractère de la légende no 1. Ce nom est figuré par une MAISON ou un ÉDIFICE dans lequel est renfermé un ÉPERVIER; et, si nous observons que l’épervier sans coiffure particulière est l’emblême d’Horus, nous verrons clairement dans ce groupe la transcription figurative-symbolique du nom même Athôr qui, selon les anciens, signifiait, en effet, maison d’Horus; et Horapollon dit que l’épervier était employé pour écrire hiéroglyphiquement le nom de l’Aphrodite Égyptienne[248]. De plus, ce nom hiéroglyphique est celui que porte constamment une vache sacrée, figurée dans presque tous les grands manuscrits funéraires.

La Déesse Athôr a ici les chairs jaunes, couleur propre aux femmes représentées dans les peintures Égyptiennes; elle tient dans ses mains des bandelettes, ou plutôt des espèces de lacs, qui, selon Horapollon, étaient l’emblême de l’Amour[249]. Cet attribut convient parfaitement à la Vénus Égyptienne. La tête d’Athôr est surmontée d’un épervier orné d’une coiffure symbolique, oiseau qui est l’emblême du Dieu époux de la Déesse, comme on le verra dans la suite.

Athôr était fille du Dieu Phré (le Soleil), ainsi que nous l’apprend la légende hiéroglyphique no 1: HATHOR TNÈB MPÉ HNT NNE-NOUTE TSÉ RÈ, Hathôr, dame du ciel, rectrice des Dieux, fille du Soleil. La légende no 2 est la forme hiératique du nom Hathôr. Une image de la Déesse, semblable à celle que nous publions, existe sur une momie du Musée Britannique, provenant de Guillaume Lethieullier.

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Planche 17.


91

ATHOR ou HATHOR.
(ATHOR, ATHYR, ATAR, APHRODITE, VÉNUS.)

On a vu que le nom égyptien de cette Déesse signifiait demeure, ou habitation d’Horus, et que, dans les inscriptions hiéroglyphiques, ce nom divin est exprimé par la coupe ou le plan abrégé d’un édifice, dans lequel est inscrit un Épervier, le symbole d’Horus; mais les bas-reliefs et les sculptures de grande proportion nous offrent la déesse Athor, portant sur sa tête, et pour signe distinctif, l’image parfaite d’un édifice dont il est facile de distinguer la frise, la corniche et la porte. L’épervier disparaît, soit pour faire place à un simple Uræus, soit à un petit bas-relief représentant l’Allaitement d’Horus, scène parfaitement en rapport avec la signification connue du nom propre de la Déesse.

L’édifice complet, coiffure symbolique d’Athor, l’Aphrodite égyptienne, est parfois entouré de fleurs de lotus épanouies, ainsi qu’on peut le voir sur cette planche; une figure semblable est sculptée sur la grande porte du sud à Karnac: la Déesse est debout, à la suite de Phtha, son époux. La tête humaine d’Athor, surmontée de l’édifice, est reproduite isolément sur une foule de bas-reliefs; mais elle a des oreilles de vache, parce qu’une vache sacrée était son symbole vivant; la Déesse emprunte même souvent la tête de cet animal[250].

Il exista en Égypte beaucoup de temples spécialement consacrés à l’Aphrodite égyptienne; et de ce nombre furent un petit temple, dans l’île de Philæ; le petit temple d’Ombos; le temple de Contralato; le temple de l’Ouest au Memnonium; enfin le grand temple de Dendéra, l’ancienne Tentyris; et tous ces monuments portent, dans leurs décorations architecturales, les emblêmes d’Athor, au culte de laquelle ils étaient destinés.

Le petit temple de Philæ a été construit sous les rois Lagides, et fut dédié par Ptolémée-Évergète II, et les deux reines Cléopâtre, sa sœur et sa femme, à Aphrodite, ΑΦΡΟΔΙΤΗΙ, comme porte la dédicace, en langue grecque. Le temple de l’Ouest, dans la même île, et qui offre les 92 légendes royales hiéroglyphiques de ce même Évergète, ainsi que celles de plusieurs empereurs romains, était également consacré à l’Aphrodite égyptienne; car les chapiteaux de ce temple sont surmontés de têtes d’Athor, à oreilles de vache, et portent l’édifice emblématique[251]. Il en est de même du petit temple d’Ombos, et à Thèbes, du temple à l’ouest au Memnonium. Les pilastres de ce dernier monument, formés de la tête d’Athor, contiennent, dans l’inscription hiéroglyphique dont ils sont ornés, la légende de Ptolémée-Évergète II, et le nom même d’Athor[252].

Mais c’est principalement dans les magnifiques ruines de Dendéra, que les emblêmes et les images d’Athor se montrent avec une extrême profusion; Strabon nous dit que le grand temple de cette ville était dédié à l’Aphrodite égyptienne; et la dédicace, en langue grecque, inscrite sur le listel de la corniche du Pronaos, atteste aussi que cette portion de l’édifice avait été également consacrée à la même Divinité: ΑΦΡΟΔΙΤΗΙ ΘΕΑΙ ΜΕΓΙϹΤΗΙ, A Aphrodite, Déesse Très-Grande, par les habitants du Nome et de sa Métropole, sous le règne de Tibère, le 21 d’Athyr, mois qui portait précisément, en égyptien, le nom même de la déesse.

Les vingt-quatre chapiteaux du portique sont formés, comme ceux de toutes les colonnes du temple, par quatre énormes têtes d’Athor. Cet emblême occupe le milieu de la porte du nord et le centre de la frise du Pronaos. A droite et à gauche de cette tête symbolique, sont les images, en pied, d’Athor et de son époux Phtah-Socari, adorées par soixante-deux personnages qui occupent sans interruption le reste de la frise de la façade[253], et portent, pour la plupart, d’une main, la tête emblématique d’Athor, et, de l’autre, l’hiéroglyphe recourbé, première lettre du mot Socari, surnom de Phtah. Une tête colossale d’Athor occupe encore le centre de la partie postérieure du temple: enfin les décorations des frises et des corniches de cette vaste construction, présentent de tout côté la tête d’Athor à oreilles de vache, et surmontée de l’édifice emblématique.

On a pris jusqu’ici les images de Néphthys, déesse sœur d’Isis et d’Athor, pour Athor même ou la Vénus égyptienne; mais les monuments, qui seuls font autorité dans cette matière, distinguent spécialement ces deux divinités, et ne permettent point de les prendre l’une pour l’autre.

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Planche 17.2.


93

HATHÔR ou ATHÔR.
(ATAR, ATHYR, APHRODITE, VÉNUS.)

L’une des formes les plus habituelles d’Athôr, dans les peintures et bas-reliefs d’ancien style égyptien, est celle que reproduit la planche ci-jointe. Cette figure est tirée d’une grande scène sculptée et peinte dans le tombeau du Pharaon Ousereï-Akenchérès Ier, douzième roi de la XVIIIe dynastie diospolitaine, monument magnifique découvert à Thèbes par le célèbre Belzoni. Ce tableau, gravé sur l’épaisseur d’une des portes de ce vaste hypogée, représente, de proportion naturelle, la déesse Athôr accueillant avec affection le monarque défunt qui, sur plusieurs autres points de la catacombe, présente diverses offrandes à cette divinité, et en reçoit, en retour, le signe de la vie céleste.

Dans ces diverses sculptures, la tête de la déesse est surmontée d’un disque de couleur rouge, soutenu par deux cornes de vache peintes en noir. Un uræus, ou serpent royal, est suspendu au disque. Mais ces emblèmes n’appartenaient point spécialement à Athôr; on les reconnaît aussi sur la tête d’Isis, de Selk, ils sont même placés quelquefois au-dessus de la coiffure de la grande mère divine Neith: d’où il semble résulter que, comme le vautour, le disque et les cornes de vache sont des insignes exprimant une qualité générale, une attribution commune à plusieurs déesses égyptiennes à la fois. On s’exposerait donc à de graves erreurs, en considérant certains attributs comme trop exclusivement propres à certaines divinités. Aussi est-il arrivé qu’on a souvent donné, sans raison, le nom d’Isis à des images de toute autre déesse, ou de reines mortelles empruntant les coiffures divines, par cela seul qu’on retrouvait, parmi leurs ornements, le disque soutenu sur deux cornes de vache. La légende hiéroglyphique inscrite à côté de ces images, peut seule, en cette occasion, donner une pleine certitude sur le personnage figuré. L’inscription qui accompagne la déesse gravée sur notre planche 17.3, ne permet point de douter que ce ne soit là une véritable 94 représentation de la fille du soleil, de l’épouse de Phtha: elle porte en effet Hathôr rectrice de la région supérieure du monde[254].

Un diadème ceint le front de cette divinité, dont les cheveux nattés sont contenus par une bandelette de couleur rouge; de riches uræus sont suspendus à ses oreilles; et au collier, orné d’émaux, tient un appendice qui retombe derrière les épaules de la déesse; sur cet ornement, terminé par une fleur épanouie, est inscrit, dans le bas-relief original, le prénom royal du Pharaon Ousirei, suivi du titre ϩⲁⲑⲱⲣⲙⲁⲓ, chéri d’Athôr. Deux bretelles émaillées soutiennent la tunique de couleur gris de perle, de forme ordinaire, mais dont les ornements présentent une particularité très curieuse. Les losanges dont elle est coupée dans l’original figurent, selon toute apparence, un de ces filets en émaux variés, qui recouvrent les tuniques des déesses et des reines dans les scènes peintes ou sculptées en grand. L’intérieur de chaque losange renferme un petit groupe de signes hiéroglyphiques; et chaque ligne horizontale de losanges contient un même groupe de caractères. Mais si l’on interprète ces mêmes losanges en les lisant perpendiculairement, ils renferment, d’après un dessin malheureusement peu soigné dans les détails, et placé dans l’Atlas du voyage de Belzoni[255], les louanges du Pharaon, louanges que la déesse Athyr est censée prononcer en l’accueillant dans la région divine. Cette singulière inscription se divise en deux parties, et renferme les idées suivantes: «Dieu bienfaisant Rè-saté-mé (prénom du roi), nous t’avons donné la domination et une vie heureuse et éternelle, toi, fils du soleil et des Dieux, Ousirei, serviteur de Phtha, vivificateur pour toujours

«Dieu bienfaisant Ré-saté-mé, nous t’avons donné la domination sur les années des panégyries, toi, fils du soleil, chéri des Dieux seigneurs, serviteur de Phtha, vivificateur comme le soleil éternel, Dieu bienfaisant, chéri du maître du monde pour toujours

Nous ne savons encore comment caractériser l’espèce d’ornement attaché au collier que la déesse tient de sa main droite et semble montrer au Pharaon: un ornement semblable est fixé au cou du dieu Lune[256].

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Planche 17.3.


95

HATHOR-PTÉROPHORE.
(APHRODITE, VÉNUS.)

La planche 17.4 ci-jointe complétera la série des principales formes de la Vénus égyptienne, que l’on se proposait de faire connaître dans ce recueil mythologique. Les deux longues plumes surmontant la tête de la déesse, et placées au-dessus de la coiffure, formée du vautour, commune à toutes les déesses mères, distinguent spécialement Hathor de toutes les autres grandes divinités-mères dans les différentes triades égyptiennes. Cette image a été copiée, ainsi que tous ses détails de couleur, dans le grand temple d’Isis, à Philæ[257], et je l’ai retrouvée sur les édifices sacrés de l’Égypte et de la Nubie appartenant à toutes les époques.

La déesse Hathor tenait en effet un rang si distingué dans la théogonie égyptienne, qu’un grand nombre de nomes lui rendaient un culte particulier et l’adoraient sous la forme que nous venons de décrire.

Le petit temple hypèthre, élevé dans l’île de Philæ par le pharaon Nectanèbe en l’honneur d’Isis, était aussi consacré à Hathor. La grande galerie qui joint ce petit édifice au grand temple d’Isis, nous montre Hathor-Stérophore adorée par l’empereur Auguste, et l’empereur Tibère faisant des libations devant trois images de la même déesse, surnommée Dame de la maison d’Enfantement, grande Dame de l’île de Sénem et Dame de la maison des Offrandes.

Cette déesse fut principalement honorée dans les nomes Ombite, Apollonopolite et Tentyrite.

Dans l’île de Béghèh, voisine de Philæ, et nommée Sénem par les anciens Égyptiens, existait un temple consacré à Hathor, compagne de Chnouphis, le dieu de la première cataracte. Le grand temple d’Ombos était dédié en premier lieu à une triade composée du dieu Sévék-Ra (le père), d’Hathor (la mère) et de Chons-Har-Schiai-hêt[258] (le fils).

A Edfou (Apollonopolis magna) on adorait la triade formée du dieu Hath, de la déesse Hathor et de leur fils Har-Sont-Tho[259]. A Tentyris, enfin, on reconnaissait pour membres de la triade qui domine dans le 96 grand temple, particulièrement dédié à Hathor (ce que démontrent toutes les décorations architecturales), le dieu Har-Hath, comme père, Hathor, comme mère, et leur fils, le jeune dieu Ohi.

Considérée ainsi comme déesse-mère dans ces diverses préfectures, Hathor devait naturellement être confondue avec les deux grandes génératrices des dieux, la déesse Mouth et la déesse Natphé. Les preuves de cette double assimilation existent dans des tableaux religieux du grand temple d’Ombos et du petit temple d’Ibsamboul en Nubie.

Il y a plus, dans les temples de l’Égypte où Hathor ne joue point le rôle de mère, ou de seconde personne de la triade, cette déesse s’y trouve tout au moins honorée comme nourrice du jeune dieu, le fils de la triade locale. A Hermonthis, Hathor nourrice présente le jeune Harphré à son père Month ou Manthon. A Philæ, c’est aussi la déesse Hathor qui préside à l’éducation d’Horus, fils d’Isis et d’Osiris, le nourrit de son lait, et reçoit, dans les légendes hiéroglyphiques du bas-relief, les titres de Très-aimable, Nourrice-Épouse, remplissant le ciel et le monde terrestre de ses bienfaits ou de ses beautés[260].

La flatterie, en Égypte comme ailleurs, compara constamment les reines et les princesses du sang royal à la déesse de la beauté, à Hathor, la Vénus égyptienne. Mais parmi toutes les formes de la déesse, on choisit de préférence celle que présente la planche ci-jointe, pour l’approprier à la représentation habituelle des épouses ou des filles chéries des pharaons ou des rois de la dynastie grecque: chaque grand édifice de l’Égypte en offre de nombreuses preuves, et le Musée royal du Louvre possède des statuettes, soit en bois peint, soit en bronze, incrustées en argent ou en or, et représentant, par exemple, la reine Ahmosis, Nofré-Atari, femme d’Aménophis Ier, chef de la XVIIIe dynastie, la reine, épouse du pharaon Takellothis de la XXIIe dynastie, et la reine Cléopâtre-Cocce, femme d’Évergète II, et mère de Soter II et d’Alexandre Ier. Ces princesses portent la coiffure formée du vautour et surmontée des insignes d’Hathor, le disque, les cornes et les deux longues plumes.

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Planche 17.4.


97

THUOÈRI, TOERI.
(THOUERIS.)

La déesse égyptienne figurée sur notre planche 17.5 présente l’étrange assemblage d’une belle tête de femme placée sur le corps d’un hippopotame; le front est orné de l’uræus royal. Cet insigne de la souveraine puissance se rattache à une coiffure, fixée par un diadême et terminée par une chevelure factice, disposée par étages et peinte en bleu céleste pour indiquer que cet ornement est formé d’une réunion de grains, d’émail coloré. La déesse tient en main l’emblême de la vie divine, et une tunique d’étoffe légère et transparente voile imparfaitement le corps du monstrueux quadrupède qui jadis habitait la partie inférieure du cours du Nil.

J’ai recueilli cette singulière personnification parmi les sculptures qui décorent l’une des chapelles creusées dans le roc, entre Edfou et Ombos, au point le plus resserré de la vallée, localité connue sous le nom de Sebel-Selséléh, l’ancienne Silsilis. L’un des bas-reliefs de l’élégante chapelle, creusée sous le règne du pharaon Ménéphtah IIe, fils et successeur de Rhamsès le Grand, représente la reine Isénofris, l’épouse de ce roi, revêtue des insignes de la Vénus égyptienne, agitant deux sistres devant un autel chargé de pains sacrés et de riches bouquets de fleurs. Les adorations de cette princesse s’adressent à la divinité que nous venons de décrire et à la suite de laquelle marchent le dieu Thoth-Lunus, le seigneur de Schmoun (Hermopolis magna), le secrétaire de justice des dieux grands, tenant un rouleau de papyrus, et la déesse Natphé, la grande génératrice des dieux. Un bas-relief tout à fait semblable à celui que nous venons d’analyser décore également la chapelle voisine, sculptée dans le rocher sous le règne de Rhamsès IIe. Dans ces deux tableaux, la déesse à corps d’hippopotame porte le nom de ⲧⲉⲱⲏⲣⲓ ou ⲧⲉⲱⲩⲏⲣⲓ (légende no 1), Téöeri, Téouéri et ⲑⲟⲩⲏⲣⲓ, Thoueri par contraction, et reçoit le titre de ϩⲣⲁⲓϩⲏⲧ ⲡⲙⲟⲟⲩ ⲟⲩⲁⲁⲃ, celle qui préside à l’eau pure; mais comme ce titre appartient également aux deux divinités parèdres, on doit peut-être, au lieu de trouver dans ce titre une désignation formelle d’une attribution particulière à la déesse, n’y voir qu’une qualification locale, en considérant les mots ⲡⲙⲟⲟⲩ ⲟⲩⲁⲁⲃ, Pmoou-Ouaab (l’eau pure, l’eau sainte), comme le nom-propre égyptien de l’étroit défilé où 98 s’amoncellent les eaux du fleuve pour se faire jour à travers les montagnes de grès qui semblent s’opposer à son passage.

Le nom de Thouéri se retrouve dans les écrits des auteurs grecs comme étant celui d’une divinité égyptienne. On lit dans le Traité d’Isis et d’Osiris que, parmi les partisans de Typhon, qui, abandonnant leur chef, se réunirent au dieu Horus, on comptait Thoueris, ΘΟΥΗΡΙΣ[261], concubine de Typhon, ἡ παλλακὴ τοῦ Τυφῶνος. La parfaite ressemblance des noms ne laisse aucune espèce de doute sur l’identité de la déesse représentée dans les bas-reliefs égyptiens sous la forme d’une femme à corps d’hippopotame, animal essentiellement typhonien, et cette concubine de Typhon, mentionnée par Plutarque. Le même auteur rapporte aussi une tradition égyptienne, d’après laquelle Horus tua et mit en pièces un serpent qui poursuivait Thouéri, lorsque cette déesse eut abjuré la cause de Typhon[262]. Ce serpent était Typhon lui-même, puisque les sculptures égyptiennes nous montrent d’habitude ce dieu malfaisant sous la forme d’un reptile gigantesque constamment nommé Apop ou Apoph, l’Apophis des auteurs grecs.

Jablonski, présumant un peu trop de ses connaissances en langue copte, crut pouvoir, en l’absence de tout autre document sur la déesse Thouéris, arriver à connaître les attributions de ce personnage mythique en analysant étymologiquement son nom propre. Il s’imagina donc que Θούηρις n’était qu’une simple transcription du mot égyptien ⲑⲟⲩⲣⲏⲥ, Thouris, employé dans les livres coptes pour désigner le vent du midi, et que cette divinité représentait symboliquement ce vent brûlant qui, connu sous le nom de Khamsin, soulève des tourbillons de poussière, obscurcit la lumière du jour et dessèche le sol de l’Égypte.

Mais cette hypothèse, qui ne repose sur aucun fait démontré, se trouve démentie par les monuments égyptiens eux-mêmes. On voit en effet que, dans le nom de Θούηρις, la finale σ n’est qu’une désinence purement grecque, et nous démontrerons dans l’explication de quelques planches subséquentes, que la Thouêri des Égyptiens n’était qu’une forme secondaire de la déesse Natphé, et n’avait aucune espèce de rapport avec les vents méridionaux.

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Planche 17.5.


99

HATHOR.
(ATHOR, ATHYR, APHRODITE, VÉNUS.)

On a déjà vu les Dieux Ammon-Cnouphis, Nèith et Phtha se montrer tour-à-tour, sur les monuments, avec une tête humaine ou avec celle des divers animaux qui leur étaient consacrés. Cette alliance de différentes parties de quadrupèdes, d’oiseaux, d’insectes ou de reptiles, avec un corps humain, fut tout-à-fait dans l’esprit des anciennes nations orientales; et les temples de l’Égypte, de l’Inde et de l’Éthiopie nous offrent une foule d’exemples de ces compositions bizarres et monstrueuses que repoussa constamment le goût plus épuré des Grecs.

Mais les Égyptiens qui cultivèrent les arts du dessin dans le seul but de les appliquer à l’expression de la pensée, et dont les peintures, les statues et les bas-reliefs n’étaient, en quelque sorte, que des caractères ou des phrases de la grande écriture monumentale, trouvèrent convenable, lorsqu’ils traçaient l’image d’un Dieu, d’exprimer d’un seul trait sa qualité principale ou son attribution particulière, en métamorphosant la tête humaine, commune à toutes les divinités, en la tête de l’animal symbole de la qualité divine qu’on adorait dans chaque personnage mythique. Les Grecs se contentèrent de représenter ces animaux symboliques, placés aux pieds des Dieux auxquels ils furent consacrés.

Notre planche 18[263] nous offre Hathôr, la Vénus Égyptienne, ayant pour tête celle d’une Vache; la légende hiéroglyphique (no 1): Hathôr, dame du Ciel, fille du Soleil, qui est constamment placée à côté de cette singulière image, ne permet aucun doute à cet égard.

Cette représentation d’Hathôr est souvent reproduite sur les monuments d’ancien style égyptien. Elle existe, par exemple, semblable à celle que nous publions ici, sur un grand bas-relief qui appartient à M. Prunelle de Lierre, et dont je dois un dessin très-exact à l’amitié de 100 M. Artaud, conservateur du Musée de Lyon. La Vénus Égyptienne à tête de Vache, est aussi sculptée à la suite de Phtha, son époux, sur un sarcophage de granit, dont la commission d’Égypte a donné la gravure très-détaillée[264]. On la retrouve enfin sur un monument fort-curieux, envoyé tout récemment, de Memphis, à M. Saulnier qui l’a cédé à M. Durand. C’est une sorte de buste de grandeur naturelle, représentant un individu très-jeune; sur son front est sculptée une image de Phtha, le Dieu principal de Memphis; sur sa poitrine, celle d’Osiris, adorée par deux personnages, le défunt et sa sœur; des deux côtés de la figure d’Osiris sont rangées toutes les divinités particulièrement adorées à Memphis, et parmi lesquelles on distingue, en première ligne, Phtha, Hathôr à tête de Vache, et le Bœuf Apis, accompagnés de leurs noms et de leurs titres en caractères hiéroglyphiques. Ce monument est d’un très-beau travail.

Il est aisé de voir aussi que toutes ces statuettes égyptiennes de bronze, ou de toute autre matière, qui figurent une déesse à tête de Vache, sont des images de la Vénus Égyptienne, d’Hathôr, et non pas celles d’Isis, déesse avec laquelle les Grecs paraissent avoir souvent confondu l’épouse de Phtha.

L’Hephaistus ou le Vulcain Égyptien, Phtha, étant le père de tous les Dieux[265], la déesse Hathôr, sa compagne fidèle, dut passer sinon pour leur mère, du moins pour leur nourrice. On connaît, en effet, plusieurs statues d’Hathôr, présentant son sein à différens Dieux placés sur ses genoux, toujours sous la forme d’un enfant. Il est probable que la Vache a été consacrée à cette déesse pour rappeler qu’elle a allaité la plupart des Dieux du second et du troisième ordre, fils ou petit-fils de Phtha.

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Planche 18.


101

EMBLÊMES D’HATHOR,
(LA VÉNUS ÉGYPTIENNE.)

Cette planche est un calque fidèle, mais un peu réduit, du registre supérieur d’une stèle d’adoration peinte, qui, provenant de la collection Drovetti, fait aujourd’hui partie du Musée royal égyptien de Turin. On y trouve réunis les principaux symboles de l’une des plus grandes divinités de l’Égypte, Hathôr, que les Grecs assimilaient à leur Aphrodite. Quatre colonnes d’hiéroglyphes, peints en bleu, avertissent que les trois figures emblématiques se rapportent à ϩⲁⲑⲱⲣ ⲧⲛⲉⲃ ⲱⲧⲫ ⲃⲁⲗ (ⲛ) ⲣⲏ ⲉⲥϩⲙ ⲡⲉϥⲱⲧⲛ ⲧⲛⲉⲃ ⲡⲉⲧⲡⲉ ϩⲛⲧ (ⲛ) ⲛⲉⲛⲟⲩⲧⲉ ⲛⲓⲃⲓ: Hathôr surnommée Nevôthph (dame des offrandes), œil du soleil, résidant dans son disque, dame du ciel, rectrice de tous les dieux.

Le premier de ces emblêmes, celui que l’on trouve reproduit sur des monuments de tout genre, est la tête de face, peinte en jaune et dont les oreilles sont celles d’une vache. Ce dernier trait rappelle directement les images de la déesse représentée avec une tête de vache[266], ainsi que la vache sacrée son image vivante dans certains temples de l’Égypte. Sous cette forme Hathôr nous paraît avoir été un symbole de la terre cultivée et fertile, ce que semble concourir à prouver en même temps, le nom même de la déesse, Hathôr, la demeure mondaine d’Horus[267], nom auquel font également allusion et le modius rouge et l’édifice qui surmontent cette tête emblématique. La forme presque triangulaire de la face dénote dans l’artiste l’intention de se rapprocher le plus possible du galbe d’une tête de vache.

Le second emblême représenté sur la stèle de Turin, posé, comme le premier, sur un piédestal, est une tête de femme à oreilles humaines, coiffée du vautour, et le front orné de l’uræus royal. Le modius peint, symbole de l’abondance, est placé au-dessus du vautour qui rappelle la fécondité maternelle. C’est encore ici une des têtes de la déesse Hathôr et cette même coiffure avec tous ses insignes est celle que prennent de préférence, par allusion à la déesse, la plupart des reines égyptiennes 102 figurées sur les grands monuments. L’ornement peint en jaune et qui se termine par un disque aplati orné de fleurons, est un contre-poids ou agrafe de collier, lequel retombait entre les deux épaules comme on peut le voir sur la planche numérotée 17.3; elle représente la déesse Hathôr tenant aussi dans ses mains l’autre espèce de collier peint en verd et figuré au bas du piédestal qui soutient la seconde tête emblématique.

Ces objets de parure démontrent en même temps que, dans les idées égyptiennes, la déesse Hathôr présidait à la beauté et à la toilette ainsi que l’Aphrodite grecque et la Vénus des Romains; et c’est ici le lieu de remarquer, en effet, que la plupart des colliers de femmes trouvés dans les tombeaux égyptiens, consistent en de très-petits amulettes de terre émaillée, d’émail pur, de porcelaine, de cornaline ou d’autres pierres dures, représentant d’un côté des animaux différents ou des fleurs en relief, et presque toujours de l’autre, la tête symbolique de la déesse Hathôr, gravée en creux et entourée d’uræus ou de feuillages diversifiés.

Les emblêmes de la déesse représentés sur la stèle que nous publions ici, sont très-multipliés dans les temples spécialement consacrés à Hathôr, tels que le grand temple de Dendéra, celui de Philæ, et les petits temples d’Ombos et du sud au Memnonium.

C’est la première de ces têtes symboliques qui forme les chapiteaux des colonnes de tous ces édifices et des pilastres du temple du Memnonium[268], et les chapiteaux du petit appartement construit sur la plate-forme du grand temple de Dendéra et dans lequel existait le zodiaque circulaire[269]. On la retrouve enfin dans les décorations des portes, des corniches, des entre-colonnements, et sur une foule de bas-reliefs: tantôt surmontée du disque et des cornes de vache, comme déesse nourricière, tantôt flanquée d’uræus ornés des coiffures qui expriment la domination sur les régions d’en haut et les régions d’en bas[270]; et presque habituellement cette tête pose sur le caractère symbolique exprimant l’idée or et splendeur; ce qui rappelle involontairement l’idée de la χρυσῆς Ἀφροδίτης (Veneris aureæ) d’Homère.

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Planche 18.2.


103

SATÉ ou SATI.
(SATIS, L’HÉRA OU LA JUNON ÉGYPTIENNE.)

Les bas-reliefs sculptés sur les édifices religieux de l’Égypte nous offrent assez fréquemment la représentation d’une déesse caractérisée surtout par sa coiffure formée de la portion supérieure du pschent, flanquée de deux cornes. Cette divinité, dont le nom hiéroglyphique est formé de quatre caractères (voir pl. 19 (B)) répondant aux lettres coptes ⲥⲧⲏ, qui pouvaient se prononcer Saté ou Sati, est figurée sur un grand nombre de bas-reliefs, et presque toujours à la suite du dieu Ammon-Chnouphis, avec lequel Sati paraît s’être trouvée dans des rapports mythiques très-intimes.

Cet aperçu, déduit de la seule inspection des monuments, devient un point de fait démontré par une inscription grecque du temps de Ptolémée-Évergète II, gravée sur un autel découvert par M. Ruppel, à Sehhélé, île située entre Philæ et Éléphantine[271]. On y lit en effet que l’une des divinités locales, assimilée par les Grecs à leur Héra (la Junon des Latins), porta, en langue égyptienne, le nom de ΣΑΤΙΣ, Satis, ou plutôt ΣΑΤΙ, Sati, en faisant abstraction de la finale grecque. Dans cette même inscription, Héra-Satis ou Junon-Satis, est nommée, immédiatement après, Ammon-Chnoubis. D’autre part, une inscription latine a été copiée dans les carrières de Syène, par l’infatigable Belzoni[272], sur un autel dédié à Jupiter-Chnoubis et à Junon-Reine, protecteurs de ces montagnes; il est donc certain que la divinité figurée sur notre planche no 19, est la déesse Sati, la Junon Égyptienne, la compagne d’Ammon-Chnouphis, le Jupiter Égyptien.

