Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3253, 1er Juillet 1905, by Various This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: L'Illustration, No. 3253, 1er Juillet 1905 Author: Various Release Date: February 26, 2011 [EBook #35406] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3253, 1ER JUILLET 1905 *** Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque
L'Illustration, No. 3253, 1er Juillet 1905
Suppléments de ce numéro:
1° Une gravure en couleurs, Éloquence officielle, par Albert
Guillaume.
2° Musique: Pièce Brève, par Gabriel Fauré; l'Ame des Fleurs, par
Massenet;
Poème languide, par A. Scriabine.
LES TAMBOURS dont le comité de l'infanterie propose la
suppression.
Voir le Courrier de Paris à la page suivante.]
Je ne connaissais pas M. Dujardin-Beaumetz. Je l'ai vu ces jours-ci pour la première fois. C'était au Cours-la-Reine. Il inaugurait l'Exposition de l'Enfance et, bien que l'installation n'en fût pas encore tout à fait achevée, il semblait s'y amuser beaucoup. On lui fit voir des poupées et des jouets dont la vue excita sa joie; il visita une chèvrerie, sourit aux chèvres et promit que leur lait serait bon. Comme il passait devant un jeu de balançoires immobiles, il admira l'alignement des sièges et des poutrelles coloriées auxquelles ces sièges étaient suspendus et dit: «Voyez comme, avec peu de chose, on peut faire de la beauté. Ceci même est joli. Ces bois peints, ces cordages légers, ces cuivres, ont une grâce géométrique qui amuse l'oeil. On dirait une estampe du dix-huitième...» Correctement ganté, le torse épais sanglé sous la redingote noire, il avançait à pas tranquilles, appuyé sur sa canne. Il serrait des mains, félicitait. Je regardais sa figure. Elle est ronde et colorée, s'encadre de boucles grisonnantes qui frisent sous le bord du chapeau et d'une courte barbe étalée en éventail autour du menton. Des yeux doux et profonds, sous la barre noire des sourcils, éclairent cette face de brave homme d'un air de bonté satisfaite. On le mena au buffet. On lui présenta une coupe de Champagne qu'il prit en souriant et vida sans déplaisir. Une musique militaire joua devant lui le prélude de Messidor et, comme il avait aperçu l'auteur, Alfred Bruneau, parmi la foule qui l'entourait, il lui fit signe, de s'approcher, lui prit les mains, le nomma aux musiciens, le remercia. Des journalistes, à côté de moi, échangeaient leurs impressions. L'un d'eux dit: «Dujardin-Beaumetz est heureux... Il inaugure. Il n'y a que cela qui l'amuse.»
C'est vrai. M. Dujardin-Beaumetz a beaucoup inauguré depuis qu'il dirige les Beaux-Arts; et ce zèle attire sur lui, je crois, quelques railleries. Comme il a raison, cependant, de ne point faire fi de ce qu'il y a de meilleur dans son état! C'est charmant, une inauguration. C'est charmant, parce que c'est le commencement de quelque chose d'utile, de bon, de joli, et qu'autour de ces commencements-là il n'y a, pour un spectateur doué d'un peu de dilettantisme et de finesse, que de la joie à recueillir.
J'ai connu un vieux garçon, pauvre et très seul dans la vie, dont la principale récréation était d'assister de temps à autre à une messe de mariage, de se mêler aux groupes bavards de la sacristie, de frôler d'élégantes toilettes, d'en humer le parfum et, au besoin, d'embrasser la mariée quand elle était gentille. J'imagine que c'est un genre de volupté analogue que M. Dujardin-Beaumetz vient chercher dans les expositions qu'il inaugure. Une exposition qui s'ouvre, c'est de l'élégance, des toilettes, des fleurs, du décor, une amusante vision d'inédit et de tout neuf, et, autour de cela, les figures nécessairement souriantes de gens que rendent heureux le sentiment d'avoir bien travaille et l'espoir d'en tirer quelque récompense... M. Dujardin-Beaumetz est un artiste et, dit-on, un homme d'esprit. Je ne comprendrais pas qu'investi par ses fonctions du droit de s'offrir, plusieurs fois par semaine, le régal de spectacles si délicieux, il les méprisât...
Une habitude tout à fait fâcheuse règne aujourd'hui dans Paris: on y fait aux vieilles rues leur procès; on se préoccupe et l'on s'indigne, au besoin, de ce que leurs noms signifient: il y a sur ces pauvres petites plaques bleues des allusions qui choquent, des évocations de souvenirs contre quoi protestent le puritanisme politique des uns, la pudeur des autres. Voilà bien du travail pour les conseils municipaux de demain! Il y a quelques semaines, c'étaient les habitants de la rue Bréda qui s'avouaient honteux de demeurer «rue Bréda»; aujourd'hui, ce sont ceux de la rue des Vertus qui se plaignent. «On se moque de nous, disent-ils, et nous sommes en butte à toutes sortes de commentaires ironiques dont notre patience, à la fin, se lasse.» Et ils demandent que le nom de leur rue soit changé.
Il me paraît à craindre, si l'on fait droit à la requête de ces Parisiens susceptibles, que leur succès n'encourage à se produire bien des réclamations. Car, s'il est ridicule d'habiter la rue des Vertus, l'est-il beaucoup moins de demeurer rue des Innocents, ou rue de la Fidélité? Il y a des gens qui ont la coquetterie de leur bonne santé; n'en verrons-nous pas quelques-uns protester à leur tour et se plaindre d'avoir pour adresse le boulevard des Invalides?
Paris, qui est une ville d'irréligion, porte sur les plaques de ses rues de nombreuses traces de son passé religieux. Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Lamennais, Fléchier, Lacordaire, Massillon, ont donné leurs noms à des voies publiques. Je feuillette un dictionnaire des rues de Paris et j'y trouve une rue des Moines, une rue des Abbesses, une rue des Terres-au-Curé, une rue de l'Évangile, une rue de la Madone; deux impasses: de l'Église et de l'Enfant-Jésus; une place de la Nativité. Le jour où la «revision» des plaques municipales sera commencée, certains hommes farouches ne seront-ils pas tentés de purger Paris de tant de souvenirs offensants? Toléreront-ils seulement qu'il continue d'y avoir une rue Dieu?
Je voudrais qu'on respectât les noms des vieilles rues comme on respecte les sépultures (est-ce que les chemins où nos pères ont construit leurs maisons ne sont pas un peu les tombeaux de notre histoire?) et plus il y a de naïveté, de mystère, de drôlerie en ces appellations, plus je souhaiterais qu'on s'interdît d'y toucher. La rue Brise-Miche et la rue du Chat-qui-Pêche, la rue des Cinq-Diamants, la rue du Pas-de-la-Mule et la rue de l'Épée-de-Bois, la rue au Lard, l'impasse des Trois-Visages, les rues Gît-le-Coeur, du Moulin-au-Beurre et du Pont-aux-Choux, la rue des Petits-Carreaux, la rue Vide-Gousset, n'évoquent assurément nul souvenir d'épopée, ce ne sont point des noms glorieux. Mais ce sont de vieux noms; ce sont des parcelles de notre «autrefois»; cela a le charme et l'intérêt d'un très vieux bibelot quelconque, d'un objet sans beauté, mais qu'auraient usé pendant deux ou trois cents ans les mains de nos grand'mères.
Encore une «vieillerie» que les novateurs ont condamnée: il est question de supprimer, dans l'armée, les tambours [1].
[Footnote 1: Le comité d'infanterie vient, en effet, de se prononcer de nouveau pour la suppression des tambours. Le général Farre, ministre de la guerre il y a vingt-cinq ans, les avait déjà supprimés: ils furent rétablis peu de temps après.]
Je n'ai aucune compétence en ces questions et j'ignore s'il est vrai que le tambour soit un meuble inutile. On affirme qu'il l'est; et on lui trouve, en outre, toutes sortes de défauts ou d'inconvénients graves dont nos pères ne s'étaient point avisés: le tambour est encombrant; le tambour est à la merci du choc qui le défonce ou de l'averse qui le rend aphone, en distendant sa peau; et, comme un soldat ne peut combattre en même temps qu'il bat du tambour, voilà une armée (on s'en aperçoit aujourd'hui seulement) privée, nous dit-on, par l'emploi du tambour, des bras de 10.000 combattants.
Mais le tambour ne pourrait-il être un instrument «de paix» qu'on n'emporte point à la guerre? Nos orchestres militaires sont munis aussi d'engins fort encombrants et tout le monde s'accorde à penser que la grosse caisse, le trombone, l'ophicléide et la contrebasse ne sont point des meubles qu'il convienne de pousser à l'assaut d'une place forte ou de promener le long d'une ligne de tirailleurs. On les relègue «au dépôt» dès que le canon tonne; qu'est-ce qui empêcherait qu'on y laissât les tambours?
Le tambour, c'est de la musique (il paraît que le poète Jean Richepin, dans sa jeunesse, en jouait supérieurement); le tambour est aussi le plus admirable des métronomes; il n'excelle pas seulement à bien rythmer la marche du troupier, il la soutient, il la ranime, il l'entraîne. Il m'est arrivé quelquefois de suivre un régiment qui passait; les tambours, en avant, ronflaient... et je me laissais prendre à ce rythme comme à celui d'une valse qui vous soulève et vous force à danser.
