Project Gutenberg's Oeuvres de P. Corneille, Tome IV, by Pierre Corneille This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org/license Title: Oeuvres de P. Corneille, Tome IV Author: Pierre Corneille Editor: Ch. (Charles Joseph) Marty-Laveaux Release Date: May 19, 2012 [EBook #39739] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME IV *** Produced by Hèléne de Mink, Carlo Traverso and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
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LES
GRANDS ÉCRIVAINS
DE LA FRANCE
NOUVELLES ÉDITIONS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION
DE M. AD. REGNIER
Membre de l'Institut
TOME IV
PARIS.——IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET Cie
Rue de Fleurus, 9
NOUVELLE ÉDITION
REVUE SUR LES PLUS ANCIENNES IMPRESSIONS
ET LES AUTOGRAPHES
ET AUGMENTÉE
de morceaux inédits, des variantes, de notices, de notes, d'un lexique des mots
et locutions remarquables, d'un portrait, d'un fac-simile, etc.
PAR M. CH. MARTY-LAVEAUX
TOME QUATRIÈME
PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie
BOULEVARD SAINT-GERMAIN
1862
Le génie espagnol attirait Corneille avec une violence impérieuse dont il nous a lui-même fait l'aveu dans l'Épître qu'il a placée en tête du Menteur. «J'ai cru, dit-il, que nonobstant la guerre des deux couronnes, il m'étoit permis de trafiquer en Espagne. Si cette sorte de commerce étoit un crime, il y a longtemps que je serois coupable, je ne dis pas seulement pour le Cid, où je me suis aidé de D. Guillen de Castro, mais aussi pour Médée, dont je viens de parler, et pour Pompée même, où pensant me fortifier du secours de deux Latins, j'ai pris celui de deux Espagnols, Sénèque et Lucain étant tous deux de Cordoue[1].»
Sa prédilection pour Lucain datait de loin; il avait remporté un prix de rhétorique pour une traduction en vers français d'un morceau de la Pharsale, et, après les éclatants triomphes de la scène, il se plaisait encore à se rappeler cette humble victoire de collége et le bonheur qu'elle lui avait causé[2].
Huet s'exprime ainsi dans le paragraphe de ses Origines de Caen consacré à Malherbe: «S'il a manqué de goût dans le discernement de la belle poésie, ce défaut lui a été commun avec plusieurs excellents poëtes que j'ai connus. Le grand Corneille, prince des poëtes dramatiques françois, m'a avoué, non sans quelque peine et quelque honte, qu'il préféroit Lucain à Virgile. Mais cela est plus excusable dans un poëte de théâtre, qui cherchant à plaire au peuple et s'étant fait un long usage de tourner ses pensées de ce côté-là, y avoit aussi formé son goût, et n'étoit plus touché que de ce qui touche 4 le plus le vulgaire, de ces sentiments héroïques, de ces figures brillantes et de ces expressions relevées[3].»
Boileau, moins accommodant, ne peut contenir son indignation, et l'exhale dans ces vers de l'Art poétique[4], qui paraissent bien s'appliquer à Corneille:
Corneille tenait très-fort à prouver qu'il possédait le secret de cette diction majestueuse si sérieusement admirée par lui chez autrui: c'était la qualité dont il était le plus fier; il ne souffrait pas qu'on élevât un doute à cet égard, et sa susceptibilité sur ce point nous a valu la Mort de Pompée. «J'ai fait Pompée, dit-il dans l'Épître qui est en tête du Menteur, pour satisfaire à ceux qui ne trouvoient pas les vers de Polyeucte si puissants que ceux de Cinna, et leur montrer que j'en saurois bien retrouver la pompe, quand le sujet le pourroit souffrir.»
5 Toutefois l'idée de transporter à la scène les plus beaux morceaux de la Pharsale ne s'est pas offerte d'elle-même à Corneille: il la doit bien évidemment à Chaulmer, auteur d'une traduction abrégée des Annales de Baronius, qui a publié en 1638, chez Antoine de Sommaville, un des libraires de notre poëte, la Mort de Pompée, tragédie. Cette pièce, dédiée à Richelieu, diffère tout à fait par le plan de celle de Corneille. Elle a, il est vrai, le mérite de mieux justifier son titre, car Pompée en est le principal personnage, mais ce mérite est à peu près le seul qu'elle possède. L'auteur a eu cependant la pensée de substituer à l'unique discours de Photin sur le parti à prendre à l'égard de Pompée une véritable délibération, déjà dramatique, qui a été de quelque utilité à Corneille pour l'admirable scène par laquelle sa pièce commence[5].
Rappelons, pour être complet, que Garnier a publié en 1574 une tragédie intitulée Cornélie. On y trouve, entre la veuve de Pompée et Philippe, l'affranchi de Pompée, une scène déclamatoire et peu intéressante, mais dont toutefois certains traits ont fourni à Voltaire de curieux rapprochements avec la pièce de Corneille. Nous les avons reproduits dans les notes dont notre texte est accompagné[6].
Corneille nous apprend qu'il composa la Mort de Pompée dans le même hiver que le Menteur[7]; les frères Parfait la placent la dernière parmi les pièces de l'année 1641, mais ils ne disent pas sur quel théâtre elle a été représentée. D'après le Journal du Théâtre françois de Mouhy[8], la tragédie de Chaulmer fut jouée par la troupe du Marais en 1638[9], et celle de Corneille en 1641, par la troupe Royale[10]. Au premier abord, cette assertion semble être confirmée par un passage d'une mazarinade de 1649, intitulée Lettre de Bellerose à l'abbé de la Rivière. En effet, la femme de Bellerose, comédienne de l'hôtel de Bourgogne, y est appelée «cette Cléopatre.... cette impératrice de 6 nos jeux;» mais il est bien probable qu'il est question ici du rôle principal de la Cléopatre de Benserade, représentée en 1635, et non du personnage de Cléopatre dans la Mort de Pompée. Ce passage de la notice que Lemazurier consacre à Mme Bellerose paraît le prouver: «Cette actrice faisait partie de la troupe de l'hôtel de Bourgogne.... Benserade en devint si passionnément amoureux, qu'il quitta pour elle la Sorbonne, où il étudiait, et l'état ecclésiastique, auquel ses parents le destinaient. Peu s'en fallut qu'il n'embrassât l'état de comédien pour être plus sûr de lui plaire; il se borna cependant à lui faire hommage de sa tragédie de Cléopatre[11].» Suivant l'édition de M. Lefèvre, ce fut au Marais que Pompée fut représenté. En effet, la distribution des rôles est ainsi faite dans cette édition: César, d'Orgemont; Cornélie, Mlle Duclos; Ptolmée, Floridor; mais il est impossible de savoir d'où ces renseignements sont tirés.
Ce qui est certain, c'est qu'en 1663 Pompée était joué par la troupe de Molière, et que Molière lui-même remplissait dans cette pièce le rôle de César. Ce passage de l'Impromptu de l'hôtel de Condé[12] ne laisse aucun doute à ce sujet:
Plus tard, l'élève de prédilection de Molière, Michel Baron, a rempli à son tour ce même rôle avec un grand succès[14].
Cornélie fut un des triomphes d'Adrienne le Couvreur. Le plus beau portrait de cette actrice, que la gravure de Drevet a rendu presque populaire, est celui où Coypel l'a représentée dans ce rôle, vêtue de deuil et portant l'urne qui contient les cendres de Pompée. La vue de cette belle peinture a inspiré à Mlle Clairon les réflexions suivantes: «L'ignorance et la fantaisie font faire tant de contre-sens au théâtre, qu'il est impossible que je les relève tous; mais il en est un que je ne puis passer sous silence: c'est de voir arriver Cornélie en noir. Le vaisseau dans lequel elle fuit, le peu de moments qui se sont écoulés entre l'assassinat de son époux et son arrivée à Alexandrie, n'ont pu lui laisser le temps ni les moyens de se faire faire des habits de veuve; et certainement les dames romaines n'avaient point la précaution d'en tenir de tout prêts dans leur bagage. La célèbre le Couvreur, en se faisant peindre dans ce vêtement, prouve qu'elle le portait au théâtre. Ce devrait être une autorité imposante pour moi-même; mais, d'après la réputation qui lui reste, j'ose croire qu'elle n'a fait cette faute que d'après quelques raisons que j'ignore, et qu'elle-même en sentait tout le ridicule[15].»
Les Mémoires pour Marie-Françoise Dumesnil répondent, non sans raison, à Mlle Clairon: «Êtes-vous bien sûre qu'il fallût à une dame romaine, pour se mettre en deuil, tout l'attirail d'une dame française? Êtes-vous bien sûre qu'elle eût 8 besoin de marchandes de modes, de cordonniers, de tailleurs, de frangiers, de bijoutiers, pour se revêtir des habits funèbres?... Je me permettrai de vous proposer une moyenne proportionnelle. L'actrice qui jouera Cornélie ne pourra désormais être en deuil d'appareil, mais elle portera un voile noir relevé et se drapera de noir. Il est à croire que la célèbre le Couvreur ne s'est permis aucune innovation en portant des habits de deuil dans le rôle de Cornélie. Il est à croire que l'actrice qui l'avait précédée jouait le rôle dans le même costume sous les yeux de Corneille[16].»
Du reste, Mlle Clairon nous apprend qu'elle ne représenta jamais Cornélie: «Ayant à jouer ce rôle, dit-elle, j'ai fait sur lui toutes les études dont j'étais capable: aucune ne m'a réussi. La modulation que je voulais établir d'après le personnage historique n'allait point du tout avec le personnage théâtral; autant le premier me paraissait noble, simple, touchant, autant l'autre me paraissait gigantesque, déclamatoire et froid. Je me gardai bien de penser que le public et Corneille eussent tort: ma vanité n'allait point jusque-là; mais pour ne pas la compromettre, je me promis de me taire, et de ne jamais jouer Cornélie[17].» Elle comprit, au contraire, et joua parfaitement dans la même pièce le rôle de Cléopatre[18].
Un jour la représentation de Pompée causa à une des spectatrices un genre d'émotion que Corneille n'avait assurément ni cherché ni prévu. Cette historiette est racontée dans une note d'une chanson du Recueil Maurepas[19], et comme cette chanson est inédite et n'a que trois couplets, nous allons la rapporter en entier.
CHANSON.
Sur l'air: Amants, aimez vos chaînes.
A Bonne de Pons, femme de Michel Sublet, marquis d'Heudicourt, grand louvetier de France.
Le quatrième vers du dernier couplet donne lieu à la note suivante: «L'auteur raille ici sur les chimères de la maison de Cossé à propos de celle de la maison de Pons, et surtout sur Marie de Cossé, veuve de Charles de la Porte, duc de la Meilleraye, pair et maréchal de France, etc., laquelle étoit plus entêtée que personne de la maison sur l'étrange chimère dont elle est infatuée. La maison de Cossé est originaire du Maine, où leur fief existe encore, qui est une grosse paroisse appelée Cossé. Ils étoient au service des ducs d'Anjou et du Maine, leurs souverains, qu'ils suivirent à la conquête du royaume de Naples. La branche aînée y périt; et la cadette, qui étoit restée en Anjou, où ils étoient seigneurs d'une petite terre appelée Beaulieu, dans la sénéchaussée de Baugé, a fondé la branche des ducs de Brissac. Malgré tout cela, François de Cossé, second duc de Brissac, s'avisa de vouloir venir des Cossa de Naples, bien qu'ils fussent différents en armoiries; et non content de cette chimère, il y en ajouta une autre, qui étoit de venir de 10 Cocceius Nerva, empereur romain l'an 98, et enfin de Jules César. Il laissa cette fantaisie à ses enfants, dont la plus entêtée étoit la maréchale duchesse de la Meilleraye. On conte d'elle qu'un jour étant à la comédie, on y représenta la Mort de Pompée de l'illustre Pierre Corneille, et que comme elle y pleuroit amèrement, quelqu'un lui demanda pourquoi elle versoit tant de larmes; à quoi elle répondit: «Je pense bien, c'étoit mon oncle;» parce que Pompée étoit gendre de Jules César[20].»
L'édition originale de la tragédie de Corneille a pour titre:
La Mort de Pompee, tragedie. A Paris, chez Antoine de Sommauille.... et Augustin Courbé.... M.DC.XLIV. Auec priuilege du Roy.
Elle forme un volume in-4o de 7 feuillets et 100 pages, orné d'un frontispice de Chauveau représentant le meurtre de Pompée. L'achevé d'imprimer est du 16 février; le privilége, commun à la Mort de Pompée et au Menteur, avait été accordé le 22 janvier à Corneille, qui l'avait cédé aux deux libraires dont les noms figurent sur le titre. Cette tragédie a été imprimée sous la même date et avec la même adresse dans le format in-12.
La dédicace, adressée à Mazarin, est suivie, dans ces deux éditions de 1644, d'une pièce de vers intitulée: A Son Éminence, Remercîment, présentée trois mois auparavant par Corneille au Cardinal, pour lui rendre grâce d'un présent, dont le poëte se sentait d'autant plus touché qu'il n'avait rien eu à faire pour l'obtenir. On trouvera dans les Poésies diverses ce remercîment, et le court avis Au lecteur dont il est suivi dans l'édition in-12 seulement, avis où Corneille rappelle les circonstances qui le lui ont inspiré.
A MONSEIGNEUR
L'ÉMINENTISSIME CARDINAL MAZARIN[21].
Monseigneur,
Je présente le grand Pompée à Votre Éminence, c'est-à-dire le plus grand personnage de l'ancienne Rome au plus illustre de la nouvelle. Je mets sous la protection du premier ministre de notre jeune roi un héros qui dans sa bonne fortune fut le protecteur de beaucoup de rois, et qui dans sa mauvaise eut encore des rois pour ses ministres. Il espère de la générosité de Votre Éminence qu'elle ne dédaignera pas de lui conserver cette seconde vie que j'ai tâché de lui redonner, et que lui rendant cette justice qu'elle fait rendre par tout le royaume, elle le vengera pleinement de la mauvaise politique de la cour d'Égypte. Il l'espère, et avec raison, puisque dans le peu de séjour qu'il a fait en France, il a déjà su de la voix publique que les maximes dont vous vous servez pour la conduite de cet État ne sont point fondées sur d'autres principes que sur ceux de la vertu. Il a su d'elle les obligations que vous a la France de l'avoir choisie pour votre seconde mère, qui vous est d'autant plus redevable, que les grands services que vous lui rendez sont de purs effets de votre inclination et de votre 12 zèle, et non pas des devoirs de votre naissance. Il a su d'elle que Rome[22] s'est acquittée envers notre jeune monarque de ce qu'elle devoit à ses prédécesseurs, par le présent qu'elle lui a fait de votre personne. Il a su d'elle enfin que la solidité de votre prudence et la netteté de vos lumières enfantent des conseils si avantageux pour le gouvernement, qu'il semble que ce soit vous à qui, par un esprit de prophétie, notre Virgile ait adressé ce vers il y a plus de seize siècles:
Voilà, Monseigneur, ce que ce grand homme a appris en apprenant à parler françois:
et comme la gloire de V. É. est assez assurée sur la fidélité de cette voix publique, je n'y mêlerai point la foiblesse de mes pensées, ni la rudesse de mes expressions, qui pourroient diminuer quelque chose de son éclat; et je n'ajouterai rien aux célèbres témoignages 13 qu'elle vous rend, qu'une profonde vénération pour les hautes qualités qui vous les ont acquis, avec une protestation très-sincère et très-inviolable d'être toute ma vie,
MONSEIGNEUR,
De V. É.,
Le très-humble, très-obéissant
et très-fidèle serviteur,
Corneille.
Si je voulois faire ici ce que j'ai fait en mes deux derniers ouvrages[26], et te donner le texte ou l'abrégé des auteurs dont cette histoire est tirée, afin que tu pusses remarquer en quoi je m'en serois écarté pour l'accommoder au théâtre, je ferois un avant-propos dix fois plus long que mon poëme, et j'aurois à rapporter des livres entiers de presque tous ceux qui ont écrit l'histoire romaine. Je me contenterai de t'avertir que celui dont je me suis le plus servi a été le poëte Lucain, dont la lecture m'a rendu si amoureux de la force de ses pensées et de la majesté de son raisonnement, qu'afin d'en enrichir notre langue, j'ai fait cet effort pour réduire en poëme dramatique ce qu'il a traité en épique[27]. Tu trouveras ici cent ou deux cents vers traduits ou imités de lui[28]. J'ai tâché de le suivre dans le reste[29], et de prendre son caractère quand son exemple m'a manqué: si je suis demeuré 15 bien loin derrière, tu en jugeras. Cependant j'ai cru ne te déplaire pas de te donner ici trois passages qui ne viennent pas mal à mon sujet. Le premier est un épitaphe[30] de Pompée, prononcé par Caton dans Lucain. Les deux autres sont deux peintures de Pompée et de César, tirées de Velleius Paterculus. Je les laisse en latin, de peur que ma traduction n'ôte trop de leur grâce et de leur force; les dames se les feront expliquer[31].
Cato, apud Lucanum, Lib. IX (vers. 190-214)[33].
Velleius Paterculus, lib. II (cap. XXIX).
Fuit hic genitus matre Lucilia, stirpis senatoriæ, forma excellens, non ea qua flos commendatur ætatis, sed dignitate et constantia, quæ in illam conveniens amplitudinem, fortunam quoque ejus ad ultimum vitæ comitata est diem: innocentia eximius, sanctitate præcipuus, eloquentia medius; potentiæ, quæ honoris causa ad eum deferretur, non ut ab eo occuparetur, cupidissimus; dux bello peritissimus; civis in toga (nisi ubi vereretur ne 18 quem haberet parem) modestissimus, amicitiarum tenax, in offensis exorabilis, in reconcilianda gratia fidelissimus, in accipienda satisfactione facillimus, potentia sua nunquam aut raro ad impotentiam usus; pæne omnium votorum[36] expers, nisi numeraretur inter maxima, in civitate libera dominaque gentium, indignari, quum omnes cives jure haberet pares, quemquam æqualem dignitate conspicere.
Velleius Paterculus, lib. II (cap. XLI).
Hic, nobilissima Juliorum genitus familia, et, quod inter omnes antiquissimos constabat, ab Anchise ac Venere deducens genus, forma omnium civium excellentissimus, vigore animi acerrimus, munificentia effusissimus, animo super humanam et naturam et fidem evectus, magnitudine cogitationum, celeritate bellandi, patientia 19 periculorum, Magno illi Alexandro, sed sobrio, neque iracundo, simillimus; qui denique semper et somno et cibo in vitam, non in voluptatem uteretur.
A bien considérer cette pièce, je ne crois pas qu'il y en aye sur le théâtre où l'histoire soit plus conservée et plus falsifiée tout ensemble. Elle est si connue, que je n'ai osé en changer les événements; mais il s'y en trouvera peu qui soient arrivés comme je les fais arriver. Je n'y ai ajouté que ce qui regarde Cornélie, qui semble s'y offrir d'elle-même, puisque, dans la vérité historique, elle étoit dans le même vaisseau que son mari lorsqu'il aborda en Égypte, qu'elle le vit descendre dans la barque, où il fut assassiné à ses yeux par Septime[38], et qu'elle fut poursuivie sur mer par les ordres de Ptolomée[39]. C'est ce qui m'a donné occasion de feindre qu'on l'atteignit, et qu'elle fut ramenée devant César, bien que l'histoire n'en parle point. La diversité des lieux où les choses se sont passées, et la longueur du temps qu'elles ont consumé dans la vérité historique, m'ont réduit à cette falsification, pour les ramener dans l'unité de jour et de lieu. Pompée fut massacré devant les murs de Pélusium, 20 qu'on appelle aujourd'hui Damiette, et César prit terre à Alexandrie. Je n'ai nommé ni l'une ni l'autre ville, de peur que le nom de l'une n'arrêtât l'imagination de l'auditeur, et ne lui fît remarquer malgré lui la fausseté de ce qui s'est passé ailleurs. Le lieu particulier est, comme dans Polyeucte, un grand vestibule commun à tous les appartements du palais royal; et cette unité n'a rien que de vraisemblable, pourvu qu'on se détache de la vérité historique. Le premier, le troisième et le quatrième acte y ont leur justesse manifeste; il y peut avoir quelque difficulté pour le second et le cinquième, dont Cléopatre ouvre l'un, et Cornélie l'autre. Elles sembleroient toutes deux avoir plus de raison de parler dans leur appartement; mais l'impatience de la curiosité féminine les en peut faire sortir: l'une pour apprendre plus tôt les nouvelles de la mort de Pompée, ou par Achorée, qu'elle a envoyé en être témoin, ou par le premier qui entrera dans ce vestibule; et l'autre, pour en savoir du combat de César et des Romains contre Ptolomée et les Égyptiens, pour empêcher que ce héros n'en aille donner[40] à Cléopatre avant qu'à elle, et pour obtenir de lui d'autant plus tôt la permission de partir. En quoi on peut remarquer que comme elle sait qu'il est amoureux de cette reine, et qu'elle peut douter qu'au retour de son combat, les trouvant ensemble, il ne lui fasse le premier compliment, le soin qu'elle a de conserver la dignité romaine lui fait prendre la parole la première, et obliger par là César à lui répondre avant qu'il puisse dire rien à l'autre.
Pour le temps, il m'a fallu réduire en soulèvement tumultuaire une guerre qui n'a pu durer guère moins d'un an, puisque Plutarque rapporte qu'incontinent 21 après que César fut parti d'Alexandrie, Cléopatre accoucha de Césarion[41]. Quand Pompée se présenta pour entrer en Égypte, cette princesse et le Roi son frère avoient chacun leur armée prête à en venir aux mains l'une contre l'autre, et n'avoient garde ainsi de loger dans le même palais. César, dans ses Commentaires, ne parle point de ses amours avec elle, ni que la tête de Pompée lui fut présentée quand il arriva: c'est Plutarque[42] et Lucain[43] qui nous apprennent l'un et l'autre; mais ils ne lui font présenter cette tête que par un des ministres du Roi, nommé Théodote, et non pas par le Roi même, comme je l'ai fait[44].
Il y a quelque chose d'extraordinaire dans le titre de 22 ce poëme, qui porte le nom d'un héros qui n'y parle point; mais il ne laisse pas d'en être, en quelque sorte, le principal acteur, puisque sa mort est la cause unique de tout ce qui s'y passe. J'ai justifié ailleurs[45] l'unité d'action qui s'y rencontre, par cette raison que les événements y ont une telle dépendance l'un de l'autre, que la tragédie n'auroit pas été complète, si je ne l'eusse poussée jusqu'au terme[46] où je la fais finir. C'est à ce dessein que dès le premier acte, je fais connoître la venue de César, à qui la cour d'Égypte immole Pompée pour gagner les bonnes grâces du victorieux; et ainsi il m'a fallu nécessairement faire voir quelle réception il feroit à leur lâche et cruelle politique. J'ai avancé l'âge de Ptolomée, afin qu'il pût agir, et que, portant le titre de roi, il tâchât d'en soutenir le caractère. Bien que les historiens et le poëte Lucain l'appellent communément rex puer, «le roi enfant[47],» il ne l'étoit pas à tel point qu'il ne fût en état d'épouser sa sœur Cléopatre, comme l'avoit ordonné son père. Hirtius dit qu'il étoit puer jam adulta ætate[48]; et Lucain appelle Cléopatre incestueuse, dans ce vers qu'il adresse à ce roi par apostrophe:
soit qu'elle eût déjà contracté ce mariage incestueux, soit à cause qu'après la guerre d'Alexandrie et la mort de Ptolomée, César la fit épouser à son jeune frère, qu'il 23 rétablit dans le trône[50]: d'où l'on peut tirer une conséquence infaillible, que si le plus jeune des deux frères étoit en âge de se marier quand César partit d'Égypte, l'aîné en étoit capable quand il y arriva, puisqu'il n'y tarda pas plus d'un an.
Le caractère de Cléopatre garde une ressemblance ennoblie par ce qu'on y peut imaginer de plus illustre. Je ne la fais amoureuse que par ambition, et en sorte qu'elle semble n'avoir point d'amour qu'en tant qu'il peut servir à sa grandeur. Quoique la réputation qu'elle a laissée la fasse passer pour une femme lascive et abandonnée à ses plaisirs, et que Lucain, peut-être en haine de César, la nomme en quelque endroit meretrix regina[51], et fasse dire ailleurs à l'eunuque Photin, qui gouvernoit sous le nom de son frère Ptolomée:
je trouve qu'à bien examiner l'histoire, elle n'avoit que de l'ambition sans amour, et que par politique elle se servoit des avantages de sa beauté pour affermir sa fortune. Cela paroît visible, en ce que les historiens ne marquent point qu'elle se soit donnée qu'aux deux premiers 24 hommes du monde, César et Antoine; et qu'après la déroute de ce dernier, elle n'épargna aucun artifice pour engager Auguste dans la même passion qu'ils avoient eue pour elle, et fit voir par là qu'elle ne s'étoit attachée qu'à la haute puissance d'Antoine, et non pas à sa personne.
Pour le style, il est plus élevé en ce poëme qu'en aucun des miens, et ce sont, sans contredit, les vers les plus pompeux que j'aye faits. La gloire n'en est pas toute à moi: j'ai traduit de Lucain tout ce que j'y ai trouvé de propre à mon sujet; et comme je n'ai point fait de scrupule d'enrichir notre langue du pillage que j'ai pu faire chez lui, j'ai tâché, pour le reste, à entrer si bien dans sa manière de former ses pensées et de s'expliquer, que ce qu'il m'a fallu y joindre du mien sentît son génie, et ne fût pas indigne d'être pris pour un larcin que je lui eusse fait[53]. J'ai parlé, en l'examen de Polyeucte[54], de ce que je trouve à dire en la confidence que fait Cléopatre à Charmion au second acte[55]; il ne me reste qu'un mot touchant les narrations d'Achorée, qui ont toujours passé pour fort belles[56]: en quoi je ne veux pas aller contre le jugement du public, mais seulement faire remarquer de nouveau[57] que celui qui les fait et les personnes qui les écoutent ont l'esprit assez tranquille pour avoir toute la patience qu'il y faut donner. Celle du troisième acte, qui est à mon gré la plus magnifique, a été accusée de n'être pas reçue par une personne digne de la recevoir; mais bien que Charmion qui l'écoute ne soit qu'une domestique de Cléopatre, qu'on peut toutefois prendre 25 pour sa dame d'honneur, étant envoyée exprès par cette reine pour l'écouter, elle tient lieu de cette reine même, qui cependant montre un orgueil digne d'elle, d'attendre la visite de César dans sa chambre sans aller au-devant de lui. D'ailleurs Cléopatre eût rompu tout le reste de ce troisième acte, si elle s'y fût montrée; et il m'a fallu la cacher par adresse de théâtre, et trouver pour cela dans l'action un prétexte qui fût glorieux pour elle, et qui ne laissât point paroître le secret de l'art qui m'obligeoit à l'empêcher de se produire.
LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES DE POMPÉE.
ÉDITIONS SÉPARÉES.
RECUEILS.
MARC ANTOINE. | |
LÉPIDE. | |
CORNÉLIE, | femme de Pompée[58]. |
PTOLOMÉE, | roi d'Égypte. |
CLÉOPATRE, | sœur de Ptolomée[59]. |
PHOTIN, | chef du conseil d'Égypte[60]. |
ACHILLAS, | lieutenant général des armées du roi d'Égypte. |
SEPTIME, | tribun romain, à la solde du roi d'Égypte. |
CHARMION, | dame d'honneur de Cléopatre[61]. |
ACHORÉE, | écuyer de Cléopatre[62]. |
PHILIPPE, | affranchi de Pompée[63]. |
Troupe de Romains. | |
Troupe d'Égyptiens. |
La scène est en Alexandrie, dans le palais de Ptolomée[64].
POMPÉE.
TRAGÉDIE[65].
PTOLOMÉE, PHOTIN, ACHILLAS, SEPTIME.
PTOLOMÉE, PHOTIN.
PTOLOMÉE, CLÉOPATRE, PHOTIN.
PTOLOMÉE, PHOTIN.
FIN DU PREMIER ACTE.
CLÉOPATRE, CHARMION.
CLÉOPATRE, ACHORÉE, CHARMION.
PTOLOMÉE, CLÉOPATRE, CHARMION.
PTOLOMÉE, PHOTIN.
FIN DU SECOND ACTE.
CHARMION, ACHORÉE.
CÉSAR, PTOLOMÉE, LÉPIDE, PHOTIN, ACHORÉE[154];
Soldats romains, Soldats égyptiens.
CÉSAR, ANTOINE, LÉPIDE.
CÉSAR, CORNÉLIE, ANTOINE, LÉPIDE, SEPTIME.
FIN DU TROISIÈME ACTE.
PTOLOMÉE, ACHILLAS, PHOTIN.
PTOLOMÉE, CLÉOPATRE, ACHORÉE, CHARMION.
CÉSAR, CLÉOPATRE, ANTOINE, LÉPIDE, CHARMION, ACHORÉE, Romains.
CÉSAR, CORNÉLIE, CLÉOPATRE, ACHORÉE, ANTOINE, LÉPIDE, CHARMION, Romains.
CÉSAR, CLÉOPATRE, ANTOINE, LÉPIDE, ACHORÉE, CHARMION.
FIN DU QUATRIÈME ACTE.
CORNÉLIE, tenant une petite urne en sa main; PHILIPPE.
CLÉOPATRE, CORNÉLIE, PHILIPPE, CHARMION.
CORNÉLIE, CLÉOPATRE, ACHORÉE, PHILIPPE, CHARMION.
CÉSAR, CORNÉLIE, CLÉOPATRE, ANTOINE, LÉPIDE, ACHORÉE, CHARMION, PHILIPPE.
CÉSAR, CLÉOPATRE, ANTOINE, LÉPIDE, ACHORÉE, CHARMION.
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
PASSAGES DE LA PHARSALE
DE LUCAIN
IMITÉS PAR CORNEILLE ET SIGNALÉS PAR LUI[250].
Vers | 52, 53. | Metiri sua regna decet, viresque fateri. (Livre VIII, vers 527.) |
55-58. | Nec soceri tantum arma fugit, fugit ora senatus, Cujus thessalicas saturat pars magna volucres. (VIII, 506, 507.) |
|
61-64. | Et metuit gentes quas uno in sanguine mistas Deseruit, regesque timet quorum omnia mersit. (VIII, 508, 509.) |
|
70. | Tu, Ptolemæe, potes Magni fulcire ruinam, Sub qua Roma cadit? (VIII, 528, 529.) |
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73, 74. | Jus et fas multos faciunt, Ptolemæe, nocentes. (VIII, 484.) |
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75, 76. | Dat pœnas laudata fides, quum sustinet, inquit, Quos fortuna premit. (VIII, 485, 486.) |
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80. | .... Fatis accede, Deisque. (VIII, 486.) |
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82. | Et cole felices. (VIII, 487.) |
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84. | .... Miseros fuge. (VIII, 487.) |
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87, 88. | Postquam nulla manet rerum fiducia, quærit Cum qua gente cadat. (VIII, 504, 505.) |
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93. | .... Votis tua fovimus arma. (VIII, 519.) |
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97-100. | Hoc ferrum, quod fata jubent proferre, paravi Non tibi, sed victo. Feriam tua viscera, Magne; Malueram soceri. (VIII, 520-523.) |
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105, 106. | Sceptrorum vis tota perit, quum pendere justa Incipit. (VIII, 489, 490.) |
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109. | .... Semper metuet quem sæva pudebunt. (VIII, 495.) |
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124. | Quicquid non fuerit Magni, dum bella geruntur, Nec victoris erit. (VIII, 502, 503.) |
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461-463. | Quippe fides si pura foret.... Venturum tota pharium cum classe tyrannum. (VIII, 572-574.) |
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469, 470. | .... Longeque a littore casus Exspectate meos, et in hac cervice tyranni Explorate fidem. (VIII, 580-582.) |
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479, 480. | Romanus pharia miles de puppe salutat Septimius. (VIII, 596, 597.) 105 |
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514-516. | Involvit vultus, atque indignatus apertum Fortunæ præbere caput, tunc lumina pressit. (VIII, 614, 615.) |
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519, 520. | .... Nullo gemitu consensit ad ictum. (VIII, 619.) |
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526-528. | Seque probat moriens. (VIII, 621.) |
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529-531. | Septimius.... .... retegit..., scisso velamine, vultus, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Collaque in oblique ponit languentia rostro, Tunc nervos venasque secat.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vindicat hoc pharius dextra gestare satelles. (VIII, 668-675.) |
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534-536. | Littora Pompeium feriunt, truncusque vadosis Huc illuc jactatur aquis. (VIII, 698, 699.) |
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541, 542. | .... Interque suorum Lapsa manus, rapitur, trepida fugiente carina. (VIII, 661, 662.) |
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763, 764. | .... Atque os in murmura pulsant Singultus animæ. (VIII, 682, 683.) |
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766-768. | Iratamque Deis faciem. (VIII, 665.) |
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769, 770. | Non primo Cæsar damnarit munera vultu: .... Vultus, dum crederet, hæsit. (IX, 1035, 1036.) |
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783-786. | .... Lacrymas non sponte cadentes Effudit. (IX, 1038, 1039.) |
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787. | Aufer ab aspectu nostro funesta, satelles, Regis dona tui. (IX, 1064, 1065.) |
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829. | Ergo in thessalicis pellæo fecimus arvis Jus gladio? (IX, 1073, 1074.) |
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833, 834. | Non tuleram Magnum, mecum Romana regentem: Te, Ptolemæe, feram? (IX, 1075, 1076.) |
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841, 842. | .... Nec fallere vos me Credite victorem: nobis quoque tale paratum Littoris hospitium. (IX, 1081-1083.) 106 |
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845, 846. | .... Ne sic mea colla gerantur Thessaliæ fortuna facit. (IX, 1083, 1084.) |
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914-916. | .... Unica belli Præmia civilis, victis donare salutem, Perdidimus. (IX, 1066-1068.) |
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939-941. | .... Justo date tura sepulcro, Et placate caput. (IX, 1091, 1092.) |
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999, 1000. | Turpe mori post te solo non posse dolore. (IX, 108.) |
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1014. | Bis nocui mundo. (VIII, 90.) |
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1015, 1016. | .... Cunctosque fugavi A causa meliore Deos. (VIII, 93, 94.) |
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1017, 1018. | O utinam in thalamos invisi Cæsaris issem Infelix conjux, et nulli læta marito! (VIII, 88, 89.) |
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1050-1056. | Ut te complexus, positis civilibus armis, Affectus abs te veteres, vitamque rogarem, Magne, tuam, dignaque satis mercede laborum Contentus par esse tibi. Tunc pace fideli Fecissem ut victus posses ignoscere Divis; Fecisses ut Roma mihi. (IX, 1099-1104.) |
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1058. | Læta dies rapta est populis. (IX, 1097.) |
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1104-1108. | .... Placemus cæde secunda Hesperias gentes; jugulus mihi Cæsaris haustus Hoc præstare potest, Pompeii cæde nocentes Ut populus Romanus amet. (X, 386-389.) |
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1110. | Quid, miserande, times quem tu facis ipse timendum? (IV, 185.) |
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1116. | Quem metuis par hujus erat. (V, 382.) |
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1151, 1152. | Plenum epulis, madidumque mero, Venerique paratum Invenies. (X, 396, 397.) |
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1153-1156. | Sed fremitu vulgi, fasces et signa querentis 107 Inferri romana suis, discordia sensit Pectora. (X, 11-13.) |
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1417-1419. | In celus it pharium romani pœna tyranni, Exemplumque perit. (X, 343.) |
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1501, 1502. | Una nota est Magno capitis jactura revulsi. (VIII, 711.) |
Corneille n'a extrait de Lucain, pour les rapprocher de ses imitations, que les passages qu'il a ou le plus fidèlement traduits, ou du moins imités sciemment et à dessein. Si l'on voulait y joindre, pour les parties de la pièce dont le sujet se rencontre avec celui de la Pharsale, tous les souvenirs qui lui étaient restés de l'étude de ce poëme, les ressemblances lointaines, les idées, les tours, les mots dont il s'était inspiré et qui ont passé dans ses vers, d'une manière moins apparente, et le plus souvent, je pense, sans même qu'il y songeât, on allongerait beaucoup la liste des rapprochements. Nous nous bornerons à un petit nombre d'exemples, que nous prendrons çà et là; quelques-uns peut-être ont été omis involontairement par Corneille dans les citations qu'il a placées au bas des pages; mais la plupart nous paraissent être d'autre nature: ou bien ce sont des passages mis en œuvre si librement qu'ils n'appartiennent pour ainsi dire plus au modèle, ou bien il s'en était tellement pénétré qu'il n'avait plus conscience de l'imitation ou de la réminiscence.
Dans le récit d'Achorée, les vers 482-484 reproduisent, sans les copier, ces quatre vers de Lucain, changés en discours direct:
Les vers 1011-1016 du premier discours de Cornélie à César sont un frappant souvenir de ce passage:
Le vers 575 est la traduction de cet autre endroit:
Les trois triomphes mentionnés immédiatement après, au vers 578, reviennent plusieurs fois dans le poëme latin: voyez livre VI, vers 817, 818; livre VII, 108 vers 685; livre VIII, vers 553, 554, et vers 814, 815. «Les monstres de l'Égypte» (vers 582) sont les regia monstra du livre VIII, vers 613.
Mais nulle part on ne voit mieux que dans la délibération qui ouvre la tragédie et principalement, je crois, dans le premier discours de Ptolomée et dans celui de Photin, à quel point Corneille était plein de la Pharsale et comment il s'en inspirait. D'abord aux fragments qu'il a cités lui-même du discours de Photin (Pothinus) dans Lucain (livre VIII, vers 484-535), il faudrait joindre plusieurs autres extraits de ce morceau, si, outre les endroits fidèlement reproduits dans le Pompée, on voulait donner aussi tous ceux qui ont quelque analogie de pensée ou de forme avec les vers français, ou que notre poëte a rendus, ou fait sentir, par quelque équivalent. Ainsi:
Dans ce même discours de Pothinus se trouve aussi ce que dit Ptolomée pour clore la délibération:
Aux emprunts faits à cette tirade oratoire, où il était si naturel de puiser pour cette scène du conseil, nous pouvons ajouter des traits pris çà et là dans les diverses parties de la Pharsale, et sinon toujours imités de Lucain, au moins suggérés par lui. Rapprochez, par exemple, des vers 3 et 4 cette apostrophe latine:
Pour les vers 5 et suivants, voyez ce qui est dit plus haut, p. 27, note 3. «Le 109 droit de l'épée» (vers 13) est la traduction de ferri jus (livre V, vers 387). L'idée du vers 14 est contenue dans ce passage:
Aussitôt après Corneille s'est souvenu de cet autre endroit:
Nous ne pousserons pas plus loin ces rapprochements. Ceux qui précèdent suffisent pour montrer, et c'est là tout ce que nous voulions faire, qu'outre les imitations directes et frappantes que notre poëte a lui-même signalées, il y a dans diverses parties de sa tragédie bon nombre de souvenirs qui font voir combien était vif le goût qu'il avait pour Lucain, combien il avait pratiqué ce poëte, et de quelle manière il savait s'approprier ses beautés et ses défauts.
Après la guerre de Pharsale, Pompée se retire vers Ptolomée, roi d'Égypte, en dessein d'obtenir de lui quelques nouvelles troupes, avec lesquelles il pût rallier le débris de sa fortune; mais son dessein ne réussit pas comme il l'avoit projeté. Le Roi assemble son conseil sur ce sujet, où trois des plus signalés parlent: l'un en faveur de Pompée, les deux autres contre lui; l'un à ce qu'il fût chassé, l'autre à ce qu'il fût mis à mort: à quoi le Roi conclut, et ce qui est 110 exécuté; ensuite de quoi sa femme, son fils et ceux qui suivoient son parti se retirèrent avec exécration contre le tyran et toute l'Égypte. Ce sujet est amplement traité par Plutarque, en la Vie de Pompée, et par Florus, historien romain; par Suétone, et encore plus au long dans les œuvres de Lucain, poëte romain. Les circonstances sont de l'invention de l'auteur, dont il a enrichi un si noble sujet pour ne le mettre point au jour sans les ornements dus à son mérite.
Nous n'entrerons dans le détail de cette pièce que pour faire voir «les circonstances de l'invention de l'auteur....»
Après la perte de la bataille de Pharsale, Pompée se réfugie en Égypte, accompagné de Cornélie, de Sexte et de deux sénateurs. Il est reçu avec distinction par Parthénie, veuve du dernier roi, et par Cléopatre, sa fille, qui devient aussitôt amoureuse du fils de Pompée....
Elle promet de s'employer. Sexte est tenté de faire une infidélité à Léonie, sa première maîtresse; cette dernière, qui s'est travestie en cavalier, conduite par sa jalousie, vient trouver son amant et lui fait mettre l'épée à la main. Cléopatre interrompt un si brusque entretien; mais ne pouvant rien gagner sur le cœur de Sexte, qui se pique de constance, elle ne s'oppose plus à la perte de Pompée, et ordonne à Théodote d'y concourir. Pendant ce temps-là, Pompée, agité par un songe affreux, vient le raconter à sa femme. Elle achève de l'effrayer 111 par le récit du sien. Au quatrième acte, le conseil d'Égypte s'assemble pour délibérer de son sort. Ptolomée s'y rend à la cinquième scène; c'est le meilleur endroit de la pièce. M. Corneille a commencé celle qu'il a donnée depuis sous le même nom, par une pareille situation. Ici Photin joue le personnage généreux et conseille de recevoir Pompée. Achillas représente le danger où l'on s'expose en lui accordant une retraite, et Théodote soutient que le plus sûr moyen d'éviter l'indignation de César est de lui porter la tête de son ennemi. Ptolomée s'arrête à ce dernier avis.... On exécute au cinquième acte ce qui vient d'être résolu. Cornélie partage avec les spectateurs le déplaisir de voir trancher la tête de Pompée, et la tragédie finit par les regrets de cette veuve et ceux de son fils....
ACTE IV.
SCÈNE V.
PTOLOMÉE, PHOTIN, ACHILLAS, THÉODOTE.
Dans l'Épître qui précède cette comédie, Corneille fait bien nettement profession d'imiter les Espagnols, et déclare que l'emprunt qu'il avoue ne sera pas le dernier. Cependant il faudrait se garder de voir en lui un connaisseur curieux de la littérature à laquelle il demande si fréquemment des inspirations. Il s'empare de ce qui est à sa convenance, et ne sait même pas toujours précisément à qui il a affaire. En 1642, il a lu la comédie intitulée la Verdad sospechosa[255], pensant qu'elle était de Lope, et il l'a imitée à sa façon, sans se préoccuper de son origine. En 1660, lorsqu'il écrit ses examens et qu'il quitte ainsi un instant le rôle de poëte pour celui de critique, il nous dit bien qu'il lui est tombé entre les mains «un volume de don Juan d'Alarcon, où il prétend que cette comédie est à lui;» mais il ne se passionne nullement pour découvrir la solution de ce problème. «Si c'est son bien, je n'empêche pas qu'il ne s'en ressaisisse,» dit-il; puis il passe outre, et, après avoir marqué la source où il a puisé, il déclare dans l'avis Au lecteur que, bien qu'il ait indiqué pour le Cid les vers espagnols, et pour Pompée les vers latins qu'il a principalement imités, il n'en a pas fait de même ici, à cause du peu de rapport entre l'espagnol et le français. Quant à nous, nous avons pensé que cette imitation, pour être plus libre, n'en serait pas moins curieuse à examiner, et, enhardi par la bienveillance que M. Viguier nous avait déjà témoignée en plus d'une occasion, nous avons réclamé de lui sur ce point une étude qu'on trouvera, 120 sous forme d'appendice, à la suite de la pièce. Nous n'avons donc pas à insister, ni ici ni dans les notes, sur la manière dont Corneille imite son modèle; nous nous contenterons de donner un seul exemple des procédés qu'il emploie pour accommoder aux usages, aux mœurs, et au langage de son temps le sujet qu'il a emprunté à l'Espagne.
