Title: Poésies du troubadour Peire Raimon de Toulouse: Texte et traduction
Author: of Toulouse Peire Raimon
Translator: Joseph Anglade
Release date: October 1, 2005 [eBook #9053]
Most recently updated: May 31, 2013
Language: French
Credits: Produced by David Starner, Anne Dreze, Marc D'Hooghe and
the PG Online Distributed Proofreaders. Html-version,
thanks to David Widger.
J'avais commencé, en 1916, la publication des poésies de Peire Raimon de Toulouse dans la revue l'Auta, organe de la Société des Toulousains de Toulouse. Malgré la bonne volonté de la Société et de son président, les circonstances ne se prêtèrent pas à la continuation de ce travail. Je l'arrêtai donc, après avoir publié quatre pièces[1]. Cette édition était destinée à des lecteurs non initiés, en général, à la philologie romane, mais connaissant leur langue maternelle. Il nous faudrait bien décider, en attendant des éditions critiques qui ne paraissent qu'à de longs intervalles et qui ne paraissent pas toutes en France, à avoir des éditions provisoires de nos troubadours, dont le texte serait emprunté à quelques bons manuscrits. Nos troubadours—et je dis nos à dessein—ne sont pas faits exclusivement pour servir de thème à des exercices philologiques. Ce sont des poètes, facilement abordables, et dont la poésie n'est pas tout à fait éteinte, malgré les ans. Nous ne savons quand tous nos troubadours, même quelques-uns des plus grands, seront édités d'une manière critique. Faut-il se résigner jusque-là à les lire dans les recueils introuvables—et d'un si joli aspect typographique!—de Mahn ou dans le recueil, plus beau typographiquement, mais aussi rare, de Raynouard? Nous ne le croyons pas. Une Bibliothèque Romane, où seraient publiés les vingt ou trente troubadours les plus marquants, serait la bienvenue[2]. Elle n'empêcherait pas la préparation des éditions critiques, qui arrivent à leur heure, et elle procurerait de belles joies aux amoureux de notre poésie. Notre édition n'a pas d'autre ambition. Nous pensons qu'elle rendra des services à nos études; et on ne sera plus obligé, en ce qui concerne Peire Raimon, d'aller chercher les membra disjecta poetae, et d'un bon poète, dans les recueils les plus disparates et les plus rares.
Notes:
[1] Elles ont paru dans les numéros suivants de l'Auta: mars 1916; juillet 1916; janvier 1917; juin 1917. Avec tirage à part. Par suite d'une erreur qui n'est pas imputable à l'imprimeur, le titre du tirage à part portait: Peire Guilhem de Tolosa; un papillon a rectifié sur la plupart des exemplaires cette erreur. Quatre autres pièces ont été publiées dans le Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France, nouv. série, No 45 (Toulouse, 1919); il a été fait de cet article un tirage à part à un très petit nombre d'exemplaires, dans notre publication intitulée: A propos des troubadours toulousains, Toulouse, 1917.
[2] Le fondateur de la Bibliothèque Méridionale, M. Antoine Thomas, écrivait, en 1888, dans la préface de son édition de Bertran de Born: «Nous nous proposons de faire pour les principaux troubadours ce que nous venons de faire pour Bertran de Born.» Idée et programme excellents, qui pourraient être repris.
La biographie suivante de Peire Raimon nous a été conservée par cinq manuscrits.[3] «Peire Raimonz de Tolosa lo vielz si fo fillz d'un borzes, e fetz se joglars, et anet s'en en la cort del rei N'Anfos d'Aragon; e·l reis l'acuilhic e·il fetz grant honor. Et el era savis hom e sotils, e saup molt ben chantar et trobar, e fetz de bons vers e de bonas chansos e de bons mots; e estet en la cort del rei, e del bon comte Raimon de Tolosa, lo sieu seignor, et en la cort d'En Guilhem de Monpeslier, longa sazon. Pois tolc moiller a Pamias, et lai definet.»
«Peire Raimon de Toulouse, le Vieux, était fils d'un bourgeois. Il se fit jongleur et s'en alla à la cour du roi Alfonse d'Aragon (1162-1196); et le roi l'accueillit et lui fit grand honneur. Il était savant (en poésie) et subtil; il savait bien chanter et bien trouver, et il fit de bons vers, de bonnes chansons et de bonnes compositions; et il resta à la cour du roi et du bon comte de Toulouse, son seigneur, et à la cour du seigneur Guilhem de Montpellier, longtemps. Puis il prit femme à Pamiers, et c'est là qu'il mourut.»
Sur les cinq manuscrits, deux (A et B) remplacent la mention de la cour du «seigneur de Montpellier» par celle de «de Saint-Leidier»; le fait n'aurait rien d'invraisemblable, le troubadour Guilhem de Saint-Leidier ayant été en même temps un grand seigneur qui pouvait avoir une «cour»; cependant, nous croyons que cette mention de cour fait plutôt penser à Guilhem de Montpellier,[4] à la cour duquel nous savons que plusieurs troubadours furent accueillis avec faveur.[5]
Le roi d'Aragon est le roi Alfonse II, mort en 1196, père de Pierre II. Quant au seigneur de Toulouse, il s'agit vraisemblablement de Raimon VI (1194-1222).
On remarquera le détail qui nous est donné sur le mariage[6] de Peire Raimon. Quelque défiance qu'on ait, à bon droit, pour les biographies des troubadours, il ne semble pas qu'on puisse mettre en doute la valeur de ce renseignement. On remarquera de plus qu'il n'est fait aucun allusion, dans la biographie, au séjour de Peire Raimon en Italie; ce silence est surprenant, si les biographies sont dues à un troubadour qui séjournait en Italie, ou même à un Italien; mais il est vraisemblable qu'une partie des biographies a été composée dans le Midi de la France, assez loin de l'Italie; celle-ci nous paraît être du nombre.
Si la biographie mérite quelque créance, c'est en Aragon que se serait passée la première partie de la vie de Peire Raimon; quelques allusions à ce séjour se retrouvent dans son oeuvre. Un roi d'Aragon est cité, IV, str. 6 et VIII, str. 6; une allusion à un amour dont l'objet est à Barcelone se trouve ch. X, str. 7. Ces chansons paraissent d'ailleurs avoir été composées en dehors de l'Aragon, à moins que la formule d'envoi ne soit, comme il arrive souvent, une fiction du poète.
En ce qui concerne Toulouse, Peire Raimon a écrit quelques chansons en l'honneur d'une noble dame qui y habitait. Les deux chansons sur l'amour médecin paraissent être du nombre (ch. II et VI). La Comtessa, qui est citée dans cette dernière, ne peut guère être que la comtesse de Toulouse, mais laquelle?
Nous pensons que le «bon seigneur Raimon» est le comte Raimon VI (1194-1222). La comtesse pourrait être «Éléonore», soeur du roi d'Aragon Pierre II, la dernière des cinq épouses du comte Raimon VI; le contrat qui l'unissait au comte de Toulouse fut fait en 1200, mais, à cause de la jeunesse de la princesse, le mariage n'eut lieu que trois ou quatre ans plus tard (Hist. Gén. Lang., VI, 190).[7] Ceci nous mènerait, en ce qui concerne Peire Raimon, en 1204 environ.
Trois manuscrits de la biographie[8] sur cinq, donnent à Peire Raimon le surnom de «lo Vieil», le Vieux; ce qui laisserait supposer qu'il y a eu un troubadour du même nom, mais plus jeune. Chabaneau est disposé a l'admettre, en faisant remarquer que l'hypothèse de deux troubadours expliquerait mieux une partie de l'oeuvre de Peire Raimon[9].M. Bertoni après avoir été d'abord de cet avis, est aujourd'hui d'une opinion contraire[10] et nous partageons sa manière de voir. L'hypothèse de deux troubadours de la même famille n'a rien d'impossible; nous en avons deux de la famille de Saint-Didier, l'aïeul, Guilhem, et le petit-fils Gauseran; et nous avons deux Bertran de Born, le père et le fils. Mais, en ce qui concerne Peire Raimon, l'epithete de vieil ne suffit pas pour lui attribuer un fils ou tout autre parent, poète comme lui. Nous expliquerons plutôt cette désignation en disant que pour l'auteur de la biographie, qui peut-être écrivait assez tard après la mort de Peire Raimon, ce troubadour lui paraissait appartenir à l'ancienne génération.
Nostredame appelle Peire Raimon Lou Proux, le Preux[11]; ce mot se trouve à la suite du nom du troubadour dans le ms. f.
Les renseignements que donne Nostredame sur Peire Raimon sont un mélange de vérités et de mensonges. Ainsi: «Plusieurs belles chansons» de Peire Raimon auraient été adressées à une noble dame de Toulouse qui s'appelait Jausserande del Puech, nom inconnu dans l'onomastique des troubadours, et d'autres auraient été composées en l'honneur d'une «gentil femme» de Provence, de la maison de Codollet. La seule donnée vraisemblable qui se trouve dans la biographie de Nostredame, c'est la date de 1225, qui serait celle de la mort de Peire Raimon. Quant à l'imitation que Pétrarque aurait faite de l'une de ses poésies, dans son sonnet Benedetto sia (Son. XLVII), il s'agit d'une chanson attribuée par un manuscrit (P) à Giraut de Borneil et par un autre (C) à Peire Vidal.
Le séjour de Peire Raimon à Montpellier doit se placer avant 1202, date de la mort de Guilhem VIII (1177-1202); mais nous ne pouvons pas préciser davantage.
La tenson de Peire Raimon avec Bertran de Gourdon doit se placer avant l'année 1211, date à laquelle le seigneur de Gourdon fit hommage de sa ville an roi Philippe-Auguste.[12] Il n'est pas probable que Peire Raimon fût encore, à cette date-là, dans le Midi de la France, où la Croisade était déchaînée depuis 1209. Cependant on pourrait admettre que Peire Raimon, ayant quitté le comte de Toulouse à cette époque, fut pendant quelque temps l'hôte de ce seigneur besogneux avec lequel il tensonna.
—La période «italienne» de la vie de Peire Raimon nous paraît pouvoir être reportée à la fin de sa vie. On peut fixer certaines dates de ses chansons aux environs des années 1218 et 1221. Il est vraisemblable que notre troubadour quitta la France soit avant la tourmente albigeoise, soit, par exemple, après la bataille de Muret (1213). C'est dans la première période de son séjour en Italie que nous placerions la composition de son descort: le «comte vaillant de Savoie» auquel il est dédié ne peut être que Thomas 1er, qui fut aussi chanté par Pistoleta.[13] Ce prince (1178-1233), nous dit la Généalogie des comtes de Savoie, «était jeune et beau et dansait et chantait mieux que nul autre».[14]
Peire Raimon fut ensuite en relations avec la cour d'Este, si on en juge par l'envoi de la chanson Totztemps auch dir (No XVI de notre édition). Béatrix d'Este, à qui est adressée cette chanson, était née en 1191; elle était la fille d'Azzo VI d'Este. Un chroniqueur du temps nous dit qu'elle était mira pulcritudine corporis et virtute multipliciter decorata.[15] Après avoir passé sa jeunesse, ajoute le chroniqueur, in pompis et favoribus seculi, in ornamentis et vanitatibus diversi generis, sicut mos est nobilium et secularium feminarum, elle prit le voile entre 1218 et 1220 et mourut en 1226. Telle est la femme extrêmement belle et vertueuse que chanta Peire Raimon et que chantèrent aussi Rambertino Buvalelli, Aimeric de Pégulhan, Guilhem de la Tour et Falquet de Romans.[16] La composition de Peire Raimon serait d'avant 1218.
C'est vers la même époque que Peire Raimon fut en relations avec un autre prince italien protecteur des troubadours, Guilhem de Malaspina, mort en 1220. La chanson Pos vei parer la flor lui est adressée et son nom se retrouve dans la chanson Ara pus iverns (str. IV). La chanson Si com celuy est adressée à Conrad d'Auramala, marquis de Malaspina, qui fut aussi chanté par Guilhem de la Tour;[17] la pièce est, au plus tôt, de 1221, date où Conrad succède à Guilhem de Malaspina; il est vraisemblable qu'elle n'est pas de beaucoup postérieure à cette date.
C'est aux environs de 1221 (mais avant cette date) que nous ramène la chanson[18] adressée par Peire Raimon au troubadour italien Rambertino Buvalelli, originaire de Bologne, mort en 1221.