A-t-on raison de détruire ces vieilles choses? C'est une idée qui me
hante: je me demande s'il n'est pas dangereux d'ôter à l'armée ses
parures d'autrefois, ses vieux jouets; et si nos pères, en voulant qu'un
peu d'amusement et quelques ornements superflus égayassent le métier de
soldat, n'étaient point de plus sensés philosophes que nous.
Sonia.
C'est un déjà vieux couplet du Chat Noir, un couplet de Jacques Ferny, qu'il faudrait réimprimer pour commenter cet amusant tableau: «Messieurs, devant cette belle statue...» Et le spectacle est d'hier, d'aujourd'hui, de demain,--car quel est le jour, en France, où l'on n'inaugure pas un monument? Voici, sous les grands arbres du mail, gardée par les agents en gants de filoselle, la petite tribune où s'empilent les autorités: municipalité, sénateurs, députés,--un ministre peut-être; derrière, au-delà, tout autour, la foule pressée des chers concitoyens; au milieu la statue, toute neuve, au socle jonché de fleurs et de palmes; la statue, découverte depuis cinq minutes, de l'illustre enfant du pays qui peut-être, comme dans la chanson, «n'eut jamais, ah! jamais de génie»--mais qui peut-être en eut aussi, ou fut quelque bienfaiteur dont le nom revit dans le coeur des hommes--à moins que ce n'eût été quelque politicien. Le représentant de l'arrondissement lui rend hommage, et le geste éloquent de sa main gantée de clair, la véhémence de sa mimique, disent assez clairement qu'il s'acquitte de la tâche avec une conviction entière.
Les Européens n'ont derrière eux que deux ou trois siècles d'art; nous autres, Japonais, nous en avons vingt-cinq: il est tout naturel que leur goût ne soit pas aussi formé que le nôtre. Baron Kitabataké.
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Ce n'est pas insulter le lion que de bafouer l'âne qui s'est affublé de sa peau. Alex. Dumas fils.
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Il y a, à la Chambre, bien des bonnes gens; mais le diable entre en eux dès qu'ils entrent en séance. Melchior de Vogué.
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Chercher dans la guerre civile un remède contre les maux de la guerre étrangère, c'est proposer le suicide comme un refuge contre les dangers d'un duel. Il y a des Gribouilles partout.
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Il est plus facile de réconcilier deux ennemis qui ont tort l'un et l'autre que des adversaires qui ont également raison. G.-M. Valtour.
A Dijon.--Translation des restes des soldats français,
italiens, allemands, morts en 1870, de l'ancien au nouveau
cimetière.--Phot. Gaitet.
On vient de transférer, à Dijon, de l'ancien au nouveau cimetière, les restes des soldats français, italiens et allemands, qui, le 30 août 1870, tombèrent là, sur le champ de bataille.
Cette translation a été entourée de la plus grande solennité. L'armée y devait, naturellement, tenir la première place. C'est sur des corbillards décorés de trophées de drapeaux que les bières avaient été déposées, et des soldats, l'arme sous le bras droit, encadraient le cortège funèbre à travers les rues de la vieille cité bourguignonne.
Le roi.
Le ministre.
A Metz.--Le roi Frédéric-Auguste de
Saxe et son ministre de la guerre, le baron de Hausen.--Phot. W.
Jacobi.
Le roi de Saxe Frédéric-Auguste, accompagné du général de Hausen, son ministre de la Guerre, s'est rendu récemment à Metz, où, pendant son séjour, il a été l'hôte du comte Zeppelin, président de Lorraine. Ce haut fonctionnaire était venu attendre le souverain à la gare en simple tenue de ville; il le conduisit à la présidence dans une voiture de louage, avec un cocher emprunté à l'administration des postes.
Le 23 juin, le roi inspecta le 12e régiment d'artillerie saxon et passa une revue en présence du corps des officiers de la garnison.
Le 24, après avoir entendu la messe à la cathédrale, il alla, escorté de son état-major, visiter les champs de bataille de 1870 et le hall commémoratif de Gravelotte, inauguré par Guillaume II au mois de mai dernier. Autour du monument élevé à la mémoire du 12e corps d'armée saxon, la colonie saxonne de Metz et les officiers du 12e d'artillerie s'étaient réunis pour faire à leur souverain une ovation enthousiaste.
Le mardi 20 juin, l'empereur Nicolas II recevait, en audience privée, au palais Alexandria, à Péterhof, la députation du congrès des zemstvos tenu à Moscou et les délégués de la municipalité de Saint-Pétersbourg, qui s'étaient joints à eux.
La première délégation se composait de M. le comte P.-A. Heyden, de Pskov, président; M. J.-J. Petrounkevitch, de Tver; M. N.-N. Zwow, de Saratof; M. F.-I. Roditchef, de Tver; M. le comte G.-G. Zwow, président du zemstvo de Toula; M. F.-A. Golovine, président du zemstvo de Moscou; M. N.-N. Kovalevsky, de Kharkof; du comte P.-D. Dolgoroukof, de Roussk; du comte S.-N. Troubetzkoï, de Moscou; de M. J.-A. Nowossiltzef, de Temnikowsk et du comte D.-J. Chakowsky, de Yaroslav. La ville de Saint-Pétersbourg était représentée par MM. le baron Korf, Nikitine et Fedorof.
Tous ont eu la grande amabilité, au sortir de cette audience, de vouloir bien poser spécialement pour L'Illustration. Cette photographie aura du moins pour résultat de montrer combien est grande l'illusion des gens qui s'imaginent le parti réformateur, en Russie, dirigé par des démagogues à tous crins, des agitateurs sans feu ni lieu.
Cette audience de Péterhof marque, évidemment, une date importante dans l'histoire de la Russie. Et ce n'est pas sans beaucoup de tergiversations que le tsar, tiraillé entre son bon vouloir et les intrigues du parti hostile à toutes réformes, se décida à l'accorder.
Même, un homme, parmi ces hommes rangés qui composaient la députation des zemstvos, excita dans l'entourage impérial quelque défiance. Quand les délégués du congrès de Moscou et de la ville de Saint-Pétersbourg, amenés dans les voitures de la cour à la «ferme» Alexandria, tout enguirlandée de verdure et de fleurs, furent dans le salon où on les avait introduits en attendant qu'ils pussent être reçus, le ministre de la cour, baron Fredericksz vint leur déclarer que, quelle que fût la bienveillance de son maître, il lui était toutefois difficile de recevoir M. Petrounkevitch, qui passait pour avoir des relations révolutionnaires. M. Petrounkevitch, pourtant, fut reçu avec ses amis et collègues.
On avait beaucoup discuté, par avance, sur les conditions dans lesquelles Nicolas II consentirait à recevoir les délégués. «A titre privé» disait leur lettre d'audience et dit aussi le compte rendu officiel de l'audience. En réalité, envers et contre toutes les définitions protocolaires, c'est bien une députation de son peuple qu'a reçue l'empereur, et c'est ce qui donne à cette audience toute son importance.
A peine avait-on introduit les délégués dans la salle où allait avoir lieu cette décisive entrevue que Nicolas II parut. Il ne dit pas un mot et attendit que le porte-parole des délégués parlât. Le comte Troubetzkoï alors lut l'adresse, assez rude dans ses termes, qu'avaient rédigée les mandataires des zemstvos. M. Fedorof lui succéda, parlant au nom de la ville de Saint-Pétersbourg.
Puis l'empereur répondit, et l'essence de sa réponse tenait dans ces deux phrases:
«Dissipez vos doutes; ma volonté est volonté souveraine et inébranlable, et l'admission des élus aux travaux de l'État sera régulièrement accomplie; je veille chaque jour et me consacre à cette oeuvre. Vous pouvez annoncer cela à tous vos proches, aussi bien à ceux habitant la campagne qu'à ceux des villes.»
Et, conformément à ce désir du tsar, le lendemain, les représentants de la ville de Saint-Pétersbourg, devant le conseil municipal assemblé à la douma, à l'hôtel de ville, rendaient compte de l'audience de Péterhof.
M. Nikitine en retraçait tous les détails. Puis, aux applaudissements unanimes de l'assemblée, résumait les impressions des trois délégués de la municipalité et disait leurs espérances,--les espérances du peuple russe:
«Soyons confiants, a-t-il dit, dans les promesses du tsar. L'assemblée sera convoquée de façon normale. Il n'y aura pas de déshérités. Le tsar veille. Le tsar nous protégera contre les attentats à la liberté de conscience, de la presse, de la parole, des personnes et du domicile.
»Nous sommes à la veille d'une grande réforme. Je suis sûr qu'elle se réalisera, comme toutes les grandes réformes de la Russie, sans cataclysme, et que la Russie en sortira rénovée.»
