The Project Gutenberg EBook of Humoresques, by Tristan Klingsor

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Title: Humoresques

Author: Tristan Klingsor

Release Date: February 27, 2007 [EBook #20705]

Language: French

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BIBLIOTHÈQUE DU HÉRISSON
(OEUVRES NOUVELLES)





TRISTAN KLINGSOR



HUMORESQUES



AMIENS
LIBRAIRIE EDGAR MALFÈRE
7, RUE DELAMBRE, 7

Dépôt à Paris, 1, rue Vavin, 6e arr.)



1921


JUSTIFICATION DU TIRAGE

Il a été tiré:

15 exemplaires sur Japon, numérotés 1 à 15.
50 exemplaires sur Hollande, numérotés de 16 à 65.
100 exemplaires sur Arches, numérotés de 66 à 165.
2.000 exemplaires ordinaires.


La présente édition est l'édition ordinaire de cet ouvrage.


AUTRES OUVRAGES
DE
TRISTAN LECLÈRE (KLINGSOR)



Le Livre d'Esquisses, proses (Mercure de France). 1 vol.
Schéhérazade, poèmes (Mercure de France). 1 vol.
Le Valet de coeur, poèmes (Mercure de France). 1 vol.
Poèmes de Bohême, (Mercure de France). 1 vol.
La Duègne apprivoisée, un acte (Sansot). 1 vol.
Chroniques du Chaperon, poèmes (Sansot). 1 vol.
L'Escarbille d'Or, poèmes (Sansot-Chiberre). 1 vol.
Hubert Robert (H. Laurens). 1 vol.
Les femmes de théâtre au XVIIIe siècle. (Piazza). 1 vol.
Petits métiers des rues de Paris (J. Beltrand). 1 vol.
Chansons de ma mère l'Oie, 6 mélodies (Rouart). 1 recueil.


                        A L'AUBERGE


Quelle heure est-il?
Le coq du voisin
S'égosille
Et dame dinde s'esclaffe;
Un oiseau posé sans doute sur le fil
Du télégraphe
Fait un trille;
Ai-je dormi si tard ce matin?

Il est huit heures;
J'entends l'horloge de l'auberge
Qui sonne,
Et je mets flamberge
Au vent;
Mais où est la tartine de beurre?
Holà! Gertrude ou Margoton, mon coeur t'attend:
Ne viendra-t-il donc personne?

Quelle heure est-il? Il est huit heures:
Il fait gris au dehors comme dans un four
Et la cloche tinte:
Est-ce pour le jour qui meurt,
Est-ce pour mon amour?
Je suis seul à l'auberge et songeant
Devant cette pinte
Où je trempe plus d'un fil
D'argent;
Quelle heure est-il?




                        LE TRIO


Le notaire, le cousin et le poète
Vous font un trio d'amoureux, ô très chère,
Et si parfois vous riez peut-être
Du rêveur qui vous adore comme pas un,
Vous le laissez simplement se morfondre
Pour tendre la main aux écus du notaire
Et la joue aux baisers du cousin:
Ainsi va le monde.

Et cependant que votre mari
Qui se croit assuré contre le pire
Promène sa faconde,
Vous l'encornez et chacun rit;
Il n'y a que moi seul, très chère, qui soupire:
Ainsi va le monde.




                    LE DRAGON


Mon coeur est triste:
Mes culottes sur le fauteuil font
Des plis savants de culotte d'artiste;
Mon coeur est triste;
Une chaussette traîne sous la chaise
Et j'entends à travers le plafond
Le ronflement sourd d'un bourgeois obèse.

Je me tourne un peu
Sous la couverture à fleurs
Et le sommier crie;
Je me tourne un peu
Et je regarde obstinément
Le papier déteint aux feuillages bleus
Comme la forêt de féerie
D'une belle au bois dormant.

Je veux être son chevalier
Et dans ma songerie fantasque j'imagine
Que derrière le mur au vieux décor charmant
Je vais trouver madame Durand ma voisine
En nonchalant déshabillé;
Je veux être son chevalier
Et mon coeur s'égare adorablement.

Mon coeur s'égare et je me grise
De rêver qu'elle est en corset noir à rubans
En train d'ôter mignon soulier,
Tandis qu'un bout indiscret de chemise
Passe par la fente du pantalon blanc;
Mon coeur s'égare et je me grise
A ce jeu troublant.

Je veux enlever ma belle jolie
Au dragon farouche
Et coiffé d'un bonnet de coton à gland
Qui se cache dans son lit,
Au dragon farouche
Dont la moustache énorme tombe sur la bouche,
Et qui laisse voir au dehors
Une main de géant couverte de poils gris;
Mais soudain je me frotte un oeil
Dans un pénultième effort;
Je revois mes culottes sur le fauteuil,
Je souffle ma lampe sans bruit
Et seul encor et le coeur triste je m'endors.




                L'AUBÉPINE


L'aubépine est fleurie dans la haie
Et l'oseille sauvage dans l'herbe;
Galant imberbe plait
Mieux que mari acerbe;
L'aubépine est fleurie dans la haie.

La belle, voulez-vous ce bouquet,
La belle, voulez-vous ce baiser?
Penchez-vous un peu plus à votre croisée:
Au coin de la rue vient le beau freluquet
Dont votre tête rose est toute grisée.

Votre vieux mari est dans la cour, qui pisse,
En bonnet de coton et gros sabots de hêtre;
La chemise est ouverte sous votre corset
Et chacun sait
Que cette heure à l'amour est propice;
L'aubépine sauvage est fleurie dans la haie.




        COMME IL VOUS PLAIRA


Vraiment, messieurs, charmants messieurs
De Paris, de Rouen ou de Pontoise
Suis-je de ceux
Qui vous égaient un peu?
Pitre endurci
Au menton bleu
Couleur d'ardoise,
Ton nez est-il aussi
Rouge que la framboise?

Et pour vous, jolies dames de France,
Est-il fol ou mélancolique à votre guise
Ce tendre coeur?
En tout honneur d'ailleurs,
Car quelle belle pense
A barbe grise?

Je connais qui me hait
Et je connais qui m'aime,
Mais suis-je trop fantasque et trop gai,
Ou trop pensif à votre gré?
Par ma foi, je le sais peu moi-même:
Croyez donc ce que vous voudrez.




                    LA PIE AU NID


Qui trouve à son retour le buffet dégarni,
La soupe à moitié froide et le chat sur la table
Envoie sa digne épouse au diable
Et laisse pie au nid.

Qui trouve en son logis visage renfrogné
Va courtiser servante et pot à bière;
Oyez, belles trop fières,
Oyez ce qui vous pend au nez.

Mais toi, chère Marion, tu es toute ambroisie,
Et miel et friandise de haut prix
Et femme assurément à point choisie
Pour ton mauvais mari.




                AU LUXEMBOURG


Passe qui voudra par la rue Saint-Jacques,
Je préfère le Luxembourg
Avec ses marbres, ses marronniers lourds
Et ses balustrades de pierre autour
Du lac.

Le soleil d'août brille:
N'est-elle pas trop roide en somme
Cette rue?
Regardons plutôt l'herbe drue,
La rose, la jonquille
Et le géranium.

Une jolie fille sourit
Et surpris
J'ai un peu d'émoi;
Le fin jet d'eau verse une larme;
Une jolie fille sourit
Et le fantassin porte l'arme,
Mais ce n'est pas pour moi.

Passe qui voudra par la rue Saint-Jacques,
Plus je n'y voudrai passer:
Mon coeur y fut trop blessé
Et durement mis à sac;
Passe qui voudra par la rue Saint-Jacques.




                    LA GAVOTTE


Chevalier Gluck, chevalier Gluck,
Lorsque j'écoute
Vos airs trop tendres
Et charmants,
Mon vieux coeur tremble
Comme un instrument
Sous l'archet de soie,
Chevalier Gluck,
Et je me crois
Au temps des paniers, des culottes courtes
Et des perruques.

Le bourgeois obèse
Du dessus dort
Dans sa chambre Louis Seize;
Beaux doigts de ma voisine,
Rejouez encor,
Rejouez pour moi
Cette gavotte exquise
D'Armide;
Et pardonnez très chère au fol émoi

D'un coeur si timide:
Car ce soir j'imagine
Que vous voici marquise
Et m'accordant enfin votre joli corps:
Le bourgeois obèse du dessus dort.




                    LE LOUP-GAROU


Vieux rat, tu peux t'aventurer dans la gouttière;
Sur le beau soir bleu
Monte une fumée légère de bruyère
Et le chat joue
Dans la maison avec sa queue.

Vieux coeur tu peux t'aventurer chez la bergère;
C'est l'heure du loup-garou,
Et le mari dort au coin de son feu;
La lune rit sans bruit dans le beau soir bleu;
Eh! soyons vite audacieux,
Vieux coeur: c'est l'heure du loup-garou
Et des amoureux.




    NOCTURNE PROVINCIAL


Les bougies sont soufflées
Et sur les toits la lune brille;
La dame du notaire est endormie
Et seuls, quatre officiers d'académie
Font leur manille
Au petit café.

Il serait vraiment sage
De rentrer, je crois:
Je sens que j'ai le nez
Tout gelé de froid;
Un passant attardé se soulage
Au coin de la rue abandonnée.

Hein! est-ce que je m'enrhume?
J'ai le poumon trop délicat
Pour cette brume:
Ah! chère qui restez tranquillement
Derrière vos persiennes,
Ne ferez-vous donc jamais cas

De la tendre antienne
Si pleine de poésie
De votre pauvre amant
Transi?




            PENDANT LA PLUIE


Il pleut:
L'épinard verdoie
Et l'eau ravive la couleur de toute chose;
La brique de l'auberge est plus rose
Et la mousse est plus bleue
Sur le toit.

Et toi, tu bois,
Cher bourgeois
Strasbourgeois
Qu'on voit au travers de la vitre close,
Tu bois en riant un vieux vin de choix
Et ton nez rougeoie.




