The Project Gutenberg EBook of Histoire de Quillembois Soldat, by André Hellé This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Histoire de Quillembois Soldat Author: André Hellé Release Date: March 28, 2010 [EBook #31800] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HISTOIRE DE QUILLEMBOIS SOLDAT *** Produced by The Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive/American Libraries.)
DROLES DE BÊTES.
LA BOITE A JOUJOUX. Ballet pour Enfants, Musique de CLAUDE DEBUSSY.
LES BELLES HISTOIRES QUE VOILA.
ALPHABET DE LA GRANDE GUERRE.
LE LIVRE DES HEURES HÉROÏQUES ET DOULOUREUSES. Images de la guerre.
Quillembois, soldat de bois, naquit un jour, comme tous les jouets de bois, d'un morceau de sapin tourné.
Il fut soldat français parce que le hasard avait placé à côté de l'ouvrier qui était chargé de l'enluminer, un pot de bleu et un pot de rouge.
Il aurait pu tout aussi bien être soldat anglais, si le pot de couleur bleue avait été plus loin: il aurait été Russe si le pot de couleur verte avait été plus près; il aurait même pu être nègre, si, lorsque vint son tour d'être peint, il n'était resté dans l'atelier qu'un peu de noir au fond d'un godet.
La main de l'ouvrier qui esquissa naïvement les traits de son visage tremblait un peu. Voilà pourquoi Quillembois eut le nez de travers; sa bouche ne fut pas non plus dans le prolongement exact de son nez, ainsi que le veulent les règles de l'esthétique, mais ses yeux noirs, bien d'aplomb, regardaient franchement en face d'eux, sans peur ni forfanterie.
Lorsque sa tunique bleue fut sèche, on lui colla un bras de bois de chaque côté du corps; on lui colla ensuite un fusil jaune le long du bras droit, un sac brun sur le dos, un pompon rouge sur son shako et, sous les pieds, en guise de godillots, une large et confortable rondelle verte, au centre de laquelle il se tint bien campé, prêt à recevoir victorieusement tous les chocs.
Comme Quillembois avait une tête et un corps en bois, il était naturellement enclin à l'obéissance et peu sensible à la douleur. Il ne se plaignit donc pas lorsqu'un jour il fut mis dans une boîte garnie de mousse et de fragments de vieux journaux en compagnie d'une douzaine d'autres soldats, d'un tambour, d'un canon, d'un capitaine, d'un porte-drapeau et de six arbres fraîchement vernis dont l'odeur portait quelque peu à la tête.
Allongé dans sa boîte, Quillembois regardait devant lui. Il voyait, sur les planchettes dont l'atelier était garni, un grand nombre de maisons, d'arbres, de moutons, de vaches, de chevaux, de canards, d'oies, de poules, de bergers et de bergères qui séchaient en attendant d'être mis en boîte à leur tour.
Il voyait surtout, juste en face de lui, une petite bergère à la jupe verte et au corsage rose dont les yeux étaient obstinément fixés sur les siens.
Quillembois et la bergère se regardèrent donc pendant des jours et des jours jusqu'à ce qu'on vint les en empêcher en mettant un couvercle sur la boîte où se trouvait le petit soldat.
Sans savoir pourquoi, Quillembois se sentit le cœur tout gros. Comme il faisait noir et que personne ne pouvait le voir, il se mit à pleurer en pensant à la bergère rose et verte qu'il ne reverrait peut-être plus jamais.
La boîte dans laquelle se trouvait Quillembois fut mise dans un coin de l'atelier, à côté d'autres boîtes semblables.
Quelques jours après tout cela, il y eut un grand remue-ménage dans la fabrique. Quillembois entendit des pas pressés, des voix, des cris: il lui sembla que les moutons bêlaient tristement, que les chevaux hennissaient; il crut, au milieu de tous ces bruits, distinguer les sanglots étouffés de la bergère rose et verte.
Mais sa boîte fut brusquement soulevée et elle retomba plus loin avec fracas.
Il entendit ensuite des pas de chevaux, des roulements de camions, des chocs de plaques tournantes et des coups de sifflet stridents.
Il comprit qu'il était dans un train (car il avait déjà vu des chemins de fer en bois) et qu'il roulait vers quelque destination inconnue.
Puis il s'endormit.
Tout au fond de la boîte, à travers l'épaisseur de la nuit dans laquelle il se trouvait, Quillembois vit un grand trou noir au fond duquel apparaissait, très petit, très lointain, vaguement teinté de vert, de rose et de gris, un petit village aux maisons de bois, tout pareil à ceux qu'il avait vus sur les étagères de l'atelier.
Puis une lumière blonde naissait doucement.
Un gros papillon noir taché de jaune et de violet s'estompait, se précisait, se transformait: il se teintait de rouge, se colorait de bleu, se nuançait de vert.
Et Quillembois reconnaissait les pots de couleurs à côté desquels il était venu au monde.