Que Sati ou Saté fût dans les mythes sacrés de l’Égypte l’épouse de ce grand dieu, ou qu’elle en fût seulement une parèdre, c’est ce que les textes hiéroglyphiques connus jusqu’à ce jour ne nous ont point encore appris. Quoi qu’il en soit, elle partage les honneurs rendus à Ammon-Chnouphis, 104 et nous citerons d’abord une belle stèle rapportée de Thèbes par lord Belmore[273], et un bas-relief sculpté sous le portique du grand temple de Philæ, et représentant Ptolémée-Évergète II offrant l’encens à Chnouphis et à la déesse Saté, assise à côté du dieu[274]. Dans un temple beaucoup plus ancien, celui du dieu Chnouphis, à Éléphantine, monument du règne d’Aménophis II, de la dix-huitième dynastie, on voit Saté[275] qui présente elle-même le Pharaon à Ammon-Chnouphis; plus loin la déesse reçoit, à la suite du même dieu, les offrandes du monarque[276].

Le culte de Saté exista donc en Égypte du temps des Grecs, comme sous les rois de race égyptienne: c’était une des plus anciennes divinités du pays.

L’image de cette déesse (pl. 19) est extraite de la Description de l’Egypte[277]. Les chairs sont peintes en rouge, contre l’habitude des Égyptiens, qui n’attribuent ordinairement cette couleur qu’aux divinités mâles. Mais la stèle coloriée de lord Belmore donne aux chairs de la déesse cette même teinte rouge, et cette concordance prouve, dans cette occasion, en faveur de l’exactitude du dessin publié dans la Description de l’Egypte. Saté tient dans ses mains l’emblème de la vie, et le sceptre terminé par une fleur de lotus, commun à toutes les déesses. Les ailes de vautour que les Égyptiens attribuèrent aux déesses mères[278] du premier, du second et du troisième ordre, sont reployées et enveloppent sous leurs replis les cuisses et les jambes de Saté.

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Planche 19.


105

SATE OU SATI.
(SATÈS, SATIS, L’HÉRA OU JUNON ÉGYPTIENNE.)

Le nom égyptien de cette déesse est écrit de deux manières différentes dans les textes hiéroglyphiques. L’orthographe que présente la planche 19 est la moins fréquente. Ce nom, formé des trois éléments phonétiques ⲥⲧⲏ ou ⲥⲧⲉ, est suivi de l’uræus ou aspic, déterminatif habituel des noms propres de déesses, et le titre ⲧⲛⲉⲃⲡⲉ ou ⲧⲛⲉⲃ ⲛⲧⲡⲉ, dame du ciel, complète la légende.

Ce nom, que l’on retrouve aussi sur les grands monuments de l’Égypte, est extrait d’un bas-relief découvert à Thèbes par le comte de Belmore. Cette pièce de sculpture offre un grand intérêt par le rang et la réunion des personnages qui y sont figurés. On y distingue deux scènes principales: celle de gauche représente le cinquième roi de la XVIIIe dynastie, le Pharaon Thouthmosis IIIe (Mœris), la tête ornée du casque royal, faisant l’offrande d’une image de la Vérité et de la Justice, 1o au dieu Amon-Ra à tête humaine[279], qualifié de seigneur des trois zones du monde, et de résidant au milieu des régions de Oph (Thèbes et son nome); 2o à Thermouthis, ou la grande mère(Néith) [280], dame de la région d’Ascherro; 3o au dieu Khons ou HHonsou[281], seigneur du ciel; 4o à la déesse Hathôr[282], la Vénus égyptienne, assise à côté du dieu Khons, et le tenant dans ses bras. La partie droite de la stèle présente un nombre égal de personnages disposés d’une manière analogue; mais c’est ici l’un des ancêtres du roi Mœris, le Pharaon Aménôthph (Aménophis), le chef de la XVIIIe dynastie, qui, la tête ceinte du diadême et décorée de l’uræus des rois, fait l’offrande du vin au dieu suprême Amon-Ra à tête de bélier[283], seigneur de l’Oph méridionale, et au dieu Chnouphis[284], à côté duquel est assise la Junon égyptienne Saté[285]; immédiatement après vient la déesse Anouké[286], qui, comme Saté, fut aussi, en effet, une des divinités parèdres de Chnouphis, d’après l’inscription grecque des cataractes. L’intention bien évidente du sculpteur a été d’établir, entre ces deux séries de personnages, une sorte de parallélisme fondé sur l’identité de rang et les rapports de fonctions entre ces 106 êtres divins. Ainsi les deux séries s’ouvrent par les deux principales formes d’Amon-Ra, le père des dieux: sa première émanation, Chnoubis, correspond au dieu Khons, qui est également qualifié de premier-né d’Amon-Ra, dans les textes hiéroglyphiques[287]; Thermouthis, la compagne d’Amon-Ra, ou la mère des dieux, a pour correspondant la déesse Saté, la Juno-Regina des Égyptiens; enfin la déesse Hathôr a pour pendant la déesse Anouké. Il n’est point douteux (et de nouveaux faits viendront le démontrer dans la suite de cet ouvrage) que ces deux séries de divinités sont identiques, c’est-à-dire, que le tableau entier se rapporte seulement à quatre divinités, présentées chacune sous deux points de vue divers et sous deux attributions différentes. La déesse Saté ne doit donc être considérée que comme l’une des formes de Thermouthis ou Néith, ce qui justifie pleinement l’assimilation que les Grecs firent de la Saté égyptienne avec leur Héra et leur Junon, épouse et compagne de Zeus ou Jupiter.

On donne, dans la planche 19.2, une nouvelle image[288] de Saté: sa coiffure est peinte en blanc, ses chairs sont jaunes, et une tunique verte remplace les ailes du vautour (pl. 19). Le nom hiéroglyphique diffère aussi, quant à la forme de ses éléments, du nom gravé sur la planche précédente; le premier signe est composé d’une flèche croisée sur un javelot ou trait, armé d’un fer en forme de carreau; or, dans la langue égyptienne, la flèche, les armes à trait de tout genre, portent le nom de ⲥⲁϯ, Sati, ou ⲥⲁⲧⲉ, Saté[289]. On pourrait donc regarder ce nom comme formé d’abord d’un caractère figuratif; mais la présence des caractères phonétiques ⲧ et ⲉ à la suite du premier caractère, prouve que ce signe ne compte ici que pour le ⲥ seul, d’après le principe de l’écriture phonétique égyptienne, qui représente une lettre quelconque par l’image d’un objet dont le nom, en langue parlée, a cette même lettre pour initiale.

Le nom égyptien de la déesse ⲥⲁⲧⲉ, Saté, ou ⲥⲁϯ, Sati, dérive de la racine ⲥⲱⲧ ou ⲥⲁⲧ, projicere, spargere, jeter, lancer, répandre; et nous ajouterons que le mot Sati ou Saté, nom divin, pl. 19.2, 1 et 2, étant privé des caractères d’espèce, uræus et femme, qui en font un nom propre de déesse, exprime, dans les textes hiéroglyphiques, l’idée rayon (radius), lorsqu’il s’agit du soleil ou de la lumière; les flèches d’Apollon-Soleil trouvent donc aussi leur origine dans les monuments de la vieille Égypte, comme tant d’autres emblèmes des divinités grecques.

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Planche 19.2.


107

ANOUKÉ ou ANOUKI.
(ANUCIS, ANUCÈS, ISTIA, ESTIA, VESTA.)

Les savants qui jusques ici se sont occupés de la mythologie des Égyptiens, ont cru que ce peuple ne connut jamais de divinité dont les fonctions eussent quelque analogie avec l’Estia des Grecs, la Vesta des Romains. Ils appuyaient leur opinion sur l’autorité d’Hérodote, qui a dit en effet que les noms de Héra et d’Istia furent inconnus aux Égyptiens[290]. Mais le père de l’histoire ne parle que des noms seulement, sans prétendre, ni même insinuer, que les Égyptiens n’adorassent point de déesse dont les attributions eussent certains rapports avec celles de Héra et d’Istia de l’Olympe grec.

L’existence, dans l’ancienne religion égyptienne, d’une déesse que les Grecs postérieurs à Hérodote assimilèrent, à tort ou à raison, à leur Estia, est d’abord prouvée par le témoignage formel de Diodore de Sicile[291], qui nomme Estia parmi les divinités de l’Égypte.

L’importante inscription grecque découverte aux cataractes lève d’ailleurs toute incertitude à cet égard; car ce texte curieux nous apprend non-seulement que la déesse Estia était adorée dans le temple égyptien de l’île sainte de Sétès, mais il nous fait encore connaître le nom égyptien de cette déesse: la dédicace porte en effet ΑΝΟΥΚΕΙ ΤΗΙ ΚΑΙ ΕΣΤΙΑΙ, a Anoukis qui est aussi Estia. Cette précieuse synonymie a suffi pour nous conduire à distinguer, sur les monuments d’ancien style égyptien, les images de la déesse Anouké ou Anouki, personnage mythique dans lequel les Grecs du temps d’Evergète IIe croyaient retrouver Estia, l’une de leurs divinités nationales.

Dans l’inscription des cataractes, Anouké est immédiatement nommée après Ammon-Chnouphis et après Saté, le Jupiter et la Junon des Égyptiens; Osiris, Cronos, Hermès, ne sont mentionnés qu’après elle, et cela seul prouve le haut rang d’Anouké dans le Panthéon égyptien.

Ce rang distingué est démontré par les monuments originaux: deux bas-reliefs déja cités, rapportés de Thèbes par le comte de Belmore, et qui offrent la représentation des divinités de la famille d’Amon-Ra, nous montrent, conformément à l’inscription des cataractes, et dans le 108 même ordre, le dieu Chnouphis, la déesse Saté et la déesse Anouké[292].

Cette dernière est reconnaissable à son nom d’abord, et en second lieu à son costume particulier.

Son nom hiéroglyphique, composé de trois caractères phonétiques[293] le bras étendu ⲁ, la ligne brisée ⲛ, et le segment de cercle ⲕ, se lit ⲁⲛⲕ (Anouké, Anouki), et il est suivi de la marque du genre féminin ⲧ, et de l’Uræus, signe déterminatif des noms propres de déesses. La planche 20 porte un second nom symbolique, ou plutôt un titre de la déesse, encore inconnu.

La même planche nous montre Anouké[294] sous la figure d’une femme assise sur un trône; sa coiffure, ceinte d’un diadème auquel est attaché l’Uræus, insigne du pouvoir souverain, est surmontée de plumes ou feuilles de couleurs variées, que l’on pourrait prendre pour une fleur de lotus épanouie et engagée dans la coiffure, si sur d’autres monuments ces feuilles ou plumes n’étaient plus allongées, plus nombreuses, et n’affectaient la forme du beau chapiteau égyptien, composé de feuilles de palmier[295].

L’image de cette déesse n’est point rare sur les grands édifices de l’Égypte: nous citerons particulièrement deux grands tableaux sculptés dans le temple d’Ammon-Cnouphis à Éléphantine, construction du règne du Pharaon Aménophis, huitième roi de la dix-huitième dynastie, qui régna vers l’an 1687 avant Jésus-Christ, comme une preuve de l’antique existence du culte d’Anouké avant la venue des Grecs en Égypte. Dans l’un de ces tableaux, Anouké est encore à la suite d’Ammon Cnouphis et de Saté[296]; dans l’autre, le Pharaon Aménophis fait hommage d’une corbeille de fleurs à la déesse, qui, plus loin, accueille ce monarque, lève sur lui l’une de ses mains en signe de protection, et lui présente de l’autre l’emblème de la vie et le signe des panégyries ou des périodes d’années, comme pour lui promettre un règne long et heureux[297].

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Planche 20.


109

TPE, TPHÉ, ou TIPHÉ.
(URANIE, LA DÉESSE CIEL.)

Les grands monuments de la Thébaïde nous offrent de nombreuses représentations de l’Uranie égyptienne; et ces sculptures de très-grande proportion ne permettent point de méconnaître, dans la position habituelle du corps de cet être mythique, le Ciel même personnifié; la Déesse, toujours reconnaissable à sa coiffure particulière, formée de plumes ou de feuilles, est figurée sous la forme d’une femme dont le corps, placé horizontalement et allongé hors de toute proportion, embrasse un très-grand espace, circonscrit par les bras et les jambes qui retombent perpendiculairement.

Les deux côtés du Zodiaque d’Esné[298] sont cernés par deux de ces images symboliques de Tpé (le ciel); elle environne les signes astronomiques sculptés au plafond d’Hermonthis[299]. Un des bas-reliefs qui ornent le plafond du portique du grand temple, à Philæ, contient deux images de Tpé, superposées et inscrites l’une dans l’autre[300]. Un des plafonds du petit appartement qui renfermait le Zodiaque circulaire de Dendéra, présente trois figures de Tpé, pareillement inscrites les unes dans les autres; les Égyptiens exprimèrent ainsi, symboliquement, les différents cieux, les diverses régions célestes admises par leur cosmogonie. Enfin, les Signes, les Constellations et les Décans, figurés sur les deux parties du Zodiaque rectangulaire de Dendéra, sont encore compris entre les bras et les jambes de Tpé, qui porte ici la coiffure ordinaire des femmes; mais vers les mains et les pieds de ces images de la Déesse, est sculpté le signe hiéroglyphique (pl. 20.4, no 1) qui, partout exprimant l’idée Ciel (Tpé), est ici le nom même de la Déesse.

Ce signe de l’idée Ciel est très-fréquemment employé dans tous les textes en écriture sacrée; il est constamment peint en bleu, couleur de la 110 voûte céleste (pl. 20.4, nos 1 et 2), et se montre même souvent parsemé d’étoiles (nos 3 et 4); c’est un signe figuratif: les Égyptiens comparaient le ciel au plafond d’un édifice, et ceux de la plupart des temples sont en effet peints en bleu et parsemés d’étoiles. Il est à remarquer aussi que le corps de la déesse Tpé (le Ciel personnifié), tel qu’on l’observe dans les sculptures astronomiques, est disposé de manière à rappeler la forme générale de cet hiéroglyphe; l’imitation est plus visible encore à l’égard du signe hiératique de l’idée Ciel (pl. 20.4, no 5).

Des monuments beaucoup plus anciens que ceux que nous venons de citer, nous offrent Tpé sous la forme no III. Cette Déesse embrasse les tableaux astronomiques sculptés au plafond de l’un des tombeaux des anciens rois à Thèbes; la Déesse est nue; le corps entier est de couleur bleue; cinq disques sont dispersés sur son torse: ce sont cinq Planètes; un sixième disque (la Lune), est placé vers la bouche, et un Scarabée tenant un septième disque (le Soleil), est figuré vers les parties sexuelles. Le Ciel, ou plutôt Tpé (la Ciel, comme disaient les Égyptiens), était une essence spécialement femelle, et qui ne produisait que par la force génératrice du Soleil, dont l’essence mâle est exprimée par le Scarabée.

Les images de l’Uranie égyptienne, à Philæ et à Hermonthis, portent aussi l’indication des Planètes; sur un bas-relief de Dendéra, dessiné par M. le baron Denon[301], sept zones comprises entre les pieds et les bras de la Déesse, renferment des disques placés sur des barques, emblêmes connus des astres qui ont un mouvement régulier et visible.

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Planche 20.2.


111

ANOUKÉ ou ANOUKI.
(ANUCÈS, ANUCIS, ISTIA, ESTIA, VESTA.)

On trouve aussi, sur les grands édifices construits par les Égyptiens sous la domination des Grecs et des Romains, la représentation de la déesse Anouké. On la voit sur l’une des faces latérales du portique d’Esné[302], assise toujours à la suite d’Ammon-Chnouphis, le dieu éponyme du temple, et recevant les offrandes d’un empereur romain dont la légende n’a point été copiée. A Déboud, en Nubie, on a figuré Anouké tenant dans ses mains le sceptre à fleur de lotus et le signe de la vie divine[303]. Enfin un bas-relief de Dendéra, dessiné par l’aimable et ingénieux baron Denon qui, le premier, fit bien connaître à l’Europe savante les merveilles de la Thébaïde, offre aussi une image de cette déesse tenant le signe de la vie[304].

Mais le monument le plus curieux du culte d’Anouké, que l’on puisse citer jusqu’à ce jour, est, sans contredit, un petit temple en bois sculpté et peint, faisant partie du Musée royal égyptien de Turin. Cet édifice, placé sur un traîneau, est précédé d’un petit portique soutenu par deux colonnes dont les chapiteaux portent une double tête de femme, celle même de la déesse Anouké, qui se distingue de la tête d’Hathôr, employée également dans les décorations architecturales, par des oreilles humaines, au lieu d’oreilles de vache. Sur le fût des deux colonnes on a gravé deux inscriptions hiéroglyphiques; celle de droite contient une invocation au dieu Chnoumis ou Chnouphis, seigneur du ciel, gardien de la contrée orientale, seigneur aux mille noms (polyonymos), modérateur du monde, etc., pour qu’il accorde tous les biens purs à un auditeur de justice, dont le nom n’est pas conservé. La légende de gauche est une prière adressée à la déesse Anouké, qualifiée de dame de la contrée orientale, dame du ciel, rectrice de tous les dieux, œil du soleil, etc.

Ce naos ou petite chapelle, de la forme d’un carré long, était évidemment dédié à la Vesta égyptienne, Anouké, puisque quatre inscriptions, dont deux sont composées chacune de quatre colonnes de caractères, et 112 deux d’une seule colonne verticale, ont été gravées sur les deux montants et sur les battants de la porte, encore parfaitement conservés, et que ces légendes ne contiennent toutes que le nom et les titres de la déesse Anouké, déja inscrits sur l’une des colonnes du portique: c’est ce que démontre encore mieux la description des scènes sculptées et peintes sur deux des faces extérieures de cette petite chapelle.

On remarque sur la face latérale gauche le dieu Chnouphis et les déesses Saté et Anouké, assis sur des trônes, recevant les adorations d’un auditeur de justice nommé Kasi, lequel est accompagné de son père, de sa mère et de quatre de ses frères ou sœurs, comme l’indiquent des légendes particulières: ces personnages portent en main diverses offrandes et des bouquets de lotus. Ce tableau offre donc en premier lieu la Vesta égyptienne, associée aux deux grandes divinités Chnouphis et Saté, dont elle est, pour ainsi dire, inséparable, et auxquelles il est probable que les mythes sacrés attribuaient sa naissance; mais la face latérale droite de la chapelle nous montre Anouké-Vesta adorée séparément et avec tous les caractères distinctifs de la divinité principale de ce petit édifice. Assise sur un trône[305], dans un naos dont la corniche est surmontée d’une rangée d’uræus, la déesse tient dans ses mains le sceptre et l’emblème de la vie; devant elle sont un autel, un vase à libation et une fleur de lotus. Le naos est porté sur une bari ou barque sacrée, à deux gouvernails décorés de têtes d’épervier, emblèmes de la Providence, et dont la poupe et la proue ont été ornées de deux têtes de déesse mère avec des colliers. Vers la proue de la bari, décorée de l’œil droit, emblème du soleil, et en face d’Anouké, s’élève un riche bouquet de lotus; à côté sont placées d’autres offrandes. La bari sacrée est censée flotter sur le fleuve saint, duquel dérive un canal portant une autre barque thalamége, conduite par quatre rameurs; enfin, à la jonction du canal et du Nil, un personnage, probablement l’auditeur de justice Kasi, auquel appartenait la chapelle, égorge une victime sur un autel; un de ses frères épanche l’eau d’un grand vase placé sur une sellette; plus bas sont Kasi et toute sa famille, figurés en pied et de plus forte proportion.

Le seul fait que la déesse Anouké est représentée assise dans un naos porté sur une bari ou barque sacrée, suffirait d’ailleurs pour établir que cette petite chapelle lui était plus spécialement dédiée qu’aux autres divinités dont ce petit édifice en bois peint présente aussi les images.

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Planche 20.3.


113

TPÉ, TPHÉ, ou TIPHÉ.
(URANIE, LA DÉESSE CIEL.)

Le systême mythologique des Égyptiens, quoique comprenant un nombre fort considérable de personnages susceptibles, pour la plupart, de revêtir plusieurs formes très-différentes, fut si bien ordonné, et la classification des Dieux y est tellement fixe et invariable, que le petit nombre de monuments originaux renfermés dans les collections publiques et particulières, étudiés avec soin, suffit pour conduire à des résultats certains; et leur comparaison, faite sans préjugé systématique, mène à des distinctions successives, par lesquelles on reconnaît toutes les différentes formes, le rang, le degré d’importance et les fonctions de chaque divinité égyptienne. Ce qu’un monument présente de vague et d’obscur est pleinement éclairci par un autre. S’il pouvait, par exemple, rester quelques doutes sur l’expression emblématique de la Déesse figurée sur nos planches précédentes (20.2 et 20.3), ils seraient entièrement levés par un simple coup d’œil sur notre planche 20.4.

Cette curieuse représentation de la Déesse Tpé, ou le Ciel personnifié, existe parmi les peintures d’un beau manuscrit hiéroglyphique, rapporté d’Égypte par M. Thédenat, et acquis par le Cabinet du Roi.

Le corps de la Déesse est disposé comme dans tous les bas-reliefs astronomiques; mais il est, de plus, entièrement couvert d’étoiles; sa coiffure n’a rien de particulier, et sa face est peinte en jaune, couleur affectée aux femmes dans les peintures égyptiennes; la disposition générale du corps se rapproche bien mieux ici, que sur les bas-reliefs astronomiques, de cette forme sémi-circulaire que l’erreur de nos sens nous fait attribuer à ce que nous nommons la voûte céleste.

Deux barques symboliques parcourent le Ciel, figuré par le corps étoilé de la Déesse; l’une, placée sur les parties inférieures de ce corps, monte, en se dirigeant des pieds vers la tête, comme l’indique le sens dans lequel est tournée la face du personnage principal, assis dans la barque, ou Bari sacrée. A sa tête d’Epervier, surmontée du disque, 114 ornée de l’Uræus, on ne peut méconnaître ici le Dieu Phré, le Soleil personnifié[306], et placé sur la barque, emblême habituel du mouvement des astres. Cette grande Divinité, qui tient sur ses genoux le signe de la vie divine, est assistée par deux personnages mythiques, Divinités Parèdres, dont il sera question ailleurs.

Phré, (le Soleil), paraît une seconde fois, dans sa barque sacrée; mais à la partie opposée du Ciel: ici la barque descend, comme l’indique la direction de la proue, et la face du Dieu tournée vers le bas.

Il est de toute évidence que ces deux barques expriment, symboliquement, la course du Soleil dans la vaste étendue des cieux; l’une, celle qui monte, désigne le Soleil à l’orient, et versant dans l’espace, des torrents de lumière, indiquée par les points de couleur rouge qui environnent la barque et le Ciel; l’autre, celle qui descend, nous montre cet astre quittant l’horizon, à l’instant où la lumière disparaît entièrement. Il n’est point inutile de remarquer, enfin, que le disque du soleil levant est peint de couleur d’or, tandis qu’à l’occident il est d’un rouge foncé.

Dans le manuscrit original, cette image, si bien caractérisée, de la Déesse Tpé, le Ciel, ou l’Uranie égyptienne, enveloppe une scène symbolique, que nous ferons connaître lorsque nous traiterons des divers personnages qui la composent.

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Planche 20.4.


115

SOVK, PETBE, PÉTENSÉTE.
(SUCHUS, CRONOS, SATURNE.)

Plusieurs mythographes, à l’exemple de Jablonski[307], ont avancé formellement que les Égyptiens n’adoraient aucune Divinité dont les attributions fussent analogues à celles du Dieu Grec Cronos, le Saturne des Latins. Mais l’existence d’un tel personnage dans le culte Égyptien est attestée par les témoignages les plus respectables de l’antiquité classique.

La vieille chronique, fragment précieux qui nous a conservé, en langue Grecque, le systême chronologique de l’Égypte, nomme parmi les Dynastes divins qui régnèrent avant les hommes, le Dieu Cronos[308]; Manéthon, prêtre Égyptien, écrivant l’histoire de sa patrie, place également un Dieu, qu’il appelle Κρόνος, à la manière grecque, parmi les Dynastes, et immédiatement avant Osiris[309]; Diodore de Sicile donne aussi Cronos pour une des principales Divinités de l’Égypte; il ajoute de plus que ce Dieu régna aussi dans cette contrée, et qu’ayant épousé la Déesse Rhéa, il fut, selon une certaine tradition, père d’Osiris et d’Isis[310]; cette dernière opinion est partagée par Plutarque[311]; enfin des médailles gréco-romaines des nomes de l’Égypte, offrent comme l’image d’une Divinité locale, celle du Cronos des Grecs, le Saturne des Latins, tenant sur sa main, selon la pratique employée dans la plupart de ces médailles de nomes, l’animal symbole vivant du Dieu Égyptien assimilé à la Divinité Grecque, et cet animal est un crocodile.

Une indication aussi précieuse a suffi pour nous faire retrouver la représentation du Saturne Égyptien dans les sculptures sacrées[312]; ce Dieu à tête de crocodile, et dont nous donnerons l’image et la description à la planche no 22, porte un nom phonétique, qui se lit CBK ou 116 CVK, Sevk, Sovk ou Sovg, et ce nom a été connu des anciens Grecs[313]. On retrouve ce même nom divin à côté du personnage de forme toute humaine, reproduit sur notre planche no 21. C’est là incontestablement la forme la plus simple du Cronos Égyptien.

La coiffure du Dieu est surmontée de cornes de bouc souvent flanquées de deux uræus, comme celles de ce Dieu à tête de crocodile[314], parce qu’on supposait que cette Divinité avait régné sur l’Égypte. Dans l’ordre des Dynastes, Sovk était le dernier des douze Dieux, c’est pour cela qu’on lui donnait, parmi les Égyptiens, l’épithète Νεώτατος θεὸς, le plus jeune des Dieux[315]. Les cornes supportent deux grandes plumes ou feuilles de couleurs variées, et un disque, à cause de la planète de Saturne.

Les sculptures des temples nous montrent Sovk accueillant divers souverains de l’Égypte; ce Dieu donne le signe de la vie divine au Pharaon Aménophis II, dans un des bas-reliefs du temple de Chnouphis, à Éléphantine[316].

Sovk, comme toutes les Divinités Égyptiennes, reçut des noms et des surnoms différents. Il est appelé ΠΕΤΒΕ, Petbé, dans un manuscrit copte-thébain[317]; l’inscription Grecque des cataractes le surnomme ΠΕΤΕΝΣΗΤΗΣ, mot qui, transcrit en lettres coptes, ΠΕΤΗΕΝΣÈΤÉ, Pethensété, signifie, celui qui réside dans Sété; l’inscription établit en même temps que Sété est le nom Égyptien de l’île où ce monument a été découvert par M. Rüppel.

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Planche 21.


117

SOVK.
(SUCHUS, CRONOS, SATURNE.)

Le dieu Sovk, qui, dans la planche no 21, est totalement de forme humaine, se montre ici avec la tête de l’animal qui lui était spécialement consacré; c’est celle d’un crocodile, amphibie redoutable, qui peuple le grand fleuve auquel l’Égypte doit sa prospérité, et presque son existence. Les médailles grecques de l’Égypte, prouvent, en effet, que le crocodile fut l’emblême du Cronos Égyptien; une médaille d’Antonin, frappée à Alexandrie, montre, à son revers, le dieu grec Cronos, la tête surmontée d’un disque, en sa qualité de planète, la harpè dans la main gauche, et un crocodile sur la main droite. C’est ainsi que sur les médailles grecques des nomes d’Apollonopolis, de Thèbes, de Tentyra, d’Hermopolis, de Mendès, etc., les dieux Égyptiens répondant à Apollon, Zeus, Aphrodite, Hermès et Pan, se montrent au revers de ces médailles, costumés à la grecque, mais tenant aussi sur leurs mains un épervier mithré, un bélier, un épervier, un ibis et un bouc, animaux que les Égyptiens avaient consacrés à ces divinités, qui, presque toutes, en empruntent la tête sur les monuments du premier style.

Le crocodile fut choisi de préférence à tout autre animal, pour devenir le symbole de Souk, le Cronos ou Saturne Égyptien, le dieu du temps, parce que, selon la doctrine sacerdotale, cet amphibie est l’emblême du temps[318]. Dans le systême hiéroglyphique, diverses parties isolées du crocodile, expriment, de plus, des phénomènes célestes, qui tous ont servi de base aux divisions du temps. Les deux yeux de cet animal signifient le lever du Soleil ou d’un astre (Ἀνατολὴ); le crocodile recourbé désignait le coucher (Δύσις), et sa queue, les ténèbres, l’obscurité de la nuit (Σκότος)[319]. Les écrivains Grecs nous font 118 connaître les villes de l’Égypte dans lesquelles le crocodile, ou plutôt le dieu dont cet animal fut l’emblême spécial, était principalement adoré; ce furent surtout Ombos, Coptos, et Arsinoé qui, avant le règne des Lagides, portait parmi les Grecs le nom de Crocodilopolis.

Les bas-reliefs du grand temple d’Ombos offrent, en effet, l’image du dieu à tête de crocodile, accompagné de son nom hiéroglyphique Ⲥⲃⲕ ou Ⲥⲃϭ sovk, Sovg, reproduite un très-grand nombre de fois, et occupant le premier rang dans une moitié du temple qui a été construit par les Égyptiens, en l’honneur des dieux SOVK et Aroëris, sous le règne de Ptolémée Philométor et de Ptolémée Évergète II son frère, dont les légendes royales couvrent toutes les parties de ce superbe édifice. Les médailles du nome Ombite, portent à leur revers un crocodile ayant la queue recourbée, absolument semblable à celui qui, sur les bas-reliefs Égyptiens, termine le nom hiéroglyphique du dieu SOVK[320], ou qui seul tient la place de ce nom lui-même, comme caractère figuratif.

Les médailles de Crocodilopolis ou Arsinoé, portent à leur revers soit un crocodile semblable, soit, comme les médailles de Coptos, l’image même de Cronos. Dans les temps antiques, on nourrissait dans le lac voisin d’Arsinoé, un crocodile qui, à l’époque même de Strabon, vivait des offrandes, en vin et en mets de différente nature, apportées par les dévots, et que les prêtres mettaient dans la gueule de l’amphibie apprivoisé. Ce savant géographe nous apprend aussi que ce crocodile sacré s’appelait Σουχος (Souchos), ce qui est le nom même du dieu SOVK, dont il était l’emblême; c’est ainsi que le bœuf sacré de Memphis et le bouc de Mendès, se nommaient Apis et Mendès, comme les dieux dont ils étaient les symboles; c’est encore ainsi que sur les bas-reliefs Égyptiens, les images des animaux sacrés, le bélier, l’ibis, le schacal, le crocodile, etc., portent les noms hiéroglyphiques Amon, Thouth, Anébo et Sovk, qui sont ceux des dieux mêmes qu’ils représentent symboliquement.

