Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
Romans et Nouvelles | |
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Jeunesse | 1 vol. |
Service de Nuit | 1 — |
Les Prouesses d'une Fille | 1 — |
Les Amours d'un Provincial | 1 — |
La Petite Fée | 1 — |
Un Coin de Province | 1 — |
La Rue des Trois-Belles | 1 — |
Bonne Amie | 1 — |
Histoire d'un Baiser | 1 — |
Joyeuse Ville (Collection des Auteurs Gais) | 1 — |
Le Célèbre Barastol (Collection des Auteurs Gais) | 1 — |
Césarin, Histoire d'un Vagabond | 1 — |
Jeunes Amours | 1 — |
Farceurs (Collection des Auteurs Gais) | 1 — |
Galante Aventure | 1 — |
Ouvrages pour la jeunesse | |
Mes Amis et Moi (Couronné par l'Académie française) | 1 — |
Entre Camarades | 1 — |
Fils Unique | 1 — |
Grand'Mère et Petit-Fils (Couronné par l'Académie française) | 1 — |
Mademoiselle Cœur d'Ange | 1 — |
Contes et Souvenirs de mon Pays | 1 — |
Mes Vacances | 1 — |
Le Petit Léveillé | 1 — |
Les Quatre Fils Hémon | 1 — |
La Revanche d'Absalon | 1 — |
Disparu! Histoire d'un enfant perdu | 1 — |
Le Gros Lot | 1 — |
Deux Cousins (sous presse) | 1 — |
Études documentaires | |
Deux Malheureuses | 1 — |
Institution de Demoiselles | 1 — |
Bas-Bleus | 1 — |
Demoiselles à marier | 1 — |
Émancipées | 1 — |
Bibliographie et divers | |
Une Bibliothèque, l'Art d'acheter les livres, de les classer, de les conserver et de s'en servir (Couronné par l'Académie française) | 1 — |
Amateurs et Voleurs de livres | 1 — |
Le Livre, Historique, Fabrication, Achat, Classement, Usage et Entretien (Couronné par l'Académie française) | 5 — |
Petit Manuel de l'Amateur de livres | 1 — |
Le Chansonnier Émile Debraux, roi de la Goguette | 1 — |
En pleine Gloire, Histoire d'une mystification | 1 — |
Le Dîner des Gens de Lettres, Souvenirs littéraires | 1 — |
Bureaux et Bureaucrates, Mémoires d'un employé des P.T.T. | 1 — |
Mystifications littéraires et théâtrales | 1 — |
Récréations littéraires (sous presse) | 1 — |
ALBERT CIM
BIBLIOTHÉCAIRE HONORAIRE DES POSTES ET DES TÉLÉGRAPHES
BIBLIOTHÉCAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES
LES FEMMES
ET LES LIVRES
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE FONTEMOING ET Cie
E. DE BOCCARD, Éditeur
1, RUE DE MÉDICIS, 1
1919
Tous droits réservés.
Copyright by E. de Boccard, Éditeur.
A
Madame BLANCHE JABLONSKA,
NÉE HENRY MARET.
En témoignage d'une très respectueuse
et bien cordiale affection.
ALBERT CIM.
Ce livre n'est que le résumé ou l'esquisse d'un travail plus développé, entrepris par moi depuis longtemps, sur les Femmes et les Livres.
Après quelques pages consacrées aux femmes ennemies des livres,—«bibliophobes», selon le terme employé par George Sand,—je passe en revue, autant que possible dans l'ordre chronologique, les nombreuses amies des livres ou bibliophiles, non seulement celles qui ont rassemblé d'importantes ou luxueuses collections, mais celles aussi qui ont laissé témoignage de leur goût pour la lecture et l'étude.
Nul n'étant obligé, en matière bibliographique surtout, de croire quelqu'un sur parole, j'ai indiqué en notes les sources précises où j'ai puisé mes renseignements, et je prie le lecteur d'excuser les omissions et les erreurs que j'ai forcément commises.
A. C.
I
De tout temps les bibliographes se sont montrès sévères à l'égard des femmes, et les ont considérées comme d'instinctives et irréductibles ennemies des livres. Le plus ancien d'entre eux, celui qu'on peut considérer comme le père de la bibliophilie, Richard de Bury (1287-1345), évêque de Durham et grand chancelier d'Angleterre, leur adresse, presque au début de son Philobiblion [2], une très véhémente mercuriale, qu'il suppose débitée par les livres eux-mêmes, et où ceux-ci énumèrent leurs plus notables griefs:
«A peine cette bête (c'est de ce gracieux nom 2 que l'illustre évêque qualifie ou fait qualifier le beau sexe), à peine cette bête, toujours nuisible à nos études, toujours implacable, découvre-t-elle le coin où nous sommes cachés, protégés par la toile d'une araignée défunte, que, le front plissé par les rides, elle nous en arrache, en nous insultant par les discours les plus virulents. Elle démontre que nous occupons sans utilité le mobilier de la maison, que nous sommes impropres à tout service de l'économie domestique, et bientôt elle pense qu'il serait avantageux de nous troquer contre un chaperon précieux, des étoffes de soie, du drap d'écarlate deux fois teint, des vêtements, des fourrures, de la laine ou du lin. Et ce serait avec raison, surtout si elle voyait le fond de notre cœur,» etc.
Le bibliophile Jacob (1806-1884), si expert en ces matières, et d'habitude si courtois et si indulgent, atteste nettement aussi que «les femmes n'aiment pas les livres et n'y entendent rien: elles font, à elles seules, l'enfer des bibliophiles:
Amour de femme et de bouquin
Ne se chante au même lutrin [3].»
3 Et M. Octave Uzanne, à qui j'emprunte cette citation, s'écrie, de son côté [4]: «Les femmes bibliophiles!... Je ne sache point deux mots qui hurlent plus de se trouver ensemble dans notre milieu social; je ne conçois pas d'accolade plus hypocrite, d'union qui flaire davantage le divorce! La femme et la bibliofolie vivent aux antipodes, et, sauf des exceptions aussi rares qu'hétéroclites,—car les filles d'Ève nous déroutent en tout,—je pense qu'il n'existe aucune sympathie profonde et intime entre la femme et le livre; aucune passion d'épiderme ou d'esprit; bien plus, je serais tenté de croire qu'il y a en évidence inimitié d'instinct, et que la femme la plus affinée sentira toujours dans «l'affreux bouquin» un rival puissant, inexorable, si éminemment absorbant et fascinateur, qu'elle le verra sans cesse se dresser comme une impénétrable muraille entre elle-même et l'homme à conquérir... Voyez de quel ton pitoyable une femme minaude cette exclamation digne de figurer dans le Dictionnaire des lieux communs: «Mon mari! je le vois si peu!... Il vit fourré dans ses livres!» Ou encore, écoutez cette voix ironique qui soupire bourgeoisement: 4 «Si je le laissais faire, il mettrait ses vilains bouquins jusque dans Mon Salon!»
Paul Eudel (1837-1911) remarque de même que «la collection (des livres particulièrement) a toujours eu pour ennemies jurées nos chères compagnes: «C'est autant de moins, disent-elles pour la toilette et pour le train de la maison [5].»
Dans son intéressant petit volume Bouquiniana, notes et notules d'un bibliologue [6], B.-H. Gausseron (1850?-1914?) déclare, lui aussi, que «les livres, jusque dans la maison du bibliophile, ont un implacable ennemi, c'est la femme... La femme, l'ennemie-née du bibliophile».
«L'amour des livres, c'est une marque de délicatesse, mais c'est une délicatesse d'homme: les femmes, pour la plupart, ne le comprennent pas, observe, à son tour, M. Porel [7]. Pour les ouvrages du dix-huitième siècle, qu'elles veulent acquérir maintenant parce qu'ils sont à la mode, elles ont été depuis longtemps particulièrement malfaisantes.»
5 Dans sa préface de la réimpression de l'opuscule de Charles Nodier (1780-1844) le Bibliomane [8], faite par Conquet en 1894, M. René Vallery-Radot nous avertit également, et avec une virulente insistance, de l'irrémédiable antipathie de la femme pour le livre: «... Il y a un plus dangereux encore (que le feu, l'eau, le gaz, etc.), le plus difficile à vaincre, ennemi de tous les jours, de toutes les heures, furetant partout, décidé à toutes les luttes ouvertes ou à toutes les ruses sournoises: la femme. En dehors de rares et très nobles exceptions, les femmes sont antibibliophiles. Un livre, à leurs yeux, n'est pas plus qu'un journal: elles le plient, elles le froissent, elles le retournent. Un coupe-papier manque-t-il? elles prennent une carte, une épingle, même une épingle à cheveux. S'agit-il de livres rares? le moindre bibelot les intéresse plus que toutes les premières éditions [9]. Elles préfèrent un bout 6 de ruban à la plus exquise reliure. Ne leur confiez pas, en le retirant du rayon sacré qu'un bibliophile appelait «le reliquaire», un petit livre à faire pâlir de joie: elles l'ouvriraient en lui cassant le dos. Le meilleur des maris peut donner la clef de son coffre-fort à sa femme; il ne doit pas lui donner la clef de sa bibliothèque. Il ne faut jamais laisser une femme seule avec un livre.—Tels devraient être les principes de presque tous les bibliophiles mariés.»
Comme vient de nous en avertir M. Vallery-Radot, les épingles à cheveux sont fréquemment 7 le coupe-papier de la femme;—à moins qu'elle ne préfère se servir, pour le même office, de son index ou de son pouce, ce qui, d'une façon comme de l'autre, taille en dents de scie les bords du livre.
«Ne confiez jamais, ô bibliophiles, le soin de couper un livre que vous tenez en estime particulière à d'autres qu'à vous-mêmes, recommande un rédacteur anonyme du Magasin pittoresque [10]; défiez-vous, pour accomplir cette opération si simple en apparence, mais en réalité si délicate, de cette main mignonne qui excelle dans l'art de la broderie, et qui ne connaît point de rivale dans mille travaux élégants. Tout habile qu'elle est, cette main charmante, à laquelle on peut confier sans crainte la réparation du tissu le plus fin, vous fera le plus innocemment du monde d'innombrables festons aux marges que vous voulez respecter; bien heureux si le couteau, en déviant de la ligne marquée, ne tranche cette marge jusqu'au texte, et perde ainsi à tout jamais un livre qui n'est plus présentable aux yeux d'un véritable bibliophile.»
8 Et les papillotes? Combien étaient commodes pour cet usage les feuillets des livres!
«Nous avons en main un bel ouvrage où l'on avait coupé de quoi se faire des papillotes, écrit Alkan aîné (1809-1889) [11]. Les femmes surtout sont les bourreaux des livres. (Il y a bien, ajoute entre parenthèses le même bibliographe, quelques exceptions).»
«J'ai connu un bibliophile qui venait d'acquérir un livre, à la recherche duquel il était depuis longtemps, nous conte Étienne Mulsant (XIXe siècle) dans son charmant petit volume les Ennemis des livres [12]. Il eut l'imprudence de le laisser sur la table de son cabinet. Le lendemain du jour de son acquisition, il trouva sa femme, entrée par hasard dans son lieu de travail, occupée à déchirer les feuillets de ce livre pour en faire des papillotes aux boucles de ses cheveux.»
Mme DE CHATEAUBRIAND (1774-1847) partageait l'aversion de son illustre époux pour les livres,—aversion singulière et inexplicable, surtout de la part d'un historien [13].
«Le bon abbé Deguerry vous aura dit que nous sommes très contents de notre appartement, écrivait Mme de Chateaubriand à son vieil ami de Lyon, l'abbé de Bonnevie, le 10 juillet 1839. M. de Chateaubriand surtout en est enchanté, parce qu'il n'y a pas moyen d'y placer un livre: vous connaissez 10 l'horreur du patron pour ces nids à rats qu'on appelle bibliothèques [14].»
«Mme de Chateaubriand était «adverse aux lettres», selon le mot de son mari, qui ajoute: «Mme de Chateaubriand m'admire sans avoir jamais lu deux lignes de mes ouvrages». Il advint même qu'elle vendit au rabais, petit à petit, au profit de ses pauvres, la bibliothèque de son mari, ce dont celui-ci, d'ailleurs, ne fut pas autrement fâché. Ses lectures se bornaient à 11 quelques ouvrages de piété «où elle trouvait ses délices». Sa grande affaire, c'était la charité, c'était la visite des pauvres ou l'Œuvre de la Sainte-Enfance, c'était surtout l'Infirmerie de Marie-Thérèse, fondée par elle et où elle passait presque toutes ses journées. En fait de livres, ce qui la préoccupait surtout, c'était de vendre beaucoup de livres... de chocolat. Elle en avait établi une fabrique dans son Infirmerie, et ses amis n'avaient pas le droit de se fournir ailleurs, quitte à eux, pour se consoler, à l'appeler la vicomtesse 12 Chocolat, titre dont elle était aussi fière que de celui de vicomtesse de Chateaubriand. Ses succès comme marchande ne se comptaient pas; il lui arriva même un jour de faire un vrai miracle: elle vendit à Victor Hugo trois livres de chocolat, au prix fort! Il est vrai que Victor Hugo était jeune en ce temps-là [15].»
«Mme de Chateaubriand n'estimait guère les livres qu'au poids, écrit, de son côté, Danielo, le secrétaire de Chateaubriand [16]. A dix sous le 13 chef-d'œuvre pour qui en voulait! Je connais un bouquiniste, qui, dans ce commerce, a fait, avec elle, une bonne partie de sa fortune. C'est ainsi qu'elle dévastait, au profit des pauvres, la bibliothèque de M. de Chateaubriand, si toutefois l'on peut dire que M. de Chateaubriand eût une bibliothèque [17]. Lui-même ne faisait pas grand cas d'un livre quand il n'en avait pas besoin. Il n'était pas de ceux qui, sans se tuer à lire, aiment néanmoins à faire de belles collections, et se plaisent au luxe distingué d'une belle bibliothèque...
«Je ne crois pas même qu'il ait jamais eu une édition bien complète de ses œuvres.
«Quand il avait besoin d'un livre ou d'une 14 recherche, j'étais là pour aller aux bibliothèques publiques...
«Mme de Chateaubriand ne se montrait donc nullement émerveillée des livres... Elle eût été bien fâchée de perdre son temps à lire...»
Il y a des femmes, et elles ne sont pas rares, dit-on, qui, non seulement ne s'intéressent pas aux livres, ainsi que le notait tout à l'heure M. Adolphe Brisson, mais qui empêchent les autres de s'y intéresser, qui empêchent surtout leurs maris d'en acheter. Tout argent détourné de la communauté au profit des libraires ou bouquinistes est considéré par elles comme scandaleusement gaspillé et perdu.
On cite, parmi ces bibliophobes, la marquise de X... (XIXe siècle), qui, exaspérée de la coûteuse affection que son mari, un délicat et fervent bibliophile, portait à «ces maudits bouquins», lui avait signifié qu'elle n'en voulait plus voir un seul entrer dans la maison:
«Assez comme cela!»
Le malheureux époux, qui tenait à rester fidèle à son culte, avait fini par s'entendre secrètement avec son libraire, M. T. D....., et à imaginer avec lui ce stratagème.
Chaque fois que le marquis demandait à ce libraire un volume annoncé sur un de ses catalogues, 16 M. T. D....., au lieu de lui faire porter cet ouvrage, ou de le lui expédier par la poste, ce qui n'aurait pu échapper à l'inquisition de la terrible dame, se glissait, le soir, entre chien et loup, sous la voûte de l'hôtel occupé par M. et Mme de X..., et déposait le livre, très soigneusement enveloppé et ficelé, dans la boîte aux ordures, la «poubelle» de la maison, d'où le marquis, aux aguets, ne tardait pas à l'aller retirer [18].
Un exemple analogue nous est conté par un des libraires parisiens les mieux placés pour être initiés à ces détails, M. H. Floury, dans une conférence faite par lui, il y a quelques années, au Cercle de la Librairie [19].
«Pour beaucoup de femmes, nous dit-il, le libraire est une sorte d'ennemi; dans nombre de ménages, la vocation du jeune bibliophile n'a pu résister à l'épreuve du mariage, et, si elle a persisté, elle est devenue, dans beaucoup, l'occasion de conflits. Bien des maris arrivent à les éviter en usant de ruses d'apaches pour introduire à domicile leurs nouvelles acquisitions.
17 «Nous avons tous, plus ou moins, des clients qui, ayant acheté et payé leurs livres, les laissent en pension chez nous en attendant une occasion favorable de les faire entrer chez eux, vacances, cérémonie, etc., occasion qui met quelquefois des mois à se produire.
«Un amateur de ma connaissance a trouvé un moyen élégant de résoudre la question en s'improvisant son propre sommelier, sous prétexte qu'il n'aime pas voir toucher à sa cave; il en a constamment la clef en poche, et chacun de ses achats descend préalablement aux enfers, pour être remonté fragmentairement avec la provision de vin du jour. Il arrive ainsi à dérouter tous les soupçons, jusqu'au jour où il est constaté que la bibliothèque s'est considérablement enrichie de nombreux titres inconnus jusqu'alors, et où il est obligé de subir la scène inévitable. Mais ces scènes se trouvent, de ce fait, espacées, notre ami étant très prudent.»
Un libraire de province,—ou, pour préciser, une dame libraire dans un de nos chefs-lieux départementaux,—femme intelligente et lettrée, judicieuse observatrice, très «avertie», comme nous disons aujourd'hui, me déclarait dernièrement 18 sans ambages, avec sa grande expérience de son commerce, que «les femmes sont les pires ennemies des livres», et, à l'appui de sa formelle et rigoureuse assertion, elle me contait diverses anecdotes, celles-ci, entre autres:
Un de ses clients, jeune homme riche et aimant à lire, fait un brillant mariage, et vient, quelques semaines après, accompagné de sa femme, dans le magasin de librairie. Il s'informe des volumes récemment parus; on lui en apporte plusieurs, il les feuillette, en choisit un et l'achète: un volume de 3 fr. 50,—3 francs avec la remise alors d'usage.
A ce moment, l'aimable et jeune épousée intervient:
«Comment! tu dépenses comme ça trois francs pour rien? Sans même me consulter? J'espère bien que cela ne se renouvellera plus!»
Une autre fois, à la veille des étrennes, arrive un autre jeune couple, qui désire un livre illustré pour un garçonnet de treize ou quatorze ans. Le mari avise un volume qui lui semble intéressant et artistement illustré.
«Oui, voici qui fera l'affaire. N'est-ce pas, Madame, qu'il est de bon goût? ajoute-t-il en s'adressant à la patronne de la maison.
19 —Fort bien! Vous ne pouviez mieux choisir, répond celle-ci.
—Mieux choisir!» se récrie l'épouse avec une sorte d'ironie ou d'indignation.
Et, saisissant un lourd in-quarto, à la reliure criarde, mais coûtant moitié moins cher, et qu'elle guignait depuis un moment:
«Est-ce que celui-ci ne fera pas plus d'effet? Est-ce qu'il ne conviendrait pas mille fois mieux? Dites, Madame!»
La patronne, ainsi interrogée, contrainte de prendre parti et sommée de se déjuger, tente de se dérober, hoche discrètement la tête.
«Cependant, insinue le mari, je t'assure, ma chère, que celui-ci...
—Non, non! interrompt la jeune femme. Et, puisque c'est comme ça, tiens, pour nous mettre d'accord, nous ne lui donnerons pas de livre, nous lui donnerons un mouton.»
Un mouton à roulettes... à un garçon de quatorze ans!
Dans ses charmantes lettres parisiennes, signées «le vicomte de Launay», Mme Émile DE GIRARDIN (1804-1855) a fait, il y a plus d'un demi-siècle, les mêmes sévères constatations.
20 «Une femme élégante et riche, une femme d'esprit, écrit-elle [20], attend patiemment deux mois pour lire un roman de George Sand, et l'idée ne lui vient pas de l'acheter [elle préfère avoir recours aux cabinets de lecture]; et, dans son élégante demeure, vous trouverez toutes les splendeurs imaginables... Cependant, il est une justice à rendre à nos jeunes élégantes: elles n'ont point de livres, c'est vrai, mais elles ont de superbes bibliothèques, des armoires de Boule d'un grand prix, auxquelles on a laissé, par respect, le nom menteur de bibliothèque. Mais ne craignez pas que ces belles armoires restent inutiles; non, certes; on leur donne un très noble emploi; voyez, dans celle-ci, les chapeaux, les bonnets et les turbans de Madame... Au fond des plus petites armoires, sur les étagères, pas un livre non plus... Vous trouvez des bergers en flacon, des chiens de porcelaine, des magots chinois... Mais à quoi bon des livres? O progrès! Que voulez-vous? les jeunes femmes ne lisent plus, et, chose plus terrible, hélas! celles qui, par exception, lisent encore un peu... ÉCRIVENT!!»
21 On connaît le mot de la MARÉCHALE LEFEBVRE, duchesse de Dantzig (XIXe siècle),—Mme Sans-Gêne,—comme elle visitait un hôtel dont elle venait de faire l'acquisition. En pénétrant dans la pièce où le précédent propriétaire avait installé sa bibliothèque, et en voyant les rayons dégarnis de livres, elle se prit à dire,—et ici je cède la parole au poète-bibliophile François Fertiault [21]:
Lefebvre est peu lisard; moi, rien du tout lisarde;
Tiens! dit-elle, achevant son opinion bizarde,
Ces rayons sont très forts... J'en vas faire un fruitier!
A propos de cette même grande dame improvisée, les Goncourt écrivent dans leur Journal [22]:
«Penguilly racontait encore que la fameuse maréchale Lefebvre, cette haute gueule de la première cour impériale, apporta, un beau matin, le bâton du maréchal au Musée d'artillerie, et comme le conservateur, tout en la remerciant, 22 s'étonnait que la famille ne conservât pas une telle relique: «Ah! bien oui, ma famille, vous ne les connaissez pas!»—Et faisant le geste: «Ils seraient capables de s'en servir pour abattre des noix!»
D'autres dames imposent aux livres mêmes les fonctions les plus inattendues.
«Je me suis permis, Madame, de vous envoyer le volume que je viens de publier, les derniers-nés de ma Muse, disait à une jeune mère, qui avait près d'elle son petit garçon âgé de cinq ans, certain poète, étonné de n'avoir reçu et de ne recevoir aucune nouvelle de cet envoi.
—C'est vrai, Monsieur, veuillez m'excuser: j'aurais dû vous remercier... D'autant plus que vos vers sont délicieux, sont ravissants, exquis! J'en suis encore tout extasiée... Mais où l'ai-je donc mis, ce charmant petit volume?»
Et l'enfant—enfant terrible!—de répondre:
«Mais, maman, tu sais bien? ce livre, aussitôt que tu l'as reçu, tu l'as glissé sous le pied de la table de ton cabinet de toilette... Elle boitait, et cela t'agaçait. Tu te rappelles? [23]»
23 Notons, en passant, cette instante et suprême recommandation d'une autre excellente mère de famille—la femme d'un chroniqueur scientifique cependant!—à ses deux garçons, externes au lycée de...:
«Surtout, mes petits amis, ne me rapportez pas de prix! Il y a assez de livres ici [24].»
Combien de femmes se comportent avec les livres, les plus précieux livres surtout, d'une façon analogue à celle qu'employa la petite-nièce de Callot (1593-1635), la mère de Mme de Graffigny, à l'égard des admirables planches de cuivre qu'elle avait trouvées dans l'héritage de son grand-oncle!
Beau legs qu'il m'a fait là! Ça se tord, ça s'encrasse.
Vite et tôt j'aurais dû le vendre, l'an dernier.
Oui, j'ai bien réfléchi; ce métal m'embarrasse...
Jeanne, fais-moi venir sur l'heure un chaudronnier [25].
Oui, mieux vaut vendre tout ce métal, le racler soigneusement et le transformer en poêlons et casseroles.
24 C'est ainsi que la célèbre Mlle MARS (1779-1847) troqua contre écus sonnants l'admirable bibliothèque qui lui venait du marquis de Chalabre.
Le marquis de Chalabre, qui fut un passionné bibliophile, eut l'idée peu judicieuse de léguer ses chers livres à la personne la moins capable de les respecter et de les apprécier, et l'idée, plus singulière encore, de mourir du désespoir qu'il éprouvait de ne pouvoir se procurer un volume qui n'existait pas, une Bible, «qu'en un moment d'humour, avait inventée Charles Nodier [26]».
Au lendemain ou surlendemain de ce décès, Mlle Mars se trouva donc mise en possession de cette bibliothèque, qui «était réellement du plus grand prix; mais Mlle Mars lisait peu ou plutôt ne lisait pas du tout» [27]. Elle chargea un de ses amis et familiers, nommé Merlin, «de classer les livres du défunt et d'en faire la vente».
«Merlin s'acquitta de cette mission en toute conscience; il feuilleta et refeuilleta si bien 25 chaque volume, qu'un jour il entra dans la chambre de Mlle Mars, tenant trente à quarante billets de mille francs, qu'il déposa sur une table.
«Qu'est-ce que cela, Merlin? demanda Mlle Mars.
—Je ne sais, Mademoiselle, dit celui-ci.
—Comment, vous ne savez? Mais ce sont des billets de banque!
—Sans doute.
—Où donc les avez-vous trouvés?
—Mais dans un portefeuille pratiqué sous la couverture d'une Bible très rare. Comme la Bible était à vous, les billets de banque sont aussi à vous.»
«Mlle Mars prit les billets de banque, qui, en effet, étaient bien à elle, et eut grand'peine à faire accepter à Merlin, en cadeau, la Bible dans laquelle les billets de banque avaient été trouvés.
«Quant aux autres livres, auxquels il semble que cette aubaine inattendue aurait dû servir de rançon, ils n'en furent pas moins vendus aux enchères et à beaux deniers comptants, au profit de la légataire [28].»
26 La première de nos romancières, la plus autorisée et la reine de nos dames écrivains, GEORGE SAND (1804-1876), y allait, elle, sans biaiser, et se proclamait tout franchement bibliophobe:
«Merci toujours, cher bibliophile, et au revoir. Votre amie, G. S., bibliophobe!»
Ainsi termine-t-elle une lettre datée de Nohant, 27 juin 1875, et adressée au vicomte de Spoelberch de Lovenjoul [29].
La réponse que fit à Napoléon la célèbre danseuse BIGOTTINI (1784-1858) paraîtra, à plus d'un lecteur, résumer assez bien la question des rapports de nombre de femmes avec les livres et leurs sentiments à ce sujet. Napoléon ayant un jour chargé Fontanes, grand maître de l'Université, d'envoyer un présent de sa part à la Bigottini, ledit grand maître fit remettre à cette dame la collection des classiques—celle de Firmin Didot sans doute—superbement reliée. C'était, convenons-en tout de suite, un singulier cadeau pour une prêtresse de la danse et de l'amour. Quelques jours plus tard, l'Empereur, qui avait certainement ses motifs pour désirer connaître l'opinion de la Bigottini sur cette offrande, lui demanda 27 si elle en était contente, si les choses avaient été convenablement faites:
«Pas trop, Sire! répliqua celle-ci. Il m'a payée en livres; j'aurais préféré en francs [30].»
I
Mais, ainsi que le disait tout à l'heure le brave Alkan aîné, «il y a quelques exceptions», et ce sont ces exceptions, ces femmes qui ont aimé les livres et contribué à les faire aimer, que je voudrais à présent passer en revue.
Une des plus anciennes de ces bibliophiles [31] est SAINTE RADEGONDE (521-587), fille de Berthaire, roi de Thuringe, femme de notre roi Clotaire Ier, 30 que le poète latin Fortunat a maintes fois célébrée et dont il a écrit la vie.
Radegonde était encore tout enfant, elle atteignait 31 à peine sa huitième année, quand, dans un partage de butin et de prisonniers, elle tomba entre les mains de Clotaire. Sa grâce et sa beauté produisirent sur le roi frank une si vive impression qu'il décida de la faire instruire et de la prendre plus tard pour épouse. Elle reçut ainsi, «non la simple éducation des filles de race germanique, qui n'apprenaient guère qu'à filer et à suivre la chasse au galop, mais l'éducation raffinée des riches Gauloises. A tous les travaux élégants d'une femme civilisée, on lui fit joindre l'étude des lettres latines et grecques, la lecture des poètes profanes et des écrivains ecclésiastiques. Soit que son intelligence fût naturellement ouverte à toutes les impressions délicates, soit que la ruine de son pays et de sa famille et les scènes de la vie barbare dont elle avait été le témoin l'eussent frappée de tristesse et de dégoût, elle se prit à aimer les livres comme s'ils lui eussent ouvert un monde idéal meilleur que celui qui l'entourait [32].»
Devenue femme de Clotaire et reine—ou plutôt l'une des reines des Franks neustriens, car, 32 selon les mœurs de la vieille Germanie, Clotaire ne se contentait pas d'une seule épouse,—elle prit en haine ses richesses et sa condition, au point que le roi disait: «C'est une nonne que j'ai là, ce n'est pas une reine!»
Radegonde fit si bien qu'elle amena l'évêque de Noyon à rompre son mariage,—cet étrange mariage toléré et même consacré par l'Église, qui ne voulait pas s'aliéner les rois franks; et, après s'être mise sous la sauvegarde du tombeau de saint Martin, à Tours, elle se réfugia à Poitiers, où, en dépit de la colère et des violences de son époux, que les influences religieuses ne tardèrent pas d'ailleurs à calmer, elle fonda le monastère de Sainte-Croix. Alors commença, pour cette pieuse et savante femme, l'existence calme, austère et studieuse qu'elle avait toujours rêvée. «L'étude des lettres figurait au premier rang des occupations imposées à toute la communauté; on devait y consacrer deux heures chaque jour, et le reste du temps était donné aux exercices religieux, à la lecture des livres saints et à des ouvrages de femme. Une des sœurs lisait à haute voix durant le travail fait en commun, et les plus intelligentes, au lieu de filer, de coudre ou de broder, s'occupaient, dans une autre salle, à 33 transcrire des livres pour en multiplier les copies. [33]»
Les auteurs favoris de Radegonde étaient, nous apprend Fortunat [34], saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Athanase, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, Sedulius et Paul Orose.
Radegonde ne voulut pas demeurer à la tête de la congrégation qu'elle avait fondée, et elle fit élire pour abbesse une femme beaucoup plus jeune qu'elle et qui lui était toute dévouée, Agnès, fille de race gauloise, qu'elle avait depuis longtemps prise en affection. «Volontairement descendue au rang de simple religieuse, Radegonde faisait sa semaine de cuisine, balayait à son tour la maison, portait de l'eau et du bois comme les autres; mais, malgré cette apparence d'égalité, elle était reine dans le couvent par le prestige de sa naissance royale, par son titre de fondatrice, par l'ascendant de l'esprit, du savoir et de la bonté [35].»
Le poète Fortunat,—Venantius Fortunatus,—né en Italie vers l'an 530, étant devenu l'hôte 34 de Radegonde et d'Agnès, et se voyant comblé par elles de soins, d'égards et surtout de louanges, se trouva si bien dans cette retraite qu'il ne songea plus à la quitter. Il s'établit à Poitiers, prit les ordres, devint prêtre de l'église métropolitaine, et aussi le conseiller, l'intendant et le secrétaire de la reine et de l'abbesse. La vie que menaient ces trois personnes, vie pieuse et chaste, mais non triste, tant s'en faut, où le goût des choses de l'esprit, les agréments d'une conversation délicate, enjouée et instructive, se mêlaient à de joyeux festins, a été racontée jour par jour par l'épicurien Fortunat, qui donne volontiers à la reine et à l'abbesse les noms de mère et de sœur, et aussi ceux de «ma vie, ma lumière, délices de mon âme», ce qu'on aurait tort d'interpréter comme des témoignages de charnelle tendresse, nous avertit Augustin Thierry [36], et ce qui n'était au fond «qu'une amitié exaltée, mais chaste, une sorte d'amour intellectuel».
Si, à Athènes et à Rome, le goût des lettres et des choses de l'esprit était surtout l'apanage des courtisanes, nous ne voyons guère, dans les premiers 35 siècles du moyen âge, que des religieuses dignes de figurer parmi les amies des livres. Après sainte Radegonde nous mentionnerons sainte Gertrude, sainte Odile, sainte Wiborade, et les abbesses Relinde et Herrade de Landsberg.
SAINTE GERTRUDE (626-659), fille de Pépin de Landen, maire du palais du roi d'Austrasie, première abbesse du monastère de Nivelles (Belgique, Brabant), qu'avait fondé sa mère en 645, était en relations avec des savants, et elle fit entreprendre à plusieurs d'entre eux de longs voyages pour se procurer des livres [37].
SAINTE ODILE (657?-720?), qui est une des patronnes de l'Alsace, établit, après maintes miraculeuses aventures, un couvent dans le château de ses pères, le château de Hohenbourg, et imposa à ses religieuses, issues, pour la plupart, de la noblesse austrasienne et bourguignonne, l'obligation de copier des manuscrits et de les orner de miniatures. Aucun monastère de femmes—sauf peut-être à Poitiers, où les bonnes traditions 36 de sainte Radegonde avaient pu se maintenir—ne se livrait alors à ce genre de travail, et le couvent de Hohenbourg ou de Sainte-Odile conserva longtemps son caractère artistique, sa savante et glorieuse renommée. Aussi «l'imagination populaire, avide de tout personnifier, a fait de la patronne de l'Alsace le type du savoir et de l'étude, en même temps que le modèle de toutes les vertus monacales [38]».
C'est à une abbesse de ce couvent de Sainte-Odile, à HERRADE DE LANDSBERG (....-1195), que l'on doit les monuments les plus importants de la peinture alsacienne au moyen âge; c'est elle qui, notamment, composa et calligraphia de sa propre main le célèbre Hortus deliciarum, sorte d'encyclopédie des connaissances humaines au point de vue religieux, admirable manuscrit de 648 feuillets, orné d'un grand nombre de dessins et de figures coloriées, qui formait le plus précieux joyau de la bibliothèque de Strasbourg, et a péri, en 1870, durant l'incendie allumé par les obus prussiens.
Herrade connaissait le grec et le latin et plusieurs 37 langues vivantes; elle lisait non seulement les saintes Écritures et les Pères de l'Église dans le texte original, mais Aristote, Platon et Cicéron; elle enseignait aux jeunes filles confiées à ses soins la grammaire, la géométrie, l'astronomie, etc. Elle était poète, et grand poète, paraît-il, et chantait en vers latins les louanges de Dieu; elle mettait elle-même en musique ses pieux cantiques, et excellait à jouer de divers instruments.
Quant à son talent de calligraphe et de miniaturiste, elle le tenait de l'abbesse qui l'avait précédée dans le gouvernement du monastère de Hohenbourg, de l'abbesse RELINDE (....-....), au dire d'une tradition. «Il existe, dans l'ancien cloître de Hohenbourg, écrit M. Gérard [39], un 38 monument qui nous rappelle l'abbesse Relinde. C'est un bas-relief du douzième siècle, représentant Relinde et son amie Herrade à genoux devant la Vierge, qui tient l'enfant Jésus dans son giron. Les deux abbesses soutiennent un livre, emblème de leur savoir et de leurs travaux, qu'elles déposent comme un hommage aux pieds de la Vierge. Ce témoignage de la double fraternité dans la science et dans la piété qui lia les deux saintes femmes a été posé par Herrade. J'y aperçois la preuve que Relinde a préparé avec Herrade l'œuvre qui a illustré sa jeune compagne. Ce livre, solennellement offert par la maîtresse et son élève chérie à la mère de Dieu, n'est-ce pas le Hortus deliciarum lui-même?»
Antérieurement à Herrade de Landsberg, au dixième siècle, vivait une autre religieuse, une sainte, originaire de la Souabe, SAINTE WIBORADE (Weibrath, femme sage et de bon conseil), vierge et martyre, pour laquelle on a revendiqué le glorieux titre de «patronne des bibliophiles». 39 C'est le baron Ernouf qui a formulé cette revendication, il y a une cinquantaine d'années [40].
Sainte Wiborade, qui appartenait à une riche et puissante famille, se retira dans une cellule voisine du monastère de Saint-Gall, et s'occupa à broder et orner les étoffes destinées à couvrir les nombreux et somptueux manuscrits que possédait ce monastère. Une horde de barbares et de païens, des Hongrois, ayant envahi le pays, la noble recluse courut chez les moines en poussant ce cri, qui remplissait d'enthousiasme le baron biographe, et mérite encore la reconnaissance de tous les bibliophiles:
«Sauvez d'abord les livres! Cachez-les! Vous vous occuperez ensuite de mettre à l'abri les vases sacrés!»
Est-ce cette préférence qui valut à Wiborade un si prompt châtiment,—ou une si soudaine récompense céleste? Tant il y a que, les barbares partis, cette grande et passionnée amie des livres fut trouvée morte dans sa cellule, la tête fracassée par trois coups de hache, et baignant dans son sang.
Les anciens ducs de Bourbon avaient réuni, dans la capitale de leur duché, à Moulins, une collection de livres qui s'enrichit de plus en plus et devint, au quinzième siècle, une des plus belles et des plus considérables qu'on pût voir.
La femme de Louis Ier de Bourbon, MARIE DE HAINAUT (....-1354), possédait déjà de beaux livres: son nom se lit sur un manuscrit du roman de Lancelot qui se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque nationale [41]. Le véritable fondateur de cette bibliothèque des ducs de Bourbon, à Moulins, fut un petit-fils de cette princesse, Louis II dit le Bon (1337-1410).
La sœur de Louis II, JEANNE DE BOURBON (1338-1378), qui épousa notre roi Charles V, le créateur de notre Bibliothèque nationale, était, avant même son mariage, une fervente bibliophile. Entre autres trésors, elle apporta en dot à son 41 mari «une vingtaine de manuscrits précieux, richement reliés, qui contribuèrent à former le premier fonds de la Bibliothèque que ce prince rassembla plus tard dans la grosse tour du Louvre [42]». On est même tenté d'admettre que c'est elle qui inspira à Charles V ce goût pour les livres dont ce monarque a donné de si grandes preuves. En tout cas, et selon la locution connue, «elle n'y a pas nui», ce qui est quelque chose.
MARGUERITE DE FLANDRE (1350-1405), épouse du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, «...partageait les nobles goûts de son époux, avait sa bibliothèque à part, où les Belles-Lettres comptaient 54 volumes, dont 39 romans; la Théologie, 45; les Sciences et Arts, 26; l'Histoire et la Jurisprudence, chacune 6» [43].