Brusquement le paysage s'illuminait: de l'or tombait du ciel, s'accrochait au toit des maisons, s'épandait sur les toisons blanches des moutons; les chevaux galopaient; les vaches s'en allaient aux champs; devant le portail de la ferme aux volets verts, la petite bergère verte et rose donnait à manger aux poulets et aux dindons.
Là-bas, une poule qui venait de pondre le disait gaiement à tous les gens de la ferme: son cri montait toujours: il devenait de plus en plus aigu, de plus en plus perçant, si bien qu'il réveilla le petit soldat.
Quillembois ouvrit les yeux. A côté de sa boîte grande ouverte, un phonographe martial nasillait une marche militaire de toute la force de ses disques; Quillembois distingua aussi des lumières, des couleurs, des personnes.
Il vit alors qu'il n'était plus en chemin de fer et il s'aperçut que, pendant son sommeil, il avait été transporté dans le rayon des jouets d'un grand magasin.
Tout à côté de Quillembois, un arbre écrasait la poitrine du capitaine; un fusil menaçant était prêt à crever le tambour et cinq ou six de ses camarades étouffaient à qui mieux mieux parce qu'ils étaient couchés à plat ventre, le nez dans la mousse. Quillembois avait la chance d'avoir la tête appuyée sur le bord de la boîte: il pouvait ainsi respirer librement et voir ce qui se passait autour de lui.
Tandis que le phonographe qui l'avait réveillé continuait sa musique, des chemins de fer à mécanique roulaient bruyamment sur les tables voisines, des poupées glapissaient «PPPA-PPA-MMMA-MMA». Quillembois voyait encore des mâts de navires, tandis qu'au-dessus de sa tête, des aéroplanes se poursuivaient sans pouvoir jamais se rattraper.
Enfin des gens allaient et venaient.
Comme ils regardaient tous le bord de la boîte, à l'endroit même où Quillembois appuyait la tête, le petit soldat crut que les visiteurs étaient séduits par sa bonne mine et sa gentillesse: il redressa le torse et bomba avantageusement la poitrine; songeant à des succès inespérés, il oublia même, l'ingrat, que, là-bas, il ne savait où, une petite bergère verte et rose pleurait peut-être en pensant à lui.
Mais il fut bien puni de sa vanité lorsque, penchant la tête, il vit, au-dessous de lui, collée sur la boîte, une étiquette portant un prix. Il comprit alors que cette étiquette, bien plutôt que sa personne, attirait l'attention des clients qui passaient, calculant le montant de leurs achats.
Malgré tout le brouhaha qui se faisait dans tout le magasin, Quillembois regarda attentivement les petits jouets au milieu desquels il se trouvait.
Près de lui, à côté d'une bergerie aux moutons frisés, un cortège de bêtes aux formes bizarres sortait d'une Arche de Noé.
Des manèges de chevaux de bois, aux cavaliers de toutes les couleurs, tournaient au son de leur boîte à musique, et des pantins, en costume d'Arlequin, réjouissaient les passants de leurs contorsions plus comiques les unes que les autres.
Des oiseaux chantaient dans leurs cages.
Des marins ramaient dans leurs bateaux.
Et toute une ribambelle de petites poupées à un sou dansaient, dansaient toujours sur leurs quatre crins, infatigables.
Les jouets d'un prix élevé étaient groupés au fond du magasin: ils formaient un aristocratique rayon, aussi lointain du modeste petit soldat de bois que peut l'être, d'un simple pioupiou, le palais d'un roi ou d'un empereur.
Quillembois contemplait ce rayon avec de grands yeux écarquillés. Il frissonna d'admiration en pensant qu'il y avait là des jouets si chers qu'il aurait fallu dix ou vingt mille soldats comme lui pour pouvoir les payer: des automates, fiers de leur grande popularité, qui jouaient de la mandoline et buvaient du sirop; des jouets scientifiques, des bateaux à vapeur, des sous-marins, des locomotives, des ballons dirigeables et des aéroplanes.
Il y avait là des animaux en étoffe: des ânes gris qui hochaient tristement la tête, se souvenant de l'injuste et lointaine tradition qui les condamne à rester pour toujours le symbole de l'ignorance et de la paresse;
de gros éléphants bons enfants, que leur réputation d'animaux pas méchants rendait propres à subir toutes les mystifications de leurs compagnons les singes; des canards de toutes les couleurs, des lions, des vaches, des tigres, des ours et des chameaux.
Il y avait aussi des chauffeurs cossus et de riches automobilistes. Leurs voitures étaient lancées à toute allure sur de grandes tables: mais, hélas! leurs pauvres têtes de porcelaine étaient à la merci d'un caillou qui se trouvait là, d'un chien mécanique qui passait devant eux, d'un virage mal pris.
Et ces rois de la route risquaient à tout moment de se briser en mille miettes au pied même de la table sur laquelle ils accomplissaient leurs exploits, terrorisant tous les autres jouets.
Plus loin, de hautes et superbes quilles semblaient défier tout le monde.
Mais, au moindre coup de boule, elles tombaient par terre, heurtant durement le sol de leur nez camard et ne se relevaient plus.
Il y avait des soldats de plomb:
Musiciens aux instruments de cuivre, fantassins aux pantalons garance, tambours, porte-drapeau.