Lorsque Dorante nous dit:
c'est un souvenir d'Alarcon; Corneille nous l'apprend lui-même dans son avis Au lecteur[257]: «Tout ce que je fais conter à notre Menteur des guerres d'Allemagne, où il se vante d'avoir été, l'Espagnol le lui fait dire du Pérou et des Indes, dont il fait le nouveau revenu.» Mais ce changement donne à l'imitation un tour original, et en fait ainsi la peinture fidèle de ce que Corneille voyait et entendait chaque jour. Le chevalier de Charny, un des personnages qui figurent dans la galerie des Divers portraits de Mlle de Montpensier[258], nous avoue en ces termes qu'il lui paraît indispensable d'avoir pris part à quelque expédition lointaine avant d'oser se présenter devant les dames: «Il me semble que devant que de me hasarder à la galanterie, je dois m'être fort hasardé à la guerre, et qu'il faut avoir fait plusieurs campagnes à l'armée, premier que de faire un quartier d'hiver à la cour.» Ici nous sommes en présence d'un loyal gentilhomme, tout disposé à passer par les épreuves nécessaires, et à mériter par sa vaillance une attention dont il sera vraiment digne; mais le Dorante de Corneille n'est pas le premier qui s'en soit tiré à meilleur marché. Voici ce que nous lisons dans le Pasquil de la Court pour apprendre à discourir et à s'habiller à la mode, écrit qui date de 1622:
Les récits ne suffisent pas, il faut encore parsemer son discours de termes militaires, d'expressions techniques. Jodelle nous signale déjà ce procédé dans son Eugène[259].
Dorante n'a garde d'oublier cette partie de son rôle:
La recette paraissait si bonne à la Fontaine que, dans un passage où il semble se rappeler le discours de Dorante, il nous montre Mars ne dédaignant pas d'employer ce moyen auprès de Vénus[261].
Enfin les choses en étaient venues à ce point que ces termes avaient passé des récits guerriers aux déclarations d'amour, dont elles formaient le langage technique: «Il y en a plusieurs, dit le Commandeur introduit par Caillières dans son livre des Mots à la mode, qui, voulant exprimer leur attachement pour une dame ou quelques autres desseins particuliers, ne parlent que d'attaquer la place dans les formes, de faire les approches, de ruiner les défenses, de prendre par capitulation, 122 ou d'emporter d'assaut[262].» On doit même croire que ces termes formaient dans certains cas pour les amants une sorte de chiffre complet et suivi, car, dans la scène du Menteur citée plus haut, Dorante dit à Cliton:
et dans une des scènes suivantes Cliton, se rappelant ces paroles, s'exprime ainsi à son tour:
C'est là peut-être quelque allusion à une mode passagère, que Corneille aura tenu, comme c'est son habitude dans ses comédies[265], à indiquer au passage[266]. Dans cette même comédie il nous donne une autre preuve de son empressement en ce genre, car il nous y parle de la poudre de sympathie[267] dans un temps où aucun médecin n'avait encore, en France, écrit sur ce remède.
Tous les historiens du théâtre s'accordent à placer la première représentation du Menteur en 1642. Corneille nous renseigne beaucoup mieux sur cette pièce que sur les précédentes:
nous dit-il dans un morceau qui termine la première édition de la Suite[268], et qu'il a retranché des autres. Dans une scène qui au contraire a toujours été maintenue, il fait un charmant compte rendu du Menteur; il constate que
nous donne de l'acteur qui jouait Dorante, le portrait qu'on 123 va voir, et, chose encore plus importante pour nous, jusqu'au nom même de celui qui représentait Cliton:
Déjà, dans une scène précédente de la Suite du Menteur[271], il avait été question de la voix et du nez du Jodelet:
Ces plaisanteries revenaient du reste presque inévitablement dans toutes les pièces où jouait cet acteur[272].
124 Jodelet, dont le véritable nom était Julien Geoffrin, entra au Marais en 1610, passa au mois de décembre 1634 à l'hôtel de 125 Bourgogne[273], et revint au Marais à une époque indéterminée jusqu'ici, mais antérieure assurément à 1642, puisque, d'après le propre témoignage de Corneille, Jodelet jouait alors à ce théâtre Cliton dans le Menteur[274].
126 Il est regrettable que Corneille ne nous ait pas nommé le comédien qui remplissait le rôle de Dorante. Il est vrai qu'à en croire l'auteur de la Lettre sur la vie et les ouvrages de Molière, publiée en 1740, et que nous avons déjà eu occasion de citer[275], c'est Bellerose qui «a joué le rôle du Menteur d'original. Le cardinal de Richelieu lui avoit fait présent d'un habit magnifique pour le jouer, ce qui piqua si fort l'acteur qui jouoit le rôle d'Alcippe, qui étoit fort inférieur au rôle du Menteur, qu'il fit valoir Alcippe autant et plus qu'il ne pouvoit valoir[276].» Mais ce récit paraît difficile à concilier avec le vers où Corneille nous dit que sa pièce a été jouée au Marais. En effet, à l'époque où le Menteur fut représenté pour la première fois, Pierre le Messier, dit Bellerose, était encore chef de la troupe de l'hôtel de Bourgogne. Chapuzeau nous apprend que ce fut en 1643 que Floridor entra dans la troupe royale et y remplit les fonctions d'orateur, dont jusqu'alors Bellerose s'était chargé[277]. Ce fut sans doute alors que Floridor lui succéda: «Floridor, dit Tallemant, las d'être au Marais avec de méchants comédiens, acheta la place de Bellerose, avec ses habits, moyennant vingt mille livres; cela ne s'étoit jamais vu. La pension que le Roi donne aux comédiens de l'hôtel de Bourgogne, le chef tenant part et demie, est ce qui faisoit donner cet argent[278].»
On s'est demandé quel était l'acteur qui remplissait le rôle d'Alcippe, et l'on a cru que c'était Beauchâteau; mais cette conjecture est évidemment fausse, puisque Beauchâteau, comme Bellerose, appartenait à l'hôtel de Bourgogne[279].
127 M. Édouard Fournier a dit dans son Corneille à la butte Saint-Roch[280]:
mais le spirituel critique serait, je crois, bien embarrassé de prouver ce qu'avance ici le poëte[281].
Ce qui est plus certain, c'est que l'élève de Molière, Baron, jouait encore en mars 1724[282] le rôle de Dorante dans le Menteur, et qu'à cause de son âge avancé il faisait sourire en disant dans la première scène[283]:
Nous ne terminerons point ces remarques sur la manière dont le Menteur était représenté sans relever ce vers:
On y voit la persistance jusqu'à cette époque d'un usage qui devait bientôt tomber en désuétude.
Tallemant des Réaux raconte une curieuse historiette qui montre à quel point le récit de la fête que Dorante prétend avoir donnée avait séduit l'imagination des femmes. Latour Roquelaure, «vrai parent de Roquelaure pour l'insolence,» était très-enclin à faire grand bruit de ses bonnes fortunes et 128 même à en supposer d'imaginaires. «On lui proposa, pour se raccommoder avec tout le sexe, de faire la fête du Menteur, et que celles qui s'y trouveroient seroient obligées de le recevoir chez elles; car les dames lui avoient fermé la porte[286].» Tallemant ajoute en marge à l'occasion des mots, la fête du Menteur; «cette fête décrite dans la comédie.» Il faut avouer que, malgré la note, ce passage reste encore un peu obscur. Le savant éditeur de Tallemant, M. Paulin Paris, l'explique ainsi: «Cela veut dire, ce me semble, qu'on lui proposa, pour réparer ses anciens mensonges, de lire publiquement le récit de la fameuse fête que le Menteur prétend avoir donnée. Ainsi aurait-il eu l'air d'avouer que ses vanteries précédentes n'étaient que rêveries, et les dames, satisfaites de la réparation, auraient cessé de lui fermer leur porte.» Nous ne pensons pas qu'une simple pénitence de ce genre eût suffi à calmer l'indignation des dames. Elles avaient sans doute exigé une fête semblable à celle du Menteur; bien que moins splendide peut-être, parce que le titre même donné à cette collation aurait été de la part du coupable un aveu tacite de ses torts, en même temps que la magnificence du divertissement en eût été une expiation éclatante.
Les allusions de ce genre continuèrent longtemps après la mort de Corneille. «Beaucoup de vers du Menteur avaient passé en proverbe, dit Voltaire[287]; et même près de cent ans après, un homme de la cour, contant à table des anecdotes très-fausses, comme il n'arrive que trop souvent, un des convives se tournant vers le laquais de cet homme, lui dit: «Cliton, donnez à boire à votre maître.»
L'illustre commentateur de Corneille, si souvent injuste envers son auteur, reconnaît hautement le mérite de cette pièce: «Ce n'est qu'une traduction, dit-il[288]; mais c'est probablement à cette traduction que nous devons Molière. Il est impossible en effet que l'inimitable Molière ait vu cette pièce, sans voir tout d'un coup la prodigieuse supériorité que ce genre a sur tous les autres, et sans s'y livrer entièrement.»
129 Il est permis de croire que cette réflexion toute naturelle de Voltaire est l'origine d'une anecdote qui figure aujourd'hui dans tous les cours de littérature, et que nous avons trouvée pour la première fois dans l'Esprit du grand Corneille de François de Neufchâteau[289]: «Oui, mon cher Despréaux, disait Molière à Boileau, je dois beaucoup au Menteur. Lorsqu'il parut.... j'avois bien l'envie d'écrire, mais j'étois incertain de ce que j'écrirois; mes idées étoient confuses: cet ouvrage vint les fixer. Le dialogue me fit voir comment causoient les honnêtes gens; la grâce et l'esprit de Dorante m'apprirent qu'il falloit toujours choisir un héros du bon ton; le sang-froid avec lequel il débite ses faussetés me montra comment il falloit établir un caractère; la scène où il oublie lui-même le nom supposé qu'il s'est donné m'éclaira sur la bonne plaisanterie: et celle où il est obligé de se battre par suite de ses mensonges me prouva que toutes les comédies ont besoin d'un but moral. Enfin sans le Menteur, j'aurois sans doute fait quelques pièces d'intrigue, l'Étourdi, le Dépit amoureux, mais peut-être n'aurois-je pas fait le Misanthrope.—Embrassez-moi, dit Despréaux: voilà un aveu qui vaut la meilleure comédie.»
François de Neufchâteau dit qu'il a tiré cette anecdote du Bolæana; mais M. Taschereau fait observer qu'il ne l'a trouvée ni dans l'ouvrage de Montchesnay, ni dans les commentaires de Brossette sur Boileau, et nous n'avons pas été plus heureux que lui.
L'édition originale a pour titre: Le Menteur, comedie. A Paris, chez A. de Sommaville. M.DC.XLIV. Auec priuilege du Roy.—Le volume, de format in-4o, forme 4 feuillets et 130 pages. L'achevé d'imprimer est du dernier octobre.
Monsieur,
Je vous présente une pièce de théâtre d'un style si éloigné de ma dernière, qu'on aura de la peine à croire qu'elles soient parties toutes deux de la même main, dans le même hiver. Aussi les raisons qui m'ont obligé à y travailler ont été bien différentes. J'ai fait Pompée pour satisfaire à ceux qui ne trouvoient pas les vers de Polyeucte si puissants que ceux de Cinna, et leur montrer que j'en saurois bien retrouver la pompe quand le sujet le pourroit souffrir; j'ai fait le Menteur pour contenter les souhaits de beaucoup d'autres qui, suivant l'humeur des François, aiment le changement, et après tant de poëmes graves dont nos meilleures plumes ont enrichi la scène, m'ont demandé quelque chose de plus enjoué qui ne servît qu'à les divertir. Dans le premier, j'ai voulu faire un essai de ce que pouvoit[291] la majesté du raisonnement, et la force des vers, dénués de l'agrément du sujet; dans celui-ci, j'ai voulu tenter ce que pourroit l'agrément du sujet, dénué de la force des vers. Et d'ailleurs, étant obligé au genre comique de ma première réputation, je ne pouvois l'abandonner tout à fait sans quelque espèce d'ingratitude. Il est vrai que comme alors que je me hasardai à le quitter, je n'osai me fier à mes seules forces, et que pour m'élever à la dignité du tragique, je pris l'appui du grand Sénèque, à qui j'empruntai tout ce qu'il avoit donné de rare à sa Médée: ainsi, quand je me suis résolu de repasser du héroïque[292] 131 au naïf, je n'ai osé descendre de si haut sans m'assurer d'un guide[293], et me suis laissé conduire au fameux Lope de Vega[294], de peur de m'égarer dans les détours de tant d'intriques que fait notre Menteur. En un mot, ce n'est ici qu'une copie d'un excellent original qu'il a mis au jour sous le titre de la Verdad sospechosa[295]; et me fiant sur notre Horace, qui donne liberté de tout oser aux poëtes ainsi qu'aux peintres[296], j'ai cru que nonobstant la guerre des deux couronnes, il m'étoit permis de trafiquer en Espagne. Si cette sorte de commerce étoit un crime, il y a longtemps que je serois coupable, je ne dis pas seulement pour le Cid, où je me suis aidé de don Guillen de Castro, mais aussi pour Médée, dont je viens de parler, et pour Pompée même, où pensant me fortifier du secours de deux Latins, j'ai pris celui de deux Espagnols, Sénèque et Lucain étant tous deux de Cordoue. Ceux qui ne voudront pas me pardonner cette intelligence avec nos ennemis approuveront du moins que je pille chez eux; et soit qu'on fasse passer ceci pour un larcin ou pour un emprunt, je m'en suis trouvé si bien, que je n'ai pas envie que ce soit le dernier que je ferai chez eux. Je crois que vous en serez d'avis, et ne m'en estimerez pas moins.
Je suis,
MONSIEUR,
Votre très-humble serviteur,
Corneille.
Bien que cette comédie et celle qui la suit soient toutes deux de l'invention de Lope de Vega[298], je ne vous les donne point dans le même ordre que je vous ai donné le Cid et Pompée, dont en l'un vous avez vu les vers espagnols, et en l'autre les latins, que j'ai traduits ou imités de Guillen de Castro et de Lucain. Ce n'est pas que je n'aye ici emprunté beaucoup de choses de cet admirable original; mais comme j'ai entièrement dépaysé les sujets pour les habiller à la françoise, vous trouveriez si peu de rapport entre l'espagnol et le françois, qu'au lieu de satisfaction vous n'en recevriez que de l'importunité.
Par exemple, tout ce que je fais conter à notre Menteur des guerres d'Allemagne, où il se vante d'avoir été, l'Espagnol le lui fait dire du Pérou et des Indes, dont il fait le nouveau revenu; et ainsi de la plupart des autres incidents, qui bien qu'ils soient imités de l'original, n'ont presque point de ressemblance avec lui pour les pensées, ni pour les termes qui les expriment. Je me contenterai donc de vous avouer que les sujets sont entièrement de lui, comme vous les trouverez dans la vingt et deuxième partie de ses comédies[299]. Pour le reste, j'en ai pris tout ce qui s'est pu accommoder à notre usage; et s'il m'est permis de dire mon sentiment touchant une chose où j'ai si peu de part, je vous avouerai en même temps que l'invention de celle-ci me charme tellement, 133 que je ne trouve rien à mon gré qui lui soit comparable en ce genre, ni parmi les anciens, ni parmi les modernes. Elle est toute spirituelle depuis le commencement jusqu'à la fin, et les incidents si justes et si gracieux, qu'il faut être, à mon avis, de bien mauvaise humeur pour n'en approuver pas la conduite, et n'en aimer pas la représentation.
Je me défierois peut-être de l'estime extraordinaire que j'ai pour ce poëme, si je n'y étois confirmé par celle qu'en a faite un des premiers hommes de ce siècle, et qui non-seulement est le protecteur des savantes muses dans la Hollande, mais fait voir encore par son propre exemple que les grâces de la poésie ne sont pas incompatibles avec les plus hauts emplois de la politique et les plus nobles fonctions d'un homme d'État. Je parle de M. de Zuylichem[300], secrétaire des commandements de Monseigneur le prince d'Orange. C'est lui que MM. Heinsius et Balzac ont pris comme pour arbitre de leur fameuse querelle[301], puisqu'ils lui ont adressé l'un et l'autre leurs doctes dissertations, et qui n'a pas dédaigné de montrer 134 au public l'état qu'il fait de cette comédie par deux épigrammes, l'un[302] françois et l'autre latin, qu'il a mis au devant de l'impression qu'en ont faite les Elzéviers, à Leyden[303]. Je vous les donne ici d'autant plus volontiers, que n'ayant pas l'honneur d'être connu de lui, son témoignage ne peut être suspect, et qu'on n'aura pas lieu de m'accuser de beaucoup de vanité pour en avoir fait parade, puisque toute la gloire qu'il m'y donne doit être attribuée au grand Lope de Vega, que peut-être il ne connoissoit pas pour le premier auteur de cette merveille de théâtre.
IN PRÆSTANTISSIMI POETÆ GALLICI
CORNELII
COMOEDIAM QUÆ INSCRIBITUR
MENDAX[304].
A MONSIEUR
CORNEILLE,
SUR SA COMÉDIE
LE MENTEUR[306].
Cette pièce est en partie traduite, en partie imitée de l'espagnol. Le sujet m'en semble si spirituel et si bien tourné, que j'ai dit souvent que je voudrois avoir donné les deux plus belles que j'aye faites, et qu'il fût de mon invention. On l'a attribué au fameux Lope de Végue[307]; mais il m'est tombé depuis peu entre les mains un volume de don Juan d'Alarcon, où il prétend que cette comédie est à lui, et se plaint des imprimeurs qui l'ont fait courir sous le nom d'un autre[308]. Si c'est son bien, je n'empêche pas qu'il ne s'en ressaisisse. De quelque main que parte cette comédie, il est constant qu'elle est très-ingénieuse; et je n'ai rien vu dans cette langue qui m'aye satisfait davantage. J'ai tâché de la réduire à notre usage et dans nos règles; mais il m'a fallu forcer mon aversion pour les a parte[309], dont je n'aurois pu la purger sans lui faire perdre une bonne partie de ses beautés[310]. Je les ai faits les plus courts que j'ai pu, et je me les suis permis rarement sans laisser deux acteurs ensemble qui s'entretiennent tout bas cependant que[311] d'autres disent ce que ceux-là ne doivent pas écouter. Cette duplicité d'action particulière ne rompt point l'unité de la principale, mais elle gêne un peu l'attention de l'auditeur, qui ne sait à laquelle s'attacher, et qui se trouve obligé de séparer aux deux ce qu'il est accoutumé de donner à une. L'unité de lieu s'y trouve, en ce que tout s'y passe dans Paris; mais 138 le premier acte est dans les Tuileries, et le reste à la place Royale[312]. Celle de jour n'y est pas forcée, pourvu qu'on lui laisse les vingt et quatre heures[313] entières[314]. Quant à celle d'action, je ne sais s'il n'y a point quelque chose à dire, en ce que Dorante aime Clarice dans toute la pièce et épouse Lucrèce à la fin, qui par là ne répond pas à la protase. L'auteur espagnol lui donne ainsi le change pour punition de ses menteries, et le réduit à épouser par force cette Lucrèce qu'il n'aime point. Comme il se méprend toujours au nom, et croit que Clarice porte celui-là, il lui présente la main quand on lui a accordé l'autre, et dit hautement, quand on l'avertit de son erreur, que s'il s'est trompé au nom, il ne se trompe point à la personne. Sur quoi, le père de Lucrèce le menace de le tuer s'il n'épouse sa fille après l'avoir demandée et obtenue; et le sien propre lui fait la même menace. Pour moi, j'ai trouvé cette manière de finir un peu dure, et cru qu'un mariage moins violenté seroit plus au goût de notre auditoire. C'est ce qui m'a obligé à lui donner une pente vers la personne de Lucrèce au cinquième acte, afin qu'après qu'il a reconnu sa méprise aux noms, il fasse de nécessité vertu de meilleure grâce, et que la comédie se termine avec pleine tranquillité de tous côtés.
LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES DU MENTEUR.
ÉDITIONS SÉPARÉES.
RECUEILS.
GÉRONTE, | père de Dorante[315]. |
DORANTE, | fils de Géronte. |
ALCIPPE, | ami de Dorante et amant de Clarice. |
PHILISTE, | ami de Dorante et d'Alcippe. |
CLARICE, | maîtresse d'Alcippe. |
LUCRÈCE[316], | amie de Clarice. |
ISABELLE, | suivante de Clarice. |
SABINE, | femme de chambre de Lucrèce. |
CLITON, | valet de Dorante. |
LYCAS, | valet d'Alcippe. |
La scène est à Paris.[317]
LE MENTEUR.
COMÉDIE.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE.
DORANTE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, ALCIPPE, PHILISTE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
FIN DU PREMIER ACTE.
GÉRONTE, CLARICE, ISABELLE.
ISABELLE, CLARICE[362].
CLARICE, ALCIPPE.
ALCIPPE.
GÉRONTE, DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLITON, SABINE.
DORANTE, LYCAS.
FIN DU SECOND ACTE.
DORANTE, ALCIPPE, PHILISTE.
ALCIPPE, PHILISTE.
CLARICE, ISABELLE.
DORANTE, CLITON.
CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE, à la fenêtre;
DORANTE, CLITON, en bas.
DORANTE, CLITON.
FIN DU TROISIÈME ACTE.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, ALCIPPE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
GÉRONTE, DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLITON, SABINE.
CLITON, SABINE.
LUCRÈCE, SABINE[456].
CLARICE, LUCRÈCE, SABINE.
FIN DU QUATRIÈME ACTE.
GÉRONTE, PHILISTE.
GÉRONTE.
GÉRONTE, DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, SABINE, CLITON.
CLARICE, LUCRÈCE, DORANTE, SABINE, CLITON.
GÉRONTE, DORANTE, ALCIPPE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE, SABINE, CLITON.
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
PARALLÈLE
DE LA VERDAD SOSPECHOSA D'ALARCON
ET DU
MENTEUR DE CORNEILLE.
Il était réservé à Corneille d'ouvrir la voie à l'art comique en France, comme il avait fait pour la tragédie, en ayant recours une seconde fois au théâtre espagnol. Un discernement admirable, secondé par une chance fort heureuse, lui fait découvrir dans un recueil apocryphe de pièces imprimées en Espagne le texte le mieux approprié à l'instinct élevé qui le guide, le texte unique qu'il aurait probablement à choisir aujourd'hui encore, dans tout le domaine espagnol; car c'est l'œuvre la plus sérieuse, au sens comique, du plus sérieux poëte de cette race, don Juan Ruiz de Alarcon y Mendoza.
Il ignora d'abord le nom du poëte auquel il avait cette obligation. La pièce dont il s'agit, livrée au pillage des libraires, ainsi que plusieurs autres du même auteur, faisait partie, dans le volume qu'étudia Corneille vers 1641, d'une douzaine de comédies portant le nom de Lope de Vega, recommandation suprême auprès des acheteurs. Qui sait même si le mensonge de cette enseigne ne contribua pas à attirer l'attention de l'investigateur?
C'est en vain qu'Alarcon, publiant à Madrid une vingtaine de ses comédies en deux volumes, 1628 et 1634, avait réclamé à cette dernière date, d'un ton fin et discret, sa propriété usurpée, sans vouloir rendre responsables de ce pillage, fort ordinaire alors, des noms plus illustres que le sien: le vieux Lope, plongé dans la dévotion, approchait alors de sa fin; rien n'empêcha d'ailleurs les éditions pseudonymes de se reproduire encore par la suite.
C'est le tome XXII (apocryphe) des Comédies de Lope de Vega, 242 Saragosse, 1630, qui contient la Verdad sospechosa, et qui commença sans doute une substitution de nom si étrangère au caractère honorable de Lope, et surtout au caractère de sa poésie. Dans le tome XXIV de la même série, Saragosse, 1633, on lui attribua de même une des bonnes comédies d'Alarcon, el Exámen de maridos, qui se retrouve dans les recueils de pièces détachées (sueltas), tantôt sous son nom, tantôt sous celui de Montalvan. C'est ainsi encore que le Tejedor de Segovia d'Alarcon (traduit en 1839, et dignement apprécié par M. Ferdinand Denis) a couru dans les sueltas sous le nom de Calderon et de Rojas.
Mais la renommée de Juan de Alarcon, longtemps obscurcie par ces spoliations, a été revendiquée et s'est fort agrandie dans le siècle présent. Du reste tout ce qu'on sait sur sa personne, c'est qu'il était né au Mexique de sang espagnol, qu'il occupa à Madrid une charge de l'ordre judiciaire, et qu'il devait être d'un âge moyen entre Lope et Calderon. Il mourut en 1639. Quelques mauvaises épigrammes du temps font penser qu'il n'était ni beau ni bien fait; quant à son caractère personnel, on peut l'inférer de ce qu'aucun auteur dramatique n'a plus constamment employé le ton d'un moraliste élevé et convaincu.
Vers 1660 seulement Corneille connut et restitua le vrai nom de son modèle, dans l'Examen du Menteur, examen par malheur bien bref et insuffisant. Il faut voir toutefois dans ce morceau, ainsi que dans sa préface primitive (1644), quelle gratitude et quelle admiration il témoigne pour l'ouvrage en partie traduit, en partie imité par lui; quelle généreuse envie l'entraîne jusqu'à dire qu'il voudrait avoir donné les deux plus belles pièces qu'il ait faites, et que ce sujet fût de son invention. Enfin il n'a rien vu dans cette langue qui l'ait satisfait davantage[496]. C'est là un grave jugement, pour peu qu'il se souvienne de Castro et du Cid; jugement maintenu avec fermeté après que l'ouvrage est dépouillé du prestige d'un nom tel que celui du grand Lope de Vega.
Mais la préface, antérieure de seize ans à ces déclarations, s'exprimait, comme on peut le voir, avec une effusion d'éloges non moins franche sur cet admirable original[497]. Ce que nous voulons y remarquer, c'est la répugnance de Corneille à reprendre pour l'impression du Menteur le fastidieux procédé des citations espagnoles au bas de ses vers. Heureusement la fantaisie des critiques n'était plus tournée à cette exigence pédantesque. L'hommage si éclatant qu'il rend cette fois à son modèle doit suffire à le dispenser de marquer ses obligations en détail. Il aurait bien fait, ce nous semble, de s'en tenir à ce moyen d'excuse. Il y ajoute un peu gauchement, qu'on nous permette 243 de le dire, une raison fausse en elle-même, en disant que comme il a «entièrement dépaysé les sujets pour les habiller à la françois, vous trouveriez si peu de rapport entre l'espagnol et le françois, qu'au lieu de satisfaction vous n'en recevriez que de l'importunité.» Il y a plus de maladresse que de manque de sincérité dans les prétextes qu'il ajoute pour se défendre de ne pas payer une dette qui ne lui incombe pas réellement.
Cette dette, qui n'était pas la sienne, devient de nos jours celle d'une édition critique de Corneille. Le Menteur est un ouvrage dont la valeur, le caractère, l'artifice de composition, le style même ne peuvent être suffisamment compris, si on ne le rapproche du modèle d'où il est tiré.
I.
Un mot d'abord sur le titre, la Verdad sospechosa. Il signifie la vérité rendue suspecte, discréditée par des mensonges. C'est moins l'annonce d'une comédie de caractère, quoique la pièce possède ce mérite, qu'une allusion aux complications d'un amusant imbroglio de galanterie espagnole qui entre pour moitié dans le double genre de l'ouvrage. Le titre français pouvait se présenter de lui-même; cependant il se rencontre dans un second titre, y por otro titulo el Mentiroso, placé, comme par hasard, seulement à l'index du volume, dans la contrefaçon espagnole, qui est assez correcte d'ailleurs.
Nous supposons connu, par la lecture de Corneille, le fond commun des deux ouvrages, et par là nous nous épargnons la tâche d'analyser celui du poëte espagnol, tâche difficile par cela même que la composition en est traitée avec un art consommé, dans toutes les parties d'un sujet fort compliqué. C'est un mérite qu'on pourrait recommander à une étude spéciale, mais nous ne voulons pas oublier qu'ici c'est Corneille que nous étudions, soit dans les ressources d'invention dont il fait usage, soit dans l'exécution et les développements de détail.
Corneille rendait déjà un assez grand service à notre théâtre, lorsqu'il y importait pour la première fois un sujet vraiment comique, sans nulle prétention d'en modifier la pensée fondamentale, et qu'il le revêtait pour nous des beautés d'une diction encore inconnue en ce genre. Mais quel que soit son désir de changer le moins possible, il se condamne à mille modifications plus ou moins adroites, soit pour dépayser son action, soit pour obéir aux conditions purement formelles de son art et de son école. Ce ne sont jamais en réalité que des expédients de métier, pour pouvoir mettre en œuvre dans la proportion resserrée de cinq actes, en alexandrins, une composition qui s'offre à lui plus étendue dans sa forme originale, plus pleine d'action, de dialogue rapide et de détails motivés.
II.
Les personnages seront les mêmes, moins trois ou quatre petits rôles accessoires, mais fort utiles à leur place. Les noms, qui chez Alarcon appartiennent naturellement à la société espagnole, se transforment chez nous en noms insignifiants, tirés du grec pour la plupart, et dits de comédie, pratique peu favorable à l'illusion, et qui a trop longtemps persisté en France[498].
La scène est des deux parts dans la capitale: à Madrid elle présente, selon le besoin, environ six tableaux divers; à Paris, deux seulement, les Tuileries, et la place Royale[499], dans laquelle des mariages se traitent et de graves entretiens s'engagent.
La durée, de trente-six heures en français, a aussi beaucoup de continuité dans l'espagnol, sauf un intervalle de trois jours qui est supposé entre la scène d'entretien nocturne et l'action ultérieure.
III.
Notre scène première n'est que la seconde dans l'espagnol, où nous voyons arriver l'écolier de Salamanque, appelé à la vie de cour par suite de la mort d'un frère aîné. Il est accueilli cordialement par son noble père, don Beltran, qui attache à son service le valet Tristan. Ainsi nous comprendrons plus tard les plaisantes surprises de ce valet à chaque mensonge inattendu d'un maître qu'il ne connaissait pas encore. Ces choses s'expliquent moins nettement entre Dorante et Cliton. Mais le grand mérite de cette introduction, c'est de nous faire connaître d'abord un rôle aussi dominant que celui du vieux gentilhomme, plein de sa tendresse de père et de ses principes d'honneur: il interroge avec sollicitude un digne letrado, ou maître ès arts, auquel était confié à Salamanque le jeune Garcia (Dorante), selon l'usage des étudiants de qualité. Ce personnage ne doit figurer que dans cette scène, et doit repartir pour prendre possession d'un emploi dont on l'a gratifié; mais pressé de questions sur les dispositions de son élève, il signale à regret une fâcheuse habitude de mentir. Douleur généreuse, éloquente, du père. Ainsi s'établit d'abord le fond moral de la pièce, tandis que le caractère et l'indignation du Géronte de Corneille ne se produisent que bien tard. Don Beltran songe enfin à marier son fils, pour prévenir, s'il se peut, le tort qu'il pourra se faire dans le monde. Le spectateur sait gré au poëte de cet art qu'il met à justifier et à lier toutes les circonstances.
IV.
Le lendemain, notre jeune homme, en toilette à la mode, nous donne en causant avec son nouveau valet (Tristan-Cliton) une seconde exposition plus gaie. On est dans un lieu fréquenté du beau monde, les Argenteries, las Platerias, ou la rue des Orfévres[500] (comme les Tuileries chez Corneille, vers 5).
Le talent de Corneille fait de son côté les frais de cette causerie, avec un succès de style encore inouï, mais malheureusement gâté par quelques détails de mauvais ton. Il ne pouvait suivre son auteur dans ses railleries piquantes contre la mode tyrannique des larges fraises empesées ou golillas à la hollandaise; il ne se hasarde pas non plus à imiter une folle tirade du valet sur le firmament diversement constellé des beautés de Madrid. Le rôle souvent agréable du valet gracioso comportait, surtout à cette place, de telles échappées de style et de gaieté, comme une sorte d'aria buffa, qui ne nuisait nullement à l'effet général, quoique dérogeant ici à la manière simple et châtié de l'écrivain.
C'est à Corneille qu'appartiennent ces jolies maximes sur la façon de donner qui vaut mieux que ce qu'on donne[503]; mais Alarcon insiste trop lui-même sur le précepte de libéralité en amour, qui ne s'applique dans la pièce qu'à des largesses envers des subalternes.
V.
Arrivent les deux jeunes dames, d'abord vues à distance. Leur voiture s'est arrêtée devant un orfévre. Vive admiration de Garcia pour l'une d'elles, dont il voudrait savoir le nom. Le valet est sûr de faire parler leur cocher[504], épigramme peut-être plus proverbiale en Espagne qu'en France:
La principale de ces deux dames (Jacinta-Clarice) fait un faux pas et tombe. L'heureuse occasion offerte au jeune homme de la relever engage la conversation par de beaux compliments alambiqués, également à la mode en Espagne et à l'hôtel de Rambouillet. Une corrélation piquante nous engage à traduire ce passage: il faut tenir compte du langage métaphorique de la galanterie méridionale, et rapprocher le surplus de Corneille[505].
«Souffrez, Madame, que cette main vous relève.... si je suis digne d'être l'Atlas d'un ciel incomparable.
—Puisqu'il vous est donné de le toucher, vous devez être Atlas sans doute.
—C'est une chose de parvenir, une autre de mériter. Qu'ai-je gagné à toucher la beauté qui m'enflamme, si je n'ai obligation de cette faveur qu'au hasard et non à votre volonté? De cette main, il est vrai, j'ai pu toucher le ciel; mais que m'en revient-il si c'est parce que le ciel est tombé, et non pas que j'aie été élevé jusqu'à lui?
—A quelle fin prend-on la peine de mériter?
—Afin de parvenir.
—Mais parvenir sans passer par les moyens, n'est-ce pas heureuse fortune?
—Oui.
—Pourquoi donc vous plaindre du bien qui vous est advenu, si, n'ayant pas eu à le mériter, vous n'en avez que plus de bonheur?
—C'est que les intentions étant ce qui donne leur mérite aux actes, soit de faveur, soit de dommage, votre main que j'ai touchée n'est pas une faveur pour moi, si vous l'avez souffert, et que tel n'ait pas été votre choix. Souffrez donc mon regret de penser qu'en ce bonheur qui m'est échu, j'ai rencontré la main sans le cœur, la faveur sans la volonté.»
Cette thèse, comme on le voit, passe tout entière dans Corneille. Il faut bien qu'il y joigne la solennité de son vers arrondi et de sa grande forme dialectique moins découpée en dialogue. Peut-être ajoute-t-il pour son compte quelque surcroît d'amphigouri: le vers 133, au sujet de cette faveur:
247 ne s'entend guère, ou c'est une préparation trop artificielle à l'histoire qu'il va faire de son servage incognito depuis une année.
C'est du reste la même conduite de dialogue; mais la fable de l'ancien héros des guerres d'Allemagne, inventée par Corneille d'une manière brillante[506], est dans l'espagnol celle d'un créole péruvien, réputé d'avance très-opulent. Cette ressource romanesque était fort naturelle dans les conditions de l'Espagne d'alors. Mais il y a plus de couleur et de richesse dans la versification de Corneille. Comparez à sa traduction amplifiée ces vers:
Le faux nabab américain soutient son rôle en offrant à la discrétion 248 de la dame toute une boutique de bijoux. Les mœurs du temps atténuaient un peu l'inconvenance; mais il est refusé délicatement: on n'agrée que l'offre elle-même. Tout ensuite est traduit, dans l'incident qui termine la scène, l'approche du prétendant de Jacinte, et les derniers compliments adressés à la dame; de même aussi dans les renseignements rapportés par le valet sur la plus belle des deux[509], nommée Lucrèce, et dans la méprise qui devient la source de toute l'intrigue, le Menteur croyant que ces indications désignent Jacinte-Clarice, tandis que Cliton pencherait pour donner le prix de la beauté à celle qui a su se taire[510], la vraie Lucrèce en effet (même nom dans les deux auteurs). Ce qui suit fait voir comment il arrive à Corneille de charger la plaisanterie jusqu'à heurter la bienséance[511], sans y être invité par son modèle:
VI.
D'ici à la fin de notre acte premier, il faudrait transcrire presque entièrement les deux textes en regard l'un de l'autre. L'Alcippe espagnol s'appelle don Juan de Sosa; son ami Philiste, don Félix: ce sont d'anciens camarades d'université. Alarcon n'oublie pas de placer un mot sur la nouvelle tenue dans laquelle ils voient Garcia et qui annonce un changement d'état. Sauf cette fidélité de détails, qui a bien son prix, Corneille, suivant à peu près tout le dialogue, fait une excellente étude d'artifice scénique, et ensuite un vrai chef-d'œuvre de description à l'instar de l'élégante fête espagnole. Celle-ci, fort curieuse, ne fût-ce que pour la couleur locale de son ordonnance, est surpassée encore par l'esprit et la verve qui animent le tableau de ce qu'était une fête parisienne vers la même époque. Les cinq bateaux 249 sur la Seine sont les six cabinets de feuillage dressés sur le soto du Manzanarès, dans les bosquets du sotillo. Dorante, malgré son extravagance, a peut-être plus de goût, Garcia plus de faste, surtout dans l'étalage du banquet avec ses quatre dressoirs, ses vaisselles d'or, et jusqu'à un certain joyau figurant un homme tout percé de flèches d'Amour: ce sont les cure-dents d'or, seuls dignes d'être offerts aux dents de perle, etc. Les deux feux d'artifice se ressemblent assez; mais l'un est tiré à l'arrivée de la dame, l'autre après le repas. De part et d'autre, nous entendons quatre chœurs de musique distincts, les clarinettes, les instruments à archet, les flûtes, enfin les voix accompagnées de harpes et de guitares. On a, du côté espagnol, des glaces, des sorbets, des parfums et des essences; mais les cinq dames invitées et la danse jusqu'au jour n'appartiennent qu'au programme français. Le soleil jaloux vient mettre un terme à tant de délices, et rien n'égale la grâce du tour de Corneille[512] dans ce final exquis inspiré par ces vers:
Les traits de surcharge sont dus, en espagnol, à la facilité des métaphores emphatiques qui abondent dans cette poésie: ils sont plus étudiés dans le français. Cette prétérition plaisante du narrateur, qui veut être sobre, appartient à Dorante:
VII.
On croit lire du Regnard et du meilleur. C'est du reste une analogie 250 de manière qui se retrouve assez souvent, soit dans la plaisanterie, soit dans le ton leste et risqué des personnages. Citons une autre jolie réplique, qui n'est que traduite, mais traduite parfaitement aux vers 362 et suivants de Corneille:
VIII.
La scène première du deuxième acte de Corneille accuse gravement le contraste entre le modèle et l'imitateur, quant à l'observation des convenances d'illusion et de réalité. Le Géronte qu'on ne connaît pas échange sur la place Royale quelques paroles avec Clarice dont il est venu demander la main pour son fils Dorante, sans que nous sachions pourquoi. Le procédé de don Beltran est tout autre: nous savons le motif qui l'amène dans la demeure de doña Jacinta, assistée, ainsi qu'il convient, de son oncle et tuteur don Sanche, et, sans longueurs, nous avons toutes les conditions requises d'urbanité. Là se place une donnée très-essentielle à l'action et que Corneille a rendue très-confuse. En fille prudente, Jacinte, qui n'a jamais vu le mari proposé, et qui ne soupçonne pas que ce soit l'inconnu de la promenade, témoigne naturellement au père qu'elle ne serait pas fâchée de l'apercevoir avant de faire connaissance avec lui. Don Beltran approuve cette idée, et il annonce qu'il passera à cheval, accompagné de son fils, sous les fenêtres de la maison. Ce sera plus tard une surprise piquante, lorsque Jacinte, causant avec sa camériste du riche Péruvien, le reconnaîtra par la fenêtre accompagnant don Beltran. Corneille ébauche seulement cette idée quand il fait dire à Clarice, dans une phrase bien forcée:
Sur quoi Géronte promet de le tenir longtemps sous la fenêtre en se promenant avec lui[516]. Mais le pis est que ces dispositions sont prises ici en pure perte, et n'aboutissent à rien. C'est simplement 251 une pensée inachevée, qui ne s'explique qu'à l'aide de l'espagnol, où elle est complète. Il est vrai que Corneille donne plus loin une indication de scène, comme par réminiscence de ce moyen perdu: c'est pendant le récit du prétendu mariage de Poitiers; on lit après le vers 663: Ici Clarice les voit de sa fenêtre; et Lucrèce, avec Isabelle, les voit aussi de la sienne. Mais cet incident muet est si insignifiant et si peu compris qu'on le retranche à la représentation sans nul inconvénient. Quand, pour expliquer sa demande matrimoniale, Géronte dit de son fils:
IX.
La scène suivante a d'autres défauts, qui proviennent de même de cette imitation en raccourci d'un modèle où il n'y a rien de trop. Comparons donc avec le texte, pour comprendre ce que la copie a d'équivoque et de forcé: car ce n'est pas toujours de changements qu'il s'agit, c'est parfois de contre-sens.
Jacinte est une jeune fille à marier, d'une physionomie agréable et vraie, quoique peu sentimentale, nuance qui n'allait pas au pinceau de Corneille: aussi la rend-il d'une manière bien dure quand il prête à ce personnage une forte tirade déclamatoire sur les mariages mal assortis[518], et surtout des vers tels que ceux-ci au sujet de son premier prétendant:
Lisez ensuite les vers 443 et suivants de Clarice, et vous ne saurez plus ce qu'elle attend de cette capricieuse épreuve.
X.
Suivent d'autres parties importantes dans lesquelles Corneille rachète heureusement le désavantage de sa position comme imitateur d'une œuvre étrangère.
C'est qu'en effet cette œuvre est à moitié une comédie de caractère, et par ce côté elle est ouverte à son imitation la plus brillante; à moitié une intrigue fort ingénieuse de cape et d'épée, intrigue tout espagnole, qui doit résister à des qualités d'esprit, à des habitudes d'art et de contrée telles que les siennes.
XI.
Voici donc une petite scène fort agréablement rendue[525] quand Alcippe vient, furieux de la fête galante qu'on lui a contée, faire une querelle de jalousie toute semblable à celle de l'espagnol. On le prie de ne pas s'emporter si fort, parce que le père de la jeune personne va venir de la salle voisine; on ne comprend rien à la cause de ses plaintes. Le tour vif et piquant du dialogue est bien reproduit, d'après cette fin par exemple:
Il est vrai qu'on ne trouve point ici cette condition de deux baisers[526], qui n'était ni dans les convenances de la scène espagnole, ni dans celles de la situation et des personnages.
En outre, sur la scène française, la décoration permanente d'une place publique, d'une rue, décoration presque constamment déplacée, gâte un peu le sens des mots: Mon père va descendre[527]. L'idée de ce jeu tient dans l'original à ce que l'oncle peut passer d'un salon voisin dans la salle à manger.
Le monologue suivant, où Alcippe exprime son ressentiment contre son rival[528], n'était pas très-nécessaire; il est ajouté par l'auteur français, avec une belle teinte tragique, accident de couleur qui n'est guère en harmonie avec le reste.
XII.