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Planche 22.


119

BOUTO,
LETÔ, LATONE, NYX, LES TÉNÈBRES PREMIÈRES.

On remarque, parmi les innombrables images de personnages mythiques, sculptées sur les grands édifices de l’Egypte, celles d’une Déesse dont la carnation est presque constamment verte: mais l’attribut particulier qui la distingue de Néith, d’Athyr, de Selk, d’Isis, et de toutes les autres divinités femelles des trois ordres, est la partie inférieure de la coiffure Pschent ornée du lituus, qui couvre toujours sa tête. Son nom, en écriture sacrée, est composé d’un caractère symbolique présentant à l’œil la forme de deux arcs réunis et liés par leur partie convexe; ces armes, quelquefois accompagnées de deux flèches croisées, sont suivies des signes caractéristiques du genre féminin.

En étudiant avec soin les légendes hiéroglyphiques tracées à côté de ces images, j’ai reconnu qu’elles se rapportaient, sans aucun doute, à deux personnages mythiques bien distincts, puisque on lit dans les unes les titres: Grande Mère génératrice du Soleil[321], ou bien Mère du Soleil[322]; et dans les autres, ceux de Grande Déesse Mère, fille du Soleil. Il est évident que, dans la théogonie égyptienne, il exista deux Déesses qui eurent les mêmes attributs et presque le même nom: mais l’une, considérée comme mère du dieu Phrè ou du Soleil père de tous les Dieux du second ordre et aïeul de tous ceux du troisième, appartenait incontestablement à la classe des plus anciens Dieux qui, au nombre de huit, formaient le premier et le plus haut degré de la hiérarchie céleste; l’autre Déesse, en sa qualité de fille du Soleil, était nécessairement rangée parmi les divinités du second ou du troisième ordre. Il est démontré en effet, par la comparaison des textes égyptiens en écriture sacrée, que l’ordre généalogique des divinités, fixe pour l’ordinaire le rang de chacune d’elles.

Les titres honorifiques portés par la Déesse figurée sur notre planche 23, ne permettent point de douter que ce personnage ne jouât un rôle important dans les mythes sacrés de l’Egypte. La mère du Soleil ou du Dieu Phrè, devait nécessairement appartenir à la première classe des Dieux; et si l’on recueille les documents que les anciens auteurs nous ont transmis sur la Déesse égyptienne Bouto, il deviendra évident que cette même planche nous en offre l’image.

En effet, Hérodote nous apprend que Bouto fut une des plus anciennes divinités de l’Egypte, et qu’on la comptait au nombre des Dieux du premier ordre (note 3). Les Grecs qui, en donnant aux divinités égyptiennes 120 des noms tirés de leur propre mythologie, suivirent des règles constantes fondées sur une ancienne communication entre les deux peuples, assimilent constamment à leur Déesse Létô (la Latone des Romains), celle que l’on appelait Bouto parmi les Égyptiens[323]; comme cette dernière, la Létô des Grecs passait pour être la mère du Soleil (Apollon). Enfin l’identité de ces deux personnages sera complètement prouvée, si nous recherchons l’expression symbolique que chacun des deux peuples rattachait à ces Déesses. Selon les Grecs qui, en cela comme dans les attributions données à la plupart de leurs Dieux, se sont conformés aux vieilles traditions égyptiennes, Létô était le symbole de la Nuit, ou plus directement, des ténèbres primordiales qui enveloppaient le monde[324]: c’est sous un pareil point de vue que les Egyptiens considérèrent Bouto, ainsi que le prouve incontestablement le choix seul de l’animal qui devint son symbole vivant. La Mygale, ou Musaraigne, fut l’emblême de la Latone égyptienne, et les corps embaumés de ces animaux sacrés étaient déposés dans les sépulcres de la ville éponyme de Bouto[325]. On a cherché, dans les temps anciens, à expliquer cette consécration, en disant que la Déesse s’était métamorphosée en mygale pour échapper à la rage de Typhon[326]; mais cette idée-là est purement grecque, et Plutarque nous a conservé à cet égard la véritable tradition égyptienne. «La Mygale, dit-il, a reçu des honneurs divins parmi les Égyptiens, parce que cet animal est aveugle, et que les Ténèbres sont plus anciennes que la Lumière»[327]. La Mygale, et par conséquent la Déesse Bouto, furent donc le symbole de l’antique nuit, des ténèbres primordiales antérieures à la lumière.

Ces divers textes d’anciens auteurs, et presque tous ceux que nous aurons l’occasion de rapporter dans l’explication des planches relatives à la Déesse Bouto, ont été rapprochés par Jablonski qui les cite dans son Panthéon[328]. Mais ce savant mythographe, sacrifiant à son système favori qui fut de ne voir, dans la plupart des Déesses égyptiennes, que les emblèmes des diverses phases de la Lune, a récusé, sans raison, les témoignages de l’antiquité, et prononçant arbitrairement que le passage de Plutarque sur la Mygale n’était point conforme à la doctrine des Egyptiens, a prétendu reconnaître dans Bouto, non la Nuit personnifiée, ce qu’elle était réellement, mais une simple allégorie de la Pleine-Lune[329]. On peut voir dans l’explication de nos planches 14, 14.2, et 14.3, que la Lune, divinité mâle chez les Égyptiens, ne put avoir que des rapports très-éloignés avec la série entière des Déesses égyptiennes.

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Planche 23.


121

BOUTO,
NOURRICE DES DIEUX.

Cette déesse, l’emblême de l’antique Nuit ou des ténèbres primitives, source féconde d’où sortirent une foule d’êtres vivants, fut considérée par les Egyptiens ainsi que dans la cosmogonie des Grecs et de la plupart des peuples orientaux, comme cette obscurité première qui, enveloppant le monde avant que la main toute puissante du Démiurge eût créé la lumière et ordonné l’univers, renfermait dans son sein les germes de tous les êtres à venir. Aussi, les vers des orphiques, vénérables débris de la plus ancienne théologie des Grecs, et qui contiennent des doctrines conformes, sur presque tous les points, à celles des Egyptiens[330], donnent-ils à la déesse Nyx (la Nuit primitive), les titres de Πρεσϐυγένεθλ’ ἀρχὴ πάντων, première née, commencement de tout, Οἰκε θεῶν, habitation des Dieux, et celui de Θεῶν γενέτειρα, génératrice des Dieux, titres qui répondent exactement aux qualifications grande Déesse mère des Dieux, et génératrice des Dieux Grands, données à Bouto dans les légendes hiéroglyphiques gravées sur la tunique d’une statue qui tient dans ses mains une image de divinité placée dans un petit Naos[331]. Un monument semblable, mais de basalte vert, et seulement d’un pied de hauteur, a jadis existé dans la collection de feu l’abbé de Tersan; il représente, d’après l’inscription hiéroglyphique sculptée sur le dos du personnage, Aménoftèp fils d’Horus et de Tsenisis, et petit-fils du roi Psammitichus second, tenant aussi un petit naos dans lequel la déesse Bouto est figurée en plein relief. Tous les individus nommés dans cette inscription, prennent le titre de chéri de Bouto, divinité qui paraît avoir été la protectrice des Pharaons de la XXVIe dynastie égyptienne.

On donnait avec raison le surnom de mère des Dieux à la déesse Bouto, puisque, unie au dieu Phtha, elle avait enfanté Phrè ou le Soleil, desquels naquirent ensuite tous les autres Dieux. Hélios ou le Dieu-Soleil des Grecs, passait aussi pour fils de la déesse Nyx[332] (la Nuit).

Le culte de la déesse Bouto, divinité du premier ordre, et l’une des 122 émanations directes d’Amon-ra, fut très répandu en Egypte. Plusieurs villes lui furent consacrées, et portèrent même son nom, si nous en croyons les Grecs; Hérodote[333] parle, d’une manière très-détaillée, de la ville de Bouto située en basse Egypte vers l’embouchure de la Branche sébénnytique; le temple de la Déesse était orné de portiques d’une vaste étendue, et renfermait cette fameuse chapelle monolithe qui avait plus de cinquante pieds dans tous les sens. Il paraît même que le bras du Nil qui se jetait dans la mer à une petite distance de cette ville, avait reçu le surnom de Branche thermoutiaque en l’honneur de la Déesse; car le mot que les Grecs ont écrit Θέρμουθις, Τερμουτὶς, Θερμουτὶς et Θερμοὺτ, nous paraît être la transcription exacte d’un titre porté par les grandes déesses de l’Egypte, et surtout par Bouto, titre écrit ϫⲣⲙⲟⲩⲧ, Tjermout ou Djermout dans les textes hiéroglyphiques, et signifiant grande ou puissante mère. Une seconde ville du même nom, située au nord de Memphis et sur la rive occidentale du Nil, adorait spécialement la mère des Dieux Bouto, circonstance qui fit donner à ce lieu, par les Grecs, le nom de Létopolis, la ville de Léto ou Latone.

Bouto passait aussi, dans la croyance des Egyptiens, pour la nourrice de certains Dieux. On disait qu’Isis avait confié à cette divinité ses deux enfants Horus et Bubastis; et ce précieux dépôt fut caché dans l’île de Chemmis située dans le lac voisin de la ville de Bouto, île que la Déesse rendit flottante pour dérober les deux jumeaux aux poursuites et aux recherches de Typhon.

La singulière image de Bouto, reproduite sur notre planche 23.2, est tirée du fameux torse Borgia, sur lequel sont représentées la plupart des divinités égyptiennes; un sujet semblable est figuré sur un scarabée de la riche collection de M. Durand, ainsi que sur une petite statue qui appartient à M. Julliot[334]; la Déesse caractérisée par la portion inférieure du Pschent, qui couvre sa tête, donne son sein à deux crocodiles qu’elle semble allaiter avec tendresse. Cette scène fait-elle allusion à l’enfance d’Horus et de Bubastis, élevés secrètement sur les eaux du lac sacré; ou bien se rapporte-t-elle à l’éducation de quelques autres divinités? c’est ce qu’il est impossible de décider entièrement dans l’état actuel de nos connaissances sur les mythes sacrés de l’Egypte.

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Planche 23.2.


123

AHA, AHI, AHÉ ou ÉHÉ,
LA VACHE DIVINE.

Le taureau, le bœuf et la vache, qui vivent dans des climats si opposés, jouent aussi un grand rôle dans le systême cosmogonique et les croyances religieuses de nations qui sont d’origines différentes; l’Europe, l’Afrique et l’Asie, ont également compris ces animaux dans leurs rites, leurs symboles et leurs allégories; et les voyageurs racontent qu’on montre encore au Japon, dans une pagode célèbre, un taureau d’or massif placé sur un autel: son cou est orné d’un collier précieux, et il frappe de ses cornes un œuf flottant sur la surface des eaux. Les docteurs du pays expliquent très-bien cette action: cet œuf, au temps du chaos, contenait le monde et flottait sur les eaux; il se fixa sur une matière solide venue du fond de la mer à sa surface par l’attraction de la lune; et un taureau, dont ces docteurs ne disent pas l’histoire, fit sortir le monde de cet œuf en le frappant avec ses cornes: en même temps il anima l’homme par son souffle. Tous les mythographes ont aussi parlé, bien ou mal, du taureau et de la vache figurés sur les monuments religieux des Égyptiens. Nous aurons bientôt l’occasion de montrer le taureau dans une scène symbolique très-intéressante pour l’explication de quelques traditions grecques; nous nous occuperons d’abord de la vache divine qui se voit fréquemment dans les monuments de l’ancienne Égypte.

La dernière grande division des Rituels funéraires égyptiens, qui contient les oraisons et les supplications adressées au nom du défunt aux plus grandes divinités du pays, à celles qui tenaient le rang suprême dans les régions célestes, présente presque toujours, parmi les peintures qui la décorent, l’image d’une vache décorée d’ornements assez 124 variés, mais dont la tête est constamment surmontée d’un disque peint en rouge, et flanquée de deux grandes feuilles ou plumes de couleurs variées. Le col de cet animal est orné d’un collier, auquel est suspendu tantôt l’emblème de la vie divine (la croix ansée), tantôt la tête de femme à oreilles de vache, symbole de la Vénus égyptienne[335]. Le corps de la vache est blanc ou bien peint en jaune clair, et la housse qui parfois le recouvre est ordinairement rouge.

Le nom hiéroglyphique de cette génisse sacrée se présente sous plusieurs formes différentes, mais exprimant toutes les mêmes sons d’une manière plus ou moins complète. La forme la plus ordinaire (légende no 2), peut se transcrire en lettres coptes ⲁϩⲁ, ⲁϩⲉ, ⲁϩⲓ, ou bien ⲉϩⲉ, ⲉϩⲓ. La légende no 3 ne diffère de la précédente que par l’emploi d’un caractère homophone, la feuille à la place de l’oiseau, et la légende no 4 n’en est qu’une abréviation terminée par le caractère ⲧ, signe du genre féminin, exprimé dans les autres noms hiéroglyphiques par ⲧ et ⲥ, marques constantes de ce genre dans la langue égyptienne parlée. Dans quelques textes, au lieu du nom propre même, on lit la simple qualification LA GRANDE VACHE-REINE ou déesse (légende no 5).

L’importance du rôle que jouait dans la mythologie égyptienne cette génisse considérée non comme un simple animal sacré nourri dans un temple, mais comme forme symbolique propre à un être divin, est suffisamment dénotée par la légende no 1 qui accompagne souvent son image dans les papyrus hiéroglyphiques: Ahé (vache) la grande, GÉNÉRATRICE DU DIEU SOLEIL.

Ainsi le dieu Phré ou le dieu soleil (Hélios) qui, dans la théogonie égyptienne, fut considéré comme le père de tous les dieux de la seconde ou de la troisième classe, devait la naissance à la vache Ahé; cet être mythique fut donc aussi une des principales divinités, l’une des plus anciennes et par suite des plus vénérées, puisque, dans l’olympe égyptien, l’ordre seul de la naissance réglait toujours le rang et l’importance de chaque divinité.

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Planche 23.3.

L’extrême incertitude des signes de voyelles, dans la partie phonétique 125 de tous les textes hiéroglyphiques, ne nous permet point encore de décider si le nom de la grande vache sacrée, lu ⲁϩⲉ (Ahé) ou ⲁϩⲓ (Ahi), doit être rapporté au mot égyptien ⲁϩⲉ ou ⲁϩⲓ, LA VIE, vita, l’AME (anima), ou bien aux mots ⲁϩⲏ[336] ou ⲉϩⲉ (Ahi, ÉHÉ) qui, dans différents dialectes de la langue égyptienne, signifient bœuf et vache. J’avoue, toutefois, que la présence habituelle de l’image d’une vache à la suite de ce nom propre phonétique, me porte à préférer le second rapprochement au premier, et à ne voir, dans le groupe hiéroglyphique phonétique, que les sons de la langue parlée répondant au caractère figuratif VACHE qui les suit immédiatement. Je pourrais citer un très-grand nombre de groupes phonétiques accompagnés ainsi d’un caractère figuratif représentant au propre l’objet exprimé par les signes de son.

On a déja dit (explication des planches 23 et 23.2) que, selon la doctrine égyptienne telle que les monuments eux-mêmes nous la présentent, le dieu Phré, ou le soleil, était regardé comme le premier né de la déesse Bouto, ou la nuit primordiale personnifiée. La vache divine Ahé étant aussi produite comme mère du même dieu par des autorités semblables, il est tout naturel de penser que cette vache ne fut qu’une des formes symboliques données à la déesse Bouto considérée dans certaines attributions particulières. C’est ce que confirme pleinement le tableau emblématique gravé sur notre planche 23.4, que je trouve sculpté, au milieu d’une foule d’autres également importants, sur le fameux torse égyptien qui fit jadis partie de la belle collection du cardinal Borgia.

La vache divine est debout sur un énorme uræus ou aspic, dont la tête est celle d’un lion surmontée du disque solaire; l’uræus est ailé, et sa queue se termine par une tête de bélier. Au col de la vache est suspendu l’emblème de la vie divine, et on a figuré vers ses pieds antérieurs l’œil sacré, symbole du soleil. Le bélier, emblème d’Amon-Ra, comme le prouve sa coiffure décorée des deux longues plumes du dieu, est accroupi et repose sur le dos de la vache Ahé. 126

Il serait difficile, sans risquer de tomber dans de très-graves erreurs, de vouloir pénétrer, d’après l’état actuel de nos connaissances sur les mythes sacrés des égyptiens, dans le sens intime du tableau symbolique figuré sur le torse du musée Borgia. Contentons-nous d’y reconnaître avec certitude la mère du soleil mise en contact avec le démiurge Amon-Ra, le père des dieux et la source première de toute génération céleste et terrestre. La légende en caractères hiéroglyphiques, qui accompagne et explique en quelque sorte cette bizarre composition, établit clairement ce que de simples considérations tirées de faits reconnus nous portaient à supposer déja, savoir: que Ahé, ou la vache divine, n’est qu’une des formes emblématiques de la déesse Bouto, la Latone égyptienne. L’inscription de ce tableau porte en effet (planche 23.4, légende no 1): Bouto-Ahé génératrice du soleil, ou si l’on veut Bouto vache génératrice du soleil. Les mots ⲁϩⲉ, et ⲙⲁⲥ (génératrice), sont écrits en abrégé dans le texte original.

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Planche 23.4.


127

RÉ, RI, PRÉ, PHRÉ, ou PHRI.
(HÉLIOS, LE SOLEIL.)

Le Dieu suprême Ammon-Cnouphis, et son fils, le Dieu Phtha, ou Phtah, occupaient les deux premiers rangs parmi les personnages mythiques de la théologie égyptienne; car Nèith, émanation d’Ammon, ne formait, au fond, qu’un seul Être avec le Premier Principe qui l’avait manifestée. Ammon et Phtah régnaient dans le monde intellectuel, dans le monde supérieur; un Être, moins ancien que les deux autres, gouvernait l’univers matériel, le monde physique: c’était Phré, ou le Dieu-Soleil.

Cet Être divin, l’Œil du Monde et l’Ame de la Nature[337], était fils de Phtha[338], l’Intelligence active qui organisa l’Univers; Phré régna après son père: c’est le second des Dynastes de l’Égypte.

Les représentations de Phré sont très-multipliées dans les sculptures des grands monuments. Il s’y montre sous une forme humaine; mais avec une tête d’Épervier, surmontée d’un disque, habituellement peint de couleur rouge; c’est l’image du disque solaire. Les Égyptiens donnaient à ce Dieu une tête d’Épervier «Parce que cet animal est fécond et de longue vie; il semble, plutôt que tout autre volatile, devoir être l’emblême du Soleil; car, doué, par la Nature, d’une puissance particulière et occulte, il tient ses yeux fixés sur les rayons de cet astre; c’est pour cela que le Soleil; considéré comme le Seigneur de la Vision, est ordinairement représenté Hiéracomorphe (sous une forme d’Epervier)»[339].

Cette planche nous offre, en effet, le Dieu avec une tête d’Épervier; le disque placé sur sa tête est entouré par le corps du Serpent Uræus, emblême de la puissance suprême, et qui rappelle le règne du Dieu avant les Dynasties humaines. Cette belle image de Phrè est tirée d’un des bas-reliefs du tombeau royal découvert, à Thèbes, par M. Belzoni. 128

Les deux premiers signes de la légende no 1, sont phonétiques, et forment la syllabe PH (), qui est le nom du Soleil, et du Dieu, lui-même, en langue égyptienne. Le groupe suivant, dans lequel domine l’Épervier, ayant la tête surmontée du disque, est le nom symbolique du Dieu, dont les deux signes précédents indiquent la prononciation; les quatre derniers caractères répondent aux mots égyptiens, NOUTE NAAF NEB MPÈ, Dieu-Grand, Seigneur du Ciel, titres ordinaires de cette Divinité. Les groupes hiéroglyphiques 2 et 3, sont des variantes figuratives des mêmes noms divins, et répondent aux mots RÈ NOUTE, le Dieu Rè; le no 4 n’en diffère que par la forme symbolique du signe final Dieu; les variantes 5 et 6, montrent le disque du Soleil, décoré de l’Uræus, comme celui qui surmonte la tête du Dieu. On a placé, sous le no 7, les formes hiératiques de ce nom divin, qu’on trouve fréquemment tracé en lettres grecques, et écrit ΦΡΗ ou ΦΡΙ, sur les pierres gravées gnostiques ou basilidiennes. ΦΡΗ n’est que le mot égyptien ΡΗ ( ou Ri), précédé de l’article du genre masculin Φ (Ph). On disait ΦΡΗ, Phrè ou Phri, en dialecte memphitique, et ΠΡΗ, Prè ou Pri en dialecte thébain.

Comme le Dieu Phtah, son père, le Dieu Phrè était le protecteur spécial des souverains de l’Égypte, que l’on considérait comme membres de la famille de cette Divinité: aussi les Pharaons, les Lagides, et les Empereurs romains, portent-ils constamment, dans leurs légendes hiéroglyphiques, les titres fastueux: Fils du Soleil, Né du Soleil, Fils préféré du Soleil, Approuvé par le Soleil, Roi, comme le Soleil, des régions inférieures et supérieures.

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Planche 24.


129

L’ÉPERVIER,
EMBLÊME VIVANT DE PHRÉ (LE SOLEIL).

Parmi les images d’animaux sacrés, figurées sur les monuments égyptiens de toutes les époques, celles de l’Épervier sont, sans aucun doute, les plus multipliées; et cela vient de ce que cet oiseau fut à la fois l’emblème de plusieurs divinités différentes. Aussi le trouve-t-on représenté au revers des médailles de neuf des Nomes de l’Égypte, soit seul, soit placé sur la main d’un grand nombre de personnages mythiques dont les attributions furent cependant bien distinctes. Mais alors l’épervier porte toujours des insignes particulières, lesquelles caractérisent, d’une manière très-précise, chacune des divinités dont il devient successivement le symbole.

Selon les préjugés populaires, cet oiseau affectionnait particulièrement l’Égypte, et si nous écoutons Ælien, «les Égyptiens choisissaient deux éperviers pour les envoyer observer les îles désertes de la Libye; les Libyens célébraient ce voyage par une fête, et les deux oiseaux se fixaient dans celle des îles qui leur paraissait la plus convenable; là, ils faisaient leurs petits en sûreté, chassaient aux moineaux et aux colombes; enfin, lorsque leurs petits étaient assez forts pour voler, ils les reconduisaient en Égypte comme dans leur véritable patrie[340].» On savait aussi que cet oiseau est susceptible de s’attacher par les bienfaits; les Égyptiens les captivaient par la douceur des mets; ainsi apprivoisés, les éperviers devenaient très-familiers et ne faisaient jamais de mal à ceux qui leur avaient prodigué de si bons traitements[341]. Ils rendaient d’ailleurs, disait-on, de véritables services à l’homme en détruisant les cérastes, les scorpions et autres petites bêtes venimeuses[342].

C’est à cause de ces bienfaits envers la terre d’Égypte qu’il purgeait du reptile le plus dangereux, et parce que l’on citait la fécondité et la longévité de cet oiseau, qu’il devint d’abord pour les Égyptiens le signe 130 symbolique de l’idée Dieu[343]. Mais supposant aussi que l’épervier était d’une nature ignée, comme le soleil, et très-destructeur, comme ce même Dieu à la colère duquel ils attribuaient les maladies pestilentielles[344]; persuadés enfin que seul d’entre les êtres vivants, l’épervier avait la faculté de fixer ses yeux sur le disque éblouissant du soleil[345], ils le consacrèrent d’abord à cette grande divinité qu’ils représentaient emblématiquement sous la forme même d’un épervier[345].

Cet oiseau de proie fut ainsi introduit dans les sanctuaires de l’Égypte, comme une image vivante du dieu Phrè ou le soleil personnifié. Sa représentation est reproduite dans des poses très-variées, soit sur les bas-reliefs qui décorent les grands édifices de l’Égypte, soit dans les peintures des catacombes et des cercueils de tous les âges. Mais partout l’épervier, emblème de Phrè, est spécialement caractérisé par une image du disque solaire placé sur sa tête, ainsi qu’on le voit dans notre planche 24.2, extraite des riches peintures qui couvrent l’enveloppe intérieure d’une momie du cabinet de M. Durand.

C’est ce disque souvent orné de l’uræus, qui distingue l’épervier symbole du soleil, roi du monde physique, des divers éperviers sacrés, emblêmes de la déesse Hathôr et des dieux Phtah-Sokari, Mandoulis, Aroéris, Horus, etc., etc. On doit remarquer aussi que l’épervier, la tête surmontée du disque, forme, dans l’écriture hiéroglyphique, le nom symbolique du soleil.

Les légendes gravées sur notre planche 24.2, sous les Nos 1, 2, 3 et 4, sont communes au dieu Phrè et à l’épervier son emblème: la première, le soleil-dieu, est symbolico-figurative; la seconde est purement symbolique, le soleil; la troisième est formée du nom phonétique du soleil RÈ, suivi du nom symbolique; la quatrième est la forme hiératique des légendes hiéroglyphiques 1 et 2.

Ceux d’entre les Égyptiens qui avaient une dévotion particulière pour le dieu Phrè, nourrissaient avec soin des éperviers; aussi a-t-on découvert assez fréquemment dans les catacombes de l’Égypte, des momies de ces oiseaux préparées avec une certaine recherche.

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Planche 24.2.


131

LE SPHINX DU DIEU PHRE,
OU DU SOLEIL.

Quoique Phré, ou le Dieu-soleil, reçût de l’Égypte entière un culte très-solennel, et que peu de grandes divinités aient été l’objet de tant d’hommages, ses représentations au propre offrent, en général, peu de variétés soit dans l’ensemble, soit dans les détails des attributs; tandis que certains Dieux et quelques Déesses d’un rang très-inférieur à celui du premier né de Phtha, se montrent, sur les monuments, sous des formes très-différentes, soit qu’ils empruntent la tête de divers animaux, soit par le changement des emblêmes et des décorations qui servent à les distinguer dans telle ou telle de leurs attributions divines. Mais si les images du Dieu Phré sont presque toujours semblables, il existe une très-grande variété dans les symboles consacrés à rappeler l’idée de cet être bienfaisant, de ce roi conservateur du monde physique.

Parmi ces emblêmes, dont il a paru indispensable de comprendre la série entière dans ce recueil, l’animal fantastique gravé sur cette planche n’est pas un des moins importants; et quoique jusqu’ici on ait voulu regarder le Sphinx comme un emblême exclusif des mystères du débordement, de la terre d’Égypte, ou de tout autre phénomène céleste ou terrestre, il est indubitable que le Sphinx est, dans certaines occasions, un symbole du soleil ou du Dieu Phré, sur les monuments d’ancien style égyptien. La légende hiéroglyphique, peinte à côté de celui que nous publions aujourd’hui, contient textuellement, en effet, l’expression des idées (le soleil) Dieu grand seigneur du ciel: c’est le texte même d’une formule inscrite sur l’obélisque transporté jadis d’Égypte à Rome pour être érigé dans le grand cirque, formule qu’Hermapion a rendue très-littéralement par les mots Ἥλιος θεὸς μέγας δεσπότης οὐρανοῦ[346].

Ce sphinx, tiré d’une magnifique momie de la collection égyptienne de S. M. le roi de Sardaigne, existe sur le premier cercueil, au milieu de peintures d’autant plus curieuses, que plusieurs présentent, contre l’ordinaire des monuments de ce genre, un véritable intérêt historique. Le défunt, qui tenait un rang distingué dans l’ordre sacerdotal puisqu’il était voué au culte des souverains de la XVIIIe dynastie égyptienne, est représenté à genoux devant un autel chargé de pains sacrés et de fleurs de lotus. Auprès des offrandes et sur un piédestal richement décoré, 132 repose le sphinx symbolique du soleil: la tête humaine barbue et le corps du lion, sont de couleur verte; une housse couvre son dos, et un grand uræus ailé s’élève en grands replis au-dessus de la croupe de l’animal fantastique, et exprime la puissance royale dont le Dieu Phré, considéré comme le père des rois, était en quelque sorte la source et le prototype. Une petite image de la Déesse Saté (la Junon égyptienne), assise entre les pattes antérieures du sphinx, paraît se rapporter à la même idée.

Le sphinx, qui est ici un emblême du Dieu Phré, n’a jamais indiqué, comme c’est l’opinion commune, la présence de cet astre dans les signes du Lion et de la Vierge; cette explication était d’autant moins fondée, que la tête humaine de la plus grande partie des sphinx de travail véritablement égyptien, est une tête mâle, caractérisée par la barbe, ce qu’on ne saurait rapporter à l’astérisme de la Vierge. Le seul passage des écrivains classiques, relatif à cet animal fantastique, et qui soit en harmonie parfaite avec les faits démontrés par les monuments, se trouve dans Clément d’Alexandrie, Ve livre des Stromates, où on lit[347] que le sphinx, chez les Égyptiens, fut le symbole de la force unie à la prudence ou à la sagesse: la première de ces qualités était exprimée par le corps entier du Lion τὸ σῶμα πᾶν λέοντος, et la seconde par la face d’homme, τὸ πρόσωπον ἀνθρώπου, unie au corps de l’animal.

Le sphinx étant ainsi, dans les anaglyphes, le signe de deux qualités essentiellement propres à toutes les essences divines et aux êtres mortels les plus favorisés des Dieux, devint, par cela même, un emblême commun à la plupart des divinités du premier et du second ordre, et aux souverains de l’Égypte. J’ai reconnu, en effet, sur les monuments, un grand nombre de Dieux et de Déesses, de Pharaons, de Lagides et d’Empereurs, représentés sous la forme même d’un sphinx; ce qui exclut toutes les interprétations tirées de l’Astronomie ou des phénomènes naturels, qu’on a voulu donner de cet emblême.

On distingue les sphinx, images symboliques des différentes divinités, par les insignes caractéristiques de chacune d’elles, placées sur la tête du monstre. Le disque solaire peint en rouge ou en vert, surmonte la coiffure du sphinx emblême du Dieu Phré, et rappelait aux Égyptiens la force et la sagesse de l’être céleste qui, dans leur système cosmologique, régissait et gouvernait l’univers matériel.

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Planche 24.3.


133

DJOM, DJEM, ou GOM,
(L’HERCULE ÉGYPTIEN.)