Chasseurs à cheval aux tuniques bleu de ciel.
Dragons aux casques d'argent.
Turcos aux chéchias rouges, zouaves aux turbans blancs.
Généraux et officiers de toutes sortes, aux brillants uniformes, aux aiguillettes d'or, aux multiples décorations.
Artilleurs aux sombres costumes.
Spahis aux burnous flottants.
Fourgons régimentaires, parcs d'artillerie, voitures d'ambulance.
Il y avait enfin de monstrueux canons à air comprimé, jetant plusieurs projectiles à la seconde.
Quillembois les regarda sans effroi.
Il ne savait pas encore que les soldats de bois, comme les autres, sont quelquefois obligés d'aller à la guerre et de prendre part à de terribles combats à la fin desquels les canons, seuls, restent debout.
Enfin, un jour, une dame vint au magasin et emporta la boîte dans laquelle se trouvait Quillembois.
Ce fut avec une grande joie qu'il quitta le magasin: les phonographes l'assourdissaient, les lumières l'éblouissaient, la poussière lui donnait des nausées et le froid de la nuit des rhumatismes.
De plus, l'humidité le faisait un peu enfler, tout comme ces tiroirs de bois qu'on ne peut plus fermer ni ouvrir lorsque le temps est à la pluie.
La dame emporta la boîte chez elle, puis la mit dans une armoire au fond de laquelle d'autres jouets se trouvaient déjà. Quillembois retrouva ainsi le calme et la chaleur dont il avait été privé depuis son arrivée à la ville.
De temps en temps, la dame sortait soigneusement les jouets de leur boîte: elle regardait si toutes les petites pièces dont ils sont composés étaient bien à leur place; il fallait parfois changer le crin cassé d'une poupée qui avait trop dansé, ou donner un nouveau fusil, fait d'un morceau d'allumette, à un soldat qui avait perdu le sien; certains jouets n'avaient plus ni bras ni jambes: la bonne dame leur en donnait de tout neufs, qu'elle taillait elle-même dans de petites planchettes, puis elle prenait soigneusement ces pauvres éclopés et leur faisait passer la nuit au coin du feu afin que la colle sèche bien et qu'ils aient, dès le lendemain, des membres assez solides pour que rien ne puisse plus les faire bouger.
Il faut dire que pendant la nuit, à l'heure où tout le monde dort profondément, les jouets ne sont plus les petits objets dénués de mouvement et de pensée que nous voyons pendant le jour.
Ils vivent, au contraire, comme de véritables petits hommes: ils vont d'une boîte à l'autre, causent entre eux, et les événements qui se passent dans notre monde font souvent l'objet de leur conversation.
Mais le moindre regard qui se pose sur eux leur fait reprendre immédiatement leur apparence inanimée de bois, de métal ou de carton.
Aussi jamais personne n'a-t-il pu les voir remuer.
Mais ceux qui savent comprendre leur langage entendent quelquefois, derrière une porte, les histoires qu'ils racontent.
Un soir donc, un tambour, auquel il avait fallu recoller une baguette, parlait, au coin du feu devant lequel il séchait, à une marchande en porcelaine qu'il avait fallu fixer plus solidement aux brancards de sa voiture d'oranges et qui, pour cette raison, occupait l'autre coin de la cheminée.
«En ce temps-là, disait le tambour, les hommes vivaient heureux.
«Tandis que les soldats, mes camarades, faisaient l'exercice devant leurs forts, les petites bergères menaient paître les vaches et les moutons sur l'herbe verte des prairies. Elles trayaient leurs vaches et le bon lait écumeux coulait dans les seaux de cuivre. De belles dames, bien coiffées et bien habillées, venaient dans les fermes: elles achetaient le lait et le faisaient boire à leurs bébés qui conservaient ainsi leur bonne mine et leurs joues fraîches et roses. Les hommes fauchaient, moissonnaient. Tout le long de ce pays, les chemins de fer transportaient sans cesse des voyageurs qui s'en allaient çà et là, les uns pour leurs plaisirs, les autres pour leurs affaires. Les automobiles sillonnaient les routes, et toutes les usines étaient en action, tissant, tournant, forgeant et découpant sans arrêt.
«Or, voici qu'un soir d'été, en 1914, un tambour battit dans un village, d'autres tambours lui répondirent; les cloches des petites églises sonnèrent à toute volée; tous les habitants des villes, des villages et des fermes accoururent sur les places publiques et ils apprirent avec consternation que la guerre venait d'être déclarée à nos soldats aux pantalons rouges par les soldats de la nation voisine, qui étaient vêtus de gris.
«Le tambour roulait toujours et des soldats venaient de tous les côtés: les uns étaient de très jeunes gens, forts et robustes, d'autres étaient plus âgés. Jeunes et vieux partaient tous, pleins d'ardeur et de vaillance, au secours de leur pays envahi.