                    LE MENUET


Le menuet délicieux de Mozart,
Mélancolique et charmant,
Divulgue note à note son humeur bizarre
D'un qui sourit à peine ou pleure sans raison,
Et qui suit son chemin par la neuve saison
En effeuillant son coeur adorablement.

On dirait qu'en un parc inventé de Watteau
Les ingénus et les belles Florises
Se confient tendrement d'inutiles propos,
Et que l'écho plaintif des rires musicaux
Se mêle à la mélodieuse surprise
Des jets d'eau.

Mélancolique et charmant et fantasque un peu
Le menuet délicieux et rebelle,
Le menuet de Mozart s'égrène encor;
Il pleut des roses, il pleut
Sous les doigts savants de mademoiselle:
Monsieur Durand de deux oreilles complaisantes
Écoute le jeu de sa fille Laure
Et bat la mesure sur son ventre.

Et cependant que la dernière réplique
D'un rythme plus vif se marque,
Madame ravie vers le Prétendant
Rose et frais dans son faux-col blanc
Et sa redingote en fleur,
Glisse un oeil oblique,
Et le menuet cette fois se brise
Comme un jet d'eau sous la brise
Au fond d'un parc.




        LA BELLE D'ARGENTEUIL


A la belle maraîchère d'Argenteuil
Au corsage ouvert sur les roses des seins
Que disais-tu, bon poète amoureux?
Le chemin creux
Était plein de feuilles
Et ton coeur des pires desseins.

Mieux eut valu du reste audacieux indiscret
Qu'oiseux discours:
La chemise s'échancrait
En molle fente;
Le jupon était court
Et la fille riait de sa gorge charmante.

Mais la peur de quelque bleu gendarme,
O rimeur, te retenait sans doute,
Car tu es revenu sur la route
Sans la belle maraîchère d'Argenteuil
Et même je crois une pointe de larme
A l'oeil.




                            LE MERLE


Le merle était dans le pommier
Tout à l'heure,
Le merle beau siffleur,
Mais vous dormiez.

Le vent frais du matin secouait
Les feuilles et les roses
Et pour écouter le délicat virtuose
Tout se tenait coi.

Pourtant un bouffon manquant à la poésie
De cet amoureux alleluia,
Vieux galant cramoisi,
Un coq à son tour s'égosilla.

Mais vous dormiez, très chère, et n'aviez nul souci
De cette pluie
De notes, non plus d'ailleurs que de celui
Qui est à votre merci.




                    JEAN GOSSART


Que Jean Gossart boive un bon coup
De cidre frais ou de vin chaud,
Que Jean Gossart boive un bon coup
Et que Margot vide la bourse du grigou,
Peu me chaut.

Je ne regarde que la route qui poudroie
Par la fenêtre de l'auberge;
Je n'écoute que cet oiseau dans le bois:
Jean Gossart, n'as-tu pas le roi?
Ton nez s'allonge comme asperge.

Mais que le clocher fin de la Landelle
Se voie de partout,
Et tes cornes aussi, Jean Gossart, que m'importe,
Puisque l'infidèle
M'a fermé pour ce soir sa porte
Et que je n'ai plus de dame d'atout.




            LA PLUME D'AUTRUCHE


Ah! jolis masques de Paris
Mon coeur trébuche
Toujours trop tôt;
La vieille dame avec une plume d'autruche
A son chapeau
Sourit.

Jusques à quand te croiras-tu donc damoiseau,
Pauvre homme au poil déjà tout gris;
Faux départ:
L'amour une fois encore est venu trop tôt
Ou trop tard.




                      BONNARD


Le camembert bleu, l'orange et la banane
Dorment dans le vieux Rouen;
Finies! compotes au sucre
Et tarte à la crème;
La tulipe jaune se fane
En son verre de Bohême;
Madame pianote et montre en jouant
La plus jolie nuque.

Digérons: cette heure est vraiment
Exquise;
Un peu de rêve sous la lampe flotte
Et je me grise
De l'odeur de cette nuque en fleur;
Madame joue un air ancien,
Un air tendre et cajoleur
De gavotte;
Monsieur descend faire pisser le chien.

Chère âme, voici l'instant propice,
Puisque la bonne est sortie elle aussi:
Aimiez-vous de la sorte, ô Juliette ou Lucie
Ou douce Bérénice?
Car notre amour enfin ne connaît plus de bornes,
Et que le diable perde ses cornes
Si ma main partout ne se glisse ...

Mais la clé grince:
La tulipe d'effroi
Meurt et s'effeuille;
Prudent et sans plus attendre
Je m'enfonce dans le fauteuil
Et madame de ses beaux doigts minces
Reprend innocemment ce motif d'autrefois,
Cette gavotte adorable et tendre,--
De Philidor, je crois.




            LA BRETELLE CASSE


Messieurs, arrêtez-vous de grâce!
Que le diable m'emporte,
Ma bretelle casse,
Et je perds, je crois bien, ma culotte.

Si vous riez encore, Aminte,
Je ne serai pas dupe;
Je le dis à maints et maintes,
Et pendu sois-je si je mens:
L'astre le plus charmant
Que j'aie vu, je le vis sous vos jupes ...

Mais fi! de l'indiscret
Et trêve à ces réalités
Qu'en dévot j'adorais;
La lune se lève:
Mes belles dames, permettez
Que j'accroche à sa corne dans ce soir d'été
Tout mon rêve.




                            MATINES


Il a plu. Que l'odeur de la fleur de sureau
Est délicieuse ce matin!
Le soleil dans la brume demeure incertain
Et les corolles sont encore pleines d'eau.

Où irons-nous?
Le vent est d'est: n'entends-tu pas sonner les cloches?
Le rideau de nuages se dénoue
Et le brouillard dans la vallée s'effiloche.

A Saint-Aubin, à Ons-en-Bray,
A Espaubourg aussi, partout voici matines:
Quel amoureux regret,
Chère hypocrite, te retient donc sous la courtine?




        MADEMOISELLE ROSE


Une petite prise, mademoiselle Rose,
Une petite prise de vieux tabac fin:
A notre âge, eh! eh! c'est chose
Plus chère qu'un sachet de parfum.

Ça pique et c'est délicieux
Mademoiselle Rose, vous savez bien;
Ça pique et ça met une larme aux yeux,
Pour rien en somme, pour rien ...

Autrefois c'était une fraîche rose
Que je vous offrais, et cela aussi,
Cela aussi, mademoiselle Rose,
Mettait une larme claire entre vos cils.

Mais maintenant vous avez bonnet et jupe
A la mode ancienne:
Hélas! nous sommes restés tous deux dupes
De nos mutuelles antiennes.

Et maintenant quand on cause,
Et maintenant que voulez-vous qu'on dise?
Une petite prise, allons, mademoiselle Rose,
Une petite prise ...




            LE GARÇON MEUNIER


La lune est encore sur le clocher;
La route est grise dans l'air dense;
Le meunier balaie le plancher;
La pelote roule et le chat danse.

Je regarde en chemise à travers la vitre
Le paysage obscurci;
Ah! qui donc siffle ainsi une chanson au loin?
Il me semble que le moulin
Bat plus vite
Et mon coeur aussi.

Une fenêtre s'est ouverte à petit bruit:
Belle meunière, est-ce la vôtre?
La lune en rit,
La lune haute
Dans le vieux ciel couleur de taupe
Et de souris.

Votre bonhomme de mari trotte au grenier
Et le gendarme dort comme un loir dans son lit;
Le rat grignote, le chat joue
Et seul en chemise et rêvant de vous,
Je m'enrhume, ô très jolie:
Mais où est le garçon meunier?




               SOUS LA CENDRE


La pluie peut tomber plus fort
Du ciel monotone;
Les larmes peuvent descendre
Le long des joues
Et cet amour peut être mort;
L'eau dans le pot chantonne
Et bout toujours
Sous la cendre.

Et moi aussi malgré
La rose à jamais morte dans l'automne d'or
Et que de plus en plus ce poil gris pousse,
Je chante encore,
Et comme un baladin qui fait danser un ours
Sur le pré,
Je traîne en souriant un coeur désespéré.




                LA CHAMADE


Que le bassoniste
Sur l'ut grave de la sérénade
Insiste,
Et voici le coeur qui bat la chamade.

Ah! quel trictrac sentimental et tendre
Se cache sous ce sein fleuri;
Jamais Clitandre ni Cassandre.
N'en sauront le prix.

Mais moi, très chère
Chaque soir j'essaie d'accorder mon âme
A votre subtil sourire,
Et très dévotement je vous révère,
A l'égal de la dame
De Tyr.




           LE CHEF D'ORCHESTRE


Le chef d'orchestre à perruque blanche
Et menton mal rasé bleuté de barbe grise
A troussé la dentelle de sa manche
Pour humer une dernière prise.

Il a cogné sur le pupitre à musique
Son minuscule bâton d'ivoire;
La contrebasse a rajusté ses bésicles
Et les danseurs les roses de leurs habits noirs.

Voici que les archets réveillés vont et viennent
Pour jouer de vieux airs oubliés,
Et les violons avec leurs danses anciennes
Font courir les petits souliers.

Les cavaliers se penchent un peu
Sur les épaules émergeant des velours
Et murmurent de tendres aveux
Et des propos spécieux d'amour.

Les tailles souples se ploient,
Les mains se serrent plus doucement
Et sous les flottantes cravates de soie
Battent plus fort les coeurs des amants.

Mais comme le chef d'orchestre comique et discret
A cessé de gesticuler en mesure,
Les petits souliers s'arrêtent à regret
Et les couples s'en vont dans les embrasures.

C'est l'heure où les amoureux demeurent songeant
Et chuchotent tout bas dans l'ombre des croisées:
Le chef d'orchestre en sa tabatière d'argent
A repris du fin tabac d'Espagne à priser.




                    VUILLARD


La douceur des pantoufles de laine
Qu'une chère main a brodées de fleurs
Et la tiédeur du thé qui s'évapore,
O mon amie,
Réchauffent mon corps,
Réchauffent mon coeur
A demi endormis.