1. S.-S. Zwow, de Saratof.
2. F.-I. Roditchef, de Tver.
3. Comte de Zwow, pt. de zemstvo à Toula.
4. F.-A. Golovine,pt. de zemstvo à Moscou.
5. Kovalevsky, de Kharkof.
6. Comte Dolgoroukof, de Roussk.
7. Comte Troubetzkoï, de Moscou, qui parla au nom des délégués.
8. Nowossiltzef, de Temnikowsk.
9. Comte Chakowsky, de Yaroslav.
1. Baron P.-Z. Korf, de Saint-Pétersbourg.
2. Comte Heyden, de Pskov, président de la délégation des zemstvos.
3. J.-J, Petrounkevitch, de Tver.
4. M.-P. Fedorof, de Saint-Pétersbourg.
3. A.-N. Nikitine. de Saint-Pétersbourg.
La délégation du Congrès des zemstvos de Moscou et de la municipalité de
Saint-Pétersbourg, qui a été reçue par le tsar à Péterhof, le 20 juin.
Photographie Moniouchko, prise spécialement pour L'Illustration.
Séance de la «douma» de Saint-Pétersbourg, le 21 juin:
M.
Nikitine rend compte de l'audience de Péterhof.
Dessin d'après nature
de M. V. Mazourovsky.--Voir l'article à la page précédente.
PROMESSES DE RÉFORMES EN RUSSIE
Il y a quinze jours, tout le monde, en France, ignorait, ou à peu près, l'existence de la ville de Lodz, en Pologne. Les villes heureuses n'ont pas d'histoire!
Au commencement du dix-neuvième siècle, une colonie allemande venait s'établir, là où est Lodz, aux bords de la Loudka. Elle y fonda un atelier de tissage de coton.
L'administration russe l'accueillit bien, espérant trouver dans les survenants, dans ceux qui ne pouvaient manquer de venir les rejoindre, une sorte de noyau antipolonais. Elle combla de faveurs les immigrants. Lodz, rapidement, prospéra.
Il y vint de nouveaux Allemands et beaucoup d'Israélites, auxquels la possession du sol et même les travaux de la terre étaient interdits en Russie. La ville neuve les attira.
D'autres industries s'adjoignirent alors aux filatures de coton. Et Lodz est maintenant une formidable ville industrielle, habitée par 400.000 âmes. Mais l'ouvrier y est très malheureux en raison même du pullulement de la main-d'oeuvre. Quand la persécution antisémite commença en Russie, les patrons chrétiens ne voulurent plus employer de juifs. Les patrons israélites les repoussèrent également. Ceux des industriels qui consentirent à utiliser leurs services profitèrent de leur situation d'outlaws pour leur offrir des salaires dérisoires: la paye moyenne d'un ouvrier, à Lodz, ne dépasse pas 60 kopecks, 1 fr. 60 environ. La moyenne s'établit fatalement d'après le tarif que les ouvriers israélites étaient obligés de subir. Croupissant dans une misère noire, inquiétés, d'autre part, à cause de leur religion, par l'autorité, les juifs de Lodz s'efforcèrent de quitter cet enfer. Le «sionisme» en fournit à nombre d'entre eux le moyen. Ils émigrèrent en masse en Amérique. Le socialisme s'en mêla, remua les ouvriers non israélites et aussi maltraités, au point de vue du gain, que les juifs. La population ouvrière de Lodz tout entière fermenta: on sait quel a été, ces jours derniers, le résultat de ce lamentable état de choses.
Une première bagarre eut lieu, le 18, entre ces miséreux et la police. Il y eut de nombreuses victimes. Une question confessionnelle s'étant élevée au sujet des funérailles, les socialistes s'unirent résolument aux juifs. Le 20, 70.000 manifestants se heurtaient à la police. On éleva des barricades. Il y eut, dans les rues, de véritables batailles rangées. La police et la troupe furent sans pitié. Pendant plusieurs jours, ce furent d'indescriptibles boucheries.
Et voilà comme Lodz est devenue tout à coup tristement célèbre.
Nous avons eu la bonne fortune de découvrir, à Paris, un peintre qui nous apporte sur la vie populaire dans cette malheureuse ville, des documents d'un haut intérêt et d'un réalisme très sincère. C'est M. Léopold Pilichowski, un exposant fidèle de nos Salons. Fils d'un humble cultivateur des environs de Lodz, M. Pilichowski a connu, au début de la vie, toutes les misères des pauvres, et c'est à force d'énergie et de persévérance qu'il parvint à poursuivre ses études artistiques, à Munich, puis à Paris. Maître de son art, il a consacré le meilleur de son talent à représenter les scènes de la vie juive à Lodz et dans la région, son pays natal. Ses modèles favoris ont été ses coreligionnaires infortunés, et l'on peut penser qu'il a mis à les peindre le meilleur de lui-même. Nous connaissons admirablement, par lui, les types de ces pauvres diables que, depuis une huitaine, on fusille en masse dans les rues de la grande ville polonaise.
Halte sur la route de l'exil.
Une ruelle à Lodz
Repos précaire. Les accablés.
LA MISÈRE JUIVE A LODZ
D'après les tableaux du peintre polonais Léopold Pilichowski.
Le Concours central hippique, qui s'est tenu la semaine dernière à la galerie des Machines et qui, sans doute, va se renouveler tous les ans, n'est à aucun point de vue une répétition ni une concurrence du concours hippique traditionnel du mois d'avril. A vrai dire, il n'a avec celui-ci rien de commun, pas même le titre. Sa dénomination officielle et seule exacte de «Concours central des animaux reproducteurs des espèces chevaline et asine», en détermine parfaitement la nature et le but. Alors que le concours organisé chaque année, au palais de l'Industrie jadis, au Grand Palais maintenant, a pour objet de faire ressortir la qualité et le dressage des chevaux destinés à la selle ou à la voiture, l'exhibition nouvelle est réservée aux étalons et aux poulinières: encore faut-il qu'ils soient nés en France.
D'autre part, elle admet des animaux de diverses races qui ne pourraient figurer qu'exceptionnellement dans les épreuves du Grand Palais. A côté des pur sang (anglais, arabe ou anglo-arabe), des trotteurs, des demi-sang (anglo-arabe, normand, vendéen, du Centre, etc.), des catégories spéciales étaient ouvertes, à la galerie des Machines, aux races postières et aux races de gros trait (percheronne, ardennaise, bretonne, etc.), et ce n'étaient certes ni les moins nombreuses, ni les moins intéressantes. Il y avait même une petite place pour les ânes et les mulets.
En somme, l'exposition présentait un tableau très fidèle et très complet de la population chevaline de la France, sauf peut-être en ce qui concerne les pur sang anglais, dont la qualité comme le nombre étaient médiocres et qui ne peuvent, en réalité, être appréciés à leur juste valeur que sur l'hippodrome. Elle permettait de juger de la variété et de la richesse des ressources fournies par notre élevage, ressources encore trop peu connues de nous et sur lesquelles peut-être les étrangers étaient mieux édifiés. En 1900, l'Exposition de Vincennes avait déjà pu nous donner confiance. Le concours de juin 1905 aura servi surtout à mettre en lumière nos races de trait: non seulement elles ont conservé leurs qualités originelles, elles les ont développées en y joignant d'autres mérites, alliant à la force et à la puissance dues à leur structure, d'apparence massive, une intensité d'énergie nerveuse et une souplesse d'allures qui les rendent plus résistantes que jamais à la fatigue et leur donnent du même coup une réelle beauté.
Les types les plus divers se rencontraient la semaine dernière à la galerie des Machines, portés presque à leur perfection, déjà admirablement appropriés aux services que peuvent attendre d'eux soit le luxe, soit l'industrie, soit--ce qui est plus essentiel encore--la défense nationale.
Les trois photographies que nous publions de trois des étalons primés donneront bien l'idée de cette diversité d'aspect.
Dans le cheval d'origine orientale, arabe ou anglo-arabe, se maintient toujours cette élégance aristocratique qui attire invinciblement le regard, qui appelle la caresse et qui, d'ailleurs, n'exclut point la vigueur, ni la résistance, au contraire! Notre cavalerie légère en a donné des preuves suffisamment nombreuses, et, à l'occasion, en donnerait de nouvelles encore.
Mais, sous une enveloppe plus grosse, en des membres plus épais, on peut trouver, comme nous l'avons déjà dit, chez nos étalons de trait, une solidité non moins grande et une harmonie des lignes non moins véritable. Vus par groupes surtout, ces percherons, ces bretons, évoquent bien l'idée du coup de collier irrésistible, dans lequel ils entraîneront les masses les plus lourdes.
Enfin, malgré leur aspect certes moins engageant sous leur toison floconneuse et souillée de fange, il ne faut point avoir de dédain pour les braves baudets et ânesses dont les rejetons pourront traîner la petite charrette si utile aux pauvres gens ou si réjouissante pour nos bébés. Ils furent d'ailleurs une des grandes distractions du public.
Sadik, étalon de pur sang arabe.
Bacchis, baudet.
Mogy, étalon breton.
TROIS TYPES D'ÉTALONS PHOTOGRAPHIÉS AU CONCOURS CENTRAL HIPPIQUE
Le «Trou de l'Agneau» et le sommet du mont
Margérias.
