The Project Gutenberg EBook of L'oppidum de Bibracte by Anonymous (par un membre de la Societe Eduenne, a l'occasion du Congres scientifique d'Autun, d'apres les notes et sous la direction de M. J.-G. Bulliot, l'explorateur du mont Beuvray) This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: L'oppidum de Bibracte Guide historique et archeologique au Mont Beuvray; d'apres les documents archeologiques les plus recents Author: Anonymous (par un membre de la Societe Eduenne, a l'occasion du Congres scientifique d'Autun, d'apres les notes et sous la direction de M. J.-G. Bulliot, l'explorateur du mont Beuvray) Release Date: March 28, 2004 [EBook #11744] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OPPIDUM DE BIBRACTE *** Produced by Robert Connal, Veronique Durand and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by gallica (Bibliotheque nationale de France) at http://gallica.bnf.fr. [Illustration: RETRANCHEMENTS DE BIBRACTE (MONT BEUVRAY)] L'OPPIDUM DE BIBRACTE GUIDE HISTORIQUE ET ARCHEOLOGIQUE AU MONT BEUVRAY D'APRES LES DOCUMENTS ARCHEOLOGIQUES LES PLUS RECENTS 1876 Ce guide a ete publie par un membre de la Societe Eduenne, a l'occasion du Congres scientifique d'Autun, d'apres les notes et sous la direction de M. J.-G. Bulliot, l'explorateur du mont Beuvray. GUIDE DU BEUVRAY _Phrourion Bibrachta_, (STRABON, IV, 3.) Le mont Beuvray, situe a 25 kilometres d'Autun, occupe la pointe meridionale de la chaine du Morvan, a laquelle il n'est relie que par le col de L'Echenaux, place a 255 metres au-dessous de sa cime. Les nombreuses sources auxquelles il donne naissance forment autour de sa base un fosse profond de 20 kilometres de circonference; les montagnes, qui sont derriere lui, atteignent les Vosges a l'est et se prolongent jusqu'aux extremites de l'Armorique; l'Yonne, affluent de la Seine, nait a ses pieds: le massif de 800 a 900 metres d'elevation--dont il occupe un des sommets--forme donc le point d'intersection des trois principaux bassins de la Gaule centrale: ceux de la Loire, de la Seine et de la Saone. Sur le faite de cette montagne, aujourd'hui en partie boisee, s'elevait jadis une des plus importantes cites de la Gaule: BIBRACTE--la capitale des Eduens, l'_oppidum maximae auctoritatis_ de Cesar, le _Phrourion Bibrachta_ de Strabon--dont le nom a persiste dans le _Biffractum_ des chartes et dans celui de Beuvray. L'occupation d'une pareille place expliquerait, a elle seule, l'influence des Eduens sur les nations limitrophes. Bibracte, du haut de ses plateaux, presentait le front a chacune d'elles, et pouvait lancer a son gre des bandes dans leurs vallees qui s'ouvraient a ses pieds, ou les replier en cas d'insucces dans ses retranchements inexpugnables. Si l'on songe aux conditions physiques ou se trouvait la Gaule, a ces guerres permanentes qui faisaient de ce pays un vaste champ-clos, dans lequel les tribus n'etaient occupees qu'a s'attaquer ou a se defendre, a soutenir ou a entreprendre des sieges, on doit convenir qu'il n'existe, sur aucun point du territoire Eduen, un lieu plus merveilleusement approprie que le mont Beuvray aux exigences d'un etat de choses aussi violent. Avant de decrire les diverses parties de l'_oppidum_ de Bibracte, mises a jour par les fouilles de ces dernieres annees, nous essaierons de retracer brievement l'histoire de cette forteresse dont la destinee se liait a celle d'une puissante cite, et qui fut, pendant de longs siecles, l'instrument de son salut et de sa grandeur. I APERCU SUR L'HISTOIRE DE BIBRACTE Des haches de bronze et quelques fleches en silex sont les premiers indices du sejour de l'homme sur la montagne de Beuvray. A cette preuve archeologique de l'anciennete de la station, il convient d'en ajouter une autre empruntee aux traditions religieuses: le culte des eaux et des fontaines--le plus ancien de tous avec celui du feu--a laisse, en effet, sur la montagne (ou il fut apporte par les races d'emigrants venus d'Asie) des traces qu'on ne saurait meconnaitre et qui jusqu'ici ont resiste a toutes les revolutions. La persistance de ce culte au _meme_ lieu, aux _memes_ epoques--et suivant les _memes_ rites que l'on voit observer encore aujourd'hui sur les bords du Gange et de l'Indus, s'explique difficilement si l'on n'admet point que _des les temps les plus recules_ le mont Beuvray a ete frequente comme un lieu de pelerinage, et que les coutumes dont nous parlons puisent leur vitalite dans la profondeur des ages. La position escarpee de la montagne dut en faire, a l'origine, un refuge pour les populations de chasseurs et de pasteurs nomades qui occupaient le pays; d'autre part, la fete religieuse des sources du Beuvray fut un puissant appat pour les industries qui trouvaient en meme temps, dans cette position retranchee, la securite indispensable a leur travail, et l'ecoulement facile de leurs produits. Les arts et l'industrie des Gaulois eduens resterent a l'etat rudimentaire jusqu'a l'epoque ou des peuples plus civilises--les Carthaginois et surtout les Marseillais--entrerent en communication avec eux par les deux grandes voies fluviales du Rhone et de la Saone.[1] Il serait difficile de fixer la date de ces premieres communications (que l'histoire a enregistrees a une epoque relativement recente); nous savons seulement que, 123 ans avant Jesus-Christ, les Marseillais mirent les Eduens en rapport avec Rome et obtinrent pour eux le titre de _freres du peuple romain_. A l'epoque dont nous parlons (un siecle environ avant l'ere chretienne) la Gaule etait divisee en clans restreints, sans lien entre eux, sans litterature, et sans art proprement dit, presque sans ecriture--puisqu'il etait defendu aux druides de s'en servir pour conserver l'histoire et les dogmes.--Les Eduens etaient pourtant en pleine prosperite, sous le rapport materiel. Nous n'en voulons pour preuve que l'etat de l'impot et les entreprises financieres de certains chefs eduens--dont l'un, Dumnorix, fermier de tous les peages de la cite, ne voyageait jamais sans avoir trois cents chevaux a sa suite.--L'agriculture etait tres avancee; l'emploi de la marne et de la chaux pour amender les terres--invention gauloise ou grecque--avait plus que double la fertilite des champs. _Aedui calce uberrimos fecere agros_.