Les strophes, assez obscures, d'Uc de Saint-Cyr sur Peire Raimon ont été sans doute écrites en Italie après 1220, date à laquelle Uc de Saint-Cyr alla dans ce pays[19]. Je crois, avec les auteurs de l'édition de ce troubadour, qu'il s'agit de notre poète. Je ne sais pas d'ailleurs à quoi Uc de Saint-Cyr fait exactement allusion, dans ses plaisanteries sur Peire Raimon; il est question de «racines» et de «syllabes» que Peire Raimon se vante de savoir trouver mieux qu'aucun autre troubadour. Quelques-unes de ses poésies sont écrites avec une certaine recherche de la difficulté, dans les rimes ou dans les mots, en particulier les pièces Ara pus iverns et Pos vezem [20]; mais je ne sais si tout cela est suffisant pour justifier les plaisanteries d'Uc de Saint-Cyr et expliquer ses allusions; je croirais plutôt que les unes et les autres s'adressent à des poésies perdues de Peire Raimon, des pièces de circonstance, comme les deux pièces de son critique. La seconde (XXIX) rappelle d'ailleurs par le ton et, en partie par le mètre, la tenson de Peire Raimon et de Bertran de Gourdon.
Quand notre poète revint-il dans le Midi pour se marier à Pamiers? C'est ce que nous ne savons pas. Nous connaissons les dates approximatives de plusieurs des chansons écrites en Italie, mais il n'est pas possible d'établir, même approximativement, de quelle date sont ses premières compositions. Une date ante quam nous est fournie seulement par la mort d'Alfonse II d'Aragon, 1196; d'autre part la date de 1221 (avènement de Conrad de Malaspina, mort de Rambertino Buvalelli) nous paraît marquer à peu près la fin de l'activité poétique de Peire Raimon en Italie.
Il est probable que ses premières poésies sont antérieures à 1196, mais de combien? Nous n'avons aucun moyen de fixer ce point. Diez donne comme dates de son activité poétique 1170-1200[21], mais ce sont des dates erronées; Chabaneau[22] donne les mêmes dates, mais en marquant, entre parenthèses, qu'il les emprunte à Diez. Il me semble qu'en faisant remonter les premières compositions de Peire Raimon aux environs de 1190 et en plaçant les dernières aux environs de 1121-1222 nous ne serons pas trop éloignés de la vérité. Peire Raimon aurait pu, entre cinquante et soixante ans, revenir dans le Midi et prendre femme à Pamiers.
Peire Raimon emploie deux fois le senhal d'Ereubut. Ereubut se trouve dans les chansons: Enquera·m vai recalivan et Non puese suffrir. D'après l'envoi de la première, il semble que nous ayons affaire à un jongleur; mais, d'après la seconde, il semble qu'il s'agisse d'une dame; dans la première des deux chansons elle est chargée de présenter la composition du poète à la «noble comtesse», qui pourrait être la comtesse de Toulouse; dans la seconde pièce, c'est, au contraire, le poète qui a reçu «des prières et une demande» de faire une chanson. Nous ne savons si ce senhal désigne une des épouses de Raimon VI ou une de celles de Raimon V.
Bartsch attribue à Peire Raimon vingt compositions; mais celle qui porte le numéro 2, dans sa liste, est une partie du numéro 9, et son numéro 11 correspond à 330, 12, et appartient à Peire Bremon. Nous la donnons en appendice.
Le ms. a attribue à Peire Raimon la pièce Mas camjat ai de far chanso (qui est d'Elias de Barjols; Bartsch, 132, 8).
Deux mss., Sc, lui attribuent la pièce Ses alegratge, qui est de Guilhem Augier (Bartsch, 205, 5).
Le ms. N lui attribue la pièce unique de Jordan de l'Isla de Venaissi (Bartsch, 276, 1). De même T lui attribue la pièce unique de Peire Bremon lo Tort (Bartsch, 331, 1).
Enfin le ms. M lui attribue la célèbre chanson de R. de Barbezieux, Tuit demandon qu'es devengud' Amors.
Nostredame attribue à notre troubadour la chanson Non es savis ni gaire ben apres, qui est donnée à P. Vidal par le ms. c et à Giraut de Borneil par le ms. P, ainsi qu'une chanson qui aurait commencé ainsi:
Amour, si ton poder es tal, Ensins que cad'un ho razona, |
et qui paraît être de l'invention de Nostredame.[23]
Peire Raimon mérite une bonne place à côté des grands noms de la poésie méridionale. Moins original que Peire Vidal, et moins varié, au moins dans l'état actuel de son oeuvre, qu' Aimeric de Pégulhan, il peut aller cependant de pair avec ses deux compatriotes. Il a, comme la plupart des troubadours, le culte de la forme et il nous laisse voir, à plusieurs reprises, quelle est sa conception de l'art poétique; mais il ne tombe pas dans un excès ridicule et puéril, comme d'autres troubadours. Il a de la grâce et de l'élégance, et plus d'une fois laisse percer sa sensibilité. Ses descriptions du printemps, quoique conventionnelles, sont fraîches et pittoresques. Son oeuvre est, dans l'ensemble, remarquable par la finesse de la pensée et la grâce du style. Et c'était un vrai poète celui qui savait si bien dire comment le coeur des poètes se consume en chantant (Atressi com la candela) et si bien exprimer comment naît la poésie, non des aspects les plus variés de la nature, mais de la sincérité du coeur (S'ieu fos aventuratz); par là il se rapproche de celui qui reste pour nous le maître de la poésie méridionale, de Bernard de Ventadour.[24]
Notes:
[3]ABIKN2; Chabaneau, Hist. Gén. Lang., X, 271.
[4] Guilhem VIII, 1172-1202.
[5] Cf. Ch. Brun, Les troubadours à la cour des seigneurs de Montpellier. (Extr. du Félibrige latin, Montpellier, 1893.)
[6] N2: tolc moiller a paruias...
[7] Éléonore a été nommée par les troubadours suivants: Guilhem de Berguedan, Raimon de Miraval, Cadenet, Gaubert de Puycibot, Elias de Barjols, Arnaut Catalan, Aimeric de Belenoi, Aimeric de Pegulhan; peut-être aussi est-ce Éléonore qui est désignée par reina dans la pièce de Guilhem de Baux, Gr., 209, 2. Cf. sur tout ceci: F. Bergert, Die von den Trobadors gefeierten Damen, p. 26.
[8] A B N2; les autres mss. contenant la biographie sont I et K, qui proviennent de la même source. La biographie de N2 est publiée dans l'Archiv. f. d. Studium d. n. Sprachen, t. CII (1899), p. 204.
[9] «Il paraît difficile que toutes les pièces qui portent ce nom aient été composées par la même personne.» Hist. Gén. Lang., X, 373, n. 2. La difficulté disparaît, en ne faisant pas commencer trop tôt—et il n'y a aucune raison pour le faire—la carrière poétique de Peire Raimon.
[10] Trovatori d'Italia, p. 14.
[11] Vies, éd. Chabaneau-Anglade, p. 48. Le ms. D, dans la suscription de la chanson Encara·m vai recalivan, appelle Peire Raimon lo Gros; Bertoni, Trovatori d'Italia, p. 14, n. 2.
[12] Chabaneau, Hist. Gén. Lang., X, 340.
[13] Dans sa chanson: Mainta gen fatz meravilhar.
[14] Genealogia comitum Sabaudiae, c. 66; cité par Bertoni, Trovatori d'Italia, p. 8, n. 3.
[15] Rerum ital. Script., VIII, 720, in Bergert, Die... gefeierten Damen, p. 81 sq.
[16] Bergert, Die... gefeierten Damen, p. 81 sq.
[17] Bertoni, Trovatori d'Italia, p. 13.
[18] De fin' amor son tuit mei pensamen, No V de notre édition. M. Bertoni a remarqué que le ms. D (Da), d'origine italienne, attribue deux pièces de Peire Raimon à R. Buvalelli (Pos vei parer; Us novels pensamens). Il est probable que le manuscrit primitif dont s'est servi l'auteur du chansonnier contenait des poésies des deux troubadours; ce n'est pas le seul hasard qui les avait réunies.
[19] Ed. Jeanroy et De Grave, XXVII, XXIX; cf. pp. 161, 204.
[20] Jeanroy, De Grave, Op. laud., p. 204.
[21] Diez, Leben und Werke, p. 92.
[22] Chabaneau, Hist. Gen. Lang., X, 373.
[23] Nostredame, Vies, éd. Chabaneau-Anglade, pp. 48 et 312.
[24] On trouvera, à la fin de notre édition, la pièce du poète valencien Auzias March imitée de Peire Raimon. Voir sur cette imitation: A. Pagès, Auzias March et ses prédécesseurs, p. 286 sq.
ANGLADE (J.).—A propos des troubadours toulousains. Toulouse, 1917. (Extr. du Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France, nouvelle série, No45. Toulouse, 1919, p. 195-245.)
ANGLADE (J.).—Quatre poésies du troubadour Peire Raimon de Tolosa. Toulouse, 1917.
APPEL (C.)—Provenzalische Inedita aus Pariser Handschriften. Leipzig, 1892 (et Altfr. Bibliothek, t. XIII). P. 244, Ar ai ben d'Amor apres; p. 246, Pois lo bels temps; p. 248, Si com l'enfans.
BARBIERI (G.-M.).—Origine della poesia rimata. Modène, 1790. P. 129.
BARTSCH (K.).—Chrestomathie provençale. 6e éd. Marbourg, 1904. C. 95, Atressi com la candela.
BASTERO.—La Crusca provenzale. Rome, 1724. P. 80 et 91.
BERGERT (FRITZ).—Die von den Trobadors genannten oder gefeierten Damen. Halle, 1913. (Beihefte zur Zeitschrift from. Phil., XLVI.) P. 62, 63, 65, 83, 117.
BERTONI (G.).—Rambertino Buvalelli. Dresde, 1908. (Gesellschaft für rom. Literatur, No 17.) P. 11.
BERTONI (G.).—I Trovatori d'Italia. Modène, 1915.
CHABANEAU (C.).—Biographies des Troubadours, in Hist. Gén. Lang., éd. Privat, X, 271, 373.
CHABANEAU (C.) et ANGLADE (J.).—Essai de reconstitution du chansonnier de Sault, in Romania, 1911, p. 297.
DIEZ (F.).—Leben und Werke der Troubadours. P. 97, 267.
Histoire littéraire de la France, XV, 457; XVII, 419; cf. encore XVIII, 641. La notice du tome XV est de Ginguené; celles des tomes XVII et XVIII sont d'Emeric-David.
JEANROY (A.) et S. DE GRAVE.—Poésies de Uc de Saint-Circ. Toulouse, 1913. (BIBL. MÉRID., 1re série, t. XV.) P. 161, 204.
KOLSEN (A.).—Dichtungen der Troubadours. Halle, 1916, 1917 (2 fascicules parus). P. 132, Era pus l'iverns, texte et traduction).
MAHN (C.-A.-F.).—Gedichte der Troubadours. Berlin, 1856-1873. (Trois pièces: Ara pos iverns, No 790, 791; Lo dous chan, No 611; Pos vezem boscs, No 942.)
MAHN (C.-A.-F.).—Die Werke der Troubadours. Tome I, Berlin, 1846. P. 133-147. Neuf poésies complètes empruntées au Choix et au Lexique Roman de Raynouard, avec des fragments plus ou moins importants de cinq autres tirées des mêmes recueils.
MAUS (F.-W.).—Peire Cardenal's Strophenbau. Marbourg, 1884. (Ausgaben und Abhandlungen... No V.) P. 24, 63.
MILÁ Y FONTANALS.—De los Trovadores en España. Barcelone, 1861. P. 108.
MILLOT.—Histoire littéraire des Troubadours. Paris, 1774; 3 vol. P. 1, 114 et 1,442 (B. de Gourdon).
NOSTREDAME (Jean de).—Les vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux. Ed. CHABANEAU-ANGLADE, p. 50, 166, 177, 224, 241, 270, 290, 311.
RAYNOUARD (F.).—Choix de poésies originales des troubadours. Paris, 1816-1821; 6 vol. (T. III, p. 120-132, cinq pièces: Atressi com la candela; Enquera'm vai recalivan; No·m puesc sufrir; Pessamen ai e cossir; Pus vey parer la flor. Tome V (fragments): Ar ai ben d'Amor apres, p. 325; Si com celui qu'a servit, p. 323; Si com l'enfans, p. 326.). Même tome, p. 102, B. de Gourdon (fragment); ibid., autres fragments assez nombreux.
RAYNOUARD.—Lexique Roman. Paris, 1844; 6 vol. Le tome 1 contient un Nouveau Choix des poésies originales des Troubadours (p. 1-580). P. 334, Us novels pessamens; p. 513, Ab son gai plan e clar.
[DE ROCHEGUDE].—Parnasse Occitanien. P. 29. Une seule pièce: Us novels pessamens m'estai.
TASSONI.—Considerazioni sopra le rime del Petrarca. Modène, 1609. P. 356.
