Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3264, 16 Septembre 1905, by Various This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: L'Illustration, No. 3264, 16 Septembre 1905 Author: Various Release Date: April 21, 2011 [EBook #35929] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3264, 16 *** Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque
Ce numéro est accompagné d'un supplément de quatre pages sur les Tremblements de terre en Calabre.
LES TREMBLEMENTS DE TERRE EN CALABRE.
A Reggio, après la
catastrophe: la population campée devant la cathédrale.
Dessin d'après
nature de G. Amato.--Voir l'article, page 192.
Comme les années précédentes, L'Illustration publiera, au cours de la saison théâtrale qui va commencer, les oeuvres dramatiques nouvelles, au fur et à mesure de leurs représentations sur les principales scènes parisiennes. Nous pouvons dès à présent annoncer à nos lecteurs que nous leur offrirons, entre autres, la primeur des prochaines oeuvres de MM. Paul Hervieu (le Réveil), Henri Lavedan (le Goût du vice), Jules Lemaitre (Bertrade), Maurice Donnay (Paraître). Nous nous sommes également assuré le droit de publication d'une pièce dont les Courriers de théâtre ont déjà beaucoup parlé: la Vieillesse de don Juan, par MM. Mounet-Sully et Pierre Barbier.
La saison 1904-1905 nous a fourni dix-neuf suppléments de théâtre, parmi lesquels de grands succès comme le Bercail, la Massière, Monsieur Piégois et le Duel. Tout fait prévoir que la saison 1905-1906 ne sera pas moins brillante.
Promenade aux music-halls. Les théâtres sont encore en vacances et c'est à peine si deux, trois, quatre d'entre eux nous font la grâce de s'entr'ouvrir chaque soir. Et l'on sent si bien qu'ils ne le font qu'à contre-coeur, comme s'ils méprisaient in petto ces auditoires d'été où ne figurent ni l'habitué qu'on sait difficile, ni le riche passant qui paye sa loge au plus haut prix, ni le critique influent dont les-arrêts sont, neuf mois par an, si anxieusement guettés... Cela, c'est la clientèle d'hiver. On recommencera, dans une quinzaine de jours, à s'occuper d'elle, à lui préparer les petits et les grands plats qu'elle aime, au besoin à lui en servir de nouveaux, propres à surprendre agréablement son goût; pour l'instant, on ne songe point à se mettre en frais. Vieux spectacles; troupes d'arrière-plan, formées de «doublures», de petits comédiens inoccupés. Les autres--ceux qui font recette--sont aux eaux ou voyagent. De juillet à septembre, il n'y a au ciel de l'art, comme dit un auteur dramatique de mes amis, que des étoiles filantes.
Et c'est pourquoi les étrangers qui nous font visite se précipitent aux music-halls. Ils y pullulent, et l'on me dit qu'il y a très longtemps qu'ils n'étaient venus à Paris en aussi grand nombre que cette année. A quoi les reconnaît-on? C'est une question que je me suis souvent posée. Ils sont habillés, chaussés, coiffés, comme tout le monde l'est autour d'eux; nulle saisissante particularité de type ou d'aspect ne les distingue; y a-t-il rien de plus international aujourd'hui que nos modes et qui ressemble plus à la figure d'un bourgeois d'Anvers ou de Cassel que la figure d'un bourgeois de Dunkerque? Et, du geste de tel conseiller municipal d'Aix-en-Provence ou de Marseille à celui d'un politicien de Sofia ou de Bilbao, la différence est-elle si grande?...
Cependant, on les reconnaît. On les reconnaît à je ne sais quelles fugaces nuances d'attitude, à des détails de tenue, à de certaines façons de regarder les gens et les choses, de s'amuser à ce qui nous ennuie, de s'ennuyer à ce qui nous amuse. On les reconnaît surtout à l'ignorance charmante ou au dédain qu'ils étalent de nos pudeurs parisiennes; dans les couloirs des Folies-Bergère ou de l'Olympia, on les voit promener avec ingénuité des épouses mûres ou des fillettes,--en braves gens qui visiblement ignorent que ces lieux de plaisir sont de ceux où les maris parisiens préfèrent, en général, venir flâner sans leurs femmes.
Mais comment connaîtraient-ils ces choses,--et les préjugés, les précautions, les pudeurs dont notre morale mondaine est faite? Ceux qui pourraient les renseigner là-dessus sont absents et Paris, d'où s'est enfuie pour trois mois l'élite «indigène» qui l'anime d'une vie si brillante et si jolie, ressemble à ces châteaux de province que d'obligeants portiers entr'ouvrent aux touristes à l'époque de l'année où les maîtres de la maison ne sont pas là.
Aussi bien, le Paris dont nous offrons en ce moment le spectacle aux étrangers en vacances doit-il les effarer un peu; et je ne serais pas surprise que quelques-uns emportassent de cette visite une déception.
Ils avaient rêvé, en y venant, de s'y perdre au milieu d'une agitation folle et de la plus amusante des cohues: ils trouvent les Champs-Elysées vides de voitures, et ce sont des compatriotes qui leur sourient, aux tables des restaurants. On leur avait vanté l'incomparable beauté de certaines de nos places et de nos rues: ils en trouvent les chaussées éventrées, obstruées de fortifications véritables, au fond desquelles s'ébauchent les itinéraires du Métro de demain. Ce ne sont partout qu'équipes d'ouvriers qui s'agitent, creusent, pavent ou dépavent, nettoient, restaurent ou démolissent. Paris pudiquement profite, pour faire sa toilette, du moment où les Parisiens ne le regardent pas.
Et ces brillantes soirées de music-halls ne sont-elles pas propres aussi, par leur éclat même, à discréditer un peu Paris aux yeux des étrangers qui y affluent? Ils observent, ces étrangers; ils réfléchissent; à la médiocrité de tels spectacles «de vacances» que leur servent certains théâtres dont on leur a vanté la renommée, ils comparent la somptuosité joyeuse d'autres spectacles où chaque soir brillent la danseuse rare, l'acrobate illustre, le dresseur de fauves ou le prestidigitateur que tout le monde veut voir et qu'il faut avoir vus; ils ont l'impression que c'est vers ce genre d'amusements que se portent sans doute, de préférence, nos curiosités et nos goûts, puisque ce sont ces premières-là qu'à l'ouverture de la saison on a voulu nous offrir avant toutes les autres; et, fort légitimement, ils en concluent que Paris demeure la capitale des joies faciles et de la futilité.
C'est ainsi que, de peuple à peuple, on n'arrive que bien difficilement à se connaître et à se comprendre. On se fréquente volontiers, et beaucoup plus qu'autrefois; mais, dirai-je, à tort et à travers; et, de là, des malentendus, un continuel danger de se mal «interpréter» les uns les autres. Nous visitons les pays chauds pendant l'hiver et les pays froids pendant l'été; nous oublions qu'on ne comprend Biskra, par exemple, ou Kairouan qu'à condition d'y avoir eu trop chaud; que ce n'est point à l'époque des «nuits blanches» qu'il faudrait s'aller promener à Christiania, mais durant les jours noirs où les lampes s'allument à deux heures de l'après-midi,--où s'épanouit la joie des jeux d'hiver. Et, de même, on ignorera Paris si l'on ne veut ou si l'on ne peut lui faire visite qu'en ces mois de vacances où lui-même est absent de chez lui, où l'art dramatique n'a que Bobèche à donner en spectacle à ceux qui rêvaient d'y rencontrer Sarah Bernhardt, Mounet, Granier, Coquelin, Bartet, Réjane...
Il est vrai qu'il reste à Paris ses promenades, dont certaines, à cette époque de l'année surtout, ont une grâce unique. Mais voilà-t-il pas que leur existence est menacée et n'a-t-on pas très sérieusement parlé, ces temps derniers, d'entamer les futaies du bois de Boulogne pour y construire des gâteaux de pierre de taille et de ciment,--de belles maisons modernes où l'art nouveau sévira?
L'affaire a fait du bruit et je suis contente de voir que, depuis huit jours, une belle fureur s'est déchaînée contre l'architecte ambitieux par qui fut lancé ce projet fou. Car l'idée est d'un architecte, je le jurerais. Pour éprouver le besoin de raser une forêt et de mettre à la place des maisons à six étages que personne ne réclame, il faut être celui qui les construira. Ou alors on est inexcusable.