CHRISTINE DE PISAN (1363?-1431?), toute jeune, lisait déjà Virgile et Cicéron dans leur texte. Elle était venue en France à l'âge de cinq ans, amenée par son père, Thomas de Pisan, conseiller de la 42 république vénitienne, appelé à la cour de Charles V, en qualité de conseiller ou d'astrologue du roi. Elle reçut une brillante éducation et étudia surtout l'antiquité. A quinze ans, elle épouse un gentilhomme picard, Etienne du Castel, qui la laisse veuve à vingt-cinq ans avec trois enfants. Après s'être adonnée à l'étude par goût et par plaisir, elle s'y livre alors par nécessité; elle a recours à sa plume pour gagner sa vie et celle de ses enfants. Elle écrivit quantité d'ouvrages, dont une chronique du règne de Charles V, le Livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V, qui a été réimprimée dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France de Petitot et Monmerqué et dans celle de Michaud et Poujoulat, et est encore souvent consultée [44].
43 Christine de Pisan s'était retirée dans un monastère, et elle y vivait depuis vingt ans, raconte-t-on, lorsqu'elle entendit parler de Jeanne d'Arc; «elle sortit de son silence pour faire, en l'honneur de la Vierge du triomphe, des vers qui furent sa dernière œuvre et couronnèrent dignement sa vie [45]».
La duchesse MARIE DE BERRY (....-1434), fille d'un frère de Charles V, apporta à son époux, le duc de Bourbon Jean Ier, «quarante et un des plus beaux manuscrits que son père avait réunis dans son château de Mehun-sur-Yèvre. Ces livres lui furent comptés pour une somme de 2500 livres tournois dans la succession de celui-ci. Les autres furent malheureusement dispersés par les créanciers de ce prince [46]...» Cet amour des livres, la duchesse Marie le transmit à son fils et à son petit-fils, les ducs Charles Ier et Jean II, qui furent l'un et l'autre de grands bibliophiles.
44 La femme de l'infortuné Charles VI, ISABEAU DE BAVIÈRE (1371-1435), jugea convenable, malgré ses scandaleux débordements, de placer un exemplaire de la Somme des vices et des vertus «en l'église des Innocens à Paris, afin que ceste matière fust sceue comme souveraine de tous ceulx qui là le vouldroient lire». En 1398, fut faite pour elle une traduction de la Passion, dont il y a trois exemplaires [47]. Nous voyons aussi que la reine Isabeau ne se séparait point de ses livres en voyage, ses comptes ou «factures» l'attestent à plusieurs reprises: «...Articles vendus par Pierre du Fou (1387), coffretier et huchier,... un coffre de bois garni de cuir pour porter en chariot les livres et romans de la Royne [48]...»
YOLANDE DE FRANCE (1434-1478), fille de Charles VII, sœur de Louis XI, femme d'Amédée IX, duc de Savoie, enlevée par Charles le Téméraire après la défaite de Morat, aimait passionnément les livres, les arts et le luxe. Tout 45 comme aujourd'hui nos grandes élégantes de Londres et de Berlin, «elle faisait venir ses robes de Paris», et elle avait en quelque sorte à ses gages un orfèvre et un enlumineur de missels. Les livres de sa bibliothèque, contenus dans trois coffres qui la suivaient partout, sont dignes d'une âme qui ne craignait pas «de se blesser aux épines de la vie pour leur dérober une fleur», comme disait si joliment le rimeur Marquet. On voyait, dans cette bibliothèque, les Épîtres de Sénèque, les Tusculanes de Cicéron, Valère-Maxime, Dante, saint Bernard, le Vieil Digeste, la Consolation de Boèce, les Chroniques de Savoie, le livre de la Belle Hélène, les Cent Nouvelles en toscan, quatre Bibles, et quantité de missels à miniatures [49].
ANNE DE FRANCE (1462-1522), fille de Louis XI, mariée à Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, avait fait «de très belles nourritures (études, éducation), nous dit Brantôme [50], et n'y a guères 46 eu dames et filles de grande maison de son temps qui n'aient appris leçon d'elle, estant alors la maison de Bourbon l'une des grandes et splendides de la chrestienté».
C'est à Anne de France [51], qu'on attribue cette galante et fameuse comparaison. Une de ses demoiselles d'honneur s'étant laissé séduire, ayant fait «la folie aux garçons», Anne lui reprocha sa faute et lui demanda pourquoi elle avait ainsi manqué à ses devoirs. La jeune fille lui ayant répondu «que l'autre lui avait fait par force», Anne lui fit la comparaison d'«une espée desgaisnée, qui ne se peut jamais engaisner si le fourreau se remue deçà et delà, et ne demeure ferme; ainsi est-il d'une femme en cela, et lui en fit monstrer l'expérience de l'espée devant elle et toutes les dames et filles [52]», de façon à leur donner à toutes une leçon.
PHILIPPE DE GHELDRES ou PHILIPPINE DE GUELDRE (1463-1547), fille d'Adolphe d'Egmont, duc de Gheldres ou Gueldre, et de Catherine 47 de Bourbon; duchesse de Lorraine par son mariage avec le duc René II, devenue veuve en 1508, s'enferma, quelques années plus tard, au couvent de Sainte-Claire de Pont-à-Mousson, où elle vécut dans la plus austère retraite.
Elle avait réuni une bibliothèque ascétique, qui, après sa mort, fut conservée par les sœurs de Sainte-Claire, et ne fut dispersée qu'à la Révolution [53].
ANNE DE BRETAGNE (1477-1514), femme de Charles VIII, puis de Louis XII, rois de France.
Elle avait été «nourrie (élevée) par Mme de Laval, très habile et accomplie dame, qui lui avait esté donnée par le duc François, son père, pour gouvernante [54].» Sa «librairie» (bibliothèque) se composait de treize à quinze cents volumes, dont les livres conquis en Italie par Charles VIII formaient la plus grande partie [55].
Le livre d'heures d'Anne de Bretagne, manuscrit rempli de miniatures d'une admirable exécution, 48 est universellement connu. On peut considérer ce manuscrit «comme le testament de la miniature française expirante, a dit un juge autorisé [56]. L'image de la vertueuse épouse de Louis XII, coiffée à la mode de son pays, entourée de sa patronne, de sainte Ursule et de sainte Hélène (ou sainte Marguerite?), suffirait pour faire mettre ce volume hors de pair. Cinquante et un grands sujets en couvrent les pages, sans compter une multitude de dessins d'ornement, de fleurs, de fruits, etc.» Ces chefs-d'œuvre, d'abord attribués à Jean Poyet, disciple de Jehan Fouquet, sont, d'après Léopold Delisle, de «Jehan Bourdichon, painctre et valet de chambre de monseigneur (Louis XII)», qui, en vertu d'un mandement daté de Blois, le 14 mars 1508, reçut la somme de mille cinquante livres tournois, pour avoir, dit la reine, «richement et somptueusement historié et enlumyné une grans Heures pour notre usaige et service, où il a mis grant temps [57].»
Paul Lacroix reproche à Anne de Bretagne 49 d'avoir eu pour la poésie, et comme toutes les princesses de son temps, un goût très vif, il est vrai, «mais peu délicat... Anne de Bretagne ne montrait pas beaucoup de finesse en ses jugements, pervertis par la mauvaise influence des rimeurs flamands et bourguignons sur la littérature française... [58].»
«Souvent, continue-t-il, Anne de Bretagne, environnée de ses dames, dans une salle parée, accueillait le livre et l'auteur: celui-ci, vêtu du costume doctoral, robe noire à larges manches, le chaperon fourré sur l'épaule, venait s'agenouiller devant la reine, tel qu'il s'était fait peindre par un enlumineur au frontispice du manuscrit qu'il présentait relié en velours avec fermoirs d'argent. Souvent un des poètes valets de chambre demandait une audience pour réciter une pièce de vers en forme de panégyrique sur quelque sujet désigné par la reine, sur quelque question de morale, de religion ou de fantaisie, que la reine avait laissé tomber, à la veillée ou bien à table. C'étaient les seuls instants accordés à la lecture et aux devis, le jour aux heures de 50 repas, le soir parmi les travaux de quenouille et d'aiguille; là, un secrétaire lisait, à voix haute et claire, des romans, des histoires, des légendes de saints, des poésies; là, docteurs et savants dissertaient et disputaient, avec toutes les ressources de la dialectique; là, chaque auditeur s'instruisait en se récréant.»
Comme si elle eût pressenti l'avènement de notre féminisme moderne, Anne de Bretagne aimait à entendre et à faire l'apologie du sexe féminin, «qu'elle avait pris à cœur d'exalter bien au-dessus de l'autre sexe, en le protégeant contre les attaques des poètes; elle s'était placée à la tête des dames contemporaines, par ses vertus, son esprit et sa force d'âme; elle voulait faire partager à son sexe, dans la société, la position d'estime et de respect qu'elle avait acquise à la Cour; car elle supportait impatiemment l'injustice des hommes à l'égard des femmes. Elle chargea donc ses poètes de venger la maternelle secte, et de lui faire des champions bardés et cuirassés de rimes: à ce signal, les représailles commencèrent contre tous les livres satiriques faits en haine ou en mépris des femmes, surtout contre le Roman de la Rose, dont le continuateur, Jean de Meung, avait, dit-on, été fustigé par les dames de la cour 51 de Philippe le Bel, à cause de ses audacieuses épigrammes, attentatoires à l'honneur féminin [59].»
GABRIELLE DE BOURBON (....-1516), fille de Louis Ier, comte de Montpensier, mariée en 1485 avec Louis II, duc de la Trémoille, fut aussi une des femmes les plus distinguées de son temps, et cultiva les lettres avec succès [60].
LUCRÈCE BORGIA (1480-1519) avait reçu une forte instruction. Elle savait l'espagnol et le français, assez de latin pour lire au Vatican les lettres du pape Alexandre VI, son père; «assez de grec pour s'intéresser à toutes les études philhellènes de la Renaissance. Elle était bonne musicienne. Elle dessinait, et Ferrare a longtemps admiré ses broderies de soie et d'or. Peut-être était-elle poète, s'il faut en croire les canzone espagnoles adressées à Bembo. Gregorovius veut que son instruction religieuse ait été très soignée. Le fait est que, dans l'inventaire de sa bibliothèque (classé dans 52 les archives de Modène), figurent, outre le bréviaire, les psaumes, les évangiles, les Lettres de sainte Catherine de Sienne, le Miroir de la Foi, Dante, la Légende des saints, et une Vie du Christ en espagnol [61].»
Un jour Pierre Bembo, le cardinal-poète, ami de l'illustre imprimeur Alde Manuce, de Venise, et familier de sa maison, entra mystérieusement dans le cabinet d'Alde; «il était accompagné d'une femme à la taille imposante, au regard froid et clair, à la chevelure blonde, longue à lui servir de manteau. «Seigneur Aldo, dit cette visiteuse, je n'ai pas voulu passer à Venise sans voir l'un de ses plus grands hommes. Votre imprimerie vous coûte plus qu'elle ne rend, m'a-t-on dit; permettez-moi de m'associer à votre noble entreprise, et de vous aider de mes deniers, de ma protection au besoin.» Alde accepta avec empressement ces offres surprenantes, et partout il célébra les mérites, les vertus immaculées, de cette patronne inattendue. C'était dona Lucrezia Borgia [62].
MARGUERITE D'AUTRICHE (1480-1530), fille de Maximilien d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, a laissé un grand nombre de poésies, restées manuscrites.
Fiancée d'abord au dauphin de France (Charles VIII), puis à l'infant d'Espagne, Marguerite d'Autriche n'épousa ni l'un ni l'autre, et faillit périr dans une furieuse tempête en se rendant auprès de son second fiancé. C'est au milieu de ce danger suprême qu'elle se composa l'épitaphe maintes fois citée:
Ci-gît Margot, la gente demoiselle,
Qu'eut deux maris et si morut pucelle.
(et pourtant mourut...) [63]
SUZANNE DE BOURBON (1491-1521), fille d'Anne de France et épouse du fameux connétable, dont les biens, après sa trahison, furent confisqués au profit de la couronne, aima les beaux livres, à l'exemple de sa mère [64].
54 Bibliophile aussi JACQUETTE DU PESCHIN (XVe siècle), mariée, en 1416, à Bertrand, seigneur de la Tour, comte d'Auvergne et de Boulogne [65].
Ernest Quentin-Bauchart, qui a écrit un ouvrage de grand luxe et d'une importance capitale sur les femmes bibliophiles des seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, en cite environ cent vingt et examine leurs bibliothèques surtout au point de vue de la reliure, de l'élégance et de la richesse des volumes [66]. Malgré le titre donné par lui à son œuvre, il nous avertit,—et il convient de rappeler ici cet avertissement,—que ce titre n'est pas exact: «Beaucoup de grandes dames ont eu des livres aux siècles passés, mais 56 presque toutes en ignoraient le contenu, et le titre de bibliophile ne leur est guère applicable. Le livre acquis, relié et rangé avec plus ou moins de méthode dans une armoire luxueuse, l'effet était produit, et elles s'en tenaient là [67].»
Joannis Guigard, dans son Nouvel Armorial du bibliophile [68], fait absolument la même remarque et les mêmes réserves: «Ici, le mot bibliophile ne veut pas dire que les personnes auxquelles il s'applique, à quelques exceptions près, aimaient et recherchaient les productions de l'intelligence humaine à la façon des d'Hoym, des La Vallière, des Charles Nodier, et autres bien connus, anciens et modernes: non. Les exigences du temps, les usages de la société d'alors, imposaient en quelque sorte aux femmes, et même aux hommes du monde, la nécessité d'une bibliothèque. On avait des livres moins pour les jouissances de l'esprit que pour les satisfactions de l'œil: c'était un meuble... [69]. C'est pourquoi, 57 conclut notre bibliographe, nous avons étendu le sens du mot, afin de comprendre toutes les femmes dont nous avons trouvé les armes sur des volumes.»
Cette réserve formulée une fois pour toutes, et que nous prions le lecteur de ne pas oublier, nous continuerons, de notre côté, à donner à ces princesses ou patriciennes ce nom de «bibliophile» que la plupart d'entre elles ne méritent que très imparfaitement.
La première mentionnée par Ernest Quentin-Bauchart est LOUISE DE SAVOIE (1476-1531), régente de France et mère de François Ier et de Marguerite d'Angoulême.
Auteur de l'Heptaméron, des Marguerites de la Marguerite, etc., MARGUERITE D'ANGOULÊME (1492-1549), aussi bien que sa nièce MARGUERITE DE SAVOIE (1523-1574), et sa petite-nièce MARGUERITE DE VALOIS (1552?-1615), la reine Margot, première femme de Henri IV, furent toutes trois de grandes amies des livres et des lettres.
«Il y eut au seizième siècle les trois Marguerite, 58 remarque Sainte-Beuve [70]: l'une, sœur de François Ier et reine de Navarre, célèbre par son esprit, ses Contes dans le genre de Boccace, et ses vers moins amusants;—l'autre Marguerite, nièce de la précédente, sœur de Henri II, et qui devint duchesse de Savoie, très spirituelle, faisant aussi des vers, et, dans sa jeunesse, la patronne des nouveaux poètes à la Cour;—la troisième Marguerite enfin, nièce et petite-nièce des deux premières, fille de Henri II, première femme de 59 Henri IV, et sœur des derniers Valois.» C'est la reine Margot.
Tout en travaillant à quelque ouvrage d'aiguille, Marguerite d'Angoulême, qui avait adopté pour devise une fleur de souci tournée vers le soleil, avec cette légende: Non inferiora secutus (ne s'arrêtant pas aux choses de la terre) [71], avait coutume de garder près d'elle un secrétaire qui lui faisait la lecture (histoire ou poésie le plus souvent), ou à qui elle dictait «quelque méditation qu'il mettait par escrit» [72].
Le même chroniqueur, parlant de la reine Margot, nous dit [73] qu'«elle est fort curieuse de recouvrer tous les beaux livres nouveaux qui se composent, tant en lettres sainctes qu'humaines; et quand elle a entrepris à lire un livre, tant grand et long soit-il, elle ne le laisse ni s'arreste jamais, jusqu'à ce qu'elle en ayt veu la fin, et bien souvent en perd le manger et le dormir. Elle-mesme 60 compose fort, tant en prose qu'en vers...»
On sait que la reine Margot possédait parfaitement la langue latine. Lorsque les Polonais, envoyés en ambassade à Paris, «lui vinrent faire la révérence, il y eut l'évesque de Cracovie, le principal et le premier de l'ambassade, qui fist l'harangue pour tous, et en latin, car il estoit un savant et suffisant prélat. La reine lui respondit si pertinemment et si éloquemment, sans s'aider d'aucun truchement, ayant fort bien entendu et compris son harangue, que tous en entrèrent en si grande admiration, que d'une voix il l'appelèrent une seconde Minerve ou déesse d'éloquence [74].»
On l'appelait aussi volontiers chez elle Vénus-Uranie [75], ce qui lui faisait bien des surnoms.
«Elle aimait les beaux discours sur des sujets relevés de philosophie ou de sentiment. Dans ses dernières années, pendant ses dîners et ses soupers, elle avait ordinairement quatre savants hommes près d'elle, auxquels elle proposait, au commencement du repas, quelque thèse plus ou moins sublime ou subtile, et, quand chacun 61 avait parlé pour ou contre et avait épuisé ses raisons, elle intervenait et les remettait aux prises, provoquant et s'attirant à plaisir leur contradiction même... [76].
«Ce qu'il faut rappeler à l'honneur de la reine Marguerite, ajoute Sainte-Beuve, dans la conclusion de son article [77], c'est son esprit, c'est son talent de bien dire, c'est ce qu'on lit à son sujet dans les Mémoires du cardinal de Richelieu: «Elle étoit le refuge des hommes de lettres, aimoit à les entendre parler; sa table en étoit toujours environnée, et elle apprit tant en leur conversation qu'elle parloit mieux que femme de son temps et écrivoit plus élégamment que la condition ordinaire de son sexe ne portoit.»
Tallemant des Réaux nous conte que la reine Margot «estoit belle en sa jeunesse, hors qu'elle avoit les joues un peu pendantes et le visage un peu trop long. Jamais, continue-t-il, il n'y eut une personne plus encline à la galanterie. Elle avoit d'une sorte de papier dont les marges estoient toutes pleines de trophées d'amour; c'estoit le papier dont elle se servoit pour ses billets doux. Elle parloit phébus selon la mode de 62 ce temps-là, mais elle avoit beaucoup d'esprit. On a une pièce d'elle qu'elle a intitulée: La Ruelle mal assortie, où l'on peut voir quel estoit son style de galanterie.
«Elle portoit un grand vertugadin qui avoit des pochettes tout autour, en chascune desquelles elle mettoit une boiste où estoit le cœur d'un de ses amants trespassés; car elle estoit soigneuse, à mesure qu'ils mouroient, d'en faire embaumer le cœur. Ce vertugadin se pendoit tous les soirs à un crochet qui fermoit à cadenas, derrière le dossier de son lict.
«Elle devint horriblement grosse, et avec cela elle faisoit faire ses quarrures et ses corps de jupe beaucoup plus larges qu'il ne falloit, et ses manches à proportion... Elle estoit coiffée de cheveux blonds d'un blond de filasse blanchis sur l'herbe; elle avoit été chauve de bonne heure. Pour cela, elle avoit de grands valets de pied blonds que l'on tondoit de temps en temps...
«Durant ses repas, elle faisoit tousjours discourir quelque homme de lettres. Pitard, qui a escrit de la morale, estoit à elle, et elle le faisoit parler assez souvent...»
Et Tallemant termine son «historiette» de la reine Margot par cette gauloise anecdote:
63 «J'ay ouy faire un conte de la reine Marguerite qui est fort plaisant. Un gentilhomme gascon, nommé Salignac (Jean de Gontaut, baron de Salignac), devint, comme elle estoit encore jeune, esperdument amoureux d'elle, mais elle ne l'aimoit point. Un jour, comme il luy reprochoit son ingratitude:
«Or ça, luy dit-elle, que feriez-vous pour me tesmoigner vostre amour?
«—Il n'y a rien que je ne fisse, respondit-il.
«—Prendriez-vous bien du poison?
«—Ouy, pourvu que vous me permissiez d'expirer à vos pieds.
«—Je le veux!» reprit-elle.
«On prend jour; elle luy fait préparer une bonne médecine fort laxative. Il l'avale, et elle l'enferme dans un cabinet, après lui avoir juré de venir avant que le poison opérast.
«Elle le laissa là deux bonnes heures, et la médecine opéra si bien que, quand on luy vint ouvrir, personne ne pouvoit durer autour de luy [78].»
ANTOINETTE DE BOURBON-VENDÔME (1494-1583), qui épousa, en 1513, Claude de Lorraine,—fils de René II, le vainqueur de Charles le Téméraire,—premier duc de Guise, et fut la mère de toute cette lignée des Guises qui donna tant de soucis aux derniers Valois, au point que ses petits-fils faillirent enlever la couronne à Henri IV, dont elle était la grand'tante,—Antoinette de Bourbon-Vendôme posséda une bibliothèque nombreuse dont la plupart des volumes avaient été reliés par le célèbre Nicolas Ève. «Quelques-uns portaient sur les plats son chiffre formé d'un V et d'un A enlacés (Antoinette de Vendôme), accompagné d'un autre chiffre composé de deux ΛΛ (Grec: LL) (Lorraine) [79].»
MARIE D'ANGLETERRE (1497-1534), troisième femme de Louis XII, roi de France. On cite deux beaux manuscrits qui lui ont appartenu [80].
ÉLÉONORE D'AUTRICHE (1498?-1558), sœur aînée de Charles-Quint; devenue veuve d'Emmanuel le Grand, roi du Portugal, elle épousa, en 1530, François Ier, veuf de Claude de France [81].
CLAUDE DE FRANCE (1499-1524), fille aînée de Louis XII, reine de France par son mariage avec François Ier [82].
DIANE DE POITIERS (1499-1566): c'est à elle que revient en partie l'honneur d'avoir créé la magnifique bibliothèque d'Anet [83].
ANNE DE BOLEYN ou BOULEN (1500-1536), dont on connaît la fin tragique, a laissé un exemplaire du Nouveau Testament (édition de Tyndall), conservé aujourd'hui au British Museum, et dont les tranches portent son nom en grandes lettres rouges [84].
Sur les derniers moments de cette princesse, victime des passions du roi d'Angleterre Henri VIII, son mari, voici quelques émouvants détails que Bossuet, dans son Histoire des variations [85], a empruntés à l'historien anglais Burnet:
«La malheureuse espéra en vain de fléchir le roi, en avouant tout ce qu'il voulait. Cet aveu ne lui sauva que le feu. Henri lui fit couper la tête. Le jour de l'exécution, elle se consola, sur ce qu'elle avait ouï dire que l'exécuteur était fort habile; «et d'ailleurs, ajouta-t-elle, j'ai le cou 67 assez petit». «Au même temps, dit le témoin de sa mort, elle y a porté la main et s'est mise à rire de tout son cœur,» soit par l'ostentation d'une intrépidité outrée, soit que la tête lui eût tourné aux approches de la mort; et il semble, quoi qu'il en soit, que Dieu voulait, quelque affreuse que fût la fin de cette princesse, qu'elle tînt autant du ridicule que du tragique.»
Si habile et si endurci que fût l'exécuteur, deux fois, paraît-il, il essaya de lever la hache, et deux fois ses bras défaillirent, car Anne le regardait.
«Oh! milord, dit-il à Thomas Cromwell, si elle me regarde toujours, je ne pourrai jamais frapper.»
Il fallut qu'Anne détournât sa tête charmante, pour que le bourreau reprît du cœur et accomplît sa fatale mission [86].»
CATHERINE DE MÉDICIS (1519-1589), rassembla, dans sa somptueuse résidence de Saint-Maur-des-Fossés, une excellente bibliothèque, qu'elle mettait à la disposition des savants:
Ceste royne d'honneur, de telle race issue,
Soigneuse, a fait chercher les livres les plus vieux,
Hébreux, grecs et latins, traduits et à traduire,
Et par noble despense elle en a fait reluire
Son chasteau de Saint-Maur, afin que sans danger
Le François fust vainqueur du sçavoir estranger [87].
ANNE DE LORRAINE (1522-1568), mariée, en 1540, au prince d'Orange, et, en secondes noces, en 1548, à Philippe, sire de Croy [88].
FRANÇOISE-RENÉE DE LORRAINE (1522-1602), abbesse de Saint-Pierre de Reims et du royal monastère de Montmartre [89].
Mme JEAN D'AUBIGNÉ, Catherine de l'Estang, mère d'Agrippa d'Aubigné (1530?-1550?), morte dans sa vingtième année, en donnant le jour à 69 son fils, a laissé un volume, un saint Basile en grec, annoté de sa main, et qui atteste l'érudition de cette jeune femme [90].
On voit au British Museum une Bible française, imprimée à Lyon en 1566, qui a appartenu à la reine ÉLISABETH D'ANGLETERRE (1533-1606).
«Les livres de cette princesse, dit Ludovic Lalanne [91], étaient en général reliés avec un grand luxe, comme le montre l'inventaire de son trésor, fait la seizième année de son règne. On y remarque surtout le Golden Manual of prayers, relié en or massif, et qu'elle portait suspendu à sa ceinture par une chaîne d'or. Sur un des côtés est représenté le jugement de Salomon; sur l'autre, le serpent d'airain entouré des Israélites blessés. Ce livre, dans l'inventaire, est évalué à cent cinquante livres sterling.»
L'infortunée JEANNE GREY (1537-1554), morte si jeune et si courageusement, qui lisait le Phédon 70 en grec, et à qui l'amour de l'étude et de la science faisait oublier ses malheurs, a droit aussi d'être mise au nombre des plus nobles amies des livres [92].
DIANE DE FRANCE, duchesse d'Angoulême, fille légitimée de Henri II (1538?-1619) [93].
MARIE STUART (1542-1587), «estant en l'aage de treize à quatorze ans, desclama devant le roy Henry, la royne et toute la Cour, publiquement en la salle du Louvre, une oraison en latin qu'elle avoit faicte, soubtenant et deffendant, contre l'opinion commune, qu'il estoit bien seant aux femmes de sçavoir les lettres et arts libéraux.
«Songez—c'est toujours Brantôme qui parle [94]—quelle rare chose c'estoit et admirable de voir ceste belle et sçavante reine ainsi orer (parler: d'où pérorer) en latin, qu'elle entendoit et parloit fort bien; car je l'ai vue là; et 71 fust si curieuse de faire faire à Antoine Fochin (Fouquelin), de Chauny en Vermandois (et l'adresse [il dédie cet ouvrage] à ladite reine), une rhétorique en françois, que nous avons encore en lumière... Aussi la faisoit-il bon voir parler, fust aux plus grands ou fust aux plus petits. Et tant qu'elle a esté en France, elle se réservoit tousjours deux heures du jour pour estudier et lire: aussi il n'y avoit guères de sciences humaines qu'elle n'en discourût bien. Surtout elle aimoit la poésie et les poètes, mais sur tous M. de Ronsard [95], M. du Bellay et M. de Maisonfleur, qui ont fait de belles poésies et élégies pour elle, et mesme sur son partement (départ) de la France, que j'ai vu souvent lire à elle-mesme en France et en Écosse, les larmes à l'œil et les souspirs au cœur.
«Elle se mesloit d'estre poëte, et composoit des vers, dont j'en ai vu aucuns (quelques-uns) de beaux et très bien faicts, et nullement ressemblants à ceux qu'on lui a mis à sus avoir faicts (qu'on lui a attribués) sur l'amour du comte Baudouel (Bothwell): ils sont trop grossiers et mal 72 polis pour estre sortis de sa belle boutique. M. de Ronsard estoit bien de mon opinion en cela, ainsi que nous en discourions un jour, et que nous les lisions. Elle en composoit bien de plus beaux et de plus gentils, et promptement, comme je l'ai vue souvent qu'elle se retiroit en son cabinet, et sortoit aussitôt pour nous en monstrer à aucuns honnestes gens que nous estions là [96]. De plus, elle escrivoit fort bien en prose, surtout en lettres, que j'ai vues très belles et très éloquentes et hautes.»
LOUISE DE LORRAINE (1553-1601), fille de Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont et de Marguerite d'Egmont; femme de Henri III, roi de France.
Devenue veuve, elle se retira dans son château de Chenonceaux, et y rassembla une bibliothèque composée de livres splendidement reliés [97].
La sœur de Henri IV, CATHERINE DE BOURBON (1559-1604), qui épousa Henri II de Lorraine, duc de Bar, avait étudié les langues anciennes, l'hébreu même, et était aussi habile à chanter qu'à toucher du luth. Elle vécut longtemps au château de Pau, et en enrichit notablement la bibliothèque. On y remarquait surtout une belle collection de classiques grecs et latins, de rares manuscrits et quantité de lettres autographes des principaux personnages de l'époque.
«La plupart des livres de Catherine de Bourbon, dit le bibliographe Joannis Guigard [98], étaient reliés à la manière de Clovis Ève, qui, bien certainement, a dû travailler pour elle. 74 Beaucoup d'entre eux portaient sur les plats six doubles C entrelacés formant croix, avec une flamme au centre, le tout dans un ovale feuilleté.»
MARIE DE JARS DE GOURNAY (1565-1645), qui est restée célèbre surtout par son affection et son culte pour Montaigne, dont elle devint la fille d'alliance. Elle publia, en 1595, une édition complète des Essais, qu'elle réédita quarante ans plus tard [99].
Tallemant des Réaux a consacré à Mlle de Gournay une de ses amusantes historiettes [100], et je ne répéterai pas ici la farce que lui jouèrent, à elle et à Racan, deux endiablés amis de ce poète, et que j'ai contée dans mes Mystifications littéraires et théâtrales [101]. Voici, en revanche, une originale et très juste remarque de critique littéraire faite par Mlle de Gournay, et citée et confirmée par Sainte-Beuve:
75 «La vraie touche des esprits, c'est l'examen d'un nouvel auteur; et celui qui le lit se met à l'épreuve plus qu'il ne l'y met [102].»
GABRIELLE D'ESTRÉES, duchesse de Beaufort, maîtresse de Henri IV (1571?-1599) [103].
MARIE DE MÉDICIS (1573-1642), deuxième femme de Henri IV, donna aussi des preuves de son amour pour les livres [104].
CATHERINE DE BOURBON, marquise d'Isle, fille de Henri de Bourbon (1574-1594) [105].
La PRINCESSE DE BOURBON-CONTI, Louise-Marguerite de Lorraine, fille du duc de Guise, dit le 76 Balafré, mariée en secondes noces au maréchal de Bassompierre (1577-1631) [106].
RENÉE DE LORRAINE, fille de Henri Ier de Lorraine, duc de Guise, assassiné à Blois, abbesse de Saint-Pierre de Reims (1585?-1626) [107].
La MARQUISE DE RAMBOUILLET (1588-1665) et sa fille JULIE-LUCINE [108] D'ANGENNES, DUCHESSE DE MONTAUSIER (1607-1671): «La marquise lit toute une journée sans la moindre incommodité, et c'est ce qui la divertit le plus,» au dire de Tallemant des Réaux [109], un de ses familiers.
«Elle a toujours aimé les belles choses, écrit-il encore [110], et elle alloit apprendre le latin, seulement pour lire Virgile, quand une maladie l'en empescha. Depuis, elle n'y a pas songé, et s'est 77 contentée de l'espagnol. C'est une personne habile en toutes choses. Elle fut elle-mesme l'architecte de l'hostel de Rambouillet, qui estoit la maison de son père...
«Il n'y a pas au monde de personne moins intéressée. Elle dit qu'elle ne conçoit pas de plus grand plaisir au monde que d'envoyer de l'argent aux gens, sans qu'ils puissent sçavoir d'où il vient. Elle passe bien plus avant que ceux qui disent que donner est un plaisir de roy, car elle dit que c'est un plaisir de Dieu [111].»
Une particularité de Mme de Rambouillet, particularité assez rare à son époque, c'était d'apprécier les charmes de la campagne, d'aimer la nature: «Personne n'a jamais tant aimé à se promener et à considérer les beaux endroits du paysage de Paris [112].»
Ajoutons qu'elle se montrait, non seulement très charitable et généreuse, comme on vient de le voir, mais de la plus grande bienveillance, d'une extrême indulgence, envers tous: «Personne ne fut plus aimé de ses gens ni des gens de ses amis, que Mme de Rambouillet [113]».
78 L'hôtel de Rambouillet fut, comme on le sait, le rendez-vous de quantité d'écrivains; il fut aussi le quartier général des Précieuses.
C'est de l'hôtel de Rambouillet que sortit la Guirlande de Julie, ce très curieux et superbe manuscrit, qui appartient aujourd'hui à Mme la duchesse d'Uzès. Voici quelques détails sur la formation et la genèse de ce chef-d'œuvre.
«Le marquis de Montausier, qui se préparait à partir pour l'armée avec le maréchal de Guébriand (1641), avait imaginé une galanterie en l'honneur de Julie d'Angennes, qui lui avait promis de l'épouser dès qu'il aurait abjuré la religion protestante. Il fit peindre sur vélin, par Robert, excellent miniaturiste, une suite de belles fleurs, que Julie avait choisies elle-même, et que les poètes de l'hôtel de Rambouillet faisaient parler en vers pour célébrer ses grâces, ses talents et ses vertus. Ces pièces de poésie, écrites de la main du fameux Jarry au-dessous des fleurs, étaient signées par le marquis de Montausier, Arnauld d'Andilly père et fils, Conrart, Mme de Scudéry, Malleville, Colletet, les trois Habert, Arnauld de Corbeville, Tallemant des Réaux, Gombauld, Godeau, le marquis de Briot, Pinchesne, Desmarets. Deux pièces ne portaient pas 79 de nom: on les attribua toutes deux au grand Corneille, et Voiture, que Montausier ne pouvait souffrir, fut seul excepté dans l'hommage collectif que les amis de Mme de Rambouillet rendaient à sa fille. Ce précieux recueil avait pour titre: La Guirlande de Julie. Pour Mademoiselle de Rambouillet, Julie-Lucine d'Angennes.
«Montausier ne quitta pas sans regret Julie d'Angennes, en lui laissant ce beau livre relié en maroquin et couvert de ses chiffres en or: il fut fait prisonnier et ne recouvra la liberté qu'au bout de dix mois. De retour en France, il s'empressa d'embrasser la religion catholique, et se maria enfin, le 4 juillet 1645, à l'âge de trente-cinq ans, avec Mlle de Rambouillet, qui en avait trente-huit. «Ce mariage, dit Rœderer, fut la première cause qui mit fin à ce qu'on peut appeler le règne de l'hôtel de Rambouillet [114].»
HENRIETTE DE LORRAINE, fille de Charles de Lorraine, 81 comte d'Harcourt, abbesse de Notre-Dame de Soissons (1592-1669) [115].
CHARLOTTE-MARGUERITE DE MONTMORENCY, princesse de Bourbon et de Condé, mère du Grand Condé (1594-1650) [116].
Mme SÉGUIER, Madeleine Fabri, femme du chancelier Pierre Séguier (1597-1683).
Veuve en 1672, Mme Séguier conserva religieusement la magnifique bibliothèque rassemblée par son défunt mari, et la rendit plus riche et plus belle encore [117].
Autres bibliophiles:
MARIE D'ALBRET (XVIe siècle), femme de Charles de Clèves, comte de Nevers, mort en 1521 [118].
ÉLISABETH CRABBE, mère du grand anatomiste Vésale (XVIe siècle).
Vésale a toujours parlé de sa mère avec attendrissement et grand éloge. Elle aimait les livres, et était parvenue à conserver la bibliothèque de famille, les ouvrages de médecine du père et du grand-père de Vésale, «au prix des plus grands sacrifices» [119].
La COMTESSE DE FROULAY DE TESSÉ, Marie d'Escoubleau de Sourdis (XVIe siècle) [120].
ANNE DE GRAVILLE (XVIe siècle), belle-mère d'Honoré d'Urfé (1568-1625), auteur de l'Astrée, posséda un grand nombre de manuscrits. En outre, elle arrangea, d'après un vieux roman en prose, le poème d'Archita et Palamon, qui fit sa réputation [121].
La COMTESSE DE LA ROCHEFOUCAULD, Anne de Polignac (XVIe siècle) [122].
CLAUDE DE LA TOUR (XVIe siècle), fille aînée de François de la Tour, vicomte de Turenne, mariée, en 1535, à Just de Tournon, comte de Roussillon. Elle témoigna un grand courage au siège de Tournon, qu'elle fit lever aux huguenots révoltés. Le roi Charles IX la donna pour dame d'honneur à sa sœur Marguerite de Valois, reine de Navarre. Il est longuement question d'elle et de ses filles dans les Mémoires de cette princesse, dont elle partageait la passion pour les lettres [123].
MARIE DES MARQUETS (XVIe siècle), amie de Ronsard. «Il est probable que Marie des Marquets est cette Marie du deuxième livre des Amours, qui fit oublier Cassandre au poète infidèle, et qui fut elle-même trop vite oubliée pour Sinope [124]».
CATHERINE DE ou DU SOLEIL, fille de François Mandelot, seigneur de Passé, gouverneur du Lyonnais en 1571, de la famille du célèbre bibliophile Grolier (XVIe siècle) [125].
ANNE DE THOU, abbesse de Saint-Antoine des Champs, à Paris, fille d'Augustin de Thou, président au Parlement de Paris, mort en 1544 (XVIe siècle) [126].
Nous voici arrivés au dix-septième siècle, et, avec les hôtes de l'hôtel de Rambouillet dont nous venons de parler, nous rencontrons, parmi les amies des livres, la reine ANNE D'AUTRICHE (1602-1666) [127].
La DUCHESSE D'AIGUILLON (1605-1675), Marie-Madeleine de Vignerot, nièce du cardinal de Richelieu, mariée en premières noces à M. de Combalet, sur laquelle cette mauvaise langue de Tallemant des Réaux conte plus d'une bonne histoire, figure aussi au nombre des femmes bibliophiles.
On avait fait courir le bruit que le mariage de Mlle de Vignerot avec Combalet n'avait point été consommé, et le poète Dulot composa cette anagramme sur cette prétendue virginité: MARIE DE VIGNEROT, Vierge de ton mari [128].
86 «On a fort mesdit de son oncle et d'elle, rapporte encore Tallemant [129]; il aimoit les femmes et craignoit le scandale. Sa nièce estoit belle, et on ne pouvoit trouver estrange qu'il vescut familièrement avec elle. Effectivement, elle en usoit peu modestement;» etc.
