The Project Gutenberg EBook of Une politique europeenne : la France, la Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal, by Etienne Grosclaude This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Une politique europeenne : la France, la Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal Author: Etienne Grosclaude Release Date: October 25, 2004 [EBook #13855] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK UNE POLITIQUE EUROPEENNE : *** Produced by Michael Ciesielski, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. ETIENNE GROSCLAUDE UNE POLITIQUE EUROPEENNE La France, la Russie, l'Allemagne Et LA GUERRE AU TRANSVAAL L'Afrique du Sud sera le tombeau de l'Angleterre. BISMARCK. "Prodigieuse contree, cette Afrique du Sud! on y convertit nos eveques, on y bat nos generaux et on y resout nos questions europeennes!" Cette tragique boutade, inspiree a un homme d'Etat anglais par la mort inutilement glorieuse du Prince imperial au Zoulouland, pourrait bien rencontrer une application nouvelle dans les evenements qui se deroulent en ce moment autour du Transvaal. Peut-etre ne se trouve-t-il plus de missionnaires evangelistes accessibles a la belle simplicite des religions primitives comme le fut l'eveque Colenso, mais il y a encore des generaux anglais a battre dans l'Afrique du Sud, et de graves problemes europeens se dressent attendant une solution qu'il ne serait pas surprenant de voir arriver de si loin. La patience de l'Europe finira quelque jour par se trouver a bout; ce jour approche; enfin lasse de supporter les provocations outrageantes de l'Angleterre et ses dommageables empietements, cette Europe va-t-elle sauter sur l'occasion inesperee de liquider en bloc un compte debiteur journellement grossi par les acquisitions de l'Imperialisme qui s'etale a la surface du globe sans trouver devant lui la moindre opposition de fait. Des mots, des mots, pas un geste, or si quelque chose pouvait arreter cette marche foudroyante, ce n'etait ni les jeremiades d'une diplomatie dont le style, des longtemps exerce a la fuite, excelle a trouver les detours par lesquels on echappe aux responsabilites de l'action,--ni les telegrammes a sensation d'un bouillant Kaiser, momentanement oublieux des egards qui sont dus a une vieille grand'mere... quelle que soit sa condition sociale. Le reveil de l'Europe, a l'heure ou nous voici, n'aurait assurement rien de premature, mais la condition physiologique la plus necessaire pour se reveiller, c'est de ne pas etre mort. Il faudrait donc au prealable s'assurer si dame Europe est defunte, ou si elle est seulement assoupie. L'Europe existe-t-elle encore autrement que sur la carte? sur la carte ou l'on voit juxtaposees des nations, dont les deux plus considerables sont separees par un abime de ressentiments que rien ne saurait combler,--rien, helas! de ce qu'il est permis d'attendre d'un consentement pacifique. Au centre: un groupement compact de nationalites dont la cohesion peut etre subitement aneantie par la disparition d'une dynastie; sur les cotes: deux grands peuples qu'unissent a travers l'espace des liens dont la solidite n'a pas encore ete soumise au controle d'une epreuve decisive. Aveuglee par le tourbillon des craintes et des esperances particularistes, l'agglomeration europeenne n'a point une vision suffisamment degagee pour discerner au dehors le peril qui la menace dans son ensemble et pour reconnaitre l'interet qu'il conviendrait de soutenir en commun. Il est toutefois incontestable que, depuis un certain temps, les deux groupes antagonistes, obeissant l'un et l'autre au seul instinct de la conservation, portent parallelement leurs efforts vers un unique objectif, qui est la paix de l'Europe; ce n'est un secret pour personne que, des son origine, la Triplice eut un caractere exclusivement defensif, prevoyante entreprise de cimentation du bloc improvise dans l'Europe centrale et longtemps expose a un retour offensif de ceux a qui l'on en avait arrache la derniere pierre. Or, en depit de toute vraisemblance