[2] Quant au betail, il etait nombreux et nourri dans de vastes patures, situees quelquefois dans l'interieur meme des oppidum. Cet etat de prosperite fut serieusement trouble dans le siecle qui preceda l'ere chretienne par les luttes des Eduens avec les Arvernes, les Sequanais et surtout les Germains, appeles par ces derniers. Les Eduens, trop faibles contre tant d'ennemis reunis, furent ecrases a la bataille de _Magetobria_, dans laquelle leur noblesse perit presque toute entiere. Il fallut livrer des otages, et payer des tributs onereux pour obtenir la paix. Le druide Divitiacus refusa seul de souscrire a l'humiliation de sa cite, et se refugia a Rome, ou il fut l'hote de Ciceron. Introduit dans le senat--il parla debout, a la mode gauloise et par interprete, appuye sur un bouclier orne de diverses couleurs--qui pour nous etait un bouclier _emaille_.[3] L'eloquence de Divitiacus n'obtint qu'un mediocre succes. Ce n'est que lorsque les Helvetes menacerent la province romaine que la sympathie des Romains, eveillee par leur interet, leur remit en memoire la demande de secours de leurs _freres_ eduens. On connait l'histoire de cette campagne ou Bibracte est nommee pour la premiere fois. Cesar, manquant de vivres, se detourna de la route que suivaient les Helvetes et prit celle de Bibracte, pour ravitailler son armee qui etait alors distante de cette ville d'environ dix-huit milles--_quod a Bibracte... non amplius millibus passuum XVIII aberat_.[4] Les ennemis, croyant que les Romains s'eloignaient d'eux par crainte, revinrent sur leurs pas, et engagerent l'action ou ils furent--comme on sait--tailles en pieces. Apres cette bataille--dite de Bibracte--les Eduens, malgre leurs divisions intestines, marcherent d'accord avec les Romains. Leur cavalerie, commandee par Divitiacus, combattit meme dans leurs rangs au nord de la Gaule lors de l'insurrection des Remois. L'alliance dura jusqu'aux entreprises de Vercingetorix. A ce moment, un parti puissant dans la cite eduenne cherchait a la detacher des Romains; le vergobret venait d'etre elu et il avait fallu l'intervention de Cesar pour pacifier les esprits et fixer le choix du magistrat supreme, mais la cite n'en continuait pas moins a etre travaillee par des factions rivales. La cavalerie eduenne, sous les ordres de Litavie et de ses freres, s'etant mise en marche pour rejoindre Cesar au siege de Gergovie, les chefs resolurent de faire passer leurs troupes non a l'attaque mais a la defense de la place. Cesar, informe de ces menees, dejoua le complot: Litavie--l'un des auteurs de la conspiration--put seul echapper aux Romains et passa a l'ennemi--avec son escorte; car, dit l'auteur des _Commentaires, il est sans exemple qu'un client gaulois abandonne son chef en peril de mort_. L'echec des Romains au siege de Gergovie fut un encouragement pour le parti qui leur etait hostile, et l'insurrection s'etendit par toute la Gaule. Apres la levee du siege et tandis que Cesar descendait la rive gauche de la Loire pour rallier Labienus, Litavie gagna rapidement la route de Bibracte, et fut recu par les Eduens:--_Litavicum Bibracte ab Eduis receptum_.[5]--Le vergobret et le senat ne tarderent point a l'y rejoindre. Cesar apprit cette nouvelle avec une inquietude qui perce a travers son style, en depit de sa concision, et, comme pour se justifier de ne point marcher sur Bibracte, il prononca ces mots qui marquent bien la position imprenable de cette forteresse et l'impossibilite d'un siege: _Bibracte ... quod est apud cos oppidum maximae autoritatis_.[6] Au meme moment, Vercingetorix accourait aussi a Bibracte pour entrainer definitivement la cite dans son parti. L'assemblee generale des chefs gaulois y fut convoquee:--_Totius Galliae concilium Bibracte indicitur_.[7] Le chef Arverne, acclame par la foule, fut place par l'enthousiasme populaire a la tete de toutes les forces reunies de la Gaule, malgre l'opposition des chefs eduens, humilies de voir leur cite obeir a un etranger. Ils fournirent, neanmoins, leur contingent pour la defense d'Alesia, mais la conduite de plusieurs d'entre eux, faits prisonniers par les Romains, a laisse subsister des doutes sur leur fidelite a la cause nationale. Apres la prise d'Alesia, Cesar rendit aux Eduens leurs prisonniers et vint lui-meme hiverner a Bibracte:--_Ipse Bibracte hicmare constituit_.[8] Il etait occupe a y rendre la justice, lorsqu'il apprit que les Bituriges preparaient une nouvelle insurrection. Ne voulant pas laisser a l'ennemi le temps d'organiser ses forces, il quitta Bibracte la veille des kalendes de janvier:--_Pridic kalendas januarias a Bibracte proficisitur_,[9]--avec une faible escorte de cavalerie:--_cum manu equitatis_,--et laissant Marc-Antoine a la garde des bagages, il rallia la XIe legion campee dans le voisinage:--_quae proxiima erat_,--et la XIIIe qui occupait la limite entre les Eduens et les Bituriges. L'ennemi, pris a l'improviste, fut completement defait. La conquete de la Gaule etait achevee. Il ne parait point que Cesar soit revenu a Bibracte, du moins ni lui ni ses historiens n'en ont fait mention. La forteresse est nommee encore une fois par Strabon, quelques annees plus tard, a une date difficile a preciser: "Les Eduens--dit ce geographe--ont une _ville_, Chalon-sur-Saone, et une _forteresse_, Bibracte." L'organisation nouvelle donnee a la Gaule par Auguste semble avoir decide de la suppression de l'ancien oppidum. Rome ne voulut pas laisser entre les mains d'une population toujours remuante une forteresse de cette importance qui, a un moment donne, pouvait offrir aux insurges un point d'appui des plus solides. Bibracte fut detruite avec Gergovie et remplacee comme elle par une ville de creation romaine. Elles prirent l'une et l'autre le nom d'Auguste: _Augustodunum--Augustonemetum_;--et Bibracte fut transportee a Autun, comme Gergovie a Clermont. Les Romains--ces maitres dans l'art de coloniser--ont fait usage assez frequemment du moyen dont nous parlons, soit pour chatier une cite rebelle, soit pour briser les dernieres resistances d'un pays recemment conquis. Pausanias cite, entr'autres, un grand nombre de villes grecques qu'Auguste, apres la bataille d'Actium, depeupla entierement et dont il transporta les habitants dans d'autres cites, pour les punir d'avoir servi le parti d'Antoine. En Gaule, la severite de la nouvelle administration transforma en peu de temps les populations indigenes et leur fit oublier jusqu'a leur langue.