Les Grecs connurent trois personnages mythiques du nom d’Hercule; le plus moderne vécut peu de temps avant la guerre de Troie: c’était le fils d’Alcmène et le petit-fils d’Alcée[348]; le second était l’Hercule Crétois[349]; et le plus ancien de tous fut l’Hercule Égyptien, dont les travaux et les exploits ont été attribués par les Grecs à leur héros national, né à Thèbes de Béotie[350]. Hérodote, qui convient n’avoir jamais entendu parler dans aucun endroit de l’Égypte de cet Hercule si connu des Grecs[351], nous a transmis de précieux détails sur l’Hercule Égyptien.

«Hercule, dit-il, est un Dieu très-ancien chez les Égyptiens, et, comme ils l’assurent eux-mêmes, il est du nombre de ces douze Dieux qui sont nés des huit premiers Dieux, 17000 ans avant le règne d’Amasis[352].» Diodore de Sicile est d’accord, à cet égard, avec le père de l’histoire, lorsqu’il avance que l’Hercule Égyptien parut, dès le premier établissement de la race humaine sur la terre, époque depuis laquelle les Égyptiens, assure-t-il, comptaient bien plus de 10000 ans[353]. Ce Dieu rendit la terre habitable, en la délivrant des animaux féroces[354]. Ainsi, l’Hercule Égyptien était un Dieu de la seconde classe qui se composait de douze Divinités émanées des huit Grands Dieux de la première, parmi lesquels Ammon-Chnouphis, Nèith, Phtah, Mendès et Phré, occupaient les principaux rangs. Il paraît, comme on le verra dans la suite, que les Dieux de la seconde classe ne furent, pour la plupart, que des Parèdres de ceux de la première que nous venons de nommer.

Le culte d’Hercule était très-répandu en Égypte, et remontait aussi, selon Macrobe, à l’antiquité la plus reculée; ce personnage mythique était considéré comme l’emblême de la Force Divine, Virtus Deorum; et on lui attribuait, ainsi qu’on le fit en Grèce, la défaite des Géants ennemis des Dieux[355]. Nous apprenons enfin par Plutarque, dans son 134 Traité d’Isis et d’Osiris, que les Égyptiens croyaient que leur Hercule habitait le disque solaire, et qu’il faisait avec cet astre le tour de l’univers.

Cette dernière indication nous a fait reconnaître, dans les peintures des manuscrits et dans les bas-reliefs des temples, les formes variées que les Égyptiens donnèrent à leur Hercule. Ce Dieu est figuré sous une apparence toute humaine, et porte ordinairement sur sa tête, ou dans sa main, une longue feuille ou plume, dont la partie supérieure est arrondie et recourbée. Ses chairs sont constamment rouges, et l’Hercule-Égyptien, comme l’a dit Plutarque, accompagne, en effet, presque toujours le Dieu Phré (le Soleil), lorsque cette grande Divinité est suivie, sur les monuments, par ses divers Parèdres. Dans un des bas-reliefs moulés dans la grande salle du tombeau royal découvert à Thèbes par M. Belzoni, l’Hercule-Égyptien, tel que nous venons de le décrire, est placé dans la barque du Soleil, à côté du disque lui-même. Dans la seconde partie du Rituel funéraire, dont les papyrus, trouvés sur les momies, sont des copies plus ou moins complètes, l’Hercule-Égyptien accompagne encore le Dieu-Soleil[356]. Il en est ainsi dans une foule d’autres peintures ou sculptures.

L’Hercule Égyptien gravé sur notre planche 25, a été copié à Biban-el-Molouk, par la Commission d’Égypte, dans le cinquième tombeau royal de l’est[357]; la légende hiéroglyphique tracée à côté de ce personnage, renferme son nom propre et sa filiation (nos 1 et 2). Le nom propre est composé ici, comme partout ailleurs, de deux caractères, 1o d’une plume ou feuille, semblable à celle que le dieu porte sur sa tête; la valeur phonétique de ce signe nous est encore inconnue; 2o de l’oiseau que nous appelons provisoirement la caille, et qui, dans toutes les légendes hiéroglyphiques, exprimant indifféremment les lettres O, OU et V, a pour homophone, le lituus (lég. no 3). La filiation est indiquée par l’oie, la ligne perpendiculaire, et le disque solaire suivi de la ligne perpendiculaire, ce qui donne Sché ou Sé-Ré, ou bien, Si-Ri, c’est-à-dire, Fils du Soleil: l’Hercule Égyptien est ordinairement qualifié de Dieu grand, Fils du Soleil, Seigneur Suprême (voyez la pl. no 25.2).

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Planche 25.


135

DJOM, DJEM OU GOM,
(SEM, CHÔN, L’HERCULE ÉGYPTIEN.)

La valeur phonétique de la sorte de plume, ou feuille arrondie à sa partie supérieure, qui est le premier signe du nom hiéroglyphique du personnage que nous considérons comme l’Hercule égyptien, étant encore inconnue, il devient très-difficile de décider, parmi les diverses transcriptions du nom égyptien de ce dieu données par les auteurs classiques, laquelle est la plus exacte, et celle qu’il conviendrait d’adopter définitivement: selon les uns, le nom d’Hercule, en langue égyptienne, était Chôn (Χων)[358]; selon d’autres, ce fut Gignôn ou Gigôn; Γιγνων, οἱ δὲ Γιγων[359]; enfin, d’après l’extrait du Canon des rois thébains par Ératosthène, il semblerait que ce même nom était Σεμ, puisque, dans ce texte important, on interprète le nom du pharaon Σεμφρουκρατης par Hercule Harpocrate. Jablonski[360] a pensé que les noms Χων et Σεμ n’étaient que des altérations du mot égyptien ϫⲱⲙ (Djôm ou Gôm) qui, dans les composés, prend aussi en effet la forme de ϫⲉⲙ (Djem) et exprime les idées force et puissance. Ce rapprochement présente tous les caractères de la probabilité: nous n’en adopterons toutefois les conséquences que provisoirement. Le nom de l’Hercule égyptien se terminant par une voyelle ou une diphtongue dans l’écriture sacrée, et paraissant peindre plutôt les sons sou, soou ou gaôu, que djom ou djem, le hasard peut, d’un instant à l’autre, décider cette question, en nous fournissant le moyen de déterminer la véritable valeur alphabétique du premier hiéroglyphe de ce nom divin.

Il est possible aussi que ce dieu eût, comme une foule d’autres, plusieurs noms différents, de la même manière qu’on le représentait sous des formes et avec des attributs très-variés. La planche ci jointe nous 136 montre l’Hercule égyptien sous des apparences toutes nouvelles: ses chairs sont de couleur verte comme celles du dieu Phtha, son aïeul; une ample tunique, coupée de bandes horizontales de diverses couleurs, le couvre jusqu’au bas des jambes, et deux longues plumes bleues s’élèvent au-dessus de sa coiffure. L’original de cette figure, dont je dois une copie à l’amitié de M. Huyot, est sculpté de fortes proportions sur un des piliers de la première salle de la grande excavation d’Ibsamboul, le plus majestueux monument de la Nubie, et dont l’exécution est due au règne fameux du Pharaon Ramsès, plus connu sous le nom de Sésostris. Le conquérant y est représenté faisant une riche offrande à l’Hercule égyptien, accompagné ici, comme partout ailleurs, par une déesse qui, comme lui, reconnaît le dieu Phré pour son père.

On retrouve l’image de ce même dieu, 1o sous un costume absolument semblable, si ce n’est que les plumes qui surmontent sa coiffure sont plus nombreuses, dans un bas-relief des piliers du tombeau royal découvert à Thèbes par Belzoni: Hercule présente l’emblème de la vie céleste au Pharaon Ousirei-Akenchérès, par les ordres duquel ce vaste hypogée fut creusé à grands frais;

2o Parmi les caractères hiéroglyphiques inscrits sur les quatre faces du petit obélisque existant au musée britannique, monument qui paraît avoir été érigé par un Pharaon de la XXe dynastie: le nom de ce roi est toujours précédé du titre chéri d’Hercule, exprimé par le caractère figuratif de ce dieu assis et la tête ornée d’un large faisceau de plumes;

3o Enfin dans une stèle funéraire du musée de Turin. La scène principale de ce bas-relief représente le défunt Satéroui, fils de Tathé, adorant Osiris, président de la région inférieure: ce juge suprême des morts est debout entre l’Hercule égyptien, dont la longue tunique est quadrillée en forme de damier, et la déesse sa sœur, qui présentent à l’époux d’Isis une chaîne formée des emblèmes réunis de la vie céleste, de la stabilité et du bonheur, la croix ansée, le nilomètre et le sceptre à tête de coucoupha.

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Planche 25.2.


137

ATMOU, OTMOU, TMOU.
(HÉRON.)

Malgré les profondes recherches et la vaste érudition de P. E. Jablonsky, le siècle dernier ne put se former une idée claire du système religieux de l’ancienne Égypte. Ce savant avait pris pour guides les écrivains grecs et latins qui parlaient, occasionnellement, des mythes sacrés et des croyances jadis en vigueur dans les sanctuaires de Thèbes et de Memphis. Il crut possible, avec le seul secours des notions rares, partielles, et isolées les unes des autres, que fournissent ces auteurs, de recomposer un tableau complet de la théogonie égyptienne. Mais sans noter ici les erreurs commises, soit dans le rang assigné à certaines divinités, soit dans leur ordre généalogique, ou même en déterminant leurs attributions spéciales, nous remarquerons surtout que les monuments égyptiens font connaître une foule de personnages mythologiques et présentent une nombreuse série de noms divins dont on chercherait vainement la trace dans les écrivains classiques: cette observation s’applique très-particulièrement au dieu représenté sur les planches 26, 26.2, 26.3 et 26.4 de ce recueil.

Que ce personnage ait occupé un rang distingué dans le Panthéon de l’ancienne Égypte, et qu’il ait appartenu à l’une des plus hautes classes de divinités, ce sont là des faits mis hors de toute discussion par la fréquence des images de ce dieu sur les monuments des divers ordres, et par celle des invocations qui lui sont adressées dans le grand Rituel des morts ou livre de la manifestation à la lumière[361], ainsi que dans les tableaux et les stèles d’adoration.

Le nom de ce dieu a été diversement orthographié dans les manuscrits hiéroglyphiques et hiératiques, comme dans les inscriptions gravées sur les temples et les monuments funéraires. On a recueilli toutes ses variations pl. 26.2 (nos 1, 2, 3 et 4), et pl. 26.4 (nos 3, 4, 5, 6 et 7). La forme la plus simple (pl. 26.4, nos 6 et 7) se trouve constamment reproduite dans tous les textes hiératiques, sans aucune modification, telle qu’on la donne ici pl. 26.2, no 4. Réduit ainsi à ses véritables éléments, ce nom, composé des signes phonétiques ⲁ ou ⲟ, ⲧ et ⲙ, suivis parfois du signe de la voyelle ⲟⲩ[362], se prononçait ⲁⲧⲙⲟⲩ ou bien ⲟⲧⲙⲟⲩ, et par abréviation ⲧⲙⲟⲩ; car 138 le signe initial, la feuille de roseau ⲁ ou ⲟ, se trouve fréquemment omis dans les légendes hiéroglyphiques[363]. La forme hiératique de ce nom divin n’offrant jamais de caractère équivalent au caractère figurant un traîneau, qu’on remarque assez habituellement dans le même nom écrit en signes hiéroglyphiques, établit suffisamment que ce caractère n’est qu’un simple déterminatif du sens même de ce nom, sans entrer pour rien dans sa prononciation. Quant au signe qui termine le groupe phonétique ⲁⲧⲙ (pl. 26.4, no 7), c’est encore un signe déterminatif du nom entier, et il appartient à la classe des caractères figuratifs, car il reproduit l’image même du dieu dont il accompagne le nom.

ⲁⲧⲙⲟⲩ est en effet habituellement représenté sous une forme tout humaine: ses chairs sont peintes de couleur rouge ou de couleur verte (pl. 26.2). Le dieu, assis sur un trône et tenant dans ses mains les insignes de la vie et de la bienfaisance divine, porte sur sa tête la grande coiffure royale, le pschent, symbole de la domination sur les régions supérieures et inférieures: cette coiffure dénote à elle seule l’étendue des attributions du dieu, et ne permet point de le ranger parmi les divinités d’un rang ordinaire; aussi le trouve-t-on toujours, dans les peintures ou les bas-reliefs représentant des scènes mystiques, associé à des divinités d’un ordre très-relevé.

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Planche 26.

Un tableau funéraire, peint sur bois[364], nous montre le dieu Atmou ayant en main les emblèmes combinés de la bienfaisance, de la vie et de la stabilité, marchant immédiatement après le dieu Phré, et suivi du dieu Thoré, d’Osiris, d’Horus, ainsi que des deux divines sœurs Isis et Néphtys. Atmou conserve ce même rang dans la prière tracée au-dessous de ces images, prière dans laquelle chacune de ces six divinités est successivement invoquée. Une autre scène symbolique, peinte dans la troisième partie de tous les exemplaires complets du Rituel des morts, prouve aussi, non-seulement qu’Atmou tenait, dans le système théogonique égyptien, un rang supérieur à celui d’Osiris et des dieux de la troisième classe, mais encore que des divinités de la seconde, telles que Sôou et sa sœur Tafné, Sèv et sa sœur Netphé, ne marchaient qu’après lui dans la hiérarchie céleste. Il s’agit de la vignette de l’un des chapitres du Rituel des morts, intitulé Adoration au dieu Phré (le soleil), se mouvant dans sa bari; on y a représenté[365] le soleil, sous la forme de l’épervier sacré, dans un disque porté sur le vaisseau, et assisté de neuf divinités, dont la première 139 est Atmou, après lequel sont assis les dieux et déesses de la seconde et de la troisième classe, que nous venons de citer. Le texte explicatif de cette scène symbolique, transcrit sur notre planche 26.4, no 2, porte en effet: Ceci est l’image de l’épervier divin dans la bari; la couronne des régions supérieures est sur sa tête; il est honoré par Atmou, Sôou, Tafné, Sèb, Netphé, Osiris, Horus, Isis et Néphtys. L’étude des monuments égyptiens nous a d’ailleurs appris que, dans toute peinture ou tout bas-relief, l’ordre dans lequel les divinités sont placées indique invariablement le rang et l’importance relative de chacune d’elles.

Il faut donc, d’après les faits précédemment exposés, considérer Atmou comme le chef des dieux de la seconde classe, et le placer immédiatement après le dieu Phré, le dernier des dieux de la première, dans le système théogonique égyptien, divinité avec laquelle Atmou se montre partout dans une liaison fort intime sous le rapport des attributions et des emblèmes; ses titres les plus ordinaires: Dieu grand[366], seigneur du monde matériel[367]; dieu grand, seigneur du ciel[368], l’assimilent en général aux êtres mythiques les plus importants, mais au dieu Phré ou le Soleil en particulier.

Il y a plus, un grand nombre de monuments démontrent l’identité de Phré et d’Atmou, ou, en d’autres termes, établissent clairement qu’Atmou n’est qu’une des nombreuses formes du dieu Phré qui, lui-même, n’était qu’une forme sensible d’Amon-Ra.

Notre planche 26, calquée sur une magnifique momie du Musée de Turin, nous offre ces deux divinités réunies en une seule, comme ne permet point d’en douter la légende hiéroglyphique ⲣⲏ-ⲧⲙⲟⲩ ⲛⲟⲩⲧⲉ ⲛⲏⲃ-ⲧⲟ, le dieu Ré-Tmou, seigneur du monde matériel, inscrite au-dessus de ce personnage, dont la tête est celle de l’oiseau sacré du soleil, l’épervier, unie à un corps humain, et dont les chairs sont de couleur verte, teinte souvent affectée au corps entier du dieu Atmou, lorsqu’on le représente sous une forme tout humaine[369]. Le fouet placé dans la main droite du dieu, et le pedum ou sceptre à crochet, qu’il tient de la gauche, expriment assez clairement les attributions incitatrices et modératrices de cette double divinité. La fille aînée du dieu Phré, la déesse Vérité ou Justice (Thmei), caractérisée par la plume d’autruche fixée à sa coiffure au moyen d’un riche diadème, obombre le dieu de ses ailes étendues, et rappelle l’idée 140 des chérubins qui figuraient également avec leurs ailes éployées parmi les décorations de l’Arche d’alliance et celles du sanctuaire des enfants d’Israël.

Un nombre très-considérable de tableaux peints sur bois, ou de stèles d’adoration sculptées et de diverses matières, établissent cette combinaison de Phré et d’Atmou[370] en un seul être mystique, et sous le nom composé de Phré-Atmou, c’est-à-dire le Soleil-Atmou. Mais cette image sacrée reçoit quelques modifications, suivant que l’artiste a voulu indiquer dans cette forme complexe la prédominance de l’un ou de l’autre des éléments qui la constituent. Si l’acte d’adoration est plus particulièrement adressé à la forme de Phré qu’à celle d’Atmou, on représente le dieu avec une tête d’épervier surmontée du disque, debout et en mouvement, les jambes séparées[371], et couvert du court vêtement égyptien appelé schenti. Dans le cas contraire[372], d’étroites bandelettes enveloppent le corps entier du dieu, et lui donnent l’apparence d’une momie à tête d’épervier ornée du disque solaire. C’est là en quelque sorte la momie du dieu Phré lui-même. (Voir notre planche 26.3, calquée d’après un tableau peint sur bois, du Musée de Turin.)

Cette circonstance très-remarquable nous conduit directement à conclure que le dieu Atmou, considéré sous le rapport cosmologique, n’est autre chose qu’un symbole du soleil mourant, l’image mystique de l’astre du jour arrivé à la limite occidentale de l’horizon, et entrant dans l’hémisphère inférieur. On sait que les idées occident, nuit, mort et enfer, furent toujours en Égypte, comme en beaucoup d’autres contrées, dans une étroite connexion, et même presque identiques.

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Planche 26.2.

L’autorité des monuments confirme pleinement cette conclusion. Il existe dans les Musées égyptiens de l’Europe, et en particulier dans ceux de Paris et de Turin, plusieurs tableaux, peints sur bois, contenant des actes d’adoration aux deux formes du soleil Phré et Atmou. Ces tableaux présentent une disposition toute particulière; le haut en est occupé par le disque ailé orné d’uræus[373], l’emblème du premier Hermès ou la lumière primitive; la partie inférieure contient une prière, plus ou moins étendue, adressée aux dieux Phré et Atmou, qui sont représentés séparément dans le milieu du tableau, debout, adossés, et recevant l’un et l’autre les offrandes de l’adorateur, dont l’image est figurée deux fois à cet effet. Phré tient toujours la DROITE du tableau, la GAUCHE étant toujours réservée 141 à Atmou. Or les mots droite et ORIENT, gauche et OCCIDENT, sont synonymes dans l’écriture sacrée égyptienne; Phré est donc le soleil à l’Orient ou dans l’hémisphère supérieur, et Atmou le soleil à l’Occident ou dans l’hémisphère inférieur. Aussi parmi les peintures d’un cercueil de momie[374], représentant, à la droite et à la gauche, des cynocéphales adorant les emblèmes de Phré et d’Atmou, lit-on à la DROITE la formule: Adoration au dieu soleil dominant dans la station ORIENTALE du ciel; tous les humains tiennent la vie de sa lumière[375]; et à GAUCHE: Adoration au dieu soleil possesseur des biens dans la station OCCIDENTALE du ciel[376], possesseur des biens dans la contrée de Onkh (c’est-à-dire de la vie). Les titres donnés à ces deux divinités dans les tableaux d’adoration, sont absolument les mêmes sur un monument de ce genre existant au Musée royal du Louvre[377]. Le suppliant, un prêtre d’Amon-Ra roi des dieux, donne, par exemple, au dieu Phré les titres de dieu sauveur, dominant dans la station orientale du ciel, grand esprit, etc.; et au dieu Atmou, ceux de dieu sauveur, soleil Atmou, possesseur des biens dans la contrée de la vie; et ce dernier dieu y reçoit enfin la qualification bien remarquable de lion de la nuit[378] ou gardien vigilant de la nuit, si on veut prendre le lion dans un sens tropique.

Les deux points extrêmes de la course apparente du soleil, de l’Orient à l’Occident, se trouvent ainsi symbolisés sous les noms de Phré et d’Atmou; considérés métaphysiquement, l’un préside à l’hémisphère supérieur de l’univers toujours lumineux, habité par des essences éternelles; et l’autre est censé parcourir et gouverner l’hémisphère inférieur, siége des ténèbres, et qu’habitent des êtres soumis à une vie mortelle. Phré domine sur l’Orient, et Atmou sur l’Occident: au premier se rapporte l’œil droit symbolique, et au second l’œil gauche: de là vient aussi que, dans le Rituel funéraire, dont un des chapitres contient la consécration de chacun des membres du corps humain à l’une des divinités de l’Égypte, le défunt dit: Ma tempe DROITE appartient à l’esprit du soleil dans le jour, et ma tempe GAUCHE à l’esprit d’Atmou dans la nuit[379]; enfin dans les litanies d’Osiris et des autres dieux, lesquelles font partie du grand 142 Rituel funéraire, le dieu Phré-Atmou est appelé le germe des autres grands dieux, ou le germe mâle des autres dieux grands[380]: une telle qualification dénote à elle seule l’importance de ce double personnage mythique.

On rencontre souvent parmi les objets tirés des catacombes de l’Égypte, de petites pyramides en pierre calcaire ou en granit, dont les quatre faces, chargées de sculptures, reproduisent toujours, à très-peu de chose près, les mêmes scènes; toutes sont évidemment relatives au soleil et à son culte: l’une des faces offre l’image en pied du dieu Phré hiéracocéphale ou celle de son épervier symbolique portant le disque au-dessus de sa tête; sur la suivante est le dieu Atmou, sous forme humaine, coiffé du pschent; la troisième représente le scarabée à ailes arrondies éployées, symbole constant du dieu Thoré; et sur la quatrième face se voit l’image de l’adorateur, souvent accompagné de plusieurs membres de sa famille, élevant ses bras suppliants vers la face sur laquelle est sculptée l’image de Phré, circonstance démontrant que celle-ci est bien la face initiale du monument, celle qui présente en effet la forme première du dieu soleil. Ces pyramides réunissent ainsi, dans une même adoration, toutes les formes symboliques du soleil; savoir, Phré, Atmou et Thoré; ce dernier, considéré cosmologiquement, n’est encore qu’une forme du même dieu: la plupart des tableaux et des stèles d’adoration au soleil ajoutent constamment en effet le nom de Thoré à ceux de Phré et d’Atmou.

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Planche 26.3.

La seconde forme divine du soleil, Atmou, en sa qualité de recteur des régions inférieures, était supposé exercer une influence directe sur la terre et ses habitants. Les rois lui payaient en particulier un tribut constant d’adorations et d’hommages, et les grands monuments témoignent de ces actes de piété des Pharaons par les titres mêmes que prennent ces princes dans les inscriptions qui les décorent. Sur l’obélisque occidental de Louqsor, le pharaon Ramsès II est qualifié de roi deux fois aimable, comme Atmou. Le titre chéri d’Atmou a été donné à Ramsès-Sésostris, dans l’inscription qui décore la face occidentale du magnifique obélisque de la porte du Peuple à Rome; sur l’obélisque du Panthéon, le pharaon Apriès ou Ouaphré est traité de bien aimé d’Atmou dieu grand qui réside dans la contrée de la vie; l’obélisque de Saint-Jean de Latran, celui de Florence et celui de Monte-Citorio, honorent d’un titre analogue les anciens rois Mandouei, Ramsès-Sésostris et Psammétichus Ier. 143 Le pouvoir royal fut mis sous la protection immédiate d’Atmou, qui accordait un long règne aux souverains qu’il voulait favoriser: c’est ce que l’on peut induire naturellement des titres de chef des attributions royales comme Atmou, et de roi possesseur des années comme Atmou, que prend Ramsès-Sésostris sur deux monuments très-remarquables[381]; une même induction doit résulter encore mieux du titre royal modérateur des modérateurs engendrés d’Atmou, donné à Ramsès II sur l’un des obélisques de Louqsor. On en doit conclure que les rois eux-mêmes furent mystiquement regardés comme des enfants d’Atmou, dont ils étaient les représentants sur la terre. Cela explique enfin la qualité de fils d’Atmou[382] dont se pare Ramsès-le-Grand dans les inscriptions des obélisques du Panthéon, de Florence, et de Tanis: sur ce dernier monument, dont le dessin m’a été communiqué par M. Pacho, le courageux explorateur de la Cyrénaïque, on traite le conquérant égyptien d’Aroéris puissant, fils d’Atmou, roi seigneur du monde, etc., Ramsès, etc.; et cette formule répond mot pour mot à l’une des formules initiales jadis sculptées sur un obélisque érigé par le même roi Ramsès, et dont Hermapion[383] a donné une traduction fidèle en ces termes: Απολλων κρατερος ΥΙΟΣ ΗΡΩΝΟΣ Βασιλευς οικουμενης ΡΑΜΕΣΣΗΣ, le puissant Apollon, fils de Héron, le roi du monde, Ramessès, etc. Cette traduction grecque a d’autant plus d’importance pour nous, qu’elle prouve (et c’est le seul témoignage à citer à ce sujet) que le dieu égyptien Atmou ne fut point tout-à-fait inconnu aux Grecs: on voit en effet par le texte précité qu’ils l’appelaient ΗΡΩΝ, Héron, nom qui n’a aucun rapport réel de son avec l’égyptien Atmou, mais auquel il serait tout aussi difficile d’attribuer une origine purement grecque: n’est-ce là que la transcription d’un nom ou d’un surnom égyptien d’Atmou, que l’on retrouvera peut-être dans quelque texte hiéroglyphique? c’est ce que nous n’oserons décider. Notre seul but, tout en notant cette synonymie, n’a été que de faire connaître l’influence directe que le dieu Atmou était censé exercer sur la terre et sur les rois qui la gouvernaient, d’après les idées égyptiennes.

Ce même dieu régissait encore l’une des plus importantes portions de l’hémisphère inférieur, l’Amenthès ou l’enfer égyptien, et les monuments qui lèvent toute espèce de doute sur cette nouvelle attribution d’Atmou, 144 abondent dans les musées royaux de l’Europe, ainsi que dans les collections particulières. Nous citerons seulement ici un tableau, peint sur bois, appartenant au Musée royal du Louvre, et représentant le dieu Thoth-Psychopompe, conduisant l’ame d’une femme au pied du trône d’Atmou. Le dieu, assis, est coiffé de la moitié inférieure du pschent, et son corps paraît enveloppé de bandelettes comme celui d’une momie ordinaire[384]. Ajoutons qu’on a dessiné à l’entrée du cinquième tombeau royal à l’ouest dans la vallée de Biban-el-Molouk, à Thèbes[385], un bas-relief présentant une scène d’un haut intérêt, dont nous traiterons plus en détail dans la suite: il suffit de dire ici qu’on y voit le dieu Atmou exerçant les fonctions de juge suprême des ames dans l’Amenti, et décidant de leurs futures transmigrations. On trouvera d’ailleurs dans le Rituel funéraire des preuves multipliées et irréfragables de l’influence directe que cette divinité était supposée exercer sur les ames des morts. Les défunts le traitent habituellement de père[386] dans les invocations qu’ils lui adressent, et le dieu lui-même prend le titre de père des personnages défunts, dans les légendes qui décorent certaines momies. On lit, par exemple, à côté d’une image d’Atmou peinte, ainsi que celles de plusieurs autres divinités, sur le cercueil d’une momie de femme du Musée royal: Voici ce que dit le dieu Atmou, seigneur du monde matériel, etc., à Ouaranès, fille de Pachopsch: Je suis venu te visiter, MOI QUI SUIS TON PÈRE[387]. Les autres dieux ou déesses peints sur ce même cercueil adressent des paroles analogues à la défunte, en se déclarant être la mère, le fils ou les frères de cette même défunte.

Ainsi les mythes égyptiens symbolisèrent dans le personnage d’Atmou le soleil à l’Occident, le soleil dans l’hémisphère inférieur, régissant en même temps les choses terrestres, et réglant le sort des ames dans les demeures infernales.

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Planche 26.4.


145

MANDOU, MANDOU-RÉ, MANDOU-RI.
(MANDOULIS.)

L’utilité des inscriptions grecques recueillies avec tant de soin et de persévérance par les voyageurs Belzoni, Burckhardt, Cailliaud et Gau parmi les ruines de l’Égypte, ne se borne point à l’accroissement de nos connaissances sur l’administration politique et sur l’état civil des habitants de ce pays, durant la domination grecque et romaine. Elles fournissent quelquefois aussi des notions d’autant plus précieuses sur la religion et le culte national des Égyptiens, qu’elles viennent confirmer, en s’accordant avec eux, les résultats du même ordre antérieurement déduits de l’étude d’inscriptions conçues en anciens caractères égyptiens. L’explication de notre planche no 7 a déja prouvé la vérité de cette assertion: celle de notre planche 27 donnera un nouvel exemple des ressources qu’on peut trouver dans ce rapprochement.

D’après une inscription grecque copiée par un voyageur anglais, M. Bailie[388], sur un des temples de Calabsché (l’ancienne Talmis) en Nubie, cet édifice fut principalement consacré au culte d’un dieu égyptien nommé ΜΑΝΔΟΥΛΙΣ Mandoulis; et un grand nombre d’actes d’adoration, Προσκυνήματα, écrits en langue grecque et tracés sur les murailles ou dans le voisinage du même temple, témoignent aussi que la divinité locale était Μανδουλις, personnage mythique auquel on donne constamment le titre de Κυριος, Seigneur, et celui de Θεος Μεγιστος, Dieu très-grand[389]. Mais rien, dans aucune de ces inscriptions, ne peut nous faire connaître les formes ni les attributs que les Égyptiens donnèrent au dieu particulièrement adoré dans le bourg sacré de Talmis. Notre curiosité eût été, à cet égard, promptement satisfaite, si quelque voyageur eût dessiné avec soin la série des bas-reliefs existants dans ce temple de Nubie: on eût bientôt reconnu le dieu principal du temple, au rang distingué qu’il doit nécessairement tenir parmi les personnages divins sculptés sur les parois de l’édifice. Mais il en est des temples de Calabsché, comme de toutes les constructions antiques de l’Égypte et de la Nubie; nous ne possédons malheureusement que des copies isolées 146 de quelques-uns des nombreux bas-reliefs qui les décorent. Il a donc fallu recourir à d’autres moyens pour connaître les formes sous lesquelles les Égyptiens représentèrent leur Dieu Mandoulis ou plutôt Mandouli, le Σ final de ce nom n’étant qu’une terminaison purement grecque. C’est par la lecture seule des légendes hiéroglyphiques inscrites à côté d’images de divinités, soit sur des monuments originaux, soit sur quelques dessins de bas-reliefs inédits ou déja publiés, que je suis parvenu à reconnaître le Dieu Mandouli, parmi la foule de Dieux que présentent les sculptures égyptiennes.