«Pendant que les soldats se rassemblaient, les bergers et les bergères faisaient rentrer leurs troupeaux dans les étables; les belles dames bien habillées se cachaient avec leurs bébés tout au fond de leurs boîtes ou préparaient de la charpie pour les blessés; et, déjà, sur terre et sur mer, dans les plaines et sur les montagnes, les fusils partaient, les canons tonnaient, coulant des bateaux, abattant des bataillons entiers de soldats.
«Des fermes étaient en feu, des villages entiers croulaient sous le choc des obus; les soldats gris étaient sans nombre, mais d'autres soldats arrivaient sans cesse pour lutter contre eux: les uns vêtus de brun ou de vert, les autres coiffés de hauts turbans; et des blancs et des nègres, et toute une armée qui venait de bien au delà des mers, et de hardis cavaliers qui chargeaient sans répit, sans trêve, jusqu'au moment où les soldats gris, harcelés de tous côtés, vaincus, s'enfuyaient en déroute.
«Déjà les belles dames et les bébés brandissaient des drapeaux de toutes les couleurs.
«Revenus enfin au pays qu'ils avaient délivré de l'ennemi, les soldats embrassaient leurs femmes et leurs enfants, reprenaient avec joie leurs pacifiques travaux; et tous les gens, fermiers, belles dames, ouvriers, voyageurs, bergers, disaient avec satisfaction: «La paix est faite, la paix est faite.»
«Et pourtant, des femmes qui avaient perdu leurs fils ou leurs maris pleuraient encore; des enfants étaient vêtus de noir; des infirmes passaient sans bras, ou sans jambes, ou sans yeux pour voir la lumière du soleil. Années de tueries! années de massacre! Pourquoi tout cela? Pourquoi? Pourquoi?»
Un léger craquement se fit entendre à ce moment du côté de la porte. Le tambour ne parlait déjà plus. La marchande n'entendait plus.
Quelques jours se passèrent. Puis, un soir, la dame prit délicatement par la taille Quillembois et ses camarades et les mit en rang sur le parquet.
Ils étaient alignés comme à la revue ou à la parade.
Et ils avaient bien froid, car, ce soir-là, il n'y avait pas de feu dans la cheminée.
Devant eux un grand arbre vert paraissait sortir du plancher, et tandis que ses plus basses branches touchaient le sol, les plus hautes montaient jusqu'au plafond.
La dame s'en alla et la chambre resta plongée dans l'obscurité.
Alors, dans l'arbre, une petite lumière s'alluma.
Puis une autre.
Puis d'autres encore: et bientôt ce fut une illumination complète.
Comme il faisait chaud, maintenant!
Au loin, des musiques se faisaient entendre, de doux airs de harpe et de violon.
Et voici que, du fond de la cheminée, des soldats de plomb débouchèrent.
Précédés de joyeuses fanfares, ils défilèrent devant l'arbre et se lancèrent à l'assaut de ses plus basses branches sur lesquelles ils s'installèrent.
Par terre, une glace entourée de mousse semblait être un étang limpide dans lequel se reflétaient les lumières: sur ce lac un grand voilier était à l'ancre et des petits bateaux allaient et venaient autour de lui.
Un troupeau de vaches entrait maintenant: tandis que les bergers jouaient de la musette, les vaches avançaient lentement et venaient se ranger au bord de l'étang.
Un petit ours accourut en trottinant: il secoua la cendre qui s'était attachée à ses pattes et grimpa lestement tout en haut de l'arbre.
Sur les branches du sapin et au travers de la chambre, des fils d'or et d'argent scintillaient; de grosses boules, les unes de métal jaune les autres de métal blanc, ressemblaient à des bouquets de soleil ou à des guirlandes de lunes.
D'autres jouets sortaient encore de la cheminée.
Des pantins bariolés sautaient adroitement sur le coin des meubles et s'y asseyaient sans façon; une locomotive suivie de ses wagons bondissait à travers les rameaux de l'arbre et s'y accrochait.
Une église, de petites maisons, arrivaient en sautillant; des poules, des oies, des canards les suivaient; un éléphant marchait pesamment en avant des bêtes de la ménagerie et une pièce d'artillerie entrait avec fracas, au grand galop de ses chevaux blancs.
Au son du chalumeau, des bergers et des bergères menaient leur troupeau de moutons enrubannés.
Alors Quillembois sentit battre bien fort son petit cœur de bois: devant lui, timide et rougissante, la petite bergère rose et verte était arrêtée et lui souriait gentiment.
Un bruit d'ailes se fit entendre dans la cheminée: les musiques se turent, les lumières s'éteignirent.
Dans la ville, les cloches sonnaient à toute volée et de fraîches voix d'enfants disaient:
«Noël, Noël, Joyeux Noël.
«Merry Christmas.»
La porte s'ouvrit.
Des têtes blondes et des têtes brunes d'enfants apparurent. Tous ces petits regardaient avec admiration l'arbre de Noël et les jouets qui l'entouraient: pris d'un grand respect pour un si beau spectacle, ils n'osaient pénétrer dans la chambre, mais la dame vint et ils la suivirent à petits pas.