Les bataillons de chasseurs alpins ont à remplir un rôle de «couverture», c'est-à-dire doivent prendre et garder le contact avec l'ennemi, afin de pouvoir renseigner à tout instant le gros de l'armée. Ceci n'est possible qu'avec une connaissance parfaite des moindres accidents du terrain; aussi les secteurs dévolus à ces troupes d'élite sont-ils explorés par elles avec une minutie inconnue dans les autres armes. Le service y est plus dur, mais en même temps singulièrement plus intéressant, et le moral des hommes s'en ressent de la manière la plus heureuse.
Le 13e bataillon des chasseurs alpins, en garnison à Chambéry, sous la conduite du colonel Sauret, chef plein d'activité et d'initiative énergique, vient de se distinguer brillamment en forçant un passage nouveau au Margérias.
Au nord-est de Chambéry se trouve une grande crête rocheuse qui sépare les vallées du Châtelard et d'Aillon de celle de la Leisse. Orientée du nord au sud, elle s'étend, à vol d'oiseau, sur 12 ou 15 kilomètres de long. Son point culminant est le mont Margérias, 1.846 mètres. Ses deux versants sont de déclivités très inégales. Celui de droite forme un plateau qui descend lentement vers Aillon. Celui de gauche commence par une muraille à pic de 200 mètres environ et continue par des pentes très inclinées dévalant jusqu'à la Leisse.
Au lieu de contourner toujours cette longue crête par le nord ou par le sud, le colonel Sauret se proposa de l'attaquer en plein milieu, sous le sommet, là où se dessine une légère faille. Le projet était hardi. La légende voulait qu'un agneau, une fois, s'y étant inconsidérément lancé, avait réussi à en sortir sain et sauf; mais, de mémoire d'homme, personne n'avait jamais passé par là et aucun chef ne l'avait supposé possible. Ce qui est aisé pour un touriste délivré de tout impedimentum peut devenir terrible pour une troupe en armes; et la chose n'est en outre intéressante, au point de vue militaire, que si elle peut s'effectuer dans un certain laps de temps assez court.
Le lieutenant Royer [2] et deux chasseurs ayant effectué une reconnaissance préliminaire, l'expédition est décidée et, à 2 heures du matin, six compagnies quittent la caserne de Joppet pour remonter la vallée de la Leisse.
[Footnote 2: Enlevé récemment à l'affection de tous par une courte maladie.]
Jusqu'au Chalet-aux-Cares (1.380 m.), atteint à 6 h. 30, c'est une simple promenade; c'est tout plaisir, mais voici venir la lutte et la fatigue. C'est d'abord 200 à 300 mètres d'un pierrier assez raide. Puis, à 7 h. 55, nous nous trouvons au pied même de la grande muraille du Margérias.
«Nous avons à franchir une paroi, rayée d'un couloir
à peine indiqué...»
Nous avons à franchir une paroi scabreuse, rayée d'un couloir à peine indiqué, où les pierres tiennent mal. Le fusil est horriblement gênant, le sac tire d'une manière terrible, les hommes ont toutes les peines du monde à grimper, mais ils sont pleins d'entrain et les officiers pleins de sollicitude; le capitaine, Arbey et le lieutenant Fine (6e compagnie), se sont arrêtés aux deux plus mauvais pas de cette escalade, et, sans se lasser, prennent les fusils que chacun leur tend, à tour de rôle. A mi-hauteur, après un petit replat, la roche surplombe, et nous nous trouvons avec surprise à l'entrée d'une grande caverne noire, dont le sol accidenté est encore capitonné de neige.
Le noyau plutonique des Alpes est ceinturé par un épais anneau de roches sédimentaires, constitué en majeure partie de calcaire compact, mais feuilleté et fissuré. Tel est le Margérias. L'eau de pluie, et plus encore l'eau de neige, plus riche en acide carbonique, corrode le calcaire et y pratique à la longue d'incroyables refouillements.
Notre caverne n'est que l'orifice inférieur du «Trou de l'Agneau», boyau tortueux, coupé de brusques ressauts et qui finit par déboucher juste au sommet. La gymnastique heurtée à laquelle il faut nous livrer dans le sein de la roche, à la lumière tremblante de quelques lanternes, est curieuse et inoubliable.
Enfin, voici le jour. A 8 h. 25 nous émergeons en plein soleil, au haut de la montagne, à 1.850 mètres. Le passage est forcé avec un plein succès. La musique nous joue ses airs les plus réconfortants pour nous remettre de nos violents efforts.
Le retour (départ à 11 heures) eût été fort agréable sans un soleil torride et les lourdes charges qui nous appesantissaient! Mais chacun était fier du bel exploit accompli et c'est avec bonne humeur que nous nous préparons à enlever l'étape qui nous sépare encore de la grande halte.
La crête de la montagne est suivie vers le sud pendant 4 à 5 kilomètres, au bout desquels le col d'Averne (1.518 m., 11 h. 40), permet de redescendre dans la vallée de la Leisse. Un pierrier éprouvant et un versant rapide nous amènent enfin, à 1 heure, à Pougène: il y a onze heures que nous n'avons rien mangé et nous avons fait preuve d'une belle endurance.
Tout à fait gaillards, nous nous levons deux heures plus tard pour
rentrer à Joppet, en excellente forme, à 5 h. 30.
Edouard Monod-Herzen.
(Agrandissement)
Le roi Frédéric-Auguste.
LE 12e RÉGIMENT D'ARTILLERIE
SAXON DÉFILE AU PAS DE PARADE DEVANT
LE ROI DE SAXE, SUR L'ESPLANADE DE
METZ, LE 23 JUIN
Voir l'article, page 3.
Machines à compter ou jouets à combinaison de chiffres.
Petit jouet en ivoire sculpté. Laie en ivoire sculpté.
(Photographies de M. G. Pissarro.)
Il y avait une fois, dans un pays lointain, une reine qui s'appelait la reine Napir Asou. Elle avait épousé le roi Ountach Gal, qui était un fort bel homme et très galant.
Koudourou, ou titre de propriété,
portant le «sirou» symbolique, ou
serpent sacré.
Le roi Ountach Gal voulut un jour honorer son épouse. Il prescrivit à un artiste de choix de faire la statue de la reine et commanda qu'elle fût en bronze, adornée du mieux possible, faute de quoi le sculpteur aurait la tête tranchée ou serait simplement empalé, suivant ce qu'il aimerait le mieux. Si ce n'est vrai, c'est du moins vraisemblable.
Cela se passait, il y a trois mille cinq cents ans, à Suse en Susiane ou pays d'Elam, non loin du Tigre et de l'Euphrate, à deux pas du golfe Persique. Aujourd'hui, le chah de Perse, ami de la France et de Contrexéville, règne sur cette contrée, bénie peut-être, mais, à coup sûr, mal habitée. Des nomades y abondent, qui ne reconnaissent d'autre puissance que celle d'Allah et se soucient fort peu de celle du chah.
Depuis 1897, nous entretenons en Susiane une mission dite de la Délégation en Perse. Le ministère de l'instruction publique lui octroie généreusement 130.000 francs par an, et M. de Morgan, précédemment directeur général des antiquités de l'Égypte, en est l'admirable chef. Elle combat sur le champ de bataille de l'archéologie et fait, indistinctement, le coup de pelle, le coup de pioche et le coup de feu. Elle s'occupe de doter la France de tout ce qu'elle découvre de propre à enrichir le trésor scientifique de l'humanité et ne dédaigne ni la flore, ni la faune, à la grande joie de notre Muséum d'histoire naturelle. Ses principales trouvailles sont à présent au Louvre. Une nouvelle salle--trop petite--proche de celle du Mastaba, leur est réservée. MM. Bienvenu-Martin et Dujardin-Beaumetz l'ont inaugurée cette semaine. On y remarquera des peintures évocatrices, faites par le peintre Bondoux en Susiane. Leurs fraîches couleurs voisinent avec les pierres, les poteries et les bronzes vénérables dont le R. P. Scheil a déchiffré les inscriptions millénaires. La reine Napir Asou doit beaucoup de reconnaissance à cet illustre et modeste érudit.
Vase en bronze (vieux d'environ 7.000 ans).
La belle statue dont lui fit présent le roi son époux dormait ensevelie, à 20 mètres de profondeur, dans les ruines de l'ancienne acropole de Suse. L'an passé, quelques-uns des 800 ouvriers qui ont déblayé 280.000 mètres cubes de 1897 à 1905, sur les 1.220.000 que représente le tell de l'Acropole (il faudra vingt-cinq ans pour en venir à bout) mirent à jour l'effigie de Sa Majesté. L'oeuvre d'art était intacte, à la tête près, qui manquait. Elle manque toujours. Mais M. Lampre, le dévoué secrétaire de la Délégation, espère la trouver, et sa zélée collaboratrice, Mme Lampre, qui partage les joies et les peines de la mission, en restant modestement vêtue du costume de son sexe, a la même confiance. Cette tête, il nous la faut; on l'aura. Elle ne peut être que fort belle, car les femmes qui perdent la tête sont ordinairement jolies.