[10] Les anciennes forteresses furent detruites, et les recalcitrants tues, vendus a l'encan, ou transportes en masse. Les quartiers industriels de Bibracte, les maisons de bois, les ateliers de forgerons et d'orfevres ont ete indistinctement brules; les maisons en pierres, plus riches, ont ete demenagees. Les materiaux de luxe--tels que les mosaiques--ou simplement utiles--tels que les placages en pierre calcaire--furent partout enleves pour etre employes, sans aucun doute, dans les constructions d'Augustodunum. La nouvelle capitale fut batie--selon l'usage romain--avec une rapidite bien faite pour nous etonner, mais dont la creation des cites americaines nous offre encore aujourd'hui l'exemple. "En quelques mois--dit Viollet-le-Duc--les Romains creaient une ville", et il decrit leurs procedes. L'intervalle de temps qui separe l'epoque ou Strabon cite Bibracte, de celle ou apparait pour la premiere fois le nom d'Augustodunum dans Tacite, peut etre evalue a un _maximum_ de 25 annees. Les medailles fournissent d'ailleurs sur l'abandon de Bibracte et les commencements d'Augustodunum des renseignements qui concordent avec ceux de l'histoire. Parmi les deux mille et quelques monnaies trouvees au Beuvray, les plus recentes sont le petit bronze frappe en Gaule au revers de l'autel de Lyon et la piece gauloise de Germanus, fils d'Indutillus, qu'on regarde comme le petit-fils de l'Indutiomar des _Commentaires_. Ces deux types, les derniers en date au mont Beuvray, sont les premiers qu'on rencontre a Autun.[11] La ruine de Bibracte et la somptuosite toujours croissante d'Augustodunum ne tarderent point a faire oublier quelque peu la premiere de ces villes. Attirees par la curiosite ou l'interet vers le nouveau centre qui reunissait l'administration, les ecoles et le commerce, les populations ne connurent bientot plus le vieil oppidum que par son pelerinage et sa foire. Eumene, a la fin du troisieme siecle, cite Bibracte en passant, une fois encore, et comme a titre de mention historique. La designation de Florentia, qu'il ajoute a son nom, semble elle-meme indiquer que cette fete du printemps l'empechait d'etre entierement oubliee.[12] Tel ne fut pourtant pas son sort, malgre les invasions barbares, qui porterent le dernier coup a tout ce qui se rattachait aux anciens centres gaulois, confondus souvent, par la communaute d'un meme desastre, avec les villes de creation plus recente.[13] Le nom de Bibracte fut conserve a la montagne, et se transforma peu a peu en celui de Beuvray qui--pour le philologue--est exactement le meme. Au seizieme siecle, Gaucher, chanoine d'Autun, parlant de deux de ses amis qui se rendaient au Beuvray pour la foire du premier mercredi de mai, ecrit ces mots: "_... qui ibant Bibracte._" Jean Bouchet, dans ses _Chroniques d'Aquitaine_, parle de Libracte (_sic_)... "qui etait une petite ville d'Authun qu'on appelle de present Beuvray." Dans tout le bassin de l'Arroux les registres des paroisses mentionnent a la meme epoque: La Comelle-sous-Bibracte, St-Leger-sous-Bibracte, etc. Le passage que le celebre jurisconsulte Guy-Coquille consacre au mont Beuvray dans son "_Histoire du Nivernais_" est a citer en entier: "La montagne de Beuvray, en la cime de laquelle etait l'ancienne Bibracte, est aujourd'hui en dedans le duche et pays de Nivernois. Il est vray-semblable que les plus anciennes villes, baties apres le deluge, ayent ete mises es-cimes des montagnes, et depuis, a cause de l'incommodite des lieux hauts, ayent ete transferees en lieux plus bas et de plus facile acces; ainsi les habitants de ce haut Beuvray se soient transferes au lieu ou est de present Authun, et pour l'honneur d'Auguste Cesar l'ayent nomme Augustodunum." La tradition populaire, qui n'est pas moins explicite, temoignerait a elle-meme, par son etonnante persistance a travers les ages, de la grandeur de l'antique Bibracte, et de sa situation, meme en l'absence de textes ecrits et de faits materiels: "En faisant visiter les terrassements qui enveloppent les differents sommets de la montagne, les paysans rapportent que: "la etait autrefois la capitale de tout le pays... que la nuit on entend les charriots, les hommes et les chevaux courir sur les retranchements..." Ils montrent l'emplacement des portes qui, lorsqu'on les ouvrait le matin, criaient sur leurs gonds, de facon qu'on les entendait jusqu'a Nevers." Sur les pentes abruptes qui conduisent a la montagne, "il fallait--disent-ils encore--du temps de la _vieille ville_, cinq paires de boeufs pour monter un char." Ils ajoutent que la ville fut ruinee et montrent pres du Beuvray un mamelon par lequel l'ennemi deboucha: une bergere aurait revele le point vulnerable, et pour sa recompense, le chef des ennemis lui aurait perce le coeur d'un coup d'epee, dans la crainte qu'un repentir tardif ou une nouvelle indiscretion n'avertit trop tot les habitants que la trahison etait consommee. Apres la destruction de la ville, suivie d'un grand massacre, les survivants auraient quitte la montagne et fonde Autun. Quand l'Histoire est muette, il faut se contenter de la Legende--tel est le cas present--mais, hatons-nous de le dire, celle-ci n'a rien d'invraisemblable; en effet, bien que la premiere ne nous fournisse aucun detail sur la fin de Bibracte et les commencements d'Augustodunum, il est fort a croire que la forteresse eduenne ne fut point aneantie sans qu'il y ait eu quelques resistances de la part de la population indigene. D'un autre cote, il est a peu pres demontre que de graves insurrections--dont les historiens ont a peine parle--eclaterent en Gaule avant le commencement de l'empire, et furent reprimees, avec une cruaute dont Cesar n'avait que trop donne l'exemple. Un detail fourni par la numismatique vient a l'appui de notre dire, car il accuse assez nettement l'impuissante rancune du peuple eduen contre Auguste, patron de la nouvelle cite et destructeur de l'ancienne. Sur les lisieres d'Augustodunum, dans les quartiers pauvres, voisins des remparts ou la population des ouvriers gaulois semblait avoir ete parquee, on a recueilli avec soin une grande quantite de medailles d'Auguste de tous les modules. Presque toutes ont le cou ou la face marquee d'un trait fait par un instrument tranchant. Nos antiquaires appellent ces pieces des "Auguste a cou coupe." L'usage de mutiler les pieces de monnaie, par haine du maitre, date de loin, comme on le voit. II REMPARTS ET PORTES DE L'OPPIDUM Les remparts de l'oppidum ont--depuis l'epoque gauloise--toujours servi de limite pour les droits d'usage des populations. Ils suivent les mouvements naturels du terrain--comme ceux des plus anciennes villes grecques et italiennes--et descendent frequemment dans les gorges, parmi les sinuosites des vallees qui dechirent les flancs de la montagne. Cette derniere disposition etait commandee par la necessite de s'assurer la possession des sources et des petits reservoirs etablis en aval, dont on a retrouve les bassins parfaitement corroyes. Sur les pentes trop ardues pour y elever des habitations, les remparts remontent; ils ont meme parfois de deux a trois etages construits, selon la necessite des lieux, soit pour defendre les chemins, soit pour mieux garantir certains points plus accessibles. Le perimetre des fortifications embrasse environ 135 hectares sur une longueur de plus de cinq kilometres, non compris les ouvrages avances.