Quand ils eurent contemplé tout ce qu'il y avait sur le plancher et dans l'arbre, la dame leur distribua les jouets. Un petit garçon blond eut les soldats de bois, sa sœur eut la bergère rose et verte, les bergers, les moutons, la bergerie et tout un village; les soldats de plomb furent donnés à un autre garçon brun, qui, très fier du cadeau qu'il avait reçu, s'en alla bien vite en poussant de grands cris de joie.
Car les petits enfants préfèrent souvent les soldats de plomb aux soldats de bois. Les attitudes martiales et variées de ces hommes et de ces chevaux de métal, la précision des détails des harnachements et des uniformes séduisent tous ceux qui, comme les petits enfants, ne voient dans la guerre qu'une suite de jolis tableaux militaires, abondants en épisodes pittoresques et en situations théâtrales, à la façon des batailles d'autrefois.
Les soldats de bois ne sont pas avantageux; mais ils ne savent pas ployer, mais ils sont rustiques et redoutables. Ceux-là, petits, maigres, basanés, ont été taillés dans du bois d'olivier ou d'amandier et viennent de Provence. Ces grands gaillards, forts et bien portants, à la figure violemment enluminée, qui chantent fort dans les marches, boivent ferme dans les haltes et tapent dur dans les combats, viennent des régions du Centre et sont faits d'orme ou de peuplier. D'autres viennent de Corse et sont en chêne vert. Il y a des Auvergnats en châtaignier, des Vendéens en bouleau, des Parisiens en platane et en marronnier. Voici des Normands en hêtre, des Bretons en frêne, et voici de jeunes gars aux yeux bleus qui sont en sapin des Vosges.
Les soldats de bois ne sont pas avantageux, mais ils savent tenir la tranchée et fixer l'ennemi.
Et dans leurs fibres coule encore la bonne sève qu'ils ont puisée dans le sol des forêts de France.
Le lendemain du jour de Noël, Quillembois se retrouva dans une armoire.
On racontait dans la maison que le petit garçon avait mangé trop de friandises, qu'il était malade et qu'on le privait de ses jouets pour le punir de sa gourmandise.
Quillembois s'ennuya bien pendant quelques jours. Il aurait voulu voir la maison dans laquelle il allait vivre désormais et en connaître les habitants.
Il se demandait pourquoi il était injustement condamné à demeurer enfermé dans une armoire parce qu'un petit garçon n'avait pas été raisonnable. Et, pour comble de malheur, il entendait, tout près de lui, la petite fille qui jouait avec la bergerie, les moutons et la bergère rose et verte.
Aussi se trouvait-il bien malheureux.
Mais enfin le petit garçon guérit et on lui rendit ses soldats.
Quillembois fit l'exercice sur une table, à la lueur d'une grosse lampe: il défila, avec les autres soldats, sur deux rangs, sur quatre rangs; il monta la garde au sommet d'un fort; il vit, de l'autre côté de la table, la bergère et ses moutons.
Les péripéties de la manœuvre le conduisirent même, à un certain moment, tout près de sa petite amie, mais, brusquement, il vit disparaître moutons, bergère et bergerie.
Lui-même se retrouva, après un grand choc, au fond de sa boîte, se heurtant avec ses camarades.
Il était l'heure de dîner.
Et on venait de débarrasser la table.
Quelques jours après cette première sortie, les soldats de bois furent tous rangés sur un fort.
Devant eux, l'armée des soldats de plomb, que le petit garçon brun avait apportée pour jouer à la bataille, occupait l'autre côté de la table. Une partie de cette armée se dissimulait derrière une rangée d'arbres verts: la cavalerie s'était mise à l'abri dans un village au milieu duquel se trouvait un canon gris et les petits pois qui servaient de projectiles.
La mitraille pleuvait dru sur le fort, et les soldats de bois, mal abrités, tombaient avec fracas. Mais, au pied du fort, un gros canon jaune ripostait ferme et, à chaque coup, des files entières de soldats de plomb s'abattaient sur la table.
Au plus fort de la bataille, Quillembois fut envoyé aux renseignements.
Attaché à un gros ballon rouge, il monta jusqu'au plafond. Lorsqu'il fut arrivé là-haut, il ne vit plus, au-dessous de lui, que de petites taches de toutes les couleurs. Mais, bientôt, il put distinguer ce qui se passait en bas.
Il y avait encore, dans le camp adverse, beaucoup de soldats et beaucoup de petits pois. Et, là-bas, tout au bout, à l'angle de la table, un général et son état-major se tenaient hors de la portée du canon du fort.
Alors, du côté de l'armée des soldats de plomb, un aéroplane prit son vol au moment même où Quillembois commençait sa descente.
Attaché à la suspension, l'oiseau blanc décrivait de grands cercles au-dessus de la table; le ballon continuait toujours sa descente; le choc était inévitable.
Patatras!
Entraîné, déchiré par les ailes de l'avion, l'aérostat se dégonfla aussitôt, s'affala, et Quillembois tomba sur un arbre.
Mais que se passe-t-il?