Tout autour de nous le souvenir traîne
Ainsi qu'un chat maigre sur le plancher;
Tout autour de nous le souvenir rôde
Et l'antique marbre noir est jonché
Des clairs pétales jaunes
D'une rose.

La nudité sournoise de ton cou charmant
Et beau comme un frais bouquet
Réveille un moment mon désir de vieux faune,
Mais je me mens à moi-même
Sans doute, ou je n'ose.

Et je me verse simplement
En Roméo trop fatigué
Qui n'use de nul piment,
Un peu plus de crème.




                LES AUDACIEUX


Froissons les jupes!

Que le jet d'eau mélancolique jette
Au clair de lune ses volutes
Tant qu'il voudra;
Poussons la fenêtre
Et prenons la belle en nos bras:
C'est l'heure, messieurs,
C'est l'heure ou jamais d'être
Audacieux.

Plus n'est besoin des cordes aux lucarnes
Ni des airs langoureux de flûtes
Dans la bise des carrefours:
Voleurs d'amour
N'ont point peur du gendarme!
Voici les jolies roses dans le linge blanc;
Il ne faut plus de flûtes,
Ni de guitares, ni d'aveux tremblants,
Car où sont les galants cérémonieux
Que vous fûtes,
Messieurs?...

Froissons les jupes!




                L'EAU CLAIRE


Se contenter du sourire divin
D'un visage qu'on aime,
D'un verre d'eau sans vin
Et d'une tarte à la crème.

Faire ce rêve:
S'enivrer du parfum d'une rose brisée
Et des deux lèvres
Ouvertes pour le baiser.

Vivre en somme d'amour et d'eau claire
Tant qu'on aime,
Puis s'endormir à jamais au son d'un vieil air
Mélancolique de Bohème.

Et dire que cela même est folie
De demander si peu
Et qu'il faudra mourir un jour sans sou ni jolie
O mon Dieu!...




                SOUS LE BALCON


Qu'il gèle à pierre fendre, qu'importe!
L'amour est plus fort que tout;
Un tourlourou fait le troubadour
Sous une porte.

La lune dans la nue
Met sa double corne;
Un couple contre le mur orne
Un peu plus un mari biscornu.

Mais moi j'allonge en vain
Sous le balcon un nez rougi
De froid et non de vin:
La belle en sa chambre a soufflé la bougie.




                LE TRÈFLE BLANC


Je m'assieds dans l'herbe bleue:
Qu'il est joli le trèfle blanc;
La fille embrasse le galant
Et l'amour danse tout autour d'eux;
Qu'il est joli, le vieil enfant!

Où est le temps où moi aussi
Je faisais l'amoureux,
Le temps de Berthe et de Lucie
Et de la femme du marchand de Dreux;
Où est le temps des coeurs tremblants;
Et de ma barbe noire et de vos blonds cheveux,
Où est le temps?

Derrière la haie les galants s'en vont
Et l'amour à leurs trousses sourit;
La jeune herbe bleue tremble dans le vent
Et moi, qui reste seul, je me morfonds
A regarder le trèfle blanc
Et tirer sans répit les poils gris
De mon menton.




                    BROUWER


Je m'abrite sous la haie
Et bien caché de l'indiscret,
Prestement je baisse mes braies.

Mon cher Brouwer, il me faudrait
Pour décor propice
Un de tes paysages hollandois
Où l'on voit le cul rose de quelque bon drille;
Mais ici je n'ai que prés et forêt,
Avec là-bas un joli bouleau tout droit;
Mon fusil brille
Contre la barrière de bois
Où mon chien pisse,
Et je fais ce que fait le Roi.




                        LE RETOUR


Toits bleus d'ardoise et murs de brique rose
Au milieu des arbres,
Sur qui la brume gris d'argent se pose.
Que mon coeur est sensible à votre charme!

Je pousse la porte:
Bon aubergiste me voici;
La dinde est-elle bien farcie
Et la servante accorte?

Je m'assieds près de la croisée
Humant l'odeur des fleurs avec celle des plats;
Le chat ronronne, l'oie s'effare,
Mais la commère n'est plus là
Et je ne vois hélas! que l'image brisée
Du fin peuplier dans l'eau de la mare.




          LE POMMIER TORDU


Il y a un pommier tordu
Dans le pré;
Jeune femme en ta maison, qu'as-tu
A soupirer?

Il y a un vieil homme gris
Près du feu;
Ne soupire donc pas pour si peu:
Le chat au grenier guette la souris.

Il y a un oiseau qui chante sur la branche;
Il y a un garçon qui siffle sur la route;
Vieux mari, fais chauffer la soupe:
Ta femme reviendra dimanche.




                    LA PINTE VIDE


Un homme menace et la femme crie
Comme une pie borgne;
Un enfant longuement sanglote;
Ainsi va la vie.

Pourtant le printemps tremble et dans l'air attiédi
Traînent des souffles de bonheur et de lilas;
Pourtant le vieil amour a passé là
Jadis.

Hélas! jeunesse est loin
Et voici la pinte et la bourse vides;
Il ne reste plus maintenant que ride
Et chagrin.




                  CHRONIQUES
    DU TEMPS DE PHILIPPE VIII




             A LA TERRASSE


Au temps où Moréas montrait son nez
Et sa moustache
Dans les cafés de Montparnasse,
Le vieux cheval de fiacre
Était de roses couronné,
Au temps de Moréas.
Monsieur Lintilhac
D'ire protestait:
«Qu'on harnache
D'un vil cuir
Cette carcasse
De baudet!»
Sur quoi, tous de rire.

Et tandis qu'un nuage flottant
Au-dessus de Paris
Filait dans l'espace,
La brise fine du printemps
Portait du Luxembourg jusqu'à notre terrasse
L'odeur des marronniers fleuris.




                        LE NAIN


Je venais d'allumer mon feu de bois sec
Et de m'asseoir de fort indolente sorte
Dans mon vieux fauteuil de velours d'Utrecht
Quand on gratta doucement à ma porte.

«Est-ce toi, dis-je, ma douce Colombine,
Fluette fée en robe à vertes dentelles,
Ou toi, sire Arlequin de triste mine,
Qui viens céans rallumer ta chandelle?»

Mais ce n'était ni Colombine, ni son duc,
Ni même quelque oiseau déplumé d'Edgar Poë:
La porte s'ouvrit à mon nain caduc
Qui avait une mitre pour chapeau.

Il portait sous le bras quelque volume
Énorme à reliure de parchemin,
L'histoire de Krespel ou d'Ulalume
Sans doute, à fermoir d'or et filet de carmin.

Il le posa sur un livre d'André Gide;
(C'était d'adorables Chansons de Bilitis);
Il regarda narquois mon encrier vide;
Ota sa mitre mirobolante et sortit.




               DEVANT L'OBÉLISQUE


Dimanche: bon Parisien va-t-en
Rêver d'amour
Vers Auteuil ou le Point-du-Jour:
Le bateau-mouche t'attend.

Voire file jusqu'à Meudon
Ou Saint-Cloud;
Feuille morte au bois est mol édredon
Et Madame n'a pas peur du loup.

Le brouillard bleu de Seine argente les collines;
Le paysage est exquis
Comme un croquis
De Stanislas Lépine.

Déjà l'agile violoniste
Frotte l'archet de colophane;
Dans les yeux clairs mi-clos des femmes
Un éclat singulier persiste.

La cloche sonne
Pour l'embarquement;
Allez les belles et les amants:
Sur le ponton ne reste-t-il personne?

Clique amoureuse, adieu: mieux vaut laisser ici
Tout seul devant l'obélisque
Le birbe barbu, certes! mais trop triste
Que je suis.




            LES TROIS ÉCUS


Il n'y a qu'un coquelicot dans le pré
Avec trois marguerites autour;
Il n'y a qu'un coquebin dans le bourg
Pour trois filles à marier.

Ainsi s'en va la République, tout cloche:
Que de fois hélas! que de fois
Je n'ai eu qu'un écu en poche
Quand il en fallait trois.




                    LA FLEUR SÈCHE


J'avais ouvert un vieux bouquin poudreux
De Poèmes anciens et romanesques, ce matin,
A la page marquée d'une fleur sèche de thym,
Que nous avons, chère souris, souvent lue tous deux.

Je rêvais doucement de celle
Que tu sais bien et qui partit je ne sais où,
Séduite sans doute par l'escarcelle
D'un vieil amoureux radoteur et fou.

Je regardais la lune au travers des branches
D'un cerisier mort qu'on n'a pas abattu,
Quand la bise, je crois, ou ma manche
Tourna la page rongée par tes dents pointues.

Est-ce le simple froissement du papier,
Ou quelque autre mystérieuse cause,
Qui te fit sauver ainsi, à pieds
Légers, à pieds fourrés de bas gris et roses?

Est-ce cela vraiment? Ou d'avoir vu la lumière
Hésitante du jour qui se lève,
Qui te fit fuir, chère souris coutumière,
Comme mon rêve, comme mon rêve ...




                       JEUX D'EAU


Les jeux d'eau dans le parc et la ribambelle
Des fous,
Le coeur troublé des belles
Et le coeur ironique et tendre qui bat sous
Le gilet de velours de Maurice Ravel,
L'inquiète qui rougit sous l'ombrelle
Et le gredin qui se met à genoux
Devant elle,
La guitare fausse que joue
Un doigt rebelle,
La vasque, le vieil arbre, la cascatelle
Et l'arc fin de lune dans le soir d'août,
Tout cela dans mon souvenir infidèle
En accord très doux
Se mêle ...




    SUR L'AVENUE MONTSOURIS


Le petit jour est gris souris;
La chiffonnière avec sa hotte
Cherche un trésor dans l'avenue
Montsouris;
La bique maigre et biscornue
Du maraîcher trotte
Sur le pavé.

Ma jolie voisine déjà levée
A sa croisée paraît
Et le coeur tendre qu'en vain j'offre
Bat plus fort sous l'étoffe
Vraiment trop mince du gilet:
Aimerai-je de la sorte et sans halte
Jusqu'au dernier souffle?
Le jour devient couleur de craie
Et cette belle qui par-dessus tout me plaît
De sa fenêtre peut voir sur l'asphalte
Le poète Klingsor avec sa boîte au lait
Et ses pantoufles.