[14] Les murs, fouilles sur plusieurs centaines de metres, ont ete reconnus exactement conformes a la description donnee par Cesar de ceux d'Avaricum. Ils etaient formes de grillages superposes en poutres croisees, reliees entre elles a mi-bois et fixees par des chevilles de 25 a 35 centimetres de longueur. Dans les explorations on a retrouve les trous de poutres et nombre de fiches de fer encore en place. Jusqu'ici on n'a encore explore qu'une seule des Portes--celle du Rebout. Elle se composait de deux bastions, entre lesquels passait la voie d'entree, et dont l'un formait sur celui d'en face un angle saillant d'environ quarante metres, du haut duquel on pouvait lancer des traits sur l'ennemi, en cas d'attaque de la porte. Cette saillie, dont l'isolement eut pu creer un danger, etait defendue elle-meme par une espece de tour rectangulaire etablie de l'autre cote du chemin. Chacun des deux bastions etait lui-meme couronne d'une tour en bois dont on a retrouve les bases--de 11 metres de cote--et les debris incendies. Un large fosse suivait la ligne des remparts jusqu'aux vallees voisines ou il etait remplace par un terrassement dont la crete formait un chemin de ronde de 8 metres de large qui longeait le pied de toute la circonvallation. L'entree de l'oppidum--comme dans certains chateaux du moyen age--formait un couloir plus etroit que la voie, au fond duquel etait le seuil des portes, resserre encore par deux fosses tailles dans le roc, suivant un profil tres regulier. Ces fosses etaient etablis pour creer une gene aux assaillants et faciliter l'ecoulement des eaux. III INTERIEUR DE L'OPPIDUM L'oppidum est traverse dans toute sa longueur par la grande voie de la _Croix du Rebout_. A l'extremite du plateau triangulaire--dit du _Champlain_,--cette voie est rejointe par un embranchement qui part du hameau de l'_Echeneaux_ et remonte la vallee de l'_Ecluse_. La surface comprise dans l'interieur de la couronne superieure des remparts est partagee en trois regions bien distinctes, formees par trois plateaux, divises par des vallees. Le plateau superieur--appele LA TERRASSE--occupe une langue de terre tres allongee parallele au rempart du cote du levant. Du haut de ce plateau, la vue s'etend sur des espaces sans limites, au-dela du Puy-de-Dome et du mont Blanc. Le deuxieme plateau, dit PARC AUX CHEVAUX,--inferieur au precedent de 10 a 12 metres d'altitude, et separe de lui par la vallee de la GOUTTE DAMPIERRE,--se termine au couchant par le _Theureau de la Roche_, monticule de gres qui domine d'une part le cours de la _Seglise_ et de l'autre la VALLEE DE L'ECLUSE, situee entre ce plateau et celui du CHAMPLAIN. Ce dernier, resserre entre deux vallees, forme une esplanade triangulaire au sud de laquelle s'eleve un mamelon analogue a celui du Theureau de la Roche. La vallee de LA COME-CHAUDRON separe le Champlain des pentes escarpees qui montent a la pointe de la Terrasse ou se trouve le _Porrey_, point culminant du Beuvray, a 820 metres d'altitude au-dessus du niveau de la mer. TERRASSE. Ce plateau renferme le Temple, le Forum et le Champ de foire. _Temple et Forum_. Le temple du Beuvray--ainsi que le forum et autres dependances qui l'entourent--parait avoir ete cree uniquement en vue du pelerinage et de la foire a l'epoque ou l'oppidum fut abandonne de gre ou de force par les populations qui l'habitaient. Les substructions qu'on rencontre sur son emplacement ont revele les traces d'installations anterieures remplacees par l'edifice cite plus haut.[15] Construit avec la solidite des travaux romains, ce temple etait flanque de trois autres constructions au nord, a l'ouest et au sud. La partie qui regarde le levant comprenait un tres gros mur a hauteur d'appui, qui soutenait tout le terrassement du plateau et laissait la vue libre de ce cote. Au nord et a l'ouest etaient des boutiques marchandes; au sud le logement des bestiaux et la boucherie, dependance obligee du temple. Une rangee de boutiques--a l'usage des marchands qui se rendaient a la foire--longeait les vieux cotes de la grande voie, separee d'elle par un trottoir et un portique couvert. Le temple etait entoure d'un portique semblable a celui des boutiques. Il se composait de deux parties: d'un _pronaos_ ou vestibule de 7 a 8 metres de cote, et d'une _cella_ surelevee, plus etroite que le vestibule auquel elle faisait suite. Quand le christianisme penetra dans les montagnes du Morvan, le temple du Beuvray fut transforme en chapelle; mais la partie la plus ancienne--c'est-a-dire le vestibule--fut seule conservee. La _cella_, ou etaient les idoles, fut entierement rasee; car on sait que les premiers apotres n'admettaient pas que les sacres mysteres soient celebres dans le sanctuaire meme des fausses divinites.--On la remplaca par une abside demi-circulaire precedee d'une partie droite plus etroite que le vestibule, et l'edifice prit ainsi la forme des basiliques constantiniennes du quatrieme siecle. La maconnerie des parties reconstruites est irreguliere comme un travail fait a la hate et par des ouvriers inexperimentes; le mortier et les moellons en sont aussi egalement mediocres. La tradition populaire attribue cette transformation a saint Martin lui-meme, et l'on doit convenir qu'a defaut de preuves elle a au moins pour elle d'assez graves presomptions: La circonstance qui milite le plus en faveur de l'opinion que nous emettons, c'est que la medaille romaine--la derniere en date parmi celles trouvees dans cette ruine--est exactement contemporaine de saint Martin. Cette meme medaille etait aussi la derniere de celles qui accompagnaient l'_ex voto_ de la Dea Bibracte trouve--comme on sait--au fond d'un puits scelle d'une dalle, dans l'enclos du petit seminaire d'Autun.