CHRISTINE DE FRANCE, fille de Henri IV et de Marie de Médicis, femme de Victor-Amédée Ier, duc de Savoie (1606-1663) [130].
MADELEINE DE SCUDÉRY (1607-1701), toute jeune, avait déjà la passion de la lecture, de la lecture des romans principalement, et il lui survint à ce propos une aventure qu'elle conta depuis à Tallemant des Réaux, et que celui-ci nous a transmise.
Un moine feuillant, qui était le confesseur de la jeune fille, lui enleva un jour un roman «où elle prenoit bien du plaisir», et offrit de lui prêter un livre plus utile. Au lieu de ce livre si utile et 87 profitable, il lui apporta un autre roman moins honnête, et où, par précautions, il y avait «des marques» aux endroits les plus scabreux [131]. La jeune Madeleine ne manqua pas, la première fois qu'elle revit le moine, de lui reprocher sa conduite et de lui montrer ces marques.
«Ah! elles ne sont pas de moi! protesta aussitôt le saint homme. Elles viennent d'une personne à qui j'ai pris ce livre.»
Quelques jours plus tard, le moine confesseur rendit à sa pénitente le roman qu'il lui avait enlevé, et dont il avait eu apparemment le loisir de prendre connaissance, et il dit à la mère de Mlle de Scudéry qu'elle pouvait laisser lire à sa fille tout ce que voudrait celle-ci, que Madeleine avait l'esprit trop bien fait pour jamais se le laisser gâter, et qu'il n'y avait pas de lectures dangereuses pour elle [132].
On sait que, par modestie, ou à cause de la réputation de son frère, dont les livres se vendaient bien, Mlle de Scudéry publia ses premiers 88 et volumineux ouvrages, Ibrahim ou l'Illustre Bassa (1641, 4 vol.), Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653, 10 vol.), Clélie, histoire romaine (1656, 10 vol.), sous le nom dudit frère, qui avait, lui, moins de talent qu'elle, mais acceptait de bon cœur cette substitution [133].
N'oublions pas que des lettrés, des gens de goût et d'un esprit délicat, comme Huet, l'évêque d'Avranches, Ménage, Mascaron, etc., proclamèrent que le Cyrus et Clélie étaient des chefs-d'œuvre, et qu'ils se complaisaient dans la lecture de ces interminables romans, si délaissés et oubliés aujourd'hui. Mascaron plaçait même «très souvent» Mlle de Scudéry à côté de saint Augustin et de saint Bernard, et la citait volontiers dans ses sermons.
Ajoutons que Mlle de Scudéry tenait chez elle, à Paris, le samedi, une réunion littéraire qui fut célèbre, et continuait les traditions de l'hôtel de Rambouillet [134].
89 Une particularité bien digne d'intéresser tous les amis des livres, c'est que c'est à l'occasion de Mlle de Scudéry qu'il est pour la première fois question (on le suppose du moins) de CABINETS DE LECTURE en France. Voici ce qu'Eugène Muller (1823-1914) relève dans ses Curiosités historiques et littéraires [135]:
«La première idée de la location des livres est signalée ainsi par Jacquette (ou Jaquette) Guillaume, femme de lettres du dix-septième siècle, dans son histoire des Dames illustres, publiée en 1665:
«Ne voyons-nous pas que les livres de Mlle de Scudéry sont de plus grande estime et se débitent à de plus grands prix que ceux des plus renommés historiens? Son libraire a taxé à une demi-pistole (cinq francs de notre monnaie actuelle) pour lire seulement une histoire de cette illustre savante.»
«M. Édouard Fournier, qui n'a pas connu cette particularité de l'histoire littéraire du dix-septième siècle, continue Eugène Muller, a parlé, lui aussi, dans son Vieux-Neuf, de la location des livres par les libraires. Il n'en fait remonter l'origine 90 qu'au dix-huitième siècle, à l'époque où les romans de l'abbé Prévost et de Jean-Jacques Rousseau passionnaient tous les esprits.»
HENRIETTE-MARIE DE FRANCE, aussi fille de Henri IV et de Marie de Médicis, épouse du roi d'Angleterre Charles Ier (1609-1669) [136].
La DUCHESSE DE MONTBAZON, princesse de Guéméné (vers 1610-1657) [137].
C'est elle qui inspira à M. de Rancé une si vive passion, et qui a donné lieu à la légende fameuse, contée par Saint-Simon [138].
«La princesse de Guéméné, morte duchesse 91 de Montbazon en 1657, mère de M. de Soubise, était cette belle Mme de Montbazon dont on a fait ce conte, qui a trouvé croyance, que l'abbé de Rancé, depuis ce célèbre abbé de la Trappe, en était fort amoureux et bien traité; qu'il la quitta à Paris se portant fort bien, pour aller faire un tour à la campagne; que, bientôt après, y ayant appris qu'elle était tombée malade, il était accouru, et qu'étant entré brusquement dans son appartement, le premier objet qui y était tombé sous ses yeux avait été sa tête, que les chirurgiens, en l'ouvrant, avaient séparée; qu'il n'avait appris sa mort que par là; et que la surprise et l'horreur de ce spectacle joint à la douleur d'un homme passionné et heureux, l'avait converti, jeté dans la retraite, et de là dans l'ordre de Saint-Bernard et dans sa réforme. Il n'y a rien de vrai en cela, mais seulement des choses qui ont donné cours à cette fiction. Je l'ai demandé franchement à M. de la Trappe... et voici ce que j'en ai appris.
92 «Il était intimement de ses amis, ne bougeait de l'hôtel de Montbazon... Mme de Montbazon mourut de la rougeole en fort peu de jours. M. de Rancé était auprès d'elle, ne la quitta point, lui vit recevoir les sacrements, et fut présent à sa mort. La vérité est que, déjà touché et tiraillé entre Dieu et le monde, méditant déjà depuis quelque temps une retraite, les réflexions que cette mort si prompte firent faire à son cœur et à son esprit achevèrent de le déterminer, et peu après il s'en alla en sa maison de Véret en Touraine, qui fut le commencement de sa séparation du monde.»
La DUCHESSE DE LONGUEVILLE, Anne-Geneviève de Bourbon, fille de Henri II de Bourbon, prince de Condé, et sœur du Grand Condé (1619-1679).
Son esprit, sa beauté, son goût pour les choses intellectuelles, l'influence qu'elle exerça sur la société du dix-septième siècle ont marqué sa place parmi les femmes célèbres de son époque [139], ce qui ne l'empêcha pas de mener longtemps une vie des plus scandaleuses.
93 «La très jolie madame de Longueville, la future reine de la Fronde», entretenait avec ses deux frères, le Grand Condé, «figure crochue... très sinistre figure d'oiseau de proie, la plus bizarre du siècle,» et le prince de Conti, «prêtre et bossu [140]», des relations incestueuses. «Les deux garçons naquirent amoureux de leur sœur, écrit Michelet [141]. Condé, éperdument, jusqu'à lui passer tout, adopter ses amants, puis jusqu'à la haïr. Conti, sottement, servilement, se faisant son jouet, ne voyant rien que ce qu'elle lui faisait voir, dupé, moqué par ses rivaux.»
On trouve trace, dans les Rapports inédits du lieutenant de police René d'Argenson [142], d'une aventurière surnommée la Princesse, qui se prétendait fille du prince de Condé et de sa sœur la duchesse de Longueville.
La VICOMTESSE DE TURENNE, Charlotte de Caumont de la Force de la Tour (1623?-1666) [143].
94 C'était la femme du maréchal de France et grand homme de guerre.
CHRISTINE DE SUÈDE (1626-1689) estimait que «la lecture est une partie du devoir de l'honnête homme». Elle écrivait à Bayle: «Je vous impose pour pénitence qu'à commencer du mois prochain vous m'enverrez les livres nouveaux, en toutes langues, sur toutes sortes de sujets; je n'excepte ni romans ni satires; surtout s'il y a des livres de chimie, faites-m'en part au plus tôt.» Elle adressait à Heinsius les mêmes recommandations: «Envoyez-moi les catalogues des livres que vous avez achetés et des manuscrits que vous avez fait copier, et la dépense pour vous et pour les achats. Je vous ferai tout payer [144]...»
On sait quelles étaient les mœurs plus que libres de la reine Christine; on sait aussi quels étaient ses livres favoris, outre «les livres de chimie», dont elle vient de parler. Elle professait, nous apprend Gui Patin [145], un vrai culte pour 95 Pétrone, «qu'elle mettait au-dessus de tous les auteurs latins», et, dans la fleur même de sa jeunesse, à vingt-trois ans, «elle savait Martial tout entier par cœur».
«Saumaise étant à Stockholm, et au lit, malade de la goutte, lisait, pour se désennuyer, le Moyen de parvenir; la reine Christine entre brusquement chez lui sans se faire annoncer: il n'a que le temps de cacher sous sa couverture le petit livre honteux (perfacetum quidem, at subturpiculum libellum). Mais Christine, qui voit tout, l'a vu; elle va prendre hardiment le livre jusque sous le drap, et, l'ouvrant, se met à le parcourir de l'œil avec sourire; puis, appelant la belle de Sparre, sa fille d'honneur favorite, elle la force de lui lire tout haut certains endroits qu'elle lui indique, et qui couvrent ce noble et jeune front d'embarras et de rougeur, aux grands éclats de rire de tous les assistants. Huet tenait l'histoire de la bouche de Saumaise, et il la raconte en ses mémoires [146].»
Ajoutons que «Christine de Suède avait la manie d'écrire sur ses livres. Il y a à la bibliothèque 96 du Collège romain, à Rome, plusieurs livres annotés de sa main, entre autres, un Quinte-Curce, un Sénèque» [147], etc.
NINON DE L'ENCLOS (1615-1705), qui fut, sinon une amie de la reine de Suède, du moins une de ses relations,—Christine ne manqua pas de l'aller voir lors de son voyage à Paris, en 1654,—mérite de ne pas être oubliée ici. Voltaire lui ayant été présenté par son parrain, l'abbé de Châteauneuf, un des intimes de Ninon, jadis adorateur et familier de Mme Arouet, elle lui légua par testament deux mille francs «pour acheter des livres» [148].
Ce legs n'empêcha pas Voltaire de juger plus tard très cavalièrement et indiscrètement sa bienfaitrice. Dans son ouvrage la Défense de mon oncle [149], il écrit:
«Personne n'est plus en état que moi de rendre compte des dernières années de Mlle de l'Enclos... Je suis son légataire; je l'ai vue les dernières 97 années de sa vie (c'est-à-dire à plus de quatre-vingts ans), elle était sèche comme une momie. Il est vrai qu'on lui présenta l'abbé Gédoyn... J'allais quelquefois chez elle avec cet abbé, qui n'avait d'autre maison que la nôtre. Il était fort éloigné de sentir des désirs pour une décrépite ridée qui n'avait sur les os qu'une peau jaune tirant sur le noir.
«Ce n'était point l'abbé Gédoyn à qui on imputait cette folie; c'était à l'abbé de Châteauneuf, frère de celui qui avait été ambassadeur à Constantinople. Châteauneuf avait eu, en effet, la fantaisie de coucher avec elle vingt ans auparavant. Elle était encore assez belle à l'âge de près de soixante années. Elle lui donna, en riant, un rendez-vous pour un certain jour du mois.
«Et pourquoi ce jour-là plutôt qu'un autre? lui dit l'abbé de Châteauneuf.
«—C'est que j'aurai alors soixante ans juste», lui dit-elle.
«Voilà la vérité de cette historiette, qui a tant couru, et que l'abbé de Châteauneuf, mon bon parrain, à qui je dois mon baptême, m'a racontée souvent dans mon enfance pour me former l'esprit et le cœur.»
Certains des amis de Ninon, Charleval et Miossens, 98 entre autres, avaient «fort contribué à la rendre libertine (incrédule, libre penseuse, comme nous dirions aujourd'hui). Elle dit qu'il n'y a point de mal à faire ce qu'elle fait, fait profession de ne rien croire, se vante d'avoir esté fort ferme en une maladie où elle se vit à l'extrémité, et de n'avoir que par bienséance reçu tous ses sacrements. Ils luy ont fait prendre un certain air de dire et de trancher les choses en philosophe; elle ne lit que Montaigne, et décide de tout à sa fantaisie [150]».
C'est Ninon, «la moderne Leontium», comme l'appelait Saint-Évremond [151], qui disait «qu'elle rendait grâces à Dieu tous les soirs de son esprit, et le priait tous les matins de la préserver des sottises de son cœur [152]».
Encore un joli mot d'elle, et en même temps une très judicieuse constatation: «La joie de l'esprit en marque la force [153]».
99 C'est plutôt la lecture que les livres mêmes qu'a aimée et que recommande et prône, en maint endroit de ses lettres, Mme DE SÉVIGNÉ (1626-1696), et toujours de la plus charmante façon, et souvent avec de fins aperçus et les plus sagaces remarques.
«Aimer à lire... la jolie, l'heureuse disposition! On est au-dessus de l'ennui et de l'oisiveté, deux vilaines bêtes [154].»
«Qu'on est heureux d'aimer à lire! [155].»
«Je plains ceux qui n'aiment point à lire. Votre enfant est de ce nombre jusqu'ici; mais j'espère, comme vous, que, quand il verra ce que c'est que l'ignorance à un homme de guerre, qui a tant à lire des grandes actions des autres, il voudra les connaître, et ne laissera pas cet endroit imparfait. La lecture apprend aussi, ce me semble, à écrire... [156]»
«Je poursuis cette Morale de Nicole, que je trouve délicieuse... Je trouve ce livre admirable. Personne n'a écrit comme ces messieurs (de Port-Royal), car je mets Pascal de moitié à tout ce 100 qui est beau... Nous lisons aussi l'histoire de France depuis le roi Jean; je veux la débrouiller dans ma tête, au moins autant que l'histoire romaine, où je n'ai ni parents ni amis; encore trouve-t-on ici des noms de connaissance. Enfin, tant que nous aurons des livres, nous ne nous pendrons pas [157].»
«...Pour Pauline, cette dévoreuse de livres, j'aime mieux qu'elle en avale de mauvais, que de ne point aimer à lire; les romans, les comédies, les Voiture, les Sarrasin, tout cela est bientôt épuisé: a-t-elle tâté de Lucien? est-elle à portée des Petites Lettres? Après il faut l'histoire; si on a besoin de lui pincer le nez pour lui faire avaler, je la plains. Pour les beaux livres de dévotion, si elle ne les aime pas, tant pis pour elle; car nous ne savons que trop que même sans dévotion on les trouve charmants. A l'égard de la morale, comme elle n'en ferait pas un si bon usage que vous, je ne voudrais point du tout qu'elle mît son petit nez, ni dans Montaigne, ni dans Charron, ni dans les autres de cette sorte; il est bien matin pour elle. La vraie morale de son âge, c'est celle qu'on apprend dans les bonnes 101 conversations, dans les fables, dans les histoires, par les exemples; je crois que c'est assez [158].»
«...Je ne veux rien dire sur les goûts de Pauline (pour les romans); je les ai eus avec tant d'autres (personnes), qui valent mieux que moi, que je n'ai qu'à me taire. Il y a des exemples des bons et des mauvais effets de ces sortes de lectures: vous ne les aimez pas, vous avez fort bien réussi; je les aimais, je n'ai pas trop mal couru ma carrière: tout est sain aux sains, comme vous dites. Pour moi, qui voulais m'appuyer dans mon goût, je trouvais qu'un jeune homme devenait généreux et brave en voyant mes héros, et qu'une fille devenait honnête et sage en lisant Cléopâtre. Quelquefois il y en a qui prennent un peu les choses de travers; mais elles ne feraient peut-être guère mieux, quand elles ne sauraient pas lire: ce qui est essentiel, c'est d'avoir l'esprit bien fait; on n'est pas aisée à gâter; Mme de la Fayette en est encore un exemple. Cependant il est très assuré, très vrai, très certain que M. Nicole vaut mieux; vous en êtes charmée: c'est son éloge; ce que j'en ai lu chez Mme de Coulanges me persuade aisément qu'il vous doit plaire... 102 Cela supposé, je vous conjure, ma chère Pauline, de ne pas tant laisser tourner votre esprit du côté des choses frivoles, que vous n'en conserviez pour les solides, et pour les histoires; autrement votre goût aurait les pâles couleurs [159].»
La DUCHESSE DE MONTPENSIER, Anne-Marie-Louise d'Orléans, la GRANDE MADEMOISELLE (1627-1693), une des plus originales figures du dix-septième siècle, est digne d'être inscrite aussi au nombre des amies des livres.
Ce qui lui a manqué, selon la remarque de Sainte-Beuve [160], c'est le goût, c'est la grâce, c'est la justesse: «il y a du pêle-mêle dans ses admirations: elle prise fort Corneille, elle fait jouer chez elle le Tartuffe, mais elle reçoit aussi l'abbé Cotin. «J'aime les vers, de quelque nature qu'ils soient», déclarait-elle. Elle se recommande à nous principalement par ses Mémoires, «Mémoires véridiques et fidèles, et dans lesquels elle dit tout sur elle-même ou sur les autres, 103 naïvement, hautement, et selon qu'il lui vient à l'esprit [161].»
On raconte—n'est-ce pas ce terrible bavard de Tallemant des Réaux? [162]—que le carrosse de Mlle de Montpensier se trouvant pris un jour dans un embarras de voitures, rue Saint-Honoré, un mendiant profita de l'occasion pour venir gémir à la portière:
«Ayez pitié d'un pauvre homme... d'un pauvre homme qui a perdu toutes les joies de ce monde?
—Il est donc eunuque?» demanda la Grande Mademoiselle.
Mme JEAN DESMARETS, Marie Colbert, sœur du ministre J.-B. Colbert (1627?-1703) [163].
Une autre sœur de Colbert, CATHERINE COLBERT (XVIIe siècle), figure aussi parmi les femmes bibliophiles [164].
La PRINCESSE DE CONDÉ, Claire-Clémence de Maillé, femme du Grand Gondé (1628?-1694) [165].
ÉLISABETH DE MELUN, prieure des Dominicaines de Montargis (1630?-1717) [166].
Mme DE MAINTENON (1635-1719) n'a jamais eu la pensée de former une bibliothèque proprement dite; elle avait d'autres préoccupations. «Les rares volumes qui lui ont appartenu, écrit Ernest Quentin-Bauchart [167], présentent du moins le grand avantage d'avoir été reliés par un des maîtres du temps, Du Seuil, dont la facture un peu lourde, mais noble, se trouve toujours en harmonie parfaite avec le caractère des ouvrages qui lui étaient confiés.»
LOUISE-CHARLOTTE DE LA TOUR, demoiselle de Bouillon (1638-1683) [168].
MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE, femme de Louis XIV (1638-1683).
Ce n'est que par un excès de complaisance qu'on peut classer cette reine parmi les bibliophiles. Le goût des livres «lui était absolument étranger, avoue Ernest Quentin-Bauchart [169], et sa bibliothèque, qui contenait de très jolis volumes à ses armes, mais à laquelle il est vraisemblable qu'elle ne toucha jamais, fut celle que l'étiquette du temps lui commandait d'avoir.» Elle était ignorante et niaise, et, comme on l'a très bien dit, «le roi et le chocolat furent ses seules passions».
AMÉLIE DE LA TOUR D'AUVERGNE, religieuse carmélite (1640-1696 ou 1698), sœur de Louise-Charlotte de la Tour, demoiselle de Bouillon, précédemment nommée [170].
La MARQUISE DE MONTESPAN (1641-1707), plus célèbre par ses relations avec Louis XIV que par sa bibliothèque [171].
106 «Il n'étoit pas possible, écrit Saint-Simon [172], d'avoir plus d'esprit, de fine politesse, des expressions singulières, une éloquence, une justesse naturelle qui lui formoit comme un langage particulier, mais qui étoit délicieux et qu'elle communiquoit si bien par l'habitude, que ses nièces et les personnes assidues auprès d'elle, ses femmes, celles que, sans l'avoir été, elle avoit élevées chez elle, le prenoient toutes, et qu'on le sent et on le reconnoît encore aujourd'hui dans le peu de personnes qui en restent. C'étoit le langage naturel de la famille, de son frère et de ses sœurs.»
MARIE-CASIMIRE DE LA GRANGE D'ARQUIEN (1641?-1716). Veuve de Jacques Radziwill, prince Zamoyski, elle épousa, en 1665, Jean Sobieski, roi de Pologne [173].
Mme DE CAUMARTIN, Catherine-Madeleine de Verthamon (1642?-1722) [174].
HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE, duchesse d'Orléans, belle-sœur de Louis XIV (1644-1670) [175].
Dans ses Mémoires [176], Mme de la Fayette nous parle en détail du charme et de toutes les qualités d'esprit de cette princesse, et trace d'elle ce joli portrait:
«Le changement funeste de cette maison royale (d'Angleterre) fut favorable en quelque chose à la princesse d'Angleterre. Elle étoit encore entre les bras de sa nourrice, et fut la seule de tous les enfants de la reine sa mère qui se trouva auprès d'elle pendant sa disgrâce. Cette reine s'appliquoit tout entière au soin de son éducation, et, le malheur de ses affaires la faisant plutôt vivre en personne privée qu'en souveraine, cette jeune princesse prit toutes les lumières, toute la civilité et toute l'humanité des conditions ordinaires, et conserva dans son cœur et dans sa personne toutes les grandeurs de sa naissance royale.
«...La princesse d'Angleterre possédoit au souverain degré le don de plaire et ce qu'on appelle grâces; les charmes étoient répandus en 108 toute sa personne, dans ses actions et dans son esprit; et jamais princesse n'a été si également capable de se faire aimer des hommes et adorer des femmes.»
Mlle DE LA VALLIÈRE (1644-1710) eut toujours aussi le goût des livres et des choses de l'esprit. Retirée au couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, elle a laissé des Lettres et des Réflexions sur la miséricorde de Dieu, qui ont été souvent réimprimées [177].
La DUCHESSE DE BOUILLON (1646-1714), amie et protectrice de La Fontaine [178].
Dans une lettre datée de Paris, novembre 1687, La Fontaine [179] constate que la duchesse se plaît avec «toutes sortes de livres, pourvu qu'ils 109 soient bons», et, sur le point de terminer sa lettre par un éloge de Mme Mazarin, qui ferait suite ou pendant à l'éloge de Mme de Bouillon, il se ravise et conclut par ce quatrain:
L'or se peut partager, mais non pas la louange.
Le plus grand orateur, quand ce seroit un ange,
Ne contenteroit pas, en semblables desseins,
Deux belles, deux héros, deux auteurs, ni deux saints.
La MARQUISE DE LOUVOIS (1646-1715), Anne de Souvré, femme du ministre secrétaire d'État [180].
La PRINCESSE DE SOUBISE, Anne de Rohan-Chabot (1648-1709) [181], maîtresse de Louis XIV, femme vénale et sans scrupules, dont Mme de Caylus, dans ses Souvenirs, et Saint-Simon, dans ses Mémoires, parlent en termes sévères:
«Mme de Soubise étoit trop solide pour s'arrêter à des délicatesses de sentiment, que la force de son esprit ou la froideur de son tempérament lui 110 faisoit regarder comme des foiblesses honteuses. Uniquement occupée des intérêts et de la grandeur de sa maison, tout ce qui ne s'opposoit pas à ses vues lui étoit indifférent... Pour dire la vérité, je crois que Mme de Soubise et Mme de Montespan n'aimoient guère plus le roi l'une que l'autre. Toutes deux avoient de l'ambition; la première pour sa famille, la seconde pour elle-même. Mme de Soubise vouloit élever sa maison et l'enrichir; Mme de Montespan vouloit gouverner et faire sentir son autorité [182].»
Et Saint-Simon [183]:
«Elle (Mme de Soubise) avoit passé sa vie dans le régime le plus austère pour conserver l'éclat et la fraîcheur de son teint. Du veau et des poulets ou des poulardes rôties ou bouillies, des salades, des fruits, quelque laitage, furent sa nourriture constante, qu'elle n'abandonna jamais, sans aucun autre mélange, avec de l'eau quelquefois rougie, et jamais elle ne fut ........ comme les autres femmes, de peur de s'échauffer les reins et de se rougir le nez. Elle avoit eu beaucoup 111 d'enfants, dont quelques-uns étoient morts des écrouelles... Elle mourut à soixante et un an, le dimanche matin, 3 février, laissant la maison de la cour la plus riche et la plus grandement établie, ouvrage dû tout entier à sa beauté et à l'usage qu'elle en avoit su tirer.»
ANNE DE BAVIÈRE, PRINCESSE DE CONDÉ, fille d'Édouard de Bavière et d'Anne de Gonzague-Clèves (1648-1723) [184].
Son mari, fils du Grand Condé, était un homme singulier et terrible, une espèce de fou, dont Saint-Simon décrit longuement et magnifiquement toutes les bizarreries de caractère et les méchancetés:
«Fils dénaturé, cruel père, mari terrible, maître détestable, pernicieux voisin, sans amitié, sans amis, incapable d'en avoir, jaloux, soupçonneux, inquiet sans aucun relâche, plein de manèges et d'artifices à découvrir et à scruter tout..., colère et d'un emportement à se porter aux derniers excès même sur des bagatelles, difficile 112 en tout à l'excès, jamais d'accord avec lui-même... [185]»
Sa femme, «Mme la Princesse, étoit sa continuelle victime. Elle étoit également laide, vertueuse et sotte; elle étoit un peu bossue, et avec cela un gousset fin qui se faisoit suivre à la piste, même de loin. Toutes ces choses n'empêchèrent pas M. le Prince d'en être jaloux jusqu'à la fureur, et jusqu'à sa mort. La piété, l'attention infatigable de Mme la Princesse, sa douceur, sa soumission de novice, ne la purent garantir ni des injures fréquentes ni des coups de pied et de poing qui n'étoient pas rares... [186]»
«Elle étoit laide, bossue, un peu tortue et sans esprit, nous dit ailleurs Saint-Simon [187], mais douée de beaucoup de vertu, de piété, de douceur et de patience, dont elle eut à faire un pénible et continuel usage tant que son mariage dura, qui fut plus de quarante-cinq ans.»
MARIE D'ASPREMONT (1651-1692) [188], qui, à l'âge de treize ans, épousa presque clandestinement 113 le duc de Lorraine Charles IV, alors dans sa soixante-deuxième année, et fameux par tant de surprenantes et folles aventures, «la figure la plus étrange de l'histoire de Lorraine, et peut-être de l'histoire générale de l'Europe», a-t-on très justement dit de ce souverain [189].
Mme DACIER (1651-1720), fille du savant philologue Tanneguy Lefebvre ou Lefèvre, mariée à un philologue non moins érudit, André Dacier, et elle-même très érudite philologue, a rendu de grands services aux lettres par ses éditions et traductions des auteurs anciens; malheureusement, son esprit critique et son goût furent loin d'être à la hauteur de sa science. «Son livre De la corruption du goût, écrit contre La Motte à propos de son imitation en vers de l'Iliade et de son Discours sur Homère, est un modèle de mauvais style..., et d'inintelligence des questions qui se présentent,» remarque 114 B. Jullien, dans ses Thèses de critique [190]; et Sainte-Beuve a de même, à plusieurs reprises, reproché à Mme Dacier ses erreurs de jugement et de goût [191]. Avant eux, La Harpe s'est aussi montré très dur pour «cette madame Dacier, à qui Dieu fasse paix, mais à qui les amateurs des anciens et d'Homère ne pardonneront jamais sa malheureuse érudition [192]». Etc.
La savante traductrice d'Homère, «pensant 115 avoir trouvé dans les auteurs grecs toutes les indications les plus précises sur la cuisine de l'antiquité, eut l'idée de convier un jour la plupart de ses amis à un repas qu'elle prépara elle-même d'après les formules anciennes. Faisant contre mauvaise chère bonne contenance, après s'être efforcés de simuler une certaine satisfaction de la façon dont ils avaient été servis, les convives eurent tous bientôt la conviction d'être empoisonnés. Et l'histoire du festin grec de Mme Dacier est restée légendaire [193].»
La PRINCESSE PALATINE, Charlotte-Élisabeth de Bavière (1652-1722), femme de Philippe Ier, duc d'Orléans (Monsieur), frère de Louis XIV, devenu veuf en 1670 par la mort d'Henriette d'Angleterre [194].
C'est elle qui fut la mère du Régent. On connaît sa très curieuse et très libre correspondance, qui a été en partie traduite—car Madame sut toujours fort mal le français et employait de préférence sa langue maternelle—par l'érudit 116 bibliographe Gustave Brunet (Paris, Charpentier, 1869; 2 vol.), et par Ernest Jaeglé (Paris, Quantin, 1880; 2 vol.).
Saint-Simon a tracé d'elle plusieurs portraits; en voici un:
«Madame tenoit en tout beaucoup plus de l'homme que de la femme. Elle étoit forte, courageuse, Allemande au dernier point, franche, droite, bonne et bienfaisante, noble et grande en toutes ses manières, et petite au dernier point sur tout ce qui regardoit ce qui lui étoit dû. Elle étoit sauvage, toujours enfermée à écrire, hors les courts temps de cour chez elle; du reste, seule avec ses dames; dure, rude, se prenant aisément d'aversion, et redoutable par les sorties qu'elle faisoit quelquefois, et sur quiconque; nulle complaisance, nul tour dans l'esprit, quoiqu'elle ne manquât pas d'esprit... [195]»
Elle-même, avec sa courageuse franchise, s'est dépeinte en ces termes:
«Je dois être fort laide; je n'ai aucuns traits, 117 de petits yeux, un nez court et gros, les lèvres longues et plates; tout cela ne peut former une jolie figure; j'ai de grandes joues pendantes et une longue figure; je suis très petite, grosse et épaisse, le corps et les jambes courtes; en somme, je dois être une vilaine petite laideron. Si je n'avais un assez bon caractère, personne n'aurait pu me souffrir. Pour voir si j'ai de l'esprit dans les yeux, il faudrait qu'on les regardât avec un microscope ou tout au moins avec une lorgnette, ou plutôt il faudrait être sorcier pour le deviner [196].»
Elle était très peinée d'être femme: «J'aurais bien voulu être un garçon [197].»
La princesse Palatine avait l'habitude de lire chaque jour plusieurs pages de la Bible, et elle revient souvent, dans sa correspondance, sur cette lecture:
«Je ne manque jamais de lire la Bible; hier je lus les psaumes 54 et 55, les chapitres 14 et 15 de saint Matthieu, et 3 et 4 de saint Jean. Ce 118 matin, je n'ai pu rien lire, car nous avons été à la chasse du cerf [198].»
Voici, pour égayer quelque peu mon sujet, une plaisante anecdote contée par la princesse Palatine, dans une de ses lettres, si abondamment assaisonnées de gros sel, et qui rappellent à la fois Tallemant des Réaux, Gui Patin et Rabelais.
Le héros est le fils du chevalier de Lorraine, un écolier de douze ans, écolier terrible, faisant le désespoir des bons Pères, et qui, toute la nuit, se promenait dans le collège, au lieu de dormir dans sa chambre.
«Les Pères, écrit la princesse [199], le menacèrent, s'il n'y restait pas la nuit, de le fouetter d'importance. Le gamin s'en va chez un peintre et le prie de lui peindre deux saints sur les deux fesses, à savoir saint Ignace à droite, saint François-Xavier à gauche; ce que fait le peintre. L'autre remet bonnement ses hauts-de-chausse, s'en revient au collège, et commence cent méchantes 119 affaires. Les Pères l'appréhendent au corps et disent:
«Pour cette fois-ci vous aurez le fouet.»
«Le gamin se débat et supplie; mais ils lui répondent que les supplications n'y feront rien. Alors l'écolier se jette à genoux et s'écrie:
«O saint Ignace! ô saint Xavier! ayez pitié de moi et faites quelque miracle en ma faveur pour montrer mon innocence!»
«Là-dessus, les Pères lui descendent la culotte, et, comme ils lui lèvent la chemise pour le fesser, le gamin dit:
«Je prie avec tant de ferveur que je suis sûr que mon invocation aura effet!»
«Quand les Pères aperçoivent les deux saints, ils s'écrient:
«Miracle! celui que nous croyions un fripon est un saint!»
«Et ils se jettent à genoux, et ils impriment des baisers sur le postérieur, et ils réunissent tous les élèves...»
LA DUCHESSE DE NOAILLES, Marie-Françoise de Bournonville (1654?-1748).
«Femme d'un esprit supérieur», dit d'elle Ludovic Lalanne. Elle donna le jour à vingt et 120 un enfants, et mourut à quatre-vingt-quatorze ans [200].
La DUCHESSE DE LESDIGUIÈRES, Paule-Françoise Marguerite de Gondi de Retz (1655-1716) [201].
Elle est surtout connue par son intimité avec l'archevêque de Paris François de Harlay, qui la voyait «tous les jours de sa vie, ou chez elle ou à Conflans, dont il avoit fait un jardin délicieux, et qu'il tenoit si propre, qu'à mesure qu'ils s'y promenoient tous deux, des jardiniers les suivoient à distance pour effacer leurs pas avec des râteaux... La duchesse de Lesdiguières n'y couchoit jamais (à Conflans), mais elle y alloit toutes les après-dînées, et toujours tous deux tout seuls. Le 6 août (1695), il (l'archevêque) passa la matinée à son ordinaire jusqu'au dîner. Son maître d'hôtel vint l'avertir qu'il étoit servi. Il le trouva dans son cabinet, assis sur un canapé et renversé; il étoit mort [202].»
121 La duchesse de Lesdiguières avait rassemblé une belle bibliothèque dans son hôtel de la rue de la Cerisaie.
ÉLÉONORE-MAGDELEINE-THÉRÈSE, fille de Philippe-Guillaume, comte palatin DE NEUBOURG, femme de Léopold Ier, empereur d'Allemagne (1655?-1720) [203].
La MARQUISE DE CHAMILLART, Isabelle-Thérèse Le Rebours, femme du secrétaire d'État et ministre de Louis XIV (1657-1731).
Dans son domaine de l'Étang-la-Ville, la marquise de Chamillart avait rassemblé une bibliothèque fort remarquable [204].
Elle était très liée avec Mme de Maintenon, «dont elle subissait l'influence et qui lui avait inculqué ses habitudes de piété froide et de sévère étiquette».
Elle aimait la simplicité, et ce goût se remarque dans les livres qui «sont jansénistes, et ne portent ordinairement pour toute décoration extérieure que son chiffre: deux C entrelacés, frappés en or aux quatre coins des plats. Les armes sont 122 dans la doublure encadrée dans une simple roulette, à laquelle elle a laissé son nom [205].»
Les filles de Mme de Chamillard:
1o CATHERINE-ANGÉLIQUE, femme du marquis DE DREUX-BREZÉ (1683?-1739).
2o MARIE-THÉRÈSE, femme du duc DE LA FEUILLADE, maréchal de France (1684-1725?).
3o ÉLISABETH-GENEVIÈVE, femme du duc DE DURFORT DE LORGES (1685-1714) [206].
Saint-Simon, dont cette dernière, la duchesse de Lorges, était la belle-sœur, a tracé d'elle un vivant, et vigoureux, et superbe portrait, où nous voyons que cette grande dame était sans doute encore plus passionnée pour le jeu que pour les riches reliures:
«La duchesse de Lorges, troisième fille de Chamillard, mourut à Paris, en couche de son second fils, le dernier mai (1714), jour de la Fête-Dieu, dans sa vingt-huitième année. C'étoit une grande créature, très bien faite, d'un visage 123 agréable, avec de l'esprit et un naturel si simple, si vrai, si surnageant à tout, qu'il en étoit ravissant; la meilleure femme du monde et la plus folle de tout plaisir, surtout du gros jeu. Elle n'avoit quoi que ce soit des sottises de gloire et d'importance des enfants des ministres; mais tout le reste elle le possédoit en plein. Gâtée dès sa première jeunesse par une cour prostituée à la faveur de son père, avec une mère incapable d'aucune éducation, elle ne crut jamais que la France ni le roi pût se passer de son père. Elle ne connut aucun devoir, pas même de bienséance. La chute de son père ne put lui en apprendre aucun, ni émousser la passion du jeu et des plaisirs. Elle l'avouoit tout le plus ingénument du monde, et ajoutoit après qu'elle ne pouvoit se contraindre. Jamais personne si peu soigneuse d'elle-même, si dégingandée: coiffure de travers, habits qui traînoient d'un côté, et tout le reste de même, et tout cela avec une grâce qui réparoit tout. Sa santé, elle n'en faisoit nul compte; et, pour sa dépense, elle ne croyoit pas que terre pût jamais lui manquer. Elle était délicate, et sa poitrine s'altéroit. On le lui disoit: elle le sentoit, mais de se retenir sur rien, elle en étoit incapable. Elle acheva de se pousser à bout 124 de jeu, de courses, de veilles en sa dernière grossesse. Toutes les nuits elle revenoit couchée en travers dans son carrosse. On lui demandoit en cet état quel plaisir elle prenoit. Elle répondoit d'une voix qui de foiblesse avoit peine à se faire entendre qu'elle avoit bien du plaisir. Aussi finit-elle bientôt. Elle avoit été fort bien avec Mme la Dauphine, et dans la plupart de ses confidences. J'étois fort bien avec elle; mais je lui disois toujours que pour rien je n'eusse voulu être son mari. Elle étoit très douce, et, pour qui n'avoit que faire à elle, fort aimable [207].»
MARIE-BÉATRIX-ÉLÉONORE D'ESTE-MODÈNE (1658-1718) [208].
La DUCHESSE DE BEAUVILLIERS, ou DE SAINT-AIGNAN-BEAUVILLIERS, fille de Colbert, femme du duc de Beauvilliers, ami intime de Saint-Simon (1658?-1733) [209].
La DUCHESSE DE VENTADOUR, Charlotte-Éléonore-Madeleine de la Mothe-Houdancourt (1661?-1744) [210].
MARIE-LOUISE D'ORLÉANS (1662-1689), sœur consanguine du Régent, qui épousa le roi d'Espagne Charles II, possédait de beaux livres, qu'elle faisait timbrer des armes d'Espagne, accolées à celles d'Orléans [211].
LOUISE-FRANÇOISE DE MORTEMART, fille du maréchal de Vivonne, abbesse de Fontevrault en 1704 (1664-1742) [212].
MADEMOISELLE DE BLOIS, Marie-Anne de Bourbon, fille légitimée de Louis XIV et de Mlle de La Vallière, qui épousa Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti, est citée parmi les femmes bibliophiles (1666-1739) [213].
