The Project Gutenberg EBook of Richard Wagner, by Jules Champfleury This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Richard Wagner Author: Jules Champfleury Release Date: November 20, 2010 [EBook #34382] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK RICHARD WAGNER *** Produced by Adrian Mastronardi, Eleni Christofaki and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
PAR
PARIS
LIBRAIRIE NOUVELLE
BOULEVARD DES ITALIENS, 15
A. BOURDILLIAT ET Ce, ÉDITEURS
1860
Paris.—Imp. de la Librairie Nouvelle, A. Bourdilliat, 15, rue Breda.
AU ROMANCIER BARBARA.
Elles ne sont donc pas perdues, mon cher ami, les longues soirées qu'il y a dix ans nous passions à étudier en compagnie les œuvres d'Haydn, de Mozart et de Beethoven.
Quand je quittai ces heureux quatuors de notre jeunesse, c'est que je compris combien étaient dangereuses les infidélités faites au livre. Les efforts nerveux dépensés au service de la musique étaient autant de perdu pour le roman; mais il ne m'en resta pas moins une vive curiosité pour les œuvres musicales modernes ou anciennes, et mercredi, 24 janvier 1860, à l'audition du premier fragment de Richard Wagner, je sentis pousser sur le riche fumier que nous avions amassé lentement pendant quelques années les fleurs charmantes de l'Initiation en musique.
Je comprenais la pensée du maître et c'est ce qui motive la présente lettre pour laquelle j'interromps les travaux les plus pressants, me souciant médiocrement des intérêts d'aujourd'hui et de demain, impatient de crier la vérité, ne pouvant échapper à la tyrannie de la pensée qui m'envoie au cerveau des phrases toutes faites sur l'œuvre de Richard Wagner et [4]qui me commande enfin les lignes qui vont suivre frémissantes, laissant à peine à ma plume le temps de les tracer.
Richard Wagner! Je retrouve ce nom logé dans un coin de ma mémoire par un critique académique, M. Fétis père, de Bruxelles en Brabant, Van Fétis, un rat de bibliothèque, un commentateur sans portée, un biographe à coups de ciseaux, qui a écrit quelque part que Wagner «était le Courbet de la musique.»
Comme vous le pensez, c'était dans la pensée du Flamand une insulte qui me donna longtemps à réfléchir. Que pouvait être un Courbet en musique? C'est ce que je cherchai péniblement. Le grand peintre, assailli et insulté depuis si longtemps par les gandins des petits journaux, est un artiste remarquable avant tout par la puissance de son pinceau.
On peut découper dans chacune de ses toiles un morceau, c'est de la peinture; mais comme les Français se connaissent médiocrement en peinture et qu'ils s'attachent avant tout au sujet, à l'esprit et au joli, Courbet ne pouvait être compris.
En même temps, l'accusation de réalisme venait se joindre aux efforts des jaloux pour empêcher le développement du maître, et il en était de ce mot de réalisme comme du titre de Musique de l'avenir, dont on a affublé ironiquement Richard Wagner.
Je parlerai plus tard du titre de Musique de l'avenir, dont les adversaires de Wagner se sont servis longtemps comme d'une massue, croyant l'accabler; mais les massues des journalistes ne sont que des massues des Funambules, en toile peinte avec du foin dedans.
[5]Ne faut-il pas avant tout adresser des remercîments aux critiques de profession dont tous les coups portent à faux? Ils arrêtent d'abord la marche de l'homme fort, nuisent à sa fortune, jettent des bâtons dans les roues, creusent des ornières pour faire verser le char, élèvent des barricades vermoulues derrières lesquelles ils se tiennent tremblants, armés de vieilles seringues pleines d'encre. Tout d'un coup, après avoir réparé ses forces, après des mois de défaillance, l'artiste se relève fier, convaincu, fort, et d'un seul de ses regards il fait fuir les médiocrités, les jaloux, les impuissants, les inutiles, les pâles seringueurs d'encre et il traverse triomphalement la voie sur laquelle s'empresse une foule enthousiaste.
Tel est Wagner aujourd'hui, après la séance du mercredi 24 janvier 1860, qui restera une date dans l'éphéméride des arts.
Dès l'arrivée du maître à son pupitre, je compris à la physionomie de l'orchestre que la cause était gagnée. Les musiciens se dérangèrent avec respect et joie, impatients de commencer et saluant l'arrivée de Richard Wagner par des applaudissements d'archets sur le bois de leurs instruments.