La salle d'exposition des objets rapportés par la mission
de Morgan. Au premier plan, la reine Napir Asou.
Napir Asou l'était. Le savant M. Van Branteghem s'en est porté garant dans Saturday Review. Dirons-nous, d'après lui, que la reine faisait fort bien la révérence? Le mouvement de la statue semble l'indiquer. Quel malheur que, lors du sac de Suse par quelque roi de Ninive ou d'ailleurs, elle ait été décapitée! Heureusement, on respecta sa robe. Elle était déjà à la mode actuelle: la jupe est «plissée-soleil». Mais, sur ce point, les savants discutent. Une seule chose est certaine: l'inscription qui est au bas de la statue. Le R. P. Scheil l'a traduite et voilà pourquoi, au pays des ombres, la reine Napir Asou lui est reconnaissante. Cette inscription énumère les noms, titres et grâces de Sa Majesté. Derrière elle veillent deux lions d'argile émaillé, qui virent le feu du four deux mille ans au moins avant Jésus-Christ. Plus loin, voici le code d'Hanimourabi, stèle de granit qu'un roi de Suse dut prendre en Babylonie à titre de trophée. C'est un monument d'une inappréciable valeur et qui nous donne le code civil des Chaldéens vingt siècles avant notre ère.
Nous avons eu, par la mission Dieulafoy, la révélation des splendeurs
des Achéménides. Xerxès et Darius nous sont apparus dans l'éclat de
leurs palais. Mais, avant eux, d'autres grands rois régnaient entre la
mer Caspienne et le golfe Persique. La mission Dieulafoy effleura le sol
où ils ont disparu; la Délégation de Perse, reprenant tout à pied
d'oeuvre, va jusqu'au tréfonds des ruines, et l'antique Elam sort du
tombeau. Voici des «koudourous», ou titres de propriété gravés sur
pierre, qui ont cinq mille ans; voici un vase de bronze, magnifiquement
ciselé cinquante siècles avant l'ère chrétienne. M. de Morgan et le R.
P. Scheil savent déjà presque toute l'histoire de la Susiane et de la
Chaldée depuis le lendemain du préhistorique. Un monde insoupçonné sort,
grâce à eux, de la nuit du passé.
H. de N.
1. Un groupe de dentellières.--2. La Muse de
l'alimentation, marchande
de fleurs et de primeurs.--3. Le buffet.
Il s'est fondé récemment, sous le haut patronage de Mme la duchesse d'Uzès, avec le concours de femmes du monde, une institution fort intéressante destinée à encourager en France la très ancienne et très artistique industrie de la dentelle à la main, qu'il serait si regrettable de laisser péricliter; le but immédiat de cette oeuvre du «Travail au foyer» est de procurer aux ouvrières de la «partie», disséminées dans nos campagnes, une besogne à domicile, suffisamment rémunératrice.
Un comité, dont le vice-président, M. de Marande, prodigue son zèle de la façon la plus active, avait organisé, le 21 juin, au jardin des Tuileries, une grande fête au profit de l'oeuvre. Rien ne manquait au programme pour en assurer le succès: ni l'agrément du cadre de verdure, ni la variété des attractions, ni la précieuse collaboration du soleil. Pendant toute une journée, une foule où souriaient toutes les élégances, où figuraient les plus beaux noms de l'aristocratie française, se pressa sur la terrasse des Feuillants, devant l'exposition des dentelles, les groupes de dentellières, les boutiques des vendeuses titrées, et le luxe paya un large tribut à la bienfaisance.
M. Arthur Meyer. | En cercle autour de la duchesse d'Uzès. | Breton et Parisienne. |
Intérieur de la forteresse de Saïdia, enlevée au prétendant par les troupes du Maghzen. |
La frontière algéro-marocaine près de Saïdia (au fond, la Méditerranée). |
Tandis qu'en Europe, à propos du Maroc, on se chamaille, on négocie à coups de conversations diplomatiques et de notes, au Maroc même on continue d'échanger des coups de fusil. Le prétendant Moulay M'hamed résiste énergiquement aux troupes du Maghzen.
La forteresse de Saïdia, au bord même de la Méditerranée, avec une défense naturelle de collines assez peu élevées, mais propres toujours aux embuscades, avec une bonne muraille crénelée, était une de ses positions principales. Elle vient de tomber aux mains des soldats du sultan, qui n'est pas autrement fâché, dans toute cette interminable campagne, de trouver quelquefois l'appui des canons français.
Sur les marches du palais législatif d'Athènes:
passants et curieux regardant les taches de sang
à l'endroit où M. Delyannis fut assassiné.
La profonde émotion causée en Grèce par l'assassinat de M. Delyannis, président du Conseil, ne s'est pas bornée au monde politique. A la suite du tragique événement, ce fut, pendant plusieurs jours, un pèlerinage populaire vers le palais législatif au seuil duquel, le 13 juin, le vénérable homme d'État avait été mortellement frappé: on voulait voir la place même où il était tombé, et il semblait à cette foule expansive qu'elle manifestait mieux ainsi sa réprobation contre le meurtrier et sa sympathie pour la victime.
M. Clémentel, M. Dybowski et M. le
maire de Nogent inaugurant
l'Exposition coloniale.
Le jardin colonial de Nogent, que dirige avec tant de soins l'explorateur Jean Dybowski, est en ce moment le théâtre d'une Exposition coloniale fort intéressante, variée, et qui attire dans ces parages assez lointains, mais fort agréables, un public nombreux.
Cette Exposition a été inaugurée très brillamment, il y a une huitaine, par M. Clémentel, ministre des Colonies. En dehors de son côté sérieux (apiculture et botanique coloniales, beaux-arts), elle présente quelques attractions pittoresques. Elle a ses nègres, avec leurs pirogues, dans de jolis paysages de bambous aux fins feuillages, sa faune exotique, dont le clou est un petit éléphant de boîte de jeu, mais bien vivant, espiègle, haut d'un mètre à peu près, fantaisiste et tout à fait amusant.
Un éléphant du royaume de Lilliput. | Un coin du jardin colonial. |
a l'exposition coloniale de nogent-sur-marne
En gare de Stettin: les bagages du kronprinz
d'Allemagne partant, après son mariage avec la
princesse Cécile de Mecklembourg-Schwerin,
pour le château d'Hubertusstock.
Après la célébration de leur mariage, le 6 juin, le prince impérial d'Allemagne et la princesse Cécile sont partis pour le château d'Hubertusstock, où ils vont passer leur lune de miel. Pour un pareil déplacement, les bagages ne furent pas, comme bien on pense, chose de minime importance, et ceux du kronprinz, à eux seuls, considérables par leur quantité et par leur poids, devaient fournir, à la bascule, ce qu'on appelle un joli «excédent». Une photographie nous les montre réunis sous le hall de la gare de Stettin: colis de toutes formes et de toutes dimensions, y compris un monumental étui à chapeau, timbré d'un chiffre couronné; un facteur du chemin de fer, préposé à leur garde, partage la consigne avec un chien bull, gravement assis sur une énorme malle et prêt à réprimer, de ses crocs redoutables, le moindre attentat à la propriété princière. C'est le cas d'appliquer le vieil adage: cave canem!
Si L'Illustration, qui a publié en 1903, dans son numéro du 16 mai, un tableau de la mobilisation allemande, s'occupe aujourd'hui de la mobilisation française, ce n'est assurément pas avec l'intention de laisser entendre à ses lecteurs que cette mobilisation puisse être une éventualité proche. Rien ne permet de supposer que nous soyons à la veille, ou même à l'avant-veille, d'un conflit armé.
Il importe cependant que le public français ne croie pas que des complications, quelles qu'elles fussent, nous surprendraient au dépourvu, ou dans un état d'infériorité. Et les deux schémas que nous reproduisons ici sont, à cet égard, du plus haut intérêt. Ils montrent, de la façon la plus frappante, quels progrès la France a réalisés, depuis trente-cinq ans, dans l'organisation essentielle de ses transports de mobilisation.
LA MOBILISATION TELLE QU'ELLE S'EFFECTUA EN 1870 Une
ligne à voie double et deux à voie simple partant de Paris pour aboutir
à la frontière allemande.
En 1870, aucune voie ferrée de mobilisation ne réunissait directement l'intérieur de la France à la frontière d'Allemagne. Toute l'armée du Rhin dut passer par Paris, ce qui causa un encombrement énorme. La Compagnie de l'Est réussit cependant à transporter 196.000 hommes en dix jours par les trois lignes ferrées indiquées ci-dessus. La ligne à voie double Paris-Strasbourg supporta 48 trains par jour (24 à l'aller et 24 au retour); les deux lignes Paris-Thionville et Paris-Mulhouse, à voie simple, supportèrent seulement 36 trains quotidiens (18 à l'aller, 18 au retour).]
Voilà où nous en étions en 1870... Voici où nous en sommes en 1905... Il est bon que tous les Français, et aussi tous les Allemands, puissent comparer d'un coup d'oeil ceci à cela.