De même pour une autre MADEMOISELLE DE BLOIS, Françoise-Marie de Bourbon, fille légitimée 126 de Louis XIV et de Mme de Montespan, qui épousa Philippe, duc d'Orléans, et eut ainsi pour belle-mère la princesse Palatine (1677-1749): elle aussi eut le goût des beaux livres [214].
MARIE-ANNE-FRANÇOISE BIGNON DE VERTHAMON (1669?-1739) [215].
La COMTESSE DE VERRUE (1670-1736), la fameuse Dame de Volupté, fille du duc de Luynes, et maîtresse du roi de Sardaigne Victor-Amédée II de Savoie.
Elle avait la passion des collections d'art, et, lorsqu'elle vint habiter Paris, elle réunit, moitié dans son somptueux hôtel de la rue du Cherche-Midi, moitié dans son château de Meudon, une des plus belles bibliothèques de son temps, riche surtout en pièces de théâtre. Nous en savons la composition exacte grâce au catalogue dressé par Gabriel Martin, et qui se trouve à la Bibliothèque nationale.
Ses livres, au nombre d'environ 18.000, étaient «d'un choix exquis», dit Joannis Guigard [216] et, 127 pour la plupart, «habillés par les meilleurs artistes de l'époque».
La comtesse de Verrue annotait volontiers ses livres, ce qui prouve l'attention avec laquelle elle les lisait, et son goût pour l'étude: un exemplaire de l'ouvrage de Lenglet-Dufresnoy, De l'usage des romans, conservé jadis au dépôt du Louvre, était littéralement couvert de notes de sa main [217].
Elle-même avait composé son épitaphe:
Ci-gît, dans une paix profonde,
Cette Dame de Volupté,
Qui, pour plus grande sûreté,
Fit son paradis en ce monde [218].
ÉLISABETH-ROSALIE D'ESTRÉESs, fille de Jean, comte d'Estrées (1672?-1750) [219].
Mme DE CAYLUS, Marthe-Marguerite Le Valois de Villette de Mursay, nièce à la mode de Bretagne de Mme de Maintenon (1673-1729) [220].
128 Elle a laissé de très intéressants souvenirs, remplis d'anecdotes, de portraits, de fines et judicieuses remarques. Sainte-Beuve, qui lui a consacré un article [221], l'a intitulé: Mme de Caylus et de ce qu'on appelle URBANITÉ, confirmant un jugement de l'abbé Gédoyn qui «trouvait, dans Mme de Caylus, l'image la plus achevée et le plus parfait modèle de l'urbanité [222]».
MADEMOISELLE DE NANTES, Louise-Françoise de Bourbon, fille légitimée de Louis XIV et de Mme de Montespan, femme de Louis III, duc de Bourbon, prince de Condé (1673-1743).
Elle lisait beaucoup et annotait ses livres, et elle avait rassemblé une intéressante bibliothèque [223].
De son mariage avec le duc de Bourbon, prince de Condé, Mademoiselle de Nantes eut plusieurs enfants, dont cinq filles, qui témoignèrent des mêmes goûts que leur mère pour les livres:
129 1o MARIE-ANNE-GABRIELLE-ÉLÉONORE, religieuse à Fontevrault, puis abbesse de Saint-Antoine des Champs (1690-1760) [224];
2o LOUISE-ÉLISABETH, dite MADEMOISELLE DE CHAROLAIS; mariée, en 1713, à Louis-Armand DE BOURBON, prince DE CONTI (1693-1775).
La bibliothèque de la princesse de Conti, dont le catalogue, dressé par Prault fils, comprenait 1711 nos, fut vendue à Paris le 14 septembre 1775 et jours suivants. «Le catalogue très rare de cette bibliothèque mérite à bon droit d'être recherché, écrit M. Maurice Tourneux [225]. On y remarque, au milieu d'une foule de bons livres, un recueil de pièces de l'ancien théâtre français en 50 volumes in-4, maroquin bleu; une collection singulièrement riche de romans, nouvelles et contes (nos 535-955); et la série complète du Mercure (y compris les extraordinaires) de 1673 à 1774, en 853 volumes in-12.»
3o MARIE-ANNE, dite MADEMOISELLE DE CLERMONT (1697-1741);
130 4o HENRIETTE-LOUISE-FRANÇOISE-GABRIELLE, dite MADEMOISELLE DE VERMANDOIS, religieuse (1703-1772);
5o ÉLISABETH-ALEXANDRINE dite MADEMOISELLE DE SENS (1705-1765) [226].
La MARQUISE DE GRIGNAN, Anne-Marguerite de Saint-Amant ou Saint-Amand (1674?-1736) [227].
Son mari, qui était petit-fils de Mme de Sévigné, et fils du lieutenant général ou gouverneur de la Provence, avait reçu les prénoms de Louis-Provence: on lui avait donné, comme à un fils de souverain, le nom de cette province [228].
Mlle de Saint-Amand avait dix-huit ans, lors de son mariage, et était, au jugement de Mme de Sévigné, «jolie, aimable, sage, bien élevée, raisonnable au dernier point [229].» Au bout de quelques mois, comme il advient souvent dans ces 131 unions formées par la vanité des uns et les vues intéressées des autres, il y avait déjà mésintelligence dans le ménage [230].
Louis-Provence de Grignan, né en 1671 et mort en 1704, brigadier des armées du roi, fut l'ami de Saint-Simon, et voici en quels termes le grand mémorialiste parle du marquis et de la marquise de Grignan:
«Je perdis un ami avec qui j'avais été élevé, qui était un très galant homme, et qui promettait fort: c'était le fils unique du comte de Grignan et de cette Mme de Grignan si adorée dans les lettres de Mme de Sévigné, sa mère, dont cette éternelle répétition est tout le défaut. Le comte de Grignan, chevalier de l'ordre en 1688, s'était ruiné à commander en Provence, dont il était seul lieutenant général. Ils marièrent donc leur fils à la fille d'un fermier général fort riche. Mme de Grignan, en la présentant au monde, en faisait ses excuses; et avec ses minauderies en radoucissant ses petits yeux, disait qu'il fallait bien de temps en temps du fumier sur les meilleures terres. Elle se savait un gré infini de ce bon mot, qu'avec raison chacun trouva impertinent, quand on a fait un 132 mariage, et le dire entre bas et haut devant sa belle-fille. Saint-Amant, son père, qui se prêtait à tout pour leurs dettes, l'apprit enfin, et s'en trouva si offensé qu'il ferma le robinet. Sa pauvre fille n'en fut pas mieux traitée; mais cela ne dura pas longtemps. Son mari, qui s'était fort distingué à la bataille d'Hochstedt, mourut au commencement d'octobre (1704), à Thionville; on dit que ce fut de la petite vérole. Il avait un régiment, était brigadier et sur le point d'avancer. Sa veuve, qui n'eut point d'enfants, était une sainte, mais la plus triste et la plus silencieuse que je vis jamais. Elle s'enferma dans sa maison, où elle passa le reste de sa vie, peut-être une vingtaine d'années, sans en sortir que pour aller à l'église, et sans voir qui que ce fût [231]».
ÉLISABETH-CHARLOTTE D'ORLÉANS, sœur du Régent Philippe d'Orléans, et femme de Léopold Ier, duc de Lorraine (1676-1744) [232].
La DUCHESSE DU MAINE, Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon, femme de Louis-Auguste de Bourbon, 133 duc du Maine, fils naturel de Louis XIV et de Mme de Montespan (1676-1753).
Elle aimait beaucoup les livres, et elle tint à Sceaux une véritable cour littéraire, où Fontenelle, Malézieux, La Fare, Sainte-Aulaire, Chaulieu, et plus tard Voltaire faisaient avec elle assaut d'esprit [233].
Ces goûts littéraires ne l'empêchèrent pas de s'occuper de politique, comme le prouve cette conspiration de Cellamare dont elle fut l'inspiratrice. Souvent même, ainsi qu'on l'a remarqué [234], «la littérature fut pour elle le masque de la politique; et l'emblème dont elle timbrait ses livres était aussi le ralliement de ses alliés, les chevaliers de la Mouche à miel. Sur ses livres, en effet, étaient frappées des abeilles d'or, avec, autour de leur ruche, cette devise, tirée de l'Aminte du Tasse: Piccola si ma fa pur gravi le ferite (Je suis petite, mais je fais cependant de graves blessures),—allusion à la petite taille de la princesse 134 et à l'ordre galant de la Mouche à miel, qu'elle avait fondé en 1703.»
La DUCHESSE DE BRANCAS, Marie-Angélique Frémyn de Moras, femme de Louis-Antoine de Brancas, duc de Villars, comte de Lauraguais (1676-1763).
Sa bibliothèque, dont le catalogue, dressé par Prault, comprenait 750 nos, fut vendue, à Paris, peu après la mort de la duchesse, le 14 novembre 1763 et jours suivants [235].
La duchesse de Brancas, qui porta longtemps le titre de duchesse de Villars, a écrit ou plutôt dicté, dans sa vieillesse, de très piquants Mémoires, qui ont été publiés pour la première fois, en 1802, par son petit-fils le comte de Lauraguais; puis réédités, en 1865, par Louis Lacour, et, en 1890, par Eugène Asse.
La duchesse de Brancas était bien une femme de son époque, et que la sévérité des mœurs n'embarrassait guère. Saint-Simon nous a laissé 135 d'elle et de son digne époux, qui était livré à «une infâme débauche [236]», ce sanglant et admirable portrait:
«Le duc de Villars et sa femme, sans estime réciproque, qu'en effet ils ne pouvoient avoir, vivoient fort bien ensemble dans une entière et réciproque liberté, dont elle usoit avec aussi peu de ménagement de sa part que le mari de la sienne, qui le trouvoit fort bon, et en parloit même indifféremment quelquefois et jusqu'à elle-même devant le monde, et l'un et l'autre sans le moindre embarras. Mais elle étoit méchante, adroite, insinuante, intéressée comme une crasse de sa sorte, ambitieuse, avec cela artificieuse, rusée, beaucoup d'esprit d'intrigue, mais désagréable plus encore que son mari; et tous les deux bas, souples, rampants, prêts à tout faire pour leurs vues, et rien de sacré pour y réussir, sans affection, sans reconnaissance, sans honte et sans pudeur, avec un extérieur doux, poli, prévenant, et l'usage, l'air, la connaissance et le langage du grand monde [237].»
«En 1740, la duchesse de Villars, qui, depuis deux ans, portait le titre de duchesse de Brancas, 136 par suite de la mort de son beau-père, avait soixante-quatre ans. C'était, écrit Eugène Asse [238], une femme à l'esprit gaulois, dont l'anecdote suivante peut aider à se faire une idée: «Hier, M. de Richelieu, raconte d'Argenson [239], donna un grand souper à sa petite maison, par delà la barrière de Vaugirard. Tout y est en galanteries..., les lambris... ont des figures fort immondes. Le beau du début de ce souper étoit de voir la vieille duchesse de Brancas vouloir voir ces figures, mettre ses lunettes, et, avec une bouche pincée, les considérer froidement, pendant que M. de Richelieu tenoit la bougie et les lui expliquoit.»
La MARQUISE DE VIEUXBOURG ou DE VIEILBOURG, Louise-Françoise de Harlay de Cély (1680-1735).
«La marquise de Vieilbourg, remarquable par son intelligence et sa beauté, était passionnée pour les hautes spéculations de l'esprit. Elle avait colligé un superbe cabinet d'objets d'art et de 137 curiosité, et une bibliothèque du meilleur goût [240].»
Cette bibliothèque fut vendue après le décès de la marquise, en 1735; le catalogue, comprenant 1043 nos, avait été dressé et rédigé en latin par le libraire et bibliographe Gabriel Martin [241].
La MARQUISE DE VASSÉ, Anne-Bénigne-Fare-Thérèse de Beringhen, femme d'Emmanuel-Armand, marquis de Vassé, brigadier des armées du Roi (1682?-1749).
Sa bibliothèque, riche surtout en romans de chevalerie, et dont le catalogue comprenait 184 articles, fut vendue en 1750, peu après la mort de la marquise [242].
La COMTESSE DE BISSY, Sylvie-Angélique Andrault de Langeron (1684?-1771) [243].
138 La DUCHESSE DE LA VALLIÈRE, Marie-Thérèse de Noailles (1684-1784).
Son mari était le neveu de la maîtresse de Louis XIV, sœur Louise de la Miséricorde. La duchesse de la Vallière eut deux enfants, dont l'un fut Louis-César, duc de la Vallière, le bibliophile si connu [244].
La DUCHESSE DE BOURGOGNE, Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712) [245].
On sait l'influence que la duchesse de Bourgogne, la Dauphine, exerça sur Louis XIV et Mme de Maintenon. Elle avait «beaucoup d'esprit naturel, dit Saint-Simon [246], beaucoup de qualités aimables... Douce, timide, mais adroite, bonne jusqu'à craindre de faire la moindre peine à personne, et, toute légère et vive qu'elle étoit, très capable de vues et de suite de la plus longue haleine, la contrainte jusqu'à la gêne, dont elle sentoit tout le poids, sembloit ne lui rien coûter. La complaisance lui étoit naturelle, couloit de source; elle en avoit jusque pour sa cour.»
ÉLISABETH-MARGUERITE-ARMANDE DU PLESSIS ou DUPLESSIS DE RICHELIEU, dite Mademoiselle de Fronsac, prieure perpétuelle des Bénédictines de la Présentation, à Paris (1686-1744) [247].
Mme LE PELLETIER ou LE PELETIER, Marie-Madeleine de Lamoignon, femme du ministre d'État (1687?-1744) [248].
La COMTESSE DE TOULOUSE, Victoire de Noailles, femme du comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan (1688-1766) [249].
La PRINCESSE DE BAUFFREMONT, Hélène, princesse de Courtenay (1689-1768) [250].
MARIE-GABRIELLE-ÉLISABETH DU PLESSIS ou DUPLESSIS DE RICHELIEU (1689-....). Amie des livres, comme sa sœur Élisabeth-Marguerite-Armande 140 (Mademoiselle de Fronsac) précédemment nommée, Marie-Gabrielle-Élisabeth du Plessis de Richelieu a d'abord été religieuse à Port-Royal, puis, en 1724, abbesse du Trésor (abbaye cistercienne du diocèse de Rouen) [251].
VICTOIRE-MARIE-ANNE DE SAVOIE, mariée, en 1714, à Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan (1690-1766) [252].
MARIE-URANIE DE NOAILLES, fille du duc de Noailles, pair et maréchal de France, religieuse au couvent de la Visitation de Paris (1691-1710) [253].
CHARLOTTE-FRANÇOISE DE DIENNE (1691-....) [254].
ÉLISABETH FARNÈSE, fille d'Édouard II Farnèse, prince de Parme, mariée, en 1714, à Philippe V, roi d'Espagne (1692-1766) [255].
La DUCHESSE DE BERRY, Marie-Louise-Élisabeth, fille aînée du Régent, Philippe d'Orléans (1695-1719).
On connaît sa vie scandaleuse et toutes les folies commises par cette princesse. Quoique morte très jeune, et malgré sa dissipation et ses débauches, elle trouva le temps de se former une belle et luxueuse bibliothèque [256].
«La duchesse de Berry, si connue par ses goûts singuliers et l'excentricité de son caractère, dit de son côté Joannis Guigard [257], aimait beaucoup les livres; mais, si l'on en croit les Mémoires de la princesse Palatine, sa grand'mère, elle n'eut guère le temps de les lire, tant elle avait besoin de divertissements. Quoi qu'il en soit, ses livres étaient nombreux, choisis et bien reliés.»
142 Trois autres filles du Régent, Philippe II d'Orléans, ont été classées au nombre des bibliophiles:
LOUISE-ADÉLAIDE D'ORLÉANS, dite MADEMOISELLE DE CHARTRES, seconde fille du Régent (1698-1743).
Elle devint abbesse de Chelles, en 1719, «épouse de Jésus-Christ», et c'est à son sujet que le Régent déclarait être brouillé avec son gendre [258].
Une autre, LOUISE-ÉLISABETH D'ORLÉANS, dite MADEMOISELLE DE MONTPENSIER (1709-1742), qui fut reine d'Espagne, devint veuve en 1724, puis regagna la France en 1725, où elle se plongea dans une profonde dévotion, «fit exécuter un assez joli livre d'heures quelque temps avant sa mort»: d'où son titre de bibliophile [259].
Une autre encore, PHILIPPE-ÉLISABETH D'ORLÉANS, dite MADEMOISELLE DE BEAUJOLAIS (1714-1734), morte très jeune et sans alliance, a été, 143 comme ses susdites sœurs, réputée pour son amour des livres [260].
Bibliophile également, LOUISE-ADÉLAIDE DE BOURBON-CONTI, dite MADEMOISELLE DE LA ROCHE-SUR-YON (1696-1750) [261].
LA MARQUISE DU DEFFAND, née Marie de Vichy-Chamrond (1697-1780) [262].
Sa correspondance, qui est très volumineuse (2 vol. in-8, édition M. de Lescure; Paris, Plon, 1865;—3 vol. in-8, édition Sainte-Aulaire; Paris, Calmann-Lévy, 1877; etc.) est des plus intéressantes pour l'histoire des mœurs et des lettres au dix-huitième siècle. Devenue aveugle en 1753, Mme du Deffand, chez qui se réunissaient nombre d'hommes et de femmes remarquables, se faisait faire de longues lectures:
«...Je suis obligée de lire cinq ou six heures par jour; je commence à six heures du matin, et 144 cela dure souvent jusqu'à onze heures ou midi; les insomnies allongent mes jours et abrègent ma vie. On en pourrait faire une énigme [263].»
«Je passe des nuits sans dormir, et ce n'est le plus souvent qu'à midi que j'attrape le sommeil; je me fais lire cinq heures de suite... [264].»
Pessimisme et égoïsme, ces deux sentiments apparaissent fréquemment sous la plume de Mme du Deffand:
«Ceux qu'on nomme amis sont ceux par qui on n'a pas à craindre d'être assassiné, mais qui laisseraient faire les assassins [265].»
«Je jouis d'une sorte de plaisir, qui est d'observer l'orgueil et la vanité de tout le monde; il n'y a presque personne qui ne prétende à jouer un rôle; il y a peu de bons acteurs [266].»
«...Le plus beau jour de la vie est celui où on la quitte. Cela revient à peu près, Madame, à ce que 145 vous me dites si souvent: que le plus grand malheur est d'être né [267].»
Mme du Deffand déclarait assez cyniquement «qu'elle n'avait ni tempérament ni roman, ce qui ne l'empêcha pas d'être galante avant d'être philosophe [268].»
Sainte-Beuve, dans un de ses articles des Causeries du lundi [269], fait grand éloge du style et de la valeur littéraire des lettres de Mme du Deffand:
«Mme du Deffand est un de nos classiques par la langue et par la pensée... Elle est avec Voltaire, dans la prose, le classique le plus pur de cette époque, sans même en excepter aucun des grands écrivains.»
La MARQUISE D'AMBRES, Henriette-Antoinette de Mesmes (1698-1715) [270].
La MARQUISE DE PRIE, née Agnès Berthelot de Pleneuf (1698-1727) [271].»
Fille d'un financier, «qui s'était gorgé par bien des métiers», dit Saint-Simon [272], cette amie des livres eut une existence très mouvementée. En 1713, elle épouse le marquis de Prie, qui fut ambassadeur à Turin; rentre à Paris, en 1719, et devient la maîtresse du duc de Bourbon, qu'elle domina bientôt entièrement. Elle était belle, très ambitieuse, et quand son amant fut nommé premier ministre après la mort du Régent, elle exerça un pouvoir absolu, dont elle ne fit guère usage que pour satisfaire ses passions et sa rapacité. Dame du palais de Marie Leszczynska, qu'elle avait contribué à faire monter sur le trône, elle voulut faire chasser Fleury, alors évêque de Fréjus. Elle échoua; le duc de Bourbon fut disgracié (juin 1726); et, exilée en Normandie, la marquise de Prie ne put supporter son malheur et s'empoisonna l'année suivante.
La COMTESSE DE GÉLAS, Henriette-Antoinette de Mesmes (1698-....) [273].
La VICOMTESSE D'AUCHY, Charlotte des Ursins (....-1646).
Jamais personne ne fut si avide qu'elle de lectures—lectures en public—de toutes sortes, comédies, lettres, harangues et sermons même, dit Tallemant des Réaux [274]. Elle avait le goût des réunions littéraires, et «prestoit son logis avec un extresme plaisir pour de telles assemblées». Elle s'avisa même de créer chez elle «une certaine académie, où tour à tour chacun liroit quelque ouvrage». Cette académie paraît n'avoir été, au commencement du moins, qu'«une vraie cohue», selon l'expression de Tallemant, qui y alla une fois, «par curiosité».
On examinait et discutait de singulières questions dans ces séances. Un jour, un certain Boutard, qui devint dans la suite «président des trésories de France, à Montpellier,» et qui se 148 plaisait à berner et mystifier les gens, «traita des diverses façons de cracher; il en trouva cinquante-deux, dont il fit la démonstration aux dépens du tapis de pieds de la vicomtesse [275].»
LOUISE NOGARET DE LA VALETTE, abbesse à Metz (....-1647) [276].
La DUCHESSE DE VILLARS-BRANCAS, Julienne-Hippolyte d'Estrées, mariée, en 1597, à Georges de Brancas, duc de Villars (XVIIe siècle, décédée après 1657) [277].
Très coquette, et encore plus dévergondée, c'est ainsi que Tallemant des Réaux nous dépeint la duchesse de Villars. «C'estoit la plus grande escroqueuse du monde, ajoute-t-il [278]. Quand il fallut sortir du Havre, pour ne point faire crier toute la ville, car ils (son mari et elle) devoient à Dieu et au monde, elle fit publier que tous leurs créanciers vinssent un certain jour parler à elle. Elle parla à tous en particulier, leur avoua qu'elle 149 n'avoit point d'argent, mais qu'elle avoit, en deux ou trois lieux qu'elle leur nomma, des magasins de pommes à cidre pour dix ou douze mille escus; qu'elle leur en donneroit pour les deux tiers de leur debte, et une promesse pour le reste payable en tel temps. Elle disoit cela à chacun avec protestation qu'elle ne traitoit pas les autres de la sorte, et qu'il se gardast bien de s'en vanter. Les pauvres gens, les plus contents du monde, prirent chascun en paiement un ordre aux fermiers de donner à l'un pour tant de pommes et pour tant à l'autre; mais quand ils y furent, ils ne trouvèrent en tout que pour cinq cents livres de pommes.»
MARIE-ANNE CHRISTINE DE BAVIÈRE, femme du Grand Dauphin, fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse (....-1690).
Elle avait des goûts sérieux, aimait les lettres, et elle protégea Racine [279].
MARIE-CATHERINE LE CAMUS DE NICOLAI (....-1698) [280].
CHARLOTTE D'ALBERT D'AILLY DE CHAULNES, religieuse à l'Abbaye-aux-Bois, puis à Poissy (....-1707) [281].
LOUISE-ISABELLE D'ANGENNES DE RAMBOUILLET, religieuse, abbesse de Saint-Étienne de Reims, décédée presque nonagénaire (....-1707) [282].
Mme FRANÇOISE DOUJAT, Madeleine Tiraqueau, dont le mari était maître d'hôtel du roi (....-1709) [283].
La MARQUISE DE LAMOIGNON-BAVILLE, Marie-Jeanne Voysin, mariée, en 1674, à Chrétien-François Lamoignon, marquis de Baville (....-1727).
Conseiller au Parlement, puis avocat général, puis président à mortier, Chrétien-François Lamoignon fut nommé membre de l'Académie des inscriptions, en 1704. Comme son père, il était lié avec les beaux esprits du temps, et c'est 151 à lui que Boileau a adressé sa sixième épître. La bibliothèque du président Lamoignon, qui renfermait d'importants manuscrits, est passée en Angleterre [284].
DIANE-FRANÇOISE D'ALBRET, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers de 1650 à 1680 (XVIIe siècle) [285].
La COMTESSE DE BERLAYMONT, Marguerite de Lalaing (XVIIe siècle) [286].
Mme NICOLAS BOUCOT, née Néthine (XVIIe siècle) [287].
La MARQUISE DE BULLION-WIDEVILLE, Marie-Catherine de Beauveau (XVIIe siècle).
Sa bibliothèque contenait une fort belle collection d'œuvres dramatiques [288].
HONORÉE DE BUSSY (XVIIe siècle) [289].
Mme DUGAS DE BOIS-SAINT-JUST, née Maindestre (XVIIe siècle).
Son mari était échevin de la ville de Lyon en 1658 et prévôt en 1696 [290].
Mme LOUISE DE DURFORT, fille de Jean de Durfort, mariée, en 1683, à Jean-Louis de Durfort, son cousin (XVIIe siècle) [291].
La MARQUISE DE FOUQUET, Marie-Jeanne Guyon (XVIIe siècle) [292].
N. DE GROSSOLLES DE FLAMARENS, abbesse des Bénédictines (XVIIe siècle) [293].
La PRINCESSE DE GUÉMÉNÉ, mariée, en 1617, à Louis VII de Rohan, prince de Guéméné, son cousin germain (XVIIe siècle) [294].
La DUCHESSE DE LA ROCHEFOUCAULD, femme de l'auteur des Maximes (XVIIe siècle) [295].
MADELEINE DE LÉRIS (XVIIe siècle) [296].
ERNESTINE DE LIGNE, mariée à Jean, comte de Nassau-Dillenbourg-Siegen, général de la cavalerie de Flandre (XVIIe siècle) [297].
CLAUDE DE LORRAINE, fille du duc Henri II de Lorraine, mariée en 1634 (XVIIe siècle) [298].
Mme THÉVENOT, femme de Melchisédech Thévenot, garde de la Bibliothèque du roi (XVIIe siècle).
Melchisédech Thévenot (vers 1620-1692), qui avait beaucoup voyagé, avait rapporté en France quantité de livres rares et de manuscrits précieux. Il tenait, dans sa maison d'Issy, des réunions périodiques, où chaque invité rendait compte des expériences et découvertes scientifiques qu'il faisait: ce fut là, dit Ménage, l'origine de l'Académie des sciences.
Un neveu de Melchisédech Thévenot, Jean de Thévenot (avec la particule nobiliaire) (1633-1667), qui fut aussi un infatigable voyageur et qui mourut en Arménie, passe pour être l'introducteur du café en France [299].
La reine MARIE LESZCZYNSKA, femme de Louis XV (1703-1768).
Cette princesse, victime résignée, vertueuse, se réfugia dans la religion et aussi dans le culte des arts. Le roi, dans sa froideur était avec la reine «d'une régularité impitoyable. D'Argenson écrit: Il lui fit sept enfants sans lui dire un mot. [300]»
Non seulement elle s'occupait de peinture, de gravure et de musique, mais elle lisait beaucoup, même des ouvrages ardus, principalement des livres pieux et des récits historiques. Sa bibliothèque, peu nombreuse, était composée de volumes traitant surtout de ces deux sujets: religion et histoire. Ses livres, reliés par Padeloup, sont conservés pour la plupart à la Bibliothèque nationale [301].
La reine Marie Leszczynska avait fait établir une petite imprimerie dans son cabinet, et elle 156 se plaisait à composer et à imprimer de jolis livres de piété, dont elle faisait cadeau à son entourage. Elle avait ainsi fait de l'imprimerie un amusement, et mis cet amusement à la mode [302].
La DUCHESSE D'ORLÉANS, Auguste-Marie-Jeanne de Bade, femme de Louis, duc d'Orléans, belle-fille du Régent, bisaïeule du roi Louis-Philippe (1704-1726) [303].
La DUCHESSE DE BOUFFLERS, plus tard DUCHESSE ET MARÉCHALE DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG, ou MARÉCHALE DE LUXEMBOURG, Madeleine-Angélique de Neufville de Villeroy (1707-1787) [304].
Mariée en 1721, à quatorze ans, à Joseph-Marie, duc de Boufflers, mort en 1747, Madeleine-Angélique de Neufville de Villeroy épousa en secondes noces, en 1750, Charles-François-Frédéric 157 de Montmorency-Luxembourg, maréchal de France [305]. C'est sur elle que le comte de Tressan fit la fameuse chanson:
Quand Boufflers parut à la cour,
On crut voir la mère d'Amour;
Chacun s'empressait à lui plaire,
Et chacun l'avait à son tour [306].
158 «Quand Mme de Boufflers chantait plus tard ce couplet, elle s'arrêtait au dernier vers et disait: J'ai oublié le reste. Un jour, elle se mit à marmotter cette chanson devant M. de Tressan lui-même, en disant: «Connaissez-vous l'auteur? Elle est si jolie que non seulement je lui pardonnerais, mais je crois que je l'embrasserais.» Tressan y fut pris comme le corbeau de la fable, et il dit: «Eh bien, c'est moi!» Elle lui appliqua deux bons soufflets [307].»
Il est très fréquemment question de la maréchale de Luxembourg dans les Confessions de Jean-Jacques, qui l'avait connue alors qu'elle était la duchesse de Boufflers, et à qui elle témoigna un vif intérêt.
Trois grandes dames du dix-huitième siècle, toutes trois grandes amies des galants plaisirs mais aussi des livres et des lettres, ont porté le nom de Boufflers [308].
159 «Il y eut trois femmes du nom de Boufflers fort célèbres et très à la mode dans le grand monde et dans le même temps, écrit Sainte-Beuve [309]: la duchesse de Boufflers... qui échangea plus tard son nom contre celui de maréchale-duchesse de Luxembourg. Ce fut la dernière figure tout à fait en vue de vieille femme et de grande dame imposante dans l'ancienne société...
«Il y avait encore la marquise de Boufflers, la digne mère du léger et spirituel chevalier, l'amie du bon roi Stanislas, et qui faisait les beaux jours de la petite Cour de Lunéville à l'époque où Mme du Châtelet et Voltaire y étaient invités. C'est à elle que le bon vieux roi disait un soir en la quittant et en lui baisant plusieurs fois la main, devant son chancelier, qui passait pour en être lui-même amoureux: «Mon chancelier vous dira le reste.» On citait de sa façon maint couplet, des impromptus de société, des épigrammes, et peu de personnes, nous dit La Harpe, ont mis dans ces sortes de bagatelles une tournure plus piquante. Mais... femme aimable et qu'on aime à rencontrer dans ce monde-là, elle n'a pas, dans l'histoire de la société d'alors, le degré d'importance des deux autres.
160 «La comtesse de Boufflers, qu'on a souvent confondue avec la précédente, et qui, sans qu'on veuille en rien faire tort à celle-ci, lui était, au dire de bons témoins, «supérieure en figure, en agréments, en esprit et en raison»; qui avait aussi, il faut en convenir, plus de prétentions qu'elle au bel esprit et à l'influence, a pour qualité distinctive d'avoir été l'amie du prince de Conti, celle de Hume l'historien, de Jean-Jacques, du roi de Suède Gustave III; elle est perpétuellement désignée dans la Correspondance de Mme du Deffand sous le nom de l'Idole: le prince de Conti ayant dans sa juridiction le Temple en qualité de grand-prieur, la dame favorite qui y venait, qui même y logeait et y avait son jardin et son hôtel attenant, s'appelait tout naturellement l'Idole du Temple ou, par abréviation, l'Idole.»
Voici, toujours empruntées à Sainte-Beuve, quelques anecdotes sur la comtesse de Boufflers:
«Un jour, oubliant qu'elle était la maîtresse du prince de Conti, il lui échappa de dire qu'elle méprisait une femme qui avait (c'était le mot d'alors) un prince du sang. Comme on lui faisait sentir l'inconséquence: «Je veux, dit-elle, rendre à la vertu par mes paroles ce que je lui ôte par mes actions.»
161 «Un autre jour, elle reprochait vivement à son amie la maréchale de Mirepoix de voir Mme de Pompadour, et, se laissant emporter à la vivacité de l'altercation, elle alla jusqu'à dire: «Ce n'est, au bout du compte, que la première fille du royaume.»—«Ne me forcez pas de compter jusqu'à trois», répliqua la maréchale. La seconde, en effet, eût été Mlle Marquise, maîtresse du duc d'Orléans, et, par ordre de rang ou de préséance, Mme de Boufflers venait la troisième. La repartie était cruelle» [310].
Si inconstante et légère qu'elle fût, dans sa jeunesse du moins, la comtesse de Boufflers est l'auteur d'un curieux code de morale mondaine et de sagesse virile, voire stoïque, qui ne laisse pas d'étonner sous sa plume, et dont, souvent et certainement, elle aurait dû mieux faire elle-même son profit:
«Dans la conduite, simplicité et raison.
«Dans l'extérieur, propreté et décence.
«Dans les procédés, justice et générosité.
«Dans l'usage des biens, économie et libéralité.
«Dans les discours, clarté, vérité, précision.
162 «Dans l'adversité, courage et fierté.
«Dans la prospérité, modestie et modération.
«Dans la société, aménité, obligeance, facilité.
«Dans la vie domestique, rectitude et bonté sans familiarité.
«S'acquitter de ses devoirs selon leur ordre et leur importance.
«Ne s'accorder à soi-même que ce qui vous serait accordé par un tiers éclairé et impartial.
«Éviter de donner des conseils; et, lorsqu'on y est obligé, s'acquitter de ce devoir avec intégrité, quelque danger qu'il puisse y avoir.
«Lorsqu'il s'agit de remplir un devoir important, ne considérer les périls et la mort même que comme des inconvénients et non comme des obstacles.
«Tout sacrifier pour la paix de l'âme.
«Combattre les malheurs et la maladie par la tempérance.
«Indifférent aux louanges, indifférent au blâme, ne se soucier que de bien faire, en respectant, autant qu'il sera possible, le public et les bienséances.
«Ne se permettre que des railleries innocentes, qui ne puissent blesser ni les principes ni le prochain.
163 «Mépriser le crédit, s'en servir noblement et mériter la considération [311].»
La DUCHESSE DE MIREPOIX, Anne-Marguerite-Gabrielle de Beauveau-Craon (1707-1791) [312].
La DUCHESSE DE MONTMORENCY-BOUTEVILLE, Anne-Angélique de Harlus de Vertilly (1709?-1769) [313].
La DUCHESSE DE RUFFEC, Marie-Jeanne-Louise Bauyn d'Angervilliers, veuve en premières noces du président de Maisons, ami de Voltaire, et en second lieu d'Armand-Jean de Saint-Simon, duc de Ruffec, pair de France, maréchal de camp, grand d'Espagne de première classe (1711?-1761).
164 Très instruite dans l'histoire et les lettres, douée d'un esprit vif et d'un jugement sûr, la duchesse de Ruffec avait rassemblé une collection de livres qui passait, avec raison, pour l'une des plus remarquables de son temps.
La vente de cette importante bibliothèque eut lieu à Paris, le 8 mars 1762 et jours suivants, peu après le décès de la duchesse [314].
La DUCHESSE DE BRANCAS ou DE VILLARS-BRANCAS, Louise-Diane-Françoise de Clermont-Gallerande (1711-1784).
Sa bibliothèque, composée de 3000 à 4000 volumes, tous d'un très bon choix, bien conditionnés, dont beaucoup étaient reliés en maroquin, et qui contenait «quelques livres d'histoire naturelle enluminés avec soin», fut mise en vente à Paris, après le décès de la duchesse, le 28 décembre 1784 et jours suivants [315].
La DUCHESSE DE BRANCAS-LAURAGUAIS, Diane-Adélaïde de Mailly (1714-1769).
Sa bibliothèque fut mise en vente à Paris le 21 mai 1770 [316].
Mme DE WATTEVILLE (ou VATTEVILLE), Marie-Louise-Rosalie Phelypeaux de Pontchartrain, marquise de Conflans (1714-....) [317].
Mme DUREY DE NOINVILLE, Marie-Suzanne-Françoise-Pauline de Simiane (1715-....) [318].
La DUCHESSE DE BEAUVILLIERS DE SAINT-AIGNAN, Marie-Suzanne-Françoise de Creil de Bournezeau (1716-....).
«Pieuse et riche, dit le duc de Luynes, la duchesse de Beauvilliers avait réuni un grand nombre d'ouvrages, la plupart sur des matières religieuses [319].»
La PRINCESSE DE LA TOUR D'AUVERGNE, Louise-Henriette-Gabrielle de Lorraine, dite Mademoiselle de Marsan (1718-....) [320].
Mme THIROUX D'ARCONVILLE, Marie-Geneviève-Charlotte Darlus (1720-1805).
Mariée à quatorze ans à Thiroux, conseiller au Parlement, elle fut atteinte de la petite vérole à vingt-trois ans, et on la vit alors abandonner les plaisirs du monde, prendre le costume d'une vieille femme, et ne plus s'occuper que des plaisirs de l'esprit. Elle étudia l'histoire, la médecine, la physique, la chimie, etc., suivit les cours d'anatomie et de botanique du Jardin du roi, et acquit des connaissances aussi étendues que variées. Elle réunissait dans son salon les hommes les plus distingués de son temps, et elle a publié de nombreux ouvrages: romans, histoire, morale, etc. [321].
167 Comme la reine Marie Leszczynska, sa rivale auprès du roi, la MARQUISE DE POMPADOUR (1721-1764) avait le goût des arts, s'amusait à dessiner et à graver, et on avait constaté que le burin de la maîtresse triomphait de celui de l'épouse [322].
La marquise de Pompadour aimait aussi les livres et la lecture. Elle protégea les artistes, les philosophes, les savants, et elle a été l'inspiratrice du goût artistique de son époque.
Sa bibliothèque était considérable: «la partie du théâtre est la plus complète qui ait existé avant La Vallière» [323]. Ses livres, bien choisis, «habillés avec soin par Biziaux, qui fut plus tard le relieur de Beaumarchais, sont tous fort recherchés. Quelques-uns portent une inscription qui fait sourire quand on pense à la favorite qui les posséda la première. On lit au-dessus de ses armes: Menus plaisirs du Roi! C'est un souvenir de leur passage dans l'établissement où fut portée, après la mort de Mme de Pompadour, une partie de sa bibliothèque [324].»
168 Mme de Pompadour s'est, tout comme Marie Leszczynska, occupée d'imprimerie. «Elle fit imprimer à Versailles, dans sa chambre, sous ses yeux, le Cantique des Cantiques et le Précis de l'Ecclésiaste paraphrasés par Voltaire; elle fit aussi imprimer Rodogune, princesse des Parthes, AU NORD, 1760, in-4, pour l'édition de laquelle M. de la Fizelière rapporte la curieuse note de M. de Marigny, qui se trouvait sur l'exemplaire du comte d'Ourche, de Nancy:
«Ma sœur eut un jour la curiosité de voir imprimer. Le Roi fit venir un petit détachement de l'Imprimerie royale, et l'on fit imprimer dans la chambre de Mme de Pompadour, à Versailles, et sous ses yeux, la présente tragédie de Rodogune. Il en a été tiré très peu d'exemplaires.»