et peut-etre aussi de toute logique, les angoisses, qui, durant une vingtaine d'annees, troublerent le sommeil des conquerants, se sont apaisees a mesure que se trouvaient decus les ardents espoirs de la nation mutilee qui, depuis le desastre, n'a pas eu un gouvernement capable de lui commander le devoir et de lui imposer la confiance. On a laisse le temps faire son oeuvre et une sorte de prescription s'etablir, bien qu'il n'en soit aucune d'admissible pour certains forfaits de l'histoire. Henri Heine reprochait a ses compatriotes de n'avoir pas encore, a l'heure ou il ecrivait, pris leur parti du meurtre de Conradin de Hohenstaufen par Charles d'Anjou; cette critique etait le plus bel eloge qu'on put faire d'une race qui ne s'expliquera jamais comment certains peuples se depouillent en quelques annees des souvenirs que les autres conservent a travers les siecles. Les causes de cette desaffection publique sont-elles dans la legerete de l'esprit francais? dans un abaissement des caracteres deprimes par la plus stupefiante humiliation nationale? dans une demoralisation consecutive a l'accroissement et a la vulgarisation du bien-etre materiel, qui retrecit les idees au calibre des petits interets immediats? dans le cosmopolitisme financier, qui subordonne les principes aux effets et les sentiments aux profits palpables? Peut-etre faudrait il les rechercher surtout dans deux ordres de phenomenes dont l'un est nefaste et gros de menaces, tandis que l'autre, en compensation, nous ouvre un avenir plein de promesses et soutient les plus radieuses en meme temps que les plus solides esperances de la patrie francaise: a notre passif, le decouragement ou ce pays est enfonce chaque jour davantage par le pessimisme d'une presse acharnee a ne fouiller que le mal, a n'etaler que les plaies, a ne publier que les hideurs d'une nation dont la sante n'a jamais ete plus exuberante, dont la fecondite au bien et la faculte du beau ne font doute que pour elle-meme, et dont la principale cause de faiblesse est dans ce regime enervant qui la reduirait bien vite a une hypocondrie plus desastreuse que ne le seraient de veritables infirmites. Pour ce qui est de notre actif, avec quelle encourageante satisfaction on y inscrit le prodigieux mouvement d'une expansion coloniale, qui, depuis vingt ans, a suscite tant d'admirables energies, secoue la torpeur des energies industrielles et commerciales, ranime l'esprit d'entreprise somnolent depuis un siecle, fait reapparaitre l'initiative individuelle dont l'effacement nous menacait d'une decadence irremediable, et ouvert a l'activite, par consequent a la prosperite nationale, un vaste empire dont le spectacle doit suffire a nous rendre le sentiment indispensable de notre force et de notre valeur! Voila ce que nous a donne notre politique coloniale; il est vrai que nous n'avons pas ete seuls a en beneficier et qu'elle a valu la paix a l'Europe. On lui en a fait un crime. Le grief etait-il fonde? Il l'etait sans aucun doute, si l'on a lieu de croire que, sans l'oeuvre absorbante qui nous a successivement occupes en Tunisie, au Tonkin, au Soudan et a Madagascar, nous nous fussions trouves dans les conditions morales et materielles indispensables pour assurer la reparation des catastrophes de 1870 et la reprise de l'Alsace-Lorraine. Si, au contraire, en imaginant que ne se fut pas developpee cette grandiose epopee coloniale, qui, sans detourner une proportion excessive de nos forces continentales, nous a valu une immense extension territoriale et un indeniable relevement de notre situation morale, de notre credit europeen, de notre "standing", comme disent les Anglais; si l'on est amene par l'examen de cette hypothese a la conclusion qu'en l'absence de toute cette activite au dehors, nous n'aurions pas davantage tire parti en Europe de notre liberte d'action,--faute de pouvoir compter sur l'etat d'esprit indispensable pour mener a bien la plus formidable entreprise militaire des temps modernes,--et que tout se serait borne a en parler davantage