Pour passer à l'amusante scène où le Menteur va se dire marié, il faut que le théâtre reste vide: défaut trop fréquent, mais grave selon Corneille et tous les classiques. Il n'est vraiment grave que quand un local arbitrairement choisi ne peut changer, comme la place où cette action est confinée mal à propos (voyez, aux vers 552 et suivants, le palliatif tiré de l'éloge des constructions nouvelles de Paris); mais c'est tout le contraire quand le spectateur, en voyant la scène transformée, aime à sentir sa curiosité rafraîchie, transportée sur un nouveau champ d'action.
Dans l'espagnol, nous sommes au parc d'Atocha, qui ressemble à quelqu'une de nos promenades hors des murs de Paris. Là sont descendus de cheval don Beltran et son fils. Le grave père, qui, depuis la confidence du Letrado[529], a recueilli encore un semblable témoignage par la bouche du valet Tristan, se propose deux choses dans cet entretien: d'abord une forte et noble réprimande à donner 255 à son fils, au gentilhomme qui se dégrade par le mensonge; ensuite un mariage à lui proposer. Il va se produire un très-bel effet de haut comique, quand le jeune homme, après avoir écouté docilement la semonce paternelle, se trouve tout aussitôt avoir besoin d'un empêchement insurmontable à un mariage qui contrarie son amour, il le croit du moins, et qu'il rend au respectable moraliste le fruit de son sermon, en improvisant avec tant de feu le roman de ses amours à Salamanque, de son hymen forcé, la montre qui sonne, le pistolet qui part, la muraille percée, etc. Le bon père est ému, il croit tout, se résigne, et remonte à cheval pour aller porter ses excuses à la famille de Jacinte. Le jeune étourdi reste seul, enchanté de son adresse et de tant d'aventures à soutenir.
Corneille a beaucoup sacrifié de la force comique en disjoignant ces deux moitiés de scène, si frappantes par leur péripétie immédiate. S'il reproduit très-fidèlement et avec un grand charme, au deuxième acte[530], le conte du mariage, il réserve pour le cinquième[531], comme renfort de son faible dénoûment, la réprimande du vieux gentilhomme.
Quant à la narration, c'est un morceau capital, où Corneille regagne l'avantage par un travail plus attentif dans le choix et la distribution des circonstances, et par un style plus savamment étudié, où l'emphase convenable au sujet n'est pas surchargée d'un luxe trop oiseux. Il coupe avec plus d'art le dialogue qui doit amener cette narration; mais il ajoute un petit mouvement théâtral sur lequel nous interrogerons la délicatesse du lecteur, pour savoir si ce trait de fourberie hypocrite est bien dans la vraie nuance du caractère du Menteur:
Cette remarque en appelle une autre, c'est qu'en divers endroits, très-courts il est vrai, le ton du jeune homme en arrière de son père offre, comme chez Regnard, un mélange d'impertinence dure et moqueuse qui n'était point dans l'original, plus fidèle à des habitudes de bonne compagnie.
Il est trop vrai en général que la malice française aime à enchérir, plutôt que de rabattre, sur les détails d'un certain genre. Pourquoi Corneille suppose-t-il que Dorante se coulait souvent sans bruit dans la chambre de sa belle[533], tandis que son auteur suppose seulement un premier rendez-vous pour amener son aventure?
256 D'autres détails ajoutés dans le récit sont d'un effet un peu frivole si l'on veut, mais excellent:
La conclusion par le mariage, exposée en une seule période, avec accumulation de motifs[536], est suggérée par la forme de l'original; mais l'habileté du style de Corneille y triomphe d'une manière incomparable.
Citons enfin quelques passages du texte, dont on trouvera dans les vers français la traduction suffisamment fidèle:
Après le siége et la capitulation, un détail qui ne pouvait passer de l'espagnol en français, est cette licence obtenue de l'évêque.
Le valet n'a pas suivi ses maîtres à cette promenade d'Atocha; dans le français, au contraire, il entend tout, et reste ému lui-même d'une si étrange histoire. Cette différence vaut à Corneille une scène charmante qui est toute à lui[537].
Dans les petits mouvements de la fin de notre deuxième acte, le spectateur peut regretter de ne pas entendre lire tout haut, comme dans l'espagnol, les deux billets, l'un de rendez-vous nocturne, l'autre de cartel; car la rédaction très-courte de ces deux appels entre bien dans le ton romanesque de l'aventure. Ils sont d'ailleurs remis à Garcia plus convenablement, chez lui, le matin. Sa fatuité s'exprime comme celle de Dorante (Je revins hier au soir de Poitiers, etc.[538]):
XIII.
En conséquence de la distinction essentielle déjà faite ci-dessus (X), notre parallèle n'exige plus désormais un rapprochement aussi continu des deux ouvrages. Le succès de l'imitation s'étend uniquement à ces parties de la pièce espagnole qui mettent en jeu le caractère du Menteur: l'effort pénible, la confusion, l'absence d'intérêt résultent chez l'imitateur de son impuissance à transporter sur la scène française l'autre moitié du type original, cette intrigue de mœurs espagnoles qu'Alarcon a si habilement fondue dans sa comédie de caractère. En effet l'unité de la conception originale consiste dans le rapport combiné de ces deux parties: d'une part, le Menteur se décrie par tous les contes qu'il invente; de l'autre, il s'embarrasse jusqu'à la fin par une méprise fortuite sur le nom de celle qu'il préfère; son erreur involontaire est imputée au compte de ses mensonges (verdad sospechosa), parce qu'on ne veut plus le croire: c'est la moralité de l'ouvrage, beaucoup moins saillante chez Corneille, et la punition s'accomplit par une petite disgrâce suffisante pour la justice du drame comique. L'ingénieux jeune homme n'épouse pas celle qu'il a recherchée, mais la compagne et l'amie placée tout auprès, à laquelle il a inspiré de l'intérêt dans le cours de ses quiproquos et de ses mensonges, en lui adressant par méprise ses protestations les plus vives. Pour en venir là, il faut passer par un de ces réseaux de complications piquantes et légères qui étaient le secret de la poésie et de la galanterie espagnole. L'esprit et le travail de Corneille s'épuisent en vain à reproduire un pareil tissu. En le suivant de moins près dans cette tentative, nous épargnons, bien qu'à regret, le temps qui serait nécessaire pour faire voir par ce côté le mérite de son modèle.
XIV.
Au commencement de notre troisième acte, l'épisode du duel est assez froidement indiqué par une conversation, tandis qu'il est mis en scène dans l'original. C'est sur le terrain, dans le parc d'Atocha, où son père l'a laissé, que Garcia rencontre son adversaire, lui demande la cause de ce défi, le rassure en inventant une dame mariée à laquelle il aurait donné sa grande fête, et insiste ensuite par point d'honneur pour croiser l'épée, puisqu'on l'a fait venir à cette intention. 259 Survient l'ami commun, don Félix, qui s'occupe au combat: Garcia les quitte avec des airs graves de gentilhomme raffiné[539], et l'entretien qui suit est rendu en entier par la scène entre Alcippe et Philiste[540].
Dans la scène suivante, Clarice se dispose à la conversation du balcon en causant avec Isabelle des nombreuses faussetés du jeune homme, jusqu'à l'aveu d'un mariage, qui ôte toute excuse à ses empressements auprès d'elle. C'est à peu près tout le dialogue espagnol, moins la surprise de Jacinte-Clarice reconnaissant par la fenêtre le brillant étranger, qui n'est plus autre que le fils de don Beltran ou de Géronte.
Enfin la scène du balcon nous offre le moment principal de cet acte, et un effet encore très-dramatique. Dorante n'y ment plus, mais il fait penser à Clarice qu'il ment plus que jamais en ne lui parlant que de Lucrèce, parce que c'est le nom qu'il lui attribue. De là ce dialogue avec Cliton:
et ce qui précède, le tout emprunté à ce texte bien net d'intention et de style:
Il y a du reste, chez Alarcon, beaucoup de force et de rapidité dans le dialogue qui a poussé à bout le début de Jacinte et qui donne lieu à Lucrèce de désirer que le Menteur dise vrai en s'adressant à elle. La même conduite est suivie dans le français, et tous les traits principaux sont traduits.
260 Ainsi se rapportent aux vers 949, etc., de Corneille les suivants:
Aux vers 959, etc.:
Aux vers 1044, etc.:
Nous aurions pu tout citer, car Corneille n'a rien omis, sauf les détails auxquels il devait substituer des équivalents ou de simples raccords. Ici comme ailleurs on aura pu remarquer chez le poëte français plus d'étude et d'art dans le style, chez l'espagnol une précision plus vive, qui entraîne davantage l'action dramatique.
XV.
Du reste, après cet effort très-ingénieux pour lutter sur ce terrain de l'intrigue féminine espagnole, Corneille abandonne forcément la partie. Le naturel le plus parfait, la plus grande vérité de couleur locale sont précisément ce qu'il y a de plus nécessaire pour encadrer ces subtiles intrigues de jolies dames, voilées ou de leur mantille ou du mystère de la nuit. Aussi suffisait-il de l'instinct et de la vivacité familière des femmes espagnoles pour fournir assez d'actrices capables de rendre avec agrément divers rôles du premier rang dans ces comédies. Avec moins de spontanéité sur notre scène, sous l'empire de tant de conditions antipathiques à ces habitudes, la concurrence était téméraire et à peu près impossible. Matériellement, un obstacle insurmontable à l'imitation complète de cette partie de l'intrigue, résulte de l'étendue, qui eût imposé à l'imitateur la substance d'une pièce en sept ou huit actes: telle est en effet la disproportion ordinaire entre les ouvrages dramatiques des deux nations. Une autre difficulté tout aussi sérieuse est dans le canevas même, dont la trame chez l'auteur espagnol est d'une telle finesse qu'elle échappe à l'analyse aussi bien qu'à l'imitation. Il faudrait voir dans le texte, ou mieux sur le théâtre, la jolie scène de jour où sont redoublées les méprises de la nuit entre les jeunes filles tapadas, c'est-à-dire couvertes de leurs mantilles comme d'un domino, suivant l'usage d'Espagne. Cette combinaison sert à pousser à bout les confusions, les mensonges apparents du Menteur, qui, en recherchant l'une, s'adresse involontairement à l'autre, et le dépit de Jacinte qui se détache de lui, et l'inclination croissante de Lucrèce. Le lieu naïvement choisi pour cette action n'est autre que le cloître de l'église et couvent de la Magdalena, à l'heure de l'office de l'octave, lieu fréquenté du beau monde, rendez-vous à la mode de dévotion et de galanterie. D'autres rencontres importantes pour notre comédie y sont amenées ensuite très-naturellement.
262 Corneille était forcé de renoncer à tant de développements, et il ne pouvait transporter l'intrigue dans un lieu saint. Toutefois on lit avec quelque surprise, au vers 1434 ce mot de Clarice à Lucrèce:
Que vient faire le temple ou l'église, dans une action comique aussi abstraite chez nous que les noms grecs de ses personnages? Voltaire est choqué de cette inconvenance dramatique: Allons à l'église, puisque nous n'avons plus rien à dire ici! et cela sans qu'il doive rien résulter pour notre action de cette dévote pratique. La faute tient à un scrupule assez touchant de Corneille: il a beau retrancher et changer bien des choses, on voit qu'il s'y résout timidement, qu'il est comme obsédé des souvenirs de son texte, et il en donne volontiers, comme ici, des miettes éparses, par réminiscence des morceaux dont il est obligé de se priver.
XVI
Au quatrième acte reparaît le comique de caractère du Menteur, qui n'avait presque plus menti dans le troisième.
C'est d'abord l'honnête valet qu'il va prendre pour dupe à son tour, lui, de son cœur l'unique secrétaire, lui, de ses secrets le grand dépositaire[542].
Cliton demande à son maître des nouvelles de cet Alcippe qui, dit-on, s'est battu[543], transition très-faible, ainsi que tout le commencement de la première scène, et qui est tout autrement ménagée dans l'espagnol, où elle sort directement de l'action.
L'occasion est belle pour le Menteur, en s'avouant le héros de ce duel, d'inventer un superbe combat, et de tuer son homme, sauf à le voir entrer en scène aussitôt, ressuscité sûrement par quelque charme hébraïque dont il connaît la formule, sachant dix langues aussi bien que la sienne. Émotions successives du valet, suivies de ses reproches ironiques. Tout cela est imité de fort près, sauf la supposition d'une vieille rancune et d'anciennes provocations[544], sauf encore le joli vers de Corneille:
263 Quelque chose manque pourtant: il était naturel d'amplifier le récit du combat par quelques grands détails d'escrime comme fait Alarcon. Pour en inventer, Corneille, qui n'était pas homme d'épée, pouvait manquer de ressources techniques; mais pourquoi ne traduit-il pas le grand fait d'armes de son auteur? D'abord il ne veut pas dire qu'un Agnus Dei porté par l'adversaire l'a préservé d'un terrible coup d'estocade en brisant l'estoc par la moitié. De plus, pour suivre le poëte espagnol, il eût fallu raconter que, réduit au tronçon de l'arme, le vainqueur a fendu le crâne à son ennemi; mais Corneille veut éviter le double emploi d'une lame brisée: or déjà le Menteur nous disait en contant l'esclandre de Poitiers:
Notez que ce contre-temps avait été judicieusement substitué alors à celui d'un nœud d'épée qui, dans l'espagnol, s'était accroché au loquet d'une serrure. Notre poëte n'avait pas voulu d'un accident trop analogue à celui du pistolet accroché par les cordons de la montre. Mais ce souvenir transposé de l'épée brisée n'est-il pas encore un exemple de ces scrupules de fidélité dont nous venons de parler?
Nous devons ajouter que dans sa forme réduite Corneille écrit admirablement tout ce passage, avec un sel comique qui, tout en imitant, surpasse l'original, par exemple dans ce tour rapide: A ce compte il est mort?—Je le laissai pour tel[547].
On peut comparer les passages suivants, à partir du vers 1168 de Corneille:
XVII.
L'autre trait de caractère, le seul autre moment intéressant de ce quatrième acte, nous révèle inopinément la grossesse de la jeune épouse demeurée à Poitiers (ou à Salamanque), quand le bon père, gagné de tendresse, veut que son fils aille la chercher, et qu'il faut le faire renoncer à cette idée[548].
Alarcon n'a pas, il est vrai, de vers qui équivale à ce mouvement du vieillard heureux de l'idée d'être bientôt aïeul:
La lettre qu'il s'agit d'écrire et de modifier d'après cette nouvelle, amène la malencontreuse question du nom du beau-père. Chez Alarcon, c'est seulement le prénom inséparable du don qu'il est question de retrouver, car il est indispensable en espagnol, et il y a plus de 265 vraisemblance dans cet oubli que dans celui du nom de famille. Le seigneur de Herrera à Salamanque va donc s'appeler don Diego, après avoir été nommé ci-devant don Pedro; la variante s'expliquera en Espagne par l'adoption d'un nouveau prénom à titre d'héritage testamentaire; en France, Armédon changé en Pyrandre s'expliquera comme un nom de terre:
Et quand le bonhomme enfin s'est retiré content:
Les deux scènes dont nous venons de parler sont disposées par Alarcon dans un ordre tout différent qu'il serait trop long d'exposer. L'entrée d'Alcippe au moment où on vient de le tuer, est motivée autrement par Corneille, et d'une manière un peu froide. Après tout ce qui s'est passé, cet Alcippe n'a pas besoin de témoigner tant d'empressement et d'amitié à Dorante. La nouvelle qu'il apporte, c'est que son père est arrivé de Tours, condition absolue de son mariage, comme dans l'espagnol l'obtention d'une commanderie par don Juan de Sosa.
Mais ici, en s'écartant de l'original, notre comédie dégénère rapidement. Nous n'insisterons pas dans la seconde moitié de cet acte sur l'intervention de cette soubrette Sabine qui ne parle que de se faire payer, sans qu'on en comprenne l'utilité. L'équivalent de cette figure est dans le texte un valet de Lucrèce qui tient moins de place et qui sert à l'action. Il serait superflu de poursuivre ces petits emprunts partiels, où le modèle rendu presque méconnaissable est pourtant toujours rappelé plus ou moins indirectement.
XVIII.
Encore un beau moment de grande imitation dans le cinquième acte, au commencement, et c'est tout ce que nous aurons à comparer. C'est assez, en effet, de cette succession de passages brillants déduits d'un même caractère, pour avoir maintenu la comédie de Corneille au rang qu'elle occupe sur notre théâtre, malgré l'effort d'indulgence qu'exigent, surtout vers la fin, sa composition et son ensemble dramatique.
Le père du Menteur demande quelques renseignements sur sa nouvelle 266 famille de province à l'un des amis d'université de son fils. C'est à Philiste, qu'il s'adresse, rôle très-indifférent, tandis qu'Alcippe (comme Juan de Sosa dans le texte) pourrait également lui répondre. Ce que notre auteur met du sien dans ce dialogue, c'est, dans les réponses de Philiste, une malice ironique qui devient gratuitement assez désobligeante et discourtoise envers ce père trop crédule. Cela est d'ailleurs tourné d'une manière très-leste et très-piquante:
L'auteur espagnol ménage cet éclaircissement d'une façon plus digne, et beaucoup plus frappante par la situation: il amène d'un côté de la scène, au cloître de la Madeleine, don Beltran causant avec Juan de Sosa, tandis que de l'autre côté Garcia achève sur Tristan l'essai de ses inventions. Désabusé enfin, le père reste à la même place, lançant des regards courroucés à son fils qui s'approche, et qui subit pour la seconde fois une éloquente réprimande sur l'infamie de ses mensonges.
Corneille, on le sait, a attendu jusqu'ici pour faire élever la voix à son iratus Chremes, et dans cette belle interpellation: Êtes-vous gentilhomme[553]? il préfère imiter d'abord la grave leçon de la deuxième journée dont nous avons parlé (XII) et qu'il a omise en son lieu. Le petit monologue: O vieillesse facile! etc.[554], est librement imité de cet endroit de la troisième journée:
Mais l'interpellation énergique transposée dans Corneille est marquée d'un ton plus irrité, au lieu du ton plutôt grave et triste qu'elle rend dans l'admonestation prudente d'où elle est reprise:
268 On voit combien est en général plus forte de style l'éloquence de Corneille, indépendamment du ton plus pressé que comporte ici la situation. De ce premier emprunt il passe à ceux que lui fournit dans l'original la réprimande actuelle:
L'interlocution un peu plus fréquente où se mêle Cliton à demi-voix est de Corneille. Vient la demande de la main de Lucrèce, dont le Menteur atteste, toujours par erreur de nom, qu'il est amoureux, ce qui fut la cause de ses feintes aventures. Tout est imité; en particulier ce beau mouvement: Tu ne meurs pas de honte[558].... quand Dorante invoque le témoignage de son valet à l'appui du sien.
XIX.
Il resterait à comparer les deux dénoûments. Garcia ne ment plus dans le dénoûment espagnol, mais il est fourvoyé jusqu'au bout par 269 sa première méprise, d'une manière qui nous semble amusante, dramatique et fort habilement combinée.
Dans la pièce française, Dorante est tiré de son erreur par un propos fortuit, quand Clarice dit devant lui à son amie: Lucrèce, écoute un mot[559]. Dès lors il fait soudain changement de front. Par une précaution trop visiblement artificielle de l'auteur, Dorante s'est avisé à part lui que Lucrèce vaut bien Clarice[560], et pour ne pas rester humilié des mépris de cette dernière, il se met à soutenir assez bassement qu'il a joué la comédie à son égard, et que la vraie Lucrèce a toujours eu son amour. Ce nouveau genre de mensonge n'a rien de l'inspiration comique des précédents: c'est une ressource d'amour-propre qui n'est point confondue comme il le faudrait, et qui profite à son hypocrisie. Tout se termine, nous sommes forcés de le dire, dans une indifférence générale du spectateur pour les personnages, surtout pour le principal, et la conclusion par un double mariage s'accomplit sommairement, à demi dissimulée derrière la coulisse.
Corneille s'applaudit, un peu complaisamment, dans son Examen, d'avoir évité, par la conversion soudaine des sentiments de Dorante, ce qu'il y aurait eu de trop dur dans un mariage tragiquement imposé sous la menace d'être tué par son père[561]. Dans la roideur des formes françaises, la chose en effet aurait pu prendre ce tour désagréable; mais la conclusion espagnole qui donne Lucrèce à Garcia ne laisse aucune impression bien fâcheuse, et présente au contraire un tableau original et supérieurement ordonné. Huit personnes au moins y sont amenées sur la scène sans aucune confusion, parce que le poëte espagnol peut faire converser séparément des groupes différents. Corneille n'osait faire usage de cette faculté sur son théâtre, et c'est probablement là le genre d'aparté qu'il n'aimait pas, et qu'il aurait voulu éviter[562].
Nous croyons donc devoir terminer cette étude par l'exposé de la dernière scène d'Alarcon, pour compléter un peu l'idée du modèle auquel Corneille renonçait malgré lui, après l'avoir si attentivement poursuivi, habilement imité, surpassé même quelquefois par la poésie du style. Le mérite de l'illusion et de la mise en scène devait rester à une comédie plus formée, plus savante, et moins gênée dans ses allures, telle qu'était alors la comédie espagnole par rapport à la nôtre.
XX.
La scène est un salon attenant à un jardin, chez Lucrèce.
Le seigneur de Luna, père de Lucrèce, dont on s'était passé jusqu'ici, ramène de la promenade son vieil ami don Sanche, l'oncle de Jacinte. On doit souper ensemble, et l'on cause tandis que les deux jeunes filles sont au jardin. On reçoit à cette heure inaccoutumée la visite de Juan de Sosa, pressé de montrer à don Sanche la nomination officielle qu'il a enfin reçue et qui doit assurer son bonheur. L'oncle de Jacinte accueille cette nouvelle avec joie et va dans le jardin en faire part à sa pupille.
Un motif grave amène également chez le seigneur de Luna Garcia et don Beltran, pressé de présenter son fils au père de Lucrèce.
Tandis que Garcia complimente Sosa sur le succès de ses vœux, peu de mots ont suffi aux deux vieillards pour tomber d'accord, et Luna s'empresse de tendre la main au jeune homme en s'engageant pour sa fille.
Une certaine anxiété se prolonge ainsi pour le spectateur, qui sait que Garcia, encore trompé dans sa démarche par un nom mal appliqué, ne songe en réalité qu'à Jacinte, l'accordée de Sosa.
En ce moment reviennent du jardin don Sanche et les jeunes filles. Jacinte reçoit le compliment de son amie, en souhaitant même fortune au penchant qu'elle lui connaît pour Garcia.
C'est là le moment d'un fort joli coup de théâtre.
Quand, d'un côté de la scène, le père de Lucrèce lui a assuré que Garcia, non marié à Salamanque, vient la demander, et qu'elle a consenti, don Sanche à haute voix, invite les deux nobles prétendants à s'avancer vers leurs heureuses fiancées. «Maintenant, dit Garcia triomphant, le fait va justifier tout ce que j'ai dit de vrai.» Et là-dessus il s'avance vers Jacinte du même pas que Sosa. «Que faites-vous, Garcia? lui dit celui-ci. Voilà Lucrèce.» Il se récrie; il persiste un moment, et déclare que s'il a demandé l'une par erreur, c'est l'autre qu'il a aimée. Scandale et colère générale. Lucrèce atteste vivement la lettre où il s'engageait à elle d'une manière si peu équivoque; don Beltran le fera périr de sa main s'il persévère dans cette nouvelle indignité; le seigneur de Luna voudra laver dans son sang l'injure faite à sa fille. Juan de Sosa prie brièvement Jacinte de mettre un terme à tout cela, et elle se donne à lui. Dès lors Garcia n'a plus qu'à se rendre à la douce Lucrèce.
«A vous la faute, dit Tristan à demi-voix. Si vous aviez commencé par dire vrai, vous posséderiez Jacinte à cette heure. Plus de 271 remède maintenant: consentez, et donnez la main à Lucrèce, qui est aussi une aimable fille.
Don Garcia. Allons, puisqu'il le faut; je donne ma main.
Tristan. Cela vous apprendra ce qu'on gagne à mentir, et fera voir à l'Assemblée que dans la bouche du menteur d'habitude, la vérité devient suspecte.»
L'intérêt qui s'attache à la pièce d'Alarcon et à un poëte de cet ordre dont le nom est presque dépourvu de tout renseignement biographique, nous porte à relever ici deux passages assez remarquables de cette comédie.
Le premier a été déjà signalé par un éditeur: c'est un éloge du roi Philippe III mêlé aux remontrances adressées par don Beltran à son fils: «Songez que vous vivez sous les yeux d'un roi si pieux et si accompli que vos travers ne peuvent trouver en lui de faiblesses qui servent à les excuser.» Cette phrase donnerait à la pièce une date antérieure à la mort de Philippe III, qui arriva en mars 1621.
L'autre passage appartient à la première scène. C'est un trait d'amère censure qui semble coïncider avec des manifestations assez vives de l'opinion publique survenues vers la fin de ce règne, et dont il est question dans le roman de Gil Blas, d'une manière qui ressemble fort à de l'histoire. C'est le moment de la chute du long ministère du duc de Lerme, faiblement continué par son fils le duc d'Uzède. Le Letrado, pour consoler don Beltran au sujet de son fils, lui dit qu'on peut tout espérer du séjour de la cour, d'une si grande école d'honneur, pour l'amendement du jeune homme. «Ah! je suis presque tenté de rire à voir comme vous entendez la 272 cour. Vraiment, il ne trouverait là personne pour lui enseigner à mentir! Sachez bien qu'à la cour, si fort que soit en ce genre don Garcia, il trouvera des gens qui lui rendront chaque jour mille points en fait de mensonges. Quand on voit ici tel homme occupant un poste élevé, mentir en des affaires où il y va pour ses dupes de leur fortune et de leur honneur, combien un tel méfait n'est-il pas plus grave de la part de celui qui est offert à tout le royaume pour miroir et pour modèle.... Mais quittons ce sujet.... je me laisse aller à de médisants propos, etc.[563].»
V.
Dans une de ses notes sur le Menteur (acte II, scène V), Voltaire mentionne comme étant une imitation de la comédie de Corneille, 273 la pièce de Goldoni intitulée il Bugiardo[564]. Ce rapprochement n'est évidemment qu'une aimable flatterie, motivée par quelques relations de politesse qui s'étaient établies entre Voltaire et l'auteur italien. Les deux ouvrages diffèrent à un tel point l'un de l'autre par les circonstances de l'action, le genre, le ton, la manière, sans parler du talent, que toute comparaison est impossible. Pour montrer combien la distance est grande quant au genre et au ton, il nous suffira de dire que dans la comédie italienne, écrite en prose commune, le père du Menteur, le valet du Menteur, et un autre valet ou confident s'appellent Pantalone, Arlecchino et Brighella, noms de trois masques traditionnels, parlant tous le patois vénitien. Goldoni revendique à bon droit son originalité telle quelle dans un mot de préface, où, par un scrupule de délicatesse, il reconnaît d'une manière générale qu'il a fait quelques emprunts à la pièce française (il ne paraît pas avoir connu l'espagnole): il a reproduit en effet les plaisantes inventions d'un mariage forcé, d'une femme enceinte, d'un adversaire tué en duel. Au lieu des tirades narratives, c'est en un menu dialogue qu'arrivent une à une toutes les fictions de ce Menteur. Les questions du bonhomme Pantalon en provoquent chaque circonstance successivement, et son jeu de scène devient ainsi le côté le plus plaisant du spectacle.
Du reste le tour honnête et assez sérieux des idées de Goldoni est marqué par son dénoûment. Le menteur Lélio, qu'il a rendu plus méprisable que séduisant, est à la fin chassé par la famille à laquelle il voulait s'allier, et rejeté par son père Pantalon Bisognosi, qui l'abandonne, en lui comptant sa légitime, aux poursuites d'une femme étrangère, qu'il a séduite et délaissée.
V.
Nous avons peu de chose à dire de la Suite du Menteur. La comparaison entre cet ouvrage et la comédie de Lope de Vega intitulée Amar sin saber á quien, «Aimer sans savoir qui,» sera faite avec toute la compétence désirable dans l'Appendice que nous devons à l'inépuisable obligeance de M. Viguier (voyez p. 391-395); et quant à l'histoire de la représentation, nous l'avons presque racontée d'avance en parlant du Menteur lui-même. La scène III du premier acte, citée par nous dans la Notice précédente, prouve que les personnages de Dorante et de Cléon furent remplis par les acteurs qui les avaient déjà représentés dans le premier ouvrage, et donne sur ces deux comédiens de curieux détails, auxquels nous nous contentons de renvoyer[565].
Cette pièce fut jouée vers la fin de 1643, et il est permis de conjecturer qu'elle fut lue par Corneille au chancelier Seguier, au commencement d'aôut de la même année. Voici sur quoi se fonde cette opinion. On lit à la suite d'un passage de la Bibliothèque françoise de Gouget[566] où il vient d'être question de la correspondance manuscrite de Chapelain: «Ces lettres.... de même que quelques autres, montrent aussi que Corneille fréquentait souvent M. le chancelier Seguier et l'hôtel de Rambouillet, et qu'il lisoit ses pièces dramatiques avant de les livrer au théâtre.» L'indication marginale qui accompagne ce passage porte: «Lettres du 16 août 1643 et du 8 novembre 1652.» De ces deux dates la première ne peut se rapporter qu'à la 278 Suite du Menteur et la seconde qu'à Pertharite, joué en 1653. Par malheur, il est impossible de recourir au texte même: car, bien que M. Sainte-Beuve possède la plus grande partie des lettres inédites de Chapelain, «cette précieuse copie autographe est, comme le fait remarquer M. Taschereau[567], incomplète d'un volume (1641 à 1658).» Ce que nous venons de dire prouve que Gouget avait probablement parcouru ce volume aujourd'hui perdu, et, faute de mieux, son témoignage nous fournira encore d'utiles renseignements en d'autres circonstances.
Corneille reconnaît en plus d'un endroit[568] que la pièce qui nous occupe a beaucoup moins réussi que la précédente; mais il nous apprend que, «quatre ou cinq ans après, la troupe du Marais la remit au théâtre avec un succès plus heureux[569].» C'est sans doute cette phrase qui a fait supposer fort gratuitement que le Menteur et la Suite n'avaient pas d'abord été donnés au Marais, mais qu'ils y avaient seulement été repris[570].
Voltaire affectionnait cet ouvrage; il s'exprime ainsi dans la préface du commentaire qu'il lui a consacré: «La Suite du Menteur ne réussit point. Serait-il permis de dire qu'avec quelques changements elle ferait au théâtre plus d'effet que le Menteur même?»
Andrieux voulut tenter l'aventure; il mit la pièce en quatre actes, et la fit ainsi représenter, le 26 germinal an xi (1803), sur le théâtre Louvois. Puis, mécontent de son essai, qui avait pourtant été accueilli d'une manière assez favorable, il crut pouvoir trouver des modifications plus heureuses, remit l'ouvrage en cinq actes, et le fit jouer en 1810, avec de nouveaux changements, sur le théâtre de l'Impératrice (aujourd'hui l'Odéon). Toutefois, cette comédie n'a pu se maintenir 279 au répertoire; mais aucune peut-être ne mériterait davantage de devenir l'objet, au moins passager, d'une de ces intéressantes reprises que, depuis quelque temps, le Théâtre-Français a si à propos multipliées. En effet, si le plan et l'ordonnance laissent quelque chose à désirer, la Suite du Menteur n'en offre pas moins des rôles excellents, des scènes charmantes et des situations fort gaies.
L'édition originale a pour titre: La Svite du Menteur, comedie. Imprimé à Roüen, et se vend à Paris, chez Antoine de Sommauille.... et Augustin Courbé.... M.DC.XLV, in-4o de 6 feuillets et 136 pages. On lit à la fin du privilége: «Acheué d'imprimer pour la premiere fois à Rouen, par Laurens Maurry, ce dernier septembre 1645.»
Monsieur,
Je vous avois bien dit que le Menteur ne seroit pas le dernier emprunt ou larcin que je ferois chez les Espagnols[572]: en voici une Suite qui est encore tirée du même original, et dont Lope a traité le sujet sous le titre de Amar sin saber á quien. Elle n'a pas été si heureuse au théâtre que l'autre, quoique plus remplie de beaux sentiments et de beaux vers. Ce n'est pas que j'en veuille accuser ni le défaut des acteurs, ni le mauvais jugement du peuple: la faute en est toute à moi, qui devois mieux prendre mes mesures, et choisir des sujets plus répondants au goût de mon auditoire. Si j'étois de ceux qui tiennent que la poésie a pour but de profiter aussi bien que de plaire[573], je tâcherois de vous persuader que celle-ci 280 est beaucoup meilleure que l'autre, à cause que Dorante y paroît beaucoup plus honnête homme, et donne des exemples de vertu à suivre; au lieu qu'en l'autre, il ne donne que des imperfections à éviter; mais pour moi, qui tiens avec Aristote et Horace[574] que notre art n'a pour but que le divertissement, j'avoue qu'il est ici bien moins à estimer qu'en la première comédie, puisque, avec ses mauvaises habitudes, il a perdu presque toutes ses grâces, et qu'il semble avoir quitté la meilleure part de ses agréments lorsqu'il a voulu se corriger de ses défauts[575]. Vous me direz que je suis bien injurieux au métier qui me fait connoître, d'en ravaler le but si bas que de le réduire à plaire au peuple, et que je suis bien hardi tout ensemble de prendre pour garant[576] de mon opinion les deux maîtres dont ceux du parti contraire se fortifient. A cela, je vous dirai que ceux-là même qui mettent si haut le but de l'art sont injurieux à l'artisan, dont ils ravalent d'autant plus le mérite, qu'ils pensent relever la dignité de sa profession, parce que, s'il est obligé de prendre soin de l'utile, il évite seulement une faute quand il s'en acquitte, et n'est digne d'aucune louange. C'est mon Horace qui me l'apprend:
281 En effet, Monsieur, vous ne loueriez pas beaucoup un homme pour avoir réduit un poëme dramatique dans l'unité de jour et de lieu, parce que les lois du théâtre le lui prescrivent, et que sans cela son ouvrage ne seroit qu'un monstre. Pour moi, j'estime extrêmement ceux qui mêlent l'utile au délectable, et d'autant plus qu'ils n'y sont pas obligés par les règles de la poésie[578]; je suis bien aise de dire d'eux avec notre docteur[579]:
mais je dénie qu'ils faillent contre ces règles, lorsqu'ils ne l'y mêlent pas, et les blâme seulement de ne s'être pas proposé un objet assez digne d'eux, ou si vous me permettez de parler un peu chrétiennement, de n'avoir pas eu assez de charité pour prendre l'occasion de donner en passant quelque instruction à ceux qui les écoutent ou qui les lisent. Pourvu qu'ils ayent[580] trouvé le moyen de plaire, ils sont quittes envers leur art; et s'ils pèchent, ce n'est pas contre lui, c'est contre les bonnes mœurs et contre leur auditoire. Pour vous faire voir le sentiment d'Horace là-dessus, je n'ai qu'à répéter ce que j'en ai déjà pris: puisqu'il ne tient pas qu'on soit digne de louange quand on n'a fait que s'acquitter de ce qu'on doit, et qu'il en donne tant à celui qui joint l'utile à l'agréable, il est aisé de conclure qu'il tient que celui-là fait plus qu'il n'étoit obligé de faire. Quant à Aristote, je ne crois pas que ceux du parti contraire ayent d'assez bons yeux pour trouver le mot d'utilité dans tout son Art poétique: quand il recherche la cause de la poésie, il ne l'attribue qu'au plaisir que les hommes reçoivent 282 de l'imitation[581]; et comparant l'une à l'autre les parties de la tragédie, il préfère la fable aux mœurs, seulement pour ce qu'elle contient tout ce qu'il y a d'agréable dans le poëme[582]; et c'est pour cela qu'il l'appelle l'âme de la tragédie. Cependant, quand on y mêle[583] quelque utilité, ce doit être principalement dans cette partie qui regarde les mœurs, et que ce grand homme toutefois ne tient point du tout nécessaire, puisqu'il permet de la retrancher entièrement, et demeure d'accord qu'on peut faire une tragédie sans mœurs[584]. Or, pour ne vous pas donner mauvaise impression de la comédie du Menteur, qui a donné lieu à cette Suite, que vous pourriez juger être simplement faite pour plaire, et n'avoir pas ce noble mélange de l'utilité, d'autant qu'elle semble violer une autre maxime, qu'on veut tenir pour indubitable, touchant la récompense des bonnes actions et la punition des mauvaises, il ne sera peut-être pas hors de propos que je vous dise là-dessus ce que je pense. Il est certain que les actions de Dorante ne sont pas bonnes moralement, n'étant que fourbes et menteries; et néanmoins il obtient enfin ce qu'il souhaite, puisque la vraie Lucrèce est en cette pièce sa dernière inclination. Ainsi, si cette maxime est une véritable règle de théâtre, j'ai failli; et si c'est en ce point seul que consiste l'utilité de la poésie, je n'y en ai point mêlé. Pour le premier, je n'ai qu'à vous dire que cette règle imaginaire est entièrement contre la pratique des anciens; et sans aller chercher des exemples parmi les Grecs, Sénèque, qui en a tiré presque tous ses sujets, nous en fournit assez[585]: Médée brave Jason après 283 avoir brûlé le palais royal, fait périr le Roi et sa fille et tué ses enfants; dans la Troade, Ulysse précipite Astyanax, et Pyrrhus immole Polyxène, tous deux impunément; dans Agamemnon, il est assassiné par sa femme et par son adultère, qui s'empare de son trône sans qu'on voie tomber de foudre sur leurs têtes; Atrée même, dans le Thyeste, triomphe de son misérable frère après lui avoir fait manger ses enfants. Et dans les comédies de Plaute et de Térence, que voyons-nous autre chose que des jeunes fous qui, après avoir, par quelque tromperie, tiré de l'argent de leurs pères, pour dépenser à la suite de leurs amours déréglées, sont enfin richement mariés; et des esclaves qui, après avoir conduit tout l'intrigue[586], et servi de ministres à leurs débauches, obtiennent leur liberté pour récompense? Ce sont des exemples qui ne seroient non plus propres à imiter que les mauvaises finesses de notre Menteur. Vous me demanderez en quoi donc consiste cette utilité de la poésie, qui en doit être un des grands ornements, et qui relève si haut le mérite du poëte quand il en enrichit son ouvrage. J'en trouve deux à mon sens: l'une empruntée de la morale, l'autre qui lui est particulière: celle-là se rencontre aux sentences[587] et réflexions que l'on peut adroitement semer presque partout; celle-ci en la naïve peinture des vices et des vertus[588]. Pourvu qu'on les sache mettre en leur jour, et les faire connoître par leurs véritables caractères, celles-ci se feront aimer, quoique malheureuses, et ceux-là se feront détester, quoique triomphants. Et comme le portrait d'une laide femme ne laisse pas d'être beau, et qu'il n'est pas besoin d'avertir que l'original n'en est pas aimable pour empêcher qu'on l'aime, il en est de même dans 284 notre peinture parlante: quand le crime est bien peint de ses couleurs, quand les imperfections sont bien figurées, il n'est point besoin d'en faire voir un mauvais succès à la fin pour avertir qu'il ne les faut pas imiter; et je m'assure que toutes les fois que le Menteur a été représenté, bien qu'on l'ait vu sortir du théâtre pour aller épouser l'objet de ses derniers desirs, il n'y a eu personne qui se soit proposé son exemple pour acquérir une maîtresse, et qui n'ait pris toutes ses fourbes, quoique heureuses, pour des friponneries d'écolier, dont il faut qu'on se corrige avec soin, si l'on veut passer pour honnête homme. Je vous dirois qu'il y a encore une autre utilité propre à la tragédie, qui est la purgation des passions; mais ce n'est pas ici le lieu d'en parler, puisque ce n'est qu'une comédie que je vous présente. Vous y pourrez rencontrer en quelques endroits ces deux sortes d'utilité dont je vous viens d'entretenir. Je voudrois que le peuple y eût trouvé autant d'agréable, afin que je vous pusse présenter quelque chose qui eût mieux atteint le but de l'art. Telle qu'elle est, je vous la donne, aussi bien que la première, et demeure de tout mon cœur,
MONSIEUR,
Votre très-humble serviteur,
Corneille.
L'effet de celle-ci n'a pas été[589] si avantageux que celui de la précédente, bien qu'elle soit mieux écrite. L'original espagnol est de Lope de Végue sans contredit[590], et a ce défaut que ce n'est que le valet qui fait rire, au lieu qu'en l'autre les principaux agréments sont dans la bouche du maître. L'on a pu voir par les divers succès quelle différence il y a entre les railleries spirituelles d'un honnête homme de bonne humeur, et les bouffonneries froides d'un plaisant à gages. L'obscurité que fait en celle-ci le rapport à l'autre a pu contribuer quelque chose à sa disgrâce, y ayant beaucoup de choses qu'on ne peut entendre, si l'on n'a l'idée présente du Menteur. Elle a encore quelques défauts particuliers. Au second acte[591], Cléandre raconte à sa sœur la générosité de Dorante qu'on a vue au premier, contre la maxime qu'il ne faut jamais faire raconter ce que le spectateur a déjà vu. Le cinquième est trop sérieux pour une pièce si enjouée, et n'a rien de plaisant que la première scène entre un valet et une servante. Cela plaît si fort en Espagne, qu'ils font souvent parler bas les amants de condition, pour donner lieu à ces sortes de gens de s'entre-dire des badinages; mais en France, ce n'est pas le goût de l'auditoire. Leur entretien est plus supportable au premier acte, cependant 286 que Dorante écrit[592]; car il ne faut jamais laisser le théâtre sans qu'on y agisse, et l'on n'y agit qu'en parlant. Ainsi Dorante qui écrit ne le remplit pas assez; et toutes les fois que cela arrive, il faut fournir l'action par d'autres gens qui parlent. Le second débute par une adresse digne d'être remarquée, et dont on peut former cette règle, que quand on a quelque occasion de louer une lettre, un billet ou quelque autre pièce éloquente ou spirituelle, il ne faut jamais la faire voir, parce qu'alors c'est une propre louange que le poëte se donne à soi-même[593]; et souvent le mérite de la chose répond si mal aux éloges qu'on en fait, que j'ai vu des stances présentées à une maîtresse, qu'elle vantoit d'une haute excellence, bien qu'elles fussent très-médiocres, et cela devenoit ridicule. Mélisse loue ici la lettre que Dorante lui a écrite; et comme elle ne la lit point, l'auditeur a lieu de croire qu'elle est aussi bien faite qu'elle le dit. Bien que d'abord cette pièce n'eût pas grande approbation, quatre ou cinq ans après la troupe du Marais la remit sur le théâtre avec un succès plus heureux; mais aucune des troupes qui courent les provinces ne s'en est chargée. Le contraire est arrivé de Théodore, que les troupes de Paris n'y ont point rétablie depuis sa disgrâce, mais que celles des provinces y ont fait assez passablement réussir.
LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES DE LA SUITE DU MENTEUR.
ÉDITION SÉPARÉE.
RECUEILS.
DORANTE. | |
CLITON, | valet de Dorante. |
CLÉANDRE, | gentilhomme de Lyon. |
MÉLISSE, | sœur de Cléandre. |
PHILISTE, | ami de Dorante, et amoureux de Mélisse[594]. |
LYSE, | femme de chambre de Mélisse[595]. |
Un Prévôt. |
La scène est à Lyon[596].
LA SUITE DU MENTEUR.
COMÉDIE.
DORANTE, CLITON.
(Dorante paroît écrivant dans une prison, et le geôlier ouvrant
la porte à Cliton, et le lui montrant.)
DORANTE, CLITON, LYSE.
DORANTE, CLITON.