[16] Le premier etablissement chretien du Beuvray disparut a une epoque difficile a preciser. On sait seulement qu'au douzieme siecle, on eleva sur le meme emplacement un nouvel edifice, dedie a saint Martin, qui fut ruine vers 1570 par les soldats de Coligny, et fit place a une chapelle plus petite encore; celle-ci s'etant ecroulee peu d'annees avant la Revolution, ne fut remplacee que par une simple croix de bois. En 1851, un membre de la Societe Eduenne se rendant au congres de Nevers, traversa la route du Beuvray. S'etant detourne quelque peu pour aller visiter le plateau de la Terrasse, il trouva la croix de Saint-Martin gisante sur le sol et brisee par la vetuste. Les membres du congres, informes de ce fait, et soucieux de perpetuer le souvenir du passage de saint Martin sur le Beuvray, voterent par acclamation un credit pour l'erection de la croix de pierre qui se voit au devant de la chapelle actuelle. Cette derniere fut construite par souscription vingt ans plus tard, et Mgr Landriot, archeveque de Reims, en posa la premiere pierre en 1871. _Foire du Beuvray._ L'exploration des terrains autour du temple et du forum a permis--en l'absence de textes ecrits--de retracer l'histoire archeologique de cette foire--la plus ancienne de France et peut-etre du monde entier. Elle se tient encore chaque annee, au premier mercredi de mai, sur un vaste emplacement dont la destination n'a jamais varie depuis l'epoque gauloise. On y recueille de nombreuses pieces de cites appartenant a la Gaule, des silex tailles, des morceaux de hache de bronze, des verroteries, des fibules, des objets de toilette, des emaux, et enfin toutes especes de fragments de poteries. Viennent d'abord les poteries gauloises; la ceramique romaine[17]--dont les debris ne se trouvent que dans les boutiques et aux alentours du champ de foire--fait suite dans cette serie par rang d'anciennete ou elle precede les poteries merovingiennes, ardoisees, et ornementees de grillages, trouvees en grande quantite sur le meme emplacement. On arrive ainsi aux poteries carlovingiennes blanches et rayees de rouge, puis a celles du moyen age et de la renaissance, et enfin a l'epoque moderne. Les monnaies suivent la meme serie qui est ininterrompue de Philippe-Auguste (1180) jusqu'a nos jours. Ainsi,--depuis le temps ou l'on taillait des silex pour en faire des fleches--toutes les generations ont laisse des traces et en quelque sorte grave leur age sur ce plateau celebre. Fait unique en archeologie: car autant vaudrait, pour un geologue, trouver au meme lieu la serie complete des assises terrestres a partir du granit. A l'epoque gauloise, les populations accouraient en foule sur la montagne, attirees non-seulement par la facilite de la vente ou de l'achat des denrees, mais aussi par la grande fete religieuse qu'on celebrait a la meme epoque. Les Eduens allaient porter leurs voeux--_referre vota_--a la fee nationale, la DEA BIBRACTE et jeter dans le bassin de sa source sacree des oeufs, des pieces de monnaie ou autres offrandes. Sous la domination romaine, le Beuvray, malgre l'abandon de Bibracte, n'en fut pas moins le rendez-vous de toutes les populations d'alentour au moment de sa foire et de son pelerinage, car les Romains--contrairement a une opinion recue--furent tres tolerants pour la religion des vaincus, _toutes les fois qu'elle ne touchait point a la politique_, et accepterent avec la plus grande facilite les genies des sources et des rivieres, les fees des fontaines, les maires..., etc., en un mot toutes les divinites des Gaulois. Les coutumes religieuses du pays eduen etaient d'ailleurs d'une si grande tenacite que le christianisme lui-meme eut grand'peine a les detruire. Saint Eloi, au sixieme siecle, defendait expressement de chomer au mois de mai; aujourd'hui encore, nous retrouvons la trace de ces coutumes dans les pratiques superstitieuses en usage chez les paysans de nos montagnes: Les nourrices viennent comme autrefois aux sources de la fee Bibracte--sanctifiees par les noms de Saint-Pierre et de Saint-Martin--se laver le sein avant l'aurore pour obtenir un bon nourrissage et jettent dans l'eau une piece de monnaie ou un fromage. Les hommes vont de meme, a l'heure matinale, attacher des cordons de lisiere autour de la croix et y deposer des bouquets composes de cinq especes d'herbes magiques--a la mode des druides--pour preserver du mauvais oeil leur betail ou leurs champs; puis ils s'avancent devant la croix, le dos tourne vers elle, et jettent derriere leur epaule gauche une baguette de coudrier--l'arbre du mal.[18] On retrouve dans toutes ces pratiques les restes de traditions communes a tous les peuples issus des plateaux de l'Asie centrale. Les forums, au moyen age, furent detruits a une date inconnue et remplaces par de petites loges dispersees sur le meme terrain. La foire du Beuvray pendant cette periode etait non-seulement un rendez-vous religieux, mais aussi servait de pretexte a ces sortes de plaids, dont Cesar a cite quelques exemples chez les Gaulois. Les seigneurs de Glux et de la Roche-Milay, possesseurs de la montagne, y reunissaient chaque annee tous leurs vassaux pour en faire le denombrement, et tenaient cour pleniere. Les fetes se terminaient generalement par un tournoi auquel prenait part toute la noblesse des environs. La foule avant de se livrer aux affaires se rendait a la chapelle ou etaient celebres les offices religieux, et ou l'on faisait des offrandes comme au temps d'Eumene--_referunt vota templis_. La foire du Beuvray au seizieme siecle est ainsi decrite par Guy Coquille: "En la dite cime du Beuvray se tient une foire renommee par toute la France ... qui represente beaucoup d'antiquite car elle se tient chacun an le premier mercredy du mois de may. "Au temps du paganisme les marchands soulaient sacrifier et faire leurs voeux a Maja deesse fille d'Atlas, et a Mercure son fils, en ce mois de may, pour avoir leur faveur au trafic de leurs marchandises. Le mois de may est dit _majus_, en l'honneur de la dite Maja du temps des Romains, ainsi que dit Ovide au cinquieme livre des _Fastes_; Mercure etait le dieu des marchands comme se voit au prologue de la comedie de Plaute, _Amphytrion_. Et on voit encore aujourd'huy que cette foire est a jour de mercredy dit de _Mercure_ et au mois de may dit de _Maja_." De nos jours, quoique singulierement dechue, cette foire subsiste encore; elle est meme l'occasion, entre les paysans, de rixes parfois sanglantes, car on s'ajourne au premier mercredi de mai pour vider en champ clos les anciennes querelles sur le sommet de la Terrasse. PARC AUX CHEVAUX. Il commence aux pentes inferieures de la Terrasse et se prolonge jusqu'au _Theureau de la Roche_ entre les vallees de la Goutte-Dompierre et de l'Ecluse. Des fouilles pratiquees sur ce plateau, au debut des explorations, par M. le vicomte d'Aboville, ont mis a jour les substructions de plusieurs