Hâtons-nous d'ajouter que ces schémas ne sont pas empruntés au plan de mobilisation de notre état-major général. Aucune divulgation criminelle ne les a mis entre nos mains et nous ne compromettons, en les publiant, aucun intérêt national. Nous les avons trouvés dans une brochure allemande.
C'est une de ces brochures semi-confidentielles que publient, à un petit nombre d'exemplaires, les officiers allemands des grandes villes de garnison lorsque, en présence de leurs camarades, ils ont fait une conférence remarquée, méritant les honneurs de l'impression et de l'envoi au grand état-major de Berlin.
Celle-ci, intitulée Der noechste Krieg gegen Frankreich (la Prochaine Guerre contre la France), est l'oeuvre du major saxon von S...
Dans un premier tableau, l'auteur a résumé la façon dont s'effectua le transport des troupes françaises en 1870. On voit que trois lignes ferrées seulement, dont l'une était à double voie et les deux autres à voie simple, servirent à transporter l'armée du Rhin et que, toutes les lignes ferrées aboutissant à Paris, toute l'armée française mobilisée dut passer par Paris pour se rendre à la frontière. Il en résulta une lenteur, une irrégularité et un encombrement indescriptibles.
Il est facile de comprendre qu'une rapide concentration des armées à la frontière exige les conditions essentielles suivantes:
1° Chaque corps d'armée doit posséder, pour son transport à la frontière, une ligne ferrée indépendante;
2° Le transport sera plus rapide si la ligne est à plusieurs voies, si elle est choisie la plus courte possible, mais en même temps la mieux appropriée à une circulation intensive des trains, c'est-à-dire si elle ne comporte pas de rampes trop fortes pour les grands convois et des courbes à trop petit rayon.
En 1905, suivant le second tableau dressé par l'officier allemand, les conditions d'un transport de troupes françaises à la frontière de l'est sont merveilleusement remplies. Treize lignes à double voie (une de plus qu'en Allemagne) amèneraient 13 corps français, directement et dans le plus court temps possible, à la frontière. Ces 13 corps, s'ajoutant aux 3 corps de couverture (6e, 7e et 20e), formeraient quatre armées: sur l'Argonne, à la trouée de la Moselle, près de Nancy et sur les Vosges.
Le major von S... calcule ainsi le temps nécessaire à la mobilisation, au transport et à la concentration des armées françaises en 1905:
1° Envoi de l'ordre de mobilisation. 1er jour.
2° Arrivée des réservistes, habillement; réquisitionnement des chevaux et voitures, terminés le5e jour.
3º Embarquement des troupes et du matériel de chaque corps d'armée, terminé le8e jour.
4° Transport à la frontière (2 jours), terminé le10e jour.
Repos de deux jours, terminé le12e jour.
Concentration, terminée le13e jour.
Marche en avant, le14e jour.
En résumé, près de 700.000 hommes (y compris les troupes de couverture)
seraient prêts à marcher en avant le 14e jour, contre 200.000 seulement,
en 1870, dans le même laps de temps.
J. Delaporte.
Dessiné spécialement pour l'Illustration par G. Lepage
sous la direction de M. Delaporte.
Treize lignes ferrées à double voie, aboutissant pour le 1er corps à Longwy, le 2e à Apremont, le 3e à Liart, le 10e à Verdun, le 4e à Sainte-Menehould, le 11e à Châlons-sur-Marne, le 9e à Lérouville, le 12e à Commercy, le 5e à Pagny-sur-Meuse, le 8e à Toul (encore à voie simple entre Clamecy et Avallon), le 13e à Epinal, le 16e à Belfort, le 19e à Belfort.
Le 18e corps peut se rendre jusqu'à Chartres par une ligne indépendante à voie double, le 17e jusqu'à Limoges, les 15e et 14e corps jusqu'à Bellegarde, mais le retard de ces quatre corps d'armée n'a pas d'importance, ces corps étant prévus en réserve provisoire. Ajoutons que les 6e, 20e et 7e corps se rendent à pied à leur poste de combat. Enfin une 14e ligne à voie double (de Paris à Lérouville par Meaux, Château-Thierry, Epernay) servirait exclusivement au transport des approvisionnements. Le transport d'un seul corps d'armée exigeant 120 trains, les treize corps d'armée amenés immédiatement à la frontière exigeraient donc (13 x 120) 1.560 trains à l'aller et autant au retour, soit une circulation de plus de 3.000 trains (60.000 wagons). L'Illustration a donné, dans son numéro du 16 mai 1903, un tableau de la mobilisation allemande.
La comtesse Mathieu de Noailles, dont le nouveau roman:
la Domination, vient de paraître.--Phot. Dornac.
L'Impossible Sincérité, par la baronne Hélène de Zuylen (Calmann-Lévy, 3 fr. 50).--La Domination, par la comtesse de Noailles (Calmann-Lévy, 3 fr. 50).--L'Illusion sentimentale, par Paul Flat (Fontemoing, 3 fr. 50).--La Nièce de M. Jacob Gaspard, par Gaston Rouvier, (Fasquelle, 3 fr. 50).--La Couronne des jours, par Ernest Raynaud (Mercure de France, 3 fr. 50).
L'Impossible Sincérité.
Une jeune Anglaise, Béryl, est adorée d'un jeune Hongrois, Gyula Zékéï, un compatriote passionné de Pétofi. Elle lui rend tous ses sentiments; mais, comme la jeune fille aime avant tout la loyauté, elle arracherait son coeur plutôt que d'y laisser quelque amour pour un menteur. On a beau lui dire que, dans la passion, les hommes mentent toujours un peu, elle croit à la sincérité de Gyula. Celui-ci se rend en Hongrie, pour obtenir, dit-il, le consentement de ses parents à son mariage avec Béryl.
Cependant la jeune Anglaise a des soupçons. Elle apprend fortuitement que le Hongrois est marié et père de deux enfants. Ce qu'il cherche à obtenir, c'est le divorce, afin d'épouser Béryl. Mais, comme il l'a trompée pour la posséder, elle rompt avec lui et le chasse de sa présence, ce qui amène le fiancé à se loger une balle mortelle dans la tête. Désespérée, Béryl est conduite elle-même par la fièvre au bord du tombeau, puis voyage, mais sans retrouver la tranquillité. A ses yeux se présente un de ses cousins, de même race qu'elle, aussi froid en amour que le Hongrois était démonstratif. Celui-là ne ment pas, ou ment, dit-il, aussi peu que possible. Finira-t-elle par l'épouser? Peut-être. A Venise, où l'on coudoie tant d'étrangers, elle aperçoit souvent à la même place deux enfants vêtus de deuil auxquels elle demande leur nom. Ce sont les enfants de Gyula.
«Aujourd'hui, Béryl savait que, parmi les évocations du passé, ce sont les souvenirs navrés qui obsèdent avec le plus tenace parfum», telle est la morale du roman que la baronne Hélène de Zuylen a intitulé: l'Impossible Sincérité.
Ce n'est plus seulement comme romancières que les femmes nous dépassent. Avec Mme de Zuylen, elles montrent dans la musique de la phrase, dans la disposition des couleurs, dans la recherche précieuse du mot, la science la plus raffinée.
La Domination.
Où la domination dans le roman de Mme de Noailles? Je vois bien un jeune écrivain, Antoine Arnault, possédé de la fureur d'être au premier rang. On sent dans ce personnage un petit lettré fort rempli de son moi, mais dont l'esprit manque de vigueur et de savoir. Rien ne surpasse en vanité cet Antoine Arnault, qui essaye de se faire une place dans les salles à manger d'un monde aristocratique et hautain. Evidemment, Mme de Noailles a peint ici d'après nature. Successivement, Antoine aime plusieurs femmes, entre autres la comtesse Albi, dont le nom flatte ses puériles prétentions. Il goûte à plusieurs beautés sans trop s'y attarder et en dilettante, jusqu'à ce qu'enfin il épouse bourgeoisement une jeune fille pourvue d'une assez belle dot. Ne se met-il pas à adorer la soeur de sa femme? Avec une absence totale de scrupule, tous les deux, Antoine et sa belle-soeur, installent sous le toit familial leur amour semi-incestueux. Mme de Noailles nous a fort bien représenté le petit lettré sans vergogne qui aspire à la domination littéraire et féminine et qui ne sait pas se dominer lui-même. Avec un art subtil elle nous a pareillement indiqué les endroits accessibles de la femme en général, la cible qu'elle offre aux flèches d'Éros.
Dans ce roman, Mme de Noailles décrit aussi les lieux qu'avec ses amies traverse Antoine Arnault et, surtout, pose devant nous, en une vivante évocation, cette superbe veuve qui s'appelle Venise. Il y a là, malgré la modernité des types, je ne sais quoi, partout, de sensuellement païen, d'un paganisme semi-oriental et décadent.
L'Illusion sentimentale.