LE PRÉVÔT, CLÉANDRE, DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLÉANDRE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
FIN DU PREMIER ACTE.
MÉLISSE, LYSE.
CLÉANDRE, MÉLISSE, LYSE.
MÉLISSE, LYSE.
PHILISTE, DORANTE, CLITON, dans la prison[656].
DORANTE, CLITON.
DORANTE, LYSE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
FIN DU SECOND ACTE.
(L'acte se passe dans la prison[680].)
CLÉANDRE, DORANTE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
DORANTE, MÉLISSE, déguisée en servante, cachant son visage sous une coiffe; CLITON, LYSE.
PHILISTE, DORANTE, CLITON[715].
DORANTE, CLITON[721].
FIN DU TROISIÈME ACTE.
MÉLISSE, LYSE.
CLÉANDRE, MÉLISSE, LYSE.
MÉLISSE, LYSE.
DORANTE, PHILISTE, CLITON.
MÉLISSE, LYSE, à la fenêtre[756]; PHILISTE, DORANTE, CLITON.
DORANTE, MÉLISSE, LYSE.
DORANTE, PHILISTE, CLITON.
DORANTE, CLITON.
FIN DU QUATRIÈME ACTE.
LYSE, CLITON.
DORANTE, CLITON, LYSE.
DORANTE, MÉLISSE, LYSE, CLITON[775].
DORANTE, PHILISTE, MÉLISSE, LYSE, CLITON.
DORANTE, PHILISTE, CLÉANDRE, MÉLISSE, LYSE, CLITON.
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
QUELQUES REMARQUES
SUR
LA SUITE DU MENTEUR,
COMME IMITATION D'UNE COMÉDIE DE LOPE DE VEGA.
Amar sin saber á quien, «Aimer sans savoir qui on aime,» est une des meilleures et des plus agréables comédies de Lope de Vega. Un volume de ses œuvres dramatiques qu'il devait publier lui-même, et qui contient cette pièce, le véritable XXIIe[795], fut donné en 1635, quelques mois après sa mort, par son gendre, à Madrid (in-4o). Mais ce n'est probablement pas cette édition de 1635 qui servit au travail de Corneille. Le même volume apocryphe qui lui avait donné comme étant de Lope la pièce d'Alarcon et qui est de Saragosse, 1630, contient aussi, sans fausse attribution d'auteur cette fois, la comédie, Amar sin saber á quien. C'est la septième du volume. Celle d'Alarcon est la cinquième. Cette circonstance nous offre une raison de plus de conjecturer que Corneille n'avait eu ni le temps ni les moyens de se faire une bibliothèque espagnole bien considérable. En ce genre son fonds pouvait bien se réduire à un très-petit nombre de volumes.
On ignore les dates premières des diverses compositions rassemblées dans l'impression de 1635 dont nous venons de parler; mais dans Amar sin saber á quien nous avons remarqué deux points de repère: une mention familière de Cervantes et du don Quichotte, comme antithèse de la mode des romanceros; et une mention de Lope lui-même, nommé en passant dans le dialogue, où est citée une sentence de ses livres. Il y a d'ailleurs dans l'ensemble assez de vigueur 392 et de fraîcheur pour marquer une période comprise dans les meilleures années du poëte, vingt ans au moins et peut-être plus de trente avant l'édition de 1630, qui doit être la première[796].
Rien absolument dans cette comédie n'a le moindre rapport à la conception dramatique traitée, un peu plus tard, comme nous sommes porté à le croire, dans le Menteur du poëte Alarcon; et Corneille, alors même qu'il regardait les deux comédies comme l'œuvre de Lope, n'a pu leur attribuer la moindre connexion de motif et de sujet. Ici le rôle principal est celui d'un jeune gentilhomme, modèle de générosité. Incarcéré, poursuivi sur de fausses apparences, il s'abstient de révéler le véritable auteur d'un meurtre commis dans un duel, dont il n'a été que le témoin involontaire. Plus tard, il veut renoncer par la fuite aux espérances d'un amour partagé, dès qu'il a découvert que sa dame est recherchée par le noble ami dont le zèle l'a fait sortir de prison. Ces deux situations forment une sorte de roman dramatique, soutenu par une inspiration toujours distinguée, qui n'exclut nullement l'aisance, la grâce, et même la gaieté. Il n'y a point là de place pour un caractère vicieux à corriger, ou à continuer par une suite quelconque. L'idée d'associer la dissimulation généreuse du prisonnier, don Juan de Aguilar, aux fantaisies mensongères du jeune Garcia serait trop fausse pour avoir pu se présenter d'elle-même à l'esprit de Corneille; il faut croire qu'elle lui fut suggérée par un faux calcul de succès; peut-être ne fît-il que suivre le conseil de Jodelet, qui jouait Cliton, et des autres acteurs de la troupe, désireux tous de donner une suite aux recettes lucratives du Menteur. Tout ce qu'il était possible de faire dans ce dessein, d'après ce titre une fois imposé, c'était d'affubler le héros du nom de Dorante, de ramener le babillard Cliton, et l'insignifiant Philiste, en faisant de celui-ci l'ami magnanime qui se sacrifie à son tour, au dénoûment. Les expédients inventés pour combler par des récits rétrospectifs un intervalle de quelques années entre les deux actions dramatiques suffiraient seuls à expliquer le mauvais accueil fait à la seconde: ils présentent une transition doublement choquante, en contre-sens avec ce qui suit et avec ce qui précède: avec le nouveau Dorante, si accompli désormais, et avec l'ancien, en qui ces récits froissent et déshonorent un sujet d'agréables souvenirs. Le poëte, aux deux premiers actes, se prévaut de ces souvenirs pour rappeler épisodiquement son succès des deux années précédentes, et le raconter en vers spirituels, qui méritent d'être lus comme une intéressante curiosité littéraire. Du reste on ne sait que penser de ce Dorante qui, comme on nous le rapporte en 393 un style léger et indifférent, s'est transformé depuis la chute du rideau en un vil fripon, qui a délaissé sa fiancée, volé la dot, causé la mort de son père, pris le deuil à Rome[797], qu'une dernière aventure nous fait retrouver en prison à Lyon, pour y déployer toute la noblesse du personnage inventé par Lope de Vega. Nous ne pouvons concevoir comment une aussi énorme incohérence morale échappe à la censure, très-distraite il est vrai, de Voltaire, quand nous le voyons d'autre part relever avec admiration, en homme du métier, les attachantes données dramatiques dont il aurait voulu voir sortir un chef-d'œuvre, et pour lesquelles il rend, presque à son insu, un vif hommage au poëte espagnol, dont il ne connaissait d'ailleurs que le nom[798].
Mais les données qui, entre les mains exercées de Lope, avaient produit sinon une œuvre modèle, du moins un original et charmant ouvrage, étaient très-difficiles à remanier. Cela est vrai surtout de la double situation sentimentale, fort effacée dans Corneille, que le titre espagnol indique: ces amours réciproques conçus de part et d'autre avant qu'on se soit vu seulement, et sans être justifiés par des circonstances qui éveillent la sympathie ainsi que la curiosité du spectateur. C'est d'un côté la jeune fille induite à secourir le prisonnier par les instances d'un frère qui a sur le cœur tout ce qu'il doit à ce noble inconnu; de l'autre, ce jeune homme recevant d'abord des secours anonymes, avec un romanesque billet de femme, destiné seulement à les faire accepter, puis les messages d'une suivante vive et adroite, puis un portrait, puis une visite voilée, où la mystérieuse mantille finit par s'entr'ouvrir avec tout l'enchantement d'une exquise galanterie. La différence des nuances et des tons ne peut pas se mesurer dans tout ce qui est tenté pour correspondre en français à cette élégante gradation, particulièrement lorsque Mélisse vient se montrer à Dorante sous une coiffe de servante, comme sœur de sa soubrette, et qu'il la fait passer à son tour pour une petite lingère, de ses anciennes amies[799].
Il y a bien aussi dans l'original un valet bouffon qui a beaucoup de sympathie pour l'argent donné, qui fait sa cour à la soubrette avec une gaieté burlesque, et qui commente le mystère de la dame en mauvaise part, la supposant laide et vieille; mais en ce genre tout dépend de la mesure et du goût des plaisanteries, et par malheur le Jodelet (ou Cliton) de Corneille dégrade la scène et abaisse les rôles principaux par des plaisanteries souvent grossières, qu'on n'a point à reprocher au gracioso Limon.
394 Il était encore inévitable que la fatale loi des unités vint apporter chez nous bien des entraves au vrai développement du drame. L'action commence très-vivement dans l'original par le duel presque sans paroles de deux gentilshommes de Tolède, dont l'un tombe mort, et l'autre, pour s'enfuir, monte sur la mule de don Juan de Aguilar, qui en est descendu pour venir les séparer. Don Juan, trouvé près du mort, se voit arrêté avec son valet par les hommes de police. Rien de plus naturel que de supposer quelques journées d'intervalle pour les allées et venues de la suivante, et pour les avances successives de la jeune Castillane, qui aime et se fait aimer sin saber á quien. Il faut aussi admettre quelque intervalle pour les beaux engagements d'amitié qui se forment entre le prisonnier et ses deux protecteurs, savoir don Fernand, frère de la belle Leonarda, et don Luis de Ribera, l'illustre prétendant, peu agréé; il en faut enfin pour les démarches officieuses de ce dernier, qui obtient un ordre de libération. Vers la fin, il n'était pas indifférent à l'intérêt théâtral de supposer notre héros déjà parti de Tolède pour faire place aux prétentions plus anciennes de son ami; il convenait d'amener la jeune fille désespérée à s'en expliquer franchement, non pas en présence de tous les personnages, réunis en une scène dernière, comme chez Corneille, mais en tête-à-tête avec don Luis, lequel, vivement piqué d'honneur à son tour, se hâte de courir après son ami fugitif. Il le rejoint en poste, à moitié chemin entre Tolède et Madrid, et de là, comme il faut le ramener à sa dame avec toute l'autorité sévère d'un noble Castillan dont il a pu mettre en doute la grandeur d'âme (un Ribera y Guzman!), don Luis, en possession de la grâce officielle, se prévaut de son rôle pour lui enjoindre de le suivre, de retourner à sa prison à Tolède. Ces détails si attachants ne sont pas inutiles à connaître pour expliquer, sinon pour justifier, l'effet purement oratoire et subtil arrangé par Corneille, et que Voltaire traitait rigoureusement quand il disait[800]: «Ce refrain, Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir, est encore plus froid que le caractère de Philiste; et cette petite finesse anéantit tout le mérite que pouvait avoir Philiste en se sacrifiant pour son ami.» Il est certain que l'artifice énigmatique des paroles n'est pas aussi contourné dans l'original, où d'ailleurs l'action, par plus de mouvement et de puissance, fait de cet artifice une véritable beauté.
Une habitude ordinaire dans ces fables espagnoles, c'est le soin que mettent les auteurs à les compléter, sans craindre de les compliquer. Deux ou trois mariages ne sont jamais trop à la fin de ces comédies[801].
395 Il faut donc marier don Fernando, frère de doña Leonarda; pour cela est introduite une jeune Lisarda, un peu inconsidérée, qui a été cause du duel avec le querelleur don Pedro, mort au commencement de la pièce. Corneille n'avait point tort d'écarter cette figure légère et surabondante, ainsi que les petites complications qu'elle amène.
Ou lit au troisième acte de la comédie française[802] des stances qui ne sont point imitées de l'espagnol, mais dont l'idée a pu être suggérée par une émulation de luxe métrique, Lope ayant embelli sa pièce de trois sonnets et de quelques variétés de versification, où l'on distingue, à la troisième journée, deux tirades, très-bien faites, de récit et de complainte, en endechas, vers de cinq syllabes. Diverses parties de la diction de Corneille annoncent aussi beaucoup de soin, surtout les vers encore célèbres sur la sympathie[803], où, pour le dire en passant, se trouve une mention de l'Astrée de d'Urfé, correspondant de loin à la jolie scène espagnole où est mentionné le don Quichotte. Mais nous demeurons en peine de comprendre la supériorité que notre auteur attribue en général aux vers de la Suite sur ceux du Menteur[804], si ce jugement hasardé n'est pas un sophisme de consolation à l'usage du poëte, moins heureux au second essai qu'au premier. Toujours est-il que nous ne trouverions pas à citer ici de ces luttes brillantes de traduction et d'imitation comme celles qui se sont fait admirer dans la pièce précédente. Cela peut tenir en partie à la manière de Lope, plus glissante, d'un vol plus léger que celle d'Alarcon, et généralement moins adaptée aux allures de Corneille.
V.
En 1644, Gabriel Gilbert, secrétaire de la duchesse de Rohan, qui déjà s'était fait connaître comme poëte dramatique par deux tragi-comédies, Marguerite de France et Philoclée et Téléphonte[805], en fit représenter une troisième, Rodogune, qui n'obtint qu'un fort médiocre succès.
Quelques mois après[806], dans le courant de la même année, 400 Corneille faisait représenter un ouvrage portant le même titre, qu'il n'hésitait pas à préférer à Cinna et au Cid, et qui, bien 401 que généralement regardé comme indigne d'un tel honneur, mérite toutefois d'occuper un des premiers rangs parmi ses tragédies.
Si l'on compare les deux Rodogune, on est frappé des rapports qu'elles présentent jusqu'à la fin du quatrième acte. Le plan est identique, les situations analogues; plusieurs vers même se ressemblent, autant toutefois que les vers de Gilbert peuvent ressembler à ceux de Corneille; mais ce qui surprend tout d'abord, c'est que le nom qui sert de titre aux deux pièces n'est pas, dans chacune d'elles, appliqué au même personnage: la Rodogune de Gilbert est la Reine mère des deux jeunes princes, et correspond par conséquent à la Cléopatre de Corneille. Au cinquième acte tout rapport entre les deux ouvrages cesse brusquement, et le dénoûment de la Rodogune de Gilbert est aussi traînant et aussi plat que celui de la Rodogune de Corneille est terrible et sublime.
Fontenelle donne de cette ressemblance qu'offre la plus grande partie des deux pièces une explication toute simple et qui paraît fort plausible: «Je ne crois pas, dit-il, devoir rappeler ici le souvenir d'une autre Rodogune que fit M. Gilbert sur le plan de celle de M. Corneille, qui fut trahi en cette occasion par quelque confident indiscret. Le public n'a que trop décidé entre ces deux pièces en oubliant parfaitement l'une[807].» Le confident indiscret n'avait sans doute pas eu connaissance du cinquième acte, pour lequel Gilbert fut abandonné à ses propres ressources; et l'attention que Corneille avait mise à ne point nommer Cléopatre de peur qu'elle ne fût confondue par les spectateurs avec la célèbre princesse d'Égypte qu'il avait déjà mise au théâtre dans Pompée, contribua sans doute à faire croire au malencontreux imitateur que c'était ce personnage qui devait porter le nom de Rodogune.
La Rodogune de Gilbert est veuve d'Hydaspe, roi de Perse; ses deux fils sont Darie et Artaxerce. La princesse promise à leur père, et qu'ils aiment tous deux, la Rodogune de Corneille en un mot, est une Lydie, fille de Tigrane, roi d'Arménie. A quel historien l'auteur emprunte-t-il les faits de la vie de Darius qu'il nous raconte? Où trouve-t-il les personnages dont 402 il l'entoure? il se garde bien de nous en instruire, et pour cause. Quoique l'achevé d'imprimer de son ouvrage soit du «treizième février 1646,» et fort postérieur par conséquent à la représentation de la pièce de Corneille, il ne dit pas un mot de celle-ci, et fait seulement dans sa dédicace à Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, une allusion évidente, quoique détournée, à la différence du caractère de la Reine mère dans les deux pièces: «Cette héroïne, Monseigneur, qui demande aujourd'hui votre protection, est celle-là même dont les héros venoient jadis implorer la grâce. Pour vous persuader de lui accorder la faveur qu'elle vous demande, elle vous assure qu'elle n'a jamais eu la pensée de tremper ses mains dans le sang de son mari, ni dans celui de son fils; que si elle eût eu des sentiments si barbares et si contraires aux inclinations de Votre Altesse Royale, elle n'eût jamais osé se présenter devant Elle, et n'eût pas eu assez d'audace pour demander à la vertu la protection du vice.»
Ce passage curieux, que M. Viguier n'a pas cité, est cependant très-propre à confirmer une conjecture fort ingénieuse qu'il propose dans ses intéressantes Anecdotes littéraires sur Pierre Corneille. «Anne d'Autriche, dit-il, était susceptible, scrupuleuse, romanesque, emportée, et sa position de régente, tutrice du jeune roi et de son frère, était fort délicate, ainsi que celle de Gaston, si incertain de ses droits et de ses devoirs comme lieutenant général du royaume. Or le bruit courait chez Monsieur le Prince et partout qu'une héroïne nouvelle de Corneille allait faire voir sur la scène une reine régente, mère de deux princes, homicide, par ambition, de son mari et de ses deux fils. Le duc d'Orléans, Gaston, devait assez bien faire sa cour à la Régente en commandant au poëte Gilbert une autre Reine mère que celle de Corneille[808].»
Soit que Corneille crût devoir quelques ménagements à un rival si bien en cour, soit que le mépris qu'il avait pour son procédé le portât à ne se point commettre avec lui, il ne laisse pas échapper une phrase, un mot qui puisse se rapporter à la pièce de Gilbert[809].
403 L'ouvrage de Corneille, achevé d'imprimer le 31 janvier 1647, a pour titre:
Rodogvne, princesse des Parthes, tragedie. Imprimé à Roüen, et se vend à Paris, chez Toussaint Quinet, au Palais, sous la montée de la Cour des Aydes, M.DC.XLVII. Auec priuilege du Roy. Il est in-4o et forme 8 feuillets et 115 pages. Peut-être cette façon d'indiquer sur le titre même de quelle Rodogune il est question a-t-elle pour objet d'insister sur la méprise de Gilbert. La crainte que Corneille avait de voir son ouvrage confondu avec celui d'un indigne concurrent ressort bien du moins de cette mention du frontispice gravé, qui représente la dernière scène de l'ouvrage dessinée par Lebrun: La Rodogune, tragédie, de M. de Corneille. Elle était d'autant plus nécessaire que le format des deux ouvrages est identique, l'apparence extérieure semblable, et que, bien que Toussaint Quinet soit titulaire du privilége de la pièce de Corneille, certains exemplaires portent le nom de Courbé, libraire de Gilbert, qui, ainsi qu'Antoine de Sommaville, s'était associé avec Quinet pour la publication de la pièce de Corneille. Dans les préliminaires de l'ouvrage notre poëte ne se permet qu'une critique tout à fait indirecte, mais très-significative, c'est l'indication détaillée des nombreuses sources historiques où il a puisé, et dont son plagiaire n'a pas un instant soupçonné l'existence.
Nous pourrions fort bien nous en tenir là sur l'origine de Rodogune, mais comme nous ne voulons laisser ignorer au lecteur aucune des opinions qui ont eu cours à l'égard des ouvrages de Corneille, nous sommes obligé d'en venir à une série de faits avancés par les uns avec beaucoup de mauvaise foi, et répétés par les autres avec une incroyable légèreté.
Dans ses Passe-temps d'un reclus[810] Charles Brifaut reproduit en ces termes un récit que lui fit le chansonnier Laujon, «qui, dit-il, avait voué un culte à Corneille:»
«Je possédais dans ma bibliothèque un curieux roman écrit en latin, au moyen âge, par un moine qui ne manquait pas de talent, comme vous allez voir. Sa fable intéressante et très-fortement conduite, sauf d'assez nombreuses invraisemblances, 404 offrait des rapports si remarquables avec le sujet de Rodogune, qu'il était difficile de ne pas croire que Corneille avait eu connaissance de l'ouvrage. Les incidents de la grande scène du poison, le dialogue même, tout dénonçait le plagiat, chose permise quand elle est avouée; sinon, non. Je ne sais, ajouta Laujon, comment M. de Voltaire apprit que j'étais possesseur de ce trésor littéraire. Or vous jugez bien qu'il ne perdit point de temps, lui commentateur de Corneille, pour m'en faire demander communication, promettant de le garder très-précieusement et de me le renvoyer au plus tôt. Comme je me défiais de l'usage auquel il destinait l'œuvre en question, je refusai net. Instances, prières, cajoleries, louanges, tout échoua devant mon inébranlable résolution. Il eut beau recourir aux mille ruses de son esprit charmant, m'offrant de plus tout l'argent que je voudrais, tout le crédit dont il disposait. Plus il redoublait ses instances, plus mes soupçons augmentaient. Je tins ferme, mais je n'en restai pas là. Pour que le précieux ouvrage tant convoité ne donnât pas lieu à quelque scandale dramatique après ma mort, pour qu'il ne fût commis, par défaut de précaution de ma part, aucun crime de lèse-majesté cornélienne, je le brûlai.»
Laujon fut félicité, fêté par tous ceux qui entendirent ce petit récit, et Delille, qui se trouvait là, lui sut tellement gré de «son honorable procédé,» que lorsque Laujon se présenta à quatre-vingt-trois ans à l'Académie française, l'illustre traducteur de Virgile parvint à faire admettre l'adorateur de Corneille en disant: «Nous savons où il va, laissons-le passer par l'Institut.»
Tout irrite et blesse dans cette anecdote. D'abord, quand Corneille aurait tiré l'idée première de Rodogune d'un vieux roman latin, au lieu de l'extraire directement d'Appien, sa gloire y perdrait-elle quelque chose? Ensuite, si Laujon le pensait, que ne brûlait-il tout d'abord, sans rien dire, le volume unique qui accusait son poëte de prédilection, au lieu de répandre le bruit du larcin en refusant d'en faire connaître la nature, et en se faisant de son dévouement à Corneille un titre académique? Voilà déjà qui peut paraître étrange, mais nous allons voir s'accumuler les contradictions et les invraisemblances.
Voltaire, dans sa Préface de Rodogune, cite tout autre chose 405 que le prétendu volume de Laujon: «On parle, dit-il, d'un ancien roman de Rodogune; je ne l'ai pas vu; c'est, dit-on, une brochure in-8o imprimée chez Sommaville, qui servit également au grand auteur et au mauvais. Corneille embellit le roman, et Gilbert le gâta.» M. Viguier, qui, dans les Anecdotes[811] auxquelles nous avons fait plus d'un emprunt, reproduit ce passage, ajoute finement: «Le scrupuleux éditeur de Voltaire, M. Beuchot, dont nous aimons à citer le nom avec honneur, nous pardonnera d'appeler le sourire du lecteur sur cette note qu'il attache avec une bonhomie si parfaite au je ne l'ai pas vu de son auteur chéri: «Je n'ai pas été plus heureux que Voltaire. Je n'ai pu découvrir cette Rodogune, brochure in-8o.» Qui n'aurait regret à toutes les insomnies dont cette vaine recherche a dû troubler la longue et savante carrière du consciencieux bibliographe?»
Voltaire termine ainsi la Préface que nous venons de citer: «Il y a un autre roman de Rodogune en deux volumes, mais il ne fut imprimé qu'en 1668; il est très-rare et presque oublié: le premier l'est entièrement.» On trouve à la Bibliothèque impériale ce roman de 1668; il est de format in-8o. Son titre exact est: Rodogune ou l'histoire du grand Antiocus. A Paris, chez Estienne Loyson. L'avis Au lecteur est signé d'Aigue d'Iffremont. Il paraîtrait difficile que cet auteur n'eût pas connu, lui, le prétendu roman publié avant le sien chez Sommaville, s'il eût réellement existé. Bien loin toutefois de regarder Corneille comme ayant profité d'un sujet dont quelque contemporain lui avait suggéré l'idée, il lui en attribue l'honneur. «Le nom que j'ai donné à tout l'ouvrage, dit-il, n'est pas inconnu en France. Ce fameux poëte qui a porté si haut la gloire des muses françoises et qui les fait aller de pair avec les grecques et les latines; ce grand homme qui nous a tantôt représenté sur le théâtre toutes les passions, et de la manière la plus forte, la plus touchante et la plus riche que l'esprit humain puisse imaginer; enfin l'illustre Monsieur de Corneille en a fait une tragédie que j'appellerois la plus achevée de toutes les pièces que nous avons de lui, s'il y avoit quelque chose à souhaiter dans les autres, et s'il n'étoit toujours également 406 admirable en tous ses ouvrages. Tout le monde a vu sa Rodogune; mais encore que ce soit ici le même nom et la même héroïne, ce n'est pourtant pas la même chose; et comme il a découvert lui-même ce qu'il avoit changé de l'histoire, quelque respect que j'aye pour ses fictions merveilleuses, je n'ai pas cru être obligé de m'en servir.»
On ne peut rien imaginer de plus obscur et de plus contradictoire que les renseignements qu'on rencontre sur les acteurs qui ont joué d'original dans Rodogune. Nous trouvons dans un article sur Molière, qui nous a été utile pour la Notice du Menteur, cette singulière biographie:
«N. Petit de Beauchamps, dite la belle Brune, grand'mère maternelle du Sr du Boccage, acteur de la troupe du Roi. Elle étoit de la troupe du Marais, et joua d'original dans une des tragédies de P. Corneille le rôle de Rodogune, pour lequel le cardinal de Richelieu lui fit présent d'un habit magnifique à la romaine. C'étoit une excellente actrice, grande et bien faite, d'une représentation avantageuse, morte en Allemagne dans la troupe des comédiens du duc de Zell. Elle refusa d'entrer à l'hôtel de Bourgogne, parce qu'on ne vouloit donner qu'une demi-part à son mari, qui avoit un talent singulier pour jouer tous les déguisements en femme[812].»
A cela Lemazurier répond fort à propos que le Cardinal, mort deux ans avant la première représentation de Rodogune, ne peut avoir donné un habit à la romaine à la belle Brune, et que Corneille ayant fait représenter sa pièce à l'hôtel de Bourgogne, où cette actrice refusa d'entrer, il est impossible qu'elle ait joué d'original un rôle dans l'ouvrage[813].
Si nous voulions nous en rapporter à Mouhy, il ne tiendrait qu'à nous de nous imaginer que nous possédons le tableau complet des acteurs qui ont joué d'original dans Rodogune. Voici celui qu'il nous donne dans son Journal manuscrit: «Baron joua le rôle d'Antiochus; Villiers, Séleucus; Champmeslé, Timagène; le Comte, Oronte; Mlle de Champmeslé, Rodogune; Mlle Dupin, Laodice, et Mlle Guiot, Cléopatre[814].» Nous 407 avons cru devoir reproduire cette distribution de rôles parce qu'il n'est pas probable que Mouhy l'ait inventée, mais elle doit être postérieure d'une trentaine d'années à l'époque où parut Rodogune.
Dans une Mazarinade de 1649, intitulée Lettre de Bellerose à l'abbé de la Rivière[815], signée Belleroze, comédien d'honneur et datée de l'hôtel de Bourgogne, le 24 mars, on trouve un passage relatif à la Bellerose, où on lit ce qui suit: «Cette Rodogune, cette impératrice de nos jeux se voit dans un état bien contraire à sa pompe théâtrale. Elle est réduite, il y a déjà assez longtemps, à ne se plus mirer que dans une losange de vitre cassée, ou dans un seau d'eau claire, parce qu'il a été nécessaire qu'elle ait vendu son miroir pour avoir du pain.» Voilà enfin un témoignage contemporain, ou peu s'en faut, qui bien certainement se rapporte à la Rodogune de Corneille, car en 1649 celle de Gilbert devait déjà être oubliée. Il faut nous en tenir à ce renseignement, tout incomplet qu'il est, et compter pour rien les assertions sans preuves des historiens du théâtre.
La Rodogune est du nombre des pièces que Louis XIV fit représenter à Versailles en octobre 1676.
dit Corneille dans le touchant remercîment qu'il adresse Au Roi en cette occasion.
L'admirable rôle de Cléopatre a été assez souvent choisi par des débutantes: nous pouvons mentionner, d'après Lemazurier, Mlle Aubert, le 13 juin 1712[816]; Mlle Lamotte, en octobre 1722[817]; Mlle Balicourt, le 29 novembre 1727[818]. Ces débuts de jeunes actrices dans un rôle de mère donnaient lieu parfois à des scènes fort plaisantes. On a surtout gardé le souvenir du dernier dont nous venons de parler. Quand 408 Mlle Balicourt dit en s'adressant à Baron (Antiochus), âgé de quatre-vingts ans, et à Mlle Duclos (Rodogune), qui en avait plus de cinquante:
un immense éclat de rire parcourut la salle[820].
L'actrice qui passe pour être parvenue à l'expression la plus complète de ce terrible caractère de Cléopatre est Mlle Dumesnil. «On n'oubliera pas surtout, dit Lemazurier, qu'un jour où elle avait mis dans les imprécations de Cléopatre toute l'énergie dont elle était dévorée, le parterre tout entier, par un mouvement d'horreur aussi vif que spontané, recula devant elle[821], de manière à laisser un grand espace vide entre ses premiers rangs et l'orchestre. Ce fut aussi à cette représentation, à l'instant où, prête à expirer dans les convulsions de la rage, Cléopatre prononce ce vers terrible:
que Mlle Dumesnil se sentit frappée d'un grand coup de poing dans le dos par un vieux militaire placé sur le théâtre; il accompagna ce trait de délire, qui interrompit le spectacle et l'actrice, de ces mots énergiques: «Va, chienne, à tous les diables!» et lorsque la tragédie fut finie, Mlle Dumesnil le remercia de son coup de poing comme de l'éloge le plus flatteur qu'elle eût jamais reçu[823].»
Le rôle de Rodogune a été joué d'une manière fort brillante par Mlle Gaussin et par Mlle Clairon, mais il paraît que le jeu de l'une différait beaucoup de celui de l'autre. Laissons parler Mlle Clairon[824]: «Mlle Gaussin avait la plus belle tête, le son de voix le plus touchant possible; son ensemble était noble, tous ses mouvements avaient une grâce enfantine à laquelle il 409 était impossible de résister; mais elle était Mlle Gaussin dans tout.... Rodogune demandant à ses amants la tête de leur mère est assurément une femme très-altière, très-décidée.... Il est vrai que Corneille a placé dans ce rôle quatre vers d'un genre plus pastoral que tragique:
Rodogune aime, et l'actrice, sans se ressouvenir que l'expression du sentiment se modifie d'après le caractère, et non d'après les mots, disait ces vers avec une grâce, une naïveté voluptueuse, plus faite, suivant moi, pour Lucinde dans l'Oracle[826] que pour Rodogune. Le public, routiné à cette manière, attendait ce couplet avec impatience et l'applaudissait avec transport.
«Quelque danger que je craignisse en m'éloignant de cette route, j'eus le courage de ne pas me mentir à moi-même. Je dis ces vers avec le dépit d'une femme fière, qui se voit contrainte d'avouer qu'elle est sensible. Je n'eus pas un dégoût; mais je n'eus pas un coup de main.... J'eus le plus grand succès dans le reste du rôle; et, suivant ma coutume, je vins, entre les deux pièces, écouter aux portes du foyer les critiques qu'on pouvait faire. J'entendis M. Duclos, de l'Académie française, dire, avec son ton de voix élevé et positif, que la tragédie avait été bien jouée; que j'avais eu de fort bonnes choses; mais que je ne devais pas penser à jouer les rôles tendres, après Mlle Gaussin.
«Étonnée d'un jugement si peu réfléchi, craignant l'impression qu'il pouvait faire sur tous ceux qui l'écoutaient, et maîtrisée par un mouvement de colère, je fus à lui et lui dis: 410 «Rodogune un rôle tendre, Monsieur? Une Parthe, une furie qui demande à ses amants la tête de leur mère et de leur reine, un rôle tendre? Voilà certes un beau jugement!...» Effrayée moi-même de ma démarche, les larmes me gagnèrent, et je m'enfuis au milieu des applaudissements.»
Il est inutile de dire que dans les Mémoires pour Marie-Françoise Dumesnil en réponse aux Mémoires d'Hippolyte Clairon[827], cette dernière est entièrement sacrifiée à Mlle Gaussin.
A MONSEIGNEUR
MONSEIGNEUR LE PRINCE[828].
Monseigneur,
Rodogune se présente à Votre Altesse avec quelque sorte de confiance, et ne peut croire qu'après avoir fait sa bonne fortune, vous dédaigniez de la prendre en votre protection. Elle a trop de connoissance de votre bonté pour craindre que vous veuilliez laisser votre ouvrage imparfait, et lui dénier la continuation des grâces dont vous lui avez été si prodigue. C'est à votre illustre suffrage qu'elle est obligée de tout ce qu'elle a reçu d'applaudissement; et les favorables regards dont il vous plut fortifier la foiblesse de sa naissance lui donnèrent tant d'éclat et de vigueur, qu'il sembloit que vous eussiez pris plaisir à répandre sur elle un rayon de cette gloire qui vous environne, et à lui faire part de cette facilité de vaincre qui vous suit partout. Après cela, Monseigneur, quels hommages peut-elle rendre à Votre Altesse qui ne soient au-dessous de ce qu'elle doit? Si elle tâche à lui témoigner quelque reconnoissance par l'admiration de ses vertus, où trouvera-t-elle des éloges dignes de cette main qui fait trembler tous nos ennemis, et dont les coups d'essai furent signalés par la défaite des premiers capitaines de l'Europe? Votre Altesse sut vaincre avant qu'ils se pussent imaginer qu'elle sût combattre; et ce grand courage, qui n'avoit encore vu la guerre que dans les livres, effaça tout ce qu'il avoit lu des Alexandres 412 et des Césars[829], sitôt qu'il parut à la tête d'une armée. La générale consternation où la perte de notre grand monarque nous avoit plongés, enfloit l'orgueil de nos adversaires en un tel point qu'ils osoient se persuader que du siége de Rocroi dépendoit la prise de Paris, et l'avidité de leur ambition dévoroit déjà le cœur d'un royaume dont ils pensoient avoir surpris les frontières. Cependant les premiers miracles de votre valeur renversèrent si pleinement toutes leurs espérances, que ceux-là mêmes qui s'étoient promis tant de conquêtes sur nous virent terminer la campagne de cette même année par celle que vous fîtes sur eux. Ce fut par là, Monseigneur, que vous commençâtes ces grandes victoires que vous avez toujours si bien choisies, qu'elles ont honoré deux règnes tout à la fois, comme si c'eût été trop peu pour Votre Altesse d'étendre les bornes de l'État sous celui-ci, si elle n'eût en même temps effacé quelques-uns des malheurs qui s'étoient mêlés aux longues prospérités de l'autre. Thionville, Philisbourg et Norlinghen étoient des lieux funestes pour la France: elle n'en pouvoit entendre les noms sans gémir; elle ne pouvoit y porter sa pensée sans soupirer; et ces mêmes lieux, dont le souvenir lui arrachoit des soupirs et des gémissements, sont devenus les éclatantes marques de sa nouvelle félicité, les dignes occasions de ses feux de joie, et les glorieux sujets des actions de grâces qu'elle a rendues au ciel pour les triomphes que votre courage invincible en a obtenus. Dispensez-moi, Monseigneur, de vous parler de Dunquerque[830]: j'épuise toutes les forces de mon imagination, 413 et je ne conçois rien qui réponde à la dignité de ce grand ouvrage, qui nous vient d'assurer l'Océan par la prise de cette fameuse retraite de corsaires. Tous nos havres en étoient comme assiégés; il n'en pouvoit échapper un vaisseau qu'à la merci de leurs brigandages; et nous en avons vu souvent de pillés à la vue des mêmes ports dont ils venoient de faire voile: et maintenant, par la conquête d'une seule ville, je vois, d'un côté, nos mers libres, nos côtes affranchies, notre commerce rétabli, la racine de nos maux publics coupée; d'autre côté, la Flandre ouverte, l'embouchure de ses rivières captive, la porte de son secours fermée, la source de son abondance en notre pouvoir; et ce que je vois n'est rien encore au prix de ce que je prévois sitôt que Votre Altesse y reportera la terreur de ses armes. Dispensez-moi donc, Monseigneur, de profaner des effets si merveilleux et des attentes si hautes par la bassesse de mes idées et par l'impuissance de mes expressions; et trouvez bon que demeurant dans un respectueux silence, je n'ajoute rien ici qu'une protestation très-inviolable d'être toute ma vie,
MONSEIGNEUR,
De Votre Altesse,
Le très-humble, très-obéissant et très-passionné serviteur,
Corneille.
Au livre des Guerres de Syrie, sur la fin[831].
«Démétrius, surnommé Nicanor, roi de Syrie, entreprit la guerre contre les Parthes, et étant devenu leur prisonnier, vécut dans la cour de leur roi Phraates, dont il épousa la sœur nommée Rodogune. Cependant Diodotus, domestique des rois précédents, s'empara du trône de Syrie, et y fit asseoir un Alexandre, encore enfant, fils d'Alexandre le Bâtard et d'une fille de Ptolomée[832]. Ayant gouverné quelque temps comme son tuteur, il se défit de ce malheureux pupille, et eut l'insolence de prendre lui-même la couronne sous un nouveau nom de Tryphon qu'il se donna. Mais Antiochus[833], frère du Roi prisonnier, ayant appris à Rhodes sa captivité, et les troubles qui l'avoient suivie, revint dans le pays, où ayant défait Tryphon avec beaucoup de peine, il le fit mourir. De là il porta ses armes contre Phraates, lui redemandant son frère; et vaincu dans une bataille, il se tua lui-même. Démétrius, retourné en son royaume, fut tué par sa femme Cléopatre, qui lui dressa des embûches en haine de cette seconde femme Rodogune qu'il avoit épousée, dont elle avoit conçu une telle indignation, que pour s'en venger elle avoit épousé ce même Antiochus, frère de son mari. Elle avoit deux fils de 415 Démétrius: l'un nommé Séleucus, et l'autre Antiochus[834], dont elle tua le premier d'un coup de flèche, sitôt qu'il eut pris le diadème après la mort de son père, soit qu'elle craignît qu'il ne la voulût venger, soit que l'impétuosité de la même fureur la portât à ce nouveau parricide. Antiochus lui succéda, qui contraignit cette mauvaise mère de boire le poison qu'elle lui avoit préparé. C'est ainsi qu'elle fut enfin punie.»
Voilà ce que m'a prêté l'histoire, où j'ai changé les circonstances de quelques incidents, pour leur donner plus de bienséance. Je me suis servi du nom de Nicanor plutôt que de celui de Démétrius, à cause que le vers souffroit plus aisément l'un que l'autre. J'ai supposé qu'il n'avoit pas encore épousé Rodogune, afin que ses deux fils pussent avoir de l'amour pour elle sans choquer les spectateurs, qui eussent trouvé étrange cette passion pour la veuve de leur père, si j'eusse suivi l'histoire. L'ordre de leur naissance incertain, Rodogune prisonnière, quoiqu'elle ne vînt jamais en Syrie, la haine de Cléopatre pour elle, la proposition sanglante qu'elle fait à ses fils, celle que cette princesse est obligée de leur faire pour se garantir, l'inclination qu'elle a pour Antiochus, et la jalouse fureur de cette mère qui se résout plutôt à perdre ses fils qu'à se voir sujette de sa rivale, ne sont que des embellissements de l'invention, et des acheminements vraisemblables à l'effet dénaturé que me présentoit l'histoire, et que les lois du poëme ne me permettoient pas de changer. Je l'ai même adouci tant que j'ai pu en Antiochus[835], que j'avois fait trop honnête homme, dans le reste de l'ouvrage, pour forcer à la fin sa mère à s'empoisonner soi-même[836].
416 On s'étonnera peut-être de ce que j'ai donné à cette tragédie le nom de Rodogune plutôt que celui de Cléopatre, sur qui tombe toute l'action tragique, et même on pourra douter si la liberté de la poésie peut s'étendre jusqu'à feindre un sujet entier sous des noms véritables, comme j'ai fait ici, où depuis la narration du premier acte, qui sert de fondement au reste, jusques aux effets qui paroissent dans le cinquième, il n'y a rien que l'histoire avoue.
Pour le premier, je confesse ingénument que ce poëme devoit plutôt porter le nom de Cléopatre que de Rodogune; mais ce qui m'a fait en user ainsi a été la peur que j'ai eue qu'à ce nom le peuple ne se laissât préoccuper des idées de cette fameuse et dernière reine d'Égypte, et ne confondît cette reine de Syrie avec elle, s'il l'entendoit prononcer. C'est pour cette même raison que j'ai évité de le mêler dans mes vers, n'ayant jamais fait parler de cette seconde Médée que sous celui de la Reine; et je me suis enhardi à cette licence d'autant plus librement, que j'ai remarqué parmi nos anciens maîtres qu'ils se sont fort peu mis en peine de donner à leurs poëmes le nom des héros qu'ils y faisoient paroître, et leur ont souvent fait porter celui des chœurs, qui ont encore bien moins de part dans l'action que les personnages épisodiques, comme Rodogune: témoin les Trachiniennes de Sophocle[837], que nous n'aurions jamais voulu nommer autrement que la Mort d'Hercule.
Pour le second point, je le tiens un peu plus difficile à résoudre, et n'en voudrois pas donner mon opinion pour bonne: j'ai cru que, pourvu que nous conservassions les effets de l'histoire, toutes les circonstances, ou, comme je viens de les nommer, les acheminements, 417 étoient en notre pouvoir; au moins je ne pense point avoir vu de règle qui restreigne cette liberté que j'ai prise. Je m'en suis assez bien trouvé en cette tragédie; mais comme je l'ai poussée encore plus loin dans Héraclius, que je viens de mettre sur le théâtre[838], ce sera en le donnant au public que je tâcherai de la justifier, si je vois que les savants s'en offensent, ou que le peuple en murmure. Cependant ceux qui en auront quelque scrupule m'obligeront de considérer les deux Électres de Sophocle et d'Euripide, qui conservant le même effet, y parviennent par des voies si différentes, qu'il faut nécessairement conclure que l'une des deux est tout à fait de l'invention de son auteur. Ils pourront encore jeter l'œil sur l'Iphigénie in Tauris, que notre Aristote nous donne pour exemple d'une parfaite tragédie[839], et qui a bien la mine d'être toute de même nature, vu qu'elle n'est fondée que sur cette feinte que Diane enleva Iphigénie du sacrifice dans une nuée, et supposa une biche en sa place. Enfin ils pourront prendre garde à l'Hélène d'Euripide, où la principale action et les épisodes, le nœud et le dénouement, sont entièrement inventés, sous des noms véritables.
Au reste, si quelqu'un a la curiosité de voir cette histoire plus au long, qu'il prenne la peine de lire Justin, qui la commence au trente-sixième livre, et l'ayant quittée la reprend sur la fin du trente et huitième[840], et l'achève au trente-neuvième. Il la rapporte un peu autrement, et ne dit pas que Cléopatre tua son mari, mais qu'elle l'abandonna, et qu'il fut tué par le commandement 418 d'un des capitaines d'un Alexandre, qu'il lui oppose[841]. Il varie aussi beaucoup sur ce qui regarde Tryphon et son pupille, qu'il nomme Antiochus[842], et ne s'accorde avec Appian que sur ce qui se passa entre la mère et les deux fils[843].
Le premier livre des Machabées, aux chapitres 11. 13. 14. et 15., parle de ces guerres de Tryphon et de la prison de Démétrius chez les Parthes; mais il nomme ce pupille Antiochus, ainsi que Justin, et attribue la défaite de Tryphon à Antiochus, fils de Démétrius, et non pas à son frère, comme fait Appian, que j'ai suivi, et ne dit rien du reste.