—Les manuscrits ne nous ont conservé qu'une mélodie de Peire Raimon; c'est celle de sa célèbre chanson: Atressi com la candela. Cette mélodie se trouve dans le ms. G, f(o) 52(b). Cf. J. Beck, Melodien der Troubadours, Strasbourg, 1908, p. 33.
I.—Avec une mélodie gaie, facile et rare, je fais un descort léger et bon, avenant pour chanter et sur un beau thème; et si je pouvais trouver pitié auprès de ma dame (—puisse Dieu la combler de faveurs!—), il me semble que je n'en obtiendrais que du bien.
II.—Car celle-là m'a conquis, dont toutes les actions sont si distinguées; et jamais n'exista si bel objet où que je me tourne ni où que j'aille; car son noble mérite et sa courtoisie montent, croissent et se répandent; si je savais faire quelque chose dont elle eût envie!
III.—Je serais riche et heureux, sans peine et sans douleur, si celle en qui bonne renommée prend naissance me voulait donner son amour, car je suis pour elle un (amant) si parfait et si sincère et sans coeur trompeur. Elle a cent fois et plus de valeur que je ne vous dis.
IV.—Tant me plaît son image que je ne pense pas à d'autre objet; je me repens et je m'abstiens d'en regarder une autre; je continue à me souvenir longuement de mon martyre; car je promets sans tromperie que jamais traître.
V.—Je ferai ses commandements de tout mon pouvoir, car nulle autre chose ne me plaît tant, quoiqu'elle me fasse souffrir; et si j'en ai un doux baiser, rien ne peut me causer de dommage.
VI.—Belle dame, ayez pitié de moi, car je n'ai pas d'autre secours; et jamais par de mauvaises paroles je n'abaisse ni ne diminue vos louanges.
VII.—Descort, va-t-en auprès du vaillant comte de Savoie, car sa valeur augmente tous les jours et ne se dément pas: son noble mérite vaut mieux que celui des meilleurs.
Notes:
Le texte que nous publions est celui de Raynouard, Lexique Roman, I, 513; nous donnons quelques leçons des mss. G et c.
V. 10 prisan Rayn. preisan G. V. 12 Zous iur e man G sous iur eus man c. V. 34. Lire qu'a? c-à-d. car elle a? V. 36 Qe je traire nol (le vers précédent manque) c Qe ia non traire G. V. 47 bais Rayn. baiss c. V. 49, 51 valor, meillor Rayn. valors... del meillors G valors... dels milhors c.
V. 48-49. Le comte de Savoie est le comte Thomas I (1188-1233).
I.—Maintenant j'ai bien appris d'Amour comment il sait frapper de son dard; mais comment ensuite il sait gentiment guérir, cela je ne le sais pas encore. Je connais le médecin qui seul peut me donner la santé, mais à quoi cela me sert-il, si je n'ose lui montrer ma plaie mortelle?
II.—Je mourrai par ma sottise, car je ne vais pas lui montrer et dire la douleur qui me fait souffrir; personne ne peut me donner un remède contre cette douleur sauf la dame gaie et courtoise, que j'aime et que je chéris tant que je n'ose lui crier pitié, tellement j'ai peur que cela lui déplaise.
III.—J'ai un grand désir de pouvoir venir à genoux vers elle, d'aussi loin qu'on pourrait la voir, de venir vers elle mains jointes, lui faire hommage, comme un serf doit le faire à son seigneur, et en pleurant implorer sa pitié sans crainte des mauvaises gens.
IV.—Bonne dame où nous voyons tous biens naître comme graines et fleurs, puisque je vous aime et vous désire tant, je vous crie pitié; que pitié et ma bonne foi me viennent en aide auprès de vous, car je garderai bien mon secret et je vous serai plus fidèle—que Dieu me protège!—que Landric ne le fut à Aye.
V.—Qu'aucun homme ne me dise de flatterie pour entendre mon coeur (c.-à-d. le fond de ma pensée, de mon coeur) (—car je saurai lui dire gentiment un mensonge!—) pour que après qu'il m'aurait trahi il criât ensuite ma sottise. Mais je suis si dur à l'épreuve que vous pourriez me faire dire plutôt que la bure de presset est de la laine.
VI.—Je veux prier Mon Diamant, que j'aime tant, de réciter ma chanson à Toulouse.
Notes:
Texte du ms. C, d'après C. Appel, Provenzalische Inedita aus Pariser Handschriften, p. 244. La chanson n'existe que dans ce manuscrit; les trois premières strophes se retrouvent dans le Breviari d'Amor, v. 31564. Aux vers 12 et 39 nous avons remplacé la graphie ll par lh.
V. 32. Landric et Aya: Aye d'Avignon est l'héroïne d'une chanson de geste française; Landric est le héros d'une chanson qui ne nous est pas parvenue. V. 40. Presset ou perset, sorte de laine, opposée souvent chez les troubadours à saia.
I.—Maintenant que l'hiver brise les branches, que les rameaux paraissent fleuris et que le givre et la neige sont répandus à flocons sur les tertres et les haies, il convient que je m'éloigne d'ennui en chantant; et je ne parais pas maladroit, quoique le temps soit rude et ennuyeux, puisque sur de tels propos je sais faire vers et chansons.
II.—Je sais bien accoupler les mots et les rendre unis et clairs, semblables à une chaîne (de tisserand); mais à quoi cela me sert-il? Maintenant ce n'est pas le moment, et les tiercelets mal élevés, vivant dans les branches, je sais qu'ils sont dépourvus de bon art, et qu'ils ont, en se dissimulant, aiguisé leurs becs; et les preux courtois et bien élevés font pleurs et gémissements, car Mérite est mort et tombé à la renverse.
III.—Je puis vous jurer par la Sainte Croix que je n'en vois pas un seul qui aime le mérite parfait, car le feu d'avarice les brûle; toutes leurs actions sont celles d'hommes fous et maint homme perd le grain et la paille; donc pourquoi chacun se fait-il sourd et aveugle par la mauvaise chance qui les fait vides et dénués de toutes bonnes qualités dont ils sont privés et dénués?
IV.—Ah! Méchanceté, ne prends pas tous les puissants barons dans ton lien, et ne touche en rien à Malaspina; il vaut mieux que tu te brises; car je veux que son bien croisse tous les jours. Et toi, Vaillance, ne l'abandonne pas, car j'entends dire que toutes les nobles actions réunies vivent auprès de lui: aussi est-il juste que tu les soutiennes.
V.—Je suis si désireux d'avoir la belle que je désire et dont j'ai si fort envie (faim) qu'aucune autre joie ne me plaît autant; et j'aime mieux la posséder que d'avoir Foix ni Brens, s'il lui plaît de ne pas me dédaigner (=de m'aimer); et si mes sincères prières ne me secourent pas, vous faites mal, Amour, de me tourmenter ainsi, car je suis un amant parfait tout tourné vers elle.
VI.—Et puisque, malgré ces durs tourments, tu n'obtiens rien, Amour, tu devrais bien pendant quelque temps me faire du bien, parmi cent maux, car du dommage c'est toi qui es coupable.
NOTES
Texte de C (Mahn, Gedichte, No790) sauf les cinq derniers vers et quelques leçons empruntées à I (Mahn, Ged., 791). La pièce se trouve encore dans les mss. Da et K.
V. 2 florit I, floritz C. V. 10 en ram C, etam I; je lis estam, chaîne du tisserand. V. 12 eus ren bocx C, eus tersols malazautz I; je lis e·ls tersols. V. 14 Ve nicx C, uetrics I; l. Phénix? ou de trics?
V. 19 que davas ren C, d'avareza I. V. 21 e mas hom per los grans els glotz C, ema hom pert lo gran el glueg I; cf. Levy, Suppl. W. IV, 138-139, et Raynouard, Lex. Rom., 479, où est cité le présent exemple; la même opposition de gran et de glueg se retrouve dans la pièce de Peire Bremon attribuée faussement à Peire Raimon, Pois lo bels temps; le mot glueg s'y présente sous la forme glui. V. 24 rars CI sers C. V. 25 A m. I De m. C. V. 29 lor bes I. V. 30 nols CI. V. 32 sil I, sils C. V. 34 don ai fam I, ai gran fam C. V. 35 nous C, non I. V. 36 Berens I. V. 37 refocx C, refueg I; la forme ordinaire du mot est refug, refui. V. 39 nom val om. C. V. 40-42 dans I seulement.
NOTE SUR LES MOTS-RIMES
I II III IV V brotz motz crotz totz glotz (ofermé) ram estam am liam fam flox locs focs tocs joc (o ouvert) encs encs encs trencs Brencs enocs nec glotz pueg refogs pecs becs secs abnecs precs consecs(e ouvert) temps gems sems essems prems prems vers vers ters supers convers mersTelles sont les rimes dans C: on voit qu'il y a des différences dans la cinquième rime de chaque vers. La correction est facile et est indiquée par le texte de I, qui donne des rimes en -ueg: nous écrivons donc enueg, vueg, glueg, pueg, refueg.
I.—Semblable à la chandelle, qui se détruit elle-même pour faire clarté aux autres, je chante, plus je souffre un dur martyre, pour le plaisir d'autrui. Et quoique je sache parfaitement que je fais folie, car aux autres je donne allégresse et à moi peine et tourment, personne, s'il m'en arrive du mal, ne doit me plaindre de mon malheur.
II.—Car je sais bien par expérience que là où Amour porte son attention folie vaut mieux que sens; donc puisque j'aime et désire tant la plus belle qui puisse se voir dans le monde, quelque mal qui puisse m'en arriver, il ne convient pas que je cesse de l'aimer; car plus elle me fait mourir d'envie, plus je lui dois être reconnaissant de ma mort, si je veux suivre le droit d'amour, car sa cour ne plaide pas autrement.
III.—Donc, puisque je reconnais que je devrai flatter ce (c'est-à-dire celle) qui me combat, je serai, en l'honorant et la suivant, son homme-lige et son serviteur; et si elle veut me retenir dans ces conditions, me voici tout entier à son plaisir, fidèle, franc, sans tromperie. Et si par un tel subterfuge je puis rester en sa cour, il n'y a au monde aucun savoir pour lequel je voulusse changer ma folie.
IV.—Le jour où elle me montra sa courtoisie et me la témoigna par l'accueil amoureux qu'elle me fit, elle pensa me tuer; car au fond du coeur elle alla me saisir et me mit au coeur un désir qui me tue d'envie; et moi, comme un fou qui fait des folies, je devins fou rapidement, car je pensai dans mon esprit ce que moi-même je ne crois pas qui doive arriver.
V.—Si par nulle autre femme qui soit je pouvais obtenir plus de bonheur, j'aurais bien à coeur de me séparer d'elle; mais plus je réfléchis en moi-même, dans tout ce que le monde embrasse je n'en sais aucune, de quelque noble origine qu'elle soit, qui l'égale en distinction; aussi je reste en sa seigneurie, complètement vaincu, puisque je ne trouve aucune amélioration de gré ou de force.
VI.—Chanson, au port d'allégresse, vers lequel Mérite et Valeur se tournent, tu iras dire en Aragon, au Roi qui sait et qui comprend, que jamais je ne fus aussi heureux d'amour parfait comme maintenant; car avec les rames et la voile monte maintenant ce qui ne peut pas se cacher; et pour cela je ne mène pas grand bruit et je ne veux pas qu'on sache de qui je parle pas plus que d'une étoile.
VII.—Depuis (?) que je vous aime, je ne m'estime pas une amande, car je ne suis pas près de vous. Cependant je vous cache pour que en cas de besoin vous me serviez de gouvernail et de voile.
Notes:
Texte de Bartsch, Chrestomathie provençale, 6e éd., col. 95-98. Nous écrivons au v. 67 un' amela au lieu de ana mela.
On remarquera an vers 22 une allusion à la «cour» (cortz) qui pourrait donner quelque créance à la légende des «Cours d'amour». Il ne peut pas y avoir autre chose qu'une métaphore.
J'ai trouvé, dans les papiers de Chabaneau, la note suivante, que je transcris: «Lou Brusc, du 18 avril 1880; traduction en vers français de Atressi com la candela, par Ch. D. de la Société des Langues Romanes; à citer dans mon travail sur Richard de Barbezieux.» Je ne sais qui est Ch. D.
Le ms. T attribue cette chanson à Rigaut de Barbezieux; ce dernier était célèbre par sa recherche des comparaisons et plusieurs pièces qui commençaient par Aissi com, Atressi com, lui ont été attribuées de ce chef. On les trouvera énumérées dans notre édition de Rigaut de Barbezieux, actuellement sous presse.
Cette pièce est une des plus célèbres de Peire Raimon; elle se trouve dans dix-neuf manuscrits.