                  FRANCIS JAMMES


Il a plu. Le matin sourit
A travers ses pleurs;
La grenouille saute dans l'étang
Et sur un roseau droit du Christ,
Le beau martin-pêcheur
En habit bleu clair à la hussarde,
Avec son plumet rouge éclatant,
Monte la garde.

Francis Jammes, dormez-vous encor?
Le joli lièvre roux
Essuie la fine pluie
De ses moustaches
Et le vieil âne à l'oeil humide tâche
D'attraper enfin la fleur d'or
Du pissenlit:
Francis Jammes, Francis Jammes, dormez-vous?

Il n'est plus un grelot de mule qui se taise
Et ne fasse un concert féerique
Sous l'accompagnement sourd des coups
De trique;
Il n'est plus un soulier du cordonnier d'Orthez
Qui ne résonne sur le pavé;
Ah! l'heure n'est plus de rêver
Du cousin des Indes ou d'Amérique:
Francis Jammes, Francis Jammes, dormez-vous?




        DU BOUT DE LA RUE DU BAC


Du bout de la rue du Bac
Je regarde le paysage printanier,
Les bateaux bleus dans l'eau vert pomme,
Les linges clairs des mariniers,
Le Louvre rose du vieux Roi,
Et sur
Saint-Germain l'Auxerrois
Un ciel aussi fin qu'un tamis d'azur;
Du bout de la rue du Bac
Tout paraît pur;
Tout est paré de couleurs vives comme
Une aquarelle de Signac.

Bateliers, bateliers, pourquoi donc partez-vous?
Ce paysage ne peut-il suffire?
Laissez le gouvernail et le souci
Et vous, charmantes mains, laissez les clés;
Le temps fera le ton de ces pierres plus doux,
Mais je ne serai plus hélas! ici
Pour regarder cette eau couler,
Ni ma folle jeunesse s'enfuir.




                   RÊVERIE D'AUTOMNE


Monsieur le professeur Trippe
A son gibus de poil de lièvre
Et sa redingote noire qui se fripe
Sur son maigre derrière.

Monsieur le professeur est assis
Sur le banc vert du jardin anglais
Et tourne ses pouces d'encre noircis
Sur son gilet usé à ramages violets.

L'automne mélancolique ce soir
Commence à rouiller les feuilles sans sève:
Monsieur le professeur les regarde choir
Une à une, et rêve ...

Monsieur le professeur a des lunettes d'or
Sur son nez long d'une aune
Et des fils d'argent dans ses cheveux jaunes
Et multicolores.

Et pourtant monsieur le professeur fut jeune homme
Probablement, rose au jabot, sourire aux lèvres;
Mais maintenant, monsieur le professeur rêve
Et contemple le soir d'automne.

Monsieur le professeur songe à madame Rose
Sa ménagère au teint rosé de lilas;
Monsieur le professeur rêve et pose
Dans le creux de sa main son front las.

Un espiègle tire son mouchoir à fleurs;
Un air suranné d'épinette s'achève;
Au fond du vieux jardin anglais le jet d'eau pleure:
Monsieur le professeur rêve ...




                            FREJOL


Que Fréjol chante ou que Frégoli
Change de veste,
Qu'importe si le pli
De ton ventre reste.

Charmant bourgeois
Qui décampas du logis
L'oeil tout en joie,
Ton nez comme aubergine rougeoie
Aux bougies.

Le poétique clair de lune sur l'osier
Peut luire et le rossignol gris s'égosiller,
Tu t'en fiches:
Fréjol et Frégoli sont sur l'affiche.

Et cependant qu'un vieil alcool descend la pente
De ton gosier à col crasseux,
Madame au coeur tendre se penche
Et sournoisement se grise de ce
Que Fréjol chante.




        MADEMOISELLE DE MONTPENSIER


Dans ce vieux Luxembourg cher au coeur d'Antonio
De la Gandara,
Dans ce vieux Luxembourg,
La flûte, le trombone et le tambour
Qu'un beau militaire bat à tour de bras,
La flûte, le trombone et le tambour
Esquissent un trio.

Hé! hé! la fine jambe que voici!
Le bourgeois assis
Vers elle glisse
Une oeillade d'amour farcie;
Ce hautboïste emplit les coeurs de poésie:
Qu'en dites-vous, nourrice?

Chut! le capitaine de musique s'assied
Et la petite flûte s'est tue;
Charmante épouse courroucée,
Ne crains plus rien pour ma vertu:
Je ne regarde que la statue
De Mademoiselle de Montpensier.




                           LE_DEFILE


Au bruit du trombone et des fifres de buis
Le régiment bleu passe dans la rue;
Margot t'a plumé comme une recrue,
Marquis.

La femme de l'adjoint se penche à la fenêtre
Et son pauvre coeur bat comme un tambour;
La femme de l'adjoint regarde tour à tour
Les jeunes officiers paraître et disparaître.

Soeur Anne, soeur Anne, ne vois-tu rien venir?
La Margot t'a plumé comme un dindon charmant;
Mais quoi, voici passé le régiment
Et Madame est prête à s'évanouir:
Où donc es-tu, lieutenant?




                MONSIEUR ANGOT


La lune est tout en haut du peuplier
Et tu attends en vain ta belle, nigaud;
La lune est tout en haut du peuplier
Et Monsieur Angot monte à sa tour
Pour la mieux regarder:
Est-il pointu, rond ou carré,
Est-il de soie ou de velours
Ou de papier,
Le bonnet de Monsieur Angot?

Avez-vous bien dormi, chère jolie?
L'aubergiste déjà réclame notre écot;
La lune est loin, le rossignol d'amour s'est tu
Et Monsieur Angot ronfle dans son lit:
Avez-vous bien dormi, chère jolie?
Assurément il est pointu
Le bonnet de coton de monsieur Angot.

Votre coeur ce matin est-il triste ou léger?
Faut-il que nous allions songer sous la charmille
Où le corbeau
Déchire son gosier de parchemin,
Faut-il encore aller songer?
Mais quoi? pleuvra-t-il aujourd'hui, fera-t-il beau,
Ma mie?
Monsieur Angot nous le dira demain.




LE POULET AU BOUT DE LA FICELLE


Le poulet tourne au bout de la ficelle,
Le poulet qui pend
Sur le bois qui fume;
Le poulet tourne au bout de la ficelle
Et la plume
Tourne au vent.

Le bruit de la fusillade se fait si faible
Qu'on ne l'entend plus qu'à peine;
Brigadier Fricard et toi Bridaine,
Toastons;
Nul poème
Ne vaut cette volaille entre ces trois bâtons.

Et des buveurs de bière, foin!
Le fin canon de France leur répond;
Fricard, est-ce que la vie t'importune?
Encore un peu de ce vieux vin
De Moselle exquis,

Encore un peu de ce chapon,
Puis nous dormirons sous la lune,
Vous deux rêvant de blonde ou brune,
Mais moi, de qui?...




                    GOOSSENS


Déjà la nuit ...
Dans l'albâtre luit
Le filament d'or cramoisi;
Où sommes-nous?
Tout s'assoupit:
La pelote
De fil tombe sur vos genoux
Et le pois sans cosse
Roule sur le tapis
D'Asie;
Déjà la nuit ...
Sur le clavier jauni
Une musique délicieusement fausse
De Goossens s'éveille note à note;
Où sommes-nous? A Londres, Chandernagor
Ou Singapour?
La main délicate et chérie
Continue
Et les doigts fous courent plus vite;
Mais soudain trouant le décor

Et faisant tressaillir la trop sonore vitre,
Avec un lointain roulement sourd,
Le dernier autobus traverse l'avenue
Montsouris.




                    SUR LE QUAI


La bise qui nous soufflait au nez
Depuis le Pont-Neuf jusqu'à Notre-Dame,
Ce soir d'hiver, chère, vous suffoquait;
Était-ce endroit choisi pour une promenade
D'amoureux étonnés,
Ce quai?

Surtout quand le poumon est en capilotade
Comme le vôtre hélas! comme le mien aussi;
Mais n'est-ce le moindre souci
Auquel on s'attarde,
Lorsqu'Amour, ce traître, bat le briquet?

Paysage fin et mélancolique,
Certes je t'ai toujours aimé,
Avec tes chalands se berçant sur l'eau,
Tes feuilles qui s'en vont au vent tourbillonnant,
Tes vieilles maisons aux toits inégaux,
Tes boîtes de bouquinistes fermées
Et la boutique de musique
De Monsieur Pugno,--
Mais maintenant?...




        MONSIEUR DE LA GANDARA


La lune se lève sur le marronnier,
Monsieur de La Gandara rêve au Luxembourg;
La lune se lève sur le marronnier
Et monsieur de La Gandara la regarde;
On entend au loin battre le tambour
De garde.

Dans la douceur de ce soir printanier
Le vent léger transporte une odeur de lilas;
Le sergent de ronde fait sonner ses clefs;
Les couples s'isolent dans les allées
Et monsieur de La Gandara qui s'attarde
A contempler la couleur rose-thé
Des balustrades,
A son tour s'en va.

De sorte qu'au fond du vieux parc déserté
Où le fantassin de la République
Veille et s'engourdit,
Les belles reines de marbre,
Droites et mélancoliques,
Restent seules à rêver du temps jadis,
Au clair de lune sous les arbres.




                 L'OISEAU DE BOIS


Dans la nuit sans lune un lumignon file
Comme une étoile,
Et pendu sous l'oiseau mobile
De bois mince et de toile,
Un homme veille sur la ville.

La rose jaune de Fontenay
Dans le verre agonise;
Le bon bourgeois est en chemise
Bougeoir en main et blanc bonnet
De coton sur la tempe grise.

Et tandis que l'oiseau lourd et merveilleux plane,
Dans mon lit une fois encore je me tourne,
Et comme au temps du vieil Haroun
Je rêve d'une fine princesse persane
Aux yeux obliques de velours.