Wagner est pâle avec un beau front dont la partie près de la racine du nez offre des bosses très-accusées. Il porte des lunettes et des cheveux abondants sans exagération. C'est une nature bilieuse, ardente au travail, pleine de conviction, les lèvres minces, la bouche légèrement rentrée et le trait le plus caractéristique dans les détails vient de son menton, se rapprochant de la famille des mentons de galoche.
Il y a en lui de la timidité, de la naïveté, du contentement des murmures d'une salle qui paraît disposée à écouter religieusement; de cette personnalité allemande et modeste jaillit[6] une sorte de charme particulier auquel nous ne sommes guère habitués.
Cet homme, je le sens, n'a rien de commun avec les compositeurs excentriques qui s'habillent bizarrement, essayent d'influencer la salle par un regard satanique et secouent une longue crinière, plate comme des baguettes de tambour ou frisée comme un caniche.
Wagner s'est à peine tourné vers le public, sinon pour le saluer, et il est en train de donner ses dernières instructions aux musiciens groupés autour de lui.
Que se passe-t-il dans l'esprit de l'artiste qui tourne le dos au public, et qui va dans cinq minutes être jugé par des Parisiens, c'est-à-dire des êtres qui veulent être amusés avant tout, et dont les représentants les plus immédiats, les directeurs de théâtre, ont protesté de tout temps contre les tentatives nouvelles?
En cinq minutes, un jugement peut être rendu par ce jury frivole contre un homme qui donne en une heure le résultat de trente ans d'études, de souffrances et d'abnégation.
Et les musiciens qui n'ont répété que trois fois ces œuvres nouvelles!
Et les choristes mâles, qui sont d'honnêtes Allemands amateurs, qu'on a réunis à la hâte pour le concert!
On parle des émotions du condamné à mort quand le juge vient lui signifier que le moment fatal est arrivé. L'Art renferme des émotions non moins cruelles qui se répètent journellement.
Je n'ai pas le programme du concert sous mes yeux; par[7] quoi commençait-on? Sont-ce des fragments de Lohengrin ou de Tannhœuser?
Qu'importe? Je ne prétends pas donner une analyse régulière de chacun de ces fragments, mais la somme de sensations que j'ai recueillies de l'ensemble.
J'avoue que l'absence de mélodies, dont les prétendus connaisseurs parlaient depuis longtemps dans les revues et les gazettes, me préoccupait vivement; et les tentatives que j'avais entendues en France dans ce même sens, n'étaient pas propres à faire de moi un enthousiaste.
Des orchestrations étranges, des accouplements bizarres d'instruments à timbres ennemis, des mélodies singulières rompues tout à coup comme par un méchant gnôme, des armées formidables d'instrumentistes et de choristes, des télégraphes portant le commandement du chef d'orchestre à d'autres sous-chefs dans d'autres salles, à la cave et au grenier, me donnaient un certain effroi de cette musique de l'avenir d'outre-Rhin, dont les critiques sérieux ne parlaient qu'avec dédain.
Dès les premières mesures de l'ouverture, les critiques chagrins qui trompent le public par esprit de dénigrement hostile et par une jalouse impuissance, comprirent qu'ils n'avaient qu'à fuir, car Richard Wagner était applaudi par la foule frémissante, qui a le sentiment du Beau et du Juste, et qui se sentait remuée jusqu'au plus profond de son être par des ondes musicales qu'un navigateur venait de découvrir.
Absence de mélodies, disaient les critiques.
Chaque fragment de chacun des opéras de Wagner n'est qu'une vaste mélodie, semblable au spectacle de la mer.
Quel est celui qui, jetant les yeux sur l'Océan troublé ou[8] la bleue Méditerranée, s'aviserait de vouloir y batir une petite maison blanche à volets verts?
Une fois entré dans ces flots d'harmonie souveraine dont Wagner a le secret, ne serait-ce pas d'un idiot que de demander un petit air de la Fanchonnette?
La musique de Wagner me reporte à des époques lointaines où seul, dans un petit village normand, étendu dans les genêts sur la falaise, je regardais la mer toujours belle et toujours nouvelle, défiant l'ennui, et portant aux grandes pensées.
Il y a un côté religieux dans l'œuvre de Wagner, le côté religieux que vous laisse une forêt épaisse, quand vous la traversez en silence. Alors se détachent une à une les passions de la civilisation: l'esprit quitte sa petite boîte de carton où chacun a la coutume de l'enfermer pour aller en soirée, au spectacle, dans le monde; il s'épure, grandit à vue d'œil, respire de contentement et semble grimper jusqu'à la cime des grands arbres.