I.—Vers l'amour parfait vont toutes mes pensées et mes désirs et mes meilleures journées, et près d'Amour je veux bâtir ma maison, parce que je me suis rendu à lui, sincère et d'un coeur fidèle, simplement; quoiqu'il m'accueille mal, je ne veux pourtant cesser de le servir, bien qu'ils soient pénibles et dangereux les tourments qu'Amour fait souvent souffrir à ses fidèles.
II.—Cependant Amour m'a fait tant d'honneur que j'aime d'un coeur sûr et sincère plus et mieux qu'aucun autre homme; si je ne dis pas qui j'aime, c'est surtout par peur de la médisance; pourvu que son doux sourire, son visage et ses beaux yeux, ses manières agréables et distinguées, sa gaieté, son aimable entretien ne me laissent pas montrer qui elle est aux connaisseurs qui savent choisir!
III.—Vos actions sont si nobles et si belles qu'humble et craintif je vous porte un amour sincère; car il n'y a pas au monde d'amant aussi loyal ni aussi sûr que je le suis envers ma dame. Et je sais que je pèche par hardiesse et orgueil, si je dis que je vous aime; aussi convient-il que j'en mouille souvent mes yeux, car jamais je n'aurais dû tourner mon coeur si haut pour aimer.
IV.—Hélas! on ne peut retenir son désir et l'empêcher d'aller là où il veut énergiquement; aussi n'en retire-t-il que douleur et grand mal et il cherche aussitôt et sciemment son dommage. Et sachez, dame, que plus je me plains, plus s'accroissent aussitôt l'amour et le bien que je vous veux; car un doux et agréable penser me naît au fond du coeur, qui nuit ni jour ne peut se séparer de vous.
V.—Je n'ose implorer votre grâce et votre pitié, car je ne trouve personne qui vous soit égale en distinction; cependant quand on secourt les siens et qu'on leur vient en aide, belle dame, on travaille vraiment à son avantage; et comme vous tenez du mérite et de la beauté le sommet le plus élevé, je veux vous servir toujours plus que je n'ai coutume de le faire; et je ne cesserai d'aimer votre honneur et de le tenir cher.
VI.—Noble dame, je vous désire et vous veux plus que tout au monde, car amour parfait m'a entraîné à remarquer votre beau corps, choix dont je me loue.
VII.—Le seigneur Rambertin de Buvalel donne asile au mérite et à la valeur et jamais il ne cessa de maintenir grande gaîté et grande joie.
Notes:
Texte du ms. G, publié par G. Bertoni [Note: Il Canzoniere provenzale della Biblioteca Ambrosiana R. 71 Sup. Dresde, 1912, p. 157. (Gesellschaft für romanische Literatur, t. XXVIII.)], sauf aux vers: 5 setot (ms. setat), 8, où nous lisons Amors; 15, où nous lisons nom avec c; 16, où nous lisons mostrar; 29, qe om (ms. qom); et 41, où nous lisons Ser Rambertis au lieu de Ver R'bertis. (La correction Ser a été déjà faite par M. Bertoni, Rambertino Bavalelli, p. 11.)
De plus, nous avons modifié le premier vers de la str. V, où nous adoptons la leçon du ms. c.
La deuxième tornada n'existe pas dans le ms. G; nous l'empruntons au ms. c.
Ramberti de Buvalel est un troubadour italien du début du treizième siècle qui a exercé dans sa patrie de hautes fonctions administratives et judiciaires (podestat de Milan, Mantoue, Vérone). Ses poésies ont été publiées en dernier lieu par M.G. Bertoni [Note: Rambertino Buvalelli trovatore bolognese e le sue rime provenzali. Dresde, 1908. (Gesellschaft für romanische Literatur, t. XVII.)]. Il fut peut-être en relations avec le troubadour toulousain Aimeric de Pégulhan. Il mourut à Vérone en 1221.
I.—Le mal d'amour que j'avais antan va encore se ravivant; car je me sens venir au coeur une douleur et un désir angoissants, et le médecin qui pourrait me guérir veut me traiter par la diète, comme font les autres médecins.
II.—Et il pourrait me guérir sans peine, de manière que je ne souffre ni peu ni prou; cependant, quoiqu'il me fasse vivre dans la douleur, je ne lui en veux nullement; mais s'il retardait ma mort, ma vie serait à son service et je reconnais que ma mort lui causerait du tort.
III.—Et jamais cependant je ne me désespère, car en rien je n'ai jamais enfreint ses ordres et nul autre désir ne me fait changer; qu'il prenne garde à sa bonne renommée (m. à m.> à ce qui lui sera convenable): car Hippocrate, à ce que j'ai entendu dire, dit qu'un médecin ne doit pas se tromper, quelque conseil qu'on lui demande.
IV.—Donc, puisqu'il m'a pris en son pouvoir, qu'il n'aille plus me faire souffrir et qu'il veuille bien ne pas me faire mourir complètement; car qu'il ne pense pas, quoique je rie et que je chante, que je puisse le supporter longtemps; et elle ne pourra pas se cacher toujours la douleur qui se répand dans le coeur.
V.—Mais je patienterai en suppliant, en servant, souffrant et priant, jusqu'à ce qu'il daigne écouter mes prières; mais je crains bien une chose, s'il me fait observer la diète trop longtemps: je sens que mon coeur s'affaiblit au point que j'ai peur que l'âme s'en aille.
VI.—Mais s'il me faisait un bon accueil qui me mît du baume au coeur, encore je penserais pouvoir me remettre; car si je meurs, il sera bien coupable; aussi doit-il prendre garde et faire attention. Et s'il a le désir de me secourir, pour Dieu! qu'il ne tarde pas à le faire!
VII.—Car mon faible coeur va soupirant; il reconnaît que je me fourvoye et il me voit maigrir tous les jours; ainsi mon intelligence et mon corps vont changeant, comme si l'âme devait sortir du corps; et mes soupirs m'angoissent au point que peu s'en faut qu'ils ne viennent au dernier.
VIII.—Je prie Mon Ereubut et je lui mande qu'il fasse entendre ma chansonnette à la noble Comtesse honorée; et s'il s'y trouve quelque mot malséant, qu'on ne m'en tienne pas rigueur; car j'ai tant de tristesse et de souci que je ne sais ce que je dis.
Notes:
Texte de Raynouard, Choix, III, 130; reproduit dans Mahn, Werke der Troubadours, I, 134-136. Au v. 18 nous changeons qu'il en que·lh.
Diez (Leben und Werke, 2e éd., p. 100) voit une obscénité dans le dernier vers de la strophe VII, où derrier signifierait le derrière: et il en rapproche le mot malestan du v. 53; nous ne sommes pas de son avis. Le mot malestan pourrait s'appliquer aux termes médicaux dieta, traitura; derrier ne parait pas avoir eu en ancien provençal le sens de derrière.
La mention de Mon Ereubut, qui était peut-être un jongleur, se retrouve dans la chanson Non puesc sofrir.
La Comtesse pourrait être la comtesse de Toulouse.
On remarquera, au point de vue de la syntaxe, l'emploi fréquent, dans cette pièce, du verbe anar avec un gérondif: il n'y en a pas moins de huit exemples.
Hippocrate (v. 19) est cité plusieurs fois dans des traités didactiques (cf. notre Onomastique des Troubadours), mais non dans des textes lyriques.
I.—Le doux chant que j'entends de l'alouette qui chante en ce moment, la douceur du printemps et la fine odeur des fleurs me donnent envie de chanter; aussi je veux aussitôt commencer un nouveau vers pour me réconforter moi-même; car Amour me presse fortement et me donne grande douleur; et cependant toujours je chante, je me réjouis et folâtre.
II.—Et je fais comme la salamandre, qui est d'une «froideur» si rude qu'elle vit dans le feu et qu'elle éteint la flamme sans en avoir nul dommage; ainsi moi, par bonne affection, j'étreins ce qui devrait me brûler; et il me semble que, si je ne me trompe pas, je m'améliore. Il n'y a pas eu au monde de si grand seigneur, comme je le serai quand ma dame en verra l'occasion (ou plutôt: quand il plaira à ma dame).
III.—Cependant, si on me donnait Alexandrie, je ne voudrais pas changer pour nulle autre celle qui est fleur de Jeunesse et saveur de Joie; car de mon vivant je ne pourrais en trouver d'aussi agréable, ni d'aussi aimable en paroles amoureuses: aussi je veux l'aimer, car elle m'a fait gagner en valeur et monter en honneur; et s'il lui plaît, elle peut encore me faire d'autres dons.
IV.—Car ce qui vaut mieux qu'Alexandrie et mieux que nulle autre richesse, c'est son amour qui m'enlèvera deuil et pleurs, qui me donnera joie convenable et me fera rester gai et joyeux. Aussi dois-je bien me réjouir et honorer davantage celle dont j'ai la faveur...
Notes:
Texte du ms. I, d'après Mahn, Gedichte der Troubadours, No611. Le texte ne se retrouve que dans le ms. K (apparenté à I) et dans Da. Voici les principales corrections que nous avons faites au texte de I:
V. 5, Eissamen manque dans le ms. V. 6, ms. neu. V. 8, ms. grat nat dolor. V. 12, ms. es foc en la ch. V. 13, ms. estreing si que uoïl uotz ment. J'adopte la correction de M. Jeanroy, Annales, XXXI, 220. V. 15, ms. que debra brusar. V. 16, ms et al.
Au v. 27, la rime paraît avoir amené la forme poc an lieu de pot. La 4e strophe est incomplète; il y a anacoluthe dans les cinq premiers vers; mais on peut l'éviter en lisant me an lieu de quem, au v. 30.
I.—Je ne puis m'empêcher de faire une chanson légère, puisque j'en ai reçu prière et commandement de mon Ereubut; car après le dommage et le mal que j'en ai eus, il convient qu'avec joie je me réjouisse et je m'éclaire; car après le chagrin si grand que j'ai souffert, je n'aurais pas de raison pour chanter cette année; mais puisque Amour parfait me démontre et m'enseigne que je ne dois pas me souvenir des maux et que je revienne à mon chant, je ferai aussitôt une nouvelle chansonnette prisée.
II.—Jamais pour rien autre je ne désirai de si bon coeur me sauver de mon plus grand tourment, mais pourvu seulement que je pusse encore servir peu ou prou celle à qui Amour m'a soumis; car tout l'autre dommage, je ne l'estimerais pas un gant, que je mourusse ou non, pourvu seulement que je puisse tellement la servir qu'il paraîtrait honorable pour elle que je me vante afin qu'elle m'anéantisse et dise non auparavant (?), mais je suis et je serai à son commandement où que j'aille.
III.—Las! que ferai-je, puisque je n'ose lui parler, mais quand je la vois, je suis comme un homme muet; et je ne veux pas que mon amour soit connu d'autrui, même si je savais être sur-le-champ empereur. Je me recommande à Dieu, [en lui montrant] comme je vais souffrant; car avec l'attente, j'en aurai autant: je ne pense pas qu'un aussi grand bonheur m'en advienne; mais où que j'aille, parfait et sans tromperie, je l'aimerai chaque année, m'améliorant tous les jours.
IV.—Car je lui ai donné mon corps et mon coeur, mon talent et mon jugement (?), hardiesse, prudence et courage, et je n'en ai retenu ni peu ni prou pour aucune autre affaire; je ne demande et ne vais désirant nulle autre chose, si ce n'est que Dieu me donne de voir l'heure et l'année où sa grande valeur fasse un tel effort sur elle que je la tienne en mes bras, et que, en l'embrassant, je contemple son beau corps tout à loisir.
V.—Ah! noble créature, courtoise et de bonne naissance, ayez pitié de moi, car me voici vaincu; je vous rends la lance et l'écu comme un homme qui ne peut plus frapper de la lance ni jeter des traits. Vos beaux yeux trompeurs qui, je ne sais comment, m'ont pris tout mon coeur, ne me réconfortent pas. Ne pensez pas que jamais château ni tour attaqués par une grande force résistent, si les assiégés ne sont pas secourus; mais pour moi cela tarde trop.
VI.—Cette chanson, je veux qu'elle aille tout droit en Aragon, au roi que Dieu veuille protéger; car pour lui sont tous hauts faits maintenus plus que par aucun roi qui jamais soit né de mère. Car ainsi va se distinguant son mérite et il se répand au-dessus de tous les autres, comme au-dessus du verger fait la blanche fleur. C'est pourquoi, quelque part que j'aille, je pousse aussitôt son cri de guerre, je vais exposant son mérite et je ne crains ni duc, ni roi, ni amiral.
VII.—Et avec ma chanson, avant que j'aille en un autre pays, je m'en vais en courant là-bas, où Joie et Mérite règnent; et je veux qu'elle l'apprenne, en accompagnant les couplets sur la viole, et puis en chantant, de quelque manière qu'on la lui demande.