«Comme l'appartement de ma sœur était situé 169 au Nord, on a mis pour lieu d'impression: Au Nord.
«Elle a gravé elle-même à l'eau-forte, d'après Boucher, la planche qu'on voit en tête du volume [325].»
La DUCHESSE DE FLEURY, Anne-Madeleine-François (sic) d'Auxy de Monceaux (1721-....) [326].
La MARQUISE DE GAMACHES, Jeanne-Gabrielle de la Mothe-Houdancourt, chanoinesse d'honneur du chapitre des dames de Neufville, diocèse de Lyon (1723?-1777) [327].
MARIE-LOUISE DE MONTMORENCY-LAVAL, dernière abbesse de l'abbaye de Montmartre (1723-1794).
Elle périt sur l'échafaud, durant la Révolution, et comme elle était d'une surdité complète, Fouquier-Tinville fit sur elle ce sinistre jeu de mots:
170 «Elle a dû conspirer, mais elle a conspiré sourdement [328].»
La MARQUISE DE LA CROIX DE CASTRIES, Marie-Louise-Angélique de Talaru de Chalmazel (1723-....) [329].
Mme DE CLERMONT, Alison ou Alise Tranquille (1724-1752) [330].
MARIE-AMÉLIE-CHRISTINE DE SAXE, fille de Frédéric-Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, mariée, en 1738, à Charles III, roi d'Espagne (1724-1760) [331].
La DUCHESSE DE NOAILLES, Catherine-Françoise-Charlotte Cossé-Brissac, morte sur l'échafaud (1724?-1793) [332].
Mme D'ÉPINAY, Louise-Florence-Pétronille d'Esclavelle de la Live, marquise d'Épinay (1725-1783).
Elle avait épousé un fermier général, et a été l'amie de J.-J. Rousseau, de Voltaire, de Diderot, de Duclos, de Grimm, de Saint-Lambert, de l'abbé Galiani, etc. Elle a laissé des Mémoires, qui, a-t-on dit, «sont peut-être l'ouvrage qui nous fait le mieux connaître la société polie du dix-huitième siècle [333]».
MARIE-THÉRÈSE-ANTOINETTE D'ESPAGNE, première femme du Dauphin, Louis de France, fils de Louis XV (1726-1746) [334].
La MARQUISE DE VASSÉ, Louise-Madeleine Courtarvel de Pezé (1727-1763) [335].
La MARQUISE DE DURFORT-CIVRAC, Marie-Françoise de Pardaillan de Gondrin d'Antin (1728-1764) [336].
La PRINCESSE DE GRIMALDI, Marie-Christine-Chrétienne de Saint-Simon de Rouvray (1728-1774) [337].
La DUCHESSE DE NOAILLES, Anne-Claude-Louise d'Arpajon, duchesse de Mouchy et de Noailles; morte, ainsi que son mari, sur l'échafaud (1728?-1794) [338].
La CHEVALIÈRE ou plutôt le CHEVALIER D'ÉON, Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Timothée de Beaumont d'Éon (1728-1810), célèbre aventurier, a laissé une bibliothèque intéressante [339].
173 En 1763, Louis XV l'autorisa ou lui ordonna, on ne sait trop pourquoi, de porter des habillements de femme, et ce costume, que le chevalier d'Éon conserva le reste de sa vie, fit naître, sur la nature de son sexe, des doutes qui ne furent levés définitivement qu'après sa mort et par le procès-verbal de son autopsie. On a de lui treize volumes d'histoire, d'économie politique, etc. [340].
L'IMPÉRATRICE CATHERINE II, de Russie (1729-1796).
Elle avait orné son esprit et fortifié son caractère par les lectures les plus sérieuses: Tacite, Plutarque, Bayle, Montesquieu, Voltaire, etc. Voltaire la nommait la Sémiramis du Nord. Elle attira Diderot à sa cour, mais ne put l'y retenir que quelques mois. Elle lui vint très délicatement en aide, en lui achetant sa bibliothèque au prix 174 de 15.000 francs, «mais à la condition qu'il la garderait sa vie durant, et consentirait à en être le bibliothécaire avec un traitement annuel de 1.000 francs». Elle poussa même la générosité jusqu'à lui payer cinquante ans d'avance,—soit 50.000 francs [341].
Mme D'ALIGRE, Françoise-Madeleine Talon, première femme du président d'Aligre (1730-1767) [342].
La DUCHESSE DE GRAMONT-CHOISEUL, Béatrix de Choiseul-Stainville, l'altière et impérieuse sœur du duc de Choiseul, ministre de Louis XV (1730-1794).
Elle posséda une belle bibliothèque, bien composée, et témoigna de son amour pour les arts et les lettres. Il est très fréquemment question d'elle dans la correspondance de Mme du Deffand.
Incarcérée pendant la Révolution, la duchesse de Gramont (ou Grammont) fut interrogée par 175 Fouquier-Tinville, qui lui demanda si elle n'avait pas envoyé d'argent aux émigrés. «J'allais dire non, répondit-elle, mais ma vie ne vaut pas un mensonge.» Elle périt sur l'échafaud, fièrement, comme elle avait vécu [343].
La COMTESSE D'HOUDETOT, Élisabeth-Françoise-Sophie de la Live de Bellegarde (1730-1813), qui était la belle-sœur de Mme d'Épinay, se plaisait à versifier [344], et elle est surtout connue par sa longue liaison avec le poète Saint-Lambert, et la passion qu'elle inspira à Jean-Jacques.
La bibliothèque de «Mme veuve d'Houdetot» fut vendue à Paris le 18 mai 1813 et jours suivants. Le catalogue en avait été dressé par Merlin. 176 «Le no 596 était le manuscrit de Julie ou la Nouvelle Héloïse (6 vol. in-8) transcrit par Jean-Jacques pour Mme d'Houdetot de 1757 à 1758, c'est-à-dire deux ans avant la publication. «La grande netteté qui règne dans les six volumes, dit une note de Merlin, atteste le soin que Rousseau apporta dans ce travail. On peut juger, par une note de Mme d'Houdetot mise en tête du premier volume, du cas que cette dame faisait du livre et de l'auteur [345].»
La comtesse d'Houdetot avait une belle-fille du même nom, la VICOMTESSE D'HOUDETOT, «femme aimable, spirituelle, morte de très bonne heure; elle laissa quelques vers que ses amis se plurent à recueillir après elle et à faire imprimer en un tout petit volume (Poésies de la vicomtesse d'Houdetot, 1782). Or, on y lit en tête une notice, qu'on sait être de la plume du cardinal Loménie de Brienne. Le prélat, le croirait-on? y loue cette jeune dame de son incrédulité:
«Jamais on n'a vu, dit-il, dans une si jeune personne autant de philosophie; et cette philosophie influait également sur ses opinions et sur sa conduite. Elle n'admettait que ce qui 177 lui paraissait évidemment prouvé, aimait à disputer, parce qu'elle avait presque toujours une opinion à elle, et ne cédait qu'à la conviction ou enfin à la convenance.»
«Et lorsqu'il en vient à raconter la dernière maladie de cette jeune femme, le cardinal écrit:
«Elle craignait la mort parce qu'elle devait la séparer de tout ce qui lui était cher. Ma vie peut être remplie de peines, disait-elle, mais il est affreux de n'être rien; je crois la souffrance préférable au néant.»
«Le cardinal n'ajoute rien qui corrige cette opinion du néant après la mort, ni qui avertisse qu'il ne la partageait pas; c'est qu'il la partageait en effet,» conclut Sainte-Beuve [346].
Mme DE SARTINE, Marie-Anne Hardy du Plessis (1730-....).
Son mari était le lieutenant général de police Sartine (1729-1801), qui, avec un zèle opiniâtre, avait rassemblé une collection considérable de documents sur l'histoire de Paris [347].
178 MARIE-JOSÈPHE DE SAXE, seconde femme du Dauphin, fils de Louis XV, et mère de Louis XVI, de Louis XVIII et de Charles X (1731-1767).
Elle fut mariée à quatorze ans, et son mari passa sa nuit de noces à pleurer sa première femme.
Elle vécut toujours très retirée, et possédait une réelle érudition. Elle avait le goût des livres, et elle en imprima elle-même quelques-uns, sous la direction de Ch.-J.-B. Delespine, ancien imprimeur du roi, devenu l'huissier de son cabinet [348].
La PRINCESSE DE CONTI, Fortunée-Marie d'Este, fille du duc de Modène (1731-1803) [349].
La DUCHESSE DE VILLEROI ou DE NEUFVILLE DE VILLEROY ou DE NEUVILLE-VILLEROI, Jeanne-Louise-Constance d'Aumont (1731-1816), a laissé 179 une très importante bibliothèque, composée surtout de poésies et de romans, et qui se distinguait par la beauté des exemplaires et l'élégance des reliures. «Elle eut, de son temps, une grande réputation d'indépendance et d'originalité, et fournit des articles piquants aux Actes des apôtres et au Petit-Gauthier, deux feuilles royalistes des premiers temps de la Révolution. On lui doit aussi une traduction de l'Histoire de la Grèce de Gillies, Goldsmith et Gast, revue par Leuliette (Paris, 1808, 2 vol. in-8) [350].
La DUCHESSE DE CRUSSOL, Madeleine-Julie-Victoire de Pardaillan-Gondrin (1731-....) [351].
MESDAMES DE FRANCE, filles de Louis XV:
MARIE-ADÉLAIDE (1732-1800);
VICTOIRE-LOUISE-MARIE-THÉRÈSE (1733-1799);
SOPHIE-PHILIPPINE-ÉLISABETH-JUSTINE (1734-1782).
180 Madame Adélaïde (Marie-Adélaïde), que son père appelait familièrement Loque, apprit l'anglais, l'italien, les hautes mathématiques, etc. Au dire de Quentin-Bauchart, c'est la seule des trois qui «fut une véritable bibliophile [352]». Elle faisait relier ses livres en maroquin rouge.
Madame Victoire, surnommée de même Coche par Louis XV, faisait relier ses livres en maroquin vert.
Madame Sophie, Graille pour son père, les faisait relier en maroquin citron [353].
Tous ces volumes étaient timbrés aux armes de France dans un écu en losange [354] surmonté d'une couronne ducale.
Les trois sœurs étaient de grandes liseuses: «elles faisaient, dit le duc de Luynes, des entreprises de grande lecture, dont elles venaient à bout [355].»
Les catalogues manuscrits des livres de «Mesdames» se trouvent actuellement à la Bibliothèque 181 de l'Arsenal. Celui de la bibliothèque de Madame Adélaïde, daté de 1786, comprend 430 pages et 5286 articles; il forme un superbe in-folio, écrit en belle bâtarde et en ronde, et est orné d'un frontispice colorié, où Madame Adélaïde est représentée en Minerve, casque en tête, devant un bureau chargé de livres, de cartes et d'instruments de physique.
Notons que Madame Victoire contractait volontiers des emprunts dans les collections publiques et ne restituait pas toujours ce qui lui avait été prêté. «Nombre d'estampes demandées par elle en communication ne sont jamais rentrées», nous apprend un ancien conservateur de la Bibliothèque nationale, Henri Bouchot [356].
Une autre fille de Louis XV, la dernière, Madame LOUISE (Louise-Marie: 1737-1787), qui 182 fut religieuse aux Carmélites de Saint-Denis, était encore plus passionnée que ses sœurs pour la lecture. A une certaine époque, «Mme Campan la lui faisait cinq heures par jour; et comme ce n'était pas sans fatigue, la princesse lui préparait elle-même de l'eau sucrée, et s'excusait de la faire lire si longtemps, sur la nécessité d'achever un cours de lecture qu'elle s'était prescrit» [357].
C'est Madame Louise, qui, durant ses derniers moments, redevenue princesse dans son délire sans cesser d'être nonne, et croyant toujours commander à son cocher ou à son écuyer, lui intimait cet ordre, de sa voix défaillante: «Au paradis, vite, vite! au grand galop!» [358].
La MARQUISE DE LAMETH, Marie-Thérèse de Broglie (1732-1819) [359].
La DUCHESSE DE ROHAN-CHABOT, Émilie de Crussol d'Uzès (1732-....) [360].
183 La MARQUISE DE VOYER D'ARGENSON, Jeanne-Marie-Constance de Mailly (1734-1783) [361].
La DUCHESSE DE MAZARIN, Louise-Jeanne de Durfort (1735-1781).
La vente de ses livres eut lieu à Paris, peu après sa mort, le 12 janvier 1782 et jours suivants [362].
La DUCHESSE DE CHOISEUL-STAINVILLE, Louise-Honorine Crozat du Châtel, femme du ministre de Louis XV (1735?-1802).
De même que son père, que son mari, et que sa belle-sœur, la duchesse de Gramont-Choiseul, mentionnée ci-dessus à son rang chronologique, la duchesse de Choiseul aima passionnément les livres. Elle protégea les savants et les gens de lettres et particulièrement l'abbé Barthélemy [363]. C'est elle qui, en vrai philosophe de son siècle, écrivait un jour à son amie Mme du Deffand 184 qu'«il ne faut parler de Dieu ni en bien ni en mal» [364].
La DUCHESSE DE RIOCOURT ou RIOCOUR, Madeleine-Jeanne-Claire Morel, dame de Vitry-la-Ville, Vauciennes, Chappes, etc., baronne du Bois ou de Boys (1735-1812) [365].
La PRINCESSE DE CONDÉ, Charlotte-Godefride-Élisabeth de Rohan-Soubise, femme de Louis-Joseph, duc de Bourbon, prince de Condé (1737?-1760) [366].
Mme LE PELLETIER ou LE PELETIER, Louise-Suzanne de Beaupré (1737?-1762).
Son mari était président à mortier au Parlement de Paris [367].
185 Mme DE MONTESSON, Charlotte-Jeanne Béraud de la Haie de Riou, marquise de Montesson (1737-1806).
Devenue veuve, en 1769, du marquis de Montesson, elle inspira à Louis-Philippe, duc d'Orléans, petit-fils du Régent, une passion si vive qu'il l'épousa secrètement. «Le roi, écrit M. Paul Chaponnière [368], donna son consentement verbal (à ce mariage), à condition que la marquise ne prendrait jamais le nom de duchesse d'Orléans ni les armes de la famille. Elle n'en habita pas moins le Palais-Royal, mais la famille royale s'abstint d'assister aux spectacles organisés par le duc d'Orléans. Celui-ci, selon un mot de l'ambassadeur de Naples, ne pouvant faire Mme de Montesson duchesse d'Orléans, s'était fait lui-même M. de Montesson.»
La marquise de Montesson était sœur utérine de la mère de Mme de Genlis, par conséquent tante de cette dernière.
Bien que, au dire de sa nièce, «elle fût d'une ignorance extrême et n'eût pas la moindre instruction», elle eut l'idée singulière de devenir auteur [369], et elle a composé, après avoir sommairement 186 étudié sans doute les règles de la grammaire et de la prosodie, un grand nombre de pièces de théâtre, qu'elle faisait représenter chez elle, et où elle jouait elle-même. Elle a laissé une importante bibliothèque qui a été acquise par M. de Soleinne [370].
Alexandre Dumas, qui a eu occasion, dans son enfance, d'aller chez Mme de Montesson et de la voir de près, donne sur elle, dans ses Mémoires [371], d'intéressants renseignements:
«Le caractère excellent de Mme de Montesson fit longtemps le bonheur de ce prince (du duc d'Orléans) et son propre bonheur.
«Elle s'occupait de musique et des chasses, dont elle partageait les plaisirs avec le prince.
«Elle avait un théâtre dans l'hôtel qu'elle habitait à la Chaussée d'Antin, théâtre sur lequel elle jouait avec lui. Le duc d'Orléans, né bonhomme et naïf, réussissait dans les rôles de paysan, et Mme de Montesson dans ceux de bergère et d'amante.
«Feu Mme la duchesse d'Orléans avait prostitué 187 cette maison au point que les dames n'y venaient qu'avec des réserves étudiées et suivies. Mme de Montesson y rétablit le bon ton, la dignité, rouvrit la porte aux plaisirs délicats, et ranima le goût des arts, du bel esprit, et y ramena souvent la gaieté et la bonhomie.»
En mourant, Mme de Montesson laissa toute sa fortune au comte de Valence, qui avait épousé Mlle de Genlis. Celle-ci, qui l'appelait sa tantâtre, a parlé d'elle dans ses Souvenirs, et généralement, ainsi que nous l'avons vu tout à l'heure, elle ne la juge pas très favorablement. «Mme de Montesson, dit-elle encore, jouait à mon gré fort mal la comédie, parce qu'en cela, comme en toutes choses, elle manquait de naturel.»
Entre autres ouvrages, on doit à Mme de Montesson un recueil intitulé Œuvres anonymes (Paris, 1782-1785, 8 vol. in-8), comprenant des mélanges et des pièces de théâtre, qui n'a été tiré qu'à douze exemplaires, est devenu très rare, et, à cause de cette rareté, est recherché des bibliophiles [372].
ANNE-THÉRÈSE-PHILIPPINE D'YVE (1738-1814), dame belge, née à Bruxelles. Elle fut «un des beaux esprits de son temps», dit Joannis Guigard [373]; ses idées démocratiques et l'amour du bien la rendirent célèbre en Belgique. Sa bibliothèque passait, à juste titre, pour l'une des plus riches de l'Europe, soit par la rareté des ouvrages, soit par l'excellence de la condition des volumes.
MADELEINE-CHARLES-ÉMILIE LE FÈVRE-CAUMARTIN DE LA COUR (1738?-1814) [374].
La MARQUISE DE PIGNATELLI D'EGMONT, Jeanne-Sophie-Élisabeth-Louise-Armande-Septimanie de Richelieu (1740-1773) [375].
La MARQUISE DE FOUQUET, Hélène-Julie-Rosalie Mancini-Mazarini, dite Mademoiselle de Nevers (1740-1780?) [376].
Mme DU BARRY, Marie-Jeanne Gomard Vaubernier, comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV (1743-1793) [377].
Elle était fille naturelle d'une couturière nommée Bécu ou Béqus, dite Quantiny ou Cantigny; elle savait à peine lire, et écrivait plus mal encore qu'elle ne lisait.
«La Du Barry, quoique fort belle, n'était guère en état de former, seule, une bibliothèque, remarque Joannis Guigard [378], elle qui ne pouvait pas écrire un mot sans faire une faute d'orthographe: son libraire se chargea de la formation de cette bibliothèque. On y remarqua d'abord de bons ouvrages d'histoire, de littérature et même de morale; puis des productions plus légères, que son fournisseur y fit entrer sans doute pour distraire les instants du monarque blasé. Louis XV, dit-on, parut enchanté du goût littéraire de sa 190 nouvelle maîtresse, et, lorsque celle-ci envoya sa collection au château de Versailles, il s'écria: «La marquise de Pompadour avait plus de livres que la comtesse, mais ils n'étaient pas si bien reliés ni si bien choisis; aussi nous la nommerons bibliothécaire de Versailles.»
La bibliothèque de Mme du Barry, bibliothèque sans importance,—«des livres sans intérêt bibliographique, mal reliés, et qui ne se recommandent que par la célébrité de mauvais aloi de celle qui les a possédés», déclare Ernest Quentin-Bauchart [379], a été étudiée en détail par M. Léon de Labessade [380] et par Paul Lacroix.
La Du Barry inscrivait sur ses livres cette fière, galante et plaisante devise: Boutez en avant! Ils étaient au nombre d'un millier, et, pour la plupart, reliés en maroquin rouge [381]. Parmi ces volumes, il y en avait paraît-il, d'un genre spécial; la noble dame possédait un enfer, qui, 191 dit-on, est devenu la propriété d'un amateur tourangeau [382].
«Aimer le livre, l'acquérir, le conserver, lui procurer le vêtement et le couvert, écrit M. Léon de Labessade en terminant son étude sur la bibliothèque de la Du Barry, c'est travailler pour l'avenir, c'est faire œuvre d'artiste et de savant. Mme du Barry, elle, conserva les livres; il lui sera beaucoup pardonné, parce qu'elle prodigua avec intelligence [383] le maroquin et les petits fers. Que la terre lui soit légère: elle aima le livre!»
La PRINCESSE DE CHIMAY, Laure-Auguste Fitz-James (1744-1814) [384].
La DUCHESSE DE DURFORT-CIVRAC, Adélaïde-Philippine de Durfort de Lorges (1744-1819) [385].
La DUCHESSE DE DURFORT DE DURAS, Louise-Henriette-Charlotte-Philippine de Noailles (1745-1832) [386].»
La DUCHESSE DE LA ROCHEFOUCAULD, Félicité-Sophie de Lannion (1745-....). Le duc François-Alexandre-Frédéric de la Rochefoucauld, duc de Liancourt, qu'elle épousa en 1764, fut pair de France, membre de l'Académie des sciences, et le fondateur ou promoteur de nombre d'établissements utiles [387].
Mme DE GENLIS, marquise de Brulard ou Brulart, née Stéphanie-Félicité Ducrest de Saint-Aubin (1746-1830) [388].
Mme de Genlis a beaucoup écrit [389] et encore plus menti, dans ses Mémoires et ailleurs. On a très justement dit d'elle qu'elle était «le mensonge incarné». «Nul écrivain peut-être n'a poussé plus loin le brigandage littéraire que 193 Mme de Genlis. Elle eut, à ce sujet, en 1830, un procès déplorable avec le libraire Roret, éditeur de la collection des Manuels. Elle s'était engagée, moyennant 400 francs, à composer pour lui un Manuel encyclopédique de l'enfance. On allait imprimer le manuscrit, qui avait été payé, lorsqu'on s'aperçut qu'il était la copie exacte d'un livre du même genre, publié, en 1820, par M. Masselin. Il fallut un jugement pour que le libraire obtint la restitution de son argent [390].»
La marquise THIROUX DE CROSNE, Anne-Adélaïde de la Michodière (1747-....) [391].
195 La PRINCESSE DE LAMBALLE, Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan (1748-1792).
La princesse de Lamballe inspira, comme on le sait, une vive tendresse à Marie-Antoinette, lui témoigna un grand dévouement, et fut massacrée à la prison de la Force le 3 septembre 1792.
Elle a laissé un petit nombre de livres, qui sont de condition médiocre [392].
La MARQUISE DE MAILLY, Marie-Anne de Talleyrand-Périgord (1748-....) [393].
La DUCHESSE DE POLIGNAC, Yolande-Martine-Gabrielle de Polastron, femme du duc de Polignac et gouvernante des enfants de France (vers 1749-1793).
Amie intime et favorite de Marie-Antoinette, qui la combla d'honneurs, elle, son mari et sa famille, ce qui n'empêcha pas le duc et la duchesse de Polignac d'être des premiers à émigrer 196 et à abandonner leur bienfaitrice (16 juillet 1789) [394].
Elle est rangée par Quentin-Bauchart [395] et par Joannis Guigard [396] au nombre des femmes bibliophiles.
MARIE-LOUISE-THÉRÈSE DE BOURBON, fille de Philippe, duc de Parme, femme de Charles IV, roi d'Espagne (1751-1819) [397].
Mme CARLIN LE BRET, née Hue de Miromesnil (1751-....) [398].
La COMTESSE D'ALBANY, femme du prétendant anglais Charles-Édouard Stuart, puis du poète Alfieri, et amie du peintre Xavier Fabre, de Montpellier (1752-1824).
197 Elle avait la passion de la lecture, et une passion qui ne fit que s'accroître avec l'âge. Dans sa retraite de Florence, après sa promenade matinale aux Cascine, elle se réfugiait au milieu de ses livres, et ne les quittait pour ainsi dire plus. «C'est un grand plaisir, écrivait-elle en décembre 1802, que de passer son temps à parcourir les différentes idées et opinions de ceux qui ont pris la peine de les mettre sur le papier. C'est le seul plaisir d'une personne raisonnable à un certain âge; car les conversations sont médiocres et bien faibles, et toujours très ignorantes... Je passe ma journée, au moins une grande partie, au milieu de mes livres... Je ne trouve pas de meilleure et plus sûre compagnie: au moins on peut penser avec eux.» «Les livres, disait-elle encore, ont toujours plus d'esprit que les hommes qu'on rencontre.» La comtesse d'Albany faisait de Montaigne sa lecture habituelle: «C'est mon bréviaire que ce Montaigne, ma consolation, et la patrie de mon âme et de mon esprit», déclarait-elle [399].
La COMTESSE DE PROVENCE, Marie-Joséphine-Louise de Savoie, fille de Victor-Amédée III, roi de Sardaigne, mariée, en 1771, à Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence, plus tard Louis XVIII (1753-1810).
Comme son époux, elle eut le goût des lettres et des arts. Sa bibliothèque était composée avec beaucoup d'intelligence, et comprenait 1665 volumes, la plupart reliés en maroquin rouge, qui ont été dispersés à la Révolution [400].
Mlle RAUCOURT (1753-1815), la fameuse tragédienne si décriée pour ses mœurs, a donné, en certaine occasion, un témoignage de son affection pour ses livres.
Après avoir fait, à ses débuts, «les délices de tout Paris», elle s'était vue huée sur la scène, à cause de ses scandales, et peu à peu sa situation était devenue des plus obérées. «Avec mille écus de rente, elle a trouvé le moyen de faire pour cent mille écus de dettes depuis quatre ans qu'elle était à la Comédie [401].»
199 Dans le courant de l'année 1779, tout fut saisi chez elle; et, désireuse de sauver quelques débris de sa fortune, c'est à ses livres et à ses estampes que Mlle Raucourt donna la préférence. Elle fit transporter chez son intime amie et émule Mme de Sourques, «une grande malle renfermant quantité de livres couverts en maroquin rouge, livres de théâtre et estampes des meilleurs auteurs... Ce fut avec beaucoup de peine que le commissaire Boullanger en obtint la restitution et la réintégration au logis de la tragédienne, à la Chaussée d'Antin [402].»
Parmi les ouvrages figurant dans la bibliothèque de Mlle Raucourt,—et tous prouvent que cette bibliothèque était des mieux composées,—nous citerons: le dictionnaire de Trévoux, le dictionnaire de Moréri, le théâtre de Corneille, le théâtre de Voltaire, Molière, La Chaussée, Grécourt, Racine, Destouches, Boileau, l'Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, Regnard, Crébillon, Virgile, Anacréon, Sapho [403], etc.
La DUCHESSE D'ORLÉANS, Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, femme de Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans, dit Égalité (1753-1821).
Elle fut la mère du roi Louis-Philippe et de Madame Adélaïde (Eugène-Louise) [404].
Dès son bas âge, Mme ROLAND, Marie ou Manon, Jeanne Phlipon (1754-1793), témoigna le goût le plus vif pour la lecture. Ainsi que son maître Rousseau, elle ne sait non plus comment elle apprit à lire:
«Vive sans être bruyante, et naturellement recueillie, je ne demandais qu'à m'occuper, écrit-elle dans ses Mémoires [405], et saisissais avec promptitude les idées qui m'étaient présentées. Cette disposition fut mise tellement à profit que je ne me suis jamais souvenue d'avoir appris à lire; j'ai ouï dire que c'était chose faite à quatre ans, et que la peine de m'enseigner s'était, pour ainsi dire, terminée à cette époque, parce que, dès lors, il n'avait plus été besoin que de ne pas me laisser manquer de livres. Quels que fussent 201 ceux qu'on me donnait ou dont je pouvais m'emparer, ils m'absorbaient tout entière, et l'on ne pouvait plus me distraire que par des bouquets. La vue d'une fleur caresse mon imagination et flatte mes sens à un point inexprimable; elle réveille avec volupté le sentiment de l'existence. Sous le tranquille abri du toit paternel, j'étais heureuse dès l'enfance avec des fleurs et des livres: dans l'étroite enceinte d'une prison, au milieu des fers imposés par la tyrannie la plus révoltante, j'oublie l'injustice des hommes, leurs sottises et mes maux, avec des livres et des fleurs [406]...
202 «Avec les livres élémentaires dont on avait soin de me fournir, j'épuisai bientôt ceux de la petite bibliothèque de la maison. Je dévorais tout, et je recommençais les mêmes lorsque j'en manquais de nouveaux. Je me souviens de deux in-folio de Vies des Saints, d'une Bible de même format en vieux langage, d'une ancienne traduction des Guerres civiles d'Appien, d'un Théâtre de la Turquie en mauvais style, que j'ai relus bien des fois. Je trouvai ainsi le Roman comique de Scarron et quelques recueils de prétendus bons mots, que je ne relus pas deux fois; les Mémoires du brave de Pontis, qui m'amusaient, et ceux de Mlle de Montpensier, dont j'aimais assez la fierté, 203 et quelques autres vieilleries, dont je vois encore la forme, le contenu et les taches. La rage d'apprendre me possédait tellement, qu'ayant déterré un Traité de l'Art héraldique, je me mis à l'étudier; il y avait des planches coloriées qui me divertissaient, et j'aimais à savoir comme on appelait toutes ces petites figures: bientôt j'étonnai mon père de ma science en lui faisant des observations sur un cachet composé contre les règles de l'art; je devins son oracle en cette matière, et je ne le trompais point. Un petit Traité des Contrats me tomba sous la main; je tentai aussi de l'apprendre, car je ne lisais rien que je n'eusse l'ambition de le retenir; mais il m'ennuya, je ne conduisis pas le volume au quatrième chapitre.
«La Bible m'attachait, et je revenais souvent à elle. Dans nos vieilles traductions, elle s'exprime aussi crûment que les médecins; j'ai été frappée de certaines tournures naïves qui ne me sont jamais sorties de l'esprit. Cela me mettait sur la voie d'instructions que l'on ne donne guère aux petites filles; mais elles se présentaient sous un jour qui n'avait rien de séduisant, et j'avais trop à penser pour m'arrêter à une chose toute matérielle qui ne me semblait pas aimable. Seulement 204 je me prenais à rire quand ma grand'maman me parlait de petits enfants trouvés sous des feuilles de choux, et je disais que mon Ave Maria m'apprenait qu'ils sortaient d'ailleurs, sans m'inquiéter comment ils y étaient venus.
«J'avais découvert, en furetant par la maison, une source de lectures que je ménageai assez longtemps. Mon père tenait ce qu'on appelait son atelier tout près du lieu que j'habitais durant le jour; c'était une pièce agréable, qu'on nommerait un salon, et que ma modeste mère appelait la salle, proprement meublée, ornée de glaces et de quelques tableaux, dans laquelle je recevais mes leçons. Son enfoncement, d'un côté de la cheminée, avait permis de pratiquer un retranchement qu'on avait éclairé par une petite fenêtre; là, était un lit si resserré dans l'espace que j'y montais toujours par le pied, une chaise, une petite table et quelques tablettes; c'était mon asile. Au côté opposé, une grande chambre, dans laquelle mon père avait fait placer son établi, beaucoup d'objets de sculpture et ceux de son art, formait son atelier. Je m'y glissais le soir ou bien aux heures de la journée où il n'y avait personne; j'y avais remarqué une cachette où l'un des jeunes gens (des jeunes apprentis ou ouvriers 205 employés par son père, le maître graveur Phlipon) mettait des livres. J'en prenais un à mesure; j'allais le dévorer dans mon petit cabinet, ayant grand soin de le remettre aux heures convenables, sans en rien dire à personne. C'était, en général, de bons ouvrages. Je m'aperçus un jour que ma mère avait fait la même découverte que moi; je reconnus dans ses mains un volume qui avait passé dans les miennes; alors je ne me gênai plus, et, sans mentir, mais sans parler du passé, j'eus l'air d'avoir suivi sa trace. Le jeune homme qu'on appelait Coursou, auquel il joignit le de par la suite en se fourrant à Versailles instituteur des pages, ne ressemblait point à ses camarades; il avait de la politesse, un tact décent, et cherchait de l'instruction. Il n'avait jamais rien dit non plus de la disparition momentanée de quelques volumes; il semblait qu'il y eût entre nous trois une convention tacite.
«Je lus ainsi beaucoup de voyages que j'aimais passionnément, entre autres ceux de Renard (Regnard), qui furent les premiers; quelques théâtres des auteurs du second ordre, et le Plutarque de Dacier. Je goûtai ce dernier ouvrage plus qu'aucune chose que j'eusse encore vue, même d'histoires tendres qui me touchaient pourtant 206 beaucoup, comme celle des époux malheureux de La Bédoyère, que j'ai présente, quoique je ne l'aie pas relue depuis cet âge. Mais Plutarque semblait être la véritable pâture qui me convînt. Je n'oublierai jamais le carême de 1763 (j'avais alors neuf ans), où je l'emportais à l'église en guise de Semaine sainte. C'est de ce moment que datent les impressions et les idées qui me rendaient républicaine, sans que je songeasse à le devenir.
«Télémaque et la Jérusalem délivrée vinrent un peu troubler ces traces majestueuses. Le tendre Fénelon émut mon cœur, et le Tasse alluma mon imagination. Quelquefois je lisais haut, à la demande de ma mère: ce que je n'aimais pas; cela me sortait du recueillement qui faisait mes délices, et m'obligeait à ne pas aller si vite; mais j'aurais plutôt avalé ma langue que de lire ainsi l'épisode de l'île de Calypso, et nombre de passages du Tasse. Ma respiration s'élevait, je sentais un feu subit couvrir mon visage, et ma voix altérée eût trahi mes agitations. J'étais Eucharis pour Télémaque, et Herminie pour Tancrède; cependant, toute transformée en elles, je ne songeais pas encore à être moi-même quelque chose pour personne; je ne faisais point de retour sur 207 moi, je ne cherchais rien autour de moi; j'étais elles et je ne voyais que les objets qui existaient pour elles; c'était un rêve sans réveil...
«Ces ouvrages dont je viens de parler firent place à d'autres, et les impressions s'adoucirent; quelques écrits de Voltaire me servirent de distraction. Un jour que je lisais Candide, ma mère s'étant levée d'une table où elle jouait au piquet, la dame qui faisait sa partie m'appela du coin de la chambre où j'étais et me pria de lui montrer le livre que je tenais. Elle s'adresse à ma mère, qui rentrait dans l'appartement, et lui témoigne son étonnement de la lecture que je faisais; ma mère, sans lui répondre, me dit purement et simplement de reporter le livre où je l'avais pris. Je regardai de bien mauvais œil cette petite dame, à figure revêche, grosse à pleine ceinture, grimaçant avec importance, et depuis oncques je n'ai souri à Mme Charbonné. Mais ma bonne mère ne changea rien à son allure fort singulière, et me laissa lire ce que je trouvais, sans avoir l'air d'y regarder, quoiqu'en sachant fort bien ce que c'était. Au reste, jamais livre contre les mœurs ne s'est trouvé sous ma main; aujourd'hui même je ne sais que les noms de deux ou trois, et le goût que j'ai acquis ne m'a 208 point exposée à la moindre tentation de me les procurer.
«Mon père se plaisait à me faire de temps en temps le cadeau de quelques livres, puisque je les préférais à tout; mais, comme il se piquait de seconder mes goûts sérieux, il me faisait des choix fort plaisants, quant aux convenances; par exemple, il me donna le traité de Fénelon sur l'éducation des filles, et l'ouvrage de Locke sur celle des enfants; de manière qu'on donnait à l'élève ce qui est destiné à diriger les instituteurs. Je crois pourtant que cela réussissait très bien, et que le hasard m'a servie mieux peut-être que n'auraient fait les combinaisons ordinaires.»
MARIE-PAULINE DE LÉZARDIÈRE (1754-1835) fut moins une bibliophile qu'une amie passionnée de la science historique. Elle a laissé un ouvrage considérable, originairement publié en huit volumes, la Théorie des lois politiques de la France, destiné à compléter une section de l'Esprit des lois de Montesquieu, et qui a mérité les éloges d'Augustin Thierry. Voici ce que le grand historien écrit à ce sujet:
«Il y avait, en 1771, dans un château éloigné 209 de Paris [407], une jeune personne éprise d'un goût invincible pour les anciens monuments de notre histoire, et qui, selon le témoignage d'un contemporain [408], s'occupait avec délices des formules de Marculfe, des capitulaires et des lois des peuples barbares. Blâmée d'abord et combattue par sa famille, qui ne voyait dans cette passion qu'un travers bizarre, Mlle de Lézardière, à force de persévérance, triompha de l'opposition de ses parents, et obtint d'eux les moyens de suivre son penchant pour l'étude et les travaux historiques. Elle y consacra ses plus belles années, dans une profonde retraite, ignorée du public, mais soutenue par le suffrage de quelques hommes de science et d'esprit [409], et par l'ambition, un peu téméraire, de combler une lacune 210 laissée par Montesquieu dans le livre de l'Esprit des lois [410].»
Bien que terminé en 1791, et tout imprimé, le grand travail de Mlle de Lézardière ne put paraître à cette époque, les magasins du libraire ayant été pillés durant une émeute et l'édition à peu près détruite. Quelques exemplaires furent recueillis, puis circulèrent en 1801; mais ce n'est que longtemps après, en 1844, qu'un frère de Mlle de Lézardière publia une nouvelle édition, en quatre volumes in-8, de l'ouvrage de sa sœur [411].
La REINE MARIE-ANTOINETTE, femme de Louis XVI (1755-1793).
Elle avait rassemblé deux importantes bibliothèques, l'une au petit Trianon, l'autre au château des Tuileries. Ces volumes sont, pour la plupart, reliés en maroquin rouge aux armes de France et d'Autriche accolées.
Le catalogue de la bibliothèque de Trianon a été publié par Louis Lacour, sous le titre de: Livres du boudoir de la reine Marie-Antoinette 211 (Paris, Gay, 1862, in-16). Un inventaire de cette même bibliothèque, dressé par ordre de la Convention, a été publié, d'après le manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal, par Paul Lacroix, sous ce titre: Bibliothèque de la reine Marie-Antoinette au petit Trianon. Ces livres furent déposés, en 1800, à la Bibliothèque publique de Versailles, et les doubles vendus, en vertu d'une délibération du Conseil municipal de cette ville.
On a prétendu que beaucoup des volumes de la bibliothèque de Trianon étaient d'un genre ultra-léger; Ernest Quentin-Bauchart conteste, avec raison, cette assertion, et estime que ces volumes ne sont pas plus «scandaleux» que ceux de tant d'autres grandes dames de cette époque. Ils n'ont même rien de scandaleux du tout [412].