Mais il est probable que, cette fois, les amis des arbres auront raison des amis du bâtiment et que notre bois de Boulogne nous sera conservé. L'opinion publique, ordinairement si divisée sur la moindre des affaires qui nous occupent, s'est prononcée de façon trop unanime et trop violente sur celle-ci pour qu'il n'y ait pas imprudence à dédaigner sa protestation.
C'est que les Parisiens aiment passionnément leurs vieux arbres. Pourquoi? Encore une question que les moralistes se sont posée. Quelques-uns, pleins d'esprit et de sensibilité, prétendent attacher un sens philosophique à cet amour. Ils pensent qu'inconsciemment nous sommes séduits, émus par ce qu'un bel arbre exprime de solidité, de puissance, de vitalité toujours renouvelée. Au milieu d'une société qu'agitent tant de fièvres, un si frénétique besoin de mouvement et de changement, l'arbre est un reposant symbole: il est ce qui ne bouge pas, et qui dure.
Sans doute. Mais nous aimons les arbres, je crois, pour de plus simples
raisons, et moins «littéraires»: parce que, dans une ville où l'on a la
passion de la campagne, ils sont pour nous l'illusion de la campagne et
nous en apportent--à domicile, presque --la fraîcheur et le parfum; et
que nous restera-t-il de cette illusion-là quand nos arbres n'existeront
Le général Dessirier, gouverneur de Paris,
se reposant au pied d'un arbre.
plus? D'autres villes ont des fleuves, des rivières, le long desquels il
est de douces flâneries permises; Paris ne connaît pas cette joie, et
n'est-ce pas une chose lamentable que la Seine y soit, à peu près
partout, inaccessible aux promeneurs?
Nous avons fait de la Seine un ruisseau d'eau sale à l'usage des
chalands et des bateaux-mouches; de ses ponts, l'abri des gens sans
domicile; de ses quais, l'asile des tondeurs de chiens. Pas une terrasse
où s'asseoir; pas un coin propice à la rêverie. Il est vrai que,
dimanche dernier, la foule s'y précipita et que, sur ses berges, du pont
de Bercy au viaduc d'Auteuil, plus une place, dès huit heures du matin,
n'était à prendre: on s'y disputait un prix de natation! Mais ce sont là
des événements exceptionnels et qui ne sauraient fournir aux Parisiens
amants de la nature un suffisant aliment de plaisir. Ils préféreraient
un fleuve dédaigné de Holbein, de Burgess et de Paulus, mais au bord
duquel une heure de bonne sieste fût possible...
Sonia.
M. Berteaux, le général Brugère et le général Dessirier. |
Le général Chaffee, chef de la mission américaine AUX GRANDES MANOEUVRES DE L'EST. |
L'importance et la qualité des troupes engagées, le thème stratégique et la configuration du terrain, la personnalité des officiers généraux, donnaient un intérêt particulier aux grandes manoeuvres qui viennent de se dérouler dans la région de l'Est. Chacune des deux armées en présence comprenait deux corps d'armée et deux divisions de cavalerie. D'un côté, le 6e corps, ayant son siège à Chalons-Sur-Marne, et le 6e corps provisoire, sous les ordres du général Hagron, considéré comme le futur généralissime; d'autre part, le 20e corps (Nancy) et le 5e (Orléans), commandés par le général Dessirier, gouverneur de Paris. La direction suprême était exercée par le généralissime Brugère.
La concentration des troupes s'est effectuée dans les vallées de la Marne et de l'Aube. L'armée du général Dessirier, manoeuvrant au sud, dans la région de Bar-sur-Aube, devait s'opposer à la marche de l'armée du général Hagron, descendant de Vitry-le-François sur Brienne, où elle devait se frayer un passage vers la vallée de la Seine. C'est dans cette même plaine de Champagne qu'avaient été inaugurées, en 1891, les manoeuvres d'armée. A quelques kilomètres de la petite ville de Brienne, dont l'école militaire eut pour élève Bonaparte, les deux armées se retrouvaient à l'endroit même où Napoléon préparait les victoires de Champaubert et de Montmirail. Ces vastes champs peu accidentés, propices aux longs déploiements, mais ne leur offrant point d'abris, coupés de quelques rivières suffisantes pour compliquer les mouvements de retraite, offraient aujourd'hui à nos généraux un terrain excellent pour comparer les enseignements de la tactique napoléonienne avec les exigences et les ressources de l'outil militaire moderne.
Après une série de manoeuvres partielles destinées surtout à établir un lien entre les diverses unités, le général Dessirier, conformément au programme, s'est laissé refouler jusqu'à l'Aube, sous les yeux de M. Loubet qui avait tenu à assister, en compagnie de M. Berteaux, ministre de la Guerre, au dernier épisode des manoeuvres.
Malgré un temps peu favorable, les troupes ont fait preuve d'une rare endurance. Les débuts du corps des cyclistes, dont nous avons rapporté les prouesses dans notre dernier numéro, ont été fort remarqués. Parmi les officiers étrangers, la mission américaine, ayant à sa tête le lieutenant général Chaffee, fut très entourée. Le représentant des Etats-Unis, qui a paru très frappé de la vivacité du soldat français et qui était en complet kaki a, comme tant d'autres, à tort ou à raison, déclaré nos uniformes beaucoup trop voyants.
M. Clémentel.--Phot. Otto. | Mme Knowles, fiancée de M. Clémentel.--Phot. Reutlinger. |
Parmi les manies parisiennes, il y en avait une, récemment encore, qui se manifestait à l'occasion des fêtes officielles, bals et cérémonies, où, à côté de nos présidents et de nos ministres, apparaissaient leurs femmes, et qui consistait à déclarer de confiance: «Comme nos grandes dames républicaines sont mal! Comme elles s'habillent mal!» Ce n'était, le plus souvent, que l'expression d'un préjugé injuste et qui faisait sourire ceux qui avaient été admis à voir de près le personnel féminin de certaines cours d'Europe.
En publiant les portraits des «ministresses», au moment de la formation des derniers cabinets (Waldeck-Rousseau, Combes et Rouvier), L'Illustration a prouvé péremptoirement que la beauté, la grâce et l'élégance sont, au contraire, loin d'être exclues des salons officiels.
Nous sommes heureux de pouvoir ajouter ici, à la série des portraits de femmes de nos ministres actuels (parue le 11 février dernier), un nouveau portrait, qui ralliera les suffrages des plus difficiles.
On annonce en effet la très prochaine entrée dans le ministère d'une nouvelle «ministresse», qui sera admirée entre toutes. M. Clémentel, ministre des Colonies, veuf depuis plusieurs années [1], se remarie: il épousera, au mois d'octobre, une jeune veuve, Mme Knowles, que les fées d'autrefois et celles d'aujourd'hui ont comblée de leurs dons. Les fées anciennes ne lui ont pas marchandé, notre portrait l'atteste, les grâces ordinaires de la femme; les fées de la fin du dernier siècle l'ont dotée des qualités sportives, devenues non moins nécessaires, lui ont donné le goût de la chasse et de l'automobile, ont fait d'elle un type accompli de femme moderne.
[Note 1: Nous avons reproduit dans L'Illustration du 18 février un buste de la première Mme Clémentel, qui était fille d'un colon français d'indo-Chine et d'une mère annamite.]
Il convient d'ajouter que la future Mme Clémentel, pour être capable de conduire habilement une 40 chevaux, n'en est pas moins une très bonne mère de famille: elle a un fils âgé de neuf ans.
Les Colonies étant le plus mal logé de tous nos ministères, M. et Mme Clémentel n'habiteront pas le pavillon de Flore: ils ont loué un hôtel particulier à Neuilly.
Ceux-là sont mauvais juges de la marche d'un gouvernement légal qui ne connaissent que la révolution et ses violences. Chateaubriand.
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Les taxes qui grèvent la plupart des actes de notre vie lui donnent l'aspect d'une carte à payer. H. Baudrillart.
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Le peuple est encore plus prompt que l'individu à oublier les faits et à travestir ce qu'il en retient.
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Les illusions, filles de la jeunesse, sont des enfants condamnés, généralement, à ne pas survivre à leur mère. G.-M. Valtour.
AUX GRANDES MANOEUVRES DE L'EST.
--M. Berteaux, ministre
de la Guerre, et son état-major.
--Phot. Chusseau-Flaviens.