Notes:
Texte de Raynouard, Choix, III, 124, reproduit dans Mahn, Werke der Troubadours, I, 139. La chanson a été conservée par quatorze manuscrits; parmi les chansons de Peire Raimon, seule celle qui commence par Atressi com la candela a été conservée par un nombre de manuscrits plus grand (dix-neuf).
Au vers 25, le texte de Raynouard donne: Per qu'ela m n'estrenha, dont le sens ne me satisfait pas; je lis, avec B et C: per qu'ela m'estenha; le sens ne me satisfait guère plus d'ailleurs; j'ai longuement hésité pour la traduction de fenher.
I.—J'ai souci et désir de faire une chanson qui pût plaire à celle dont je suis l'amant parfait: et si je pouvais réussir à le dire en belles paroles, je pourrais faire savoir que j'attends une joie plus parfaite que nul homme né de mère.
II.—J'ai mis mon corps, ma raison et mon jugement à l'honorer et à la servir, car elle est la plus belle que l'on pourrait distinguer dans le monde; je ne puis ni m'en éloigner ni en retirer mon coeur; car Amour me la fait tellement craindre que je n'aime aucune autre personne.
III.—Sa valeur, plus parfaite et plus vraie qu'aucune autre, son mérite, sa fraîche couleur, me plaisent et m'agréent; et si Amour daignait me secourir au point que ma requête amoureuse plût à ma dame, il me semble que j'aurais une joie plus parfaite que le Paradis.
IV.—Aucune autre ne peut me secourir on me guérir; plus j'en éprouve de douleurs, plus j'en ai souvenance; mais, par timidité, je n'ose lui faire entendre mes plaintes; je lui suis tellement soumis, que plus elle s'obstine envers moi, plus je l'aime sans défaillance.
V.—Il lui serait bienséant de me donner tant d'allégresse, qu'elle allégeât mon chagrin avec ses douces manières: car je lui appartiens sans tromperie; et je ne pense pas à autre chose, si ce n'est comment je ferai tout ce qui pourrait plaire à ma dame; mais cela m'avance peu.
VI.—Car je vais toujours en m'améliorant, quand j'ai plus d'irritation envers elle, et je souffre mon dommage en conservant bon espoir: et ce bel accueil, ces belles manières doubleraient mon désir, ô noble corps courtois, si tu avais de moi quelque pitié ou quelque commisération.
Notes:
Texte de Raynouard (ms. C), Choix des Poésies originales des Troubadours, III, 120. La chanson se trouve encore dans le ms. a; texte publié par Stengel, Rev. lang. rom., XLV (1902), p. 132.
I.—Au moment où la première branche fait éclore ses bourgeons, d'où naît le fruit et la feuille, et où le rossignol s'abandonne au chant, au milieu du bocage, il m'est agréable d'entendre l'écho de ce chant qu'il fait retentir dans le jardin.
II.—A un amant qui abandonne une noble femme je conseille qu'il se garde de bavardage, car les médisants au bec affilé (et ils sont habiles à faire leur tromperie) avec leurs mensonges doucereux pensent fausser l'amour parfait.
III.—Qui porte une couronne de joie, il est bien juste qu'on l'en dépouille, s'il se querelle avec sa dame ou s'il n'approuve pas tous ses actes; car Amour est si indulgent qu'il vit avec la bonté.
IV.—Jalousie m'enlève et me donne ce que j'aime et désire le plus; peu m'importe, qui qu'en grogne, puisqu'elle m'accueille doucement, ma Dame, qu'Amour partout guide et devant qui s'inclinent Mérite et Jeunesse.
V.—Si ma Dame ne me pardonne, je vivrai désormais difficilement sans chagrin; et je veux qu'on m'ensevelisse vivant, car jamais je ne lui témoignai de l'orgueil; mais il est juste que celui qui crie pitié trouve un remède à son mal.
VI.—Par toutes les terres que la mer environne, j'ai choisi, sans exagération (sans mentir?) la plus noble et la meilleure que jamais aient vue mes yeux, blanche, fraîche, colorée, et de si bonnes manières!
VII.—Là-bas, au royaume de Barcelone, se trouve l'Amour que j'ai coutume d'aimer, et qui me parle d'autre amour, que Dieu le confonde, car je ne l'accueille pas; je ne m'en séparerai pas de toute ma vie, tellement il est bien enraciné.
VIII.—Le vers a maintenant sa fin, car Gintartz d'Anton le termine (?).
Notes:
Nous donnons le texte de cette pièce d'après Raynouard, Choix, V, 326 (reproduit dans Mahn, Werke, I, 138); nous complétons le texte de Mahn-Raynouard en ajoutant la strophe V et la tornada d'après Mahn, Gedichte der Troubadours, No792 (ms. M). La pièce se trouve dans les mss. Da M R sous le nom de Peire Raimon, et dans les mss. l K d (qui forment un même groupe) sous le nom de Uc de la Bacalaria. L'attribution à Peire Raimon paraît sûre.
V. 6. Giardina ne paraît pas se trouver ailleurs que dans ce passage.
V. 9. Ascona, dard, lance; cf. sur ce mot la note de F. Michel, dans Hist. de la guerre de Navarre, de Guilhem Anelier, note à la p. 367. Le mot a existé en ancien espagnol: azcon, azcona; en a. fr. asconne; asc, lance, en anglo-saxon. On rattache le mot au germ. Esche, frêne, la lance étant souvent en frêne; cf. a. fr. fraisnine.
V. 44. Gintart d'Anton doit être le nom d'un chevalier catalan; mais je ne sais rien sur ce personnage.
I.—Puisque je vois paraître la fleur an glaïeul et que le chant des oiseaux me plaît, il m'a pris un désir de faire une chanson avec des mots agréables et une mélodie gaie; et puisque en aimant bien je m'améliore, suivant raison, je dois en faire mieux mots et mélodie; et si mon chant est agréé par ma Dame, il aura beaucoup plus de succès.
II.—Je suis sincère et franc, avec un coeur sincère et vrai, envers celle qui est belle, agréable et parfaite mille fois plus que je ne saurais le dire et elle se tient fermement éloignée de tromperie; car d'aucun suppliant félon, par qui la parfaite courtoisie est détruite, elle n'écoute l'éloge de son mérite.
III.—Et puisque Amour parfait l'attire à moi, par Dieu il ne doit pas m'en venir du dommage, car je lui suis un amoureux si fidèle que rien ne me tient tant au coeur; c'est pourquoi jamais les vils médisants—que Dieu les confonde!—ne devraient me causer quelque dommage, car chacun fait le fanfaron et dit qu'Amour est vaincu par lui.
IV.—Femme promet et femme retire sa promesse; elle se montre orgueilleuse ou accueillante; elle dit par plaisanterie et par ostentation maintes choses avec courtoisie et ses actes sont loyaux et purs, sans don avilissant; et il y a beaucoup de femmes de ce naturel, en qui Mérite parfait est accompli et d'autres où il est honni.
V.—Noble dame, sans vous jamais je ne serai joyeux ni heureux; car je suis celui qui toujours et de tout mon pouvoir exécuterai vos ordres; c'est la déclaration sincère que je vous envoie, et je vous jure que jamais homme ne fut plus loyal que moi envers amour; je fus élevé pour vous servir et j'ai quitté (pour vous) d'autres amours.
VI.—Jamais fossés ni murs ne m'empêcheront de porter ma chanson au vaillant et au preux Guilhem Malaspina, qui est le guide de la valeur, car personne ne le lui conteste.
Notes:
Texte de Raynouard, Choix, III, 122, réimprimé dans Mahn, Werke der Troubadours, I, 144.
L'envoi (str. VI), dont l'importance historique est grande pour la biographie de Peire Raimon, ne se trouve que dans le ms. D, comme l'a fait observer M.G. Bertoni, qui en donne le texte (Trovatori d'Italia, p. 14). Ce ms. D (Modène) attribue d'ailleurs la chanson par erreur à Rambertino de Buvalel. Guillem de Malaspina, à qui est adressée la présente chanson, régna de 1194 à 1220. Il fut chanté par Albert de Sisteron, Aimeric de Pégulhan, qui fit un planh sur sa mort, et peut-être par Falquet de Romans.
I.—Puisque nous voyons les bois et les bocages fleuris, et que les prés sont jaunes verts et vermeils, et puisque nous entendons le chant, le refrain et le tapage des oisillons, il convient bien que que je fabrique un chant nouveau en ce beau doux temps d'avril; et quoique les mots soient excellents, ils seront faciles à entendre pour tout le monde.
II.—Quoique je ne sache guère où déployer mon sens subtil, ferme et naturel, cependant je n'appelle pas mon savoir commun, quoiqu'encore il n'ait pas paru grand; car, comme si je trouvais écrits les beaux mots, je les accouple si bien qu'il ne me semble pas que jamais je trouve un poète semblable qui en chantant formât de meilleures paroles.
III.—Mais un gentil corps, noble et aimé—tel que jamais aussi beau ne se vit dans un miroir—pour lequel je pense, je frémis et je veille, m'a tellement plu en mon coeur que je ne m'embarrasse pas de servir d'autre objet que ma dame douce et bienveillante; c'est pourquoi, sans tromperie, je m'enracine en son amour, qui me maintient dans le désir.
IV.—Jamais homme ne fit de progrès en amour parfait comme j'en fais à propos de ma dame; et je m'affine à son service; car elle m'a pris avec un petit fil et je crois qu'en peu de temps je me dessècherai; mais je ne crains pas du tout ni les bavards ni leurs cris, tellement j'espère son loyal secours; et s'il lui plaît de me conseiller, je serai noblement orné de joie, parfaite.
V.—Mon esprit est toujours là où elle est; cela ne m'étonne pas, car aussi loin que frappe le rayon du soleil il n'y en a pas d'autre qui possède autant de bonnes qualités accomplies; et il ne semble pas qu'aucune autre puisse l'égaler en beauté, même si les autres étaient au nombre de mille; aussi je prie ma dame qu'elle ne m'avilisse pas, si mon coeur veut plus qu'il n'aurait dû.
VI.—Pour ma dame je maigris et je me dessèche, quand je ne vois pas son gentil corps noblement formé; et je serais mort de froid jusqu'an moment où mon coeur se réveilla.
Notes:
Nous avons pris pour base le texte de I (Mahn, Gedichte der Troubadours, No942); nous avons corrigé plusieurs passages à l'aide de c(a); la chanson se trouve encore dans les mss. Da K R.
Voici les corrections que nous avons introduites dans le texte:
V. 3, eill I; v. 4, auzels los I; v. 13, don I, com a; trop aues critz I, fi trobau escritz a; v. 15, j'ai I; c et a ont omis ce vers; v. 18, bel I; non vic a; v. 19, fremics I, fremisc a; v. 21, non m. I, no membrec a; v. 24, que I; v. 28, texte de a (sauf me sec que nous changeons en m'eisec), don non par que me fec I; v. 29, gen. cen I, pero non tem parlers meriz a, ni criz c; v. 32, qen I, gent a; v. 36, non regna a; v. 40, s. m. c. v., q'autra non dec c; v. 42, formatz I.
Les strophes se correspondent deux par deux (1, 3. 5; 2, 4); les rimes en ec sont en e fermé; au v. 37, si la leçon s'ec de s'egar (se acquare) est la bonne, le changement d'e ouvert de egar, en e fermé pourrait être dû à la rime; les confusions de e fermé et de e ouvert à la rime ne sont pas rares chez les troubadours.
V. 12. Ce vers pourrait laisser entendre que le talent de Peire Raimon est encore peu connu et cette pièce pourrait être de la jeunesse du poète.
V. 21. Du verbe s'embregar; vers cité par Raynouard, Lex. Rom., II, 256.
V. 28. Nous rattachons eisec au verbe eisegar, formé sur sec, quoique la suite des images ne nous satisfasse pas; si on garde sec et qu'on se rattache à segar, on a encore ici une rime en e ouvert.
V. 37-38. Mêmes expressions dans deux passages cités par Raynouard, Lex. Rom., III, 136 (P. Bremon et Arnaut Daniel).
V. 44. Esperec, parf., 3e p. sing., de espereisser: autres formes esprec, espric, esperic. Cf. Levy, Suppl. W., au mot espereisser.
I.—Si j'étais heureux en femmes et en amour, de toute autre richesse je serais suffisamment riche; mais les médisants mauvais m'enlèvent joie et chant. Aussi suis-je si irrité qu'il s'en faut de peu que je ne meure presque désespéré; et pourtant c'est de la folie de s'irriter pour les fautes d'autrui.
II.—Mais la faute est grande pour tout médisant qui se met à aimer [une personne] dont il ne sera jamais loué; car le mensonge et la ruse enlèvent l'honneur et causent du dommage, par suite de quoi maint homme preux et pressé (?) est déshérité. Ah! Dieu, pourquoi consens-tu qu'on supporte les torts dont on n'est pas coupable?