et a y penser plus longtemps, mais sans rien faire de plus; alors il faut proclamer que notre politique coloniale a ete un grand bienfait pour la France en meme temps que pour le reste de l'univers,--a l'exception de l'empire britannique,--et que Jules Ferry fut un des hommes d'Etat les plus avises de notre epoque. En depit des efforts constants de l'Angleterre souveraine de toutes les eaux, et qui navigue avec une superiorite particuliere dans l'eau trouble,--la situation de l'Europe s'est visiblement clarifiee depuis quelques annees; non seulement il apparait qu'une unite d'action momentanee y serait possible dans des cas determines, mais il semble meme qu'elle serait facilitee par le groupement actuel des forces opposees en deux faisceaux, que rien n'empecherait de diriger a un moment donne dans le meme sens, quitte a les laisser reprendre, l'instant d'apres, leur orientation habituelle. Cette synergie occasionnelle, il ne faut pas l'oublier, s'est deja manifestee dans les affaires de Chine, ou la France et la Russie, d'accord sur ce point, et sur ce point seulement, avec l'Allemagne, ont "syndique" leurs interets en face de l'Angleterre. C'est a dessein que j'emprunte au langage des gens d'affaires ce terme significatif, puisque aussi bien toutes les grandes nations out reconnu l'avantage d'emprunter a l'imperialisme britannique sa politique de "business", au moment ou se debattent en Asie et en Afrique les interets materiels les plus considerables et ou sir Charles Beresford, au retour de son importante mission en Extreme-Orient, s'intitule avec une apparente modestie "le commis-voyageur" de la Grande-Bretagne. Les nations europeennes semblent etre parvenues a ce point de developpement ou l'individu, sentant se ralentir sa facilites de produire, met a profit sa vieille experience pour tirer parti du travail d'autrui; c'est pour cela que, sur toute la surface du globe, se debat presentement la competition la plus apre qui ait jamais mis des gens d'affaires aux prises: le partage des contrees de production entre les vieux pays, dont l'activite doit se borner desormais a une exploitation lucrative. Le procede syndicataire est plus indique que tout autre pour une operation de cette nature; il presente notamment l'avantage d'unir les interets sans lier les parties, qui conservent toute leur liberte d'action en dehors de l'objet special pour lequel est constitue le syndicat. Il n'a pas les exigences etroites de l'association, ni ses promiscuites; on a des interets communs, mais cela n'engage a rien pour les relations personnelles, et les porteurs de parts ne sont aucunement tenus de se saluer quand ils se rencontrent. C'est un avantage a considerer lorsqu'il s'agit d'un reglement de comptes comme celui que l'Europe peut avoir a effectuer d'un moment a l'autre, et qui serait singulierement facilite par une association temporaire, dans laquelle seraient totalises les credits individuels des divers participants sans qu'il en resultat pour eux l'obligation de se faire des politesses. Laissant de cote pour quelques heures les ressentiments ineffacables et reservant tous leurs droits sur le grave litige eleve entre elles il y a trente ans, la France et l'Allemagne peuvent-elles decemment entrer dans un syndicat de ce genre, en vue de sauvegarder des interets communs qu'il leur est impossible de soutenir isolement et dont la realisation se trouverait compromise par de plus amples delais? Telle est la question. Pour la resoudre, le premier point a examiner, c'est si leurs interets dans cette affaire sont d'un poids suffisant pour contrebalancer le dommage sentimental que nous infligerait un tel rapprochement? Est-il avere que l'expansion britannique constitue pour le genre humain un peril, dont nous aurons a supporter le premier choc, et si pressant qu'il nous faille imposer silence momentanement a notre profonde rancune pour marcher a cote de l'ennemi d'hier, et peut-etre de demain, contre l'ennemi de toujours? Les interets de cet associe de circonstance