Josèphe, au 13. livre des Antiquités judaïques[844], nomme encore ce pupille de Tryphon Antiochus, fait marier Cléopatre à Antiochus, frère de Démétrius, durant la captivité de ce premier mari chez les Parthes, lui attribue la défaite et la mort de Tryphon, s'accorde avec Justin touchant la mort de Démétrius, abandonné et non pas tué par sa femme, et ne parle point de ce qu'Appian et lui rapportent d'elle et de ses deux fils, dont j'ai fait cette tragédie.
Le sujet de cette tragédie est tiré d'Appian Alexandrin, dont voici les paroles, sur la fin du livre qu'il a fait 419 des Guerres de Syrie: «Démétrius, surnommé Nicanor, entreprit la guerre contre les Parthes, et vécut quelque temps prisonnier dans la cour de leur roi Phraates, dont il épousa la sœur, nommée Rodogune. Cependant Diodotus, domestique des rois précédents, s'empara du trône de Syrie, et y fit asseoir un Alexandre, encore enfant, fils d'Alexandre le Bâtard et d'une fille de Ptolomée. Ayant gouverné quelque temps comme tuteur sous le nom de ce pupille, il s'en défit, et prit lui-même la couronne sous un nouveau nom de Tryphon qu'il se donna. Antiochus, frère du Roi prisonnier, ayant appris sa captivité à Rhodes, et les troubles qui l'avoient suivie, revint dans la Syrie, où ayant défait Tryphon, il le fit mourir. De là il porta ses armes contre Phraates, et vaincu dans une bataille, il se tua lui-même. Démétrius, retournant en son royaume, fut tué par sa femme Cléopatre, qui lui dressa des embûches sur le chemin, en haine de cette Rodogune qu'il avoit épousée, dont elle avoit conçu une telle indignation, qu'elle avoit épousé ce même Antiochus, frère de son mari. Elle avoit deux fils de Démétrius, dont elle tua Séleucus, l'aîné, d'un coup de flèche, sitôt qu'il eut pris le diadème après la mort de son père, soit qu'elle craignît qu'il ne la voulût venger sur elle, soit que la même fureur l'emportât à ce nouveau parricide. Antiochus son frère lui succéda, et contraignit cette mère dénaturée de prendre le poison qu'elle lui avoit préparé[846].»
Justin, en son 36, 38 et 39. livre, raconte cette histoire plus au long, avec quelques autres circonstances. Le prémier 420 des Machabées, et Josèphe, au 13. des Antiquités judaïques, en disent aussi quelque chose, qui ne s'accorde pas tout à fait avec Appian. C'est à lui que je me suis attaché pour la narration que j'ai mise au premier acte[847], et pour l'effet du cinquième, que j'ai adouci du côté d'Antiochus. J'en ai dit la raison ailleurs[848]. Le reste sont des épisodes d'invention, qui ne sont pas incompatibles avec l'histoire, puisqu'elle ne dit point ce que devint Rodogune après la mort de Démétrius, qui vraisemblablement l'amenoit en Syrie prendre possession de sa couronne. J'ai fait porter à la pièce le nom de cette princesse plutôt que celui de Cléopatre, que je n'ai même osé nommer dans mes vers, de peur qu'on ne confondît cette reine de Syrie avec cette fameuse princesse d'Égypte qui portoit même nom, et que l'idée de celle-ci, beaucoup plus connue que l'autre, ne semât une dangereuse occupation parmi les auditeurs.
On m'a souvent fait une question à la cour[849]: quel étoit celui de mes poëmes que j'estimois le plus; et j'ai trouvé tous ceux qui me l'ont faite si prévenus en faveur de Cinna ou du Cid, que je n'ai jamais osé déclarer toute la tendresse que j'ai toujours eue pour celui-ci, à qui j'aurois volontiers donné mon suffrage, si je n'avois craint de manquer, en quelque sorte, au respect que je devois à ceux que je voyois pencher d'un autre côté. Cette préférence est peut-être en moi un effet de ces inclinations aveugles qu'ont beaucoup de pères pour quelques-uns de leurs enfants plus que pour les autres; peut-être y entre-t-il un peu d'amour-propre, en ce que cette tragédie me semble être un peu plus à moi que 421 celles qui l'ont précédée, à cause des incidents surprenants qui sont purement de mon invention, et n'avoient jamais été vus au théâtre; et peut-être enfin y a-t-il un peu de vrai mérite qui fait que cette inclination n'est pas tout à fait injuste[850]. Je veux bien laisser chacun en liberté de ses sentiments, mais certainement on peut dire que mes autres pièces ont peu d'avantages qui ne se rencontrent en celle-ci: elle a tout ensemble la beauté du sujet, la nouveauté des fictions, la force des vers, la facilité de l'expression, la solidité du raisonnement, la chaleur des passions, les tendresses de l'amour et de l'amitié; et cet heureux assemblage est ménagé de sorte qu'elle s'élève d'acte en acte. Le second passe le premier, le troisième est au-dessus du second, et le dernier l'emporte sur tous les autres. L'action y est une, grande, complète; sa durée ne va point, ou fort peu, au delà de celle de la représentation[851]. Le jour en est le plus illustre qu'on puisse imaginer[852], et l'unité de lieu s'y rencontre en la manière que je l'explique dans le troisième de ces discours[853], et avec l'indulgence que j'ai demandée pour le théâtre.
Ce n'est pas que je me flatte assez pour présumer qu'elle soit sans taches. On a fait tant d'objections contre 422 la narration de Laonice au premier acte[854], qu'il est malaisé de ne donner pas les mains à quelques-unes[855]. Je ne la tiens pas toutefois si inutile qu'on l'a dit. Il est hors de doute que Cléopatre, dans le second[856], feroit connoître beaucoup de choses par sa confidence avec cette Laonice, et par le récit qu'elle en a fait à ses deux fils, pour leur remettre devant les yeux combien[857] ils lui ont d'obligation[858]; mais ces deux scènes demeureroient assez obscures, si cette narration ne les avoit précédées, et du moins les 423 justes défiances de Rodogune à la fin du premier acte, et la peinture que Cléopatre fait d'elle-même dans son monologue qui ouvre le second, n'auroient pu se faire entendre sans ce secours.
J'avoue qu'elle est sans artifice, et qu'on la fait de sang-froid à un personnage protatique[859], qui se pourroit toutefois justifier par les deux exemples de Térence que j'ai cités sur ce sujet au premier discours[860]. Timagène, qui l'écoute, n'est introduit que pour l'écouter, bien que je l'emploie au cinquième[861] à faire celle de la mort de Séleucus, qui se pouvoit faire par un autre. Il l'écoute sans y avoir aucun intérêt notable, et par simple curiosité d'apprendre ce qu'il pouvoit avoir su déjà en la cour d'Égypte, où il étoit en assez bonne posture, étant gouverneur des neveux du Roi, pour entendre des nouvelles assurées de tout ce qui se passoit dans la Syrie, qui en est voisine. D'ailleurs, ce qui ne peut recevoir d'excuse, c'est que, comme il y avoit déjà quelque temps qu'il étoit de retour avec les princes, il n'y a pas d'apparence qu'il aye attendu ce grand jour de cérémonie pour s'informer de sa sœur comment se sont passés tous ces troubles qu'il dit ne savoir que confusément. Pollux, dans Médée, n'est qu'un personnage protatique qui écoute sans intérêt comme lui[862]; mais sa surprise de voir Jason à Corinthe, où il vient d'arriver[863], et son séjour en Asie, que la mer en sépare, lui donnent juste sujet d'ignorer ce qu'il en apprend. La narration ne laisse pas de demeurer froide 424 comme celle-ci, parce qu'il ne s'est encore rien passé dans la pièce qui excite la curiosité de l'auditeur, ni qui lui puisse donner quelque émotion en l'écoutant; mais si vous voulez réfléchir sur celle de Curiace dans l'Horace, vous trouverez qu'elle fait tout un autre effet. Camille, qui l'écoute, a intérêt, comme lui, à savoir comment s'est faite une paix dont dépend leur mariage; et l'auditeur, que Sabine et elle n'ont entretenu que de leurs malheurs et des appréhensions d'une bataille qui se va donner entre deux partis où elles voient leurs frères dans l'un et leur amour dans l'autre, n'a pas moins d'avidité qu'elle d'apprendre comment une paix si surprenante s'est pu conclure.
Ces défauts dans cette narration confirment ce que j'ai dit ailleurs[864], que lorsque la tragédie a son fondement sur des guerres entre deux États, ou sur d'autres affaires publiques, il est très-malaisé d'introduire un acteur qui les ignore, et qui puisse recevoir le récit qui en doit instruire les spectateurs en parlant à lui.
J'ai déguisé quelque chose de la vérité historique en celui-ci: Cléopatre n'épousa Antiochus qu'en haine de ce que son mari avoit épousé Rodogune chez les Parthes, et je fais qu'elle ne l'épouse que par la nécessité de ses affaires, sur un faux bruit de la mort de Démétrius, tant pour ne la faire pas méchante sans nécessité, comme Ménélas dans l'Oreste d'Euripide[865], que pour avoir lieu de feindre que Démétrius n'avoit pas encore épousé Rodogune, et venoit l'épouser dans son royaume pour la mieux établir en la place de l'autre, par le consentement de ses peuples, et assurer la couronne aux enfants qui naîtroient de ce mariage. Cette fiction m'étoit absolument 425 nécessaire, afin qu'il fût tué avant que de l'avoir épousée, et que l'amour que ses deux fils ont pour elle ne fît point d'horreur aux spectateurs, qui n'auroient pas manqué d'en prendre une assez forte, s'ils les eussent vus amoureux de la veuve de leur père: tant cette affection incestueuse répugne à nos mœurs!
Cléopatre a lieu d'attendre ce jour-là à faire confidence à Laonice[866] de ses desseins et des véritables raisons de tout ce qu'elle a fait. Elle eût pu trahir son secret aux princes ou à Rodogune, si elle l'eût su plus tôt; et cette ambitieuse mère ne lui en fait part qu'au moment qu'elle veut bien qu'il éclate, par la cruelle proposition qu'elle va faire à ses fils. On a trouvé celle que Rodogune leur fait à son tour indigne d'une personne vertueuse, comme je la peins; mais on n'a pas considéré qu'elle ne la fait pas, comme Cléopatre, avec espoir de la voir exécuter par les princes, mais seulement pour s'exempter d'en choisir aucun, et les attacher tous deux à sa protection par une espérance égale. Elle étoit avertie par Laonice de celle que la Reine leur avoit faite, et devoit prévoir que si elle se fût déclarée pour Antiochus, qu'elle aimoit, son ennemie, qui avoit seule le secret de leur naissance, n'eût pas manqué de nommer Séleucus pour aîné, afin, de les commettre l'un contre l'autre, et d'exciter[867] une guerre civile qui eût pu causer sa perte. Ainsi elle devoit s'exempter de choisir, pour les contenir tous deux dans l'égalité de prétention, et elle n'en avoit point de meilleur moyen que de rappeler le souvenir de ce qu'elle devoit à la mémoire de leur père, qui avoit perdu la vie pour elle, et leur faire cette proposition qu'elle savoit 426 bien qu'ils n'accepteroient pas. Si le traité de paix l'avoit forcée à se départir de ce juste sentiment de reconnoissance[868], la liberté qu'ils lui rendoient la rejetoit dans cette obligation. Il étoit de son devoir de venger cette mort; mais il étoit de celui des princes de ne se pas charger de cette vengeance. Elle avoue elle-même à Antiochus qu'elle les haïroit, s'ils lui avoient obéi; que comme elle a fait ce qu'elle a dû par cette demande, ils font ce qu'ils doivent par leur refus[869]; qu'elle aime trop la vertu pour vouloir être le prix d'un crime, et que la justice qu'elle demande de la mort de leur père seroit un parricide, si elle la recevoit de leurs mains.
Je dirai plus: quand cette proposition seroit tout à fait condamnable en sa bouche, elle mériteroit quelque grâce et pour l'éclat que la nouveauté de l'invention a fait au théâtre, et pour l'embarras surprenant où elle jette les princes, et pour l'effet qu'elle produit dans le reste de la pièce, qu'elle conduit à l'action historique. Elle est cause que Séleucus, par dépit, renonce au trône et à la possession de cette princesse; que la Reine, le voulant animer contre son frère, n'en peut rien obtenir, et qu'enfin elle se résout par désespoir de les perdre tous deux, plutôt que de se voir sujette de son ennemie.
Elle commence par Séleucus, tant pour suivre l'ordre de l'histoire, que parce que, s'il fût demeuré en vie après Antiochus et Rodogune, qu'elle vouloit empoisonner publiquement, il les auroit pu venger. Elle ne craint pas la même chose d'Antiochus pour son frère, d'autant qu'elle espère que le poison violent qu'elle lui a préparé fera un effet assez prompt pour la faire mourir avant 427 qu'il ait pu rien savoir de cette autre mort[870], ou du moins avant qu'il l'en puisse convaincre, puisqu'elle a si bien pris son temps pour l'assassiner, que ce parricide n'a point eu de témoins. J'ai parlé ailleurs de l'adoucissement que j'ai apporté pour empêcher qu'Antiochus n'en commît un en la forçant de prendre le poison qu'elle lui présente[871], et du peu d'apparence qu'il y avoit qu'un moment après qu'elle a expiré presque à sa vue, il parlât d'amour et de mariage à Rodogune[872]. Dans l'état où ils rentrent derrière le théâtre, ils peuvent le résoudre quand ils le jugeront à propos. L'action est complète, puisqu'ils sont hors de péril; et la mort de Séleucus m'a exempté de développer le secret du droit d'aînesse entre les deux frères, qui d'ailleurs n'eût jamais été croyable, ne pouvant être éclairci que par une bouche en qui l'on n'a pas vu assez de sincérité pour prendre aucune assurance sur son témoignage.
LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES DE RODOGUNE.
ÉDITIONS SÉPARÉES.
RECUEILS.
CLÉOPATRE, | reine de Syrie, veuve de Démétrius Nicanor[873]. | |
SÉLEUCUS, ANTIOCHUS, |
} | fils de Démétrius et de Cléopatre[874]. |
RODOGUNE, | sœur de Phraates, roi des Parthes[875]. | |
TIMAGÈNE, | gouverneur des deux princes[876]. | |
ORONTE, | ambassadeur de Phraates[877]. | |
LAONICE, | sœur de Timagène, confidente de Cléopatre[878]. |
La scène est à Séleucie, dans le palais royal.
RODOGUNE.
TRAGÉDIE.
LAONICE, TIMAGÈNE.
ANTIOCHUS, TIMAGÈNE, LAONICE.
SÉLEUCUS, ANTIOCHUS, TIMAGÈNE, LAONICE.
LAONICE, TIMAGÈNE.
RODOGUNE, LAONICE.
FIN DU PREMIER ACTE.
CLÉOPATRE.
CLÉOPATRE, LAONICE.
CLÉOPATRE, ANTIOCHUS, SÉLEUCUS, LAONICE.
SÉLEUCUS, ANTIOCHUS.
FIN DU SECOND ACTE.
RODOGUNE, ORONTE, LAONICE.
RODOGUNE, ORONTE.
RODOGUNE.
ANTIOCHUS, SÉLEUCUS, RODOGUNE.
ANTIOCHUS, SÉLEUCUS.
ANTIOCHUS.
FIN DU TROISIÈME ACTE.
ANTIOCHUS, RODOGUNE.
ANTIOCHUS.
CLÉOPATRE, ANTIOCHUS, LAONICE.
CLÉOPATRE, LAONICE.
CLÉOPATRE.
CLÉOPATRE, SÉLEUCUS.
CLÉOPATRE.
FIN DU QUATRIÈME ACTE.
CLÉOPATRE.
CLÉOPATRE, LAONICE.
CLÉOPATRE, ANTIOCHUS, RODOGUNE, ORONTE, LAONICE, troupe de Parthes et de Syriens.
(Ici Antiochus s'assied dans un fauteuil, Rodogune à sa gauche, en même rang, et Cléopatre à sa droite, mais en rang inférieur, et qui marque quelque inégalité. Oronte s'assied aussi à la gauche de Rodogune, avec la même différence; et Cléopatre, cependant[1004] qu'ils prennent leurs places, parle à l'oreille de Laonice, qui s'en va querir une coupe pleine de vin empoisonné. Après qu'elle est partie, Cléopatre continue:)
CLÉOPATRE, ANTIOCHUS, RODOGUNE, ORONTE, TIMAGÈNE, LAONICE, TROUPE.
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
ANALYSE DE LA RODOGUNE DE GILBERT[1028],
PAR LES FRÈRES PARFAIT[1029]
Rodogune, femme d'Hydaspe, roi de Perse, commence la pièce, et raconte à ses fils, Artaxerce et Darie, qu'Hydaspe, vaincu dans une bataille, et prisonnier de Tigrane, roi d'Arménie, a fait sa paix avec ce roi, en épousant la princesse Lydie sa sœur. Ce récit est suivi d'imprécations contre son infidèle époux, et contre Lydie, qui vient remplir sa place au trône de Perse. Oronte, que Rodogune a envoyé sur la route de la princesse Lydie, pour l'enlever, vient apprendre à cette reine que son ordre a été exécuté, et que Lydie est en sa puissance; mais il ajoute que parmi les morts il a reconnu Hydaspe, roi de Perse. Ce dernier événement force Rodogune à feindre quelque douleur de la perte de son époux; mais la joie de tenir Lydie en sa possession l'emporte sur sa politique. C'est ce qui termine le premier acte.
Le second ouvre par Rodogune et Lydie. La première accable d'injures sa malheureuse rivale. La suite de cet acte ressemble absolument, pour le fond et la marche, au second de M. Corneille: également dans celui-ci Rodogune propose à ses fils de la défaire de Lydie, et met la couronne et le droit d'aînesse, dont elle seule sait le secret, à ce prix. Les princes refusent de servir sa vengeance: ils restent ensemble; et comme ils sont tous deux amoureux de Lydie, Artaxerce, qui tient ici la place de Séleucus dans la tragédie de Corneille, Artaxerce, dis-je, offre à Darie tout ce qu'il peut espérer de sa naissance, s'il veut lui céder Lydie.
Voici comment M. Corneille fait répondre Antiochus, qui se trouve dans le même cas de Darie:
Nous abandonnons ici l'extrait de la pièce de Gilbert, qui n'est qu'une copie très-mal faite de la tragédie de M. Corneille, pour passer à la scène où Artaxerce et Darie pressent Lydie de déclarer ses sentiments pour l'un ou pour l'autre. Après quelque refus, enfin elle dit:
Rodogune de M. Corneille répond aux deux princes qui la conjurent de prononcer entre eux:
Passons présentement au cinquième acte de la tragédie de Gilbert, qui n'a rien emprunté de celui de Corneille; aussi est-il misérable 511 du commencement à la fin. Rodogune, qui veut faire périr Lydie, a donné ordre à Oronte de lui amener cette infortunée princesse. Oronte revient avec Lydie et apprend à la Reine que Darie, ayant voulu s'opposer à son dessein, s'est précipité sur les gardes avec si peu de précaution, qu'il est tombé mort d'un coup d'épée, où il s'est enferré. Rodogune regrette ce fils, qu'elle avait déclaré roi, et veut venger sa mort sur Lydie. Survient Artaxerce, qui par ses menaces suspend la fureur de la Reine. Darie, qui n'a reçu qu'une légère blessure, vient chercher sa chère Lydie. Rodogune, surprise de cet événement, change de caractère. Elle embrasse Lydie[1032], lui demande son amitié, l'unit avec Darie, et promet de marier Artaxerce avec la sœur de Lydie, qui a été faite prisonnière avec cette princesse.
[2] Voyez l'Esprit du grand Corneille, par François de Neufchâteau, p. 401.
[3] Origines de Caen, chapitre XXIV (édition de 1702, p. 545 et 546; 2e édition, 1706, p. 366).—La Bibliothèque impériale possède un exemplaire de cette dernière édition tout rempli d'additions manuscrites de Huet. Il y a écrit en regard du passage que nous venons de citer la note que voici: «Il a déclaré ce sentiment au public dans la préface qui est à la tête de sa comédie de la Mort de Pompée.» Corneille, dans son avis Au lecteur, parle en effet de son admiration pour Lucain; mais il n'indique en aucune façon qu'il le préfère à Virgile.—Dans les mémoires de Huet publiés en 1718 sous ce titre: Petri Danielis Huetii.... Commentarius de rebus ad cum pertinentibus (p. 313 et 314), le jugement que nous venons d'extraire des Origines de Caen est ainsi développé: «Cohorrui equidem aliquando, quum candide fateretur mihi, non tamen sine ingenua quadam verecundia, se Lucanum Virgilio anteferre: homo scilicet vulgi plausus sectari solitus, totusque ad secundas populi admirationes compositus, grandes illas, magnificas, et acutas aucupabatur sententias, multitudini commovendæ idoneas, iis neglectis poeticæ artis virtutibus, quae sitæ sunt in ingeniosa et prudenti inventione, in accurata constitutione suscepti operis, in æqua partium divisione ac consensione, in styli dignitate per omnes partes diffusa, et ad eas tamen subjectamque materiam accommodata. Parum ad hæc respexit Cornelius, nec satis perspecta habuit, suoque delectatus artificio, cæetera contemsit.»
[4] Chant IV, vers 82-84.
[5] Voyez la seconde partie de II l'Appendice qui suit Pompée, p. 111-115.
[6] Voyez p. 87, note 211, et p. 90, note 221.
[7] Voyez ci-après l'Épître placée en tête du Menteur, p. 130.
[8] Voyez tome III, p. 467, note 1123.
[9] Tome II, fol. 756 recto.
[10] Tome II, fol. 814 recto.
[11] Tome II, p. 45.
[12] Scène III. Voyez sur cette pièce, tome II, p. 8, note 18.
[13] Voyez Pompée, acte III, scène II, vers 807-810. Au dernier vers, on lit dans toutes les éditions de Corneille trône, au lieu de sceptre.
[14] Lemazurier, tome I, p. 85.
[15] Mémoires d'Hippolyte Clairon, p. 55 et 56.
[16] Pages 43-45.
[17] Sur Cornélie dans la Mort de Pompée. (Mémoires d'Hippolyte Clairon, p. 118 et 119.)
[18] Lemazurier, tome II, p. 86.
[19] Tome IV, p. 453-455, année 1678.
[20] Voyez sur la maréchale, et principalement sur ses prétentions nobiliaires et sur l'étalage qu'elle faisait à la comédie, où elle se plaçait devant Mme de Longueville elle-même, les Historiettes de Tallemant des Réaux, tome II, p. 220-223, 225 et 226.
[21] Giulio Mazarini, dit Mazarin, né en 1602 à Pescina, dans les Abruzzes, mort en 1661. Pour l'occasion qui donna lieu à cette dédicace de Corneille, voyez la fin de la Notice, p. 10.—Les éditions antérieures à 1660 sont les seules qui contiennent la présente Épître et l'avis Au lecteur qui la suit.—L'édition originale a deux fois Monseigneur dans le titre: A MONSEIGNEUR MONSEIGNEUR, etc.
[22] Var. (édit. de 1648-1656): Il a su que Rome.
[23] Virgile, Énéide, livre VI, vers 852: «Toi, Romain, songe à gouverner les peuples.»
[24] Corneille emprunte ce vers, en le modifiant légèrement, au poëte qui lui a fourni le fond même de sa tragédie, à Lucain. Voici le passage d'où il l'a tiré (Pharsale, livre IX, vers 186-189):
Brébeuf a ainsi paraphrasé ces quatre vers:
La Pharsale de Brébeuf est postérieure d'une dizaine d'années au Pompée de Corneille: elle a paru de 1653 à 1655, en cinq parties, réunies plus tard sous un titre commun portant la date de 1656. Nous citerons çà et là, de préférence à toute autre traduction, cette oeuvre presque contemporaine, très-propre, ce nous semble, à rehausser par la comparaison le génie de Corneille, que Brébeuf au reste admirait sincèrement et auquel il rend cet éclatant hommage dans l'Avertissement des «sept et huitième livres» de la Pharsale; «Je ne me suis pas satisfait moi-même dans les sujets que M. de Corneille a traités, et ses nobles expressions étoient si présentes à mon esprit, qu'elles n'étoient pas un médiocre empêchement aux miennes. Dans ce poëme inimitable qu'il a fait de la Mort de Pompée, il a traduit avec tant de succès, ou même rehaussé avec tant de force ce qu'il a emprunté de Lucain, et il a porté si haut la vigueur de ses pensées et la majesté de son raisonnement, qu'il est sans doute un peu malaisé de le suivre; mais je crois, lecteur, qu'il m'a été permis de n'égaler pas un style qui semble être la dernière élévation du génie, et que je ne serai pas coupable dans votre esprit pour n'avoir pas imité assez heureusement ce qui a été l'admiration de tout le monde.»
[25] Voyez ci-dessus, p. 11, note 21.
[26] Var. (édit. de 1648-1656: en mes derniers ouvrages.—Dans l'impression originale dont nous suivons le texte pour ces préliminaires, Corneille ne parle que de ses deux derniers ouvrages, parce que pour le Cid et Horace il n'a pas donné les extraits de Mariana et de Tite Live dans la première édition de chacune de ces pièces, mais seulement dans les recueils antérieurs à 1660: voyez tome III, p. 79, note 1, et p. 262, note 1.
[27] L'avis Au lecteur finit ici dans les éditions de 1654 et de 1656.
[28] Voyez ci-après l'Appendice, p. 103 et suivantes.
[29] Var. (édit. de 1648, 1652 et 1655): cent ou deux cents vers traduits ou imités de lui, que tu reconnoîtras aux mêmes marques que tu as déjà reconnu ce que j'ai emprunté de D. Guillen de Castro dans le Cid. J'ai tâché de suivre ce grand homme dans le reste.—Les impressions de 1648, 1652 et 1655 sont les seules qui aient cette variante, parce qu'elles sont aussi les seules où Corneille ait placé au bas des pages, pour le Cid, les extraits de Guillen de Castro: Voyez tome III, p. 199, note 553.
[30] Ce mot était masculin à cette époque. Voyez le Lexique.
[31] On aimait assez alors à laisser ainsi certains passages latins sans les traduire, afin de donner aux beaux esprits une occasion facile de briller auprès des dames. Voyez tome III, p. 45 et 46, ce que Balzac écrit à Scudéry dans une circonstance analogue.
[32] Cet extrait latin et les deux suivants ne sont que dans les éditions de 1644-1652 et dans celle de 1655.
[34] Par une erreur typographique qui fait une faute de quantité, il y a ici juvat, au lieu de juvit, dans les éditions de 1648 et de 1652.
[35] Nous tirons la traduction de cet extrait et du suivant, de l'Histoire romaine de Velleius Paterculus publiée à Paris, chez Jean Gesselin, en 1610, in-4o. L'auteur de cette version française anonyme est J. Baudoin; elle forme l'appendice de sa traduction de Tacite. Les deux ouvrages font deux volumes. «Il (Pompée) eut pour mère Lucilia: il étoit de l'ordre des sénateurs, beau par excellence, non pour cette fleur de l'âge de laquelle on fait tant d'état, mais pour sa dignité et généreuse grandeur, qui lui étoit fort convenable et qui accompagna sa fortune jusques au dernier période de sa vie; il étoit parfait en bonté, des premiers en bonne vie, médiocre en éloquence, très-desireux du pouvoir qu'on lui déféroit par honneur, mais non pas pour en abuser; capitaine fort expérimenté à la guerre, vrai citoyen en temps de paix, et qui n'avoit point son semblable; fort modeste, constant en ses amitiés, facile à pardonner étant offensé, prêt à recevoir la satisfaction de chacun; qui n'abusoit jamais ou bien rarement de son pouvoir; et, ce qui mérite d'être mis au rang des choses plus grandes, il étoit fâché de se voir le premier en dignité en une ville libre et maîtresse du monde, quoiqu'il eût à bon droit tous les citoyens pour ses pareils.» (Pages 33 et 34.)
[36] Corneille suit ici le texte, évidemment fautif, de l'édition princeps (Bâle, 1520). Les éditions modernes de Velléius Paterculus ont généralement adopté la correction d'Alde Manuce, qui a substitué vitiorum à votorum. Le traducteur que nous citons dans la note précédente a sauté les mots: pæne omnium votorum expers, mais on voit par la suite de la phrase que son texte était aussi votorum.
[37] «Il étoit issu de la noble race des Jules et tiroit son extraction (selon que les anciens nous ont laissé par écrit) d'Anchise et de Vénus. C'étoit le plus beau de tous les citoyens, fort subtil en vigueur et force d'esprit, très-libéral, l'âme duquel étoit relevée par-dessus toute créance humaine: pareil du tout à ce grand Alexandre (mais sobre et qui ne se laissoit point vaincre à la colère) en grandeur de desseins, habilité de combattre, et patience ès dangers; qui ménageoit sa nourriture et son repos, plus pour l'usage de sa vie que pour l'entretien des voluptés.» (Traduction de J. Baudoin, p. 41.)
[38] Voyez la Vie de Pompée par Plutarque, chapitres LXVIII et suivants; et la Pharsale de Lucain, livre VIII, vers 560 et suivants.
[39] Voyez encore la Vie de Pompée par Plutarque, chapitre LXXX.
[40] Var. (édit. de 1660-1664): pour empêcher qu'il n'en aille donner.
[41] «Finablement le Roy s'estant retiré devers ses gens qui faisoient la guerre à César, il luy alla à l'encontre, et luy donna la bataille, qu'il gaigna, avec grande effusion de sang; mais quant au Roy, il ne comparut ni ne fut veu onques puis: à raison de quoy il establit royne d'Ægypte sa sœur Cléopatra, laquelle estant grosse de luy, peu de temps après accoucha d'un filz, que ceulx d'Alexandrie appelèrent Cæsarion.» (Plutarque, Vie de César, chapitre XLIX, traduction d'Amyot.)
[42] «Puis arriva en Alexandrie, que Pompeius y avoit desjà esté mis à mort: si eut en horreur Theodotus, qui luy en presenta la teste, tournant le visage d'un autre costé pour ne la point veoir.» (Ibidem, chapitre XLVIII.)
[43] Lucain ne nomme pas Théodote; il dit seulement (livre IX, vers 1010-1012):
—Pour les amours de César et de Cléopatre, voyez plus haut la note 1, et le livre X de la Pharsale, vers 68 et suivants.
[44] Acte III, scène I.
[45] Dans le Discours du poëme dramatique: voyez tome I, p. 26.
[46] Var. (édit. de 1660-1664): jusques au terme.
[47] Pharsale, Livre VIII, vers 537, et livre X, vers 54.
[48] Ces mots se trouvent, avec une construction un peu différente (adulta jam ætate puerum, au chapitre XXIV du livre de la Guerre d'Alexandrie, attribué à Hirtius. Appien, au livre II des Guerres civiles, chapitre LXXXIV, dit que Ptolémée avait treize ans au moment de la mort de Pompée.
[49] Pharsale, livre VIII, vers 693.
[50] Voyez le livre de la Guerre d'Alexandrie, chapitre XXXIII, et Dion Cassius, livre XLII, chapitre XLIV.
[51] Nous ne trouvons point cette expression dans Lucain; mais Cléopatre est ainsi désignée par Properce (livre III, élégie XI, vers 39) et par Pline l'ancien (livre IX, chapitre LVIII).
[52] Pharsale, livre X, vers 369 et 370. Il y a credet dans le texte de Lucain.
[53] Voyez l'Examen de Médée, tome II, p. 338 et 339.
[54] Voyez tome III, p. 483 et 484.
[56] Voyez acte II, scène II, et acte III, scène I.
[57] Voyez l'Examen de Médée, tome II, p. 336 et 337.
[58] Var. (édit. de 1644): veuve de Pompée.—Cornélie est placée avant Lépide dans les éditions de 1644-1656.
[59] Var. (édit. de 1644): reine d'Égypte;—(édit. de 1648): femme de Ptolomée.
[60] Var. (édit. de 1644-1656): gouverneur du roi d'Égypte.
[61] Var. (édit. de 1644-1656): dame d'honneur de la Reine.
[62] Var. (édit. de 1644-1656): écuyer de la Reine.
[63] Ce nom manque à la liste des acteurs, dans les éditions de 1644-1656.—Corneille a trouvé dans Lucain les noms de Photin (Pothinus, dans quelques manuscrits de César Photinus), d'Achillas, de Septime (Septimius), du prêtre Achorée, dont il a fait un écuyer de Cléopatre. Charmion est, chez Plutarque (Vie d'Antoine, chapitre LXXXV), le nom d'une des femmes de cette reine. L'affranchi Philippe est nommé dans la Vie de Pompée du même auteur (chapitres LXXVIII et LXXX).
[64] Var. (édit. de 1644-1664): dans le palais royal de Ptolomée.
[65] Var. LA MORT DE POMPÉE, TRAGÉDIE. (1644)
[66] Voyez la IIe partie de l'Appendice, p. 111-115.
[67] Corneille paraît se rappeler ici ce passage de la fin du VIIe livre de la Pharsale (vers 789-791):
Les mots «ces montagnes de morts» font penser à l'hyperbole par laquelle Brébeuf, renchérissant sur Corneille, a rendu plus tard, dans un autre endroit de la Pharsale, le tot corpora fusa de Lucain (livre VII, vers 652):
C'est de toute sa traduction le vers le plus connu, grâce à la critique de Boileau (Art poétique, chant I, vers 98-100):
—Fontenelle nous apprend que Corneille «avoit traduit sa première scène de Pompée en vers (latins) du style de Sénèque le tragique, pour lequel il n'avoit pas d'aversion, non plus que pour Lucain.» (Œuvres, tome III, p. 124.) Cette traduction est perdue.
[68] Var. Et de leurs troncs pourris exhale dans les vents. (1644-56)
[69] Var. Justifie César et condamne Pompée. (1644-56)
[70] Var. Des changements du sort une effroyable histoire. (1644-56)
[71] Var. Pourra prêter épaule au monde chancelant. (1644)
[72] Var. S'il couronne le père, il hasarde le fils. (1648-56)
[73] Var. Il faut ou recevoir ou hâter son supplice. (1644-56)
[74] Dans l'édition de 1692, ou a été substitué à et.
[75] Var. A quel choix vos conseils me doivent disposer. (1644-68)
[76]
Var. Et jamais potentat n'a vu sous le soleil
Matière plus illustre agiter son conseil. (1644-56)
[77] Var. Sire, quand par le fer les choses sont vidées. (1644-63)
[78] Var. Qui veut venger sur lui le sang de leurs provinces. (1644-56)
[79] Var. Sire, n'attirez point le tonnerre en ces lieux. (1644-63)
[80] Var. Et voler sans scrupule au crime qui le sert. (1644-64)
[81] Var. Qui frappe le vaincu ne craint point le vainqueur. (1644-56)
[82] Var. Sire, Photin dit vrai; mais quoique de Pompée. (1644-63)
[83]
Var. Qu'il ne peut acquitter qu'aux dépens de leur sang. (1644)
Var. A ne point l'acquitter qu'aux dépens de leur sang. (1648-56)
[84] La dette contractée envers César par Ptolémée Aulétès, père du Ptolémée qui tua Pompée, est un fait historique. Voyez le chapitre XLVIII de la Vie de César par Plutarque, où, au lieu de la somme ronde de mille talents, il y a un chiffre assez compliqué, qu'Amyot traduit par un million sept cent cinquante mille écus.
[85] Var. Je sais obéir, Sire, et je serois jaloux. (1644-63)
[86] Var. Sire, je suis Romain: je connois l'un et l'autre. (1644-63)
[87] Var. Prendre sur vous la honte, et lui laisser le fruit. (1644-64)
[88] L'édition de 1682 porte, par erreur: «et ne gagnez plus l'autre.»
[89] Var. Vous n'en gagnez pas un, et les perdez tous deux. (1644-68)
[90] Var. Et cédons au torrent qui traîne toutes choses. (1644-56)
[91] Var. Consentons au destin qui les veut mettre aux fers. (1644-56)
[92] Var. Qu'il plaise au ciel ou non, laisse-m'en le souci. (1648-56)
[93] Var. Sire, je crois tout juste alors qu'un roi l'ordonne. (1644-63)
[94] Voyez au tome III, p. 391, les vers 155 et 156 de Cinna.
[95] Var. De mon trône dans l'âme elle prend la moitié. (1644-56)
[96] Var. Sire, c'est un motif que je ne disois pas. (1644-63)
[97] Var. Son hôte et son ami, qui l'en voulut saisir. (1644-56)
[98] Var. Et les raisons d'État.... Mais, Sire, la voici. (1644-63)
[99] Var. Sire, Pompée arrive, et vous êtes ici! (1644-60)
[100] Var. S'il veut, il peut aller dessus son monument. (1644-56)
[101] On lit dans les éditions de 1648-54 et de 1656: «vous répondez,» pour: «vous répondrez.»
[102] Cette indication manque dans les éditions de 1644-56.
[103] Var. S'il est, Sire, encor temps de vous en repentir. (1644-63)
[104]
Var. Et que par ces mutins chassé de son État,
Il fut jusques à Rome implorer le sénat. (1644-56)
[105]
Var. César en fut épris, du moins il feignit l'être,
Et voulut que l'effet le fit bientôt paroître. (1644-56)
[106]
Var. Et par son testament, qui doit servir de loi,
Me rendit une part de ce qu'il tint de moi. (1644-56)
[107] Var. Sire, cette surprise est pour moi merveilleuse. (1644-63)
[108] Voyez ci-dessus l'Examen, p. 24.
[109] Var. Leur générosité soumet tout à la gloire. (1656)
[110] Var. Tout est illustre en eux quand ils osent se croire. (1644-56)
[111] Var. C'est quand l'avis d'autrui corrompt les sentiments. (1644 in-12)
[112] Var. Je lui garde une flamme exempte d'infamie. (1644-68)
[113] Ce vers a été omis par erreur dans les éditions de 1648-54 et de 1656.
[114]
Var. Quand elle avoue aimer, s'assure d'être aimée,
Et de quelque beau feu que son cœur soit épris,
Ne s'expose jamais aux hontes d'un mépris. (1644-56)
Var. Jamais ne dit qu'elle aime, à moins que d'être aimée. (1660)
[115] Voyez l'Examen de Polyeucte, tome III, p. 483 et 484.
[116]
Var. Et le cœur et la main qui les donnent aux rois;
Si bien que ma rigueur, ainsi que le tonnerre,
Peut faire un malheureux du maître de la terre. (1644-56)
[117] Var. J'oserois bien jurer que vos divins appas. (1644-63)
[118] Les éditions de 1644 portent seules: «Calpurnie,» au lieu de: «Calphurnie.»—On trouve dans les inscriptions l'une et l'autre orthographe; la seconde (Calpurnius, Calpurnia) est la plus ordinaire.
[119] Avant d'épouser Calpurnie, César avait répudié sa troisième femme, Pompéia.
[120]
Var. [Peut-être mon bonheur saura mieux l'arrêter;]
Et si jamais le ciel favorisoit ma couche
De quelque rejeton de cette illustre souche,
Cette heureuse union de mon sang et du sien
Uniroit à jamais son destin et le mien.
Comme il n'a plus d'enfants, ces chers et nouveaux gages
Me seroient de son cœur de précieux otages.
[Mais laissons au hasard ce qui peut arriver.] (1644-56)
[121] Les éditions de 1682 et de 1692 portent seules: «Qui saura mieux que moi,» ce qui est sans doute une erreur.
[122] Achorée joue dans la Pharsale, comme nous l'avons dit (p. 26, note 6), un tout autre rôle que dans la tragédie; mais chez Lucain, comme chez Corneille, il est favorable à Pompée: voyez la Pharsale, livre VIII, vers 475-481.
[123]
Var. Il soupçonna dès lors son manquement de foi,
Et se laissa surprendre à quelque peu d'effroi. (1644-56)
[124]
Var. Il condamna soudain ces indignes alarmes,
Et pensa seulement, dans ce pressant ennui. (1644-56)
[125] Après la bataille de Pharsale, le père de Cornélie, Q. Métellus Scipion, s'était retiré d'abord à Corcyre auprès de Caton, puis en Afrique, où César le vainquit, lui et Juba, roi de Numidie, à la bataille de Thapsus.—Des deux fils de Pompée et de Mucia, sa troisième femme, l'aîné, Cnéius, était en route pour l'Afrique quand il apprit la mort de son père; le second, Sextus, était sur le vaisseau, et fut témoin avec Cornélie du meurtre de Pompée.
[126] Var. Il dit, et cependant que leur amour conteste. (1644-56)
[127] Var. Enfin l'esquif aborde, on l'invite à descendre. (1644-64)
[128]
Var. Il se lève; et soudain, par derrière, Achillas,
Comme pour commencer, tirant son coutelas. (1644-56)
[129]
Var. De peur qu'il ne semblât, contre une telle offense
Implorer d'un coup d'œil son aide et sa vengeance. (1644-60)
[130] Var. Immobile en leurs coups, en lui-même il rappelle. (1648-56)
[131] Var. Sa tête, sur les bords de la barque penchée. (1644-64)
[132] Var. Et pour combler enfin sa tragique aventure. (1644-64)
[133]
Var. A ce spectacle affreux, la pauvre Cornélie....
CLÉOP. Dieux! en quels déplaisirs est-elle ensevelie?
ACHOR. Ayant toujours suivi ce cher époux des yeux,
Je l'ai vue élever ses tristes mains aux cieux;
Puis cédant aussitôt à la douleur plus forte,
Tomber, dans sa galère, évanouie ou morte. (1644-56)
[134] Var. L'éloignent du rivage, et regagnent la mer. (1644-56)
[135] Var. L'autre entend le tonnerre, et l'autre se figure. (1644 et 48)
[136] Var. La tyrannie est bas, et le sort est changé. (1644-64)
[137] Var. De qui l'heur sembloit être au-dessus du revers. (1644-68)
[138] Var. Sur quelques bords du Nil bien à peine s'étend. (1648-56)
[139] L'édition de 1655 porte: «si vous m'êtes,» pour: «si vous n'êtes.»
[140] Var. De se plaindre à Pompée auparavant qu'à lui. (1644-60)
[141] Var. Le mal qu'on voit venir sans pouvoir s'en défendre. (1644-64)
[142] Var. Sire, ne donnez point de prétexte à César. (1644-63)
[143] Var. Sire, voyez César, forcez-vous à lui plaire. (1644-63)
[144] Avant sa mort, Ptolémée Aulétès avait envoyé son testament a Rome. Pompée en fut le dépositaire. Il y disposait de son trône en faveur de son fils aîné, le Ptolémée de notre tragédie, et de sa fille aînée Cléopatre, à la condition qu'ils se marieraient, quand ils auraient l'âge convenable, et régneraient ensemble.
[145] Var. Louez son jugement, et le laissez partir. (1644-56)
[146]
Var. Et pour vaincre d'honneur son absolu pouvoir,
[Avec toute ma flotte allons le recevoir.] (1644-56)
[147] Var. S'il en a rendu grâce, ou s'il l'a dédaigné. (1644-56)
[148] Var. Ce qu'à nos assassins enfin il a pu dire. (1644-64)
[149] Pour: se sont éloignés de la ville. Voyez le Lexique.
[150] A cette époque ce mot se rencontre assez fréquemment au masculin en ce sens. Voyez le Lexique.
[151] Var. Il éprouva toujours la faveur de son Mars. (1644-56)
[152]
Var. Consulte à sa raison sa joie et ses douleurs,
Examine, choisit, laisse couler des pleurs. (1644-56)
[153] Pompée n'avait épousé Cornélie qu'après la mort de sa seconde femme, Julie, fille de César.