III.—Ce ne sont ni les vergers, ni les fleurs, ni les prés qui m'ont fait poète, mais c'est vous, vous que j'adore, dame, tellement vous me mettez en joie (ou: si vous me mettez en joie?); car cette année je n'aurais pas chanté, mais votre gentille et agréable personne et votre grande beauté me plaisent tant qu'avec mille serments sincères je ne saurais vous témoigner mon amour.
IV.—Si ma parfaite amitié avait pour vous assez de saveur pour que je fusse proclamé votre serviteur, j'aurais bien moins de chagrin, car je ne demande pas autre chose. Et un riche don accordé est loué et prisé par les connaisseurs beaucoup plus que par les médisants déplaisants.
V.—Dame, je désire que vous sachiez que votre fine couleur, votre intelligence et votre distinction et votre mérite honoré me font faire maints soupirs de désir; aussi je vous envoie que je suis votre serviteur, comme un serf acheté; et celui qui détruit son propre bien, il ne semble pas que ce soit là un bon accroissement.
Notes:
Texte de c avec les corrections indiquées par Stengel (Die altprovenzalische Liedersammlung c, NoCXVII). Nous avons fait, en dehorsdes changements purement orthographiques (lz pour z, s, z pour ç), les corrections suivantes: v. 8, c'ab pauc manque dans le ms.; v. 20, ms. borç (l. tortz), malmenenç (l. malmerenç); v. 26, ms. plesan (l. preisan). Au v. 46, nous lisons q'eus an lieu de q'eu. Au v. 49, faut-il entendre lo sieu comme un neutre ou le faire rapporter à serf?
I.—Il m'en prend comme à celui qui a servi son seigneur longtemps et qui le perd par une petite faute, parce que j'avais exécuté loyalement les commandements de ma dame et d'amour; mais pour cette faute ma dame ne devrait pas, s'il lui plaisait, me reprendre ni me vouloir du mal; cependant je sais que plus un homme est sage, mieux il devrait se garder de faillir.
II.—J'ai tant de souci de sa réputation et de sa parfaite valeur (morale) et j'ai tant à coeur d'accomplir tous ses désirs, et (d'autre part) les médisants me font tant peur que je n'ose me plaindre d'elle ni découvrir et montrer le fond de mon coeur; mais tous les jours je lui donne mille soupirs comme rente; voilà la faute dont je suis coupable envers elle, c'est d'avoir osé l'aimer si parfaitement.
III.—Et s'il lui plaisait de me faire tant d'honneur qu'elle et amour me laissassent considérer en soupirant, à genoux et en suppliant humblement, son beau corps gai, bien formé, avenant, son doux regard et sa fraîche couleur, je crois bien que jamais ne me manquerait aucun bien. Car son amour m'a si bien enlacé et pris que je ne pense pas à autre chose et que je n'en peux éloigner mon coeur.
IV.—Je ne suis ni assez puissant ni d'assez haute naissance pour qu'il me convienne de lui témoigner mon amour, mais quand l'homme puissant accueille gentiment ses inférieurs, il double sa renommée et augmente sa réputation; aussi mettrais-je ma dame en haut renom, si elle voulait me témoigner quelques égards, car dans le monde entier il n'y a pas d'autre créature qui sans elle pût me donner la joie.
V.—Je sais que sciemment je fais une folie, pour avoir mis en elle mon affection, mais je ne puis faire autrement; plus je vais la fuyant, plus je la désire et plus je double ma douleur. Ce qu'on veut fortement, on ne peut l'oublier; si, après cent maux, j'avais un bien d'elle, je serais bien riche, et si seulement cela lui plaisait, j'irais rapidement devant elle lui crier pitié.
VI.—Que Dieu protège sa grande beauté, son gentil corps, jeune et frais, son grand mérite, sa réputation, ses propos courtois, car aucun bien n'y manque, sauf un peu de pitié, car si elle en avait, on ne lui trouverait pas sa pareille.
VII.—Chanson, va-t-en vite dire et raconter (tout ceci) à Auremale et dis-moi au preux marquis Messire Colrat qu'en lui il y a tant de qualités qu'on doit l'appeler Sobretotz (Au-dessus de tous).
Notes:
Texte de Raynouard, V, 223, reproduit dans Mahn, Werke der Troubadours, I, 136.
A la strophe VII, il s'agit du marquis Conrad de Malaspina; Auramala était un fief de la famille de Malaspina. Conrad succède à Guilhem de Malaspina en 1221.
Au v. 26, le ms. G a taisses (avec signe d'abréviation de n sur i) au lieu de tanhes, et le ms. a taisses (= taisses).
I.—Je suis semblable à l'enfant qui a été élevé tout jeune dans une noble cour et y a été honoré de son seigneur; puis, devenu grand, il la quitte et en cherche une meilleure; il ne peut la trouver et se croit trompé; il veut s'en revenir, mais il n'a pas assez de hardiesse; je suis semblable à lui, car je quittai follement celle que je remercierai de s'en venger, pourvu qu'elle veuille me supporter près d'elle; je ne désire pas autre chose.
II.—Elle peut bien s'en venger, de moi, car j'étais devenu fou. Mais un homme fou, disent les auteurs, ne sera pas condamné pour le mal qu'il fait et il ne sera pas juste de le punir, tant que la folie le tient bien; mais quand la folie lui aura passé, il sera condamné, s'il commet une faute, ou s'il en avait commis quelqu'une auparavant. Et si jamais j'en ai commis une, je vous le dis en vérité, et elle sait que je ne mens pas, qu'elle me fasse languir éternellement.
III.—Elle peut bien le faire et béni sera le mal; je supporterai silencieusement chagrin, peine et douleur et tout cela me semblerait bien doux; mais qu'elle remarque bien qu'il ne convient pas et qu'il n'est pas avenant pour sa bonne renommée en fleur de prendre vengeance de tous les méfaits; pardon vaut mieux et mérite mieux la louange et celui qui le reçoit en devient meilleur pour servir.
IV.—Je serais meilleur pour servir; Pitié et Amour m'auraient guéri, si ma dame inclinait son orgueil au point de m'envoyer ici des «saluts» écrits en forme de lettre; mais je suis trop fou, quand je lui mande cette pensée de m'adresser ici (ses saluts); qu'elle supporte seulement que j'aille vers elle, mains jointes, obéir à tous ses ordres, qu'il lui plaise de me faire vivre ou de me faire mourir.
V.—Je ne fus ni tué ni trahi par son ordre, [mais je fut pris de tristesse depuis le jour où] je me séparai de celle qui est la fleur du monde et qui m'avait élevé. Après l'avoir quittée, je fus dans une telle tristesse que je serais mort, si ce n'était la joie qui espère en la pitié, parce qu'elle me dit à mon départ en pleurant: «Que Dieu te laisse revenir!»
Notes:
Texte de Appel, Provenzalische Inedita, p. 248, d'après les manuscrits I et K, qui se ressemblent. V. 7, je mets une virgule après sofrir; v. 11 et 12, j'adopte les corrections proposées par Appel: v. 11, tan au lieu de tro (et que·l pour que llo), v. 12, ni au lieu de n'es; ces corrections paraissent assurées. V. 13, j'écris: quant n'er for, au lieu de n'es des mss; v. 15, mss. il saup lo ver, fatz om... Appel propose: E·n... fassa·m; j'adopte fassa·m, mais je garde il saup sous la forme du présent: il sap; v. 19, l. patz? V. 19: mss. petitz; il faut une rime en -or; j'adopte doussor avec Appel. V. 20, lire: que·l seus bos pretz floritz? Mais au v. 38 on a jauzimen au lieu de jauzimens à cause de la rime; peut-être ici aussi la rime a amené floritz. V. 28, salutz en breu escritz: saluts (saluts d'amour, au sens de genre poétique ou saluts tout court) écrits en lettre, en forme de lettre; cf. J. Rudel, Senes breu de pergamina (Quan lo rius). v. 27: mss. s'omielis tant sa gran ricor; Appel propose de lire granda, ce qui me paraît peu probable; je propose midons avec suppression de tant. V. 30, la leçon du ms. ne me satisfait pas; c'est la répétition du v. 28; on attendrait: «Je suis trop fou d'avoir une telle pensée» (il faudrait lire: ai tal pensamen); «je ne lui demande pas cela» ou «je ne demande rien de sa main, mais qu'elle souffre seulement...»; man me paraît devoir être changé en: mas (sofra solamen); v. 31, [quez an] ver [s] leis? Appel: Ans vuelh; v. 34-35, le sens des vers manquants paraît être: «Je fus saisi d'une profonde tristesse depuis le jour (depois cel di?)» etc. V. 39: la joie qui attend la pitié, qui attend, qui espère de la pitié.
Cette pièce a été imitée par le grand poète valencien Auzias March: Nom pren axi com al petit vaylet. On trouvera cette poésie à la fin de l'édition.
I.—J'entends dire toujours qu'une joie en amène une autre; c'est pourquoi je ne veux jamais m'éloigner de la joie; car je suis né avec la joie, et, où que je me retourne, je suis et serai avec la joie: c'est ainsi que je me suis conduit dans ma vie; et si je pouvais avoir joie parfaite de celle en qui j'ai mis mon amour, joie que je désire le plus, je serais bien plus heureux; car une joie double est chose précieuse et supérieure; et à qui suit la joie, joie lui vient sans aucun doute.
II.—Aussi me suis-je soumis et rendu à l'amour parfait et à celle que je désire; car avec perfection mes yeux m'ont fait choisir la belle qui est fleur, miroir, lumière, chef et guide de toute perfection; et depuis que si gentiment elle m'a blessé d'un regard amoureux, je ne me souviens pas d'autre chose et aucun autre bien n'eut pour moi de saveur.
III.—Noble dame, votre haut mérite connu de tous, vos manières, votre accueil si aimable et la bouche dont je vous vois rire si gentiment m'ont tellement vaincu que souvent je deviens muet et que lorsque je pense bien parler je perds le sens; c'est avec crainte qu'on cherche un beau don, aussi suis-je craintif; mais j'entends dire qu'un homme avisé conquiert parfois maints biens en supportant avec espoir des souffrances.
IV.—De vous aimer je ne serai jamais fatigué; car cet amour m'est cher mille fois plus que je ne saurais dire; et s'il vous plaisait de vouloir souffrir que je vous aime, mon coeur parfait ne serait jamais fatigué de vous servir loyalement; au contraire il me semblera que la fatigue serait la même pour nous deux; et ce sera une grâce si pour tant (de patience) il m'est fait un don, car mon amour ne diminue ni n'hésite.
V.—Mais il ne convient pas à un parfait amant de soulever une querelle; il doit cacher les sentiments de son coeur, accepter avec reconnaissance le bien et le mal qui lui vient d'amour; car avec des qualités courtoises un homme est tenu pour excellent; et qu'il se garde bien de faire sciemment quelque faute, car d'un bon lieu vient une bonne récompense; et si galanterie et courtoisie n'existaient pas, il n'y aurait ni mérite, ni service d'amour ni honneur.
VI.—Dame, si je me suis adressé (?) à vous, c'est pour que vous me donniez conseil, car il s'en faut de peu que l'amour parfait que je vous porte et mes profonds soupirs ne causent ma mort; et si vous connaissiez mon coeur, il me semble bien que vous en auriez de la joie, car il ne consent à aucun autre amour; et ma bonne raison ne peut me séparer ni m'éloigner de vous, tant votre image gaie m'est au fond du coeur.
VII.—Dame Béatrix d'Est possède mérite et valeur, beauté, joie et jeunesse, sans nul défaut, et toutes belles qualités et toutes belles manières; jamais Dame ne sera ni ne fut avec tant de qualités sans aucun défaut.
Notes:
Texte du ms. c, d'après Stengel, Die altprovenzalische Liedersammlung c, NoCXXI. Nous avons fait quelques changements purement orthographiques: nous rendons ç du ms. par tz ou simplement z (après une nasale). Ex. ms. toç, aduç = totz, adutz; ms. amanç = amanz. A l'intérieur des mots nous rendons ç par ss, s ou z, suivant les mots: doplança = doplansa, graçir = grazir, etc. Nous rendons z final du ms. par tz: ms. renduz = rendutz. Quelques variantes sont empruntées au ms. U, publié dans l'Archiv für das Studium der neueren Sprachen, XXXIII, p. 421.
Enfin nous avons fait quelques corrections, qui sont les suivantes: v. 5, ms. jor, corr. joi (avec Stengel); v. 30, ms. sos plagues co volgressetz (sis... volgressetz U), Stengel a déjà corrigé sos en sius; v. 17, ms. non; v. 37 leu (au lieu de leve) c et U; faut-il écrire brug ou brugz? Probablement la première forme (bruç c/b>, bruz U); v. 53 non per c, nom pot U.