Voici que l'arbre oscille sur sa base et s'écroule en faisant tomber d'autres arbres; que ces autres arbres écrasent l'infanterie, l'artillerie et entraînent dans leur chute une maison qui jette l'église par terre; que l'église renverse à son tour les cavaliers qui s'abritaient derrière elle et que son clocher s'abat sur le général et son état-major d'officiers, n'en laissant pas un seul debout.
Il ne restait plus rien maintenant, absolument rien, de l'armée des soldats de plomb, plus rien que l'aviateur sur son avion, qui se balançait stupidement, au bout de sa ficelle, devant ses troupes anéanties.
Les soldats de bois avaient gagné la bataille; les soldats de plomb, honteux, s'en allèrent pour toujours.
Ainsi, le sort des armées dépend quelquefois d'un incident futile: une pluie qui tombe, un pont qui s'écroule, un convoi qui arrive en retard peuvent faire perdre ou gagner une bataille.
Les soldats de bois fêtèrent la victoire qu'ils avaient remportée sur les soldats de plomb. Les rues et les maisons du village furent pavoisées, il y eut une grande revue passée par le général de bois et un grand défilé auquel assistèrent tous les habitants de la ville, des campagnes, des fermes et des bergeries.
Et le soir venu, Quillembois s'endormit avec délices sur sa litière de mousse et de copeaux fins.
Parfois, les soldats de bois du petit garçon voisinaient, sur la table, avec la bergerie de la petite fille et Quillembois bavardait avec les bergers.
Or, il reconnut, un jour, un de ces derniers. Natifs du même sapin, ils avaient été tournés le même jour.
Si le berger n'était pas soldat, comme Quillembois, c'est parce qu'au moment où il aurait fallu l'armer, il ne restait plus, dans l'atelier, un seul bout de bois assez long pour en faire un fusil; les petits morceaux qui traînaient encore sur les établis étaient tout au plus bons à faire des triques de berger ou des sabres d'officier.
Il aurait été officier si le petit morceau de bois qu'on lui colla au bras avait eu la pointe en l'air; il fut berger parce que la pointe de ce morceau de bois avait été, au contraire, mise en bas.
Mais il était satisfait de son sort et il n'enviait personne.
Quillembois et le berger parlèrent ensemble des anciens camarades qu'ils avaient retrouvés dans le grand magasin.
Un grand beau garçon, qui avait été taillé dans le cœur même de l'arbre, avait été mis dans une boîte de soldats de luxe et il était parti un jour pour l'Amérique en compagnie de poupées richement habillées et de coûteuses voitures automobiles. Un autre était marin sur un cuirassé en bois; un autre était acteur dans un théâtre de marionnettes; et puis, il y en avait un, qui avait mal tourné: il était devenu pion dans un jeu d'échecs, avait été peint en noir et passait depuis pour être en ébène.
Un petit maigriot, qui avait été taillé dans une branche morte, était, lui aussi, soldat: mais il avait la taille si fine et il était si fragile qu'il n'avait même pas pu arriver jusqu'au magasin et qu'il s'était cassé en deux pendant le voyage.
Mais, depuis longtemps, on n'avait plus de nouvelles d'aucun d'eux.
Et on allait bientôt les oublier.
Depuis que les soldats de plomb étaient retournés chez eux, les soldats de bois ne faisaient plus la guerre.
Sur la table, paisible désormais, ils voyageaient souvent en chemin de fer: parfois, le train, lancé trop fort, ne s'arrêtait pas au bord de la table et il tombait avec ses voyageurs sur le parquet, mais tout le monde se relevait sans mal.
Ils passaient aussi, en rangs serrés, sur des ponts de pierre ou de bois; quelquefois, un de ces ponts, mal construit, s'écroulait et les ensevelissait sous ses décombres.
Mais ils s'en tiraient encore sans dommage.
Au bord d'une cuvette pleine d'eau, ils s'embarquaient sur de petits bateaux et faisaient de dangereuses traversées, le plus souvent suivies de naufrages; mais, heureusement, les soldats de bois flottent, aussi toutes les pertes se bornaient-elles à quelques bras ou quelques fusils décollés qui étaient remis en place le lendemain.
Mais, un soir après le dîner, la guerre civile déchaîna ses horreurs sur la table familiale.
N'ayant plus de soldats de plomb à abattre, le petit garçon, voulant se servir de son canon, se mit à tirer sur la bergerie et sur le village.
Les pauvres moutons, frappés par des petits pois ou des boulettes de mie de pain, tombaient les quatre pattes en l'air; les petites cabanes à roulette, dans lesquelles s'abritent les bergers, les maisons, les arbres, tout était renversé. Quillembois entendit la petite fille qui pleurait, puis une grosse voix ordonna aux enfants d'aller se coucher tout de suite.
Et la lampe s'éteignit.
Les soldats, les moutons, les bergers et la bergère restèrent donc pêle-mêle sur la table.
Au bout d'un instant, quand les jouets furent bien sûrs qu'ils étaient seuls et que personne ne pouvait les voir, ils se hasardèrent à faire un pas ou deux en avant; un rayon de lune, qui entrait par la fenêtre, éclairait d'une lueur blafarde les ruines du village et de la bergerie.