Je remarquai d’abord qu’une divinité mâle, et qui paraît avoir joué un rôle important dans le Panthéon égyptien, reçoit, dans les légendes hiéroglyphiques, le nom de Mand Uⲛⲧ[390]. Ce même nom propre de Dieu se lit avec l’addition de sa voyelle finale Uⲛⲧⲟⲩ[391], Mandou, sur plusieurs stèles ou bas-reliefs du musée royal égyptien de Turin, de la collection de M. Durand ou du cabinet du Roi à Paris. La valeur phonétique des éléments qui composent ces noms, étant reconnue d’ailleurs et ne permettant aucun doute sur l’exactitude de leur lecture, il devint certain, pour moi du moins, que le Dieu appelé Mand, ou plutôt Mandou, dans les textes hiéroglyphiques, était aussi le Dieu principal du temple de Talmis, nommé Μανδουλι Mandouli dans les inscriptions grecques, lorsque surtout j’eus retrouvé ce nom divin plus habituellement écrit Ⲙⲛⲧⲣⲏ[392], Mandou-Ri ou Mandou-Li (Mandou-soleil), suivant la prononciation particulière de ce nom, dans les différents dialectes de la langue égyptienne.

Ce nom sacré se lit constamment inscrit à côté d’un Dieu à tête d’épervier, ornée du disque solaire, surmontée de deux longues plumes. Ainsi le Dieu Mandou-Ri ou Mandou-Li réunissait en lui les caractères ou du moins les principaux insignes des deux grandes divinités de l’Égypte Amon-Ré (Amon-Soleil), et Phré ou Phri (le Dieu Soleil). Les images de Mandou-Li sont fréquemment reproduites dans les temples de l’Égypte, de la Nubie et de l’Éthiopie; celle qui est gravée sur notre planche 27, est tirée d’une stèle du musée royal de Turin.

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Planche 27.


147

SÈB ou SEV.
(CRONOS, SATURNE.)

Nous avons déja fait connaître les formes variées du dieu Sovk, Sévék, Sébék, Sékeb, qu’honoraient spécialement les habitants du nome Ombite, ainsi que les relations marquées de ce personnage mythique avec le temps en général et le cours du soleil en particulier: Sévék, identifié avec cet astre sous un certain point de vue, appartenait à la classe des dieux célestes: c’était la forme primordiale du Saturne égyptien qui, par son incarnation sur la terre, revêtant des formes matérielles, devint une des divinités de la troisième classe, celle des dieux terrestres (ἐπιγείους) issus des dieux célestes. Le Saturne égyptien, dieu incarné, l’un des dynastes qui, disait-on, avait régné sur l’Égypte dans les temps primitifs et avait laissé le trône à ses enfants Osiris et Isis, prenait le nom de Sév, Siv ou Sèv, et celui de Kèb ou Kév (lég. no 6); ce qui, dans les monuments originaux, distingue habituellement la forme terrestre ou secondaire de la forme céleste ou primordiale adorée sous les noms de Sévék et Sékeb. Les légendes hiéroglyphiques sculptées à côté des images de Sévék dans le grand temple d’Ombos, constatent fréquemment du reste l’identité d’essence de ces deux formes divines.

L’orthographe du nom propre du Saturne terrestre varie d’un monument à l’autre, et souvent aussi dans une même inscription. Ce nom étant phonétique, se compose de l’œuf et de la jambe (lég. no 2), ou de l’oie et de la jambe (lég. no 3), ce qui donne les éléments ⲥⲃ, ⲥⲩ, ⲥⲟⲩ. D’un autre côté on l’exprimait symboliquement par l’image d’une étoile suivie du déterminatif figuratif (lég. no 4) ou symbolique (lég. no 5) des noms propres de divinités. Le rapprochement de ces deux noms nous conduit naturellement à la prononciation du nom phonétique: si l’on considère en effet que l’étoile, ⲥⲓⲟⲩ, siou en langue égyptienne, fut l’emblême spécial du temps[393], et que le mot temps, dans cette même langue, ⲥⲏⲩ, sèv ou siv en dialecte thébain et ⲥⲏⲟⲩ, séou ou siou en dialecte memphitique, offre avec le mot ⲥⲓⲟⲩ, (siou) étoile, une grande analogie d’orthographe et de prononciation, on comprendra d’autant mieux la présence de l’étoile dans le nom symbolique du Saturne égyptien, et nous reconnaîtrons l’ancienne orthographe 148 du mot ⲥⲏⲩ, sév ou siv, LE TEMPS, dans les légendes hiéroglyphiques phonétiques (nos 2 et 3); seb, sév ou siv, nom ordinaire du Cronos ou Saturne des mythes sacrés de l’Égypte.

Le dieu Sév, tel que le présente notre planche 27.2, fut souvent reproduit sur les monuments de sculpture égyptienne: la tête du dieu est couverte du diadème Toscher emblême de sa domination sur la région inférieure ou le monde matériel, qui se combine en même temps avec la coiffure Otf, commune à plusieurs autres divinités. Un bas-relief du temple de Philæ[394] représente le Saturne égyptien ainsi caractérisé, recevant avec son épouse Natphé l’encens que leur présente Ptolémée Philométor; dans un autre tableau du temple de Kalabsché, Sév portant ces deux coiffures combinées au-dessus du klaft ou coiffure ordinaire des Égyptiens, a été figuré assis avec Natphé et le jeune dieu Manrouli leur arrière-petit-fils. Enfin un sarcophage de pierre calcaire appartenant au Musée du Louvre et couvert de riches et nombreuses décorations sculptées avec soin, nous montre le dieu Sév debout, levant sa main droite en signe de protection, et tenant dans sa main gauche une grande faux droite, sorte d’arme ou d’instrument qui, rappelant la harpé du Cronos des Grecs, et la faux du Saturne italiote, fournit une nouvelle preuve des nombreux emprunts faits par les peuples de l’Occident aux mythes sacrés et aux formes du culte des anciens Égyptiens.

La légende (no 1) qui accompagne le dieu, ⲥⲃ ⲡⲧϥⲉ ⲛⲛⲧⲣ, signifie Sév le père des dieux; mais ce titre ne doit s’entendre que d’une manière restreinte, comme nous l’établirons dans un autre article relatif à ce même personnage mythique.

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Planche 27.2.


149

SEVEN, SAOVEN ou SOVAN.
(ILITHYA, JUNON-LUCINE.)

Parmi les plus anciennes divinités adorées par les Égyptiens, Diodore de Sicile nous fait connaître une déesse qu’il désigne sous le nom purement grec d’Εἰλειθυία[395]: c’est le personnage mythologique nommé Lucine ou Junon-Lucine par les Romains. Quelle que soit la défiance avec laquelle nous devions adopter les assimilations multipliées que les Grecs ont faites de leurs divinités nationales avec celles qu’on adorait en Égypte, et qu’ils ont presque toujours désignées par des noms grecs, il ne faut cependant pas négliger de recueillir leurs assertions, parce qu’elles peuvent nous aider à faire des distinctions importantes, et surtout à établir une sorte d’ordre et de classification dans le nombre si considérable d’êtres mythiques dont les monuments égyptiens nous offrent les images.

L’existence d’une cité égyptienne nommée Ειληθυια πολις[396], ville d’Ilithya, par toute l’antiquité grecque, et Lucinæ oppidum[397] par les écrivains latins, prouve d’ailleurs que les Égyptiens rendaient un culte spécial à une divinité dont les attributions eurent des rapports assez marqués avec celles des déesses Ilithya et Lucine qui, chez les Grecs et les Romains, présidaient aux travaux de l’enfantement. Cette ville était située dans la Haute-Égypte, au midi de Thèbes.

Si nous en croyons Plutarque qui s’étaye de l’autorité de Manéthon[398], c’est dans ce lieu même que l’on immolait, sans doute en l’honneur de la déesse, les hommes dits Typhoniens (Τυφωνίους), et que leurs cendres étaient jetées au vent; mais il me semble probable que le philosophe de Chéronée transporte par erreur à Ilithya la scène de ces sacrifices barbares que, selon Manéthon[399], le Pharaon Amôsis (celui qui chassa 150 les pasteurs ou Hyk-Schôs de l’Égypte) trouva établis dans la ville d’Héliopolis, sacrifices qu’il abolit formellement par une loi. Des pratiques aussi atroces n’entraient nullement, en effet, dans le génie naturel de la nation égyptienne. Hérodote s’explique, du reste, assez formellement contre l’existence des sacrifices humains dans l’ancienne Égypte[400].

Un passage très-important d’Eusèbe de Césarée, relatif à la même ville, nous conduit naturellement à déterminer sous quelles formes les Égyptiens représentèrent celle de leurs déesses, que les Grecs assimilèrent à leur Ilithya. Cet auteur, auquel nous devons déja de si utiles renseignements, affirme que, dans la ville égyptienne d’Ilithya, la principale divinité fut adorée sous la forme d’un vautour femelle volant, dont le plumage était formé de pierres précieuses[401].

Les nombreux témoignages rapportés dans l’explication de plusieurs de nos planches précédentes[402], ont suffisamment établi que le vautour fut, dans la partie symbolique de l’écriture égyptienne sacrée, le symbole de la maternité: et le fait seul que la déesse éponyme de la ville d’Ilithya était emblématiquement représentée par ce même oiseau, justifie en quelque sorte le nom que les Grecs ont donné à cette divinité qui, comme leur propre Ilithya, présida sans doute aux enfantements et fut la divinité protectrice de la maternité. Nous avons vu également que le vautour était spécialement consacré à la mère divine, Neith, qui fut à la fois et la Minerve et la Junon égyptienne[403]; et il devient évident que la déesse égyptienne adorée à Ilithya, ne put être qu’une des formes ou des modifications de Neith. C’est ainsi que la Lucine des Romains était la même que Junon (IVNO LVCINA). Cela explique aussi pourquoi l’Ilithya égyptienne a pu être désignée, par quelques auteurs, sous le nom également grec de Héra (Junon)[404].

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Planche 28.

On apprend, en effet, par les monuments de style égyptien, que le vautour fut consacré à deux déesses qui, au premier examen, peuvent 151 paraître deux divinités différentes; mais l’échange fréquent de leurs noms, soit phonétiques, soit symboliques, ainsi que la communauté de leur emblême, prouvent assez que ces deux divinités sont identiques, et que leurs formes et attributs se concentrent en un seul et même personnage mythique.

L’une est Neith, la première émanation d’Amon-Ra, la mère divine ou la mère céleste, dont la coiffure pschent est l’insigne habituel; l’autre divinité qui, comme Neith, porte le titre de mère divine, se distingue ordinairement par la seule partie supérieure du pschent flanquée de deux feuilles de couleurs variées. Cet emblême est placé sur la tête de cette déesse, que recouvre déja le vautour symbole de la maternité. (Voyez planche 28.)

Lorsque les noms et titres de Neith n’accompagnent point l’image de cette seconde déesse, une des modifications de forme de la première, sa légende contient un nom propre particulier composé des trois éléments phonétiques, la plante S, la jambe humaine B, OU ou V, et le vase N; mais ces signes de son se montrent quelquefois groupés de manière à ce que leur ordre ne paraît pas constamment le même. Souvent aussi l’insertion du signe de genre ⲧ (le segment de sphère), se plaçant au milieu ou à la fin du groupe phonétique, vient en augmenter la confusion apparente: ce qui semble produire les mots ⲥⲃⲛ(ⲧ), ⲥⲛ(ⲧ)ⲃ, ⲥⲛⲃ(ⲧ), etc. (lég., nos 1, 2 et 3.) Toutes ces variations d’ordre dans les éléments, inhérentes à la nature même de l’écriture hiéroglyphique, proviennent de ce que les scribes cherchaient souvent à grouper d’une manière plus agréable pour l’œil, les signes destinés à exprimer un même mot ou une même idée. Mais partout où le nom de la déesse est tracé horizontalement ou perpendiculairement et un signe après l’autre, l’ordre des éléments est invariable, la plante est le premier signe, la jambe humaine le second, et le petit vase le troisième: le signe de genre le suit immédiatement. Nous connaissons donc ainsi l’ordre véritable des éléments phonétiques dont se forme le nom propre de l’Ilithya égyptienne, qui pouvait se prononcer Seven, Saouen, ou Souan.

Les représentations de cette déesse à face humaine et telle que l’offre notre planche 28, sont assez multipliées sur les grands monuments de l’Égypte et de la Nubie. L’Ilithya égyptienne se montre dans les bas-reliefs du temple isolé de Calabsché, instruisant avec Bouto, qui est la 152 nourrice des dieux, un des souverains de l’Égypte[405]. Elle est adorée, soit par un empereur, soit par un roi lagide, sur la face latérale du temple de Dandour[406], et dans le voisinage encore de la nourrice des dieux. On la retrouve parmi les divinités figurées sur la face latérale de l’est du grand temple d’Athyr (Vénus), à Dendera[407]; enfin, la Commission d’Égypte a copié sur le même monument une magnifique image de Souan (Ilithya), coiffée du vautour surmonté de la coiffure spéciale de la déesse, et un second vautour, figuré sur la tunique, enveloppe le corps de cette divinité sous ses ailes plusieurs fois repliées[408].

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Planche 28.2.

Le plus curieux des bas-reliefs gravés dans la Description de l’Égypte, sous le rapport mythologique, est sans contredit l’un de ceux que les savants français ont dessiné à Hermonthis (Erment)[409]. Il est à regretter qu’ici, comme en beaucoup d’autres occasions, le temps n’ait point permis de copier les légendes hiéroglyphiques inscrites à côté des personnages mis en action dans cet important bas-relief; mais le sujet en est assez clair par lui-même, et le tracé exact des personnages seuls suffit à la discussion actuelle. Ce tableau représente une femme dans les douleurs de l’enfantement, et à l’instant même où le nouveau-né sort du sein de sa mère; d’autres femmes prodiguent les soins les plus attentifs à la gisante qui ne peut être qu’une déesse, puisque des divinités semblent compatir à ses douleurs. Je n’ose décider encore si cette scène est relative à la déesse Netphé (la Rhéa des Grecs), donnant le jour, pendant la durée des Épagomènes, à ses cinq enfants Osiris, Isis, Aroéris, Nephthys et Typhon; mais il est visible que l’accouchée est assistée dans ses souffrances par Amon-Ra lui-même le père de tous les dieux, suivi, comme cela devait être naturellement, par la déesse Souan, l’Ilithya égyptienne, la protectrice des mères en travail. De plus, le scarabée, emblême de la génération et de la paternité, ainsi que les vautours de la déesse Ilithya, emblêmes de la maternité, voltigent au-dessus de la tête de la mère souffrante. Il était difficile de rencontrer 153 un monument où les attributions de la déesse Souan fussent plus clairement caractérisées.

Cette divinité qui, dans les hymnes orphiques, est qualifiée des titres de Θηλειῶν σώτειρα, Μόνη φιλόπαις, Ὠκυλόχεια, Libératrice des Femmes, Amie des enfants, Accélératrice de l’accouchement, et de Δαίμων πολυώνυμε, Génie à plusieurs noms, se montre sur les monuments égyptiens sous des apparences souvent très-variées. Mais le nom de Souan, tracé en hiéroglyphes phonétiques à côté de ses images souvent monstrueuses, ne permet point de douter que ce ne soient là des formes symboliques sous lesquelles l’ancienne Égypte adorait aussi cette grande déesse.

On trouvera sur notre planche 28.3. (cette figure est tirée d’un cercueil de la collection de M. Thedenat) l’Ilithya égyptienne représentée, non avec une tête humaine comme sur la planche précédente, mais avec celle de son oiseau sacré, le vautour, signe perpétuel des idées mère et maternité dans les textes hiéroglyphiques et dans les anaglyphes ou bas-reliefs emblématiques. Les chairs de la déesse sont toujours vertes, et sa coiffure est ornée d’un diadême ou de longues bandelettes. Ainsi, cette divinité emprunte la tête de l’animal sous la forme duquel elle reçut un culte particulier dans le nome de la Thébaïde qui lui fut spécialement consacré, et dont la ville capitale porte chez les Anciens le nom même de la déesse. Il eût été important de vérifier si les bas-reliefs dont est décoré le temple existant encore dans les ruines d’El-Kab (la ville d’Ilithya), montrent aussi cette divinité Gypocéphale; mais ni la Commission d’Égypte, ni les autres voyageurs n’ont dessiné jusqu’ici aucun de ces tableaux religieux: leur attention a toujours été absorbée par les peintures des grottes voisines.

Jablonski, toujours préoccupé de son système de ne voir dans les dieux de l’Égypte que des emblèmes des divers phénomènes astronomiques, a cru que l’Ilithya égyptienne ne fut point une divinité distincte de Bubastis[410]. Mais il n’a pas assez remarqué sans doute que Diodore de Sicile nomme Ilithya parmi les plus anciens personnages mythiques adorés en Égypte, Αρχαιοι θεοι[411], expression qui, dans Diodore, indique, comme dans le texte d’Hérodote, les premiers nés 154 d’entre les dieux égyptiens, et ceux qui occupaient le rang le plus élevé dans la hiérarchie céleste. Une telle qualification ne saurait convenir à Bubastis, fille d’Osiris et d’Isis dieux de la troisième classe, et petite-fille de Cronos que les Égyptiens appelèrent le plus jeune des dieux de la seconde classe. Ilithya, l’une des formes de Neith, appartient donc évidemment à un ordre plus relevé. Mais sans devoir être identifiée pour cela avec Bubastis, l’Artémis Égyptienne Souan (ou l’Ilithya Égyptienne) put avoir certaines attributions communes avec cette déesse de la troisième classe. C’est ce qui résulte à la fois et des Hymnes orphiques dans lesquels Ilithya est aussi nommée Ἄρτεμις Εἰλείθυια[412], et des monuments originaux. Une statue en granit noir appartenant au Musée de Turin, m’a offert, en effet, la singulière image de l’Ilithya égyptienne reproduite sur notre planche 28.2. Cette figure, gravée en creux sur la tunique de la statue, et au milieu d’une foule d’autres représentant la plupart des divinités de l’Égypte, est accompagnée de son nom propre hiéroglyphique Souan (pl. 28, lég. 1). La déesse, encore à tête de vautour, tient dans sa main droite un arc et une flèche, armes ordinaires de l’Artémis des Grecs, la protectrice des chasseurs. Sans conclure de ce fait que l’Ilithya égyptienne présidait aux plaisirs de la chasse comme l’Artémis grecque et la Diane latine, nous devons conclure qu’il exista entre les mythes sacrés des Égyptiens et ceux des Grecs, des rapports beaucoup plus intimes que les apparences ne semblent le promettre.

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Planche 28.3.


155

THÔOUT, THOTH DEUX FOIS GRAND,
LE SECOND HERMÈS.

Le premier Thoth, Hermès trismégiste[413], l’Hermès céleste ou l’intelligence divine personnifiée, le seul des êtres divins qui, dès l’origine des choses, comprit l’essence du Dieu suprême, avait, selon les mythes sacrés de l’Égypte, consigné ces hautes connaissances dans des livres qui restèrent inconnus jusqu’à ce que le Démiurge eût créé les ames, et par suite l’univers matériel ainsi que la race humaine. Le premier Hermès avait écrit ces livres en langue et en écriture divines ou sacrées[414]; mais après le Cataclysme, lorsque le monde physique fut réorganisé et reçut une nouvelle existence, le créateur prenant pitié des hommes qui vivaient sans règle et sans lois, voulut, en leur donnant l’intelligence et une direction salutaire, leur tracer la voie qui devait les ramener dans son sein dont ils étaient émanés. Ce fut alors que se manifestèrent sur la terre Isis et Osiris, dont la mission spéciale fut de civiliser l’espèce humaine. Ces deux époux avaient pour associé et pour conseiller fidèle, Thoth, nommé aussi Thoyth par les Grecs, le second Hermès, qui n’était toutefois qu’une incarnation du premier, ou l’Hermès céleste manifesté sur la terre.

Tout ce que tentèrent Isis et Osiris pour tirer les humains de l’état sauvage, fut ou suggéré ou approuvé par Thoth, et c’est à ce second Hermès que les Égyptiens se croyaient redevables de toutes leurs institutions sociales. Ce dieu passait pour fils d’Agathodæmon[415]. Les hommes étaient encore réduits, comme les animaux, à ne manifester leurs sensations que par des cris confus et sans liaison; Thoth leur apprit une langue articulée, et imposant des noms à tous les objets[416], il donna à chaque individu le moyen de communiquer ses pensées et de s’approprier celles des autres. Il fit plus: il enseigna à les fixer d’une manière durable, en inventant l’art inappréciable de l’écriture; il organisa l’état social, établit la religion, et régla les cérémonies du culte; il fit connaître aux hommes l’astronomie et la science des nombres, la géométrie, l’usage des poids, des mesures et de la monnaie. Non content de satisfaire à tous les besoins de la société humaine par ces importantes et utiles créations, le second Hermès s’occupa aussi de tout ce qui pouvait contribuer à embellir la vie: il inventa la musique, fabriqua la lyre, à laquelle il ne donna que trois cordes, et institua les exercices gymnastiques. 156 C’est ce même dieu enfin, qui fit connaître aux hommes l’architecture, la sculpture, la peinture et tous les arts utiles[417].

La langue et l’écriture inventées par Thoth et communiquées aux hommes par cette divinité bienfaisante, différaient de la langue et de l’écriture des dieux, dont s’était servi le premier Hermès pour rédiger ses livres. L’écriture employée par le second Hermès est appelée hiérographique par Manéthon[418], parce qu’elle servit d’abord à écrire les livres sacrés, dont ce dieu confia la garde à la caste sacerdotale qui lui devait, dit-on, son organisation et toutes les connaissances dont elle fut la dépositaire et la dispensatrice. Il paraît même que cet instituteur des hommes réserva pour cette caste seule un certain ordre de notions, entre autres, celle de la véritable longueur de l’année, 365 jours un quart, et de la période de quatre années dont la dernière était bissextile[419]. Les prêtres égyptiens reconnaissaient ce dieu pour l’auteur des livres sacrés que chacun d’eux devait posséder à fond, en totalité ou en partie, selon l’ordre de ses fonctions et son rang dans la hiérarchie. Ces livres de Thoth, au nombre de quarante-deux, renfermaient toutes les règles, tous les préceptes, et tous les documents relatifs à la religion, au culte, au gouvernement, à la cosmographie, à la géographie, à tous les arts et à toutes les sciences; en un mot, ces livres sacrés, dont les titres nous ont été conservés[420], formaient une véritable Encyclopédie égyptienne.

Les Égyptiens, qui considéraient le second Hermès comme un dieu manifesté, et nullement comme un roi terrestre divinisé, ainsi que le prétend Athénagore[421], représentèrent habituellement cet instituteur divin de leur civilisation, sous une forme humaine, mais avec une tête d’Ibis, ainsi qu’on le voit figuré sur notre planche, No 29. La tête de l’oiseau, couverte de la coiffure égyptienne ordinaire et peinte en bleu, est surmontée des cornes de bouc, communes à la plupart des dieux protecteurs, et soutenant des Uræus, un disque et d’autres emblèmes qui varient suivant les différents points de vue sous lesquels on considérait le second Hermès. La légende No 1 signifie Thôout ou Thouti, seigneur des divines écritures ou des écritures sacrées, dont ce dieu fut l’inventeur; la seconde légende exprime les idées Thôout, grand et grand (deux fois grand)[422], seigneur des huit régions. Le titre deux fois grand, presque toujours inscrit à côté des images du second Hermès, Thoth-ibiocéphale, le distingue du premier Hermès, Thoth-hiéracocéphale, surnommé Trismégiste (trois fois très-grand).

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Planche 29.


157

THOTH DEUX FOIS GRAND,
LE SECOND HERMÈS, EN RAPPORT AVEC LA LUNE.

Il paraîtrait, d’après le passage précité de Manéthon[423], que les deux Hermès portaient en langue égyptienne le nom de Θωθ Thôth, que les Grecs ont diversement écrit Θεῦθ et Θωὺθ. Cette dernière orthographe se rapproche évidemment plus que toute autre, de la manière dont les Égyptiens prononçaient ce mot, que nous trouvons en effet dans les livres coptes, sous la forme de ΘΩΟΥΘ Thôout, comme étant le nom du premier mois de l’année égyptienne, mois éponyme de ce même dieu, ainsi que nous l’ont appris les anciens[424]. Si l’on adoptait la manière dont il est écrit dans les fragments de Manéthon, le nom Θωθ appartiendrait à la racine égyptienne Θωτ, Θωθ (ou Τωτ en dialecte thébain), qui signifie mêler, tempérer par un mélange; et l’appellation Thôth, miscens, temperans, se rapporterait très-bien au premier Hermès qui, chargé de former les corps où devaient être renfermées les ames coupables, rendit la matière (Ὕλη), d’abord sèche et aride, susceptible de prendre les formes qu’il voulait lui donner, en la mêlant avec l’eau (κατὰ μίξιν ὕδατι)[425]. Mais le nom Thôout se rapporte sans aucun doute à la racine égyptienne ΘΩΟΥΤ et ΘΟΥΩΤ, qui signifie congregare, in unum colligere, et d’où dérivent ΘΩΟΥΤΙ et ΘΩΟΥΤΣ, mots qui exprimaient les colléges de prêtres, les réunions religieuses appelées panégyries par les Grecs. Les deux Thôout ou Hermès rassemblaient en effet dans eux-mêmes toutes les sciences divines et humaines, et leur nom s’explique bien naturellement encore par cet usage constant des prêtres égyptiens, d’attribuer religieusement à Thoth seul les découvertes scientifiques faites par tous les individus de la caste sacerdotale. Cette caste réunissait aussi dans son sein tous les genres de connaissances, et regardait à la fois Thoth et comme son instituteur, et comme sa propre image ou personnification dans les mythes sacrés.

L’ibis, oiseau dont les figures du second Hermès empruntent la tête, était consacré à ce dieu, parce qu’il fut, dans l’écriture hiéroglyphique, le signe symbolique de l’idée cœur (Καρδία)[426]. Les Égyptiens trouvaient, 158 dit-on, une foule de similitudes entre l’ibis et le cœur, exprimé en langue égyptienne par la syllabe HÈT, mot qui se prenait dans la double acception de cœur et d’intelligence ou intellect[427]; l’ibis, symbole du cœur et signe du mot Hèt, devait donc devenir l’emblème de Thoth que l’on considérait comme l’arbitre souverain du cœur et de l’intelligence humaine, Πάσης καρδίας καὶ λογισμοῦ δεσπότης. (Voy. la note 4, ci-dessus.)

Ce n’est point sur la terre seule et sur les hommes policés par ses bienfaits, que Thoth-deux-fois-grand, ou le second Hermès, exerçait directement son influence; les Égyptiens crurent aussi qu’après avoir civilisé notre planète, Thoth avait établi sa demeure dans le globe lunaire, et qu’il suivait cet astre dans toutes ses révolutions[428]. Ce dieu paraît, d’après les monuments, avoir été considéré comme ayant des rapports très-intimes avec le dieu-lune, et avec l’astre de ce nom. Les monuments égyptiens nous montrent en effet, et assez fréquemment, Thôth-ibiocéphale soutenant dans ses mains le disque lunaire, et occupant le haut d’un escalier mystique formé de quatorze degrés, sur chacun desquels est placée une divinité de seconde ou de troisième classe, qui semble monter vers le second Hermès[429]. Plus souvent encore, la tête d’ibis de ce dieu est surmontée du croissant et du disque lunaires, comme on peut le voir sur cette planche 29.2, dessinée, ainsi que la précédente, d’après des momies peintes du cabinet du Roi et des riches collections de MM. Durand et Cailliaud. Des figurines de terre émaillée offrent assez fréquemment le Thoth ibiocéphale, portant dans ses mains l’œil qui fut un des symboles de la lune aussi bien que du soleil. Enfin, les rapports de Thoth avec la lune sont, outre cela, indiqués par les mythes sacrés, d’après lesquels, par exemple, le dieu des sciences jouant aux dés avec le dieu-lune, lui gagna la 70e partie de ses illuminations, et en forma, en les mettant ensemble, cinq jours qu’il ajouta aux 360 de l’année. Ces jours, nommés épagomènes, étaient fêtés et solennisés par les Égyptiens, à cause des divinités qui avaient pris naissance pendant leur durée[428]. L’oiseau de Thôth, l’ibis, était également consacré à la lune[430], parce qu’une partie de son plumage était obscure et de couleur noire, et l’autre brillante et de couleur blanche[431], ce qui faisait allusion au disque lunaire, tantôt éclatant de lumière, et tantôt plus ou moins plongé dans l’obscurité.

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Planche 29.2.


159

THOTH DEUX FOIS GRAND,
PRÉSIDANT A LA RÉGION INFÉRIEURE.

Il en était du Thoth des Égyptiens, comme de l’Hermès des Grecs: ce fut l’être mythique auquel on attribua les fonctions les plus nombreuses et souvent même les plus opposées. Nous avons vu, en effet, le Thoth céleste, le seul des dieux émanés du Démiurge, et qui porte le surnom de trois fois grand, associé d’abord à l’œuvre de la création de l’univers et renfermant en lui-même toute la science des choses divines. Ce prototype de toute intelligence s’incarne ensuite pour civiliser l’espèce humaine, et se lie ainsi à un corps matériel. Lorsque les habitants de la terre, éclairés par ses leçons, connaissent et pratiquent la vertu, et sont soumis à une organisation sociale régulière, imitation imparfaite de l’ordre qui règne dans les régions célestes, Thoth se retire dans la lune pour se consacrer à l’accomplissement de nouveaux devoirs. Le génie qui présidait à cet astre, le dieu Pooh (ou Lunus), était considéré par les anciens Égyptiens comme le directeur perpétuel, comme le roi des ames qui, ayant quitté des corps matériels, erraient ballottées par les vents dans le vague des airs, jusqu’à ce qu’elles fussent appelées à animer de nouveaux corps, pour subir de nouvelles épreuves, expier leurs fautes passées, et sortir de la zône de l’air terrestre et agité, pour passer dans la troisième zône de l’univers où régnait un air pur et léger. C’était dans ces deux zônes, ou divisions du monde, partagées en vingt-quatre régions ou contrées (χώρας) situées entre la terre et la lune, que le dieu Lunus exerçait directement son influence: il avait pour conseiller le dieu Thoth, qui présidait plus spécialement à la seconde zône ou division du monde, celle de l’air agité, qui se divisait en huit régions immédiatement situées au-dessus des quatre régions de la TERRE[432]. Cette zône de Thoth dépendait de l’empire lunaire, qui comprenait aussi une zône supérieure, celle de l’air pur, subdivisée en seize autres régions. Il est donc de toute évidence que le titre SEIGNEUR DES HUIT RÉGIONS, qui accompagne constamment les images de Thoth Ibiocéphale dans les bas-reliefs et dans les peintures égyptiennes[433], se rapporte à 160 cette direction des huit régions de la seconde zone du monde, habitée passagèrement par les ames des morts. Cela expliquerait encore pourquoi le nombre huit est particulièrement consacré à Thoth; et il n’est point hors de vraisemblance que la grande ville d’Hermès dans l’Heptanomide, qui porta le nom de Schmoun[434], c’est-à-dire, huit, nom transcrit par les Arabes sous la forme du duel Aschmounaïn, a été ainsi appelée par allusion aux huit régions des ames, auxquelles présidait le dieu éponyme de cette grande cité.