maisons construites avec un certain luxe, et renfermant meme des mosaiques,--bien qu'on n'y ait trouve que des medailles gauloises. On rencontra dans ces fouilles les aqueducs et les premieres salles d'une vaste habitation, dont les proportions depassent tout ce qui a ete decouvert jusqu'a ce jour au mont Beuvray. Cette maison--dite du Parc-aux-Chevaux--est construite sur le plan des maisons romaines, mais nous n'hesitons pas a l'attribuer aux derniers temps de l'independance de la Gaule, car on y a trouve quarante medailles gauloises et pas une seule medaille de l'empire. Elle se compose--comme les maisons luxueuses de l'antiquite--d'un _atrium_ entoure de couloirs ou _fauces_ qui desservent les appartements distribues sur les quatres faces. Pendant les trois annees qu'ont dure les fouilles de ce vaste batiment, on chercha inutilement l'entree principale aux trois parties les mieux exposees, sud, est, ouest, et c'est avec surprise qu'a la fin du travail on la decouvrit en plein nord dans des conditions qui prouvent que nos aieux etaient aguerris contre les intemperies des saisons et la rudesse de _l'Hiems gallica_. On accedait au seuil par des marches de granit conduisant a un petit vestibule couvert, qui debouchait lui-meme sur une cour; d'autres cours s'etendaient a droite et a gauche et etaient entourees de dependances considerables. Les appartements--dans plusieurs desquels on a reconnu des traces de mosaique, des carrelages carres et triangulaires en schiste ou formes par des briquettes posees sur champ et imitant la feuille de fougere, comme nos parquets, des traces de placage en calcaire oolithique autour des pieds-droits des portes, des cheminees aux _brasseros_ en briques parfaitement construits...--font de cette maison une sorte de petit palais dont il nous est impossible de preciser la destination, mais que nous oserions presque attribuer au vergobret si nous avions l'assurance que ce magistrat supreme--pris dans toutes les parties de la cite indistinctement--avait a Bibracte une residence fixe. Dans cette hypothese, il faudrait admettre que les Gaulois possedaient des batiments publics. Une belle source, situee dans l'arriere-cour, et qui, depuis s'est fait jour par dessous le massif de glaise sur lequel repose l'habitation, va former la fontaine du _Loup-Bourrou_, qui sort a 150 metres plus loin, et conserve encore aujourd'hui une partie de sa voute gauloise construite en tuileaux et en terre glaise. Le batiment dont on vient de parler--etabli dans une anfractuosite qui le mettait a l'abri des coups de vent et de la foudre--etait adosse du cote du levant aux pentes que coupe la grande voie du Rebout et situe le long d'une chaussee empierree, non encore exploree. Au nord et a l'ouest s'etendent de vastes espaces couverts de ruines, principalement dans le bois dit _des Queudres_, et a la pointe du _Theureau de la Roche_. Entre ce mamelon et le rempart se dresse le rocher de la _Pierre-Salvee_. L'analogie de ce rocher avec la _Pierre de la Wivre_ permet d'y voir une tribune de justice. Au sud de ce quartier jusqu'a la fontaine Saint-Pierre et meme au-dela, les mouvements du terrain indiquent d'autres ruines ou quelques sondages ont ete pratiques: on y a decouvert entre autres une vaste ecurie dont les cases--au nombre de quatre-vingts--formees par des poteaux carbonises, a un metre de distance les uns des autres, devaient servir non a des chevaux mais a des boeufs,--pour qui cet espace etait suffisant. L'aire d'une grande cheminee demi-circulaire de 1m 70 de diametre, composee d'un beton de tuileaux et de terre glaise dur comme la pierre, de 0m 80 d'epaisseur, a ete trouvee derriere cette ecurie. La fontaine Saint-Pierre, situee a quelques pas de la, se repand dans un espece de massif betonne, entoure de murs, et dans lequel on a trouve un grand nombre de tuiles a rebords provenant--selon toute apparence--de la chute d'une toiture de lavoir. LE CHAMPLAIN. A droite de l'entree de l'oppidum s'eleve un mamelon triangulaire compris entre le rempart et les vallees de l'Ecluse et de la Come-Chaudron. Une voie longeant le retranchement conduit a un petit plateau rocheux escarpe de trois cotes, et domine par un monticule dont il n'est separe que par une esplanade demi-circulaire. Au centre du plateau s'eleve un bloc de quelques metres de hauteur, taille--disent les geologues--par la main de l'homme, et menage dans la masse d'un roc aplani qui forme l'aire environnante. C'est la _pierre de la Wivre_. Elle recouvre--suivant la legende--un tresor accessible seulement dans la nuit de Noel--ou la pierre, a l'heure de minuit, fait une revolution sur elle-meme. Le sommet, auquel on accede par une rampe etroite, est rase a l'avant en forme de siege; a l'arriere est une excavation ordinairement remplie d'eau pluviale et designee dans le pays sous le nom de _Fontaine des Larmes_. Ces traditions, rapprochees de la disposition singuliere du lieu, lui donnent un interet historique qu'il est impossible de meconnaitre: la legende du tresor rappelle le _locus consecratus_--dont parle Cesar--si frequent dans les cites gauloises, ou les populations deposaient en plein air leurs offrandes aux genies et aux dieux sous la garde du serpent sacre.[19] Le plateau, d'autre part--grace a son escarpement isole, et son inclinaison sur toutes faces qui facilite l'ecoulement des eaux--se prete mieux que tout autre point de l'_oppidum_ a la reunion d'un corps deliberant. Abrite par sa situation de l'oreille des curieux, ce _locus consecratus_--qui dans toutes les cites antiques etait celui du conseil--est pour nous la salle en plein air du senat gaulois. Elle pouvait contenir facilement plus de 500 personnes--chiffre auquel Cesar evalue le nombre des chefs d'une des grandes cites de la Gaule. L'hemicycle aplani, dont nous avons parle, separe du lieu du _concilium_ par une levee de terre assez prononcee, etait destine vraisemblablement a loger les chariots des chefs et leurs chevaux, qui, pendant le conseil--d'apres les lois les plus anciennes des tribus celtiques--devaient rester attaches au piquet.