V. 18. Le second hémistiche paraît une répétition du premier hémistiche du vers précédent; il vaudrait peut-être mieux donner à membransa son sens assez ordinaire d'intelligence, jugement (cf. v. 19); mais dans ce cas le double sens du mot, qui est peut-être dans l'intention du troubadour, n'apparaît plus.
V. 26. Ms. e sazos.
V. 58. Il s'agit de Béatrix d'Esté, fille d'Azzo VI, marquis d'Esté, née en 1191. Après avoir vécu dans le monde elle prit le voile entre 1218 et 1220 et mourut en 1226. Elle a été chantée par Rambertino Buvalelli, Aimeric de Pégulhan, Guilhem de la Tour, Falquet de Romans. Cf. Bergert, Die von den Trobadors genannten oder gefeierten Damen, p. 81.
I.—Tu n'as aucun talent, Peire Raimon, et ton esprit est vil; ton savoir ne vaut pas deux deniers angevins parmi les gens bien élevés; je tiens pour ignorant celui qui te fait du bien ou te donne des honneurs; et sache que je ne te donnerai rien, quelque besoin que tu en aies, mais (je te donnerai) parce que tu es venu ici pour moi.
II.—Seigneur, vous êtes mou et lâche an milieu de vos voisins; le pain et le vin nous manquent, ainsi que l'or et l'argent; mais moi, mon talent est noble, si vos paroles sont méchantes; et si j'ai jamais quelque chose de vous, jamais, auprès de quelque homme que ce soit, jamais, dis-je, je n'essuierai de refus.
III.—Pierre, mon sens me fut peu utile, quand je vous provoquai à une tenson; car votre talent est parfait, vous êtes distingué et aimable; votre équipement (?) est grand (votre préparation est grande?) et les chants sont agréables; et il n'y a pas de jongleur qui fît des folies aussi tard, ni qui fît plus tôt de bons discours.
IV.—Vous êtes si large et si bon connaisseur que vous donneriez en deux matins tout l'avoir de Paris; Joie et Jeunesse vous plaisent, seigneur, et votre hardiesse est grande, où vous faites mainte entreprise; je ne connais pas d'homme plus affable que vous, et si jamais j'ai dit du mal de vous, que tout le monde sache que j'en ai menti.
V.—Voyez le misérable truand qui s'est imaginé que je me moquais de lui et que je louais et que j'approuvais ses mauvaises façons d'agir. Si jamais un bon propos lui passa par les dents, je veux que jamais celle que j'aime ne m'embrasse; et s'il a dit du mal de moi par ressentiment, je lui pardonne, car il y renonce.
VI.—Misère et ennui sont logés toute l'année chez vous; et celui qui vante votre conduite sans énergie ainsi que votre avilissement, celui-là montre bien comment il est connaisseur; et celui qui vous honore n'y gagne rien; pour moi je vous ai tant honoré que je le regrette; et plus je vous honorerais, plus j'y perdrais.
Notes:
Texte de O publié dans l'Archiv für das Studium der neueren Sprachen, XXXIV, p. 382. En dehors de quelques changements simplement orthographiques, nous avons corrigé les passages suivants: v. 2, ms. Peire; v. 3, ms. ameunis, l. anjevins (déjà corrigé d'ailleurs par Raynouard, qui a publié la première strophe de cette composition, Choix, V, p. 101; v. 5, ms. tengi; v, 18, l. anc mon jorn?; v. 35, ms. raal; v. 49, ben, l. e·ls? Levy, Suppl. W. (envelzimen), se demande si on pourrait changer ben en beu; mais cela ne servirait à rien; v. 52, ms. onre; la correction onrei est de Levy, Suppl. W., Mescazer.
Bertran de Gourdon, seigneur de cette ville, fait hommage de cette ville à Philippe-Auguste en 1211 et à Simon de Montfort en 1218. Il tensonna aussi avec le troubadour Mathieu de Quercy (texte dans Kolsen, Dichtungen der Troubadours, No44), qui lui reprocha d'avoir vendu sa ville. (Cf. Hist. Gén. Lang., X, 340.) La tenson de Peire Raimon est sans doute antérieure à 1211.
I.—J'ai au coeur un nouveau chagrin, qui me donne grand souci et dont je fais maint pénible soupir; et j'en ai souvent mon coeur plus gai et je me garde mieux de faire déplaisir; je m'efforce de me bien tenir, quand je vois que c'est le lieu et le moment; et celui qui est bon quand et comme il veut, doit bien avoir plus d'honneur.
II.—Je crois qu'un grand bonheur échoit à celui qui sait souffrir en paix son malheur ou qui sait cacher habilement maintes fois ce qui ne plaît pas à son coeur; et pour celui qui sait se modérer pour faire et pour dire ce qu'il ne faut pas, son compte (= son bénéfice?) ne diminue nullement; c'est pourquoi on ne doit pas se hâter de faire grande desmesure (orgueil).
III.—Je sais désormais que ma dame fait, sans mentir, grande desmesure, puisqu'elle me fît venir ici vers elle et qu'elle me retire maintenant ce qu'elle m'a promis; celui qui n'est pas accoutumé à avoir grand bien sait supporter plus facilement sa misère; tel est beau et bon, à qui le malheur est plus pénible, quand il se souvient du bonheur.
IV.—Le bonheur et la joie parfaite et sincère, je les eus de ma dame quand je la quittai. Je ne suis pas parti, c'est pourquoi je m'irrite, parce qu'elle ne fait à mes prières que de dures réponses. J'irai tomber à ses pieds, s'il lui plaît qu'elle daigne vouloir que je fasse d'elle mes chansons, car pour moi je n'ai pas le courage de placer en une autre mon espérance.
V.—J'espère bien, pour le chagrin que j'en ai, que ma dame daignera me conserver; car, à mon avis, il n'y en a pas et il n'y en eut jamais d'autre qui soit si belle sous le rayon du ciel; je lui demande en suppliant de me secourir; car je sais, suivant ma connaissance, qu'avec les meilleurs on devient bon; et d'ailleurs il est assez juste que l'on ait la joie du parfait amour.
VI.—Mains jointes et à genoux, je me rends devant vous, qui êtes belle et distinguée, dame à l'accueil si gai.
Notes:
Texte de Raynouard, Lexique Roman, I. 334. Parnasse Occitanien, p. 29. Au v. 14, Raynouard a sobritas pour sobriras; cf. Levy, Suppl. W., sobritas.
La tornada est empruntée au ms. c (Stengel, Die altprov. Liedersammlung c, Nocxv); je ne connais pas le texte des autres manuscrits; elle s'y trouve sous la forme suivante:
Humils mans joingç de genoillos
Maren a vos qeç bel e pros
Domna de gaia semblança.De plus, le ms. c a, comme fin de la strophe V, le texte suivant:
Qeu conosc segon mon saber
Qe pauc conqer hom nuaillos
E ual trop mais bes per un dos
Car compraz qe qa senança.Il est possible que la pièce de Peire Raimon ait eu d'abord six strophes et que nous ayons, dans le texte de c, la fin de la sixième.
I.—Peire Bremon [Bartsch, 355, 11].I. Pois lo bels temps renovella II. Gen renovellet la bella III. Tant l'am qe·l cors me travella IV. Grat li·n sai qar es isnella V. Pretz fins fai Audiart valent |
I.—Puisque le temps «nouveau» (le printemps) revient et fait de nouveau reverdir tout ce qui existe, je veux dire de nouveau qu'un nouveau désir m'appelle et me dit que je chante à nouveau d'un gentil corps nouveau (jeune) avenant, à qui je me suis de nouveau fermement attaché, car je suis par lui de nouveau renouvelé.
II.—Elle renouvela gentiment, la belle, mon gentil coeur, an gentil accueil qu'elle me fit; c'est pourquoi je réfléchis aussitôt combien gentiment la valeur parfaite la guide et comment avec un gentil accueil elle m'a tiré gentiment du corps mon coeur parfait. Sans querelle, je la repousse gentiment, car si jamais plaisir d'autrui me plut, maintenant il ne me plaît pas, quoiqu'elle me lie avec un gentil lacet.
III.—Je l'aime tant qu'Amour traverse mon corps et me fait languir le coeur. Et si Amour me veut faire mourir en aimant, puisqu'il me martelle ainsi, il peut le faire, tellement je l'aime fermement celle qui, par suite de mon amour, me détruit et m'enlève la raison; car tous deux (c'est-à-dire moi et ma raison) nous l'aimons à pleins traits; je l'aime tellement avec grain (?) sans récompense que je m'enferme avec la paille (?).
IV.—Je lui sais gré d'être aimable (vive?), de savoir plaire aux bons et de savoir faire valoir son mérite agréable; je lui sais gré aussi de me leurrer ainsi, car si je trouve auprès d'elle une pitié reconnaissante, elle en aura la récompense; et pitié également (aura sa récompense?) assurément (?), si elle enduit de reconnaissance celle où siège la joie, par qui reluit avec reconnaissance le noble mérite honoré.
V.—Noble Mérite fait la valeur d'Audiart du Baux, d'elle et de lui également, où je pense assurément (?) que le mérite certain s'est établi et par qui vit le Mérite honoré.
Notes:
Cette chanson ne se trouve que dans les manuscrits T et c; la rareté des rimes en ui et l'emploi du vers de deux syllabes, joint à la recherche de l'allitération, sont des causes d'obscurité. Un mot comme trui, qui est employé deux fois, n'apparaît que dans cette pièce.
Nous empruntons le texte à Appel, Provenzalische Inedita, p. 246. Nous nous en éloignons, en dehors de quelques changements purement graphiques, sur plusieurs points.
V. 9, Gen au lieu de Ben; v. 10, nous lisons cor al gent acuillir avec T; v. 13-14, nous lisons ab gen acuillimen... m'a (au lieu de ma) et trait au lieu de trai (ms. c trag); v. 15, Appel met entre parenthèses sens brui refui gen; v. 23, ples c, pleis T (peu lisible); nous maintenons ples et nous entendons: «tirant à pleins traits»; v. 27, nous lisons e·s fa'gradan (= agradan); v. 31, mss. latz; jatz prop. Appel; v. 33, Apres fins naudiarc T, A pres fins fai neudiarc c; nous gardons fai en supprimant a; v. 35, en certatz c; enteratz T.
Il est probable que la pièce n'est pas de Peire Raimon. Le ms. T la lui attribue, mais le ms. c l'attribue à Peire Bremon [Note: Peire Breumon dans le ms.] Ricas Novas; et il semble bien qu'elle doive être attribuée à ce dernier, car dans une pièce du même, conservée par le ms. Cámpori [Note: Studj Fil. romanza, VIII, 458.], il est question aussi d'Audiart del Baus, tandis qu'il n'est pas question de la même personne dans les autres poésies de Peire Raimon.
Audiart du Baux, qui est nommée plusieurs fois par les troubadours [Note: Cf. Bergert, Die von den Troubadours genannten Damen, pp. 62-65.], était l'épouse de Bertran du Baux et mourut en 1257. C'est peut-être elle que chanta Pons de Capdeuil aux environs de 1220, date où elle était encore fort jeune [Note: Bergert, ibid., p. 63.].
On pourrait alléguer en faveur de Peire Raimon qu'une au moins de ses poésies (Ara pos iverns) rappelle la manière de celle-ci (même recherche des mots rares), que la comparaison du glueg (chaume) et du gran (grain) s'y retrouve, et que, dans une pièce d'Uc de Saint-Cyr, cette recherche et cette subtilité lui sont reprochées [Note: Ed. Jeanroy-De Grave, No XXVII, XXIX.]. De plus, il n'y aurait rien d'extraordinaire à ce que Peire Raimon, qui a séjourné en Italie, qui a chanté le comte de Savoie et le marquis de Malaspina, ait eu l'occasion de séjourner à Marseille et d'y chanter Audiart du Baux.