sont-ils, d'autre part, assez puissants pour le determiner a une communaute de raison,--non du sentiment,--sans aucune garantie de notre part contre les revendications qui nous tiennent au coeur? Ce syndicat, dont la gestion serait, je suppose, confiee tout d'abord a la Russie, en vue de reduire les froissements au minimum, disposerait-il de moyens assez puissants pour trancher au profit commun le grand partage mondial, on mettant l'adversaire dans l'impossibilite de se tailler la part du lion britannique, et assez continus pour assurer a chacun la jouissance pacifique des possessions equitablement reparties? Quels seront ses moyens d'action? Sur quels points devront-ils agir? et dans quelle forme? Sera-ce, comme il est desirable, dans un debat correct autour d'un tapis vert, sans qu'on en soit reduit a descendre sur le pre, et fera-t-on enfin cesser le bruit assourdissant des coups de canon de l'Afrique du Sud pour permettre aux interesses europeens d'echanger des observations dans ces formes courtoises que sont toujours enclins a observer entre eux des hommes armes jusqu'aux dents? Voila de formidables problemes qu'il serait urgent de resoudre et qu'il est interessant d'examiner en parvenant a ce carrefour historique, devant lequel sont en passe d'hesiter indefiniment nos diplomates de bureau, comparables a Hercule seulement par une indecision qui, en se prolongeant davantage, les assimilerait plus justement au quadrupede philosophique de Buridan. I Une caricature, dont la legende est passee en proverbe, constate que, du temps de Gavarni, les Anglais se consideraient deja comme chez eux partout ou l'eau etait salee; ils ont depuis cette epoque pris gout a l'eau douce et, apres avoir plante leur pavillon le long de toutes les cotes hospitalieres et sur toutes les iles en bonne place, ils se sont mis a remonter les fleuves, accaparant les grandes vallees l'une apres l'autre, portant leur effort principal en Chine, sur le Yang-Tse-Kiang, le Menam et le Mekong, et en Afrique, sur le Nil et le Niger, tout en empietant le plus possible sur le Zambese et en recherchant toutes les occasions de s'immiscer dans le Congo. On va jusqu'a pretendre que leur influence remonte tel fleuve d'Europe jusqu'au niveau du quai d'Orsay; qu'elle atteint meme, depuis quelques mois, sur la rive opposee jusqu'au Pavillon de Flore. Pour parler statistiquement, l'empire britannique couvre aujourd'hui plus d'un sixieme de la terre habitee. L'expansion phagedenique de son imperialisme devorera tout le reste, s'il ne lui est oppose une medication radicale et prompte. Enfantee par Cromwell et concue dans l'Acte de navigation,--alimentee par les fautes de Louis XIV, provoquant les nations a des guerres inutiles, ou la France et la Hollande s'epuiserent l'une contre l'autre au seul profit de leur rivale,--grandie en s'incorporant la substance de nos grandes entreprises coloniales qu'abandonnaient aux Indes et au Canada les politiciens de l'interieur, la puissance maritime de l'Angleterre a pris toute sa force au moment meme ou Napoleon lui fut livre par l'Europe, qui perdait ce jour-la son dernier defenseur. Elle s'etale depuis lors dans un embonpoint, qui revet, sous la poussee de l'Imperialisme, un inquietant aspect de turgescence. Voici deja qu'apparaissent a fleur de peau les symptomes d'une couperose que l'esthetique reprouve et que l'hygiene ne saurait tolerer: penibles demangeaisons du cote des Indes, ou l'anemie voisine a la plethore, fendillement du Canada, tumefaction de l'Australie par l'effet de cette chaleur du sang qui fait eclater les vaisseaux de l'Afrique du Sud. Cette efflorescence est due aux capiteuses doctrines, dont les premieres gouttes furent distillees par lord Beaconsfield et que M. Chamberlain repand a flots depuis quelques annees; c'est a lui qu'il faut s'en prendre si la nation anglaise, a l'exception de quelques tetes solides, est enivree par le suc fermente de l'herbe guerriere qui lui a fait perdre la notion des realites on meme temps que le sentiment des devoirs. Quand