Ce ne sont pas des phrases.
Mais comment rendre, sinon par des analogies de sensations, la langue mystique des sons enivrants?
Cependant il faut essayer de faire comprendre à ceux qui ignorent, que la musique de Wagner n'est pas de la musique imitative.
Dans la symphonie des Saisons, Haydn a tenté d'indiquer «le passage de l'hiver au printemps.» Ainsi que celles-ci les paroles suivantes sont textuelles: «Les épais brouillards par lesquels l'hiver commence.» Tentatives d'un grand maître[9] qui ont amené à sa suite de singuliers disciples.
Coucher de soleil, la lune à demi voilée, le chant de l'alouette dans les blés et jusqu'au vol rapide d'un oiseau à long bec traversant le paysage, voilà ce que les singes de la musique imitative ont prétendu montrer dans leurs symphonies.
C'est là ce qu'on pourrait appeler dans le mauvais sens du mot, du réalisme en musique, l'enjambement monstrueux d'un art sur un autre art, le mélange frelaté aussi équivoque qu'une grappe de raisin greffée sur un poirier.
Wagner n'appartient en rien à cette école. Il semble puéril d'insister là-dessus; mais j'écris surtout pour des gens qui ne pourront entendre ces concerts.
Le compositeur se rapprocherait plutôt des lignes que Beethoven a écrites en regard d'un passage de la Symphonie pastorale: «Plutôt expression de sentiment que peinture.» Belle parole plus juste que celle d'Haydn.
Ce n'est pas encore là ce qui peut rendre la musique de Wagner. Je ne connais ni le sujet de ses opéras, ni la splendide étoffe qui les recouvre. Je n'ai vu que des morceaux de cette étoffe. Il me semble qu'un fragment de tapisserie du moyen âge me tombe tout à coup sous les yeux. Des têtes de chevaliers dessinées à l'aiguille à grands traits apparaissent; un varlet coupé à mi-corps tient un faucon sur le poing. Dans un coin de la tapisserie est écrit en lettres gothiques: Amadis de Gaule.
Toute une époque se déroule: les gestes de Charlemagne, les chevaliers de la Table Ronde, les douze preux, des personnages vaillants, plus grands que nature, avec des durandal formidables et des casques de géant.
Dans les fragments du Tannhœuser, de Lohengrin, de Tristan[10] et Isolde, du Saint-Graal, sans qu'il y ait imitation de furieux combats, toute une époque chevaleresque reparaît, maintenant que de sang-froid je puis me recueillir.
Les personnages des drames de Wagner appartiennent à ces temps héroïques dont les frères Grimm ont recueilli pieusement les traditions en Allemagne. Quoique la fabulation du drame de Wagner n'appartienne pas au vieux poème allemand de Parcifal, le Lohengrin du compositeur n'est-il pas le même que celui de la légende?
«Lohengrin allait justement, en ce moment, mettre le pied à l'étrier; alors parut sur l'eau un cygne qui traînait derrière lui une barque. A peine Lohengrin l'eut-il aperçu, qu'il s'écria:
»—Bonne nuit, mon coursier, à l'écurie! Je veux aller avec cet oiseau et le suivre où il me conduira.
»Dans sa confiance en Dieu, il ne prit point de vivres avec lui; après cinq jours de navigation sur la mer, le cygne fourra son bec dans l'eau et prit un poisson; il en mangea la moitié, et donna l'autre moitié au prince.»
Aux Italiens, je n'ai pas voulu lire le livret: avant tout, j'avais soif de musique; le drame m'eût préoccupé. Un concert n'est pas une représentation; les vrais musiciens ne connaissent d'autre langue que la langue des sonorités et l'imprimerie n'a que faire devant un orchestre.
Plus tard, quand seront représentés les opéras dans leur ensemble, la question sera tout autre. Il sera bon de voir comment le compositeur, qui est son propre poëte, a fondu en un ces deux arts différents.
Après la première partie du concert, ce fut un bruit dans le foyer, des conversations haletantes, précipitées, des acclamations spontanées et des dénigrements sans portée. La bataille était gagnée, mais il y avait (ce qui ne se voit jamais[11] dans la guerre), des esprits en arrière, embourbés dans un fossé, loin du danger, qui essayaient de médire du vaillant général.