Quoi qu’il en soit, on attribua au second Hermès égyptien, Thoth Ibiocéphale, comme à l’Hermès des Grecs, la direction des ames que la mort séparait des corps terrestres. Aussi ce dieu est-il figuré dans les peintures des momies, tenant dans ses mains l’emblême de la partie inférieure du monde, qui comprenait dans ses limites une portion du ciel et l’Amenti, lieu où les ames étaient jugées par Osiris. Le nom écrit de la partie inférieure de l’univers se compose, dans les textes hiéroglyphiques, d’une plume, du segment de sphère lié au signe recourbé qui exprime l’articulation S. C’est ce même nom, dans lequel il me semble reconnaître les éléments graphiques du mot égyptien PESÈT qui signifie partie inférieure, que tient dans sa main le dieu Thoth figuré sur notre planche 29.3. Il faut observer seulement qu’une portion du signe recourbé a été prolongée outre mesure pour donner à ce groupe de lettres l’apparence d’un sceptre dans les mains du dieu, qui tient aussi une bandelette: les exemples d’images d’objets dénaturés ainsi dans leur forme, pour s’accommoder à l’effet général d’une composition, sont fort communs sur les monuments égyptiens[435]: dans les textes courants, le groupe hiéroglyphique exprimant la partie inférieure du ciel et du monde en général, prend la forme indiquée dans la pl. 29.3, sous le no 2, accrue de trois signes déterminatifs; et on le retrouve sculpté sous la forme no 3, hors du disque renfermant le zodiaque circulaire de Dendérah, au-dessous du scorpion et entre les figures de femme et d’homme à tête d’épervier, qui soutiennent cette portion du disque. Au point diamétralement opposé, se trouve le nom de la partie supérieure du ciel et du monde. La ligne dont ces deux groupes sont les deux points extrêmes, passe par les pieds postérieurs du taureau et par la tête du scorpion.

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Planche 29.3.


161

THOTH PSYCHOPOMPE,
LE SECOND HERMÈS DANS L’AMENTÉ.

Le Thoth égyptien Ibiocéphale, compagnon fidèle d’Osiris tant que ce dieu resta dans le monde pour adoucir les mœurs des hommes, n’abandonna point ce dieu lorsque, ayant terminé sa mission sur la terre, il alla établir son tribunal et sa demeure dans l’Amenté (l’enfer des Égyptiens), lieu où se réunissaient les ames pour rendre compte de leur conduite, et d’après le résultat de cet examen, être réparties dans les diverses régions célestes, ou rentrer dans des corps matériels en expiation de leurs fautes. Thoth fut, après Osiris, le premier personnage de ce lieu terrible, où les destinées des ames étaient réglées à chacune de leurs transmigrations sous forme humaine. Les peintures qui décorent les manuscrits funéraires, les cercueils et enveloppes des momies, et les bas-reliefs des catacombes de l’Égypte, ne permettent aucun doute à cet égard; tout nous montre le dieu Thoth remplissant auprès des ames, diverses fonctions qui l’assimilent complètement à l’Hermès Psychopompe des Grecs.

Le dieu à tête d’Ibis est en effet représenté dans les scènes mythiques peintes sur les enveloppes des momies et relatives au jugement de l’ame, conduisant par la main le défunt ou plutôt son ame figurée sous les apparences du corps qu’elle vient de quitter, devant la balance infernale, ou aux pieds du trône d’Osiris dominateur de l’Amenté. J’ai reconnu cette scène sur plusieurs momies, sur deux entre autres, dont l’une appartient au cabinet du Roi, et l’autre à la précieuse collection de M. Durand.

Souvent aussi le dieu Thoth semble instruire les ames et les préparer à l’effrayante épreuve qu’elles ont à subir, leurs actions allant être pesées dans l’équitable balance de l’Amenté. Ce sujet est figuré en grand sur un des bas-reliefs du tombeau royal du Pharaon Phtah-ousireï-mèn, découvert à Thèbes par le célèbre voyageur Belzoni dont la perte récente, au moment même où il allait décider le plus important des problèmes relatifs à la géographie de l’Afrique intérieure, sera à jamais regrettable et vivement sentie par tous ceux qui accordent une estime bien 162 méritée au courage réfléchi qui se dévoue généreusement au progrès de la science.

La plus grande partie des grandes scènes peintes, placées au commencement ou à la fin des manuscrits funéraires soit en écriture hiéroglyphique, soit en écriture hiératique, et qui représentent la Psychostasie et le jugement des ames par Osiris, nous offrent le second Thoth debout devant le trône du juge suprême, et dans l’attitude qu’on lui voit sur notre planche 29.4. La tête du dieu est celle d’un Ibis, ordinairement peinte en noir, d’où l’on pourrait inférer peut-être que l’Ibis blanc était plus spécialement consacré à Thoth considéré dans ses attributions relatives aux globes de la lune et de la terre, et l’Ibis noir à ce même dieu réglant le sort des ames dans l’Amenté, l’enfer ou la région ténébreuse. La tête d’oiseau qui remplace la tête humaine de Thoth, est couverte de la coiffure égyptienne ordinaire, et n’est surmontée d’aucun symbole particulier: le dieu tient dans sa main gauche une tablette rectangulaire pareille à celles qu’on a découvertes depuis peu dans les catacombes égyptiennes, et qui, portant vers leur partie supérieure deux cavités destinées à recevoir des pains de couleur noire et rouge, et sur leur milieu, des rainures pour des pinceaux, ont été facilement reconnues pour un ustensile de peintre ou d’écrivain. On a donné à ces tablettes, qui portent presque toutes des légendes hiéroglyphiques, le nom de palette: Thoth est figuré traçant avec un roseau ou un pinceau qu’il tient dans sa main droite, des caractères sur la tablette qui, combinée avec le pinceau et un petit vase renfermant soit de l’encre, soit de l’eau pour délayer les couleurs, forme le groupe hiéroglyphique tropique[436] exprimant les idées Écrire et Écriture, idées dont les mots Shai, Sah, ou bien Skhai et Sakh étaient les signes dans la langue orale.

Ainsi c’est la science divine personnifiée qui perscrutait la vie passée des ames et présentait le résultat écrit de cet examen au dieu bienfaisant par excellence, Osiris, dont la bouche sainte prononçait la sentence. J’ai reconnu dans les peintures des manuscrits les plus soignés, que le caractère inscrit par Thoth sur la tablette, était le signe recourbé[437], l’une des formes de la consonne S dans l’écriture hiéroglyphique. Comme on ne pourrait présenter que des conjectures sur le sens de cette lettre initiale, j’ai cru devoir me borner à reconnaître le fait seulement.

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Planche 29.4.


163

L’IBIS,
EMBLÊME VIVANT DE THOTH LE SECOND HERMÈS.

L’instituteur des sciences et des arts, le Dieu qui civilisa l’espèce humaine, avait pour emblème l’Ibis, oiseau dont les archéologues et les naturalistes modernes ont eu beaucoup de peine à reconnaître le genre et l’espèce, puisqu’on le confondit d’abord avec le Héron et la Cigogne, malgré le nombre immense de ses images gravées sur les monuments égyptiens existants en Europe. Bruce et les savants de l’expédition française en Égypte ont, depuis, retrouvé ce même oiseau vivant, en Éthiopie comme en Égypte. M. Cuvier lui a conservé le nom d’Ibis, et l’a rangé dans le genre Numenius.

Les Égyptiens connurent deux espèces d’Ibis qui, toutes deux, jouaient un rôle important dans les mythes sacrés. La première, l’Ibis blanc, connu en Éthiopie sous le nom d’Abou-Hannès, et en Égypte sous celui d’Abou-Mengel, a une partie de la tête et toute la gorge dénuées de grandes plumes; son plumage est blanc, à l’exception de la tête, du cou, de l’extrémité des ailes et de la queue, qui sont de couleur noire. Celui de la seconde espèce, l’Ibis noir appelé Hareiz par les habitants actuels de l’Égypte, est d’un noir à reflets très-riches, verts et violets; le dessous du corps est d’un noir cendré qui devient marron foncé dans les vieux individus[438]. L’Ibis blanc était consacré à Thoth ainsi qu’à la Lune[439], astre dont ce Dieu paraît avoir été considéré comme le régulateur: car, suivant le dire des Égyptiens, cet oiseau s’occupe de ses œufs pendant toute la durée de la croissance et de la décroissance de la lune. Il accommodait son régime d’après ses phases; on ajoutait même que ses intestins se resserraient toujours au déclin de l’astre, et reprenaient toutes leurs dimensions lorsque la lune reparaissait brillante de toute sa lumière[440].

Comme le Dieu Thoth, l’Ibis affectionnait particulièrement l’Égypte; il habitait de préférence cette contrée, la plus humide de toutes, de la même manière que Thoth avait fixé sa demeure dans la lune, la plus humide des planètes, suivant les Égyptiens. Selon Ælien, si quelqu’un emportait de force ou par surprise un Ibis hors de l’Égypte, cet oiseau se laissait mourir de faim, et se vengeait ainsi de ses ravisseurs, en leur montrant l’inutilité de leurs efforts pour l’éloigner du pays qu’il aime 164 exclusivement. Du reste, l’Ibis représentait convenablement le plus sage et le plus savant des Dieux, s’il est vrai, comme le disaient les Égyptiens, que les Ibis marchent d’une manière grave et posée, comme une jeune vierge, ne cheminant que pas à pas[441].

C’est principalement la première espèce d’Ibis, l’Ibis blanc, qui fut vénérée et nourrie avec soin par l’Égypte entière: c’est celle, du moins, dont l’image est la plus fréquente dans les peintures et les sculptures de style égyptien. Presque toutes les momies d’Ibis, ouvertes et observées avec soin, ne présentent que l’espèce blanche; d’où il résulte que l’Ibis blanc était l’oiseau favori de Thoth, son symbole et celui de la lune sur la terre. Le Dieu et l’oiseau étaient tellement identifiés dans les idées égyptiennes, qu’on attribuait le principe de la connaissance des nombres et des mesures à l’Ibis même[442], et que son pas était devenu un étalon métrique.

Les récits populaires attribuaient surtout à l’Ibis noir la destruction des serpents ailés. Ces serpents venaient de l’Arabie; les Ibis noirs se postaient, dit-on, sur les frontières de l’Égypte, combattaient ces redoutables ennemis, et les empêchaient de pénétrer dans l’intérieur du pays[443]. Hérodote prétend avoir vu des amas immenses d’os et d’arêtes de ces serpents détruits par les Ibis noirs[444]. L’antiquité entière a reproduit cette assertion d’après le père de l’histoire; mais les connaissances positives que la science moderne possède de la constitution et des habitudes des deux espèces d’Ibis, ne permettent d’attacher aucune confiance à cette opinion sur l’oiseau consacré à Thoth, considéré comme le sauveur de l’Égypte parce qu’il détruisait de dangereux reptiles, les sauterelles, les chenilles, et éloignait les maladies contagieuses[445]. On disait aussi que l’Ibis blanc rendait un service semblable à l’autre extrémité de l’Égypte vers l’Éthiopie, en empêchant les serpents des pays méridionaux d’entrer sur la terre sacrée. Ainsi, dans la croyance vulgaire, l’Égypte était défendue contre les reptiles venimeux par les deux espèces d’Ibis; les Ibis noirs défendaient les frontières vers le nord, et les Ibis blancs les frontières du sud.

L’Ibis blanc fut nourri dans les temples et dans les maisons particulières, comme l’image vivante de Thoth sur la terre: lorsque ces animaux mouraient, on déposait leurs corps, embaumés avec soin, dans des catacombes, soit à Hermopolis magna, dont les médailles portent la figure de cet oiseau[446], soit dans d’autres lieux de l’Égypte et surtout dans le voisinage de Memphis, où existe encore une incroyable quantité de momies de cette espèce d’oiseau, puisqu’on les y a comptées par milliers.

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Planche 29.5.


165

LE CYNOCÉPHALE,
EMBLÊME VIVANT DE THOTH.

L’un des emblêmes les plus connus du dieu Thoth ou le second Hermès, fut une grande espèce de singe que la ressemblance de sa tête avec celle d’un chien, fit nommer Cynocéphale, Κυνοκέφαλος, par les Grecs qui, peut-être en cette occasion, traduisirent tout simplement le nom Égyptien de cet animal. Le Cynocéphale fut consacré à Thoth, l’Hermès Égyptien, l’inventeur des lettres, parce que, disait-on, une certaine classe de ces animaux connaissait réellement l’usage des lettres[447]. Cette croyance absurde semble s’être conservée fort long-temps en Égypte, puisqu’on lit dans un manuscrit copte-thébain du Musée Borgia[448], contenant le récit des actes de saint Barthélemy, que ce prédicateur de la foi quitta la religion des ichthyophages pour se rendre dans le pays des Parthes, accompagné de Christianus homme-cynocéphale (ⲣⲱⲙⲉ ⲛϩⲟⲛⲟⲩϩⲟⲟⲣ).

Aussitôt qu’un Cynocéphale était introduit dans un temple de l’Égypte, un prêtre, dit Horapollon[447]), lui présentait une tablette, un roseau et de l’encre, pour éprouver s’il était réellement de la race de ces Cynocéphales qui connaissaient l’art de l’écriture. Quelque ridicule que soit cette assertion d’Horapollon, il n’en reste pas moins prouvé que tel était en effet le préjugé vulgaire, car les monuments offrent des représentations parfaitement analogues. On trouve, par exemple, parmi les sculptures qui décorent le grand temple d’Edfou, un bas-relief dessiné par la Commission d’Égypte, et représentant un Cynocéphale assis dans l’acte de tracer des caractères sur une tablette à l’aide d’un roseau. On crut trouver outre cela, dans ce même animal, des rapports marqués avec les individus composant la caste sacerdotale, puisque, comme ceux-ci, il était circoncis, et s’abstenait surtout de manger du poisson[449]. Cette espèce de singe dut ainsi nécessairement devenir l’emblême vivant de Thoth, l’instituteur et le prototype de la caste sacerdotale.

166

Ce Dieu, créateur des sciences et des arts, est très-souvent figuré sous la forme même d’un Cynocéphale dans les bas-reliefs symboliques et les peintures des rituels funéraires; notre planche 29.6, calquée sur un des plus beaux manuscrits hiéroglyphiques du cabinet du Roi, offre un exemple curieux de cette particularité; la seconde scène peinte de ce rouleau, présente l’image de la défunte à laquelle se rapporte le manuscrit, en acte d’adoration, auprès d’un autel chargé d’offrandes, devant un Cynocéphale. L’animal sacré est assis sur une sorte de piédestal couvert d’un tapis et placé sur un traîneau; il tient dans sa main gauche une palette d’écrivain sur laquelle sont attachés des pinceaux ou des roseaux, et absolument semblable à ces palettes, soit en bois, soit en pierre, qu’on a récemment découvertes dans les catacombes de l’Egypte; et la main droite du Cynocéphale est élevée vers la défunte en signe de protection.

Les inscriptions hiéroglyphiques tracées au-dessus des deux personnages qui composent cette scène remarquable, ne laissent aucun doute sur le sens que nous devons y attacher: On lit près de la tête de la défunte: Acte d’adoration fait par l’Osirienne dame dévouée à Amon-ra Roi des Dieux, Tentamon; et vers la tête du Cynocéphale: Thoth Seigneur des divines écritures. Il est évident que l’Egyptienne Tentamon supplie le dieu Thoth, manifesté sous la forme même de son animal sacré, de lui être favorable dans la terrible épreuve qu’elle va subir, l’examen de ses bonnes et mauvaises actions sur la terre, pesées dans l’équitable balance de l’Aménti: cette épreuve est, en effet, représentée dans la scène qui suit immédiatement celle que nous venons de décrire.

Les figures du Cynocéphale, en terre émaillée, en pierre ou en bronze, sont très-communes, le culte du Dieu dont il était l’emblême étant très-répandu dans toutes les préfectures de l’Egypte.

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Planche 29.6.


167

THOTH,
LE SECOND HERMÈS IDENTIFIÉ AVEC LA LUNE.

On a vu dans la planche 14.5, représentant la Barque ou Bari symbolique du Dieu Pooh, que le disque et le croissant lunaires sont produits comme les emblèmes spéciaux d’une divinité portant à la fois le nom de Ooh ou Ioh et celui de Thôout ou Thôouti: les titres Dieu grand, Seigneur du ciel et Roi des Dieux, qui accompagnent cette double appellation, prouvent incontestablement qu’elle se rapporte à un seul personnage mythique; et nous devons conclure de ce fait que, dans leurs spéculations théologiques, les prêtres égyptiens identifiaient, sous certains rapports, le Dieu-Lune avec le second Hermès, Thoth Ibiocéphale. Une belle stèle du musée royal égyptien de S. M. le Roi de Sardaigne, démontre encore mieux ce que nous venons d’avancer.

Ce monument[450] dont la partie supérieure est fidellement rendue sur notre planche 29.7, n’est qu’une espèce de grand Προσκύνημα ou acte d’adoration de trois individus d’une même famille, représentés à genoux au-dessous d’un texte hiéroglyphique, de dix colonnes, contenant la prière adressée au Dieu qui était l’objet de leur culte. Le principal personnage est un Égyptien dont le nom propre, exprimé symboliquement, signifie bonne année; il est suivi de sa sœur Thani ou Thoni, prosternée comme lui; devant eux est une très-jeune fille nommée Djernil, debout et élevant les bras en signe d’adoration, à l’imitation de son oncle et de sa mère.

Le haut de la stèle est occupé par une grande barque placée, non sur l’image conventionnelle de l’eau, comme les barques des habitants de la terre, mais sur le signe hiéroglyphique du ciel, tracé de très-grande proportion[451]. Les Égyptiens, qui ne considéraient la sculpture et la peinture que comme une sorte d’écriture plus riche et plus monumentale que celle dont ils se servaient pour les usages communs, voulaient exprimer, ainsi, que les êtres divins se mouvaient dans la vaste étendue 168 des cieux. Le Dieu, assis au milieu de la barque, est caractérisé par une tête d’Ibis, couverte de la coiffure ordinaire, mais surmontée du disque et du croissant de la lune: la légende qui l’accompagne, Ⲟⲟϩ ou Ⲓⲟϩⲑⲱⲟⲩⲧ, Ooh-Thôout, n’est que le nom du Dieu-Lune, réuni à celui du second Hermès; tout comme le simulacre que ce double nom désigne, est formé des images combinées de la Lune et du second Hermès. L’identification de ces deux personnages mythiques ne peut donc plus être douteuse.

Un cynocéphale, animal également consacré à l’une et à l’autre de ces divinités, présente au Dieu Ooh-Thôout (Lunus-Hermès) l’œil, symbole spécial des deux corps célestes qui répandent la lumière sur la terre; ce même œil est figuré vers la proue de la barque divine dont l’extrémité, richement décorée, porte un disque pour désigner, selon toute apparence, que cette Bari est celle d’une planète. Nous ajouterons, à ce sujet, que la consécration d’une des planètes à Hermès (Mercure) chez les peuples anciens, n’avait point lieu chez les Égyptiens; ils purent donc sans inconvénient assimiler leur Hermès avec la Lune, car il est certain qu’ils consacrèrent à leur Dieu Aroeri (Apollon)[452] la planète nommée Hermès et Mercure par les Grecs et par les Romains.

La poupe de la Bari sacrée du Dieu Lunus-Hermès, est recourbée d’une manière très-remarquable, circonstance qu’on a pu également observer dans l’une des barques du Dieu-Lune[453]. Cette appendice si extraordinaire me paraît représenter une queue de crocodile, animal essentiellement lié aux mythes du Dieu-Soleil et du Dieu-Lune. Enfin cette queue qui est recourbée nous rappelle encore ce passage d’Horapollon[454] Σκότος δὲ λέγοντες, κροκοδείλου οὐρὰν ζωγραφοῦσιν: pour représenter l’obscurité, les Égyptiens peignent LA QUEUE D’UN CROCODILE. Ce rapprochement nous conduit à conclure que, par Ooh-Thôout, les Égyptiens pouvaient entendre le Dieu qui présidait à la lune en conjonction, c’est-à-dire à la phase où cet astre cesse d’être apparent sur l’horizon. On peut supposer que Ooh (la lune) restait alors dans la partie inférieure et ténébreuse du ciel, que nous avons vue être en effet du domaine de Thôout, le second Hermès[455].

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Planche 29.7.


169

NATPHÉ ou NETPHÉ.
(RHÉA.)

On a déja remarqué[456] qu’il exista en réalité, entre les mythes sacrés des Égyptiens et ceux des Grecs, des rapports beaucoup plus suivis que ne semblerait l’indiquer la diversité d’origine de langue ou de gouvernement des deux peuples, et surtout le peu d’analogie des formes choisies pour représenter chacun de leurs personnages mythiques. Cependant, si l’on a égard aux différences de temps, de races et de lieux, on s’apercevra bientôt que certaines parties de la mythologie des Grecs ne sont, et de l’aveu des Grecs eux-mêmes, que des mythes égyptiens plus ou moins complets, mais reproduits avec les modifications nécessaires pour les lier naturellement au système national des Hellènes; de là vient que les anciens auteurs grecs, à partir d’Hérodote même, lorsqu’ils ont voulu parler des divinités de l’Égypte, se sont servis indifféremment et avec une assurance bien fondée du nom grec de la divinité correspondante dans les mythes grecs, au lieu d’employer le nom égyptien lui-même. Diodore seul nous avait parlé d’une Estia ou Vesta égyptienne; Jablonski, s’étant flatté de retrouver l’ensemble du système religieux de l’Égypte dans le peu que les auteurs anciens ont laissé échapper sur cette matière, et s’imaginant expliquer tous les personnages mythiques par les divers états du soleil et de la lune, nia l’existence d’une divinité analogue à l’Estia des Grecs dans les mythes égyptiens, et ne reconnut pour divinités vraiment égyptiennes que celles dont les Grecs avaient mentionné les noms égyptiens[457]. C’est en partant de ce principe, absolument faux, que ce savant a refusé d’admettre dans son Panthéon deux divinités égyptiennes assimilées par les Grecs à leurs Cronos et Rhéa, le Saturne et la Rhéa des Romains. Mais c’est à tort, et bien gratuitement, que Jablonski accuse les Grecs d’avoir donné, sans règle et sans motif, les noms propres de leurs divinités à celles des Égyptiens, et de ne suivre en cela que leur caprice ou leur convenance particulière; enfin les auteurs et les monuments démontrent combien cet érudit était dans l’erreur, lorsqu’il affirme trop positivement que, quant à Rhéa, sœur et femme de Saturne, elle fut tout-à-fait inconnue aux Égyptiens[458], et que tout ce que les anciens ont dit d’une Rhéa égyptienne doit s’entendre de la déesse Athôr[459]. 170

Diodore de Sicile, que Jablonski cite cependant sans accorder à ce témoignage tout le poids qu’il mérite, nous apprend, dans son livre premier, où il expose rapidement le système religieux des Égyptiens, que parmi les dieux terrestres (Ἐπιγείους), nés des dieux célestes (τῶν ἐν Οὐρανῷ θεῶν), et venus après eux, ils comptaient Κρόνος et Ῥέα, c’est-à-dire Saturne et Rhéa[460]. Ces deux personnages, qui étaient frère et sœur, succédèrent à Hélios (Phré) ou à Héphæstus (Phtha), et méritèrent l’immortalité et des autels par leurs bienfaits envers l’espèce humaine. Ce récit de l’historien sicilien, quoique empreint d’une teinte marquée d’Évhémérisme, conserve cependant une physionomie tout égyptienne, puisqu’il renferme clairement exprimées les deux divisions fondamentales établies parmi les divinités égyptiennes, dont les unes étaient purement célestes (ce sont les deux premières classes d’Hérodote), et les autres se trouvaient dans des rapports plus intimes avec l’homme, puisque, suivant les traditions sacerdotales, ces divinités s’étaient autrefois incarnées sur la terre, et s’étaient manifestées ainsi aux yeux des mortels. Les premières entre les divinités de cet ordre de dieux terrestres ou mondains, furent Cronos, et Rhéa, laquelle, selon Diodore de Sicile, Plutarque et Synésius, donna naissance à Osiris ainsi qu’à Isis.

Cette seule circonstance a suffi pour nous faire retrouver avec certitude le nom et les images de la Rhéa égyptienne sur les monuments originaux: la forme la plus simple de cette déesse est celle que nous reproduisons sur notre planche 30, d’après une petite stèle du Musée de Turin; la légende qui l’accompagne contient d’abord le nom propre de la déesse, qui se lit sans difficulté ⲛⲧⲡⲉ ou ⲛⲧⲫⲉ, Netpé, Netphé ou Natphé: ce nom est suivi d’un titre tout particulier à cette divinité, celui de ⲙⲁⲥⲛⲛⲉⲛⲟⲩⲧⲉ ⲧⲛⲉⲃⲡⲉ, GÉNÉRATRICE DES DIEUX, dame du ciel. Les chairs de Netphé sont de couleur verte; le vautour qui décore le devant de la coiffure, le modius qui la surmonte, et les cornes de vache, présentent cette divinité sous l’attribution de mère et nourrice divine. Le disque rouge indique ici, comme ailleurs, que Netphé ou la Rhéa égyptienne appartient à la famille de Phré (le dieu-soleil), comme toutes les divinités égyptiennes du second et du troisième ordre.

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Planche 30.


171

API OU HAPI.
(APIS, TAUREAU CONSACRÉ A LA LUNE.)

Il serait fastidieux d’énumérer ici tous les documents que l’antiquité classique nous a transmis relativement à l’animal sacré si connu sous le nom vulgaire de Bœuf Apis[461]: on doit conclure de ces rapports circonstanciés, que le culte de ce taureau était populaire en Égypte, et presque général dans tous les nomes dès l’époque de la domination des Grecs, et surtout sous le gouvernement des empereurs, dont plusieurs, et des plus célèbres, crurent de leur politique de payer un tribut d’hommages publics à ce représentant de l’une des plus grandes divinités d’un pays si nécessaire à la prospérité de l’empire. Mais il est douteux que, dans les temps antérieurs, sous les rois de race pharaonique, lorsque les lois purement égyptiennes étaient en vigueur, on montrât pour Apis une vénération si marquée partout ailleurs que dans le nome où les livres sacrés avaient irrévocablement fixé la demeure et la sépulture de cet animal symbolique. Chacune des trente-six préfectures de l’Égypte primitive reconnaissait pour emblème de sa divinité protectrice un animal particulier, volatile, quadrupède, reptile ou poisson; et cette sorte de religion locale a été désignée par les Grecs sous le nom de Θρησκεία[462]. Une telle institution, calculée dans un intérêt qu’il ne nous est point encore donné de juger en définitive, avait jeté de si profondes racines, que les médailles des nomes de l’Égypte frappées sous l’empire de Trajan, d’Hadrien et d’Antonin, portent, presque toutes, d’un côté l’effigie de l’empereur régnant, et de l’autre l’animal sacré particulier au nome[463], ou le dieu principal tenant sur sa main ce même animal, son symbole[464]. Plusieurs villes de l’Égypte rendaient un culte particulier au taureau ou plutôt aux divinités dont ce vigoureux quadrupède fut l’emblème spécial; 172 mais ces animaux différaient entre eux, soit de couleur, soit par quelques qualités ou marques particulières: le taureau Onouphis, nourri à Hermonthis ou dans quelque autre cité de la Thébaïde, en l’honneur du premier des dieux, Ammon, fut de couleur noire, d’une taille remarquable, et ses poils étaient, dit-on, dirigés à contre-sens; Mnévis, autre taureau nourri à Héliopolis comme emblème du soleil, est représenté de couleur claire sur les monuments originaux; mais le taureau Apis se distinguait de tous les autres taureaux sacrés de l’Égypte, non-seulement par son pelage, mais encore par des signes propres à lui seul et dont les auteurs grecs et latins parlent avec détail.

Quant à la couleur d’Apis, les monuments égyptiens originaux, sur lesquels son image est représentée, le représentent toujours noir ou bien mi-partie de noir et de blanc. Notre planche 31 le reproduit fidèlement tel qu’il est figuré à côté du taureau Mnévis[465], (que certains mythes populaires regardaient comme le père d’Apis), parmi les peintures d’un riche cercueil de momie du Musée royal égyptien de Turin. Un collier et une housse rouge à points bleu-céleste décorent l’animal sacré, dont le corps est entièrement noir. Le fouet, placé au-dessus de sa croupe, est l’emblème du pouvoir incitateur du dieu que l’animal rappelle, symboliquement, à l’adoration des hommes, et le serpent Uræus, coiffé de la portion supérieure du pschent, indique la domination de cette divinité sur les régions d’en haut. Entre les cornes du taureau s’élève un disque de couleur jaune; c’est celui de l’astre dont Apis était l’image sur la terre. Les deux plumes bleues qui surmontent le disque, emblèmes connus de justice et de vérité, ont un rapport direct à certaines fonctions funéraires que les Égyptiens attribuaient au taureau Apis, et dont il sera bientôt parlé dans l’un des articles suivants relatifs au même animal sacré.

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Planche 31.


173

MNÉVIS.
(TAUREAU CONSACRÉ AU DIEU PHRÉ.)