                    ENVOI


Prince, la rose d'avril peut
Refleurir au bord de la route
Et le ciel être gris ou bleu:
Il ne passe qu'ânes qui broutent.

Le rossignol peut sangloter d'amour
Et quelqu'un peut chanter tour à tour
Sa peine, sa joie ou son doute:
Personne n'écoute.

Chacun me déboute:
Qui donc aurait cure
D'une bourse mince
Et d'un coeur obscur,
Hormis vous sans doute,
Prince?




    CHANSONS DE BONNE HUMEUR




            BONJOUR MONSIEUR


Bonjour Monsieur, comment va votre femme?
Fort bien? Tant mieux.
Savez-vous que les roses se fanent
Autour du rameau trop vieux?
Bonjour Monsieur.

Savez-vous que la robe bleue
Est froissée et le ruban blanc fripé?
Courez vite chez le drapier,
Même s'il vente, même s'il pleut:
Courez donc, Monsieur.

Mais du reste, de la dragée, du mimosa,
Un autre se chargera mieux;
Mais du reste, du baiser et c[ae]tera,
Un autre se chargera:
Bonjour Monsieur.




           LE TENDRE RAILLEUR


Qu'un étudiant brandebourgeois
Donne une sérénade de basson
Ou de hautbois
A la femme d'un vieux barbon,
En quoi cela vous touche-t-il, en quoi?

Que j'ai une larme au bout de mes cils
Ou le coeur en joie,
Que je me moque ou bien que j'aime,
Que je me taise ou que j'écrive un poème,
En quoi cela vous touche-t-il,
En quoi?




CHANSON DE MONSIEUR BENOIST


Fera-t-il beau temps, pleuvra-t-il?
Prends ta canne, Monsieur Benoist;
Fera-t-il beau temps, pleuvra-t-il?
Qui le sait? ni pape, ni roi;
Prends ta canne de bois
Des îles.

Qui peut savoir où le vent file?
Bon courage, monsieur Benoist;
Qui peut savoir où le vent file?
Rêve de femme est plus subtil;
Prends ta canne de bois
Des îles.

Que femme au retour crie ou danse,
Bon courage, Monsieur Benoist;
Que femme au retour crie ou danse,
Prends ta pipe, Monsieur Benoist.
Prends ta pipe de bois
De France.




CHANSON DE LA MERLUCHE


Quand je n'ai pas de sole
Point ne suis-je assez fol
Pour faire bouche fine:
Quand je n'ai pas de sole
Je mange une merluche.

Certes l'eau de la cruche
Ne vaut point chopine
De vin du Rhin;
Mais un liard vaut mieux que rien
Et Margot dans un lit
Vaut bien la plus jolie
Dauphine.




OÙ LE COQ A-T-IL LA PLUME?


Où le coq a-t-il la plume?
Pas au bout du bec;
Le bois n'est pas sec,
La cheminée fume;
Où le coq a-t-il la plume?

Dans les doigts de la servante
Qui l'arrachent au croupion bleu;
Où le coq a-t-il la plume?
L'eau dans la marmite chante
Sur le feu.

Où le coq a-t-il la plume?
Sur le vieux volant de bois
Qu'on jette jusqu'en haut
Du toit;
La cheminée fume
Et la soupe bout sans bruit dans le pot:
Où le coq a-t-il la plume?




  LE BOURGEOIS DE DREUX


Pinte de bon sang
Vaut pinte de vin bleu;
Laquelle veux-tu, paysan?
Les deux.

Dinde en un plat creux
Vaut dinde à travers champs;
Que choisis-tu marchand?
Les deux.

Servante au joli cou
Vaut bourse d'homme heureux;
Que gardes-tu, grigou?
Les deux.

Et c'est ainsi que devant l'oignon cru
Riaient la fille et le bourgeois de Dreux,
A l'auberge des deux
Écus.




    CHANSON DU ROI DE PRUSSE


Si le roi de Prusse l'avait voulu,
Vieux merle en habit noir de veuf
Posé sur une branche de bouleau tremblant,
Tu serais blanc
Comme un écu
D'argent tout neuf,
Si le roi de Prusse l'avait voulu.

Si le roi de Prusse l'avait voulu,
Vieux baudet d'Espagne perclus,
O chère vieille bourrique
D'Andalousie,
Tu serais aussi droit qu'un i
Sous les coups de trique,
Si le roi de Prusse l'avait voulu.

Si le roi de Prusse l'avait voulu
Lanturlu,
Cher escargot gris
Tu n'aurais plus de cornes,
Ni toi non plus
Pauvre vieux mari
Qui ris jaune,
Si le roi de Prusse l'avait voulu.




AU JOLI JEU DES FOURBERIES


Amour donne une joie
Pour cent chagrins,
Mais le redire mille fois
Ne sert de rien.

Amour fait voir le noir blanc
Comme liseron;
Toujours les filles se prendront
Aux becs des galants.

Toujours les garçons seront pris
Aux sourires des filles;
Au joli jeu des fourberies,
Tous les coeurs servent de quilles.

Et moi tout grison que je sois,
Je ne suis point guéri de la vieille folie
Et je voudrais aimer une dernière fois:
Toute douleur s'oublie
Pour cette joie.




           BONJOUR OLIVIER


Bonjour Olivier.
Avez-vous bien dormi?
Le chat s'étire dans le grenier,
Le brouillard se lève sur la Loire,
Le pêcheur jette l'épervier,
Et tout le monde ouvre les yeux, hormis
Les loirs.

Bonjour Olivier:
Le matin frais argente la colline
Et l'herbe au soleil verdoie;
L'écureuil sur le hêtre essuie
Sa moustache fine
Et le coq de bruyère a traversé le bois;
Mais où est donc votre fusil?
Chasseriez-vous autre gibier?

La tendre femme du meunier
En sa maison de farine
Attend-elle votre arrivée?
Courez vite: le mari
S'en va sur son âne gris
Le nez au vent et l'heureuse mine;
Bonjour Olivier.




QU'AS-TU DE JAUNE A TON CHAPEAU?


Le geai s'envole dans le bois;
Qu'a-t-il de jaune dans son bec?
Un simple brin de bâton sec,
Ou quoi?

Et toi, mari, et toi,
Qu'as-tu de jaune à ton chapeau?
La plume claire d'un loriot,
Ou quoi?




A STRASBOURG EN FRANCE


A Strasbourg en France,
Damoiselle Lise danse
Quand vient la cigogne avec l'hiver
Et maître Ulric emplit sa panse
De bière,
A Strasbourg en France.

Dans l'air assoupi
Le clairon résonne:
Qu'en dis-tu, Guillaume?
Je ne donnerais pas une pomme
D'api
De ton royaume.

Sur le clocher fin
Le coq s'égosille:
Qu'en dis-tu, Guillaume?
Je ne donnerais pas une aiguille
De pin
De ton royaume.

Le parler d'oïl
Partout se chuchote:
Qu'en dis-tu, Guillaume?
Je ne donnerais pas ma pelote
De fil
Pour ton royaume.

A Strasbourg en France
Damoiselle Lise danse
Quand vient la cigogne avec l'hiver,
Et maître Ulric emplit sa panse
De bière,
A Strasbourg en France.




                QUI EST GRIS?


Qui est gris?
Le chaton qui joue avec la ficelle
Ou le chat qui joue avec la souris?
Qui est gris?
Le vieux chat voleur de la mère Michel?
Non: son mari.

Chère, ce soir sans lune,
Entre chien et loup
Est d'une poésie
Assez bien choisie
Pour ceux qu'importune
Un jaloux:
Chère, qu'en pensez-vous?

A quoi bon ouvrir la lucarne?
Qui met ainsi cornes au vent
S'enrhume, crois-m'en,
Le plus souvent;
Amour ne chauffe sur son gril
Que les amants;
Rentre ton crâne
Grigou charmant;
A quoi bon ouvrir la lucarne:
Tout est gris.




            LE COQUEBIN


Je tourne autour de ta maison
Et fais trois fois le tour du pré;
je tourne autour de ta maison,
Belle Suzon,
Mais n'ose entrer.

Je tourne autour de votre coeur,
Belle, mais je ne sais tourner la clé,
Et le vieux mot fou sur ma lèvre meurt;
Je tourne autour de votre coeur,
Mais je n'ose parler.

Je tourne autour de ton jupon
Belle, belle, et je froisse le lacet brisé;
Je tourne autour de ton jupon,
Lison,
Et n'ose oser.




CHANSON DE LA TULIPE


As-tu vu l'éclipse
La Tulipe?
Je t'invite
A lever le nez plus vite.

As-tu vu la queue du diable
La Ramée?
Non?
Alors à quoi bon
Vous mettre toute une armée
Pour la tirer comme un câble?

Mais qui donc, pauvre homme
Ou savant astronome,
Mais qui donc en somme
A lui-même vu ses cornes?
Personne.




           RONDE DES RADIS GRIS


Des oignons, des radis, du céleri,
Bonjour Madame;
Des oignons, des radis, du céleri,
Des radis roses, des radis gris
Et des chardons pour votre âne;
Bonjour Madame: où est votre mari?

Et le merle que dit-il
Dans sa cage de vieux fil
De fer,
Et la tourterelle blanche
Dans le bois de la pervenche,
Et le loriot jaune en l'air,
Et le moineau sur la branche?
Bonjour Madame, nous reviendrons dimanche.

Bonjour Madame, où est votre mari?
Il est dans son jardin qui cueille des radis,
L'oseille verdoyante, aussi la chicorée,

Et les oignons qui font pleurer
Et puis les courges dont on rit;
Mais le merle, qu'a-t-il dit?
Bonjour Madame, nous reviendrons jeudi.




   LA STRASBOURGEOISE


Cher bourgeois
Strasbourgeois
Où allez-vous donc ainsi?
Boire un peu
De vin bleu,
D'usquebac ou de cassis?

Chère épouse
Trop jalouse
Où allez-vous donc ainsi?
La servante
Rit d'avance:
Votre mari n'est pas ici.