[20] Toute cette partie de l'_oppidum_ etait inhabitee. On n'a rencontre autour du monticule qu'une seule maison dans laquelle fut trouve un vase couvert d'ornements gaulois. Les habitations n'existaient que dans la partie orientale voisine de la grande voie de la _Croix du Rebout_. La plupart etaient possedees par des artisans--notamment des fabricants de bronze dont les creusets et les scories ont ete recueillis en grande quantite; on a trouve de distances en distances des cases funeraires--renfermant jusqu'a 50 ou 60 amphores--qui appartenaient--ainsi qu'on a pu le constater depuis--aux differents corps de metier occupant cette region. VALLEES DE LA GOUTTE DAMPIERRE, DE L'ECLUSE ET DE LA COME-CHAUDRON. Ces trois vallees sont suivies chacune par un ruisseau ou vont se reunir, par bassins respectifs, les vingt-deux sources comprises dans l'interieur de l'enceinte. Une seule de ces vallees--celle de la Come-Chaudron--a ete suffisamment exploree pour qu'on puisse en parler ici: Le quartier de la Come-Chaudron, parallele a celui du Champlain, est situe a gauche de la grande voie, et se compose d'une partie superieure legerement inclinee a l'est et d'une vallee profonde traversee par un faible ruisseau. Les regions fouillees le plus completement sont a l'entree meme de la place et servaient de demeure exclusive a des metallurgistes. Le premier etablissement etait une fonderie, ou, dans de petits fours bien construits, on extrayait le fer directement par la methode catalane. Plus loin, des forges isolees, creusees dans le sol et munies de buses en terre refractaire, assez semblables aux notres, un grand atelier de forgerons de 47 metres de long, de vastes hangars construits avec des charpentes et de la terre battue ont offert partout les debris de la siderurgie dans toutes ses varietes. Les habitations, sur la pente de la vallee, enterrees de deux metres a l'arriere et de plain-pied a la facade, etaient construites, la plupart du temps, en pise et en poteaux fixes dans le sol; les parties enfouies etaient seules en maconnerie de pierres sans chaux, quelques-unes meme cloisonnees avec de simples planches. C'est dans ces reduits, especes de tannieres, ou le soleil ne penetrait que par la porte, quand elle n'etait point abritee sous un auvent, que les fabricants de Bibracte exercaient leurs industries, parmi lesquelles une des plus curieuses est celle de l'emaillerie. Le travail des emaux, qui confine a l'art, apparut pour la premiere fois au centre de la Gaule, avec des dates certaines, lors des fouilles de la Come-Chaudron, en 1869; car, on ne mit point seulement a jour quelques echantillons isoles, mais tout un centre de fabrication, dont les ateliers--comme dans certaines fouilles de Pompei--n'auraient paru fermes que de la veille, si l'etat d'alteration d'un grand nombre d'objets n'eut temoigne d'un long sejour au sein de la terre. Les ustensiles gisaient pele-mele, les fours etaient encore remplis de charbon; a cote de specimens completement termines, on en voyait d'autres a peine ebauches, d'autres en pleine periode de fabrication; tout autour, des fragments d'email brut, des creusets de terre, des gres a polir, une quantite considerable de dechets, des bavures, des rognures provenant de la taille; des coques vitreuses qui conservaient l'empreinte des dessins du bronze, et, par-dessus tout, le temoin meme des operations, c'est-a-dire la medaille.[21] Le procede, employe par les Gaulois pour emailler les bronzes, differe peu du travail de la niellure, dans lequel les populations du Caucase ont excelle de tout temps. Il consistait a graver des traits ou des dessins sur la piece a decorer, puis a la recouvrir uniformement, sur toute sa surface, d'une couche d'email dont on enlevait ensuite l'exces a l'aide de pierres de gres et de polissoirs. Un assez grand nombre de ces emaux primitifs de la Gaule ont ete trouves au Beuvray et deposes dans les vitrines du musee de Saint-Germain-en-Laye; ce sont--pour la plupart--des bossettes, des clous-ornements, des fleurons..., etc., en un mot, des objets relatifs a l'attelage et au harnachement, incises de tailles profondes remplies d'email rouge. Les lignes paralleles ou brisees, les chevrons, les feuilles de fougeres et les quadrilles qui composent le dessin de ces emaux ont un caractere purement gaulois. L'ornementation est la meme que celle qu'on voit figurer sur le bouclier du guerrier gaulois dont la statue est au musee d'Avignon. Il est donc de toute vraisemblance que les couleurs mentionnees par les ecrivains et dont nous avons parle plus haut comme resplendissant sur les boucliers des chefs gaulois, n'etaient autres que des emaux. IV EXTERIEUR DE L'OPPIDUM Nous ne citerons que pour memoire differentes lignes de retranchements echelonnes sur les flancs de la montagne. En-dehors de l'oppidum, quelques plateaux places sur les contreforts, devaient etre occupes au moins en temps de guerre. Ils n'ont point ete explores. On sait que dans le systeme gaulois chaque tribu faisait bande a part. Ainsi Cesar rapporte, qu'autour de Gergovie, les Gaulois avaient couvert la montagne de camps particuliers: _Galli usque ad murum oppidi collem compleverant_. Ce mode de campement n'a rien que de tres naturel, si l'on songe que les oppidum etaient un lieu de refuge universel et que l'occupation des mamelons etait necessaire pour garantir les abords de la place. Tels etaient a Bibracte: le mont Glandure au N., le Plat des Gaulx a l'E., le Ceris et le mont Audue au S. qui forment une longue et etroite chaussee dominant d'une part la vallee de Malvaux, et la route taillee dans le roc qui longe cette vallee, et de l'autre les voies et passages qui conduisent a l'oppidum du cote du sud-est. La chaussee se termine par un promontoire qui commande la vallee de la Roche-Milay et le cours de la Seglise. C'est au milieu de cette crete qu'est situe le rocher dit du _Pas de l'ane_, au sommet duquel se trouve une petite excavation ordinairement remplie par les eaux pluviales. Cette cuvette qui--selon toute apparence--etait l'objet d'une veneration particuliere chez les Gaulois a ete transformee, par la legende chretienne en une empreinte du pas de l'ane de Saint-Martin. L'apotre, poursuivi jusqu'en ce lieu par les paiens, aurait fait franchir d'un bond a sa monture toute la vallee de Malvaux, et serait alle s'abattre au _Foudon_, ou l'on montre une autre pierre de Saint-Martin. Les villageois attribuent a l'eau qui sejourne dans le creux du rocher, la meme vertu qu'a celle de la fontaine St-Pierre. On s'en sert comme d'un preservatif contre les fievres, et il n'est pas rare d'y rencontrer des pieces de monnaie, des oeufs ou autres offrandes. Les pauvres seuls ont le droit d'y toucher; car celui qui, sans necessite, y porterait la main, prendrait la maladie dont a ete gueri le donateur. TABLE DES MATIERES I. Apercu sur l'histoire de Bibracte II. Remparts et portes de l'oppidum III. Interieur de l'oppidum Terrasse Parc aux Chevaux Champlain Vallees de la