La foule acclame le président de la République et le général Brugère, passant les troupes en revue dans une automobile conduite par le capitaine Lévêque.--Phot. Léon Bouet. | A Brienne: M. Casimir-Perier, ancien président de la République, M. le président Loubet et M. Berteaux. |
Incendie des usines et des réservoirs de naphte, près de
Bakou.
Les troubles qui viennent d'éclater à Bakou semblent dépasser en importance et en horreur tous ceux qui, en ces derniers temps, se sont produits sur divers points de la Russie. C'est un nouvel épisode de la lutte constante que le fanatisme religieux et les haines de races entretiennent parmi les populations du Caucase. Le mouvement est d'autant plus violent qu'il a surgi entre les deux peuples les plus foncièrement hostiles: d'un côté, les Tatars, appelés plus couramment Tartares, sans cesse tourmentés de la passion panislamique, population de culture nulle, d'instincts plutôt sauvages, vivant pauvrement des produits du sol ou du travail dans les mines, comme le groupe d'ouvriers que montre plus loin une de nos gravures; d'autre part, les Arméniens, riches, habiles, détenant l'industrie et le commerce, également acharnés à la défense de leurs intérêts et de leur religion. Les uns et les autres étant armés, le moindre conflit dégénère en massacres.
La situation particulière de Bakou devait, en outre, favoriser dans une rare mesure les actes de vandalisme. Cette cité de 120.000 âmes, bâtie sur la rive occidentale de la mer Caspienne, est le centre de l'industrie pétrolière du Caucase. Autour de la ville, à Bibi-Eybat, à Surakhany, et surtout à Balakhany dont nous donnons une vue générale, s'élèvent, innombrables, les pyramides de bois ou derricks, à l'intérieur desquelles jaillissent les colonnes de naphte qui se rendent, par des ruisseaux à l'air libre, dans des lacs noirâtres formant de gigantesques réservoirs d'incendie. Il a suffi d'une torche pour changer toute cette région en fournaise et provoquer en quelques heures une centaine de millions de ruines.
Les photographies reproduites ici nous ont été envoyées par un de nos correspondants russes à qui L'Illustration doit déjà de nombreux documents de premier ordre. Représentent-elles l'incendie allumé ces jours derniers par les bandes tartares? Ou bien ont-elles été prises antérieurement, lors d'un des embrasements accidentels si fréquents de tout un district pétrolifère? Quoi qu'il en soit, leur authenticité n'est pas douteuse, et elles évoquent avec une vérité saisissante le spectacle de ruine qu'offre actuellement une des plus grandes sources de richesse du monde.
A BAKOU.--Incendie des fontaines de naphte de Balakhany.
Vue générale de Bakou: les quais et le port au centre, la
tour des Vierges.
Les massacreurs de Bakou: types d'ouvriers tartares.
Vue générale des puits de naphte de Balakhany,
aujourd'hui incendiés.
LES TROUBLES DU CAUCASE
A TOKIO.--La foule devant les bureaux du journal Tchou-wo-Shimboun
(Journal du Centre).
Le comte Katsura, chef du cabinet japonais.
Le peuple japonais n'a point partagé l'enthousiasme facile des autres peuples pour le rétablissement de la paix. Dès que le texte du traité de Portsmouth fut connu à Tokio, la presse nippone, à l'exception du Kokumin, le journal semi-officiel, publia des articles violents contre le gouvernement. Des partisans et des amis du comte Katsura, premier ministre, rompirent même toutes relations avec le cabinet. Enfin, cette indignation générale se traduisit, dans le peuple, par l'insurrection du 5 septembre dernier. Au Japon, les insurrections sont plutôt rares. Aussi la police, prise un peu au dépourvu, ne sut pas empêcher des milliers de manifestants d'entourer l'hôtel du ministre de l'Intérieur et les bureaux du Kokumin. Mais, grâce à l'intervention de la troupe, la personne du premier ministre et celles des rédacteurs du Kokumin restèrent sauves. Il y eut, par contre, de nombreux agents de police blessés et quelques commissariats livrés aux flammes. Aujourd'hui tout paraît être rentré dans l'ordre, mais le mikado doit penser qu'il est bien difficile de contenter à la fois tout le monde et son peuple.
Le chah de Perse, Mouzaffer-ed-Din--cette personnalité si parisienne--était, ces jours derniers, l'hôte du tsar à Peterhof. Nicolas II, selon l'usage, était allé recevoir à la gare son auguste visiteur, et c'est à la gare même que notre photographe a réussi à prendre l'instantané des deux souverains. Si l'on songe que cette réception avait lieu juste à l'instant critique de la conférence de Portsmouth, on n'observera pas sans intérêt les traits de celui qui devait être, à ce moment-là, l'homme le plus préoccupé du monde.
On a dit que cette visite de Mouzaffer-ed-Din, pendant les angoisses des négociations de la paix, avait causé quelque embarras à la cour impériale. La chose est possible et même probable. Mais le malaise--s'il y en eut--dura peu. La paix, décidée à point, a permis au souverain asiatique de voir autour de lui tous les visages s'éclairer. Les dîners à la cour furent moins lugubres. Nicolas II, familier et charmant; accompagna son hôte dans toutes ses promenades.
LE CHAH DE PERSE EN RUSSIE.
--Le tsar et le chah passent en revue la
garde d'honneur à la gare de Peterhof.
--Phot. C.-O. Bulla.]
Dinard est la «reine des plages» de la Côte d'Emeraude, admirablement située, près de Saint-Malo et de Saint-Servan, à l'embouchure de la Rance, une rivière délicieuse. Bien que sa fortune soit moins ancienne, cette plage bretonne ne le cède guère aujourd'hui à Trouville, sa rivale normande, pour la vogue et la «mondanité». Toutefois, sa population d'été et d'automne--car la saison de Dinard se prolonge jusqu'en octobre--compte plus d'éléments cosmopolites, des Anglais et des Américains surtout, et l'on s'y livre davantage aux sports anglo-saxons: le «lawn-tennis» y fait rage et, surtout en ce mois de septembre, tous les «cours» à la mode sont pris d'assaut. Le tableau dessiné d'après nature par notre collaborateur M. Simont est une évocation de cette vie élégante particulièrement réussie et forme une antithèse frappante avec les autres gravures de notre numéro, consacrées aux tragiques actualités de cette semaine.
Sada Yacco dans le rôle d'Oriye, l'Ophélie japonaise: scène de la folie. | Asajiro Fujisawa dans le rôle de Toshimaru Hamura, l'Hamlet japonais. |
Non contents d'emprunter au monde occidental ses machines, ses engins les plus perfectionnés, les canons, les navires de guerre et les fusils dont ils viennent de faire un si brillant usage, les Japonais, depuis quelques années, s'appliquent aussi à connaître et à s'approprier les arts et les littératures de l'Europe.
Il n'apparaît pas, jusqu'à présent, qu'ils en aient fait un aussi bon usage que de nos armes. On nous a montré, à quelques-unes de nos expositions, les envois de jeunes artistes japonais qui avaient fréquenté d'un coeur convaincu les ateliers de peinture de Paris ou de Munich; et nous avons été généralement d'accord pour regretter qu'ils ne soient pas demeurés à l'école d'Hiroshighé ou d'Outamaro, «le vieillard fou de dessin». Nous avons vu, naguère, la Dame aux camélias assaisonnée à la mode japonaise par la troupe de Mme Sada Yacco, grande actrice, pourtant; et il n'a pas paru que l'oeuvre émouvante de Dumas y ait gagné quoi que ce fût.
Voici que les Nippons viennent de s'attaquer à Shakespeare, au grand Will lui-même.
Ils ont commencé par Hamlet. Hélas! pauvre Yorik! L'étrange salmigondis qu'ils en ont fait!
Car il s'agit non point d'une traduction plus ou moins fidèle, mais d'un arrangement, ou plutôt d'un dérangement complet, d'un autre drame qui se déroule de nos jours et où se reconnaît seulement la vigoureuse armature de l'oeuvre shakespearienne.
Cela s'intitule la Souricière. Le prince au deuil éternel est devenu Toshimaru Hamura, incarné par l'acteur Asajiro Fujisawa. Il est de grande famille, et le blason des daïmios, ses ancêtres, écussonne par place le long kimono de soie qu'il porte au début de l'action, en attendant qu'il revête plus tard le complet coupé à New-York ou à Boston. A la mort de son père, le vieux duc Hamura, mystérieusement disparu, le frère de celui-ci a pris sa place au lit nuptial, et, son titre et ses armes. Et ce Claudius est fourbe et inquiet, comme le Claudius anglais.