Ils étaient peu nombreux, on les comptait et ils parlaient avec les grimaces et la colère de singes devant qui on admirerait une belle étoffe, et qui la déchireraient en mille morceaux.
Il paraît que l'artiste a besoin d'être excité par ces animaux malfaisants, car de même qu'aussitôt qu'un âne vient au monde, il pousse dix gourdins pour le rosser, à peine un grand esprit se montre-t-il dans l'arène, qu'il a à ses trousses cinquante aboyeurs.
L'ouverture de Tannhœuser était déjà connue à Paris de quelques-uns qui l'avaient entendue dans un concert à un franc, entre une polka et un quadrille, autant que le permettaient les aimables conversations des coulissiers et des filles; mais si les hommes avaient chanté plus juste le chœur de l'introduction, quel effet n'eût-il pas produit?
Il faut laisser aux critiques le soin de parler de dièses, de bémols, de tonalité, de modulations ascendantes, de chromatique, etc.; ce qui me reste à dire est plus intéressant.
Le fragment du Saint-Graal est un de ceux qui m'a le plus frappé par son mysticisme religieux et le frémissement de chanterelle des violons, à la fois doux, clair et transparent comme du cristal. L'orchestre s'anime peu à peu, et arrive[12] à une sorte d'apothéose rayonnante, dorée comme le soleil, qui transporte l'auditeur dans des mondes inconnus.
Au moment de mettre sous presse, on m'a procuré le livret de concert. Il est bon de citer le fragment de Saint-Graal, tiré de l'opéra de Lohengrin:
«Dès les premières mesures, l'âme du pieux solitaire qui attend le vase sacré plonge dans les espaces infinis. Il voit se former peu à peu une apparition étrange, qui prend un corps, une figure. Cette apparition se précise davantage, et la troupe miraculeuse des anges, portant au milieu d'eux la coupe sacrée, passe devant lui. Le saint cortége approche; le cœur de l'élu de Dieu s'exalte peu à peu; il s'élargit, il se dilate; d'ineffables aspirations s'éveillent en lui; il cède à une béatitude croissante, en se trouvant toujours rapproché de la lumineuse apparition, et quand enfin le Saint-Graal lui-même apparaît au milieu du cortége sacré, il s'abîme dans une adoration extatique, comme si le monde entier eût soudainement disparu.
»Cependant, le Saint-Graal répand ses bénédictions sur le saint en prière et le consacre son chevalier. Puis les flammes brûlantes adoucissent progressivement leur éclat; dans sa sainte allégresse, la troupe des anges, souriant à la terre qu'elle abandonne, regagne les célestes hauteurs. Elle a laissé le Saint-Graal à la garde des hommes purs, dans le cœur desquels la divine liqueur s'est répandue, et l'auguste troupe s'évanouit dans les profondeurs de l'espace, de la même manière qu'elle en était sortie.»
Que les esprits poétiques relisent ces lignes et les habillent des mélodies de l'imagination, ils pourront se faire une idée du profond sentiment musical du Saint-Graal.
Deux heures de cette musique m'ont laissé sans fatigue, heureux et plein d'enthousiasme.
Si Wagner se rattache à la grande école allemande de Mozart et de Beethoven, c'est par la simplicité de l'orchestration.
Le bruit, qui a égaré tant de compositeurs à la recherche[13] d'effets nouveaux, est heureusement exilé de son œuvre.
Il est grand, éloquent, passionné, imposant avec peu de moyens: son orchestration est large, pénétrante, remplit la salle. L'attention n'est distraite par aucun instrument; ils sont harmonieusement fondus en un seul.
On dit le grand compositeur brisé et portant des traces visibles d'altération sur sa physionomie.
Ce ne sont pas les fatigues de ces derniers concerts, l'accueil du public a été trop enthousiaste et trop décisif à la soirée d'avant-hier; mais ce sont des angoisses et des amertumes de quinze ans que le temps enlèvera difficilement.
Quelle destinée que celle de Richard Wagner!
Qui ne connaît les dernières années de la vie de Beethoven, quand aigri, hypocondriaque, maladif, il étonnait ses compatriotes par sa vie solitaire?
Beethoven, devenu sourd, conduisant l'orchestre malgré sa surdité, et s'efforçant de comprendre ses interprètes par le regard.
Il n'y a rien de plus terrible dans l'enfer du Dante. On croirait que le peintre Goya, aveugle à Bordeaux, peut seul marcher de pair dans l'infortune avec Beethoven atteint de surdité.