D’importants et nombreux témoignages, épars dans les écrits des auteurs grecs et latins, établissent qu’à Héliopolis, ville de l’Égypte inférieure, voisine du sommet du Delta, et connue dans l’antiquité par son docte collége de prêtres, on nourrissait religieusement, en l’honneur du dieu éponyme de la cité, un taureau nommé Mnévis, ΜΝΕΥΙΣ[466]. L’inscription de Rosette en citant, comme l’un des motifs du décret qui décerne de grands honneurs au roi Ptolémée Épiphane, les dons offerts à Mnévis[467] par la pieuse libéralité de ce prince, prouve l’extrême vénération que l’on portait à cet animal symbolique. Il n’est point douteux que, comme le taureau sacré de Memphis, celui d’Héliopolis fût logé dans un édifice somptueux, qui était à la fois la demeure et le temple de cette image vivante du dieu de la lumière, auquel les habitants du nome héliopolite rendaient un culte si assidu.

C’est à ces faits seulement que se bornent en général les documents fournis par les classiques anciens sur le taureau sacré Mnévis. D’après un passage de Porphyre, cité par Eusèbe[468], cet animal, qui surpassait en grosseur tous ceux de son espèce, était de couleur noire, circonstance également notée par l’auteur du traité d’Isis et d’Osiris; Porphyre prétend que cette couleur faisait allusion à la chaleur du soleil, dont l’effet est de noircir la peau des hommes qui y sont habituellement exposés, et il ajoute: Testiculos habet (Mnevis) prægrandes quod rei venereæ cupiditas vî caloris excitetur, ipsaque adeo sol naturam inseminare dicatur. Les monuments égyptiens seuls peuvent décider jusqu’à quel point nous devons avoir confiance dans les détails que donne Porphyre sur le taureau 174 Mnévis. Malheureusement il ne reste rien des temples qui ornaient jadis la ville d’Héliopolis, et l’on ne peut plus chercher parmi leurs bas-reliefs l’image de l’animal sacré, qu’il serait si intéressant de retrouver sur les lieux mêmes où il fut particulièrement honoré. Pignorius était tenté de reconnaître Mnévis dans l’un des taureaux représentés sur la table isiaque[469]; mais ce monument n’est qu’un ouvrage d’imitation et d’une époque peu reculée; rien d’ailleurs n’autorisait encore ce savant à donner le nom de Mnévis à l’image d’un taureau qui ne réunit évidemment aucun des caractères indiqués par Porphyre.

L’unique monument original et d’ancien style égyptien sur lequel nous ayons reconnu une représentation authentique de Mnévis, existe dans le Musée royal égyptien de Turin: sur le couvercle du cercueil extérieur de la momie d’un prêtre nommé Schébamon, sont peints deux taureaux; l’un, entièrement de couleur noire, est accompagné d’une légende hiéroglyphique qui se lit: le dieu Api ou Apévé; c’est Apis ou Epaphus, l’animal sacré de Memphis; l’autre taureau (voir notre planche no 31) est, au contraire, de couleur jaune clair, et son nom propre se lit sans difficulté: le dieu MNÉ; c’est évidemment l’orthographe égyptienne du nom que les Grecs ont écrit ΜΝΕ-ΥΙΣ, et les Latins MNE-VIS. Cet animal sacré porte entre ses cornes le disque du soleil qu’il représentait sur la terre; à son cou est attaché un riche collier, dont le fermoir retombe sur sa croupe; son dos est couvert d’une housse à fond rouge, surmontée du fouet, symbole de l’incitation; devant le taureau sacré on a figuré l’uræus, emblème de la domination sur les régions supérieures.

Cette curieuse peinture, reproduite dans notre planche 31, légitime la conjecture de Pignorius, et nous donne en même temps le droit de croire que Porphyre a, par erreur, attribué à Mnévis les caractères particuliers à l’un des autres taureaux sacrés de l’Égypte, Onouphis ou Pacis, selon toute apparence.

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Planche 32.


175

HAROERI.
(AROUERIS, AROERIS, APOLLON.)

Parmi les dieux égyptiens de la troisième classe, formes ou transformations divines mises en contact avec le monde physique et descendues jusqu’à la nature humaine par la voie de l’incarnation, l’antiquité classique a nommé Aroueris ΑΡΟΥΗΡΙΣ[470], personnage mythique identifié avec l’Apollon des Grecs[471]. A ce témoignage positif se joint encore l’autorité imposante d’un monument public du premier ordre, le grand temple d’Ombos, en Thébaïde, dans lequel on lit une inscription dédicatoire en langue grecque, gravée en creux[472] sur le listel de la corniche d’une porte qui donne entrée dans une des salles intérieures du temple. On y lit que les fantassins, les cavaliers, et autres personnes stationnées dans le nome Ombite, ont dédié ce secos à Aröeris Apollon dieu grand, ΑΡΩΗΡΕΙ ΘΕΩΙ ΜΕΓΑΛΩΙ ΑΠΟΛΛΩΝΙ, pour la conservation du roi Ptolémée et de la reine Cléopâtre sa sœur, dieux philométors[473].

Une seconde inscription sculptée sur le propylon (encore debout au milieu des ruines de Kous dans le voisinage de Thèbes) offre la dédicace que la reine Cléopâtre et le roi Ptolémée, dieux grands, Philométors-soters, firent de ce beau monument à Aröeris dieu très grand, ΑΡΩΗΡΕΙ ΘΕΩΙ ΜΕΓΙϹΤΩΙ[474]. Mais ici le nom du dieu égyptien n’est point accompagné de celui d’Apollon, auquel l’assimilèrent les Grecs d’Égypte; toutefois 176 l’identité voulue de ces deux personnages reste néanmoins prouvée par le lieu même où se trouve cette seconde inscription, Kous que les Grecs nommaient en effet la ville d’Apollon, la petite Apollonopolis.

Muni de renseignements aussi positifs sur les noms de la divinité égyptienne à laquelle furent consacrés une partie du grand temple d’Ombos et le propylon de Kous, il me devint facile de distinguer dans les inscriptions et les nombreux bas-reliefs qui décorent ces deux édifices, soit le nom égyptien du dieu, soit les formes conventionnelles sous lesquelles il fut représenté. La planche ci-jointe nous montre le dieu Aröeris tel qu’il est figuré dans la plus grande partie de ces tableaux d’adoration.

Le corps humain de cette divinité, debout ou assise sur un trône, est peint ordinairement de couleur bleue; sa tête, celle d’un épervier, porte la coiffure pschent, ⲡⲥϣⲛⲧ, symbole du pouvoir qu’exerce Aröeris dans les régions supérieure et inférieure. Il tient dans ses mains les insignes ordinaires des dieux.

Quant au nom égyptien de ce personnage, les mots ΑΡΟΥΗΡΙΣ ou ΑΡΩΗΡΙΣ, abstraction faite de la finale toute grecque, en reproduisent très-fidèlement l’orthographe égyptienne. Le nom hiéroglyphique du dieu est tantôt symbolico-phonétique, tantôt symbolico-figuratif. Dans le premier cas (lég. nos 1 et 2), il se compose du nom symbolique d’Horus, (l’épervier accompagné d’une note verticale), ϩⲱⲣ, Hor, qui se prononçait ϩⲁⲣ, HAR, dans les composés, et du groupe phonétique ⲱⲏⲣⲓ formé de l’hirondelle et de la bouche[475], ce qui produit le nom entier ϩⲁⲣⲱⲏⲣⲓ, Haroéri; dans le second cas (lég. nos 3 et 4) l’épervier symbolique est suivi d’un caractère représentant un homme debout, vêtu d’une tunique longue ou courte et tenant dans sa main un long sceptre pur, emblême de sa suprématie: ce caractère s’échange constamment avec le phonétique ⲱⲏⲣⲓ dans tous les textes sacrés: l’un est l’équivalent figuratif de l’autre. Le mot ⲱⲏⲣⲓ signifie en effet aîné, le plus âgé, et par suite principal et chef (senior) dans toutes les inscriptions hiéroglyphiques; ϩⲁⲣⲱⲏⲣⲓ signifiait donc Horus l’aîné en langue égyptienne. La valeur de ce nom serait enfin démontrée au besoin par l’assertion formelle de l’auteur du Traité d’Isis et d’Osiris, selon lequel le dieu que les Grecs nommaient Apollon était appelé l’aîné Horus, ΠΡΕΣΒΥΤΕΡΟΝ ΩΡΟΝ, par les Égyptiens.

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Planche 33.

177

Cette dénomination établissait donc des rapports directs entre Haröeri et Hôr ou Harsiési, c’est-à-dire Horus fils d’Isis et d’Osiris; l’un était Horus l’aîné, l’autre Horus le jeune; aussi les Grecs ont-ils d’habitude confondu ces deux divinités l’une avec l’autre. Ils ne les distinguent que très-rarement, et cependant Haröeri occupait un rang supérieur à celui d’Horus car, selon les mythes sacrés, il était né avant ce dernier, quelque tradition que l’on veuille adopter d’ailleurs relativement au dieu et à la déesse dont il fut engendré.

D’après un certain récit Haröeri serait un frère d’Horus, né du même père et de la même mère: «Isis et Osiris, racontait-on, étant amoureux l’un de l’autre devant qu’ils fussent sortis du ventre de Rhéa, couchèrent ensemble à cachettes, et disent aucuns qu’Aroueris naquit de ces amourettes-là[476]».

Une autre tradition voulait qu’Aröeris fût le fils du Soleil et de Rhéa[477].

Enfin, selon Diodore de Sicile, l’Apollon égyptien naquit du dieu Cronos (Saturne) et de la déesse Rhéa[478].

C’est la dernière de ces trois généalogies que les monuments égyptiens originaux confirment de la manière la plus précise. On lit plusieurs fois en effet, à côté d’images en pied du dieu Haröeri, dans le grand temple d’Ombos, la légende suivante (lég. no 5), dont voici la transcription en caractères coptes: ϩⲁⲣⲱⲏⲣⲓ ⲡⲛⲏⲃ (ⲛ) ⲥⲁⲣⲏⲥ ⲡⲥⲓ (ⲛ) ⲥⲃ ⲙⲓⲥⲉ ⲛⲛⲧⲫⲉ ⲡⲛⲧⲣ ⲛⲁⲁ: Haröeri le seigneur de la région du Midi fils de Sèv (Saturne) né de Natphé (Rhéa), dieu grand[479].

Ainsi à Ombos le dieu Haröeri était considéré comme frère d’Osiris et d’Isis. Sa mère Natphé le mit au monde le second jour épagomène, c’est-à-dire dans le deuxième des jours complémentaires ajoutés à l’année de 360 jours. Cette tradition qui d’abord nous a été conservée par Diodore de Sicile et par l’auteur du Traité d’Isis et d’Osiris, se trouve constatée par une série de tableaux que j’ai découverte dans les restes du petit temple d’Ombos: chacun de ces tableaux est relatif à l’un des jours épagomènes, et le second représente le dieu Haröeri en pied avec la légende (no 6), dont voici la transcription copte: ⲡⲧⲓⲟⲩ ϩⲟⲟⲩ ⲉⲩⲛⲧⲡⲉ ⲧⲉⲣⲟⲙⲡⲉ (ϭⲓⲛ) 178 ⲙⲓⲥⲉ ⲛ ϩⲁⲣⲱⲏⲣⲓ. Les cinq jours en sus de l’année: naissance d’Haröeri.

La généalogie et le rang théogonique du dieu étant ainsi bien déterminés par les monuments originaux, il reste à connaître ses attributions particulières et les fonctions que lui attribuaient les mythes sacrés dans le cercle du monde intellectuel ou du monde physique. Ce sera le sujet d’un second article. Nous ne produirons ici, parmi les titres donnés à ce dieu dans les inscriptions monumentales de l’Égypte, que ceux-là seuls qui se rapportent à des fonctions d’Haröeri communes à quelques autres divinités.

Outre les titres de dieu grand, de seigneur du ciel et celui de dominateur de la région supérieure et inférieure, symbolisé par le pschent sa coiffure ordinaire, Haröeri reçoit habituellement le titre de seigneur d’Ombos, ⲡⲛⲏⲃ ⲛ ⲛⲃⲓ (lég. no 7), parce qu’il était principalement adoré dans cette capitale de nome. La longue inscription qui décore toute la partie droite de la frise extérieure du pronaos, d’accord avec l’inscription grecque gravée sur une porte intérieure du grand temple d’Ombos, prouve en effet que toute la partie gauche[480] de ce grand édifice était dédiée à la divinité d’Aröeris, tandis que tout le côté droit du temple fut consacré au culte de Sévek ou Sèb (Saturne), le père d’Aröeris selon le récit mythique adopté dans le nome ombite.

Les colonnes du pronaos de ce même temple nous montrent, parmi les sculptures qui couvrent leur fût, une forme symbolique du dieu Haröeri d’autant plus remarquable, qu’elle nous dévoile l’origine toute égyptienne de l’animal fantastique consacré par les Grecs à leur Apollon, le griffon, monstre formé de la réunion d’une tête d’oiseau de proie au corps d’un lion. Les Égyptiens représentaient aussi le dieu Haröeri sous les apparences d’un lion à tête d’épervier, surmontée de la coiffure pschent[481] avec la légende ϩⲁⲣⲱⲏⲣⲓ ⲱⲏⲣⲓ ⲙⲟⲩⲓ, Haröeri principal lion ou lion chef. On fera connaître dans un article subséquent le sens de cette forme symbolique et toutes ses variations.

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Planche 33.2.


179

TÉSONÉNOUFÉ, TÉSONÉNOFRÉ.

Nul signe particulier ne distingue la déesse figurée dans notre planche 34, des nombreuses déesses égyptiennes auxquelles conviennent également le disque solaire, distinction ordinaire des Héliades, les cornes de vache, symbole de la nutrition ou de la qualité de déesse Nourrice, le modius, symbole de l’Abondance, qui surmontent la coiffure formée d’un vautour les ailes éployées, constant emblème de la maternité. La légende hiéroglyphique seule peut, en nous donnant son nom propre, faire distinguer cette déesse de Mouth, d’Hathor, d’Isis, de Ritho, de Natphé et de toutes les autres déesses mères en général.

Le nom entier de la divinité dont cette planche reproduit l’image se lit (lég. no 4)ⲧⲉⲥⲱⲛⲉ ⲛⲟϥⲣ[482], Tésoné-nofré ou Tésonénoufé; et ce nom signifie textuellement la sœur-bonne, la bonne-sœur. Les légendes nos 1, 2 et 3 en offrent les différentes variantes et toutes les abréviations.

Tésonénofré fut, selon les mythes sacrés, l’épouse et la compagne fidèle du dieu Haröeri, l’Apollon égyptien; et le nom même de Bonne-sœur que portait la déesse dut, sans aucun doute, la faire assimiler par les Grecs à leur Artémis, Diane, qui secourut efficacement sa mère, Latone, lorsque celle-ci accoucha de son frère Apollon. Diverses légendes de Tésonénofré prouvent en effet que, dans l’opinion même des Égyptiens, cette déesse ne fut qu’une modification de Tafné, l’une des formes de Bubastis, la Diane ou Artémis égyptienne.

Toutefois dans les traditions du nome Ombite, l’un des siéges principaux du culte d’Haröeri, son épouse, Tsonénofré, n’était point sa sœur de père, puisque le dieu y était donné comme fils de Sév (Cronos ou Saturne), tandis qu’on y traitait la déesse de fille du dieu Phré ou fille du soleil. Cette filiation résulte de la légende no 1 copiée dans le grand temple d’Ombos à côté de l’image même de la déesse: ⲧⲉⲥⲱⲛⲉ ⲛⲟϥⲣ ⲛⲉⲃ ⲛⲃⲓ ⲧⲥⲓ ⲙⲡⲣⲏ ⲛⲉⲃ ⲛⲧⲡⲉ ϩⲟⲛⲧ ⲛⲛⲉⲛⲧⲣ ⲛⲓⲃⲓ, Tésonénofré dame d’Ombos, FILLE DU SOLEIL, dame du ciel, rectrice de tous les dieux. La même descendance a été exprimée dans la légende no 5.

Cette fille du soleil faisait partie de la seconde des deux triades divines 180 adorées dans le nome Ombite et qui se composait d’Haröeri (le père), Tésonénofré (la mère) et Pnébtho (leur fils). Plusieurs tableaux sculptés sur le fût des colonnes ou sur les parois intérieures du grand temple représentent les trois membres de cette triade réunis, recevant les offrandes de Ptolémée Philométor et de Cléopâtre sa femme. Ailleurs la déesse accompagne son époux Haröeri ou partage avec son fils Pnébtho les adorations de Ptolémée Évergète II, ou celles de Cléopâtre Cocce et de Ptolémée Soter II.

Outre les qualifications de dame du ciel, d’œil du soleil et de dame d’Ombos, qui appartenaient à Tsonénofré comme fille du dieu Phré (le soleil), et comme l’une des divinités spéciales de la ville d’Ombos, nous avons remarqué les titres suivants relatifs aux charmes et à la beauté de la déesse: ⲡⲉⲥϩⲟⲛⲟϥⲣ, déesse au beau visage, ϩⲁⲁⲕ ⲛⲉⲛⲧⲣ ⲛⲙⲉⲓⲟ ⲛⲉⲥⲛⲟϥⲣ, celle qui réjouit les dieux par la vue de ses beautés[483].

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Planche 34.

NOTES


[1] Plutarque.

[2] Théodoret.

[3] Iamblique.

[4] Plut. de Iside et Osiride.

[5] Porphyr. de Abstin. lib. II.

[6] Hérodote, liv. II, §. 65.

[7] Clément d’Alexandrie, Admonit. ad gent. pag. 25, B. C.

[8] Monuments de la Nubie, pl. 21.

[9] Suprà, pl. 1 et 2.

[10] Voyez la pl. 1, lég. no 1.

[11] Aujourd’hui au Musée des Studj, à Naples.

[12] Le Musée royal du Louvre en possède six sous les nos P. 22 à 27.

[13] Livre IIe, hiérogl., 140.

[14] Voir nos planches 2, 3, et leur explication.

[15] Description de l’Égypte, A., vol. I. Edfou.

[16] Description de l’Egypte, Antiquités, vol I, pl. 81.

[17] Liv. II, Hiérogl. 140.

[18] Descr. de l’Egypte, Ant., vol. I, pl. 80, no 4.

[19] Idem., pl. 81.

[20] Horapollon, Hieroglyphica, liv. I, § 1. Voir l’explication de la pl. précédente.

[21] Calquée sur le second cercueil d’une riche momie du Musée de Turin.

[22] Voir la planche 2.2, et son explication.

[23] Voir l’explication de la planche précédente, 2.3.

[24] Ou, d’après les diverses acceptions du mot ϣⲟⲣⲡ, principium deorum.

[25] Manethon, cité par Théodoret, tom. IV, sermo 3, pag. 512 et 513.

[26] Dialogue d’Isis et d’Horus. Voir Stobée, Eclogarum physicarum, lib. I, cap. 52, pag. 973 et 974.

[27] Description de l’Egypte, Antiq., vol. II, pl. 35, no 6.

[28] Idem, ibidem, pl. 36, no 1.

[29] Euseb. Præparat. Evangel. III.—Horapollon, I, 64.—Iamblique, VIII, 5.

[30] Eusèbe, Préparat. Evangél. liv. I, chap. 10.

[31] Hierogl. liv. I, §. 64.

[32] Horapollon, liv. I, no 1.

[33] Acquis de M. Thédenat.

[34] Diodore de Sicile, Hist. Biblioth. liv. I, p. 12, D. Édit. Rhodoman.

[35] Idem, Ibid.

[36] Théophraste, voyez Porphyre, de Abstinentiâ, lib. II, §. 5.

[37] Hermès, Dialogue intitulé Asclepius.

[38] Décret des habitans de Busiris, voyez Recherches pour servir à l’Histoire de l’Égypte, par M. Letronne, p. 392, 397.

[39] Voyez Jablonsky, Pantheon Ægyptiorum, lib. IV, cap. I.

[40] Pind., Pyth. IV; Parmenon de Byzance, apud Athen. V, p. 203, c.

[41] Cicéron, de Naturâ Deorum, lib. III, §. 16, 21 et 22.

[42] Diodore de Sicile, Hist. Bibl., lib. I, p. 12.

[43] Τῆς μὲν ἄνω σωτῆρα, τῆς κάτω δὲ καὶ πατέρα καὶ Δημιουργὸν. Héliodore, Æthiopicorum, lib. IX, p. 444, c. 20, Edit. de J. Comelin.

[44] Eusèbe, Préparat. évangéliq., liv. III, chap. 12.

[45] Voyez suprà, planche 3.

[46] Descript. de l’Egypte, Antiqu. vol. II, pl. 34, no 1.

[47] Idem, v. I, pl. 37, no 2.

[48] Horapollon, Hiéroglyp., lib. I, §. 21, pag. 36 et 38, Édit. de Pauw.

[49] Voyez Recherches pour servir à l’Histoire d’Egypte, par M. Letronne, pag. 367, 368, etc.

[50] Consulter, sur l’usage de ce cordon ou bandelette, Hérodote, liv. II, §. 48, et la planche 11 de la Description de l’Égypte, Ant., vol. II.

[51] De Urbibus, au mot Πανὸς πόλις.

[52] Hérodote, II, §. 46.

[53] Horapollon, liv. II, no 48.

[54] Hérodote, Id.Suidas, au mot Μένδης.

[55] Plutarch. de Iside et Osiride.

[56] Diodore, liv. I.

[57] Description de l’Égypte, Antiquités, vol. III, pl. 64.

[58] Iamblique, Mystères des Égyptiens, sect. VII, chap. 2.

[59] Horapollon, liv. I, hierog. 13.

[60] Plutarch. de Iside et Osiride.

[61] Horapollon, liv. I, hierog. 12.

[62] Proclus, in Timæum.

[63] Plutarch. de Iside et Osiride.—Proclus, in Timæum.

[64] Proclus, idem.

[65] Horapollon, liv. I, hierogl. 11.

[66] Idem, hierogl. 12 et 13.

[67] Pl. 6.3.

[68] Le grand rituel hiéroglyphique du Cabinet du Roi à Paris est incomplet: il contient seulement la 2e partie de ce livre mortuaire.

[69] Figuré sur notre planche 5.—Rit. funéraire, IIIe partie, sect. III, formule 20.

[70] Rituel funéraire, IIIe partie, sect. III, formule 20.

[71] Rit. funér., id., id.

[72] Rituel funéraire, IIIe partie, sect. III, formule 19.

[73] Planche 6.2, no 1.

[74] La troisième tête de la déesse, celle de vautour, est coiffée de la portion inférieure du Pschent dans notre planche 6.3, extraite du rituel funéraire rapporté par Belzoni; mais le rituel de Turin la montre coiffée des deux palmes, conformément au texte hiéroglyphique.

[75] Horapollon, liv. I, no 12.

[76] Hermès, liber sacer, apud Joan. Stob. Eclog. lib. I.

[77] Horapollon, liv. I, no 13.

[78] Proclus, in Timæum Plat., p. 30.

[79] Athenagor. Legat. pro Christian., p. 24, B.

[80] Horap. liv. I, no 12.

[81] Eustathe, sur Homère, Iliade I.

[82] Hérodote, II, §. 63.

[83] Gau, Antiquités de la Nubie, planche 21, no 1.

[84] Voir l’explication de la planche 6, suprà.

[85] La plupart des légendes hiéroglyphiques sculptées sur les édifices les plus récents de Calabsché, se rapportent à cet empereur.

[86] Voyez les planches numérotées 28, 28.3, 28.2 et leur explication.

[87] Voyez la planche 6 et son explication.

[88] Dans son Commentaire sur le Timée.

[89] Hérodote, liv. II, § XLII.—Strabon, liv. XVII, τιμῶσι Σαΐται πρόϐατον καὶ Θηϐαΐται.—Clément d’Alexandrie, Admonitio ad gentes, pag. 25, B et C.—Théodoret, Sermo III, page 584.

[90] Ælian. de Natura animal. lib. II, cap. 46.—Horapollon, hiéroglyph. lib. I, §. 11.

[91] Idem. Ibidem.

[92] Horapollon, lib. I, §. 11, pag. 22. Édit. de Pauw.

[93] Voyez la planche, légende Nos 1 et 2.—Et suprà pl. 6 et 6.3, ainsi que leur explication.

[94] Horapollon, lib. I, §. 11, pag. 20.

[95] Plutarque, Vie de Romulus.

[96] Voyez la Description de l’Égypte. A. vol. III, pl. 32, No 4.—Pl. 37, No 9.—Pl. 47, No 2.—Pl. 38, No 32.—A. vol. II, pl. 13, Nos 1, 3 et 4.—Pl. 16, No 2, etc.

[97] Idem. A. vol. III, pl. 36, Nos 1 et 3.

[98] Idem. A. vol. II, pl. 10 et 11.

[99] Idem. vol. III, pl. 50, No 2.

[100] Voy. ci-dessus, planche 6.3.

[101] Planche 6.3.

[102] Hymne à Athénè, vers 8 et 17.

[103] Proclus in Timæum, lib. I.

[104] Hymnes orphiques, édit. d’Hermann; hymn. XXI.

[105] Nous citerons ici à ce sujet 1o La partie supérieure d’une figure humaine, de proportions colossales, ornée des images des dieux adorés à Memphis, Phtha, Néith-Léontocéphale, Imouth, Apis, etc. Ce monument faisait partie de la collection de M. Durand, récemment acquise par le Roi. 2o Un sarcophage trouvé à Qalât-el-Kabsch, près de Memphis, et gravé dans la Description de l’Égypte, A. vol. IV, pl. 5. 3o Enfin, une foule de figurines, en terre émaillée, en bronze, en bois et même en argent, existant dans les Musées de Paris, de Naples ou de Turin, et provenant de fouilles faites dans la Nécropole de Memphis.

[106] Gau, Antiquités de la Nubie, planche 30, no 4.

[107] Cailliaud, Voyage à Méroé, vol. II, planche XVIII, no 2.

[108] Description de l’Égypte, A. vol. V, planche 49, no 4.

[109] Décoration intérieure de la porte du Nord; Descrip. de l’Égypte, A. vol. IV, pl. 5.

[110] Horapollon, Hieroglyph., liv. Ier, no 13.

[111] Hymnes orphiques, éd. d’Hermann, no XXI.

[112] Horapollon, livre Ier, Hiéroglyphe 19.

[113] Description de l’Égypte, A., vol. I, pl. 9, no 6 et 7.

[114] Voyez l’explication de notre planche 6.7.

[115] Horapollon, liv. Ier, Hiéroglyphe 20.

[116] Suprà, planche 6.6, no 2.

[117] Description de l’Égypte, Antiquités, vol. I, bas-relief du portique d’Esné.

[118] Voyez Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte, etc. par M. Letronne, pages 341 et 480.

[119] Idem, page 361.

[120] Horapollon, liv. I, hierogl. 11.

[121] Grand manuscrit hiéroglyphique, gravé dans la Description de l’Égypte, Antiq., vol. II, pl. 72.

[122] Manuscrit hiératique, publié à Vienne, par MM. Fontana et de Hammer, 1822.

[123] Voyages, Recherches et Découvertes de Belzoni en Egypte et en Nubie, atlas, pl. 3.

[124] Idem, même planche.

[125] Idem, planche 17.

[126] Horapollon, Hiéroglyph., lib. I, § II, page 22.

[127] Texte grec, ligne 36.

[128] Texte hiéroglyphique, ligne 5, à la fin.

[129] Ce bas-relief est gravé en entier dans la Description de l’Égypte, A, tome II.

[130] Supprimée dans notre planche.

[131] Voyez l’explication de nos planches 6 et 6.3.

[132] Eusèbe, Préparat. Evangel. liv. III, chap. 11.

[133] Iamblich., de Mysteriis, sect. VIII, cap. 8.

[134] Ce nom divin est en effet écrit Ⲡⲧⲁϩ dans les textes coptes thébains.

[135] Diogène Laerce, De vitis Philos., Proœmium.

[136] Voyez ma Lettre à M. Dacier relative à l’Alphabet Phonétique.

[137] Hesychius, au mot Πααμυλης.

[138] Voyez la Description de l’Égypte, Antiq. vol. II, pl. 65; et les bas-reliefs du tombeau royal découvert par Belzoni.

[139] Inscript. de Rosette Démotique, ligne 2, grec, ligne 3.

[140] Idem, texte hiérogly. lig. 6, 12 et 14.

[141] Idem, texte hiérogly. lig. 9, grec, lig. 44.

[142] Idem. Dans le texte hiéroglyphique, le pschent est exprimé par sa propre image (ligne 9), reproduite une seconde fois à la fin de la même ligne, là où le grec porte: προειρημένον βασίλειον, la susdite couronne.

[143] Idem, ibidem.

[144] Idem, texte démot. lig. 1 et 2, grec, lig. 2 et 3.

[145] Idem, texte hiérogly. lig. 10, démot. lig. 27, grec, lig. 46.

[146] Livre I, §. 13.

[147] Idem, §. 10.

[148] Dans des légendes royales d’Épiphane, dessinées à Philæ et à Thèbes, par M. Huyot; et à Dendérah, par la commission d’Égypte.

[149] Horapollon, liv. I, no 10.

[150] Iamblich., de Mysteriis, sect. VII, cap. 2.

[151] Idem.

[152] Voyez la Description de l’Égypte, Antiq. vol. II, pl. 73 et 75.

[153] Idem, pl. 75, col. 36, 56 et 59.

[154] Idem, pl. 75, entre les colonnes 132 et 133.

[155] Hiéroglyphiq., liv. I, §. 10.

[156] Descript. de l’Égypte, Ant. vol. II, pl. 75, col. 135.

[157] Idem, col. 127 et 128.

[158] Ammien Marcelin, liv. XVII, ch. 4.

[159] Panth. Ægypt. lib. III, cap. I.

[160] Lunam Ægyptii mysticè DEUM dicunt.

[161] Καὶ γὰρ εἰ ἀρσενικῶς Αἰγύπτιοι τὴν Σελήνην ὀνομάζειν, etc.

[162] Panth. Ægypt. lib. I, III, §. 6, pag. 64.

[163] Descr. de l’Égypte. A. vol. II, pl. 13, No 1. Voyez notre pl. 14, No 4.

[164] Idem. A. vol. III, pl. 32, No 4.—A. vol. III, pl. 67, No 2.—A. vol. I, pl. 43, No 19.—Id. pl. 95, No 8., en face d’Ammon générateur. Voyez notre pl.

[165] Voyez notre pl. 14, Nos 6 et 8; et Descr. de l’Égypt. A. vol. II, pl. 36, No 5.