Mohei Fukui, dans le rôle de Naonoshin Horio, le Polonius japonais. | Sada Yacco en Ophélie japonaise, au premier acte d'Hamlet. |
Le jeune homme, lui, est le type même du parfait gentleman bien né, tel que le conçoit le Japonais d'aujourd'hui. Il suit, avec son ami Horatio--pardon, Shozi Hara--les cours de l'Université de Tokio. Bien entendu, il aime. Il a élu Oriye--Mme Sada Yacco--fille de Naonoshin Horio, étourdi, empressé, gaffeur comme Polonius lui-même.
Un jour, se promenant au cimetière d'Hoyama, près de Tokio, il a une vision: son père, le feu duc Hamura--c'est M. Otojiro Kawakami, le mari de Mme Sada Yacco, que nous applaudîmes auprès d'elle à Paris--se dresse devant lui, l'oeil atone, les cheveux épars. Mais quel spectre peu romantique! Un uniforme de gala, correctement boutonné, brodé d'or aux parements et au col, étoile sur la poitrine de l'ordre du Chrysanthème et relevé d'épaulettes, a remplacé l'armure d'acier étincelante au clair de lune et le long suaire qui frissonne au vent du matin sur la terrasse d'Elseneur, comme l'épée de cour à dragonne d'or s'est substituée au lourd glaive à deux tranchants enseveli au côté du vieil Hamlet.
S'imagine-t-on la stupeur qui s'emparerait d'un fanatique de Shakespeare égaré au Nippon, devant cette apparition falote et sacrilège?
Ce seul avatar du spectre suffirait à donner la mesure de l'irrévérence avec laquelle les Japonais ont traité le grand tragique. Ils n'ont gardé de son oeuvre que l'intrigue, mais jusqu'à ses moindres détails.
C'est ainsi que, de même qu'Hamlet est envoyé en France, Toshimaru Hamura va voyager en Mandchourie et en Sibérie--habile concession à l'actualité--et revient sain et sauf, ayant échappé au naufrage du steamer qui le ramenait. Et il n'est pas jusqu'au duel final à l'épée qui n'ait été conservé par l'adaptateur. Et ce mélange de fantasmagories et de vapeur, de combats singuliers et de voyages d'études, sans parler de l'accoutrement ultra-moderne des acteurs, nous apparaît, à nous, d'une ahurissante fantaisie.
Après Hamlet, on est tombé sur Othello. Le Maure de Venise--qui n'est plus même basané, mais seulement de figure terrible--est devenu le major général Washiro, nommé commandant en chef de Formose au moment où les insulaires menacent de se soulever, secondés dans leur rébellion par les pirates chinois. Il a mission d'étouffer cette rébellion.
À peine débarqué, il rencontre Tomoye Fujin (Desdémone--Mme Sada Yacco) moulée en une toilette très américaine, dont l'élégance et le charme l'impressionnent soudain. Telle est la fille du comte Banjo Fura (le Brabantio du poète), ministre du Trésor. Celui-ci s'oppose au mariage sous le prétexte que Washiro est de naissance suspecte et préférerait marier sa fille à Kokotori (Rodrigue), fils d'un directeur de banque,--ce qui n'apparaît pas non plus, au premier abord, comme d'une noblesse très relevée.
Il y a encore Cassio, appelé le major Yoshio Katsu, et Iago, Goza Iya, aussi vilain personnage que l'original, et la petite Bianca, devenue une geisha de Tokio!
Et tout ce monde arbore des uniformes galonnés, aux boutons fleuris du chrysanthème héraldique, des robes last fashion. Et le bouquet enfin, le voici: c'est que, comme il est fort malséant, pour une grande dame, au Japon, de chanter une chanson populaire et que la patricienne Desdémone n'oserait pas même fredonner le Saule, c'est un phonographe qui, dans la chambre nuptiale, nasille la poétique romance!
Mais après tout, pourquoi tant rire? Voltaire n'en a-t-il pas usé avec un sans façon presque égal quand il adaptait Othello en Zaïre?
Le «spectre» de la version japonaise d'Hamlet, représenté en uniforme moderne par Oto Kawakami. |
Sada Yacco dans le rôle de Tomoye Fujin, la Desdémone japonaise. |
SHAKESPEARE AU JAPON.
--Une scène de la version japonaise
d'Othello: Goza Iya (Iago) et Biaka (Bianca).
La foule applaudissant les concurrents au passage. | Le départ au pont National. |
Sous ce titre amusant, et d'ailleurs exact, notre confrère L'Auto avait organisé une épreuve sportive qui s'est «nagée» dimanche dernier entre le pont National et le viaduc d'Auteuil, soit sur une distance d'environ 12 kilomètres. Huit concurrents s'étaient fait inscrire: quatre Anglais, dont le célèbre Holbein, (qui faillit réussir la traversée de la Manche) trois Français: deux pékins et le sergent Poullitou, de l'École de Joinville; enfin, une jeune et fort jolie Australienne de dix-huit ans, miss Kellermann.
Burgess nageant.
Paulus après sa victoire.
Dès 8 heures du matin, les quais et les ponts se couvrent de monde; comme chacun est assuré de trouver une place où voir bien et longtemps à un moment donné, cette foule énorme se distingue par un calme parfait.
Les nageurs, bien que se tenant presque toujours au milieu du fleuve, apparaissent très distincts; ceux meules qui renonceront à la lutte donnent, malgré le froid et le vent, une impression de grande aisance. Miss Kellermann qui, partie la première, tient longtemps la tête, est particulièrement acclamée; au pont de l'Alma, elle est dépassée par Paulus qui, jusqu'à la fin du parcours, étonnera la foule par la régularité et l'élégance de sa nage. Etendu sur le côté gauche, les jambes manoeuvrant toujours sous l'eau, il semble avancer uniquement avec le bras droit qui rame en glissant sur l'eau dans un mouvement de va-et-vient d'un rythme parfait, Paulus arrive premier, en 3 h. 29, battant de plus d'une heure Burgess, Holbein et miss Kellermann. Les quatre autres concurrents, dont les champions anglais Nuttal et Billington, qui semblaient favoris, ont dû abandonner la course. Le Parisien qui vient de conquérir le championnat du monde sur les plus intrépides nageurs d'outre-Manche est un notable commercent, âgé de quarante-quatre ans, père de quatre enfants, dont la célébrité relative commença aux bains Deligny vers 1885. Vainqueur de plusieurs épreuves importantes, il avait renoncé aux courses depuis 1898. Son succès est d'autant plus intéressant que, jusqu'ici, les plus longues courses à la nage n'avaient point dépassé 4 ou 5 kilomètres.
Holbein. Burgess. Le sergent Poullitou.
Après le départ: en pleine eau.
Miss Kellermann plongeant. | Miss Kellermann nageant. | Miss Kellermann à l'arrivée. |
L'entrée de la Belgica, le 12 septembre, dans le port d'Ostende. | Le duc d'Orléans et le commandant de Gerlache saluant leurs amis. |
La Belgica, le vaillant et robuste trois-mâts qui porta naguère vers le pôle sud le commandant Adrien de Gerlache et ses compagnons, vient de pousser, avec l'expédition que conduisait Monsieur le duo d'Orléans, une pointe non moins heureuse dans l'océan Glacial arctique, cette fois. Mardi, elle ramenait aux quais d'Ostende, tous florissants de santé, le prince et la mission d'exploration qu'il avait organisée.
Le moins qu'on puisse dire, en attendant la publication complète des travaux de la mission, c'est que cette campagne a été des plus fécondes. Quand on songe au peu de temps qu'elle a duré, on est surpris, en vérité, des résultats acquis; la côte est du Groenland, reconnue et minutieusement relevée sur 80 milles de long, l'extrême point connu de ce continent reporté du 77e degré au delà du 78° 20, sans parler de quantité d'observations scientifiques faites en cours de route, tels sont les fruits d'un voyage de quatre mois.
Croquis provisoire de l'expédition de la Belgica,
d'après les indications de Monsieur le duc
d'Orléans et du commandant de Gerlache.
1. Point où la «Belgica» rencontra la banquise
(80º 20 de latitude).--2. Point d'entrée du navire
dans la banquise, le 21 juillet.--3. La première
terre aperçue, le 28 juillet.--4. Point de sortie
de la banquise (70° 26 de latitude).--Le carton
d'angle montre la rectification de la côte d'après
les relevés de l'expédition.