Mais, déjà, les bergers étaient revenus: les uns, aidés des soldats, remettaient les maisons debout pendant que les autres ramassaient les moutons. Quillembois pensa que la petite bergère n'était pas loin. Enjambant les décombres avec précaution, il la chercha au milieu des ruines et l'aperçut enfin au bord de la table.
La pauvre petite, les yeux pleins de larmes, regardait l'abîme qu'elle avait devant les yeux et dont, à cause de l'obscurité, elle ne pouvait apercevoir le fond, qui était le parquet.
Elle expliqua à Quillembois qu'elle ne pouvait plus vivre au milieu de ces coups de canon qui renversaient les villages, les églises, les moutons et les bergères, et qu'elle ne désirait rien tant que de s'enfuir.
Le petit soldat lui répondit qu'il ne demandait pas mieux que de se sauver avec elle; il ajouta qu'il serait bien heureux de la guider dans cette entreprise pleine de dangers, si elle voulait bien, toutefois, le lui permettre.
Comme il était déjà tombé du haut d'une table, il savait bien que les jouets de bois ne se font pas grand mal dans leur chute, mais il pensa aussi que ni la bergère ni lui ne pourraient, une fois qu'ils seraient en bas, ouvrir la porte ou la fenêtre et qu'alors ils seraient ramassés tous les deux, le lendemain matin, pour aller rejoindre les autres jouets au fond de leur boîte.
Ils décidèrent donc de se blottir derrière un tas de petits pois. Quillembois s'était rappelé que, tous les matins, on secouait le tapis de la table par la fenêtre; il pensa que, s'ils avaient le bonheur de ne pas être vus au moment où on rangerait les jouets épars sur la table, ils courraient la chance d'être jetés ensemble dans le jardin, avec les petits pois, les mies de pain et autres détritus.
Les événements se passèrent bien ainsi que les avait prévus le petit soldat. Mais, tandis que la bergère tombait au pied du mur de la maison, Quillembois fut jeté beaucoup plus loin: il tomba d'abord sur un arbuste pour dégringoler ensuite dans un gros chou.
Un peu étourdi par sa chute, il essayait de se remettre d'aplomb, mais, dans ce mouvement, il glissa malencontreusement entre deux feuilles et, malgré tous les efforts qu'il fit, il ne put se dégager de leur étreinte.
Prise de peur en se voyant séparée de son compagnon, la petite bergère n'osait plus bouger: tout ce grand monde inconnu qu'elle voyait autour d'elle l'effrayait plus encore que les coups de canon.
Alors, de désespoir, elle se laissa rouler au bord d'une allée, espérant qu'on l'y retrouverait bientôt.
En effet, quelques heures plus tard, Quillembois entendit les cris de joie de la petite fille, ravie d'avoir retrouvé son jouet.
Il pensa tristement qu'il allait être éloigné pour toujours de la petite bergère rose et verte.
Quillembois passa de longues journées dans le chou.
Il souffrit beaucoup, car, au fur et à mesure que le chou poussait, ses feuilles grossissaient de telle façon que Quillembois était de plus en plus serré entre elles.
Il avait, de plus, à subir deux fois par jour le supplice de l'arrosage, excellent pour les choux, mais très mauvais pour les soldats de bois; dans la journée, de grosses mouches se promenaient sur sa figure et le chatouillaient désagréablement; pendant la nuit, les limaces rampaient sur son corps et laissaient derrière elles des traînées de leur bave dégoûtante.
Il pensait bien pourrir là, lorsqu'un jour le chou fut cueilli pour être mis dans la soupe. Quillembois glissa dans la marmite, y resta toute la journée et fut retrouvé, le soir, à table, dans la soupière.
Mais dans quel état!! Les brillantes couleurs de ses joues étaient ternies; son pantalon rouge était d'un rose sale; sa belle tunique, décolorée, était souillée de graisse; son shako noir était devenu gris; ses bras, son fusil, son sac et la confortable rondelle qui lui servait jadis de souliers, le tout, décollé, flottait sur le bouillon.
La cuisinière fut appelée: on lui montra les horreurs qui nageaient là et on la chassa sur-le-champ en lui ordonnant de remporter la soupière. Aussi, dès qu'elle fut dans la cuisine, elle saisit, de rage, le corps de Quillembois, le jeta par terre, et, d'un vigoureux coup de pied, elle l'envoya, sous un meuble, rouler dans la poussière.
Comme la bonne était aussi sale que la cuisinière, Quillembois resta de longs jours sous ce meuble. Mais, une fois par mois, la maîtresse de maison présidait elle-même au balayage.
Ce jour-là, Quillembois reçut dans les reins un bon coup de balai qui l'envoya rebondir sur les marches d'un escalier: au moment même, le petit garçon blond descendait de sa chambre.
Au bruit que fit Quillembois le petit garçon se précipita. Après un instant d'hésitation, il vit que cette chose informe était un de ses soldats et Quillembois fut remis dans sa boîte, avec les autres jouets, dans l'armoire habituelle.