et comment cela va-t-il finir? Il n'y a rien de tel pour degriser les gens ivres que de voir couler leur sang. C'est le douloureux spectacle offert en ce moment a la nation anglaise. Elle s'en trouvera bien; l'avertissement et la saignee seront profitables a sa nature apoplectique, congestionnee chaque jour davantage par la satisfaction abusive d'un "besoin de prendre" que ne limite plus aucune consideration de respect humain. Il faut souhaiter pour l'Angleterre et pour le genre humain que cette intoxication ne se prolonge pas et que la cervelle britannique soit bientot debarrassee des manifestations delirantes de ce "jingoisme" qui met a l'unisson avec les elucubrations des chansonnettistes de cafe-concert les inspirations d'un admirable ecrivain comme Rudyard Kipling et les vers du poete laureat qu'est M. Alfred Austin: la "Chevauchee de Jameson", la rengaine patriotique d'Hamilton, dont le refrain "Bas les pattes, Allemagne!" fit fureur au lendemain du telegramme de Guillaume II, l'hymne en vogue a l'Alhambra, et la derniere pensee de l'auteur du _Jungle Book_, tout cela se ressemble et s'assemble, et se confond dans une deconcertante fraternite des genres litteraires: Shakespeare lui-meme se trouve emmene de gre ou de force dans la cohue imperialiste, a la representation de _King John_, ou, sous les yeux de M. Chamberlain, un public en folie salue d'applaudissements frenetiques ou de furieux grognements les passages dans lesquels il trouve place a des allusions aux choses du present. "Ainsi, quand on a entendu ces vers: _Stand back, lord Salisbury, stand back, I say! By heaven! I think my sword as sharp as yours?_ (Arriere, Salisbury, arriere, te dis-je! Par Dieu, mon epee n'est-elle pas aussi tranchante que la tienne?) on a fortement grogne", nous dit le correspondant d'un grand journal parisien. Cette citation est utile, en ce qu'elle fait comprendre l'attitude du Salisbury contemporain aux observateurs superficiels que trouble la desinvolture avec laquelle un homme d'Etat de ce sang-froid et de cette tenue s'est laisse gagner a la main par le fougueux attelage qu'on le croyait de force a maintenir. On s'explique parfaitement qu'emporte dans ce galop infernal, sur la pente d'une inclination de l'opinion publique aussi accentuee, un homme de l'age du marquis de Salisbury ne se soit pas senti assez vigoureux pour bouter en douceur le char de l'Etat contre la borne d'un veto souverain, ni assez ingambe pour sauter a terre, et qu'il ait rendu la main. Au bout du fosse l'on verra si ce fut de la prudence. Il est egalement, vraisemblable que M. Chamberlain lui-meme a ete entraine par ce mouvement populaire fort au dela du but qu'il cherchait a atteindre, et avec une vitesse dont il n'est pas sans eprouver les inconvenients. C'est un destin auquel se trouvent constamment exposes les agitateurs publics. "Il y a des hommes que la popularite devance, presque sans qu'ils l'aient cherchee, que l'opinion prend par la main, pour ainsi dire, auxquels elle commande des crimes en vue d'un programme qu'elle leur impose... Le criminel en pareil cas, c'est la foule, vraie lady Macbeth, qui, des qu'elle a choisi son favori, l'enivre de ce mot magique: Tu seras roi! Dans quelle mesure ces lignes de Renan s'appliquent-elles a M. Chamberlain et quelle est la part du dessein conscient dans le genie malfaisant de ce politicien qu'une ambition implacable a eleve progressivement de la manufacture des souliers a la fabrication des ecrous, et du college electoral de Birmingham jusqu'a la plus haute situation politique du Royaume-Uni,--qui est peut-etre a la veille de trouver en lui son Crispi? C'est une question qu'il serait interessant de poser, par exemple, a M. Stead, l'ancien Directeur du _Pall Mail Gazette_, l'editeur actuel de la _Review of Reviews_, qui a sonde les arcanes psychologiques du heros de l'imperialisme et en a rapporte dans sa retentissante brochure: _Avons-nous une raison?_ de singulieres revelations sur la mobilite d'un esprit politique qualifiant jadis de "