A peine la Belgica amarrée à l'entrée du bassin d'Ostende, le prince, qui avait commandé lui-même la délicate manoeuvre de l'accostage, voulait bien résumer pour nous ces quelques semaines d'une vie rude et salubre, au milieu des brumes interminables du Nord, des glaces de la banquise, des tourmentes, des frimas, avec, comme distractions, de fructueuses parties de chasse.
Nous avons annoncé en son temps le départ de la Belgica et donné la composition de son état-major. On sait que le duc d'Orléans avait fait appel au concours éclairé du commandant de Gerlache, qui fut son principal collaborateur et dont l'expérience et le dévouement, nous disait-il, lui ont été particulièrement précieux.
C'est le 3 juin dernier que l'expédition quittait Tromsoe, faisant voile au nord pour le Spitzberg; on était en avance et, sur les conseils de M. de Gerlache, le prince avait décidé de profiter de cette circonstance et d'aborder la banquise non plus par le sud, comme l'avaient fait les précédents explorateurs, mais par le nord.
Il demeura un mois dans les eaux du Spitzberg, étudiant la côte ouest, multipliant les expériences océanographiques.
Le moment venu, au jugé, de foncer sur la banquise, la Belgica remonta au-dessus du Spitzberg, poursuivant toujours les sondages et les pêches d'étude. La marche en avant fut quelques jours retardée par les glaces flottantes. Enfin le 8 juillet, par 80° 20 de latitude nord et 5° 40 de longitude est, on atteignait la banquise. Il fallut en côtoyer le bord abrupt en redescendant vers le sud-ouest, en quête d'un passage libre qui permît à la Belgica de s'y engager. On revint ainsi en arrière jusqu'au 21 juillet. Ce jour-là, par 76° 10 de latitude nord et 7 degrés de longitude ouest, on découvrait un chenal navigable, dirigé vers le nord-ouest. On le suivit.
Pendant toute une semaine, on navigua à l'aveuglette, à travers d'épaisses brumes. Mais on avait depuis longtemps dépassé le point extrême auparavant reconnu, le cap Bismarck. Et encore, ce point, baptisé comme la Terre du Roi Guillaume à la suite de l'expédition conduite par le capitaine prussien Koldewey, n'avait-il pas été atteint par mer. Après la perte de l'un de ses navires, la Hansa, Koldewey avait fait hiverner le second, la Germania, à l'île Sabine, et ce fut en traîneau, avec un détachement de son personnel, qu'il alla planter le drapeau prussien sur ce promontoire avant lui inconnu.
Le duc d'Orléans allait avoir meilleure fortune que ce devancier: le 28 juillet--la Belgica avait stoppé la veille--comme le prince, chasseur passionné et tireur dont l'habileté a émerveillé ses compagnons, venait de «descendre» un ours superbe, le rideau de brume s'éclaircit, se leva. On aperçut alors, dans le demi-jour polaire, une terre assez élevée qui émergeait, à bâbord du navire, de l'immensité blême. Une émotion indicible s'empara de tous. Séance tenante, Monsieur le duc d'Orléans partit avec un détachement pour l'atteindre; deux heures après, il la foulait. Un cairn était élevé et le drapeau aux trois couleurs françaises mettait sa note joyeuse dans ce paysage de désolation. Le soir elle était appelée «Terre de France» et, sur la proposition du commandant de Gerlache, avec l'assentiment du prince, la pointe qui la terminait reçut le nom de cap Philippe.
On quitta le 5 août ce point pour regagner la mer libre que l'on retrouva par 70° 20 de latitude.
La côte orientale du Groenland, du cap Bismarck au cap
Philippe. (Relevé du peintre Mérite.)
Dans ce voyage de retour, on eut la chance heureuse de pouvoir relever toute la côte très méticuleusement, la photographier même en certains points jusqu'au cap Bismarck, en noter les fiords, les anfractuosités, rapporter, en somme, des indications suffisantes pour établir presque sur toute la longueur une carte suffisamment exacte du contour. Et l'on peut voir que ce littoral, au lieu de se creuser vers l'est, comme le supposait Koldewey, s'incurve au contraire vers le nord-ouest.
Maintenant, s'agit-il d'une terre, d'un prolongement vers l'est du continent groenlandais ou d'une série d'îles? Le prince, très prudemment, évite de se prononcer. Il incline pourtant à croire que le cap Bismarck est la pointe sud d'une île.
--Et alors, dit-il gaiement, ce sera non plus la Terre de France, mais
l'archipel Français!
G. B.
Le cap Philippe.
1. Lieutenant-colonel Cornejo,--2. Colonel de la
Combe.--3. Major Salazar.--4. M. E. Collin, ingénieur du Creusot.--5.
Colonel Varela.--6. Général Echenique, président de la commission.--7.
Colonel Chaumeton.--8. Colonel Zuleta.--9. Colonel Abril.--10.
Lieutenant-colonel Régal. |
1. M. Michel Fort.--2. Major Salazar.--3. M. E.
Collin.--4. Lieutenant-colonel Régal.--5. Colonel Abril.--6. Colonel de
la Combe.--7. Colonel Muniz, ministre de la Guerre.--8. M. José Pardo,
président de la République.--9. Colonel Ugarte, chef d'état-major.--10.
Général Echenique.--11. Colonel Varela.--12. Colonel Chaumeton.--13.
Colonel Zuleta.--14. Lieutenant-colonel Cornejo. |
Le tir du canon Schneider-Canet de 75 millimètres par des artilleurs péruviens. |
Effet de neuf projectiles de 75 millimètres chargés à schneidérite sur une maison située à 1.000 mètres de distance. L'artillerie française, récemment victorieuse de ses concurrents en Portugal et en Bulgarie, vient de montrer encore ses excellentes qualités sur les bords du Pacifique. |
Au commencement de l'année actuelle la maison Schneider a, en effet, envoyé au Pérou un canon de campagne de 75 millimètres à tir rapide, «modèle léger 1904», avec un approvisionnement de 500 cartouches, pour qu'il y soit procédé à une série d'expériences destinées à mettre en évidence la valeur de ce matériel.
Ces expériences viennent d'avoir lieu en présence d'une commission composée des officiers d'artillerie les plus éminents de ce pays: M. le général Echenique, président; MM. le colonel Varela, commandant le régiment d'artillerie de montagne à Lima; colonel Abril, commandant en second le même régiment; colonel de la Combe; colonel Zuleta; lieutenant-colonel Régal; lieutenant-colonel Cornejo et major Salazar. Faisait également partie de cette commission M. le capitaine Chaumeton, membre de la mission militaire que le gouvernement français a mise, depuis plusieurs années, à la disposition du gouvernement péruvien (cet officier a, au Pérou, le grade de colonel).
Avec le concours de M. Emile Collin, le distingué ingénieur envoyé au Pérou par les ateliers du Creusot, les essais les plus variés ont eu lieu pendant tout un mois et ont produit sur la commission tout entière une excellente impression. Nous mentionnerons, en particulier, la séance au cours de laquelle fut exécuté, en présence de M. José Pardo, président de la République, un tir de projectiles chargés à «schneidérite», l'explosif spécial de l'artillerie du Creusot: après un tir de réglage préalable destiné à rechercher la hausse exacte du but, le feu fut ouvert à 1.000 mètres sur une maison abandonnée, solidement construite en briques, que neuf obus suffirent à démolir presque en entier, démontrant ainsi à la fois la justesse du tir de la pièce et la puissance de l'explosif employé.
Ces nombreuses épreuves, des plus concluantes, ont eu également un retentissement considérable dans l'opinion et ont démontré une fois de plus l'excellence des canons fabriqués en France, que leurs qualités maîtresses, solidité et facilité d'emploi de l'arme, rapidité et précision du tir, ont placés à la tête des matériels actuellement en service dans les armées européennes.