212 Les livres de la seconde bibliothèque de Marie-Antoinette, de la Bibliothèque du château des Tuileries, «portaient presque tous, soit au dos, soit sur les plats, au bas des armes, les initiales couronnées C. T. [Château des Tuileries]. Ils furent transportés, en 1793, à la Bibliothèque nationale, où ils sont aujourd'hui [413].» Le catalogue de cette bibliothèque a été dressé, et forme un volume manuscrit, conservé à la Bibliothèque nationale; il comprend 146 pages in-4. Dans l'avertissement placé au début de ce catalogue, on trouve d'intéressants détails sur le classement et le rangement des livres de la reine:
«Son cabinet de livres est composé de dix armoires séparées chacune par une cloison, et chaque armoire contient huit tablettes ou rayons. Chaque armoire est marquée par une lettre de l'alphabet, à commencer par celle que Sa Majesté a à sa main gauche en passant la porte par laquelle elle va de sa chambre dans sa bibliothèque. Cette armoire est désignée par la lettre A. Celle qui se trouve à droite de la même porte est l'armoire B, et ainsi de suite en faisant le tour jusqu'à la lettre K [414].»
213 Ce catalogue est divisé en deux parties; dans la première les livres sont inscrits par ordre de matière, dans la seconde ils sont rangés par ordre alphabétique. Les divisions par ordre de matière avaient été faites par le roi lui-même: «Pour ces divisions, on a suivi celles que le roi a indiquées lui-même, en faisant le premier arrangement des livres, qui a épargné au bibliothécaire plus de la moitié de son travail [415].»
Les divisions sont au nombre de quatre: Religion, Histoire, Arts (Sciences et Arts), Belles-Lettres.
La division de la Religion comprenait d'abord 53 articles, qui, plus tard, ont été portés à 69; l'Histoire, 140; les Sciences et Arts, 60; les Belles-Lettres, 93. On remarque, dans cette dernière division: les Femmes illustres, de Scudéry; la Princesse de Clèves et Zaïde, de Mme de la Fayette; les Aventures de Télémaque; les Mémoires du Chevalier de Grammont, par Hamilton; Gil-Blas; les Contes moraux, de Marmontel; presque tous les romans de Mme Riccoboni; Robinson Crusoé, Gulliver, Tom Jones, de Fielding; Clarisse Harlowe et Grandisson, de Richardson; les Contes 214 de fées, de Mme d'Aulnoy; la traduction de Shakespeare, par Letourneur; etc.
La COMTESSE D'ARTOIS, Marie-Thérèse de Savoie, seconde fille du duc Victor-Amédée III, mariée en 1773 au comte d'Artois, futur Charles X, sœur de la comtesse de Provence (1756-1805).
Sa bibliothèque, une des plus importantes de l'époque, fut formée par les soins du littérateur François-Félix Nogaret, l'auteur du Fond du sac. Ses livres étaient reliés en maroquin rouge, avec un simple «trois filets», comme ceux de sa sœur, avec lesquels on les confond souvent [416].
Le duc de DEVONSHIRE, William (1748-1811), épousa en premières noces la fille du comte Spencer, GEORGINA (1757-1806), et en secondes noces la fille de lord Hervey, ÉLISABETH (1759-1824), qui, toutes les deux, montrèrent un vif penchant pour les lettres et les livres [417].
LOUISE-ADÉLAIDE DE BOURBON-CONDÉ, tante du duc d'Enghien (1757-1824).
Elle témoigna toute sa vie d'une austère piété, fut abbesse de Remiremont, et vécut pour ainsi dire dans les couvents,—ce qui ne l'empêcha pas d'entretenir, en 1786 et 1787, avec un jeune officier, M. de la Gervaisais, une correspondance galante, qui a été publiée, en 1834, par Ballanche [418].
On l'a dite aussi amie des livres.
MADAME ÉLISABETH, Philippine-Marie-Hélène de France, sœur de Louis XVI (1764-1794).
Sa bibliothèque était «la plus considérable après celle de la reine» (Marie-Antoinette).
Madame Élisabeth, qui périt sur l'échafaud, après son frère, «vécut retirée, fuyant les plaisirs, s'appliquant avec ardeur à l'étude des mathématiques»: elle composa même une table de logarithmes très ingénieuse, admirée par le savant Lalande [419].
216 «Madame Élisabeth, écrit de son côté Eugène Asse [420], avait reçu une éducation sévère, sous la surveillance de la comtesse de Marsan, gouvernante des Enfants de France, et surtout de la baronne de Mackau, sous-gouvernante. C'est à leurs soins patients que fut due la transformation qui eut lieu dans le caractère de la jeune princesse, née emportée et violente: ce fut une répétition de ce qu'autrefois Fénelon avait fait pour le duc de Bourgogne... Toutefois il est juste de dire, en ce qui concerne Madame Élisabeth, que si l'éducation en fit la plus vertueuse des princesses, elle laissa subsister en elle une énergie qu'on aurait souhaitée à son frère.
«Elle reçut de Guillaume Le Blond des leçons d'histoire et de géographie, suivit même assidûment les cours de physique de l'abbé Nollet. Le docteur Le Monnier, médecin des Enfants de France, et le docteur Dassy lui apprirent la botanique, dans les longues excursions qu'ils faisaient avec elle dans la forêt de Fontainebleau, pendant les séjours de la cour dans cette résidence royale. La fille de la célèbre Mme Geoffrin, la marquise de la Ferté-Imbault, lui avait donné 217 un goût très vif pour Plutarque, en composant pour elle une analyse des Vies des hommes illustres.
«Devenue, à quatorze ans (1778), maîtresse de ses actions, elle s'était arrangé dans sa maison de Montreuil, près de Versailles, une vie toute d'étude et de charité pratique.
«Elle a, pour secrétaire ordinaire et de cabinet, Chamfort l'académicien; pour page, ce jeune Adalbert de Chamisso de Boncourt, que l'émigration jettera en Allemagne, et qui écrira plus tard le roman de Pierre Schlemihl (1814).
«Madame Élisabeth aima les livres. Ceux de sa bibliothèque étaient élégamment reliés, timbrés d'un écusson en losange [421] aux armes de France, surmonté d'une couronne ducale. La Bibliothèque de l'Arsenal en possède un, l'Office de Saint-Symphorien, qui rappelle les habitudes pieuses de la jeune princesse, et qui a dû l'accompagner bien souvent dans ses visites à sa paroisse. Cette église de Saint-Symphorien était celle de Montreuil: église très simple, assez laide, au style de temple grec, surmontée d'une sorte de pigeonnier carré, où sonnait une unique 218 cloche, dont Madame Élisabeth avait été la marraine. Comme la maison de Montreuil n'avait pas de chapelle, la princesse s'y rendait à pied par les ruelles, souvent «par une crotte indigne», car l'accès en était difficile aux carrosses.»
C'est à propos de cette église que Madame Élisabeth écrivait à Mme de Raigecourt, un lundi de Pâques:
«J'ai l'air d'une vraie campagnarde: c'est que je suis à Montreuil depuis midi. J'ai été à vêpres à la paroisse. Elles sont aussi longues que l'année dernière, et ton cher vicaire chante O Filii d'une manière aussi agréable. Des Essarts a pensé éclater [de rire], et moi de même.»
Les vraies fêtes, les seules fêtes même de l'humble château de Montreuil étaient celles de l'étude et de l'amitié. Entre Mme de Mackau et son vieux maître Le Monnier, qui tous deux habitaient dans le voisinage, «la princesse passait des heures délicieuses». «Le Monnier, raconte Mme d'Armaillé, associait Madame Élisabeth à ses recherches de botanique dans son jardin, à ses expériences de physique dans son cabinet. Le jeune Chamisso y assistait souvent à la suite de la princesse, et il en acquit des connaissances qui, plus tard, ne furent pas inutiles à sa carrière et à sa réputation.
219 «Chez elle, nous voyons souvent Madame Élisabeth adonnée à de vrais plaisirs de bibliophile. Plus d'une de ses matinées est occupée par le rangement de ses livres.
«Ma bibliothèque est presque finie, écrit-elle à Mme de Raigecourt; les tablettes se placent; tu n'imagines pas quel joli effet font les livres [422].»
La DUCHESSE DE MONTESQUIOU-FEZENSAC, Louise-Joséphine de la Live (1764-1832) [423].
CHARLOTTE CORDAY, Marianne-Charlotte de Corday d'Armans ou d'Armont, qui assassina Marat (1768-1793).
Elle était arrière-petite-nièce de Corneille et fut élevée à Caen, à l'abbaye des Dames.
«Ses vrais amis étaient ses livres, écrit d'elle Michelet [424]. La philosophie du siècle envahissait les couvents. Lectures fortuites et peu choisies. Raynal pêle-mêle avec Rousseau. «Sa tête, dit 220 un journaliste, était une furie de lectures de toutes sortes.»
En quittant le domicile de sa tante, à Caen, pour se rendre à Paris et y exécuter son sinistre dessein, «elle distribua ses livres, sauf un volume de Plutarque, qu'elle emporta avec elle», ajoute Michelet, et, la veille du 13 juillet, où elle assassina Marat, «elle passa le jour à lire tranquillement les Vies de Plutarque, la bible des forts».
On a trouvé un volume ayant appartenu à Charlotte Corday: Typus mundi..., dont le feuillet de garde porte son nom: C. CORDAY DARMONT [425].
MADAME ROYALE, Marie-Thérèse-Charlotte de France, dite Madame Royale, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, mariée en 1799 à son cousin le duc d'Angoulême (1778-1851).
Elle est mise aussi au rang des bibliophiles par Quentin-Bauchart [426].
Dans ses Mémoires d'outre-tombe, particulièrement dans le tome VI, pages 139 et suivantes 221 (édition Edmond Biré), Chateaubriand donne d'abondants et curieux détails sur la duchesse d'Angoulême.
Mme SWETCHINE, née Anne-Sophie Soymonoff (1782-1857). «C'était une grande liseuse, et qui (chose rare chez son sexe) savait lire, ne perdant rien de ses lectures, crayonnant, écrivant à la marge du livre, prenant des notes, copiant des extraits, rédigeant des résumés, tenant des journaux intimes, se formant des recueils de renseignements et d'arguments», dit le critique Jules Levallois [427].
M. de Falloux a raconté la vie et publié la correspondance et diverses œuvres de Mme Swetchine, qui, de son vivant, a joui d'une grande réputation dans le monde religieux: il a même été question de la canoniser. Elle poussait la piété jusqu'au plus singulier mysticisme, à l'hallucination ou à l'enfantillage, et nombre d'anecdotes 222 ont couru à ce sujet. Elle obligea un jour son mari, de vingt-cinq ans plus âgé qu'elle, à se priver d'une montre à laquelle il tenait beaucoup: «Il faut vous mortifier!» lui déclara-t-elle. Une mouche tombait-elle dans sa baignoire, elle la retirait de l'eau, la mettait au soleil, lui faisait reprendre vie: «N'est-ce pas une petite créature du bon Dieu? [428]»
MARIE-AMÉLIE DE BOURBON, femme de Louis-Philippe Ier, roi des Français (1782-1866), est aussi classée au nombre des bibliophiles [429].
De même, HORTENSE DE BEAUHARNAIS, mariée, en 1802, à Louis Bonaparte, roi de Hollande (1783-1837) [430].
Mme DE TRACY, Sarah ou Sara Newton (1789-1850), femme en premières noces du colonel puis général Le Tort, et en secondes noces du marquis 223 Alexandre-César-Victor-Charles Destutt de Tracy, qui fut ministre de la marine en 1848-1849 et protesta contre le coup d'État de Napoléon III.
On a publié d'elle trois volumes d'Essais, Lettres et Pensées [431], auxquels Sainte-Beuve a consacré un très intéressant article [432].
Mme de Tracy, qui appartenait à la famille du grand Newton, avait la passion de la lecture et de l'étude, et dissertait longuement sur ce double sujet avec son amie Mme de Coigny. «Mme de Coigny me donne des leçons de prononciation, de ponctuation, et me recommande de faire des notes sur tout ce que je lis, et d'écrire tous les jours ce que je pense: c'est une façon de savoir si on est bête [433].»
C'est à Mlle Newton que l'helléniste Boissonade adressait un jour ce reproche et ces très sagaces conseils:
«Vous ne savez pas lire. Vous lisez comme si vous mangiez des cerises. Une fois la lecture faite, vous ne pensez plus à ce que vous avez lu, et il ne vous en reste rien. Il ne faut pas lire 224 toutes sortes de choses au hasard; il faut mettre de l'ordre dans ses lectures, y réfléchir, et s'en rendre compte [434].»
Les notes recueillies par Mme de Tracy sont, au point de vue de l'étude et de la lecture, très dignes d'attention, des plus fructueuses, et prouvent bien qu'elle était loin d'«être bête».
«J'ai organisé mon travail, et je suis décidée à traduire tout de bon le livre des Offices de saint Ambroise, dont je n'avais fait que de courts extraits. Quel bonheur d'avoir de la volonté et de l'aptitude pour une occupation quelconque. Que de charme à voir là, devant moi, cette multitude de gros volumes que je n'aurai jamais le temps de lire jusqu'au bout!»
«...Je retire chaque jour de mes lectures un fruit inappréciable. Je goûte le bonheur d'avoir devant moi une occupation plus longue que la vie. Ne pas savoir se créer une occupation sérieuse lorsque la vieillesse commence, c'est vouloir mourir d'une mort anticipée. Que font de leur vie les femmes oisives, quand elles ne peuvent plus la dépenser dans le monde? elles la passent dans leur lit. La vieillesse est pour elles comme 225 l'Enfer de Dante, à la porte duquel on laisse toutes les espérances [435].
«La vraie philosophie, écrit-elle encore [436], c'est de préférer ce qu'on a, et de voir toutes choses du bon côté. De même, le vrai Christianisme consiste à faire à tous les êtres animés, bêtes et gens, le plus de bien possible, et à attendre la mort sans crainte comme sans impatience.»
Une étrange particularité à signaler à propos de cette femme remarquable: «elle regretta si vivement son premier mari, le général Le Tort, qu'elle s'obstina à garder, assure-t-on, le cercueil du mort dans sa chambre à coucher, jusque dans les premiers temps de son second mariage [437]».
La PRINCESSE D'ISENGHIEN, Marguerite-Camille Grimaldi (1790-....) [438].
La DUCHESSE DE BERRY, Marie-Caroline, fille du roi de Naples Ferdinand Ier, mariée, en 1816, 226 à Charles-Ferdinand de Bourbon, duc de Berry, deuxième fils du comte d'Artois, depuis Charles X (1798-1870).
Elle avait un esprit très vif et l'amour des lettres et des arts, remarque Eugène Asse, dans son étude sur les Bourbons bibliophiles [439]. Même après l'assassinat de son mari, frappé d'un coup de poignard par Louvel, à la porte de l'Opéra, en 1820, elle resta la protectrice des artistes et des gens de lettres. Sa collection de tableaux et la bibliothèque qu'elle s'était formée au château de Rosny, près de Mantes, furent également célèbres. Les événements de 1830 les dispersèrent l'une et l'autre.
«La bibliothèque du château de Rosny fut une des mieux choisies, des plus élégantes par ses exemplaires et par ses reliures, que l'on ait comptées dans la première moitié du dix-neuvième siècle. Les livres en étaient presque tous timbrés sur le plat recto aux armes de la duchesse: de France à la bordure engrêlée de gueules qui est de Berry, accolé des Deux-Siciles; sur le plat verso, de son chiffre C couronné [440].»
227 La vente de cette bibliothèque eut lieu en 1837. Le Catalogue, où figurent, sur la feuille de titre, les armes de la duchesse, très finement gravées en taille-douce, entourées de la cordelière des veuves et de deux branches de lis, comprend 2578 numéros pour les livres et 74 pour les estampes. La théologie y est représentée par 141 articles, la jurisprudence par 36, les sciences et arts par 445, les belles-lettres par 565, l'histoire par 1163; les manuscrits sont au nombre de 86 et les lettres autographes de 54.
L'auteur de la préface de ce Catalogue [441] considère comme «superflu» l'éloge de cette bibliothèque, où chaque article annonce presque toujours le plus bel exemplaire, enrichi de gravures, de portraits ou d'une somptueuse et élégante reliure. Les manuscrits doivent exciter la curiosité à un très haut degré. Depuis plus de trente ans, ajoute l'auteur de cette préface, il ne s'est pas présenté de collection aussi précieuse sous le rapport de l'antiquité historique; une grande partie de ces richesses proviennent du célèbre Pithou et ont été recueillies par lui.
228 Parmi ces manuscrits nous mentionnerons: le Code Théodosien, du sixième siècle, qu'une note de Pithou (XVIe siècle) dit avoir servi à Cujas pour sa publication des Codes;—le Roman de la Rose, manuscrit sur vélin, du treizième siècle;—le Roman de Gaides, en vers, manuscrit de la fin du treizième siècle.
Quelques années avant la mort de la duchesse de Berry, survenue en 1870, eut lieu une seconde vente de manuscrits lui ayant appartenu. Cette collection avait été distraite de la première, et ne comprenait que 35 articles. La vente produisit 98.085 francs. Un seul Livre d'heures—l'incomparable Livre d'heures de Henri II et de Catherine de Médicis,—fut adjugé au prix de 60.000 francs pour le Musée des Souverains [442].
La COMTESSE DE CHESSY-FOURCY, Madeleine Boucherat (....-1714).
Son mari était prévôt des marchands de Paris en 1684 [443].
La DUCHESSE DE DURFORT DE DURAS, Marguerite-Félicité de Lévis-Ventadour (....-1717) [444].
Mme DE SÉGUR, Charlotte-Émilie Le Fèvre de Caumartin, femme du président de Ségur (....-1729) [445].
La DUCHESSE DE NOAILLES, Françoise-Charlotte-Amable d'Aubigné, nièce de Mme de Maintenon, épouse du duc de Noailles, maréchal de France (....-1739) [446].
ÉLISABETH DE LA ROCHEFOUCAULD DE ROYE DE ROUCY, religieuse, abbesse de Saint-Pierre de Reims (....-1744) [447].
La MARQUISE D'ARGOUGES, Françoise Le Pelletier (....-1745) [448].
ÉLISABETH-ÉLÉONORE DE LA TOUR D'AUVERGNE, abbesse de Thorigny, en Normandie (....-1746) [449].
La DUCHESSE DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG, Marie-Sophie-Honorate Colbert de Seignelay (....-1747) [450].
MARIE-ANNE DE LA VIEFVILLE, abbesse de Gomerfontaine (....-1751) [451].
La DUCHESSE D'AUMONT, Victoire-Félicité de Durfort-Duras (....-1753) [452].
La MARQUISE DE MONTMORENCY-LAVAL, Marie-Thérèse de Hautefort (....-1753) [453].
La COMTESSE ou MARQUISE D'ANGENNES, Marie-Françoise de Mailly (....-1760).
La vente de ses livres eut lieu à Paris, après son décès, le 21 juillet 1760 [454].
La MARQUISE DE GALLIFET ou GALLIFFET, Marie-Denise-Élisabeth Pucelle (....-1761) [455].
La DUCHESSE DE LUYNES ET DE CHEVREUSE, Marie Bruslart ou Brûlart (....-1763) [456].
Mme THIROUX DE LAILLY, Claude Buffaut de Millery (....-1766), femme de Jean-Louis-Lazare Thiroux de Lailly, seigneur d'Arconville (1682-1742), fermier général, puis trésorier général de la maison du Roi, qu'elle avait épousé en 1709 et dont elle eut trois fils.
232 La vente de ses livres eut lieu à Paris, après son décès, le 12 mai 1766 et jours suivants [457].
La MARQUISE DE MANCINI, Gabrielle-Yolande-Claude-Martine de Polastron (....-1773?)
La vente de sa bibliothèque eut lieu à Paris, et sans doute après son décès, le 26 juillet 1773 et jours suivants [458].
Mme DE LA HAYE, Marie-Adélaïde-Victoire Bouret de Valroche (....-1776).
Son mari était fermier général [459].
Mme DE L'ÉPINETTE LE MAIRAT ou DE LESPINETTE DE MEIRAT, Marie-Thérèse-Geneviève, marquise 233 de Bruyères, Pecquot de Saint-Maurice (....-1783).
Son mari était président à la Cour des comptes en 1755 [460].
La DUCHESSE DE DURFORT-CIVRAC, Anne-Marie de la Faurie de Monbadon (ou Monbardon?) (....-1786) [461].
La COMTESSE DE VERGENNES, Anne de Vivier (ou du Vivier?) (....-1787) [462].
La CITOYENNE MONTESQUIEU; peut-être Françoise-Catherine de Narbonne,—ou Jeanne-Marie Hocquart (....-1793).
Quel que soit le nom véritable de cette femme, elle a laissé une importante bibliothèque dont Quentin-Bauchart donne la liste des ouvrages [463].
Mme DE PÉRUSSE D'ESCARS (ou DE PEYRUSSE DES CARS), Marie-Élisabeth de Lastic (....-1793) [464].
Mme D'ALIGRE, Madeleine-Catherine Boivin de Bonnetot, mariée, en 1711, à Étienne d'Aligre (XVIIIe siècle) [465].
MARIE DE BASTARD DE LA FITTE, abbesse du monastère royal de Favas, diocèse de Comminges, en 1722 (XVIIIe siècle) [466].
Mme DE BAUYN D'ANGERVILLIERS, née Mathefelon (XVIIIe siècle) [467].
ANNE-MARIE-LOUISE DE BELZUNCE (ou BELSUNCE), grande prieure de l'abbaye de Saintes, puis 235 abbesse du Roncerai, à Angers, vers 1709 (XVIIIe siècle) [468].
La VICOMTESSE DE BELZUNCE (ou BELSUNCE), N. de la Live d'Épinay (XVIIIe siècle) [469].
Mme BLONDEL D'AUBERS, Marie-Anne de Calonne, sœur du ministre de Louis XVI (XVIIIe siècle) [470].
HENRIETTE DE BOURBON DE LA GUICHE, dite Mademoiselle de Verneuil, fille naturelle et légitimée de Louis-Henri de Bourbon,—prince de Condé, premier ministre de Louis XV (XVIIIe siècle) [471].
Mme GUILLAUME DE BURE, mère des deux libraires de Bure (XVIIIe siècle).
«Deux classes de livres surtout composaient sa précieuse bibliothèque: les livres de piété et les livres espagnols», écrit Silvestre de Sacy [472].
Mme CAMUS DE PONTCARRÉ, Angélique-Élisabeth, fille de Geoffroy-Macé (XVIIIe siècle) [473].
La DUCHESSE DE CHATILLON, Adrienne-Félicité de la Baume Le Blanc de la Vallière, fille unique du célèbre bibliophile, le duc Louis-César de la Vallière, petit-neveu de la maîtresse de Louis XIV, et qui, mort en 1780, à soixante-douze ans, rassembla, dans son château de Montrouge, «la plus riche bibliothèque que jamais particulier ait possédée en France [474]». La duchesse de Châtillon avait ainsi reçu le goût des livres en héritage [475] (XVIIIe siècle).
La MARQUISE CROZAT DU CHATEL; Marguerite Legendre, mariée, en 1696, à Antoine Crozat, marquis du Châtel, receveur des finances à Bordeaux (XVIIIe siècle) [476].
Mme VEUVE DIEZ (XVIIIe siècle) [477].
Originaire d'une famille espagnole, mère d'un des pères de l'ancien collège des Jésuites de Paris, ou collège de Clermont, devenu depuis le lycée Louis-le-Grand, elle fit don à cet établissement de 72 volumes,—ce qui a paru suffisant à Joannis Guigard pour inscrire le nom de cette pieuse veuve sur le livre d'or des femmes bibliophiles.
La COMTESSE DU DRENEUC, Catherine de Martin de Champoléon (XVIIIe siècle) [478].
CLAUDE DE DURFORT, religieuse, abbesse de Faremoutier, diocèse de Meaux, et dernière 238 abbesse de cet établissement, détruit en 1792 (XVIIIe siècle) [479].
La DUCHESSE DE DURFORT DE LORGES, Marie-Marguerite-Reine de Butault de Marzan (XVIIIe siècle) [480].
Mme FAURIS, Julie de Villeneuve de Vence, femme du président Fauris (XVIIIe siècle) [481].
La BARONNE DE FONTAINE-CHALANDRAY (ou CHALENDRAI), Marie-Antoinette du Mas (ou Dumas) (XVIIIe siècle).
Le baron de Fontaine-Chalandray était receveur général des finances de Lorraine et Barrois en 1749 [482].
LA MARQUISE DE KERHOENT, née N. de Champagne (XVIIIe siècle) [483].
Mme DE LA BORDE (XVIIIe siècle).
La vente de ses livres eut lieu à Paris, le 20 mai 1799 et jours suivants. Le catalogue, dressé par G. de Bure l'aîné, comprenait 167 numéros [484].
La COMTESSE DE LA FEUILLADE, Catherine-Scholastique Bazin de Bezons (XVIIIe siècle) [485].
La MARQUISE DE LA QUEUILLE, Louise-Jacqueline de Lastic de Saint-Jal (XVIIIe siècle) [486].
La DUCHESSE DE LA TRÉMOILLE-THOUARS, Marie-Maximilienne-Louise-Françoise-Sophie, princesse de Salm-Kirbourg (XVIIIe siècle) [487].
Mme LE BAS DE MONTARGIS, Henriette-Catherine Hardouin-Mansart, femme de Claude Le Bas 240 de Montargis, conseiller d'État en 1722 (XVIIIe siècle) [488].
Mlle LE DUC, marquise de Tourvoie, danseuse à l'Opéra, maîtresse puis femme de Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont (XVIIIe siècle).
Elle rassembla un grand nombre d'ouvrages de théologie,—ce qui est assez étrange, vu la profession de ladite marquise,—et habilla richement ses volumes de maroquin avec dentelles [489].
Le catalogue des livres de Mlle Le Duc, daté de 1757, et dressé par Prault fils aîné, libraire, quai de Conty (sic), se trouve actuellement à la Bibliothèque de l'Arsenal; c'est un très beau manuscrit in-4 de 225 pages.
Mme LEFÉBURE DE LA BASSE-BOULOGNE, née N. Couthier (XVIIIe siècle) [490].
La MARQUISE DE LESTEVENON, Marie-Wilhelmine van der Duyn (XVIIIe siècle).
Son mari était ambassadeur de la province de Hollande en France 1740 [491].
La COMTESSE DE LÉVIS-CHATEAU-MORAND, Philiberte de Languet de Gergy (XVIIIe siècle) [492].
La PRINCESSE DE LIGNE, Henriette-Eugénie de Béthisy (ou Béthizy) de Mézières (XVIIIe siècle) [493].
CUNÉGONDE DE MAILLÉ DE KERMAVAN (ou KERMAOUEN, ou KERMAN, ou CARMAN), abbesse de Monré, près d'Amboise (XVIIIe siècle) [494].
Mme MÉGRET OU MAIGRET, Françoise-Thomas de Pange, femme de Mégret ou Maigret, baron d'Étigny et de Theil (XVIIIe siècle) [495].
MARIE-ALEXANDRINE DE MONTJOUVENT, abbesse de l'abbaye de la Déserte, à Lyon (XVIIIe siècle) [496].
La DUCHESSE DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG, Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, mariée au duc de Montmorency-Luxembourg (XVIIIe siècle) [497].
La DUCHESSE DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG, Marie-Jeanne-Thérèse de l'Espinay (XVIIIe siècle) [498].
La COMTESSE DE RIEUX, Suzanne-Henriette-Marie de Boulainvilliers de Bernard (XVIIIe siècle) [499].
Mme ROLAND DE CHALLERAUGE (ou DE CHALLERANGES?), née N. de Brosses, femme d'un conseiller au Parlement (XVIIIe siècle?) [500].
La MARQUISE DE SAINTE-MAURE, Marie des Chiens de la Neuville (ou Neufville) (XVIIIe siècle) [501].
La DUCHESSE DE SAULX DE TAVANNES, Marie de Choiseul-Gouffier (XVIIIe siècle) [502].
MARIE-AUGUSTE DE SULTZBACH, femme de Charles-Philippe de Sultzbach, son cousin-germain, comte palatin du Rhin (XVIIIe siècle) [503].
La DUCHESSE DE TALLEYRAND-PÉRIGORD, Marie-Françoise de Rochechouart, femme de Jean-Charles 244 Talleyrand, duc et pair de France (XVIIIe ou XIXe siècle) [504].
La PRINCESSE DE TALMONT, Marie-Jablonowska, fille du comte Jablonowski, grand enseigne de la couronne de Pologne; mariée, en 1730, à Frédéric de la Trémouille, prince de Talmont (XVIIIe siècle).
Elle possédait une belle bibliothèque qui fut vendue en 1774 [505].
La MARQUISE DE VALBELLE DE TOURVES, Marguerite-Delphine (XVIIIe siècle) [506].
L'Intermédiaire des chercheurs et curieux a publié, dans son numéro du 20 juin 1908 [507], et au-dessus de la signature Sy, «une liste d'ex-libris 245 de dames, dont la plupart ont vécu au dix-huitième siècle».
Voici cette liste, de laquelle je me borne à supprimer les noms mentionnés par moi précédemment:
Au dix-neuvième siècle et de nos jours, le nombre des femmes bibliophiles, presque restreint jusqu'ici à la classe élevée, noblesse et finance, s'est étendu à tous les rangs et est devenu considérable.
Voici d'abord une liste publiée par l'Intermédiaire des chercheurs et curieux, dans le numéro du 10 juillet 1908 [509], signée J.-G. Wigg, et dont je me borne à ranger les noms dans l'ordre alphabétique:
La MARQUISE DE LA GRANGE, Constance-Madeleine Nonpart de Caumont de La Force (1801-1869) [511].
LOUISE-MARIE-THÉRÈSE D'ARTOIS, fille de la duchesse de Berry, mariée, en 1845, à Charles III, duc de Parme (1819-1864).
Comme sa mère, qui avait formé la belle bibliothèque de Rosny, Louise-Marie-Thérèse d'Artois, appelée jusqu'en 1830 Mademoiselle, collectionna des livres: ils étaient timbrés de l'écusson en losange, symbole des filles, aux armes de France, à la bordure crénelée de gueules [512].
La PRINCESSE MATHILDE BONAPARTE, Mathilde Lætitia-Wilhelmine Bonaparte, fille de Jérôme 250 Bonaparte, roi de Westphalie, mariée au prince russe Anatole Demidoff de San-Donato, dont elle ne tarda pas à se séparer (1820-1904).
Elle témoigna toujours d'un goût très vif pour les arts et les lettres; elle exécutait notamment des aquarelles; elle exposa au Salon, de 1859 à 1867, un certain nombre de portraits et des copies d'après les maîtres, et obtint une médaille en 1865. Elle est aussi l'auteur d'un petit livre, l'Histoire d'un chien (1876) [513].
Dans son hôtel de la rue de Courcelles et son château de Saint-Gratien, et, après la guerre de 1870, dans son hôtel de la rue de Berri, elle reçut quantité d'hommes de lettres et d'artistes: Sainte-Beuve, avec qui elle entretint une correspondance publiée par Jules Troubat, le dernier secrétaire de Sainte-Beuve [514],—Gustave Flaubert, Théophile Gautier, les Goncourt, Hippolyte Taine, Paul de Saint-Victor, Émile Augier, Gavarni, Jules Sandeau, le critique d'art Ernest Chesneau, le peintre Hébert, etc., etc.
251 «Séparée à vingt-cinq ans de son mari, le comte Demidoff (Anatole Demidoff, prince de San Donato, dont elle n'eut point d'enfants, et qui mourut en 1870), adulée, d'un tempérament fougueux, la princesse Mathilde devait avoir fatalement des liaisons de cœur. On en connaît au moins deux avec certitude: la première, très retentissante, avec le comte de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts sous l'Empire; la seconde, plus discrète, avec le peintre et poète Claudius Popelin. Si l'on consulte l'Almanach Gotha de 1879, on y trouve la mention que la princesse Mathilde avait épousé Claudius Popelin, en Angleterre, en décembre 1871; mais cette information, démentie, fut supprimée dans l'Almanach de 1880 [515].»
A défaut d'une bibliothèque célèbre, la princesse Mathilde eut un illustre bibliothécaire, Théophile Gautier, à qui, en le gratifiant de cette sinécure, elle trouva moyen de rendre délicatement service. On lit à ce propos dans le Journal des Goncourt [516]:
«En descendant, ce soir, l'escalier de la princesse, 252 Théophile Gautier, nommé bibliothécaire de Son Altesse, m'adresse cette question: «Mais, au fait, dites-moi, en toute sincérité, est-ce que la princesse a une bibliothèque?—Un conseil, mon cher Gautier, faites comme si elle n'en avait pas.»
L'illustre tragédienne RACHEL (1821-1858) a été inscrite au nombre des amies des livres par le poète-bibliophile François Fertiault [517].
Le chroniqueur Paul d'Ivoi, père du romancier récemment décédé (1915), a rendu compte, dans 253 un de ses articles du Courrier de Paris [518], de la vente des objets mobiliers, des livres par conséquent, laissés par Rachel, et voici quelques-uns des renseignements qu'il nous donne à ce sujet:
La vente des livres a duré deux jours. La première journée a produit 6900 francs, la seconde à peu près le double. Les livres qui n'avaient pas d'autre indication de leur origine que l'estampille de la vente, le chiffre de Mlle Rachel—un R entouré d'un bracelet avec la devise Tout ou Rien,—ces livres-là se vendaient un peu au dessus de leur valeur. Les livres reliés avec le chiffre R imprimé à froid sur le plat se vendaient beaucoup plus cher, environ une fois et demie ou deux fois leur valeur. Les livres adressés à Rachel par leurs auteurs, avec envoi autographe de l'auteur à la première page, se sont vendus six ou huit fois leur valeur. Enfin les brochures ayant servi à Rachel pour étudier ses rôles, celles surtout qui portaient des annotations de sa main, ont atteint des prix extrêmement élevés, de 40 à 80 francs chacune. Nous nous bornerons à quelques exemples:
254 Le Théâtre des Grecs, traduction du P. Brumoy, avec le chiffre sur le plat: 160 francs.
Le Théâtre des Latins, traduit par Levée et l'abbé Lemonnier, chiffre: 135 francs.
Le Répertoire du Théâtre français; Paris, Foucault, 1817: 200 francs.
Le Théâtre de Corneille; Paris, Didot l'aîné, 1805: 120 francs.
Les Œuvres de Racine, édition Lefèvre: 80 francs.
Le Théâtre de Ponsard; Paris, Michel Lévy, 1852; in-8, avec envoi autographe: 42 francs.
Le Théâtre d'Émile Augier; in-18, avec envoi autographe: 27 francs.
Le Théâtre d'Alexandre Dumas; 3 vol. in-18, avec envoi autographe: 41 francs.
Rosemonde, tragédie en un acte et en vers, par Latour Saint-Ybars; in-18, avec envoi autographe: 26 francs.
Macbeth, traduction en vers d'Émile Deschamps, avec envoi autographe: 20 francs.
Charlotte Corday, tragédie de Ponsard; vol. broché, avec envoi autographe: 13 francs.
Etc., etc.
ALICE OZY (1821-1893) [519], que nous avons vue figurer dans la liste des femmes bibliophiles donnée par l'Intermédiaire des chercheurs et curieux, a souvent et longuement occupé la chronique de son époque [520]. De son vrai nom elle s'appelait Julie-Justine Pilloy, nous apprend Hippolyte de Villemessant [521], et était fille d'un bijoutier parisien. Alidor Delzant, qui l'a particulièrement connue, dont elle a fait un de ses héritiers [522], et qui, sans doute avec raison, car 256 il était bien placé pour être renseigné à ce sujet, orthographie toujours son nom avec un i au lieu d'un y, a tracé d'elle le portrait suivant [523]:
«Ce n'était pas une personne vulgaire que Mlle Alice Ozi; elle a tenu une place dans la chronique littéraire, et Théophile Gautier l'a appelée quelque part l'Aspasie moderne. Victor Hugo a écrit pour elle des vers exquis. Elle a éveillé dans le cœur d'un jeune homme bien doué, Charles Hugo, un amour qui s'est éventé, comme un parfum, dans une suite de poèmes gracieux, qui mériteraient d'être connus...
«Elle aimait les lettres, et le jeune major général (le duc d'Aumale) qui préludait, par le goût de la poésie, aux lauriers académiques qu'il devait aussi conquérir, écrivait, sur l'album de Mlle Alice Ozi, une chanson qu'avait composée un de ses lieutenants M. Lafaguette: elle avait pour titre Khradoujah. Cette copie lointaine des Contes d'Espagne et des Orientales était alors fort répandue. 257 Le jeune prince l'avait rapportée de l'Algérie, où les soldats en avaient fait une chanson de marche.
«Mais la vraie gloire de Mlle Alice Ozi a été l'amitié que lui avait vouée Théophile Gautier. Il a fait pour elle, d'après nature, des quatrains dignes du voisinage des petits camées de l'Anthologie grecque, et qui n'ont pas été recueillis dans ses poésies complètes...
Pentélique, Paros, marbre neigeux de Grèce,
Dont Praxitèle a fait la chair de ses Vénus,
Vos blancheurs suffiraient à des corps de déesse:
Noircissez, car Alice a montré ses seins nus!»
Villemessant insiste aussi sur la réputation de femme d'esprit d'Alice Ozy. «Cette réputation était si bien établie, qu'Alice a passé pour avoir collaboré aux Causeries de l'ancien Corsaire, signées F... [524]».
Mme DOCHE, Marie-Charlotte-Eugénie de Plunkett, née à Bruxelles le 19 novembre 1821, morte à Paris le 12 juillet 1900 [525].
258 D'origine irlandaise, sœur d'un ancien directeur du Palais-Royal, et d'une danseuse de l'Opéra, qui épousa M. Dalloz, du Moniteur, Eugénie de Plunkett fut élevée à Paris, et résolut, très jeune, de devenir comédienne. Elle débuta le 8 janvier 1838, au Vaudeville, et épousa, en 1839, le chef d'orchestre et compositeur Doche, dont elle se sépara au bout de quelques années, et qui mourut du choléra, à Saint-Pétersbourg, en 1849.
Mme Doche obtint son plus grand succès au théâtre dans le rôle de Marguerite de la Dame aux camélias (1852). Elle quitta la scène vers 1879, et vécut depuis lors dans la retraite. Dans son appartement de la rue Picot, à Paris, elle avait réuni des tableaux, des gravures, des portraits, et quantité de livres rares et curieux. C'est ce qui lui a valu l'honneur d'être classée par Joannis Guigard au nombre des femmes bibliophiles [526].