Et vous rose écolier
Tout de noir habillé
Où allez-vous donc ainsi?
Madame hélas! vient de sortir:
Amour ne conduit guère qu'à soupirs
Et souci.




                LA POULE JAUNE


Brûle feu, cuis fricot:
La poule jaune est dans le pot
D'émail bleu;
Brûle feu,
Mon amoureux viendra bientôt.

Peigne, brosse, houppe,
Dépêchez-vous de me parer:
Ma mère coupe
Un peu de bois mort dans la haie du pré;
Mon amoureux doit se presser sur la route.

L'horloge a sonné, mon coeur bat plus vite ...
Feu, ne brûle pas si fort
Et vous ma mère n'apportez plus de bois mort:
La poule est trop cuite
Et mon amoureux ne vient pas encore.




                        LES NIAIS


Que le vent dans le bois s'amuse
A souffler comme un joueur de cornemuse,
Ou qu'il siffle
Comme un sylphe,
Le merle s'en fiche.

Qu'un nigaud à la lune confie
Son frais amour d'une voix rauque,
Ou qu'il s'enrhume dans la rue
A faire le pied de grue,
La fille s'en moque.

Que le mari berné à la fin crie
Contre la faible épouse tout à son aise,
Qu'il appelle aux gendarmes à grand bruit,
Ou qu'il se taise,
Tout le monde en rit.




       CHANSON DU BOUT DE L'AN


Quand reviendra le bout de l'an,
Combien comptera-t-on de poils gris,
Combien comptera-t-on de fils blancs
De plus, triste mari?

Combien y aura-t-il de rides
Creusées l'une après l'une,
De cornes nouvelles, de bouteilles vides
Et de rêves enfuis avec les vieilles lunes?

Ah! rions-en: chanson vaut mieux que patenôtre;
Un galant remplacera bien un galant
Et toujours une folie chassera l'autre,
D'un bout à l'autre bout de l'an.




            QUAND IL PLEUT A BLOIS


La terre tourne comme elle peut;
Du soir tout gris au matin bleu
Plus d'une fille oublie
Son propre aveu;
Qu'en dites-vous, Monsieur de la Mélancolie?

Quant il pleut à Blois
Il fait sec à Dreux;
La femme mûre embrasse un jeune gueux,
Et le mari boit
Sa coupe jusqu'à la lie;
Qu'en dites-vous, Monsieur de la Mélancolie?

En ce monde, mon Dieu,
Rit-on trop ou trop peu?
La cuisse la plus jolie
Un jour est sèche comme pieu;
La terre tourne comme elle peut;
Qu'en dites-vous, Monsieur de la Mélancolie?




CHRONIQUES DU CHAPERON
       ET DE LA BRAGUETTE




  LES BELLES DAMES DE PARIS


Les belles dames de Paris
Ont de belles robes
Avec de grands cols à broderies
Sous les manteaux fourrés de haut prix.

Les belles dames de Paris
Du Pont-Neuf à la Concorde
Ont de beaux visages poudrés de riz
Et de mignonnes mains gantées de gris.

Mais elles ont mieux
Pour les galants audacieux,
Elles ont mieux encore
Que beaux habits et beaux yeux;

Elles ont mieux que fraîches mines
Malicieuses de souris:
Elles ont de gracieux corps
Sous les chemises fines;

Elles ont cuisses et jambes jolies
Et veloutées comme fleur ou fruit
Dans leur lit,
Les belles dames de Paris.




            LE CHAPERON


Chaperon est petit chapeau rond
Fleuri de roses,
Avec une plume d'oiselle,
Et qu'une main délicate pose
Au haut d'un front
De très mignonne damoiselle.

Chaperon est encor maigre sorcière
A nez crochu, doigts effilés
Et manteau fourré de renard,
Qui tient les pucelages sous clé
Et garde la vertu dans une souricière
A l'abri des chats blancs ou noirs.

Chaperon est petit chapeau rose ou bleu
De satin ou de fin velours ouvré;
Est aussi vieille gardeuse de pucelles:
Entendez-le,
Mes beaux messieurs et vous mes belles jouvencelles,
Entendez-le comme vous voudrez.




                FRERE JACQUES


Frère Jacques, dormez-vous
Avec votre bonnet de coton sur l'oreille?
N'entendez-vous pas le carillon sans pareil
De toutes les cloches dans les tourelles?
Etes-vous devenu sourd ou fou?

Et la Marion que fait-elle
Pour que sa fenêtre soit encor fermée?
Monsieur le vicaire est à l'autel:
N'a-t-elle pas mis son fichu de dentelle
Et pris son rameau de mai?

Ah! Ah! voulez-vous qu'on dise:
Frère Jacques couche avec la Marion
Qui a la cuisse ronde et le pied mignon
Plutôt que d'aller à l'église
Faire tinter le carillon?

Au revoir, au revoir, frère Jacques:
Dormez ou faites le sourd,
Tout le monde connaît les tours
Que la Marion a dans son sac
Pour retenir au lit les vieux braguards d'amour.




                    L'OREILLER


Cuisse de femme est douce chose
Plus douce au toucher que velours soyeux
Et plus rose aux yeux
Que pétales de roses:
Cuisse de femme est douce chose.

Ni oreiller de duvet d'oie
Ni lit de laine molle garni,
Ni vieux fauteuil couvert de soie,
Ni chaise à porteurs d'autrefois,
Ni coussins de satin mauve,
Ni le trône du prince de Bohême,
Ni même,
Je crois,
Le carrosse de Louis Quatorze,
Ne valent si précieux nid:
Cuisse de femme est douce chose
Et tour à tour délice de pauvre
Ou joie de roi.




    LE SEIGNEUR DE HOCHEQUEUE


Parce que la besogne d'amour qui grise
De si douce sorte les jouvenceaux
Effrontés ou sots,
Devient dure aux sires à barbe grise,

Et que sa bonne dame s'amuse à la besogne
Autant que nonnain rusée
De France ou de Gascogne
Pour plaire au diable peut s'amuser,

Entre son feu, des huîtres, une géline,
Deux fioles et un pâté de Tours,
Le vieux seigneur de Hochequeue dodeline
Sa tête blanche sous son bonnet de velours.

Et pendant que sa dame confesse ses péchés
Au petit chapelain mignon dans l'oratoire,
Et que l'échanson et la servante vont chercher
Quelque fine bouteille à boire,

Il appelle son lévrier par la porte ouverte
Et cueille d'un geste négligent
La dernière huître verte
Qui baille à mourir dans un plat d'argent.




                   LE LIT CHAUFFÉ


Commère il faut chauffer le lit,
Minuit sonne,
Minuit sonne au carillon;
Il ne reste plus personne,
Ni laideron, ni jolie,
Pour danser aux violons.

Au dehors le froid gèle le nez
Des amoureux qu'on oublie
Et qui font le pied de grue,
Tandis que les cocus mal encapuchonnés
Veillent dans la rue;
Commère, il faut chauffer le lit.

Ote ton corset que tes tétons brisent
Et tes jarretières agrafées
Qui laissent sur tes cuisses leur marque rougie
Et moi je viendrai haut trousser ta chemise,
Quand tu auras soufflé la bougie
Et quand le lit sera chauffé.




    LES MUSICIENS GALANTS


Accorde ta fausse mandoline
Joli clerc en herbe: ré, sol, mi, la:
La mignonne en rira sous sa capeline,
La mignonne qui passera par là.

Les barbons moroses s'encapuchonnent
En leurs manteaux fourrés d'hermine
Et les amoureux transis de Bourgogne
Sous la bise font triste mine.

Le froid pince aux cordes des guitares
Les doigts des musiciens sous le balcon,
Des musiciens venus trop tard,
Et cramoisit leurs nez rubiconds.

Remportez vos bouquets, messeigneurs;
Colombine a ce soir soufflé sa chandelle:
Peut-être aurez-vous demain sort meilleur
Si son jaloux d'Arlequin n'est pas près d'elle.

Et pendant que ce vieux fou de duc traîne
Encor sa rapière d'un air méprisant,
En son lit la vive et friande châtelaine
Dépucèle son petit page de quinze ans.




LE POSTILLON DE LONGJUMEAU


Bon postillon de Longjumeau
En habit rouge, en gilet bleu,
En culotte blanche de peau,
Bon postillon de Longjumeau
Arrête un peu.

Bon postillon de Longjumeau
Avec ce tronc de cône que tu inclines
Sur ton oreille en guise de chapeau,
Bon postillon de Longjumeau
Arrête ta berline.

Je veux monter dans ta guimbarde
Et tu pourras fouetter ta haridelle,
Car il me tarde
D'être auprès de la belle
Dont je suis l'amant fidèle.

La route est fleurie et jolie à suivre;
Fais carillonner tout le long l'argentine
Sonnerie des grelots de cuivre,
Et fais envoler la poussière fine
Sous les roues de ta berline.

A la croisée de son château m'attend celle
Aux yeux d'or vert troublés d'émoi,
Aux lèvres chères de jouvencelle;
Bon postillon de Longjumeau, grimpe en selle
Et vite, vite, emmène-moi.

Galope et tu auras vingt beaux sols français,
Bon postillon de Longjumeau, vingt ou trente,
Et de plus quand ma mie ôtera son corset,
Tu pourras toi aussi caresser la servante,
D'une main leste, jusqu'où tu sais.




                       LE MÉNÉTRIER


Quand le ménétrier des morts est passé
Avec un mignon cercueil pour boîte à violon,
Le crâne sans toque et les pieds déchaussés,
Lansquenets bravaches ou félons,
Pages d'amour charmants ou vieux cocus rossés
Ont fait la courbette jusqu'à ses talons.

Quand le ménétrier des morts est passé
Avec un tibia pour archet,
Abbés papelards, mitrés et crossés,
Pourvus de pécheresses et d'évêchés,
Ont lampé leur dernier pichet
Et sont vite allés se confesser.

Et toi aussi, chère petite adorée,
Tu as mis ta collerette de neige
Et ta couronne de fiancée
Pour suivre l'étrange cortège
De danseurs et d'amoureuses au bout du pré.
Quand le ménétrier des morts est passé.