M. Paul Flat, lui, ne répand la couleur que suffisamment pour qu'on le croie capable de la verser à flot, s'il le voulait. Charles Hérial, son héros, a rencontré un jeune homme, Lucien d'Entraygues, avec lequel il s'est lié d'une vive amitié. Ensemble, ils ont communié dans les mêmes maîtres et dans les mêmes idées; ils se sont enivrés de Wagner; ils ont pareillement bu ensemble aux sources plus pures peut-être et plus harmonieuses, mais moins capiteuses de l'art italien. Les mêmes paysages les ont enthousiasmés et, le soir, leur ont apporté les mêmes mélancolies. Mais l'apparition d'une jeune fille les troubla dans leur amitié. Lucien d'Entraygues aimait cette jeune fille. Charles Hérial, lui prêtant tous les charmes de l'esprit et du corps; l'épousa. Il fut trompé par l'illusion sentimentale. Après quelques mois de mariage, le voile tombant, la réalité apparut. Sa femme n'avait pas toute la finesse d'esprit, tout le jugement qu'il lui avait supposés. Aussi, après s'être détaché d'elle, retourna-t-il vers l'ami et reprirent-ils les communions anciennes. L'oeuvre de M. Flat, serrée, abondante en fines dissections, sera goûtée de tous les gens lettrés.
La Nièce de M. Jacob Gaspard
C'est un article entier que mériterait le roman de M. Gaston Rouvier... Une petite ville suisse en temps d'élections communales, avec ses intrigues et ses commérages, nous est représentée. Ne ressemble-t-elle pas un peu à un bourg français? M. Jacob Gaspard, usurier émérite, est candidat à la présidence ou mairie. Mais l'amour lui trouble l'âme. Il veut épouser sa nièce, laquelle est éprise d'un jeune Français et n'éprouve que dégoût pour le vieil oncle. Celui-ci est tué dans une mêlée ouvrière. Rien de sublime comme l'image de Mathilde, la mère de la jeune fille, que tire de sa fange et que transfigure l'amour maternel.
La Couronne des jours.
De la prose harmonieuse de Mme de Zuylen et de Noailles, nous allons,
sans changer d'univers, aux poèmes de M. Ernest Raynaud. Le poète des
Vitraux a un jour accolé au nom de M. Raynaud l'adjectif grand. Dans
tous les cas, c'est un artiste riche, habile, que l'auteur des Cornes
du faune, de la Tour d'ivoire et de la Couronne des jours. Combien
de pierres précieuses rutilantes et finement serties dans les pages de
M. Raynaud! Peut-être sa phrase s'accommode-t-elle mieux des sujets
élevés, des peintures antiques, que des détails de la vie familière.
Je recommande en particulier aux amateurs d'art, dans le dernier volume
du poète: la Nouvelle Arcadie.
E. Ledrain.
M. Ernest Daudet.
--Phot. Caulin et Berger.
M. Ernest Daudet, frère du célèbre romancier, a, on le sait, conquis depuis longtemps sa place parmi nos écrivains les plus distingués. Il a publié lui-même des romans qui auraient suffi à lui assurer une notoriété personnelle; mais c'est surtout à des études historiques qu'il a, pendant vingt-cinq ans, consacré le meilleur de son labeur, fouillant les archives avec une patience de bénédictin, y faisant d'importantes découvertes documentaires, éclairant d'une vive lumière des points curieux demeurés obscurs, puis--et ceci n'est pas le moindre de ses mérites--pratiquant l'art difficile de communiquer à ses lecteurs l'intérêt passionna que le chercheur a pris à ses investigations et jusqu'à l'émotion qu'il a ressentie au contact du passé.
Entre tant de travaux remarquables, il convient de mentionner particulièrement l'Histoire de l'émigration, pour laquelle l'Académie française vient de décerner à M. Ernest Daudet le grand prix Gobert, la plus haute distinction dont elle dispose en faveur des historiens. Avant lui, MM. Albert Sorel, Albert Vandal, Thureau-Dangin, Hanotaux, académiciens aujourd'hui, avaient obtenu tour à tour ce prix, qui compta Augustin Thierry au nombre de ses illustres titulaires; de tels noms en disent assez la valeur honorifique.
A Marseille.--Le général Gallieni scellant la première
pierre du palais de Madagascar dans l'enceinte
de l'Exposition coloniale de 1906.--Phot. Brion
Le comité d'organisation de l'Exposition nationale coloniale, qui doit s'ouvrir à Marseille en avril 1906, a profité de l'arrivée à Marseille du général Gallieni pour l'inviter à poser la première pierre du palais que la colonie de Madagascar va édifier, selon les plans de M. Jully, sur le vaste emplacement qui lui a été réservé sur les terrains de l'Exposition. Entouré de M. Charles Roux, commissaire général; de MM. Morel, directeur; Giry et Delborbe, directeurs adjoints, et de toutes les notabilités présentes au banquet qui lui avait été offert quelques instants avant par la Société de géographie de Marseille, le général Gallieni a scellé lui-même les premières assises de la très belle construction que sera le palais de Madagascar, et la très curieuse photographie que nous reproduisons représente le général au moment même où, une pelle à la main, il jette le mortier sur les fondations.
Un vaisseau vénérable.
Avant. Arrière.
Le vaisseau anglais à trois ponts
Royal-Adélaïde en démolition dans le port de Dunkerque.--Phot.
Falciny.
Depuis quelque temps, on peut voir dans le port de Dunkerque un bâtiment plus que centenaire, ayant appartenu à la marine britannique et récemment vendu en France pour démolition, par l'Amirauté, qui l'avait transformé en ponton-caserne. Cet énorme vaisseau à trois ponts, armé jadis de 120 canons, déplace environ 4.500 tonnes; il mesure 80 mètres de longueur, 18 m. 25 de largeur et 14 mètres de hauteur au-dessus de l'eau; l'avant s'effile gracieusement; l'arrière, d'une structure quasi-monumentale, rappelle, avec ses quatre balcons ouvragés, la façade d'une maison. Lancé au commencement du siècle dernier, le Royal-Adélaïde prit part, en 1805, à la bataille de Trafalgar; c'est un des plus beaux spécimens des anciennes constructions navales.
Education Spartiate officielle.
L'hygiène, si fort en honneur dans nos sociétés civilisées, serait-elle à la veille de subir une réaction, inséparable de tous les engouements, et, après le dix-neuvième siècle, qui a proclamé la toute-puissance sociale de l'hygiène, le vingtième siècle va-t-il décréter que celle-ci ne sert qu'à conserver les faibles et à peupler la terre de malingres, au détriment des forts dont ils prennent les places? Il ne semblait pas qu'un tel revirement fût à la veille de se produire.
Or, en Prusse, la Chambre des députés vient d'adopter un projet de loi portant création d'un office spécial dénommé: Office pour le bien public.
Ce titre ne dit pas grand'chose; mais le ministre de l'intérieur a déclaré, à ce sujet, qu'il s'agit de ne plus s'occuper seulement d'assister les malades, les faibles, les indigents, mais bien de ne pas négliger les personnes en bonne santé. «L'avenir de notre pays, a-t-il dit, consiste à créer une population forte au point de vue physique, apte à endurer les rigueurs de la nature, capable de fournir un travail effectif, et non point un peuple amolli et affaibli par l'application des mesures d'hygiène.»
Il n'y a pas à s'y tromper: c'est bien la première bombe envoyée dans le camp des hygiénistes. C'est bien la proclamation du retour à l'éducation Spartiate, c'est-à-dire aux méthodes d'endurcissement qui tuent les faibles et ne laissent subsister que les forts. Dans cette voie on peut aller très loin, mais dans un sens tout opposé à celui où se sont engagées les sciences médicales modernes.
Encore le traitement du mal de mer.
Ayant signalé à nos lecteurs la méthode que conseille le docteur M.-A. Legrand pour le traitement du mal de mer, nous croyons qu'il sera intéressant pour eux de savoir quels résultats a donnés cette méthode dans des essais tout récents. Ces essais ont été faits à bord d'un cuirassé et d'un aviso-école, par grosse mer, sur douze marins sujets au mal de mer, dont deux étaient malades même par beau temps. Ces douze marins ont subi l'immobilisation préventive de tout le ventre, depuis le pli des cuisses jusqu'au-dessous des mamelons, à l'aide d'une bande de forte toile de 5 mètres de long sur 25 centimètres de large. Or, dans tous les cas, sauf un seul, le résultat a été fort bon. Voici du reste les observations faites:
1. Matelot.--A eu seulement quelques malaises au début, mais a été immobilisé tardivement.
2. Matelot.--N'a absolument rien ressenti.
3. Matelot.--Léger état de faiblesse. Sujet très nerveux. N'a rien ressenti.
4. Officier.--Se protège toujours de cette façon au moyen d'une très large ceinture et s'en trouve toujours très bien.
5. Distributeur.--A pu parfaitement faire son service au poste à l'avant et n'a rien ressenti.
6. Elève-mécanicien.--A pu faire son service dans la machine sans rien ressentir, sauf un léger mal de tête.
7. Elève-mécanicien.--A fait son service aussi sans rien éprouver.
8. Elève-mécanicien.--Résultat médiocre: le sujet a eu un vomissement. Pourtant il y a amélioration évidente.
9. Maître infirmier.--A été légèrement indisposé à l'arrivée au mouillage, mais seulement après avoir desserré la bande; est d'habitude très malade.