Mme Doche a possédé les dessins originaux de l'édition des Contes de La Fontaine dite «des Fermiers généraux», et voici, au sujet de ce chef-d'œuvre de la librairie, d'intéressants détails [527], 259 qu'on ne jugera pas déplacés dans cette étude bibliographique.
Cette célèbre édition des Contes de La Fontaine, qui porte le nom des Fermiers généraux, est précédée d'une notice de Diderot (non signée), et elle est ornée de figures d'Eisen. Elle fut imprimée par les soins et aux frais des Fermiers généraux, en 1762, à Paris, chez Barbou, sous la rubrique d'Amsterdam, en vertu d'une autorisation tacite [528]. «La gravure des estampes fut confiée aux plus habiles artistes du temps (Longueil, Choffard, Lemire, Lafosse). Les quatre-vingts dessins originaux qu'elle comprenait, exécutés, les uns à l'encre de Chine, relevés de plume ou touchés d'une légère aquarelle, les autres à la mine de plomb, furent recueillis, dit-on, par un amateur qui les fit relier en un splendide volume in-8, en maroquin vert, doublé de tabis et fermant à secret.
260 «Ce volume a son histoire dans les annales des ventes publiques.
«Vendu pour la somme de 77.000 livres (en assignats), il finit, après diverses aventures, par tomber entre les mains de Mme Doche, du Vaudeville, d'où il passa ensuite dans la collection de M. Double. Le portefeuille à secret avait été remplacé par une reliure de Thouvenin.
«Ces admirables vignettes, passablement osées, comme on sait, et «moins chastes encore que le texte» (on dit que Charles Eisen en fit amende honorable à sa dernière heure), conformes toutefois à l'esprit et aux mœurs du temps, offrent cette particularité piquante qu'elles sont «à clefs», c'est-à-dire que bon nombre des figures qui les composent ont été dessinées d'après des modèles vivants, non les moins illustres, facilement reconnaissables aux yeux des contemporains. C'est ainsi, notamment qu'on a vu Louis XV et Mme de Pompadour dans la Chose impossible, et plusieurs des Fermiers généraux ou leurs femmes: Joseph de la Borde dans le Contrat, Le Riche de la Popelinière dans le Remède et ailleurs, Mme Lalive d'Épinay dans le Berceau, etc.
«L'impression achevée, on fit relier par 261 Derome les exemplaires que les participants devaient se partager entre eux, en même temps que ceux qui avaient été tirés pour divers personnages de marque. Que sont devenus les uns et les autres? Beaucoup ont péri sans doute, ou sont restés enfouis dans les bibliothèques, ignorés de leurs possesseurs. Toujours est-il qu'on en connaît bien peu. On sait, par exemple, que le duc d'Aumale en possédait un qui avait appartenu à la Dubarry et qui portait sa devise: Boutez en avant! qu'un autre a été acquis par M. Quentin-Bauchart, etc. En somme, ils sont rarissimes, et quand, par hasard, ce bijou d'impression et de gravure apparaît à l'Hôtel des Ventes, aussitôt toute la gent bibliophile d'être en rumeur. Une lutte d'enchères effrénées s'engage, et le livre se paie au poids des billets de banque.»
La COMTESSE DE RAYMOND, Marie-Henriette-Françoise, chanoinesse du chapitre de Sainte-Anne de Munich (1825-1886).
Née à Agen, la comtesse et chanoinesse de Raymond a légué aux archives de Lot-et-Garonne les manuscrits composés par elle, ainsi que sa riche 262 bibliothèque, dont la majeure partie des volumes sont reliés en maroquin rouge et frappés à ses armes [529].
La COMTESSE DE PARIS, Marie-Isabelle-Françoise d'Assise d'Orléans, fille du duc de Montpensier, mariée, en 1864, à son cousin germain Louis-Philippe-Albert d'Orléans, comte de Paris (1848-....) [530].
La PRINCESSE DE BAUFFREMONT, Marie-Christine-Isabelle-Ferdinande Osorio de Moscoso et Bourbon (1850-....) [531].
La PRINCESSE VICTORIA (1868?-....).
«La princesse Victoria de Grande-Bretagne, qui vient de célébrer son quarante-deuxième anniversaire, est renommée en Angleterre comme une des plus habiles relieurs amateurs.
263 «La princesse possède une petite bibliothèque d'ouvrages qu'elle a reliés très artistement de ses propres mains.
«Comme exposante, cette ouvrière princière a déjà obtenu plusieurs prix et distinctions honorifiques sous le pseudonyme de Miss Matthews [532].»
La MARÉCHALE et DUCHESSE DE BROGLIE, Louise-Augustine Salbigothon-Crozat (....-1813) [533].
La PRINCESSE DE GRIMALDI, Marie-Catherine de Brignole (....-1813) [534].
PHILIPPINE-LÉONTINE POTIER DE NICOLAI (....-1820) [535].
LA MARQUISE DE ROUGÉ, Nathalie-Delphine de Rochechouart-Mortemart, mariée en 1777 (....-1828) [536].
La COMTESSE DE BEAUHARNAIS, Auguste-Eugénie-Françoise, dame chanoinesse du chapitre royal de Bavière (....-1831) [537].»
LA DUCHESSE D'ALBUFÉRA, Honorine-Antoine de Saint-Joseph, mariée en 1808, à Louis-Gabriel Suchet, duc d'Albuféra (XIXe siècle) [538].
Comme la jolie et avenante Alice Ozy, la non moins belle et sémillante ANNA DESLIONS (ou DÉLION) (XIXe siècle) se classe parmi les bibliophiles.
«Surnommée Marie-Antoinette, à cause de la ressemblance frappante de son profil avec celui de cette reine» [539], Anna Deslions, qui mourut 265 jeune, dans une misère complète, eut, en 1869, un procès avec le grand libraire Fontaine, du passage des Panoramas, à propos d'achats de livres montant à la somme de 10.000 francs, qu'elle hésitait ou se refusait à payer. Nous relevons, parmi ces précieux volumes: un livre d'heures de 1000 francs, une Bible de 600 francs, une Imitation de Jésus-Christ de 600 francs, etc., qui firent dire à la galerie que Mlle Deslions sacrifiait d'une main à Dieu et de l'autre au démon [540].
Une autre galante dame du XIXe siècle, ESTHER GUIMONT (....-1879), surnommée le Lion, et que ce surnom ne doit pas faire confondre avec la précédente, a possédé aussi une bibliothèque, «mais bien maigre, sans aucun luxe d'éditions ni de reliures, nous apprend Joseph d'Arçay [541], et dans laquelle on est assez étonné de trouver les Classiques latins de Panckoucke, à côté des Questions de mon temps d'Émile de Girardin, et des Nouvelles à la main de Roqueplan [deux de ses 266 intimes amis], dont la présence s'y explique mieux».
C'est Esther Guimont qui disait: «Conçoit-on ce Girardin? J'ai huit cents lettres de lui, toutes compromettantes, et il ne veut pas me les racheter! [542].»
Il est fait mention, dans le Journal des Goncourt [543], de Mme DE POIX (XIXe siècle), mère du prince de Poix, «qui était une bibliophile passionnée». Le prince de Poix et sa mère possédaient une collection «qui fut brûlée, lors de l'incendie du Pantechnicon à Londres. Avec les livres, il y avait aussi quelques tableaux, quelques porcelaines, et il arriva cela de bizarre, qu'il n'y eut qu'une tasse de Sèvres qui resta intacte, mais dont le bleu de roi fut changé en le plus beau noir du monde: tasse qui fut offerte au Musée de Sèvres, comme témoignage de la solidité de la porcelaine.»
On cite encore, au nombre des dames bibliophiles de notre temps:
Mme JULIETTE ADAM, qui figure, avec Mme JULIA BARTET, de la Comédie-Française, sur la liste des sociétaires du «Livre contemporain».
268 Mme RENÉE PINGRENON s'est beaucoup occupée de la fabrication du livre, du livre illustré notamment; elle a fait, il y a quelque dix ans, des conférences sur ce sujet, et a publié de nombreux articles sur les livres et «la vénération» qu'on leur doit [551].
Mais il est une femme qui a droit à une mention toute spéciale et à une place tout à fait à part dans cette galerie, c'est Mlle MARIE PELLECHET (1840-1900), qui a dressé le Catalogue général des incunables des bibliothèques de France [552], et à qui ses longues et laborieuses recherches, ses 269 importants et admirables travaux bibliographiques, ont valu le titre officiel, qu'aucune femme n'avait reçu avant elle, de bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale.
Page 36, avant Herrade de Landsberg (...-1195), lire:
La femme de Geoffroi Martel (fils de Foulques Nerra ou le Noir, comte d'Anjou; Geoffroi Martel: 1006 ou 1007-1060) aimait la lecture, mais telle était alors la rareté des livres, qu'elle fut obligée de donner deux cents moutons, cinq quartiers de froment et autant de seigle et de millet pour avoir un manuscrit renfermant des homélies. (Cf. Victor DURUY, Histoire de France, t. I, p. 247; Paris, Hachette, 1898.)
Tout le monde connaît le nom d'Héloïse, l'amante passionnée d'Abélard (1101-1164), qui, toute jeune, avait étudié, à l'abbaye d'Argenteuil, le latin, le grec, l'hébreu et la philosophie. Per abundantiam litterarum erat suprema, dit d'elle Abélard. (Cf. MICHELET, Histoire de France, t. II, p. 324; Paris, Marpon et Flammarion, 1879;—et VILLENAVE, Notice, en tête des Lettres d'Héloïse et d'Abélard, p. 10; Paris, Charpentier 1865.)
[1] L'épithète est de George Sand, qui, plus sans doute pour plaisanter que pour attester sa «haine du livre», ajoutait ce mot à sa signature. (Voir ci-dessous, p. 26.)
[2] Chap. IV, p. 39-40; traduction Cocheris.
[3] Cité par Octave UZANNE, Zigzags d'un curieux, Les femmes bibliophiles, p. 31.
[4] Ouvrage cité, p. 30-32.
[5] Paul EUDEL, le Truquage, Livres et Reliures, p. 275 (Paris, Dentu, 1887).
[6] Pages 36 et 94.
[7] Préface du catalogue de sa bibliothèque: dans le journal le Temps, 25 février 1901.
[8] Pages XI-XII.
[9] «Pourquoi les livres coûtent-ils si bon marché et les bibelots si cher? C'est que les femmes adorent les bibelots et qu'elles ne s'intéressent pas aux livres. Le bibelot est décoratif, on le met dans son salon, on l'accroche aux murs; tout le monde le remarque et s'extasie...» (Adolphe BRISSON, Portraits intimes, Un amateur de vieux livres [Xavier Marmier], p. 24.) Ailleurs encore (le Livre et la Femme, dans la République française, 3 octobre 1899), M. Adolphe Brisson est revenu à la charge: «Les jouissances dues aux livres demeurent inaccessibles à la plus belle moitié du genre humain. Non seulement elle ne les apprécie pas, mais je doute qu'elle les soupçonne. C'est un domaine qui lui est en quelque sorte étranger... Les femmes d'aujourd'hui adorent le bibelot; elles recherchent avec fureur les meubles, les faïences, les bois sculptés, les soies, les dentelles, les éventails, les verres de Bohême et de Venise, les porcelaines de Saxe, les bijoux, les chiffons, les lustres de cristal taillé; elles font des folies pour une gouache de Lancret ou une gravure à toutes marges de Moreau le jeune. Les livres les laissent indifférentes. Ils ont le tort de ne pas parler aux yeux. On ne les aperçoit pas du premier coup en entrant dans le salon. Il faut se donner la peine de les découvrir au fond de la cachette où ils abritent leur modestie.»
[10] Année 1875, p. 262; article intitulé: Les ennemis des livres.
[11] Les livres et leurs ennemis, p. 15.
[12] Page 15. Cet élégant opuscule de 64 pages, publié à Lyon, chez H. Georg, en 1879, et devenu extrêmement rare, est anonyme: Étienne Mulsant l'a signé: UN BIBLIOPHILE.
[13] Cette antipathie de Chateaubriand pour les livres serait incroyable, si elle n'était avouée et proclamée par lui-même et par Mme de Chateaubriand. La quantité de citations répandues dans le Génie du Christianisme, l'Analyse raisonnée de l'Histoire de France, les Études historiques, etc., attestent, au contraire, que Chateaubriand avait beaucoup lu et continuait de beaucoup lire, surtout des Mémoires sur l'Histoire de France. Remarquons aussi que, lorsqu'il fut arrêté et conduit à la Préfecture de Police, en juin 1832, il ne manqua pas de se faire envoyer, par sa femme, «des bougies et des livres pour lire la nuit». (Cf. Mémoires d'Outre-tombe, t. V, p. 521; édition Edmond Biré; in-18.)
[14] Cf. SAINTE-BEUVE, Chateaubriand et son groupe littéraire, vingtième leçon, t. II, p. 70-71, note. Dans cette même note, Sainte-Beuve écrit: «Chateaubriand était capable, avait surtout été capable, dans sa jeunesse, de ces poussées et de ces fougues d'érudition; mais il ne savait ni revoir, ni vérifier, ni donner le dernier coup d'œil aux choses. Aussi, dans les parties d'ouvrage qu'il a publiées dans sa vieillesse, et qui auraient exigé ce genre d'attention, y a-t-il des erreurs et des inexactitudes sans nombre. La plupart des pages érudites qui s'y glissent ou qui s'y fourrent lui ont été procurées par des amis. Lui, il avait une antipathie et une aversion bien singulières de la part d'un quasi-historien: il ne pouvait souffrir les livres.»
Ce qui n'empêcha pas Chateaubriand d'insérer, dans une note de son Itinéraire de Paris à Jérusalem (t. II, p. 48; Paris, Didot, 1877), ces très judicieuses considérations, toujours d'actualité: «Aujourd'hui, dans ce siècle de lumières, l'ignorance est grande. On commence par écrire sans avoir rien lu, et l'on continue ainsi toute sa vie. Les véritables gens de lettres gémissent en voyant cette nuée de jeunes auteurs qui auraient peut-être du talent s'ils avaient quelques études. Il faudrait se souvenir que Boileau lisait Longin dans l'original, et que Racine savait par cœur le Sophocle et l'Euripide grecs. Dieu nous ramène au siècle des pédants! Trente Vadius ne feront jamais autant de mal aux lettres qu'un écolier en bonnet de docteur.»
Ajoutons que, malgré son antipathie pour les livres, Chateaubriand,—c'est lui du moins qui le raconte,—faillit être nommé par Napoléon surintendant général de toutes les bibliothèques de France: «Il (Bonaparte) déclare à Fontanes que, puisque l'Institut ne me trouve pas digne de concourir pour le prix, il m'en donnera un, qu'il me nommera surintendant général de toutes les bibliothèques de France, surintendance appointée comme une ambassade de première classe.» (Mémoires d'Outre-tombe, t. III, p. 52; édition Edmond Biré; in-18.)
[15] Mémoires d'Outre-tombe, t. II, Appendice, p. 595, édition Edmond Biré. Voici l'aventure, telle qu'on la trouve dans l'ouvrage Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie (1818-1821, p. 239; Paris, Hetzel-Quantin, s. d., in-16): «... Mme de Chateaubriand entra dans le cabinet de son mari. Elle n'avait jamais paru connaître Victor (Hugo); il fut donc fort étonné de la voir venir à lui, le sourire aux lèvres, «Monsieur Hugo, lui dit-elle, je vous tiens, et il faut que vous m'aidiez à faire une bonne action. J'ai une infirmerie pour les vieux prêtres pauvres. Cette infirmerie me coûte plus d'argent que je n'en ai; alors j'ai une fabrique de chocolat. Je le vends un peu cher, mais il est excellent. En voulez-vous une livre?—Madame,» dit Victor, qui avait sur le cœur les grands airs de Mme de Chateaubriand et qui éprouva le besoin de l'éblouir, «j'en veux trois livres.» Mme de Chateaubriand fut éblouie, mais Victor n'eut plus le sou.»
[16] Cité par François FERTIAULT, les Amoureux du livre, p. 197-198.
[17] Au début de la Restauration, Chateaubriand possédait une bibliothèque, qui fut vendue à Paris, à la salle Sylvestre, rue des Bons-Enfants, le 29 avril 1817 et les jours suivants. (Cf. Mémoires d'Outre-tombe, t. IV, p. 145 et note 1, édition Edmond Biré.) Dans un appendice du même ouvrage (t. VI, p. 563), on lit: «Peu de temps avant sa mort, Chateaubriand tint à donner à Henri de France un dernier témoignage de sa fidélité. Par une disposition à part son testament, disposition particulière recommandée à sa famille, et dont un double fut remis au comte de Chambord, il donna à ce dernier le petit nombre de ses livres de choix, quelques-uns annotés, ceux qu'il relisait, disait-il, afin de servir aux loisirs et à l'instruction du prince.»
[18] Renseignement verbal fourni par le libraire T. D......
[19] Bibliographie de la France, 3 juillet 1908, supplément. Conférence sur «la Clientèle».
[20] Mme ÉMILE DE GIRARDIN, le Vicomte de Launay, Lettres parisiennes, 16 décembre 1837, t. I, p. 288-289 (Paris, Calmann Lévy, 1878).
[21] Les Légendes du Livre, p. 27 (Paris, Lemerre, 1886).
[22] Année 1867, t. III, p. 170.
[23] Renseignement verbal.
[24] Renseignement verbal.
[25] François FERTIAULT, les Légendes du Livre, p. 110 et 201; et le poète ajoute plaisamment: «N'est-ce pas à les déshériter toutes?»
[26] Gustave MOURAVIT, le Livre et la Petite Bibliothèque d'amateur, p. 28.
[27] «A Paris, les femmes ne lisent jamais,» déclare formellement Balzac, dans sa Physiologie du mariage (Méditation XI, p. 120; Paris, Librairie nouvelle, 1876);—ce qui ne l'a pas empêché d'écrire beaucoup pour les femmes.
[28] Paul DUPONT, Histoire de l'imprimerie, t. II, p. 177;—et Alexandre DUMAS, Mémoires, t. V, p. 123.
[29] George SAND, Correspondance, t. VI, p. 348.
[30] Cf. le journal le Temps, 12 novembre 1909, article relatif à une monographie de M. Félix Bouvier consacrée à la fameuse ballerine de l'Opéra, qui mérita d'être surnommée «la Malibran de la danse». La Bigottini passe pour avoir eu quantité d'adorateurs et des rejetons de divers lits. Parmi les soupirants, on cite: Eugène de Beauharnais; Duroc, le grand maréchal du palais, dont elle eut deux enfants; le comte de Fuentès, dont elle eut une fille. Elle eut encore un fils, que d'aucuns attribuaient au duc de Berry, mais que M. Félix Bouvier restitue (avec des semblants de probabilité) à un archiduc autrichien de passage à Paris. Bourbon ou Habsbourg, ce fils vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. Il est mort en 1903 à Passy, rue des Vignes, dans l'hôtel qu'il avait hérité de sa mère et qui a été récemment démoli. Associé d'agent de change, il laissa toute sa fortune à l'Assistance publique, qui, avec les fonds, a créé, à Aulnay-sous-Bois, l'asile Bigottini.
[31] J'aurais pu remonter plus haut, chercher, dans l'antiquité grecque et dans l'antiquité latine, les rares femmes amies des livres et des lettres, nommer Aspasie, Leontium, Hypatie, etc. A défaut de ces préliminaires, voici d'intéressantes considérations empruntées à SAINTE-BEUVE (Nouveaux Lundis, t. IX, p. 390):
«Dans l'Antiquité..., si quelques femmes s'éprenaient hautement pour le talent, pour le génie, pour la sagesse, c'est parmi les femmes libres qu'il les faut chercher, parmi les hétaïres ou courtisanes. Aspasie, Leontium, qui s'éprirent pour Périclès ou pour Épicure, étaient de cette classe brillante et vouée à une publicité qui ôtait au don du cœur son plus grand charme et son prix. Passons vite. C'est un sujet de thèse que je propose à d'autres: la passion littéraire et le goût de l'esprit chez les femmes dans l'Antiquité. La femme de Mantinée, Diotime, qui est invoquée dans le Banquet de Platon, et qui dit de si belles choses par la bouche de Socrate, est une initiée, une sorte de prêtresse ou de femme docteur ès sciences amoureuses et sacrées, et elle sort des conditions ordinaires. En général, les femmes honnêtes, renfermées dans le gynécée, pouvaient orner leur esprit, mais elles contenaient leurs prédilections au-dedans. Les Pénélope ne filaient et ne brodaient, même en matière d'esprit, que pour leurs époux. Chez les Romains, en ceci assez pareils aux Grecs, Calpurnie, la femme de Pline le Jeune, était assurément une femme lettrée et des plus cultivées par l'étude, mais à l'usage et en l'honneur de son mari seulement: à force de tendresse conjugale et de chasteté même, elle s'était faite tout entière à son image, lisant et relisant, sachant par cœur ses œuvres, ses plaidoyers, les récitant, chantant ses vers sur la lyre, et, quand il faisait quelque lecture publique ou conférence, l'allant écouter comme qui dirait dans une loge grillée ou derrière un rideau, pour y saisir avidement et boire de toutes ses oreilles les applaudissements donnés à son cher époux.»
[32] Augustin THIERRY, Récits des temps mérovingiens, cinquième récit; t. II, p. 146-147 (Paris, Furne, 1868; in-18).
[33] Augustin THIERRY, ouvrage cité, p. 157-158.
[34] Dans Augustin THIERRY, ouvrage cité, p. 159, note 2.
[35] Augustin THIERRY, ouvrage cité, p. 159.
[36] Ouvrage cité, p. 164.
[37] Cf. Ludovic LALANNE, Curiosités bibliographiques, p. 150.
[38] René MÉNARD, l'Art en Alsace-Lorraine, p. 242.
[39] Histoire des artistes de l'Alsace pendant le moyen âge, dans René MÉNARD, ouvrage cité, p. 18-31, où l'on trouve de nombreux et intéressants détails sur le Hortus deliciarum, «l'exemple le plus complet des traditions byzantines dans la miniature», et plusieurs reproductions de dessins ou de miniatures provenant de ce célèbre manuscrit et calqués avant sa destruction.—On pourrait rappeler encore ici le nom de l'abbesse du monastère de Gandersheim (Brunswick), ROSWITH ou ROSWITA (Xe siècle), auteur de poésies religieuses écrites en latin, et de celle du monastère de Saint-Rupert de Bingen (près de Mayence), SAINTE HILDEGARDE (1098-1180), qui composa, sous le titre de Jardin de santé, un répertoire de recettes médicales, souvent des plus bizarres. Hildegarde, exaltée mystique, s'est principalement occupée de botanique et d'histoire naturelle.
[40] Bulletin du bibliophile, 14e série, 1860, p. 1429-1446; article intitulé: Une martyre bibliophile.
[41] Cf. Eugène ASSE, les Bourbons bibliophiles, p. 3.
[42] Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 67-68.
[43] Gustave MOURAVIT, ouvrage cité, p. 415.
[44] Cf. LAROUSSE, Grand Dictionnaire;—MICHAUD, Biographie universelle;—Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France;—etc. Je profite du nom de Christine de Pisan, originaire de Venise, pour remarquer que, de même que j'ai laissé en dehors de mes recherches les femmes bibliophiles de l'antiquité, je ne m'occupe qu'accidentellement des bibliophiles étrangères à la France. Sur les femmes qui ont aimé les livres et cultivé les lettres en Italie, à l'époque de la Renaissance, on trouve d'intéressants détails dans l'ouvrage de M. Lefebvre Saint-Ogan, De Dante à l'Arétin, principalement au chapitre X, p. 249-281 (Paris, Quantin, 1889). Dans son Roland furieux, l'Arioste donne une longue liste d'illustres italiennes amies des lettres, liste reproduite par M. Lefebvre Saint-Ogan, dans ledit volume, p. 254.
[45] Charles ROZAN, Petites Ignorances historiques et littéraires, p. 82, note 5.
[46] Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 68-70.
[47] Cf. Léopold DELISLE, le Cabinet des manuscrits, t. I, p. 50.
[48] Cf. Gustave MOURAVIT, ouvrage cité, p. 378;—et A. DE CHAMPEAUX, le Meuble, t. I, p. 76-77.
[49] Cf. COMMINES, Mémoires, p. 766, édition Chantelauze;—et le Magasin pittoresque, avril 1869, p. 111.
[50] Œuvres complètes, Recueil des Dames, t. X, p. 273 (Bibliothèque elzévirienne).
[51] Et aussi à Élisabeth d'Angleterre et à Catherine II de Russie: cf. BRANTÔME, ouvrage cité, t. X, p. 272, note 2.
[52] BRANTÔME, ouvrage cité, t. X, p. 272; et Vies des dames illustres, p. 263 (Paris, Garnier, 1877).
[53] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, les Femmes bibliophiles de France, t. II, p. 368.
[54] BRANTÔME, ouvrage cité, t. X, p. 5.
[55] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 374.
[56] LECOY DE LA MARCHE, les Manuscrits et la Miniature, p. 240 (Paris, Quantin, s. d.).
[57] Cf. ID., ouvrage cité, p. 242.
[58] Paul LACROIX (bibliophile Jacob), Louis XII et Anne de Bretagne, p. 381-382.
[59] Paul LACROIX, ouvrage cité, p. 386-387.
[60] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 366.
[61] Le Courrier littéraire, 10 mars 1877, p. 12, article intitulé: Lucrezia Borgia, signé: M. CORIOLIS.
[62] Cf. Auguste VITU, Histoire de la typographie, p. 92 (Paris, Delagrave, 1892).
[63] Cf. François FERTIAULT, les Amoureux du livre, p. 341;—et LAROUSSE, ouvrage cité.
[64] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 363.
[65] Cf. MORÉRI, le Grand Dictionnaire historique, article Tour, t. X, p. 279 (Paris, Libraires associés, 1759);—et Joannis GUIGARD, Nouvel Armorial du bibliophile, t. I, p. 171.
[66] Ernest QUENTIN-BAUCHART, les Femmes bibliophiles de France, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles; Paris, Damascène-Morgand, 1886; 2 vol. in-8. Nombreuses planches de reliures aux armes, reproduites en héliogravure. Tirage à 350 exemplaires. J'ai déjà eu et j'aurai encore fréquemment et amplement recours à ce grand ouvrage, ainsi qu'à celui de Joannis GUIGARD, Nouvel Armorial du bibliophile, Guide de l'amateur des livres armoriés; Paris, Émile Rondeau, 1890, 2 vol. in-8. Une partie du tome I du Nouvel Armorial (pages 87-210) est tout entière et exclusivement consacrée aux femmes bibliophiles ayant fait apposer leurs armoiries sur leurs livres.
[67] Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, Avertissement, t. I, p. 3.
[68] Tome I, p. 87.
[69] Ces considérations s'appliquent surtout à la société du dix-huitième siècle: voir plus loin, p. 240, une note relative à la bibliothèque de Mlle Le Duc.
[70] Causeries du lundi, t. VI, p. 182. Au quinzième siècle, nous avons eu une autre Marguerite, à qui nous devons un particulier et célèbre témoignage de son affection pour les lettres; c'est MARGUERITE D'ÉCOSSE (1424-1444), fille du roi d'Écosse Jacques Ier, qui fut la première femme de Louis XI, alors dauphin. Ayant un jour aperçu le poète et chroniqueur Alain Chartier endormi sur une chaise, elle s'approcha de lui et lui donna un baiser, «chose dont s'estant quelques-uns esmerveillés, parce que nature avait enchâssé en lui un bel esprit dans un corps laid,» la princesse leur répondit qu'elle n'avait pas baisé l'homme, mais la bouche d'où sortaient tant de mots dorés. Marguerite d'Écosse, qui avait douze ans quand elle épousa Louis XI, et qui mourut à vingt ans, trouva si peu de bonheur dans ce mariage qu'elle s'écria, à ses derniers instants: «Fi de la vie! qu'on ne m'en parle plus!» (LAROUSSE, ouvrage cité;—Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.)
[71] P. L. JACOB, notice en tête de l'Heptaméron, p. IV (Paris, Delahaye, 1858).
[72] BRANTÔME, ouvrage cité, t. X, p. 284, note 2.—Sur Marguerite d'Angoulême, voir Félix FRANK, Dernier voyage de la reine de Navarre Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier, avec sa fille Jeanne d'Albret, aux bains de Cauterets (1549) (Paris, Lechevalier, 1897; in-8, 112 pages).
[73] BRANTÔME, ouvrage cité, t. X, p. 247.
[74] BRANTÔME, ouvrage cité, t. X, p. 205.
[75] Cf. SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. VI, p. 191.
[76] SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. VI, p. 191.
[77] Ouvrage cité, p. 200.
[78] TALLEMANT DES RÉAUX, les Historiettes, t. I, p. 101-106 (Paris, Techener, 1862). Une aventure analogue survint à l'abbé de Voisenon (1708-1775), devenu passionnément amoureux d'une dame Potron, dont le mari s'avisa, dans un dîner, de servir au galant abbé certain plat copieusement et traîtreusement assaisonné. Dans son roman Si jeunesse savait (chap. XXII), Frédéric Soulié a aussi eu recours à ce «relâchant» procédé. (Cf. B. JULLIEN, Thèses d'histoire, p. 472 et suiv., et p. 475, note 1.)
[79] Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 70-72. Sur cet usage de mettre en lettres grecques ses initiales sur le plat des livres, voir Édouard FOURNIER, l'Art de la reliure en France, p. 147 (Paris, Dentu, 1888).
[80] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 382-383;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 88.
[81] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 387.
[82] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 384.
[83] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 62 et suiv.
[84] Cf. Ludovic LALANNE, Curiosités bibliographiques, p. 286.
[85] Livre VII (Œuvres choisies, t. III, p. 13; Paris, Hachette, 1865).
[86] Gilbert BURNET, Histoire de la réformation en Angleterre, dans LAROUSSE, ouvrage cité, article Boulen ou Boleyn.
[87] RONSARD, le Bocage royal, dans BRANTÔME, Œuvres complètes, t. X, p. 77, note 1.
[88] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 388.
[89] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 390.
[90] Cf. le journal le Temps, 21 mai 1914, article signé Samuel Rocheblave.
[91] Curiosités bibliographiques, p. 287.
[92] Cf. François FERTIAULT, les Amoureux du livre, p. 340.
[93] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 392;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 117.
[94] Ouvrage cité, t. X, p. 112 et suiv.
[95] Voyez, dans les Œuvres de Ronsard, la place importante qu'il fait à Marie Stuart.
[96] Ses poésies ne sont pas arrivées jusqu'à nous. On ne connaît guère d'elle qu'une pièce, très touchante complainte, publiée par Brantôme (t. X, p. 118-120), et quelques stances. (Note de l'édition de Brantôme de la Bibliothèque elzévirienne, t. X, p. 114.) Quant aux célèbres Adieux de Marie Stuart à la France:
Adieu, plaisant pays de France,
O ma patrie
La plus chérie,
Qui as nourri ma jeune enfance!
Adieu, France; adieu, mes beaux jours;
Etc., etc.,
ils ne sont pas de Marie Stuart, mais du polygraphe Meusnier de Querlon (1702-1780). (Cf. STAAFF, la Littérature française, t. I, p. 28.)
[97] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 615;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 89.
[98] Ouvrage cité, t. I, p. 119.
[99] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 395.
[100] Tome II, p. 151-154 (Paris, Techener, 1862).
[101] Pages 152-159 (Paris, Fontemoing, 1913).—Cf. aussi TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. II, p. 158 et suiv. (Racan).
[102] Dans SAINTE-BEUVE, Chateaubriand et son groupe littéraire, t. II, p. 116, 21e leçon.
[103] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 159.
[104] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 610.
[105] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 111.
[106] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 116.
[107] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 120.
[108] «Mme de Montausier s'appelle Julie-Lucine d'Angennes. Lucine est le nom d'une sainte de la maison des Savelles. Sa mère et sa grand'mère l'ont porté toutes les deux; et, pour l'ordinaire, dans cette maison, on adjoustoit tousjours ce nom à celuy qu'on donnoit aux filles en les baptisant.» (TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. II, p. 286.)
[109] Ouvrage cité, t. II, p. 285.
[110] Ouvrage cité, t. II, p. 261.
[111] Ouvrage cité, t. II, p. 264.
[112] TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. II, p. 280.
[113] ID., ouvrage cité, t. II, p. 443.
[114] Paul LACROIX, XVIIe Siècle, Lettres, Sciences et Arts, p. 184. Voir aussi TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. II, p. 294.—La Gazette des beaux-arts a récemment publié un article très détaillé sur la célèbre Guirlande de Julie; voici un résumé de cet article, emprunté au Mémorial de la librairie française (2 juillet 1914, p. 418-419): «On connaît trois copies manuscrites de la Guirlande de Julie, toutes datées de 1641. La plus intéressante, sur vélin in-folio, appartient aujourd'hui à Mme la duchesse d'Uzès. C'est le manuscrit définitif et complet offert à la belle Julie. M. C. Gabillot vient d'en donner, dans la Gazette des beaux-arts, l'analyse détaillée et des reproductions. Il se compose de huit feuillets préliminaires, portant les titres et la miniature qui représente la guirlande, et de quatre-vingt-dix feuillets, dont chacun contient une des vingt-neuf fleurs ou l'un des soixante et un madrigaux dont est formée cette double guirlande, à la fois picturale et poétique. Le texte est dû au plus fameux des calligraphes français, Nicolas Jarry, écrivain et noteur de la musique du roi; il imita avec une perfection incomparable les caractères d'imprimerie. On a soutenu que les fleurs elles-mêmes étaient aussi l'œuvre de ce même calligraphe; mais la main d'un botaniste et d'un peintre de métier s'y reconnaît sans peine. Nicolas Robert, qui dessinait des plantes pour les brodeurs, a exécuté les miniatures de la «guirlande»; elles lui valurent une telle réputation que Gaston d'Orléans le prit à son service dans ses jardins de Blois, et qu'ensuite Louis XIV lui fit achever le recueil de dessins commencé pour Monsieur. Montausier avait confié le soin de la reliure à l'un des maîtres du temps, surnommé le Gascon, qui, de son vrai nom, s'appelait sans doute Florimond Badier. C'est une reliure doublée, en maroquin rouge du Levant, ornée sur les plats et les gardes d'un semis de J. L., initiales de Julie. Après la mort des Montausier, le manuscrit passa aux mains de leur fille, la duchesse de Crussol d'Uzès, puis à Moreau, à Gaignières et à l'abbé de Rothelin, qui en fit présent à M. de Boze. En 1784, il figurait dans la vente du duc de La Vallière; la duchesse de Châtillon le racheta, et, depuis cette époque, il n'est plus sorti de la maison d'Uzès.
[115] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 120.
[116] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 396;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 113.
[117] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 200.
[118] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 383.
[119] Cf. la Chronique médicale, 1er mai 1914, p. 262.
[120] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 162.
[121] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 386.
[122] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 170;—et Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 59.
[123] Cf. MORÉRI, ouvrage cité, t. X, p. 285;—et Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 393, qui date le mariage de Claude de la Tour de 1555, au lieu de 1535.
[124] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 389.
[125] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 392;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 156.
[126] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 203.
[127] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 189.
[128] Cf. TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. II, p. 29.
[129] Ouvrage cité, t. II, p. 29.
[130] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 402.
[131] «Une fille (Mlle Armenauld) disoit que quand elle trouvoit des ordures dans un livre, elle les marquoit pour ne pas les lire.» (TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, Suite des Naifvetez, bons mots, etc., t. VI, p. 330.)
[132] Cf. TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. V, p. 390.
[133] Cf. TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. V, p. 395 et suiv.
[134] Le duc de Montausier, gendre de la marquise de Rambouillet, était un des habitués des samedis de Mlle de Scudéry. (Cf. TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. II, p. 302;—LAROUSSE, ouvrage cité;—Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.)
[135] Pages 203-204 (Paris, Delagrave, 1897).
[136] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 403.
[137] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 184.
[138] Mémoires, t. I, p. 375 (Paris, Hachette, 1871). Tallemant a consacré à Mme de Montbazon une de ses plus savoureuses Historiettes (t. IV, p. 4-14), dont il m'est malheureusement impossible de citer les plus saillants passages: «... Vous verrez si elle a fait mentir le proverbe que bon chien chasse de race. C'estoit une des plus belles personnes qu'on pust voir, et ce fut un grand ornement à la Cour; elle desfaisoit toutes les autres au bal... Dans la grande jeunesse où elle estoit quand elle parut à la Cour, elle disoit qu'on n'estoit bon à rien à trente ans, et qu'elle vouloit qu'on la jetast dans la rivière quand elle les auroit. Je vous laisse à penser si elle manqua de galants... M. d'Hocquincourt, ayant gaigné une femme de chambre, se mit un soir sous le lict de la belle... Quand elle se sentoit grosse, après qu'elle eust eu assez d'enfans, elle couroit au grand trot en carrosse partout Paris,» etc.
[139] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 396.
[140] MICHELET, Histoire de France, t. XIV, p. 226-227 (Paris, Marpon et Flammarion, 1879).
[141] Ibid.
[142] Pages 54, 252, 290, etc. (Bibliothèque elzévirienne, Paris, Plon, 1891).
[143] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 172.
[144] Cf. François FERTIAULT, les Amoureux du livre, p. 190.
[145] Cf. Adolphe RETTÉ, la Revue (ancienne Revue des Revues), 1er octobre 1904, p. 349;—et Gabriel PEIGNOT, Manuel du bibliophile, t. I, p. 131.
[146] SAINTE-BEUVE. Tableau de la poésie française au seizième siècle, p. 272, note 3.
[147] Ludovic LALANNE, Curiosités bibliographiques, p. 347.
[148] CONDORCET, Vie de Voltaire, au début. (Œuvres complètes de Voltaire, t. I, p. 1, édition du journal le Siècle.)
[149] Chap. VIII, D'Abraham et de Ninon de l'Enclos (t. V, p. 326-327, même édition). Voir aussi l'opuscule de Voltaire, Sur Mademoiselle de l'Enclos (t. IV, p. 717-719, même édition).
[150] TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. IV, p. 420.
[151] L'ancienne Leontium avait été disciple et amie d'Épicure: cf. Saint-Évremond, Œuvres choisies, p. 430, édition Gidel.—Voir aussi ci-dessus, p. 30, note.
[152] DES MAIZEAUX, Vie de Saint-Évremond, p. 199 (La Haye, Abraham Troyel, 1711).
[153] Dans SAINTE-BEUVE, Premiers lundis, t. II, p. 295.
[154] Lettre du mercredi 14 décembre 1689; t. IX, p. 353 (édition des Grands Écrivains).