Goutte Dampierre, de l'Ecluse et de la Come-Chaudron IV. Exterieur de l'oppidum ERRATA DU PLAN Au lieu de: Chapelle St-Pierre; lisez: Chapelle St-Martin. Au lieu de: Croix du Rebours; lisez: Croix du Rebout. NOTES: [Note 1: L'influence grecque dans les poteries et dans les quelques objets de metal trouves dans les fouilles du Beuvray, est tellement evidente qu'il n'est pas possible de supposer aux Eduens d'autres instituteurs dans les arts que les Grecs et les Marseillais.] [Note 2: Ce passage de Pline, quoique posterieur de plus de cent ans a l'epoque dont nous parlons, n'en est pas moins probant, car plusieurs des especes de marne que cite cet auteur ont des noms gaulois.] [Note 3: Voir ce qui est relatif a l'emaillerie gauloise au paragraphe de la _Come-Chaudron_.] [Note 4: Caesar. _Bell. Gall._ I, 22.] [Note 5: Caesar, _Bell. Gall._ VII, 55.] [Note 6: Caesar, _Bell. Gall._ VII, 55.] [Note 7: Caesar. _Bell. Gall._ VII, 63.] [Note 8: Caesar. _Bell. Gall._ VII, 90.] [Note 9: Hirt. _Bell. Gall._ VIII, 2.] [Note 10: Tandis que le fond de la nation francaise est de race celtique, la langue francaise n'a conserve qu'un nombre insignifiant de mots qui puissent etre ramenes a une origine gauloise. Fait bien etrange et qui mieux encore que l'histoire politique montre combien fut absorbante la puissance romaine. (A. Brachet, _Grammaire historique_, p. 21.)] [Note 11: Celui de Germanus est fort rare et ne se trouve que dans les quartiers pauvres.] [Note 12: Voir pour la discussion de ce texte le remarquable travail de notre savant collegue, M. Roidot, president du tribunal d'Autun. (_Memoires de la Societe Eduenne_, t. I de la nouvelle serie, p. 274.)] [Note 13: On a identifie quelquefois la forteresse gauloise de Bibracte avec Augustodunum, ville essentiellement romaine. Edme Thomas, entre autres, n'admet pas que "_Bibracte Eduorum_ ait ete placee sur ce petit desert qu'on appelle Beuvray." "Si Beuvray etait l'antique Bibracte--s'ecrie naivement le bon chanoine--ne devrait-on pas y retrouver les traces de sa grandeur ... des ruines de temples, de palais, de theatres, de portiques, de pyramides, de sepulcres, de colonnes, de statues, d'aqueducs?... etc." (Edme Thomas, _Histoire de l'antique cite d'Autun._ p. 11 de la nouvelle edition.) Les moeurs et les institutions gauloises mieux connues, l'etude de la numismatique locale, les recherches de la philologie moderne, l'exploration des retranchements du Beuvray, et surtout les fouilles poursuivies depuis tantot dix ans, ont fait justice d'une erreur accreditee par des erudits qui revaient de villes gauloises baties sur le modele de Rome et d'Athenes.] [Note 14: Bibracte est le plus grand oppidum gaulois concu. Le mur paien de Sainte-Odile (Alsace), Alexia, Gergovie, ont a peine cent hectares de superficie.] [Note 15: Ce temple etait vraisemblablement dedie a la Dea Bibracte, fee des sources du Beuvray.] [Note 16: Ce puits etait evidemment une cachette ou furent deposes par les derniers adorateurs de la deesse Bibracte les _ex voto_ du temple du Beuvray, lors de sa destruction par saint Martin.] [Note 17: Parmi les debris de poteries romaines, on en a trouve un marque du monogramme du Christ.] [Note 18: Voir, pour plus de details, _Le culte des eaux sur les plateaux eduens_, par M. J.-G. Bulliot. (Collection des memoires lus a la Sorbonne 1867, archeologie, p. 11.)] [Note 19: Le nom conserve a telle pierre se prete de lui-meme a notre interpretation: la wivre est un serpent fantastique. La _Fontaine des Larmes_ a une signification analogue: dans le Morvan, l'usage de preter serment sur certaines pierres parait avoir existe de tout temps, et l'on admettait jadis que quand un parjure etendait la main la pierre suintait de l'eau. En Bretagne, les Kerguelvans ou pierres des larmes sont tres communes, et on leur attribue la meme vertu. La Fontaine des Larmes se retrouve du reste dans un grand nombre d'_oppidum_ gaulois, parmi lesquels nous pouvons citer le mur paien de la montagne de Sainte-Odile (Alsace).] [Note 20: Le _Senchus-Mor_, recueil de lois irlandaises dont quelques-unes remontent a deux siecles avant l'ere chretienne, porte entre autres: "Celui qui coupe la bride d'un chef pendant le conseil doit payer la valeur des dommages d'honneur aux sept plus nobles personnages de la reunion."--"Celui qui mine le tertre appele lieu d'assemblee devra remplir de lait le trou qu'il aura fait."] [Note 21: Voir pour plus de details l'_Art de l'Emaillerie chez les Eduens avant l'ere chretienne_, par MM. J.-G. Bulliot et Henry de Fontenay, Autun, 1875.] End of the Project Gutenberg EBook of L'oppidum de Bibracte by Anonymous (par un membre de la Societe Eduenne, a l'occasion du Congres scientifique d'Autun, d'apres les notes et sous la direction de M. J.-G. Bulliot, l'explorateur du mont Beuvray) *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OPPIDUM DE BIBRACTE *** ***** This file should be named 11744.txt or 11744.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/1/1/7/4/11744/ Produced by Robert Connal, Veronique Durand and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by gallica (Bibliotheque nationale de France) at http://gallica.bnf.fr. Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at https://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit https://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Each eBook is in a subdirectory of the same number as the eBook's eBook number, often in several formats including plain vanilla ASCII, compressed (zipped), HTML and others. Corrected EDITIONS of our eBooks replace the old file and take over the old filename and etext number. The replaced older file is renamed. VERSIONS based on separate sources are treated as new eBooks receiving new filenames and etext numbers. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: https://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. EBooks posted prior to November 2003, with eBook numbers BELOW #10000, are filed in directories based on their release date. If you want to download any of these eBooks directly, rather than using the regular search system you may utilize the following addresses and just download by the etext year. For example: https://www.gutenberg.org/etext06 (Or /etext 05, 04, 03, 02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90) EBooks posted since November 2003, with etext numbers OVER #10000, are filed in a different way. The year of a release date is no longer part of the directory path. 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