10. Mécanicien.--Légèrement indisposé aussi, mais après avoir desserré la bande.
11. Quartier-maître fourrier.--Se porte bien, sauf légère perte d'appétit; mais a le mal de mer dès que, peu avant le mouillage, il enlève la bande.
12. Le même.--Cette fois, garde la bande jusqu'au bout, et tout le temps «se trouve aussi bien qu'à terre», lui qui était invariablement malade.
Aucun de ces sujets n'était entraîné à l'immobilisation du ventre et tous étaient des victimes régulières du mal de mer. Grâce à l'immobilisation, ils ont tous fait leur service malgré le mauvais temps et sans être incommodés.
Pièce Brève (pour piano), par Gabriel Fauré.--L'Illustration a salué la nomination de M. Gabriel Fauré au poste envié de directeur du Conservatoire de musique. Nos lecteurs et lectrices pourront apprécier, par cette Pièce Brève, que nous publions, combien l'inspiration du maître est originale.
Ce qui caractériserait cette oeuvre exquise, ce serait l'imprécision du titre et la coloration précise de la pensée musicale. Il semblerait que, si Pièce Brève avait été un morceau de piano et chant au lieu d'être uniquement pour piano, l'auteur aurait écrit sa musique d'abord, puis ses paroles seulement après la musique.
Un chant s'élève, à la fois ample et gai, puis les broderies soulignent une phrase très musicale et, par une modulation très trouvée, le chant initial suit à nouveau son développement. Oserai-je dire que, malgré les accords de la fin, Pièce Brève ne finit pas. Il semble qu'il y a là une porte ouverte sur l'infini. On rêve, on rêve encore, alors que l'inspiration du maître s'est tue. C'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de cette page de M. Gabriel Fauré.
L'Ame des Fleurs (mélodie), par Massenet.--S'il est un compositeur dont le talent est souple et divers, c'est bien M. Massenet. Qu'il s'agisse, par contre, d'un opéra ou d'une simple mélodie, M. Massenet sait imprimer à l'un ou à l'autre sa griffe magistrale; et l'on peut dire que l'Ame des Fleurs est «le sonnet sans défaut qui vaut seul un long poème», ainsi que le souhaitait Boileau.
Faut-il louer la distinction de la phrase mélodique, la justesse de l'expression, le piquant et l'imprévu des sonorités de cette page toute parfumée de poésie? Chez M. Massenet, la langue musicale a une éloquence telle que, même quand il se sert du piano, on devine un dessin orchestral dans ce qu'il a voulu décrire. Ainsi, dans l'envolée lyrique de ce passage de l'Ame des Fleurs: «Oh! respectons la relique des roses!» on entend un unisson d'instruments à cordes qui charme l'oreille. C'est précisément le secret des maîtres d'évoquer tant de choses avec les moyens les plus simples, et M. Massenet s'y entend.
Poème languide, par A. Scriabine.
A. Scriabine est né à Moscou en 1870. Sa 3e symphonie vient d'être jouée à Paris sous la direction du célèbre chef d'orchestre Nikisch, dirigeant l'orchestre Colonne. Il est donc d'actualité.
Scriabine est élève de Saponov et Tanief. Entré comme professeur au Conservatoire de Moscou, il en sort presque aussitôt pour se consacrer exclusivement à la composition. Son bagage musical est déjà assez considérable: oeuvres pour piano, sonates, trois symphonies; la dernière, le Divin Poème, qui vient d'être exécutée ici, exprime en partie les idées philosophiques qui, de tout temps, le préoccupaient. Ces idées n'atteindront leur complet développement et leur parfaite expression que dans son oeuvre suivante déjà presque terminée.
C'est un musicien curieux, raffiné... pourtant un peu compliqué.
LE JARDIN DU TROCADÉRO ET LES QUARTIERS NORD-OUEST DE
PARIS PENDANT LA NUIT DU SOLSTICE D'ÉTÉ (20-21 juin).
Photographie
prise, à 2 heures du matin, de la deuxième plate-forme de la tour
Eiffel.
Le gagnant du prix de France et son entraîneur. | Le coureur américain Kramer, gagnant du Grand Prix cycliste de la Ville de Paris. |
Le prix de France est le grand prix des gentlemen-riders: le cavalier gagnant ce steeple-chase a désormais son droit d'entrée à vie sur l'hippodrome d'Auteuil. L'heureux vainqueur du prix de France de 1905, couru à Auteuil dimanche dernier, est un officier, M. Petit. Il montait Valmajour, appartenant à M. Arthur Veil-Picard et entraîné par M. J. d'Okhuysen. Celui-ci mérite une mention spéciale. C'est bien le type de l'entraîneur moderne, tout à fait différent de l'entraîneur anglais classique, ancien jockey devenu trop lourd, bon serviteur, presque toujours fidèle, des aristocratiques propriétaires d'écuries de courses. M. d'Okhuysen, hollandais d'origine, fit ses études au lycée de Nice, suivit les cours de l'école d'Alfort, passa par le journalisme sportif, s'avisa enfin d'appliquer à l'entraînement ses connaissances vétérinaires et son esprit novateur. Il eut d'abord deux chevaux d'ordre modeste, dont il fit deux gagnants de modestes épreuves. Il a eu pour la première fois cette année des cracks sous sa direction et il a remporté successivement le grand prix de Nice avec Brat, le grand prix de Bruxelles, le prix du Jockey-Club et le Grand Prix de Paris avec Finasseur, à M. Michel Ephrussi. M. Arthur Veil-Picard, possédant seulement des chevaux d'obstacles, ne pouvait aspirer qu'au Grand Steeple et au prix de France: il a manqué le grand-steeple que Frosdorphe n'a pu disputer; mais l'allocation du prix de France a dû être pour lui une appréciable compensation.
La formation de la trombe. La trombe s'abattant sur le lac.
Clichés pris je 19 juin, à 4 heures après midi, par M. Léopold Woelffling, ex-archiduc d'Autriche.
Concours de tourisme en montagne: une des quarante-trois
voitures concurrentes sur la route de Pleintanais.
Médaille gravée par Louis Oury, dont un exemplaire sera
décerné à chaque concurrent classé dans la «Coupe des Pyrénées».
LA COUPE DES PYRÉNÉES. Oeuvre en argent du sculpteur
Ducuing, qui sera offerte au vainqueur de la course organisée par le
journal la Dépêche, de Toulouse à Toulouse par les Pyrénées: Béziers,
Perpignan, Foix, Bayonne, Pau, Tarbes (20-27 août 1905).
Sur le lac du Bourget: le garage des canots de course
automobiles.
(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)
Les mères de famille s'intéresseront assurément à l'utile et commode support de biberon décrit dans les lignes qui suivent, en raison des avantages réels qu'il est appelé à leur rendre. Comme on peut le voir sur la figure ci-jointe, le support articulé soutient le biberon à la portée de la bouche de l'enfant et lui permet de téter tout seul quand il est dans son berceau; grâce à une disposition ingénieuse, donnant la même souplesse qu'un mécanisme à la «cardan», le biberon suit tous les mouvements de la tête de l'enfant; la tétine en caoutchouc est toujours maintenue au niveau de sa bouche; il la lâche et la reprend à volonté.
Cet appareil très simple et d'un maniement très facile est indispensable surtout la nuit; la mère n'est plus obligée de se priver de sommeil pour soutenir le biberon du bébé pendant le temps de la tétée; elle n'est plus tentée de prendre l'enfant dans son lit pour lui donner à boire. Dans la journée, enfin, la mère peut vaquer à ses occupations pendant que l'enfant boit. Cet appareil procure, en un mot, la commodité cherchée autrefois dans l'usage des biberons à longs tubes, difficiles à nettoyer et dangereux en raison de leur manque d'asepsie. Il a été créé pour faciliter l'emploi des bouteilles coiffées de tétines à soupapes, reconnues seules hygiéniques par les médecins.
Ces avantages très réels du «support articulé pour biberon» le feront apprécier de toutes les mères de famille, surtout de celles qui sont obligées de gagner leur vie en travaillant chez elles, tout en soignant leurs enfants.
L'appareil se place sur tous les berceaux et lits d'enfants. On fixe d'abord le support sur le berceau en allongeant les planchettes à la largeur du lit; on place ensuite la bouteille en passant le col dans l'anneau en métal et l'on relève le caoutchouc dessus pour la maintenir; il suffit d'incliner ensuite la bouteille à la hauteur de la bouche du bébé et de la fixer par la vis de serrage; la bouteille pourra tourner à droite ou à gauche, suivant les mouvements de la tête de l'enfant.
Fig. 1.--Support articulé pour biberon.
L'appareil se fait en bois, cuivre et cuivre nickelé; les prix respectifs étant de 5 francs, 9 francs et 10 fr. 50; joindre 0 fr. 85 pour le port.
S'adresser à M. Jules Mallat, 12, rue Buisson, Saint-Etienne (Loire).
Note du transcripteur: Ces suppléments ne nous ont pas été fournis.
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