[155] Lettre du mercredi 15 juin 1689; t. IX, p. 84.
[156] Lettre du dimanche 17 juillet 1689; t. IX, p. 120.
[157] Lettre du mercredi 23 septembre 1671; t. II, p. 369.
[158] Lettre du dimanche 15 janvier 1690; t. IX, p. 413.
[159] Lettre du mercredi 16 novembre 1689; t. IX, p. 314-316.
[160] Causeries du lundi, t. III, p. 524.
[161] SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. III, p. 525.
[162] C'est à lui que Lorédan LARCHEY (l'Esprit de tout le monde, t. II, p. 263) dit emprunter cette «naïveté».
[163] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 148.
[164] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 408.
[165] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 112;—et M.-N. BOUILLET, Atlas universel d'histoire et de géographie, p. 520.
[166] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 183.
[167] Ouvrage cité, t. I, p. 277.
[168] Cf. MORÉRI, ouvrage cité, t. X, p. 281;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 171.
[169] Ouvrage cité, t. I, p. 293-294.
[170] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 171.
[171] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 301.
[172] Mémoires, t. IV, p. 11 (Paris, Hachette, 1865).
[173] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 123.
[174] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 143.
[175] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 409.
[176] Deuxième partie, p. 25-26 (Paris, Jouaust, 1890).
[177] Cf. Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[178] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 411.
[179] Œuvres, t. IX, p. 390 et suiv. (édition des Grands Écrivains).
[180] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 412;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 179.
[181] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 413.
[182] Mme DE CAYLUS, Souvenirs, p. 88-89 (édition Jannet-Picard).
[183] Mémoires, t. IV, p. 294-295.
[184] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 307.
[185] Mémoires, t. IV, p. 342.
[186] SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. IV, p. 344.
[187] Ouvrage cité, t. XIII, p. 21.
[188] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 34.
[189] Ernest MOURIN, Récits lorrains, Histoire des ducs de Lorraine et de Bar, p. 219 et 283 (Paris, Berger-Levrault, 1895);—cf. Marquis DE BEAUVEAU, Mémoires pour servir à l'histoire de Charles IV, duc de Lorraine, p. 267 et suiv. (Cologne, Pierre Marteau, 1690).
[190] Page 40 (Paris, Hachette, 1858).
[191] Cf. Causeries du lundi, t. IV, p. 139; t. XII, p. 80; et passim. Dans son Étude sur Virgile, p. 303, Sainte-Beuve dit encore: «Mme Dacier, à qui l'on devait la meilleure traduction d'Homère en français, celle qui permettait le mieux d'en juger approximativement, resta marquée d'une légère teinte de ridicule;» etc.—Voir aussi, sur Mme Dacier, son pédantisme et son acrimonie, VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, article Épopée, De l'Iliade (t. I, p. 347; édition du journal le Siècle);—et LA HARPE, Lycée ou Cours de littérature, t. I, p. 67 (Paris, Verdière, 1817). «Il ne nous est rien resté, écrit ce dernier, des invectives que Zoïle vomissait contre Homère; mais elles ne pouvaient guère être plus grossières que celles dont Mme Dacier accable La Motte. On est d'autant plus révolté qu'une femme écrive d'un ton si peu décent, que celui de son adversaire est un exemple de modération et de politesse.» Etc. Qui croirait, après cela, que la bouillante helléniste avait pris pour devise ce vers de Sophocle: «Le silence est l'ornement des femmes»?
[192] Ouvrage cité, t. III, 2e partie, p. 372.
[193] Eugène MULLER, Voyages à travers l'histoire et le langage, p. 121 (Paris, Delagrave, 1889).
[194] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 349.
[195] SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. XIII, p. 16. Voir aussi la silhouette tracée dans le tome VII, p. 363: «Madame était une princesse de l'ancien temps, attachée à l'honneur, à la vertu, au rang, à la grandeur, inexorable sur les bienséances.» Etc.
[196] Correspondance de Mme la duchesse d'Orléans, princesse Palatine, 9 août 1718, t. I, p. 442-443 (édition Gustave Brunet).
[197] Ouvrage cité, 18 août 1718, t. I, p. 445.
[198] Ouvrage cité, 18 avril 1705, t. I, p. 78, et passim.
[199] Correspondance de Madame, duchesse d'Orléans, édition Ernest Jaeglé; dans la Revue bleue, 17 avril 1880, p. 1000.
[200] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 190;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France, article Noailles (Anne, comte puis premier duc de).
[201] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 361.
[202] SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. I, p. 180.
[203] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 122.
[204] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 143-144.
[205] Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 6 et 372-373.
[206] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 428. Cette troisième fille de Mme de Chamillard porte les prénoms de Geneviève-Thérèse dans Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 153.
[207] SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. VII, p. 60-61.
[208] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 124.
[209] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 413;—SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. IV, p. 73, et t. VII, p. 130 et suiv.;—Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[210] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 205.
[211] Cf. Eugène ASSE, les Bourbons bibliophiles, p. 49-50.
[212] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 188.
[213] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 416.
[214] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 5.
[215] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 207.
[216] Ibid.
[217] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 207.
[218] Cf. G. DE LÉRIS, la Comtesse de Verrue, p. 208-226 et passim (Paris, Quantin, 1881);—et Édouard FOURNIER, l'Art de la reliure en France, p. 189.
[219] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 159.
[220] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 418;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 143.
[221] Causeries du lundi, t. III, p. 56 et suiv.
[222] Cf. M. DE LESCURE, Notice sur la marquise de Caylus, en tête de ses Souvenirs, p. 30 (édition Jannet-Picard).
[223] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 320.
[224] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 113;—et M.-N. BOUILLET, Atlas universel d'histoire et de géographie, p. 520-521.
[225] Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 350.
[226] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 432;—Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 114-115;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France, article Condé (Louis III, prince de).
[227] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 164.
[228] Cf. Paul MESNARD, notice biographique, en tête des Lettres de Mme de Sévigné, édition des Grands Écrivains, t. I, p. 228.
[229] ID., ouvrage cité, t. I, p. 298.
[230] Cf. Paul MESNARD, ouvrage cité, t. I, p. 298.
[231] SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. III, p. 121-122.
[232] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 421.
[233] Cf. Mme DE CAYLUS, Souvenirs, p. 193-194 (édition Jannet-Picard);—Mme DE STAAL-DELAUNAY, Mémoires, p. 112 et suiv. et passim (édition Jannet-Picard);—Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 107-108;—et Eugène ASSE, les Bourbons bibliophiles, p. 93-94.
[234] Eugène ASSE, ibid.
[235] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 140;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 349, article de M. Maurice Tourneux: Bibliothèques féminines au XVIIIe siècle.
[236] SAINT-SIMON, ouvrage cité, t. VIII, p. 438.
[237] ID., ibid.
[238] Mémoires de la duchesse de Brancas, Préface par Eugène Asse, p. XXXI (Paris, Jouaust, 1890).
[239] Journal, 22 novembre 1740 (édition Rathery).
[240] Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 208.—Voir aussi Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 422.
[241] Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 348, article de M. Maurice Tourneux.
[242] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 425;—Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 204;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 349, article de M. Maurice Tourneux.
[243] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 137.
[244] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 173-174.
[245] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. I, p. 620.
[246] Ouvrage cité, t. VI, p. 230-231.
[247] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 195.
[248] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 176.
[249] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 429.
[250] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 134.
[251] Cf. le Père ANSELME, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France...;—Gallia Christiana;—et Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 428, qui date de 1714 la nomination de cette religieuse comme abbesse du Trésor.
[252] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 129. «Victoire-Françoise», dit M.-N. BOUILLET, Atlas universel d'histoire et de géographie, p. 753 et 754.
[253] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 190.
[254] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 150.
[255] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 126.
[256] Cf. Eugène ASSE, les Bourbons bibliophiles, p. 49.
[257] Ouvrage cité, t. I, p. 101.
[258] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 20.
[259] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 26.
[260] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 110.
[261] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 434;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 116.
[262] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 437.
[263] Lettre du 22 février 1772; t. II, p. 219 (édition M. de Lescure).
[264] Lettre du 2 avril 1773; t. II, p. 380 (édition Sainte-Aulaire).
[265] Lettre du 8 mars 1767; t. I, p. 415 (édition M. de Lescure).
[266] Lettre du 19 novembre 1771; t. II, p. 87 (édition Sainte-Aulaire).
[267] Lettre de d'Alembert à la marquise du Deffand, 25 juin 1763; t. I, p. 276 (édition M. de Lescure).
[268] M. DE LESCURE, notice en tête des Mémoires de Mme de Staal-Delaunay, t. I, p. 7 (édition Jannet-Picard).
[269] Tome I, p. 412 et suiv.
[270] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 132.
[271] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 438.
[272] Mémoires, t. XII, p. 429; voir aussi pages suivantes;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[273] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 163.
[274] Les Historiettes, t. I, p. 228.
[275] TALLEMANT DES RÉAUX, ouvrage cité, t. IV, p. 135.
[276] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 192.
[277] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 139.
[278] Ouvrage cité, t. I, p. 145.
[279] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 415.
[280] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 189.
[281] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 130.
[282] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 132.
[283] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 151.
[284] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 169:—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[285] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 130.
[286] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 137.
[287] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 138.
[288] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 141.
[289] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 406.
[290] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 153.
[291] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 153.
[292] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 161.
[293] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 165.
[294] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 399.
[295] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 406.
[296] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 408.
[297] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 178.
[298] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 404.
[299] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 202, et t. II, p. 447-448;—MICHAUD, Biographie universelle;—Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France;—etc.
[300] MICHELET, Histoire de France, t. XVIII, chap. VII, p. 119 (Paris, Marpon et Flammarion, 1879).
[301] Cf. Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 118.
[302] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 40 et suiv. et p. 97, note 1.—Voir aussi Antony VALABRÈGUE, les Princesses artistes, p. 18 et suiv. (Paris, Dupret, 1888).
[303] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 443.
[304] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 187;—Correspondance de Mme du Deffand, t. III, p. 475, et passim (édition Sainte-Aulaire);—etc.
[305] Sainte-Beuve, qui la qualifie d'«arbitre souverain de l'usage et de la politesse», dit qu'«elle l'avait pour amant déjà (le maréchal de Luxembourg), depuis quelques années, et n'en faisait point mystère: on a des couplets d'elle, où elle s'en vante à la face de la première duchesse de Luxembourg, laquelle avait pour ami, de son côté, Pont-de-Veyle, de même que Mme du Châtelet avait Voltaire. Toutes ces passions, toutes ces liaisons se mêlaient, s'entre-croisaient, et à ciel découvert... Les mœurs de Mme de Boufflers furent celles du grand monde de son temps, c'est-à-dire plus que légères.» (Nouveaux Lundis, t. IV, p. 7 et 8.)
[306] Pour que ce quatrain fût régulier, il faudrait une rime à plaire; aussi a-t-on proposé diverses corrections, celles-ci, par exemple:
On croyait voir d'Amour la mère;
ou bien:
Venant de l'île de Cythère.
(Cf. l'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 7 juillet 1899, col 2.)
[307] SAINTE-BEUVE, Nouveaux Lundis, t. IV, p. 11.
[308] J'en trouve même une quatrième, bibliophile tout au moins celle-ci, la DUCHESSE DE BOUFFLERS, Marie-Anne-Thérèse-Philippe de Montmorency-Laval (....-....), mariée, en 1747, à Charles-Joseph de Boufflers, né en 1731, et mort en 1751, à vingt ans. Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 138.
[309] Nouveaux Lundis, t. IV, p. 164-165.
[310] SAINTE-BEUVE, Nouveaux Lundis, t. IV, p. 178-179.
[311] Dans SAINTE-BEUVE, Nouveaux Lundis, t. IV, p. 227-228.
[312] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 183;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 351, article de M. Maurice Tourneux sur les Bibliothèques féminines au XVIIIe siècle.
[313] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 186.
[314] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 198;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 349, article de M. Maurice Tourneux.
[315] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 140;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 350, article de M. Maurice Tourneux.
[316] Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 350, article de M. Maurice Tourneux.
[317] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 205.
[318] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 153.
[319] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 136.
[320] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 443;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 172.—Marsan était une branche de la maison de Lorraine: cf. Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France, article Marsan.
[321] Joannis GUIGARD (ouvrage cité, t. I, p. 203) donne à Mlle Marie-Geneviève-Charlotte Darlus le nom de Thiroux de Lailly et la fait mourir en 1766.—Cf. Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France:—MICHAUD, ouvrage cité;—LAROUSSE, ouvrage cité;—etc.
[322] Cf. Antony VALABRÈGUE, ouvrage cité, p. 25.
[323] Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 65.
[324] Édouard FOURNIER, ouvrage cité, p. 193. Encore une remarque empruntée au grand ouvrage d'Ernest Quentin-Bauchart (Avertissement, p. 3): «Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, au XVIe siècle,—la Grande Mademoiselle et la comtesse de Verrue, au XVIIe,—Mme de Pompadour, au XVIIIe,—sont les seules qui aient laissé de véritables bibliothèques; et si d'autres, telles que Marie de Médicis, Anne d'Autriche, la duchesse de Bourgogne, la marquise de Maintenon, etc., ont possédé des livres qui jouissent également d'une grande faveur auprès des amateurs, c'est moins à leur valeur intrinsèque que cette faveur est due qu'à la beauté de leur reliure et à leur origine.»
[325] Edmond et Jules DE GONCOURT, Mme de Pompadour, p. 255, note 1 (Paris, Firmin Didot, 1888, in-4).
[326] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 160.
[327] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 162.
[328] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 448.
[329] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 166.
[330] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 147.
[331] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 127.
[332] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 191.
[333] Paul BOITEAU, Introduction aux Mémoires de Mme d'Épinay, t. I, p. 1 (Paris, Charpentier, s. d.).—Cf. aussi Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 449.
[334] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 448.
[335] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 205.
[336] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 154.
[337] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 165.
[338] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 191;—et Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 450.
[339] Cf. ID., ouvrage cité, t. II, p. 451-452.
[340] Cf. Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.—Voir aussi une note de la Correspondance de la marquise du Deffand, édition M. de Lescure, t. II, p. 111, note 3. Louis Jourdan a publié, sur le chevalier d'Éon, une sorte de roman, un Hermaphrodite (Paris, Dentu, 1861), dont la paternité lui a été contestée par Frédéric Gaillardet: cf. LORENZ, Catalogue général... 1840-1865. t. III, p. 47, article Jourdan (Louis).
[341] Cf. LAROUSSE, ouvrage cité, article Diderot.
[342] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 131.
[343] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 108;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 163.
[344] Elle a même composé une scabreuse pièce de vers, dont Diderot parle dans une de ses lettres à Mlle Voland (Lettre XLI, 30 septembre 1760, t. I, p. 282-283; Paris, Paulin, 1830): «Mme d'Houdetot fait de très jolis vers; elle m'en a récité quelques-uns qui m'ont fait grand plaisir. Il y a tout plein de simplicité et de délicatesse. Je n'ai osé les lui demander; mais si je puis lui arracher un Hymne aux tétons qui pétille de feu, de chaleur, d'images et de volupté, je vous l'enverrai. Quoiqu'elle ait eu le courage de me le montrer, je n'ai pas eu celui de le demander.»
[345] Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 351, article de M. Maurice Tourneux.
[346] Causeries du lundi, t. XV, p. 229.
[347] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 200.
[348] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 97. «En 1758, sous la direction de Delespine, paraît un livre exécuté à Versailles, dans l'imprimerie de la Dauphine, mère de Louis XVI, intitulé Élévation du cœur à Jésus-Christ, etc., imprimé de la main de madame la Dauphine, in-16.» (Ambroise FIRMIN-DIDOT. Essai sur la typographie, colonne 847; Paris, Didot, 1851.)
[349] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 117.
[350] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 454-455;—Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 189;—et LAROUSSE, ouvrage cité.
[351] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 148.
[352] Ouvrage cité, t. II, p. 131.
[353] Cf. Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 123.
[354] «L'écu des filles non mariées a la forme d'un losange; plus généralement elles le portent en ovale.» (H. GOURDON DE GENOUILLAC, l'Art héraldique, chap. I, p. 14; Bibliothèque de l'enseignement des beaux-arts.)
[355] Dans Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 120.
[356] Les Reliures d'art à la Bibliothèque nationale, p. XXI.—Voir aussi, sur Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie,—«que l'on connaissait sans envie du bien, sans âme, sans caractère, sans franchise, sans amour pour leur père... Madame Sophie était une manière d'automate, aussi nulle pour l'esprit que pour le caractère...»—le DUC DE LA ROCHEFOUCAULD-LIANCOURT, Mémoire sur la mort de Louis XV, dans SAINTE-BEUVE, Portraits littéraires, t. III, p. 533;—et Nouveaux Lundis, t. VIII, p. 326, article sur Marie-Antoinette.
[357] Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 122.
[358] Cf. SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, t. VIII, p. 130, note 1.
[359] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 169.
[360] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 197.
[361] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 209.
[362] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 182;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 350, article de M. Maurice Tourneux.
[363] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 452-453;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 146.
[364] Lettre à Mme du Deffand, 23 juin 1771 (Correspondance de Mme du Deffand, t. I, p. 443; édition Sainte-Aulaire).
[365] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 197;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[366] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 453.
[367] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 176.
[368] Madame de Montesson et ses œuvres anonymes, dans la Revue des livres anciens, année 1894, t. II, p. 111-112.
[369] Cf. Paul CHAPONNIÈRE, ouvrage cité, p. 112-113.
[370] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 456;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[371] Tome I, chap. I, p. 11. Voir aussi même tome, chap. XVIII, p. 215.
[372] Cf. LAROUSSE, ouvrage cité;—MICHAUD, ouvrage cité. M. Paul CHAPONNIÈRE (ouvrage cité, p. 114 et suiv.) donne en détail la bibliographie des œuvres de Mme de Montesson.
[373] Ouvrage cité, t. I, p. 209-210.
[374] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 166.
[375] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 192.
[376] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 161.
[377] La date de naissance de la fameuse courtisane a été très contestée: les uns ont dit 1744, d'autres 1746. Les Goncourt, dans leur ouvrage sur La Du Barry, pages 6 et 25 (Paris, Charpentier, 1891) ont traité cette question et publié l'acte authentique.
«Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus dite Quantiny, est née le dix-neuvième août de l'an mil sept cent quarante-trois...»
[378] Ouvrage cité, t. I, p. 152.
[379] Ouvrage cité, t. II, p. 190. «Elle se composait de 1068 volumes de toutes grandeurs», dit Paul Lacroix (bibliophile Jacob) dans une lettre adressée au Monde illustré, 31 mars 1860, p. 214-215, et citée par Édouard FOURNIER, l'Art de la reliure, p. 194, note 1.
[380] Dans les Miscellanées bibliographiques, 2e partie, p. 103-132 (Paris, Rouveyre, 1879).
[381] Cf. Paul LACROIX (bibliophile Jacob), lieu cité.
[382] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 190-191.
[383] «Avec intelligence» me semble contestable.
[384] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 146.
[385] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 155.
[386] Cf. Joannis GUIGARD. ouvrage cité, t. I, p. 156.
[387] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 170.
[388] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 141.
[389] «On n'a jamais été plus décidément écriveuse que Mme de Genlis.» (SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. III, p. 25.)
[390] Ludovic LALANNE, Curiosités littéraires, p. 142.—Voir aussi Honoré BONHOMME, Mme la comtesse de Genlis, sa vie, son œuvre, sa mort (Paris, Jouaust, 1885). On trouve dans Choses vues de Victor Hugo (année 1844, le roi Louis-Philippe, p. 79-82; Paris, Charpentier, 1888), de curieux détails sur Mme de Genlis, que Victor Hugo tenait de la bouche même de Louis-Philippe, ancien élève, comme on le sait, de cette illustre dame et maîtresse femme: «C'était un rude précepteur, je vous jure. Elle nous avait élevés avec férocité, ma sœur et moi. Levés à six heures du matin, hiver comme été, nourris de lait, de viandes rôties et de pain; jamais une friandise, jamais une sucrerie, force travail, pas de plaisir. C'est elle qui m'a habitué à coucher sur des planches. Elle m'a fait apprendre une foule de choses manuelles; je sais, grâce à elle, un peu faire tous les métiers, y compris le métier de frater. Je saigne mon homme comme Figaro. Je suis menuisier, palefrenier, maçon, forgeron. Elle était systématique et sévère. Tout petit, j'en avais peur; j'étais un garçon faible, paresseux et poltron; j'avais peur des souris! elle fit de moi un homme assez hardi et qui a du cœur. En grandissant, je m'aperçus qu'elle était fort jolie. Je ne savais pas ce que j'avais près d'elle. J'étais amoureux, mais je ne m'en doutais pas. Elle, qui s'y connaissait, comprit et devina tout de suite. Elle me traita fort mal. C'était le temps où elle couchait avec Mirabeau. Elle me disait à chaque instant: «Mais, monsieur de Chartres, grand dadais que vous êtes, qu'avez-vous donc à vous fourrer toujours dans mes jupons!»—Elle avait trente-six ans, j'en avais dix-sept.»
Ce qui n'empêcha pas, comme le prouve Gaston Maugras, dans l'Idylle d'un gouverneur (la comtesse de Genlis et le duc de Chartres; Paris, Plon, 1904), ladite gouvernante ou gouverneur de parfaire l'éducation de son élève «jusqu'à et y compris la suprême éducation de l'amour».
«Les dernières années de Mme de Genlis, continue Victor Hugo, furent pauvres et presque misérables. Il est vrai qu'elle n'avait aucun ordre et semait l'argent sur les pavés. Le roi (Louis-Philippe) la venait voir souvent; il la visita jusqu'aux derniers jours de sa vie. Sa sœur, Mme Adélaïde, et lui ne cessèrent de témoigner à Mme de Genlis toute sorte de respect et de déférence. Mme de Genlis se plaignait seulement un peu de ce qu'elle appelait la ladrerie du roi. Elle disait: «Il était prince, j'en ai fait un homme; il était lourd, j'en ai fait un homme habile; il était ennuyeux, j'en ai fait un homme amusant; il était poltron, j'en ai fait un homme brave; il était ladre, je n'ai pu en faire un homme généreux. Libéral, tant qu'on voudra; généreux, non.»
[391] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 203.
[392] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 223.
[393] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 179.
[394] Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[395] Ouvrage cité, t. II, p. 457.
[396] Ouvrage cité, t. I, p. 193. Sans doute par suite d'une faute d'impression, Joannis Guigard fait naître la duchesse de Polignac en 1739.
[397] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 128.
[398] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 142.
[399] Cf. SAINTE-BEUVE, Nouveaux Lundis, t. V, p. 437, 424 et 426; et t. VI, p. 55;—et Edmond et Jules DE GONCOURT, Portraits intimes du dix-huitième siècle, la comtesse d'Albany, p. 442 et 446.
[400] Cf. ERNEST QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 314.
[401] Cf. Jean DE REUILLY, La Raucourt et ses amies, p. 63-64 (Paris, Daragon, 1909).
[402] Jean DE REUILLY, ouvrage cité, p. 217.
[403] «C'était fatal!» ajoute ici, en note, M. Jean DE REUILLY, ouvrage cité, p. 218, à qui j'emprunte cette nomenclature, et qui donne, en cet endroit, le catalogue détaillé de cette bibliothèque.
[404] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, p. 458.
[405] Tome III, p. 11-12 et 23-29 (Paris, Bibliothèque nationale, 1869).
[406] «Des livres et des fleurs», ce rapprochement, cette dualité, se retrouve plus d'une fois dans l'histoire littéraire, dans la vie et les goûts des bibliophiles. C'est d'abord Cicéron traçant le portrait de «l'homme heureux»: Si hortum in bibliotheca habes, deerit nihil, écrit-il (Ad familiares [Varroni], No 451; CICÉRON, Œuvres complètes, t. V, p. 411; collection Nisard; Paris, Didot, 1881). Puis Urbain Chevreau (1615-1701), qui avait été secrétaire de la reine Christine de Suède (dans Charles NODIER, l'Amateur de livres, les Français peints par eux-mêmes, t. II, p. 83; Paris, Delahays, s. d.): «Je ne m'ennuie point dans ma solitude, où j'ai une bibliothèque assez nombreuse pour un ermite, et admirable pour le choix des livres... J'y ai des tableaux, des estampes; un grand parterre tout rempli de fleurs, des arbres fruitiers;» etc. Et M. Octave Uzanne (Nos amis les livres, p. 268): «Seigneur, s'écriait un ancien, accordez-moi une maison pleine de livres, un jardin plein de fleurs!» Il semble que, dans cette prière, soit contenue toute la quintessence de la sagesse humaine: les fleurs et les livres masquent les tristesses de cette vie, et nous font aller en souriant, l'œil égayé, l'esprit bienheuré, jusqu'au jour de la grande échéance définitive, au vrai quart d'heure de Rabelais.» Cf. aussi le célèbre sonnet de l'imprimeur Plantin (1514-1589) sur «le Bonheur de ce monde»:
Avoir une maison commode, propre et belle,
Un jardin tapissé d'espaliers odorants,
Etc.
(Cf. mon ouvrage le Livre, t. I, p. 181, note 1.)
[407] Au château de la Verrie (ou de la Vérie, Vendée, arrondissement de la Roche-sur-Yon). C'est là que naquit Mlle de Lézardière. Elle mourut au château de la Proutière (même département, arrondissement des Sables-d'Olonne, commune de Poiroux), qui appartient encore à la famille de Lézardière.
[408] GAILLARD, dans le Journal des savants, avril 1791.
[409] Malesherbes, entre autres, qui fit envoyer à Mlle de Lézardière des livres de la bibliothèque du roi et du couvent des bénédictins de Poitiers.
[410] Augustin THIERRY, Considérations sur l'histoire de France, chap. III, p. 104 (Paris, Furne, 1868).
[411] Cf. ID., ouvrage cité, p. 113;—LAROUSSE, ouvrage cité;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[412] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 279.—Sur cette bibliothèque de Marie-Antoinette, on consultera avec intérêt un article de Jules Janin (sous le pseudonyme d'Éraste), publié dans l'Indépendance belge et reproduit dans le journal le Voleur, no du 24 octobre 1862, p. 409-411. Il en ressort que Marie-Antoinette a possédé surtout des livres futiles, légers même, Faublas, par exemple; mais pas de livres obscènes, pas de livres «scandaleux». On rencontrait, en revanche, sur ses rayons, très peu de chefs-d'œuvre, très peu de bons ouvrages: rien de Bossuet, rien de Pascal, de J.-J. Rousseau, de Buffon, etc.
[413] Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 126.
[414] Cf. ID., ouvrage cité, p. 127.
[415] Cf. Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 127-128.
[416] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 335.
[417] Cf. LAROUSSE, ouvrage cité, article Devonshire.
[418] Cf. Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France, article Condé.
[419] Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 298, note 1.
[420] Ouvrage cité, p. 129 et suiv.
[421] Voir ci-dessus, p. 180, note 354.
[422] Cf. Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 133.
[423] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 185.
[424] Histoire de la Révolution française, livre XII, chap. IV, t. VII, p. 321 et suiv. (Paris, Marpon et Flammarion, 1879).
[425] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 462.
[426] Cf. ouvrage cité, t. II, p. 459.
[427] La Piété au dix-neuvième siècle, p. 21 (Paris, Michel Lévy, 1864). On possède trente-cinq de ces cahiers d'extraits de lectures, nous apprend Sainte-Beuve qui a consacré à Mme Swetchine deux importants articles (Nouveaux Lundis, t. I, p. 209-254).
[428] Cf. Jules LEVALLOIS, ouvrage cité, p. 31-32;—et SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. I, p. 254.
[429] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 100.
[430] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 123.
[431] Paris, Plon, 1852; non mis en vente.
[432] Causeries du lundi, t. XIII, p. 189-209.
[433] Cf. SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. XIII, p. 195.
[434] Cf. SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. XIII, p. 195-196.
[435] Cf. SAINTE-BEUVE, ouvrage cité, t. XIII, p. 203-204.
[436] Cf. ID., ouvrage cité, t. XIII, p. 207.
[437] ID., ouvrage cité, t. XIII, p. 209, note 1.
[438] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 166.
[439] Page 134.
[440] Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 134-135.
[441] Paris, Bonange père, Techener et Bataillard, in-8, 264 pages.
[442] Cf. Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 139;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 106-107.
[443] Cf. ID. ouvrage cité, t. I, p. 161.
[444] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 154.
[445] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 201.
[446] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 190.
[447] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 170.
[448] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 133.
[449] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 172.
[450] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 187.
[451] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 424.
[452] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 133.
[453] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 188.
[454] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 132;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 349, article de M. Maurice Tourneux.
[455] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 162.
[456] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 179.
[457] Cf. la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 349, article de M. Maurice Tourneux.—Il ne faut pas confondre, comme on l'a fait parfois, Mme Thiroux de Lailly, née de Millery, décédée en 1766, avec Mme Thiroux d'Arconville, née Darlus (1720-1805), ni non plus Mme Thiroux de Crosne, née de la Michodière (1747-....).
[458] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 182;—et la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 350, article de M. Maurice Tourneux.
[459] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 168.
[460] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 177.
[461] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 155.
[462] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 206.
[463] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 461.
[464] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 192.
[465] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 131.
[466] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 134.
[467] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 135, qui ne donne aucune date relative à cette bibliophile.
[468] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 136.
[469] Cf. ID., ibid.
[470] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 138.
[471] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 168.
[472] Variétés littéraires, morales et historiques, t. I, p. 246 (Paris, Didier-Perrin, 1884, 2 vol. in-12, 5e édition).
[473] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 142.
[474] Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France. Le duc de la Vallière aimait tellement les livres qu'il passe pour ne pas s'être toujours montré fort scrupuleux sur les moyens de s'en procurer, du moins dans sa vieillesse et lorsque sa passion était devenue manie. «N'est-il pas arrivé maintes fois que son valet de chambre reportât le lendemain aux divers marchands les bijoux (bibliographiques) qu'il trouvait dans les poches de son maître sans que celui-ci les eût achetés?» (Paulin PARIS, Notice sur Tallemant des Réaux, les Historiettes, t. VI, p. 427 (Paris, Techener, 1862).
[475] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 145-146.
[476] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 147.
[477] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 150.
[478] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 151.
[479] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 156.
[480] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 155.
[481] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 159.
[482] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 160.
[483] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 166.
[484] Cf. la Revue des livres anciens, année 1914, fascicule IV, p. 351, article de M. Maurice Tourneux;—et l'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 20 juin 1908, col. 926.
[485] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 167.
[486] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 169.
[487] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 173.
[488] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 174.
[489] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 446;—et Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 174. A propos de la bibliothèque de Mlle Le Duc, Joannis Guigard écrit: «La Bibliophilie... faisait partie de l'existence mondaine au dix-huitième siècle. Les grandes dames surtout auraient cru manquer à tous leurs devoirs si elles n'avaient pu montrer, dans un salon richement orné, des livres aux fers merveilleux des Derome ou Padeloup.»
[490] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 176.
[491] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 177.
[492] Cf. ID., ibid.
[493] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 178.
[494] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 179;—et Ludovic LALANNE, Dictionnaire historique de la France.
[495] Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 183.
[496] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 186.
[497] Cf. ID., ibid.
[498] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 187.
[499] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 137.
[500] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 198, qui ne donne aucune date relative à cette bibliophile. L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, No du 20 juin 1908, colonne 926, donne Rolland de Challerange, et non Roland de Challerauge. Ludovic Lalanne, dans son Dictionnaire historique de la France, donne Challeranges.
[501] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 198.
[502] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 200.
[503] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 122.
[504] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 202, qui ne donne aucune date relative à cette bibliophile.
[505] Cf. Ernest QUENTIN-BAUCHART, ouvrage cité, t. II, p. 444.
[506] Cf. Joannis Guigard, ouvrage cité, t. I, p. 204.
[507] Colonnes 926-927.
[508] Au lieu de d'Aligny, peut-être faut-il lire d'Aligre; voir la page précédente: La MARQUISE d'Aligre.
[509] Colonnes 34-35.
[510] Peut-être la même que nous avons mentionnée p. 244.
[511] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 168.
[512] Cf. Eugène ASSE, ouvrage cité, p. 138-139;—Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 104;—et ci-dessus, p. 180, note 3.
[513] Cf. la Revue universelle Larousse, année 1904, p. 81; article de M. H. Castets.
[514] SAINTE-BEUVE, Lettres à la Princesse (Paris, Michel Lévy, 1873, 5e édit.).
[515] Revue universelle Larousse, année 1904, p. 82; article de M. H. Castets.
[516] Année 1868, t. III, p. 240.
[517] Dans son beau volume les Amoureux du livre, p. 341.—Saluons ici, au passage, ce nom de François Fertiault, cher à tous ceux qui ont le culte des livres et des lettres. Né en juin 1814, à Verdun-sur-Doubs, «le cher petit pays», décédé à Paris en octobre 1915, c'est-à-dire dans sa cent-deuxième année, François Fertiault, l'auteur des Amoureux du livre, des Légendes du livre, des Drames et Cancans du livre, de la Vie du livre, des Soirs du Doyen, A cent ans, etc., a eu le très rare privilège, non seulement de mourir centenaire, mais de rester en possession de toutes ses facultés, de toute sa finesse d'esprit, de toute sa souriante accortise, de toute sa bonne humeur et de toute sa bonne grâce, jusqu'à son dernier jour. Il a été longtemps le doyen d'âge de la Société des gens de lettres, et il laisse, dans le monde des bibliophiles et des lettrés, un ineffaçable souvenir.
[518] Reproduit dans le journal le Voleur, 7 mai 1858, p. 11.
[519] Dates données par la Revue encyclopédique Larousse, année 1893, colonne 367.
[520] Voir notamment H. DE VILLEMESSANT, Mémoires d'un journaliste, Première série, chap. VI, p. 134-152;—Journal des Goncourt, année 1893, t. IX, p. 114 et 173-174;—Alidor DELZANT, Paul de Saint-Victor, p. 98-108 (Paris, Calmann Lévy, 1886);—Louis LOVIOT, Alice Ozy (Paris, Bibliothèque fantaisiste, 1910);—etc.
[521] Ouvrage cité, p. 135.
[522] «Mercredi 22 mars 1893.—Aujourd'hui, Alidor Delzant vient me voir. Naturellement la conversation est sur l'actrice Ozy, dont il vient d'hériter de 50.000 francs, qu'il destine à faire trois pensions à trois hommes de lettres. Il hérite aussi de papiers, parmi lesquels il y a des correspondances amoureuses de Gautier, de Saint-Victor, de Doré, et surtout tout un gros paquet de lettres d'About, qu'il déclare tout à fait charmantes de passion et d'esprit.» Etc. (Journal des Goncourt, année 1893, t. IX, p. 114-115.)
«Mercredi 6 décembre 1893.—... Parmi ces lettres des contemporains amants ou amoureux d'Alice Ozy, il y a tout un volume de lettres de Charles Hugo, de lettres très intéressantes, de lettres très belles, au moment où Ozy, courtisée par le vieil Hugo, est prête à lui céder, et où le fils lui écrit qu'il ne veut pas partager cet incestueux commerce, et qu'il se retire, le cœur déchiré.» (Ibid., p. 174.)
[523] Ouvrage cité, p. 98-99.
[524] H. DE VILLEMESSANT, ouvrage cité, p. 149.
[525] Dates données par la Revue encyclopédique Larousse, année 1900, p. 715.
[526] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 150;—et la Revue encyclopédique Larousse, lieu cité.
[527] Cf. la Revue (ancienne Revue des Revues), 1er août 1914, p. 336-337; article sur les Fermiers généraux, par Louis Pépin.
[528] «C'est peut-être le plus beau livre illustré publié au dix-huitième siècle», dit M. Édouard Rahir (La Bibliothèque de l'amateur, Guide sommaire à travers les livres... p. 261).
[529] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 195.
[530] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 113;—et M.-N. BOUILLET, Atlas universel d'histoire et de géographie, p. 477.
[531] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 134.
[532] La Gazette de France, dans la Bibliographie de la France, 19 août 1910, p. 161.
[533] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 141.
[534] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 165.
[535] Cf. ID., ouvrage cité. t. I, p. 190.
[536] Cf. Joannis GUIGARD, ouvrage cité, t. I, p. 198.
[537] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 135.
[538] Cf. ID., ouvrage cité, t. I, p. 131.
[539] ZED (comte de Maugny), le Demi-Monde sous le second empire, p. 52 (Paris, Kolb, s. d.).
[540] Cf. le journal le Voleur, 6 août 1869, p. 495.
[541] Pseudonyme du docteur Bonnet de Malherbe. Indiscrétions contemporaines, Souvenirs intimes, p. 390 (Paris, Calmann Lévy, 1885).
[542] Journal des Goncourt, année 1879, t. VI, p. 59.
[543] Année 1893; t. IX, p. 125.
[544] Cf. François FERTIAULT, les Amoureux du livre, p. 340-341.
[545] Cf. ID., ibid.
[546] Cf. ID., ibid.
[547] Cf. ID., ibid.
[548] Cf. ID., ibid.
[549] Cf. ID., ibid.
[550] Cf. ID., ibid.
[551] Cf. la Revue biblio-iconographique, février 1904, p. 88 et suiv.
[552] Dont trois volumes sont parus: Paris, Alphonse Picard, 1897, 1906 et 1909. Ce vaste répertoire, qui présente un intérêt de premier ordre pour ceux qui s'occupent de l'histoire de l'imprimerie, formera sept volumes. «Chef-d'œuvre de la nouvelle école bibliographique», a dit Léopold Delisle en parlant de cet ouvrage, dans l'introduction du Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale, t. I, p. LXXVI. Mlle Pellechet n'a pu que publier «le premier volume de ce grand ouvrage, qu'elle avait entrepris à ses frais, mais dont elle a assuré l'achèvement par un legs spécial. M. Louis Polain continue dignement l'œuvre de celle dont il avait été le collaborateur et l'ami.» (Bulletin officiel de l'Union syndicale des maîtres imprimeurs de France, avril 1914, p. 167, note 2; article de M. Paul Lacombe sur l'Histoire de l'imprimerie en France.)
I FEMMES BIBLIOPHOBES |
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PAGES | |
I | 1 |
II | 9 |
III | 15 |
IV | 21 |
II FEMMES BIBLIOPHILES |
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I | 29 |
II | 40 |
III | 55 |
IV | 66 |
V | 85 |
VI | 155 |
VII | 247 |
ADDENDA | 270 |
INDEX ALPHABÉTIQUE | 271 |
ALENÇON.—IMP. GEO. SUPOT.