Lorsque le pauvre Quillembois fut de retour parmi ses camarades, il eut un moment de bonheur, mais sa joie fut de courte durée.
Aucun des soldats ne voulut reconnaître, dans ce morceau de bois gras et sale, qui sentait encore le chou, leur ancien compagnon de gloire. Tous lui tournaient le dos avec mépris et, comme il insistait pour reprendre sa place au milieu d'eux, le capitaine donna l'ordre à ses soldats de jeter Quillembois par-dessus le bord de la boîte.
Les soldats obéirent et Quillembois tomba en plein dans la bergerie: à quelques rondelles de lui, la bergère verte et rose gardait toujours ses moutons.
En l'apercevant, Quillembois poussa un cri de joie et se précipita vers elle: il pleurait d'émotion en retrouvant sa chère petite pastoure qu'il croyait bien ne plus jamais revoir.
Mais la bergère eut peur de cet homme sans bras, qui titubait sur son pied trop petit et elle courut se réfugier auprès d'un grand berger bleu et gris qui était armé d'un solide gourdin; comme elle criait de toutes ses forces: «Au fou, au fou!» d'autres bergers accoururent avec des chiens et mirent en fuite Quillembois, qui, après mille difficultés, réussit à se hisser jusqu'au sommet de l'église, où il put enfin échapper à leur colère.
Toute l'eau dont il s'était imbibé pendant l'arrosage, tout le bouillon de choux dont il s'était imprégné dans la marmite et dans la soupière s'en allèrent durant cette nuit sous forme de larmes, car Quillembois ne connut jamais de douleur plus amère.
Devant l'église, bergers, arbres, maisons, chiens et moutons dansaient joyeusement pour célébrer les fiançailles de la petite bergère verte et rose et du grand berger gris et bleu.
Lorsqu'il eut épuisé toutes ses larmes et qu'il ne fut plus qu'un petit morceau de bois sec et ratatiné, Quillembois voulut s'éloigner pour toujours du lieu de son malheur.
Entre l'extrême bord du rayon sur lequel il se trouvait et la porte de l'armoire, il existait un vide assez grand pour qu'il pût y passer. Quillembois se rappelait avoir vu, sur la planchette inférieure, des livres et des plumiers. Il espérait qu'au milieu d'eux il pourrait peut-être vivre ignoré et se refaire une existence calme et paisible, comme celle d'un vieux savant.
Il abandonna donc son refuge, s'approcha du bord du rayon et se laissa tomber au hasard.
Mais son malheur voulut qu'il chût la tête la première dans un encrier qui n'avait justement pas été bouché. La jupe de sa tunique, trop large pour passer par l'ouverture du flacon, l'empêcha de couler jusqu'au fond mais il resta là, les pieds en l'air et la tête dans l'encre, sans pouvoir se dégager.
Il fut retrouvé le lendemain, dans cette position inattendue, par les enfants qui venaient chercher leurs jouets. En le voyant, ils s'accusèrent mutuellement de s'être joué ce mauvais tour et ils se disputèrent bien.
Mais lorsqu'ils eurent retiré Quillembois de l'encrier, ils rirent tellement en voyant sa pauvre tête noire, qu'ils ne restèrent pas fâchés plus longtemps et qu'ils coururent vers la chambre de leurs parents, voulant leur montrer ce personnage ridicule, espérant bien que tout le monde en rirait autant qu'eux.
L'encre qui dégouttait de la tête de Quillembois tacha le tapis de la salle à manger, l'escalier, le parquet de la chambre. Le héros démodé n'eut pas un succès de rire, mais d'horreur.
Alors, arraché des mains qui le tenaient, il fut jeté dans le feu où il se consuma.
Ses anciens camarades, le tambour, le capitaine, le porte-drapeau disparaîtront à leur tour: les bergers, les moutons, les bergères roses et vertes s'en iront aussi en fumée ou en poussière.
Des jouets naissent, des jouets meurent: et leur histoire se ressemble beaucoup.
pages | |
Le Portrait de Quillembois | 5 |
Premier Chagrin | 7 |
Le Départ | 9 |
Un Rêve | 11 |
Le Magasin | 14 |
Les Jouets humbles | 16 |
Les Jouets riches | 18 |
Quillembois est vendu | 25 |
Une Page d'Histoire | 27 |
Nuit de Noël | 32 |
Quillembois est donné | 37 |
Première Sortie | 40 |
Première Victoire | 43 |
Souvenirs du Passé | 48 |
Vie de Garnison | 51 |
Projets de Départ | 54 |
L'Évasion | 57 |
Quillembois revient sans gloire | 59 |
Une grande Douleur | 62 |
La Fin de Quillembois | 65 |
IMPRIMÉ PAR BERGER-LEVRAULT
NANCY
End of Project Gutenberg's Histoire de Quillembois Soldat, by André Hellé *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HISTOIRE DE QUILLEMBOIS SOLDAT *** ***** This file should be named 31800-h.htm or 31800-h.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/3/1/8/0/31800/ Produced by The Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive/American Libraries.) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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