Les théâtres qui avaient fermé leurs portes commencent à les rouvrir; si le mauvais temps s'accentue, la saison théâtrale ne tardera pas à commencer sérieusement. Pour le moment, on peut aller à l'Opéra-Comique, au Gymnase et aux Folies-Dramatiques, qui offrent au public des spectacles déjà consacrés par le succès. Comme nouveauté, nous n'avons à signaler qu'un brave et honnête drame de M. Maurice Lefèvre, à l'Ambigu: le Crime d'un fils. C'est une nouveauté qui n'en est pas une, car les situations en sont familières aux habitués du théâtre «du crime», mais ceci n'est pas pour nuire à son succès. Il suffit que l'auteur ait réussi une fois de plus à provoquer alternativement le rire et les larmes du spectateur en lui contant l'histoire d'une pauvre mère réduite à la mendicité par les débordements de son garnement de fils; les deux sont sauvés en fin de compte par un docteur quelque peu spirite aidé d'un excellent gentilhomme. On a fort applaudi le marquis, quoiqu'il soit doublé d'un colonel. Est-ce un signe des temps?
Le Pérou a décidé d'établir un service de télégraphie sans fil de Lima à Iquitos, sur l'Amazone. La télégraphie ordinaire n'était pas possible: il était à peu près impossible de franchir les forêts vierges et, d'autre part, les Indiens, ne comprenant rien aux fils et les soupçonnant d'être des agents malfaisants, détruisaient le réseau à peine établi. On a bien songé à poser des câbles dans les rivières, mais le courant est trop rapide: il faudrait sans cesse renouveler la ligne, par suite d'usure.
Une autre solution a été adoptée: le gouvernement péruvien a chargé un ingénieur de la Compagnie de Télégraphie sans fil de Berlin de partir pour l'intérieur, avec quarante ouvriers et de nombreux Indiens porteurs, et de rechercher l'emplacement de cinq stations radio-télégraphiques, pour mettre en communication les rives atlantique et pacifique du pays. L'expédition, rendue très difficile pourtant par la nécessité de traverser des régions inhabitées et même inexplorées jusqu'ici, a fort tien réussi.
La compagnie allemande a obtenu le monopole de l'exploitation et va procéder à l'installation des stations. Entre Puerto-Bermudez, où s'arrête la télégraphie ordinaire, et Iquitos, il y a 1.000 kilomètres: trois stations seront établies entre ces deux points; le service sera même prolongé d'Iquitos à Manaos et Para. De la sorte, la télégraphie sans fil reliera l'Atlantique et le Pacifique.
En ces derniers temps, on se lamentait, à juste titre, sur la disparition rapide des ateliers de famille, qui sont si précieux pour la famille même de l'ouvrier, pour l'hygiène, et aussi pour certaines productions, qui réclament le travail individuel.
La force mécanique avait porté un coup sérieux à ces petits ateliers, dont elle avait amené l'absorption dans les grandes usines; mais les sociétés d'électricité sont venues leur assurer une vie nouvelle.
Dans un mémoire lu à l'Académie des sciences morales et politiques, M. G. Picot fait connaître qu'à Saint-Etienne plus de 10.000 métiers sont mus, chez l'ouvrier, à raison de 10 francs par mois pour chaque atelier individuel.
Le même mouvement se produit à Lyon, où plus de 700 métiers sont actionnés au domicile des canuts, à la Croix-Rousse.
A Paris même, le nombre des petits ateliers est considérable: dans un grand nombre de maisons des Xe et XIXe arrondissements, une machine à vapeur distribue la force à tous les étages. Les ouvriers occupent des pièces séparées; chaque petite salle est payée, avec la force motrice, 2 et 3 francs par jour.
La force électrique, plus souple, plus facile à conduire, est ainsi appelée à transformer les immeubles encombrés et malsains, et à assurer la durée des ateliers de famille, dont la prospérité est liée à la petite industrie parisienne.
Monument de Claude Tillier,
par E. Boisseau.
M. Bienvenu-Martin va présider, le dimanche 17 septembre, l'inauguration du monument élevé, à Clamecy, à Claude Tillier, pamphlétaire et romancier, qui naquit dans cette ville en 1801, fut d'abord soldat, puis maître d'école, donna, à L'Indépendant de Clamecy, des articles très mordants, publia quelques opuscules de polémique, vifs de ton--pour l'époque--et d'un style élégant, conquit la notoriété avec un roman tout à fait joli, Mon oncle Benjamin, qui fut suivi de plusieurs autres fort intéressants aussi, puis mourut à Ne vers, en 1844, honoré de l'estime de plusieurs littérateurs et critiques alors en vogue.
Le monument de Claude Tillier a été conçu et exécuté par le sculpteur E. Boisseau. Il mesure 4 m. 50 de hauteur. Il se compose d'une stèle que couronne le buste de l'écrivain. Contre cette stèle, un petit Satyre, enguirlandé d'églantier, symbolise le talent libre du pamphlétaire; à ses pieds, une tête d'enfant, émergeant des roseaux, évoque le Beuvron, la petite rivière orléanaise sur les bords de laquelle Tillier aimait à aller chercher l'inspiration.
Un journal de médecine transatlantique assure que rien ne convient mieux, comme exercice, aux obèses, que la natation. Mais il faut la natation à l'eau de mer. Et il ne suffit pas de petits bains de cinq ou dix minutes: il les faut d'une heure ou deux par jour. Et dans de l'eau froide, pas tiède, par surcroît. Pourquoi? C'est que l'exercice accélère la combustion des réserves du corps et le froid favorise le rayonnement et, par suite, aussi, la combustion. Le sujet qui se démène dans l'eau froide se brûle trois ou quatre fois plus vite que l'oisif qui reste assis à l'ombre, à se rafraîchir avec un éventail. Si, avec cela, il réduit son alimentation, en ce qui concerne le sucre et les féculents, il peut être assuré de maigrir rapidement. On peut ajouter que, de façon générale, l'air de mer accélère les combustions: il y a donc plusieurs bonnes raisons pour que l'obèse qui se baigne longuement à la mer et nage beaucoup perde du poids et de la chair, ou plutôt de la graisse.
La petite ville de Saint-Léger-Vauban, dans l'Yonne, pays natal du maréchal de Vauban, a inauguré, le dimanche 10 septembre, une statue élevée au grand ingénieur militaire. La cérémonie était présidée par M. Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
Statue de Vauban, par Guillot.
La statue, oeuvre du statuaire Guillot, enfant de l'Yonne, lui aussi, se dresse sur un piédestal en granit du Morvan, figurant un pan de fortification, une contrescarpe inventée par Vauban. Le maréchal est représenté debout, dirigeant les opérations d'un siège, la main gauche posée sur une carte; de la droite, qui tient une canne, il indique les travaux à effectuer.
On ignore peut-être, même parmi les médecins, que le Shylock mis en scène par Shakespeare n'a point été une imagination du dramaturge. L'original de Shylock a existé; et c'était un médecin. C'était un juif portugais, du nom de Buy, ou Boderigo Lopez, qui, grâce à son habileté médicale et aussi à son esprit d'intrigue, avait gagné la confiance de la reine Elisabeth. Il se fixa à Londres en 1559 et fut plusieurs années le médecin principal de la reine, jusqu'au moment où il se laissa séduire par la politique. Il fut médecin de l'hôpital Saint-Bartholomew, où il était logé, étant peu payé sans doute, mais ayant su se faire attribuer plusieurs petits profits. Peu estimé de ses confrères qui l'accusaient d'indélicatesses diverses, il sut gagner l'amitié de quelques grands personnages, grâce à qui il obtint de la reine le privilège et le monopole de l'importation de l'anis et du sumac en Angleterre. Ce médecin était en même temps un brocanteur dans l'âme. Harvey a écrit de Lopez: «Ce n'est point un des plus savants, ou des plus experts des médecins de la cour; mais il fait un grand plat de lui-même et a su se faire passer pour le meilleur, et, grâce à des pratiques juives, il a su accumuler une grosse fortune et même se faire quelque réputation auprès de la reine même et de quelques-uns des grands seigneurs et des grandes dames.» Des conspirateurs ayant offert 50.000 couronnes à Lopez pour assassiner la reine et participer à un complot espagnol, la cupidité du médecin fut éveillée; il écouta et discuta la proposition et se compromit assez pour qu'on le mît en prison, le complot ayant été découvert.
Son procès fut instruit, et il fut condamné à mort et exécuté en 1594, à la vive satisfaction de beaucoup de ses contemporains. De leur avis, rien n'était trop odieux pour n'avoir pas été fait par Lopez. Il était capable de tout pour de l'argent: sa réputation, à cet égard, était faite. Aussi a-t-il figuré dans plus d'une pièce, après sa mort. Shakespeare s'en est emparé et en a fait Shylock; Marlowe l'a utilisé dans le Juif de Malte et Faust; Dekker et Middleton l'ont fait figurer dans deux autres pièces. Shakespeare arriva premier: le Marchand de Venise fut joué deux mois après l'exécution de Lopez, alors que l'histoire de celui-ci était encore le thème de toutes les conversations. Lopez était soupçonné d'empoisonnements et l'on savait sa passion pour l'argent.