Richard Wagner a réuni en lui ces deux grands malheurs: sourd et aveugle.
Proscrit d'Allemagne à la suite d'événements politiques,[14] il y a plus de dix ans qu'on joue ses opéras et qu'il ne peut ni les voir ni les entendre.
Ni Tannhœuser, ni Lohengrin n'ont pu lui ouvrir les portes de son pays natal.
Les Allemands ont acclamé son nom, ses œuvres ont défrayé tous les théâtres prussiens et autrichiens, et lui vivait retiré dans une modeste retraite à Zurich, écoutant le soir si le vent ne lui apportait pas des lambeaux de ses mélodies, à l'heure où ceux qui l'empêchaient de rentrer en Allemagne jouissaient de ses expansions musicales.
Est-il assez digne d'intérêt l'artiste qui n'entend ni ne voit ses musiciens et ses chanteurs? Les murmures d'une salle attentive, les frémissements électriques qui parcourent tout un public, jusqu'à son silence glacial quand le compositeur s'est égaré, tous ces enseignements, qui servent de jalons à une œuvre nouvelle, étaient perdus pour Wagner.
L'exil n'est pas un puissant mobile de l'Art. Beaucoup risquent de s'y éteindre dans d'amères récriminations ou des assoupissements morbides. Wagner a échappé à ces défaillances; retiré depuis quelques années à Zurich, il a composé deux opéras nouveaux, et il a choisi Paris comme le creuset où viennent se fondre et se faire contrôler les métaux précieux qu'on découvre à l'étranger.
Les trois concerts actuels qui vont se donner successivement ne sont que des pages détachées de grands poëmes déjà connus; au printemps, Paris pourra jouir des opéras inédits dans leur ensemble, sous la direction du grand maître, qui ne vient prendre la place de personne. Au printemps, accourront de toute l'Allemagne chefs-d'orchestre, maîtres de chapelle, cantatrices, chanteurs et choristes, toute une armée d'Allemands, empressé de recevoir les instructions de l'artiste.
L'audition à Paris des deux opéras de Wagner ne sera[15] qu'une sorte de répétition donnée à l'Allemagne; mais quel intérêt offrira cette répétition! Et ne faut-il pas remercier le Destin qui pousse à son gré les hommes çà et là, les transplante de leur pays natal pour activer les idées nouvelles sur une terre étrangère?
L'homme est sacrifié, mais l'Art y trouve son compte.
Je cherche et je ne trouve nulle part de martyre comparable à celui de Wagner.
Dans son œuvre pas de colères!
J'aurais voulu entendre un fragment plein de tempêtes et de dissonances, qui fît mal aux oreilles, qui blessât le public jusqu'au sang. Par là l'artiste se serait vengé. Quel beau spectacle que celui d'hommes qui interdisent à un artiste de baiser le sol natal et qui en sont punis par le châtiment de mélodies agaçantes, faisant grincer les dents de ceux qui l'écoutent, s'accrochant aux souvenirs comme un voleur à un habit, apportant dans la nuit des cauchemars vengeurs!
Wagner s'est montré plus noble.
La beauté, la grandeur et le calme semblent les piédestaux sur lesquels il a posé ses légendes.
Chacun de ses opéras est une aspiration à cette musique de l'avenir dont les sots et les gens frivoles ont parlé sans la connaître.
Une félicité rayonnante ressort de l'ensemble de sa puissante harmonie.
Je l'ai dit dans la Mascarade de la vie parisienne:[16]
L'artiste est une oie dont on cloue les pattes sur une planche et qu'on laisse mourir auprès d'un grand feu, afin que son foie augmente.
Par ce procédé, on obtient le pâté de foie gras. Quand il est bien accommodé, c'est un bon manger.
Nuit du 27 janvier 1860.
FIN
La ponctuation a été normalisée.
L'orthographe de l'imprimeur a été conservée.
End of the Project Gutenberg EBook of Richard Wagner, by Jules Champfleury *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK RICHARD WAGNER *** ***** This file should be named 34382-h.htm or 34382-h.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/3/4/3/8/34382/ Produced by Adrian Mastronardi, Eleni Christofaki and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. They may be modified and printed and given away--you may do practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. *** START: FULL LICENSE *** THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase "Project Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg-tm License (available with this file or online at http://gutenberg.org/license). Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is in the public domain in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country outside the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org 1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived from the public domain (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg-tm License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided that - You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." - You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm works. - You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. - You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg-tm works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread public domain works in creating the Project Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit http://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.