[154] «Un homme qui demeure sur le théâtre, seulement pour entendre ce que diront ceux qu'il y voit entrer, fait une liaison de présence sans discours, qui souvent a mauvaise grâce.... Ainsi dans le troisième acte de Pompée, Achorée, après avoir rendu compte à Charmion de la réception que César a faite au Roi quand il lui a présenté la tête de ce héros, demeure sur le théâtre, où il voit venir l'un et l'autre, seulement pour entendre ce qu'ils diront, et le rapporter à Cléopatre.» (Discours des trois unités, tome I, p. 103.)
[155]
Var. Ai-je vaincu pour vous dans le sang de Pharsale? (1648-54 et 56)
Var. Ai-je vaincu pour vous dans le champ de Pharsale? (1655)
[156] Mithridate avait fait égorger à la fois dans les villes de l'Asie tous les Romains qui s'y trouvaient.
[157] Var. Et que s'il eût vaincu, votre esprit complaisant. (1644-56)
[158] On a rapproché de ce passage ce vers bien connu des Pontiques d'Ovide (livre II, épître III, vers 10):
[159] Var. Jugez si vos discours me rendent mes esprits. (1644-56)
[160] Voyez plus haut, p. 32, note 84.
[161] Var. Et justifiez-vous sans la calomnier. (1648-56)
[162] Toutes les éditions, excepté celles de 1644 et de 1655, donnent: «par vos prospérités;» nous avons néanmoins adopté la leçon pour, qui nous paraît seule offrir un sens.
[163] Var. Votre lâche attentat cherche avec trop de ruses. (1660-64)
[164] Les éditions de 1644 in-12 et de 1648-56 portent, par une erreur singulière: «à vaincre,» pour: «à vivre.»
[165] Var. Si l'on voyoit marcher dessus un même char. (1644-64)
[166] En marge, dans les éditions de 1644: Antoine sort sur le théâtre.
[167] Var. Ni votre dignité vous en pût garantir. (1644-56)
[168] Var. Je l'ai vue, ô César, elle est incomparable. (1644-56)
[169] Voyez plus loin la note du vers 392, (note 640) de la Suite du Menteur.
[170] Var. Vous qui la pouvez mettre au faîte des grandeurs. (1644-60)
[171] L'édition de 1682 donne l'affermir, pour l'affranchir.
[172] Var. Sitôt qu'ils ont pris port, vos chefs, par vous instruits. (1644-64)
[173] Var. César, car le destin, qui m'outre et que je brave. (1644-56)
[174] Cornélie avait épousé Pompée un an après la mort du jeune Crassus, fils du triumvir, qui avait péri avec son père dans la guerre des Parthes.
[175] Var. Encore ai-je sujet de rendre grâce aux Dieux. (1644-56)
[176] Var. Si je dois grâce aux Dieux de ce qu'ils ont permis. (1644-56)
[177]
Var. Alors, l'esprit content et l'âme satisfaite,
Je l'eusse fait aux Dieux pardonner sa défaite. (1644-56)
[178] «Me sera-t-il permis de rapporter ici que Mlle de Lenclos, pressée de se rendre aux offres d'un grand seigneur qu'elle n'aimait point, et dont on lui vantait la probité et le mérite, répondit:
C'est le privilége des beaux vers d'être cités en toute occasion, et c'est ce qui n'arrive jamais à la prose.» (Voltaire.)
[179] Var. Il est mort, et mourant, Sire, il vous doit apprendre. (1644-63)
[180] Var. Jugez César vous-même à ce courroux si lent. (1644-56)
[181] Var. Sire, il porte en son flanc de quoi nous en laver. (1644-63)
[182]
Var. Oui, oui, ton sentiment enfin est véritable:
C'est trop craindre celui que j'ai fait redoutable. (1644-56)
[183] Var. Que ton cœur est sensible, et qu'on le peut percer. (1644-56)
[184] Var. Et n'abandonner pas ma vie et ma puissance. (1644-56)
[185] Var. Ni souffrir que demain tu puisses à ce prix. (1644-56)
[186] L'édition de 1682 porte seule: «aux choix,» au pluriel.
[187] On lit digne, au singulier, dans l'édition de 1656.
[188] Var. Nous pouvons beaucoup, Sire, en l'état où nous sommes. (1644-63)
[189] Var. J'ai remarqué l'horreur qu'il a soudain montrée. (1644-56)
[190] Voyez tome I, p. v de l'Avertissement, en note.
[191] Var. Sire, et ne lui montrez que foiblesse et que crainte. (1644-63)
[192] Toutes les éditions, excepté celle de 1656, portent: «Cette office,» au féminin.
[193] Il y a eu, sans accord, dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille, et même encore dans celle de 1692.
[194] Var. Qu'avec nos citoyens ont pris quelques soldats [194-a]. (1644-56)
[194-a] Voltaire a adopté cette variante dans son texte de 1764.
[195] Var. Mais puisque le passé ne se peut révoquer. (1644-56)
[196] Var. Vous pouvez d'un coup d'œil désarmer sa colère. (1644-56)
[197] Var. Je ne me vante pas de le pouvoir fléchir. (1644-56)
[198]
Var. Je crains que de nouveau ma présence l'irrite;
Elle pourroit l'aigrir, au lieu de l'émouvoir. (1644-56)
[199] Var. Et qu'il en peut prétendre une juste conquête. (1644-56)
[200] Var. Plus hautement assise en captivant son maître. (1644-56)
[201] Var. Qu'après avoir mis bas un si digne adversaire. (1644-56)
[202] Allusion au fameux Veni, vidi, vici, que César écrivit à un de ses amis de Rome après la victoire qu'il remporta plus tard, en Asie, sur Pharnace, fils de Mithridate. Voyez la Vie de César par Plutarque, chapitre L.
[203]
Var. Faites grâce, Seigneur, ou souffrez que j'en donne,
Et fasse voir par là que j'entre à la couronne. (1644-56.)
[204]
Var. Par la moitié qu'en terre il a laissé de lui.
Quoi que la perfidie ait osé sur sa trame,
Il vit encore en vous, il agit dans votre âme. (1644-56)
[205] Var. Quand il la faut attendre, elle est trop cher vendue. (1644-56)
[206] Var. Le foudre punisseur que je vois en tes mains. (1644-56)
[207]
Var. Et me laisse encor voir qu'il y va de ma gloire
De punir son audace avant que ta victoire. (1644-56)
[208] Var. Va, ne perds point le temps, il presse. Adieu: tu peux. (1648-56)
[209] «Ces derniers vers que prononce Cornélie frappent d'admiration, et quand ce couplet est bien récité, il est toujours suivi d'applaudissements. Quelques personnes ont prétendu que ces mots: «tu peux te vanter,» ne conviennent pas, qu'ils contiennent une espèce d'ironie, que c'est affecter sur César une supériorité qu'une femme ne peut avoir. On a remarqué que cette tirade, et toutes celles dans lesquelles la hauteur est poussée au delà des bornes, faisaient toujours un peu moins d'effet à la cour qu'à la ville. C'est peut-être qu'à la cour on avait plus de connaissance et plus d'usage de la manière dont les personnes du premier rang s'expriment, et que dans le parterre on aime les bravades, on se plaît à voir la puissance abaissée par la grandeur d'âme.» (Voltaire.)
[210] Var. Si mon zèle et mes soins le peuvent secourir. (1644-56)
[211] «Garnier, du temps de Henri III, fit paraître Cornélie, tenant en main l'urne de Pompée. Elle dit (acte III, scène III):
C'est la même idée, mais elle est grossièrement rendue dans Garnier, et admirablement dans Corneille. L'expression fait la poésie.» (Voltaire.)—Voyez la Notice, p. 5.
[212]
Var. De n'éteindre jamais, ni laisser affoiblir
L'ardeur de le venger dont je veux m'ennoblir. (1644-56)
[213] Var. Madame, je portai mes pas et mes sanglots. (1644-56)
[214] Dans la Pharsale (livre VIII, vers 715 et 716), Cordus est un questeur de Pompée, qui avait accompagné son général dans sa fuite.
[215] Les éditions de 1644 portent, par erreur évidemment: «dont la tête coupée.»
[216]
Var. [Tu peux même à sa veuve en reporter la cendre[216-a],]
Dans ces murs que tu vois bâtis par Alexandre. (1644-56)
[216-a] Tu peux même à sa veuve en rapporter la cendre. (1644 in-12 et 48-56)
[217] Var. Ces restes d'un héros par le feu consommé. (1644-56)
[218] Var. Tout un grand peuple armé fuyoit devers le port. (1644-56)
[219] Var. Montroit de sa justice un exemple assez beau. (1644-68)
[220] Var. Et lui dis que je cours achever sa vengeance. (1644-56)
[221] «Les curieux ne seront pas fâchés de savoir que Garnier avait donné les mêmes sentiments à Cornélie. Philippe lui dit (acte III, scène III):
Corélie répond:
[222]
Var. Quand on s'y voit forcé par son propre danger. (1644-63)
—Voyez ci-dessus la Notice, p. 5, et la note 211 de la p. 87.
[223] Var. Et que cet intérêt qu'on prend pour sa mémoire. (1644 et 60-63)
[224]
Var. Le ciel règle souvent les effets par les causes. (1644 in-4o)
Var. Le ciel règle souvent les effets pour les causes. (1644 in-12)
[225] Var. A quels souhaits le ciel aura mieux répondu. (1644-56)
[226] Var. Ah! ce n'est pas ses soins que je veux qu'on me die. (1644-63)
[227] Voyez ci-dessus, vers 1146 et suivants.
[228] Var. Ce qui dans ses vaisseaux restoit des gens de guerre. (1644)
[229] Var. Du moins César l'eût fait, s'il l'avoit consenti. (1644-56)
[230]
Var. Ni vos vœux ni nos soins n'ont pu le secourir:
Malgré César et vous il a voulu périr. (1644-56)
[231] Var. Dont éclatent les morts des plus dignes monarques. (1644-56)
[232] Var. Et sa perte aux Romains a bien coûté du sang. (1644-56)
[233] Var. Pour réserver sa tête aux hontes d'un supplice. (1644-56)
[234] Var. Et son cœur indigné, que cette erreur abuse. (1644-56)
[235] Var. D'un tel nombre à la foule accablent ce vaisseau. (1644-56)
[236] L'auteur du livre de la Guerre d'Alexandrie (chapitre XXXI) raconte que Ptolémée s'enfuit du camp, et qu'il périt de la manière que dit ici Corneille.
[237]
Var. Il vous proclame reine; et quoique ses Romains
Au sang que vous pleurez n'aient point trempé leurs mains,
Il montre toutefois un déplaisir extrême. (1644-56)
[238] Var. Qui pourra mieux que moi vous dire la douleur. (1644-56)
[239] Var. Je n'y puis plus rien voir qu'un funeste rivage. (1644-56)
[240] Var. Qu'aux changements du Roi pousse un peuple inconstant. (1652-56)
[241]
Var. Et de tous les objets celui qui plus m'afflige,
J'y vois toujours en toi l'ennemi qui m'oblige. (1644-56)
[242]
Var. Et ne recevra point d'honneurs illégitimes:
Pour ces pieux devoirs je ne veux que demain. (1644-56)
[243] Juba, roi de Numidie.
[244] Var. Secondés des efforts d'un roi plus généreux. (1644-56)
[245] Var. Et que ce triste objet porte à leur souvenir. (1644-56)
[246] Var. L'une de la vertu, l'autre de mon devoir. (1644 in-12 et 48-56)
[247] Var. Et comme ta vertu, qu'en vain on veut trahir. (1644-56)
[248] Var. Tant de soins pour vous rendre entière obéissance. (1644-64)
[249] Var. Et n'ose remonter au trône sans regret. (1644-56)
[250] Voyez ci-dessus, p. 14.—Dans Médée, nous avons indiqué les sources latines au bas des pages; mais là Corneille imitait une tragédie et la suivait d'assez près; ici il choisit dans un poëme épique certains passages brillants pour orner sa tragédie, sans s'astreindre, bien entendu, à une marche analogue à celle de son modèle. Nous avons donc cru devoir placer les vers de Lucain en appendice, comme nous avons fait pour ceux de Guillem de Castro à la suite du Cid. Ce qui nous y a encore plus déterminé, c'est que, pour la Médée, les rapprochements avec le latin sont un simple travail d'éditeur qui peut sans inconvénient être confondu avec les notes, tandis que, pour le Cid et pour Pompée, Corneille ayant pris la peine d'indiquer lui-même les vers qu'il a imités, mieux valait, ce nous semble, ne pas mêler son œuvre avec la nôtre.—Il n'a donné ces rapprochements que dans les éditions de 1648, 1652 et 1655. Nous n'avons rien changé à son texte, qui ne diffère des meilleures éditions que par quatre ou cinq variantes de peu d'importance; nous nous sommes contenté d'y corriger un petit nombre de fautes typographiques. Nous avons aussi coupé, comme il l'a fait lui-même, en plusieurs fragments des citations qui, dans Lucain, se suivent et sont jointes; ainsi celles qui se rapportent aux vers 80, 82, 84:
[251] Voyez ci-dessus la Notice, p. 5.
[252] Histoire du Théâtre françois, tome V, p. 441-445.
[253] Par une disposition des plus bizarres, on lit ici avant le nom de Photin: «Scène sixième;» plus loin, avant le nom d'Achillas: «Scène septième;» avant le nom de Théodote: «Scène huitième;» et enfin avant le nom. de Ptolomée: «Scène neuvième. Ptolomée, Parthénie, Achillas, Photin, Théodote.» Mais comme ces discours séparés ne constituent pas des monologues et qu'ils sont, de toute nécessité, prononcés en présence du conseil assemblé; que, d'un autre côté, on lit immédiatement après les deux derniers vers dits par Ptolomée: «Parthénie entrant sur ces paroles,» ce qui prouve que c'est alors seulement qu'un nouveau personnage occupe le théâtre, il nous a para indispensable de continuer jusqu'en cet endroit la scène cinquième, qui n'a sans doute été divisée par l'imprimeur qu'à cause de son étendue.
[254] Une asile est la leçon de l'édition originale.
[255] La Vérité suspecte.
[256] Acte I, scène VI, vers 332.
[258] Édition de 1659, in-4o, p. 320.
[259] Acte IV, scène IV.
[260] Acte I, scène VI, vers 333-340.
[261] Neuvième fragment du Songe de Vaux.
[262] 3e édition, 1694, p. 94.
[263] Acte I, scène VI, vers 349 et 350.
[264] Acte III, scène VI, vers 1069 et 1070.
[265] Voyez tome II, p. 3 et 4.
[266] Dans les scènes VI et VII du Ier acte des Folies amoureuses de Regnard, des expressions militaires deviennent des métaphores galantes comme dans les passages cités plus haut, et à la scène VII de l'acte II des termes de musique servent de langage secret.
[267] Voyez ci-après, p. 204, note 447.
[268] Voyez la dernière variante de la Suite du Menteur, (page 388).
[269] Acte I, scène III, vers 295.
[270] Acte I, scène III, vers 275-284.
[271] Acte I, scène II, vers 215-218.
[272] Dans Jodelet ou le Maître valet[272-a], quand don Juan apprend qu'au lieu de son portrait, Isabelle a reçu celui de Jodelet, il s'écrie:
Dans Jodelet duelliste[272-b], Béatris lui dit en manière de compliment:
Gusman, parlant de D. Bertrand de Cigarral, son maître, rôle que remplissait Jodelet dans la pièce de Thomas Corneille qui porte ce titre[272-c], fait la réflexion suivante:
Enfin, dans l'Amour à la mode[272-d], du même auteur, où nous voyons Jodelet reparaître sous le nom de Cliton, Lisette lui met ainsi sous les yeux les défauts de sa personne:
De si belles qualités ne pouvaient manquer de figurer dans son épitaphe; aussi Loret n'eut-il garde de les oublier, et mit-il dans sa Gazette du 3 avril 1660, quelques jours après la mort du célèbre comédien:
On voit que, dans l'emploi que tenait Jodelet, son vice de prononciation était considéré comme un agrément. Tel est aussi l'avis d'un autre contemporain, qui se flatte de nous faire connaître la cause de ce défaut: «Jodelet parle du nez pour avoir été mal pansé.... (Tallemant nous dit de quel mal), et cela lui donne de la grâce[272-e].»
[272-a] Comédie en cinq actes, par Scarron, représentée en 1645, Acte I, scène I.
[272-b] Comédie en cinq actes, par Scarron, représentée d'abord, en 1646, sous le titre des Trois Dorothées. Acte II, scène II.
[272-c] Comédie en cinq actes, représentée en 1650. Acte I, scène II.
[272-d] Comédie en cinq actes, représentée en 1651. Acte IV, scène VII.—Nous connaissons encore trois pièces, outre celles dont nous venons de parler, où Jodelet figure sous son nom: Jodelet astrologue, comédie en cinq actes et en vers, par Douville, représentée en 1646; le Déniaisé, comédie en cinq actes et en vers, de Gillet et de Tessonnerie, représentée en 1647; enfin le Geôlier de soi-même, comédie en cinq actes et en vers, de Thomas Corneille, jouée en 1655. «Cette pièce, qui a toujours conservé ce titre dans les œuvres de son auteur, se représente cependant depuis très-longtemps, disent les frères Parfait (tome V, p. 120, note a), sous celui de Jodelet prince.»
[272-e] Historiettes, tome VII, p. 177.
[273] Cette date est précisée dans un article de la Gazette du 15 décembre 1634, trop curieux pour que nous ne le donnions pas en entier; il est intitulé: La jonction de six acteurs de la troupe de Mondori à celle de Belle-Roze. «N'en déplaise aux rabat-joie, l'étendue de mes récits n'étant pas limitée dans le détroit d'une gravité toujours sérieuse, comme l'une de leurs utilités est de servir au divertissement, ils ne doivent pas bannir les choses qui y servent; et par ainsi je ne dois pas taire le soin que Sa Majesté a voulu prendre de joindre à la troupe de Belleroze les six acteurs que vous avez en lettre italique, pour les distinguer des autres en leur liste que voici: Les hommes: Belleroze, Belleville, l'Espy, le Noir, Guillot-Gorju, S. Martin, Jodelet, la France ou Jaquemin Jadot, Alizon. Les femmes: la Belleroze, la Beaupré, la Vaillot, la Noir. Cette vieille troupe, renforcée de sa nouvelle recrue, fit, le 10 courant, trouver l'hôtel de Bourgoigne trop petit à l'affluence du peuple devant lequel elle représenta le Trompeur puni du sieur Scudéri; tandis que Mondori (ne désespérant point pour cela du salut de sa petite république) tâche à réparer son débris, et ne fait pas moins espérer que par le passé de son industrie.»—A la fin de cet article vient comme transition la phrase suivante: «Et sans sortir de ce sujet, vous serez avertis....» Puis la petite rectification, relative à Mélite, que nous avons donnée tome I, p. 132 et 133.—Suivant Tallemant (tome VII, p. 173), le Roi renforça ainsi la troupe de Bellerose, «peut-être pour faire dépit au cardinal de Richelieu, qui affectionnoit Mondory.»
[274] Les frères Parfait ne font nulle mention de ce retour de Jodelet au Marais; mais Tallemant, après avoir constaté ainsi le passage de ce comédien à l'hôtel de Bourgogne: «Baron et la Villiers avec son mari, et Jodelet même, allèrent à l'hôtel de Bourgogne» (tome VII, p. 174), ajoute dans la même Historiette: «Jodelet, pour un fariné naïf, est un bon acteur; il n'y a plus de farce qu'au Marais, où il est, et c'est à cause de lui qu'il y en a. Il dit une plaisante chose au Timocrate du jeune Corneille» (p. 176 et 177). Or, suivant les frères Parfait, le Timocrate, tragédie de Th. Corneille, a été représenté au Marais en 1656.
[275] Voyez la Notice de Cinna, tome III, p. 364.
[276] Mercure de France, mai 1740, p. 847 et 848.
[277] Pages 276-278.
[278] Historiettes, tome VII, p. 176.
[279] Voyez Lemazurier, Galerie historique, tome I, p. 129; les Œuvres de Corneille, édition de Lefèvre, tome V, p. 10, note 2.—Le Journal du Théâtre françois donne pour le Menteur une liste d'acteurs fort complète, mais des plus invraisemblables, et où il n'est nullement tenu compte des indications fournies par Corneille lui-même: «La troupe royale mit au théâtre.... une comédie nouvelle de Corneille intitulée le Menteur.... Les acteurs furent: la Grange, la Thuillerie, de Villiers, Hauteroche, Poisson; les actrices: les demoiselles Raisin, Angélique, Delagrange et Dennebaut.» (Folio 842 recto.)
[280] Scène VI.
[281] Remarquons que la supposition très-légitime faite par l'auteur dramatique est devenue, dans un feuilleton du Moniteur du 11 juin 1862, une anecdote littéraire bien établie: «Quelques années avant, y est-il dit, il avait fait les honneurs de sa ville à Molière, lorsque ce dernier vint y jouer la comédie du Menteur.
[282] Molière et sa troupe, par M. Soleirol, p. 67.
[283] Vers 8.
[284] Lettre à Mylord*** sur Baron..., p. 5.
[285] La Suite du Menteur, acte I, scène III, vers 291.
[286] Tome V, p. 370.
[287] Note sur le vers 295 de la Suite du Menteur (acte I, scène III).
[288] Préface du Menteur, édition de 1764.
[289] Tome I, p. 149.
[290] Cette épître ne se trouve que dans les éditions antérieures à 1660.
[291] Pouvoit est au singulier dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille.
[292] Tel est le texte de toutes les impressions (de 1644 à 1656).
[293] Var. (édit. de 1648-1656): sans m'assurer d'une guide.
[294] Voyez ci-dessus la Notice, p. 119, et plus bas l'Examen, p. 137.
[295] Var. (édit. de 1644 in-12 et de 1648-1656): de la sospechosa Verdad.
[297] Parmi les éditions publiées en France du vivant de Corneille, les seules qui donnent cet avis Au lecteur et les deux pièces de vers qui le suivent sont celles de 1648, 1652 et 1655.
[298] Voyez ci-dessus la Notice, p. 119, et plus bas l'Examen, p. 137.
[299] Voyez plus loin le commencement de l'Appendice du Menteur, p. 241 et 242.
[300] Constantin Huyghens, seigneur de Zuylichem, né à la Haye, le 4 septembre 1596, mort en 1687, père du célèbre astronome Christian Huyghens. Il était, dans le temps où Corneille écrivait le Menteur, secrétaire des commandements de Henri-Frédéric, prince d'Orange, mort en 1647, et le fut ensuite successivement de Guillaume II et de Guillaume III.—On trouvera pour la première fois dans notre édition deux lettres que Corneille lui a écrites, l'une le 6 mars 1649, l'autre le 20 mai 1650. Notre poëte lui a adressé dans cette même année 1650 la dédicace de Don Sanche.
[301] Cette querelle avait pour objet l'Herodes infanticida, tragédie d'Heinsius dont Corneille a déjà parlé (voyez tome I, p. 102, et tome III, p. 480). On lit dans un passage des Mélanges de littérature tirez des lettres manuscrites de M. Chapelain, relatif aux lettres de M. de Zuylichem: «Il y en a une entre autres où M. Huyghens conseille à Heinsius de ne pas répondre à la dissertation de Balzac sur l'Herodes infanticida» (p. 94). Heinsius tint peu de compte de ce conseil, comme on va le voir. La discussion dura plusieurs années et fit naître un grand nombre d'ouvrages. Voici les titres des principaux: Discours (par Balzac) sur une tragédie de M. Heinsius, intitulée: «Herodes infanticida.» Paris, P. Rocolet, 1636, in-8o. Danielis Heinsii epistola, qua dissertationi D. Balsaci ad Herodem infanticidam respondetur.... editore Marco Zuerio Boxhornio. Lugd. Batavorum, ex officina Elzeviriana, 1636, in-8o. Response à la lettre et au discours de Balzac sur une tragédie de Heins, intitulée: «Herodes infanticida.» 1642, in-8o (par de Croi, ministre en Languedoc). Cl. Salmasii ad Ægidium Menagium epistola super Herode infanticida, Heinsii tragœdia, et censura Balsacii. Parisiis, apud viduam M. Dupuis, 1644, in-8o.
[302] Épigramme était alors généralement du masculin. Voyez le Lexique.
[303] Il s'agit probablement de l'édition du Menteur publiée en 1645, à l'enseigne de la sphère, dans un petit format in-12, et décrite sommairement à la p. 109 de l'Essai bibliographique sur les éditions des Elzéviers, par Bérard.
[304] Ce petit poëme latin se trouve sans aucune variante, et tel que nous le donnons d'après Corneille, en tête des éditions elzéviriennes du Menteur, de 1645 et de 1647. Il n'est pas dans la 1re édition des poésies latines de Zuylichem (Leyde, 1644), mais seulement dans la 2e, au livre X (p. 237) des Épigrammes (la 1re n'en a que IX livres). Cette seconde édition a été publiée en 1655, à la Haye, par Louis Huyghens, sous ce titre: Constantini Hugenii, equitis; Zulichemi, Zeelhemi, etc., toparchæ; principi Auriaco a consiliis; Momenta desultoria; poematum libri XIV. Le vers 13: Et quas negare, etc., y a été supprimé, et, à la fin du vers 16, on lit cui, au lieu de putas.
[305] Cette devise, qui figure sur le titre des poésies hollandaises de Zuylichem, est une allusion à son prénom de Constantin.
[306] Cette pièce se lit, comme la précédente, en tête des éditions elzéviriennes de 1645 et de 1647, qui, au vers 8, donnent l'une et l'autre: J'ose dire, au lieu de: Je tiens tout.
[307] Var. (édit. de 1660): Lope de Vega.
[308] Voyez le commencement de l'Appendice du Menteur, p. 241.
[309] Voyez l'Examen de la Veuve, tome I, p. 396, et celui de la Suivante, tome II, p. 123.
[310] Voyez l'Appendice, p. 269.
[311] Ici, et partout dans la prose, l'édition de 1692 substitue pendant que à cependant que.
[312] Déjà du temps de Corneille les différentes décorations faisaient reconnaître cette duplicité de lieu. Voyez le Discours des trois unités, tome I, p. 120.
[313] Var. (édit. de 1660): les vingt-quatre heures.
[314] «Dans le Menteur, tout l'intervalle du troisième au quatrième vraisemblablement se consume à dormir par tous les acteurs; leur repos n'empêche pas toutefois la continuité d'action entre ces deux actes, parce que ce troisième n'en a point de complète. Dorante le finit par le dessein de chercher des moyens de regagner l'esprit de Lucrèce; et dès le commencement de l'autre il se présente pour tâcher de parler à quelqu'un de ses gens, et prendre l'occasion de l'entretenir elle-même si elle se montre.» (Discours des trois unités, tome I, p. 100.)
[315] Dans les éditions de 1644-1656, il y a, entre Géronte et Dorante, un personnage de plus, qui est ainsi désigné: «Argante, gentilhomme de Poitiers, ami (dans 1644 in-4o: et ami) de Géronte.» Nous le verrons figurer dans une variante du Ve acte, scène 1re, p. 220.
[316] Les noms de Lucrèce et de la suivante Isabelle sont les seuls que Corneille ait empruntés à la comédie espagnole.
[317] Le premier acte se passe aux Tuileries, et les suivants à la place Royale. Voyez ci-dessus, p. 137 et 138, et la note 307 de cette dernière page.
[318] Voltaire, dans son édition du Théâtre de Corneille, a suivi pour le Menteur, comme il nous l'apprend lui-même dans la Préface qu'il a placée en tête de cette comédie, le texte antérieur à 1660, et n'a pas adopté, comme pour les autres pièces, les changements faits depuis par Corneille.—Ce qui paraît assez étrange, c'est que quelquefois ses notes se rapportent au texte de 1660-1682. Ainsi au sujet des vers 41 et 42, qu'il donne ainsi:
il fait au bas de la page les remarques suivantes, qui sont relatives à une leçon toute différente, à celle que nous avons donnée d'après l'impression de 1682 (voyez p. 143): «Cela n'est pas français. On dit bien: la maison où j'ai été, mais non: la coquette où j'ai été.—Faire l'amour d'yeux et de babil ne peut se dire.»
[319] Var. Et je fais banqueroute à ce fatras de lois. (1644-68)
[320]
Var. Ma mine a-t-elle rien qui sente l'écolier?
Qui revient comme moi des royaumes du Code
Rapporte rarement un visage à la mode.
CLIT. Cette règle, Monsieur, n'est pas faite pour vous. (1644-56)
—Voyez ci-dessus la Notice, p. 127.
[321] L'édition de 1692 a remplacé le pluriel par le singulier: au royaume.
[322] Cosme Bartole, que Dumoulin appelle «le premier et le coryphée des interprètes du droit,» naquit à Sasso-Ferrato, dans l'Ombrie, en 1313, et mourut à Pérouse en 1356.
[323] Var. Ayant eu le bonheur que de n'en point sortir. (1644-56)
[324]
Var. Qui bornent au babil leurs faveurs plus secrètes,
Sans qu'il vous soit permis de jouer que des yeux[324-a]. (1644-56)
[324-a] Voyez p. 141, note 318.
[325] L'édition de 1682 donne seule des leçons, pour de leçons.
[326]
Var. [Ce qu'on admire ailleurs est ici hors de mode:]
J'en voyois là beaucoup passer pour gens d'esprit,
Et faire encore état de Chimène et du Cid,
Estimer de tous deux la vertu sans seconde,
Qui passeroient ici pour gens de l'autre monde,
Et se feroient siffler, si dans un entretien
Ils étoient si grossiers que d'en dire du bien[326-a].
[Chez les provinciaux on prend ce qu'on rencontre.] ( 1644-56)
[326-a] «On voit, dit Voltaire, que Corneille avait encore sur le cœur en 1646 (lisez: en 1642) le déchaînement des auteurs contre le Cid. Il corrigea depuis ces deux vers ainsi:
[327] Montre, revue de troupes. Voyez le Lexique.
[328] Se faire de mise, se faire valoir. «On dit au figuré qu'un homme est de mise, pour dire qu'il a de la mine, de la capacité, qu'il peut trouver aisément de l'emploi, qu'il peut rendre de bons services.» (Furetière.)
[329] Corneille a dit deux ans plus tard, dans son Remercîment à M. le cardinal de Mazarin, publié en tête de la Mort de Pompée (voyez ci-dessus, p. 10) et placé par nous dans les Poésies diverses:
[330] Les derniers mots du jeu de scène: «et comme se laissant choir,» manquent dans l'édition de 1663.
[331] Var. Le mien ne brûle pas du moins si promptement. (1644-56)
[332]
Var. Je m'y suis fait longtemps craindre comme un tonnerre.
[CLIT. Que lui va-t-il conter?] DOR. Et durant tout ce temps. (1644-56)
[333] Var. Et la gazette même a souvent divulgués.... (1644-64)
[334]
Var.Maraud, te tairas-tu?
(A Clarice.) Avec assez d'honneur j'ai souvent combattu,
Et mon nom a fait bruit peut-être avec justice.
CLAR. Qui vous a fait quitter un si noble exercice?
DOR. Revenu l'autre hiver pour faire ici ma cour. (1644-56)
[335] Ces deux vers ont quelque rapport avec les vers 189 et 190 du Cid:
[336] Var. Madame, Alcippe approche; il aura de l'ombrage. (1644-56)
[337] Var. La langue du cocher a bien fait son devoir. (1644-56)
[338] Cliton parle suivant l'usage parisien, avec lequel Dorante, qui arrive de Poitiers, n'est pas encore familiarisé. On disait alors simplement «la Place,» pour «la place Royale.» Ainsi nous lisons dans une lettre de Mme de Sévigné (30 juillet 1677, tome V, p. 241): «Prenez-vous la maison de la Place pour un an?—Je n'en sais rien.»
[339]
Var. Ah! depuis qu'une femme a le don de se taire,
[Elle a des qualités au-dessus du vulgaire;]
Cette perfection est rare, et nous pouvons
L'appeler un miracle, au siècle où nous vivons,
Puisqu'à l'ordre commun le ciel fait violence,
La formant compatible avecque le silence.
Moi, je n'ai point d'amour en l'état où je suis,
[Et quand le cœur m'en dit, j'en prends par où je puis.
[340] Var. Et la nature souffre entière violence. (1660-64)
[341] Var. Je t'en crois sans jurer avecque tes boutades. (1644-56)
[342] L'édition de 1682 porte, par erreur, le plus cher, pour les plus chers.
[343] Var. Avecque vos amis vous avez tout pouvoir. (1644-56)
[344]
Var. Depuis un mois et plus on me voit de retour;
Mais, pour certain sujet, je sors fort peu de jour:
La nuit, incognito, je rends quelques visites. (1644-56)
[345] Les mots tout bas manquent dans les deux éditions de 1644.
[346] Var. De cinq bateaux qu'exprès j'avois fait apprêter. (1644-56)
[347]
Var. S'il eût pris notre avis, ou s'il eût craint ma haine,
Il eût autant tardé qu'à la couche d'Alcmène. (1644-56)
[348] Se passer à, se contenter de Voyez le Lexique.
[349] Var. Je remets en ton choix de parler ou te taire. (1644 in-12 et 48-56)
[350] Corneille désigne ici par le mot Authentiques les extraits sommaires des Novelles, qu'on a placés, dans le Code de Justinien, à la suite des constitutions abrogées ou modifiées.—L'école de Bologne avait divisé le Digeste en trois parties, nommées le vieux Digeste, l'Infortiat (voyez le Lutrin de Boileau, chant V, vers 203), et le nouveau.
[351] Noms de divers jurisconsultes et professeurs célèbres, dont on étudiait les écrits dans les écoles. François Accurse (Accursius) était de Florence (1151-1229); Pierre Balde (Baldus) de Ubaldis (1327-1400), disciple de Bartole, était de Pérouse; Jason Maino (Jaso Magnus, 1435-1519), et André Alciat (1492-1550), le précurseur de Cujas, étaient tous deux de Milan.
[352] Généraux de l'empereur Ferdinand III. La campagne à laquelle Dorante se vantait d'avoir pris part avait été heureuse et brillante. Le 3 novembre 1636, de Rantzau forçait Galas à lever le siége de Saint-Jean de Losne; le 3 mars 1638, le duc de Weimar faisait prisonniers les quatre généraux de l'Empereur, et Jean de Wert était amené en triomphe à Paris; enfin, le 17 janvier 1642, le comte de Guébriant s'emparait de la personne de Lamboy et de Merci à Kempen, et obtenait à cette occasion le bâton de maréchal de France. Un peu plus tôt ou un peu plus tard, les noms de ces généraux auraient pu éveiller de tristes souvenirs.
[353] Voyez la Notice, p. 121.
[354] Donner des bayes (baies) à quelqu'un, c'est le tromper. Voyez le Lexique.
[355] Urgande la déconnue est la fée protectrice d'Amadis de Gaule; quant à Mélusine, son histoire est racontée tout au long par Jehan d'Arras, dans un roman publié en 1478 et dont l'extrait est devenu populaire.
[356]
Var. De faire voir partout la pompe et les dangers. (1644-56)
Var. Que de mêler partout la pompe et les dangers. (1660)
[357] Voyez tome I, p. 24, note 245, et le Lexique.—A ce vers Thomas Corneille, dans l'édition de 1692, a substitué celui-ci:
[358] Var. Nous les démêlerons; mais tous ces vains discours. (1644-56)—Dans l'édition de 1692, ce vers a été ainsi modifié:
[359]
Var. Aussi, d'en recevoir visite et compliment,
Et lui donner entrée en qualité d'amant,
S'il faut qu'à vos projets la suite ne réponde,
Je m'engagerois trop dans le caquet du monde. (1644-56)
[360]
Var. Ce que vous souhaitez est la même justice;
Et d'ailleurs c'est à nous à subir votre loi:
Je reviens dans une heure, et Dorante avec moi. (1644-56)
[361] Var. Afin qu'avec loisir vous le puissiez connaître. (1644-56)
[362] Var. CLARICE, ISABELLE. (1644-60)
[363]
Var. Quoique en ce choix les yeux aient la première part,
Qui leur défère tout met beaucoup au hasard. (1644-56)
[364] Var. Mais sans leur obéir, il les doit satisfaire. (1644-56)
[365] Var. Et qui nous doit donner plus de peur que d'envie. (1644-56)
[366] Var. Dont vous verriez l'humeur rapportante[366-a] à la vôtre? (1644-56)
[366-a] Les éditions de 1648-56 donnent rapportant, sans accord.
[367]
Var. Je voudrois en ma main avoir un autre amant,
Sûre qu'il me fût propre, et que son hyménée. (1644-56)
[368] Un vers presque semblable se trouve dans l'Iphigénie de Racine (acte I, scène II):
[369] Var. Pour en venir à bout sans que rien se hasarde. (1644-56)
[370] Var. Elle n'a point d'amant qui devienne jaloux. (1644-63)
[371] Var. Et là, sous ce faux nom, vous lui pourrez parler. (1644-56)
[372] Var. Nous connoîtrons Dorante avecque cette ruse. (1644-56)
[373] Var. Et tout ce qu'on peut dire en semblable sujet. (1644-56)
[374] Dans l'édition de 1692: CLARICE, bas.
[375] Var. Ce que j'ai, malheureuse! et peux-tu l'ignorer? (1644-56)
[376] Au sujet du tutoiement sur la scène française, Voltaire fait la remarque suivante, que nous ne donnons qu'à titre de renseignement historique: «On tutoyait alors au théâtre. Le tutoiement, qui rend le discours plus serré, plus vif, a souvent de la noblesse et de la force dans la tragédie; on aime à voir Rodrigue et Chimène l'employer. Remarquez cependant que l'élégant Racine ne se permet guère le tutoiement que quand un père irrité parle à son fils, ou un maître à un confident, ou quand une amante emportée se plaint à son amant:
Hermione dit:
Phèdre dit:
Mais jamais Achille, Oreste, Britannicus, etc., ne tutoient leurs maîtresses. A plus forte raison cette manière de s'exprimer doit-elle être bannie de la comédie, qui est la peinture de nos mœurs. Molière en fait usage dans le Dépit amoureux, mais il s'est ensuite corrigé lui-même.»
[377] Var. Mais pour passer la nuit avecque ton galant.... (1644-56)
[378] De toutes les éditions publiées du vivant de Corneille, les deux de 1644 sont les seules qui donnent fou (foû); fol est l'orthographe des suivantes; fou revient en 1692.
[379] Var.Je le devrois bien être. (1644-56)
[380] Tel est le texte des éditions antérieures à 1652; il nous a paru préférable à celui des impressions de 1652 à 1682, qui toutes donnent, au vers 529, au moins, pour à moins. Celle de 1692 a rétabli notre leçon: «A moins qu'en attendant, etc.»
[381] A propos de ce vers, qu'il blâme, Voltaire rappelle un ancien usage: «On demande comment Corneille a épuré le théâtre? C'est que de son temps on allait plus loin. On demandait des baisers et on en donnait. Cette mauvaise coutume venait de l'usage où l'on avait été très-longtemps en France, de donner par respect un baiser aux dames sur la bouche, quand on leur était présenté. Montaigne dit qu'il est triste pour une dame d'apprêter sa bouche pour le premier mal tourné qui viendra à elle avec trois laquais.»—Voici le texte de Montaigne: «C'est une desplaisante coustume, et injurieuse aux dames, d'avoir à prester leurs levres à quiconque a trois valets à sa suitte, pour mal plaisant qu'il soit.» (Essais, livre III, chapitre V.)
[382]
Var. Le redoutable effet de mon ressentiment. (1644-56)
Var. Le juste et prompt effet de mon ressentiment. (1660)
[383] Var. Régleront par le sort tes plaisirs ou tes larmes. (1644)
[384] Var. Mais ce n'est pas ici qu'il le faut quereller. (1644-56)
[385] Var. Je croyois ce matin voir une île enchantée. (1648-56)
[386] Var. Dedans le Pré-aux-Clercs tu verras mêmes choses. (1644-56)
[387] Var. A ce que tu verras vers le Palais-Royal[387-a]. (1644)
[387-a] Le cardinal de Richelieu fit bâtir ce palais par Jacques le Mercier. Les fondements en furent jetés en 1629 sur les ruines des hôtels de Mercœur, de Rambouillet, et de quelques maisons voisines. Il ne fut achevé qu'en 1636. On le nommait d'abord hôtel de Richelieu, mais son propriétaire fit inscrire en lettres d'or sur un marbre au-dessus de la grande porte: Palais Cardinal. Cette inscription fut critiquée, notamment par Balzac (voyez le Lexique). Elle fut toutefois conservée jusqu'au moment où, Louis XIV ayant quitté le Louvre pour habiter le palais Cardinal, que Richelieu lui avait légué, le marquis de Fourille, grand maréchal des logis de la maison du Roi, persuada à la Régente qu'il ne convenait pas que le Roi habitât une maison qui portait le nom d'un de ses sujets; la Reine ordonna d'ôter l'inscription. «On commença dès lors à donner à ce palais le nom de Palais-Royal, qu'il a toujours retenu depuis, quoique la même reine régente, à la prière de la duchesse d'Aiguillon, eût fait remettre l'inscription de palais Cardinal, qu'on y voit encore aujourd'hui,» dit en 1742, dans sa Description de Paris (tome II, p. 220), Piganiol de la Force, qui nous a fourni les détails qui précèdent.—«Ce quartier (où est le Palais-Royal), qui est à présent un des plus peuplés de Paris, n'était, dit Voltaire, que des prairies entourées de fossés, lorsque le cardinal de Richelieu y fit bâtir son palais. Quoique les embellissements de Paris n'aient commencé à se multiplier que vers le milieu du siècle de Louis XIV, cependant la simple architecture du palais Cardinal ne devait pas paraître si superbe aux Parisiens, qui avaient déjà le Louvre et le Luxembourg. Il n'est pas surprenant que Corneille dans ces vers cherchât à louer indirectement le cardinal de Richelieu, qui protégea beaucoup cette pièce, et même donna des habits à quelques acteurs (voyez ci-dessus, p. 126). Il était mourant alors, en 1642, et il cherchait à se dissiper par ces amusements.»
[388]
Var. Où la chaleur de l'âge et l'honneur te convie
D'exposer à tous coups et ton sang et ta vie. (1644-56)
[389] Var. Honnête, belle et riche. (1644-56)
[390] Var.Ah! Monsieur, je frémi. (1644-64)
[391] Var. Je veux qu'un petit-fils puisse tenir ton rang. (1644-64)
[392] Var.Mais s'il m'est impossible[392-a]? (1644-63)
[392-a] L'édition de 1682 porte, par erreur: «Mais il est impossible?»
[393] Var. Ah! si vous la saviez! (1644-68)
[394] L'édition de 1656 est la seule qui porte col, et non cou (coû).
[395] «On faisoit autrefois des montres à sonnerie, qui sonnoient d'elles mêmes à l'heure, à la demie, et quelquefois aux quarts.» (Dictionnaire de Trévoux.)
[396] Au commencement du dix-septième siècle, on disait indifféremment horloger ou horlogier, et quelquefois horlogeur. Les éditions de 1656 et de 1692 donnent seules horlogers. Voyez le Lexique.
[397]
Var. Pensons faire beaucoup de différer un peu.
Comme à ce boulevard l'un et l'autre travaille. (1644-56)
[398] Le mot ici manque dans l'édition de 1663, qui donne cette indication à la marge.
[399] Var. Donc, pour sauver ma vie avecque son honneur. (1644-56)
[400] Var. Oh l'utile secret de mentir à propos! (1644-56)
[401] Ce jeu de scène manque dans les éditions de 1644-60.
[402] Var. DORANTE, après avoir lu. (1644-68)
[403] Var.