Mais la tornade de la pièce du ms. Cámpori paraît trancher la question en faveur de Peire Bremon; car elle est rédigée à peu près dans les mêmes termes que la tornade de la présente composition. La voici:
N'Audeiart del Baus certana
Valors e fin[s] pres certans
Fan vostre[s] faigz sobeiranz
E vos de pretz sobeirana.V. 7, De novel serait en faveur de Peire Bremon, car il nous reste une autre chanson de lui adressée à Audiart. V. 24, le vers n'est pas clair; il y a opposition entre le grain et la paille, comme dans la pièce de Peire Raimon: Ara pos hiverns (E mant hom pert lo gran el glueg, v. 21). Doit-on entendre: «Je l'aime tellement que je m'enferme avec le chaume, avec grain sans récompense; au lieu d'avoir le grain (le profit réel), je me contente de la paille avec ses balles, sans grain, c'est-à-dire sans récompense réelle?» Au v. 23, Appel entend: «puisque tous deux l'aiment (l'Amour), Amour prit (pres) en trompant les trompés.» (Ap. Levy, Suppl. W., IV, 139(a).) Cette interprétation ne me paraît pas probable pour de multiples raisons. J'entends: «à pleins traits tirant»; il s'agirait d'une expression populaire (comme l'opposition entre le glui et le gran) se rapportant aux chevaux tirant à pleins traits, à plein collier. Trui (v. 31, 35) ne paraît pas se rencontrer ailleurs qu'ici. Levy (Petit Dict.) traduit: sen trui, assurément, avec un point d'interrogation. Faut-il rattacher le mot à un hypothétique truchar [Note: La forme trucar, truchar existe, mais avec le sens d'échanger, troquer; est-ce à ce mot qu'on peut rattacher trui pour truch?] pour trichar? Tric, substantif verbal de trichar, existe: truch, trui aurait pu être formé sur le modèle de mots comme refug, refui, estuch, estui.
Voici d'ailleurs un exemple de Sordel qui paraît contenir la même expression:
Ses truc Val mens c'om mort en taüc. (Sordel, Non pueis.)
Raynouard, qui cite cet exemple (Lex. Rom., V, 436(a)), traduit ainsi: «Sans choc il vaut moins qu'homme mort en bière»; mais je ne crois pas qu'il faille traduire avec cette précision: je serais disposé à voir ici l'équivalent de ses trui, ou sens trui.
II.—Auzias March.I. No·m pren axi com al petit vaylet II. Com se farà que visca sens dolor, III. Yo son aquell qui'n lo temps de tempesta. IV. Plena de seny, leigs desigs de mi tall; (Ed. A. Pagès, t. I, p. 401). |
I.—Il ne m'en prend pas comme au petit écuyer qui va cherchant un seigneur qui lui fasse fête, en le tenant chaud au temps de la froidure et frais en été quand la chaleur arrive, prisant fort peu le mérite du seigneur et concevant mépris pour sa manière (de vivre?), voyant parfaitement qu'il suit une mauvaise route (en essayant) de changer sa situation pour une situation plus élevée.
II.—Comment pourra-t-il se faire qu'il vive sans douleur, ayant perdu le bien qu'il possédait? Il le voit parfaitement, s'il n'est pas fou, que jamais il ne pourra avoir un état meilleur. Donc que fera-t-il, puisque il ne lui reste pas d'autre bien que de pleurer le bien du temps perdu? Voyant très bien qu'il est trompé par lui-même, jamais il ne trouvera personne qui le traite mieux.
III.—Je suis celui qui, au temps de la tempête, quand les plus nobles festoyent auprès du feu et que je puis avoir près d'eux leurs propres jeux, vais sur la neige, pieds nus et tête nue, servant un seigneur qui jamais ne fut vassal et à qui ne vint jamais l'intention de faire jamais hommage. A l'égard de toute malhonnête action j'ai eu le coeur sauvage; je dis seulement que bonne récompense ne me manque pas.
IV.—Pleine-de-sens, je coupe en moi les vilains désirs; des mauvaises herbes ne croissent pas en mon rivage; qu'il soit entendu que dans mon coeur les pensers ne descendent pas bas.
Notes:
Cette pièce n'est pas une imitation à proprement parler de la pièce de Peire Raimon; mais l'inspiration, surtout dans le premier couplet, est évidente. Il semble d'ailleurs qu'il y ait d'autres souvenirs de troubadours, peut-être de Peire Vidal. Les derniers vers rappellent aussi la fin de la pièce de Peire Raimon: Enquera·m vai recalivan.
M. Pierre Vidal, bibliothécaire de la ville, à Perpignan, a bien voulu m'aider à interpréter quelques passages de ce texte; je lui en exprime mes meilleurs remerciements.
abnegar, abandonner, III, 30.
afrevolir, devenir faible, VI, 34.
aib, qualité, XVI, 40, 57.
aizinar (s'), habiter avec, X, 18.
al, autre chose, I, 27.
amela, amande, IV, 67.
amiran, amiral, VIII, 81.
angevin, monnaie angevine, XVII, 3.
apilar (s'), s'enraciner, XII, 23.
arezamen, équipement, XVII, 23.
ascona (bec d'), bec affilé, X, 9; voir la
note.
autor, auteur, juriste, XV, 10.
auzello, oiselet, XII, 4.
avondar, aider, être utile, XVII, 18.
baduelh, sot, fanfaron (?), X, 32.
bai, baiser, I, 42.
balansar (se), balancer, hésiter, XVI, 36.
basto, lance, VIII, 59.
bauzia, tromperie, IV, 29.
belhaire, plus belle, IX, 13.
biaissar (se), se détourner, V, 39.
bobans, orgueil, XI, 30.
breu, lettre, XV, 28.
broil, forêt, X, 4; XII, 1.
brot, branche, III, 1.
brotonar, produire des boutons, X, 1.
brug (levar), faire du bruit, XVI, 37.
brui, bruit, IV, 64 (à la rime).
brui, bruit, querelle? App., I, 15.
bureu, bure, II, 39.
calandra, alouette calandre, VII, 1.
candela, chandelle, IV, 1.
capdoil (auzor), sommet, V, 37.
cenher, entourer, VIII, 53.
chaitiveza, misère, XVII, 46.
chanso, VIII, 1; IX, 2; XI, 3; XIV, 41; XVIII, 34.
chansoneta, chanson, VI, 52.
chantador, chanteur, poète, XIII, 22.
chantar, chant, XVII, 24.
chantaret, chansonnette, VIII, 14.
chausimen, pitié, I, 7; V, 33.
chauzir, choisir, voir (?), II, 19.
chauzir, remarquer, V, 43.
cobletas, couplets, VIII, 90.
cochat, pressé (?), XIII, 18.
cor (aver en), désirer, VI, 41.
cor (aver a), avoir à coeur, IV, 48.
cor (aver), désirer, XIV, 12.
corduelh, chagrin, X, 26.
cort, cour, IV, 22.
derrier, dernier, VI, 49; cf. la note sur ce
mot.
descort, I, 1.
dieta, diète, VI, 33.
duc, VIII, 84.
egar (s'), s'égaler, XII, 37.
eisegar, dessécher (?), XII, 28.
embregar (s'), s'occuper, XII, 21.
enfoletir, devenir fou, IV, 42.
ensenhamen, perfection, XVI, 14.
envelziment, avilissement, XVII, 49.
escarnit, trompé, XV, 4.
escut, bouclier, VIII, 59.
escoil, manières, conduite, V, 14.
espelh, miroir, XII, 18.
essay, manière, XI, 31.
estam, chaîne de tisserand, III, 10.
estenher, éteindre, VII, 13; confondre
(?), VIII, 25.
estraire (s'), renoncer à , v, 45;
prét., 3e p. sg.,
estrais (à la rime), IX, 15.
estrenher, diminuer, i, 47; étreindre,
VII, 15.
estujar, cacher; ind. prés., 1e p. sg.,
estui
(à la rime), IV, 69.
fadenc, homme fou, III, 20.
fades, folie, II, 37.
faidit, exité, XI, 45.
fenher (se), se vanter (?), VIII, 24.
fossat, fossé, XI, 46.
gab, plaisanterie, XI, 30.
gems, gémissements, III, 15.
genolhos (a), à genoux, XIV, 18.
genolhos (de), à genoux, XVIII, 46.
giardina, jardin, X, 6.
glay, glaïeul, XI, 1.
glui, chaume, III, 21; App., I, 24.
gran, grain, III, 21; App. I, 24.
groc, jaune, XII, 2.
gronir, grogner; subj. prés., 3e p. sg.,
grona, X, 41.
jangluelh, bavardage, X, 8.
joglar, jongleur, XVII, 25.
jornal, journée, V, 2.
languiar, alanguir, VI, 23.
lec, désireux, XII, 24.
lipaudes, flatteur, II, 33.
maestril (mot), excellent, XII, 7.
magrezir, maigrir, VI, 45.
malestan (mot), qui ne convient pas, VI, 53.
malmerenz, coupable, XIII, 20.
mecina, guérison, X, 30.
melhorar, s'améliorer, I, 50.
membransa, pensée, ix, 42; souvenir,
XVI, 18.
metge, médecin, II, 5; VI, 5, 21.
mirail, miroir, XVI, 13.
mot, parole, XI, 4, 7.
motz (bons), paroles, XII, 14; XVII, 41.
non (dire), VIII, 26.
ocaizonar, reprocher, XIV, 5.
om, homme lige, XIII, 34.
ostal, maison, V, 2.
paratge, noble origine, IV, 51; XIV, 25.
pareisser, paraître; prét., 3e p. sg.,
parec, XII, 12.
parlador (mal), médisant, XIII, 12.
parlamen, parole, I, 46; V, 12.
parlier, bavard, XII, 29.
parlier (malvais), médisant, XIII, 40.
pec, sot, maladroit, III, 6.
pitansa, pitié, IX, 54.
playssadenc, haie, III, 4.
poc (à la rime), forme du prétérit, 3e
p. sg.,
en fonction de présent, VII, 27.
premer, tourmenter, III, 39.
presset, sorte de laine, II, 40.
ramenc, qui vit dans les branches, III, 12.
ras, privé de, III, 24.
recalivar, brûler, VI, 1.
recreire, se fatiguer; recreia, subj.
prés.,
1e p. sg., IV, 18 (à la rime).
recrezut, fatigué, XVI, 28.
refrim, refrain, XII, 3.
renc, royaume, X, 37.
renhar, vivre, III, 32.
repondre, ensevelir, X, 27.
resis, sans énergie, XVII, 48.
retindida, écho, X, 5.
rossinhol, X, 3.
salamandra,VII, 10.
salut, salut d'amour,XV, 28.
saya, laine, II, 40.
sems, privé de, III, 23.
senha, cri de guerre, VIII, 81.
serf, XIII, 48.
servire, serviteur, IV, 26.
so, mélodie, I, 1; XI, 4, 7.
tafur, vil, XI, 23; traand, XVII, 37.
talan, désir, I, 16.
tanher, convenir; imp. du subj., 3e p. sg.,
tanhes et
taisses, XIV, 26; cf. la note. Prét., 3e p.
sg.,
tais, V, 23 (à la rime).
tener (se) sobre ira, se modérer, XVIII,
14.
ters, dénué de, III, 24.
tersol, tiercelet, III, 12.
tolre (se), cesser de, V, 6.
traïre, traître, I, 36.
traire, supporter, souffrir, IV, 4; VI, 9;
tirer, VIII, 60.
traitura, diète, VI, 6.
tratz (traenz), traits (?). App., I 23; cf. la
note.
travellar, traverser, App., I, 17.
trencar (se), se briser, III, 28.
trepelh, agitation, tapage,XII, 3.
trics (de), ?, III, 14.
truelh, tromperie, X, 10.
trui; App., I, 31, 35; cf. la note.
usquec, chacun, XI, 26; XII, 8.
vers, vers, III, 8.
vers, vers (genre), VII, 6.
vezat, habitué, XVIII, 23.
viular, jouer de la viole, VIII, 90.
ALIXANDRA, Alexandrie, VIII, 19, 28.
ANTON; cf. GINTARTZ.
ARAGO, IV, 59; VIII, 72.
AUDIART DEL BAUS, App., I, 33.
AURAMALA, XIV, 46.
AYA, II, 32.
BARSALONA, X, 37.
BEATRITZ D'EST, XVI, 58.
BRENS, Brens (Tarn), III, 36.
BUVALEL; cf. RAMBERTI.
COLRAT, CONRAD DE MALASPINA, XIV, 47.
COMTESSA, VI, 51 (comtesse de Toulouse?).
CROTZ (SANTA), III, 17.
DIAMAN (MON). II, 41.
EREUBUT (MON), VI. 50; VIII, 2.
EST; cf. BEATRITZ.
FENIX? III, 14.
FOYS, FOIX, III, 36.
GINTARTZ D'ANTON, X, 44.
IPOCRAS, Hippocrate, VI, 19.
LANDRICS, II, 32.
MALESPINA, III, 27.
MALASPINA (GUILLEM), XI, 49.
Mecier. messire, XIV, 47.
PARADIS, IX, 26.
PARIS, XVII, 29.
PEIR RAIMON, XVII, 2.
RAMBERTI DE BUVALEL, V, 44.
REI (D'ARAGO), IV, 58; VIII, 72.
SAVOIA, I, 49.
SOBRETOTZ, XIV, 48, surnom donné à Conrad de
Malaspina.
TOLOZA. II, 43.