Il avait, pour avancer ses affaires, feint d'embrasser le christianisme et ne manquait pas une occasion de proclamer la sincérité de sa croyance. C'est à quoi pensait Shakespeare, sans doute, quand Antonio compare Shylock à «une pomme de belle apparence, dont le coeur est pourri».
Un médecin anglais, M. J. Burdon Cooper, s'étant mis lui-même au régime de l'eau de chaux pendant une dizaine de jours pour cause de troubles digestifs, fut très agréablement surpris en constatant qu'en même temps que ses troubles digestifs, une verrue avait disparu, contre laquelle il avait, jusque-là, vainement employé les traitements les plus variés. Ce pouvait être une coïncidence, sans doute, mais peut-être aussi y avait-il eu une action du remède. Pour s'assurer de la chose, M. Burdon Cooper s'est mis à traiter à l'eau de chaux tous les sujets porteurs de verrues. Il leur en faisait prendre, chaque jour après déjeuner, un verre, avec un peu de lait. Dans tous les cas, il a obtenu la disparition de la verrue; l'action a pu être plus ou moins rapide, mais elle n'a jamais manqué. En un temps qui avarié de quatre jours à six semaines, la verrue a disparu. Il faut donc un peu de patience à qui entreprend ce traitement: il ne faut pas se décourager si le succès n'est pas immédiat. Avis aux porteurs de verrues.
Il résulte d'un tableau dressé par le docteur Imbeaux, d'après les documents statistiques du ministère de l'Intérieur, que l'hygiène s'est grandement améliorée dans les 56 principales villes de France depuis vingt ans.
En 1886, pour l'ensemble de ces villes, la mortalité était de 26,4 décès pour 1.000 habitants. En 1903, elle était tombée à 20,14; et, dans ces chiffres, ceux dus à la fièvre typhoïde avaient diminué de moitié.
A Paris, en particulier, la mortalité a passé, dans ce laps de temps, de 24,5 pour 1.000 habitants à 17,24; et la fièvre typhoïde a diminué de plus d'un quart.
Toutefois, il est encore des villes où les progrès de l'hygiène ne se font pas sentir. En 1903, on a relevé une mortalité de 27,9 à Rouen; de 25,9 à Brest; de 25,3 à Avignon; de 25,1 à Cette; de 25 à Marseille, etc.
C'est Belfort qui détient le record de l'hygiène: la mortalité n'y a été, en 1903, que de 15,7 pour 1.000 habitants. Après Belfort, viennent Douai et Vincennes, avec le chiffre 16.
La bombe de Barcelone.--Le cortège funèbre des victimes
passant sur la place de l'attentat, la Rambla.
Les attentats anarchistes n'ont jamais signifié grand'chose. Le plus récent de tous, qui vient de terrifier Barcelone, en est peut-être aussi le plus incohérent.
C'est le 3 septembre dernier, à 1 h. 30, sur la Rambla, la promenade des fleurs, située au bord de la mer, qu'éclata la bombe. Il passait, à ce moment, des gens inoffensifs, des ouvriers, des enfants, des femmes. La détonation fut si violente qu'elle retentit jusqu'aux extrémités les plus éloignées de la ville. Le déplacement de l'air jeta un cocher à bas de son siège. Et ce fut, naturellement, un sauve-qui-peut général, au milieu d'une panique indescriptible. Suivant les détails que les journaux ont publiés sur cet événement, le nombre des blessés--presque tous cruellement atteints--serait de soixante environ. Deux femmes seulement sont mortes sur le coup. D'après les indications de la police, l'engin, enfermé dans une enveloppe de plâtre, de forme cubique, avait été déposé au pied d'un arbre. On ne croit guère à un complot. L'attentat est plutôt l'oeuvre d'un isolé, ayant agi d'après sa propre impulsion. La police suit des pistes et surveille des blessés.
En attendant l'arrestation du coupable, on a procédé à l'enterrement des victimes. Ces obsèques ont eu lieu le 5 septembre au matin, à 9 heures, au milieu d'une grande affluence de population. Toutes les autorités y assistaient. La famille royale et le gouvernement s'étaient fait représenter. Tout Barcelone suivait le convoi.
Un nouveau ballon dirigeable a fait, le 20 août dernier, ses débuts à New-York. Il a été construit sous les auspices, avec le concours d'un journal de là-bas, le New-York American, par M. A. Roy-Knabenshue, qui l'a piloté dans les airs. Il rappelle étonnamment--à s'y méprendre--les Santos-Dumont que nous vîmes évoluer à différentes reprises, avec des succès différents, au-dessus de Paris, de Monte-Carlo ou de Trouville: même enveloppe en forme de fuseau et, surtout, même poutre armée à section triangulaire; enfin, comme le dernier, celui de Trouville, hélice à l'avant.
La grande nouveauté que présenta l'American's, ce fut, à sa seconde ascension, le 23 août. Car, ce jour-là, l'aéronaute emportait avec lui cent chèques, variant de 1 à 100 dollars, qu'il lança, du haut des airs, aux badauds qui suivaient ses évolutions. «Tenez les yeux aux ciel et ramassez un des chèques», disait une proclamation, dans le style de Mangin, publiée le matin par notre confrère américain.
D'après le New-York American, 100.000 personnes avaient suivi la première ascension; toute la ville de New-York s'intéressa, le jour de la seconde, aux évolutions du ballon, avec passion, au point que les «affaires étaient abandonnées». On le croit sans peine. Ce détail, même mis à part, il semble, à en lire les comptes rendus, que les deux ascensions ont donné d'excellents résultats, l'American's est demeuré le premier jour cinquante-quatre minutes en l'air; le second, un peu plus d'une demi-heure. Et il est revenu chaque fois sans dommage à bon port.
UN «SANTOS-DUMONT» AMÉRICAIN.--
L'ascension de M. A.
Roy-Knabenshue, le 20 août, à New-York.
Chaloupe de la commission sanitaire, visitant les
péniches des mariniers sur la Sprée. |
Pavillon d'observation des malades à Koepenick, près de Berlin. |
LE CHOLÉRA EN ALLEMAGNE.
--Les précautions sanitaires à Berlin.
La carte ci-dessous indique la zone la plus atteinte par le tremblement de terre qui vient de secouer la presqu'île de Calabre.
Carte de la presqu'île de Calabre, indiquant,
par
l'intensité du grisé, l'état de dévastation.
C'est sur la côte occidentale, dans le district de Monte Leone, que le cataclysme semble avoir produit le plus de ravages. La secousse s'est propagée dans toutes les directions, touchant au nord l'extrémité de la province de Cosenza et atteignant, par delà le détroit, le territoire de Messine. En dehors de Monte Leone, Catanzaro, Martirano, Palmi, Tropea, ont été fort éprouvés.
Plusieurs gravures de notre supplément représentent ces gracieuses petites villes, pittoresquement situées dans une région assez malsaine, mais luxuriante, presque réduites aujourd'hui à des amas de ruines et où la densité de la population fait craindre un nombre de victimes dont on ne connaît encore que très approximativement l'importance.
Nous publions en même temps les premiers documents (dessins et photographies) que nous envoient nos correspondants italiens, accourus en Calabre dès la première nouvelle du désastre:
Une vue des fouilles dans les décombres à Monte Leone, et deux dessins de notre collaborateur, M. G. Amato, nous montrant, l'un, la procession de Saint-Michel, à Tropea, petite ville entre Monte Leone et Palmi, pour conjurer de nouveaux désastres; l'autre, la foule campée devant la cathédrale de Reggio.
La falaise de la Hève éboulée.--Phot. Dejean.
La falaise du cap de la Hève, près Sainte-Adresse, haute de 80 mètres, s'est effondrée, le 7 septembre au matin, sur une longueur de 250 mètres et une profondeur d'environ 40 mètres. Peu s'en est fallu que le sémaphore de la Hève fût emporté avec ses deux gardiens; il ne se trouve plus qu'à une quinzaine de mètres du bord de la falaise et, par mesure de prudence, on l'a évacué.