[404] Var. Mon heur en est extrême, et l'aventure est rare. (1644-60)
[405] Var. Qui me battois à froid et sans savoir pourquoi, (1644-56)
[406]
Var.Quoi que j'aye[406-a] pu faire,
Je crois n'avoir rien fait qui vous doive déplaire. (1644-56)
[406-a] Voltaire fait sur ce vers la remarque suivante: «le mot aye ne peut entrer dans un vers, à moins qu'il ne soit suivi d'une voyelle avec laquelle il forme une élision.»
[407]
Var. Jusques à cejourd'hui, que sortant d'embuscade,
Vous m'en avez conté l'histoire par bravade. (1644-56)
[408] Var. De voir sitôt finir notre division. (1644 et 48)
[409]
Var. Prenez sur un appel le loisir d'y rêver,
Sans commencer par où vous devez achever. (1644-56)
[410] Var. Je viens de tout savoir d'un des gens de Lucrèce. (1644-56)
[411] L'édition de 1692 donne seule su, au lieu de vu.
[412]
Var. Comme il en voit sortir ces deux beautés masquées,
Sans les avoir au nez de plus près remarquées,
Voyant que le carrosse, et chevaux, et cocher,
Étoient ceux de Lucrèce, il suit sans s'approcher,
Et les prenant ainsi pour Lucrèce et Clarice. (1644-56)
[413] L'édition de 1656 donne, par une erreur évidente, cesse, pour cessez.
[414] Var. J'ai fait ce grand vacarme à ce divin objet? (1644-56)
[415] Var. Ou bien, s'il l'a donnée, il l'a donnée en songe. (1644-64)
[416] Il y a tes dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille, bien qu'Alcippe d'ordinaire ne tutoie pas Dorante. L'impression de 1692 donne vos.
[417] Var. Le voyant resté seul avecque son valet. (1644-56)
[418] Var. Et si l'on les veut croire, ont vu chaque campagne. (1644-56)
[419] Var. D'une autre toute fraîche il dupe encore Alcippe. (1644-56)
[420] Var. Il aura su qu'Alcippe étoit aimé de vous. (1644-56)
[421] Var. Quoi? votre humeur ici lui désobéira? (1644-56)
[422] «Cette métaphore, tirée de l'art des armes, paraît aujourd'hui peu convenable dans la bouche d'une fille parlant à une fille; mais quand une métaphore est usitée, elle cesse d'être une figure. L'art de l'escrime étant alors beaucoup plus commun qu'aujourd'hui, sortir de garde, être en garde, entrait dans le discours familier, et on employait ces expressions avec les femmes mêmes; comme on dit à la boule-vue à ceux qui n'ont jamais vu jouer à la boule; servir sur les deux toits à ceux qui n'ont jamais vu jouer à la paume; le dessous des cartes, etc.» (Voltaire.)
[423] Var. Non, je lui veux parler par curiosité. (1644-56)
[424] Var. Et si c'étoit lui-même, il me pourroit connoître. (1644-56)
[425] Var. Ne hésiter jamais, et rougir encor moins[425-a]. (1644-60)
[425-a] Les éditions de 1648-56 donnent rapportant, sans accord.
[426] Les mots à Isabelle manquent dans les deux éditions de 1644; et de même avant le vers 941 et le vers 949 les mots à Clarice.
[427]
Var. Il continue encore à te conter sa chance.
CLARICE, à Lucrèce. Il continue encor dans la même impudence. (1644-56)
[428] Telle est ici l'orthographe de toutes les éditions, y compris celle de 1692. Voyez plus bas, p. 236, note 493, le même vers écrit différemment (avec accord du participe) dans plusieurs éditions.
[429] Var. Que la foudre à vos yeux m'écrase, si je mens! (1644-56)
[430] Var. Et n'en a vu qu'à coups d'écritoire et de verre. (1644-63)
[431] On lit tout autre dans les éditions de 1648-60. Voyez tome I, p. 228, note 759.
[432] C'est-à-dire: Vous payez d'imposture. Voyez le Lexique.
[433] Voyez ci-dessus les vers 349 et 350, (page 166) et la Notice, p. 122.
[434]
Var. [CLIT. Si jamais cette part tomboit dans le commerce,]
Quelque espoir dont l'appas vous endorme ou vous berce,
Si vous trouviez marchand pour ce trésor caché. (1644-56)
[435] «Voilà deux vers qui sont passés en proverbe.» (Voltaire.)—Ils sont imités de l'espagnol. Voyez l'Appendice, p. 259.
[436] Var. Elle recevra point un accueil moins farouche. (1644-56)
[437] Var. Mais de quelques effets que les siens soient suivis. (1644-56)
[438] Voyez ci-dessus, p. 138, note 314.
[439] Var. Et quoique sur ce point elle les désavoue. (1644-64)
[440] Var. A quelque prix qu'ils soient, il m'en faut acheter. (1644-56)
[441]
Var.L'on ne sait; mais dedans ce murmure,
A peu près comme vous je vois qu'on le figure. (1644-56)
[442] Var. Un homme tel que nous ne se réjouit guère. (1644-68)
[443] Var. Croit qu'on doive l'entendre au moindre mot qu'il dit. (1644-56)
[444] Un peu plus haut (acte II, scène VI, vers 703 et 704) Cliton a dit:
Ces deux passages sont ironiques; Voltaire a donc tort de dire: «On peut remarquer qu'espérer ne se prenant jamais en mauvaise part, ne peut pas servir de synonyme à craindre, et qu'ici l'expression n'est point juste.»
[445]
Var. Mais vous en contez tant, à toute heure, en tout lieu,
Que quiconque en échappe est bien aimé de Dieu. (1644-63)
[446] Var. Que pour en échapper il faudroit de bons yeux. (1664)
[447] L'opinion générale est que ce fut le chevalier Digby qui apporta en France ce prétendu remède. Il exposa ses principes devant l'Académie de Montpellier, dans un Discours non daté, dont le privilége est du 21 décembre 1651, et une vive polémique s'engagea sur ce point; mais on voit qu'il était question beaucoup plus tôt de la poudre de sympathie. Déjà en 1647 un traité spécial était publié à Paris sous ce titre: Nicolaï Papinii... de pulvere sympathico dissertatio, in-8o. Nous pouvons remonter encore un peu plus haut: l'édition de 1644 de l'Abrégé chirurgical d'Honoré Lamy est augmentée d'un Discours de la poudre de sympathie par M. G. Sauvageon. Nous y trouvons un renseignement qui nous reporte tout juste au temps où Corneille fait parler Dorante. «Il faut savoir, dit l'auteur, qu'il y a quelque deux ou trois ans que cette poudre commença d'avoir cours en ce royaume; mais elle se donna ouvertement à connoître en l'année 1642 en l'armée de Roussillon.» La recette avait été achetée une cinquantaine de pistoles d'Espagne.
[448] Var. Qu'en moins de fermer l'œil on ne s'en souvient pas. (1644-60)
[449] Var. Que ce serait pour toi des trésors inutiles. (1644-64)
[450]
Var. Vous avez bien besoin de dix des mieux nourries. (1644 et 48)
Var. Vous aviez bien besoin de dix des mieux nourries. (1652-56)
[451] C'est dans ce sens que «M. de Bautru, parlant d'une personne dont il n'étoit pas encore sorti un bon mot, disait: «Il est toujours plein de bons mots.» (Ménagiana, tome II, p. 239.)
[452] Ici Cliton, frappé d'un étonnement mêlé d'admiration, saisit la basque de l'habit de Dorante et la baise. Je ne sais si ce jeu de scène est fort ancien; il était pratiqué par Dazincourt, qui, à la vérité, en ajoutait souvent à ses rôles. Plusieurs, qui semblaient un peu outrés, ont été supprimés après lui; mais celui-ci, adopté par M. Samson, qui a fait preuve en ces matières d'un goût si fin et si sûr, paraît définitivement consacré.
[453] Var. Que l'aise que j'avois ne put pas me permettre. (1644-56)
[454] Var. Il est homme qui fait litière de pistoles. (1644-56)
[455] Var. De toute cette nuit elle n'a point dormi. (1644-56)
[456] Var. SABINE, LUCRÈCE. (1644-63)
[457] Var. Elle meurt de savoir que chante le poulet. (1644-56)
[458] Var. Qu'avec un peu de temps on amollit leurs âmes. (1644-56)
[459] Var. Qu'il peut me rencontrer et paroître à mes yeux. (1644-56)
[460] Var. Que je suis pour le croire, et non pas pour l'aimer. (1644-56)
[461]
Var. [Que qui se croit aimée aime bientôt après.]
LUCR. Si je te disois donc qu'il va jusqu'à m'écrire,
Que je tiens son billet, que j'ai voulu le lire?
CLAR. Sans crainte d'en trop dire ou d'en trop présumer,
Je dirois que déjà tu vas jusqu'à l'aimer.
[LUCR. La curiosité souvent dans quelques âmes.] (1644 in-4o)
[462] N'en casser que d'une dent signifie qu'on ne mangera point de quelque chose, qu'on n'en aura pas plein contentement, ou qu'on n'obtiendra point ce qu'on prétend. Voyez le Dictionnaire de Furetière.
[463] Var. Laissons là cette folle, et me dis cependant. (1644-56)
[464] Prendre sur le vert, c'est prendre à l'improviste. Voyez le Lexique.
[465] Dans les éditions de 1644-56, cette scène a pour interlocuteurs GÉRONTE et ARGANTE (voyez les variantes des Acteurs, p. 140, note 1), et commence de la manière suivante:
—Dans un passage du Discours du poëme dramatique (tome I, p. 43), où Corneille parle de la nécessité de faire connaître, dès le premier acte, tous les acteurs qui devront paraître dans les suivants, il nous apprend en ces termes ce qui l'a déterminé à modifier ainsi cette scène: «Le plaideur de Poitiers (Argante), dans le Menteur, avoit le même défaut; mais j'ai trouvé le moyen d'y remédier en cette édition, où le dénouement se trouve préparé par Philiste et non par lui.»
[466]
Var. Cette rare beauté qu'ici mêmes on prise?
Vous connoîtrez le nom de cet objet charmant,
Qui de votre Poitiers est l'unique ornement? (1644-56)
Var. Cette rare beauté qu'ici même l'on prise? (1660-64)
[467]
Var. [N'a plus d'occasion de m'en faire un secret.]
ARG. Quelque envieux sans doute avec cette chimère
A voulu mettre mal le fils auprès du père;
Et l'histoire, et les noms, tout n'est qu'imaginé.
Pour tomber dans ce piège, il étoit trop bien né,
Il avoit trop de sens et trop de prévoyance.
A de si faux rapports donnez moins de croyance.
GÉR. C'est ce que toutefois j'ai peine à concevoir:
Celui dont je le tiens disoit le bien savoir,
Et je tenois la chose assez indifférente.
Mais dans votre Poitiers quel bruit avoit Dorante?
ARG. D'homme de cœur, d'esprit, adroit et résolu;
Il a passé partout pour ce qu'il a voulu.
Tout ce qu'on le blâmoit (mais c'étoient tours d'école),
C'est qu'il faisoit mal sûr de croire à sa parole,
Et qu'il se fioit tant sur sa dextérité,
Qu'il disoit peu souvent deux mots de vérité;
Mais ceux qui le blâmoient excusoient sa jeunesse;
Et comme enfin ce n'est que mauvaise finesse,
Et l'âge, et votre exemple, et vos enseignements,
Lui feront bien quitter ces divertissements.
Faites qu'il s'en corrige avant que l'on le sache:
Ils pourroient à son nom imprimer quelque tache.
Adieu: je vais rêver une heure à mon procès.
GÉR. Le ciel suivant mes vœux en règle le succès[467-a]! (1644-56)
[467-a] Ce vers termine la scène dans les éditions indiquées.
[468] Var. Quoi! Dorante a donc fait un secret mariage? (1660 et 63)
[469] Var. Mais il nous a servis d'une collation. (1660-64)
[470]
Var. Et d'un discours en l'air, que forme l'imposteur,
Il m'en fait le trompette et le second auteur! (1644-56)
[471] Var. Ceux qui l'ont jusqu'à nous fait passer dans leur sang? (1644-56)
[472] Var. Tout ce que l'un a fait, l'autre le peut défaire. (1644-56)
[473] Var. Tu n'es pas gentilhomme, étant sorti de moi. (1644 in-4o)
[474] Var. Est-il vice plus lâche, est-il tache plus noire. (1644-56)
[475] Var. Épris d'une beauté qu'à peine ai-je pu voir. (1644-56)
[476]
Var. [Que venoient ses beautés d'allumer dans mon âme;]
Et vous oyois parler d'un ton si résolu,
Que je craignis sur l'heure un pouvoir absolu:
Ainsi donc, vous croyant d'une humeur inflexible,
Pour rompre cet hymen, je le fis impossible;
[Et j'avois ignoré, Monsieur, jusqu'à ce jour.] (1644 in-4o)
[477] Var. Que la dextérité fût un crime en amour. (1644-64)
[478] Voyez tome I, p. 150, note 496.
[479] «Cette plaisanterie est tirée de l'opinion où l'on était alors que le troisième accès de fièvre décidait de la guérison ou de la mort.» (Voltaire.)
[480]
Var. Et qui sait si d'ailleurs l'affaire entre eux conclue
Rencontrera sitôt la fille résolue? (1644-56)
[481] Var. De ma première amour j'ai l'âme un peu gênée. (1644-63)
[482] Var. Et porter votre père à faire la demande? (1644-56)
[483] Il y a dans les Plaideurs de Racine (acte II, scène VI) un vers presque semblable:
[484] Ces mots à Clarice et un grand nombre des indications semblables qui se trouvent dans cette scène (quatorze sur trente-cinq) manquent dans les deux éditions de 1644.
[485] Var. Il t'en conte de nuit, comme il me fait de jour. (1644-56)
[486]
Var. Votre âme du depuis ailleurs s'est engagée.
DOR. Pour un autre déjà je vous aurois changée? (1644-56)
[487]
Var. Je me fais marié pour tout[487-a] autre que vous.
CLAR. Et qu'avant que l'hymen avecque moi vous lie. (1644-56)
[487-a] Voyez plus haut la note du vers 1020 (note (431).
[488] Ici l'édition de 1682 porte aussi tout autre pour toute autre.
[489]
Var. Dites qu'avant qu'on puisse autrement m'engager. (1644)
Var. Dites qu'avant qu'on puisse autre part m'engager. (1648-56)
[490] Var. Moi-mêmes, à mon tour, je ne sais où j'en suis. (1644-56)
[491] Exclamation qui indique l'heureux dénoûment d'une affaire. Elle a ici un sens ironique. Voyez le Lexique.
[492] Var. Vous diroit-il bien vrai pour la première fois? (1644 in-4o)
[493] Var. Les jours que j'ai vécus[493-a] sans vous avoir servie. (1644-56)
[493-a] Les autres éditions portent ici, comme plus haut, vécu, sans accord. Voyez ci-dessus, p. 192, vers 950.
[494] Var. Un seing de votre main, l'affaire est terminée. (1644-56)
[495] Au tome III, p. 296, nous avons rapproché ce vers et le suivant des vers 340 et 341 d'Horace.
[496] Voyez ci-dessus, p. 137.
[497] Voyez ci-dessus, p. 132-134.
[498] Voyez plus haut, p. 140, note 316.
[499] Voyez l'Examen, p. 137 et 138.
[500] C'est aujourd'hui la Calle Mayor.
[501] Nous adoptons l'orthographe des éditions modernes espagnoles.
[502] Acte I, scène I, vers 7.
[503] Ibidem, vers 90.
[504] Voyez ibidem, vers 102-104.
[505] Voyez acte I, scène II, vers 105-152.
[506] Acte I, scène III, vers 153 et suivants.
[507] Voyez ci-dessus, p. 137.
[508] Acte III, scène V, vers 1004.
[509] Acte I, scène IV, vers 197.
[510] Ibidem, vers 209.
[511] Voyez ibidem, vers 205 et suivants.
[512] Voyez acte I, scène V, vers 291 et suivants.
[513] Ibidem, vers 279 et 280.
[514] Acte I, scène VI, vers 323 et 324.
[515] Acte II, scène I, vers 383 et 384.
[516] Voyez ibidem, vers 389.
[517] Acte II, scène I, vers 398.
[518] Acte II, scène II, vers 404 et suivants.
[519] Ibidem, vers 443 et 444.
[520] Ibidem, vers 448. Voyez aussi les vers 464 et 465.
[521] Voyez acte II, scène II, vers 426 et suivants.
[522] Ibidem, vers 423.
[523] Ibidem, vers 450.
[524] Voyez ses notes sur la scène V du IIIe acte et sur le vers 955. La seconde de ces notes ne se trouve pas dans la première édition de son commentaire.
[525] Voyez acte II, scène III, vers 469 et suivants.
[526] Voyez acte II, scène III, vers 530.
[527] Ibidem, vers 474 et 534.
[528] Acte II, scène IV.
[529] Voyez ci-dessus, p. 244.
[530] Scène V.
[531] Scène III.
[532] Acte II, scène V, vers 591-594.
[533] Voyez ibidem, vers 615.
[534] Acte II, scène V, vers 618 et 619.
[535] Ibidem, vers 638.
[536] Ibidem, vers 665-674.
[537] Acte II, scène VI, vers 686-705.
[538] Acte II, scène VIII, vers 720-724.
[539] Comparez vers 769 et suivants.
[540] Acte III, scène II.
[541] Acte III, scène VI, vers 1079 et 1080.
[542] Acte IV, scène I, vers 1129, 1130, et scène III, vers 1169, 1170.
[543] Voyez acte IV, scène I, vers 1120.
[544] Voyez ibidem, vers 1132 et suivants.
[545] Acte IV, scène II, vers 1164.
[546] Acte II, scène V, vers 652.
[547] Acte IV, scène I, vers 1143 et 1144.
[548] Voyez acte IV, scène IV, vers 1227 et suivants.
[549] Ibidem, vers 1232.
[550] Acte IV, scène IV, vers 1254.
[551] Acte IV, scène V, vers 1260 et 1261.
[552] Acte V, scène I, vers 1478 et suivants.
[553] Acte V, scène III, vers 1501.
[554] Acte V, scène II.
[555] Acte V, scène III, vers 1519 et 1520.
[556] Comparez vers 1523 et suivants.
[557] Comparez vers 1543 et suivants.
[558] Acte V, scène III, vers 1581 et suivants.
[559] Acte V, scène VI, vers 1717.
[560] Voyez ibidem, vers 1724; et même acte, scène IV, vers 1620 et suivants.
[561] Voyez ci-dessus, p. 138.
[562] Voyez p. 137.
[563] A l'occasion de nos impartiales analyses, nous devons ajouter un mot sur une Histoire de la littérature dramatique des Espagnols, écrite en allemand, ouvrage très-utile et très-bien fait d'ailleurs, mais où sont prononcées contre le Menteur et le Cid de Corneille des censures fort injustes, d'un esprit exclusif, et qui supposent une étude trop incomplète. Voyez Geschichte der dramatischen Literatur und Kunst in Spanien, von Ad. Friedr. von Schack, tome II, p. 430 et p. 625.
Le tome III du même ouvrage, que nous regrettons d'avoir lu trop tard, présente, au détriment de Corneille, d'autres injustices qui, ajoutées aux précédentes, feraient croire, tant elles marquent d'inattention et d'arbitraire, à une aveugle prévention, indigne d'un tel critique. L'une de ces erreurs (p. 373) consiste à supposer que le Cid est une imitation combinée ou compilation des deux modèles fournis concurremment à Corneille par Castro et par Diamante, erreur d'autant plus étrange qu'elle est avancée à titre de rectification d'un jugement tout contraire exprimé au tome II. En se rétractant ainsi, sur la foi d'un certain sentiment de l'originalité espagnole, singulièrement déçu cette fois, M. de Schack oublie de réfuter la preuve péremptoire, la preuve chronologique, qu'il avait si justement invoquée lui-même. Il se laisse prendre au piége d'un petit article inséré par Voltaire au tome II de la Gazette littéraire de l'abbé Arnaud, et montrant très-peu de confiance envers la critique de Voltaire, il se donne pour convaincu par celle de l'abbé Arnaud, qui n'est autre que Voltaire lui-même dans l'article en question. Mais, pour en finir avec Diamante, nous avons nous-même à rectifier la supposition que nous avons faite au tome III, p. 238, que sa pièce n'avait été imprimée qu'une fois au dix-septième siècle, en 1658-1659. Il faut joindre à cette édition celle qui est comprise dans ses deux volumes de Comédies, Madrid, 1670 et 1674.
L'autre procédé, non moins arbitraire, regarde l'Héraclius. Pour maintenir en possession de la priorité l'Espagnol Calderon, qui a traité le même sujet dans son drame intitulé: En esta vida todo es verdad y todo mentira, M. de Schack (p. 177) antidate de vingt-sept ans la première publication de cette pièce, et la fait remonter à l'an 1637. Il est vrai qu'il se rétracte encore sur cette nouvelle erreur, et dans le même volume, p. 289; mais l'absence de toute date en sa faveur ne lui suffit pas pour renoncer à l'imputation de plagiat contre Corneille, et c'est ce dont nous aurons à parler au prochain volume.
V.
[564] Le Menteur, le Hâbleur, représenté à Mantoue au printemps de 1750.
[565] Voyez la Notice du Menteur, p. 122 et suivantes.
[566] Tome XVII, p. 163.
[567] Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, 2e édition, p. VII.
[570] On lit dans le Journal du Théâtre françois (tome II, fol. 853 verso): «La troupe royale mit au théâtre au commencement du mois suivant (décembre 1643) une comédie nouvelle de Corneille intitulée la Suite du Menteur.... Cette pièce.... n'eut que trois représentations; mais les comédiens du Marais l'ayant remise quatre ans après à leur théâtre, elle en eut dix, et elle y fut très-applaudie.»
[571] Cette épître ne se trouve que dans les éditions antérieures à 1660.
[572] Voyez l'Épître en tête du Menteur, p. 131.
[573] Voyez tome II, p. 119 et note 348.
[574] Voyez la Poétique d'Aristote, chapitre iv, et l'Art poétique d'Horace, vers 333 et suivants.
[575] Corneille a dit ailleurs: «Il est hors de doute que c'est une habitude vicieuse que de mentir; mais il débite ses menteries avec une telle présence d'esprit et tant de vivacité, que cette imperfection a bonne grâce en sa personne, et fait confesser aux spectateurs que le talent de mentir ainsi est un vice dont les sots ne sont point capables.» (Discours du poëme dramatique, tome I, p. 32.)
[576] Il y a garant (garand), au singulier, dans toutes les éditions (1644-1656).
[577] Ce sont les vers 267 et 268 de l'Art poétique, mais ils ne s'appliquent pas à ce que dit ici Corneille.
[578] Var. (édit. de 1648-1656): par les règles de poésie.
[579] Horace, Art poétique, vers 343.
[580] Var. (édit. de 1648-1656): Mais pourvu qu'ils ayent.
[581] Voyez tome I, p. 17 et note 224.
[582] Voyez tome I, p. 17 et note 225.
[583] Var. (édit. de 1656): Cependant, quand on mêle.
[584] Voyez tome I, p. 38 et note 281.
[585] Var. (édit. de 1648-1656): nous en fournira assez.
[586] Voyez tome I, p. 24 et note 245.
[587] Voyez tome I, p. 18.
[588] Voyez tome I, p. 20.
[589] Dans les éditions publiées du vivant de Corneille, cet examen suit celui du Menteur, qui finit par ces mots: «la comédie se termine avec pleine tranquillité de tous côtés.» Thomas Corneille, qui dans l'édition de 1692 a placé les examens après chaque pièce, a ainsi modifié la première phrase de celui-ci: «L'effet de cette pièce n'a pas été, etc.» Voyez tome I, p. 137, note 448.
[590] Voyez l'Appendice (page 241); et ci-dessus, la Notice (page 119) du Menteur, p. 119.
[591] Voyez acte II, scène II.
[592] Voyez acte I, scène II, vers 205 et suivants.
[593] Var. (édit. de 1660 et de 1663): que le poëte se donne à lui-même.
[594] Var. (édit. de 1645-1656): Philiste, amoureux de Mélisse.
[595] Var. (édit. de 1645-1656): Lyse, servante de Mélisse.
[596] Corneille dit dans le Discours des trois unités, tome I, p. 120, que: «la Suite fait voir la prison et le logis de Mélisse dans Lyon,» et que «les différentes décorations font reconnoître cette duplicité de lieu.»
[597] Var. Et quoique après deux ans ton souvenir s'avise. (1645-56)
[598] Var. Ton devoir, quoique tard, enfin s'est éveillé. (1645-56)
[599]
Var. Tout cet attirail prêt qu'on fait pour l'hyménée,
[Les violons choisis, ainsi que la journée:]
Qui se fût défié que la nuit de devant
Votre propre grandeur dût fendre ainsi le vent? (1645-56)
[600] Faire gille, se sauver, s'enfuir. Voyez le Lexique.
[601] Var. Et tout simple et doucet, sans y chercher finesse. (1645-64)
[602] Attendant le temps, l'occasion. Voyez le Lexique.
[603] Var. Mais quand j'eus bien pensé qu'il falloit à mon âge. (1645-56)
[604] Var. Et que quelques appas qui me pussent ravir. (1645-56)
[605] Var. Comme fait un sergent pour les deniers du Roi. (1645-60)
[606]
Var. Je demande d'entrer; et vous trouvant ici,
Je trouve avecque vous mon voyage accourci. (1645-56)
[607] Var. N'aurons-nous point ici des guerres d'Allemagne? (1645-56)
[608]
Var. L'autre, qui voit pour lui le séjour dangereux,
Saute sur mon cheval, et lui donne des deux. (1645-56)
[609]
Var. Et surtout le cheval, lui seul, en ce rencontre,
Vaut et le pistolet, et l'épée, et la montre. (1645-56)
[610] Voyez ci-dessus, p. 175 et 176.
[611] Var. Vous serez innocent avant qu'il soit huit jours. (1645-60)
[612] Il n'a pas le sou. Voyez le Lexique.
[613] Var. Et je doute sans toi si nous eussions soupé. (1645-56)
[614] Cette indication manque dans l'édition de 1645.
[615] «Pistole, pièce d'or qui n'est point battue au coin de France et qui vaut onze livres. Il y a des pistoles d'Italie et des pistoles d'Espagne. Une pistole légère, une pistole bonne et de poids.» (Dictionnaire de Richelet, 1680.)
[616] Var. Bien souvent on perd tout pour vouloir tout savoir. (1645-56)
[617] Voyez tome I, p. 150, note 496.
[618] Var.Je tremble, il la va refuser. (1645-56)
[619] Var.
[Mais qu'elle me pardonne]
Si.... CLIT. Je meurs, je suis mort. (1645-56)
[620] Dans l'édition de 1692, on a, pour varier (voyez l'indication qui précède le vers 205), substitué ensuite à puis.
[621] Var. Regarde-moi. LYSE. Je le veux. CLIT. Que t'en semble? (1645-56)
[622] Tromper sur un achat, supposer des déboursés imaginaires. Voyez le Lexique.
[623] Voyez la Notice du Menteur, p. 123, et même page, note 272.
[624] C'est-à-dire j'étalerai mes feux, mes sanglots, etc. Voyez le Lexique, et ci-dessus, p. 196, note 1.
[625] Telle est l'orthographe de ce mot dans toutes les éditions, même dans celle de 1692 et dans la première de Voltaire (1764).
[626] Var. Adieu: je serai peu sans vous venir revoir. (1645-56)
[627] Var.Adieu, beau Nazillard. (1645-56)
[628] Voyez ci-dessus la Notice du Menteur, p. 123-125.
[629] Var. Vous en riez aussi! DOR. Veux-tu point que j'en rie? (1645-56)
[630]
Var.Vous dites avoir le coup qu'on vous impute.
Voyez ce cavalier; en seroit-ce l'auteur? (1645-56)
[631] Var. De perdre un si grand cœur quand je le puis sauver. (1645-56)
[632] Var. Je vous tiens pour brave homme, et vous connois fort bien. (1645-56)
[633] L'édition de 1682 porte seule: «je me perdois,» pour: «je me perdrois.»
[634] Var. Pour le bien du public je le veux publier. (1645-56)
[635] Var. Qui savoit les tailler de si digne façon. (1645-56)
[636] Dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille, ce verbe est au subjonctif (avec une s ou un accent circonflexe: pust, pût).
[637] Var. Aux meilleurs d'après lui put donner quinze et bisque[637-a]. (1645-56)
[637-a] Terme du jeu de paume. On disait proverbialement à un homme sur qui l'on se vantait d'avoir de l'avantage en quelque chose que ce fût, qu'on lui donnerait quinze et bisque. Voyez le Lexique.
[638] Voyez ci-dessus, p. 15, note 32.
[639] «C'est précisément ce que dit Antoine à César dans la tragédie de Pompée (acte III, scène III, vers 952):
[640] Var. Et ce qui vaut bien mieux que toutes ses richesses. (1645-63)
[641] C'est-à-dire je m'en contenterais, je m'en arrangerais bien. Voyez ci-dessus, p. 156, note 348.
[642]
Var. Et je pense, s'il faut ne vous déguiser rien,
Que si j'étois son fait, il seroit bien le mien. (1645-56)
[643] Var. Comme il y tient sa place, il fait ce qu'il doit faire. (1645-56)
[644] Var. Et je lui dois mon cœur, s'il le daigne estimer. (1645-56)
[645] Souscrirez, signerez.
[646] Var. Et je m'ennuie enfin qu'avec cette grimace. (1645-56)
[647]
Var.Sommes-nous en Espagne, ou bien en Italie?
LYSE. Les amoureux, Madame, ont chacun leur folie. (1645-56)
[648] Var. C'est le plus généreux qui ait jamais[648-a] vécu. (1645)
[648-a] Cette transposition est très-vraisemblablement une faute d'impression; voyez cependant au tome II, p. 188, la note qui se rapporte à la variante du vers 1190.
[649] Les éditions de 1682 et de 1692 donnent seules il; toutes les autres ont elle.
[650] Var. De peur que ce duel ne pût être éventé. (1645-56)
[651] Var. Que sans armes chacun sortit par une porte. (1645-64)
[652] Var. Donc à les redoubler mets toute ton étude. (1645-56)
[653] Var. Que si tous leurs efforts ne le peuvent tirer. (1645-56)
[654] C'est-à-dire courir à la prison, m'y rendre en courant. Voyez le Lexique.
[655] Tablatures, instructions, leçons. Voyez le Lexique.
[656] Var. Cette scène est dans la prison. (1663, en marge.)
[657] Var. Mais puisque je vous vois, mon sort m'est assez doux. (1645-56)
[658] Var. Qui fit jaloux Alcippe avecque tant d'adresse. (1645-56)
[659]
Var. Fut-il pas le témoin du conte que vous fîtes?
Vous sépara-t-il pas lorsque vous vous battîtes?
Et sait-il pas enfin les plus rusés détours. (1645-56)
[660] Bricoler, au propre, c'est diriger une balle, une bille, un boulet de façon à atteindre le but indirectement et par raccroc; au figuré, c'est suivre des voies obliques, et activement, conduire par des voies obliques. Voyez le Lexique.
[661] Var. Donc sans perdre de temps, souffrez que j'aille apprendre. (1645-56)
[662] Var. Comme va maintenant l'amour ou la folie? (1645-60)
[663] Var. Par générosité lui rendrons-nous les armes? (1645-68)
[664] Var. Comme un galant commode, assez incommodé. (1645-56)
[665] Var. Éclaireront ce trouble, et purgeront ces soins. (1648-56)
[666] Var. Je veux le dérober. Mais qu'est-ce qui le suit? (1645-68)
[667] Telle est l'orthographe de toutes les éditions, sans excepter celle de 1692.
[668] Var. Voyez-vous pas que c'est ma maîtresse elle-même? (1645-60)
[669] Var. Qui? celle qui m'écrit? (1645 et 48)
[670] Var. A l'aimer tant soit peu vous l'eussiez deviné. (1645-56)
[671] Var. Quand je dis vrai, Monsieur, j'entends que l'on me croie. (1645-56)
[672] Var. Mais vous le montreriez. (1645-68)
[673] Var. Demain donc je le viendrai reprendre. (1645-56)
[674] Cette indication manque dans les impressions de 1645-63.
[675] Var. Peut-être à mon retour je te saurai guérir. (1645-56)
[676] Var. Mais on tremble toujours de peur qu'on ne les rende. (1645-60)
[677] Var. De crainte qu'aussitôt l'amour ne s'estropie. (1645-60)
[678] Var. Mais laissons ce discours, qui vous peut ennuyer. (1645-56)
[679] Var. Tais-toi, tu m'étourdis avecque tes raisons. (1645-56)
[680] Cette indication manque dans les éditions de 1645-60; celle de 1663 la donne en marge; dans les suivantes, elle est placée après le titre de la scène et les noms des acteurs.
[681] Var. J'ai des gens là dehors qui gardent qu'on n'écoute. (1645-56)
[682] Var. Et je vous puis parler en toute sûreté. (1645-56)
[683] De la gaieté, de l'enjouement. Voyez le Lexique.
[684] Var. Pour donner son avis il n'attend qu'on le prie. (1645-56)
[685] Var. J'en voudrois savoir un de l'humeur dont il est. (1645-56)
[686] Var. Croyez qu'à le trouver vous auriez grande peine. (1645-68)
[687] Var. Voilà de ses bons mots les grâces plus exquises. (1645-56)
[688] Var. Qu'il m'ôte les moyens de rien faire pour vous. (1645-56)
[689] Var. Vous figurez-vous point ce que ce pourroit être? (1645-56)
[690] Il y a croit, sans accent et sans s, dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille et dans celle de 1692. Voltaire (1764) a donné croît.
[691] Var. De lui ravir l'honneur en conservant ses jours. (1645-56)
[692]
Var. J'en ai fait mon ami, j'ai part dedans sa gloire;
Et je ne voudrois pas qu'on me pût reprocher. (1645-56)
[693] L'édition de 1656 porte: «je te suis,» pour: «je te fus.»
[694] Var. Si je t'ai pu manquer de foi. (1645-56)
[695]
Var.Sur toi retombent tes vengeances.... (1645)
Var.Sur toi retombent des vengeances.... (1648-56)
[696] On lit ici pourtrait dans l'édition originale, qui, comme les autres, donne partout ailleurs portrait.
[697] Ce vers a été omis par erreur dans l'édition de 1656.
[698] Var. Je lui regarde aux mains aussitôt comme aux yeux. (1645-56)
[699] Var. Ainsi détruit le temps les choses plus solides[699-a]. (1645-56)
[699-a] L'édition de 1645 porte en marge, à côté de ce vers, les mots: à Dorante.
[700] Var. Ce portrait, qu'il faut que l'on me rende. (1645-56)
[701] Var. C'est ma sœur que j'amène, à cause qu'il fait nuit. (1645-56)
[702] Var. Si je te nuis ici, c'est avecque regret. (1645-56)
[703] Tel est le texte de toutes les éditions, y compris celle de 1692. Voltaire (1764) y a substitué «tant d'épouvante.»
[704] Var. Que sait-on si c'est point le dessein de Madame? (1645-56)
[705]
Var. Si j'étois que de vous, je voudrois hasarder,
Et de force ou de gré je le saurois garder. (1645-56)
[706] Les éditions de 1663-82 donnent cette échange, au féminin; les précédentes et celle de 1692 font le mot masculin: cet échange.
[707] Var. Ainsi font deux soldats logés chez le bonhomme[707-a]. (1645-68)
[707-a] L'édition de 1692 et Voltaire, dans la sienne, ont adopté cette variante.
[708] Var. Et sur l'original vous pouvez tout prétendre. (1645-56)
[709] Var. Je retirois mon cœur en retirant ce gage. (1645-60)
[710] Var. Que tous mes jours usés dessous votre service. (1645-64)
[711]
Var. Je le sais; mais, Madame, en cas que je l'emporte,
Où vous dois-je chercher? (1645-56)
[712] Place de Lyon, qui, au commencement du dix-septième siècle, était encore une prairie, souvent inondée. La ville l'acquit en 1618.
[713] Var. Elles rabaissent toutes deux leur coiffe. (1645-56)—Elles abaissent toutes deux leur coiffe. (1660-68)—Voltaire (1764) a substitué baissent à abaissent.
[714] «Cette scène où Mélisse voilée vient voir si on lui rendra son portrait devait être d'autant plus agréable que les femmes alors étaient en usage de porter un masque de velours, ou d'abaisser leurs coiffes quand elles sortaient à pied. Cette mode venait d'Espagne, ainsi que la plupart de nos comédies.»
(Voltaire.)
[715] Var. PHILISTE, DORANTE, CLITON; MÉLISSE, LYSE, qui s'écoulent incontinent (1645);—.... qui s'échappent incontinent. (1648-60)
[716] Var. Laissez-les s'écouler, je vous dirai qui c'est. (1645)
[717] L'orthographe de ce mot est roolle dans toutes les éditions, hormis celle de 1656, qui a roole, par une seule l.
[718] Par une erreur singulière, les éditions de 1645-56 portent toutes: «Je n'ai point perdu de temps,» ce qui fait un vers de treize syllabes.
[719]
Var. Ce sont formalités que la justice veut;
Autrement, disent-ils, l'affaire ne se peut;
Mais je crois qu'ils en font ainsi que bon leur semble. (1645-56)
[720] Ce vers se retrouve presque textuellement dans les Plaideurs de Racine, acte II, scène I:
[721] Les éditions de 1664-82 et, à leur exemple, celle de 1692 ajoutent LYSE aux personnages de cette scène. C'est une erreur évidente: voyez p. 346, note 1.
[722] Var. Vraiment, je suis ravi que mon élection. (1645-60)
[723] Var. Cette digne oraison que j'avois tantôt faite. (1645-56)
[724] Voyez acte I, scène VI, vers 375 et suivants.
[725] Var. Pour de pareils sujets peut-on s'en garantir? (1645-68)
[726] Var. Et toi-même, à ton tour, penses-tu point mentir? (1645-56)
[727] Var. Toujours à contre-temps son malheur le produit. (1645-56)
[728] Var. Il vous eût fort avant donné dedans la vue. (1645-56)
[729] Var. Vous font ainsi tout croire et ne douter de rien! (1645-60)
[730]
Var. Lyse, c'est un amour bientôt fait que le nôtre. (1645-56)
Var. Lyse, c'est un traité bientôt fait que le nôtre. (1660)
[731] Var. Et sans s'inquiéter de mille peurs frivoles[731-a]. (1645-64)
[731-a] Voltaire, qui, dans son texte (1764), donne, comme nous, ce vers d'après l'impression de 1682, le cite dans une note avec de mille, pour d'aucunes, d'après les éditions de 1645-64.
[732] «L'assurance que prend Mélisse, au quatrième de la Suite du Menteur, sur les premières protestations d'amour que lui fait Dorante, qu'elle n'a vu qu'une seule fois, ne se peut autoriser que sur la facilité et la promptitude que deux amants nés l'un pour l'autre ont à donner croyance à ce qu'ils s'entre-disent; et les douze vers qui expriment cette moralité en termes généraux ont tellement plu, que beaucoup de gens d'esprit n'ont pas dédaigné d'en charger leur mémoire.» (Discours du poëme dramatique, tome I, p. 19.) Une note de Voltaire confirme ce qu'avance Corneille: «Si la Suite du Menteur, dit-il, est tombée, ces vers ne le sont pas; presque tous les connaisseurs les savent par cœur.»—L'idée exprimée dans ce passage revient plusieurs fois dans les pièces de Corneille. Voyez tome II, p. 308 et 309.
[733] Ce n'est pas là précisément ce que dit Sylvandre; mais dans le troisième livre de la seconde partie de l'Astrée, il grave un cadran «dont l'aiguille tremblante tournoit du côté de la tramontane, avec ce mot: J'EN SUIS TOUCHÉ: voulant signifier que tout ainsi que l'aiguille du cadran étant touchée de l'aimant se tourne toujours de ce côté-là (parce que les plus savants ont opinion que, s'il faut dire ainsi, l'élément de la calamite y est), par cette puissance naturelle, qui fait que toute partie recherche de se rejoindre à son tout; de même son cœur atteint des beautés de sa maîtresse, tournoit incessamment toutes ses pensées vers elle. Et pour mieux faire entendre cette conception, il ajouta ces vers:
[734] La leçon d'une autre n'est que dans les éditions de 1664 et de 1668. Toutes les autres donnent: d'un autre. Voyez tome I, p. 228, note 759 a.—L'édition de 1692 a le féminin, qui, de toute manière, parait ici préférable.
[735] L'Astrée, célèbre roman pastoral d'Honoré d'Urfé, divisé en cinq parties, dont la première a paru en 1610 et la dernière en 1625. Cette édition ne se trouve plus, dit M. Brunet en parlant de la 1re partie de 1610, in-4o, dédiée à Henri IV.
[736] Le village d'Astrée n'est pas nommé par d'Urfé, qui se contente de placer le lieu de la scène dans le Forez, sur les bords du Lignon.
[737] Var. Qu'elle et son Céladon étoient de mes parents. (1645-68)
[738] D'Urfé dit, dès les premières pages de son roman, qu'Astrée et Céladon «se virent poussés par les trahisons de Semyre aux plus profondes infortunes,» mais il ne donne point de détails particuliers à ce sujet, et, dans la Tragico-médie pastorale, où les amours d'Astrée et de Céladon sont meslées à celles de Diane, de Sylvandre et de Paris, par le sieur de Rayssiguier.... 1630, Sémire ne paraît même pas.
[739] Toutes les éditions donnent ce prisonnier. Voltaire (1764) y a substitué: un prisonnier.
[740] Var. MÉL. Avec? CLÉAND. Avec Dorante. MÉL. Avec ce cavalier. (1645-56)
[741] Var. Qu'à cette lâcheté je pusse consentir! (1645)
[742]
Var. Tu t'en fâches, ma sœur? MÉL. Je m'en fâche pour vous:
D'un mot il vous peut perdre, et je crains son courroux.
CLÉAND. Il est trop généreux; et puis notre querelle. (1645-56)
[743] Var. La plus belle ait de quoi suborner de bons yeux. (1645-56)
[744] Var. C'est encore votre ordre, ou je le conçois mal. (1645-56)
[745] Var. Je le viens d'obliger à prendre la maison. (1645-56)
[746] Var. Vous pensez l'engager avecque de tels gages. (1645-56)
[747] Var. Sans l'avoir jamais vu, je connois son courage. (1645-68)
[748] Var. Et si ces foibles traits n'ont pas de quoi lui plaire. (1645-56)
[749] Var. S'il aime en autre lieu, n'en appréhendons rien. (1645-60)
[750] Var. Votre amour me ravit, je la veux couronner. (1645-56)
[751] Var. Avecque tes façons que veux-tu que j'attrape? (1645-56)
[752] Var. S'excusera-t-il mieux que le mien ne l'excuse? (1645-56)
[753] En faveur de, à la faveur de.
[754] Cette indication manque dans les éditions antérieures à 1663.
[755] Garder le mulet, locution proverbiale, qui signifie «attendre longtemps, s'ennuyer à attendre.»
[756] L'édition de 1663 omet ici les mots à la fenêtre, et porte en marge, à côté du premier vers de la scène: Mélisse et Lyse sont à la fenêtre.
[757] Var. Ah! que je suis ravie! (1645)
[758] Var. Vous revoir en ce lieu me persuade mieux. (1645-56)
[759] Var. L'erreur n'est pas un crime; et votre chère idée. (1645-56)
[760] Var. Que dedans votre objet le sien s'est confondu. (1645-56)
[761] Voyez tome I, p. 299, note 978. L'édition de 1692 a quelque, sans s.