                    NOCTURNE


Amour donne esprit aux filles;
La fenêtre s'ouvre quand la duègne dort,
Et dans l'ombre au dehors
Les galants sans bruit
Se faufilent
Contre les murs gris.

Échelles de corde
Et douces escalades d'amour,
C'est l'heure propice;
Le veilleur qui siffle en faisant son tour
Pisse
Sans y voir goutte;
Échelles de corde,
Adroits rendez-vous
Et balivernes qu'on écoute,
C'est l'heure complice;
Au gracieux drille un baiser s'accorde,
Au gracieux drille on accorde tout.

Mais sur le vieux fou
Qui donne en vain des sérénades,
La servante vide le pot de nuit,
Et tandis que l'amoureux éconduit s'enfuit
Et que la fille rit aux larmes,
On entend au loin s'avancer la garde
Au pas de parade
Et chaque croisée vite est refermée;
A la barbe des gendarmes
C'est l'heure d'aimer.




            L'ESPAGNOL DE HOLLANDE


A la table de bois d'une tonnelle d'auberge
Un Espagnol de Hollande s'est assis,
A posé sur le banc dague et flamberge,
Colichemarde, rapière
Et chapeau à plumes au rebord roussi
Et dressé vers le ciel son nez rouge et pointu
Comme un pignon de brique.

--Holà! maraud, pendard, bourrique,
Coquin d'hôtelier, que fais-tu?
Apporte-moi vite une pinte de bière
Ou je vais caresser tes reins de vingt coups de trique.
Hé! Hé! Marion venons ici;
Vous devez être, pardieu, une drue commère
A califourchon comme vous savez.
Peuh! cette bière est amère:
Ta bouche l'est-elle aussi?
Ah! ne fais pas l'effarouchée;
Tu seras moins prude chemise levée
Et j'aurai, foi de Rodrigue Sanchez
Un plaisir extrême
A vaincre tes petites roueries
Et faire cocu ce soir même
Ton bélître de mari.--

Mais comme l'aubergiste s'est montré
Sur la porte en sabots de paille
Avec un bâton dans sa main serrée,
Notre Espagnol a fait celui qui raille
Et lâché la Marion aux cuisses malmenées
En renfonçant sa tête dans son collet fourré
Et cachant dans sa chope de grès
L'aune de saucisse de son nez.




                        DOM RUYS


--Foin du collet monté!
--Foin du malappris!
--De l'âne bâté!
--Du malandrin!--De l'estropié!
--Du Juif!--Du Turc!--Du Grec!
--Que Satan le rôtisse sur son gril!
--Que les chiens le tirent par les grègues!
--Et la mort par les pieds!--

Mais sans s'émouvoir de cette horde
De mendiants, de guenilleux, de roués,
De gratteurs de guitare et de traîneurs de corde,
A la grêle d'injures qui pleuvait,
Dom Ruys répondit par un coup fort bien trouvé
Du plus neuf de ses trois chapeaux troués.

De sorte qu'ayant tourné le coin de rue,
Il put envoyer un sourire léger
A cette infatigable grue
De vieille duègne à douillettes lippes,
Qui lui coulait une oeillade enragée
De sa fenêtre où fleurissait une tulipe.




                        BILLET


Envoie des violettes de Parme
Et des sucreries de Venise,
Vieil âne fou d'amour,
Accroche des rubans de satin à ta lame
Et retrousse ta moustache grise;
Fais jouer des sérénades de guitares
Et mets un manteau de velours;
Tu viens un peu tard,
Pauvre cocu de duc d'Ebboli,
Et tu pourras je crois, dénicher un merle blanc
Avant de prendre l'oiseau joli,
L'oiseau mystérieux et tremblant
Que ma Sylvia rieuse cache en son lit.




                        LE COCU


Au rythme berceur des guitares lentes
Et des castagnettes qui claquent vite,
Avec son chapelet et ses reliques,
Tourne la jolie fille de Séville
Qui fait de l'oeil au bachelier de Salamanque.

Et l'aubergiste qui joue aux dés avec lui
Rit tout bas de le voir naïvement féru
De la donzelle dont l'oeil noir reluit,
Et triche comme un escroc
En guignant sa bourse gonflée d'écus.

Cependant que don Pedro
Qui porte un bouquet de roses à sa rapière
Vient mystérieusement du bout de la rue
Pour caresser derrière une porte l'hôtelière
Et faire ce baudet d'hôtelier cocu.




                    LA QUERELLE


--Coquine!--Gueuse!--Pimbêche!
--Voleuse!--Bas percé!
--Garce!--Rouleuse de fossés!
--Eh! va donc figue sèche!
--Va donc, pauvre cul défoncé!--

Très doucement le soir tombait
Et noyait d'ombre la rue
Où se croisaient injures et quolibets:
--Tu finiras par le gibet.
--Et toi par la vérole, vieille grue!--

Et c'est ainsi que jasaient deux filles du Christ,
Ce soir là, par la bonne ville de Grenade,
Et dans l'air parfumé d'orangers fleuris
Ne se mêlait par instant à leurs cris
Qu'un bruit lointain de sérénades ...




        LES DEUX GONDOLES


Quel gondolier de Venise,
Quel gondolier du diable ou de Dieu
Veut quatre ducats d'or
Pour conduire en bon lieu
Ce vieux duc de Salviati que le vin grise
Comme un enfant et qui s'endort?

Holà! Luc et Gennaro, venez ici.
Écoute, toi, Luc,
J'ai deux mots à te dire à l'oreille.
Prends en ta barque monseigneur le duc
Et chavire un peu, par chance sans pareille
Sans que personne en ait souci.

Et toi, Gennaro, conduis-moi sans bruit.
Par le pape, la Salviati, mon cher,
Cette fine mouche,
A la plus exquise chair
D'Italie et si séduisante bouche,
Que je jure de la baiser cette nuit!




            LE MAQUEREAU


Avec un sourire de ma maîtresse
Aux vieux ducs enjôlés de Tolède,
J'ai des ducats d'or, moi le Redouté,
Pour porter cape neuve et dague raide
Avec adresse
A mon côté.

Pour une nuit de ma maîtresse
Avec un vieux fou dont la barbe est grise
J'arrondis ma bourse de gentilhomme
Et je me grise
Comme
Un évêque avec les filles que je caresse.

Pour un coup de trique à ma maîtresse
J'ai les beaux écus qu'elle subtilise,
J'ai manteau de soie et bottes à revers,
Et tous ces imbéciles d'alguazils
Quand je viens à passer restent découverts
Devant don Alfonso Gonzalez de Xérès.




                L'HEURE DU FAUNE


Amour, amour souriant ou mélancolique,
Amour menteur va-t-en
Conter plus loin tes sornettes coutumières:
Déjà, vois-tu, les coquebins enhardis causent
De la pluie et du beau temps;
Riquet à la Houppe a la colique
Et ce bon Figaro vide le bidet rose
D'une grasse commère.

Bergère ou marquise, c'est l'heure du faune;
Souriante et perverse et le coeur très tendre,
Madame à dessein lève un peu trop haut
Sa jupe, et ce cher grand nigaud
De Clitandre
Met enfin les mains partout;
Géronte crève d'une quinte de toux
Et le mari que personne n'attendait
Rit jaune:
Figaro vide le bidet.




                L'ATTENTE INUTILE


Jolie fille, qu'attendez-vous?
Voici votre tour
D'aimer maintenant:
Point ne manque de galants
Gracieux et fous,
Fort savants vraiment en choses d'amour.

Ou préférez-vous bourse de velours
Et garnie d'écus neufs à poignée?
Vieux paillards sont là, vieux braguards charmés,
Tout prêts à gentiment vous besogner:
Voici votre tour
D'aimer.

Ah! jolie fille qu'attendez-vous ainsi?
Profitez de l'heure;
Beaux yeux un jour seront pleins de chassie,
Dents branlantes et piquetées de trous;
Vous serez vieille alors et toute en pleurs:
Jolie fille, qu'attendez-vous?




            LE PRINTEMPS


Printemps tout en tendres couleurs,
Printemps tout vêtu de vert,
De rose et de bleu,
Le coeur du notaire s'émeut un peu
D'une amoureuse folie,
Lorsque tu viens, Printemps vert si joli,
Le coeur du notaire s'émeut un peu
Et celui de la belle mercière.

Madame Juliette qui s'éveille
Regarde ses lilas à la croisée,
Regarde Monsieur son époux qui dort
Le bonnet de coton sur l'oreille,
Regarde sa cuisse exquise encor,
Plus friande que cuisse de jouvencelle,
Et rêve des maladroits baisers
D'un coquebin naïf qu'on dépucèle.

Le curé trousse sa servante
Et le bedeau quelque commère,
Et toi comme un ange charmant du Bon Dieu,
Tu viens vers nous, Printemps, tout vêtu de vert
De rose et de bleu.




    L'ANNEAU D'HANS CARVEL


Qui veut cueillir la rose au bois
(Ruche gaufrée en point de valencienne)
Et l'anneau d'Hans Carvel à petit doigt?

Comme aux fabliaux d'amour d'autrefois
Du gentil Boccace à Pise ou Sienne,
Qui veut venir cueillir la rose au bois?

On s'acoquine aux chers mignons minois
Sous la jalousie ou sous la persienne,
Et l'anneau d'Hans Carvel à petit doigt.

Joufflu Jean d'Anjou souffle en son hautbois
Et joue une villanelle ancienne:
Qui veut venir cueillir la rose au bois?

Mais quel escholier juché sous un toit
Qui n'ait eu folle bouche sur la sienne
Et l'anneau d'Hans Carvel à petit doigt?

Et quelle aïeule à son rouet des rois
Qui, filant son fuseau, ne se souvienne
D'avoir aussi, cueillant la rose au bois,

Mis l'anneau d'Hans Carvel à petit doigt?




                    L'AMOUREUX


Quand Manon écosse ses pois
Pour les mettre au bouillon de la marmite
Je m'approche à pas sournois
La couvant de l'oeil comme un ermite
Pour lui pincer la taille de mes doigts,
Quand Marion écosse ses pois.