[166] Idem. A. vol. II, pl. 35, No 3.

[167] Idem. A. vol. IV, pl. 22, No 1.

[168] Σελήνης δὲ σύμϐολον, τό, τε διχότομον καὶ ἀμφίκυρτον. Porphyrius apud Euseb. Præparat. Evangelic. lib. III, cap. 13, pag. 117, Edit. Viger.

[169] Descr. de l’Égypte. A. vol. IV, pl. 21.

[170] Σελήνην γράψαι ϐουλόμενοι σχῆμα μηνοειδὲς ποιοῦσι, les Égyptiens voulant écrire LA LUNE tracent la figure D’UN CROISSANT. Stromat. liv. V, pag. 657. Édit. Potter.

[171] Hiéroglyphicor. lib. I, §. 4.

[172] Idem. Ibidem.

[173] Voyez Descript. de l’Egypte. A. vol. II, pl. 7, au-dessus des colonnes 21 à 39.—Id. MSS. hiératique, pl. 70.

[174] Texte hiéroglyphique, ligne 7, au commencement. Ce groupe répond au mot Θεραπεύειν de la 40e ligne du texte grec.

[175] Horapollon. Hiéroglyph. lib. I, §. 15.

[176] Idem. Ibidem.

[177] Hérodote, liv. II, § XXIII.

[178] Voyez ci-dessus l’article Ammon-Cnouphis.

[179] Dialogue d’Isis, voy. Stobæi Eclogar. Physicar., lib. I, cap. LII, p. 1076; Iamblique, de Anima, ap. Euseb. Præp. evangelic.

[180] Voy. le grand mss. hiéroglyphique gravé dans la Descrip. de l’Egypte, Ant., vol. II, pl. 72.

[181] Dialogue d’Isis, déja cité.

[182] Voyez l’explication de notre planche précédente.

[183] Horapollon, Hieroglyph., lib. I, cap. VII.

[184] Voyez pl. 20.2, 20.3, etc.

[185] Id., pl. 20.

[186] Planches précédentes, passim.

[187] Voyez pl. 8, no 3 et 4.

[188] Pl. 24, no 1.

[189] Précis du système hiéroglyphique, tableau général des signes, nos 234 et 234 a.

[190] Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § 14.

[191] Ἐκ τῆς ἰδίας φύσεως αἱμάσσεται, idem, § 14.

[192] Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § 14.

[193] Hist. nat., lib. VIII, cap. LIV.

[194] Voyez notre planche 14.2.

[195] Une momie de Cynocéphale, appartenant à feu Belzoni, et deux autres, faisant partie de la collection Drovetti, prouvent ce que nous avançons ici.

[196] Voyez l’explication de notre planche no 3.

[197] Τὸ δὲ δεύτερον φῶς τῆς Σελήνης, ἐν Ἀπόλλωνος Πόλει καθιέρωται· ἔστι δὲ τούτου σύμϐολον ἱερακοπρόσωπος ἄνθρωπος, ζιϐύνῃ χειρούμενος Τυφῶνα ἱπποποτάμῳ εἰκασμένον. Euseb., Præparat. Evangelic., lib. III, cap. XII.

[198] Descript. de l’Egypte, A, vol. I, pl. 59, no 5.

[199] Voyez l’explication de notre planche 14, et la note 6.

[200] Voyez notre planche 14.4, lég. no 1, et son explication.

[201] Précis du Système hiéroglyphique, chap. V, pag. 104 et 105.

[202] Ἀκαθαρσίαν δὲ γράφοντες, ὌΡΥΓΑ ζωγραφοῦσιν· ἐπειδὴ ἐπ’ ἀνατολὴν ἐρχομένης τῆς ΣΕΛΗΝΗΣ, ἀτενίζων εἰς τὴν θεὸν, κραυγὴν ποιεῖται, οὐκ εὐλογῶν αὐτὴν, οὐδὲ εὐφημῶν· σημεῖον δὲ τούτου ἐναργέστατον. Τοῖς γὰρ ἐμπροσθίοις αὑτοῦ σκέλεσιν ἀνορύσσων τὴν γῆν, ζωγραφεῖ ἑαυτοῦ τὰς κόρας, ὡσπερεὶ ἀγανακτῶν καὶ μὴ βουλόμενος ἰδεῖν τὴν τῆς θεοῦ ἀνατολήν. Horapollon, Hieroglyph., livre I, § 49.

[203] Horapollon, Hiéroglyph., livre I, § 6, 7, 8, etc.

[204] Præparatio evangelica, lib. III, cap. XII, pag. 116; édit. de Viger.

[205] Τοῦ δὲ ἱερακείου προσώπου, τὸ ἀφ’ Ἡλίου φωτίζεσθαι καὶ πνεῦμα λαμϐάνειν. Id., ibid.

[206] Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § 49.

[207] Voyez planche 29.

[208] Descript. de l’Égypte. A. vol. III, pl. 34, No 1.

[209] Cette légende est très-incorrecte dans la Description de l’Égypte. Un dessin très-soigné en a été fait sur les lieux par M. Huyot, qui a bien voulu me le communiquer. Voyez, pour le règne illusoire de ce prince sur l’Égypte, l’ouvrage de mon frère, Annales des Lagides, tome I, page 241 à 306.

[210] Descript. de l’Égypt. A. vol. III, pl. 34, No 1. On a, par erreur, donné sur cette planche une tête d’épervier, au lieu d’une tête d’Ibis, au personnage de gauche, comme le prouve la légende placée au-dessus de sa tête, et qui est celle d’Hermès Ibiocéphale.

[211] Idem, A. vol. II, pl. 13, No 1.

[212] Idem, A. vol. I, pl. 10, No 2.

[213] Descript. de l’Égypt. Esné, pl. 80, No 2.

[214] Manetho apud Syncell. Chronograph., page 40.

[215] Apud J. Stobœum, Eclogarum Physicarum lib. I, cap. 52, pag. 927 et suiv.

[216] Dialogue d’Isis et d’Horus, apud Stobœum, loc. cit.

[217] Voyez notre planche, légende No 2, et Description de l’Égypte, A. vol. I, pl. 10, No 2.

[218] C’est-à-dire, Trismégiste. Le second Hermès à tête d’Ibis ne porte habituellement dans les inscriptions que le titre de deux fois Grand. (Voyez les légendes inscrites au-dessus de son image dans les papyrus funéraires.) C’est ce titre du second Hermès que le texte grec de l’inscription de Rosette exprime (lig. 19), par les mots μέγας καὶ μέγας, grand et grand (deux fois grand).

[219] Voyez l’explication de notre planche 3.3.

[220] Cicero, De naturâ Deorum, lib. III, § XXII.

[221] (Mercurius) quem colunt Pheneatæ, qui et Argum dicitur interemisse ob eamque causam Ægyptum profugisse atque Ægyptiis leges et litteras tradidisse. Hunc Ægyptii Thoyth appellant; eodemque nomine anni primus mensis apud eos vocatur. (Cic. loc. cit.)

[222] Jamblique, de Mysteriis, sec. VIII, cap. III.

[223] Encyclopædia Britannica, supplément, vol. IV, part. I, pag. 55 et 56.

[224] Description de l’Égypte, A. vol. IV, pl. 23, No 3.

[225] Hieroglyphica, lib. I, §. 37.

[226] Description de l’Égypte, A. vol. III, pl. 34, No 1.

[227] Idem. A. vol. III, pl. 50, No 2.

[228] Voyez notre planche 6.5, et son explication.

[229] Description de l’Égypte. A. vol. I, pl. 41, No 4.

[230] Idem. A. vol. III, pl. 59.

[231] Idem. A. vol. III, pl. 34, No 1.

[232] Voyez notre planche 15, lég. No 1.

[233] Idem, pl. 15 B, Nos 1 et 2.

[234] Description de l’Égypte, A. vol. IV, pl. 33, Nos 2 et 4.

[235] Idem, A. vol. I, pl. 57, No 1.

[236] Voyez ci-dessus planche 9, et Descript. de l’Égypte, Ant. vol. II, pl. 73, col. 45 et 46.

[237] Suprà, pl. 2.2.

[238] Description de l’Égypte, Ant. vol. II, pl. 75, col. 28 et 29.—Idem, MSS. hiératique, pl. 71.

[239] Inscript. de Rosette, texte grec, lignes 36 et 47, texte hiéroglyph. lign. 6 et 10.

[240] Idem, texte démot. lig. 1, 7, 9, 19; texte grec, lig. 1, 11, 33 et 36.

[241] Voyez ci-dessus, pl. 8, no 6, et pl. 9.

[242] Idem, pl. 13 et son explication. Le dieu est parfois représenté par un Nilomètre, auquel sont adaptés deux bras humains tenant les insignes de la divinité (voyez la Description de l’Égypte, Ant. vol. II, pl. 84, no 5.). Nous verrons dans la suite qu’Osiris fut aussi figuré, comme Phtah, sous la forme d’un Nilomètre; les légendes seulement distinguent alors ces dieux l’un de l’autre.

[243] Damascius, cité dans le Pantheon Ægyptiorum de Jablonski, liv. I, chap. I, pag. 19 et 20.

[244] Suprà, pl. 1, explication.

[245] Orion, dans l’l’Etymologic. Magn. au mot Αθυρ.

[246] Ælien. Hist. des Animaux, liv. XI, chap. 27.—Hesychius, au mot Αθυρ.—Strabon, liv. XVII.

[247] De Iside et Osiride.

[248] Horapollon. Hiérogl. liv. I, §. 8.

[249] Id. Hierogl. liv. II, §. 26.

[250] Voyez l’explication de notre planche 17.4, et la planche 17.2, no 3.

[251] Descript. de l’Égypte, Ant. I, pl. 21.

[252] Idem, pl. 36.

[253] Idem, Ant. IV, pl. 15.

[254] Voyages, Recherches et Découvertes de G. Belzoni; atlas, pl. 18.

[255] Idem.

[256] Voyez notre planche 14.4.

[257] Dans l’intérieur du pronaos, sur le mur de la cella.

[258] C’est-à-dire Chons l’Horus qui dilate le cœur.

[259] C’est-à-dire l’Horus soutien du monde terrestre.

[260] Philæ, temple d’Hathor, côté gauche intérieur du pronaos.

[261] Ὅτι πολλῶν μετατιθεμένων ἀεὶ πρὸς τὸν Ὧρον, καὶ ἡ παλλακὴ τοῦ τυφῶνος. De Iside et Osiride.

[262] Ὄφις δέ τις ἐπιδιώκων αὐτὴν ὑπὸ τῶν περὶ τὸν Ὧρον κατεκόπη. Idem, ibidem.

[263] Indiquée, par erreur, sous le no 17.4 dans le texte explicatif de la pl. 17.2.

[264] Description de l’Égypte, Antiq. vol. V, Memphis.

[265] Voyez l’Explication de notre planche 13.

[266] Voyez la planche no 18.

[267] Voyez l’explication de la planche 17.

[268] Description de l’Égypte, A., vol. II, pl. 34, nos 7 et 8.

[269] Description de l’Égypte, A., vol. IV, pl. 11, nos 1 et 2.

[270] Description de l’Égypte, A., vol. II, pl. 34; vol. IV, pl. 13, nos 1 et 3; pl. 15, pl. 17; pl. 22, no 1; pl. 25, nos 1 et 2, etc., etc.

[271] Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte, etc., par M. Letronne, pages 341 et 480.

[272] Idem, page 361.

[273] Ce monument colorié représente huit magistrats qualifiés d’auditeurs dans le prétoire de justice, adressant leurs supplications à quatre divinités, Phtha, Chnouphis-Chnoumis, Saté et Anouké.

[274] Description de l’Egypte, Antiquités, vol. I, pl. 16, no 1.

[275] Idem, pl. 37, no 2.

[276] Idem, pl. 37, no 1.

[277] Idem, pl. 16, no 1.

[278] Voir l’explication de notre planche 6.5.

[279] Voir notre planche 1.

[280] Voir notre planche 6.

[281] Voir notre planche 14.4

[282] Voir notre planche 17.3.

[283] Voir notre planche 2.

[284] Voir notre planche 3.

[285] Voir notre planche 19.2, sujet de cet article.

[286] Voir notre planche 20.

[287] Musée royal du Louvre, salle des Dieux, statuette en bronze, numérotée A, 137.

[288] Extraite d’un monument du Musée royal de Turin, décrit dans l’explication de la planche no 20.3.

[289] ⲥⲁⲧⲉ ou ⲥⲁϯ, Mucro, Cuspis, Telum, Sagitta. Voir le Dictionnaire de Lacroze, et la Scala magna, page 116.

[290] Livre II, § 50.

[291] Livre I, § 13.

[292] Ces monuments sont une stèle et un bas-relief déja décrits dans l’explication de nos planches 19 et 19.2.

[293] Voir ce nom noté A dans notre pl. 19, où il a été mis par erreur, et pl. 20.3.

[294] Tirée de la stèle du comte de Belmore.

[295] Description de l’Egypte, Esné et Edfou, A, vol. I.

[296] Idem, A, vol. I, pl. 37, no 1.

[297] Idem, ibidem.

[298] Description de l’Égypte, Antiq. vol. I, pl. 79.

[299] Idem, vol. I, pl. 96, no 2.

[300] Idem, pl. X, no 1.

[301] Voyage dans la haute et la basse Égypte, pl. 129, no 4.

[302] Description de l’Egypte, A, vol. I, pl. 47, le second tableau de la deuxième rangée.

[303] Monuments de la Nubie, par M. Gau, pl. 6; idem, pl. 13, no. 9.

[304] Atlas du Voyage dans la haute et basse Egypte; Dendéra.

[305] Voir la planche 20.3.

[306] Voyez l’explication de la planche no 24.

[307] Pantheon Ægyptorum, lib. I, cap. I, pag. 140 et 141.

[308] Voyez Georg. le Syncelle chronograp. pag. 40.

[309] Manetho apud Euseb. Chronic. pag. 7.

[310] Bibliothec. lib. I, pag. 12.

[311] De Iside et Osiride.

[312] Voyez l’explication de notre pl. XXII.

[313] Voyez l’explication de notre planche 22.

[314] Idem.

[315] Diodore de Sicile, Biblioth. liv. I, pag. 24.

[316] Description de l’Égypte Antiq. vol. I, pl. 36, no 3.

[317] Catalog. MM. Coptic. Mus. Borg. pag. 457.

[318] Clément d’Alexandrie, Stromat., liv. V, page 566.

[319] Horapollon, liv. I, hierogl. 68, 69 et 70.

[320] Voyez la planche au signe (3).

[321] Voyez notre planche 23, lég. no. 1.

[322] Statue gravée dans le Tome VII du musée Pio-Clémentin. (Pl. A des Preuves.)

[323] Hérodote, liv. II, §. CLVI.

[324] Phurnutus, de Natura Deorum, cap. II.—Plutarque, de festo Dedal. apud platœenses.

[325] Hérodote, liv. II. §. LXVII.

[326] Antoninus liberalis, fab. 28.

[327] Plutarque, Sympos., lib. IV, quæst. V.

[328] Lib. III, cap. IV.

[329] Idem. §. 8. 13.

[330] Hérodote, liv. II, §. LXXXI.

[331] Voyez le musée Pio-Clémentin, tome VII. Pl. A des Preuves.

[332] Ὅν αἰόλα Νὺξ..... Τίκτει. Ἅλιον Ἅλιον αἰτῶ. Sophocle, trachin. v. 93 et suiv.

[333] Livre II, §. CLV et CLVI.

[334] Delaulnaye, Histoire des Religions.

[335] Voyez planches 17.2, 17.3, et leur explication.

[336] Isaie, I, 3; texte baschmourique.

[337] Iamblich., de Mysteriis.

[338] Manethon, cité par Georges le Syncelle, Chronograph..

[339] Horapollon, Hieroglyph. liv. I, §. 6.

[340] Ælian. de Naturâ animal. lib. II, cap. 43.

[341] Idem. lib. IV, cap. 44.

[342] Euseb. Præpar. Evangel. lib. II, §. 1.

[343] Clément d’Alexandrie, Strom. liv. V, pag. 566 d.—Horapollon, hiéroglyph. liv. I, §. 6.

[344] Idem. Strom. liv. V, pag. 567.

[345] Horapollon, hiérog. liv. I, §. 6.

[346] Hermapion, voy. Ammien-Marcellin, liv. XVII, ch. IV.

[347] Ἀλκῆς τε αὖ μετὰ συνέσεως ἡ σφίγξ. Τὸ μὲν σῶμα πᾶν λέοντος, τὸ πρόσωπον δὲ ἀνθρώπου ἔχουσα. Strom., lib. V, p. 671; édit. d’Oxfort.

[348] Diodore de Sicile, Biblioth. Histor. lib, III, p. 208, C.

[349] Idem, ibidem.

[350] Idem, p. 207, C, et 208; et lib. I, p. 21.

[351] Hérodote, lib. II, §. XLIII et CXLV.

[352] Idem, ibidem.

[353] Diodore de Sicile, Biblioth. Histor. lib. I, p. 21, D.

[354] Idem, p. 21, A.

[355] Macrob. Saturn. lib. I, cap. 20.

[356] Description de l’Égypte, Antiq. vol. II, pl. 7, col. 81 à 79.

[357] Idem, Antiq. vol. II, pl. 91, no 2.

[358] Etymologicum magnum.

[359] Hesychii Lexicon.

[360] Pantheon Ægyptiorum, lib. II, III, p. 188.

[361] Voir la partie de ce livre sacré hiéroglyphique gravée dans la Description de l’Egypte, A, vol. II, pl. 72, colonnes 21, 103, 34; pl. 73, col. 81; pl. 74, col. 33; pl. 75, col. 110, 100, 125, 97, 94.

[362] Voir la légende du dieu sur notre planche 26 et pl. 26.2, no 4.

[363] Pl. 26.2, nos 1, 2, 3; pl. 26.4, nos 3, 4 et 5.

[364] Appartenant au Musée de Turin.

[365] Voir notre planche 26.4, no 1.

[366] Idem, no 8.

[367] Idem, no 10.

[368] Idem, no 6.

[369] Voir notre planche 26.2.

[370] Voir les variantes d’orthographe de ce nom, pl. 26.2, no 5.

[371] Tableaux peints des Musées du Vatican, de Turin et de Paris.

[372] Tableaux des Musées de Paris, de Lyon et de Turin.

[373] Voir nos planches 15.3 et 15.4, ainsi que leur explication.

[374] Numéroté O, 7, dans ma Notice descriptive des Monuments égyptiens du Musée Charles X.

[375] Ce texte est gravé sur notre planche 26.4, no 13.

[376] Idem., pl. 26.4, no 14.

[377] No A, 310 de ma Notice descriptive des Monuments égyptiens du Musée Charles X.

[378] Pl. 26.4, no 15.

[379] Manuscrit hiératique du Musée royal, pl. 26.4, nos 16 et 17.

[380] Rituels funéraires hiératiques et hiéroglyphiques des Musées de Paris et de Turin.

[381] Sur les obélisques de Louqsor et la statue de Sésostris du Musée royal de Turin.

[382] Planche 26.4, no 18.

[383] Dans Ammien Marcellin, Rerum gestarum, lib. XVII, cap. 4.

[384] Tableau numéroté A, 309, dans la Notice des Monuments égyptiens du Musée Charles X.

[385] Description de l’Egypte, A, vol. II, pl. 83, no 1.

[386] Voir le Rituel funéraire gravé dans la Description de l’Egypte, A, vol. II, pl. 74, col. 34, etc., etc.

[387] Momie notée O, 7, dans la Notice du Musée Charles X.

[388] Cité par M. Niebuhr, Inscriptiones Nubienses.

[389] Voyez Gau, Monuments de la Nubie; Inscriptions; Calabsché; pl. II, no 4; pl. III, nos 7, 9, 10, 14, 15, 16, 17; pl. IV, nos 20, 22, 23, et 29.

[390] Voyez, entre autres monuments, une momie de la collection de M. Cailliaud.

[391] Légende no 1 de notre planche; le dernier caractère est le signe d’Espèce, Dieu.

[392] Légendes nos 2, 3 et 4, de notre planche: le no 5 est la forme hiératique de la légende no 1; voyez aussi Description de l’Egypte, Ant.; vol. III, pl. 34; idem, pl. 31; et le Voyage de M. Cailliaud à Méroé, Barkal, etc.; pl. LXXI.

[393] Ἀστὴρ παρ’ Αἰγυπτίοις γραφόμενος... σημαίνει ΧΡΟΝΟΝ. Horapollon, liv. II, § 1.

[394] Bas-relief décorant le fût de la huitième colonne de l’édifice de droite après le grand pylône.

[395] Diodore de Sicile, liv. I, § 12.

[396] Voyez mon Égypte sous les Pharaons, t. I, p. 179.

[397] Idem.

[398] Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris.

[399] Porphyre, De Abstinentiâ, lib. II.

[400] Hérodote, liv. II, § XLV.

[401] Ἡ δὲ τῆς Εἰληθυίας πόλις τὸ τρίτον φῶς θεραπεύει· τὸ δὲ ξόανον τετύπωται εἰς γῦπα πετόμενον, ἧς τὸ πτέρωμα ἐκ σπουδαίων συνέστηκε λίθων. Præparat. Evangelic., lib. III, cap. XII.

[402] Planches 6, 6.5, et leur explication.

[403] Idem.

[404] Iablonski, Pantheon Ægyptiorum, lib. III, cap. III, § 7.

[405] Gau, Monuments de la Nubie, pl. 22.

[406] Idem, pl. 25.

[407] Description de l’Egypte, A, vol. IV, pl. 17.

[408] Idem, pl. 27, no 3.

[409] Idem, A, vol. I, pl. 96.

[410] Pantheon Ægyptiorum, lib. III, cap. III, § 7.

[411] Diodore, liv. I, § 12.

[412] Orphica, ed. Hermann, hymne IIe, vers 12e.

[413] Voyez les planches 15, 15.2, 15.3, et leur explication.

[414] Manéthon, Chronogr. du Syncelle, page 40.

[415] Idem, ibidem.

[416] Diodore de Sicile, liv. I, page 14.

[417] Platon, Philebus.—Plutarque, Symposiaques, Quest. 3.—Diodore de Sicile, Histor. liv. I, pages 14 et 15, etc., etc.

[418] Manéthon, Chronogr. du Syncelle, page 40.

[419] Strabon, liv. XVII.

[420] Clément d’Alexandrie, Stromat., lib. VI, cap. 4.

[421] Legatio pro christian., pag. 32.

[422] Transcription hiéroglyphique du titre μέγας καὶ μέγας que le texte grec de l’inscription de Rosette (ligne 19) donne à ce Dieu.

[423] Manetho apud Syncell. Chronograph., pag. 40.

[424] Cicero, De Naturâ Deorum, lib. III, § XXII.

[425] Dialogue d’Isis et d’Horus. Voy. Joh. Stobæi Eclog., lib. I. cap. II, pag. 948.

[426] Horapollon, Hiéroglyph., lib. I, § 36.

[427] Voyez mon Précis du Système hiéroglyphique, chap. IX, § VII, pag. 288 et suiv.

[428] Plutarque, de Iside et Osiride.

[429] Description de l’Egypte, planches relatives aux antiquités d’Edfou et de Dendéra.

[430] Ælien, De naturâ animalium, lib. II, cap. XXXVIII.

[431] Clément d’Alexandrie, Stromat., lib. V, pag. 567.

[432] Liber sacer ou Dialogue d’Isis et d’Horus; Ioh. Stobæi Eclog.; lib. I, cap. 52, pag. 1077 et seq.

[433] Voyez planches 29, lég. no 1; et 29.2, lég. no 1.—Caylus, tome VI, pl. a, no 2 et 3.—Grand Mss. hiérogl., Description de l’Egypte, pl. 72; Scène du Jugement, lég. du Dieu; et toutes les légendes de Thoth Ibiocéphale sur les cercueils de momies.

[434] Voyez mon Egypte sous les Pharaons, tome I, pages 290 et 291.

[435] Voyez nos planches no 9, 20.2, et 20.4.

[436] Voyez sur nos planches 29 et suivantes le dernier caractère de la légende no 1.

[437] Voyez le premier signe du nom du dieu Sovk, pl. 21, lég. no 1.

[438] Hérodote, liv. II, § LXXVI. Savigny, Histoire naturelle et mythologique de l’Ibis, pag. 19 et suiv., 36 et suiv.

[439] Clément d’Alexandrie, Strom., lib. V. Ælien, De Naturâ Animal., lib. II, cap. XXXVIII.

[440] Ælien, De Natur. Animal., lib. II, cap. XXXV et XXXVIII; lib. X, cap. XXIX.

[441] Idem, lib. II, cap. XXXVIII.

[442] Clément d’Alexandrie, Stromat., lib. V.

[443] Ælien, De Natur. Animal., lib. II, cap. XXXVIII.

[444] Livre II, § LXXVI.

[445] Cicéron, De Natur. Deor., lib. I, XXXVI. Eusèbe, Præp. Evangel., lib. II, § 1, p. 49.

[446] Tochon, Recherches sur les Médailles de Nomes, pag. 114 et 116.

[447] Horapollon, liv. I, hiérogl. 14.

[448] Zoega, Catalog. Manuscript. Musæi Borgiani, pag. 235.

[449] Horapollon, liv. I, hiérogl. 14, pag. 28 et 30.

[450] De pierre calcaire blanche, très-fine, et d’un excellent travail; hauteur, 1 pied 5 pouces; largeur, 1 pied.

[451] Voyez les variantes de ce caractère hiéroglyphique, dans notre planche 20.4, nos 1, 2, 3, 4.

[452] Pétau, Uranologium, p. 136.

[453] Voyez notre planche no 14.2.

[454] Hiéroglyphiques, liv. I, § 70; édit. de Paw.

[455] Voyez notre planche 29.2.

[456] Voyez l’explication de la planche 28.2.

[457] Jablonski, Pantheon Ægyptiorum, liv. II, chap. I, pag. 140 et 141.

[458] Quod vero ad Rheam attinet, quam Saturno et sororem et conjugem Græci adjungunt, ea Theologis Ægyptiorum, omnino incognita fuit. Idem, ibidem, page 141.

[459] Idem, ibidem.

[460] Bibliothec. histor., livre Ier, page 12.

[461] Voir Jablonski, Pantheon Ægyptiorum, livre IV, chap. II, qui a réuni la plus grande partie des passages relatifs à Apis, tirés des auteurs grecs et latins.

[462] Clément d’Alexandrie, Admonitio ad Gentes, pag. 26, D.

[463] Recherches sur les médailles des nomes, par Tochon, pages 54, 60, 73, 91, 100, 111, 117, 129, etc.

[464] Idem, pages 55, 56, 57, 63, 69, etc.

[465] Voir notre planche no 32 et son explication.

[466] Diodore de Sicile, liv. Ier, pag. 79, édit. de Rhodoman.—Strabon, liv. XVI, pag. 553, édit. de Is. Casaubon.—Macrobe, Saturnales, liv. Ier, § 21.—Ælien, Histoire des Animaux, liv. XI, chap. 10.—Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris.

[467] τῳ τε Απει και τῳ ΜΝΕΥΕΙ πολλα ἐδωρησατο, ligne 31.

[468] Préparation évangélique, liv. III, chap. 13.

[469] Mensa Isiaca.

[470] Plutarque, de Iside et Osiride.

[471] ΑΡΟΥΗΡΙΝ... Ἀπόλλωνα δὲ ὑπὸ Ἑλλήνων, idem, ibid.

[472] Je me suis assuré, pendant mon séjour aux ruines d’Ombos en 1829, que le champ du listel, sur lequel on a gravé cette inscription, était jadis doré, et que toutes les lettres furent remplies d’une couleur rouge éclatante.

[473] Voir les Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte pendant la domination des Grecs et des Romains, par M. Letronne, page 76 et suivantes.

[474] Dans l’ouvrage précité M. Letronne lit: Ἡλίωι θεῶι, μεγίστωι, au lieu d’Ἀρωήρει θεῶι μεγίστωι que porte réellement l’inscription originale; mais mon savant ami a été induit en erreur par la copie fautive de cette inscription fournie par MM. Jomard et Chabrol, qui n’ont point indiqué, comme l’a fait M. Hamilton, une fracture opérée sur une portion des lettres formant le nom ΑΡΩΗΡΕΙ. En examinant moi-même avec attention le monument original, en novembre 1829, j’ai parfaitement distingué les lettres ΩΗΡΕΙ encore très-reconnaissables, ce qui exclut sans réplique la leçon ΗΛΙΩΙ que donnent à tort les deux membres de la commission d’Égypte.

[475] ⲱⲣ prononcé ⲱⲏⲣⲓ en suppléant les voyelles, comme le prouve l’orthographe hiéroglyphique et hiératique des noms propres égyptiens, que les Grecs ont transcrit πωηρις, οσορωηρις, Σενποηρις, πετεαρωηρις, etc., etc.

[476] Traité d’Isis et d’Osiris, traduction d’Amyot, § XIII.

[477] Idem, Ibidem.

[478] Livre Ier.

[479] Bas-relief au fond du pronaos à droite, etc.

[480] A partir du fond du sanctuaire.

[481] Voir notre planche 33.2, sujet dessiné à Ombos.

[482] Le groupe hiéroglyphique phonétique formé du téorbe, du céraste et de la bouche, ⲛϥⲣ, répond dans tous les textes hiéroglyphiques aux deux adjectifs coptes ⲛⲟϥⲣⲉ et ⲛⲟⲩϥⲉ indistinctement.

[483] Ces titres sont sculptés à la suite du nom propre de la déesse dans les inscriptions des bas-reliefs de la seconde salle du temple d’Ombos.


Au lecteur

Cet ouvrage est incomplet du fait de la mort prématurée de Champollion. Il devait contenir initialement environ 450 pages et 200 planches, (chiffres donnés dans Les conditions de la souscription). Seulement 90 planches ont été réalisées. Elles ont été renumérotées.

Léon Jean Joseph Dubois signale dans une note manuscrite, au début de l’exemplaire de Gallica:

«Il est arrivé plusieurs fois qu’une planche et le texte qui contient son explication, portent des numéros différents. Ce n’est qu’une négligence peu importante et facile à réparer.»

Nous avons fait de notre mieux pour rétablir les bons liens.

Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version originale. L’orthographe n’a pas été homogénéisée. Seules, les erreurs manifestes de typographie ont été corrigées.

La ponctuation a pu faire l’objet de quelques corrections mineures.

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