[762] Var. Et me prenant pour l'être à l'habit rouge et vert.... (1645-56)
[763] Var. M'ont jeté de roideur sur un monceau de tuiles. (1645-56)
[764] Var. La belle occasion dont je n'ai pu jouir. (1645-63)
[765] Var. Puissiez-vous recevoir dedans son entretien. (1645-56)
[766] Voyez le Menteur, acte III, scène IV.
[767] Var. Aujourd'hui même erreur trompe votre maîtresse. (1645-60)
[768]
Var. Vous pourrez maintenant tout savoir de Philiste.
DOR. Cliton, tout au contraire, il le faut éviter. (1645-56)
[769] Var. Et crois devoir au moins ignorer son amour. (1645-56)
[770] Var. Tu les sais prodiguer. (1645-56)
[771] Var. Vois quelle est sa méthode, et tâche de l'apprendre. (1652-56)
[772] But à but, c'est-à-dire d'une manière égale, sans nous faire réciproquement aucun avantage. C'est un terme de jeu.
[773] Var. Pour l'âme et pour le cœur, autant que tu voudras. (1645-56)
[774] Var. Avec toute assurance il se peut déclarer. (1645-56)
[775] Var. DORANTE, MÉLISSE, CLITON, LYSE. (1645-52)
[776] Var. Si je le puis guérir, ou s'il faut que j'y cède. (1645-56)
[777]
Var. Et de quel ennemi je me dois défier. (1645-56)
Var. Et de quel ennemi je dois me défier. (1660)
[778] Var. A son injuste loi que faut-il que j'impute? (1645-56)
[779] Var. Du moins avecque vous je puis les partager. (1645-56)
[780] Var. N'aigrissez point ma plaie, elle est assez ouverte. (1645-56)
[781]
Var. Et je me résoudrois à lui désobéir,
Si je pouvois aussi me résoudre à trahir. (1645-56)
[782]
Var. Par ce que je lui dois jugez, dans ma misère,
Ce que j'ai dû promettre et ce que je dois faire. (1645-56)
[783]
Var. Puisque même à vous voir je vous trahis tous deux:
Lui, soutenant vos feux, avecque ma présence;
Vous, parlant pour Philiste, avecque mon silence. (1645-56)
[784] Var. Je n'y puis consentir, et n'y sais que répondre. (1645-64)
[785] Var. Vos dames de Paris vous appellent vers elles. (1645-56)
[786] Var. Vous ne m'échappez point, à moins que m'introduire. (1645-56)
[787]
Var. [Et nous serons ainsi l'un et l'autre contents.]
Je voudrois toutefois vous dire une nouvelle,
Et vous en faire rire en sortant d'avec elle:
Chez un de mes amis je viens de rencontrer
Certain livre nouveau que je vous veux montrer.
[Vous me semblez troublé.] (1645-56)
[788] Var. Vous m'aimez, je l'ai su, Monsieur, de votre bouche. (1645-56)
[789] Var. Jugez par là, Monsieur, quel malheur nous menace. (1645-56)
[790] Var. Si de votre départ j'ai paru me piquer. (1645-56)
[791] Var. Vous les quittiez pour moi, je n'y puis consentir. (1645-56)
[792] Au sujet de ce refrain, critiqué par Voltaire:
voyez ci-après l'Appendice, p. 394.
[793] Les mots à Mélisse, et, avant le vers 1900, à Cléandre, manquent dans l'édition originale.
[794]
Var. [Et croyez qu'à l'envi je vous serai fidèle.]
Cher ami, cependant connoissez-vous ceci[794-a]?
(Il lui montre le Menteur imprimé.)
DOR. Oui, je sais ce que c'est; vous en êtes aussi:
Un peu moins que le mien votre nom s'y fait lire;
Et si Cliton dit vrai[794-b], nous aurons de quoi rire.
C'est une comédie où, pour parler sans fard,
Philiste, ainsi que moi, doit avoir quelque part:
Au sortir d'écolier, j'eus certaine aventure
Qui me met là dedans en fort bonne posture;
On la joue au Marais, sous le nom du Menteur.
CLIT. Gardez que celle-ci n'aille jusqu'à l'auteur,
Et que pour une suite il n'y trouve matière;
La seconde, à mon gré, vaudroit bien la première.
DOR. Fais-en ample mémoire, et va le lui porter;
Nous prendrons du plaisir à la représenter:
Entre les gens d'honneur on fait de ces parties,
Et je tiens celle-ci pour des mieux assorties.
PHIL. Le sujet seroit beau. DOR. Vous n'en savez pas tout.
MÉL. Quoi? jouer nos amours ainsi de bout en bout!
CLÉAND. La majesté des rois, que leur cour idolâtre,
Sans perdre son éclat, monte sur le théâtre:
C'est gloire, et non pas honte; et pour moi, j'y consens.
PHIL. S'il vous en faut encor des motifs plus puissants,
Vous pouvez effacer avec cette seconde
Les bruits que la première a laissés dans le monde,
Et ce cœur généreux n'a que trop d'intérêt
Qu'elle fasse partout connoître ce qu'il est.
CLIT. Mais peut-on l'ajuster dans les vingt et quatre heures?
DOR. Qu'importe? CLIT. A mon avis, ce sont bien les meilleures;
Car, grâces au bon Dieu, nous nous y connoissons;
Les poëtes au parterre en font tant de leçons,
Et là cette science est si bien éclaircie,
Que nous savons que c'est que de péripétie,
Catastase, épisode, unité, dénoûment,
Et quand nous en parlons, nous parlons congrûment.
Donc, en termes de l'art, je crains que votre histoire
Soit peu juste au théâtre, et la preuve est notoire:
Si le sujet est rare, il est irrégulier;
Car vous êtes le seul qu'on y voit marier[794-c].
DOR. L'auteur y peut mettre ordre avec fort peu de peine:
Cléandre en même temps épousera Climène;
Et pour Philiste, il n'a qu'à me faire une sœur
Dont il recevra l'offre avec joie et douceur;
Il te pourra toi-même assortir avec Lyse.
CLIT. L'invention est juste, et me semble de mise.
Ne reste plus qu'un point touchant votre cheval:
Si l'auteur n'en rend compte, elle finira mal;
Les esprits délicats y trouveront à dire,
Et feront de la pièce entre eux une satire,
Si de quoi qu'on y parle, autant gros que menu,
La fin ne leur apprend ce qu'il est devenu.
CLÉAND. De peur que dans la ville il me fit reconnoître,
Je le laissai bientôt libre de chercher maître;
Mais pour mettre la pièce à sa perfection,
L'auteur, à ce défaut, jouera d'invention.
DOR. Nous perdons trop de temps autour de sa doctrine;
Qu'à son choix, comme lui, tout le monde y raffine;
Allons voir comme ici l'auteur m'a figuré,
Et rire à mes dépens après avoir pleuré.
CLITON, seul. Tout change, et de la joie on passe à la tristesse;
Aux plus grands déplaisirs succède l'allégresse.
[Ceux qui sont las debout se peuvent aller seoir.] (1645-56)
[794-a] Les éditions de 1648-56 portent avant ce vers: «A Dorante.»
[794-b] Voyez vers 269 et suivants.
[794-c] Ceci pourrait bien être une allusion au triple mariage qui termine la pièce espagnole. Voyez l'Appendice, p. 394 et 395.
[795] Voyez plus haut l'Appendice du Menteur, p. 241 et 242.
[796] On trouve la même pièce dans la Biblioteca de autores españoles de Rivadeneyra, tome II des Comedias escogidas de Lope, Madrid, 1855, grand in-8o.
[797] Acte I, scène I, vers 70.
[798] A peine encore le nom, car il l'écrivait Lopez.
[799] Acte III, scènes III et IV.
[800] Dans la dernière note de la pièce.
[801] Voyez ci-dessus, p. 388, note 794.
[802] Acte III, scène II, p. 337 et 338.
[803] Acte IV, scène I, vers 1221 et suivants.
[804] Voyez ci-dessus, p. 279 et 285.
[805] Les frères Parfait placent Marguerite en 1640 et Philoclée en 1642; cette dernière pièce, qui contient, dit-on, quelques vers de Richelieu, a inspiré à la Chapelle un Téléphonte, à la Grange-Chancel un Amasis, et à Voltaire sa Mérope. Plus habile à choisir ses sujets qu'à les bien traiter, Gabriel Gilbert fit représenter en 1646 Hippolyte ou le Garçon insensible, et eut l'honneur de fournir à Racine l'hémistiche célèbre:
heureusement traduit d'Euripide.
Auteur de beaucoup d'autres ouvrages, nommé secrétaire des commandements de la reine Christine, et devenu son résident en France en 1657, c'est-à-dire après son abdication, il ne trouva la fortune ni dans ses occupations littéraires, ni dans ses fonctions officielles, et mourut, suivant toute apparence, vers 1675, recueilli par la famille d'Hervart, si bienveillante pour les gens de lettres pauvres, si célèbre par les soins délicats dont elle sut plus tard entourer la Fontaine.
[806] Mouhy, dans le Journal du Théâtre françois manuscrit que nous avons déjà cité plus d'une fois, mais auquel nous n'ajoutons qu'une confiance fort limitée, dit que les deux ouvrages furent représentés par «la troupe royale,» et que la pièce de Corneille fut jouée «deux mois» après celle de Gilbert (tome II, fol. 864 verso et 869 recto). Au reste, bien qu'ils diffèrent sur quelques points de détail, tous les historiens du théâtre s'accordent à mettre les deux pièces dans l'année 1644, et par conséquent à regarder la Rodogune de Corneille comme antérieure à Théodore, représentée incontestablement en 1645. Dans son édition, Voltaire dit d'une part que la Rodogune de Gilbert a été jouée à la fin de 1645, et de l'autre il place, suivi en cela par M. Lefèvre, la Rodogune de Corneille en 1646, après Théodore. Il ne fait pas connaître le motif qui l'a porté à un classement si contraire au témoignage unanime de tous ceux qui se sont occupés de notre théâtre; mais ce motif est facile à deviner, et, au premier abord, il ne manque pas d'une certaine force. Théodore a été imprimée avant Rodogune, et dans tous les recueils, si l'on en excepte celui de 1663, elle passe la première[806-a]. C'est pour ne pas changer cet arrangement que Voltaire a modifié les dates données partout; mais il aurait dû remarquer qu'une courte notice quasi officielle sur Corneille, publiée moins de dix ans après la représentation de Rodogune, intervertit cet ordre. Dans sa Relation contenant l'histoire de l'Académie françoise, publiée en 1653, Pellisson s'exprime ainsi (p. 553 et 554) à l'égard de notre poëte:
«Corneille. Pierre Corneille, avocat général à la table de marbre de Rouen, né au même lieu. Il a composé jusques ici vingt-deux pièces de théâtre, qui sont Mélite, Clitandre, la Veuve, la Galerie du Palais, la Suivante, la Place Royale, Médée, l'Illusion comique, le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte, la Mort de Pompée, le Menteur, la Suite du Menteur, Rodogune, Théodore, Héraclius, Don Sanche d'Arragon, Andromède, Nicomède, Pertharite. Il a fait imprimer aussi deux livres de l'Imitation de Jésus-Christ en vers, et travaille aux deux autres.»
Fontenelle n'est pas moins explicite à cet égard: «A la Suite du Menteur succéda Rodogune,» dit-il dans sa Vie de Corneille (Œuvres, tome III, p. 105). On doit donc penser, suivant nous, que Théodore n'ayant nullement réussi, Corneille, qui n'avait point intérêt à en retarder l'impression afin de conserver aux comédiens qui l'avaient montée un privilége dont ils se montraient fort peu jaloux, eut hâte d'en appeler aux lecteurs du jugement des spectateurs, et publia Théodore, tandis que Rodogune poursuivait le cours de son succès. Plus tard, dans les recueils, on adopta sans doute l'ordre de l'impression plutôt que celui de la représentation.
[806-a] Dans l'édition de 1660, Théodore vient immédiatement après Pompée et précède le Menteur et la Suite du Menteur; Rodogune suit ces deux comédies. Dans l'impression de 1692, le Menteur et la Suite du Menteur sont placés après Pompée, et terminent le tome II; Théodore et Rodogune commencent le tome III.
[807] Œuvres, tome III, p. 106.
[808] Pages 62 et 63.
[809] Nous donnons en appendice, à la suite de la tragédie, l'analyse de cette pièce de Gilbert par les frères Parfait.
[810] Œuvres, tome III, p. 53 et 54.
[811] Page 67.
[812] Mercure de mai 1740, p. 845.
[813] Galerie des acteurs du Théâtre français, tome II, p. 4.
[814] Folio 869 recto.
[815] Voyez ci-dessus, p. 5 et 6.
[816] Tome II, p. 9.
[817] Tome II, p. 275.
[818] Tome II, p. 12.
[819] Acte V, scène III, vers 1559.
[820] Lettre à milord*** sur Baron, p. 5 et 6; et Lemazurier, tome I, p. 99.
[821] On sait qu'en ce temps-là on se tenait debout au parterre.
[822] Acte V, scène IV, vers 1826.
[823] Galerie des acteurs du Théâtre français, tome II, p. 195 et 196.
[824] Mémoires.... Anecdote sur Rodogune, p. 227 et suivantes.
[825] Acte I, scène V, vers 359-362.
[826] «L'Oracle, comédie en un acte, en prose, par M. de Saint-Foix, donnée pour la première fois sur le Théâtre françois le 22 mars 1740, avec beaucoup de succès, et souvent revue depuis avec plaisir. Cette pièce offre un tableau charmant du langage de la nature, rendu avec toutes les grâces et la naïveté possible par l'aimable actrice qui fait le rôle de Lucinde, c'est-à-dire Mlle Gaussin.» (Dictionnaire portatif des théâtres. Paris, 1754.)
[827] Pages 323 et suivantes.
[828] Cette épître, adressée au grand Condé, n'est que dans les éditions antérieures à 1660.
[829] Telle est l'orthographe de toutes les éditions où l'Épître a paru du vivant de Corneille.
[830] Dunkerque s'était rendu au duc d'Enghien le 7 octobre 1646. Ce prince, au moment où Corneille publia Rodogune, ne portait le nom de Condé que depuis deux mois environ: son père était mort le 26 décembre 1646.—Nous n'avons pas besoin de rappeler que les divers exploits rappelés plus haut étaient tous de date récente: la bataille de Rocroi, du 19 mai 1643; la prise de Thionville, du 10 août de la même année; la prise de Philippsbourg, du 9 septembre 1644; la victoire de Nordlingen, du 3 août 1645.
[831] Cette espèce d'avertissement, où l'auteur indique ses sources, ne se trouve que dans les impressions de 1647, 1652 et 1655.—Le fragment historique qui est placé en tête est tiré des chapitres LXVII-LXIX des Affaires ou Guerres de Syrie d'Appien.
[832] Cette fille de Ptolomée (Philométor) n'est autre que la Cléopatre de cette tragédie. Avant d'épouser Démétrius Nicanor (ou Nicator), elle avait été la femme d'Alexandre Bala.
[833] Antiochus Sidétès.
[834] Antiochus, surnommé Grypus.
[835] Voyez le Discours de la tragédie, tome I, p. 79 et 80.
[836] Voltaire a substitué elle-même à soi-même.
[837] Le chœur de cette tragédie est composé de jeunes filles de Trachine, amies et compagnes de Déjanire.
[838] Voyez ci-après, tome V, le commencement de la Notice d'Héraclius.
[839] Aristote, dans sa Poétique, cite avec éloge l'Iphigénie en Tauride; mais nous ne voyons pas où il la «donne pour exemple d'une parfaite tragédie.»
[840] Var. (édit. de 1655): du trente-huitième.
[841] Voyez le chapitre I du livre XXXIX de Justin.
[842] Voyez le chapitre I du livre XXXVI du même auteur.
[843] Voyez le chapitre II du livre XXXIX.
[844] Voyez les chapitres V-IX.
[845] Il faut se souvenir que les Examens ont paru pour la première fois dans l'impression de 1660 (voyez tome I, p. 137, note 1). Cela explique que parfois, comme celui-ci dans ses deux premiers paragraphes, ils ne soient que la répétition ou le résumé des Avertissements rédigés par Corneille pour des éditions antérieures et remplacés plus tard par les Examens.
[846] Voyez ci-dessus, p. 414 et 415. Corneille, comme on peut le voir, a un peu modifié sa traduction.
[847] Dans les scènes I et iv.
[848] Voyez le Discours de la tragédie, tome I, p. 79 et 80.
[849] Var. (édit. de 1660): dans la cour.
[850] «Peut-être préféroit-il Rodogune parce qu'elle lui avoit extrêmement coûté; car il fut plus d'un an à disposer le sujet.» (Fontenelle, Œuvres, tome III, p. 105.)
[851] Voyez le Discours des trois unités, tome I, p. 113.—Les éditions de 1660 et de 1663 omettent toutes deux les mots: «dans le troisième de ces discours,» et ont la variante fautive que voici: «que je la viens de l'expliquer.» Faut-il lire: «que je la viens d'expliquer,» ou «que je viens de l'expliquer?»—Dans l'impression de 1660, comme dans celles de 1664, 1668 et 1682, le troisième discours, ou Discours des trois unités, est placé en tête du volume qui contient Rodogune; mais dans l'édition de 1663 (in-fol.) il est à la fin.
[852] Voyez le Discours des trois unités, tome I, p. 116 et 117.
[853] Voyez ibidem, tome I, p. 118 et 121.
[854] Dans les scènes I et IV.—Ici Corneille a principalement en vue la Pratique du Théâtre de d'Aubignac, où on lit ce qui suit au sujet de cette narration: «Il faut prendre garde à bien entretenir le discours dans les mouvements et de n'y mêler aucune apparence de récit, parce que, pour peu que cela sente l'affectation, il est vicieux, comme fait exprès en faveur des spectateurs. Aussi ne puis-je jamais conseiller d'user d'une méthode assez commune, mais que j'estime fort mauvaise: c'est à savoir lorsqu'une personne sait une partie de l'histoire et que le spectateur n'en sait encore rien du tout; car en ces occasions les poëtes font répéter ce que l'acteur présent sait déjà, en lui disant seulement: «Vous savez telle chose,» et ajoutant: «Voici le reste, que vous ignorez.» A dire le vrai, cela me semble grossier; j'aimerois mieux faire entrer en motifs de passion ce que l'acteur présent connoît déjà, et trouver ensuite quelque couleur ingénieuse pour traiter le reste par forme de récit ordinaire. Ce défaut est sensible dans la Rodogune, où Timagène feint de ne savoir qu'une partie de l'histoire de cette princesse, et où tout ce qu'on lui répète sommairement et ce qu'on lui conte est après expliqué assez clairement par les divers sentiments des acteurs; si bien que cette narration n'étoit pas même nécessaire: outre qu'il n'est pas vraisemblable que ce Timagène, qui avoit été à la cour du roi d'Égypte avec les deux princes de Syrie, eût ignoré ce qu'on lui conte, qui n'est rien qu'une histoire publique, contenant des batailles, avec la mort et le mariage de deux rois.» (Pages 393 et 394.)
[855] Les éditions de 1660 et de 1663 donnent quelqu'unes, au lieu de quelques-unes.
[856] Var. (édit. de 1660): dans le second acte.
[857] Var. (édit. de 1660-1664): pour leur faire connoître combien, etc.
[858] Voyez les scènes II et III du deuxième acte.
[859] On appelle proprement protatique un personnage qui ne paraît qu'à la protase, c'est-à-dire dans les scènes d'exposition.
[860] Voyez le Discours du poëme dramatique, tome I, p. 46.
[861] Voyez la dernière scène de la pièce.
[862] Voyez la première scène de Médée.
[863] Var. (édit. de 1660 et de 1663): de Corinthe, où il ne fait qu'arriver.
[864] Voyez l'Examen de Médée, tome II, p. 336.
[865] Voyez la Poétique d'Aristote, chapitres XV et XXV.
[866] On lit dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille (1660-1682): Stratonice, au lieu de Laonice. Cette faute singulière a été corrigée dans l'impression de 1692.
[867] Var. (édit. de 1660 et de 1663): et exciter.
[868] Var. (édit. de 1660 et de 1663): de ce juste sentiment de reconnoissance pour le bien des deux États.
[869] L'édition de 1692 donne par leurs refus, au pluriel.
[870] Var. (édit. de 1660 et de 1663): avant qu'il ait rien pu savoir de sa mort.
[871] Voyez le Discours de la tragédie, tome I, p. 79 et 80.
[872] Voyez le Discours du poëme dramatique, tome I, p. 27.
[873] Les mots: «veuve de Démétrius Nicanor,» manquent dans les éditions de 1647-1656.
[874] Ces mêmes éditions (1647-1656) donnent seulement «fils de Démétrius;» les mots et de Cléopatre sont omis.
[875] Var. (édit. de 1647-1656): Rodogune, sœur du roi des Parthes.
[876] Var. (édit. de 1647-1656): Timagène, gentilhomme syrien, confident des deux princes.
[877] Var. (édit. de 1647-1656): Oronte, ambassadeur des Parthes.
[878] Var. (édit. de 1647-1656): confidente de la Reine.
[879]
Var. Des Parthes avec nous remet l'intelligence,
Affranchit leur princesse, et nous fait pour jamais. (1647-56)
[880]
Var. Quand poursuivant le Parthe, et ravageant sa terre,
Il fut, de son vainqueur, son prisonnier de guerre. (1647-56)
[881]
Var. La reine, succombant sous de si prompts orages,
En voulut à l'abri mettre ses plus chers gages,
Ses fils encore enfants, qui par un sage avis
Passèrent en Égypte, où je les ai suivis. (1647-56)
[882] Cléopatre était fille de Ptolémée Philométor. Au temps dont il est ici parlé, ce n'était pas son frère, mais son oncle Ptolémée Évergète II qui régnait en Égypte.
[883]
Var. Changeant de bouche en bouche, au lieu de vérités,
N'a porté jusqu'à nous que des obscurités.
LAONICE. Sachez donc qu'en trois ans gagnant quatre batailles,
Tryphon nous réduisit à ces seules murailles,
Les assiége, les bat; et pour dernier effroi,
Il s'y coule un faux bruit touchant la mort du Roi. (1647-56)
[884] De Séleucie.
[885] Var. Presse et force la Reine à choisir un époux. (1647-56)
[886] Var. Croyant son mari mort, elle épouse son frère [886-a]. (1647-56)
[886-a] Antiochus Sidétès, frère de son premier mari, Démétrius Nicanor.
[887]
Var. Semble de tous côtés traîner l'heur avec soi:
La victoire le suit avec tant de furie,
Qu'il se voit en deux ans maître de la Syrie. (1647-56)
[888] Var. Dessus nos ennemis rejeta nos alarmes. (1660-64)
[889] Var. Termine enfin la guerre, et lui rend tout l'État. (1647-56)
[890]
Var. Ayant régné sept ans sans trouble et sans alarmes,
La soif de s'agrandir lui fait prendre les armes:
Il attaque le Parthe, et se croit assez fort
Pour venger de son frère et la prise et la mort.
Jusque dans ses États il lui porte la guerre;
Il s'y fait partout craindre à l'égal du tonnerre;
Il lui donne bataille, où mille beaux exploits.... (1647-56)
[891] Les éditions de 1682 et de 1692 donnent: Il se veut retirer; mais les premiers mots de la scène suivante montrent que c'est une faute.
[892]
Var. Mais d'un frère si cher, que les nœuds d'amitié
Font sur moi de ses maux rejaillir la moitié. (1647-64)
[893] Les éditions de 1654 et de 1664 donnent seules rejaillir; toutes les autres portent rejallir.
[894]
Var. S'il ne la préféroit à tout ce qu'elle donne,
Qui renonçant pour elle à cet illustre rang,
La voudroit acheter encor de tout son sang.... (1647-56)
[895] Var. TIMAGÈNE, rentrant sur le théâtre. (1647-60)
[896]
Var. Vous oserois-je ici découvrir ma pensée?
ANTIOCH. Notre étroite amitié par ce doute est blessée. (1647-56)
[897] Var. L'égalité rompue en rompe les beaux nœuds. (1647-56)
[898] Var. Pour le trône cédé, donnez-moi Rodogune. (1647-63)
[899]
Var. Vous l'appelez une offre: en effet, c'est choisir;
Et cette même main qui me cède un empire. (1647-56)
[900] Var. Elle vaut à mes yeux tous les trônes d'Asie. (1647-56)
[901]
Var. J'espérois que l'éclat qui sort d'une couronne
Vous laisseroit peu voir celui de sa personne. (1647-56)
[902] Voyez ci-après l'Appendice, p. 510.
[903] Var. Cependant, aveuglés dedans notre projet. (1647-56)
[904] Var. Qui mirent l'un en sang, l'autre aux flammes en proie. (1647-56)
[905]
Var. Nous avons même droit sur un trône douteux;
Pour la même beauté nous soupirons tous deux. (1647-56)
[906]
Var. Et tout tombe en ma main, ou tout tombe en la vôtre.
En vain notre amitié les vouloit partager. (1647-56)
[907] Les éditions de 1682 et de 1692 sont les seules qui, au lieu de votre, donnent ici notre, leçon adoptée par Voltaire; l'impression de 1682 porte votre au vers 161, où c'est une faute encore plus évidente.
[908] C'est-à-dire un regret séducteur, mauvais conseiller. Comparez le vers 835 du Cid, tome III, p. 152.
[909] Var. J'embrasse avecque vous ces nobles sentiments. (1647-56)
[910] Var. Mais, de grâce, achevons l'histoire commencée. (1647-56)
[911] Toutes les éditions, jusqu'en 1660 inclusivement, portent trouvé ou treuvé, invariable.
[912]
Var. Trouve encor les appas qu'avoit treuvé le père. (1647 et 52)
Var. Trouve encor les appas qu'avoit trouvé le père. (1654-56)
[913] Var. Et son nouvel amour la veut croire coupable. (1647-56)
[914] Var. Qui ne la veut plus voir qu'en implacable maître. (1647-56)
[915] Var. Elle-même leur dresse un embûche au passage. (1647 in-12 et 52-60)
[916] Var. Contre l'Arménien qui court dessus ses terres. (1647-56)
[917] Var. D'abord qu'ils ont paru tous deux en cette cour. (1647-56)
[918] Var. Je n'ai point encor vu qu'elle aime aucun des deux [918-a]. (1647-56)
[918-a] Cette leçon est aussi celle qu'a donnée Thomas Corneille dans l'édition de 1692.
[919]
Var. Non pas que mon esprit, justement irrité,
Conserve à son sujet quelque animosité:
Au bien des deux États je donne mon injure. (1647-56)
[920]
Var. Il falloit un prétexte à s'en pouvoir dédire,
La paix le vient de faire; et s'il vous faut tout dire. (1647-56)
[921] C'est-à-dire: Quand je me permettais de lui mal obéir. Voyez tome I, p. 208, note 962.
[922] Var. Et qu'ainsi ma pitié la satisfaisoit mieux. (1647-56)
[923] Var. Quoique égaux en naissance et pareils en mérite. (1647-56)
[924] Var. Il est bien malaisé, dans cette égalité. (1647-56)
[925] Voyez tome II, p. 308 et 309, et ci-dessus, p. 409.
[926] Var. Quelque époux que le ciel me veuille destiner. (1647-56)
[927] Var. C'est à lui pleinement que je me veux donner. (1647-54 et 56)
[928] Var. Et si du malheureux je deviens le partage. (1647-56)
[929] Var. Qu'un autre qu'un mari règne dans ma pensée. (1647-56)
[930] Var. Avecque ce péril vous devez disparoître. (1647-56)
[931]
Var. Je l'ai trop acheté pour t'en faire un présent;
Crains tout ce qu'on peut craindre en te désabusant. (1647-56)
[932] Var. Oui, Madame, avec joie, et les princes tous deux. (1647-56)
[933]
Var. Si content d'en jouir et de me dédaigner,
Il eût vécu chez elle, et m'eût laissé régner. (1647-56)
[934] Voltaire a mis le singulier: délice. Le mot est au pluriel dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille.
[935] Var. En recevra tantôt celle qui m'y réduit. (1647-56)
[936] Var. Que la guerre sans lui ne se peut rallumer. (1647-56)
[937]
Dévaler, descendre. Voyez le Lexique.
—Var. On n'aura point ce rang, dont la perte me gêne,
Qu'au lieu de ma rivale on n'épouse ma haine. (1660)
[938] «Il semble que Racine ait pris en quelque chose ce discours pour modèle du grand discours d'Agrippine à Néron, dans Britannicus (acte IV, scène II).» (Voltaire.)
[939] Var. Si cher à mes souhaits, si doux à mon amour. (1647-56)
[940] Var. Il vous souvient peut-être encore de mes larmes. (1647-56)
[941] Var. Que pour ne vous voir pas exposés à ses coups. (1647-60)
[942] Var. Et de peur qu'il n'en prît, il m'en fallut choisir. (1647-56)
[943]
Var. Je n'en fus point trompée, il releva sa chute;
Mais par lui de nouveau mon sort me persécute:
Ce trône relevé lui plaît à retenir;
Il imite Tryphon, qu'il venoit de punir;
Qui lui parle de vous irrite sa colère;
C'est un crime envers lui que les pleurs d'une mère. (1647-56)
[944] Var. Que pour les dépouiller afin de nous poursuivre? (1647-56)
[945] Var. Je me crus tout permis pour ravoir votre bien. (1647-56)
[946] L'édition de 1682 porte mon fils, pour mes fils.
[947] Var. Consumer sur mon chef les foudres mérités. (1647-56)
[948] Var. Et nous croyons tenir des soins de cet amour. (1647-68)
[949] Les éditions de 1647-55 ont toutes ici une faute bien évidente: «nous nous en devons rendre,» pour: «nous vous en devons rendre.»
[950] Var. Nous le recevrons lors avec meilleure grâce. (1647-64)
[951] Var. Régnez, nous le verrons tous deux sans déplaisir. (1647-56)
[952] Var. S'il faut la partager avec votre ennemie. (1647-63)
[953] Les éditions de 1682 et de 1692 donnent ici cette amour, et trois vers plus loin cet amour. Toutes les autres ont cet amour aux deux endroits.
[954] Var. Ainsi vous me rendez l'innocence et l'estime. (1647-54 et 56)
[955] Var. Mais, Madame, pensez que pour premier exploit.... (1647-60)
[956] Les éditions de 1660-82 portent du fils. Toutes les autres, y compris celle de 1692, donnent d'un fils.
[957] Var. Croyez-moi, que l'amour n'est guère véhément. (1647-56)
[958] Var. Et pour user encor d'un terme plus pressant. (1647-56)
[959] Var. Régnons, tout son effort ne sera que foiblesse. (1647-56)
[960] Var. J'ai vu les gens de guerre épandus par la ville. (1660)
[961]
Var. Si nous avions autant de forces que de cœur!
Mais que peut de vos gens une foible poignée
Contre tout le pouvoir d'une reine indignée?
ORONTE. Vous promettre que seuls ils puissent résister,
J'aurois perdu le sens si j'osois m'en vanter:
Ils mourront à vos pieds; c'est toute l'assistance
Que peut à leur princesse offrir leur impuissance;
Mais doit-on redouter les hommes en des lieux
Où vous portez le maître et des rois et des Dieux? (1647-56)
[962] Var. Sentiments étouffés de vengeance et de haine. (1647-56)
[963]
Var. Et d'un honteux oubli rompant l'injuste loi,
Rendez ce que je dois aux mânes d'un grand roi. (1647-56)
[964] Var. De colère et d'amour encore étincelante. (1647-56)
[965] Var. Aujourd'hui que je vois cette main parricide. (1647-56)
[966] Var. Fier même le nom aux murs de ce palais? (1647-56)
[967] Var. Dedans mes yeux surpris garde-toi de paroître. (1647-56)
[968] Comparer Pompée, acte I, scène II, vers 221 et 222.
[969]
Var. Parlez, et ce beau feu qui brûle l'un et l'autre
D'une si prompte ardeur suivra votre desir,
Que vous-même en perdrez le pouvoir de choisir. (1647-56)
[970] Voyez ci-après l'Appendice, p. 510.
[971] Var. Mais ayant su mon choix, si vous vous en plaignez. (1647-56)
[972] Var. Vous êtes l'un et l'autre; et sans plus me presser. (1647-56)
[973] Var. De vouloir ou l'aimer ou régner à ce prix. (1647-60)
[974] Var. De faire une révolte et si pleine et si prompte. (1647-60)
[975] Var. Et jugez par ce trouble où mon âme est réduite. (1647-56)
[976] Var. Si je ne prétends plus, n'ont plus de choix à faire: Je leur ôte le droit de vous faire la loi. (1647-56)
[977] Var. Épargnez vos soupirs auprès de l'une et l'autre. (1647-56)
[978]
Var. Qui de vous deux encore a la témérité
De se croire.... (1647-56)
[979] «Espoux, dit Nicot dans son Dictionnaire, à l'article Espouser, est celui qui n'est que fiancé, et ne se peut encore porter pour mari.» Voyez le Lexique.—Voyez aussi plus haut, p. 415 et 425.
[980] Var. Il emprunte ma voix pour mieux se faire entendre. (1647-64)
[981]
Var. [Dont la vôtre envers nous daigne être l'interprète:]
Elle s'explique assez à ce cœur qui l'entend,
Et vous lui rendrez plus que son ombre n'attend[981-a];
Mais aussi, par ma mort vers elle dégagée,
Rendez heureux mon frère après l'avoir vengée.
[De deux princes unis à soupirer pour vous.] (1647-56)
[981-a] Et vous lui rendez plus que son ombre n'attend. (1655)
[982] Var. Et de reconnoissance et de sévérité. (1647-56)
[983]
Var. Hélas! ANTIOCH. Sont-ce les morts ou nous que vous plaignez?
Soupirez-vous pour eux, ou pour notre misère?
RODOG. Allez, Prince, ou du moins rappelez votre frère. (1647-56)
[984] Var. Un rigoureux devoir à cette amour s'oppose. (1647-56)
[985] Var. Ce n'est qu'à ce prix seul que je me puis donner. (1647-56)
[986] Var. Si pour d'autres que vous il m'ordonne de vivre. (1647-56)
[987] Var. Si tu veux triompher dedans notre aventure. (1647-64)
[988] Var. Ne vaut pas à vos yeux la peine d'y penser. (1647-56)
[989]
Var. Oh! trop heureuse fin d'un excès de misère!
Je rends grâces aux Dieux qui m'ont rendu ma mère. (1647-56)
[990]
Var. La nature est trop forte, et ce cœur s'est dompté.
Je ne vous dis plus rien, vous aimez une mère. (1647-56)
[991] Var. Sont autant de larcins à ses contentements. (1647-56)
[992] «On dit qu'au théâtre on n'aime pas les scélérats. Il n'y a point de criminelle plus odieuse que Cléopatre, et cependant on se plaît à la voir; du moins le parterre, qui n'est pas toujours composé de connaisseurs sévères et délicats, s'est laissé subjuguer quand une actrice imposante a joué ce rôle.» (Voltaire.)—Les derniers mots: «du moins le parterre, etc.,» ne sont pas dans la première édition du commentaire de Voltaire (1764); il les a ajoutés dans celle de 1774 in-4o, probablement après avoir vu Mlle Dumesnil dans ce rôle. Voyez la Notice, p. 408.
[993] Var. De prendre pour sincère un changement si prompt. (1647-60)
[994] Var. Que mon cœur n'ait cédés à ce frère avant vous. (1647-63)
[995]
Var. C'est ainsi qu'au dehors il traîne et s'assoupit,
Et qu'il croit amuser de fausses patiences
Ceux dont il veut guérir les justes défiances. (1647-56)
[996] Var. Et tel qui se console après un coup fatal. (1647-56)
[997] Var. Non, Madame; et jamais vous ne verrez en moi. (1647-56)
[998]
Var. Allons chercher le temps d'immoler nos victimes,
Et de nous rendre heureuse à force de grands crimes. (1647-56)
[999] Var. S'il m'arrache du trône et la met à mon rang. (1647-56)
[1000]
Var. [Il faut ou condamner ou couronner sa haine:]
Cette sorte de plaie est trop longue à saigner,
Pour en vivre impunie, à moins que de régner.
Régnons donc, aux dépens de l'une et l'antre vie;
Et dût être leur mort de ma perte suivie,
[Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux[1000-a].] (1647-56)
[1000-a] Dût le peuple en fureur pour ces maîtres nouveaux. (1655)
[1001] Les éditions antérieures à 1660 donnent toutes arrouser.
[1002] Var. Mourir est toujours moins que vivre leur sujette. (1647-56)
[1003] Var. Tous ces vieux différends de leur âme exilés. (1647-56)
[1004] L'édition de 1692 substitue pendant à cependant: voyez plus haut, p. 137, note 5.
[1005] Var. Sujets du Roi son frère, et qui fûtes les miens. (1647-56)
[1006] Var. Voici votre roi, peuple, et voici votre reine. (1647-63)
[1007]
Var. Je ne puis: la douleur a tous mes sens troublés.
ANTIOCH. Quoi? qu'est-il arrivé? [TIMAG. Le Prince votre frère....]
ANTIOCH. Se voudroit-il bien rendre à mon bonheur contraire? (1647-56)
[1008] Var. Il sembloit soupirer ce qu'il avoit perdu. (1647-56)
[1009]
Var. [Il est mort? TIM. Oui, Madame.] ANT. Ah! mon frère! CL. Ah! mon fils!
RODOG. Ah! funeste hyménée! CLÉOP. Ah! destins ennemis!
[Voilà le coup fatal que je craignois dans l'âme.] (1647-56)
[1010] Certains exemplaires de l'édition de 1647 in-4o portent ici en marge: à Rodogune.
[1011] Var. Et de sa propre main il s'est privé du jour. (1647-56)
[1012]
Qui cherche à qui se prendre en sa juste colère.
Vous avez vu sa mort, et sans autres témoins. (1647-56)
[1013]
Var. Puis, arrêtant sur moi ce reste de lumière,
Au lieu de Timagène, il croit voir son cher frère;
Et plein de votre idée, il m'adresse pour vous. (1647-56)
[1014] Var. Je te perds, mais je trouve en ma douleur extrême. (1652-56)
[1015] Var. Avant qu'en soupçonner ou Madame ou la Reine. (1647-56)
[1016] Var. Contient, Seigneur, sans plus, ce que le Prince a dit. (1647-56)
[1017] Après ce vers, l'édition de 1692 ajoute ce jeu de scène, que Voltaire donne aussi dans la sienne: Il tire son épée et veut se tuer.
[1018] Var. Et me montrez la main qu'il faut que je redoute. (1647-56)
[1019]
Var. Puis-je vivre et traîner le soupçon qui m'accable,
Confondre l'innocente avecque la coupable. (1647-56)
[1020] L'édition de 1682 porte: «Vous demandez,» pour: «Vous demandiez.»
[1021] Var. Je ne me veux garder ni de vous, ni de vous. (1647-68)
[1022]
Var. Cette coupe est suspecte, elle vient de la sienne;
Ne prenez rien, Seigneur, d'elle, ni de la mienne.
CLÉOPATRE, à Rodogune. Qui m'épargnoit tantôt m'accuse à cette fois!
RODOGUNE, à Cléopatre. On ne peut craindre assez pour le salut des rois.
Pour ôter tout soupçon d'une noire pratique,
[Faites faire un essai par quelque domestique.] (1647-56)
[1023] Il y a tous égarés dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille; tout égarés dans celle de 16..
[1024] Les mots: ou à quelque autre, ont été supprimés dans l'édition de 1692.
[1025]
Var. [De ne voir point régner ma rivale en ma place.]
Je n'aimois que le trône, et de son droit douteux
J'espérois faire un don fatal à tous les deux,
Détruire l'un par l'autre, et régner en Syrie
Plutôt par vos fureurs que par ma barbarie.
Ton frère, avecque toi trop fortement uni[1025-a],
Ne m'a point écoutée, et je l'en ai puni.
J'ai cru par ce poison en faire autant du reste;
Mais sa force, trop prompte, à moi seule est funeste[1025-b].
[Règne: de crime en crime enfin te voilà roi.] (1647-60)
[1025-a] Ton rival, avec toi trop fortement uni. (1660)
[1025-b] Voltaire donne ces huit vers dans son édition, et oubliant, je ne sais comment, qu'ils se trouvent dans les premières impressions, jusqu'en 1660, il dit dans une note (1764): «Ces vers ne se trouvent aujourd'hui dans aucune édition connue. Corneille les supprima avec grande raison. Une femme empoisonnée et mourante n'a pas le temps d'entrer dans ces détails; et une femme aussi forcenée que Cléopatre ne rend point compte ainsi à ses ennemis. Les comédiens de Paris ont rétabli ces vers, pour avoir le mérite de réciter quelques vers que personne ne connaissait. La singularité les a plus déterminés que le goût. Ils se donnent trop la licence de supprimer et d'allonger des morceaux qu'on doit laisser comme ils étaient.»
[1026] Corneille paraît se rappeler ici un passage de la Médée de Sénèque dont il n'avait pas profité en traitant ce sujet:
[1027] Var. Encor dans les rigueurs d'un sort si déplorable. (1647-56)
[1028] Voyez le commencement de la Notice, p. 399 et suivantes.
[1029] Histoire du Théâtre françois, tome VI, p. 298-305.
[1030] Voyez ci-dessus, p. 436 et 437, dans la Rodogune de Corneille, les vers 151-168.
[1031] Voyez ci-dessus, p. 470 et 471, les vers 1011-1047.
[1032] Il y a ici un peu d'exagération dans l'analyse des frères Parfait; il faudrait dire simplement que Rodogune, ayant appris que Lydie avait épousé Hydaspe par contrainte, perd sa haine contre elle, et consent à tous les arrangements de famille qui forment ce singulier dénoùment.
POMPÉE, tragédie | 1 |
Notice | 3 |
A Monseigneur l'Éminentissime cardinal Mazarin | 11 |
Au lecteur | 14 |
Epitaphium Pompeii Magni | 15 |
Icon Pompeii Magni | 17 |
Icon C. J. Cæsaris | 18 |
Examen | 19 |
Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes de Pompée |
25 |
Pompée | 27 |
Appendice: | |
I. Passages de la Pharsale de Lucain imités par Corneille et signalés par lui |
103 |
II. Extraits de la Mort de Pompée de Chaulmer | 109 |
LE MENTEUR, comédie | 117 |
Notice | 119 |
Épître | 130 |
Au lecteur | 132 |
In præstantissimi poetæ gallici Cornelii comoediam quæ inscribitur Mendax |
135 514 |
A Monsieur Corneille, sur sa comédie le Menteur |
136 |
Examen | 137 |
Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes du Menteur |
139 |
Le Menteur | 141 |
Appendice: | |
Parallèle de la Verdad sospechosa d'Alarcon et du Menteur de Corneille |
241 |
LA SUITE DU MENTEUR, comédie | 275 |
Notice | 277 |
Épître | 279 |
Examen | 285 |
Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes de la Suite du Menteur |
287 |
La Suite du Menteur | 289 |
Appendice: | |
Quelques remarques sur la Suite du Menteur, comme imitation d'une comédie de Lope de Vega |
391 |
RODOGUNE, princesse des Parthes, tragédie | 397 |
Notice | 399 |
A Monseigneur le Prince | 411 |
Extrait d'Appian et Avertissement | 414 |
Examen | 418 |
Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes de Rodogune |
427 |
Rodogune | 429 |
Appendice: | |
Analyse de la Rodogune de Gilbert, par les frères Parfait |
509 |
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
PARIS.—IMPRIMERIE DE CH. LAHURE
Rue de Fleurus, 9
End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres de P. Corneille, Tome IV, by Pierre Corneille *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME IV *** ***** This file should be named 39739-h.htm or 39739-h.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/3/9/7/3/39739/ Produced by Hèléne de Mink, Carlo Traverso and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.