Le feu flambe clair sous la soupe,
Le feu de copeaux secs et de vieux bois,
Mais j'ai tremblé tant au vent d'hiver sur la route
Que je tremble encore, je crois;
C'est si drôle l'amour, j'embrasse ma douce:
--Marion n'as-tu pas fini d'écosser tes pois?

La cuiller à pot a chu sur ma tête:
--Vilain, t'as le nez tout gelé de froid
Et la barbe trop raide!
J'ai caché ma tête sous mon bras:
--Marion, ma bonne Marion, arrête!
Marion continue d'écosser tes pois.--




                    LA MARGOT


Garse mignonne et pied de fée,
C'est la chère Margoton de n'importe où,
Dont tous les sots ont la cervelle coiffée,
De Saintonge jusqu'en Poitou.

Mais pied de fée est peu de chose
Et votre moindre souci:
Or la jambe est potelée et rose
Et le reste aussi.

Tous les coquebins s'en vont le soir songeant
A sa douce chair exquise,
Mais la bouche coûte un angelot d'argent
Et le reste un château de marquise.

Au corps d'un évêque elle vous glisse un diable
A lui donner à jamais la berlue
Et prend les moinillons à ses oeillades,
Comme des moineaux à la glu.

Je fus son amant aussi, messire:
Si j'ai barbe trop dure et trop grise,
Manteau de loques et doublure pire,
J'eus pourpoint de velours de Venise.

Nous avons rêvé tous les deux à la lune;
J'étais son cavalier servant jadis:
Elle a laissé l'oiseau sans une plume
Et ma bourse sans un radis.

Et maintenant riant de ma triste mine,
Elle enjôle le bonhomme de Limours
Dont l'habit de soie est fourré d'hermine
Et le coeur fourré d'amour.




LA MEUNIERE DU MOULIN A VENT


Trois petits pucerons savants
Comme des acrobates tout de noir habillés
Ont piqué la meunière du moulin à vent
Et l'ont réveillée.

C'étaient trois petits fous de pucerons
Qui fourrent le nez partout,
Qui sautent de la hanche au genou rond,
Et l'ont mordue le diable sait où.

Dame Flore frotte ses yeux gonflés
Et rouges comme des cerises
De ses jolis doigts potelés
Et se glisse hors du lit en chemise.

Passe son jupon vert.
S'assied dans le fauteuil branlant
Et laisse un brin nu de jambe à découvert
Pour mettre ses bas de fil blanc.

Guère d'ailleurs ne se dépêche
Mais regarde au carreau de papier collé
Une araignée aller à la pêche
Et prendre une mouche dans son filet.

Puis ouvre sa fenêtre
A l'aubade des mille pierrots
Dont le gosier est plein de chansonnettes
Et de bigarreaux.

Met sa robe jaune à fleurs, achève
Sa toilette villageoise du matin
Et va traire sa chèvre
Dans son broc d'étain.

Appelle son chat moustaché
De quatre poils comme un gendarme du roi:
Les souris courent grignoter les fruits au plancher
Et se sauvent en désarroi.

Juin d'ailleurs fait mûrir d'autres poires
Au jardin enclos de haies sur le talus,
A l'ombre des ailes de vieil oiseau noir
Du moulin vermoulu qui ne tourne plus.

A la croisée dame Flore se montre
Et cueille une jeune rose d'été
Au rosier qui monte
Entre les planches disjointes de l'étai.

Dame Flore a maintenant sa cornette large
De beau linge amidonné,
Un bourgeon de rose au corsage,
Un autre sur le nez.

Elle bâte de beau cuir neuf et lustré
Son baudet qui se blesse le dos,
Qui chante la messe comme un curé
Et tend ses oreilles comme un bedeau.

Lui accroche deux paniers gris par l'anse:
Met dans l'un des figues, des olives
Et des prunes de Provence
Et dans l'autre une oie de treize livres.

Et juchée dignement sur son âne
Comme une reine sur une mule au mors d'argent,
Elle va vendre sa volaille et sa manne
De fruits au marché de la Saint-Jean.

Et tout le long du sentier elle rêve,
Pendant que l'âne fait sauver les sauterelles,
Les grenouilles et les lièvres,
Au meunier de l'étang qui vient vers elle,

Et qui, sous sa figure et ses habits de farine,
Jalouse peut-être les trois pucerons savants
Qui sautent comme des clowns et tambourinent
Le réveil de la meunière du moulin à vent.




                    LE CHASSEUR


Mets une queue de lièvre
A ton chapeau, chasseur de la forêt et du lac,
Mets ta pipe de merisier à ta lèvre
Et ta poudre en ton sac.

Les lapins qui dansent la ronde au clair de lune
Sont assis sur leur derrière en t'attendant;
Baise ta Margot, baise ta brune,
Vite, et va-t-en.

Va-t-en dans le sentier des hêtres
Et des bouleaux blancs,
Pendant que ta femme ouvre sa fenêtre
Au damoiseau galant.

Qui retrousse sa moustache de ses doigts
En fredonnant un air d'amour,
Et qui porte une plume d'oiseau des bois
A son chapeau mou.




    LES TROIS GARS DU VILLAGE


Les trois gars du village
Ont des bas trop courts,
Ont des blouses trop larges,
Et vont faire aux fillettes leur cour.

Ont trois petits chaperons
De drap, de laine et de velours,
Ont des boucles de cheveux blonds au front,
Ont à la bouche des chansons d'amour.

Les trois gars du village
Entre les cornes de leur col blanc de chemise
Ont les joues rasées comme des pages,
Ont le nez rouge comme des cerises.

Les trois gars naïfs des campagnes
Ont des sabots trop lourds,
Ont des chaussons de paille
Et vont faire aux fillettes leur cour.

Elles ont, elles, de gros bâtons
Pour garder tour à tour,
Leurs dindes, leurs canards ou leurs moutons,
Mais ne gardent guère leur amour.

Ont aussi trois petits bonnets ronds
De toile, de dentelle et de lin,
Qu'elles jetteront
Ce soir, par dessus les moulins,

Ou plutôt qu'elles mêleront
En gentilles garcettes d'amour,
Aux trois petits chaperons
De drap, de laine et de velours.




                    LE VIEIL HOMME


Il pleut. L'escargot gris
Montre ses cornes dans le bois
Et le vieux mari
Rentre les siennes;
La girouette rit
Tout en haut du toit
Et le vent du Nord
Pouffe dans la persienne;
Le hareng saur se tord
Sur le gril.

La femme baisse sa chemise lestement
Et l'amant surpris
Par la croisée file sans bruit:
--Bonjour, bonjour, mon mari chéri,
A t'attendre j'avais tant de tourment;
Bonjour, bonjour, mon mari.....

--Vieil homme, vieil homme, pourquoi soupirer,
Vieil homme pourquoi te rider de souci?
Il pleure dans ton coeur comme il pleut sur les prés;
Jeunesse est aussi douce que vieillesse acide;
Pour noyer ton chagrin, voici le pot de cidre:
La vie est ainsi.



         TABLE

HUMORESQUES

A l'auberge
Le trio
Le dragon
L'aubépine
Comme il vous plaira
La pie au nid
Au Luxembourg
La gavotte
Le loup-garou
Nocturne provincial
Pendant la pluie
Le menuet
La belle d'Argenteuil
Le merle
Jean Gossart
La plume d'autruche
Bonnard
La bretelle cassée
Matines
Mademoiselle Rose
Le garçon meunier
Sous la cendre
La chamade
Le chef d'orchestre
Vuillard
Les audacieux
L'eau claire
Sous le balcon
Le trèfle blanc
Brouwer
Le retour
Le pommier tordu
La pinte vide


CHRONIQUES DU TEMPS DE PHILIPPE VIII


A la terrasse
Le nain
Devant l'obélisque
Les trois écus
La fleur sèche
Jeux d'eau
Sur l'avenue Montsouris
Francis Jammes
Du bout de la rue du Bac
Rêverie d'automne
Fréjol
Mademoiselle de Montpensier
Le défilé
Monsieur Angot
Le poulet au bout de la ficelle
Goossens
Sur le quai
Monsieur de La Gandara
L'oiseau de bois
Envoi



CHANSONS DE BONNE HUMEUR


Bonjour Monsieur
Le tendre railleur
Chanson de Monsieur Benoist
Chanson de la merluche
Où le coq a-t-il la plume?
Le bourgeois de Dreux
Chanson du Roi de Prusse
Au joli jeu des fourberies
Bonjour Olivier
Qu'as-tu de jaune à ton chapeau?
A Strasbourg en France
Qui est gris?
Le coquebin
Chanson de La Tulipe
Ronde des radis gris
La Strasbourgeoise
La poule jaune
Les niais
Chanson du bout de l'an
Quand il pleut à Blois


CHRONIQUES DU CHAPERON ET DE LA BRAGUETTE


Les belles dames de Paris
Le chaperon
Frère Jacques
L'oreiller
Le seigneur de Hochequeue
Le lit chauffé
Les musiciens galants
Le postillon de Longjumeau
Le ménétrier
Nocturne
L'Espagnol de Hollande
Dom Ruys
Billet
Le cocu
La querelle
Les deux gondoles
Le maquereau
L'heure du faune
L'attente inutile
Le printemps
L'anneau d'Hans Carvel
L'amoureux
La Margot
La meunière du moulin à vent
Le chasseur
Les trois gars du village
Le vieil homme




ACHEVÉ D'IMPRIMER LE
17 OCTOBRE 1921
PAR FRÉDÉRIC PAILLART
A ABBEVILLE (SOMME).






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both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark.  Contact the
Foundation as set forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1.  Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
collection.  Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
works, and the medium on which they may be stored, may contain
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property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
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of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
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LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
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DAMAGE.

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promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org.  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     gbnewby@pglaf.org


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States.  U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations.
To donate, please visit: http://pglaf.org/donate


Section 5.  General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.

Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included.  Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.


Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

     http://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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