Un éboulement semblable s'est produit, au même endroit, il y a dix ans. Il est probable qu'il s'en produira encore d'autres. On se trouve en présence du phénomène géologique de «dénudation par la mer» qui concourt, avec tant d'autres aussi inéluctables, à modifier sans cesse, de façon lente mais sûre, le profil des continents.
Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, la mort, à l'âge de soixante-seize ans, de M. René Goblet, ancien président du Conseil.
M. René Goblet.
--Phot.Pirou, boul. St-Cermain.
Né à Aire (Pas-de-Calais) en 1828, M. Goblet était avocat à Amiens lorsque, en 1871, les électeurs de la Somme l'envoyèrent à l'Assemblée nationale. Réélu député en 1877, puis en 1881, il fut sous-secrétaire d'État à la Justice en 1879, ministre de l'Intérieur en 1882, de l'Instruction publique en 1885 et forma, en 1887, un cabinet où il prit le portefeuille de l'Intérieur. Renversé l'année suivante, il revenait au pouvoir comme ministre des Affaires étrangères (1888-1889). Après avoir occupé un siège au Sénat, il se fit élire député de Paris en 1893. Depuis son échec aux élections de 1898, il était rentré dans, la vie privée.
Quelques cas de choléra ont été signalés, à la fin du mois d'août, à Varsovie et dans la Prusse orientale, sur la frontière russe. De son point de départ sur la Vistule, le mal est arrivé graduellement aux environs de Berlin en suivant l'Oder et en contaminant les vallées adjacentes. Jusqu'en ces derniers jours on a constaté en Allemagne 139 cas avec 46 décès.
Des mesures énergiques sont prises pour arrêter l'invasion du fléau qui tend à se propager par les voies fluviales. Des postes d'observation sont établis de tous côtés; une commission spéciale, que notre gravure montre à bord du canot officiel, est chargée d'arrêter les bateliers et de les soumettre à une visite médicale. On peut donc espérer que l'épidémie, nettement circonscrite, aura bientôt disparu.
L'Illustration vient d'avoir le vif regret de perdre un de ses plus anciens collaborateurs, M. Jules Arnous de Rivière, décédé dans sa soixante-quinzième année, à la suite d'une courte maladie. De longue date, il s'occupait spécialement, avec autant d'ingéniosité que de compétence, de la partie du journal consacrée à la Science récréative et aux Jeux d'esprit; demeuré jusqu'à la fin en pleine possession de son activité intellectuelle, la mort seule a marqué le terme de son labeur assidu.
M. Arnous de Rivière.
--Ph. Pirou, b. St-Germain.
Port expert en tous les jeux, habile à résoudre les problèmes les plus compliqués, M. A. de Rivière a écrit divers ouvrages sur les échecs, le damier, le billard, les cartes, le trente et quarante; il est l'inventeur du damier diagonal, des dominos à deux couleurs, du salta-steeple, de l'étoile nationale, etc.
C'est surtout dans le monde des échecs qu'il avait acquis une réputation universelle: jadis, il eut l'honneur de tenir tête au célèbre joueur américain Murphy, surnommé «le Napoléon des échecs», et parfois même il réussit à le battre.
En 1870, M. A. de Rivière, bien qu'approchant de la quarantaine, avait pris une part active à la défense de Paris et sa vaillance lui avait valu la médaille militaire.
C'était un homme d'une haute courtoisie, d'une affabilité parfaite, chez qui des revers et des déboires dignement supportés n'avaient altéré, jusqu'au déclin de la vie, ni les qualités de l'esprit, ni celles du coeur.
Le cuirassé japonais Mikasa, qui portait, dans la guerre récente, le pavillon de l'amiral Togo et qui se trouvait, depuis quelque temps, à l'ancre à Sasebo, vient de couler à la suite d'un incendie qui fit exploser la soute aux munitions, déterminant une voie d'eau importante au-dessous de la ligne de flottaison. Nous avons publié une belle photographie du pont de ce cuirassé dans notre numéro du 22 avril dernier.
(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)
Le type de serrure que nous décrivons à nos lecteurs offre des caractères d'inviolabilité et de commodité des plus intéressants. Assez connue en Amérique, la serrure «Yale» l'est peu ou pas en Europe, et son originalité mérite une description détaillée. Cette serrure est dite à cylindre et à clé paracentriques.
Un rapide coup d'oeil sur les figures ci-dessous permet de se rendre compte du mécanisme et de sa remarquable sûreté.
La figure 1 représente la coupe du cylindre, la clé à demi engagée dans son logement, et soulevant au fur et à mesure une série de goujons mobiles dans le canon de la serrure. L'emplacement de ces goujons est en concordance parfaite avec les encoches de la clé.
La figure 2 montre une clé engagée à fond, mais n'étant pas celle de la serrure. Le canon intérieur, arrêté par les goujons, ne peut tourner, bien que la clé soit engagée entièrement. A plus forte raison ne pourra-t-on le faire manoeuvrer avec un instrument de crochetage, qu'il est du reste presque impossible de faire pénétrer dans l'entrée paracentrique, en raison de ses dimensions minuscules et de sa forme.
La figure 3, au contraire, montre le fonctionnement du mécanisme intérieur sous l'action de sa clé propre. Le canon tourne librement, entraînant dans sa course la série des goujons inférieurs et actionnant une came fixée à l'extrémité et qui agit sur le pêne de la serrure.
La petite clé Yale, qui mesure peut-être moins d'un millimètre d'épaisseur pour 4 à 5 centimètres de long, est en melchior, d'une grande solidité. Elle est légère, élégante; un trousseau d'une dizaine de ces clés prend place facilement dans un porte-monnaie, une poche de gilet. Elle est elle-même tout un trousseau, les serrures «Yale» pouvant être ajustées sur clés passe-partout. Une clé peut ouvrir un très grand nombre de serrures, toutes différentes les unes des autres, ayant chacune leur clé propre. Ces serrures peuvent se diviser en plusieurs séries, commandées dans chaque série par une clé maîtresse. Une clé passe-partout peut être ajustée à la fois sur des serrures de portes d'entrée, des serrures de meubles et même sur des cadenas munis de ce mécanisme. C'est dire qu'il suffit d'une seule clé pour ouvrir toutes les serrures d'une même maison.
On conçoit aisément l'avantage de ce système pour les administrations, les grandes usines, les grands hôtels.
Nous devons ajouter que le cylindre Yale s'applique à bon nombre de modèles de serrures. Notre figure 4 représente une serrure pour portes d'entrée, à tirage (prix: 25 fr. 50), possédant à l'intérieur et à l'extérieur un double mécanisme; celui de l'extérieur est indépendant et fixé par une barre d'assemblage d'épaisseur variable, suivant celle de la porte, et permettant par suite d'adapter la serrure à des portes variant de 22 à 76 millimètres d'épaisseur, sans modification de grandeur de la clé. Les serrures «Yale» se trouvent dans les principales maisons de quincaillerie. Pour tous renseignements, s'adresser à la maison Yale et Tourne, 107, avenue Parmentier, Paris.
A TROPEA, APRÈS LA CATASTROPHE.
Procession de la statue
de saint Michel, patron de la ville, pour conjurer de nouveaux
désastres.
Dessin d'après nature de G. Amato--Voir l'article, page 192
du numéro.]
A MONTE LEONE.--Les soldats cherchent les victimes dans
les décombres.--D'après une photographie. La population a évacué la
ville et est maintenue loin des ruines.--Monte Leone avait été déjà
détruit par le tremblement de terre de 1783.
Type d'habitant de Martirano (village de 2.400 habitants, un des plus éprouvés) |
Vendeur d'eau à Catanzaro (ville de 28.000 habitants, en grande partie détruite) |
Le rivage occidental de la Calabre, près de Palmi (ville
de 15.000 habitants, où plus de 300 maisons sont en ruines)
Panorama de Scilla, en face de Messine: le phare, à
gauche, est maintenant écroulé.
Une vue de Monte Leone (ville de 12.000 habitants, centre
du cataclysme)
Tropea (6.000 habitants), près de Monte Leone.
VUES DES VILLES ET DES VILLAGES DE CALABRE LES PLUS ÉPROUVÉS PAR LE
TREMBLEMENT DE TERRE.
Voir le texte et la carte à la page 192 du
numéro.
End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 3264, 16 Septembre 1905, by Various *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3264, 16 *** ***** This file should be named 35929-h.htm or 35929-h.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/3/5/9/2/35929/ Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. 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Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. 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